TEXTE ADOPTÉ  111

« Petite loi »

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

9 mai 2023

 

 

 

RÉsolution

 

visant à appeler la France et l’Union européenne à inscrire
le groupe militaire privé Wagner sur la liste des organisations terroristes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Assemblée nationale a adopté la résolution dont la teneur suit :

 

Voir le numéro : 1032.

 


1

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945,

Vu la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme signée à New York le 9 décembre 1999,

Vu le document de Montreux du 17 septembre 2008 sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées opérant pendant les conflits armés,

Vu la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies du 28 septembre 2001,

Vu la résolution 60/288 de l’Assemblée générale des Nations unies du 8 septembre 2006 relative à la stratégie antiterroriste mondiale de l’Organisation des Nations unies,

Vu la position commune 2001/931/PESC du Conseil de l’Union européenne du 27 décembre 2001 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme,

Vu le règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil de l’Union européenne du 27 décembre 2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme,

Vu la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme (2002/475/JAI),

Vu la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décisioncadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil,

Vu la résolution du Parlement européen du 5 mai 2022 sur les menaces pesant sur la stabilité, la sécurité et la démocratie en Afrique de l’Ouest et au Sahel (2022/2650 [RSP]),

Vu la résolution du Parlement européen du 23 novembre 2022 sur la désignation de la Fédération de Russie comme État soutenant le terrorisme (2022/2896 [RSP]),

Vu la résolution de l’Assemblée nationale n° 39 du 30 novembre 2022 affirmant le soutien de l’Assemblée nationale à l’Ukraine et condamnant la guerre menée par la Fédération de Russie,

Vu la résolution du Seimas de la République de Lituanie n° XIV‑1788 du 14 mars 2023 désignant la société militaire privée Wagner comme une organisation terroriste,

Considérant que la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 susvisée, réaffirmée dans la directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 susvisée, a posé que peuvent être considérés comme « actes de terrorisme » les actes intentionnels illégaux dans le droit national qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays et ont pour but soit de gravement intimider une population, soit de contraindre indûment des pouvoirs publics à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, soit de gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ;

Rappelant que l’entité militaire privée Wagner et ses dirigeants font l’objet de sanctions de la part de multiples pays, dont les États-Unis depuis 2017, le Royaume-Uni depuis 2020 et l’Union européenne depuis 2021 ;

Considérant que le groupe Wagner a pris, depuis le 24 février 2022, une part active aux combats en Ukraine et a, à cette occasion, commis de nombreuses exactions contre la population civile ainsi que contre les autorités ukrainiennes et les installations civiles, susceptibles pour certaines d’être qualifiées de crimes de guerre ;

Rappelant que près de quatre cents combattants affiliés au groupe Wagner ont eu pour consigne, au début de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, d’assassiner le président de la République d’Ukraine, M. Volodymyr Zelensky, ainsi que vingttrois autres responsables politiques, dans le but de déstabiliser l’État ukrainien ;

Considérant que le groupe Wagner a, selon les services de renseignement allemands, pris part aux exécutions sommaires, aux mutilations et aux actes de tortures commis envers les civils de la localité ukrainienne de Boutcha, qui ont causé la mort de près de quatre cent soixante personnes, dont des enfants ;

Rappelant que des membres du groupe Wagner ont, en juin 2017, en Syrie, torturé et décapité le citoyen syrien Mohammed Taha Ismail Al‑Abdoullah avant de mettre en ligne les vidéos de cette exécution ;

Rappelant que le groupe Wagner a commis, selon les témoignages recueillis en République centrafricaine par les experts des Nations unies, de nombreux actes d’intimidation et de torture, des violences sexuelles, des destructions d’habitations ainsi que des traitements cruels, humiliants, inhumains et dégradants, y compris sur des dépositaires locaux de l’autorité de l’État ;

Rappelant que le groupe Wagner a pris une part active aux opérations ayant eu lieu du 27 au 31 mars 2022 dans le village de Moura, au Mali, et ayant fait au moins trois cents morts, dont une grande majorité de civils ;

Considérant que le groupe Wagner a, selon les services de renseignement italiens, mis à prix la tête du ministre de la défense italien, M. Guido Crosetto, pour avoir pointé la responsabilité de cette entité dans l’exode des populations au sein des pays africains où elle est implantée ;

Considérant que le groupe Wagner a monté de vastes campagnes de désinformation ciblant de multiples pays d’Afrique afin de déstabiliser les gouvernements en place, comme récemment au Niger contre le président, M. Mohamed Bazoum ;

Rappelant que l’armée française est régulièrement la cible de campagnes et d’opérations de désinformation commanditées par le groupe Wagner, à l’instar du charnier artificiel qu’il a créé près de la base militaire de Gossi en avril 2022, dans le but d’accuser faussement les troupes françaises ;

Rappelant qu’Evgueni Prigojine a, au travers de sociétés écrans, mené de vastes campagnes de désinformation afin d’influer sur le processus électoral des élections présidentielles de 2016 aux États‑Unis et de 2017 en France ;

Rappelant que le ministre des Armées, M. Sébastien Lecornu, a déclaré que le groupe Wagner avait fait de la France son « ennemi numéro 1 » en Afrique, ciblant les intérêts français sur la base d’un « agenda d’agression » ;

Considérant que l’action de l’entité militaire privée Wagner constitue, selon plusieurs chancelleries occidentales, dont la France, un facteur de déstabilisation politique pour de multiples pays africains, se nourrissant des troubles politiques et conduisant des actions de prédation auprès des populations ;

Considérant que, par ses actions menées dans le but de mettre en œuvre une stratégie de terreur contre les populations civiles et ses opposants, de contraindre des pouvoirs publics ou encore de déstabiliser les structures fondamentales d’un pays, le groupe Wagner s’est rendu coupable de plusieurs actes pouvant être assimilés, au regard du droit de l’Union européenne, à des actes de terrorisme ;

Considérant le droit à la justice et à la réparation auxquelles aspirent les victimes des actes de terreur commis par le groupe Wagner ;

1. Invite le Gouvernement à se mobiliser diplomatiquement auprès de l’Union européenne afin d’inscrire l’entité militaire privée Wagner sur la liste de l’Union européenne des organisations terroristes ;

2. Invite le Gouvernement à intensifier, aux côtés de ses partenaires, la lutte contre les dirigeants, les membres et les soutiens du groupe Wagner, afin de contrer les multiples actions de déstabilisation dont il est la source ;

3. Invite le Gouvernement à soutenir les initiatives des instances internationales concernées afin d’enquêter sur les multiples exactions commises par le groupe Wagner à l’encontre des populations civiles, notamment en Ukraine et sur le continent africain ;

4. Invite le Gouvernement à s’investir au niveau diplomatique après des autres États membres des Nations unies, afin qu’ils inscrivent le groupe Wagner comme organisation terroriste ;

5. Appelle au renforcement des outils européens de lutte contre les groupes terroristes et les organisations criminelles, au regard des nouvelles formes d’action mises en œuvre par celles‑ci afin d’accroître leur pouvoir de nuisance, notamment dans le domaine de la désinformation ;

6. Appelle à une prise en charge toujours plus efficace des victimes du terrorisme, afin que les personnes concernées puissent obtenir justice et, le cas échéant, réparation.

 

 

Délibéré en séance publique, à Paris, le 9 mai 2023.

 

 La Présidente,

Signé : Yaël BRAUN-PIVET