TEXTE ADOPTÉ n° 38
« Petite loi »
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
29 janvier 2025
RÉsolution
L’Assemblée nationale a adopté la résolution dont la teneur suit :
Voir le numéro : 327.
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L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‐1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945,
Vu la déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948,
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,
Vu la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979,
Vu la résolution du Parlement européen du 6 octobre 2022 sur la mort de Mahsa Jina Amini et la répression des manifestants pour les droits des femmes en Iran (2022/2849 [RSP]) ainsi que toutes ses autres résolutions sur la situation des droits de l’Homme en Iran,
Vu la résolution du Parlement européen du 19 janvier 2023 sur la réaction de l’Union européenne face aux manifestations et aux exécutions en Iran (2023/2511 [RSP]),
Vu la résolution n° 35 de l’Assemblée nationale du 28 novembre 2022 en soutien au mouvement pour la liberté du peuple iranien,
Vu le régime existant de sanctions, instauré en 2011 par le Conseil de l’Union européenne et étendu entre 2021 et 2023, à l’encontre de personnes et d’entités iraniennes responsables de graves violations des droits humains en Iran ou ayant joué un rôle dans l’usage généralisé et disproportionné de la force contre des manifestants non violents à la suite de la mort de Mahsa Amini,
Vu le premier rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République islamique d’Iran présenté au Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies le 2 février 2024,
Constatant les graves violations des droits humains commises par les autorités iraniennes – et plus particulièrement par l’organisation paramilitaire et idéologique du corps des gardiens de la révolution islamique et la milice des bassidjis – lors des manifestations qui ont débuté le 16 septembre 2022, notamment des violations du droit à la vie, du droit de ne pas être soumis à la torture et à des mauvais traitements, du droit à la liberté et à la sûreté de sa personne, du droit à un procès équitable et à une procédure régulière, du droit à la liberté de religion, d’expression, de réunion pacifique et d’association, du droit à la vie privée, du droit à la santé, du droit à l’éducation ou encore du droit à disposer de moyens de subsistance et du droit au travail ;
Constatant que la République islamique d’Iran n’a eu de cesse de commettre toute une série d’actes qui constituent séparément des violations des droits humains dirigées contre des femmes, des filles et des personnes exprimant leur soutien à l’égalité des sexes et aux droits des femmes et des filles en Iran et qui forment ensemble une persécution fondée sur le genre ;
Considérant la discrimination structurelle et institutionnalisée à l’égard des femmes et des filles en Iran, profondément enracinée et généralisée dans tous les domaines de la vie publique et privée, ces dernières étant privées d’un grand nombre de droits fondamentaux ;
Considérant l’hyperviolence et la brutalité banalisée par le régime des mollahs pour imposer ses lois discriminatoires par le biais de meurtres, de disparitions forcées, d’emprisonnements, d’actes de torture, de viols et d’autres formes de violences sexuelles ;
Considérant le contexte géopolitique au Moyen‑Orient, rendant d’autant plus opaques et subsidiaires les discriminations et les violences perpétrées à l’encontre des Iraniennes ;
Considérant les avertissements datant de septembre 2024 des enquêteurs de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République islamique d’Iran, détaillant l’intensification des efforts de Téhéran pour réprimer les femmes et les filles ainsi que pour écraser les dernières initiatives du militantisme féminin ;
Prenant note de la qualification de ces violations graves des droits humains de « crimes contre l’humanité » par la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République islamique d’Iran ;
Considérant que celles‑ci ont été perpétrées dans le cadre d’une attaque systématique et généralisée contre la population civile, notamment les femmes et les filles ;
Prenant acte de l’établissement par la mission de persécutions fondées sur le genre, constitutives de crime contre l’humanité ;
Considérant l’implication de diverses branches des forces de sécurité de l’État, en uniforme ou en civil, en particulier celle des membres du corps des gardiens de la révolution islamique, de la milice des bassidjis, de la police des mœurs et du commandement des forces de l’ordre de la République islamique d’Iran et de ses forces spéciales ;
Considérant que l’implication du corps des gardiens de la révolution islamique et des bassidjis dans les violations de droits humains en Iran est documentée par des décennies de preuves ;
Constatant l’impunité générale et permanente dont bénéficient les auteurs présumés des violations des droits humains en Iran et qui engendre la généralisation de la torture, des exécutions extrajudiciaires et d’autres formes de violences, notamment sexuelles ;
Considérant que la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre ont des conséquences profondes et durables sur la santé mentale et physique des survivants ;
Considérant que les victimes sont privées de leur droit à l’égalité, à la vérité, à la justice et à des réparations ;
1. Condamne avec la plus grande fermeté les violations des droits humains en Iran, le recours massif à la peine de mort comme instrument pour distiller la peur ainsi que l’hyperviolence et la brutalité banalisée par le régime à l’égard des femmes et des filles ; condamne la discrimination systématique imposée par le régime iranien aux femmes au moyen de lois et de réglementations qui font peser d’importantes restrictions sur leurs libertés, leur vie et leurs moyens de subsistance ; renouvelle son soutien inconditionnel au mouvement iranien « femme, vie, liberté » ;
2. Rappelle le droit inconditionnel des femmes, partout dans le monde, à disposer de leur corps et donc de ne pas se voir imposer le port d’un vêtement ;
3. Appelle la France et l’Union européenne à inscrire le corps des gardiens de la révolution islamique et ses forces subsidiaires, telles que la milice des bassidjis ou la force Al‑Qods, sur la liste des organisations terroristes ;
4. Exhorte les autorités iraniennes à mettre fin à toutes les exécutions et à libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes arrêtées et détenues arbitrairement pour avoir participé aux manifestations, pour n’avoir pas respecté le port obligatoire du hijab ou pour s’être opposées à cette obligation, à abroger les lois discriminatoires à l’égard des femmes et des filles et à démanteler le système de persécution visant à faire respecter ces lois, conformément aux recommandations formulées par la mission internationale indépendante mise en place par les Nations unies ;
5. Exhorte le régime iranien à établir la vérité, à rendre justice et à accorder des réparations aux victimes des répressions liées aux manifestations qui ont débuté le 16 septembre 2022 ainsi qu’à leur famille ; appelle à cet effet le Gouvernement iranien à collaborer pleinement avec le rapporteur spécial et la mission internationale indépendante d’établissement des faits et à leur fournir les renseignements dont ils auront besoin pour s’acquitter de leur mandat ;
6. Encourage le Gouvernement à poursuivre ses efforts au niveau européen pour étendre le régime de sanctions à l’encontre des dirigeants iraniens qui ont ordonné, planifié et commis des violations généralisées et systématiques des droits fondamentaux des femmes et des filles en Iran ;
7. Encourage le Gouvernement à poursuivre la politique de responsabilisation des acteurs internationaux en engageant une réflexion sur l’inclusion des membres de la famille des responsables de haut rang visés par la politique européenne de sanctions ;
8. Encourage le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour étudier les moyens de saisir des juridictions nationales et internationales pour établir les responsabilités hors du pays et d’accorder aux victimes des réparations ;
9. Salue la mise en œuvre par la France d’une diplomatie féministe ambitieuse – sur les volets interne, international et en soutien aux Françaises à l’étranger – et encourage le Gouvernement à la renforcer, notamment en renouvelant la stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour les années 2024‑2027, outil de pilotage essentiel pour coordonner les actions de la France afin d’améliorer la situation des femmes et combattre et éliminer, partout dans le monde, toutes les formes de violence fondées sur le genre, en particulier les violences à l’égard des femmes et des filles.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 29 janvier 2025.
La Présidente,
Signé : Yaël BRAUN‑PIVET