N° 1965
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2025.
RAPPORT D’INFORMATION
déposé
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
en conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])
sur le bilan de la réforme de la police nationale
et présenté par
MM. Ugo Bernalicis et Thomas Cazenave
Députés
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La mission d’information sur le bilan de la réforme de la police nationale est composée de MM. Ugo Bernalicis et Thomas Cazenave, rapporteurs.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION............................................ 7
I. L’unification et le renforcement de la chaîne de commandement déconcentrée
A. Des chefs uniques pour les échelons déconcentrés de la police nationale
1. La mise en place d’un chef unique au niveau départemental et zonal…
B. Au niveau national, une réorganisation non moins importante
1. La refonte des directions centrales
2. La réorganisation de la gestion des fonctions support
II. Une réforme encore inaboutie qui suscite plusieurs questions
A. La difficile appropriation de l’autorité fonctionnelle
1. L’autorité fonctionnelle est essentiellement un pouvoir de doctrine…
2. … qui dispose de peu d’autres moyens d’incarnation
B. Le rôle encore inabouti de l’échelon zonal
1. La consolidation d’un échelon zonal de soutien
b. Un rapprochement partiel avec l’organisation de la gendarmerie nationale
2. L’absence de rôle opérationnel et le risque de bureaucratisation
3. La nécessité de renforcer l’échelon zonal
C. L’organisation policière en île-de-France
1. La Préfecture de police n’a pas été concernée par la réforme
2. Le sort insatisfaisant des départements de grande couronne parisienne
D. La création du STN : un progrès à concrétiser
III. Une réforme récente, Des résultats opérationnels difficiles à objectiver
A. Une grille d’évaluation complexe à établir A posteriori
B. Une évaluation à poursuivre
1. Les premières évaluations faisaient état de conclusions mitigées
2. De nouvelles évaluations à mener selon des critères objectifs
I. Des services confrontés à des difficultés anciennes
B. Les stocks de procédures judiciaires
II. Quels bénéfices de la création d’une filière intégrée ?
A. Une nouvelle organisation unifiée et hiérarchisée de la filière dédiée à la police judiciaire
1. Les avantages de la création d’une filière unique dédiée à la police judiciaire
2. Une répartition des attributions entre les échelons zonal et départemental à clarifier
III. Des difficultés qui persistent, des effets de bord à corriger
A. Le risque d’un repli dÉpartemental des services de police judiciaire
1. Les éventuels inconvénients d’une gestion départementalisée des services de la police judiciaire
2. La nécessité de redéfinir les responsabilités de l’échelon zonal en matière de police judiciaire
B. La nécessaire préservation des effectifs d’enquêteurs
a. Une mutualisation des moyens matériels et humains au profit du département…
b. … ayant des conséquences sur la filière dédiée à la police judiciaire
i. Le risque d’une limitation de l’exercice du libre choix du service d’enquête
C. Des efforts indispensables en faveur de l’attractivitÉ des mÉtiers judiciaires
1. Les métiers de la police judiciaire, difficiles et exigeants, sont trop peu valorisés
3. L’enjeu de la préservation des effectifs d’officiers de police judiciaire
Annexe 1 : objectifs initiaux de la réforme de la direction générale de la police nationale
Annexe 2 : état de mise en œuvre des recommandations de la mission d’information de 2023
« La police ! À ce mot je vous ai vu dresser l’oreille. Ah le redoutable pouvoir de tout chercher, de tout fouiller, de tout connaître par des moyens mystérieux ! ».
« La seule police qu’une démocratie puisse avouer, la police judiciaire, la police des crimes et des délits, protectrice de tous les citoyens, n’est plus au service de l’arbitraire, son œuvre est de liberté ».
Georges Clemenceau, discours du 14 octobre 1906 à Draguignan
Mesdames, Messieurs,
Avec ces mots fameux, le ministre de l’intérieur Georges Clemenceau pose la question fondamentale de la place de l’institution policière au sein d’une IIIème République qui, ayant rétabli les libertés publiques, s’oppose aux pratiques répressives du Second empire. Le « Tigre » s’est lui-même intéressé à l’organisation policière en créant les brigades régionales de police mobile ([2]), destinées à lutter contre les nouvelles formes de criminalité. Ayant pour mission exclusive de seconder l’autorité judiciaire, elles constituent l’ancêtre de la police judiciaire actuelle.
La réforme de l’organisation policière constitue un problème récurrent de l’histoire administrative de notre pays. À l’exception des « brigades du Tigre », de la préfecture de police de Paris et de la gendarmerie nationale, les fonctions policières restent organisées pour l’essentiel, pendant la IIIème République, par les communes ([3]).
L’étatisation de ces polices municipales pour les villes de 10 000 habitants et plus intervient sous le régime de Vichy avec la loi du 23 avril 1941. Plusieurs dispositions de cette loi – en particulier celles prévoyant l’étatisation – survivront au rétablissement de la légalité républicaine par le Gouvernement provisoire de la République française ([4]). La loi du 9 juillet 1966 ([5]) crée la police nationale sous sa forme actuelle, en fusionnant les personnels de la direction générale de la sûreté nationale et ceux de la préfecture de police de Paris.
Dorénavant, sous l’autorité d’un directeur général de la police nationale, les différents métiers de la police nationale sont incarnés par des directions centrales organisées de façon hiérarchique depuis le niveau central jusqu’aux échelons déconcentrés. Chaque direction dispose ainsi de son propre réseau territorial, organisé sur une base départementale ou régionale et, plus récemment, zonale.
La réforme récente de l’organisation de la police nationale s’inscrit dans cette longue évolution des structures policières et constitue la réorganisation la plus importante depuis la loi du 9 juillet 1966. Elle repose sur la départementalisation des différents services de la police nationale, opérant ainsi un rapprochement avec l’organisation de la gendarmerie. Un chef unique dispose désormais d’une autorité directe sur l’essentiel des services de police du département.
Destinée à améliorer l’efficacité d’une institution perçue comme cloisonnée et centralisée, la réforme a provoqué de fortes inquiétudes sur le devenir de la police judiciaire. La représentation nationale avait d’ailleurs eu l’occasion de préciser ce qu’elle attendait de cette réforme ([6]). Témoins de l’intérêt porté à ce sujet, trois rapports parlementaires ont déjà été produits à ce sujet ([7]), alors même que la réforme n’est entrée en vigueur que depuis le 1er janvier 2024.
Vos rapporteurs ont souhaité, dès lors, réaliser un premier bilan de la mise en œuvre de cette réorganisation profonde de l’institution policière. Intervenant peu de temps après son entrée en vigueur effective – l’année 2024 étant marquée, par ailleurs, par l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques – ils conçoivent le présent rapport comme la première étape d’une évaluation au long cours qu’il conviendra de mener.
À la suite de leurs travaux, vos rapporteurs dressent un bilan mitigé de cette réforme : tout en apportant des évolutions positives, elle présente des difficultés opérationnelles importantes, liées notamment à une traduction inégale sur le territoire et des risques pour les services de police judiciaire, qui appellent des ajustements.
Vos rapporteurs considèrent, d’abord, que la réforme a permis de mettre fin au fonctionnement cloisonné des anciennes directions centrales, en donnant plus de marges de manœuvre au directeur départemental de la police pour adapter la réponse de sécurité aux enjeux locaux. Par ailleurs, l’unification de la filière judiciaire doit permettre de mieux appréhender les enjeux liés à une criminalité et une délinquance toujours plus mobiles et organisées mais aussi les difficultés propres de la filière, qui fait face à un déficit d’attractivité ancien.
La nouvelle organisation doit également conduire à une meilleure prise en compte des enjeux numériques et de la nécessité impérieuse d’une mise à niveau de la police nationale en la matière.
Toutefois, vos rapporteurs notent que la réforme présente certains défauts à corriger et certains risques à prévenir.
D’abord, il convient d’affermir l’autorité zonale afin de prévenir le risque de repli départemental de certains services. Les travaux de la mission d’information ont clairement fait apparaître que l’échelon départemental était inadapté à l’exercice de certaines missions de police judiciaire. Les bassins de délinquance ne suivant pas les frontières du département, il est impératif de maintenir la capacité de projection des services de police judiciaire au-delà de leur chef-lieu. Vos rapporteurs considèrent qu’il revient à un échelon zonal dont l’autorité hiérarchique serait renforcée de veiller à prévenir ce risque.
Il est regrettable, par ailleurs, que la volonté de déconcentration n’ait pas été accompagnée d’un transfert d’effectifs depuis le niveau central : le risque était, dès lors, d’absorber des effectifs opérationnels au niveau local afin de constituer les structures d’état-major issues d’une réorganisation faite à moyens constants.
Vos rapporteurs considèrent, enfin, que l’évaluation de cette réforme encore récente devra être poursuivie en incluant des critères de nature qualitative, afin d’en mesurer tous les effets et de s’assurer de l’amélioration du service rendu au citoyen.
Au terme de leurs travaux, vos rapporteurs aboutissent ainsi à des constats partagés et formulent un grand nombre de recommandations communes, qui visent à corriger certaines difficultés et certains risques qu’ils ont identifiés. S’ils divergent sur le modèle de police judiciaire qu’ils appellent de leurs vœux, ils s’accordent autour de recommandations majeures, en particulier pour répondre aux enjeux spécifiques de cette filière.
Les recommandations du présent rapport n’ont cependant pas vocation à résoudre l’ensemble des difficultés de l’institution policière, qui préexistaient à la réforme et perdurent depuis. À cet égard, vos rapporteurs considèrent qu’il est indispensable d’apporter une réponse spécifique à la crise de l’investigation qui fragilise plus que jamais « l’œuvre de liberté » portée par la police judiciaire.
Première partie : Une réforme d’unification du commandement déconcentré de la police nationale qui laisse plusieurs questions en suspens
Fruit des réflexions menées entre 2019 et 2020 par le ministère de l’Intérieur, le livre blanc de la sécurité intérieure publié en novembre 2020 soulignait la nécessité de « mener à bien une réforme ambitieuse et profonde de la gouvernance de la police nationale », qui aurait notamment pour objectif « d’unifier la gouvernance de la police nationale en regroupant les métiers au sein de filières animées à chaque échelon territorial par un directeur unique de la police nationale ».
Jusqu’alors, la police nationale reposait sur des filières métiers (sécurité publique, police aux frontières, police judiciaire, renseignement, ordre public) construites sur des logiques de spécialisation et disposant chacun de leur propre réseau territorial. Or, cette organisation « en silos » s’est progressivement révélée source de dysfonctionnements : superposition de compétences, éclatement des chaînes de commandement et entraves à l’élaboration de doctrines d’emploi communes.
Face à ce constat, le livre blanc de 2020 appelait à une réforme profonde de l’organisation policière, reposant sur une unification des métiers de la police nationale. Les bénéfices attendus de cette réforme – effective sur tout le territoire depuis le 1er janvier 2024 – sont présentés dans le rapport annexé à la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) ([8]).
Les bénéfices attendus de la réforme
Le rapport annexé à la Lopmi de 2023 identifie plusieurs bénéfices attendus de la mise en œuvre de la réforme :
– l’affirmation du pilotage en fonction des priorités par la généralisation des directions uniques de la police nationale, sous réserve des spécificités de la police judiciaire ;
– la rationalisation de l’organisation et le renforcement de la présence sur la voie publique des effectifs par la création d’états-majors mutualisés ;
– la garantie d’une filière judiciaire plus efficace afin de répondre tant aux enjeux de la délinquance de proximité qu’aux graves menaces liées à la criminalité organisée. Dans cette optique, le maillage territorial de la DCPJ doit être maintenu et adapté aux évolutions des bassins de délinquance, les offices centraux confortés par des antennes locales et l’échelon zonal de la police judiciaire doté de moyens humains et budgétaires propres afin de garantir le bon traitement des infractions graves et complexes.
Cette réforme de la police nationale obéit à une triple finalité d’unification du commandement, de déconcentration et de décloisonnement et s’articule autour de deux axes principaux :
– la réforme de l’organisation centrale de la DGPN ([9]) dans un objectif d’unification du commandement et de décloisonnement du fonctionnement des différentes filières (sécurité publique, police judiciaire, renseignement territorial et police aux frontières) ;
– la fusion de ses services déconcentrés ([10]) au sein de directions départementales (DDPN) ou interdépartementales de la police nationale (DIPN) et de directions zonales de la police nationale (DZPN), placées sous l’autorité d’un directeur unique.
Avant son entrée en vigueur sur l’ensemble du territoire, la réforme des services déconcentrés de la police nationale avait été mise en œuvre dès janvier 2020 en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et en Guyane puis étendue en janvier 2022 à la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Polynésie française. Elle a ensuite été expérimentée dans plusieurs départements préfigurateurs en métropole à partir de 2021 ([11]).
L’organisation de la police nationale avant la réforme
Avant l’entrée en vigueur de la réforme, la DGPN se composait de plusieurs directions centrales ayant autorité sur les services dépendant de leurs filières :
– la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) ;
– la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ;
– la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) ;
– la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS) ;
– la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN).
Cette organisation se caractérisait, en particulier, par une répartition de l’activité judiciaire entre la DCSP et la DCPJ, cette dernière se consacrant aux affaires les plus complexes.
Ces directions centrales exerçaient une autorité hiérarchique sur leurs échelons déconcentrés, qui relevaient de périmètres différents :
– un échelon essentiellement départemental pour la sécurité publique ;
– un échelon interdépartemental pour les services de la DCPJ ;
– un échelon départemental ou interdépartemental pour la PAF ;
– un échelon zonal pour les CRS.
À ces directions centrales s’ajoutaient plusieurs autres services actifs également rattachés à la DGPN, à l’image de la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN), la direction de la coopération internationale (DCI), l’inspection générale de la police nationale (IGPN), le service central de police technique et scientifique (SCPTS), le service de la protection (SDLP) et l’unité de recherche, d’assistance, d’intervention et de dissuasion (Raid).
À Paris et dans les départements de la petite couronne, les missions de police sont confiées à la préfecture de police de Paris (PP), placée sous l’autorité directe du ministre de l’Intérieur.
I. L’unification et le renforcement de la chaîne de commandement déconcentrée
La réforme de la DGPN a conduit à une réorganisation d’ampleur à la fois aux niveaux central et déconcentré dans un but d’unification du commandement, de décloisonnement entre filières et de déconcentration.
A. Des chefs uniques pour les échelons déconcentrés de la police nationale
Cette nouvelle organisation met fin à la structure traditionnelle de la police nationale, fondée sur des directions centrales spécialisées par métiers et dotées d’une autorité hiérarchique sur les échelons déconcentrés. Elle instaure, ainsi, des directions uniques aux niveaux départemental et zonal.
1. La mise en place d’un chef unique au niveau départemental et zonal…
● Le premier volet de la réforme unifie le commandement de la police nationale au niveau départemental.
Le décret n° 2023-1013 du 2 novembre 2023 relatif aux services déconcentrés et à l’organisation de la police nationale crée des directions départementales (DDPN) ou interdépartementales de la police nationale (DIPN) dans chaque département, qui regroupent l’ensemble des services actifs de police du département (sécurité publique, renseignement territorial, police aux frontières, police judiciaire) et des services de soutien sous l’autorité d’un directeur unique appuyé par un état-major départemental ([12]).
Parmi ces services, certains ont une vocation uniquement départementale (sécurité publique et renseignement territorial) alors que d’autres peuvent avoir un champ de compétence interdépartemental (police judiciaire et police aux frontières). C’est la présence d’un service interdépartemental qui détermine le statut de DIPN.
Les directions territoriales de la police nationale (DTPN) créées dans les départements et collectivités d’outre-mer sont structurées sur un modèle similaire à celui des DDPN et des DIPN. Le directeur territorial, chef unique de la direction, s’appuie sur un état-major commun et dirige les services territoriaux correspondant aux quatre filières métiers ainsi que les services de soutien.
Le directeur départemental ou interdépartemental constitue ainsi la principale autorité opérationnelle déconcentrée puisqu’il exerce une autorité hiérarchique directe sur les chefs des différents services actifs et de soutien. Il est placé sous l’autorité du préfet de département et « sous le contrôle, la surveillance et la direction de l’autorité judiciaire » pour l’exercice des missions de police judiciaire ([13]). Il doit assister le préfet en matière de sécurité publique, de renseignement territorial et de police aux frontières ainsi que pour la préparation et l’exécution du budget des services de la police nationale. Il doit pourvoir, par ailleurs, à l’exécution des opérations de police judiciaire conduites par les services relevant de son autorité sous la direction de l’autorité judiciaire.
La réforme constitue donc une rupture importante par rapport à l’organisation précédente, dans laquelle chaque direction centrale disposait de sa propre chaîne hiérarchique descendant jusqu’aux échelons déconcentrés, qui avaient eux-mêmes des périmètres territoriaux différents (départemental, interdépartemental ou zonal). La DGPN a résumé les motifs ayant inspiré la réforme : « les travaux qui ont été menés au cours de ces dernières années se fondaient sur un constat largement partagé : la police nationale était très centralisée, cloisonnée et incarnée localement par des directions spécialisées avec des moyens, une organisation et des modes de fonctionnement qui leur étaient propres, occasionnant trop souvent des conflits de compétence incompatibles avec la conception d’une stratégie globale et cohérente » ([14]).
● Afin de coordonner les directions départementales et interdépartementales, la réforme consacre l’existence de directions zonales de la police nationale (DZPN) au siège de chacun des six zones de défense et de sécurité (ZDS) du territoire hexagonal, à l’exception de la région Île-de-France.
La DZPN n’est pas conçue comme un échelon opérationnel. Ainsi, le directeur zonal est chargé de l’animation, de la coordination, de l’orientation et du contrôle des missions exercées par les directions départementales et interdépartementales de la police nationale situées dans la zone ([15]). Son rôle est conçu comme prospectif : les représentants de la DZPN Sud ont ainsi souligné que l’éloignement de l’opérationnel doit permettre de préserver une capacité de réflexion stratégique au niveau zonal ([16]). Pour l’exercice de ses missions, le DZPN est assisté d’adjoints en charge des différentes filières métiers et des services de soutien ([17]). Ces directeurs zonaux adjoints exercent une autorité dite « fonctionnelle » sur les directeurs départementaux et interdépartementaux.
Le directeur zonal exerce ses missions sous l’autorité du préfet de ZDS et des préfets de département pour l’exercice des attributions relevant de leur compétence. Il est le conseiller du préfet de zone pour l’allocation des moyens opérationnels et des renforts, notamment dans le cas d’événements ayant une incidence importante pour l’ordre public. Sans préjudice des compétences des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (Sgami), il doit veiller à la mise en œuvre des politiques budgétaires, de ressources humaines, immobilière et de formation de la police nationale à l’échelle de la zone. Enfin, les directeurs zonaux représentent la DGPN auprès de l’autorité judiciaire.
2. … accompagnée d’une volonté de déconcentration des décisions budgétaires et de ressources humaines
La réforme des services déconcentrés de la police s’est accompagnée d’une volonté de déconcentration des décisions budgétaires et de celles concernant les ressources humaines. Cette déconcentration apparaît en effet cohérente avec la création de directeurs départementaux et interdépartementaux dotés d’une autorité hiérarchique directe à la fois sur les services actifs et de soutien et de directeurs zonaux chargés de la coordination.
Lors de son audition par vos rapporteurs, le directeur des ressources humaines, des finances et des soutiens de la police nationale (DHFS) a ainsi fait état de « quatre vagues » de déconcentration de certaines décisions :
– deux déconcentrations au niveau zonal pour la signature des contrats courts et les promotions au mérite ;
– deux déconcentrations au niveau départemental pour les mutations sans changement de résidence administrative et les sanctions disciplinaires d’exclusion de trois jours.
Au niveau déconcentré, la réforme a conduit à la création des services zonaux de la stratégie, de la synthèse et des soutiens pour accompagner cette déconcentration des décisions budgétaires et de ressources humaines. Cette création a pu être saluée par certains représentants d’organisations syndicales, qui y voient une amélioration du suivi individuel des carrières, une fluidification du dialogue social et un levier de résolution des problèmes de ressources humaines ([18]).
La DGPN a indiqué aux rapporteurs qu’une réflexion était en cours pour poursuivre ce mouvement de déconcentration. Les travaux des rapporteurs ont fait apparaître l’importance d’un tel mouvement, qui doit permettre de donner aux échelons locaux des pouvoirs de décisions adaptés aux responsabilités qui sont les leurs. Il pose, en revanche, la question de l’articulation des rôles entre les services support de la police et les Sgami (voir infra).
Toutefois, vos rapporteurs ont constaté que cette réforme de la départementalisation ne s’est pas traduite par une véritable déconcentration des moyens, notamment en matière budgétaire et de ressources humaines. Dans plusieurs territoires, les effets concrets de la réforme ont plutôt conduit à une recentralisation partielle des moyens au profit du niveau zonal.
L’efficacité de la départementalisation suppose donc d’accompagner la déconcentration des décisions par une réelle déconcentration des moyens, garantissant aux échelons locaux la maîtrise effective des leviers budgétaires et logistiques nécessaires à l’exercice de leurs responsabilités.
B. Au niveau national, une réorganisation non moins importante
Le second volet de la réforme de la police nationale refond son organisation centrale en créant quatre directions nationales liées aux différentes filières métiers de la police et en réorganisant les fonctions support.
1. La refonte des directions centrales
Ainsi, le décret n° 2023-530 du 29 juin 2023 relatif à l’organisation de l’administration centrale de la police nationale remplace les anciennes directions centrales par des directions dites « nationales » : direction nationale de la sécurité publique, direction nationale de la police judiciaire et direction nationale de la police aux frontières.
En outre, la réforme consacre l’autonomie du service central du renseignement territorial placé auparavant auprès de la direction centrale de la sécurité publique, en créant une direction nationale du renseignement territorial (DNRT), directement rattachée au directeur général de la police nationale.
Les directions nationales de la police nationale sont avant tout conçues comme des structures de conception, d’animation et d’orientation stratégique, l’autorité hiérarchique et opérationnelle des services déconcentrés étant exercée par le DGPN. Elles conservent une autorité hiérarchique sur les structures qui leur sont directement rattachées mais le directeur national n’exerce plus de commandement opérationnel sur les échelons déconcentrés de sa filière.
Les directions nationales sont chargées, en particulier, d’élaborer une doctrine nationale d’emploi pour l’ensemble de leur filière, en définissant les référentiels techniques et les outils opérationnels et en assurant la cohérence avec les priorités fixées par le ministre de l’Intérieur et le DGPN. Les directeurs nationaux exercent, dans leur domaine, une autorité fonctionnelle sur les directeurs zonaux de la police nationale.
2. La réorganisation de la gestion des fonctions support
La réforme a également conduit à une restructuration importante des fonctions support de la police nationale.
● D’une part, elle a transformé la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN) en une direction chargée du recrutement et de la formation intitulée « Académie de police ». Placée sous l’autorité du DGPN, elle doit assurer le pilotage unique de la formation au sein de la police nationale et est chargée du recrutement de l’ensemble de ses fonctionnaires (personnels actifs, techniques et scientifiques).
À l’image des autres filières, l’Académie de police exerce une autorité hiérarchique sur les services placés sous son autorité, comme les écoles nationales de police, mais aussi, sous une forme fonctionnelle, sur les personnels chargés de la formation et du recrutement affectés dans les directions zonales.
Les directions zonales au recrutement et à la formation (DZRFPN), services déconcentrés de l’ancienne DCRFPN, ont été fusionnées au sein des nouvelles DZPN. Au regard de la situation particulière de la région parisienne, seule la direction zonale Paris-Île-de-France a été maintenue dans le périmètre de l’Académie de police.
Selon la DGPN, le principal objectif dévolu à l’Académie de police est « d’améliorer et de renforcer l’unicité et la cohérence du pilotage de ces domaines ainsi que d’ouvrir la police nationale vers l’extérieur en matière de recherche et de formation » ([19]).
● D’autre part, la réforme crée une direction des ressources humaines, des finances et des soutiens de la police nationale (DRHFS) qui remplace la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN). Cette nouvelle direction concentre les différentes fonctions support de la DGPN, à l’exception de la formation.
À l’image des autres directions de niveau national, la DRHFS exerce une autorité fonctionnelle sur les services zonaux dédiés aux fonctions support dont elle a la charge. Ces services doivent d’ailleurs articuler leur action avec les Sgami, situés au siège de chaque zone de défense et de sécurité. À cette fin, une charte de gestion a été élaborée afin de répartir les rôles. Cette unification des fonctions support se retrouve au niveau départemental, sous l’autorité du directeur départemental ou interdépartemental.
Les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur
Les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (Sgami) constituent des services déconcentrés du ministère de l’Intérieur placés sous l’autorité du préfet de zone de défense et de sécurité. Les Sgami sont chargés des fonctions suivantes :
– l’administration générale et les finances (préparation des budgets, pilotage de l’exécution budgétaire, exécution des dépenses et des recettes, passation et suivi de l’exécution des marchés publics) ;
– la gestion des ressources humaines (gestion des adjoints de sécurité, des personnels actifs de la police nationale, des personnels administratifs de la police et de la gendarmerie, paye des personnels de la police, des civils de la gendarmerie et du personnel des préfectures, recrutements des personnels techniques, des réservistes et des adjoints de sécurité de la police et organisation des concours des corps actifs de la police nationale) ;
– l’immobilier (ingénierie et conduite des opérations immobilières de la police, de la gendarmerie et des préfectures, maintenance de ces implantations immobilières) ;
– l’équipement et la logistique (maintien en condition opérationnelle du parc automobile de la police et de la gendarmerie et des équipements d’armement et mise à disposition de fournitures et de matériels) ;
– la gestion des systèmes d’information et de communication (ingénierie, déploiement et maintien en condition opérationnelle du réseau général des transmissions, développement et maintenance des applications informatiques, modernisation et maintien en condition opérationnelle des réseaux radio).
Source : Guide de secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur, 2021-2022.
Lors de son audition par vos rapporteurs, le directeur des ressources humaines, des finances et des soutiens de la police nationale a reconnu que, selon lui, l’immense plus-value de la réforme se trouvait dans l’unification des fonctions support, au bénéfice d’un pilotage renforcé. Cette unification aurait ainsi permis de réduire le nombre de services de gestion, qui étaient partagés entre les différentes filières auparavant, en facilitant la détermination d’objectifs communs d’amélioration de la qualité du service rendu. Le directeur n’a pas pu indiquer aux rapporteurs, toutefois, si cette mutualisation avait permis de réaliser des économies budgétaires.
● Enfin, les enjeux numériques sont dorénavant pris en charge par le service de la transformation numérique (STN), mis en place en juin 2022 et chargé de mettre en œuvre, selon son chef, « le volet numérique de cette réorganisation structurelle » ([20]).
À l’image des autres métiers de la police nationale et des fonctions support, le STN est à la tête d’une nouvelle « filière numérique » au sein de la police nationale, qui doit permettre d’uniformiser les outils de travail des personnels. Des services d’appui numérique ont ainsi été créés au niveau des zones et des départements, sur lesquels le chef du STN exerce une autorité fonctionnelle.
Ainsi, en refondant à la fois la chaîne de commandement, les fonctions de soutien et les outils numériques, cette réforme traduit une volonté de modernisation globale, au service d’une police plus cohérente, plus efficace et mieux outillée. Si ses objectifs sont clairs et ambitieux, il est encore trop tôt pour en mesurer pleinement les effets concrets sur le fonctionnement quotidien des services. C’est à l’épreuve du temps et de la mise en œuvre que son impact réel pourra être apprécié.
II. Une réforme encore inaboutie qui suscite plusieurs questions
La réforme de la police nationale a conduit à une profonde réorganisation de ses services qui laisse plusieurs questions en suspens. Les travaux des rapporteurs ont fait apparaître que les rôles et les pouvoirs réels des différents échelons semblaient insuffisamment clarifiés, donnant lieu dès lors à des divergences d’appréciation sur le terrain. Le risque de bureaucratisation, contre lequel il convient de lutter, a également été mentionné à de nombreuses reprises. L’organisation et la coordination des services de police en Île-de-France reste une interrogation, et le progrès que représente la constitution d’une filière numérique doit encore se concrétiser.
A. La difficile appropriation de l’autorité fonctionnelle
En particulier, la réforme a conduit à une révision importante des liens d’autorité entre les différents échelons et services en consacrant la notion d’autorité fonctionnelle, dont la définition et les modalités d’exercice apparaissent pourtant complexes.
1. L’autorité fonctionnelle est essentiellement un pouvoir de doctrine…
● L’unification du commandement au niveau déconcentré pose la question des modalités d’animation des différentes filières métier : police judiciaire, sécurité publique, police aux frontières et renseignement territorial. Avec la création d’un chef unique au niveau départemental, le risque d’une application différenciée des politiques publiques de sécurité, selon les territoires et les directeurs départementaux et interdépartementaux et au détriment de l’unité de la mise en œuvre des différentes priorités nationales, apparaît particulièrement fort. L’enjeu, pour reprendre les mots d’un interlocuteur entendu par la mission, est de ne pas « recréer des baronnies locales ».
Dans cette perspective, la réforme introduit une modalité particulière d’exercice de l’autorité, dite « fonctionnelle ». Cette autorité s’exerce entre les directeurs nationaux des filières métiers et les directeurs zonaux de la police nationale, entre les adjoints au directeur zonal et les directeurs départementaux et interdépartementaux et entre les chefs de services départementaux des filières et les services de niveau infra-départemental.
Une telle modalité d’exercice de l’autorité n’apparaît pas évidente pour une institution habituée à une autorité hiérarchique et organique. M. Philippe Tireloque, directeur national de la sécurité publique, a souligné le caractère complexe de l’exercice d’une telle autorité fonctionnelle, en l’assimilant à une sorte de collaboration entre services ([21]).
● L’exercice de cette autorité fonctionnelle doit permettre, dans l’esprit de la réforme, d’assurer l’uniformité de l’action de la police nationale sur tout le territoire. Dans cette optique, chaque direction nationale est chargée de l’élaboration d’une « doctrine » précisant les missions confiées à la filière, ses modes d’action, le fonctionnement de la direction nationale et ses interactions avec les autres filières.
Les travaux de la mission ont fait apparaître que ce « pouvoir doctrinal » constituait le principal levier d’action des nouvelles directions nationales. Cela représente un changement radical par rapport à l’organisation précédente. Comme évoqué supra, chaque directeur central bénéficiait, auparavant, d’une autorité hiérarchique sur ses services déconcentrés. Désormais, le pouvoir hiérarchique s’exerce via le DGPN lui-même.
Ces doctrines doivent préciser, en particulier, les modalités d’exercice de l’autorité fonctionnelle. À titre d’exemple, la doctrine élaborée par la direction nationale de la sécurité publique prévoit que sa division de l’ordre public :
– élabore et veille à la bonne mise en œuvre par les directeurs territoriaux de la police nationale et les chefs de filière sécurité publique de la doctrine relative au maintien de l’ordre (règles d’emploi, veille juridique, doctrine des unités d’intervention, retour d’expérience, etc…) ;
– veille au maintien en condition opérationnelle des unités de voie publique (entraînements coordonnés et exercices inter-forces, définition des matériels nécessaires au maintien de l’ordre et de leurs règles d’utilisation) ;
– rédige les doctrines d’emploi et assure le suivi et le pilotage des brigades, sections et compagnies d’intervention, brigades cynophiles, brigades équestres, brigades d’assistance administrative et judiciaire, brigades nautiques et brigade des moyens aériens ;
– assure l’élaboration et la déclinaison du plan de continuité d’activité, le suivi des plans nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) et le suivi du schéma national d’intervention ;
– veille au maintien en condition opérationnelle dans ces domaines, par la réalisation d’exercices et, à l’issue des crises, centralise les retex et les débriefings.
De fait, cet exemple indique que l’autorité fonctionnelle consiste à la fois en un pouvoir doctrinal de détermination de certaines règles de fonctionnement – dénué néanmoins d’une autorité hiérarchique pour imposer le respect de ces règles – et un droit à la remontée des informations nécessaires pour assurer le suivi de la bonne mise en œuvre de ces règles.
Par ailleurs, les déplacements des rapporteurs sur le terrain ont permis de souligner que l’animation fonctionnelle des services locaux par les adjoints du DZPN apparaissait extrêmement variable selon les filières et selon les territoires. Ils ont pu relever des exemples positifs d’organisation d’une montée en compétence sur certains sujets et, à l’inverse, ont recueilli des témoignages de chefs de service locaux indiquant que cette animation restait balbutiante voire inexistante.
Dans cette perspective, il importe de s’inspirer des territoires où l’autorité zonale a su trouver sa place, non seulement dans l’animation des filières mais aussi dans la structuration globale de la chaîne de commandement. Ces exemples montrent que l’autorité fonctionnelle peut pleinement contribuer à une police mieux organisée, dès lors qu’elle est incarnée, légitimée et outillée.
Ces incertitudes ne traduisent pas tant une fragilité de conception qu’une phase d’appropriation inévitable à ce stade de mise en œuvre. La réforme repose sur une logique nouvelle, éloignée des réflexes hiérarchiques traditionnels, qui nécessite un temps d’adaptation pour que les échelons territoriaux s’approprient pleinement les mécanismes d’animation transversale.
2. … qui dispose de peu d’autres moyens d’incarnation
La question se pose, dès lors, du cas de figure dans lequel une direction nationale constaterait que certains DDPN ou DIPN ne respectent pas les règles édictées par la direction nationale. La logique de la réforme voudrait, dans ce cas que le directeur national puisse intervenir auprès du directeur concerné en lui rappelant les obligations tirées de la doctrine – il ne pourra pas, cependant, en appeler à l’autorité hiérarchique. Dans cette optique, il lui faudra en passer par le directeur général ou la direction zonale.
Les modalités de règlement des litiges, décrites par la DGPN dans sa contribution aux travaux de la mission, illustrent la logique de la réforme : « en cas de circonstances exceptionnelles, le DI/DDPN peut employer les policiers mis à sa disposition sur des missions n’entrant pas dans leur cœur de métier ou dans leur spécialité. Il doit pour cela obtenir l’avis systématique du directeur zonal adjoint (DZA) en charge de la filière concernée ». Dans ce cas, le DZPN ou DZA de la filière peut :
– accepter le principe de l’engagement ;
– émettre un avis réservé et conditionner cet engagement à certaines garanties ;
– s’y opposer s’il l’estime injustifié.
En cas de divergence d’appréciation persistante entre le DIPN ou DDPN et le DZA concerné, l’arbitrage du DZPN est sollicité. Cette procédure de « déconfliction », qui cherche à donner du corps à la notion d’autorité fonctionnelle, repose en réalité sur l’autorité hiérarchique du DZPN. Le DNSP a ainsi pu indiquer à la mission que c’était son grade plus élevé qui lui permettait, en général, de régler les problèmes qui pouvaient se présenter.
Aussi, en dehors du pouvoir doctrinal et du recours à l’autorité hiérarchique du DGPN, pour les directions nationales, ou du directeur zonal, pour les adjoints à celui-ci, l’autorité fonctionnelle dispose de peu de moyens formalisés pour s’exercer.
Elle ne se traduit pas, par exemple, par une capacité décisionnelle sur la répartition des effectifs. Lors de son audition, la DNPAF a ainsi souligné que cette répartition relevait de la responsabilité des chefs départementaux, la direction nationale venant ensuite vérifier la bonne articulation de ces choix avec les priorités de la filière. Cet aspect a également été relevé par la DNPJ, qui a confirmé qu’elle n'était pas décisionnaire en matière de répartition des effectifs et de nomination de certains cadres.
Dans certaines filières toutefois, l’autorité fonctionnelle trouve d’autres leviers d’incarnation. Ainsi, la doctrine élaborée par la direction nationale du renseignement territorial prévoit que le DZA-RT peut désigner un chef de service départemental du renseignement territorial pour animer et coordonner une analyse ou une stratégie thématique interdépartementale. Un tel pouvoir relève bien d’une autorité hiérarchique traditionnelle.
Les travaux des rapporteurs ont fait apparaître que cette notion « d’autorité fonctionnelle » semble toujours insuffisamment clarifiée et mal appréhendée, deux ans après le rapport d’inspection sur les expérimentations de la réforme dans les départements préfigurateurs qui faisait un constat similaire ([22]).
Ces limites ne doivent pas conduire à remettre en cause l’ambition de la réforme, mais à mieux en accompagner le déploiement. Le passage d’une logique de commandement hiérarchique à une logique d’animation fonctionnelle suppose un changement profond de culture administrative, dont les effets ne peuvent être immédiats. Cette transformation, pour réussir, devra être consolidée par des appuis plus visibles en matière de formation, d’évaluation et de pilotage.
B. Le rôle encore inabouti de l’échelon zonal
Au-delà du niveau départemental, la réforme a conduit à la consolidation d’un échelon zonal dont le positionnement apparaît encore inabouti.
1. La consolidation d’un échelon zonal de soutien
Les directions zonales uniques, dépourvues de rôle opérationnel, sont dorénavant chargées d’une mission d’appui et de soutien et bénéficient d’une autorité hiérarchique sur les directeurs départementaux et interdépartementaux. Avec l’unification de la chaîne de commandement déconcentrée, la nouvelle organisation de la police nationale se rapproche de celle de la gendarmerie nationale, sans en reprendre cependant tous les bénéfices.
a. L’affirmation du niveau zonal comme niveau déconcentré d’appui et de soutien dépourvu de rôle opérationnel
● La réforme de la police nationale a consacré la zone comme niveau de déconcentration stratégique. Ses missions ont été précisées par la DGPN dans une contribution aux travaux des rapporteurs : « les directions zonales de la police nationale représentent un premier niveau territorial stratégique pour décliner, réguler, animer, contrôler et coordonner l’action des directions (inter)départementales, dans le strict respect des compétences préfectorales et judiciaires. Il s’agit notamment d’un échelon essentiel sur le plan prospectif et stratégique en lien avec les directions nationales métier » ([23]).
Le directeur zonal est chargé, dans cette optique, « d’accompagner la mise en œuvre des politiques publiques de sécurité et des politiques pénales afin qu’elles soient déclinées de manière uniforme dans l’ensemble des départements de sa zone. Il s’assure également de l’application des instructions formulées par les directions nationales. Pour cela, il relaie, précise au besoin et contrôle l’exécution des instructions du DGPN et des directions nationales par les DIPN et DDPN de son ressort À cet effet, il est destinataire des tableaux de bord, bilans et autres indicateurs d’activité, de moyens et de résultats des filières métiers. Il dispose en propre de capacités d’audit et de contrôle interne en lien avec l’échelon central » ([24]).
Enfin, la direction zonale a un rôle majeur en matière de ressources humaines (gestion prévisionnelle des emplois, concertation avec les organisations syndicales), de finances, de soutien et dans la gestion des réserves, en lien avec les préfets de zone et les Sgami ([25]).
L’échelon zonal est, dès lors, essentiellement conçu comme un échelon d’appui et de soutien aux directeurs départementaux et interdépartementaux de leur ressort. Il conserve un rôle opérationnel limité, avec le rattachement de certaines unités dont l’emploi est réservé à l’ensemble des services de la zone (réserves opérationnelles, brigades de police aéronautique ou unités drones). La directrice zonale Nord a indiqué aux rapporteurs qu’elle disposait, par exemple, d’un groupe d’appui judiciaire composé de cinq enquêteurs réservistes, pouvant se projeter afin de soulager certains services en difficulté dans une logique de réduction des stocks.
L’affirmation de cet échelon zonal a conduit à une modification profonde des relations entre les directions nationales et les services déconcentrés au niveau départemental. Les interlocuteurs de la mission ont ainsi pu souligner que les relations qui existaient entre ces derniers et l’échelon central ont été fortement restreintes, au profit du niveau zonal.
● La réforme a conduit, par ailleurs, à la création de directeurs zonaux de plein exercice au sein des départements chefs-lieux de zone. À l’inverse, dans l’organisation précédente, le directeur départemental de la sécurité publique faisait office de directeur zonal et, en matière de police judiciaire, une réforme récente ([26]) avait organisé les services déconcentrés de la DCPJ au niveau zonal. Désormais, un directeur zonal de plein exercice existe dans chaque zone, qui coexiste avec un directeur interdépartemental au département siège de la zone.
Si, formellement, l’organigramme issu de la réforme confie au directeur zonal une autorité « organique » sur les directeurs départementaux et interdépartementaux, les déplacements des rapporteurs ont pu faire apparaître que les directeurs zonaux n’envisageaient pas tous leur rôle de la même façon.
Ainsi, les entretiens des rapporteurs avec certains directeurs zonaux ont souligné le caractère avant tout fonctionnel de l’autorité exercée sur le niveau inférieur. Concrètement, au sein d’une même filière, les directeurs zonaux adjoints organisent des réunions hebdomadaires avec les chefs des services départementaux, qui leur permettent de piloter leur activité mais sans donner d’instruction. Ils représentent ainsi un moyen de garantir la bonne application des doctrines, par exemple pour le respect des cycles horaires ou le maintien en condition opérationnelle.
À l’inverse, d’autres directeurs zonaux rencontrés par vos rapporteurs ont confirmé qu’ils exerçaient bien une autorité hiérarchique sur les directeurs départementaux et interdépartementaux de leur ressort, avec par exemple la capacité à leur imposer la mobilisation de certains effectifs pour des opérations au sein d’autres départements.
Au quotidien, toutefois, c’est bien le DIPN ou DDPN qui dispose des leviers de décision opérationnelle. Certains DIPN ont d’ailleurs fait état, auprès des rapporteurs, de l’importance de rester dans un système dans lequel la zone n’était pas dotée de pouvoir de décision en matière opérationnelle.
● Le déploiement d’un échelon zonal n’a, toutefois, pas été poursuivi pour l’ensemble du territoire. Comme l’ont relevé les directeurs territoriaux entendus par vos rapporteurs, les territoires d’outre-mer ne sont pas soumis à l’autorité d’un directeur zonal. S’il existe des préfets de zone – le préfet de La Martinique étant, par exemple, préfet de zone –, il n’existe pas d’échelon policier correspondant. Ces territoires sont rattachés directement à un commandement de l’outre-mer placé auprès du DGPN.
Cette situation est regrettable, dans la mesure où ces territoires sont confrontés à des problématiques similaires en matière de trafic de stupéfiants, d’immigration irrégulière ou de flux illégaux. Pour reprendre les mots d’un représentant syndical de la DTPN Martinique, les problématiques de son territoire doivent nécessairement être appréhendées au niveau du « bassin caribéen ». Or, dans l’esprit de la réforme, c’est précisément à l’échelon zonal que revient ce rôle d’analyse stratégique.
Ainsi, un DTPN entendu par vos rapporteurs a suggéré la création d’un tel poste de coordination, soit sous la forme d’un DZPN de plein exercice, soit en confiant à un DIPN un rôle de coordination, notamment en matière de renseignement criminel ou de police aux frontières.
Vos rapporteurs recommandent donc de mener une réflexion sur la recréation d’un échelon déconcentré de coordination des DTPN d’outre-mer.
Recommandation n° 1 : Mener une réflexion sur la recréation d’échelons déconcentrés permettant la coordination des DTPN d’outre-mer, selon leur zone géographique.
b. Un rapprochement partiel avec l’organisation de la gendarmerie nationale
De fait, la nouvelle organisation de la police nationale se rapproche de celle de la gendarmerie. Celle-ci est en effet dotée d’une chaîne de commandement unique jusqu’au niveau territorial, le DGGN ayant autorité sur les commandants des régions de gendarmerie, qui ont eux-mêmes autorité sur ceux des groupements de gendarmerie départementale.
Le commandant de région de gendarmerie est ainsi placé sous l’autorité du DGGN, sans préjudice des attributions du préfet en matière d’ordre public et de police administrative et du procureur de la République en matière de police judiciaire. Il est responsable de l’exécution de l’ensemble des missions de la gendarmerie nationale accomplies par les formations placées sous son autorité. Sous la surveillance du procureur général et la direction des procureurs de la République, il anime et coordonne l’action des unités subordonnées dans l’exécution de la mission de police judiciaire. À cette fin, il dispose notamment d’une ou plusieurs sections de recherche et d’une section d’appui judiciaire. Il doit veiller, en particulier, aux conditions d’emploi du personnel placé sous ses ordres.
À l’exception des régions de gendarmerie implantées au siège d’une zone de défense et de sécurité, les commandants de région de gendarmerie exercent, pour le groupement de gendarmerie départementale implanté au siège de la région de gendarmerie, les attributions de commandant ([27]).
Lorsqu’il est implanté au siège d’une zone de défense et de sécurité, le commandant de région de gendarmerie exerce des missions supplémentaires avec, notamment, la planification et la coordination de l’emploi des formations de gendarmerie mobile.
Le commandant de gendarmerie départementale, quant à lui, est également le chef de l’ensemble des unités de gendarmerie présentes au niveau départemental, en particulier les brigades d’appuis judiciaires. Ils ont autorité sur les compagnies de gendarmerie départementale, compétentes à l’échelle d’un arrondissement et dotées de brigades de recherches.
Cette organisation rappelle, à l’évidence, l’organisation de la police nationale issue de la réforme. Les trois niveaux (national, régional et départemental) reflètent la nouvelle organisation de la police, dans laquelle le DGPN dispose lui-même de l’autorité organique sur l’échelon zonal, ce dernier ayant lui-même une autorité organique sur l’échelon départemental ou interdépartemental.
La différence principale réside cependant dans la conception du rôle de l’échelon intermédiaire entre les niveaux national et départemental. La région de gendarmerie est ainsi conçue comme « un organisme militaire à vocation opérationnelle » ([28]). Comme rappelé supra, les commandants de région sont responsables de l’exécution de l’ensemble des missions de la gendarmerie nationale. À l’inverse, les directions zonales de la police nationale sont chargées « de l’animation, de la coordination, de l’orientation et du contrôle des missions exercées par les directions départementales et interdépartementales de la police nationale » ([29]). Comme rappelé plus haut, l’échelon zonal de la police nationale n’a pas été conçu pour être un échelon opérationnel à proprement parler.
En conséquence, le directeur zonal ne dispose pas – ou de façon limitée – de services ayant une activité opérationnelle propre, à l’image des sections de recherches rattachées aux commandants de régions de gendarmerie et chargées de traiter les affaires judiciaires les plus complexes.
Par ailleurs, le DZPN n’a pas non plus autorité sur les directions zonales des compagnies républicaines de sécurité. Les CRS ont ainsi conservé leur organisation antérieure à la réforme, avec une direction nationale ayant autorité sur ses services déconcentrés. Au niveau zonal, coexistent donc un DZPN et un DZCRS. Cette situation constitue une autre différence avec l’organisation de la gendarmerie nationale, au sein de laquelle les groupements de gendarmerie mobile sont subordonnés aux régions implantées au siège d’une zone de défense et de sécurité ([30]).
● Votre rapporteur Ugo Bernalicis considère, à la suite de ce travail de contrôle, qu’il est nécessaire de créer une direction générale de la police judiciaire au sein de la police nationale, dans un souci de cohérence stratégique, d’efficacité opérationnelle et d’indépendance fonctionnelle des services d’enquête, calquée sur l’organisation territoriale de la DGGN.
Cette création permettrait de mettre en place une gouvernance unifiée et lisible de l’ensemble des services d’investigation, de mieux coordonner les moyens humains et matériels, aujourd’hui dispersés, afin d’optimiser la lutte contre la criminalité complexe et organisée et de garantir une autonomie stratégique renforcée de la police judiciaire, en recentrant ses missions sur les enquêtes menées au service de l’autorité judiciaire. Dans le prolongement de cette réorganisation, il est également recommandé de réintroduire un concours spécifique dédié aux métiers de l’enquête, afin de constituer un corps spécialisé de policiers enquêteurs, revenant sur la réforme de 1995 qui avait supprimé le corps des inspecteurs de police au profit d’un recrutement plus généraliste.
La création de ce concours permettrait de renforcer l’expertise et la professionnalisation des personnels affectés aux missions d’enquête, d’offrir une filière de carrière judiciaire clairement définie au sein de la police nationale, et de valoriser les compétences techniques, juridiques et d’investigation indispensables à la lutte contre la criminalité moderne.
● Votre rapporteur Thomas Cazenave considère au contraire souhaitable de poursuivre la mise en œuvre de la réforme de la police nationale, qui vise à décloisonner les services et à renforcer la coordination entre les différentes filières – sécurité publique, police judiciaire, renseignement territorial et police aux frontières.
Le retour à une organisation en silos, ou « en tuyaux d’orgue », irait à rebours de l’objectif d’efficacité opérationnelle recherché depuis plusieurs années. La création d’une direction générale de la police judiciaire, distincte de l’actuelle direction générale de la police nationale, risquerait de complexifier la chaîne hiérarchique, de diluer les responsabilités et d’affaiblir la cohérence stratégique de la police. Elle pourrait également recréer des cloisonnements préjudiciables entre services et freiner la mutualisation des moyens humains et techniques, pourtant indispensables face à la complexité de la criminalité organisée.
Enfin, la réintroduction d’un concours spécifique pour les enquêteurs reviendrait sur le principe d’un recrutement polyvalent et évolutif, qui permet aujourd’hui à la police nationale de disposer d’agents formés à des carrières complètes et adaptables, sans opposer culture judiciaire et culture de sécurité publique.
La priorité doit rester de renforcer la formation continue et la spécialisation interne des policiers affectés à l’investigation, tout en consolidant le pilotage unifié de la police nationale sous l’autorité du directeur général. C’est dans ce cadre intégré que la police judiciaire doit poursuivre son développement et son adaptation aux défis de demain.
Recommandation n° 2 A de M. Ugo Bernalicis : Créer une direction générale de la police judiciaire et un concours dédié aux fonctions d’enquête.
Recommandation n° 2 B de M. Thomas Cazenave : Poursuivre la mise en œuvre de la réforme de la police nationale visant à renforcer la coordination entre les filières et la mutualisation des moyens, tout en consolidant la formation et la spécialisation des personnels affectés aux missions d’enquête, dans le cadre d’une gouvernance unifiée de la police.
2. L’absence de rôle opérationnel et le risque de bureaucratisation
● En faisant le choix de la départementalisation, la réforme présentait le risque de passer du fonctionnement précédent « en silos », marqué par un cloisonnement entre directions centrales, à un cloisonnement départemental de l’action des DIPN et DDPN. L’affirmation de l’échelon zonal devait ainsi, si l’on suit l’esprit de la réforme, compenser ce risque d’enfermement départemental.
Le choix de limiter leur rôle opérationnel au strict minimum pose néanmoins plusieurs questions. Dans l’organisation issue de la réforme, il existe en effet deux sortes de services ayant une compétence dépassant le ressort du département :
– les services interdépartementaux de police judiciaire (SIPJ) ;
– les services interdépartementaux de police aux frontières (SIPAF).
Comme le précise l’article 4 du décret du 3 novembre 2023 précité, les SIPJ sont compétents sur l’ensemble des départements de la zone de défense et de sécurité où est implantée la direction interdépartementale à laquelle ils appartiennent. De même, les SIPAF sont compétents sur plusieurs départements de cette zone.
Le choix de rattachement de ces services à vocation interdépartementale à une direction dont l’action est avant tout départementale soulève certaines interrogations. Le risque est de voir le DIPN ou le DDPN incité, avec la réforme, à se concentrer sur le seul périmètre de son département où il est, par ailleurs, soumis à l’autorité du préfet. Les déplacements des rapporteurs n’ont pas, toutefois, documenté la concrétisation d’un tel risque.
Par ailleurs, le choix de concentrer la fonction opérationnelle auprès des DIPN ou DDPN interroge au regard de la bonne utilisation des moyens spécialisés (brigades de recherche et d’intervention, police technique et scientifique, moyens cyber, antennes Siat ([31]) et Sirasco ([32])) ayant par nature vocation à être utilisés au niveau supra-départemental. Or, tant la DNPJ que certains syndicats ont fait état auprès des rapporteurs du risque de concentration des moyens spécialisés, qui ont une vocation zonale, au niveau du département chef-lieu.
L’absence de rôle opérationnel du DZPN donne lieu, de plus, à une certaine incohérence dans la répartition des moyens. Lors du déplacement des rapporteurs à Lille, il leur a été présenté le cas de la prison de Vendin-Le-Vieil – une des deux premières « prison de haute sécurité » annoncées par le garde des sceaux, ministre de la Justice. Située dans le Pas-de-Calais (62), elle relève théoriquement de la DIPN du département. En revanche, en raison du rattachement de moyens spécialisés à la DIPN 59 avec, notamment, une brigade de recherche et d’intervention et une antenne de l’Office anti-cybercriminalité, c’est bien cette seconde DIPN qui a vocation à être saisie en cas de difficultés.
Le constat d’absence de rôle opérationnel doit être nuancé pour la filière renseignement territorial. Le service zonal de renseignement territorial (SZRT) a ainsi repris les activités opérationnelles préexistantes au niveau de la zone et a été renforcé par la création de structures chargées de la coordination et de l’analyse. La logique reste, cependant, celle d’un soutien aux services départementaux en offrant notamment un appui opérationnel en matière de surveillance physique, technique et cyber ([33]).
● Dès lors que son rôle opérationnel est réduit, l’échelon zonal s’est concentré sur ses missions de soutien, d’appui et de garantie de la doctrine. Or, alors que la réforme s’est effectuée à moyens constants ([34]), elle a conduit à des créations de postes au niveau des zones.
Par exemple, au sein des 226 effectifs de la DZPN Nord, 39 effectifs (17,2 %) provenaient de l’ancienne DDSP, le reste étant essentiellement issu des anciennes structures zonales. Si ce nombre reste limité, il ne témoigne pas moins du fait qu’un certain nombre de postes ont été « artificialisés » – pour reprendre les mots de certains interlocuteurs des rapporteurs – en étant transférés sur des fonctions de soutien et de support au niveau zonal au détriment des fonctions opérationnelles.
Ce risque a été confirmé par certains représentants syndicaux, qui ont relevé les difficultés à mener une réforme à moyens constants et en créant des zones qui ont absorbé des moyens de la direction départementale chef-lieu de zone. Les échanges avec les DIPN du Nord et de la Gironde ont fait état de constats similaires.
De plus, la consolidation de cet échelon zonal avec la réforme aurait accru les exigences de rendu de compte – il s’agit en effet de l’un des principaux leviers d’action de l’autorité fonctionnelle. L’impression de redondance de ces obligations a ainsi été soulignée par plusieurs interlocuteurs des rapporteurs : certains considèrent ainsi qu’ils doivent « remplir les mêmes tableaux pour des personnes différentes » ([35]). Si ces difficultés préexistaient, vos rapporteurs constatent que plusieurs témoignages convergents font état d’un alourdissement des obligations de reddition de compte à l’issue de la réforme.
Le développement des capacités d’analyse de l’échelon zonal, appuyées sur des obligations de rendu de compte renforcées, avait d’ailleurs été recommandé par le rapport des inspections de 2023 faisant le bilan de l’expérimentation de la réforme dans certains territoires : « Ce rôle en partie nouveau confié au niveau zonal de garant des équilibres entre les différentes filières nécessitera donc de lui conférer une capacité de contrôle, d’audit et d’analyse d fonctionnement interne des DDPN » ([36]).
Un tel phénomène de bureaucratisation a également été souligné au niveau national : le SICP a ainsi relevé que, désormais, « la multiplication des demandeurs a d’avantage augmenté les contraintes de “rendre compte” et de “reporting” avec le maintien des directions nationales (qui sollicitent des retours pour tenter de jouer leur rôle quasi-impossible) et la création des directions zonales chacune avec leurs états-majors et leurs staffs respectifs » ([37]).
Ce constat a toutefois été nuancé par la DZPN Sud qui constate que l’essentiel des postes qui ont été nécessaires à la création des zones assurent des missions qui étaient, avant la réforme, prises en charge par des effectifs rattachés au département. Il apparaît donc difficile de mesurer l’impact réel de la réforme sur le nombre d’équivalents temps plein (ETP) purement opérationnels.
La création de nouveaux postes chargés de l’animation et du soutien au niveau zonal a ainsi pu se faire au détriment des fonctions opérationnelles. Vos rapporteurs considèrent, dès lors, que les choix opérés dans la conception et la mise en œuvre de la réforme ne doivent pas conduire à accroître la bureaucratisation de l’institution policière.
En effet, le principe de constitution des équipes zonales à partir d’effectifs départementaux n’est pas cohérent avec l’esprit de déconcentration de la réforme. Selon cette logique, la « descente » de missions et de responsabilités vers les échelons déconcentrés doit s’accompagner d’une réallocation des effectifs présents au niveau central, plutôt que d’une aspiration des effectifs déjà présents au niveau départemental.
3. La nécessité de renforcer l’échelon zonal
● Au regard des constats présentés supra, vos rapporteurs partagent l’analyse du DGPN, lors de son audition devant la mission d’information, selon laquelle l’échelon zonal doit encore trouver sa place. La solution pourrait être de parachever le rapprochement de l’organisation territoriale de la police nationale avec celui de la gendarmerie nationale.
Cela impliquerait, d’abord, de clarifier le fait que le DZPN constitue la véritable autorité hiérarchique de l’ensemble des DDPN et DIPN du ressort de la zone. Il serait doté, à ce titre, d’un rôle opérationnel pour les opérations qui le justifient, dans le respect d’un nécessaire principe de subsidiarité. Ce principe de subsidiarité a été illustré par la DGGN : il permet aux différents échelons « de bénéficier à tout moment de l’appui de l’échelon supérieur qui peut prendre, lorsque les circonstances le justifient, la direction des opérations avec les moyens et l’expertise les plus adaptés » ([38]).
Aussi, vos rapporteurs considèrent que la consolidation de l’échelon zonal est nécessaire afin d’assurer la coordination supra-départementale. Cela implique de confier au directeur zonal une véritable autorité hiérarchique sur les DIPN et DDPN de son ressort. Un tel renforcement permettra de prévenir le risque d’enfermement départemental des services à compétence zonale, d’assurer une coordination stratégique plus cohérente entre le niveau central et les échelons départementaux et interrégionaux, de garantir l’application uniforme des orientations nationales, en particulier dans le cadre de réformes ou de missions transversales, et de clarifier la chaîne de commandement, réduisant ainsi les risques de divergences opérationnelles et de chevauchement de compétences entre les différents échelons hiérarchiques
Recommandation n° 3 : Affirmer l’autorité hiérarchique du directeur zonal sur les DIPN et DDPN de son ressort.
● Votre rapporteur Ugo Bernalicis considère par ailleurs qu’une solution, à court terme, aux difficultés de positionnement de l’échelon zonal serait de rattacher au directeur zonal des unités véritablement opérationnelles. En particulier, il pourrait être opportun de lui rattacher certains services de police judiciaire chargés de la lutte contre la criminalité organisée au niveau zonal (voir la seconde partie du présent rapport). Les services de la PAF ayant un champ de compétence allant au-delà du département pourraient également dépendre directement de la direction zonale.
De façon générale, redonner un rôle opérationnel à l’échelon zonal permettrait de lutter contre le phénomène de bureaucratisation que la réforme risque d’accroître. En effet, cette dernière a eu l’effet paradoxal d’attirer des profils expérimentés des différents corps de la police sur des postes pourtant largement dénués de portée opérationnelle.
● Votre rapporteur Thomas Cazenave considère qu’avec la pleine application de la réforme et un duo hiérarchique renforcé entre le directeur zonal et les directeurs départementaux ou interdépartementaux, il est possible de préserver la cohérence du commandement tout en laissant à ces derniers la responsabilité opérationnelle sur leur territoire.
Ce modèle permet de coordonner efficacement l’action des services au niveau zonal sans multiplier les lignes d’autorité ni affaiblir la réactivité locale. Confier directement au directeur zonal des unités opérationnelles brouillerait les responsabilités et risquerait de recréer des circuits parallèles contraires à l’esprit de la réforme.
Recommandation n° 4 A de M. Ugo Bernalicis : À court terme, rattacher les services opérationnels dont le champ de compétence est supra-départemental au directeur zonal.
Recommandation n° 4 B de M. Thomas Cazenave : Confirmer la répartition des rôles en laissant la responsabilité opérationnelle aux directeurs départementaux et interdépartementaux et la coordination stratégique aux directeurs zonaux.
C. L’organisation policière en île-de-France
La réforme n’a pas concerné la préfecture de police (PP) de Paris, dont l’organisation s’apparente à celle de la DGPN précédant la réforme. Le sort des départements de grande couronne parisienne, qui ne dépendent pas de la PP, n’apparaît pas satisfaisant.
1. La Préfecture de police n’a pas été concernée par la réforme
● La Préfecture de police (PP) de Paris n’a pas été affectée par la réforme qui a, pour reprendre les mots d’un interlocuteur de la mission, plutôt consisté en une modification de l’organisation de la DGPN qu’en une réforme de la police nationale.
La PP est organisée en quatre directions de police active compétentes sur les départements de Paris et de petite couronne :
– la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), essentiellement chargée de la prévention et de la lutte contre la petite et la moyenne délinquance ;
– la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), spécificité de l’agglomération parisienne au regard de l’importance des événements de voie publique qui s’y déroulent ;
– la direction de la police judiciaire, chargée de la lutte contre le terrorisme, la grande et la moyenne délinquance, les organisations criminelles, le banditisme spécialisé et organisé, la criminalité économique et financière et la cybercriminalité ;
– la direction du renseignement.
Cette organisation rappelle à certains égards l’organisation de la DGPN antérieure à la réforme :
– chaque direction de police active est organisée de manière hiérarchique, avec des échelons déconcentrés répondant à l’autorité du niveau supérieur. Il s’agit donc d’une organisation qui continue de fonctionner « en silos » ;
– les missions de police judiciaire sont partagées entre la DSPAP pour le « petit judiciaire », et la direction de la police judiciaire pour les affaires les plus complexes.
La direction de la police judiciaire (anciennement direction régionale de la police judiciaire) ressemble, en particulier, à l’organisation de l’ancienne DCPJ. Le directeur dispose ainsi de sous-directions spécialisées, compétentes sur le périmètre de la PP – à savoir, Paris et les trois départements de petite couronne –, de services territoriaux organisés par districts à Paris (incluant plusieurs arrondissements) et des services départementaux pour la petite couronne. Il dispose également de services de soutien comme le service régional de l’identité judiciaire et le service régional de documentation criminelle.
De fait, cette organisation distingue singulièrement la PP du reste de la police nationale depuis la mise en œuvre de la réforme de la DGPN. Dans son ressort, il n’existe pas de chef unique au niveau départemental pour l’ensemble des métiers de la police nationale. L’échelon zonal est incarné par le préfet de police lui-même, sans intermédiation d’un directeur zonal pour la police ([39]).
Les chefs des différentes directions ont une compétence supra-départementale correspondant à celle de l’ensemble de la PP et sont dotés de moyens opérationnels propres. Ils exercent, à ce titre, une autorité hiérarchique classique.
La réforme de l’organisation déconcentrée de la DPGN pose, inévitablement, la question de son application à la Préfecture de police de Paris. Cette piste semble écartée, au regard de l’organisation particulière de la PP autour d’un chef unique au niveau supra-départemental.
L’organisation de la PP constitue, de fait, une autre modalité d’unification du commandement déconcentré des services de police. Elle apparaît, certes, difficilement transposable aux autres départements français étant donné la situation très particulière de l’agglomération parisienne. Cette organisation permet néanmoins d’éviter l’un des principaux écueils de la réforme de la police identifié par la mission d’information, à savoir le risque de repli départemental des services ayant vocation à agir à une échelle plus grande, en particulier les services de police judiciaire (voir la seconde partie du présent rapport). La chaîne hiérarchique descendant depuis le préfet de police jusqu’aux services déconcentrés apparaît, par ailleurs, plus clairement identifiée que celle passant du DGPN au DZPN puis aux DIPN et DDPN.
L’intérêt de cette organisation a d’ailleurs été consacré avec l’extension du périmètre de compétence de la PP aux départements de petite couronne parisienne en 2009 ([40]), qui sont ainsi sortis du champ de la DGPN. Si le préfet de police, interrogé par vos rapporteurs, a considéré qu’une telle organisation était difficilement transposable au reste du territoire, il a reconnu que l’évolution de la délinquance, beaucoup plus mobile et diffuse sur le territoire – par exemple en matière de trafic de stupéfiants – justifiait la mise en place d’une coordination supra-départementale dotée d’une véritable compétence opérationnelle ([41]).
L’unification de la filière judiciaire issue de la réforme pourrait néanmoins s’appliquer à la Préfecture de police, dont l’organisation est marquée par l’éclatement du traitement judiciaire entre la DPJ et la DSPAP. Comme relevé par la précédente mission d’information de la commission des Lois, l’unification de la filière judiciaire de la PP permettrait de simplifier la circulation et la synthèse de l’information.
Vos rapporteurs recommandent ainsi d’étudier l’opportunité d’unifier la filière judiciaire de la préfecture de police de Paris, sur le modèle de la réforme de la DGPN.
Recommandation n° 5 : Étudier l’opportunité d’unifier la filière judiciaire au sein de la préfecture de police de Paris.
2. Le sort insatisfaisant des départements de grande couronne parisienne
La réforme de la DGPN laisse en suspens la situation des départements de grande couronne parisienne ([42]), qui ne relèvent pas de la compétence de la PP. Ces départements ne s’inscrivent pas dans la nouvelle organisation issue de la réforme et ne dépendent pas, en particulier, d’un DZPN. La création d’un tel poste aurait en effet été délicate, le préfet de police de Paris étant à la fois préfet de zone de Paris et directeur des services de police placés sous son autorité. Il n’y a pas, dès lors, d’échelon intermédiaire entre le DGPN et l’échelon départemental pour assurer la coordination.
Face à cette difficulté, une mission « grande couronne » a été mise en place pour assurer le suivi des quatre DIPN de la grande couronne francilienne et leur représentation auprès du préfet de police. Cette mission est cependant dépourvue d’assise textuelle et semble relever d’une instance de coordination souple.
Vos rapporteurs s’interrogent sur une telle solution, qui paraît inadaptée à l’agglomération parisienne. En matière de police judiciaire par exemple, la réforme a conduit à la disparition de la direction régionale de police judiciaire (DRPJ) de Versailles, qui assurait la direction des services de PJ de l’ensemble des départements de grande couronne. Désormais, les quatre départements de grande couronne sont dotés d’une DIPN.
Or, les enjeux de coordination des services de PJ à l’échelle de l’agglomération parisienne sont majeurs. Avant la réforme, des interrogations avaient déjà été soulevées sur les difficultés de coordinations entre une DRPJ-PP compétente pour Paris et les départements de petite couronne et une DRPJ à Versailles compétente pour les départements de grande couronne ([43]).
La réforme semble aggraver encore ces difficultés. Désormais, les DIPN de grande couronne se retrouvent dépourvus d’un échelon supérieur pouvant assurer la coordination avec la PP. Le risque est donc d’accroître l’éclatement des missions de PJ au niveau de l’agglomération parisienne, alors que les particularités de cette dernière plaident, à l’inverse, pour renforcer un pilotage unifié de ces missions.
Vos rapporteurs considèrent, dès lors, que la situation des départements de grande couronne à la suite de la réforme est inaboutie. Il convient, à cet égard, de renforcer la coordination entre les DIPN des départements de grande couronne et la préfecture de police de Paris.
Recommandation n° 6 : Renforcer la coordination des départements de la grande couronne parisienne avec la préfecture de police de Paris.
D. La création du STN : un progrès à concrétiser
Le service de la transformation numérique (STN) de la police nationale, créé en juin 2022, a été chargé de la mise en œuvre du volet numérique de la réforme de la police nationale.
Cette création a été l’occasion de donner une nouvelle actualité à l’enjeu des outils numériques de la police nationale. Comme l’a relevé le directeur national de la sécurité publique lors de son audition, le développement des applications logiciels locales aurait trop souvent conduit à des difficultés et contribué à l’éclatement des outils numériques. L’importance de développer des outils logiciels de qualité, en particulier pour les missions d’investigation a souvent été évoqué lors des travaux des rapporteurs.
Le numérique a ainsi été institué en véritable « filière », sur le modèle des autres métiers de la DGPN, avec la création de services d’appui numérique au sein des zones et des départements. Une homogénéisation des outils par filière a également été recherchée.
Vos rapporteurs considèrent que la création du STN est une avancée bienvenue afin d’appréhender les enjeux numériques de façon globale au sein de la police nationale.
La création du STN doit également permettre de faire aboutir les grands projets logiciels pilotés par la DGPN et, en particulier, le successeur du logiciel de rédaction des procédures (LRP). Marqué par des dysfonctionnements récurrents, il apparaît désormais urgent de le remplacer par un outil dimensionné aux besoins des procédures actuelles.
Lors de son audition par vos rapporteurs, M. François Thierry, chef du STN, a souligné que les phases préparatoires du projet « XPN », qui doit remplacer le LRP, étaient dorénavant terminées. Quatre scénarios étaient ainsi envisagés :
– le respect du scénario initial, avec passation de marché public et conception du logiciel en externe ;
– la reprise de l’existant avec, par exemple, le logiciel de procédure de la gendarmerie nationale. Ce dernier serait, cependant, lui-même déjà obsolète ;
– l’utilisation d’un marché multi-éditeurs, les différentes briques du logiciel étant acquises auprès d’acteurs extérieurs puis assemblées « en interne » ;
– l’internalisation de la conception du nouveau logiciel par l’Agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI).
Si chacun de ces solutions présente des avantages et des inconvénients, l’internalisation de la conception du logiciel par l’ANFSI présenterait le coût le plus faible et permettrait, par ailleurs, de développer des compétences en interne sur le long cours. Selon les informations transmises aux rapporteurs, le premier scénario aurait toutefois été choisi, avec un appel d’offres prévu pour fin 2025.
Aussi, votre rapporteur Ugo Bernalicis regrette que ce scénario ait été préféré à celui consistant à développer en interne le logiciel devant succéder au LRP. Le scénario retenu présente en effet les coûts les plus élevés et externalise le plus les compétences nécessaires à la gestion du logiciel dans le temps.
Face aux enjeux numériques majeurs auxquels la police nationale fait face, l’avancée que représente la création du STN doit encore se concrétiser. Son succès pourra être mesuré au regard de l’aboutissement du projet de logiciel de rédaction des procédures ainsi que par l’uniformisation des outils numériques utilisés au sein de la police nationale.
III. Une réforme récente, Des résultats opérationnels difficiles à objectiver
L’évaluation des effets de la réforme apparaît d’autant plus complexe que sa mise en place ne repose pas de façon directe et explicite sur l’amélioration du service rendu en matière de sécurité. S’agissant d’une réforme de nature organisationnelle, elle n’avait pas non plus vocation à répondre à elle seule à l’intégralité des défis auxquels la police nationale fait face.
A. Une grille d’évaluation complexe à établir A posteriori
● L’évaluation des effets de la réforme de la police nationale est ardue, après seulement une année pleine de mise en œuvre – année marquée, par ailleurs, par des événements d’ampleur comme l’organisation des Jeux olympiques. La DNPAF a d’ailleurs relevé, lors de son audition par vos rapporteurs, que le fonctionnement policier était « repassé en mode filière » pendant la durée des Jeux, sans préciser toutefois en quoi consistait ce retour au fonctionnement ante-réforme.
Cette évaluation est d’autant plus complexe que les objectifs de la réforme apparaissaient essentiellement de nature qualitative : unicité du commandement, déconcentration et décloisonnement. Pour un certain nombre d’interlocuteurs de la mission, la réforme était justifiée, avant tout, au regard d’une organisation précédente jugée inadaptée aux évolutions des enjeux de sécurité et de l’importance de créer un chef unique au niveau départemental.
Dès lors, le bilan de la réforme que la mission d’information a pu établir repose avant tout sur une grille d’évaluation de nature qualitative. Un tableau schématique des réactions à la réforme est présenté ci-dessous, selon le type d’acteurs entendus par la mission.
Synthèse des avis des interlocuteurs de la mission sur la réforme
Structure entendue |
Avis sur la réforme |
Direction générale de la police nationale |
Très favorable Des points de vigilance limités, portant notamment sur un échelon zonal qui doit encore trouver sa place |
Directions nationales de la police nationale |
Globalement favorable Plusieurs points d’attention relevés, en lien notamment avec la perte d’autorité hiérarchique sur les échelons déconcentrés |
Offices de police judiciaire |
Certains éléments positifs en matière de circulation de l’information Des « points d’attention » et « de vigilance » voire des « effets de bord » très importants avec la création de zones blanches du traitement de la PJ |
Direction des affaires criminelles et des grâces |
« Mitigé », les effets du point de vue de l’autorité judiciaire étant « neutres ou négatifs » ([44]) Quelques effets positifs avec la possibilité de régler plus aisément les conflits négatifs de compétence |
Préfets |
Favorable, notamment au regard de la facilitation des opérations interservices de la police nationale |
DIPN/DDPN/DTPN |
Très favorable Certaines interrogations sur le fonctionnement des DZPN |
DZPN |
Favorable |
Représentants de l’autorité judiciaire |
De « contrasté » à très défavorable |
Syndicats et associations professionnelles de la police nationale |
De globalement défavorable à très défavorable |
Cette première approche fait apparaître un bilan mitigé de la réforme, appréciée de façon parfois diamétralement opposée selon l’interlocuteur.
La hiérarchie policière (DGPN, DZPN, DIPN et DDPN et DTPN) considère ainsi qu’il s’agit d’un progrès bienvenu ayant mis fin au fonctionnement « en silos » des différentes filières. Les préfets entendus ont également une vision positive de la réforme, qui unifie le commandement départemental sur le modèle de ce qui existe au sein de la gendarmerie nationale. Ces acteurs apparaissent comme les véritables « gagnants » de la réforme : le DGPN s’est vu doter d’une autorité opérationnelle directe sur les échelons inférieurs, les DIPN/DDPN ont désormais l’ensemble des services départementaux de la police sous leur autorité et les préfets disposent d’un interlocuteur unique.
L’avis des directions nationales, anciennes directions « centrales », fait apparaître plusieurs interrogations liées à la perte de l’autorité hiérarchique directe sur les échelons déconcentrés, celle-ci étant intimement liée aux principes retenus pour la réforme.
Les services de police judiciaire ont, quant à eux, une approche plus prudente de la réforme. Certains offices ont ainsi pointé des « points d’attention », devenant parfois des « points de vigilance » voire de véritables « effets de bord » de la réforme, dont certains apparaissent particulièrement inquiétants (voir la seconde partie du présent rapport).
En dehors de la hiérarchie policière et de l’institution, les avis sont généralement défavorables. Les magistrats entendus ont fait état du fait que, au mieux, la réforme n’aurait rien changé aux difficultés de la filière judiciaire et que, au pire, elle aurait contribué à les aggraver. Les syndicats et associations professionnelles de la police nationale font unanimement état d’un avis défavorable.
Cette brève analyse synthétique des éléments d’appréciation qualitative apportés aux rapporteurs permet de dresser à ce jour, au mieux, un bilan mitigé des effets de la réforme. Elle a, incontestablement, bénéficié à certains acteurs. Le préfet bénéficie ainsi, face à lui, d’un chef unique des services de la police nationale avec le DIPN ou DDPN. Ce dernier, quant à lui, dispose de leviers plus nombreux qu’auparavant pour déterminer les priorités de son service. L’unification de la filière judiciaire au niveau départemental, avec la fin de l’éclatement du judiciaire entre la sécurité publique et la police judiciaire, a également été relevée comme un bénéfice de la réforme par plusieurs magistrats.
Les inquiétudes relayées par certains policiers, en particulier de la filière judiciaire, et au sein de l’autorité judiciaire incitent néanmoins à la plus grande prudence. Certains « effets de bord » apparaissent en effet structurellement liés aux principes retenus pour cette réforme et seront développés dans la seconde partie du rapport.
● La grille d’évaluation de la réforme a été d’autant plus difficile à établir que de nombreuses demandes d’éléments chiffrés des rapporteurs sont restées sans réponse. Des demandes précises ont ainsi été adressées aux directions nationales à propos des effectifs et des indicateurs d’activité, qui n’ont pas reçu de réponse.
De même, ils n’ont pas été destinataires du rapport de trois inspections ministérielles concernant les stocks de procédures judiciaires, malgré les relances auprès du ministre de l’Intérieur. Si les parlementaires ne disposent pas du droit à la communication de tels documents dans le cadre d’une mission d’information, vos rapporteurs regrettent de ne pas avoir pu disposer de ces éléments qui auraient été particulièrement utiles à leurs travaux.
Au total, si la réforme de la police nationale en a profondément modifié les structures d’organisation territoriale, elle n’a pas été suffisamment accompagnée d’une réflexion sur les modalités concrètes d’évaluation de son impact sur la qualité du service public. En l’absence d’indicateurs clairs permettant d’en mesurer les bénéfices pour les citoyens, notamment en matière de traitement des procédures ou d’amélioration des délais, le lien entre la réforme et les résultats en termes d’amélioration du service rendu reste à établir.
B. Une évaluation à poursuivre
La présente mission intervient deux années après de premières évaluations, menées avant la mise en œuvre de la réforme, qui devront être poursuivies.
1. Les premières évaluations faisaient état de conclusions mitigées
● Une première évaluation menée en 2023 ([45]) faisait apparaître un bilan favorable de la création des DTPN mais portait une appréciation mitigée des effets de la réforme sur les territoires préfigurateurs de France hexagonale. Le rapport relevait ainsi des « bénéfices avérés mais modestes et dépendant des circonstances locales ».
Afin de favoriser la mise en œuvre de la réforme, la mission d’inspection formulait, notamment, les recommandations suivantes :
– reconfigurer l’échelon central de la police nationale et finaliser les doctrines préalablement à la mise en œuvre des DDPN ;
– donner au niveau zonal les moyens et leviers pour assurer son rôle essentiel de régulation ;
– rappeler dans la doctrine que le DZPN et le DDPN sont garants de la préservation des moyens de lutte contre la criminalité organisée et que les services qui y sont dédiés doivent être préservés du traitement des stocks de procédures judiciaires de la délinquance générale ou du quotidien ;
– prendre en compte dans la fixation des objectifs et de l’évaluation du DDPN la vocation interdépartementale des services (PJ et PAF) placés sous son autorité.
● Remis peu de temps après, le rapport de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, de même, faisait état des avantages et des faiblesses de la réforme en matière de police judiciaire ([46]). Les rapporteurs de cette mission, tout en saluant « une réforme nécessaire de l’organisation de l’ensemble de la police nationale », avaient relevé les points d’attention suivants à propos de la filière judiciaire :
– une concertation insuffisante dans la mise en œuvre de la réforme ;
– des inquiétudes quant à la liberté de choix du service enquêteur ;
– la crainte d’une mutualisation des moyens de l’ancienne PJ au bénéfice de la délinquance du quotidien ;
– un cadre départemental souvent inadapté pour le traitement de la délinquance ;
– le risque d’atteinte à la protection du secret de l’instruction.
Ces premières évolutions ont conduit à des inflexions qui n’ont pas permis, cependant, de lever les principales difficultés identifiées (voir la seconde partie du présent rapport).
● Vos rapporteurs relèvent que leur évaluation de la réforme a été rendue difficile par un accès limité aux informations relatives à la répartition des effectifs, des moyens budgétaires et à l’organisation interne des services. Cette absence de transparence empêche d’en mesurer précisément les effets, tant sur la chaîne hiérarchique que sur les capacités opérationnelles des échelons territoriaux.
Ils soulignent qu’une réforme d’une telle ampleur ne peut être pleinement comprise ni évaluée sans un suivi documenté et partagé, associant l’administration centrale, les services déconcentrés et la représentation nationale.
L’accès des parlementaires à toutes les informations utiles est une condition d’une évaluation sincère et objective.
2. De nouvelles évaluations à mener selon des critères objectifs
Une nouvelle évaluation de la réforme doit être réalisée en 2026, c’est-à-dire après deux années pleines de mise en œuvre effective de la nouvelle organisation – nonobstant la période des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, pendant laquelle la police nationale est repassée « en mode filière » (voir supra). Au regard de la date d’écriture du présent rapport, il apparaît cependant peu probable que des correctifs significatifs puissent être apportés d’ici le démarrage des travaux de cette mission d’inspection.
Aussi, il conviendra d’établir une grille d’évaluation claire, fondée à la fois sur les objectifs initiaux affichés mais également sur des indicateurs permettant d’objectiver les effets opérationnels et mesurables de la réforme. Vos rapporteurs considèrent qu’une double approche quantitative et qualitative devrait être recherchée.
D’un point de vue quantitatif, cette évaluation devra reposer sur des indicateurs relatifs à la fois à la disponibilité opérationnelle des effectifs et à la situation des stocks de procédure judiciaire. Il est indispensable, en effet, de déterminer les effets concrets de la réforme du point de vue de la qualité du service rendu au citoyen. Elle devra également faire état de l’évolution des effectifs avant et après mise en œuvre de la réforme aux différents niveaux territoriaux.
Cette analyse devrait être complétée par des travaux de nature qualitative, comme l’a souligné le Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP) selon lequel : « La seule évaluation qui refléterait vraiment la réalité serait une enquête qualitative interrogeant de nombreux praticiens, enquête qui de préférence n’aurait aucune conclusion pré-écrite et éviterait de se limiter aux interlocuteurs naturellement défenseurs de la réforme » ([47]).
Aussi, un travail d’enquête évaluant la satisfaction des personnes concernées par la réforme, qu’ils soient chargés de la mettre en œuvre ou qu’il s’agisse d’acteurs extérieurs (magistrats, préfets) pourra être conduit.
Vos rapporteurs réitèrent donc la recommandation de la mission d’information de la commission des Lois concernant l’évaluation de la mise en œuvre de la réforme sur une temporalité plus longue, via un suivi qui pourrait se traduire par la transmission à la représentation nationale de plusieurs indicateurs tenant aux moyens alloués à la lutte contre le crime organisé et la délinquance économique et financière, au nombre d’enquêtes par enquêteur et aux ratios d’encadrement des services.
Vos rapporteurs souhaitent ainsi que la prochaine évaluation menée par les inspections ministérielles intègre des éléments d’évaluation à la fois quantitatifs et qualitatifs, sur la base des objectifs affichés et d’indicateurs reflétant la qualité du service rendu au citoyen.
Recommandation n° 7 : Intégrer des éléments d’appréciation de nature à la fois quantitative et qualitative fondés sur les objectifs affichés de la réforme et sur des indicateurs reflétant la qualité du service rendu au citoyen au sein de la prochaine évaluation de la réforme.
Seconde partie : Pour une police judiciaire déjà fragilisée, une réforme ambitieuse et des risques à prendre en compte
Le constat de grande fragilité de la filière judiciaire au sein de la police nationale est désormais établi depuis plusieurs années et peut s’expliquer par plusieurs facteurs structurels. Il est néanmoins certain que cette situation affecte fortement la capacité des services de police judiciaire à assurer une réponse pénale adaptée aux attentes des citoyens.
Dans ce contexte, la réforme de la police nationale a produit des effets massifs sur la filière et induit des risques à prendre en compte. Toutefois, elle n’avait pas vocation à résoudre tous les problèmes de la police judiciaire, qui préexistaient à la réforme et qui appellent, aujourd’hui, de nouvelles décisions et mesures.
I. Des services confrontés à des difficultés anciennes
Les difficultés de la filière judiciaire se traduisent par une attractivité en baisse auprès des policiers et l’accumulation de procédures judiciaires qui ne sont pas traitées.
La réforme de la police nationale intervient dans un contexte d’importantes difficultés de la filière judiciaire, identifiées depuis plusieurs années. Lors de son audition, le DGPN a identifié un décrochage datant du milieu des années 2010, principalement lié à la complexité croissante de la procédure pénale, le manque de reconnaissance, la charge de travail et la disponibilité demandée aux effectifs.
Le constat « implacable » sur la perte d’attractivité de la filière judiciaire dressé par la mission d’information de la commission des Lois de 2023 reste applicable aujourd’hui :
– une pression accrue sur les enquêteurs notamment liée à une augmentation structurelle du nombre d’affaires dans les services. Ce constat a, de fait, été relevé par l’ensemble des interlocuteurs de la mission ;
– une charge de travail et un régime indemnitaire peu compétitifs par rapport aux policiers sur la voie publique ;
– la réduction du temps d’investigation et la complexification de la procédure pénale ;
– un déficit d’encadrement intermédiaire qui nuit à l’efficacité des enquêtes ;
– une spécialisation et des compétences techniques peu valorisées.
Les conclusions de cette mission ont été largement corroborées par un rapport récent de la Cour des comptes ([48]). Établi pour les exercices 2017 à 2022, ces conclusions ne prennent pas en compte la réforme effective depuis 2024. Elles permettent néanmoins de documenter les différents éléments traduisant cette baisse d’attractivité.
D’abord, le Cour relève un nombre insuffisant d’officiers de police judiciaire (OPJ) au sein du corps d’encadrement et d’application de la police – les gardiens de la paix – et un taux d’encadrement trop faible. Ce manque d’OPJ est particulièrement prononcé au sein de la filière sécurité publique : au sein de l’ancienne DCSP, le nombre réel d’OPJ était inférieur de 10 % au référentiel fixé par la direction et la grande majorité des DDSP de métropole n’atteignaient pas le taux cible de 80 %. Au sein des services judiciaires de la DSPAP de la Préfecture de police de Paris, ce taux atteignait seulement 41 %.
L’effet de la réforme des corps et carrière sur la filière investigation
Le rapport de la Cour pointe, par ailleurs, le fait que la réforme des corps et des carrières de 1995 et celle de 2004 ont eu « un effet durable sur l’exercice des métiers de l’investigation et ont contribué à déstabiliser la filière investigation », selon le mécanisme suivant :
– la réforme statutaire de repyramidage des corps a conduit à une augmentation des effectifs dans les grades supérieurs du corps des commissaires de police, accompagnée d’une revalorisation salariale du corps des officiers et du corps des commissaires, en réduisant d’autant les effectifs d’officiers chargés des tâches de commandement et de terrain pour la direction des enquêtes ;
– dès lors, la charge des missions de PJ s’est mécaniquement reportée vers les gardiens de la paix OPJ, dont le niveau de qualification est plus faible, alors que le taux d’encadrement de ces gardiens par des officiers a continué à s’effriter.
Aussi, les mesures en faveur de la « ressources en OPJ » ne compensent pas la baisse tendancielle des officiers issus du corps de commandement.
Ensuite, la Cour pointe des taux de postes non pourvus élevés pour la filière investigation de la DCSP, les services spécialisés de la DCPJ ou de la DRPJ de la préfecture de police apparaissant plus préservés. Elle relève également la faible attractivité des postes d’investigation en sortie d’école pour les différents corps de la police.
L’ensemble de ces constats a été étayé par les interlocuteurs de la mission d’information. Certains ont même considéré que la réforme avait contribué à aggraver la situation, en facilitant les passages d’une filière à l’autre. La « concurrence » entre filière a ainsi pu s’accroître, au regard des rythmes de travail et des régimes de primes différents. Au regard des sujétions particulières qu’elle implique, cette concurrence accrue peut jouer au détriment de la filière judiciaire.
B. Les stocks de procédures judiciaires
Les difficultés de la filière judiciaire sont incarnées par l’accumulation des stocks de procédures non traitées. Ce constat a également été documenté par la mission d’information de la commission des Lois de 2023, qui relevait que la situation représentait « un facteur de démobilisation des enquêteurs et des magistrats ainsi qu’une source d’incompréhension et d’insatisfaction des victimes ».
Ce stock de procédures se traduit par une charge de travail considérable pesant sur les enquêteurs. Au mois de juin 2022, le nombre total de procédures en portefeuille au sein des services de l’ancienne DCSP s’élevait ainsi à 1,5 million, soit une moyenne de 104 procédures par enquêteur. Pour l’année 2024, la DGPN a indiqué aux rapporteurs que le stock global de procédures en portefeuille dans la filière PJ avait augmenté de 18 % pour franchir le seuil de 2 millions, contre 1,8 million en 2023. Le ratio des dossiers par enquêteurs est ainsi passé à 135 par enquêteur ([49]).
Cette situation se retrouve au sein de la Préfecture de police de Paris, avec 800 000 dossiers en stock et une moyenne par agent proche de celle de la DGPN ([50]).
Toutefois, les travaux des rapporteurs ont permis de souligner que cette moyenne masquait parfois des situations extrêmement dégradées : selon le procureur général de la cour d’appel de Versailles, le nombre de procédure par OPJ dans le Val d’Oise serait ainsi supérieur à 300 ([51]).
Selon les travaux de la Cour, la situation apparaissait moins dégradée au sein des services spécialisés. Ainsi, au 31 décembre 2021, le nombre moyen de procédure par enquêteur était de 4 au sein de la DCPJ et de 9 au sein de la DRPJ-PP. La mission d’information de la commission des Lois de 2023 relevait, quant à elle, que chaque agent des brigades mobiles de recherche, dédiées à la lutte contre les filières d’immigration irrégulière, disposait en moyenne d’une dizaine de dossiers en stock.
La situation dégradée de l’état des stocks de procédures s’inscrit dans un contexte d’allongement des délais de traitement des informations judiciaires, détaillées dans le tableau ci-dessous.
Délais moyenS de traitement par type d’information judiciaire
(en mois)
Type de renvoi |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Renvoi devant la cour d’assises |
30,7 |
31,8 |
31,0 |
32,9 |
Renvoi au tribunal correctionnel |
34,6 |
33,5 |
34,4 |
37,8 |
Renvoi vers une juridiction pour mineurs (hors cour d’assises pour mineurs) |
30,5 |
29,4 |
31,1 |
34,2 |
Non-lieu |
40,7 |
42,3 |
44,0 |
44,5 |
Total |
34,9 |
34,4 |
35,4 |
37,9 |
Source : tableau transmis par l’Afmi aux rapporteurs sur la base des Références Statistiques Justice 2021, 2022, 2023 et 2024.
Afin de documenter ce constat, vos rapporteurs auraient souhaité, comme évoqué supra, disposer du rapport des trois inspections ministérielles d’octobre 2023 concernant les stocks de procédures. Ce document ne leur a toutefois pas été transmis.
Vos rapporteurs rappellent que toute évaluation des effets de la réforme de la police nationale doit prendre en compte ces difficultés déjà anciennes qui affectent la filière judiciaire. Lors de son audition par vos rapporteurs, le directeur national de la sécurité publique avait souligné une aggravation de la situation des stocks de procédure au sein de l’ancienne DCSP liée à plusieurs facteurs ne relevant pas de la réforme :
– les effets de la période de crise sanitaire ;
– la priorisation de certains contentieux comme les violences intrafamiliales ;
– la judiciarisation accrue des opérations de maintien de l’ordre et de violences urbaines ;
– l’accroissement de l’activité des polices municipales.
Toutefois, la situation ne s’est pas améliorée depuis la mise en œuvre de la réforme. Ainsi, la DACG a indiqué aux rapporteurs que, depuis janvier 2024, il n’avait pas été constaté d’amélioration du traitement de ces stocks, que ce soit en termes qualitatifs ou quantitatifs. À l’inverse, « les stocks ont continué de croître malgré l’investissement des parquets et des services d’enquête » ([52]). Près de 39 % des parquets interrogés pour 2024 sur les effets de la réforme ont fait état de stocks « ayant explosé », d’une situation « alarmante » ou encore de « services engorgés au bord de l’asphyxie ». Si 47 % des parquets n’indiquent aucune évolution significative des stocks de procédure, certains notent une baisse sensible du nombre de procédures en cours, « notamment en raison de leur action et de celle des services d’enquête » ([53]).
● Face à ces difficultés, votre rapporteur Ugo Bernalicis renouvelle et précise ses recommandations relatives au renforcement de la présence des procureurs au sein des services d’enquête, telles qu’exposées au sein du rapport précité de la commission des Lois publié en février 2023. Cette présence doit permettre de réaffirmer leur rôle de direction d’enquête, conformément aux dispositions du code de procédure pénale.
Recommandation n° 8 de M. Ugo Bernalicis : Expérimenter et renforcer la présence physique des magistrats du parquet au sein des commissariats afin d’améliorer la conduite des enquêtes préliminaires, d’optimiser la priorisation des plaintes et d’assurer un contrôle plus direct et effectif de l’activité de police judiciaire, dans le respect des libertés publiques.
Recommandation n° 9 de M. Ugo Bernalicis : Organiser, dans la limite des moyens disponibles des parquets, des visites régulières, programmées ou inopinées, du procureur de la République au sein des services d’enquête, afin qu’il puisse exercer pleinement sa mission de direction de l’activité de police judiciaire en rencontrant les responsables de service pour préciser ses attentes en matière de déclinaison de la politique pénale, ainsi que sa mission de contrôle des lieux de privation de liberté.
II. Quels bénéfices de la création d’une filière intégrée ?
La création d’une filière dédiée à la police judiciaire, pleinement intégrée dans l’organisation centrale et déconcentrée de la police nationale, met un terme à l’ancienne organisation en silos des services de la police, reposant sur des directions spécialisées, dont la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). La réforme de l’administration générale de la police nationale a ainsi permis de placer sous l’autorité de la DGPN la filière judiciaire, dans le respect du principe de l’unicité du commandement. À l’échelle du territoire, elle a conduit à une départementalisation de l’organisation des services de la police judiciaire.
La nouvelle structuration des services dédiés à l’investigation facilite le pilotage stratégique de la filière. Toutefois, pour apporter des solutions aux difficultés qui traversent les métiers de la police judiciaire, ce nouveau modèle de gestion unifié doit mieux prendre en compte les particularités attachées à chacun des services rassemblés au sein de la filière judiciaire.
A. Une nouvelle organisation unifiée et hiérarchisée de la filière dédiée à la police judiciaire
Avant la mise en œuvre de la réforme de l’organisation de la police nationale, les différents services de la police judiciaire étaient principalement répartis entre deux directions : la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) ([54]). Par l’effet de la réforme, tous les services exerçant des missions de police judiciaire ont été intégrés au sein d’une même direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), pilotée au niveau central par la direction générale de la police nationale (DGPN). Les services locaux ont quant à eux été placés sous l’autorité d’un directeur interdépartemental ou départemental unique, pour en unifier la gouvernance à l’échelle départementale.
Dans le respect du principe de déconcentration, les différents services qui composent la filière dédiée à la police judiciaire sont présents aux échelons national, zonal, interdépartemental ou départemental et local.
● Au niveau national, le directeur national de la police judiciaire, chef de la filière, est notamment chargé de l’élaboration de la feuille de route nationale des priorités de la filière judiciaire et de la détermination des instructions et de la doctrine qui encadre l’organisation, l’emploi et le fonctionnement des services de police judiciaire ainsi que l’exercice de leurs missions ([55]).
En outre, ce directeur assure la coordination nationale des offices centraux de police judiciaire et exerce une autorité hiérarchique sur les services centraux opérationnels qui sont directement rattachés à la DNPJ. En tant qu’officier de police judiciaire, le directeur national peut être saisi par l’autorité judiciaire, dans le cadre d’une enquête, ou, sur commission rogatoire, dans le cadre d’une information judiciaire. Ainsi, il peut mettre en œuvre les moyens d’investigation des services centraux opérationnels placés sous son autorité et mobiliser les antennes et détachement des offices sur le territoire national. Dans ce cas, il avise les directeurs zonaux adjoints en charge de la police judiciaire ainsi que les directeurs interdépartementaux de police nationale concernés.
Les services centraux opérationnels rattachés à la DNPJ
Il existe quinze offices centraux de police judiciaire, énumérés à l’article D. 8-1 du code de procédure pénale. Ces offices constituent des services d’investigation chargés du traitement des formes les plus graves et complexes de la criminalité et de la délinquance. Ils disposent d’une compétence nationale pour conduire les investigations sur les faits se rattachant à leurs attributions. Par ailleurs, certains ont des antennes ou des détachements qui sont implantés dans les services territoriaux de police judiciaire, disposant également d’une compétence nationale.
Certains de ces offices sont rattachés à la gendarmerie nationale ([56]). D’autres constituent des services centraux opérationnels placés sous l’autorité hiérarchique du directeur national de police judiciaire ([57]). Il s’agit des services suivants :
- l’office anti-stupéfiants (OFAST), en charge de la lutte contre les stupéfiants ;
- la sous-direction anti-terroriste, en charge de la lutte contre les actes terroristes et les violences extrêmes ;
- la sous-direction de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance spécialisée, qui est constituée quant à elle de :
● l’office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), dont les brigades de recherche et d’intervention (BRI) sont les antennes opérationnelles ;
● l’office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) ;
● l’office central pour la répression du faux monnayage (OCRFM) ;
● l’office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) ;
● l’office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) ;
● l’office mineurs (OFMIN) ;
- la sous-direction de la lutte contre la criminalité financière, en charge de la lutte contre la criminalité financière, fiscale et la corruption, qui est constituée de :
● l’office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) ;
● l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ;
- l’office anti-cybercriminalité (OFAC), en charge de lutte contre la cybercriminalité ;
- le service central des courses et jeux, en charge de la police administrative et judiciaire liée aux courses et jeux.
Outre ces services d’investigation, deux services centraux sont spécifiquement dédiés à des missions d’assistance pour soutenir l’action des autres services de la police nationale. Ces services sont rattachés au directeur national adjoint en charge des opérations ([58]) :
- Le service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée (SIRASCO) : il s’agit d’un service dédié au recueil et au traitement du renseignement criminel ;
- Le service interministériel d’assistance technique (SIAT) : ce service met notamment en œuvre les techniques spéciales d’enquête au profit des services d’investigation de la police nationale.
Source : Doctrine de la direction nationale de la police judiciaire du 6 février 2024 et site internet de de la police nationale.
Le directeur national de police judiciaire exerce, en outre, une autorité fonctionnelle sur les services de police judiciaire ainsi que sur le service national de la police scientifique (SNPS) qui dispose d’une compétence nationale.
Le service national de police scientifique (SNPS)
Issu de la fusion du service central de police technique et scientifique (SCPTS) et de l’Institut national de police scientifique (INPS), le service national de police scientifique (SNPS) a été créé par deux décrets du 30 décembre 2020 ([59]) et un arrêté pris à la même date ([60]).
Rattaché au directeur général de la police nationale, le SNPS est compétent sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les outre-mer. Il est notamment chargé de « définir, coordonner, mettre en œuvre et évaluer la politique de la direction générale de la police nationale en matière de police scientifique sur l'ensemble du territoire national » ([61]).
Ce service a été désigné, par arrêté du 8 janvier 2021, comme l’un de ceux à qui l’autorité judiciaire peut confier des missions d’expertise, en application de l’article 157-2 du code de procédure pénale. Dans ce cadre, et conformément aux missions qui lui ont été confiées ([62]) , il réalise « tous les examens, constatations, expertises, recherches et analyses d'ordre scientifique qui lui sont demandés » par l’autorité judiciaire.
La création d’un tel service est de nature à simplifier la conduite des expertises scientifiques pour les besoins d’une procédure en désignant un interlocuteur unique permettant à l’autorité judiciaire de lui adresser ses demandes pour toutes les missions de police scientifique.
● À l’échelon zonal, le directeur zonal adjoint en charge de la police judiciaire (DZAPJ) est « dédié à l’animation, la coordination et au contrôle de l’activité de la filière police judiciaire » ([63]).
Dans ce cadre, il suit notamment l’évolution du nombre des dossiers en portefeuille des différents services de la filière et s’assure de la bonne circulation du renseignement criminel au sein du territoire zonal, en élaborant un état de la menace. Son positionnement est donc essentiellement stratégique pour assurer la mise en œuvre des priorités de la filière au sein de chacun des départements qui composent la zone de défense et de sécurité.
Il est également chargé de veiller à « l’adaptation des moyens humains et matériels pour la filière » ([64]). À ce titre, il peut notamment proposer un dispositif de soutien et de coordination au service en charge d’une opération judiciaire d’envergure, en fonction des ressources disponibles au niveau de l’échelon zonal.
● Aux niveaux interdépartemental ou départemental, sont implantés les services interdépartementaux ou départementaux de la police judiciaire (respectivement les SIPJ ou SDPJ). Ces services sont hiérarchiquement rattachés aux directions interdépartementales ou départementales de la police judiciaire (les DIPN, en ce qui concerne les SIPJ et les DDPN, pour les SDPJ).
Les SDPJ et SIPJ ont ainsi remplacé les directions territoriales de la police judiciaire, les services de police judiciaire et les sûretés départementales. Les cartographies ci-dessous matérialisent leurs lieux d’implantation sur le territoire.
Cartographie des directions interdépartementales et des directions départementales de la police nationale (DIPN/DDPN)
Source : Présentation de la réforme de la police nationale, Ministère de l’Intérieur et des outre-mer.
CARTOGRAPHIE DES SERVICES INTERDÉPARTEMENTAUX ET DÉpartementaux de la police judiciaire (SIPJ et SDPJ)
Source : Présentation de la réforme de la police nationale, Ministère de l’Intérieur et des outre-mer.
Il existe 49 SIPJ, qui correspondent aux anciens lieux d’implantation des services territoriaux de l’ancienne direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), et 43 SDPJ.
Les SIPJ et les SDPJ peuvent être saisis par l’autorité judiciaire pour mener à bien des investigations et ont compétence sur le ressort de la zone de défense dans laquelle ils sont implantés. Ainsi, les officiers de police judiciaire qui y exercent sont habilités à agir soit sur l’ensemble du territoire zonal, s’agissant des SIDJ, soit sur le territoire départemental, pour les SDPJ.
Les chefs de ces services exercent une autorité hiérarchique sur ces derniers et une autorité fonctionnelle sur l’ensemble des services locaux de police judiciaire (SLPJ). Ils sont les interlocuteurs privilégiés de l’autorité judiciaire, laquelle peut les solliciter pour « signaler une affaire » ([65]) susceptible de relever de la compétence du service.
En outre, le chef du SIPJ, sous l’autorité fonctionnelle du directeur national de la police judiciaire, coordonne le dispositif de lutte contre la criminalité organisée et spécialisée sur son ressort. Plusieurs unités lui sont directement rattachées : il s’agit notamment des antennes SIRASCO ou SIAT sur le territoire, de la brigade de recherche et d’intervention (BRI), du groupe interministériel de recherche (GIR) ou encore du centre de coopération policière et douanière.
Les SIPJ et SDPJ se structurent autour de plusieurs divisions :
– les divisions du pilotage opérationnel (DPO) : ces divisions stratégiques sont notamment chargées du suivi de la déclinaison territoriale de la feuille de route nationale qui détermine les priorités de la filière.
– les divisions opérationnelles qui sont organisées en fonction du niveau de complexité de la délinquance ou de la criminalité ou de son envergure interdépartementale, départementale ou régionale. Il s’agit des divisions suivantes :
* Les divisions de la criminalité organisée et spécialisée (DCOS) sont implantées au sein de chaque SIPJ. Il n’en existe donc pas au sein des SDPJ. Elles traitent le haut du spectre de la délinquance ou de la criminalité.
Ces divisions sont composées de plusieurs brigades d’enquête qui sont spécialisées par thématiques, par exemple dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants, contre le grand banditisme, contre la criminalité financière ou encore contre la cybercriminalité ([66]). Ces brigades peuvent également constituer des antennes ou des détachements d’offices centraux. Les DCOS sont compétentes pour traiter d’affaires d’envergure supra-départementale ou d’infractions qui revêtent un caractère de particulière gravité, complexité ou sensibilité.
* Les divisions de la criminalité territoriale (DCT), également composées de différentes brigades structurées en fonction de leurs domaines de spécialisation, ont, quant à elles, compétence sur un ressort départemental particulier.
Ces divisions ont remplacé les anciennes sûretés départementales ([67]). Elles traitent des infractions graves, sensibles ou complexes, relevant du milieu du spectre de la délinquance ou de la criminalité, et des réseaux d’envergure départementale. Elles peuvent également apporter leur soutien à l’action des SLPJ implantées dans le département.
* Les divisions de l’action judiciaire (DAJ) sont, quant à elles, compétentes sur la circonscription siège du département. Elles ont vocation à traiter le bas du spectre de la délinquance et de la criminalité et sont en charge des procédures les moins complexes qui ne nécessitent que des investigations limitées dans le temps.
● Enfin, au niveau local, le service local de police judiciaire (SLPJ) est implanté dans chaque circonscription de police nationale (CPN) du ressort d’une DDPN ou d’une DIPN et placé sous l’autorité hiérarchique du chef de la CPN. On dénombre 306 SLPJ, qui sont dédiés au traitement des affaires d’envergure locale, commises sur le ressort de la circonscription, relevant de la délinquance de proximité, du bas du spectre. Les officiers de police judiciaire qui y sont affectés disposent d’une compétence sur le ressort du département.
B. Pour parfaire la cohérence du pilotage institutionnel des enjeux relevant de la police judiciaire, la nécessité de redéfinir les compétences exercées à l’échelon zonal
1. Les avantages de la création d’une filière unique dédiée à la police judiciaire
Comme cela a été souligné dans le rapport de la commission des Lois de l’Assemblée nationale de 2023 précité, l’ancienne organisation de la DCPJ ne favorisait pas l’action coordonnée entre les différents services de la police. En effet, « l’exercice d’une même mission répartie entre plusieurs directions rend[ait] difficile voire impossible la conception d’une stratégie globale sur un territoire, en particulier pour la mission de police judiciaire. À cette organisation cloisonnée et difficilement lisible s’ajout[ait] un mode de fonctionnement centralisé et vertical, les services déconcentrés ne rendant compte qu’à leur direction centrale respective » ([68]).
De fait, l’unicité de la filière dédiée à la police judiciaire facilite la mise en œuvre, sur l’ensemble du territoire national, des politiques publiques prioritaires définies au niveau national et déclinées à chaque échelon territorial. La cohérence du pilotage stratégique et opérationnel de la filière s’en trouve renforcée, dans la mesure où il est désormais plus aisé de « mettre en œuvre une stratégie de sécurité globale, associant tous les métiers autour d’objectifs communs, là où chaque filière poursuivait, auparavant, sa propre feuille de route » ([69]).
Comme la Cour des comptes le souligne dans un rapport consacré aux moyens affectés aux missions de police judiciaire, dont les conclusions ont été rendues avant la mise en œuvre de la réforme de la police nationale, le décloisonnement des services de la DCSP et de la DCPJ devait également permettre de développer des synergies entre ces deux services qui communiquaient trop peu ([70]).
En effet, le partage des missions de police judiciaire entre des directions distinctes, dans le cadre de l’ancienne organisation, rendait difficile la définition, à l’échelon central, d’un plan global de traitement de la délinquance et de la criminalité. L’élaboration d’une doctrine commune à l’ensemble de la filière présente ainsi l’avantage de décloisonner le travail des services dédiés à la lutte contre le haut du spectre de la criminalité et de la délinquance et ceux en charge du bas du spectre, en favorisant la diffusion d’une culture globale des métiers de l’investigation au sein de la filière. La continuité de l’action des différents services de la police judiciaire se justifie dans la mesure où il existe des interférences entre la délinquance ordinaire de basse intensité et les groupes criminels plus structurés et permet de mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire national une stratégie unifiée de lutte contre le phénomène infractionnel.
Ainsi, les interlocuteurs de vos rapporteurs ont souligné les avantages présentés par la réorganisation des services de police judiciaire :
● Il a pu être observé une meilleure coopération entre les services de la police judiciaire ([71]), désormais intégrés au sein d’une filière commune, la réorganisation ayant permis de dépasser une forme de concurrence qui pouvait exister entre certains de ces services, notamment entre ceux de la police judiciaire et ceux des sûretés départementales.
● Il a également été mis en évidence l’amélioration du savoir-faire de l’ensemble des services dédiés à l’investigation grâce au partage des compétences techniques des enquêteurs spécialisés intégrés au sein de la filière. En particulier, dans les outre-mer, la réorganisation a permis de faire bénéficier l’ensemble des services de l’expertise et de la technicité des métiers de la police judiciaire, dans des territoires dans lesquels il n’existait parfois pas véritablement de services de police judiciaire ([72]). La réorganisation des services de la police judiciaire a aussi permis de faire bénéficier des moyens alloués à la police judiciaire les DCT (anciennes sûretés départementales) qui ne pouvaient pas, antérieurement, les mobiliser, par exemple les équipes cynophiles ou l’appui des services support tels que les BRI ([73]). S’agissant des ressorts départementaux les plus petits, notamment ceux sur lesquels aucun service de PJ n’était implanté, le pilotage stratégique au niveau zonal permet de solliciter l’appui des services de police judiciaire grâce à une mutualisation des moyens humains et matériels ([74]). Cet appui se matérialise par la mobilisation d’effectifs d’unités à compétence zonale, telle que la DCOS, pour aider les services territoriaux dans la gestion de procédures plus complexes.
● La réforme de l’organisation des services de la police nationale autour de différentes filières métiers, a aussi permis de rationaliser le partage des attributions entre chacun des services. Ainsi, certaines tâches de soutien à l’activité de police judiciaire ont été dévolues à la filière sécurité publique. Il s’agit notamment de l’accueil du public et des victimes dans les commissariats, de la garde et de la surveillance de personnes retenues, de la garde hospitalière ou de la conduite en établissements pénitentiaires, de la sécurisation d’une opération de police judiciaire ou encore des transports et constatations simples sur des infractions relevant de la délinquance de proximité ([75]). En contrepartie, l’exercice de certaines missions a été confié aux agents de la filière dédiée à la police judiciaire, outre la charge des investigations. Il s’agit en particulier de la mission d’aide aux victimes, de la coordination nationale des centres de coopération policière et douanière, mission précédemment assurée par la police aux frontières et de la gestion prévisionnelle des compétences et des emplois de la filière, exercée en lien avec la DRHFS ([76]).
● Enfin, du point de vue de l’autorité judiciaire, cette nouvelle structuration a non seulement permis d’améliorer la lisibilité de la structuration de ces services, en clarifiant les organigrammes, mais aussi de désigner un interlocuteur unique, à savoir le directeur de la DIPN ou de la DDPN ([77]). Les échanges institutionnels entre l’autorité judiciaire et la police nationale s’en trouvent facilités, cet interlocuteur pouvant être sollicité pour organiser les moyens affectés à une enquête ou à une information judiciaire. L’organisation des services autour d’une autorité hiérarchique unique paraît également de nature à favoriser la résolution rapide des éventuels conflits de compétence entre les services en identifiant plus clairement la personne en capacité d’arbitrer dans la désignation du service dans le cadre d’une procédure judiciaire ([78]).
Votre rapporteur Thomas Cazenave se félicite donc de ces avancées nécessaires qui permettent de renforcer la cohérence et la structure de l’ensemble de la police judiciaire du pays.
Aux yeux de votre rapporteur Ugo Bernalicis, le fait que le DIPN ou DDPN soit l’interlocuteur unique renforce sa capacité de « forcer la main » de l’autorité judiciaire pour affecter concrètement les effectifs en bout de chaîne. Les organisations syndicales de magistrats ont pointé en effet que lorsque le DIPN ou DDPN avait arbitré pour affecter à un niveau d’investigation, il était très difficile et laborieux de revenir sur cette décision, là où auparavant la saisine de services complètement disjoints offraient une véritable liberté de choix de l’autorité judiciaire.
2. Une répartition des attributions entre les échelons zonal et départemental à clarifier
Reposant sur la distinction entre les autorités hiérarchique et fonctionnelle, dont il a déjà été relevé qu’elle demeurait difficile d’appréhension, la répartition des compétences dévolues aux directeurs des différents échelons semble manquer encore à ce jour de cohérence et de lisibilité ([79]).
Ainsi qu’il l’a été présenté, la DNPJ est placée sous l’autorité hiérarchique du directeur général de la police nationale. Chaque service de police judiciaire est ensuite placé sous l’autorité hiérarchique des directeurs interdépartementaux, départementaux ou territoriaux de la police nationale ou des chefs de circonscription auxquels ils sont directement rattachés. Les SIPJ, SDPJ et SLPJ sont ainsi placées sous l’autorité de leur chef de service. Quant aux services centraux opérationnels, c’est le DNPJ qui exerce sur eux cette autorité hiérarchique. L’autorité fonctionnelle est, quant à elle, exercée par le directeur national de la police judiciaire, le DZAPJ, et les chefs des filières à l’échelle du département (chef des SIPJ et SDPJ) sur les services de police judiciaire dépendant de leur ressort.
La DNPJ est ainsi dépourvue de l’autorité hiérarchique sur les services déconcentrés qui ne sont soumis qu’à l’autorité hiérarchique des directeurs des DIPN et DDPN. L’autorité fonctionnelle qu’elle devrait exercer sur ces services ne se manifeste qu’au travers des obligations de remontées et de centralisation d’informations qui lui sont communiquées, sans permettre d’exercer un contrôle réel sur l’action de la filière ni d’infléchir les orientations prises à l’échelle du territoire en matière de police judiciaire. Cette organisation peut présenter le risque d’une gestion des services de police judiciaire trop centrée autour du département, alors même que l’ampleur des phénomènes délinquants et criminels ne correspond pas nécessairement à cet échelon. Le manque de cohérence dans la répartition des compétences entre les échelons zonal et départemental ou interdépartemental contribue aussi à la dilution de l’exercice de l’autorité sur la filière judiciaire. À la lecture de la doctrine de la DNPJ, alors même qu’il est confié au DZAPJ la responsabilité de s’assurer de la bonne répartition des moyens humains et financiers alloués pour la filière et qu’il se doit, dans ce cadre, de proposer des dispositifs de soutien aux unités saisies lorsqu’elles doivent mettre en place une opération judiciaire d’envergure, il ne dispose pas de la capacité de mener à bien cette mission. En effet, c’est le chef du SIPJ ou du SDPJ qui assure l’organisation des moyens humains et matériels dédiés aux enquêteurs sur le département ([80]). Dans la pratique, il a été expliqué à vos rapporteurs que le directeur zonal arbitrait l’affectation d’un certain nombre des effectifs alloués à l’échelle de la zone de défense au profit des différentes filières, les directeurs départementaux affectant ensuite librement ces effectifs au sein des différents services de la filière ([81]).
La lisibilité de la répartition des compétences entre les différents échelons est rendue d’autant plus complexe que l’attribution de l’autorité hiérarchique ne correspond ni au dimensionnement du phénomène infractionnel ni au ressort de compétence judiciaire des services placés sous l’autorité qui en est pourvue. En effet, les antennes et détachements des offices centraux, ayant compétence nationale et les DCOS, qui ont vocation à traiter des procédures les plus complexes et peuvent agir sur l’ensemble du territoire zonal, sont placés sous l’autorité hiérarchique des directeurs des DIPN.
L’échelon zonal se trouve ainsi dépourvu de l’exercice de l’autorité sur des services ayant vocation à intervenir sur son ressort, ce qui entrave sa capacité à développer et porter une vision stratégique pour l’emploi de ces services spécialisés, au regard de l’intensité de la criminalité observée sur le territoire.
Ainsi que l’a admis la DGPN, il est aujourd’hui nécessaire de donner plus de corps et de responsabilité à l’échelon zonal, en délimitant mieux son rôle au sein de l’organisation de la police nationale ([82]). C’est la raison pour laquelle vos rapporteurs proposeront de clarifier le rôle de l’échelon zonal en réaffirmant l’autorité du directeur zonal sur l’échelon départemental et donc sur le DIPN ou le DDPN ([83]).
III. Des difficultés qui persistent, des effets de bord à corriger
Comme il a été rappelé à plusieurs reprises, les difficultés éprouvées par les services de la police judiciaire, décrites précédemment, sont anciennes. La réorganisation de la police nationale n’en est donc pas la cause. Néanmoins, dans le cadre du présent travail d’évaluation de la réforme de l’administration de la police, il semble nécessaire de s’interroger sur les effets induits par cette réorganisation sur la capacité d’action des services de police judiciaire. Cette analyse conduira ainsi à interroger la pertinence de l’organisation actuelle de la filière dédiée à la police judiciaire compte tenu des enjeux spécifiques attachés aux métiers de l’investigation.
A. Le risque d’un repli dÉpartemental des services de police judiciaire
1. Les éventuels inconvénients d’une gestion départementalisée des services de la police judiciaire
Dans le respect du principe de déconcentration, la structuration de la chaîne de commandement des services de la police nationale autour de l’échelon départemental a conduit à attribuer aux directeurs des DIPN et DDPN une position stratégique en termes de gestion des moyens et des ressources humaines sur leur territoire. Ce sont en effet ces directeurs qui décident de l’allocation des effectifs au sein des services de chaque filière et de l’attribution des moyens. Or, plusieurs des personnes auditionnées par vos rapporteurs ([84]) ont mis en avant le risque d’un repli de leur action au profit unique du département, en dépit parfois de la vocation supra-départementale des services implantés sur ce territoire.
À cet égard, la capacité pour le préfet dans le département d’influer sur les décisions prises par les directeurs des DIPN et DDPN ne doit pas être occultée. Son autorité institutionnelle pèse lourdement sur ces directeurs dont il évalue l’action. Les objectifs prioritaires définis par l’autorité préfectorale sur le territoire, qui sont très souvent ceux du maintien de l’ordre public et de la sécurité, dictent largement la stratégie policière conduite sur le département par les directeurs des DIPN et DDPN. L’autorité exercée par le préfet de département sur ces directeurs peut contribuer ainsi à polariser l’activité des policiers sur le territoire autour des problématiques de sécurité publique.
Les craintes initiales d’immixtion de l’autorité préfectorale dans les procédures judiciaires ne se sont pas réalisées à ce jour
Vos rapporteurs ont veillé tout au long de leurs travaux à interroger leurs différents interlocuteurs sur le risque d’immixtion de l’autorité préfectorale au sein des procédures judiciaires. Ce risque, qui semblait induit par la réorganisation des services de la police nationale, compte tenu du rattachement de l’ensemble des missions de police à un directeur unique, lui-même placé sous l’autorité du préfet, suscitait en effet les inquiétudes des différents acteurs de terrain avant la mise en œuvre de la réforme.
Aucune des personnes auditionnées par vos rapporteurs n’a rapporté de difficultés en lien avec ce sujet. Ainsi, la DACG a confirmé qu’à de rares exceptions près, les parquets n’ont pas relayé de difficultés en lien avec la préservation du secret de l’enquête. L’AFMI a également indiqué ne pas avoir constaté de dérive de cette nature depuis la mise en œuvre de la réforme. L’USM également a souligné ne pas avoir eu de remontées d’informations en ce sens.
Sources : contributions écrites de la DACG, de l’AFMI et de l’USM.
Selon certaines des personnes auditionnées par vos rapporteurs ([85]), la priorité accordée au traitement de la délinquance locale et au maintien de l’ordre public se manifesterait jusque dans la gestion des services de police judiciaire sur le territoire, se traduisant par la limitation de leur capacité d’action en matière d’investigation et la dénaturation de leurs missions en raison de la judiciarisation des enjeux de sécurité publique.
● D’une part, la concentration des moyens au profit du département entraînerait une perte de capacité opérationnelle des services de police judiciaire dans les départements limitrophes.
Alors même que les phénomènes délinquant et criminel revêtent bien souvent une dimension supra-départementale, plusieurs des magistrats auditionnés par vos rapporteurs ([86]) ont évoqué les difficultés auxquels ils sont confrontés pour solliciter des enquêteurs afin de procéder à des investigations en dehors du périmètre départemental ou interdépartemental. Ainsi, en dépit de leur compétence zonale, les effectifs des DCOS, ces services dédiés à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisée implantées dans les ressorts des DIPN, seraient prioritairement employés sur leur lieu d’implantation territorial ([87]).
Indépendamment de ses conséquences sur l’efficacité et la qualité des investigations, ce risque de repli de l’action des services de police judiciaire sur le ressort restreint du département pourrait entraver leur capacité à appréhender l’évolution du phénomène criminel à l’échelle de la zone et à recueillir, traiter et partager des informations sur son évolution. La diffusion entre les différents services des informations opérationnelles recueillies à l’échelle du département serait également plus compliquée ([88]). Ce constat n’est cependant pas partagé par l’ensemble des interlocuteurs de vos rapporteurs, qui relèvent des différences de situation entre les départements. Pour certains en effet, la réorganisation des services de police judiciaire a favorisé une meilleure communication des informations entre les services et une plus grande complémentarité dans la conduite des investigations ([89]).
● D’autre part, la mobilisation des effectifs des services de police judiciaire autour d’enjeux de sécurité publique pourrait contribuer à désorganiser ces services et à occulter la spécificité des missions d’investigation. Les missions de police judiciaire seraient ainsi abordées sous un prisme territorial, pour le traitement de la délinquance du quotidien, au détriment de la prise en compte des phénomènes délinquants et criminels sous-jacents nécessitant un travail d’investigation en profondeur pour démanteler les réseaux qui en sont à l’origine ([90]).
Selon certains des interlocuteurs de vos rapporteurs, ce risque de mobilisation des effectifs dédiés à la police judiciaire sur des missions de sécurité publique se manifesterait notamment dans le cadre des opérations « places nettes ». Ces opérations, dont la mise en œuvre aurait été facilitée par la réorganisation des services de la police nationale, poursuivent essentiellement un objectif de sécurisation de l’espace public. Elles ont pour objet de démanteler les lieux de vente de produits stupéfiants, appelés « points de deal », et mobilisent massivement et ponctuellement les forces de sécurité intérieure autour de cet objectif commun. Les services mobilisés se rendent sur le lieu du trafic et procèdent à l’interpellation des personnes qui s’y trouvent et à la saisie des produits stupéfiants qu’ils y découvrent.
Le bilan provisoire contrasté du succès des opérations « places nettes » mises en place dans le cadre de réforme de la police nationale
La réforme de l’organisation de la police nationale aurait permis de faciliter la mobilisation des forces policières autour d’un objectif commun dans le cadre de grandes opérations sur le territoire.
L’un des exemples de cette meilleure efficacité opérationnelle est la mise en œuvre facilitée des opérations « places nettes » visant à démanteler les points de vente des produits stupéfiants. Des opérations d’ampleur, appelées « places nettes XXL » se sont tenues notamment de mars à avril 2024. En 2024, ce sont ainsi 1 829 opérations qui ont été menées à l’échelle nationale, trois ressorts concentrant l’essentiel des actions : Lille (450 opérations), Bobigny (267) et Paris (135).
L’organisation de ces opérations impose une présence renforcée et ponctuelle des policiers dans ces lieux. Leur succès au long court dépend néanmoins de la capacité d’empêcher la reconstitution du « point de deal » et donc d’interpeller les revendeurs afin de désorganiser durablement le réseau de revente des produits stupéfiants. Ainsi, une bonne coordination institutionnelle entre les forces de la police nationale et l’autorité judiciaire apparaît nécessaire au succès de ces opérations.
Un premier bilan de ces opérations est en cours de réalisation par la DACG qui a reccueilli à cette fin les observations de l’ensemble des parquets sur le territoire pour mieux appréhender la manière dont l’autorité policière avait coordonné son action avec celle de l’autorité judiciaire. Les retours parcellaires communiqués à vos rapporteurs sont, pour l’heure, seulement provisoires.
Dans l’ensemble, il est relevé un défaut de communication avec l’autorité judiciaire au début de la mise en place de ces opérations. À cette période, il semblerait que les opérations « places nettes », à visée essentiellement sécurité publique, aient été conduites sur le territoire en seule concertation avec l’autorité préfectorale. Cela a eu des effets sur l’organisation des services judiciaires, leur imposant de réagir au regard des interpellations conduites et leur empêchant de formuler des directives pour préserver la conduite de certaines enquêtes en cours.
Néanmoins, après cette première période de mise en place, il semble que les échanges avec l’autorité judiciaire aient été beaucoup plus fluides, permettant de l’associer à la mise en œuvre de ces opérations d’ampleur sur le territoire et d’identifier des objectifs d’interpellation commun pour permettre de progresser dans des procédures en cours. Ainsi, les avantages de telles opérations menées en concertation avec l’autorité judiciaire ont pu être soulignés ([91]) : elles permettent de profiter des importants moyens alloués pour faire progresser des procédures judiciaires et interpeller des personnes suspectées.
Selon le bilan provisoire dressé par la DACG, 71 % des parquets auraient été associés à la préparation de ces opérations. Certains magistrats déplorent néanmoins une implication tardive, réduite à une simple information après décisions préfectorales. Il est par ailleurs relevé une mobilisation encore incomplète des services spécialisés : le CODAF n’a été mobilisé en amont que dans moins de la moitié des opérations, le GIR dans le quart des cas.
Il a également été constaté que leur manque d’articulation avec des enquêtes judiciaires de fond, leur caractère ponctuel et l’absence de suivi durable en limitaient l’efficacité.
De plus, certains des magistrats entendus ([92]) par vos rapporteurs ont rappelé que, dans les faits, ces opérations organisées sous l’autorité des directeurs des DIPN et DDPN et du préfet, ont contraint l’autorité judiciaire, mise devant le fait accompli et ne pouvant qu’adapter son organisation au regard des priorités dictées par ces autorités. À titre d’illustration, la mise en place des ces opérations impliquant la mobilisation des effectifs d’enquêteurs aurait conduit, dans certains cas, à l’annulation de toutes les opérations judiciaires aux fins d’interpellations programmées par les services de police, en concertation avec l’autorité judiciaire, dans le cadre de procédures en cours ([93]).
Source : contribution écrite de la DACG aux travaux des rapporteurs du 30 juin 2025.
Ce premier bilan des opérations « places nettes » permet ainsi de mettre en évidence les effets positifs de la réorganisation des services de la police nationale. La capacité à mobiliser des effectifs pour lutter contre les trafics de stupéfiants a permis d’interpeller plus facilement des personnes suspectées et ainsi de faire progresser certaines procédures. Toutefois, leur succès semble dépendre de l’association étroite de l’autorité judiciaire dans leur organisation, ce qui nécessite une forte concertation institutionnelle en amont. Par ailleurs, leurs conséquences sont notables sur l’activité judiciaire : d’une part, les effectifs de la filière police judiciaire mobilisés ne peuvent pas progresser dans la gestion de leurs procédures en portefeuille et, d’autre part, ces opérations conduisent à des interpellations qui doivent être prises en compte par l’autorité judiciaire.
Les magistrats et les services d’enquêtes spécialisés ont indiqué à vos Rapporteurs que, au pire, ces opérations « places nettes » leur avait ponctuellement détourné des moyens d’investigation et que, au mieux, ils profitaient opportunément de la concentration de moyens pour glisser dans les objectifs des enquêtes en souffrance. En tout état de cause, cette politique judiciaire n’est jamais construite au profit de la lutte contre la grande criminalité organisée, mais plutôt pour faire des démonstrations de force et de communication assumées politiquement.
Votre rapporteur Thomas Cazenave souligne qu’aujourd’hui, les opérations « places nettes » font l’objet d’une meilleure coordination avec l’autorité judiciaire. La conduite de la politique pénale étant la prérogative du procureur de la République, il est bénéfique qu'il soit associé aux opérations initiées par le préfet pouvant avoir des conséquences judiciaires.
Si votre rapporteur Ugo Bernalicis partage cette observation, il déplore toutefois le fait que l’autorité judiciaire n’est toujours pas à l’initiative de ces opérations, en dépit de l’article 39-1 du code de procédure pénale qui confère aux procureurs de la République le soin de mettre en œuvre, sur leur ressort, la politique pénale définie par les instructions générales du ministre de la justice.
● Au total, vos rapporteurs estiment qu’il est délicat de mesurer la réalité du risque de repli départemental de l’action des services de la police nationale, tel qu’il a été décrit par certaines des personnes qu’ils ont auditionnées.
La priorité donnée à l’action des services de la police nationale pour lutter contre la délinquance locale devrait se traduire par une amélioration de la sécurité à l’échelle du département. Vos rapporteurs ne disposent cependant pas de données objectives ou chiffrées leur permettant de corroborer un tel constat.
Vos rapporteurs souhaitent souligner qu’il est essentiel, à leurs yeux, d’adapter l’action des services de la police nationale aux réalités locales et aux besoins des populations, cette coordination territoriale ayant incontestablement été facilitée grâce à la réorganisation des services de la police nationale. Toutefois, ils rappellent que l’amélioration de l’efficacité de l’action des forces de la police nationale pour lutter contre la délinquance du quotidien ne devrait pas se faire au détriment de la capacité des services d’investigation à traiter les phénomènes délinquant et criminel d’envergure supra-départementale.
2. La nécessité de redéfinir les responsabilités de l’échelon zonal en matière de police judiciaire
Comme il a déjà été mis en évidence ([94]), l’organisation zonale actuelle est source de complexité et n’offre pas toujours aujourd’hui les bénéfices attendus d’un pilotage stratégique au niveau supra-départemental. Il apparaît donc essentiel de mieux définir les missions dévolues à l’échelon zonal pour préserver ses capacités d’action et lui permettre d’infléchir les décisions prises au niveau du département.
En matière de police judiciaire, vos rapporteurs estiment qu’une meilleure répartition des compétences entre les différents échelons en charge de cette filière implique de renforcer la nature de l’autorité exercée par le DZPN en assumant pleinement son rôle hiérarchique sur le DDPN ou le DIPN de sa zone. Sous les conseils de son DZAPJ, le DZPN doit être en capacité de dicter l’organisation des services à vocation supra-départementale, dont la compétence s’étend au ressort de la zone de défense, ce qui est le cas des divisions de la criminalité organisée et spécialisée (DCOS).
Vos rapporteurs considèrent donc qu’il est nécessaire de clarifier et de renforcer la hiérarchie au sein de la police nationale, en plaçant le directeur zonal de la police nationale (DZPN) en position de supérieur hiérarchique des directeurs départementaux de la police nationale (DDPN) et des directeurs interdépartementaux de la police nationale (DIPN).
Cette mesure permettrait d’assurer une coordination stratégique plus cohérente entre le niveau central et les échelons départementaux et interdépartementaux, de garantir l’application uniforme des orientations nationales, en particulier dans le cadre de réformes ou de missions transversales, et de clarifier la chaîne de commandement, réduisant ainsi les risques de divergences opérationnelles et de chevauchement de compétences entre les différents échelons hiérarchiques.
Recommandation n° 10 : Placer le DZPN en position de supérieur hiérarchique direct des DDPN et DIPN, afin de renforcer la cohérence opérationnelle et stratégique de l’organisation policière nationale et lui permettre d’imposer au DDPN ou au DIPN l’organisation des DCOS pour les affaires revêtant d’une dimension supra-départementale.
Votre rapporteur Ugo Bernalicis estime également nécessaire de renforcer en particulier le rôle du DZAPJ sur les services territoriaux de police judiciaire implantés dans le ressort de la zone. En particulier, les services à vocation supa-départementale, dont la compétence s’étend au ressort de la zone de défense, devraient directement dépendre du DZAPJ. Il propose donc de conférer au DZAPJ, sous la responsabilité du DZPN, l’autorité hiérarchique sur les services des DCOS.
Votre rapporteur Ugo Bernalicis souligne qu’une telle recommandation correspond aux attentes formulées par plusieurs des personnes entendues par vos rapporteurs ([95]) et présente de nombreux avantages. Le DZAPJ serait ainsi à même de piloter plus étroitement et concrètement l’action de la filière dans le domaine, particulièrement sensible ([96]), de la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées. En étant impliqué dans la mise en œuvre des moyens humains et opérationnels des services des DCOS, le DZAPJ sera également en mesure de veiller au maintien de ces effectifs spécialisés en nombre suffisant et de garantir leur mobilisation conformément à leur vocation, ce qui est de nature à limiter les effets du repli départemental précédemment évoqué.
● Votre rapporteur Thomas Cazenave considère qu’accorder aux directeurs zonaux adjoints une autorité directe sur l’échelon départemental irait à rebours de l’objectif poursuivi par la réforme de la police nationale. Celle-ci vise précisément à simplifier la chaîne hiérarchique et à renforcer la lisibilité du commandement, en clarifiant les responsabilités entre les échelons zonal et départemental.
Un tel rattachement priverait le directeur départemental ou interdépartemental de sa capacité à assurer la cohérence de l’action des services dans son ressort et risquerait de multiplier les injonctions contradictoires entre directions zonales adjointes. Il en résulterait une fragmentation du commandement et une perte de réactivité opérationnelle, contraires à l’esprit de la réforme.
Le principe d’un commandement unifié DZ/DI demeure la garantie la plus solide d’une chaîne hiérarchique claire, cohérente et efficace au service de l’action publique de sécurité.
Recommandation n° 11 A de M. Ugo Bernalicis : Confier au DZAPJ, sous la responsabilité du DZPN, l’autorité hiérarchique sur les services des DCOS dépendant de son ressort territorial de compétence.
Recommandation n° 11 B de M. Thomas Cazenave : Maintenir la cohérence du commandement territorial en consolidant le binôme directeur zonal-directeur départemental, seul à même de garantir une articulation claire entre stratégie et exécution opérationnelle.
Par ailleurs, votre rapporteur Ugo Bernalicis considère qu’il est nécessaire d’impliquer davantage le DZAPJ dans le processus d’évaluation des directeurs des DIPN et DDPN de la zone, et ce pour lui permettre de contrôler la manière dont les priorités d’action de la filière dédiée à la police judiciaire sont mises en œuvre à l’échelle du département.
La procédure d’évaluation actuelle repose sur le recueil, par le DZPN, des appréciations formulées par le préfet de département et par le procureur de la République près le tribunal judiciaire dont relève le siège de la direction départementale ou interdépartementale. Le rôle des directeurs zonaux adjoints en charge des filières métiers est très limité, ces-derniers étant simplement consultés par le DZPN.
Pourtant, le DZAPJ est le mieux à même d’avoir une vision précise de l’action du directeur des DIPN et DDPN en faveur de la filière dédiée à la police judiciaire. Afin de garantir que les enjeux propres à cette filière sont correctement pris en compte à l’échelle du département, il apparaît donc nécessaire de renforcer le rôle du DZAPJ dans le processus de notation des directeurs des DIPN et DDPN. Aux yeux de votre rapporteur Ugo Bernalicis, la simple consultation de cette autorité n’est pas suffisante et le DZAPJ devrait être sollicité pour formuler des observations quant à l’engagement de ces directeurs en faveur de la filière dédiée à la police judiciaire.
Recommandation n° 12 de M. Ugo Bernalicis : Attribuer un rôle au DZAPJ dans le processus d’évaluation des directeurs des DIPN et DDPN en prévoyant la transmission annuelle de leurs observations sur l’action de ce dernier en faveur des missions de police judiciaire sur son territoire et du respect des priorités d’actions définies pour la filière dédiée à la police judiciaire.
B. La nécessaire préservation des effectifs d’enquêteurs
1. L’insuffisance des effectifs affectés à des missions de police judiciaire : des craintes difficiles à vérifier mais un sentiment qui semble largement partagé
Dans leur majorité, les interlocuteurs de vos rapporteurs ([97]), qu’il s’agisse des magistrats ou des fonctionnaires de la police exerçant au sein de la filière judiciaire, les ont alertés sur l’insuffisance du nombre des enquêteurs, liée à une perte supposée de ces effectifs depuis la mise en œuvre de la réorganisation de la police nationale. Vos rapporteurs constatent pourtant que les chiffres qui leur ont été communiqués par la DGPN ne reflètent pas cette impression perçue sur le terrain. Ces données mettent plutôt en évidence une stabilisation, voire une augmentation des effectifs au sein de la filière dédiée à la police judiciaire. Alors même que les acteurs de terrain craignaient initialement une perte d’effectifs au sein des services de police judiciaire, vos rapporteurs ont ainsi pu vérifier au travers de l’étude de ces données chiffrées que ces inquiétudes ne se sont pas matérialisées : les effectifs dédiés aux missions de police judiciaire ont été maintenus.
L’évolution des effectifs des services de police judiciaire depuis la mise en œuvre de la réorganisation de la police nationale
Selon les informations communiquées à vos rapporteurs, les effectifs initialement affectés dans les services de police judiciaire ont été maintenus au sein des nouveaux services dédiés à cette mission. Il doit toutefois être relevé que les effectifs territoriaux de l’ancienne DCPJ spécialisés dans des fonctions supports ont été rattachés aux services territoriaux transversaux pour y exercer les mêmes attributions (notamment au sein du service départemental de recrutement et de formation ou encore du service de soutien opérationnel).
Les effectifs spécialisés de la police judiciaire dédiés à la lutte contre certaines catégories d’infractions (telle que la lutte contre le trafic de stupéfiants ou encore la délinquance économique et financière) ont également été maintenus dans leurs missions antérieures.
Pour mettre en œuvre la réorganisation induite par la réforme, la filière police judiciaire a été créée en ajoutant les services de l’ex DCPJ (6 850 au 31 décembre 2023) et les agents précédemment rattachés à la DCSP, affectés notamment dans les sûretés départementales et urbaines.
Le tableau ci-dessous présente l’évolution des effectifs affectés au sein des services de police judiciaire avant et après l’entrée en vigueur de la réforme de la police nationale :
(*) Hors outre-mer et préfecture de police de Paris
Source : commission des Lois à partir des données fournies par la DGPN
Parmi ces effectifs, 1 393 sont membres du corps de commandement au sein de la filière police judiciaire.
Ces effectifs se partagent entre les différents services de la filière police judiciaire comme suit :
- 7 % à la DNPJ ;
- 0,5 % dans les SZPJ ;
- 24 % dans les SIPJ ;
- 6,5 % dans les SDPJ ;
- 57 % dans les SLPJ ;
- 5 % dans les STPJ.
Ils sont répartis sur le territoire au sein des zones géographiques suivantes :
- 7 % dans les services centraux de la DNPJ ;
- 22 % dans la zone Sud ;
- 14 % dans la zone Ouest ;
- 12 % dans la zone Nord ;
- 12 % dans la grande couronne ;
- 11 % dans la zone Est ;
- 10 % dans la zone Sud-Est ;
- 7 % dans la zone Sud-Ouest ;
- 5 % dans les outre-mer.
En outre, les effectifs territoriaux de la filière police judiciaire, tous corps confondus, au sein des DCOS et des DCTS ont augmenté entre janvier 2024 et mai 2025. Au sein des DCOS, le nombre de ces effectifs est passé de 1 951 à 2 042 ; au sein des DCT, il est passé de 2 088 à 2 126.
Source : contribution de la DGPN et de la DRHFS aux travaux de la mission d’information.
Pour en mesurer l’évolution, il est intéressant de comparer ces chiffres avec le recensement, effectué par la Cour des comptes, antérieurement à la mise en œuvre de la réforme, du nombre des effectifs de policiers dédiés à l’investigation au sein de la police nationale ([98]). Ainsi, en 2021, 5 717 effectifs en équivalent temps plein (ETPT) dédiés à l’investigation étaient affectés au sein de la DCPJ et 15 316 ETPT étaient affectés au sein de la DCSP. La Cour avait relevé l’augmentation, depuis 2017 et jusqu’en 2021, du nombre des effectifs affectés en investigation, toutes filières confondues, tout en nuançant ce constat. En effet, en se référant aux heures consacrées à l’activité de police judiciaire, retranscrites dans la main courante informatisée, et en convertissant l’ensemble des heures déclarées en ETPT, la Cour avait mis en évidence que la part de l’augmentation des ETPT affectés à la police judiciaire avait été limitée, s’élevant à seulement 1,2 %. Théoriquement, depuis la mise en œuvre de la réforme, les effectifs de la filière police judiciaire devraient avoir pour activité exclusive celles relatives à l’exercice de leurs missions de police judiciaire. Néanmoins, vos rapporteurs ne disposent pas du détail des heures consacrées à l’activité de police judiciaire par ces effectifs, dont il sera observé par la suite qu’ils peuvent être affectés, ponctuellement, à d’autres missions.
Vos rapporteurs s’étonnent de l’écart existant entre les chiffres qui leur ont été communiqués et ont été surpris par les retours de certains des acteurs de terrain, lesquels ont parfois évoqué une perte des moyens humains, en particulier des policiers affectés à l’investigation. Ils ont tenté d’expliquer cette différence en formulant plusieurs hypothèses.
– En premier lieu, il peut exister une différence entre le nombre de postes théoriquement alloués sur un territoire et le nombre des postes effectivement pourvus.
Plusieurs des personnes auditionnées par vos rapporteurs ont souligné le fort taux de vacance des postes dédiés aux missions de police judiciaire. La Cour des comptes elle-même avait relevé, dans une étude conduite antérieurement à la mise en œuvre de la réforme ([99]), que le taux de postes non pourvus ([100]) était plus élevé au sein des services généralistes dédiés à l’investigation, tels que les anciens services de la DCSP, comparativement au taux observé au sein des autres filières. Ce taux s’élevait à 36 % et 42 % pour les deux derniers mouvements de l’année 2021 et avait même atteint 54 % en 2018 ([101]). Vos rapporteurs ont sollicité la communication de chiffres détaillés sur le taux de vacance et le taux de postes non pourvus au sein des services dédiés à la police judiciaire mais n’ont pas réussi à les obtenir. Il leur a cependant été indiqué que la gestion des effectifs ne permettait pas de calculer un taux de vacances spécifique aux services de police judiciaire ([102]). Vos rapporteurs ne peuvent que déplorer cette absence de retour, alors même que la mesure du taux de vacance semble pourtant indispensable à la bonne gestion de la filière et nécessaire pour mesurer, notamment, son attractivité. Ils estiment essentiel que la DRHFS se dote d’outils fiables et performants permettant de mesurer ce taux.
– En deuxième lieu, selon certaines des personnes auditionnées, certains des effectifs comptabilisés au sein de la filière dédiée à la police judiciaire n’exerceraient en réalité aucune fonction opérationnelle car ils seraient affectés à des échelons stratégiques, à l’instar de l’échelon zonal ([103]).
À titre d’illustration, lors de leur déplacement à Bordeaux auprès des services de la DIPN de Gironde, il a été indiqué à vos rapporteurs que pour constituer les effectifs de l’échelon zonal, 5 à 10 % des fonctionnaires des services actifs de la DIPN, majoritairement des OPJ, avaient été affectés à la zone, sans être remplacés. Si vos rapporteurs observent qu’il est impossible de corroborer ce constat à la lumière des chiffres qui leur ont été communiqués, ils relèvent que ce sentiment est partagé sur le terrain par plusieurs des personnes qu’ils ont entendues. Ils soulignent également que, comparativement à l’allocation des effectifs au sein des autres services, la direction nationale rassemble un nombre important de fonctionnaires. Parmi eux, 39,67 % sont affectés à des fonctions opérationnelles au sein des offices centraux.
– En dernier lieu, il est possible que les données chiffrées consolidées à l’échelle nationale soient insuffisantes pour vérifier s’il existe réellement, au niveau local, des disparités dans la mise en œuvre de la réorganisation ayant pu induire, au sein de certains services territoriaux une diminution des effectifs.
Plusieurs des interlocuteurs de vos rapporteurs ont déploré, en particulier, la perte d’enquêteurs spécialisés dans certains contentieux, notamment en matière de délinquance économique et financière. À titre d’illustration, il a été indiqué à vos rapporteurs qu’en moyenne, les services d’investigation, tous niveaux confondus avaient vu leur effectif diminuer dans des proportions comprises entre - 10 % et - 30 % en moyenne ([104]). La DTPN de Martinique, entre 2023 et 2025, aurait également subi une perte de 14 effectifs ([105]).Une perte importante d’effectifs de police judiciaire au sein de la DIPN d’Eure-et-Loir aurait également été constatée ([106]). Ce constat n’est cependant pas unanime parmi les parquets généraux, certains faisant état d’une perte de moyens humains et d’autres d’une préservation de ces moyens ([107]).
Cependant, vos rapporteurs soulignent qu’il est impossible d’établir que cette perte d’effectifs serait directement liée à la mise en œuvre de la réforme de la police nationale. En effet, comme il a été déjà évoqué, la désaffection pour les missions de police judiciaire est ancienne et ses causes sont plus profondes, si bien qu’il est impossible de l’attribuer directement à la réorganisation des services mise en œuvre par la réforme.
Vos rapporteurs n’ont pas réussi à obtenir de données chiffrées précises permettant de refléter la ventilation des effectifs d’enquêteurs au sein de chaque service et son évolution. Il leur est donc impossible de vérifier l’exactitude de l’hypothèse selon laquelle le nombre des effectifs spécialisés dans certains contentieux ou ceux dédiés à la lutte contre le haut et le milieu du spectre auraient diminué. Ils soulignent que, selon les données les plus récentes qui leur ont été communiquées, les effectifs d’enquêteurs au sein des DCOS et des DCT ont été augmentés. Au sein des DCOS, dans lesquels on dénombrait au mois de janvier 2024 1 951 enquêteurs, il y avait 2 042 enquêteurs en mai 2025. Au sein des DCT, les effectifs sont passés de 2 088 en janvier 2024, à 2 126, au mois de mai 2025 ([108]).
À l’étude de la répartition en pourcentage des effectifs de la filière entre les services, vos rapporteurs relèvent que les SDPJ et les STPJ sont les moins bien dotés des services de la police judiciaire. Les premiers de ces services ont pourtant remplacé les anciennes sûretés départementales, en charge du traitement du contentieux du milieu du spectre de la délinquance et de la criminalité organisée (de niveau 2). Les SLPJ, services en charge de la délinquance locale du quotidien, sont les services les mieux dotés en ressources humaines. Or, ce sont ces services qui sont principalement chargés du contentieux de masse de nature à troubler l’ordre public sur le territoire du département et ainsi, les mieux à même de répondre aux priorités locales établies à l’échelle du territoire.
Par ailleurs, vos rapporteurs soulignent qu’il semble exister de grandes disparités dans l’affectation des effectifs sur le territoire national. Ainsi, l’impression éprouvée par certains des acteurs de terrain d’une perte des effectifs de police judiciaire sur leur territoire peut correspondre à une réalité sans que vos rapporteurs ne puissent la corroborer, à défaut de chiffres détaillés reflétant la ventilation des postes au sein de chaque DDPN et DIPN. Vos rapporteurs ont pourtant demandé la communication de ces chiffres à la DGPN, sans les obtenir. Ils observent toutefois que la répartition en pourcentage des effectifs sur le territoire reflète d’importants écarts entre certaines zones, variant de 5 % dans les outre-mer à 22 % dans la zone Sud.
La gestion des ressources humaines sur le département peut également expliquer la perte d’effectifs non remplacés au sein des services dédiés à la police judiciaire, mise en évidence par certains des interlocuteurs de vos rapporteurs. Les directeurs des DDPN et DIPN ont en effet la faculté de répartir sur leur territoire les effectifs de policiers au sein des différents services. Cette répartition devrait se faire en fonction des besoins exprimés par chacune des filières. Toutefois, pour les raisons déjà évoquées, un tel pilotage ne paraît pas pleinement adapté aux besoins opérationnels de la filière dédiée à la police judiciaire, en particulier s’agissant des effectifs consacrés à la lutte contre la délinquance et de la criminalité organisée du milieu et du haut du spectre dont les missions sont intrinsèquement liées à l’investigation au long court et dont les résultats sont plus difficiles à valoriser à l’échelle locale.
La faculté pour les directeurs des DIPN et DDPN de choisir l’affectation des agents parmi les différents services territoriaux a néanmoins été encadrée. Comme il a été expliqué à vos rapporteurs, les effectifs affectés administrativement au sein des DCOS le sont de manière spécifique, le poste étant ouvert sur décision du directeur général de la police nationale. Les directeurs des DIPN et DDPN ne peuvent donc pas modifier cette affectation au sein d’un autre service ([109]). Il n’en demeure pas moins que, si l’affectation administrative de ces agents ne peut être modifiée sur décision des directeurs des DIPN et DDPN, leur affectation opérationnelle peut l’être, ces effectifs pouvant être mobilisés sur des tâches ne relevant pas de leur mission principale.
À cet égard, vos rapporteurs observent qu’il semble ne pas exister pour le moment d’outils permettant de suivre de manière fiable l’affectation des effectifs au sein de chaque filière et leur évolution. Selon les informations communiquées à vos rapporteurs, de tels systèmes seraient en cours de développement ([110]).
Vos rapporteurs estiment que ces outils informatiques sont pourtant indispensables au bon pilotage de chaque filière et que leur utilisation devrait permettre de fiabiliser les informations remontées à l’échelon central en garantissant un contrôle sur la capacité des directeurs des DIPN et des DDPN à transférer des effectifs en dépit des objectifs assignés à la filière dédiée à la police judiciaire et de nature à en paralyser le fonctionnement.
Recommandation n° 13 : Développer dans les plus brefs délais des outils informatiques performants permettant d’assurer un suivi de l’affectation des effectifs de la filière dédiée à la police judiciaire au sein de chaque service dans les territoires, afin de vérifier que l’affectation et le transfert de ces effectifs se fait de manière conforme aux objectifs assignés à cette filière. Veiller également à ce que ces outils permettent de mesurer le taux des postes vacants au sein des services de police judiciaire.
2. La mobilisation des effectifs dédiés à la police judiciaire pour d’autres tâches : les craintes liées à la perte de capacité des services d’investigation
a. Une mutualisation des moyens matériels et humains au profit du département…
La réorganisation des services de la police nationale s’est accompagnée d’une mutualisation des moyens matériels et humains de la police à l’échelle du département pour assurer l’efficacité de l’action de ces services sur ce territoire. Cette mutualisation implique la possibilité pour les directeurs des DIPN et DDPN de mobiliser l’ensemble des effectifs territoriaux de police autour d’une opération commune, même lorsqu’elle ne relève pas de la mission confiée aux services concernés.
Cette faculté de mobilisation commune a été encadrée par une procédure, afin de prévenir les abus dans l’emploi non conforme des effectifs des filières dans le département, en particulier de ceux exerçant des missions de police judiciaire.
La procédure d’emploi non conforme des effectifs de police judiciaire sur le territoire
La doctrine de la police judiciaire rappelle qu’en principe, « les services de police judiciaire sont exclusivement employés sur des missions de police judiciaire, telles qu’explicitées à l’article 14 du code de procédure pénale (CPP). L’ensemble de la chaîne hiérarchique de la police nationale est garante de l’application et du respect du corpus doctrinal de la filière police judiciaire ; tout manquement constaté est signalé à la direction nationale de police judiciaire » ([111]).
Toutefois, les directeurs des DIPN et DDPN disposant de l’autorité hiérarchique sur l’ensemble des effectifs de police nationale sur leur territoire, il leur est possible d’employer les effectifs de chaque filière, y compris en dehors des missions qui leur sont normalement dévolues.
C’est la raison pour laquelle il est prévu, par exception, la possibilité pour les directeurs des DIPN et DDPN d’employer les services de la police judiciaire « si nécessaire » de manière non conforme à leurs attributions « notamment pour faire face à un évènement programmé hors normes pour lequel la participation de toutes les filières est requise ». Il est néanmoins précisé que ces services « ne peuvent être employés sur des services d’ordre, des opérations de maintien ou de rétablissement de l’ordre public, hormis naturellement pour l’exercice de missions habituelles de police judiciaire. Il en est de même pour les opérations de sécurisation de l’espace public. »
Il est en particulier donné deux exemples d’interdiction d’emploi : « une brigade de recherche et d’intervention ne peut pas participer au dispositif de sécurisation et d’interpellation d’auteurs d’infraction lors d’une opération de maintien de l’ordre sur le lieu d’une manifestation, ni procéder à des surveillances sur un individu dans un cadre juridique administratif. »
Pour employer les services de police judiciaire pour l’exercice de fonctions sans lien avec leur champ de compétence, les directeurs des DIPN et DDPN doivent solliciter le DZAPJ, à qui il est confié un rôle d’arbitrage. Le DZAPJ a alors la possibilité :
- d’accepter le principe de l’engagement de ces effectifs ;
- d’émettre un avis réservé et de conditionner cet engagement à certaines garanties ou mesures particulières ;
- ou de s’y opposer s’il l’estime injustifié, inopportun et/ou de nature à exposer inconsidérément les personnels à des risques élevés pour leur intégrité.
En cas de divergence d’appréciation persistante entre les directeurs des DIPN ou DDPN et le DZAPJ sur l’emploi des effectifs dédiés à l’investigation sur le département, l’arbitrage du DZPN est sollicité et la DNPJ en est informée. Cette procédure doit permettre de garantir la bonne application sur le territoire des doctrines établies pour chaque filière.
Source : contribution écrite de la DGPN et doctrine de la direction nationale de la police judiciaire du 6 février 2024 p. 6.
Selon certains des personnes auditionnées par vos rapporteurs il existerait un risque de détournement des effectifs de leur cœur de mission, en particulier de ceux des services de la police judiciaire. Si ce risque devait être confirmé, cette procédure, reposant sur le seul arbitrage de l’échelon zonal, pourrait s’avérer insuffisante.
● D’une part, les conditions d’emploi non conforme des services de police judiciaire ne semblent pas être définies de manière suffisamment précises. Il est en particulier ménagé la possibilité de mobiliser ces effectifs sur des opérations de maintien de l’ordre ou de rétablissement de l’ordre public dès lors qu’ils sont employés « pour l’exercice de missions habituelles de police judiciaire ». L’interprétation de cette clause pourrait autoriser la mobilisation quasi systématique de ces services en marge des opérations de sécurisation de l’espace public, pour la gestion des procédures afférentes aux interpellations qui peuvent être effectuées à cette occasion. L’incertitude entourant les conditions d’emploi non conforme des services de police judiciaire confère aux directeurs des DIPN et DDPN une importante marge d’appréciation, la capacité à mobiliser ces effectifs dépendant de leur interprétation plus ou moins extensive.
● D’autre part, selon certains des interlocuteurs de vos rapporteurs ([112]), le respect de cette procédure n’aurait, semble-t-il, pas permis d’empêcher parfois une mobilisation excessive des services de police judiciaire sur des tâches ne relevant pas de leur mission. Deux types d’emploi non conforme de ces services ont ainsi été signalés à vos rapporteurs :
– D’abord, la mobilisation de ces effectifs en marge d’opération de sécurisation publique. Certains magistrats ([113]) ont en effet indiqué à vos rapporteurs que les effectifs des services d’enquête étaient mobilisés en marge de manifestations locales pour assurer la gestion des interpellations donnant lieu à ouverture d’une procédure, qui sont effectuées à cette occasion. De même, lors de leur déplacement auprès de la DIPN de Lille ([114]), il a été donné en exemple à vos rapporteurs la mobilisation des effectifs de l’ensemble des services pour sécuriser un match de football, cette opération ayant donné lieu à plusieurs interpellations. Selon certains des interlocuteurs de vos rapporteurs, les effectifs des SLPJ seraient particulièrement mobilisés en dehors de leurs missions habituelles ([115]), tandis que d’autres ont indiqué que cette mobilisation pouvait également toucher les effectifs des DCOS ([116]).
– Ensuite, la mobilisation des effectifs de services de police judiciaire en dehors de leur spécialité. Ces services sont en effet structurés en fonction du degré et de la complexité du contentieux dont ils ont la charge : certains sont spécialisés dans le bas du spectre de la délinquance et de la criminalité, d’autres dans le moyen de ce spectre et enfin, pour les plus spécialisés, dans le haut de ce spectre. Or, il a pu être relevé par vos rapporteurs une tendance à employer certains effectifs de services spécialisés de la police judiciaire pour le traitement des contentieux de masse, en particulier les violences intrafamiliales, afin de résorber les stocks de procédures en souffrance ([117]). Ce constat a été confirmé par certains magistrats, lesquels déplorent en particulier l’emploi des trop rares effectifs des services dédiés au traitement de la délinquance économique et financière en dehors de leur champ
d’expertise pour le traitement de contentieux généraliste ([118]), ce qui entrave leur capacité à traiter leurs propres dossiers ([119]). À titre d’illustration, les magistrats instructeurs du tribunal judiciaire de Bordeaux estiment que le temps d’enquête de terrain consacré par les effectifs de la DCOS a été diminué à hauteur de 25 % et de 30 % s’agissant du temps consacré à leurs dossiers par les enquêteurs spécialisés en matière de lutte contre la délinquance économique et financière ([120]).
Si vos rapporteurs soulignent l’intérêt de la mutualisation des moyens de la police nationale au profit du département, ils souhaitent rappeler que la mobilisation des effectifs en dehors des missions prioritaires attachées à leur filière doit demeurer ponctuelle et exceptionnelle pour faire face à un évènement d’ampleur majeur, sous peine d’entraîner une profonde désorganisation du travail de chacune des filières métiers. Comme cela l’a été rappelé à de maintes occasions à vos rapporteurs ([121]), la réorganisation territoriale de la police nationale mise en œuvre par la réforme n’a jamais eu pour objectif de renforcer les services de proximité par l’attribution des effectifs des services spécialisés. Ainsi que la Cour des comptes le rappelle dans son récent rapport consacré aux moyens affectés aux missions de police judiciaire, antérieur à la mise en œuvre de la réforme, il apparaît absolument nécessaire d’éviter « un traitement prioritaire des problématiques d’ordre public et une mobilisation des moyens de la PJ uniquement sur les contentieux de masse ou sur des affaires au sein du département chef-lieu » ([122]).
C’est la raison pour laquelle vos rapporteurs proposent de confier au DZPN, conseillé par son DZAPJ, une autorité suffisante pour lui permettre de coordonner l’action des services de police judiciaire sur le territoire de la zone et de veiller à l’emploi raisonné de ses effectifs, en valorisant leur savoir-faire, indispensable en matière d’investigation de fond pour lutter contre l’ancrage de la délinquance et de la criminalité.
Recommandation n° 14 : Permettre au DZPN, de fixer des objectifs spécifiques en matière de police judiciaire aux directeurs des DIPN et DDPN, en concertation avec l’autorité judiciaire et en prenant en compte les spécificités de la délinquance et de la criminalité au niveau local.
b. … ayant des conséquences sur la filière dédiée à la police judiciaire
i. Le risque d’une limitation de l’exercice du libre choix du service d’enquête
Selon certains des magistrats auditionnés par vos rapporteurs ([123]), la faculté pour les directeurs des DIPN et DDPN d’employer des effectifs dédiés aux missions de police judiciaire à d’autres tâches réduit mécaniquement la marge de manœuvre de l’autorité judiciaire et sa capacité de direction de l’enquête, en limitant, en particulier, sa possibilité à choisir librement le service en charge de la procédure judiciaire.
Le principe du libre choix du service d’enquête par l’autorité judiciaire
La direction de la police judiciaire est confiée aux magistrats du parquet ([124]), tandis que les juges d’instruction délèguent, sur commission rogatoire, leurs prérogatives ([125]). L’autorité judiciaire dirige donc l’enquête ou l’information judiciaire. La direction d’enquête suppose la liberté pour l’autorité judiciaire de désigner le service de police judiciaire qui lui paraît le plus adapté pour réaliser les investigations demandées.
L’article D. 12-1 du code de procédure pénale (CPP), issu du décret n° 2023-1109 du 29 novembre 2023 modifiant diverses dispositions relatives à la police nationale, rappelle le principe du libre choix du service d’enquête par l’autorité judiciaire.
Pour assurer le respect de ce principe, la doctrine de la direction nationale de la police judiciaire précise ainsi que « l’autorité judiciaire peut saisir du traitement d’une affaire la DNPJ, la DZPN, la DIPN, la DDPN, la DTPN ou la CPN ; elle peut aussi librement désigner le service interdépartemental / départemental de police judiciaire ou l’une de ses divisions opérationnelles » ([126]).
Pour que l’autorité judiciaire puisse exercer de manière effective sa faculté de désigner librement le service d’enquête en charge de la procédure, il est nécessaire que les services d’investigation soient dotés de moyens suffisants au sein des services d’investigation. En effet, en l’absence d’enquêteurs en nombre suffisant ou dans le cas où les effectifs d’un service seraient trop fréquemment amenés à renforcer l’action d’autres filières, le magistrat se verra, de fait, contraint de renoncer à la saisine d’un service dont la charge de travail ne lui permet pas de traiter convenablement la procédure.
Il a été donné plusieurs exemples à vos rapporteurs de la manière dont la départementalisation de la gestion des effectifs sur le territoire aurait conduit à réduire la marge de manœuvre de l’autorité judiciaire dans le choix du service d’enquête pour le traitement des procédures :
– Premièrement, la saisine d’un service par l’autorité judiciaire peut être impossible en raison de la surcharge de travail de ses effectifs. Dans ce cas, la difficulté tient à l’inadaptation des moyens humains accordés au service au regard de l’importance de son activité. À titre d’illustration, il a été indiqué à vos rapporteurs que l’activité trop importante des SLPJ empêchait bien souvent leur saisine, les magistrats étant ainsi amenés à saisir l’échelon supérieur, à savoir le SIPJ, ce qui induit pour ce service une charge de travail supplémentaire ([127]).
– Deuxièmement, la saisine d’un service par l’autorité judiciaire peut être refusée. Selon certains, les refus de saisine d’un service par les directeurs des DIPN et DDPN seraient plus fréquents qu’auparavant, conduisant ce chef départemental à décider dans les faits de la saisine du service d’enquête en charge de la procédure judiciaire. Par exemple, les magistrats se trouveraient plus souvent confrontés à des refus de concours ou de saisine du SIPJ, notamment pour les procédures relevant du spectre intermédiaire de la délinquance ou de la criminalité, mais dont la complexité excède les compétences de ce service, en raison notamment de l’éloignement ou de la charge de travail trop importante ([128]).
Il doit également être rappelé que la mutualisation des ressources à l’échelle du département a induit la mise en commun des moyens financiers et des véhicules dont la gestion appartient aux directeurs des DIPN et DDPN. En pratique, cette gestion peut faire obstacle au bon déroulement des investigations, si le nombre des véhicules alloués aux services de police judiciaire ou les ressources financières ne sont pas suffisants. Ces décisions ont ainsi un effet important sur la capacité à mobiliser ces effectifs, d’autant que certains actes d’enquête engendrent des coûts financiers importants notamment pour l’hébergement des enquêteurs. Certaines des personnes entendues par vos rapporteurs ont ainsi évoqué le fait qu’en l’absence de moyens suffisants, il avait été impossible de solliciter certains services pour procéder à des investigations, notamment quand elles impliquaient des déplacements en dehors du département ([129]). De fait, les directeurs des DIPN et des DDPN disposent de la faculté d’influer de manière non négligeable sur la politique pénale menée sur le territoire, dès lors qu’ils ont la possibilité de répartir les effectifs de la police alloués sur le département au sein des différents services, mais également de les employer à des tâches ne relevant pas de leur affectation administrative.
– Troisièmement, dans la pratique, les directives et protocoles de saisine au niveau local peuvent également contraindre l’exercice du libre choix du service d’enquête. Ainsi, à titre d’exemple, l’autorité judiciaire doit saisir en priorité le directeur de la DIPN de la Gironde et ne peut saisir directement le service sur le ressort interdépartemental à qui elle souhaite confier la charge des investigations ([130]). Dans d’autres ressorts, l’autorité judiciaire a réussi à imposer la saisine directe des services locaux, sans saisir l’échelon de la DIPN, ce qui aurait permis de mieux garantir le respect du libre choix du service d’enquête ([131]).
Comme l’a déjà mis en évidence la Cour des comptes dans son rapport sur les moyens affectés aux missions de police judiciaire, les protocoles de saisine, non contraignants, signés au niveau local entre les tribunaux et les services de la police nationale sont, dans leur majorité, anciens et apparaissent peu adaptés aux évolutions de la délinquance ([132]). À la connaissance de vos rapporteurs, ces documents destinés à donner des lignes directrices pour les magistrats guidant la saisine des différents services sur le territoire, n’ont pas tous été actualisés depuis la mise en œuvre de la réforme de la police nationale.
Il semblerait donc particulièrement utile de renégocier ces documents, en veillant à établir des protocoles uniformes au niveau zonal pour permettre d’y développer une réflexion sur la répartition adaptée des services en fonction des enjeux de ce territoire. C’est la raison pour laquelle vos rapporteurs préconisent de porter cette réflexion au niveau du DZAPJ et d’en faire l’interlocuteur partenarial des représentants de chaque tribunal de la zone, par l’intermédiaire des parquets généraux, pour définir un cadre de répartition des compétences entre les services territoriaux de la police judiciaire cohérent. En s’appuyant sur une vision d’ensemble, au niveau de la zone, de la charge de travail de chaque service, le respect des protocoles établis permettra d’influer directement sur la prévisibilité du flux entrant de procédures en portefeuille, et le DZAPJ sera mieux à même de veiller à une meilleure répartition des effectifs au sein des services de police judiciaire et de faire remonter d’éventuelles difficultés liées à une insuffisance d’enquêteurs.
Recommandation n° 15 : Pour préserver le principe du libre choix par l’autorité judiciaire du service d’enquête dans le traitement des procédures :
– actualiser l’ensemble des protocoles de saisine sur le territoire en autorisant les magistrats à saisir directement le service du département qu’il estime compétent ;
– veiller à ce que ces protocoles soient établis au niveau zonal en conférant au DZAPJ l’autorité pour les signer en lien avec les différents parquets généraux sur son territoire.
Votre rapporteur Ugo Bernalicis souhaite rappeler que la mission de police judiciaire relève du code de procédure pénale et que le choix du service d’enquête incombe exclusivement à l’autorité judiciaire, dans le respect du secret de l’enquête et de l’instruction. Cette capacité de choix doit s’accompagner d’une exigence de communication et de transparence à l’égard du parquet et de l’instruction sur l’ensemble des unités disponibles et leurs compétences. Le décret relatif aux catégories de services doit décliner précisément les formations et unités que l’autorité judiciaire peut saisir, conformément à l’article 12-1 du code de procédure pénale. Il convient également de permettre la saisine du chef de la filière police judiciaire du ressort afin de garantir une orientation adaptée et effective des enquêtes.
Votre rapporteur Thomas Cazenave partage le principe selon lequel la mission de police judiciaire relève du code de procédure pénale et que le choix du service d’enquête doit appartenir à l’autorité judiciaire. Il souligne toutefois que l’effectivité de ce principe suppose une articulation claire avec la chaîne de commandement de la police nationale et avec la répartition fonctionnelle des moyens d’enquête.
Garantir le libre choix de l’autorité judiciaire ne doit pas conduire à contourner la responsabilité hiérarchique des chefs de service ni à désorganiser l’allocation des ressources au sein des directions. La transparence sur les compétences et disponibilités des unités doit donc aller de pair avec une coordination interne renforcée, afin d’assurer la cohérence et l’efficacité de la réponse judiciaire.
Recommandation n° 16 A de M. Ugo Bernalicis : Inscrire, dans la partie réglementaire du code de procédure pénale ainsi que dans la doctrine de la police judiciaire, des dispositions visant à garantir l’effectivité du libre choix des services enquêteurs par le parquet et les juridictions d’instruction.
Recommandation n° 16 B de M. Thomas Cazenave : Uniformiser les modalités de saisine et renforcer la coopération entre les parquets et les services de police afin de concilier le libre choix du service d’enquête avec la bonne organisation des services.
Vos rapporteurs relèvent toutefois que les difficultés de saisine des services de police judiciaire évoquées, qui préexistaient à la mise en œuvre de la réforme de la police nationale, semblent marginales. Selon la DACG, 74 % des parquets ont indiqué ne pas avoir rencontré de difficultés dans la mise en œuvre du libre choix du service d’enquête depuis l’entrée en vigueur de la réforme. Pour les parquets ayant rencontré des difficultés, celles-ci sont liées, dans 84 % des cas, à une absence ou un manque d’enquêteurs dans le service ou la division saisie ([133]).
Il doit aussi être relevé que des magistrats ont pu assurer à vos rapporteurs que la réforme avait eu un effet neutre ou positif sur le choix du service d’enquête. Ainsi, il a été rapporté par le parquet de Lille que la réforme n’avait eu aucune conséquence sur le choix, par le magistrat, du service d’enquête ([134]). Dans les Bouches-du-Rhône il a même été fait état du fait que la saisine était plus fluide et simplifiée, la création de la filière unique réduisant ainsi les incompétences négatives entre services des anciennes sûretés et services de police judiciaire ([135]).
ii. Des effets difficiles à apprécier sur la qualité et la célérité du traitement des procédures judiciaires
Plusieurs des magistrats entendus par vos rapporteurs ([136]) ont déploré une baisse dans la qualité du traitement des procédures judiciaires par les services de la police ainsi qu’un allongement des délais de traitement de ces procédures. S’il apparaît difficile de corroborer ce constat, les observations suivantes peuvent être formulées :
– D’une part, alors même qu’il existait déjà des stocks de procédures en souffrance au sein des services de la police judiciaire, il n’a pas été constaté, depuis la mise en œuvre de la réforme, une amélioration de la capacité à traiter ce stock, que ce soit en termes qualitatif ou quantitatif ([137]) ;
– Et, d’autre part, la durée moyenne de l’information judiciaire est en augmentation constante depuis 2021, atteignant en 2023 pratiquement 38 mois. Par comparaison le délai de traitement des informations judiciaires était d’environ 35 mois en 2020 ([138]). L’augmentation de cette durée peut s’expliquer, selon les magistrats instructeurs entendus par vos rapporteurs, par l’allongement de la durée des enquêtes diligentées sur commission rogatoire. Les investigations conduites sur commission rogatoire prendraient en effet fréquemment du retard, ce qui limite la capacité à apporter une réponse judiciaire dans les contentieux criminels et délictuels les plus graves.
Vos rapporteurs souhaitent souligner que les écueils relevés dans la qualité et la célérité du traitement des procédures judiciaires ne sont pas nouveaux : la réorganisation de la police nationale n’en est donc pas directement la cause.
Cependant, aux yeux de certains des interlocuteurs de vos rapporteurs, la mise en application de la réforme n’aurait pas permis de remédier à ces difficultés et aurait, au contraire, contribué à les aggraver. En effet, comme il a déjà été évoqué, la gestion départementale des services de police judiciaire emporte le risque d’affecter prioritairement les moyens de la police nationale pour le traitement de problématiques locales. Or, les effectifs de police judiciaire affectés sur des missions ne relevant pas de leurs attributions disposent, inévitablement, de moins de temps pour traiter les procédures judiciaires qui leur sont confiées.
Enfin, plusieurs des magistrats auditionnés par vos rapporteurs ([139]) ont tenu à rappeler le risque d’atteinte au secret de l’enquête et de l’instruction induit par l’unification des services de police judiciaire au sein d’une même filière piloté par un chef départemental. En effet, ce positionnement permet théoriquement de remonter des informations confidentielles d’une enquête ou d’une information judiciaire en cours à des autorités n’ayant pas à en connaître, et en particulier à l’autorité préfectorale. Ce risque avait déjà été mis en évidence dans le rapport de la commission des Lois de l’Assemblée nationale étudiant la mise en œuvre de la réforme de la police nationale ([140]).
Vos rapporteurs observent toutefois qu’il ne leur a été communiqué aucun exemple précis permettant d'attester de la réalité de ce risque. De manière générale, leurs interlocuteurs n’ont déploré aucune fuite d'informations couvertes par le secret de l'enquête ou de l’instruction. Il leur a cependant été indiqué que, par l’effet de la réforme, les informations relatives aux procédures en cours étaient rendues accessibles à un nombre plus important de personnes, ce qui est susceptible de soulever des difficultés ([141]).
En définitive, vos rapporteurs constatent qu’il est difficile d’évaluer les effets de la réorganisation de la police nationale sur le traitement des procédures judiciaires. Les acteurs de terrain eux-mêmes divergent dans leur appréciation des conséquences de la réforme dans le domaine judiciaire. Il apparaît en particulier délicat de faire le partage entre les effets induits par la réorganisation de la filière dédiée à la police judiciaire et ceux qui sont le prolongement des difficultés préexistantes éprouvées par les services d’investigation.
Vos rapporteurs se gardent donc de tirer des conclusions définitives dans le cadre de leurs travaux et se montrent prudents dans leur appréciation des conséquences de la réorganisation de la police nationale sur le traitement des procédures judiciaires.
Ils observent, en premier lieu, qu’il paraît difficile d’établir un rapport de causalité entre, d’une part, la dégradation de la qualité des investigations et l’allongement des délais de traitement des procédures et, d’autre part, la réorganisation des services de la police judiciaire.
En second lieu, la préservation de la capacité des services d’enquête semble largement dépendre de la personnalité des acteurs locaux, en particulier des directeurs des DIPN et DDPN, qui, dans certains départements, disposent d’une meilleure connaissance des problématiques de la police judiciaire et sont mieux à même de les prendre en compte.
Au cours de leurs déplacements, vos rapporteurs ont été les témoins de disparités dans l’exercice de leurs nouvelles prérogatives par les directeurs zonaux et départementaux. Au sein de la DZPN Sud-Ouest, il semble qu’une attention particulière soit portée à la bonne répartition des moyens humains sur le territoire, le directeur zonal n’hésitant pas à demander des moyens au DIPN pour projeter, d’initiative, des effectifs sur le ressort d’autres départements de la zone lorsque cela s’avère nécessaire. Il est intéressant de relever que le DZAPJ sur ce ressort, anciennement directeur zonal de la police judiciaire, a une excellente connaissance des enjeux de la police judiciaire et s’appuie sur le réseau des anciens services de police judiciaire pour affiner le pilotage de la filière sur le territoire de la zone et accorde une importance particulière au respect de l’interdépartementalité des ressources. L’un des points de vigilance identifiés par les interlocuteurs de vos rapporteurs est d’ailleurs le souci de maintenir ce lien dans le temps, au fur et à mesure des changements d’affectation, ce pilotage étroit étant aujourd’hui favorisé par des relations interpersonnelles préexistantes de nature à fluidifier les échanges. Vos rapporteurs ont également noté qu’un lien d’autorité s’était naturellement noué entre le directeur zonal et le directeur interdépartemental, de nature à faciliter le pilotage stratégique des moyens judiciaires.
Les échanges entre la DIPN 13 et la DZPN Sud apparaissent également fluides, vos rapporteurs ayant pu constater lors de leur déplacement à Marseille que les différents acteurs rencontrés étaient globalement satisfaits de la nouvelle organisation des services de la police ([142]).
Le bilan est plus contrasté au sein de la DZPN Nord ([143]). Ces expériences sur le terrain sont ainsi de nature à conforter l’opinion de vos rapporteurs quant à la nécessité de renforcer l’autorité de l’échelon zonal pour lui permettre d’exercer un meilleur contrôle dans le respect des conditions d’emploi des différents services au bénéfice de l’ensemble des départements implantés dans le ressort de la zone de défense.
3. L’enjeu critique des moyens consacrés à la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées
a. L’enjeu du maintien de l’efficacité de l’action des services dédiés à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées
La lutte contre les infractions les plus complexes du haut du spectre constitue l’une des priorités de l’action de la police judiciaire. Pour faire face à ces enjeux, la filière dédiée à la police judiciaire s’est structurée en plusieurs niveaux, en fonction du degré de complexité et de spécificité des infractions traitées. Les services dédiés au traitement du contentieux le plus complexe, la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, sont principalement les offices centraux ainsi que les DCOS, lesquelles ont remplacé les SRPJ. Par ailleurs, un nouvel état-major interministériel dédié à la lutte contre la criminalité organisée a été créé.
L’Emco, le nouvel état-major interministériel de lutte contre la criminalité organisée
Inauguré en 2025, l’Emco dépend de la DNPJ. Sa vocation interministérielle se traduit par sa composition qui rassemble :
- Des représentants de services exerçant des missions de police judiciaire de la DNPJ, de la DNPAF, de la préfecture de police de Paris, de la DGGN et de l’office national antifraude du ministère de l’économie et des finances ;
- Ainsi que des représentants des services de renseignement de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la DNRT de la police nationale, de la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), du service national de renseignement pénitentiaire (SNRP) et de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) notamment.
L’état-major est chargé d’organiser le partage des renseignements au sein de l’ensemble de ces services pour mieux comprendre l’évolution du phénomène criminel sur le territoire et orienter les enquêtes en cours, avec l’appui d’unités de lutte contre la criminalité organisée (Unalco) créées à la DGPN et à la préfecture de police et mises en place en septembre 2023.
La mission de ces unités, qui comptent environ 26 effectifs et trois groupes d’enquête, est d’appuyer les services locaux en travaillant en co-saisine avec ces derniers pour faire face aux spécificités du traitement des procédures en matière de trafic de stupéfiants.
Sources : « Un nouvel état-major interministériel dédié à la lutte contre la criminalité organisée », site internet du Ministère de l’Intérieur et audition de la DNPJ du 8 avril 2025.
Pour préserver les moyens dédiés à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, la DNPJ dispose d’une unité opérationnelle pour les dépenses d’intérêt national spécifiques ([144]). Ces moyens financiers dédiés permettent de faciliter l’emploi des services spécialisés en dehors du cadre départemental en réservant un budget spécifique à ces missions dont le coût ne sera pas imputé sur le budget alloué au niveau du territoire.
Toutefois, comme il a été indiqué à vos rapporteurs, il a pu être relevé, sur certains territoires, des réticences à utiliser ce budget, ce qui a pu freiner l’engagement de moyens d’investigation au-delà du département ([145]). Pour lever ces réserves, la DGPN souhaite mieux accompagner cette gestion budgétaire en promouvant, par l’intermédiaire de l’échelon zonal, l’utilisation de cette enveloppe au profit d’opérations de police judiciaire d’envergure.
La nouvelle unité opérationnelle (UO) criminalité organisée
La cartographie budgétaire du programme 176 du budget de l’État, regroupant les crédits destinés à mettre en œuvre l’action de la police nationale, a été modifiée pour tenir compte de la réforme de la police nationale.
En raison de la création de directions nationales, de nouvelles unités opérationnalles (UO) ont été créées pour permettre de gérer les dépenses des services centraux PAF, PJ et renseignement territorial.
La criminalité organisée bénéficie d’une UO spécifique pour les investigations à grande échelle, créée en 2024.
Cette UO a vocation à supporter les dépenses spécifiques à la lutte contre le haut du spectre de la criminalité. Elle est destinée à garantir la préservation des moyens financiers nécessaires à la lutte contre la criminalité organisée et à éviter qu’au sein du budget de fonctionnement des DDPN/DIPN, les coûts d’enquêtes qui n’intéressent pas exclusivement ou à titre principal le ressort de compétence de ces directions soient en concurrence avec les dépenses courantes du service.
L’exécution de cette UO est partiellement déconcentrée : elle est en effet accessible directement aux services territoriaux pour les dépenses qui le justifient sous un pilotage unique, assuré par le DNPJ.
En 2024, une enveloppe de 9,5 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) a été programmée sur cette nouvelle UO. Cette enveloppe a été consommée, au 31 décembre 2024, à hauteur de 9,5 millions en AE et 7,1 millions en CP.
En 2025, l’UO est à nouveau dotée à hauteur de 9,5 millions d’euros en AE et CP.
Source : contribution écrite de la DRHFS aux travaux des rapporteurs.
Par ailleurs, la DGPN veille à assurer un maillage territorial efficace des services dédiés à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées, notamment la création de nouvelles antennes et détachements des offices centraux. Comme cela a été indiqué à vos rapporteurs, il est notamment envisagé de renforcer la présence sur le territoire de l’office anti cybercriminalité (OFAC), créé en novembre 2023 ([146]). La ventilation des effectifs au sein des différents offices a été évoquée auprès de vos rapporteurs : l’OCRVP aurait perdu 12 effectifs avec la création de l’OFMIN réunissant 47 effectifs. Le nombre des effectifs du SDTA aurait également diminué, une quinzaine d’effectifs lui ayant été retiré, tandis que l’OCLCIFF aurait subi la perte de 7 effectifs. D’autres offices ont bénéficié d’une hausse de leur nombre d’effectifs : il en est ainsi de l’OCLCO (+13) et de l’OFAST (+9) ([147]).
● Vos rapporteurs ont relevé que le nombre des effectifs affectés au sein des offices demeurait globalement en augmentation ([148]). Pour l’ensemble des offices et de leurs détachements ou antennes locales, hors outre-mer, il serait ainsi possible de dénombrer 2 277 effectifs, contre 2 183 en septembre 2023, répartis comme suit : 7 % sont affectés dans les services centraux, 22 % dans la zone Sud, 14 % dans la zone Ouest, 12 % dans la zone Nord et 11 % dans la zone Est. Les offices centraux, hors détachements et antennes, comptaient 1 186 effectifs en 2024, contre 1 089 en 2022.
Certains des interlocuteurs de vos rapporteurs ont déploré l’insuffisance des moyens affectés à ces services spécialisés, ne leur permettant pas de remplir efficacement leurs missions. Selon les informations transmises par la DACG, 35 % des parquets estiment que la réorganisation territoriale de la police nationale a directement conduit à une dégradation des moyens humains et matériels attribués au traitement judiciaire de la criminalité organisée et spécialisée ([149]).
● Certaines des personnes auditionnées par vos rapporteurs ont relevé un trop faible taux d’encadrement au sein des services de police judiciaire. Il peut en effet être constaté une baisse relative du nombre d’officiers et de gradés expérimentés : ce taux était en 2024 à 9,9 % alors qu’il s’élevait à un peu plus de 10 % en 2023. En particulier, il est possible d’observer une diminution du nombre d’officiers du corps de commandement (CC) ([150]) avec environ 1 000 officiers manquants à l’échelle de l’ensemble de la DGPN, sur les 8 000 officiers normalement prévus. Au sein de la filière dédiée à la police judiciaire, on dénombre 1 393 membres du CC ([151]).
Comme il avait déjà été mis en évidence dans un rapport de la commission des Lois de l’Assemblée nationale ([152]), le déficit d’encadrement intermédiaire, fonction exercée par les officiers de ce corps de commandement, est préjudiciable au bon traitement des procédures judiciaire, à l’apurement des stocks et, de manière générale, à la qualité des enquêtes. Plus spécifiquement, cet encadrement est nécessaire dans les services les plus spécialisés, tels que les offices ainsi que leur démembrement et les DCOS ([153]).
● Indépendamment des enjeux liés au maintien des effectifs en nombre suffisant au sein des offices spécialisés, l’attention de vos rapporteurs a aussi été appelée sur le changement du mode d’administration des effectifs affectés au sein des antennes locales et détachement territorial de ces offices.
Les décisions relevant de l’allocation et de l’emploi des effectifs au sein des antennes et détachements des offices centraux, ainsi que celles de nomination de leurs chefs, appartiennent aux directeurs des DIPN, et échappent à tout contrôle des chefs des différents offices qui ne seraient, dans la pratique, pas même consultés ([154]). Comme il a été indiqué à vos rapporteurs, cette réorganisation a emporté des modifications dans le mode de fonctionnement des offices centraux, en particulier lorsque le chef de l’office souhaite mobiliser des effectifs sur le territoire national. Dans un tel cas, il doit solliciter tous les directeurs départementaux concernés, ce qui peut entraver l’efficacité de l’action de ces offices, dont la vocation est la conduite d’investigations à l’échelle nationale voire internationale ([155]). Par comparaison, l’organisation antérieure des offices permettait la mobilisation souple des effectifs sur le territoire par la sollicitation du DCPJ, homologue de la même direction au niveau local.
Il a également pu être souligné par certains des interlocuteurs de vos rapporteurs que cette organisation départementale favorisait une forme de repli de l’action des SIPJ sur le département, nuisant à l’efficacité globale de l’action de services dont la compétence s’étend pourtant à l’échelle interdépartementale et dont la vocation est de traiter les affaires d’envergure régionale. À titre d’illustration, après la mise en œuvre de la réforme, l’action des 15 antennes locales de l’Ofast semble s’être réduite à la gestion d’affaires relevant de leur département d’implantation. Il serait devenu plus compliqué de les mobiliser à l’échelle régionale, alors même que c’est leur vocation. Il en est par exemple ainsi de l’antenne de l’Ofast à Versailles qui ne traite désormais plus que les procédures sur son département d’implantation. Dès lors, ce repli départemental de l’action de ces antennes a pour effet la création de « zones blanches » au sein desquelles ne peuvent pas être mobilisés les moyens pour lutter contre la délinquance et la criminalité organisées. Il a ainsi pu être estimé que l’Ofast avait perdu sa capacité opérationnelle sur 85 départements qui ne sont plus, dans les faits, couverts par ses antennes ([156]).
C’est également le constat que dresse la DACG, qui souligne que sur certains territoires, les SIPJ, dédiés au traitement de la criminalité organisée sur l’ensemble de la zone de défense et de sécurité, ne travaillaient plus en réalité que sur leur département d’implantation, ce qui limite de fait leur capacité d’action ([157]).
De même, il a été indiqué à vos rapporteurs que le rattachement des BRI à l’échelon départemental avait pu, en pratique, diminuer leur capacité opérationnelle. 14 unités de BRI sont implantées dans les départements qui sont les principaux bassins de la criminalité pour soutenir l’action des services en leur offrant une capacité opérationnelle dans la mise en œuvre d’opérations d’interpellations judiciaires. La plupart des directeurs des DIPN et DDPN découvrent l’existence de ces services et, aux dires des interlocuteurs de vos rapporteurs, ils sont tentés de les utiliser pour résoudre des problèmes locaux, alors même que ce n’est pas leur vocation ([158]).
Votre rapporteur Ugo Bernalicis estime que cette situation est particulièrement préoccupante. Il considère qu’elle témoigne des risques liés à la mauvaise utilisation des services de la police nationale organisés à l’échelle du département, contraire aux ambitions initialement portées par la réforme. La réorganisation de la police nationale doit en effet favoriser l’efficacité de l’action de l’ensemble de ses services sur le territoire, y compris dans le domaine de la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées.
Il appartient à l’échelon zonal de porter une vision stratégique dans l’emploi des effectifs sur le territoire de la police nationale, en particulier s’agissant de ceux affectés au sein des services de lutte contre la délinquance et la criminalité organisées dont la capacité d’action supra-départementale devrait être préservée. Comme cela a déjà été mis en évidence, ce rôle peine à être exercé par les directions zonales, dont les compétences ne sont pas suffisamment définies.
C’est la raison pour laquelle M. Bernalicis a préconisé de confier à l’échelon zonal un niveau de responsabilité opérationnelle adapté aux enjeux de la lutte contre la délinquance et la criminalité à l’échelle de sa zone de compétence, en plaçant sous son autorité hiérarchique les services des DCOS. Il recommande, pour les mêmes raisons, de placer sous l’autorité du DZAPJ les effectifs répartis dans les détachements et les antennes des offices centraux, ainsi que dans les unités directement rattachées au SIPJ, ayant une compétence sur l’ensemble de la zone de défense. Il s’agit en particulier des antennes SIRASCO ou SIAT sur le territoire, de la BRI et du GIR.
Une telle solution permettrait de remédier aux difficultés d’emploi de ces effectifs sur le ressort national de sorte à améliorer la capacité d’action des offices. En outre, elle permet de désigner un interlocuteur compétent pour l’ensemble de la zone pour répondre aux demandes des chefs des offices centraux. Comme déjà évoqué, le rattachement de ces antennes et détachement sous l’autorité du DZAPJ est de nature à améliorer la cohérence de l’action des fonctionnaires qui y sont affectés en attribuant l’autorité hiérarchique à l’échelon naturellement le plus à même de piloter l’action de ces effectifs à compétence supra-départementale.
Votre rapporteur Thomas Cazenave partage le constat d’un besoin d’amélioration dans la coordination et l’emploi des effectifs des services spécialisés de police judiciaire, en particulier ceux dont les compétences dépassent le cadre départemental. Néanmoins, il estime que placer ces unités sous l’autorité hiérarchique directe du directeur zonal adjoint à la police judiciaire (DZAPJ) risquerait d’affaiblir la cohérence globale du dispositif en complexifiant la chaîne de commandement et en brouillant les responsabilités entre les niveaux zonal et départemental.
Les difficultés rencontrées dans l’emploi des antennes locales des offices centraux ou des BRI relèvent moins d’un problème d’organisation hiérarchique que d’un défaut de coordination fonctionnelle et de dialogue opérationnel entre les différents échelons.
Une solution plus efficace consisterait à mieux formaliser les procédures d’emploi et de mobilisation des effectifs spécialisés, notamment par la mise en place de protocoles de coordination entre les directions départementales, les directions zonales et les offices centraux, afin d’assurer une utilisation optimale et réactive des moyens sur l’ensemble du territoire.
Le renforcement de la chaîne hiérarchique départementale, assorti d’un cadre clair de coopération zonale, paraît plus conforme à l’esprit de la réforme que la création d’un échelon intermédiaire d’autorité opérationnelle.
Recommandation n° 17 A de M. Ugo Bernalicis : Placer sous l’autorité hiérarchique du DZAPJ les antennes et détachements locaux des offices centraux, ainsi que les unités des BRI, des GIR, et des antennes SIRASCO et SIAT sur les territoires.
Recommandation n° 17 B de M. Thomas Cazenave : Renforcer la coordination fonctionnelle entre les échelons départemental, zonal et central pour l’emploi des effectifs spécialisés (offices centraux, BRI, GIR), notamment par des protocoles d’activation communs, plutôt que par un transfert d’autorité hiérarchique au niveau zonal.
b. L’enjeu du maintien de la compétence et de l’expertise des services spécialisés dans la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées
Indépendamment de la nécessité de préserver un nombre suffisant d’effectifs au sein des services spécialisés, capables de mener des investigations d’ampleur et de prendre en charge les procédures les plus complexes, il est aussi crucial de maintenir le niveau de technicité et l’expertise de ces services.
Comme l’a mis en évidence la Cour des comptes dans son rapport consacré aux moyens affectés aux missions de police judiciaire ([159]), le maintien du niveau de compétence des enquêteurs au sein des services spécialisés dans des domaines très techniques, à l’instar notamment de la cybercriminalité ou de la délinquance économique et financière, est essentiel à la performance de ces services.
Or, plusieurs des interlocuteurs de vos rapporteurs ont exprimé des craintes quant à la perte des compétences spécialisées des enquêteurs. Celle-ci est à mettre en lien avec la désaffectation globalement constatée pour les métiers de la police judiciaire ([160]), phénomène qui n’épargne pas les services spécialisés, y compris au sein des offices centraux. Là encore, il doit être rappelé que ce manque d’attractivité ne saurait être perçu comme une conséquence de la mise en œuvre de la réorganisation de la police nationale, bien que certaines des personnes auditionnées allèguent une aggravation de la situation depuis son entrée en vigueur.
Aux yeux de vos rapporteurs, la valorisation des services spécialisés de la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées constitue un enjeu essentiel pour éviter le risque d’érosion des compétences et de l’expertise au sein des services spécialisés. Contrairement à certains de leurs interlocuteurs, vos rapporteurs estiment que l’unification des services au sein d’une même filière n’est pas en elle-même de nature à nuire à la spécialisation de chacune de ces unités. Ils considèrent nécessaire de rappeler le cœur des missions de chacun en veillant à employer les effectifs de ces services conformément à leurs compétences et à leur degré de spécialisation.
C. Des efforts indispensables en faveur de l’attractivitÉ des mÉtiers judiciaires
La majorité des personnes auditionnées ont rappelé les difficultés auxquelles sont confrontés, depuis de nombreuses années, et donc bien avant la réforme, les métiers judiciaires au sein de la police nationale, notamment le manque d’attractivité de ces fonctions. Les interlocuteurs de vos rapporteurs s’accordent également pour dire que la réforme de la police nationale n’a pas permis de résoudre ces difficultés anciennes.
Pourtant, les objectifs initialement assignés à la réforme de l’organisation des services de la police nationale reflétaient le souci de créer des parcours professionnels plus cohérents, offrant de meilleures perspectives d’évolution et la possibilité d’une plus grande spécialisation des agents. Ainsi, la création d’une filière métier unifiée devait permettre, au moins en partie, de mieux valoriser les métiers de la police judiciaire ([161]).
Pour tenir compte de ces enjeux, la sous-direction du soutien opérationnel, rattachée à la DNPJ, participe à l’élaboration d’une stratégie d’attractivité des métiers de la filière, en lien avec l’académie de police et la DRHFS ([162]). Ces efforts semblent toutefois encore insuffisants face à la « crise des métiers de l’investigation » ([163]) au sein de la police nationale qui nécessite de renforcer les effectifs dédiés à l’investigation ([164]) et de construire un parcours professionnel valorisant l’évolution au sein de la filière pour mieux fidéliser ses fonctionnaires.
1. Les métiers de la police judiciaire, difficiles et exigeants, sont trop peu valorisés
Comme évoqué à de maintes reprises par les différents interlocuteurs de vos rapporteurs, les métiers de la police judiciaire sont particulièrement contraignants. Le travail d’investigation judiciaire implique en effet une grande disponibilité et une forte réactivité, en particulier pour l’exercice de missions de surveillance ou l’organisation d’opérations d’interpellations. La charge de travail, les contraintes et la volumétrie des horaires, rendent difficile la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle pour les agents qui exercent ces fonctions.
La complexification de la procédure pénale pèse également sur le travail des enquêteurs et nécessite un accompagnement renforcé en termes de formation ainsi que la mise à disposition de logiciels métiers adaptés. De ce point de vue, la création d’une académie de police est une perspective intéressante pour améliorer l’offre de formation initiale et continue, mais apparaît insuffisante à l’aune des évolutions législatives rapides en matière pénale. Certaines des personnes auditionnées par vos rapporteurs ([165]) déplorent ainsi une dégradation dans la qualité du traitement des procédures, parfois mise en lien avec la formation des enquêteurs, jugée insuffisante. La réorganisation de la police nationale n’en est toutefois pas la cause, cette évolution lui étant antérieure. Pour y faire face, vos rapporteurs recommandent de renforcer l’offre de formation dédiée aux métiers de la police judiciaire, y compris en y associant plus étroitement l’autorité judiciaire pour améliorer la qualité dans le traitement des procédures.
Recommandation n° 18 : Améliorer la formation des enquêteurs exerçant des missions de police judiciaire en offrant des actions de formation spécialisées et adaptées aux besoins des métiers de l’investigation, en lien avec le ministère de la justice, pour développer l’expertise des enquêteurs en matière de procédure pénale.
Recommandation n° 19 de M. Ugo Bernalicis : Moderniser et dynamiser la gestion des ressources humaines dans la filière police judiciaire intégrée :
– en instituant un cycle vertueux de mobilité pour tous les agents de nature à faire monter en compétence le plus grand nombre. Les enquêteurs expérimentés travaillant sur les contentieux complexes doivent irriguer toute la filière. Parallèlement, pour créer une saine émulation et éviter que le système ne soit sclérosé, tout en valorisant les profils de spécialistes, il faut offrir des perspectives en interne et donner l’opportunité aux agents prometteurs d’accéder aux unités les plus sensibles ;
– en balisant le parcours professionnel des policiers tous grades confondus et en leur donnant ainsi une meilleure visibilité sur les trajectoires de carrière possibles.
Recommandation n° 20 de M. Ugo Bernalicis : Favoriser la spécialisation des enquêteurs :
– en engageant des recrutements spécialisés d’enquêteurs disposant de savoir-faire et compétences techniques spécifiques ayant vocation à rejoindre les personnels mobilisés sur les enquêtes les plus complexes ;
– en intégrant aux effectifs des agents de certaines administrations spécialisées (inspection du travail, direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes) avec la qualité d’officier de police judiciaire.
Indépendamment de ces contraintes liées aux spécificités des métiers de la police judiciaire, la surcharge des services d’enquête, induite notamment par la constitution d’importants stocks de procédures qui peinent à être résorbés, contribue à alourdir la charge de travail des enquêteurs. À titre d’illustration, au sein de certaines DCT, les enquêteurs assumeraient la charge d’environ 200 à 400 dossiers par personne ([166]).
Face aux difficultés qui traversent les métiers de la police judiciaire, le sentiment partagé par plusieurs des interlocuteurs de vos rapporteurs est celui de l’inadaptation des moyens humains aux enjeux inhérents aux missions d’investigation. Lors du déplacement de vos rapporteurs à la rencontre des services de la DIPN de Lille, les représentants de l’organisation syndicale Alliance ont mentionné un récent sondage effectué au sein des services de police pour mesurer la qualité de vie au travail, dont les résultats confortent cette impression : 82 % des fonctionnaires interrogés se disent insatisfaits de leurs conditions de travail et 77 % se déclarent en situation de sous-effectif ([167]).
Comme cela a déjà été souligné, le manque d’attractivité des métiers de la police judiciaire et les contraintes qui pèsent sur l’exercice de ces fonctions n’ont nullement été induits par la mise en œuvre de la réorganisation de la police nationale. Déjà anciennes, ces difficultés ne peuvent être surmontées par une réforme du mode de gouvernance de la police nationale et appellent une réponse globale fondée sur une stratégie de valorisation de ces métiers.
2. Face à la concurrence inter-filières, des solutions urgentes à mettre en œuvre pour renforcer l’attractivité des métiers de la police judiciaire
Aux yeux de certaines des personnes auditionnées par vos rapporteurs ([168]) la réorganisation des services de la police nationale aurait contribué à nuire à l’attractivité des métiers de la police judiciaire, en accentuant des déséquilibres dans les conditions de travail entre les fonctionnaires exerçant au sein de filières différentes. En particulier, la création de différentes filières métiers engendrerait une forme de concurrence entre les fonctions qui y sont exercées, notamment entre celles dévolues à la filière dédiée à la sécurité publique et celles imparties à la police judiciaire.
Les métiers exercés au sein de la filière sécurité publique sembleraient plus attractifs, notamment en raison d’une plus grande prévisibilité dans les contraintes horaires et de meilleures perspectives d’évolution professionnelle, les effectifs d’encadrement y étant plus nombreux ([169]). La prime dite de « voie publique » ([170]) présente également un attrait en termes de rémunération, qui n’a pas d’équivalent dans les services d’investigation, alors même que les fonctionnaires qui y exercent sont soumis à des contraintes pesant lourdement sur leur vie personnelle.
La filière dédiée à la police judiciaire souffrirait, depuis la mise en œuvre de la réforme, d’une forme de « bureaucratisation » ([171]) de son organisation, qui serait peu adaptée aux besoins de l’investigation, et qui aurait eu pour effet d’attraire certains fonctionnaires vers les fonctions d’état-major plutôt que de les maintenir sur le terrain.. En outre, la suppression des anciens services régionaux de police judiciaire (SRPJ), dont l’attractivité reposait sur leur réputation d’excellence et l’intégration de l’ensemble des services au sein d’une filière judiciaire unique, aurait eu pour effet de banaliser les métiers liés à l’investigation en gommant les particularités attachées à chacun de ces services. De ce point de vue, l’ancien parcours de carrière, consistant à débuter en matière judiciaire en sécurité publique dans l’espoir de rejoindre un service judiciaire spécialisé, reconnu pour son expertise, offrait des perspectives d’évolution plus valorisantes ([172]).
La mise en œuvre de la réforme aurait ainsi conduit à aggraver la désaffection pour la police judiciaire en mettant en exergue les contraintes liées à cette activité par rapport à celles des autres filières, ce qui conduirait les fonctionnaires à embrasser plus volontiers une carrière dans les métiers de la sécurité publique, ou dans ceux du renseignement territorial. Selon certaines des personnes auditionnées par vos rapporteurs, cette désaffectation se traduirait par la démission ou le départ anticipé à la retraite d’enquêteurs expérimentés, et se manifesterait même au stade du recrutement par la remise de copie blanche à l’examen du bloc OPJ, les candidats espérant ainsi échouer à cette épreuve pour éviter d’intégrer la filière dédiée à l’investigation ([173]).
Ainsi, si la création d’une filière unifiée de la police judiciaire devait permettre de développer une meilleure culture de l’investigation au profit de l’ensemble des effectifs y contribuant, elle a, semble-t-il, plutôt conduit à mettre en évidence les contraintes inhérentes aux métiers d’investigation en comparaison avec les fonctions exercées au sein des autres filières. Il apparaît donc déterminant de mettre un terme à la compétition d’attractivité qui s’est, de fait, instaurée, entre les différentes filières, en s’attachant à mieux valoriser les métiers de la police judiciaire.
Aux yeux de certains ([174]), il pourrait aussi être pertinent de créer une école de la police judiciaire dont le concours d’entrée serait spécifiquement réservé aux personnes dédiant leur carrière aux missions de police judiciaire. Selon votre rapporteur Ugo Bernalicis, une telle solution présenterait l’avantage de renforcer la logique présidant à la création de filière métier en construisant une identité propre aux métiers de l’investigation et en singularisant ces fonctions, pour mieux fidéliser les fonctionnaires y exerçant.
3. L’enjeu de la préservation des effectifs d’officiers de police judiciaire
Le manque d’attractivité de la filière dédiée à la police judiciaire peut aussi se mesurer à l’aune du déficit d’officiers de police judiciaire (OPJ) et du manque d’officiers de police assumant des fonctions d’encadrement ([175]). Vos rapporteurs soulignent que cette situation est antérieure à l’entrée en vigueur de la réforme et ne lui est pas directement liée. Le maintien d’un nombre suffisant d’OPJ est pourtant indispensable dans la mesure où cette qualité est nécessaire pour l’accomplissement d’un certain nombre d’actes d’enquêtes ([176]). Ainsi, dans son rapport consacré aux moyens affectés aux missions de la police judiciaire, la Cour des comptes relève qu’il existait, antérieurement à la mise en œuvre de la réforme, un déficit d’OPJ au sein de l’ancienne DCSP, leur nombre étant, en 2021, inférieur de 10 % par rapport au référentiel fixé par la direction à 9 963 ([177]) et pointe de fortes disparités dans la répartition de ces agents sur le territoire.
Bien qu’il puisse être rappelé que la mise en œuvre de la réorganisation de la police nationale s’est opérée à moyens constants et qu’elle n’avait donc pas pour objectif de renforcer les effectifs de la police nationale, vos rapporteurs ont souhaité vérifier si, depuis la mise en œuvre de la réforme, la situation décrite s’était aggravée ([178]). Or, en se référant aux chiffres communiqués par la DGPN, il est possible de constater une augmentation du nombre d’OPJ depuis l’entrée en vigueur de la réforme ([179]).
Au sein de la filière dédiée à la police judiciaire, au 31 décembre 2024, on dénombre ainsi 873 OPJ affectés au sein des services centraux de la DNPJ, contre 819 en juillet 2023, antérieurement à la mise en œuvre de la réforme. Ces services centraux ont donc été renforcés grâce à une augmentation de 8 % en nombre d’OPJ. Le nombre d’OPJ s’élève à 12 775 au sein des services territoriaux hexagonaux et hors préfecture de police de Paris, alors qu’il était de 10 660 en juillet 2023, soit une augmentation de 19,8 %. Ainsi, parmi les 13 648 OPJ dénombrés au 31 décembre 2024 dans la filière police judiciaire, 6,4 % sont affectés au sein des services centraux.
En ce qui concerne la filière sécurité publique, au 15 avril 2025, il était possible de dénombrer 1 970 OPJ en exercice ([180]) et 656 OPJ non exerçants.
Il apparaît toutefois difficile de tirer des conclusions définitives sur la base de ces données, qui ne permettent pas, à elles seules, d’apprécier la tendance de l’évolution des effectifs d’OPJ. En effet, il a été impossible pour vos rapporteurs de vérifier le taux de vacance des postes d’OPJ au sein de la filière police judiciaire, cette donnée ne leur ayant pas été communiquée, de même qu’ils ne disposent pas de la cartographie des effectifs en exercice, qui aurait seule permis d’en apprécier la répartition équilibrée sur le territoire.
Vos rapporteurs observent que plusieurs de leurs interlocuteurs ont sollicité une augmentation tangible du nombre d’OPJ ([181]). Ils rappellent que si le nombre d’OPJ peut sembler, aux yeux de certaines des personnes auditionnées, insuffisant, cette situation préexistait à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation de la police nationale. Vos rapporteurs soulignent que le maintien d’un nombre suffisant d’OPJ participe nécessairement de l’attractivité de la filière en permettant d’améliorer le traitement des procédures afin de résorber les stocks et en contribuant à équilibrer la charge de travail entre les effectifs. Ainsi, selon les informations qui ont été communiquées à la DACG par les parquets de l’ensemble des juridictions, le nombre d’OPJ demeure très nettement insuffisant pour permettre une prise en charge rapide et de qualité des procédures et l’encadrement hiérarchique intermédiaire est souvent décrit comme inexistant ([182]).
Alors même que le livre blanc de la sécurité intérieure insistait sur la nécessité de mieux valoriser les parcours de carrière et de renforcer l’attractivité de l’investigation ([183]), la création d’une filière métier constitue une opportunité à saisir pour construire un parcours de carrière attractif et valorisant au sein de la police judiciaire. Si, à ce jour, le levier que constitue cette réorganisation autour d’une filière unifiée, n’a, semble-t-il, pas été suffisamment investi pour développer une politique de ressources humaines capable de conforter l’investigation et d’améliorer l’attractivité de ces fonctions, il convient de rappeler que l’entrée en vigueur de cette réforme est encore récente. Vos rapporteurs considèrent également que l’acculturation des différents acteurs à la réorganisation de la police nationale suppose du temps et qu’il est trop tôt pour dresser un bilan définitif des effets de la réforme sur la valorisation des métiers de la police judiciaire.
Les difficultés rencontrées par la filière dédiée à la police judiciaire semblent néanmoins avoir bien été perçues par la DGPN, qui a indiqué à vos rapporteurs qu’un travail de réflexion avait été entamé pour y faire face. À cette fin, le directeur national de police judiciaire a été chargé d’une mission consacrée à ce sujet qui devrait aboutir à des préconisations concrètes de nature à remédier au déficit d’attractivité de la filière.
Recommandation n° 21 : Augmenter le nombre des effectifs affectés aux missions de police judiciaire ainsi que le nombre des OPJ et veiller à respecter une répartition équilibrée de ces effectifs sur le territoire en tenant compte du niveau de leur activité.
Recommandation n° 22 : Pour renforcer l’attractivité des métiers de la police judiciaire, construire une stratégie ambitieuse et globale de valorisation de ces fonctions, notamment :
– en augmentant la rémunération de ces effectifs, par exemple en attribuant une prime « investigations » aux fonctionnaires de la filière et en augmentant le montant de la prime des OPJ ;
– en créant des primes affectées aux effectifs exerçant dans les territoires les moins bien dotés en OPJ ;
– en créant un parcours métier valorisant avec des perspectives d’évolutions professionnelles et d’avancement
– en travaillant à améliorer les conditions de travail et en prenant en compte la pénibilité de ces métiers, induite par les contraintes spécifiques à l’investigation.
Recommandation n° 23 de M. Ugo Bernalicis : Revaloriser de manière substantielle la prime allouée aux officiers de police judiciaire, en procédant a minima à son doublement, afin de reconnaître pleinement les responsabilités spécifiques qu’ils assument et de soutenir durablement l’attractivité, la fidélisation et la reconnaissance de la filière police judiciaire.
Pour renforcer l’attractivité de ces fonctions, certaines des personnes auditionnées ([184]) ont proposé à vos rapporteurs la création d’un corps d’inspecteurs spécifique pour les OPJ reposant sur une grille indiciaire distincte et revalorisée, et s’ajoutant aux trois corps existants : le corps d’encadrement et d’application, le corps de commandement et le corps de conception et de direction. Selon votre rapporteur Ugo Bernalicis, il s’agit là d’une piste intéressante, qu’il recommande d’envisager en complément d’une stratégie globale de valorisation des métiers de la police judiciaire.
Recommandation n° 24 de M. Ugo Bernalicis : Créer un corps d’inspecteurs propre aux OPJ.
Pour votre rapporteur Ugo Bernalicis, la réforme des corps et carrières de 1995 a marqué une rupture problématique dans l’organisation de la police nationale, en opérant une fusion des fonctions qui a conduit à une perte de repères professionnels. En gommant la distinction entre les filières et en instaurant une logique de polyvalence, cette réforme a affaibli la filière judiciaire, réduisant la spécificité des métiers de l’enquête au sein d’un corps unique. Cette organisation, pensée pour la gestion administrative, ne prend pas en compte la complexité croissante des missions judiciaires et les exigences particulières imposées aux enquêteurs.
Selon votre rapporteur Ugo Bernalicis, le cœur de la mission de police judiciaire repose sur des enquêteurs spécialisés, dont l’expertise est indispensable au bon fonctionnement de la chaîne pénale. Pourtant, ces agents n’ont toujours pas de statut spécifique ni de parcours professionnel clairement identifié. Cette absence de reconnaissance formelle, tant en termes de carrière, de formation que d’indemnisation, nuit à la fidélisation des personnels, à la valorisation des compétences acquises et à l’attractivité des fonctions d’enquête. Elle contribue, selon lui, à un décrochage progressif des vocations, accentué par un manque de lisibilité et de reconnaissance institutionnelle.
Pour votre rapporteur Ugo Bernalicis, il est impératif de refonder l’organisation de la police judiciaire sur des bases solides, en recréant une filière clairement identifiée, structurée autour de la fonction d’enquêteur. Cela suppose la mise en place d’un statut dédié, fondé sur des critères de compétence, d’expérience et de responsabilité, assorti d’un plan de carrière cohérent, d’une formation continue spécialisée, et d’une reconnaissance indemnitaire à la hauteur des contraintes spécifiques de la mission. Une telle réforme aurait également pour effet de rétablir un lien de confiance durable avec l’autorité judiciaire, en offrant à celle-ci des interlocuteurs stables et qualifiés.
Recommandation n° 25 de M. Ugo Bernalicis : Engager une réforme structurelle de la police judiciaire en créant un statut spécifique des enquêteurs, distinct et valorisé, fondé sur la reconnaissance de la technicité, de l’autonomie et des responsabilités propres à la fonction d’enquête. Cette réforme doit permettre de reconstruire une organisation judiciaire cohérente, inspirée des principes antérieurs à la réforme des corps et carrières de 1995, en redonnant une place centrale à la spécialisation judiciaire dans la police nationale, au service de l’efficacité de la chaîne pénale et de la justice.
Recommandation n° 1 : Mener une réflexion sur la recréation d’échelons déconcentrés permettant la coordination des DTPN d’outre-mer, selon leur zone géographique.
Recommandation n° 2 A de M. Ugo Bernalicis : Créer une direction générale de la police judiciaire et un concours dédié aux fonctions d’enquête.
Recommandation n° 2 B de M. Thomas Cazenave : Poursuivre la mise en œuvre de la réforme de la police nationale visant à renforcer la coordination entre les filières et la mutualisation des moyens, tout en consolidant la formation et la spécialisation des personnels affectés aux missions d’enquête, dans le cadre d’une gouvernance unifiée de la police.
Recommandation n° 3 : Affirmer l’autorité hiérarchique du directeur zonal sur les DIPN et DDPN de son ressort.
Recommandation n° 4 A de M. Ugo Bernalicis : À court terme, rattacher les services opérationnels dont le champ de compétence est supra-départemental au directeur zonal.
Recommandation n° 4 B de M. Thomas Cazenave : Confirmer la répartition des rôles en laissant la responsabilité opérationnelle aux directeurs départementaux et interdépartementaux et la coordination stratégique aux directeurs zonaux.
Recommandation n° 5 : Étudier l’opportunité d’unifier la filière judiciaire au sein de la préfecture de police de Paris.
Recommandation n° 6 : Renforcer la coordination des départements de la grande couronne parisienne avec la préfecture de police de Paris.
Recommandation n° 7 : Intégrer des éléments d’appréciation de nature à la fois quantitative et qualitative fondés sur les objectifs affichés de la réforme et sur des indicateurs reflétant la qualité du service rendu au citoyen au sein de la prochaine évaluation de la réforme.
Recommandation n° 8 de M. Ugo Bernalicis : Expérimenter et renforcer la présence physique des magistrats du parquet au sein des commissariats afin d’améliorer la conduite des enquêtes préliminaires, d’optimiser la priorisation des plaintes et d’assurer un contrôle plus direct et effectif de l’activité de police judiciaire, dans le respect des libertés publiques.
Recommandation n° 9 de M. Ugo Bernalicis : Organiser, dans la limite des moyens disponibles des parquets, des visites régulières, programmées ou inopinées, du procureur de la République au sein des services d’enquête, afin qu’il puisse exercer pleinement sa mission de direction de l’activité de police judiciaire en rencontrant les responsables de service pour préciser ses attentes en matière de déclinaison de la politique pénale, ainsi que sa mission de contrôle des lieux de privation de liberté.
Recommandation n° 10 : Placer le DZPN en position de supérieur hiérarchique direct des DDPN et DIPN, afin de renforcer la cohérence opérationnelle et stratégique de l’organisation policière nationale et lui permettre d’imposer au DDPN ou au DIPN l’organisation des DCOS pour les affaires revêtant d’une dimension supra-départementale.
Recommandation n° 11 A de M. Ugo Bernalicis : Confier au DZAPJ, sous la responsabilité du DZPN, l’autorité hiérarchique sur les services des DCOS dépendant de son ressort territorial de compétence.
Recommandation n° 11 B de M. Thomas Cazenave : Maintenir la cohérence du commandement territorial en consolidant le binôme directeur zonal-directeur départemental, seul à même de garantir une articulation claire entre stratégie et exécution opérationnelle.
Recommandation n° 12 de M. Ugo Bernalicis : Attribuer un rôle au DZAPJ dans le processus d’évaluation des directeurs des DIPN et DDPN en prévoyant la transmission annuelle de leurs observations sur l’action de ce dernier en faveur des missions de police judiciaire sur son territoire et du respect des priorités d’actions définies pour la filière dédiée à la police judiciaire.
Recommandation n° 13 : Développer dans les plus brefs délais des outils informatiques performants permettant d’assurer un suivi de l’affectation des effectifs de la filière dédiée à la police judiciaire au sein de chaque service dans les territoires, afin de vérifier que l’affectation et le transfert de ces effectifs se fait de manière conforme aux objectifs assignés à cette filière. Veiller également à ce que ces outils permettent de mesurer le taux des postes vacants au sein des services de police judiciaire.
Recommandation n° 14 : Permettre au DZPN, de fixer des objectifs spécifiques en matière de police judiciaire aux directeurs des DIPN et DDPN, en concertation avec l’autorité judiciaire et en prenant en compte les spécificités de la délinquance et de la criminalité au niveau local.
Recommandation n° 15 : Pour préserver le principe du libre choix par l’autorité judiciaire du service d’enquête dans le traitement des procédures :
– actualiser l’ensemble des protocoles de saisine sur le territoire en autorisant les magistrats à saisir directement le service du département qu’il estime compétent ;
– veiller à ce que ces protocoles soient établis au niveau zonal en conférant au DZAPJ l’autorité pour les signer en lien avec les différents parquets généraux sur son territoire.
Recommandation n° 16 A de M. Ugo Bernalicis : Inscrire, dans la partie réglementaire du code de procédure pénale ainsi que dans la doctrine de la police judiciaire, des dispositions visant à garantir l’effectivité du libre choix des services enquêteurs par le parquet et les juridictions d’instruction.
Recommandation n° 16 B de M. Thomas Cazenave : Uniformiser les modalités de saisine et renforcer la coopération entre les parquets et les services de police afin de concilier le libre choix du service d’enquête avec la bonne organisation des services.
Recommandation n° 17 A de M. Ugo Bernalicis : Placer sous l’autorité hiérarchique du DZAPJ les antennes et détachements locaux des offices centraux, ainsi que les unités des BRI, des GIR, et des antennes SIRASCO et SIAT sur les territoires.
Recommandation n° 17 B de M. Thomas Cazenave : Renforcer la coordination fonctionnelle entre les échelons départemental, zonal et central pour l’emploi des effectifs spécialisés (offices centraux, BRI, GIR), notamment par des protocoles d’activation communs, plutôt que par un transfert d’autorité hiérarchique au niveau zonal.
Recommandation n° 18 : Améliorer la formation des enquêteurs exerçant des missions de police judiciaire en offrant des actions de formation spécialisées et adaptées aux besoins des métiers de l’investigation, en lien avec le ministère de la justice, pour développer l’expertise des enquêteurs en matière de procédure pénale.
Recommandation n° 19 de M. Ugo Bernalicis : Moderniser et dynamiser la gestion des ressources humaines dans la filière police judiciaire intégrée :
– en instituant un cycle vertueux de mobilité pour tous les agents de nature à faire monter en compétence le plus grand nombre. Les enquêteurs expérimentés travaillant sur les contentieux complexes doivent irriguer toute la filière. Parallèlement, pour créer une saine émulation et éviter que le système ne soit sclérosé, tout en valorisant les profils de spécialistes, il faut offrir des perspectives en interne et donner l’opportunité aux agents prometteurs d’accéder aux unités les plus sensibles ;
– en balisant le parcours professionnel des policiers tous grades confondus et en leur donnant ainsi une meilleure visibilité sur les trajectoires de carrière possibles.
Recommandation n° 20 de M. Ugo Bernalicis : Favoriser la spécialisation des enquêteurs :
– en engageant des recrutements spécialisés d’enquêteurs disposant de savoir-faire et compétences techniques spécifiques ayant vocation à rejoindre les personnels mobilisés sur les enquêtes les plus complexes ;
– en intégrant aux effectifs des agents de certaines administrations spécialisées (inspection du travail, direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes) avec la qualité d’officier de police judiciaire.
Recommandation n° 21 : Augmenter le nombre des effectifs affectés aux missions de police judiciaire ainsi que le nombre des OPJ et veiller à respecter une répartition équilibrée de ces effectifs sur le territoire en tenant compte du niveau de leur activité.
Recommandation n° 22 : Pour renforcer l’attractivité des métiers de la police judiciaire, construire une stratégie ambitieuse et globale de valorisation de ces fonctions, notamment :
– en augmentant la rémunération de ces effectifs, par exemple en attribuant une prime « investigations » aux fonctionnaires de la filière et en augmentant le montant de la prime des OPJ ;
– en créant des primes affectées aux effectifs exerçant dans les territoires les moins bien dotés en OPJ ;
– en créant un parcours métier valorisant avec des perspectives d’évolutions professionnelles et d’avancement
– en travaillant à améliorer les conditions de travail et en prenant en compte la pénibilité de ces métiers, induite par les contraintes spécifiques à l’investigation.
Recommandation n° 23 de M. Ugo Bernalicis : Revaloriser de manière substantielle la prime allouée aux officiers de police judiciaire, en procédant a minima à son doublement, afin de reconnaître pleinement les responsabilités spécifiques qu’ils assument et de soutenir durablement l’attractivité, la fidélisation et la reconnaissance de la filière police judiciaire.
Recommandation n° 24 de M. Ugo Bernalicis : Créer un corps d’inspecteurs propre aux OPJ.
Recommandation n° 25 de M. Ugo Bernalicis : Engager une réforme structurelle de la police judiciaire en créant un statut spécifique des enquêteurs, distinct et valorisé, fondé sur la reconnaissance de la technicité, de l’autonomie et des responsabilités propres à la fonction d’enquête. Cette réforme doit permettre de reconstruire une organisation judiciaire cohérente, inspirée des principes antérieurs à la réforme des corps et carrières de 1995, en redonnant une place centrale à la spécialisation judiciaire dans la police nationale, au service de l’efficacité de la chaîne pénale et de la justice.
Lors de sa réunion du mercredi 15 octobre 2025, la commission des Lois a examiné ce rapport et en a autorisé la publication.
Ces débats ne font pas l’objet d’un compte rendu. Ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
Mardi 1er avril 2025
M. Louis Laugier, directeur général
Mme Virginie Brunner, directrice générale adjointe
Mardi 8 avril 2025
M. Philippe Tireloque, directeur national
Mme Valérie Minne, directrice nationale
M. Yann Bauzin, président
M. Christophe Bertrand, vice-président
M. Franck Nicol, secrétaire général adjoint
M. Christian Sainte, directeur national
M. Philippe Chadrys, directeur national adjoint, en charge des opérations
M. Aymeric Saudubray, directeur national adjoint, en charge de la stratégie et du pilotage territorial
Mercredi 6 mai 2025
M. Bertrand Chamoulaud, directeur national
M. Stanislas Cazelles, directeur
M. François Thierry, chef du service
Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP)
M. Jean-Paul Mégret, secrétaire national
Mme Eva Tardy, secrétaire national adjoint
Unsa Police
Mme Ingrid Lecoq, secrétaire nationale du pôle de zones Police nationale et Outre-mer
Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN)
M. Frédéric Lauze, secrétaire général
M. Michel Chaballier, premier secrétaire général adjoint
Mme Anouck Fourmigué, secrétaire générale adjointe
Unité SGP Police-FO
M. Jérôme Moisant, secrétaire général adjoint
M. Dominique le Dourner, secrétaire national
Alternative Police CFDT
M. Benjamin Camboulives, porte-parole
Mercredi 7 mai 2025
Mme Rachel Beck, secrétaire nationale
Mme Fabienne Averty, secrétaire nationale
Mme Judith Allenbach, présidente
Mme Justine Probst, secrétaire nationale
Mme Marion Guenot et M. Jean-Michel Schlosser, chercheurs et auteurs de l’étude : « Une réforme entre opacité et injonction, une mobilisation improbable : la police judiciaire aux prises avec la départementalisation », RFAP
M. Frédéric Macé, président, juge d’instruction à Bordeaux
M. Raphael Balland, procureur de Béziers, vice-président de la CNPR
M. Olivier Caracotch, procureur de Dijon
Mme Sophie Macquart-Moulin, directrice adjointe
Mme Maud Gauthier, cheffe du bureau de la police judiciaire
Lundi 30 juin 2025
M. Michel Aleu, DTPN Martinique
M. Philippe Miziniak, DTPN Guadeloupe
M. Christian Nussbaum, DTPN Guyane
Mardi 1er juillet 2025
M. Laurent Nuñez, préfet de police
Mme Juliette de Clermont-Tonnerre, conseillère stratégie et relations publiques
Jeudi 22 mai 2025 : déplacement auprès des offices de police judiciaire à Nanterre
M. Philippe Chadrys, directeur national adjoint
M. Dimitri Zoulas, chef de l’Ofast
M. Frédéric Malon, sous-directeur de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance spécialisée
M. Frédéric Courtot, adjoint au chef de l’Oclco
M. Jacques Rondepierre, adjoint au chef de l’Oclco et chef de la BRI nationale
Mme Isabelle Aubin, cheffe de l’OCGRDF
M. Fabrice Saugner, chef adjoint de l’Oltim
Jeudi 5 juin 2025 : déplacement à Lille
M. Thierry Courtecuisse, directeur
M. Damien Keunebrock, chef d’état-major
M. Samuel Rémy, adjoint au chef d’état-major
M. Fabrice Navarro, chef du service départemental du renseignement territorial
M. Maxime Gheeraert, chef du service départemental de la sécurité publique
Mme Suzanne Moser, cheffe du service interdépartemental de la police judiciaire
Mme Houria Khemissi, cheffe du service interdépartemental de la police aux frontières
Mme Stéphanie Genevois, cheffe du service départemental du soutien opérationnel
M. Vincent Dhennin, chef du service départemental du recrutement et de la formation
Mme Valérie Maureille, directrice
Mme Élise Sirjacobs, directrice adjointe en charge de la stratégie, de la synthèse et des soutiens
Mme Céline Kichtchenko, directrice adjointe en charge du recrutement et de la formation
M. Bertrand Gaume, préfet
M. Gregory Abiven, premier vice-président chargé de l’instruction
Mme Pascale Girardon, avocate générale
Mme Karine Dosio, vice-présidente chargée du contentieux des libertés et de la détention, membre de l’USM
Mercredi 9 juillet 2025 : déplacement à Bordeaux
M. Jean-Cyrille Reymond, directeur
Mme Rachel Abreu, directrice adjointe de la stratégie, de la synthèse et des soutiens
M. Patrick Brunet, chef du service zonal de l’appui numérique
Mme Caroline Mougnaud, directrice adjointe du recrutement et de la formation continue
M. Fabrice Naud, directeur adjoint de la police aux frontières
M. Bruno Picard, directeur adjoint du renseignement territorial
M. Christian Sivy, directeur adjoint de la police judiciaire
M. Emmanuel Morin, directeur
Mme Karine Durand, adjointe au chef du service interdépartemental de la police aux frontières
M. Amaury Ferrier, chef du service départemental du renseignement territorial
M. Louis Liversan, chef du service départemental de la sécurité publique
M. David Mandret, adjoint au chef de l’état-major départemental
M. Jean-René Personnic, chef du service interdépartemental de la police judiciaire
M. Philippe Dosba, Alliance
M. Nicolas Dubos, Unsa
MM. Nicolas Legeay et Frédéric Folgado-Pires, Unité
MM. Nicolas Lachaise et Antoine de Fermor, Syndicat des cadres de la sécurité intérieure
M. Jean-René Personnic, Syndicat indépendant des commissaires de police
Mme Anne Kramata et M. Nicolas Perez, Syndicat des commissaires de la police nationale
M. Étienne Guyot, préfet
Mme Emmanuelle Perreux, présidente
M. Jean-Baptiste Vidalie, coordonnateur du pôle pénal
M. Frédéric Macé, juge d’instruction, président de l’Afmi
Mme Julie Rouillard, vice-présidente en charge de l’instruction, correspondante locale du Syndicat de la magistrature
Jeudi 10 juillet 2025 : déplacement à Marseille
Mme Corinne Simon, préfète déléguée
M. Cédric Esson, DIPN des Bouches-du-Rhône
M. Olivier Leurent, président
Mme Audrey Jouaneton, procureure de la République
Mme Annaick Le-Goff, première vice-présidente coordinatrice du service de l’instruction
M. Myrtille Fombonne, vice-présidente chargée de l’instruction
M. Jean-Yves Lourgouilloux, procureur de la République adjoint en charge de la division économique et financière et des pôles spécialisés
M. Jean Moineville, vice-procureur de la République chargé du secrétariat général
M. Cédric Esson, directeur
M. Philippe Frizon, chef du service interdépartemental de la police judiciaire
Mme Chloé Sauvaire, adjointe au chef du service départemental de la sécurité publique
M. Arnaud Cordonnier, chef du service départemental du renseignement territorial
Mme Claire Morin-Favrot, chef du service de soutien opérationnel
M. Emmanuel Boncet, chef du service départemental d’appui numérique
Mme Frédérique Pinteau, cheffe du service départemental du recrutement et de la formation
Mme Laurène Capelle, cheffe du service indérdépartemental de la police aux frontières
Mme Virgine Vaquer, adjoint à la cheffe de l’état-major départemental
M. Christophe Allain, directeur
M. Thierry Batistoni, directeur adjoint du renseignement territorial
M. Fabrice Cotelle, adjoint du directeur adjoint de la police judiciaire
M. Emmanuel Daubin, chef de l’état-major de zone
M. Philippe Granata, adjoint du directeur adjoint de la police aux frontières
M. Kévin Leduc, adjoint au directeur adjoint en charge de la stratégie, de la synthèse et des soutiens
Annexe 1 : objectifs initiaux de la réforme de la direction générale de la police nationale
Livre blanc de la sécurité intérieure de 2020 |
Réorganisation de la gouvernance centrale de la DGPN par la création d’un adjoint au DGPN et de directeurs nationaux en charge d’animer chacune des filières métiers de la police |
Déconcentration du modèle de gouvernance rénové au plus près du territoire et de la population |
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Confirmation du rôle et de l’autorité des préfets dans le cadre de cette réorganisation |
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Adaptation de la cartographie budgétaire par une redéfinition des niveaux de responsabilités budgétaires à chaque échelon de l’organisation |
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Rapport annexé à la Lopmi de 2023 ([185]) |
Les directions uniques de la police nationale seront généralisées sous réserve des spécificités de la police judiciaire |
La réforme garantira une filière judiciaire plus efficace afin de répondre tant aux enjeux de la délinquance de proximité qu’aux graves menaces liées à la criminalité organisée |
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La liberté de choix du service enquêteur par les magistrats sera préservée |
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Le maillage territorial des services de la DCPJ sera maintenu et adapté aux évolutions des bassins de délinquance |
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Les offices centraux seront conservés et confortés par des antennes locales. Les offices centraux et l’échelon zonal seront privilégiés pour le traitement de la criminalité organisée, complexe ou présentant une particulière gravité |
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Pour assurer ses missions, l’échelon zonal de la police judiciaire disposera de moyens humains et budgétaires propres afin de garantir le bon traitement de ces infractions graves et complexes |
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L’administration centrale verra son fonctionnement décloisonné, en passant d’une organisation en « tuyaux d’orgue » à une direction générale fondée sur des filières par métiers (sécurité et ordre public ; police judiciaire ; renseignement territorial ; frontières et immigration irrégulière) et une fonction soutien consolidée. Cette intégration se traduira par un site unique de la direction générale de la police nationale à l’horizon des cinq prochaines années |
Annexe 2 : état de mise en œuvre des recommandations de la mission d’information de 2023
Recommandations |
État d’avancement |
Recommandation n° 1 de M. Ugo Bernalicis : placer les structures de coopération judiciaire opérationnelles de type CROSS et GIR sous la direction de la police judiciaire et de l’autorité judiciaire. Multiplier les structures de coopération par une approche thématique.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 2 de M. Ugo Bernalicis : expérimenter la présence physique du parquet dans les commissariats afin de conduire l’enquête préliminaire et d’assurer le contrôle de l’action judiciaire, notamment au regard des libertés publiques.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 3 de M. Ugo Bernalicis : augmenter la présence physique du parquet dans les commissariats pour améliorer la priorisation des plaintes, ainsi que le contrôle effectif de l’activité de police judiciaire.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 4 de Mme Marie Guévenoux : prévoir, en tenant compte des moyens des parquets, des visites régulières programmées ou aléatoires du procureur de la République dans les services d’enquête :
– au titre de sa mission de direction de l’activité de police judiciaire, pour lui permettre de se réunir avec le chef de service et d’évoquer notamment ses attentes en matière de déclinaison de la politique pénale ;
– au titre de sa mission de contrôle des lieux de privation de liberté.
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Recommandation partiellement suivie |
Recommandation n° 5 de M. Ugo Bernalicis : augmenter au moins de moitié le nombre de magistrats dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 6 : veiller à ce que chaque poste de fonctionnaire de police habilité OPJ remplissant des missions d’investigation dans un service d’enquête soit cartographié.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 7A de Mme Marie Guévenoux : engager une démarche résolue de simplification de la procédure pénale visant à trouver le juste équilibre entre le respect des droits de la défense et l’efficacité de l’enquête judiciaire.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 7B de M. Ugo Bernalicis : engager une démarche résolue pour simplifier et améliorer les outils, notamment numériques, à la disposition des enquêteurs pour sécuriser et faciliter l'application de la procédure pénale. Engager une réflexion sur une harmonisation de certaines procédures afin de garantir plus strictement les libertés publiques et fondamentales, ainsi que le contrôle et la direction de l'autorité judiciaire.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 8 : dans la partie réglementaire du code de procédure pénale et dans la doctrine, reconnaître au chef de service de la filière police judiciaire un véritable statut dépassant sa seule qualité d’OPJ, en considérant son niveau de responsabilité dans l’animation et la conduite des opérations de police judiciaire. Ce chef de service donne l’impulsion, coordonne les opérations au quotidien et partage ainsi la direction d’enquête, conformément aux prescriptions de l’autorité judiciaire.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 9 de M. Ugo Bernalicis : accroître les efforts de formation :
– à court terme, par la création d’une académie de l’enquête, à la fois chargée de développer de nouveaux enseignements (champs d’études sur les nouvelles formes de délinquance et les nouvelles techniques d’investigation, par exemple) proposés en formation initiale, et d’assurer la formation continue des enquêteurs. Rendre cette académie compétente en matière de formation initiale et continue de la police technique et scientifique. Développer des liens forts entre l’académie et l’École nationale de la magistrature ;
– à moyen terme, par la mise en place d’une véritable formation initiale de deux ans pour les gardiens de la paix, avec orientation à mi-parcours en fonction des affections choisies. 100 % des agents devront être formés à la procédure judiciaire sans pour autant être OPJ et avoir l’habilitation. Par conséquent, ouvrir de nouvelles écoles de police.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 10 : renforcer la formation continue des effectifs des services de police judiciaire, en particulier ceux occupant des fonctions de commandement ou des fonctions d’encadrement et d’application.
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Pas de données disponibles |
Recommandation n° 11 : moderniser et dynamiser la gestion des ressources humaines dans la filière police judiciaire intégrée :
– en instituant un cycle vertueux de mobilité pour tous les agents de nature à faire monter en compétence le plus grand nombre. Les enquêteurs expérimentés travaillant sur les contentieux complexes doivent irriguer toute la filière. Parallèlement, pour créer une saine émulation et éviter que le système ne soit sclérosé, tout en valorisant les profils de spécialistes, il faut offrir des perspectives en interne et donner l’opportunité aux agents prometteurs d’accéder aux unités les plus sensibles ;
– en balisant le parcours professionnel des policiers tous grades confondus et en leur donnant ainsi une meilleure visibilité sur les trajectoires de carrière possibles.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 12 : favoriser la spécialisation des enquêteurs :
– en engageant des recrutements spécialisés d’enquêteurs disposant de savoir-faire et compétences techniques spécifiques ayant vocation à rejoindre les personnels mobilisés sur les enquêtes les plus complexes ;
– en intégrant aux effectifs des agents de certaines administrations spécialisées (inspection du travail, direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes) avec la qualité d’officier de police judiciaire.
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Pas de données disponibles |
Recommandation n° 13 : rendre la filière police judiciaire plus attractive :
– en reconnaissant les contraintes et les responsabilités particulières auxquelles sont assujettis les enquêteurs (déroulement de carrière, prime de résultat exceptionnel, IRP etc.) ;
– en engageant une réflexion sur le temps de travail des enquêteurs afin de limiter les asymétries avec le régime, plus avantageux, des policiers sur la voie publique ;
– en renforçant les efforts consentis par le ministère de l’Intérieur en termes d’aide au logement, notamment dans les secteurs où le marché de l’immobilier est tendu.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 14 : augmenter le montant de la prime OPJ en la revalorisant de manière substantielle (recommandation de Mme Marie Guévenoux) voire en la doublant (recommandation de M. Ugo Bernalicis).
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 15 : atteindre un ratio d’encadrement de 30 % dans la filière judiciaire à l’horizon 2027.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 16 : anticiper les conséquences mécaniques de l’augmentation des effectifs de policiers nationaux et municipaux déployés sur la voie publique en adaptant le dimensionnement des services enquêteurs. Engager une réflexion sur les conséquences que l’augmentation des effectifs des polices municipales emporte sur la charge de travail des services d’enquête et les solutions qui pourraient permettre de les accompagner dans cette évolution.
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Pas de données disponibles |
Recommandation n° 17 de M. Ugo Bernalicis : mettre en place un plan de recrutement prévoyant d’augmenter d’au moins 50 % le nombre d'OPJ dans les services d’enquête.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 18 de M. Ugo Bernalicis : rééquilibrer les moyens alloués à la sécurité publique et à l’investigation au profit de cette dernière.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 19 de Mme Marie Guévenoux : augmenter les moyens humains et matériels des services d’enquête :
– consacrer au moins un tiers des moyens prévus pour la police nationale dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur au renforcement de la filière police judiciaire et mobiliser des moyens suffisants (en matière de ressources humaines notamment) pour accompagner cette montée en charge du nombre d’enquêteurs ;
– accroître en particulier les moyens des services spécialisés dans la criminalité économique et financière et dans la cybercriminalité.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 20 : moderniser les moyens matériels et autres équipements techniques à la disposition de la filière police judiciaire, y compris pour la branche police scientifique.
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Pas de données disponibles |
Recommandation n° 21 : au sein de la zone de défense de Paris, compenser chaque mutation d’un fonctionnaire du corps d’encadrement et d’application, affecté dans l’un des quatre départements de la grande couronne parisienne vers un autre département de la petite couronne ou vers Paris, par l’arrivée d’un autre gardien de la paix, notamment dans les services d’investigation.
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Pas de données disponibles |
Recommandation n° 22 : dans la doctrine de la police judiciaire :
– structurer les services d’enquête de la filière police judiciaire de manière à être en capacité de traiter efficacement ses différents champs d’action (criminalité organisée et criminalité territoriale), tout en prévenant le risque de chevauchement de compétences et de concurrence par une répartition équilibrée des agents par type de contentieux ;
– définir avec précision le rôle de chacun, notamment en matière d’activité de police judiciaire (chefs de service de police judiciaire, directeurs départementaux et zonaux, chefs d’offices centraux, directeur national de la police judiciaire) ;
– garantir une concertation et des échanges réguliers avec l’autorité judiciaire dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme.
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Recommandation partiellement suivie |
Recommandation n° 23 de Mme Marie Guévenoux : dans la doctrine de la police nationale :
– définir un processus de médiation et de résolution des conflits entre les autorités policières au niveau des trois échelons prévus (départemental, zonal et national) ;
– préciser les relations hiérarchiques et fonctionnelles entre tous les responsables de la police nationale, à tous les niveaux.
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Recommandation suivie |
Recommandation n° 24 de M. Ugo Bernalicis : soumettre les projets de doctrines de la filière judiciaire et de la police nationale à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 25 : anticiper les risques liés à la mise en commun des réseaux et applications métiers des anciennes directions centrales ainsi que l’ensemble des démarches RH à engager dans la mise en œuvre de la réforme. Mobiliser les moyens adéquats pour prendre l’ensemble des arrêtés d’affectation des agents avant tout déploiement opérationnel de la réforme.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 26A de Mme Marie Guévenoux : engager progressivement la réforme de la police nationale, en commençant par une mise en œuvre au niveau des directions nationales dès que possible, puis des directions zonales au cours du premier semestre 2023 et enfin des directions départementales d’ici à la fin de l’année 2023.
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Recommandation suivie |
Recommandation n° 26B de M. Ugo Bernalicis : consacrer l'année 2023 et le premier semestre 2024 au test des applications numériques et des bascules, notamment en matière de ressources humaines. Mettre en œuvre la réforme après les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 pour une finalisation au 1er janvier 2025.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 27 : étendre la réforme de la police nationale au territoire de la préfecture de police après les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 28 : établir un calendrier consolidé des différentes réformes en cours dans la police nationale, associé à un document de maîtrise des risques.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 29 : dans la partie réglementaire du code de procédure pénale, ainsi que dans la doctrine de la police judiciaire : – rappeler, d’une part, que la mission de police judiciaire relève du code de procédure pénale, notamment le choix du service d’enquête, qui incombe à l’autorité judiciaire, et, d’autre part, l’importance et les incidences du secret de l’enquête et de l’instruction dans la conduite des enquêtes judiciaires ;
– décliner, au titre du décret des catégories de services, l’ensemble des formations et unités que l’autorité judiciaire peut saisir pour garantir le libre choix des formations, comme cela est prévu à l’article 12-1 du code de procédure pénale ;
– permettre la saisine du chef de la filière police judiciaire du ressort.
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Recommandation partiellement suivie |
Recommandation n° 30 de Mme Marie Guévenoux : garantir que la déconcentration budgétaire n’entraîne pas la réduction des capacités opérationnelles des acteurs de la filière police judiciaire, notamment :
– en dotant la direction nationale de la police judiciaire de ressources budgétaires propres, lui permettant de couvrir les dépenses inhérentes à l’activité des services centraux ;
– en consacrant le rôle du DZPN en matière RH, soutien et finances vis-à-vis des SGAMI et préfets délégués à la sécurité ;
– en sanctuarisant les moyens dévolus aux enquêtes les plus complexes ou les plus sensibles, en particulier en matière économique et financière, et en dotant les DZPN de moyens propres suffisants pour mener leurs investigations ;
– en veillant à ce que les DDPN bénéficient de dotations budgétaires, allouées par les DZPN, correspondant en volume aux besoins réels des différentes filières métiers représentées. Un mécanisme d’ajustement de ces budgets doit être spécifiquement prévu pour faire face à des évènements ou des enquêtes imprévus ou non planifiés nécessitant des moyens supplémentaires.
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Recommandation partiellement suivie |
Recommandation n° 31 de Mme Marie Guévenoux : s’agissant des affaires de probité les moins complexes, permettre à l’autorité judiciaire de saisir une direction départementale voisine afin de ne pas saturer l’échelon zonal.
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Recommandation suivie |
Recommandation n° 32 de M. Ugo Bernalicis : définir des doctrines claires et publiques sur les remontées hiérarchiques de l’information attendues au sein de chaque échelon du ministère de l’Intérieur.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 33 de Mme Marie Guévenoux : doter le DZPN d’une autorité hiérarchique sur les DDPN de son ressort, dont il assure la notation annuelle en s’appuyant sur la double évaluation du préfet de département et du procureur général territorialement compétent. De même, appliquer ce système de double évaluation au DZPN, noté par le DGPN sur la base de l’évaluation du préfet de zone et du procureur général territorialement compétent.
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Recommandation partiellement suivie |
Recommandation n° 34 de Mme Marie Guévenoux : permettre aux directeurs départementaux de prendre part aux évaluations à 360 degrés des magistrats proposées dans le rapport du comité des États généraux de la justice.
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Pas de données disponibles |
Recommandation n° 35 de M. Ugo Bernalicis : mettre en œuvre une réforme alternative à celle proposée par le ministère de l’Intérieur :
– à court terme : recréer une filière judiciaire en intégrant tous les enquêteurs dans une même direction centrale avec une organisation territoriale (en cohérence avec l’organisation territoriale de l’autorité judiciaire), y compris la préfecture de police de Paris. Renforcer les outils budgétaires afin de permettre d’identifier les moyens propres déployés pour la filière judiciaire et de s’assurer de leur fléchage, notamment par la création de nouveaux indicateurs dédiés dans les documents budgétaires ;
– à moyen terme : recréer un corps de police judiciaire avec des recrutements spécifiques pour tous les grades, en revenant à l’état d’avant la réforme des corps et carrière de 1995, avec une filière judiciaire clairement distincte du reste de l’activité policière, autant dans sa chaîne hiérarchique que dans ses moyens humains, matériels et logistiques ;
– à long terme : rattacher la filière à l’autorité judiciaire par la voie du détachement.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 36 : favoriser les saisies et confiscations d’avoirs criminels :
– en développant plus largement, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme, les partages de connaissances des policiers des anciens services de police judiciaire au bénéfice de toute la filière ;
– en augmentant le nombre d’agents et d’antennes de l’AGRASC.
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Pas de données disponibles |
Recommandation n° 37 : accompagner les directeurs zonaux et départementaux dans la mise en œuvre de la réforme, en particulier :
– en leur assurant une formation complète incorporant des enseignements managériaux, de gestion des ressources humaines et de communication ;
– en définissant un guide pratique de mise en place de la réorganisation ;
– en confiant à un interlocuteur au sein de la direction générale de la police nationale la responsabilité d’animer le réseau des DZPN, sans préjudice des prérogatives dévolues aux directeurs nationaux dans leur domaine d’action respectif.
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Pas de données disponibles |
Recommandation n° 38 : nommer à la tête des directions départementales des chefs capables d’animer toutes les filières métiers :
– en diversifiant les profils des directeurs pour valoriser l’ensemble des parcours policiers et garantir une juste représentation de toutes les filières ;
– en s’assurant que les personnalités nommées à ces postes disposent de solides compétences, en particulier en matière de gestion des ressources humaines et de communication, ainsi que d’une connaissance précise du fonctionnement de la filière investigation et du rôle de l’autorité judiciaire dans la conduite des enquêtes pénales.
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Recommandation partiellement suivie |
Recommandation n° 39 : inscrire plusieurs indicateurs permettant de suivre chaque année la mise en œuvre de la réforme dans la documentation budgétaire accompagnant le projet de loi de finances.
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Recommandation non suivie |
Recommandation n° 40 : créer une nouvelle mission d’information chargée d’évaluer le fonctionnement des DDPN deux ans après leur mise en place.
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Recommandation suivie |
([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.
([2]) Décret du 30 décembre 1907 instituant douze brigades régionales de police mobile ayant pour mission exclusive de seconder l’autorité judiciaire dans la rechercher et la répression des crimes et délits de droit commun
([3]) Les polices municipales de certaines villes importantes ont, toutefois, été étatisées comme à Lyon en 1851 ou à Marseille en 1908.
([4]) Jean-Marc Berlière, La loi du 23 avril 1941 portant organisation des services de police en France, 2008.
([5]) Loi n° 66-492 du 9 juillet 1966 portant organisation de la police nationale.
([6]) Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, rapport annexé.
([7]) M. Ugo Bernalicis et Mme Marie Guévenoux, rapport d’information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale, n° 821, XVIème législature, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 février 2023 ; Mme Nadine Bellurot et M. Jérôme Durain, rapport d’information sur l’organisation de la police judiciaire, n°387, session ordinaire de 2022-2023, enregistré à la Présidence du Sénat le 1er mars 2023 ; Mme Nadine Bellurot et M. Jérôme Durain, rapport d’information sur la mise en place des directions départementales de la police nationale sur la filière investigation, n° 816, session extraordinaire de 2024-2025, enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juillet 2025.
([8]) Loi n°2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, rapport annexé, point 2.3.2.
([9]) Décret n°2023-530 du 29 juin 2023 relatif à l’organisation de l’administration centrale de la police nationale et modifiant diverses dispositions relatives à la police nationale.
([10]) Décret n°2023-1013 du 2 novembre 2023 relatif aux services déconcentrés et à l’organisation de la police nationale.
([11]) Les départements concernés étaient les suivants : Pas-de-Calais , Pyrénées-Orientales et Savoie à partir de janvier 2021 ; Calvados, Hérault, Oise, Puy-de-Dôme et Haut-Rhin à partir de mars 2022.
([12]) Chaque DDPN (ou DIPN) comprend un service départemental de la sécurité publique, un service départemental (ou interdépartemental) de la police judiciaire, un service départemental (ou interdépartemental) de la police aux frontières, un service départemental du renseignement territorial, un service départemental chargé du recrutement et de la formation, un service départemental chargé du soutien opérationnel et un état-major départemental de la police nationale.
([13]) Décret n° 2023-1013 du 2 novembre 2023 relatif aux services déconcentrés et à l’organisation de la police nationale, article 3.
([14]) Contribution de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([15]) Décret n° 2023-1013 du 2 novembre 2023, article 2.
([16]) Échanges des rapporteurs avec les représentants de la DZPN Sud lors du déplacement de la mission d’information à Marseille.
([17]) Les directions zonales comprennent un service zonal de sécurité publique, un service zonal de police judiciaire, un service zonal de police aux frontières, un service zonal du renseignement territorial, un service zonal du recrutement et de la formation, un service zonal chargé de la stratégie, de la synthèse et des soutiens et un état-major zonal de la police nationale.
([18]) Échanges de vos rapporteurs avec les syndicats de la DIPN 13 lors du déplacement de la mission d’information à Marseille.
([19]) Contribution de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([20]) Audition de M. François Thierry, chef du service de la transformation numérique de la police nationale, par vos rapporteurs de la mission d’information.
([21]) Audition de M. Philippe Tireloque, directeur national de la sécurité publique, par vos rapporteurs de la mission d’information.
([22]) IGA, IGJ et IGPN, Bilan de la création des directions territoriales de la police nationale dans les outre-mer et des expérimentations des directions départementales de la police nationale, janvier 2023, p. 45 : « En particulier, la question du pilotage opérationnel ne semble pas encore clairement déterminée. Pour y parvenir, la DGPN ne pourra faire l’économie d’une clarification de la distinction entre autorité hiérarchique et autorité fonctionnelle. Les interlocuteurs de la mission ont en effet fourni des interprétations très variables de cette distinction. Elle fonde pourtant la nouvelle organisation ».
([23]) Contribution de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([24]) Ibid.
([25]) Ibid.
([26]) Décret n° 2020-1776 du 30 décembre 2020 portant organisation des services territoriaux de police judiciaire de la police nationale.
([27]) Ces éléments sont précisés par l’arrêté du 20 juillet 2022 relatif à l’organisation et aux attributions des échelons de commandement de la gendarmerie nationale en métropole.
([28]) Arrêté du 20 juillet 2022 relatif à l’organisation et aux attributions des échelons de commandement de la gendarmerie nationale en métropole, article 1er.
([29]) Décret n° 2023-1013 du 2 novembre 2023 relatif aux services déconcentrés et à l’organisation de la police nationale.
([30]) Arrêté du 20 juillet 2022 relatif à l’organisation et aux attributions des échelons de commandement de la gendarmerie nationale en métropole, article 14.
([31]) Le service interministériel d’assistance technique (Siat) est un service chargé de la mise en œuvre de certaines techniques spéciales d’enquêtes comme les infiltrations, au profit des services de la police, de la gendarmerie et des douanes.
([32]) Le service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco) est le service de renseignement criminel de la direction nationale de la police judiciaire.
([33]) Contribution de la DNRT aux travaux de la mission d’information.
([34]) Contribution de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([35]) Remarque issue des échanges des rapporteurs avec les syndicats représentatifs des personnels de la DIPN 59.
([36]) IGA, IGJ et IGPN, op. cit.
([37]) Contribution du SICP aux travaux de la mission d’information.
([38]) Contribution de la DGGN aux travaux de la mission d’information.
([39]) Le préfet de police de Paris exerce les fonctions de préfet de zone de défense et de sécurité pour la région Île-de-France.
([40]) Décret n° 2009-898 du 24 juillet 2009 relatif à la compétence territoriale de certaines directions et de certains services de la préfecture de police.
([41]) Audition du préfet de police de Paris par vos rapporteurs de la mission d’information.
([42]) Les quatre départements de grande couronne sont les Yvelines, le Val d’Oise, la Seine-et-Marne et l’Essonne.
([43]) Cour des comptes, La préfecture de police de Paris, décembre 2019.
([44]) Selon les chiffres transmis par la DACG au titre de la synthèse 2024, 70 % des parquets estiment que la réforme n’a pas eu d’impact et 21 % que cet impact a été négatif. 9 % en dressent un bilan positif.
([45]) IGA, IGJ et IGPN , op. cit.
([46]) M. Ugo Bernalicis et Mme Marie Guévenoux, rapport d’information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 février 2023.
([47]) Contribution du SICP aux travaux de la mission d’information.
([48]) Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022.
([49]) Contribution de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([50]) Audition du préfet de police de Paris par vos rapporteurs de la mission d’information.
([51]) Audition de M. Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles par vos rapporteurs de la mission d’information.
([52]) Contribution de la DACG aux travaux de la mission d’information.
([53]) DACG, synthèses du rapport annuel du ministère public pour 2024.
([54]) Il doit être rappelé que la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) disposait également d’un service d’investigation judiciaire spécialisé en matière de lutte contre l’immigration irrégulière.
([55]) Il existe ainsi une doctrine de la direction nationale de la police judiciaire, en date du 6 février 2024.
([56]) Il s’agit notamment de l’office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, de l’office central de lutte contre la délinquance itinérante et de l’office central de lutte contre le travail illégal, l'exploitation par le travail et la fraude en matière sociale.
([57]) 1° du X de l’article 12 de l’arrêté du 29 juin 2023 portant organisation de l’administration centrale de la direction générale de la police nationale.
([58]) Le directeur national est assisté de deux directeurs nationaux adjoints, l’un en charge des opérations et l’autre en charge de la stratégie et du pilotage territorial.
([59]) Il s’agit des décrets n° 2020-1777 du 30 décembre 2020 pris pour la mise en œuvre de la création du service national de police scientifique et n° 2020-1779 du 30 décembre 2020 portant création du service à compétence nationale dénommé service national de police scientifique.
([60]) Il s’agit de l’arrêté du 30 décembre 2020 portant diverses dispositions relatives à la création du service à compétence nationale dénommé service national de police scientifique.
([61]) Article 1er du décret n° 2020-1779 du 30 décembre 2020 portant création du service à compétence nationale dénommé service national de police scientifique.
([62]) Ibid.
([63]) Selon la doctrine de la direction nationale de la police judiciaire du 6 février 2024, p. 8, voir également l’article 2 du décret n° 2023-1013 du 2 novembre 2023 relatif aux services déconcentrés et à l’organisation de la police nationale.
([64]) Ibid.
([65]) Selon la doctrine de la direction nationale de la police judiciaire précitée, p. 13.
([66]) Ibid., p. 14. La constitution de ces différentes brigades sur le territoire varie « selon le nombre d’effectifs, de la composition du bassin de criminalité interdépartemental et des politiques publiques prioritaires portées par la filière ».
([67]) Ibid. Dans la contribution écrite adressée à vos rapporteurs dans le cadre de leurs travaux, la DGPN rappelle ainsi que « pour les départements qui ne disposaient pas de sûreté départementale, les effectifs de la filière judiciaire ont intégré les SDPJ et les SLPJ. Concrètement, quelle que soit la situation ante réforme, les effectifs ont pu, dans leur grande majorité, conserver leurs postes et leurs missions. »
([68]) M. Ugo Bernalicis et Mme Marie Guévenoux, op. cit., pp. 25 et 26.
([69]) Contribution de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([70]) Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022, p. 111.
([71]) C’est par exemple ce qui a été relevé par M. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles et membre de la Conférence nationale des procureurs généraux (CNPG).
([72]) Selon ce qui a été indiqué à vos rapporteurs par les directeurs des DTPN de Guyane et de Martinique lors de leur audition du 30 juin 2025.
([73]) C’est notamment ce qui a été indiqué à vos rapporteurs par leurs interlocuteurs lors de leur déplacement à Bordeaux le 9 juillet 2025.
([74]) Ibid.
([75]) Ibid., p. 16.
([76]) Contribution de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([77]) Il peut également s’agir du chef du SIPJ ou du SDPJ.
([78]) Selon ce qui a été indiqué à vos rapporteurs lors des auditions de la DGPN, du 1er avril 2025 et de la DACG du 6 mai 2025 ainsi que par leurs interlocuteurs de la DIPN de la Gironde rencontrée le 9 juillet 2025 lors du déplacement des rapporteurs à Bordeaux. Les conflits de compétences entre les services peuvent être des conflits négatifs ou positifs. Un conflit négatif de compétence est constitué lorsqu’aucun service n’entend être saisi d’une procédure. À l’inverse, le conflit positif de compétence désigne le cas dans lequel plusieurs services revendiquent leur compétence pour le traitement d’une procédure.
([79]) C’est par exemple ce qui a été indiqué à vos rapporteurs par les magistrats de l’association française des magistrats instructeurs (Afmi), auditionné le 7 mai 2025, les représentants du CNPR, auditionnés le 7 mai 2025, certains syndicats de policiers entendus lors d’un déplacement à la DIPN de Lille du 5 juin 2025, ou encore l’ANPJ, auditionnée le 8 avril 2025.
([80]) Selon la doctrine de la direction nationale de la police judiciaire précitée.
([81]) Selon ce qui a été indiqué à vos rapporteurs lors de leur déplacement à Bordeaux du 9 juillet 2025, à la rencontre des directions zonales et interdépartementales, ainsi que des syndicats de policiers, des magistrats et de leurs syndicats.
([82]) Audition du DGPN du 1er avril 2025.
([83]) Voir infra au A du III.
([84]) Ce risque a notamment été mis en évidence par M. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles, membre de la Conférence nationale des procureurs généraux (CNPG) ainsi que la DACG dans leurs contributions écrites aux travaux des rapporteurs , ou encore par les magistrats et syndicats de policiers entendus par vos rapporteurs lors de leurs déplacements à Lille, Bordeaux et Marseille.
([85]) Ibid.
([86]) C’est notamment le cas des magistrats instructeurs de l’AFMI, de l’USM ou encore de M. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles.
([87]) Contribution écrite de la DACG du 30 juin 2025 selon laquelle plusieurs parquets souffrent de l’éloignement géographique de ces services, rendant leur mobilisation difficile.
([88]) C’est notamment ce qui est relevé par Mme Marion Guenot et M. Jean-Michel Schlosser, chercheurs au CESDIP, la CNPR, lors de leurs auditions du 7 mai 2025, ou encore le syndicat Alternative police CFDT dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information.
([89]) Contribution de la CNPR aux travaux de la mission d’information.
([90]) C’est notamment ce qui a été indiqué à vos rapporteurs par l’USM, qui a relevé dans sa contribution écrite aux travaux que les services de police judiciaire pouvaient être mobilisés sur le contentieux général (blanchiment de trafic de stupéfiants ou plus largement opérations programmées dans les autres contentieux) ou encore par le syndicat Alternative Police CFDT, selon lequel les services territoriaux auraient été dévoyés pour aider les commissariats à purger les procédures en cours du contentieux de masse.
([91]) Notamment l’USM dans sa contribution aux travaux de la mission d’information.
([92]) Ibid.
([93]) Selon ce qui a été indiqué à vos rapporteurs par les magistrats instructeurs entendus au tribunal judiciaire de Bordeaux lors de leur déplacement du 9 juillet 2025.
([94]) Voir supra (au B du II de la première partie et au A du II de la seconde partie du présent rapport).
([95]) Il en est ainsi par exemple de l’ANPJ, du SICP ou encore de l’AFMI qui l’ont exprimé à vos rapporteurs à l’occasion de leurs auditions ou dans leurs contributions écrites à ces travaux.
([96]) Ainsi qu’il le sera mis en évidence par la suite, le respect du bon emploi des effectifs dédiés à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées et des instructions en la matière est l’un des enjeux d’efficacité de l’action de la police nationale dans ce domaine (voir infra, au C du II)
([97]) Cela a notamment été le cas lors des déplacements de vos rapporteurs à Lille (en date du 5 juin 2025), à Bordeaux (9 juillet 2025) et à Marseille (10 juillet 2025).
([98]) Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022, notamment pp. 31 et suivantes.
([99]) Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022.
([100]) Il représente le ratio entre le nombre total de postes à pourvoir lors des campagnes de mutation et le nombre de postes qui n’ont pas été pourvus.
([101]) Cour des comptes, op. cit.
([102]) Contribution écrite de la DRHFS aux travaux de vos rapporteurs.
([103]) Par exemple lors de leurs déplacements à Lille et Bordeaux au sein des DIPN, ou encore l’AFMI.
([104]) Cette diminution dans de telles proportions a été évoquée par l’AFMI, par le syndicat de magistrature (lors de leurs auditions respectives le 7 mai 2025) et par l’ANPJ (lors de son audition du 8 avril 2025).
([105]) Selon les chiffres communiqués par la DTPN de Martinique le 3 juillet 2025.
([106]) Audition de M. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles, membre de la CNPG, du 8 avril 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information.
([107]) Contribution écrite de la DACG aux travaux de la mission d’information.
([108]) Contribution écrite de la DRHFS aux travaux de la mission d’information.
([109]) Audition de de la DNPJ du 8 avril 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information.
([110]) Audition de la DNPJ du 8 avril 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information.
([111]) Doctrine de la direction nationale de la police judiciaire, p. 6.
([112]) C’est notamment le cas de l’USM, du SM, de la CNPR, de l’ANPJ, du SICP ainsi que de Mme Marion Guenot et M. Jean-Michel Schlosser, chercheurs au CESDIP.
([113]) Audition de l’USM du 7 mai 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information et contribution écrite : il a été indiqué que les enquêteurs étaient régulièrement réquisitionnés pour sécuriser la voie publique ou pour des opérations de maintien de l’ordre, au détriment du traitement des procédures judiciaires. Il a été rapporté l’exemple, sur le ressort de la cour d’appel de Poitiers, d’effectifs du SLPJ réquisitionnés pour encadrer et sécuriser des mouvements de manifestations pacifiques.
([114]) Vos rapporteurs se sont rendus à Lille le 5 juin 2025 à la rencontre des policiers et de leurs syndicats, des directeurs des DIPN et DZPN, des préfets de département ainsi que des magistrats.
([115]) C’est notamment ce qu’ont indiqué l’USM et le SM dans leurs contributions écrites aux travaux de la mission d’information. L’USM évoque en particulier l’exemple du SLPJ du ressort de la cour d’appel de Poitiers dont les effectifs sont réquisitionnés pour encadrer et sécuriser les mouvements de manifestation pacifique, qui relèvent pourtant de mission de maintien de l’ordre.
([116]) Dans sa contribution écrite aux travaux de la mission d’information, l’ANPJ relève les exemples suivants : « dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris, des effectifs des DCOS ont été utilisés pour assurer le jalonnement du passage de la flamme olympique (ex : DCOS de Nantes). D’autres ont été rappelés pour vider les geôles de garde à vue pour le réveillon de la Saint-Sylvestre (ex : DCOS de Strasbourg). En Corse, la dissolution pure et simple de la BCF, décidée par le DIPN d’Ajaccio pour renforcer d’autres groupes, a été évitée par l’action de l’ANPJ. D’autres services de DCOS ont été associés à des opérations « place nette » orchestrées par des services de niveau 2 « pour faire le nombre », entraînant le report voire l’annulation programmée d’opérations prévues dans leur propre service ».
([117]) L’emploi des services de la police judiciaire pour le traitement de telles procédures a notamment été évoqué lors de l’audition de la DTPN de Guyane.
([118]) La DACG souligne ainsi que « le traitement de la délinquance économique et financière demeure indigent pour la grande majorité des parquets, très peu de moyens de police judiciaire y étant affectés et certains services dédiés à ce contentieux pouvant être positionnés sur d’autres infractions. ». Source : contribution de la DACG aux travaux de la mission d’information.
([119]) Contribution de l’USM aux travaux de la mission d’information.
([120]) Déplacement de vos rapporteurs à la rencontre des magistrats du tribunal judiciaire de Bordeaux du 9 juillet 2025 et audition de l’AFMI du 7 mai 2025.
([121]) Notamment par la DNPJ lors de son audition du 8 avril 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information.
([122]) Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022, p. 111.
([123]) Ce qui a notamment été évoqué dans les contributions de l’AFMI, de l’USM et du SM aux travaux de la mission d’information.
([124]) L’article 12 du code de procédure pénale dispose ainsi que « la police judiciaire est exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers, fonctionnaires et agents désignés au présent titre. ».
([125]) L’article 81 du code de procédure pénale prévoit que « Si le juge d'instruction est dans l'impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d'instruction, il peut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d'information nécessaires dans les conditions et sous les réserves prévues aux articles 151 et 152. » Ces enquêteurs agissent ainsi selon la délégation de compétence qui leur est confiée par le juge d’instruction.
([126]) Doctrine de la direction nationale de la police judiciaire du 6 février 2024, p. 7.
([127]) Contribution de l’USM aux travaux de la mission d’information.
([128]) Ibid.
([129]) C’est notamment ce qui a été indiqué à vos rapporteurs par les magistrats qu’ils ont rencontrés lors de leur déplacement au tribunal judiciaire de Lille le 5 juin 2025.
([130]) Selon ce qui a été indiqué à vos rapporteurs par l’AFMI lors de son audition du 7 mai 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information.
([131]) Contribution de M. Marc Cimamonti, procureur général près la cour d’appel de Versailles, aux travaux de la mission d’information.
([132]) Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022, p. 65.
([133]) Contribution de la DACG aux travaux de la mission d’information.
([134]) Déplacement de vos rapporteurs à Lille en date du 5 juin 2025.
([135]) Déplacement de vos rapporteurs à Marseille en date du 10 juillet 2025.
([136]) C’est par exemple le cas de l’USM, lors de son audition du 7 mai 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information.
([137]) Contribution de la DACG aux travaux de la mission d’information.
([138]) Selon les données communiquées par l’AFMI sur la base des références statistiques Justice pour les années 2021, 2022, 2023 et 2024.
([139]) Ibid.
([140]) M. Ugo Bernalicis et Mme Marie Guévenoux, op. cit., pp. 96 et suivantes.
([141]) Selon ce qui a été indiqué à vos rapporteurs par le SM lors de leur déplacement au tribunal judiciaire de Bordeaux le 9 juillet 2025.
([142]) Déplacement des rapporteurs à Marseille du 10 juillet 2025 à la rencontre à la rencontre des directions zonales et interdépartementales, ainsi que des syndicats de policiers, des magistrats et de leurs syndicats.
([143]) Déplacement des rapporteurs à Lille du 5 juin 2025 à la rencontre à la rencontre des directions zonales et interdépartementales, ainsi que des syndicats de policiers, des magistrats et de leurs syndicats.
([144]) Selon la doctrine de la PJ, p.12.
([145]) Audition du DGPN du 1er avril 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information.
([146]) Audition du DNPJ du 8 avril 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information.
([147]) Selon ce qui a été indiqué à vos rapporteurs lors de leur déplacement à la rencontre des différents offices centraux à Nanterre du 22 mai 2025.
([148]) Ibid.
([149]) Contribution de la DACG aux travaux de la mission d’information.
([150]) Les personnels actifs de la police nationale sont répartis en 3 corps : le corps de conception et de direction (issu des recrutements de commissaires de police), le corps de commandement (issu des recrutements d’officiers de police) et le corps d’encadrement et d’application (issu des recrutements de gardiens de la paix.
([151]) Contribution de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([152]) M. Ugo Bernalicis et Mme Marie Guévenoux, op. cit., pp. 58 et suivantes.
([153]) C’est notamment ce qui a été indiqué à vos rapporteurs lors de leur déplacement à la rencontre des différents offices centraux à Nanterre du 22 mai 2025.
([154]) Selon ce qui a été indiqué à vos rapporteurs lors de leur déplacement à la rencontre des différents offices centraux à Nanterre du 22 mai 2025.
([155]) Ibid.
([156]) Ibid.
([157]) Contribution de la DACG aux travaux de la mission d’information.
([158]) Ibid.
([159]) Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022, p. 66.
([160]) Voir supra. au A du I de la seconde partie du présent rapport.
([161]) C’est notamment ce qui a été indiqué par le DNPJ lors de son audition du 8 avril 2025 par vos rapporteurs de la mission d’information.
([162]) Doctrine de la direction nationale de la police judiciaire précitée, pp. 10 et 11.
([163]) Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022, p. 10.
([164]) Dans le rapport précité sur les moyens affectés aux missions de police judiciaire, la Cour des comptes estime qu’un niveau acceptable d’effectifs serait de l’ordre de 30 procédures par enquêteurs (ibid., p. 12).
([165]) C’est par exemple le cas de la DACG, de l’AFMI ou encore de la CNPR, qui le soulignent dans leurs contributions écrites aux travaux de la mission d’information.
([166]) Contribution de l’AFMI aux travaux de la mission d’information.
([167]) Déplacement à la DIPN de Lille en date du 5 juin 2025.
([168]) Il en est ainsi notamment de la CNPR, de l’AFMI, de l’USM ou encore du SM.
([169]) Contribution d’Alternative Police CFDT aux travaux de la mission d’information.
([170]) Cette prime est attribuée « aux personnels actifs et policiers adjoints de la police nationale qui assurent des interventions d’urgence et des réponses aux sollicitations des citoyens sur la voie publique » en application de l’article 1er du décret n° 2024-380 du 25 avril 2024 portant création d’une prime de voie publique au bénéfice de certains fonctionnaires actifs de la police national.
([171]) Notamment selon l’ANPJ, auditionnée le 8 avril 2025. Voir également supra (au II de la première partie du présent rapport).
([172]) Contribution de la CNPR aux travaux de la mission d’information.
([173]) Selon ce qui a été indiqué à vos rapporteurs par l’AFMI et par certains magistrats entendus lors du déplacement de vos rapporteurs au tribunal judiciaire de Lille du 5 juin 2025.
([174]) Ainsi, l’association des hauts fonctionnaires de la police nationale (AHFPN) recommande la création d’une telle école dans un rapport d’avril 2025 intitulé « Une investigation plus attractive pour les personnes de la police nationale ».
([175]) Dans son rapport consacré aux moyens affectés aux missions de la police judiciaire, la Cour des comptes relevait la baisse constante du taux d’encadrement par des officiers au sein des unités d’enquête de la DSPAP depuis 2017 (avec une baisse de 1,79 point) pour s’établir à 16,9 % en 2021 (Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022, p. 11).
([176]) À titre d’exemple, seul un OPJ peut placer une personne en garde à vue, en vertu de l’article 63 du code de procédure pénale.
([177]) À horizon 2023, l’objectif cible était fixé à 22 000 OPJ au total (Cour des comptes, Les moyens affectés aux missions de police judiciaire, observations définitives pour les exercices 2017-2022, p. 75).
([178]) Cela apparaît d’autant plus important que certains des interlocuteurs de vos rapporteurs ont allégué une perte d’effectifs au sein de la filière dédiée à la police judiciaire depuis la mise en œuvre de la réforme (voir supra, B du II).
([179]) Contribution de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([180]) Il peut être précisé que les OPJ en exercice sont affectés dans tous types d’unités de la filière et principalement en unités de police secours, en brigades anti-criminalité ou encore en groupes de soutien de proximité. Source : contribution écrite de la DGPN aux travaux de la mission d’information.
([181]) Notamment la DACG ou encore le syndicat Alternative Police CFDT qui demande un doublement du nombre de ces effectifs jusqu’à 44 000.
([182]) Contribution de la DACG aux travaux de la mission d’information.
([183]) Livre blanc de la sécurité intérieure, Ministère de l’Intérieur, publié le 16 novembre 2020, voir notamment les p. 113, p. 284, p. 304.
([184]) Notamment le syndicat Alternative Police CFDT, lors de son audition du 6 mai 2025.
([185]) Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.