TEXTE ADOPTÉ  815

« Petite loi »

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

 

23 février 2022

 

 

 

RÉsolution

 

invitant le Gouvernement à défendre l’exigence forte attachée
à la certification européenne du sel biologique
et à ses méthodes de production.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Assemblée nationale a adopté la résolution dont la teneur suit :

 

Voir le numéro : 4820.


1

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que l’exploitation ancestrale des marais salants et autres salines a toujours nourri un lien étroit avec la biodiversité qu’elle participe à préserver et que très souvent d’ailleurs ces sites d’exploitation bénéficient de labels et statuts de protection relevant notamment des sites classés, des sites Ramsar ou du réseau Natura 2000 ;

Considérant que l’exploitation des marais salants et autres salines, à la faveur de savoirs ancestraux, participe pleinement de la valorisation de patrimoines culturels et naturels, qu’elle constitue un héritage historique et paysager dont la valeur intrinsèque est reconnue, générant un attrait touristique notable, et qu’elle garantit un sel non raffiné contenant des éléments aux qualités sanitaires brutes démontrées sans besoin de recourir à de quelconques additifs ;

Considérant que, depuis 1978, un brevet professionnel agricole de responsable d’exploitation salicole a été créé, valorisant le métier de saunier ou paludier, et que cette filière salicole artisanale bénéficie désormais, depuis la loi n° 2019‑469 du 20 mai 2019 pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale, du statut d’activité agricole, ce qui la distingue de toute autre production de sel qui reste, elle, considérée comme une production minière ;

Considérant que cette filière salicole artisanale bénéficie également d’homologations relevant, par exemple, des indications géographiques protégées ou d’autres labels et signes de qualité aux cahiers des charges des plus exigeants ;

Considérant que le règlement européen (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE)  834/2007 du Conseil énonce de manière la plus explicite que la production de sel marin et d’autres types de sel utilisés en alimentation humaine ou animale ne peut relever de son champ d’application que dans l’unique « mesure où ils peuvent être produits au moyen de techniques de production naturelles et où leur production contribue au développement des zones rurales » et qu’à l’évidence les procédés de production mobilisés pour l’extraction du sel gemme, dit sel de mine, ne sauraient être considérés comme naturels ;

Considérant parallèlement qu’une extension de la certification biologique à différents modes de production de sel peu économes des ressources naturelles comme l’eau, consommateurs d’énergie, à l’origine de dégradations des sols, constituerait une violation globale tant de l’esprit que de la lettre dudit règlement ;

Considérant, en effet, que parmi les principes généraux énoncés en chapeau du règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 précité, dont l’entrée en vigueur intervient au 1er janvier 2022, figure, en bonne place, le fait que « la production biologique contribue également à la réalisation des objectifs de la politique de l’Union en matière d’environnement », en particulier ceux énoncés par la Commission le 22 septembre 2006 dans sa communication intitulée « Stratégie thématique en faveur de la protection des sols », alors que l’extraction du sel de mine ne peut, par définition, contribuer à une telle orientation ;

Considérant que la production de sel de mine ne peut se prévaloir ni de respecter, ni, encore moins, de mettre en œuvre ne serait‑ce qu’un seul des dix objectifs dont la poursuite caractérise la production biologique aux termes de l’article 4 du règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 précité ;

Considérant, plus encore, que les modes de production de sel visés par une potentielle extension de la certification biologique, à l’instar de l’extraction du sel de mine, s’inscrivent en totale contradiction avec les principes généraux du règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 précité tels qu’affirmés à son article 5, visant en particulier le fait que toute production, pour être éligible à la certification biologique, doit relever d’une gestion durable respectant les systèmes et cycles naturels, maintenant et améliorant l’état du sol, de l’eau et de l’air, préservant les éléments de paysages naturels, le tout en faisant de l’énergie et des ressources naturelles telles que l’eau et les sols une utilisation responsable ;

Considérant parallèlement que le caractère biologique du produit fini ne dépend pas uniquement de la source de la production et de son mode d’extraction mais aussi de son traitement avant mise sur le marché et que, de ce point de vue, il apparaît nécessaire d’être assuré que le sel cristallisé ne subisse pas de traitement susceptible de le dénaturer, ni par lessivage qui altère ses propriétés chimiques, ni par ajout d’additifs ;

Considérant toutefois que l’intérêt de la diversité des différents modes de production, y compris du sel de mine, est certain, ne serait‑ce que pour assurer un volume de production garantissant les différents usages du sel indispensables à l’ensemble des activités économiques, mais que s’il est louable de vouloir faire progresser leur bilan et leur empreinte écologiques, le fait de les assimiler à l’exploitation naturelle des marais salants et salines constituerait une aberration tant juridique que technique ;

Considérant, au delà de la seule certification biologique des productions de sel, qu’une telle extension de son éligibilité serait de nature à créer un précédent remettant en cause la crédibilité globale de la certification européenne biologique et de nature à rompre la confiance que les consommateurs ont placée dans cette labellisation ;

Considérant, au surplus, que la France, par l’importance de l’exploitation artisanale salicole sur ses façades maritimes, particulièrement sur ses côtes atlantiques, mais aussi par l’importance de sa production industrialisée en Lorraine ou dans le sud du pays, a un rôle majeur à jouer dans l’affirmation et dans la consécration européenne de la nécessaire différenciation à opérer entre ces différents modes de production ;

Considérant enfin, sur ce dernier point, que la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne qui échoit à la France au 1er janvier 2022, date d’entrée en vigueur du règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 précité, constitue, à cet égard, une séquence des plus propices pour assumer une fonction de déclencheur et un effet de traction pour promouvoir une exigence renouvelée de la certification biologique européenne face à certaines velléités de lâcher prise ;

Invite le Gouvernement à se mobiliser pour la défense farouche du niveau d’exigence associé à la certification biologique du sel et à veiller à ce que les méthodes de production de sel incompatibles avec les principes généraux et le dispositif du règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 précité ne puissent pas être éligibles à cette certification biologique, certification biologique qui doit ainsi pouvoir continuer à justifier la confiance que les consommateurs accordent aujourd’hui aux produits étiquetés en tant que produits biologiques.

 

 

Délibéré en séance publique, à Paris, le 23 février 2022.

 

 Le Président,

Signé : Richard FERRAND

 

 

 


 


 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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