TEXTE ADOPTÉ  231

« Petite loi »

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

 

18 février 2019

 

 

 

RÉsolution

 

sur l’agenda commercial européen
et l’Accord de partenariat économique
entre l’Union européenne et le Japon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LAssemblée nationale a adopté la résolution dont la teneur suit :

 

Voir le numéro : 1619.

 


1

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’avis 2/15 de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 mai 2017 sur la compétence de l’Union européenne pour signer et conclure un accord de libre‑échange avec Singapour,

Vu le rapport au Premier ministre de la Commission indépendante sur l’impact de l’AECG/CETA entre l’Union européenne et le Canada sur l’environnement, le climat et la santé, en date du 7 septembre 2017,

Vu le plan d’action du gouvernement français sur la mise en œuvre du CETA du 25 octobre 2017,

Vu les directives de négociations pour un accord de libre‑échange avec le Japon, publiées le 29 novembre 2012 par le Conseil de l’Union européenne,

Vu les directives de négociations pour un accord de libre‑échange avec l’Australie, publiées le 25 juin 2018 par le Conseil de l’Union européenne,

Vu les directives de négociations pour un accord de libre‑échange avec la Nouvelle‑Zélande, publiées le 25 juin 2018 par le Conseil de l’Union européenne,

Vu la proposition de décision du Conseil (COM[2018] 192 final) du 18 avril 2018, relative à la conclusion de l’accord de partenariat économique entre l’Union européenne et le Japon,

Vu le compte‑rendu du 34e cycle de négociations de la partie commerciale de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur du 17 juillet 2018,

Considérant que le contexte commercial multilatéral est profondément dégradé et que les négociations au niveau de l’Organisation mondiale du commerce et du G7 sont bloquées ;

Considérant que l’un de nos principaux partenaires, les États‑Unis, tend à renforcer les barrières commerciales existantes et à dénoncer les règles de libre‑échange dans une démarche protectionniste ;

Considérant que si la République populaire de Chine a une place importante au sein du commerce mondial, elle ne joue pas aujourd’hui pleinement son rôle au regard des règles de l’OMC en ce qui concerne les subventions publiques, les marchés publics ou le transfert de technologies forcé ;

1. Appelle ainsi l’Union européenne, à être prête à appliquer les mesures de sauvegarde et de rééquilibrage qui s’imposent en cas de guerre commerciale, à privilégier, à ce titre, le règlement des difficultés tarifaires et non tarifaires par un travail conjoint, dans le cadre de l’OMC, avec les États‑Unis et la Chine ;

Considérant la nécessité pour l’Europe de construire un agenda commercial complémentaire à celui de l’OMC, qui tienne compte de la stagnation des négociations multilatérales, mais aussi de nos intérêts économiques, de nos préférences collectives, et de l’urgence environnementale et climatique ;

Considérant en ce sens nécessaire la démarche européenne consistant à mettre sur pied des accords ambitieux avec nos principaux partenaires dans la défense de nos intérêts commerciaux, qu’il s’agisse de la Corée du Sud, du Canada, du Japon, de Singapour, de l’Australie, de la Nouvelle‑Zélande, du Mexique et d’autres pays ;

Considérant que ces accords commerciaux de nouvelle génération doivent permettre un saut dans notre ambition pour la préservation du climat, l’environnement et la santé ;

2. Se félicite, à cet égard, des engagements pris par le Gouvernement, à l’occasion de l’entrée en vigueur provisoire du CETA, le 21 septembre 2017, pour associer le Parlement en amont et tout au long du processus de négociation et de mise en œuvre des accords commerciaux à venir, ainsi que de ses engagements pour améliorer la prise en compte des enjeux de développement durable dans ces futurs accords ;

3. Invite, à ce titre, le Gouvernement à favoriser, dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs établi par la Constitution, une plus grande information du Parlement lors du processus de négociation des accords commerciaux et une plus grande association de ce dernier lors de sa mise en œuvre : par la consultation des commissions parlementaires compétentes en amont des négociations, avant la validation des mandats de négociation, et avant chaque réunion du Conseil des ministres du commerce de l’Union européenne ; par la production, pour chaque projet de loi de ratification d’un accord commercial, d’une étude d’impact rigoureuse, fiable, et détaillée des effets économiques de cet accord sur les filières françaises à laquelle les parlementaires seront étroitement associés ; par un suivi trimestriel des mesures d’accompagnement de mise en œuvre tel qu’initié pour le CETA ;

4. Propose en conséquence, avant l’adoption de chaque mandat de négociation d’un accord commercial par l’Union européenne, l’adoption par l’Assemblée nationale d’une résolution faisant valoir sa position à l’égard du Gouvernement ;

5. Appelle à ce que le dialogue avec les parlements nationaux soit maintenu et renforcé, notamment suite aux conclusions du Conseil de l’Union européenne le 22 mai 2018 qui a pris note de l’intention de la Commission de scinder les accords et donc de proposer que les futurs accords commerciaux soient non mixtes ;

Considérant que l’APE entre l’Union européenne et le Japon, très positif pour les filières exportatrices françaises, constitue une étape essentielle dans la continuité du CETA ;

Considérant que la première année de mise en œuvre du CETA n’a pas déstabilisé les filières sensibles mais a permis au contraire un développement positif du commerce bilatéral ;

6. Souhaite que soit finalisé dans les meilleurs délais l’accord en matière d’investissement entre l’Union européenne et le Japon, comprenant notamment le nouveau « Système de cour des investissements » tel que négocié dans le cadre du CETA ;

7. Salue l’intégration, pour la première fois, d’un chapitre dédié aux petites et moyennes entreprises dans le cadre de l’APE UE‑Japon, qui vise à les accompagner dans la mise en œuvre de l’accord, et appelle en conséquence à la négociation d’un chapitre similaire pour les accords à venir ;

8. Appelle les entreprises françaises à se mobiliser et à se saisir des opportunités offertes par les accords commerciaux permettant une simplification administrative et en matière d’attestation d’origine, notamment en s’inscrivant au fichier « Registered Exporter System » ;

9. Appelle les organisations professionnelles à promouvoir les opportunités liées à ces nouveaux accords sur l’ensemble du territoire, y compris en outre‑mer, avec l’appui des acteurs publics compétents : douanes, Business France, BPI France, régions et ambassades ;

10. Appelle les filières agricoles à saisir l’opportunité présentée par l’APE entre l’Union européenne et le Japon en s’organisant au niveau national en vue d’une promotion commerciale collective ;

11. Salue la mention pour la première fois, dans l’APE entre l’Union européenne et le Japon, des Accords de Paris, la garantie d’une mise en œuvre effective des engagements des parties en matière environnementale et sociale ainsi que l’inscription du principe de précaution, notamment dans les chapitres relatifs aux questions sanitaires et phytosanitaires, au développement durable, ainsi qu’aux obstacles techniques ;

12. Rappelle néanmoins l’importance d’une coopération resserrée sur les normes sanitaires et phytosanitaires entre les autorités européennes et japonaises en la matière, ceci afin d’assurer une régulation effective ;

13. Regrette, par ailleurs, que les parlementaires n’aient pas été associés à l’étude d’impact complète en amont de la négociation, permettant de s’assurer du haut niveau d’ambition de l’accord concernant aussi bien nos intérêts commerciaux que ceux en matière environnementale et de lutte contre le changement climatique ;

14. Regrette également que le chapitre « développement durable » de l’APE entre l’Union européenne et le Japon n’ait pas de caractère contraignant et qu’un chapitre relatif à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du transport maritime et aéronautique n’ait pas été intégré ;

15. Rappelle, à ce titre, qu’une forte conditionnalité environnementale doit encadrer la conclusion de nos accords commerciaux futurs et que l’APE entre l’Union européenne et le Japon ne doit constituer qu’une première étape vers cet objectif de diminution de l’impact environnemental de notre politique commerciale ;

16. Salue, en ce sens, la position du Président de la République lors de la 73e Assemblée générale des Nations unies qui a déclaré : « Ne signons plus d’accords commerciaux avec les puissances qui ne respectent pas l’Accord de Paris. » ;

17. Soutient l’engagement du Président de la République de promouvoir une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne établissant un prix plancher du carbone et incitant à développer les énergies renouvelables, assortie des mesures d’accompagnement nécessaires pour les populations les plus impactées ;

18. Appelle le Gouvernement à faire de la politique commerciale un véritable levier de la transition écologique ;

19. Souhaite que le respect des Accords de Paris sur le climat soit intégré aux clauses essentielles des accords en cours de négociation ;

20. Souhaite, dès lors, que les prochains accords de même nature en cours de négociation ou à venir intègrent des dispositions contraignantes dans leurs volets « développement durable » et des dispositions incitatives concernant l’usage de modes de transport et de production propres ;

21. Souhaite qu’une déclaration interprétative conjointe entre l’Union européenne et le Japon soit annexée à l’accord afin de rendre les chapitres développement durable opposables devant le mécanisme de règlement des différends et appelle, en conséquence à ce qu’un tel mécanisme soit inclus dans les futurs accords de même nature ;

22. Souhaite que les politiques publiques climatiques ne soient pas fragilisées par le mécanisme de règlement des différends des futurs accords d’investissements, y compris avec Singapour, et que l’on s’en assure par un « véto climatique » ;

23. Considère que l’absence d’une dérogation aux barrières nontarifaires pour les biens contribuant à la lutte contre le changement climatique est une occasion manquée qu’il faudra intégrer au sein des futurs accords ;

24. Appelle le Japon à ratifier les deux conventions de l’Organisation internationale du travail, n° C105 sur l’abolition du travail forcé de 1957 et n° C111 concernant la discrimination (emploi et profession) de 1958 préalablement à l’entrée en vigueur de l’APE UE‑Japon ;

25. Appelle au respect par les États membres et par le Canada et le Japon de la décision de la CJUE à l’égard de la directive 2001/18, en date du 12 mars 2001, qui élargit la définition des OGM aux nouveaux OGM ;

26. Appelle à la définition des paramètres d’accès au marché agricole européen dans le cadre d’une enveloppe globale pour les accords en cours de négociation, souligne sur ce point les avancées obtenues dans le cadre des négociations entre l’Union européenne et l’Australie et la NouvelleZélande, qui devront permettre pour certains produits agricoles de fixer les contingents tarifaires en tenant compte notamment des préoccupations spécifiques des régions ultrapériphériques et des autres accords commerciaux, et appelle, en conséquence, à ce qu’un tel mécanisme soit pris en compte dans le futur accord d’association entre l’Union européenne et le MERCOSUR, ainsi que des mesures de sauvegarde ;

27. Souligne l’existence de mécanismes d’ajustement, comme le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) et les fonds structurels européens, qui vise à protéger les filières sensibles et touchées par l’ouverture internationale induite par les accords commerciaux ;

28. Soutient l’initiative européenne de renforcer la dimension sociale de l’Union grâce à la création d’un Fonds social européen plus (FSE+) et au renforcement du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) pour la période 2021‑2027 ;

29. Appelle, dans le même temps, à une révision à la baisse du seuil d’intervention de ce fonds lors de plans de licenciements (au moins 500 licenciés) ;

30. Appelle à la pleine association des parties prenantes en amont et tout au long des négociations commerciales menées par l’Union européenne ;

31. Appelle enfin à une transparence accrue dans les négociations commerciales menées par l’Union européenne, au travers de la publication systématique des études d’impact, et des textes consolidés après chaque cycle de négociations.

 

 

Délibéré en séance publique, à Paris, le 18 février 2019.

 

 

 Le Président,
 Signé : Richard FERRAND

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 ISSN 1240 8468

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