Assises sur l'avenir de l’Europe
7 et 8 novembre 2001
à l'Assemblée nationale

Synthèse du dépouillement du Questionnaire en ligne

Ce questionnaire est un succès : 1 468 internautes y ont répondu au 5 novembre 2001. 

Le dépouillement des réponses fait apparaître des tendances fortes sur les attentes - mais aussi les craintes - du public vis-à-vis de la construction européenne.

Attention ! ce questionnaire ne saurait avoir de valeur scientifique. A la différence des sondages, qui reposent sur les réponses d’un panel supposé être représentatif de la société française, une consultation Internet ne s’adresse qu’aux seuls internautes - et parmi eux à ceux qui font la démarche volontaire de répondre. Il faut donc se garder de considérer les réponses en ligne comme une mesure quantitative statistiquement représentative des opinions de la population française. En revanche, ces réponses fournissent des orientations sur les diverses perceptions de l'Europe qui prévalent chez nos concitoyens.

·  Les trois objectifs les plus souvent cités pour la construction européenne - à partir d’une liste proposée - ont été : " Préserver la paix et la sécurité entre les peuples européens " (681 votes), " Agir pour le développement durable " (635) et " Promouvoir un modèle social européen face à la mondialisation " (541). … Les objectifs les moins souvent cités ont été : " Aider les entreprises à se développer"  (70), " Créer un gouvernement économique européen " (188) et " Garantir la sécurité de peuples contre les nouvelles menaces (crime organisé, crises sanitaires…) " (208).

Invités ensuite à définir les principaux éléments du modèle social européen, les internautes ont proposé : la garantie aux salariés de leurs droits, la sécurité sociale pour tous, la solidarité entre générations et entre parties du territoire, la pérennité du service public, une aide médicale gratuite pour tous les Européens, la prise en compte de l’humain avant l’économique, la généralisation des conventions collectives, des minima sociaux homogènes en Europe, le respect du droit syndical, la création d’un contre–modèle au modèle utra–libéral américain, la limitation du poids du facteur " profit ", le partage des richesses produites par la Nation

De toute évidence, les internautes considèrent que l'Union européenne doit poursuivre des objectifs politiques et sociaux plutôt que strictement économiques.

A la question libre " Quelle Europe voulez-vous en 2010 ? ", les réponses ont été les plus diverses. On citera : " Une Europe proche des gens, des individus oeuvrant dans une véritable lutte contre les différentes exclusions, contre la pauvreté, contre le chômage, avec de vrais dispositifs ", " Une Europe qui pratique vraiment la subsidiarité, c'est à dire une Europe qui ne fait que ce qu'elle peut mieux faire que l'État et non qui laisse à l'État ce qu'il sait mieux faire que l'Europe. Décentralisons l'Europe !  "; " Une Union européenne de la culture et de l'humanisme, qui ait à proposer aux citoyens des objectifs plus exaltants que la mise en place d'une monnaie commune au nom rébarbatif, qui ne soit pas seulement une machine à produire des textes et à réguler l'économie, mais un instrument de fraternité dans la richesse des diversités "; " Une Europe des nations, sans euro, ni fédéralisme, mais avec des coopérations sectorielles renforcées ", " Les États-Unis d'Europe ", " Une Europe renforcée dans ses compétences économiques et fiscales, sociales et de gestion des flux migratoires, visant à une harmonisation dans ce sens pour éviter une concurrence déloyale entre les États membres en matière économique, la mise en place d'une véritable politique étrangère et de défense commune capable de faire de l'Union un partenaire essentiel et indispensable sur la scène internationale mais tout en préservant dans les autres domaines, culture, éducation, lois civiles et pénales...  ". Enfin, on notera cette intéressante tentative pour définir à la baisse les compétences de la construction européenne : " Je souhaite que l'Europe soit une confédération, et que la délégation à l'organe commun ne porte que sur la défense et la sécurité du territoire européen, la défense des intérêts économiques externes à l'Europe, la liberté d'entreprendre et l'égalité économique des chances interne à l'Europe et des structures commune à l'Europe, souples légères et dynamiques ".

·  Les domaines les plus souvent cités où l’Europe n’aurait pas dû intervenir sont l’harmonisation des règles de composition de produits alimentaires comme le chocolat (813 votes), la réglementation de l’heure d’été (489) et la réglementation des dates de chasse pour protéger les espèces (494). Les internautes n’ont été que 81 à estimer que l’Union européenne ne devrait pas aider à la prévention des maladies graves et 149 à contester la compétence de l’Europe pour lancer des programmes de luttes contre la pauvreté.

·  Les actions à entreprendre par l’Union devraient être de préférence une harmonisation des diplômes et des qualifications (1 003), une agence européenne de la santé (783) et une politique européenne d’asile et d’immigration (842). En revanche, l’harmonisation du droit de grève n’a été souhaitée que par 468 participants. D’autres actions nécessaires ont été suggérées : la possibilité d'une nationalité européenne (et non plus une simple citoyenneté), la fin des paradis fiscaux dans l'Union, la taxe Tobin dans la zone euro, une politique européenne en faveur de la natalité, la préférence communautaire dans tous les échanges commerciaux, des normes obligatoires en matière de protection de l'environnement, des programmes communs de recherche, une harmonisation de la fiscalité dans les domaines du sport et de la restauration, un système européen de retraite, l’élaboration d’un code européen du travail (et de l’écologie), une carte d’identité européenne…

·  Une majorité des internautes (59,7 %) est favorable à l’élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Parmi les motifs invoqués, on peut citer : le fait qu'ils sont européens, la nécessité d'assurer la stabilité régionale et le développement (économique, social....) de ces pays, l'impossibilité de restreindre l'UE à un club fermé de pays riches, l'opportunité de repenser l'idée que l'on se fait de l'Europe, de définir clairement les frontières du continent, et d'aider des pays longtemps traumatisé par leurs régimes politiques…. Ceux qui sont hostiles à l'élargissement invoquent : le fait qu'on n'ajoute pas 30 wagons à un train dont la locomotive ne marche pas, le risque d'un renforcement massif de la mondialisation et du libéralisme financier et économique au détriment de l'individu, le mot du Général de Gaulle favorable à une " Europe des patries de l'Atlantique à l'Oural ", la situation ^économique des pays de l'Est qui coterait cher a l'Union, et donc à la France.

·  Vous êtes également 75 % à souhaiter l’instauration d’un gouvernement européen afin, parmi les motifs cités, de faciliter l'administration des domaines de compétence, d'avoir des règles communes et non plus des règles nationales, de permettre à l'Europe de s'imposer comme puissance politique au reste du monde, d’avoir une expression citoyenne ou d'avoir un exécutif clairement identifié dont les missions seraient également définies. Un autre invoque la nécessité d'avoir un " Monsieur " ou une " Madame " Europe, pour mener une action plus cohérente dont les décisions ne seraient plus prises à la majorité qualifiée. Ceux qui sont favorables à cette idée de Gouvernement européen se répartissent de façon à peu près égale entre les trois options proposées : un Gouvernement constitué autour de la Commission européenne (157 voix), du Conseil des ministres (159) et du Conseil européen (219).

L’option intergouvernementale – Conseil et Conseil européen – l’emporte toutefois nettement sur l’option " supra–nationale " à partir de la Commission.

Ceux qui sont hostiles à un gouvernement européen invoquent la nécessité de laisser leur souveraineté aux États membres, " parce que ce sont eux qui connaissent le mieux les problèmes de leur pays ". Un Gouvernement européen serait, selon l'un, " la fin de l'autonomie des États, déjà que la Commission régit parfois un peu trop de choses sans consulter les peuples...!!! ". " Nous ne devons pas chercher à "créer" de toutes pièces un État européen ", indique un autre internaute, ni " une sorte d'empire carolingien moderne. Ce serait un gouvernement encore moins abordable, plus lointain et certainement encore plus opaque "..

·  L’idée d’élire un Président de l’Europe par les citoyens européens recueille l’accord de 62,7 % des internautes. Cette élection devrait se faire de préférence au suffrage universel direct (662 votes) plutôt que par une assemblée de parlementaires (Parlement européen + parlements nationaux) réunis en Congrès (207).

·  Une écrasante majorité se prononce en faveur de l’élaboration d’une Constitution européenne (78,8 % de oui). Le motif le plus souvent indiqué, à partir d’une liste de choix, est qu’une Constitution serait le moyen d’affirmer dans le préambule de cette constitution les droits des citoyens et les objectifs de l’Union (800), de permettre aux citoyens de participer à la définition des règles de fonctionnement de l’Europe (753), de dire " qui fait quoi ? " dans l’Union (694) et d’améliorer la lisibilité et la transparence des textes fondateurs (687). L’argument plus technique - modifier les textes plus facilement sans ratification obligatoire par États - est moins souvent invoqué. Pour ceux qui sont opposés à une Constitution, la raison la plus souvent citée est que l'Union n’est ni un État, ni une Nation. D'autres motifs libres sont avancés : une fédération européenne serait " contraire à la constitution française, qui veut que la Nation soit une, indivisible... et inaliénable ", " la souveraineté nationale est inaliénable et imprescriptible ", " La Constitution de la France est, et doit rester la norme suprême ". " Il est encore trop tôt ; il faut que les mentalités évoluent et que cette demande vienne des citoyens ", " quelle place dans une hiérarchie des normes pour une Constitution européenne ? Une refonte des traités constitutifs avec la proclamation claire des droits de l’homme dans un seul traité serait, à mon avis suffisant, le seul but étant d’améliorer la lisibilité des textes et les rôles propres à l'Union européenne ". D'autres évoquent " la crainte que cela aille avec une uniformité croissante " et le fait que " les États-nations n’ont pas fini de se développer et d’évoluer ".

·  Les internautes sont favorables à un renforcement du rôle des parlements nationaux mais à une très légère majorité (688 voix pour, 684 contre). Ceux qui y sont favorables citent de manière assez équilibrée les choix proposés : nécessité de préserver les souverainetés nationales, proximité des électeurs, nécessité de renforcer le contrôle parlementaire sur les institutions européennes. D’autres motifs libres sont invoqués : le respect du principe de subsidiarité, le fait que les parlements nationaux ont des compétences qui sont détournées par le biais du droit dérivé, ou qu’ils représentent les nations et sont le principal dépositaire de la légitimité (" Dans l’hypothèse d’une possibilité de veto d’un État membre sur une décision européenne, il convient que ce soit le Parlement qui se prononce et non le Gouvernement "). Ceux qui sont hostiles à un poids plus important des parlements nationaux dans les affaires de l’Union évoquent dans leur grande majorité le renforcement nécessaire du Parlement européen dans sa vocation à représenter le peuple européen.

On notera qu’une faible majorité d’internautes est hostile à la création d’une commission des affaires européennes aux lieu et place de l’actuelle Délégation. L’argument selon lequel c’est aux commissions permanentes de plus s’impliquer dans les affaires européennes recueille d’ailleurs l’accord de 62 % des répondants.

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