N° 1964
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
relatif à l’avenir de la gouvernance de la pêche française
au service d’une gestion partagée de la ressource halieutique
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Stéphane BUCHOU et M. Damien GIRARD
Députés
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SOMMAIRE
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Pages
I. Une gouvernance en quête de lisibilité, de représentativité, de transparence et d’efficacité
A. Améliorer la gouvernance de la filière pêche française
1. La représentation des intérêts de la pêche française
a. Les organisations professionnelles de la pêche
b. Les organisations de producteurs
2. Une filière sans interprofession
3. Le rôle de la puissance publique à réaffirmer
a. L’administration de la pêche
b. Les missions exercées par l’État en matière de pêche
i. La définition de la politique de conservation des ressources halieutiques
ii. Le contrôle du respect de la réglementation
iii. L’organisation du dialogue de filière
iv. La production et le partage des données
v. La gestion des soutiens publics
4. La gouvernance de la pêche ultra-marine
1. Une gouvernance en décalage avec la diversité de la pêche française
a. Rééquilibrer la composition des comités des pêches
b. Repenser les conditions de désignation des membres des comités de pêches
a. Mieux associer les pêcheurs, « sentinelles du vivant », à la prise de décision
b. Améliorer les échanges entre le monde de la pêche et la société civile
a. Les principes fondamentaux qui déterminent les quotas et les droits de pêche
b. Un état de la ressource encore inquiétant
2. Une incompréhension croissante chez les pêcheurs
a. Une baisse de la ressource liée aux changements environnementaux et à la pollution
b. Une pêche industrielle trop peu contrôlée
3. La nécessité de donner plus de visibilité aux pêcheurs
B. l’évaluation de la ressource : un facteur clé à consolider
1. Les fondements des avis scientifiques
c. La critique du programme « Obsmer »
3. Favoriser une gestion de la ressource conduite par les pêcheurs
C. La nécessaire modernisation de la répartition des sous-quotas
1. Le renforcement de la transparence des plans de gestion
2. Un système d’antériorité à transformer
a. Un système archaïque à revoir
b. Une sous-consommation difficile à résorber
i. Les quotas de la réserve nationale
ii. Les quotas de la réserve dans les organisations de producteurs (OP)
iii. La nécessité d’entamer une refonte du système d’attribution des sous-quotas
d. Accompagner les pêcheurs qui s’engagent dans une pêche durable
3. La protection de la pêche artisanale comme rempart à la fuite des droits
a. Le transfert de droits de pêche au moment de la vente ou par l’entrée au capital d’un armement
b. La question du lien économique avec le territoire
c. La question épineuse de la définition de la pêche artisanale
Liste des personnes auditionnÉes
Personnes entendues lors des dÉplacements
(Par ordre d’apparition dans le rapport)
Proposition n° 1 : Instaurer une organisation interprofessionnelle de la pêche maritime reconnue officiellement et représentant tous les acteurs de la filière.
Proposition n° 2 : Intégrer des parlementaires dans la composition du comité de pilotage du contrat stratégique de filière.
Proposition n° 3 : Mieux distinguer les missions d’animation de filière assurées par l’organisation interprofessionnelle et l’organisation du dialogue avec les parties prenantes extérieures à l’interprofession par le comité spécialisé de FranceAgriMer.
Proposition n° 4 : Enrichir la production de l’observatoire économique de la pêche pour répondre aux attentes et aux besoins exprimés par les professionnels et par l’administration.
Proposition n° 5 : Réaffirmer le rôle de l’État stratège ainsi que l’accompagnement et le soutien des pêcheurs par la puissance publique aux niveaux européen, national et local.
Proposition n° 6 : Assurer la représentation des intérêts spécifiques de la pêche artisanale et de la petite pêche côtière en créant un collège consacré au sein des comités des pêches.
Proposition n° 7 : Élargir la composition du bureau du CNPMEM de façon à ce que chaque comité régional y soit représenté.
Proposition n° 8 : Prévoir la présence en tant qu’observateurs de représentants de l’État et d’élus au sein des conseils des comités des pêches.
Proposition n° 9 : Prévenir les conflits d’intérêts en interdisant le cumul entre un mandat de président d’un comité des pêches, d’autres mandats et certaines fonctions ou activités.
Proposition n° 10 : S’appuyer sur les conclusions de la mission ministérielle pour définir rapidement un statut de l’élu qui soit opérationnel avant les prochaines élections professionnelles.
Proposition n° 11 : Instaurer la possibilité de voter par voie électronique pour les élections professionnelles de 2027, tout en garantissant la transparence des opérations électorales.
Proposition n° 12 : Envisager de privilégier le consensus au sein des collèges pour la désignation de leurs représentants aux comités régionaux, départementaux et interdépartementaux des pêches et rendre subsidiaire le recours à l’élection.
Proposition n° 13 : S’inspirer du modèle des prud’homies pour valoriser les modes de gouvernance qui impliquent l’engagement et la régulation de l’activité par les pêcheurs au niveau local.
Proposition n° 14 : Instaurer un moratoire de dix ans sur la délivrance des autorisations environnementales pour les élevages de saumons dont la totalité du grossissement est prévue dans des installations aquacoles à circuit fermé.
Proposition n° 15 : Entamer, à horizon de moyen ou long terme, un cycle de négociation afin de revoir la répartition des quotas par pays de l’Union européenne.
Proposition n° 16 de votre rapporteur Damien Girard : Limiter l’effort de pêche à un niveau plus bas que celui autorisé par la PCP pour les stocks les plus fragiles, en se fondant sur le modèle du rendement économique maximum (maximum economic yield), et compenser les éventuelles pertes financières aux pêcheurs à court terme.
Proposition n° 17 : Avancer le calendrier de négociation du conseil des ministres de l’Union européenne.
Proposition n° 18 : Systématiser le nombre de stocks soumis à des quotas pluriannuels et lisser les évolutions interannuelles des quotas qui ne sont pas soumis à des quotas pluriannuels.
Proposition n° 19 : Augmenter les subventions publiques dédiées à la recherche océanographique et halieutique. Envisager, pour l’interprofession, de flécher une partie de l’enveloppe du contrat stratégique de filière vers des projets de recherche élaborés et mis en œuvre avec les professionnels.
Proposition n° 20 : Multiplier les campagnes scientifiques auxquelles sont associés les pêcheurs.
Proposition n° 21 : Encourager les expérimentations lancées par les pêcheurs en soutien à la recherche.
Proposition n° 22 : Mettre en place l’embarcation de scientifiques sur les navires de pêche lorsque l’activité de pêche est impossible en raison de fermetures spatio-temporelles.
Proposition n° 23 : Réaliser une évaluation rigoureuse du programme Obsmer.
Proposition n° 24 : Systématiser les plans de gestion décidés et mis en œuvre par les pêcheurs au niveau local.
Proposition n° 25 : Publier systématiquement les plans de gestion des organisations de producteurs.
Proposition n° 26 : Améliorer la mise en œuvre de l’article 17 de la PCP afin de favoriser l’octroi de droits de pêche en fonction de critères socio-économiques et environnementaux.
Proposition n° 27 de votre rapporteur Damien Girard : Soutenir financièrement les pêcheurs qui s’engagent dans de nouvelles pratiques favorisant une pêche plus durable et engager un basculement progressif pour systématiser les engins de pêche améliorant la sélection intra et interspécifique.
Proposition n° 28 : Créer un observatoire de la structuration des entreprises de pêche.
Proposition n° 29 : Durcir et préciser les critères permettant de justifier d’un lien économique réel avec le territoire.
Proposition n° 30 : Définir juridiquement un modèle de pêche artisanale.
Le présent rapport d’information est le fruit du travail d’une mission qui a repris des travaux lancés sous la précédente législature par nos anciens collègues Sébastien Jumel et Luc Lamirault et qui n’ont pu aboutir en raison de la dissolution prononcée par le Président de la République, le 9 juin 2024. Il s’inscrit également dans la continuité du rapport d’information sur la pêche publié par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2019 ([1]), qui avait permis d’établir un certain nombre de constats, dont la plupart sont encore d’actualité.
La reprise des travaux de la mission débutée sous la seizième législature s’imposait pour vos rapporteurs. En effet, les défis à venir pour la pêche française sont nombreux et massifs.
La diminution ([2]) et le vieillissement de la flotte s’accélèrent, alors que sa modernisation pour garantir la sécurité des marins pêcheurs, de meilleures conditions de travail ou sa décarbonation ([3]) s’impose.
Source : Ifremer.
AT : Atlantique/ ME : Méditerranée
L’actuelle pyramide des âges conjuguée aux conditions de transmission des bateaux et des droits de pêche met en danger le renouvellement des générations.
En outre, des limitations croissantes de l’activité de pêche s’opèrent pour des motifs environnementaux (contraintes d’accès à certaines zones, d’ordres spatial et temporel, afin de limiter les captures accidentelles, développement des aires marines protégées, plans de sortie en raison de la diminution de la ressource), géopolitiques (Brexit) ou en raison du développement d’usages de la mer concurrents à la pêche (éolien offshore, extractions de granulats, réseaux de câbles, etc.). La pression de la société civile pour une pêche plus durable limitant l’impact sur la biodiversité et sur les fonds marins s’accentue. Les fermetures spatiales et temporelles, inévitables, deviennent plus prégnantes. Les pêcheurs subissent également de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique et de la pollution des eaux malgré leurs efforts pour préserver la ressource. Les volumes de pêche débarquée baissent pour des raisons diverses (plans de sortie de flotte, diminution des quotas, diminution de la ressource disponible) et la rentabilité de l’ensemble des acteurs de la filière est fragilisée.
Si le monde de la pêche peut regretter des difficultés et des contraintes plus fortes que par le passé, ces dernières s’imposent à lui et ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Des opportunités existent aussi, comme le contrat stratégique de filière permet de les entrevoir. Dans ce contexte difficile, il est urgent que le secteur de la pêche soit armé et organisé pour s’adapter à des évolutions structurelles.
Or, force est de constater que la gouvernance du secteur suscite aujourd’hui un certain nombre d’interrogations, chez les pêcheurs eux-mêmes. La représentation des pêcheurs est insuffisante. L’État joue moins son rôle de stratège aussi bien aux niveaux européen et national que local. La pêche artisanale est structurellement désavantagée par rapport à la pêche industrielle. La souveraineté nationale sur la pêche française est remise en cause. La répartition des droits de pêche n’est pas suffisamment transparente et s’appuie sur un modèle dépassé et sans réelle prise en compte des obligations prévues par la politique commune de la pêche ([4]).
Au cours de leurs auditions et de leurs déplacements, les rapporteurs ont pu constater que les pêcheurs ont besoin de perspectives claires pour se projeter dans l’avenir. Les rapporteurs s’inscrivent en faux contre la vision sombre d’un secteur en perdition, obsolète et voué à disparaître : le monde de la pêche est un monde vivant, réactif et mobilisable. Les évolutions du secteur ne pourront pas se faire sans les pêcheurs. Elles ne pourront pas non plus se faire sans un cap clair qui leur permette de se projeter, sans fermer les yeux sur les enjeux à surmonter. Le pire serait de ne rien faire.
*
* *
I. Une gouvernance en quête de lisibilité, de représentativité, de transparence et d’efficacité
Dans le cadre de la mission d’information sur la pêche menée en 2019 par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, une consultation citoyenne des marins pêcheurs intitulée « Marin pêcheur : un métier d’avenir ? » avait été organisée. Il était ressorti des réponses obtenues que 85 % des répondants estiment que cette gouvernance est inefficace et plus de 91 % la trouvent complexe ou très complexe.
La gouvernance de la filière n’a pas évolué depuis cette consultation, en dépit des propositions de cette mission d’information présidée par notre ancien collègue Sébastien Jumel (GDR) et dont notre collègue Annaïg Le Meur (LaREM) était rapporteure ([5]).
Les auditions et les déplacements menés dans le cadre de la présente mission ont confirmé la persistance de ce sentiment d’une gouvernance complexe, éclatée et peu représentative de la pêche française dans toute sa diversité.
Pourtant, lors des auditions, certains représentants des instances de la pêche française ont exprimé leur scepticisme sur le choix du sujet de la mission, estimant que la gouvernance « n’est pas un sujet ». Selon les rapporteurs, cette réaction traduit une certaine appréhension face aux choix qu’il appartient à la filière de faire rapidement pour relever les défis qui se présentent à elle. Le maintien du statu quo ne peut constituer une solution et beaucoup d’interlocuteurs rencontrés, notamment lors des déplacements de la mission, en sont d’ailleurs convaincus.
Cette réaction naturelle achève de convaincre les rapporteurs de la pertinence de s’interroger sur cette gouvernance, afin que la filière se donne les moyens de construire son avenir en renouvelant judicieusement la flotte de pêche et en pensant à l’installation des futurs pêcheurs.
Ces enjeux sont unanimement partagés et des moyens financiers inédits sont susceptibles d’être mobilisés. Pour autant, les défis qui se présentent ne pourront être relevés qu’à la condition de pouvoir s’appuyer sur une gouvernance rénovée.
A. Améliorer la gouvernance de la filière pêche française
1. La représentation des intérêts de la pêche française
La filière de la pêche en France est caractérisée par un grand nombre d’acteurs intervenant dans le processus de production, de transformation et de distribution des produits de la pêche, par une grande diversité des pêcheries sur le territoire national et par l’existence de nombreuses instances ayant vocation à représenter les intérêts des pêcheurs.
a. Les organisations professionnelles de la pêche
Tous les professionnels se livrant aux activités de production de produits issus de pêches maritimes ou d’élevages marins sont tenus d’adhérer à une organisation professionnelle des pêches maritimes et des élevages marins. Ces organisations professionnelles sont prévues à l’article L. 912-1 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit l’existence d’un comité national, de comités régionaux et, dans certaines régions, de comités départementaux ou interdépartementaux. Il s’agit d’organismes de droit privé qui sont chargés par la loi de missions de service public.
Outre le comité national, douze comités régionaux et treize comités départementaux et interdépartementaux représentent les intérêts des pêcheurs. Les comités régionaux et les comités départementaux ou interdépartementaux peuvent constituer en leur sein des antennes locales.
Carte des comités des pêches
Source : CNPMEM.
b. Les organisations de producteurs
Par ailleurs, l’article 6 du règlement (UE) n° 1379/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture (dit « OCM Pêche ») prévoit que des producteurs de produits de la pêche ou de produits de l'aquaculture peuvent établir des organisations de producteurs (OP) reconnues par les États membres, afin notamment de promouvoir l’exercice d'activités de pêche viables et durables. Elles jouent un rôle important dans la valorisation des produits de la mer et dans la gestion de la ressource halieutique, qui constitue l’objet de la deuxième partie du rapport.
Deux fédérations, l’Association nationale des organisations de producteurs (Anop) et la Fédération des organisations de producteurs de la pêche artisanale (Fedopa) regroupent treize organisations de producteurs ([6]). Bien que l’adhésion aux organisations de producteurs ne soit pas obligatoire, leur représentativité est élevée. En 2024, 64 % des navires ayant une activité de pêche sont adhérents à une organisation de producteurs, étant précisé que la plupart des « hors OP » se situent en Outre-mer où les OP ne sont pas présentes. Si aucun chiffre officiel n’est disponible, il semble que cela représente environ 70 à 80 % des captures, ce qui masque des disparités importantes selon les pêcheries.
Les OP sont membres des comités des pêches, un collège leur étant notamment réservé au sein du comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM).
Depuis 2004, les organisations professionnelles et les organisations de producteurs sont également représentées au niveau européen dans des comités consultatifs créés pour favoriser la participation de l’ensemble des parties prenantes du secteur de la pêche à l’élaboration et la gestion de la politique commune des pêches.
2. Une filière sans interprofession
Par ailleurs, l’article 11 du même règlement OCM Pêche prévoit la possibilité d’établir des organisations interprofessionnelles ayant pour objectif d’améliorer la coordination et les conditions de la mise à disposition sur le marché des produits de la pêche et de l'aquaculture.
Pourtant, aucune organisation interprofessionnelle n’est reconnue dans le secteur de la pêche en France.
France Filière Pêche (FFP) est une association loi 1901, à vocation interprofessionnelle, qui rassemble les différents maillons de la filière pêche française, des pêcheurs jusqu’à la distribution et la vente au détail en passant par le mareyage et les grossistes.
Elle est organisée autour de trois collèges rassemblant douze membres permanents :
● Le collège « Production » qui regroupe les organisations de producteurs, les armateurs, les coopératives maritimes et le CNPMEM ;
● Le collège « Commerce et transformation », composé des mareyeurs, des grossistes et des transformateurs ;
● Le collège « Distribution » représentant les poissonneries et la grande distribution.
Cinq membres associés viennent compléter la composition de l’association. Ils représentent les ports, les halles à marée et des associations régionales à vocation interprofessionnelle : Normandie Fraîcheur Mer (NFM), Breizhmer et Loire Océan Filière Pêche (LOFP).
Cette structuration interprofessionnelle au niveau régional est très intéressante. Elle permet un échange avec les autres maillons de la filière à un niveau pertinent, adapté au tissu économique local.
L’exemple des confraries en Catalogne peut servir de modèle. Dans ce cadre, les professionnels ont montré que, alliés, ils arrivaient à mieux valoriser et à distribuer le poisson. À l’échelle d’un port, il peut s’agir de créer une usine de transformation locale qui offre aux pêcheurs des débouchés à prix corrects grâce à la mise en avant de pratiques qualitatives et écoresponsables. Il peut aussi s’agir de créer un marché aux poissons touristique ou encore un musée thématique autour des produits locaux de la pêche.
Toutefois, à ce stade en France, de tels modèles n’existent pas sur l’ensemble des façades maritimes. Seules la Normandie, la Bretagne et les Pays de la Loire disposent d’une association à vocation interprofessionnelle agissant pour la filière pêche sur leurs territoires.
Au niveau national, l’association FFP créée en 2012 offre un espace de discussion interprofessionnel entre l’amont et l’aval de la filière et apporte un soutien financier à la filière pour répondre à des enjeux structurels, en particulier par des actions de financement de la recherche halieutique, ou à des difficultés conjoncturelles.
FFP a également créé la marque Pavillon France et mène des actions de communication sur les produits de la pêche française.
La structure et les missions de FFP s’apparentent déjà largement à celles d’une interprofession. Toutefois, la reconnaissance officielle de l’organisation vaudrait reconnaissance de sa représentativité pour chaque maillon. Cela offrirait en premier lieu à FFP une légitimité accrue pour porter la voix de la filière dans son ensemble, de l’amont à l’aval. L’interprofession pourrait alors être l’interlocuteur unique et légitime, notamment pour l’État, sur tous les sujets qui intéressent la filière dans son ensemble.
En outre, il découlerait de la reconnaissance officielle une capacité juridique d’imposer des règles communes au moyen d’accords interprofessionnels étendus, ce qui pourrait s’avérer utile en vue de mettre en œuvre certaines démarches issues du contrat stratégique de filière. Enfin, la qualité d’organisation interprofessionnelle reconnue est susceptible d’offrir aux membres et aux interlocuteurs intéressés une transparence accrue sur les décisions et les actions mises en œuvre par l’interprofession.
S’agissant du financement, il est actuellement entièrement assuré par la grande distribution qui a, depuis 2012, investi 250 millions d’euros (M€) dans FFP, dont 115 M€ pour le renouvellement de la flotte, ce qui a permis de participer au financement de deux cent cinquante navires depuis 2017, dont 70 à 80 % de navires de moins de douze mètres, et 100 M€ pour la communication.
Toutefois, la grande distribution a revu ses engagements à la baisse depuis 2020, que ce soit en termes de volumes ou de durée, ce qui a conduit FFP à se concentrer sur le financement d’actions de recherche et de communication, au détriment d’interventions plus structurantes ou d’un soutien à la modernisation de la flotte.
Surtout, l’absence de diversité dans les sources de financement interroge nécessairement sur la sécurité de ce financement et sur ses conséquences sur la gouvernance interprofessionnelle. Avec l’appui de l’État, un travail doit donc être mené sur la diversification et la sécurisation du financement interprofessionnel, afin notamment d’envisager les conditions de la mobilisation de la fraction du produit de la taxe sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent en mer qui revient aux comités des pêches ([7]) et qui pourrait alimenter un financement de l’interprofession par l’amont de la filière.
L’argument selon lequel la reconnaissance en tant qu’organisation interprofessionnelle priverait FFP de la possibilité d’utiliser ses fonds comme fonds privés et pourrait poser des difficultés au regard du droit des aides d’État doit être relativisé. Dans son arrêt Doux Élevage SNC ([8]), la Cour de justice de l’Union européenne, saisie sur renvoi préjudiciel du Conseil d’État, a jugé que la décision des autorités nationales étendant à l’ensemble des professionnels d’une filière agricole un accord interprofessionnel instituant une cotisation obligatoire afin de financer la mise en œuvre d’actions communes décidées par cette organisation, ne contient pas d’élément d’aide d’État. La Cour ajoute que « ces fonds privés utilisés par les organisations interprofessionnelles ne deviennent pas des “ressources publiques” simplement parce qu’ils sont utilisés de manière conjointe à des sommes provenant éventuellement du budget public ».
Dans son rapport « Quelle interprofession pour la pêche » de mai 2022 ([9]), le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, concluait que « France Filière pêche élargi aux régions du CNPMEM semble constituer le creuset idéal pour préfigurer puis devenir un outil interprofessionnel abouti et donc reconnu ». Il recommandait que « compte tenu des spécificités du secteur des pêches et cultures marines, (…) l’architecture de la vie interprofessionnelle soit notamment marquée par une prise en compte substantielle de la dimension régionale ». Il recommandait la mise en place, au sein de FFP, d’un collège régional constitué des comités régionaux des pêches.
Les rapporteurs partagent cette recommandation de voir France filière pêche évoluer vers une reconnaissance officielle en tant qu’organisation interprofessionnelle.
En revanche, pour les rapporteurs, cette prise en compte de la dimension régionale dans l’architecture interprofessionnelle de la filière pêche doit reposer sur des associations à vocation interprofessionnelles comme NFM, Breizhmer ou LOFP. Ces associations régionales à vocation interprofessionnelle auraient alors vocation à constituer le nouveau collège « régions » de FFP afin de renforcer son assise et sa représentativité.
Si la mise en œuvre de cette proposition ne peut résulter que d’un choix des acteurs de la filière, les rapporteurs sont convaincus de sa pertinence pour définir, piloter et mettre en œuvre des actions communes dans l’intérêt de la filière.
La reconnaissance en tant qu’organisation interprofessionnelle, conjuguée à la création d’un collège des régions, offrirait à FFP des moyens nouveaux pour contribuer à la mise en œuvre du contrat stratégique de filière ([10]) que l’association a signé avec l’État, les régions et le CNPMEM en février 2025.
La signature de ce contrat stratégique de filière traduit une ébauche de vision commune et partagée dans la filière, qui doit être approfondie et surtout déclinée en chantiers concrets. Les rapporteurs ont pu observer lors de leurs déplacements une filière vivante, des volontés fortes et une réactivité importante. Cette énergie doit être exploitée pour mener à bien les projets de transformation de la filière.
Proposition n° 1 :
Instaurer une organisation interprofessionnelle de la pêche maritime reconnue officiellement et représentant tous les acteurs de la filière.
Son architecture doit s’appuyer sur une structuration régionale et ses sources de financement doivent être diversifiées et sécurisées. Elle disposerait ainsi de la légitimité et des moyens juridiques et financiers pour assurer le déploiement opérationnel du contrat stratégique de filière.
La vision stratégique du contrat stratégique mérite d’être approfondie, en particulier s’agissant du renouvellement des générations de pêcheurs et du renouvellement de la flotte de pêche, qui doivent se faire de manière cohérente avec le modèle de la pêche de demain. Cette vision stratégique concerne tous les maillons de la filière, ainsi que leurs interlocuteurs dans la société civile.
Le contrat stratégique de filière représente donc une occasion à ne pas manquer.
Si un comité de pilotage réunissant les pouvoirs publics (État et régions) et la filière (CNPMEM et FFP) a bien été installé pour le suivi de la mise en œuvre du contrat stratégique de filière, il semble pertinent, compte tenu des enjeux pour la filière, pour sa contribution à la souveraineté alimentaire et pour la protection des écosystèmes et de l’environnement, que des parlementaires en soient membres également.
Proposition n° 2 :
Intégrer des parlementaires dans la composition du comité de pilotage du contrat stratégique de filière.
Concernant la maîtrise d’ouvrage des six axes de travail identifiés, elle pourrait revenir à l’interprofession une fois celle-ci officiellement reconnue. Ces axes de travail concernent en effet toute la filière en engageant l’amont comme l’aval.
Axes du contrat stratégique de filière
Source : Contrat stratégique de la filière pêche française, février 2025.
L’axe n° 2 est au cœur de l’action de FFP qui agit déjà, avec sa marque Pavillon France, pour que le consommateur puisse identifier les produits de la mer débarqués en France par un bateau battant pavillon français. L’État, doit agir en soutien de cette volonté d’assurer une meilleure lisibilité et une plus grande traçabilité des produits pour le consommateur, notamment en œuvrant, au niveau européen, pour une obligation d’indiquer au consommateur la nationalité du bateau ayant pêché le poisson vendu ([11]).
Les attentes du consommateur et de la société sont aussi en lien avec l’axe n° 3 relatif à l’amélioration de la durabilité de la filière. Selon l’enquête sur l’image des métiers de la pêche en France réalisée en mai 2025 auprès du grand public, apporter « de meilleures garanties de pratiques de pêche durables » serait le second élément susceptible de renforcer la sympathie envers les professionnels de la filière pêche, derrière la sensibilisation sur l'importance de soutenir la pêche française face à la concurrence internationale ([12]).
L’axe n° 4 relatif à la compétitivité de la filière est déterminant pour l’avenir de la pêche française.
Des investissements importants sont indispensables, en particulier pour le renouvellement de la flotte de navires dont l’âge moyen est aujourd’hui de 32 ans ([13]). L’amont de la filière n’est pas capable d’assumer seul cet investissement, notamment dans un contexte de renouvellement des générations.
L’annonce récente par le Président du CNPMEM, lors des assises de la pêche à Boulogne-sur-Mer, d’un dispositif de douze millions d’euros sur deux ans permettant l’ouverture de quatre guichets pour financer des projets de modernisation portant sur « l’efficacité énergétique des navires », la « valorisation de la production », la « santé et la sécurité à bord » des embarcations et « l’efficacité environnementale des engins de pêche », ne peut qu’être saluée. L’ouverture de ces guichets est prévue au début de l’année 2026.
Toutefois, une mobilisation interprofessionnelle sur ce sujet permettrait un effet de levier plus important tout en associant les maillons de la transformation et de la distribution au pilotage de ces dispositifs d’accompagnement, ce que FFP a déjà fait en participant au financement de 250 navires par le passé. Cette vision transversale et de long terme permettrait en particulier d’intégrer l’enjeu du renouvellement des générations en ouvrant ces dispositifs aux nouveaux installés, le cas échéant en y intégrant une dimension expérimentale sous la forme de tests à l’installation. En outre, la modernisation des outils de production concerne également les autres maillons de la filière.
Cette dimension expérimentale pourrait plus largement être envisagée pour couvrir les tests de techniques de pêches plus vertueuses, ce qui rejoint l’axe n° 3 du contrat de filière.
Enfin, l’axe n° 4 concerne également les outils de gestion des risques, ce qui pourrait par exemple conduire à soutenir la création du fonds de mutualisation mareyage porté par l’Union du mareyage français.
3. Le rôle de la puissance publique à réaffirmer
L’État conduit une « politique relative à la gestion durable des ressources maritimes, à la protection de l'environnement et des milieux marins et à la gestion intégrée des zones côtières » ([14]).
Le discours relatif à un désengagement de l’État reste très présent chez les pêcheurs rencontrés lors des auditions et des déplacements. Cette perception est certainement en partie l’héritage de mouvements passés de décentralisation, par exemple pour la gestion des ports, ou de réorganisation, par exemple celle de l’administration territoriale de l’État avec la disparition des quartiers maritimes.
En même temps que ce discours, celui sur le poids de la norme et des contraintes administratives prospère.
Un effort de pédagogie sur le rôle de l’État et les missions qu’il assume doit certainement être mené, ce qui serait facilité par une relation plus fluide entre les pêcheurs, leurs représentants et l’administration.
a. L’administration de la pêche
La ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche a autorité sur la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA). Cette direction générale, née en 2022 de la fusion de la direction des affaires maritimes (DAM) et de la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA), compte 320 agents. Son champ d’action dépasse donc le strict cadre de la pêche maritime et de l’aquaculture durables pour lesquelles elle dispose d’un service propre. Les deux autres services traitent des flottes et des marins (gestion des gens de mer et de l’activité de la flotte de commerce notamment) et des espaces maritimes et littoraux (sauvetage, navigation, contrôle des activités maritimes, plaisance).
Prise dans son ensemble, en intégrant les services déconcentrés, l’administration de la mer compte environ trois mille agents.
Elle s’appuie sur quatre directions interrégionales de la mer (DIRM), vingt-cinq directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) et, en outre-mer, quatre directions de la mer ou assimilées (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion), et trois services des affaires maritimes (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna). La DGAMPA a également autorité sur deux services à compétence nationale, l’École du service public de la mer (ESPMER) et l’armement des phares et balises.
Elle exerce enfin la tutelle de l’Ifremer, de FranceAgriMer, de l’établissement national des invalides de la marine (ENIM), de l’école nationale supérieure maritime (ENSM) et de lycées professionnels maritimes (LPM).
Par ailleurs, l’État s’appuie sur des personnes privées que sont les organisations professionnelles de la pêche et de l’aquaculture, auxquelles le législateur a confié des missions de service public relatives à la représentation, au cadrage, à l’accompagnement et au conseil auprès de leurs adhérents pêcheurs et aquaculteurs marins.
Il reconnaît les organisations de producteurs et il pourrait demain reconnaître également une organisation interprofessionnelle.
b. Les missions exercées par l’État en matière de pêche
i. La définition de la politique de conservation des ressources halieutiques
L’État porte la politique de conservation des ressources halieutiques au plan national et au travers des relations avec l’Union européenne s’agissant de la définition et de la mise en œuvre de la politique commune des pêches (PCP). Cette mission porte sur la définition et sur le suivi de la mise en œuvre de la règlementation relative à la gestion de la flotte de pêche française et à la gestion des possibilités de pêche auxquelles accède cette flotte. Elle est au cœur de la deuxième partie du présent rapport.
Pour cette mission, l’État s’appuie notamment sur l’Ifremer, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle des ministres chargés de la recherche, de la mer et de l’environnement.
ii. Le contrôle du respect de la réglementation
L’État est chargé du contrôle du respect de la réglementation applicable aux pêcheurs, qu’elle soit spécifique à la pêche ou applicable à tous les marins. La plupart des représentants des pêcheurs demandent que l’État assume sa mission régalienne de contrôle tout en déplorant la difficulté à comprendre le rôle des différents services intervenant pour ces contrôles.
Les DIRM animent et coordonnent l’action des services de l’État (directions départementales des territoires et de la mer, douanes, directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, directions départementales de la protection des populations, gendarmerie maritime, gendarmerie nationale, marine nationale, office français pour la biodiversité), planifient et mettent en œuvre le contrôle des pêches maritimes, en mer, au débarquement, ainsi que dans les filières de commercialisation des produits de la mer.
Elles définissent et coordonnent les actions de contrôle sur leurs façades de compétence ainsi que les priorités de contrôle définies sur la base d’une évaluation des risques menée sur les différentes pêcheries. Des plans interrégionaux ou régionaux de contrôle des pêches sont établis pour optimiser l’effort de contrôle à travers un ciblage renforcé des inspections, ainsi que des objectifs assignés aux différentes administrations.
Pour les inspections en mer et les inspections au débarquement, la DIRM s’appuie sur le Centre national de surveillance des pêches (CNSP) qui exerce pour le compte du préfet de région, le contrôle opérationnel des moyens nautiques et aériens des administrations engagés dans une mission de surveillance des pêches maritimes. Les DIRM peuvent également s’appuyer sur leurs propres moyens en charge du contrôle des pêches, les patrouilleurs des affaires maritimes, qui ont vocation à assurer les inspections des pêches en mer.
La DIRM exerce ses missions en lien avec les préfets de département concernés, qui disposent de moyens pour assurer les contrôles des pêches en mer et au débarquement, notamment grâce aux unités littorales des affaires maritimes (ULAM).
Les préfets de département disposent d’ailleurs de compétences en matière de gestion des pêches, assurées par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), comprenant la délivrance des permis de pêche à pied professionnelle, la désignation des points de débarquement des produits pêchés en mer, le classement sanitaire des gisements naturels de coquillages et des concessions conchylicoles et la délivrance des autorisations d’élevages et de cultures en mer.
Les CRPMEM peuvent également, en faisant appel à des gardes jurés, exercer des missions de contrôle pour les pêcheries qu’ils gèrent.
Afin de renforcer la qualité de service aux usagers et la performance de son action au service des enjeux maritimes, la DGAMPA s’est engagée dans un nouveau projet de modernisation de son action à horizon 2027, intitulé « Administration de la mer 2027 ». Ce projet doit apporter des solutions novatrices notamment en matière de contrôles maritimes avec le développement de l’outil Monitorfish qui permet la collecte et l’analyse des données de contrôle des pêches.
iii. L’organisation du dialogue de filière
Par ailleurs, le Conseil spécialisé de l’établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) favorise l'organisation des relations entre les diverses professions de la filière.
Le rôle de la puissance publique devrait ici être mieux distingué de celui de France filière pêche. Le conseil spécialisé « Produits de la pêche et de l’aquaculture » de FranceAgriMer devrait organiser le dialogue entre la filière et les autres parties prenantes au niveau national (pouvoirs publics, associations de défense de l’environnement, représentants des consommateurs). En revanche, le dialogue entre les maillons de la filière devrait se faire au sein de l’interprofession qui est l’instance-clé pour favoriser la communication, de l’amont à l’aval. La reconnaissance officielle de FFP en tant qu’organisation interprofessionnelle permettrait de renforcer ce rôle et de recentrer le conseil spécialisé de FranceAgriMer sur ses autres missions.
Proposition n° 3 :
Mieux distinguer les missions d’animation de filière assurées par l’organisation interprofessionnelle et l’organisation du dialogue avec les parties prenantes extérieures à l’interprofession par le comité spécialisé de FranceAgriMer.
iv. La production et le partage des données
FranceAgriMer assure en effet d’autres missions à commencer par le suivi et l’analyse de l’évolution de la situation des marchés des produits de la pêche professionnelle maritime, en eau douce et de l’aquaculture, ainsi que des produits issus de la transformation de ces produits. Les données relatives aux filières qu’il produit sont destinées à être mises à disposition des organisations interprofessionnelles reconnues.
Le rapport n° 24015 du CGAAER Création d’un observatoire économique de la pêche et de l’aquaculture préconise la mise en place d’un observatoire prenant la forme d’un site internet administré par FranceAgriMer, couvrant quatre thématiques :
– L’analyse de marché et de filière, pour anticiper les déséquilibres instantanés de l’offre et de la demande dans le secteur de la pêche, connaître plus largement l’évolution des marchés et percevoir les tendances de long terme.
– La mise à disposition d’études socio-économiques thématiques, afin de parfaire la connaissance des secteurs de la pêche et de l’aquaculture et ses spécificités ;
– La santé financière de la filière pêche et aquaculture, pour disposer d’éléments de contexte indispensables à une mise en perspective des besoins exprimés et faciliter la prise de décision ;
– Les captures par petites zones de pêche, afin de déterminer de façon précise et rapide les volumes d’activité et les acteurs affectés dans une petite zone déterminée en cas de crise.
Cet observatoire répond à un double besoin. D’une part, il permet aux professionnels de disposer d’un outil regroupant les différentes données existantes pour les aider à mieux comprendre leur environnement économique et les évolutions qui le structurent, et ainsi adapter leur stratégie de développement. D’autre part, il se veut un outil d’aide à la décision pour l’administration dans la mise en œuvre des politiques publiques. Il repose sur le constat que de nombreuses études, stratégies, données existent mais sont éparpillées, ne permettant pas d’y avoir un accès facile et de développer une vision exhaustive du secteur.
Fruit d’une année de travail, FranceAgriMer, en lien étroit avec la DGAMPA, a annoncé le 10 septembre 2025 une première version du site internet de l’Observatoire économique de la pêche et de l’aquaculture ([15]).
Cette première version consiste à la compilation de renvois vers un certain nombre de données conjoncturelles issues des bases de données et études existantes. Elle devra être enrichie en tenant compte des besoins exprimés par les professionnels et l’administration.
Proposition n° 4 :
Enrichir la production de l’observatoire économique de la pêche pour répondre aux attentes et aux besoins exprimés par les professionnels et par l’administration.
Plus largement, en matière de production et de partage de données, la DGAMPA est maître d’ouvrage du système d’information des pêches maritimes et de l’aquaculture, dit SIPA ».
Carte mentale du SIPA : https://sipa.developpement-durable.gouv.fr/
Les pêcheurs, leurs organisations et les administrations publiques alimentent ces applications avec de multiples données relatives aux captures, aux ventes, aux contrôles, à l’état de la ressource, aux licences ou encore aux navires. La mise à disposition de ces données pose des questions techniques et juridiques complexes. Toutefois, force est de constater que les pêcheurs et leurs représentants estiment ne pas disposer d’un accès à ces données suffisamment large et actualisé.
v. La gestion des soutiens publics
Enfin, FranceAgriMer assure le suivi des dispositifs d’appui publics.
D’une part, FranceAgriMer est un des organismes intermédiaires du fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (Feampa), pour lequel il intervient pour le compte de la DGAMPA, autorité de gestion en France.
À ce titre, FranceAgriMer intervient comme instructeur d’une vingtaine de mesures sur un champ d’action très large : contrôle des pêches, financement des actions des organisations de producteurs dans le secteur de la pêche (plans de production et de commercialisation), collecte de données, investissements en aquaculture, arrêts temporaires et définitifs, partenariats scientifiques-pêcheurs. FranceAgriMer accompagne également financièrement différentes structures collectant de la donnée utilisée par l’État et l’Union européenne pour une meilleure gestion de la ressource.
Pour l’ensemble des années du fonds, l’enveloppe retenue pour les actions gérées par FranceAgriMer s’établit à 230 M€ pour le financement européen et à 99 M€ pour les contreparties nationales.
D’autre part, FranceAgriMer gère des aides conjoncturelles à la filière pêche entièrement financées sur fonds nationaux.
Des aides ont, par exemple, été mises en place pour aider les pêcheurs et le secteur du mareyage à surmonter les conséquences du Brexit et, plus récemment, à la suite de l’arrêt de la pêche pour les navires pratiquant un engin à risque dans le golfe de Gascogne. Entre le 22 janvier et le 20 février 2024, un dispositif a été mis en place pour indemniser les pêcheurs affectés. Le dispositif a été reconduit en 2025 à la suite de la fermeture d’un mois sur la même période ([16]). Il peut aussi s’agir d’aides gérées par appel à projet (AAP).
L’État exerce donc, directement ou par l’intermédiaire de ses établissements publics, des missions très variées en matière de pêche maritime et d’aquaculture.
Le rôle des acteurs publics n’est pas toujours lisible d’autant que leur présence sur le terrain s’est amenuisée et que, comme pour d’autres services publics, la dématérialisation a gagné du terrain. L’ensemble des marins professionnels ont à leur disposition un guichet unique, l’« Espace numérique maritime » (ENM). L’ENM a été mis en place pour simplifier les démarches administratives du marin relatives à son aptitude médicale, ses qualifications professionnelles maritimes et ses lignes de services. L’ensemble de ces démarches dématérialisées permet un accès à tous les documents nécessaires aux procédures administratives. La DGAMPA avance que les services déconcentrés en charge de la gestion professionnelle des marins, c’est-à-dire les services « gens de mer » des DIRM, des directions de la mer et des DDTM, répondent à leurs demandes et accompagnent les pêcheurs les moins à l’aise avec les outils informatiques. À la lumière des témoignages recueillis lors des déplacements, vos rapporteurs invitent toutefois ces administrations à veiller à l’accessibilité de leurs services pour les pêcheurs en prévoyant des créneaux d’accueil adaptés, sans rendez-vous et avec des interlocuteurs formés.
Proposition n° 5 :
Réaffirmer le rôle de l’État stratège ainsi que l’accompagnement et le soutien des pêcheurs par la puissance publique aux niveaux européen, national et local.
Afin que l’État soit en mesure de défendre efficacement les intérêts de la pêche française au sein des instances européennes et qu’il continue à exercer l’ensemble de ses missions au niveau national et local en améliorant le service rendu à l’usager sans que les pêcheurs ne ressentent le poids de nouveaux transferts de charges, les moyens humains et financiers de l’administration maritime doivent être sanctuarisés.
Par ailleurs, un effort de clarification et de pédagogie doit être mené sur le rôle de chacun des services de l’État intervenant en matière de politiques de la pêche et de l’aquaculture.
Alors que le contrat stratégique de filière doit être déployé, l’État a un rôle déterminant à jouer au sein de son comité de pilotage, aux côtés de la filière, afin de s’assurer que les orientations de ce contrat sont respectées.
À cet égard, les rapporteurs relèvent que le renouvellement des générations de pêcheurs ne constitue pas un axe de travail à part entière du contrat de filière.
Il ne fait pas de doute qu’il s’agit là d’un enjeu majeur pour l’avenir de la pêche française, transversal aux six axes déjà identifiés. La pérennité de la ressource, la capacité à générer des revenus dans le temps, la pénibilité du métier, le manque de confort sur les bateaux, les conflits d’usage de la mer, les relations parfois tendues avec les associations de protection de l’environnement ou encore les difficultés d’accès aux infrastructures littorales constituent autant de défis à relever pour assurer le renouvellement des générations.
Cet enjeu du renouvellement des générations doit donc servir de boussole à l’État dans le pilotage du contrat stratégique de filière, dans le déploiement des outils d’accompagnement et dans la politique de formation aux métiers de la pêche, dont l’État et ses établissements publics portent la responsabilité.
Cet enjeu du renouvellement des générations emporte celui de la féminisation des métiers de la pêche, qui devra se traduire dans la composition des conseils des comités des pêches. Elles représentent aujourd’hui moins de 10 % du conseil et du bureau du CNPMEM ([17]).
4. La gouvernance de la pêche ultra-marine
Pour la pêche ultra-marine, il faut distinguer les régions ultrapériphériques (RUP), pour lesquelles la pêche est soumise à la politique commune des pêches, et la pêche dans les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), qui est gérée en autonomie.
Des comités des pêches existent en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à la Réunion. Un comité des pêches est en cours de création à Mayotte. Ces comités sont représentés au niveau national au CNPMEM, qui comporte par ailleurs une « commission DOM » permettant aux régions ultrapériphériques d’échanger sur leurs problématiques communes.
La flotte de ces régions est principalement artisanale et diversifiée. En 2022, 98 % des navires actifs dans les régions ultrapériphériques sont des navires de moins de douze mètres ([18]). La professionnalisation du métier de pêcheur progresse, mais la frontière entre pêche professionnelle, pêche récréative et pêche de subsistance reste parfois ténue.
La représentation de la pêche artisanale et de la petite pêche côtière dans les instances nationales intéresse donc au premier chef ces régions ultrapériphériques.
La lutte contre la pêche illégale, notamment en Guyane, et le renouvellement de la flotte de pêche constituent des chantiers prioritaires dans ces territoires.
B. Rénover l’organisation des comités des pêches pour les rendre plus représentatifs et plus efficaces
1. Une gouvernance en décalage avec la diversité de la pêche française
a. Rééquilibrer la composition des comités des pêches
Le CNPMEM et les CRPMEM sont composés d’un conseil et d’un bureau.
La composition des conseils des CRPMEM est fixée par arrêté du ministre chargé des pêches maritimes et de l'aquaculture marine.
En application de l’article R. 912-22 du code rural et de la pêche maritime, le conseil d’un CRPMEM ne peut excéder cinquante membres répartis en cinq collèges :
« 1° Au moins 30 % de représentants des chefs d'entreprise de pêche maritime et d'élevage marin ;
2° Au moins 30 % de représentants des équipages et salariés des entreprises de pêche maritime et d'élevage marin ;
3° Un ou plusieurs représentants des coopératives maritimes, dans la limite de 10 % ;
4° Un ou plusieurs représentants des organisations de producteurs, lorsqu'il en existe dans le ressort territorial du comité régional, dans la limite de 10 % ;
5° Un ou plusieurs représentants, dans la limite de 10 %, des comités départementaux et interdépartementaux lorsqu'il en existe dans le ressort territorial du comité régional, désignés, parmi ses membres, par le conseil de chaque comité départemental ou interdépartemental des pêches maritimes et des élevages marins. »
Le texte précise encore que « les représentants des collèges mentionnés aux 1° et 2° disposent d'un nombre égal de sièges ».
En application de l’article R. 912-4 du code rural et de la pêche maritime, le conseil du CNPMEM est composé de quarante membres répartis en quatre collèges :
● Douze représentants des CRPMEM,
● Treize représentants des chefs d’entreprises de pêches maritimes et un pour les élevages marins,
● Trois représentants des coopératives maritimes,
● Onze représentants d’OP.
S’y ajoutent des représentants des entreprises de premier achat et de transformation qui ont une voix consultative dans les conseils du CNPMEM (deux membres) et du CRPMEM.
Les membres du conseil du CNPMEM sont nommés par arrêté du ministre chargé de la pêche sur proposition de leurs organisations représentatives. La composition du conseil du CNPMEM dépend donc en partie de celle des CRPMEM.
Ainsi, les compositions des conseils des CRPMEM et du CNPMEM ne garantissent pas la prise en compte de la diversité des entreprises de pêche. En particulier, la pêche artisanale ou la petite pêche côtière dont il faudra établir le statut comme le précisera la deuxième partie du rapport, devraient avoir la garantie de pouvoir faire valoir leurs intérêts dans les comités des pêches.
Pour rappel, 80 % des navires de pêche français sont des navires de moins de douze mètres et les navires de plus de 24 mètres ne représentent que 5 % des navires de pêche. Or, le constat s’impose d’une influence dominante de la pêche industrielle en raison d’une surreprésentation des armements structurés dans les instances de gouvernance.
Proposition n° 6 :
Assurer la représentation des intérêts spécifiques de la pêche artisanale et de la petite pêche côtière en créant un collège consacré au sein des comités des pêches.
Par ailleurs, le Bureau du CNPMEM compte, en plus du président et des vice-présidents, douze membres, élus par le Conseil : six représentants de chefs d’entreprises, deux représentants de CRPMEM, trois représentants des OP et un représentant des coopératives maritimes.
Il ressort de cette organisation qu’elle ne permet pas une représentation satisfaisante de la diversité géographique de la pêche française et des parties prenantes non professionnelles.
À de nombreuses reprises lors des auditions ou lors des déplacements, des pêcheurs, y compris des représentants pêcheurs dans des CRPMEM, ont indiqué aux rapporteurs ne pas se sentir représentés par le CNPMEM. La nécessité d’assurer une forme d’équité dans le traitement des territoires s’est régulièrement fait entendre.
Les rapporteurs rejoignent donc la proposition déjà formulée en 2019 dans le rapport de la mission d’information sur la pêche de voir l’ensemble des comités régionaux représentés au sein du bureau du CNPMEM ([19]).
Proposition n° 7 :
Élargir la composition du bureau du CNPMEM de façon à ce que chaque comité régional y soit représenté.
Enfin, ces comités des pêches sont chargés de missions de service public par l’État. Ils participent en particulier, à leurs échelles respectives, à la mise en œuvre des politiques publiques de protection et de mise en valeur de l'environnement, afin notamment de favoriser une gestion durable de la pêche maritime et des élevages marins. Le CNPMEM est également chargé de favoriser la concertation en matière de gestion des ressources halieutiques, notamment avec les représentants des organisations de consommateurs et des associations de protection de l'environnement.
À ce titre, il apparaît légitime que l’organisation des comités des pêches fasse une place au sein des conseils, en tant qu’observateur avec voix consultative, à des représentants de l’État ainsi qu’à des élus territoriaux pour les comités régionaux, départementaux et interdépartementaux et à des parlementaires pour le CNPMEM. Il ne serait bien entendu pas pertinent que la puissance publique dicte aux professionnels les décisions qu’ils prennent dans le cadre de ces instances. Pour autant, une présence publique en tant qu’observateur sans droit de vote serait légitime au regard des missions confiées par le législateur aux comités.
Proposition n° 8 :
Prévoir la présence en tant qu’observateurs de représentants de l’État et d’élus au sein des conseils des comités des pêches.
b. Repenser les conditions de désignation des membres des comités de pêches
Au sein des comités régionaux et des comités départementaux et interdépartementaux, les représentants des chefs d'entreprise de pêche d’une part, et les représentants des équipages et salariés d’autre part, sont désignés à l’issue d’élections professionnelles ([20]).
La participation à ces élections est faible. En 2022, lors des dernières élections des comités des pêches, la participation stagnait à 16 % en moyenne pour les CRPMEM et 22 % pour les comités départementaux et interdépartementaux, avec de grandes disparités selon les régions. Cette faible participation est certainement le reflet du manque de représentativité et du sentiment de distance vis-à-vis des instances de gouvernance évoquées précédemment et elle entraîne à son tour un déficit de représentativité. Afin de briser ce cercle vicieux, plusieurs mesures doivent être envisagées.
En premier lieu, force est de constater que la représentation des intérêts des pêcheurs est souvent assurée par les mêmes personnes dans différentes instances. Ce constat ne doit en aucune manière être compris comme une mise en cause de ces personnes, investies dans des missions de représentation à titre bénévole ou moyennant de modestes indemnités. La plupart de ces représentants exposent d’ailleurs leur crainte de ne pas trouver de remplaçant dans leurs instances.
Pour autant, cette situation n’est pas satisfaisante. Elle explique en partie le sentiment de faible représentativité et parfois la défiance envers des instances de gouvernance incapables de faire la preuve de leur impartialité.
Ce constat a conduit les auteurs de la proposition de loi pour une pêche française prospère et durable ([21]) à préconiser de rendre incompatibles les mandats de président du comité national, de président de comité régional ou de président de comité départemental ou interdépartemental.
Pour leur part, vos rapporteurs considèrent que certains mandats, certaines fonctions ou certaines activités devraient être incompatibles avec les mandats de président du comité national, de président de comité régional ou de président de comité départemental ou interdépartemental. La définition de la liste de ces fonctions ou activités devrait être établie en concertation avec la filière.
Proposition n° 9 :
Prévenir les conflits d’intérêts en interdisant le cumul entre un mandat de président d’un comité des pêches, d’autres mandats et certaines fonctions ou activités.
La question du cumul des mandats dans le temps devrait aussi être posée dans le cadre de ces réflexions.
Afin de renforcer le vivier des personnes susceptibles d’exercer ces mandats et en lien avec la proposition visant à améliorer la représentation de la pêche artisanale et de la petite pêche côtière dans les comités des pêches, ces recommandations doivent aller de pair avec la définition d’un statut de l’élu.
En juin 2025, la ministre de la transition écologique a confié à l’Inspection générale des affaires maritimes et au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux une mission afin d’étudier la création d’un statut spécifique pour les élus de l’organisation professionnelle des comités des pêches et de la conchyliculture. Cette mission a été chargée d’analyser les évolutions législatives ou réglementaires qui s’avéreraient nécessaires.
Au regard du concours apporté par les élus pour la réalisation des politiques maritimes et aquacoles portées par les administrations aux niveaux central, régional et départemental, la création d’un statut spécifique d’élu de l’organisation professionnelle des comités semble aujourd’hui approuvée dans son principe. Elle permettra de donner de la lisibilité aux missions des élus, d’assurer leur protection juridique, de mettre en place des modalités de leur indemnisation au titre de leur participation aux réunions et par là même d’enrayer la crise des vocations des jeunes et de permettre ainsi le renouvellement des générations au sein des instances professionnelles représentatives.
Ce statut pourrait en effet permettre de rendre plus attractif auprès des marins un engagement dans l’organisation professionnelle des pêches. Il pourrait aussi, à terme, faciliter le maintien et le développement des compétences dans ces organisations et éviter une surreprésentation des armements structurés en leur sein.
Proposition n° 10 :
S’appuyer sur les conclusions de la mission ministérielle pour définir rapidement un statut de l’élu qui soit opérationnel avant les prochaines élections professionnelles.
Enfin des mesures plus techniques devraient également être mises en œuvre pour faciliter le déroulement des opérations électorales. La profession assume la charge de l’organisation de l’élection et vise la mise en place du vote électronique pour les élections de 2027. Si cette mesure n’est pas une solution suffisante pour résoudre le problème de la faible participation aux élections, comme en témoignent les faibles effets de ce point de vue de la mise en place du vote électronique aux élections des chambres d’agriculture, toutes les pistes méritent d’être envisagées.
Toutefois, la possibilité de voter par voie électronique doit être mise en place dans des conditions qui garantissent la transparence des opérations électorales, en permettant notamment de recompter les bulletins en cas de contestation.
Proposition n° 11 :
Instaurer la possibilité de voter par voie électronique pour les élections professionnelles de 2027, tout en garantissant la transparence des opérations électorales.
Si, en dépit de la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures les élections aux comités régionaux, départementaux et interdépartementaux des pêches ne connaissent pas un plus grand succès à l’avenir, la profession pourrait s’interroger sur le principe même de l’élection pour désigner les représentants dans ces comités.
Si cela peut paraître paradoxal, l’élection professionnelle n’est ni une garantie, ni une condition pour assurer une juste représentation des pêcheurs aux comités des pêches. La charge financière et logistique que représente l’organisation de ces élections n’est, à ce stade, pas en rapport avec la légitimité qu’elles fournissent aux élus.
En outre, pour les représentants des équipages et salariés des entreprises de pêche maritime et d'élevage marin, la représentativité des organisations est appréciée selon les règles du code du travail. Bien que ces critères de représentativité soient conformes à la méthode appliquée pour l’ensemble des interprofessions et filières, ils constituent une condition parfois difficile à atteindre pour l’éligibilité aux élections aux comités.
Or, en s’inspirant des règles définies pour les comités régionaux de la conchyliculture[22], il pourrait être inscrit dans la loi que les membres des différents collèges sont nommés sur proposition de leurs organisations représentatives et qu’à défaut d'accord entre ces organisations, il est procédé à des élections.
Proposition n° 12 :
Envisager de privilégier le consensus au sein des collèges pour la désignation de leurs représentants aux comités régionaux, départementaux et interdépartementaux des pêches et rendre subsidiaire le recours à l’élection.
2. Une gouvernance qui gagnerait en efficacité en s’appuyant sur des relais locaux et en s’ouvrant sur l’extérieur
a. Mieux associer les pêcheurs, « sentinelles du vivant », à la prise de décision
Au niveau régional, certains professionnels expriment leur sentiment d’être mal représenté par les CRPMEM qui apparaissent parfois comme un échelon déjà lointain et qui ne sont pas le relais de leurs préoccupations.
La question de la représentativité et la capacité des pêcheurs à se mobiliser au service du collectif doivent donc également être analysées en termes de proximité. La question n’est pas celle de la structuration administrative qui s’est posée au moment de la disparition des comités départementaux dans certaines régions alors que d’autres les ont conservés. L’enjeu est celui du pilotage et de l’articulation entre les différents niveaux et la capacité à faire circuler l’information.
Dans ces conditions, l’institutionnalisation des relais locaux, à l’échelle des ports ou des bassins, apparaît indispensable pour faire remonter des problématiques particulières (Brexit, fermeture du golfe de Gascogne, plans civelles, etc.), associer l’ensemble des pêcheurs à la prise de décision et faire redescendre l’information sur les actions menées, les décisions prises ou les dispositifs d’accompagnement proposés.
La proposition ne vise pas à ajouter une strate dans l’organisation administrative de la pêche ou à imposer la création d’antennes locales des comités des pêches partout sur le territoire.
En revanche, lorsqu’elles existent, les initiatives locales d’engagement des pêcheurs, quelle que soit leur forme, doivent être valorisées par les comités régionaux, départementaux et interdépartementaux, en les associant à la prise de décision.
Proposition n° 13 :
S’inspirer du modèle des prud’homies pour valoriser les modes de gouvernance qui impliquent l’engagement et la régulation de l’activité par les pêcheurs au niveau local.
Les prud’homies : une spécificité méditerranéenne([23])
Les prud’homies, qui sont une survivance médiévale (apparues au Xe siècle, elles ont été confirmées par des lettres patentes de 1452 et 1477 du roi René, comte de Provence), sont des organisations originales et propres à la Méditerranée.
Consacrées au niveau juridique par le décret impérial du 19 novembre 1859, elles constituent à la fois des communautés professionnelles et des juridictions de pêcheurs. Ces groupements de patrons pêcheurs, consacrés juridiquement par le décret du 19 novembre 1859 modifié portant règlement sur la pêche maritime côtière dans le cinquième arrondissement maritime (modifié par le décret n° 95-1208 du 14 novembre 1995), sont aujourd’hui au nombre de 33.
Elles sont dotées par l’autorité publique de pouvoirs spéciaux de réglementation, de police et de juridiction. La prud’homie de pêche joue un rôle d’arbitre en cas de conflit entre patrons-pêcheurs. C’est pour cela qu’on l’appelle aussi « Tribunal de Pêche ».
Aujourd’hui, les prud’homies tendent à tomber en désuétude même si quelques-unes continuent à fonctionner et constituent un exemple intéressant de ce qui pourrait être désigné comme de « l’autogestion ».
Ces organisations, fondées sur des traditions, présentent l’intérêt de fonctionner avec très peu de frais et de permettre une gestion de proximité. La prud’homie peut représenter un réel bénéfice pour l’activité économique et socio-professionnelle des pêcheurs, ainsi que pour leurs interactions avec la population grâce aux évènements qu’elle organise (marchés aux poissons, fêtes annuelles). Elles méritent, à ce titre, de faire l’objet d’une certaine attention de la part de l’administration et des observateurs. Une révision des textes relatifs à leurs prérogatives afin de mieux les articuler avec celles des autres instances de la pêche pourrait favoriser un nouvel essor de cette forme d’organisation.
Au niveau national et au niveau européen, les représentants des pêcheurs appellent également à être plus directement associés aux processus décisionnels et à une plus grande confiance des pouvoirs publics peu enclins à laisser les pêcheurs déployer des solutions techniques qui ne portent pourtant pas atteinte à la ressource ou à l’environnement.
Toutefois, les représentants des pêcheurs sont déjà largement associés aux processus décisionnels qui les concernent, directement ou indirectement. Ce sentiment de ne pas être entendu renvoie certainement en partie au problème de représentativité de la gouvernance de la pêche française déjà évoqué.
Par exemple, au niveau national, s’agissant des aires marines protégées, les représentants des pêcheurs ont ainsi la faculté de faire entendre leur voix pour la prise en compte de leurs enjeux et de contribuer à la préservation des espaces protégés.
Ces espaces délimités en mer qui répondent à des objectifs de protection de la biodiversité marine se caractérisent par leur grande diversité. Il en existe onze catégories dans le code de l’environnement ([24]).
Les comités des pêches font partie des comités de pilotages des sites Natura 2000 ([25]), qui représentent les plus grandes surfaces d’aires marines protégées dans les eaux hexagonales. Dès lors qu’un risque d’atteinte aux objectifs de conservation est identifié à l’issue des « analyses de risque pêche », des mesures réglementaires permettant d’y répondre sont élaborées de manière concertée, notamment avec les professionnels de la pêche.
De même, sur le fondement de l’article D. 213-19-3 du code de l’environnement, les pêcheurs sont membres des comités de bassin ayant une façade maritime. Leur voix devrait y être renforcée, notamment face au problème des pollutions subies (algues vertes, rejets de nitrites, de granulats ou d’eaux usées, etc.).
De manière générale, l’administration doit être ouverte aux expérimentations proposées par le secteur de la pêche pour adapter la règlementation de l’activité en l’absence d’effets négatifs sur la ressource ou sur l’environnement.
Il a, par exemple, été fait mention lors d’un déplacement des rapporteurs d’une expérimentation danoise de caméra embarquée à partir d’un protocole validé et accepté par les pêcheurs. Ce type d’expérience de co-construction de la norme doit bien entendu être privilégié pour faire progresser la filière.
Au niveau européen, des comités consultatifs par zones de mer ont été créés sur le fondement de l’article 43 du règlement OCM pêche et conformément aux dispositions du règlement délégué (UE) 2015/242 de la Commission du 9 octobre 2014 ([26]).
Selon l’article 44 du règlement OCM pêche, ils sont consultés par la Commission européenne et ils peuvent « soumettre des recommandations et des suggestions sur des questions relatives à la gestion des pêches, à la conservation et aux aspects socioéconomiques des pêches et de l'aquaculture et, notamment, des recommandations sur la manière de simplifier les règles de gestion des pêches ». Ils peuvent aussi alerter les instances européennes et étatiques sur ces sujets et contribuer à la collecte, à la transmission et à l'analyse des données nécessaires à l'élaboration de mesures de conservation.
Leur fonctionnement a été récemment revu pour améliorer les modalités de dialogue entre les groupes « Industries » et « Organisations non gouvernementales » grâce à une composition plus équilibrée.
Le CNPMEM, des comités régionaux et départementaux ou encore des organisations de producteurs siègent dans ces comités consultatifs ([27]). Là encore, plus que la possibilité offerte aux pêcheurs de faire valoir leurs points de vue, c’est la représentativité des structures qui les représentent dans ces instances qui doit être interrogée.
b. Améliorer les échanges entre le monde de la pêche et la société civile
Alors que la relation entre le monde de la pêche et les scientifiques, notamment avec l’Ifremer, est très largement décrite comme étant de qualité, comme le souligne la deuxième partie du présent rapport, les relations avec les organisations non gouvernementales (ONG) sont présentées par certains représentants des pêcheurs comme en voie de dégradation.
Si, localement, ces acteurs sont capables de coopérer pour promouvoir une pêche durable, les relations entre pêcheurs et ONG se sont tendues ces dernières années, notamment dans le contexte du contentieux sur la protection des petits cétacés dans le golfe de Gascogne et du fait de la judiciarisation de leurs rapports.
Dans l’intérêt de la pêche comme dans celui de la protection des écosystèmes et de l’environnement, le dialogue doit pourtant être renoué.
Les instances nationales de dialogue demeurent précieuses pour permettre l’expression d’un dialogue franc et constructif. L’État a son rôle à jouer, que l’on pense au conseil spécialisé de FranceAgriMer dont il a déjà été question, ou, sur un champ plus large, au sein du Conseil national de la mer et des littoraux. Les représentants des pêcheurs (CNPMEN), des ONG environnementales et des scientifiques y participent activement.
À l’échelle des façades maritimes, les conseils maritimes de façade sont des instances de dialogue entre acteurs du maritime. Des conseils scientifiques sont établis en leur sein, ce qui facilite les échanges avec la sphère scientifique et académique.
L’opinion publique est de plus en plus sensible aux enjeux environnementaux concernant la pêche. Les pêcheurs ont tout intérêt à se mettre autour de la table pour écouter, informer et expliquer. C’est aussi une façon de conquérir le consommateur, au-delà de la simple promotion des produits, que de lui faire prendre conscience des enjeux de la pêche française.
Les pêcheurs comme les associations de protection de l’environnement devraient, à ce titre, se retrouver sur la proposition de moratoire de dix ans sur la délivrance des autorisations environnementales pour les élevages de saumons dont la totalité du grossissement est prévue dans des installations aquacoles à circuit fermé ([28]). Ce type d’exploitation vient concurrencer les pêcheurs français tout en engendrant un risque pour les écosystèmes par l’évacuation d’importantes quantités d’eaux usées du fait des rejets des poissons, ce qui pénalise pêcheurs et ostréiculteurs.
Proposition n° 14 :
Instaurer un moratoire de dix ans sur la délivrance des autorisations environnementales pour les élevages de saumons dont la totalité du grossissement est prévue dans des installations aquacoles à circuit fermé.
Par ailleurs, la diversification des activités des pêcheurs, que l’on pense aux activités touristiques, de valorisation du patrimoine ou encore à la participation à des campagnes scientifiques, constitue un autre vecteur d’ouverture et d’échange avec la société civile. Cette diversification doit être encouragée dans le cadre du contrat stratégique de filière.
En conclusion sur la gouvernance de la filière pêche, les rapporteurs appellent à des évolutions permettant une gouvernance plus représentative qui soit à même de préparer les transitions indispensables en se basant sur des faits scientifiques. Le partage équitable de la ressource halieutique, bien commun en même temps que ressource exploitée par les pêcheurs, est au cœur de ces défis. Il ne saurait être question de se satisfaire du statut quo.
II. Le renforcement de la transparence et du dialogue comme fondements d’une répartition équitable et durable des droits de pêche
A. La politique commune de la pêche : un outil FONDAMENTAL DE préservation de la RESSOURCE NÉCESSITANT des améliorations
1. Un outil de gestion raisonnée qui suscite néanmoins des préoccupations quant à l’état de la ressource
a. Les principes fondamentaux qui déterminent les quotas et les droits de pêche
La politique commune de la pêche est une compétence exclusive de l’Union européenne. À ce titre, elle est mise en œuvre par des règlements d’applicabilité directe. ([29]) Elle s’applique aux pêcheries d’espèces européennes nécessitant une gestion partagée de la ressource par les États membres et les États tiers. Certaines espèces ne font l’objet que de plans de gestions nationaux ou locaux comme la coquille Saint-Jacques, qui relève de la compétence des comités des pêches. Dans la zone des douze milles nautiques, les pouvoirs des États membres sont étendus au-delà des seuls pouvoirs délégués ou d’exécution, notamment en matière de conservation et de gestion, ce qui permet un accès privilégié aux navires de pêche immatriculés au niveau national.
Chaque année, le Conseil de l’Union européenne détermine les totaux admissibles de capture (TAC) pour les stocks (partie exploitable d’une espèce dans une zone donnée) sous quotas ([30]), sur la base d’une proposition des services de la direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne (DG Mare), fondée sur les évaluations scientifiques du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) pour l’Atlantique Nord et, pour la Méditerranée, du Comité scientifique, technique et économique des pêches (CSTEP) et de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM), à partir des données collectées par les opérateurs nationaux compétents (Ifremer en France). En Méditerranée, en raison de la gestion des pêcheries mixtes, les possibilités de pêche sont principalement fixées en effort de pêche (période et durée de pêche autorisée) en remplacement des quotas.
La proposition de la Commission européenne est fondée sur le principe d’une exploitation des stocks halieutiques au rendement maximum durable (RMD), c’est-à-dire en optimisant les captures moyennes à long terme pour une productivité du stock et un mode d’exploitation donnés. L’adoption de plans de gestion pluriannuels, de règles de contrôle des activités de pêche ou de règles relatives aux mesures techniques de conservation est décidée dans le cadre de la procédure législative ordinaire.
représentation graphique du rmd
Source : Ifremer
La proposition de la Commission européenne sur les quotas est examinée au sein du Conseil de l’Union européenne par le groupe de travail relatif à la politique de la pêche, puis au sein du « Coreper » 1 (au niveau des représentants permanents adjoints des États membres), avant d’être négociée en conseil des ministres. Ces négociations sont complexes car la durabilité de l’activité ne constitue pas le seul facteur pris en compte. Les ministres défendent la position nationale en fonction des intérêts économiques des pêcheurs, des objectifs de conservation et des engagements internationaux de l'UE. Dans la plupart des cas, les TAC sont fixés conformément à l’avis scientifique. La décision du conseil peut différer de l’avis scientifique par la prise en compte des intérêts socio-économiques de la filière, notamment lorsque l’avis scientifique implique un niveau de capture nul (TAC 0) – situation survenue ces dernières années pour le lieu jaune en mer celtique et dans la Manche.
Les TAC sont ensuite répartis entre les États membres selon une clé de répartition fixe qui date des années quatre-vingt pour l’Atlantique. Il convient de souligner que la France est aujourd’hui bien dotée en quotas, ce qui peut inciter les acteurs français à ne pas souhaiter ouvrir « la boîte de Pandore ». Cependant, la répartition des quotas n’est plus adaptée à la réalité des stocks et de la répartition des espèces.
Vos rapporteurs considèrent que la France, à horizon de moyen ou long terme, devrait entamer un cycle de négociation permettant de revoir les clefs de répartition entre les États pour mieux prendre en compte les nouvelles distributions des espèces notamment liées au réchauffement climatique.
Proposition n° 15 :
Entamer, à horizon de moyen ou long terme, un cycle de négociation afin de revoir la répartition des quotas par pays de l’Union européenne.
b. Un état de la ressource encore inquiétant
Un constat s’impose : la politique commune des pêches a permis une amélioration de la ressource halieutique et une limitation de la surpêche. Le dernier rapport SOFIA ([31]) de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui évalue la situation au niveau mondial, met en évidence cette tendance positive en Europe, contrairement à d’autres régions du monde : 58 % des volumes de poissons débarqués dans l’hexagone en 2023 proviennent de populations exploitées durablement (non surpêchées), contre moins de 20 % en l’an 2000 et 38 % en 2015.
La politique commune de la pêche n’a néanmoins pas atteint son objectif de 100 % de populations pêchées au niveau du RMD, loin de là ! La surpêche n’a pas disparu : 19 % des volumes de débarquement en 2023 provenaient encore d’espèces surpêchées. Les stocks faisant l’objet d’une surpêche sont encore de 60 % en Méditerranée et de 30 % en Atlantique Nord. Aujourd’hui, près de 31 % des volumes de poissons débarqués proviennent de populations dont le recrutement est en baisse et seulement 20 % proviennent de populations dont le recrutement est en hausse.
L’état de la ressource : des situations fragiles et diverses selon les littoraux
La situation en mer du Nord et dans l’est de la Manche est relativement stable : 56 % des volumes de poissons débarqués en 2023 proviennent de populations en bon état (contre 55 % en 2022). Le volume des débarquements a légèrement diminué (107 000). Certains stocks sont en très grande souffrance, comme le cabillaud pour lesquels le CIEM a émis une recommandation de capture nulle pour 2026.
Dans l’ouest de la Manche et en mer Celtique, la part des populations considérées en bon état augmente depuis 2010 pour atteindre presque 50 % en 2023. Cependant le volume de débarquements continue d’y diminuer, totalisant 122 000 tonnes en 2023 contre 150 000 tonnes en moyenne entre 2011 et 2018. Outre la perte des zones de pêche liées au Brexit, la croissance ralentie de la biomasse de certaines espèces, notamment le merlan, la morue et le lieu jaune qui sont évalués « effondrés », explique cette baisse.
Dans le golfe de Gascogne, la part des populations considérées en bon état n’augmente pas et reste en dessous de la moyenne nationale (39 % des débarquements en 2023 comme en 2022), malgré une tendance à la baisse des débarquements depuis les années 2000 (de 101 000 tonnes en 2014 à 71 000 tonnes en 2023). En 2023, la sardine représente encore près de 20 % des débarquements de la zone et les changements fréquents de statut de cette population (passée de « effondrée » à « reconstituable » en 2023) influent beaucoup sur la situation générale dans le golfe de Gascogne. Les pêcheurs du golfe de Gascogne sont confrontés depuis plusieurs années à une baisse importante de plusieurs quotas (sole, lieu jaune, merlan).
En Méditerranée, le volume total des débarquements reste stable à 18 000 tonnes en 2023, comme l’année précédente. Si une part très faible des débarquements est issue de populations en bon état (toujours inférieure à 1 %), environ 40 % sont issus de populations reconstituables, comme le thon rouge. En revanche, près de 50 % du volume des débarquements sont issus de populations « non évaluées », comme le poulpe, le maquereau et la daurade royale. Les problématiques méthodologiques pour l’évaluation de ces espèces requièrent de la part des scientifiques de développer de nouvelles approches pour permettre d’autres formes de suivi. Les chalutiers de Méditerranée ont dû diminuer leur effort de pêche à la suite de l’adoption du plan « West Med », en constatant la forte baisse des populations de merlu.
Source : Ifremer
Les limites du RMD sont nombreuses :
– il est défini à un niveau de pression qui reste élevé ;
– il est estimé sur la base de la capacité de renouvellement d’une population qui est de moins en moins stable au regard des changements environnementaux ;
– il est calculé pour des maillages de filets et des tailles légales en vigueur qui maintiendraient un niveau de captures accidentelles de juvéniles important, une grande majorité des poissons étant pêchés en dessous de la taille de maturité sexuelle : selon le CRPMEM de Normandie, 80 % des tailles marchandes sont aujourd’hui en dessous de la taille de maturité sexuelle ;
– il est appliqué pour chaque population prise individuellement sans tenir compte des interdépendances entre espèces dans l’écosystème ;
– la plupart des TAC ont été définis géographiquement dans les années 1970 et 1980 et ne sont plus nécessairement en adéquation avec les populations biologiques qu’ils représentent. Le niveau de couverture des TAC par une évaluation de stock correspondante déjà modeste (54 % des cent soixante-deux TAC en Atlantique Nord-est) pourrait se dégrader au fil des évolutions biogéographiques.
Toutes ces limites ont conduit l’Association française d’halieutique à plaider pour une cible de gestion plus basse dans une contribution à l’évaluation de la PCP transmise à la DG Mare en septembre 2024. ([32])
Proposition n° 16 de votre rapporteur Damien Girard : Limiter l’effort de pêche à un niveau plus bas que celui autorisé par la PCP pour les stocks les plus fragiles, en se fondant sur le modèle du rendement économique maximum (maximum economic yield), et compenser les éventuelles pertes financières aux pêcheurs à court terme.
2. Une incompréhension croissante chez les pêcheurs
Les règles de la PCP sont respectées par les pêcheurs dans leur immense majorité. Néanmoins, les efforts des professionnels n’ont pas empêché une baisse progressive des droits à pêcher pour de nombreux stocks, même si certains TAC augmentent à nouveau depuis plusieurs années, comme le thon rouge de Méditerranée. La diminution des stocks est également constatée pour les espèces non couvertes par les TAC.
Les débarquements de poissons en France représentent environ trois cents vingt mille tonnes aujourd’hui contre quatre cent mille tonnes débarquées annuellement entre 2010 et 2018. Même si la diminution de la ressource halieutique n’en constitue pas la seule raison (Brexit, fermetures spatio-temporelles, etc.), elle n’en demeure pas moins un facteur majeur.
a. Une baisse de la ressource liée aux changements environnementaux et à la pollution
Deux causes principales, extérieures à l’effort de pêche, apparaissent clairement à l’origine de l’attrition de la ressource :
– le réchauffement climatique et les phénomènes d’eutrophisation et d’acidification des océans ;
– la pollution terrestre des eaux, notamment dans les zones sensibles de reproduction (estuaires), qui affecte le recrutement des juvéniles et le renouvellement des générations.
Les constats sont alarmants. On constate pour de nombreuses espèces une diminution importante de la taille des individus. C’est le cas par exemple des « poissons bleus » de Méditerranée (diminution de la taille des anchois et des sardines, qu’on observe aujourd’hui en Bretagne également) dont la pêche s’est éteinte à la fin des années 2000, la commercialisation de ces poissons n’étant tout simplement plus possible. Les taux de recrutement baissent également fortement en l’absence d’habitats préservés (soles en mer du Nord) ou en raison d’une nourriture moins abondante ou désynchronisée pour les juvéniles (harengs de la mer du Nord). Des populations comme le maquereau se déplacent hors de leur zone traditionnelle pour retrouver des conditions adaptées à l’espèce et d’autres, comme le bulot en baie de Granville, semblent disparaître. Inversement, le réchauffement climatique conduit au développement de certaines espèces invasives qui déciment parfois la ressource (crabes bleus, araignées de mer). Si des opportunités apparaissent parfois – le réchauffement des océans aurait des effets positifs sur la coquille Saint-Jacques dans les baies de Seine et de Saint-Brieuc ou pourrait contribuer au retour des céphalopodes dans plusieurs zones – la pollution comme le réchauffement climatique et l’acidification des océans déstabilisent fortement l’activité des pêcheurs.
Les pêcheurs ne sont pas responsables du réchauffement climatique, des pollutions terrestres, de l’anthropisation des littoraux ou de l’acidification des océans. Leur voix doit être soutenue dans cette perspective (voir première partie). Toutefois, les pêcheurs sont lucides : la pêche continuera dans les prochaines années à être affectée en profondeur par les évolutions environnementales, ce qui ne peut qu’encourager une structuration plus forte de la filière et une capacité de projection dans l’avenir avec une coopération plus forte avec les pouvoirs publics et les scientifiques.
Diminution de la taille des sardines dans le golfe du Lion : un lien direct avec le réchauffement climatique
La diminution de la taille des sardines dans le golfe du Lion serait en lien direct avec le réchauffement climatique, à travers la diminution de la taille des chaînes planctoniques, nécessaires pour leur alimentation. Telle est la conclusion du projet scientifique « MonaLisa » piloté par l’Ifremer :
« Vers 2008, un changement écosystémique s’est produit dans le golfe du Lion, marqué par des variations considérables de la biomasse et du poids moyen des poissons de ses deux principaux stocks de petits pélagiques (anchois européen, sardine européenne). Étonnamment, ces changements ne semblent pas être liés à une diminution des taux de recrutement (qui restent élevés) ni à une forte pression de pêche (les taux d’exploitation étant extrêmement faibles). […]
« Tout d’abord, l’étude de multiples caractéristiques de la population a mis en évidence une diminution de l’état corporel des deux espèces, ainsi qu’une diminution importante de la taille, résultant à la fois d’un ralentissement de la croissance et d’une disparition progressive des sardines âgées. […]
« Malgré de faibles réserves énergétiques à partir de 2008, les sardines et les anchois ont maintenu, voire augmenté, leur investissement reproductif, modifiant probablement le compromis entre reproduction et survie et entraînant une mortalité naturelle plus élevée. La situation préoccupante actuelle pourrait donc résulter de modifications de la disponibilité/diversité du plancton, qui restent à étudier en profondeur, ainsi que de la plasticité phénotypique des poissons. […]
« Les résultats [de l’expérimentation] ont révélé que la taille de la nourriture (sans modification de son contenu énergétique) est aussi importante que la quantité de nourriture pour la condition physique, la croissance et les réserves lipidiques : les sardines se nourrissant de petites particules ont dû consommer deux fois plus que celles se nourrissant de grosses particules pour atteindre la même condition physique et la même croissance. Un impact aussi important de la taille de la nourriture (basé sur des granulés de 100 et 1 200 mm) était inattendu et pourrait refléter un coût ou un gain énergétique différent entre deux comportements alimentaires, l’alimentation par filtration et l’alimentation particulaire, ce qui devrait être testé dans le cadre d’études ultérieures. La hausse des températures favorisant les chaînes planctoniques de plus petite taille, le changement climatique pourrait accélérer et amplifier ce phénomène et ainsi affecter fortement les pêcheries. »
Source : Rapport du projet « MonaLisa ».
b. Une pêche industrielle trop peu contrôlée
Les représentants de la pêche artisanale (fileyeurs, caseyeurs, petits chalutiers) se plaignent depuis plusieurs années de l’activité sans aucun contrôle de navires de grande envergure (superpélagiques, senneurs) qui « viderait les océans » notamment en mer du Nord ou dans la Manche, espaces de pêche restreints, où seules 20 % des espèces pêchées sont sous quotas et alors que les espaces de pêche se restreignent. Des études de plusieurs ONG, contestées par une partie de la profession, semblent montrer les effets délétères des navires de taille importante sur la ressource.
Indépendamment des polémiques, la demande des CRPMEM des Hauts de France et de Normandie est aujourd’hui très claire : interdiction des navires supérieure à 25 mètres dans la Manche (comité régional de Normandie), moratoire sur la senne danoise (comité régional des Hauts de France) ([33]).
Il n’est pas possible d’imposer des contraintes fortes sur la petite pêche, notamment dans les deux régions susmentionnées déjà affectées par la perte d’accès aux eaux britanniques et le développement de l’éolien, sans que des navires sans limite de taille n’aient de comptes à rendre (réglementation insuffisante). Afin de répondre aux préoccupations exprimées par la profession, des plans de gestion rigoureux ainsi qu’une régulation renforcée de l’accès des navires de grande taille doivent être instaurés. La puissance publique est donc appelée, dans ce cadre, à soutenir la petite pêche artisanale en attribuant aux comités régionaux volontaires des compétences réelles en matière de contrôle et de régulation.
La frilosité de la DGAMPA à mieux contrôler la pêche industrielle dans les eaux françaises
Selon les textes européens en vigueur, la France ne peut mettre en place, dans les douze milles marins, des mesures qui s’appliquent également aux navires battant pavillon d’autres États membres qu’en menant des concertations avec l’ensemble des États concernés, qui reposent dans les faits largement sur le consensus des parties prenantes. Une mesure d’interdiction de navires d’une certaine taille ou utilisant certains engins de pêche ne pourrait être décidée sans fondement scientifique solide et sans analyse ciblée, zone par zone, des enjeux environnementaux existants et des navires fréquentant ces espaces.
Pour la DGAMPA, le seuil de vingt-cinq mètres ne repose sur aucune démonstration scientifique étayée et conduirait à des effets de seuil préjudiciables, qui cacheraient mal une mesure discriminatoire vis-à-vis de navires étrangers. L’administration met en avant le « gentleman’s agreement » signé entre professionnels français, belges et néerlandais le 15 octobre 2024 pour la zone Manche Est, avec notamment une limitation de l’effort de pêche des navires pratiquant la senne danoise et une interdiction de la pêche à la senne (toutes tailles de navires et tous pavillons) de Cherbourg au Tréport dans les douze milles.
La DGAMPA soutient enfin que la France a ardemment défendu les accès de ses navires dans les 6-12 milles marins du Royaume-Uni, y compris des navires de plus de vingt-quatre mètres (soit 34 navires) et obtenu la prolongation de cet accord jusqu’en 2038. La stigmatisation de navires de grande taille serait donc de nature à décrédibiliser les positions françaises dans ce cadre.
Force est pourtant de constater que le problème des superpélagiques et des senneurs étrangers en Manche et en Mer du Nord n’est pas réglé pour la profession et que les réponses apportées par l’administration ne suffisent pas. Les professionnels sont par ailleurs toujours en attente d’une transposition réglementaire du gentleman’s agreement.
3. La nécessité de donner plus de visibilité aux pêcheurs
Plusieurs critiques sont aujourd’hui formulées à l’encontre du processus de détermination des droits à pêcher au niveau européen.
Premièrement, les décisions annuelles sont très tardives. Si les avis scientifiques donnent des indications claires aux professionnels, la réunion du conseil des ministres a lieu en décembre pour les TAC de l’Atlantique, de la mer du Nord et de la Méditerranée (les trois zones de pêche qui concernent les navires français) contre octobre pour les TAC de la mer Baltique. Tous les pêcheurs ont insisté sur ce point : peu de chefs d’entreprise pourraient accepter l’absence de visibilité sur l’activité économique de l’année suivante en décembre. Même si la DG Mare a souligné les difficultés techniques qui limiteraient les possibilités d’avancer le calendrier de négociation au conseil des ministres de l’UE, réunir le conseil plus en amont, même de quelques semaines seulement, serait un signal positif envoyé aux pêcheurs.
Proposition n° 17 : Avancer le calendrier de négociation du conseil des ministres de l’Union européenne.
Deuxièmement, il faut élargir autant qu’il est possible les quotas pluriannuels et, plus largement, renforcer l’encadrement de la variation des TAC, étant rappelé que cette stabilité des TAC doit être compatible avec la préservation de la ressource et ne peut donc reposer que sur des hypothèses prudentes. La France plaide depuis plusieurs années pour la mise en œuvre de TAC pluriannuels. Une dizaine de quotas pluriannuels (sur près de deux cents stocks) ont été mis en œuvre pour la première fois en 2024 et pour trois années concernant plusieurs espèces (cabillaud, lieu noir, dorade rose), dont certaines sont en souffrance. Pour 2026, cinq nouveaux stocks autonomes feront l’objet d’un nouvel avis pluriannuel (la plie du golfe de Gascogne et des eaux ibériques, le merlan, le lieu jaune et la sole ibérique).
En outre, les variations trop fortes sont redoutées par les pêcheurs. Si les baisses brutales sont évidemment les plus douloureuses (comme les baisses très fortes sur le lieu jaune en 2024 ou celles qui s’annoncent en 2026 pour le maquereau), les hausses trop fortes d’une année à l’autre ne sont pas toujours bien accueillies : de nombreux acteurs de la pêche plaident pour limiter les évolutions d’une année à l’autre en lissant les évolutions, lorsque cela ne met pas en péril la ressource halieutique.
Une hausse très forte anticipée sur les quotas de bar pour 2026 qui suscite des interrogations chez les pêcheurs
L’avis scientifique du CIEM de 2025 pour fixer les droits de pêche de 2026 sur le bar prévoit des augmentations très fortes qui représentent un doublement des quotas en Manche et en Mer du Nord (+ 2 400 tonnes par rapport à 2025) et un triplement des quotas dans le golfe de Gascogne (+ 5 000 tonnes par rapport à 2025). Cette hausse très forte constitue à la fois une bonne nouvelle, signe d’une bonne gestion par les pêcheurs eux-mêmes, mais elle suscite aussi des inquiétudes.
Le comité régional des pêches de Bretagne s’attend à une arrivée de nouveaux professionnels et à la demande de nouvelles licences : dans ce contexte, la pêcherie du bar pourrait être déstabilisée les années suivantes en cas de baisse des quotas. Une forte hausse des quotas peut également déséquilibrer le marché. L’association des ligneurs de la pointe Bretagne remarque, quant à elle, que les débarquements de la pêche de bar ont été systématiquement inférieurs au plafond de capture alloué (- 27 % en 2023 par rapport aux quotas autorisés). Le constat empirique des ligneurs ne serait pas celui d’un stock d’une santé telle qu’il pourrait absorber un doublement des quotas. L’augmentation des quotas pourrait aussi engendrer une augmentation des rejets.
Cette hausse est justifiée, selon les chercheurs de l’Ifremer, par un changement de modèle scientifique et l’efficacité des mesures de gestion. Toutefois, les scientifiques eux-mêmes considèrent qu’une transposition automatique des avis scientifiques en décisions de quotas pourrait ne pas être pertinente dans le cas d’espèce.
L’évaluation du règlement de la PCP et de sa mise en œuvre sur la dernière décennie a été lancée en 2024 par la Commission européenne. Elle doit être l’occasion pour la France de porter ces propositions d’amélioration sur la procédure de détermination des quotas au-delà des autres sujets majeurs que la France souhaite mettre en avant.
Proposition n° 18 : Systématiser le nombre de stocks soumis à des quotas pluriannuels et lisser les évolutions interannuelles des quotas qui ne sont pas soumis à des quotas pluriannuels.
B. l’évaluation de la ressource : un facteur clé à consolider
Alors que les pêcheurs font des efforts et ne sont pas « payés » en retour par l’augmentation des quotas, la tentation existe pour eux de remettre en cause les avis scientifiques (inadaptation des avis au modèle de la pêcherie mixte, avis décorrélés des constats empiriques des pêcheurs, modèles scientifiques qui ne seraient plus adaptés aux changements environnementaux, fin de la prise en compte des intérêts socio-économiques de la filière, etc.) ([34]). Pour autant, tous les pêcheurs reconnaissent qu’il est impossible de s’en passer.
Les rapporteurs réitèrent leur soutien à l’article 3 c) du règlement de la PCP selon lequel il faut déterminer « l’établissement de mesures conformément aux meilleurs avis scientifiques » : cette règle de bon sens constitue le seul modus operandi viable pour les pêcheurs eux-mêmes afin d’assurer la durabilité de la ressource. La réaffirmation de la nécessité de fonder les droits de pêche sur les avis scientifiques n’empêche en rien de plaider pour une amélioration de ces derniers, bien au contraire.
1. Les fondements des avis scientifiques
L’évaluation de la ressource et de l’effort de pêche optimal pour garantir sa durabilité repose sur différentes données centralisées sur le système d’informations halieutiques (SIH) géré par l’Ifremer. Les grands programmes d’observation des ressources marines exploitées sont :
– ObsVentes : l'observation des ventes qui consiste à mesurer périodiquement la taille des individus des principales espèces en criée et aux points de débarquement ;
– ObsMer : l’observation des captures en mer qui permet de mieux connaître les interactions entre l’activité de pêche, les ressources et les écosystèmes marins ;
– ObsDeb : l’observation des débarquements de pêche au retour de marée des navires côtiers de moins de douze mètres dans cinq régions de l’Outre-mer français, qui permet d’estimer les efforts de pêche, les captures et les valeurs débarquées ainsi que les indicateurs socio-économiques des flottilles ;
– ObsBio : collecte de paramètres biologiques individuels tels que l'âge et le poids d'une espèce à une taille donnée.
À ces suivis s’ajoutent les campagnes scientifiques de suivi halieutique qui permettent de produire des indices sur l’évolution des stocks ainsi que sur l’ensemble des compartiments de l’écosystème qui sont susceptibles d’affecter les populations exploitées (environnement, productivité, pollution) ou d’être affectés par la pêche (habitats, biodiversité, espèces vulnérables).
Comme le rappelle l’Ifremer dans sa contribution écrite, les avis du CIEM sont les meilleurs possibles à un instant t, mais ne peuvent prétendre à la perfection : « les capacités prédictives de la science sont limitées en ce qui concerne les fluctuations biologiques futures des ressources, et la pêche doit constamment s’adapter à un environnement très changeant et très incertain. »
Cette incertitude est aujourd’hui renforcée par les évolutions environnementales profondes et structurelles, extérieures à l’effort de pêche, qui conduisent à des évolutions très importantes des TAC d’une année à l’autre.
2. Renforcer la recherche et la coconstruction des savoirs entre professionnels de la pêche et scientifiques : une nécessité partagée par tous
a. Des relations désormais plus apaisées qu’auparavant mais un rôle des halieutes qui doit être renforcé
Les rapporteurs l’ont parfois entendu lors de leurs auditions : les avis scientifiques seraient jugés « hors sol » ou ne correspondant pas à l’état de la ressource tels que les pêcheurs l’observent empiriquement.
Cependant, si les relations entre pêcheurs et certaines organisations non gouvernementales se sont tendues, les relations entre les halieutes de l’Ifremer et les pêcheurs sont, dans l’ensemble bien plus apaisées que par le passé. L’Ifremer est engagée dans de multiples partenariats scientifiques-pêcheurs et bénéficie des finances de la filière (organisations de producteurs, comités des pêches, France Filière Pêche) dans le cadre de nombreux programmes de recherche pour améliorer la compréhension des effets du changement climatique, améliorer la sélectivité des engins de pêche ou limiter les captures accidentelles, tester de nouveaux modes de pêche, limiter les dépenses énergétiques, etc.
Le dialogue peut encore être indéniablement renforcé : si le dialogue avec l’Ifremer est permanent, si l’Ifremer est représenté au sein des instances de pêche, un dialogue plus nourri avant la présentation des avis scientifiques pourrait être prévu entre les halieutes et les représentants du secteur de la pêche, afin de confronter les analyses des chercheurs à la réalité « empirique » des pêcheurs. Charge ensuite aux instances de représentation des pêcheurs de faciliter la diffusion des études de l’Ifremer.
Les rapporteurs rappellent cependant que l’Ifremer a un rôle d’expertise, celui de préconiser un niveau de pêche permettant une exploitation durable de la ressource à partir d’un certain état des connaissances et selon les meilleurs modèles qui existent. Il ne joue aucun rôle décisionnaire et ne peut être tenu responsable des mesures de gestion décidées par l’Union européenne et les pouvoirs publics.
b. Renforcer la recherche : des moyens supplémentaires pour l’Ifremer, un soutien accru aux pêcheurs engagés dans une pêche durable et une augmentation des campagnes scientifiques
Scientifiques comme pêcheurs soulignent aujourd’hui la nécessité de renforcer la recherche, notamment au regard des incertitudes liées notamment au changement climatique.
De nombreux pêcheurs regrettent aujourd’hui le manque de données ou d’informations sur de nombreux sujets : conséquences du développement de l’éolien sur la répartition de la ressource, anticipation des évolutions des stocks liés au réchauffement climatique, causes des pollutions terrestres, impact de certains engins de pêche sur la ressource disponible, etc. Les pêcheurs ne demandent pas moins de recherche, mais au contraire plus de recherche !
Le renforcement de la recherche peut passer par un renforcement des moyens de l’Ifremer dont les subventions pour charges de service public atteignaient 198 millions d’euros dans la loi de finances pour 2025. Environ 120 ETP au sein de l’établissement public sont affectés aux enjeux halieutiques. Les pêcheurs témoignent concrètement d’une attrition des moyens de l’Ifremer et notamment des départs à la retraite non remplacés, ou la multiplication de projets qui ne peuvent se financer sans des contributions importantes de la filière, etc.
Au-delà de l’Ifremer, ce sont l’ensemble des opérateurs et des organes de recherche qui travaillent sur la ressource halieutique et l’environnement physique marin dont les moyens doivent être renforcés, comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) ou encore les universités. En outre, il convient de soutenir la recherche dans les Outre-mer, où il existe un manque important de données sur les stocks, notamment à Mayotte et en Guyane. Un travail de rattrapage a été lancé par l’Ifremer, mais celui-ci doit être renforcé. Dans ce cadre, les moyens de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) doivent également être renforcés.
Ce financement doit d’abord être pris en charge par l’État, avec une augmentation des dotations publiques. Sur l’enveloppe de 700 millions d’euros annoncée dans le cadre du contrat stratégique de filière, une partie de la contribution pourrait cependant également être fléchée par l’interprofession vers l’Ifremer et l’ensemble des opérateurs de recherche intéressés afin de financer de nouveaux programmes de recherche ou des campagnes scientifiques déployés avec le soutien de la filière.
Proposition n° 19 : Augmenter les subventions publiques dédiées à la recherche océanographique et halieutique (Ifremer, CNRS, SHOM, universités, IRD, etc.). Envisager, pour l’interprofession, de flécher une partie de l’enveloppe du contrat stratégique de filière vers des projets de recherche élaborés et mis en œuvre avec les professionnels.
Renforcer la recherche, c’est aussi systématiser les campagnes scientifiques, jugées par l’ensemble des acteurs rencontrés comme le meilleur moyen de progresser dans l’évaluation de la ressource et une meilleure connaissance de l’écosystème marin, vos rapporteurs ayant constaté une profonde méfiance du secteur par rapport aux données des programmes d’observation, contrairement aux campagnes scientifiques.
Près de vingt-cinq campagnes scientifiques ont lieu chaque année en mer, portant aussi bien sur des espèces pélagiques, des espèces démersales ou encore sur des crustacés et des coquilles ([35]). Elles permettent de collecter des données acquises à bord de navires scientifiques ou de bateaux de pêche professionnels grâce à l’utilisation d’engins de pêche standardisés. L’objectif est de proposer des estimations de la biomasse exploitable, d'un indice quantitatif du recrutement et du pré-recrutement ainsi que des paramètres de croissance. Ces campagnes scientifiques reposent souvent sur la coopération entre les halieutes de l’Ifremer et des pêcheurs en mer. Les campagnes scientifiques sont alors le symbole d’une co-construction efficace des savoirs entre scientifiques et pêcheurs.
Un exemple de campagne scientifique utile et plébiscité par tous : le programme Pelgas
Depuis 2007, la Thalassa, l’un des quatre navires hauturiers de la flotte océanographique française, est accompagnée durant le mois de mai pendant la campagne « Pelgas » par des navires de pêche professionnels. La campagne Pelgas vise en premier lieu à évaluer l’abondance des petits pélagiques du golfe de Gascogne.
Sur la Thalassa, quatre équipes travaillent jour et nuit afin de récolter un maximum de données sur l’hydrologie, le plancton, les petits poissons pélagiques et les mammifères et oiseaux marins, en combinant les outils acoustiques, hydrologiques, les observations visuelles et les pêches pour améliorer. De leur côté, les navires de pêche réalisent des pêches complémentaires, afin d’améliorer le taux d’identification des cibles acoustiques de petits poissons pélagiques.
Ce modèle original de campagne permet de produire chaque année des cartes et indicateurs standards sur les principaux compartiments de l’écosystème pélagique du Golfe de Gascogne au printemps.
Cette collaboration entre scientifiques et pêcheurs, a permis de passer d’une situation de tensions et d’incompréhensions, au début des années 2000, à un diagnostic partagé sur l’abondance des ressources évaluées lors de la campagne comme l’ont constaté les rapporteurs lors de leurs auditions et de leurs déplacements : pêcheurs comme scientifiques de l’Ifremer font du programme Pelgas un modèle de rapprochement entre scientifiques et pêcheurs.
Proposition n° 20 : Multiplier les campagnes scientifiques auxquelles sont associés les pêcheurs.
La recherche n’est pas seulement théorique, elle est aussi pratique. Les pêcheurs qui s’engagent dans des démarches d’expérimentation et de test, au-delà même de la question de l’évaluation de la ressource (test d’engins de pêche plus sélectifs, monitoring sur les dépenses de carburant, installation de capteurs de salinité ou de température de l’eau, etc.), sont trop peu soutenus. Les idées et les exemples de projets déjà mis en œuvre ou imaginés par les acteurs sont pourtant légion.
Proposition n° 21 : Encourager les expérimentations lancées par les pêcheurs.
Enfin, vos rapporteurs proposent que les coopérations entre scientifiques et pêcheurs soient renforcées, spécifiquement dans le Golfe de Gascogne, notamment à l’occasion des fermetures spatio-temporelles. De nombreux acteurs déplorent que l’interdiction de pêche en février, décidée par l’arrêté « Cétacés » ([36]), n’ait pas été l’occasion de renforcer le dialogue entre pêcheurs, halieutes et membres de la société civile (ONG, associations environnementales) en permettant aux scientifiques d’embarquer sur les navires de pêche pour permettre de renforcer la compréhension des conséquences de l’arrêt de la pêche sur la ressource halieutique et les captures accidentelles. Un comité consultatif régional de la gouvernance et de la gestion de la ressource pourrait être créé afin de mettre en œuvre cette expérimentation pour votre rapporteur Damien Girard.
Proposition n° 22 : Mettre en place l’embarcation de scientifiques sur les navires de pêche lorsque l’activité de pêche est impossible en raison de fermetures spatio-temporelles.
c. La critique du programme « Obsmer »
Parmi les sources de données nécessaires pour évaluer l’état des stocks et fixer le niveau du RMD, le programme « Obsmer » permet à des observateurs d’embarquer sur des navires de pêche pour observer les captures et les conditions de pêche depuis 2002. Il permet de consolider les données provenant des déclarations brutes des navires et s’inscrit dans l’obligation communautaire de collecter des données sur les captures totales ainsi que sur les captures accidentelles (pesées, mesures en tailles, échantillonnages des prises, etc.). Le programme est financé par le Feampa et sa maîtrise d’ouvrage est assurée par l’Ifremer. Selon les chiffres de la DGAMPA, entre 656 et 1078 marées sont observées annuellement depuis le lancement du dispositif. Depuis 2021, ce chiffre oscillerait entre 702 et 815.
Bien que le nombre d’embarcations reste significatif, il cristallise un certain nombre d’incompréhensions entre les pêcheurs d’un côté, les scientifiques et les pouvoirs publics de l’autre. D’un côté, l’Ifremer, qui assure le pilotage du programme, note que les pêcheurs refusent de plus en plus d’avoir des observateurs à bord, alors que ces observations constituent une information essentielle, empirique et concrète. De leur côté, les pêcheurs regrettent que les observations en mer, initialement assurées par les halieutes de l’Ifremer, aient été externalisées pour des raisons de coût : les protocoles seraient appliqués de façon peu pertinente par des professionnels faiblement expérimentés et sans compréhension fine du métier de pêcheur, à l’inverse des halieutes de l’établissement public. Un pêcheur breton rencontré par vos rapporteurs lors de leur déplacement à Lorient témoigne, par exemple, que le dernier observateur qu’il avait accepté à bord avait opéré le relevé de captures sur un nombre réduit de traits de pêche : les données obtenues ne pourraient aucunement être fiables dans ce cas. Les pouvoirs publics, de leur côté, n’observent pas de baisse dans la qualité des données transmises.
Les craintes et les résistances des pêcheurs, qu’elles soient objectives ou fantasmées, doivent être levées par une évaluation rigoureuse du programme et des marchés publics, ainsi qu’une meilleure association des pêcheurs aux protocoles pour comprendre leurs craintes et leurs réserves.
Proposition n° 23 : Réaliser une évaluation rigoureuse du programme Obsmer.
3. Favoriser une gestion de la ressource conduite par les pêcheurs
De nombreux acteurs ont partagé ce constat à vos rapporteurs : les mesures de gestion de la ressource, qui passent parfois par des limitations rigoureuses de l’effort de pêche, ne sont jamais aussi bien acceptées et efficaces que lorsque les pêcheurs eux-mêmes sont en mesure de les fixer au niveau local, notamment par les comités des pêches (comité national, comité régional).
La gestion de la coquille Saint-Jacques est devenue l’exemple de la pertinence du dialogue entre chercheurs et pêcheurs. Les débarquements de coquille ont plus que doublé depuis le début des années 2000 et la biomasse de cette espèce continue d’être croissante grâce à de nombreuses mesures de gestion rigoureuses et acceptées des pêcheurs pour contribuer à la reconstitution d’un stock et à sa gestion durable : périodes de fermeture, limites de débarquement, taille minimale de capture, réensemencement de juvéniles, etc. La campagne de suivi annuel Comor en baie de Seine, qui a débuté dans les années 1970, permet d’aboutir à des constats solides et partagés par la profession.
L’exemple du bar peut aussi être souligné. La gestion des pêcheries professionnelles de bar relève de la compétence du CNPMEM depuis 2017 (le bar est capturé à 95 % par la flottille française), via la commission des espèces benthiques et démersales du golfe de Gascogne (CEBDGG) et la commission Manche-Mer du Nord (CMMN), les comités régionaux pouvant agir de façon complémentaire. Des mesures de gestion rigoureuses ont été mises en œuvre depuis plusieurs années, alors que l’état du stock était jugé « alarmant » au début des années 2010 : nombre de licences limité, taille minimale de capture, période de repos biologique, plafonds de débarquement stricts en fonction des métiers, interdiction de pêche pour les chalutiers pélagiques en zone Nord. Les résultats sont là : les quotas sont aujourd’hui en forte hausse (voir plus haut).
Ces exemples sont le signe que les pêcheurs sont les mieux placés pour s’imposer des règles de gestion rigoureuses lorsque ce pouvoir leur est confié. Les pêcheurs sont aussi les plus légitimes pour faire appliquer ces règles elles-mêmes au niveau local. Le système de garde-jurés mis en œuvre dans de nombreux territoires en est un exemple : ces agents de contrôle et de lien assermentés pour mieux lutter contre le braconnage sont recrutés par les comités régionaux et sont actuellement une dizaine sur le territoire national. Habilités pour rechercher, surveiller et constater les infractions en matière de police des pêches, procéder à la saisie des équipements à des fins de pêche, ils peuvent aussi dresser des procès-verbaux, ordonner à tout engin de stopper et relever le matériel de pêche ou recourir à la force publique. L’activité des gardes jurés se fait en lien étroit avec le procureur de la République.
Les pêcheurs demandent d’ailleurs davantage de moyens pour s’engager dans l’auto-contrôle, au niveau individuel comme collectif. Pour soutenir concrètement les pêcheurs dans cette perspective, il est donc important de les accompagner par un plan de formation systématique et financé par l’État.
Proposition n° 24 : Systématiser les plans de gestion décidés et mis en œuvre par les pêcheurs au niveau local.
C. La nécessaire modernisation de la répartition des sous-quotas
La répartition en sous-quotas des quotas accordés à la France est arrêtée chaque année conformément aux règles de répartition définies à l’article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) entre les différentes organisations de producteurs (OP) et les pêcheurs dits « hors OP » (les pêcheurs qui ne sont adhérents à aucune OP).
En fonction de l'espèce et du taux de consommation des sous-quotas, ces derniers sont soit attribués à des navires (quota par navire), soit à des groupes de navires pratiquant certains engins, soit ils restent collectifs au niveau des OP. La mise en commun des quotas par les OP offre aux producteurs une certaine flexibilité leur permettant d'ajuster leur activité de pêche et leur production indépendamment d'un référentiel strict d'historique des débarquements des navires. Cette gestion dite « collective » offre ainsi des marges de manœuvre pour amortir les effets des changements de stratégie des navires de pêche, notamment en cas de « pêcheries mixtes » (les navires qui ne ciblent pas une espèce unique) ou d’épuisement des quotas. Elle permet également à certains pêcheurs actifs ne disposant pas d'historique de maintenir leur activité.
Article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime
I. – Les quotas de captures et les quotas d'effort de pêche peuvent être répartis annuellement par le ministre chargé des pêches maritimes et de l'aquaculture marine en sous-quotas, entre les organisations de producteurs, les groupements de navires ou les navires n'appartenant ni à un groupement de navires, ni à une organisation de producteurs.
II. – Sur demande de l'un des membres du groupe de suivi mentionné à l'article D. 921-33-1, le ministre peut, dans un délai de deux mois, procéder à la répartition de tout quota de captures ou d'effort de pêche non réparti selon les modalités prévues à la présente section.
III. – Le calcul de chaque sous-quota est effectué en tenant compte de trois composantes :
1° L'antériorité des producteurs, calculée selon les modalités définies aux articles R. 921-38 et R. 921-39 ;
2° L'orientation du marché, déterminée selon les modalités définies à l'article R. 921-49 ;
3° Les équilibres socio-économiques appréciés selon les modalités définies à l'article R. 921-50.
1. Le renforcement de la transparence des plans de gestion
Les organisations de producteurs (OP) bénéficient de pouvoirs délégués pour la gestion de leurs sous-quotas établis sur la base des quotas nationaux par espèce. Elles sont seules responsables de la mise en œuvre de leur propre allocation interne de quotas, ce qui inclut le contrôle de l'application des règles et les sanctions en cas de dépassement. L’adhésion à une OP n’est pas obligatoire et, réciproquement, une OP peut refuser l’adhésion d’un nouveau membre : c’est notamment le cas pour les candidats ciblant des espèces « sous tension » et n’ayant pas d’antériorité à faire valoir.
Le manque de transparence des décisions de certaines OP est pointé du doigt par certains acteurs de la filière, même s’il convient de préciser que les pratiques diffèrent beaucoup selon les OP : critères de répartition des quotas peu clairs (notamment dans le cas d’une gestion collective), décisions à la « tête du client » et absence de formalisation de règles écrites, absence de publication des décisions de l’OP. De nombreux mareyeurs regrettent aussi de n’être pas consultés et de n’avoir aucune visibilité sur les plans de capture, au détriment d’une meilleure valorisation commerciale de la ressource bénéfique pour toute la filière.
La DGAMPA estime que la révision des plans de gestion menée en 2024 et ayant conduit à l’arrêté du 4 décembre 2024 abrogeant et remplaçant l'arrêté du 9 juin 2016 établissant un plan de gestion pour les organisations de producteurs permettra de renforcer la transparence en la matière.
Dans les faits, l’obligation de transmission à la DGAMPA des plans de gestion existait déjà dans l’arrêté du 9 juin 2016, sans que l’obligation de transparence soit toujours réellement respectée selon la DGAMPA. Le nouvel arrêté prévoit en revanche la possibilité, pour l’administration, de demander des compléments aux OP, voire une modification, dans l’instruction des plans de gestion avant de les endosser par arrêté. Il étend les informations devant être transmises au-delà des seules espèces jugées « sensibles ». Dans les faits, la principale innovation réside dans le travail de normalisation de la transmission d’informations par la création d’un formulaire standardisé, co-construit entre l’administration et les OP, ce qui devrait permettre une meilleure compilation et une meilleure exploitation des données transmises. Pour la DGAMPA, « les plans de gestion devraient être plus transparents et diffusables largement, avec un cadre réglementaire permettant d’éviter qu’y figurent des mentions relevant du secret des affaires. Leur publicité doit permettre une transparence sur la gestion des quotas qui leurs ont été attribués. » Les rapporteurs comprennent donc qu’une publicité systématisée des plans de gestion devrait dorénavant être possible pour l’administration.
Les contrôles réalisés montrent plutôt que les OP travaillent dans le cadre réglementaire qui leur est imposé. De 2021 à 2024, 47 contrôles concernant des OP du secteur de la pêche ont été réalisés, ne donnant lieu à aucun retrait de la reconnaissance. Selon la DGAMPA, les manquements mineurs qui peuvent être constatés ponctuellement lors des contrôles sont aisément et rapidement corrigés par les OP.
Proposition n° 25 : Publier systématiquement les plans de gestion des organisations de producteurs.
2. Un système d’antériorité à transformer
a. Un système archaïque à revoir
Hors quelques cas particuliers (thon rouge de Méditerranée dont les références sont plus tardives, raie brunette en Manche, etc.), les sous-quotas sont principalement répartis en France selon les règles d’antériorité, à savoir les références de capture des navires pour les années 2001, 2002 et 2003. Ces références de captures sont aujourd’hui clairement datées. Bien que proposant une base objective, fondée sur des historiques de capture et apportant une visibilité réelle aux armements, ce système est contesté par de nombreux acteurs de la pêche :
– le système des antériorités constitue une barrière à l’entrée importante, notamment pour les nouveaux entrants et la pêche artisanale. La récupération de droits de pêche lors de la vente d’un nouveau navire ou par l’entrée d’un investisseur au capital d’un armateur personne morale peut ainsi conduire à une concentration des droits au profit d’acteurs moins nombreux (cf. infra) ; ([37])
– les références des captures des années 2001 à 2003, sans actualisation, paraissent avec le temps être une référence de plus en plus arbitraire en donnant un avantage très conséquent aux navires ayant eu des niveaux de production importants sur les années de référence ;
– les OP ne sont pas toutes sur un pied d’égalité, les OP ayant pu bénéficier de prélèvements de quotas issus de plans de sortie de flotte disposent d’une plus grande flexibilité et de références d’activités supérieures à l’activité économique des adhérents ;
– le calcul des antériorités a été réalisé à une période où les données déclaratives étaient encore très incomplètes ([38]). L’absence de déclarations, les sous-déclarations de captures ou encore les problèmes de saisies des documents déclaratifs étaient importants en particulier pour les petits navires non-membres d’une OP. Certains territoires s’estiment aujourd’hui clairement lésés en raison de ces problèmes de déclaration au début des années 2000 ;
– les évolutions des pratiques et les modifications de répartition de la ressource créent un décalage qui se creuse progressivement entre l’activité des navires et les antériorités portées par les mêmes navires.
Des groupes de travail ont été lancés au sein du CNPMEM pour améliorer les modalités de répartition, sans aboutir à une proposition de réforme fondamentale.
b. Une sous-consommation difficile à résorber
Malgré un système d’échanges de quotas entre OP françaises ou avec des OP d’autres pays de l’UE bien rodé, on constate par ailleurs un niveau élevé de sous-consommation des quotas. Selon les données européennes, l’état des consommations françaises, en fin d’année 2022 après optimisation des quotas via des échanges entre États et grâce à la flexibilité interannuelle (FIA), était le suivant :
– 14,6 % des quotas français ont été consommés à plus de 90 % ;
– 25,5 % des quotas français ont été consommés à plus de 80 % ;
– 41,6 % des quotas français ont été consommés à plus de 50 % ;
L’ensemble des acteurs du secteur de la pêche s’accordent cependant à dire que cette sous-consommation est liée à de nombreux facteurs (plans de sortie de flotte, raréfaction de la ressource malgré l’existence de quotas, auto-limitation pour maintenir des prix élevés ou garantir l’utilisation des flexibilités pluriannuelles en cas de baisse des quotas l’année suivante, absence de débouché commercial). Selon les travaux menés par la DGAMPA, seuls 9 % des quotas attribués à la France et aujourd’hui non consommés pourraient faire l’objet d’une optimisation pour augmenter le niveau global de consommation.
Les échanges de sous-quotas
Les OP peuvent procéder à des échanges de sous-quotas entre OP françaises ou étrangères afin de répondre au mieux au besoin de leurs adhérents et d’avoir une cohérence entre les sous-quotas de l’OP et la capacité de pêche.
Dans ces échanges, les prix moyens de l’année n-1 permettent d’échanger des stocks différents et de comparer des espèces valorisées différemment. L’objectif est d’avoir un équilibre en termes de valeur échangée et ce sont les prix de FranceAgriMer qui constituent la référence au moins au niveau national (au niveau européen, la base EUMOFA peut constituer le référentiel). L’ensemble de ces échanges sont soumis à la validation de la DGAMPA. Dans le cas d’un échange avec une OP étrangère, les OP française ont un délai de 48h pour se positionner à la place de l’OP étrangère. Cette possibilité de substitution permet de privilégier les OP françaises sans pénaliser les OP donneuses dans les contreparties souhaitées.
Source : Fedopa
c. Le renforcement de l’application de l’article 17 du règlement de la politique commune de la pêche notamment grâce à une meilleure utilisation des réserves
L’article 17 du règlement européen relatif à la politique commune de la pêche ([39]) prévoit que les États membres doivent non seulement répartir les quotas selon des critères transparents et objectifs à caractère environnemental, social et économique – le système des antériorités ne semble pas répondre à ces trois critères – mais également que ces critères prennent en compte l’impact environnemental de la pêche en priorisant les techniques de pêche peu carbonée et produisant de faibles dommages sur les habitats. Le système des antériorités est aujourd’hui très éloigné de ce modèle pourtant primordial du point de vue économique, social et environnemental.
La vente des navires de pêche ou leur mise au rebut conduit au prélèvement d’antériorités mis en réserve au niveau de l’OP et au niveau national. Ces quotas mis en réserve devraient être l’occasion de favoriser l’installation de jeunes et les navires de pêche vertueux du point de vue environnemental. Cela semble être insuffisamment le cas, notamment pour la gestion des OP malgré le volontarisme de plusieurs d’entre elles.
Transfert et prélèvements des droits de pêche au moment de la vente d’un navire ou de l’arrêt de son activité (articles R. 921-44 et 921-45 du code rural et de la pêche maritime)
« L'arrêt définitif d'activité du navire d'un producteur entraîne la mise en réserve nationale de 30 % des antériorités du navire considéré. Les 70 % restants sont affectés à la réserve de l'organisation de producteurs à laquelle le producteur était adhérent à la date de sortie de flotte de ce navire.
« Le changement de producteur d'un navire entraîne le prélèvement de 20 % des antériorités de ce navire, 80 % restant affectées au navire et au nouveau producteur.
« 30 % des 20 % prélevés sont affectés à la réserve nationale et 70 % à la réserve de l'organisation de producteurs à laquelle le producteur précédent était adhérent avec le navire considéré. »
i. Les quotas de la réserve nationale
La réserve nationale était, avant 2024, répartie sur la base des historiques de captures 2011-2013. Particulièrement abondées à l’occasion du plan de sortie de flotte lié au Brexit (« PAI Brexit »), des réflexions ont été conduites entre les professionnels, les OP et l’État pour mieux utiliser ces sous-quotas. Les arrêtés du 4 décembre 2024 relatifs à la mise en œuvre de l'article R. 921-48 du CRPM ([40]) et du 24 décembre 2024 établissant les programmes scientifiques et les stocks retenus pour l'allocation des sous-quotas issus de la réserve nationale d'antériorités au titre de l'année 2025 ([41]) témoignent pour la première fois d’une ambition en matière d’attribution de quotas de pêche sur une base sociale et environnementale :
– jusqu’à 20 % des sous-quotas disponibles en réserve pour chaque stock concerné peuvent être attribués chaque année à des producteurs pour l’installation des jeunes pêcheurs de moins de 40 ans et favoriser la décarbonation des navires ;
– parmi les sous-quotas restant, 40 % des sous-quotas disponibles pour chaque stock concerné peuvent être attribués afin d’augmenter la participation des pêcheurs aux programmes scientifiques permettant l'amélioration des connaissances halieutiques, l'amélioration de la sélectivité et la mise en œuvre de dispositifs permettant la réduction des impacts sur l'environnement, 20 % pour développer le label pêche durable et 40 % pour répondre une crise socio-économique.
Par ailleurs, pour les sous-quotas non alloués à la date du 1er juillet, ces derniers peuvent être attribués au prorata de la moyenne des captures déclarées au titre des trois précédentes années, ce qui constitue une base de référence plus récente. Cette évolution récente des textes encadrant l’utilisation de la réserve nationale est saluée et il conviendra d’évaluer sa mise en œuvre concrète. Il convient également de considérer que les impacts sur les habitats ne sont pas pris en compte par l’arrêté. Une notation environnementale des navires permettrait de mieux objectiver l’attribution des quotas issus de la réserve nationale.
Vos rapporteurs soulignent enfin l’absence de transparence de la DGAMPA qui n’a transmis aucune information sur l’utilisation de la réserve nationale ces dernières années malgré leurs demandes.
ii. Les quotas de la réserve dans les organisations de producteurs (OP)
Les rapporteurs constatent que le travail qui a été réalisé pour la réserve nationale ne l’a pas été pour les réserves des OP. Les pratiques peuvent donc varier fortement d’une OP à une autre sans qu’il soit possible de disposer d’une vision claire compte tenu de l’absence de publication des plans de gestion ou de transmission de données par la DGAMPA.
L’article R. 921-47 du CRPM prévoit que ces réserves soient destinées « en priorité » à favoriser l’installation de producteurs, le renouvellement des navires par un producteur, la reconversion de producteurs dont l’activité est percutée par des mesures de gestion, l’adhésion d’un « hors OP » ou le transfert d’antériorités à une autre organisation de producteurs. Si certains de ces critères vont dans le bon sens (renouvellement des générations), il n’est pas fait mention clairement d’une amélioration de la sélectivité et des impacts sur l’environnement, du soutien à la décarbonation, du soutien à la résilience du territoire et à la pêche artisanale, etc.
Certaines OP volontaristes ont réalisé des efforts pour transférer une partie des quotas de pêche vers la petite pêche. L’OP Sathoan a ainsi œuvré pour transférer une partie des droits de pêche des quotas de thon rouge de Méditerranée des senneurs aux « petits métiers » en favorisant l’installation de nouveaux pêcheurs, mais les premiers concentrent encore près de 90 % des quotas.
En outre, l’article R. 921-61 du CRPM prévoit que les plans de gestion adressés à l’administration indiquent la répartition des réserves d’antériorités que lorsqu’elles dépassent, pour un stock donné, 20 % des antériorités totales de l’organisation de producteurs. Un renforcement des exigences de transmission d’informations pourrait être envisagé en la matière.
iii. La nécessité d’entamer une refonte du système d’attribution des sous-quotas
Il n’existe aucune contrainte forte imposant l’utilisation de la réserve des OP pour favoriser une mise en œuvre vertueuse de l’article 17 de la PCP.
À court terme, il pourrait être envisagé de modifier le partage actuel entre réserve nationale (30 % des prélèvements) et réserve de l’OP (70 % des prélèvements) au bénéfice de la réserve nationale, dont les critères semblent aujourd’hui davantage cohérents avec les objectifs de l’article 17 du règlement de la PCP, au moment de la transmission d’un navire. Une autre solution serait de renforcer les contraintes sur l’utilisation des quotas en réserve au sein des OP pour garantir une meilleure application de l’article 17 du règlement européen de la PCP.
Toutefois, à plus long terme (10-15 ans) et de manière progressive, il pourrait être également envisagé une transformation beaucoup plus radicale du système d’attribution des sous-quotas, selon laquelle les antériorités ne seraient plus qu’un critère parmi d’autres. Parmi les pistes qui pourraient être privilégiées : l’instauration d’un système de bonus-malus où l’attribution des sous-quotas aux OP serait modulée selon les efforts réalisés par celles-ci et leurs adhérents pour la mise en œuvre de l’article 17. Cette option devra être mise en œuvre une fois que l’utilisation des réserves sera plus conforme à l’article 17 et que ses résultats concrets, par exemple en matière de renouvellement des générations ou de décarbonation, seront évalués.
Proposition n° 26 : Améliorer la mise en œuvre de l’article 17 de la PCP afin de favoriser l’octroi de droits de pêche en fonction de critères socio-économiques et environnementaux.
Cette amélioration pourrait prendre plusieurs formes.
À court terme, il pourrait d’abord être envisagé de durcir les critères d’utilisation des réserves des OP ou de revoir la clé de répartition des prélèvements entre réserve nationale et réserve des OP.
À plus long terme, une fois que l’utilisation des réserves des OP sera réalisée conformément à l’article 17, le système des antériorités pourrait être modulé ou remplacé par un système de bonus-malus pour la répartition des sous-quotas entre OP en fonction des efforts réalisés par celles-ci pour atteindre les objectifs de l’article 17. Une notation environnementale, navire par navire, pourrait également être envisagée pour déterminer l’attribution des droits de pêche.
d. Accompagner les pêcheurs qui s’engagent dans une pêche durable
Au-delà de la répartition des sous-quotas, les pêcheurs qui s’engagent pour une pêche plus durable et plus respectueuse de l’environnement ne sont pas toujours suffisamment soutenus, au-delà des seuls « bonus » de sous-quotas qui peuvent déjà exister aujourd’hui.
Le chalut de fond : des procédés techniques aujourd’hui bien établis pour limiter les prises accidentelles mais qui ne peuvent pas être systématisés faute d’accompagnement suffisant des pêcheurs
De nombreux dispositifs ont été testés à bord de navires scientifiques et professionnels pour répondre aux différentes problématiques de rejets observées dans les flottilles chalutières françaises. Considérant le caractère multi-spécifique et saisonnier des pêcheries chalutières métropolitaines, il a fallu tester au cours du temps de nombreuses solutions différentes pour s’adapter aux différents types de pêche : augmentation de la taille des mailles, changement de leur forme, insertion de grille ou de fenêtre d’échappement, etc.
Il ressort néanmoins de ces études que des solutions techniques existent pour améliorer la sélectivité des chaluts de fond et réduire leurs rejets. ([42]) Mais elles peuvent aussi générer des pertes commerciales à court terme qui freinent leur adoption par les pêcheurs professionnels. Les progrès possibles et espérés en termes de sélectivité des chaluts sont conditionnés par l’accompagnement des pêcheurs professionnels pendant la transition : un accompagnement adéquat leur permettrait de déployer des dispositifs sélectifs qui répondraient à leur problématique de rejet sans compromettre la santé économique de leur entreprise. Le bénéfice à long terme pour la ressource et les flottilles est démontré si la transition s’opère pour l’ensemble des navires. ([43])
Source : Ifremer.
Il s’agit de soutenir les pêcheurs dans une transition qui, à la fin, permettra de « mieux pêcher » (respect de l’environnement, taille de poissons plus gros, etc.). Votre rapporteur, Damien Girard, considère qu’il manque aujourd’hui clairement des dispositifs d’aide permettant de compenser les pertes financières des pêcheurs qui s’engagent à utiliser du matériel et des techniques de pêche dont les effets bénéfiques sur la ressource ont été objectivés, mais dont l’adoption a des effets négatifs sur les revenus de ces pêcheurs à court terme.
À terme, les pêcheurs, d’abord sur une base facultative pendant un premier temps (quelques années), puis ensuite de façon contraignante pour l’ensemble de la profession (par arrêté ministériel), pourraient adopter les dispositifs techniques dont les études théoriques et les expérimentations concrètes en mer auraient clairement prouvé qu’ils permettent d’améliorer la sélection interspécifique. Là encore, des financements du contrat stratégique de filière devraient permettre de compenser les éventuelles pertes constatées par les pêcheurs à court terme, sachant que l’ensemble de la profession profitera à moyen et long termes d’une ressource plus abondante.
Votre rapporteur Stéphane Buchou, bien qu’en accord avec la nécessité d’encourager les pratiques de pêche durable, exprime ses réserves sur cette proposition qui interroge le modèle économique.
En effet, si la systématisation à l’ensemble de la profession ne s’opère pas dans des délais courts, la compensation financière prévue initialement de manière temporaire ne compensera pas les pertes et génèrera une perte de compétitivité entre les bateaux engagés dans cette transition et les autres.
C’est pourquoi votre rapporteur privilégie le renforcement de l’application de l’article 17 de la PCP (proposition n° 26) et du recours au contrat stratégique de filière, leviers essentiels pour encourager le renouvellement et la décarbonation de la flotte, ainsi que pour accompagner la transition du secteur.
Proposition n° 27 de votre rapporteur Damien Girard : soutenir financièrement les pêcheurs qui s’engagent dans de nouvelles pratiques favorisant une pêche plus durable et engager un basculement progressif pour systématiser les engins de pêche améliorant la sélection intra- et interspécifique.
3. La protection de la pêche artisanale comme rempart à la fuite des droits
Si d’autres pays européens ont fait le choix de privilégier une pêche industrielle fondée sur des armements structurés, peu nombreux et disposant de navires de grande taille (Pays-Bas, Belgique), la France a toujours été caractérisée par l’importance de la pêche artisanale, reposant sur le modèle du patron de pêche-armateur (armement non structuré) et sur des navires de taille petite ou moyenne.
Or, ce modèle est fragile. Une très nette diminution de la flotte des navires armés par des patrons de pêche armateurs (indépendants) est constatée. Si la baisse de la flotte des bateaux de plus de 12 mètres de patrons de pêche armateurs était régulière depuis 2000, elle s’est accentuée en 2020 en passant, dans cette catégorie, de 1 016 navires de plus de 12 mètres à 537 en 2021 et à 354 en 2024. Même si la concentration des droits de pêche n’en constitue pas la seule cause, cette dernière constitue un motif d’inquiétude légitime.
a. Le transfert de droits de pêche au moment de la vente ou par l’entrée au capital d’un armement
Le législateur a expressément exclu toute patrimonialisation des ressources halieutiques par l’article L. 911-2 du code rural et de la pêche maritime, qui considère ces ressources halieutiques en tant que « patrimoine collectif ». Contrairement à d’autres pays, les droits de pêche sont dits « invendables » et « incessibles ». La gestion des quotas revient donc soit aux OP (pour leurs adhérents), soit à l’administration (pour les hors OP). Les droits de pêche sont attribués à un producteur ou armateur, c'est-à-dire une personne physique ou morale chargée d'exploiter un navire de pêche commerciale immatriculé au niveau de l'Union européenne.
Néanmoins, les droits de pêche peuvent être transférés d’un armateur à un autre au moment de la vente d’un navire, sous la condition de la signature d’un protocole entre les deux armateurs, validé par l’administration. Un transfert des historiques de pêche est alors entériné. Or, le moment de la vente constitue un moment de vulnérabilité dans la gestion des droits à pêcher. Le rachat d’un navire permet à un armement structuré de récupérer des droits à pêcher, indépendamment de l’intérêt réel porté au navire en tant que tel. Les droits de pêche sont ensuite transférés à un autre navire appartenant à la même entreprise, comme l’autorise le code rural et de la pêche maritime.
Cette prise de contrôle sur les quotas peut aussi prendre la forme d’entrée au capital d’entreprises de pêche (armateurs personnes morales), notamment par des investisseurs étrangers, alors que le transfert d’antériorités entre navires d’un même armateur est possible. Le principe de non-cessibilité des droits entre ainsi en contradiction avec l’attribution de droits à des personnes morales sans regard sur les modifications d’actionnaires autorisé par le code rural et de la pêche maritime, ce qui conduit à favoriser les effets de fusion et d’absorption.
Comme l’indique l’avis de 2015 de l’Autorité de la concurrence ([44]) « le système français a ainsi abouti à la marchandisation des antériorités, alors que cette dernière n’était pas souhaitée. Cette marchandisation est d’autant plus problématique qu’elle n’est pas officielle, ce qui crée une incertitude pour les propriétaires de bateaux. » Si ces stratégies répondent, en partie, à des besoins en investissement, elles renforcent la concentration du secteur et peuvent contribuer à une forme de perte de souveraineté. Les voies et moyens n’ont pas encore été trouvés pour limiter le phénomène.
Il paraît important, a minima, de savoir qui est le bénéficiaire ultime des droits de pêche. Dans ce sens, la création d’un observatoire de la structuration des entreprises, qui ne doit pas être confondu avec l’observatoire économique (voir première partie), devrait permettre d’observer les mouvements de parts sociales et d’avoir une vision claire sur le bénéficiaire ultime du droit, notamment la nationalité de la personne morale ou physique qui bénéficie de ce droit. Un rapport commandé au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et à l’Inspection des affaires maritimes (IGAM) aurait abouti à cette recommandation également soutenue par une fédération d’OP (Fedopa). La DGAMPA a signalé l’intérêt de la proposition, sans donner de quelconques indices sur un éventuel calendrier de mise en œuvre et ses modalités concrètes, ce dont ne peuvent se satisfaire vos rapporteurs et la profession dans son ensemble.
Proposition n° 28 : Créer un observatoire de la structuration des entreprises de pêche.
b. La question du lien économique avec le territoire
Pour défendre la pêche artisanale et garantir et protéger les intérêts littoraux, l’article L. 921-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit l’obligation pour tout navire de pêche français d’avoir un lien économique réel avec le territoire national. L’article R. 921-4 du même code définit ce lien économique par la présence d’un établissement et une « activité économique effective » qui paraît particulièrement floue, et renverrait aux débarquements et aux ventes sans que ces critères ne soient expressément formulés.
Article R. 921-4 du code rural et de la pêche maritime
Un navire battant pavillon français a un lien économique réel avec le territoire français et est dirigé et contrôlé à partir d'un établissement stable situé sur le territoire national, au sens de l'article L. 921-3 lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° La personne identifiée en tant qu'armateur sur le certificat de francisation et le permis d'armement du navire, ou son représentant, a sur le territoire national un établissement comportant les infrastructures ainsi que les moyens matériels et humains nécessaires à la gestion et à l'exploitation du navire ;
2° L'établissement de l'armateur sur le territoire français a pour objet l'exercice sur ce territoire d'une activité économique effective.
En réalité, il n’existe aujourd’hui aucune obligation de vente dans les ports français pour les navires battant pavillon français. Il est de notoriété publique que certains navires battant pavillon français débarquent une part du produit de la pêche, pour immédiatement l’envoyer et le conditionner dans le pays d’origine de l’actionnaire, ou emploient du personnel de la nationalité de ce dernier, souvent moins bien payés qu’en France([45]).
Cette définition semble insuffisamment rigoureuse à de nombreux acteurs, qui souhaiteraient en renforcer le caractère contraignant et limiter ainsi la possibilité, pour des capitaux étrangers, d’investir dans des entreprises de pêche sans faire vivre le territoire. De nombreux représentants du secteur de la pêche attendent une qualification du lien économique réel par le pouvoir réglementaire. Pour la Fedopa, le contrat stratégique de filière pourrait précisément constituer l’occasion d’en préciser le contenu.
Proposition n° 29 : Durcir et préciser les critères permettant de justifier d’un lien économique réel avec le territoire.
c. La question épineuse de la définition de la pêche artisanale
La question de la définition de la « pêche artisanale » est en enjeu important, n’est pas simple, et les interlocuteurs rencontrés ne proposent pas toujours la même définition. Mieux définir la pêche artisanale est pourtant nécessaire si les pouvoirs publics souhaitent la défendre. Le rapport de 2019 de notre collègue Annaïg Le Meur et de notre ancien collègue Sébastien Jumel ([46]) en faisait déjà un enjeu important. Il existe aujourd’hui « faisceau d’indices » permettant d’approcher une définition possible de la pêche artisanale, qu’il faut encore concrétiser dans le code rural et de la pêche maritime :
– la taille des navires et les engins de pêche utilisés : des chalutiers de plus de vingt mètres peuvent encore relever d’une pêcherie artisanale pour certains, tandis que d’autres acteurs limitent la pêche artisanale aux moins de douze mètres utilisant les arts dormants et réservant leur activité à la bande côtière. Quant à l’Union européenne, elle utilise précisément les critères de la taille et des engins au sein de l’Annual economic report, destiné à permettre la restitution des indicateurs économiques de la Data collection framework ;
– la durée des marées : encore utilisées par la réglementation nationale, des distinctions sont établies entre, d’une part, la petite pêche (marées inférieures à 24 heures), la pêche côtière (marées comprises entre 24 et 96 heures), toutes deux relevant de la pêche artisanale, la pêche au large (marées supérieures à 96 heures) et la grande pêche (jauge brute du navire supérieure ou égale à 150 tonneaux, marées supérieures à 20 jours). En corollaire, la notion d’« espace de pêche » débouche sur un classement par zone d’activité principale : l’Ifremer distingue ainsi les navires ayant exercé plus de 75 % de leur activité dans les 12 miles qualifiés de « côtiers », ceux ayant exercé entre 25 % et 75 % de leur activité dans cette zone qualifiés de « mixtes » et ceux ayant exercé plus de 75 % de leur activité à l’extérieur de la bande côtière, qualifiés de « larges » ;
– la triple identité armateur, pêcheur et patron, qui avait la préférence du rapport précité, permettant de clairement distinguer la pêche artisanale des armements structurés (avec un chef d’entreprise sur terre et des administratifs, plusieurs navires en exercice, une entreprise potentiellement capitalisée). Là encore, cette définition ne fait pas l’unanimité, certaines entreprises familiales ayant les caractéristiques d’armements structurés pouvant être considérées comme des entreprises artisanales, notamment par le lien très direct maintenu avec le territoire.
L’ensemble de ces critères peuvent être discutés, et proposer une définition de la « pêche artisanale » conduit à faire des choix politiques forts. Toutefois, en raisonnant par exclusion, il y a des modèles dont tout observateur de bonne foi reconnaîtra qu’il ne peut pas s’agir de pêche artisanale. Sans identification d’un modèle clair à défendre, la pêche artisanale sera progressivement affaiblie. Or, depuis 2019, aucun chemin n’a été fait, ce qui ne peut que lui porter préjudice et bénéficier à la pêche industrielle, qui est capable de défendre ses intérêts au sein des instances et ne se prive pas de dire que « la pêche artisanale n’existe pas » ou que « toute la pêche est artisanale » faute de définition juridique précise.
Proposition n° 30 : Définir juridiquement un modèle de pêche artisanale.
Lors de sa réunion du 15 octobre 2025, la commission a examiné le rapport de la mission d’information relative à l’avenir de la gouvernance de la pêche française au service d’une gestion partagée de la ressource halieutique (MM. Stéphane Buchou et Damien Girard, rapporteurs).
Ce point de l’ordre du jour n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
La commission a approuvé la publication du rapport d’information.
*
Liste des personnes auditionnÉes
Par ordre chronologique
Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer)
M. François Houllier, président directeur-général
Commission européenne - Direction générale des affaires maritimes et de la pêche (MARE)
Mme Maja Kirchner, directrice adjointe en charge de la gestion des pêches dans l’Atlantique, la mer du Nord, la mer Baltique et les régions ultrapériphériques
Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM)
M. Olivier Le Nézet, président
M. Philippe De Lambert des Granges, directeur général
L’Union des mareyeurs français (UMF)
M. Simonnet Adrien, secrétaire général adjoint
M. Chrzan Aymeric, secrétaire général du syndicat des Mareyeurs Boulonnais
France Filière Pêche (FFP)
M. Frédéric Toulliou, président
Mme Hélène Keraudren, déléguée générale
Association Nationale des Organisations de Producteurs (Anop)
M. Julien Lamothe, secrétaire général
Fédération des Organisations de Producteurs de la Pêche Artisanale (Fedopa)
M. Bruno Margolle, président
M. Jérémie Souben, secrétaire général
Association Bloom
M. Swann Bommier, directeur du plaidoyer
M. Frédéric Le Manach, directeur scientifique
Mme Laetitia Bisiaux, responsable de campagne
M. Eva Matescot, chargée de plaidoyer
Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer)
Mme Julie Brayer Mankor, directrice générale adjointe,
Jean Chibon, délégué filière Pêche et Aquaculture
M. Pierre Claquin, directeur Marchés, Études et Prospective
Union des armateurs à la pêche de France (UAPF)
M. Marc Ghiglia, délégué général
Mme Axelle Bodmer, secrétaire générale
Syndicat CFTC des marins pécheurs
M. Bruno Dachicourt, secrétaire général
Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Normandie
M. Dimitri Rogoff, président
Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA)
M. Eric Banel, directeur général
Mme Aurélie Darpeix Van Tongeren, cheffe de service SPMAD « pêche maritime et aquaculture durables »
Organisation de Producteurs - Société Coopérative Maritime des Pêcheurs de Sète Mole (SATHOAN)
M. Bertrand Wendling, directeur général
Association Pêche Avenir Cap-Sizun
M. Thomas Le Gall, pêcheur ligneur
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
Personnes entendues lors des dÉplacements
Déplacement de la mission aux Sables d’Olonne – lundi 26 mai 2025
- M. Jose Jouneau, président du COREPEM de Pays de la Loire, de l’OP Vendée, et de Loire Océan Filière Pêche
- Mme Fanny Brivoal, directrice du COREPEM
- M. Gérard Huguet, Armateur, (Armement coopératif artisanal)
- M. Hugues Vincent, directeur de l’armement coopératif artisanal vendéen
- M. Alexandre Bannes, chargé de mission à Loire Océan Filière Pêche
- M. Benjamin Hennequin, mareyeur et président de l’association des mareyeurs de Vendée
- Mme Monique Lebeaupin, mareyeure
- Mme Diane Sabourault, mareyeure
- M. Guillaume Badoinot, président de l’Union du mareyage charentais
- Mme Marie-Christine Lahary, directrice générale de l’Association Centre Atlantique des acheteurs des produits de la pêche (ACAAPP)
- Mme Marie Bevillon, présidente de l’entreprise « la Sablaise »
- M. Sébastien Le Reun, directeur des concessions portuaires, CCI Vendée
- M. Sébastien Vogne, responsable des criées de La Turballe-Le Croisic
- M. Eric Le Mero, directeur général de la SAEM Loire-Atlantique pêche et plaisance
Déplacement de la mission à Boulogne sur Mer – jeudi 19 juin 2025
- M. Xavier Harlay, directeur du centre
- M. Kélig Mahe, responsable de l’unité halieutique
- M. Christophe Loots, responsable de laboratoire
- M. Olivier Leprêtre, président du CRPMEM des Hauts-de-France
- M. Louis Gustin, directeur général du CRPMEM
- Mme Delphine Roncin, directrice de l’OP « From Nord »
Déplacement de la mission à Lorient – mercredi 16 juillet 2025
- M. Philippe Moguedet, responsable de la station
- Mme Sarah Lelong, fondatrice de Consult’Ocean
- M. Olivier Le Nézet, président du CRPMEM
- M. Jacques Doudet, directeur général du CRPMEM
- M. Bertrand Tardiveau, chargé de communication du CRPMEM
- M. Yves Foezon, directeur de l’OP « Pêcheurs de Bretagne »
- M. Laurent Tréguier, pêcheur (chalutier)
- M. Christophe Audo, pêcheur (fileyeur)
- M. Jean Pierre Le Visage, directeur de la Scapêche
- M. Guénolé Merveilleux, président de l'Association bretonne des acheteurs de produits de la pêche,
- Mme Jennifer Leroux, responsable filière à l’Abapp,
- M. Jean Besnard, mareyeur
- M. Benoît Jaffré, directeur général de la SEM Lorient Keroman
- M. Yonel Madec, responsable du pôle halieutique de la Sem Lorient Keroman
- M. Yonel Madec, responsable du pôle halieutique de la Sem Lorient Keroman
Déplacement de la mission à Sète – mercredi 3 septembre 2025
- M. Bernard Perez, président du CRPMEM
- M. Emmanuel Bassinet, secrétaire général du CRPMEM
- M. Jean-Marie Avallone, membre du bureau
- M. Bruno Liguori, membre du bureau suppléant
- Mme Perrine Cuvilliers, membre du bureau
- M. Guy Mirete, président de l’OP du Sud
- Mme Perrine Cuvilliers, secrétaire générale chez OP du Sud
- Mme Vincent Scotto, président de l’OP Sathoan
- Mme Kelly Llinares, directrice de la criée et du port de Sète
- Mme Eva Jaouen, coordinatrice des projets de la prud'homie de Palavas-les-Flots
- M. Michel Combet, premier prud’homme au Grau-du-Roi
- M. Mohamed Bekarra, prud’homme à Agde
- M. Christophe Lenormand, directeur interrégional de la Mer Méditerranée
([1]) Rapport d’information n° 2293 sur la pêche, Assemblée nationale, commission des affaires économiques, Sébastien Jumel (président), Anaïg Le Meur (rapporteure).
([2]) Entre 1983 et 2023, le nombre de navires exerçant dans l’océan Atlantique et dans la mer Méditerranée est passé de 11 660 à 4 240.
([3]) La part des coûts énergétiques est passée de 13 % des recettes des armateurs en 2020 à 35 % en 2022 : la décarbonation est non seulement une nécessité écologique, mais également une nécessité économique alors que la raréfaction de la ressource conduit les navires, notamment au chalut, à consommer davantage de gasoil.
([4]) Article 17 du règlement 1380/2013 du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche : « Lors de l’attribution des possibilités de pêche dont ils disposent visées à l’article 16, les États membres utilisent des critères transparents et objectifs, y compris les critères à caractère environnemental, social et économique. Les critères à utiliser peuvent notamment porter sur l’impact de la pêcherie sur l’environnement, les antécédents en matière de respect des prescriptions, la contribution à l’économie locale et le relevé des captures. Les États membres s’efforcent, dans le cadre des possibilités de pêche qui leur ont été allouées, de proposer des incitations destinées aux navires de pêche qui déploient des engins sélectifs ou qui utilisent des techniques de pêche ayant des incidences réduites sur l’environnement, notamment une faible consommation d’énergie et des dommages limités aux habitats. »
([5]) Rapport d’information n° 2293 sur la pêche, Op. cit. Voir notamment les propositions n°° 13 « créer un véritable statut de l’élu pour les personnes siégeant au sein des comités des pêches maritimes et des élevages marins afin de favoriser un renouvellement des générations aux seins des instances représentatives de la profession » et 14 « faire siéger les présidents de comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins au bureau du comité national des pêches maritimes et des élevages marins ».
([6]) L’Anop regroupe FROM Nord, Pêcheurs de Bretagne, Orthongel, FROM Sud-ouest, OP La continière, OP du Sud, Sathoan. La Fedopa regroupe Coopérative maritime étaploise, OP pêcheurs normands, Cobrenord, OP pêcheurs artisans de l’île de Noirmoutier, OP pêcheurs d’Aquitaine, OP du Levant.
([7]) L’article 1519 du code général des impôts prévoit que « 35 % sont affectés aux comités mentionnés à l’article L. 912-1 du code rural et de la pêche maritime pour le financement de projets concourant à l’exploitation durable des ressources halieutiques. Ce pourcentage est réparti à raison de 15 % au profit du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, 10 % pour les comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins dans le ressort desquels les installations ont été implantées et 10 % pour les comités départementaux et interdépartementaux des pêches maritimes et des élevages marins dans le ressort desquels les installations ont été implantées. »
([8]) CJUE, 30 mai 2013, Doux Élevage SNC, aff. C-677/11.
([9]) CGAAER, « Quelle interprofession pour la pêche », n° 21107, mai 2022.
([10]) Contrat stratégique de la filière pêche française, février 2025.
([11]) Les mentions obligatoires à destination du consommateur de produits de la pêche et de l’aquaculture sont mentionnées à l’article 35 du règlement (UE) n ° 1379/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture. L'État du pavillon du navire ayant réalisé la capture est une information complémentaire facultative en application de l’article 39 du même règlement.
([12]) Ipsos, Enquête sur l’image des métiers de la pêche en France, mai 2025.
([13]) Chiffre communiqué par le CNPMEM.
([14]) Cf. V de l’article 2 du décret n° 2025-29 du 8 janvier 2025 relatif aux attributions du ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
([15]) https://www.franceagrimer.fr/chiffre-et-analyses-economiques/observatoires/observatoire-economique-de-la-peche-et-de-0
([16]) Des aides en faveur de 273 navires devraient être accordées. Au 25 juin 2025, FranceAgriMer a instruit et mis en paiement des aides pour 235 navires, pour un montant de 14,8 M€.
([17]) Quatre femmes sur quarante-deux membres du conseil et une femme sur douze membres du bureau.
([18]) Chiffres et données fournies par la DGAMPA.
([19]) Rapport d’information n° 2293 sur la pêche, Assemblée nationale, commission des affaires économique, Sébastien Jumel (Président), Anaïg Le Meur (rapporteur), proposition n° 14 : « faire siéger les présidents de comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins au bureau du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins. »
([20]) Article L. 912-5 du code rural et de la pêche maritime.
([21]) Proposition de loi pour une pêche française prospère et durable n° 820 enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025, article 3.
([22]) Voir l’article L. 912-9 du code rural et de la pêche maritime.
([23]) Cette présentation s’appuie en partie sur la présentation des prud’homies dans le rapport d’information n° 2293 sur la pêche.
([24]) Article L. 334-1 du code de l’environnement.
([25]) Cf. article R. 414-8 du code de l’environnement qui prévoit que le comité de pilotage Natura 2000 comprend notamment des professionnels des cultures marines et de la pêche.
([26]) Le fonctionnement des comités consultatifs est régi par le règlement délégué (UE) 2015/242 de la Commission du 9 octobre 2014 définissant les modalités du fonctionnement des conseils consultatifs dans le cadre de la politique commune de la pêche.
([27]) Sur la composition des conseils consultatifs : https://oceans-and-fisheries.ec.europa.eu/fisheries/scientific-input/advisory-councils_en
([28]) Cette proposition est formulée dans la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur les projets de fermes aquacoles de saumons à circuit fermé enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2025.
([29]) Règlements 1379/2013 du 11 décembre 2023 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture et 1380/2013 du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche.
([30]) Toutes les espèces pêchées ne font pas l’objet de par absence de suivi, par manque de données ou de modèles fiables. Moins d’un quart des 130 espèces pêchées en France sont soumises à une limitation de pêche.
([31]) FAO, The stade of world fisheries and aquaculture 2024. Blue transformation in action, 2024
([32]) https://www.association-francaise-halieutique.fr/presse/communique/contribution-a-levaluation-de-la-politique-commune-de-la-peche/
([33]) La senne danoise est un engin de fond, composé d’une poche en filet en forme d’entonnoir, qui rappelle celle d’un chalut, et de longs câbles rabatteurs attachés à chaque extrémité des ailes du filet. L’ouverture verticale de la partie en filet est assurée par une ralingue munie de flotteurs dans la partie supérieure et d’une ralingue lestée dans la partie inférieure.
([34]) Le CIEM propose en réalité plusieurs scénarios possibles dans certains cas, justement pour limiter les effets de baisse trop brutale, notamment dans le cas d’avis de « TAC 0 » (voir par exemple les avis scientifiques du CIEM pour le cabillaud en zone Manche et mer du Nord en 2026).
([36]) Arrêté du 24 octobre 2023 établissant des mesures spatio-temporelles visant la réduction des captures accidentelles de petits cétacés dans le golfe de Gascogne pour les années 2024, 2025
([37]) Kinds et al. (2022) : « significant entry barriers for artisanal fishers, notably new entrants and small-scale producers, which has contributed to a shift away from family-based fishing and towards expansion ».
([38]) Guyader et al., 2023.
([39]) Article 17 du règlement UE 1380/2013 du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche : « Lors de l'attribution des possibilités de pêche dont ils disposent visées à l'article 16, les États membres utilisent des critères transparents et objectifs, y compris les critères à caractère environnemental, social et économique. Les critères à utiliser peuvent notamment porter sur l'impact de la pêcherie sur l'environnement, les antécédents en matière de respect des prescriptions, la contribution à l'économie locale et le relevé des captures. Les États membres s'efforcent, dans le cadre des possibilités de pêche qui leur ont été allouées, de proposer des incitations destinées aux navires de pêche qui déploient des engins sélectifs ou qui utilisent des techniques de pêche ayant des incidences réduites sur l'environnement, notamment une faible consommation d'énergie et des dommages limités aux habitats. »
([42]) Méhault et al., 2022.
([43]) Raveau et al., 2012.
([44]) Autorité de la concurrence, Avis n°15-A-19 du 16 décembre 2015 relatif aux effets de la concurrence du mécanisme de répartition des quotas de pêche en France.
([45]) Il ne s’agit évidemment pas de stigmatiser la main d’œuvre étrangère, d’autant que le droit européen interdit toute discrimination – la CJCE, par un arrêt du 11 mars 2008, a condamné la France pour non-respect du principe de libre circulation des travailleurs en raison de sa réglementation exigeant la nationalité française des capitaines et de leurs seconds – et que de nombreux armateurs recourent aujourd’hui à une main d’œuvre étrangère faute de candidats. Il s’agit de rappeler que, dans certains cas, le lien économique réel passe aussi par des recrutements de travailleurs présents sur le littoral, qu’ils soient français ou étrangers.
([46]) Rapport d’information n° 2293 sur la pêche, idem.