René Moatti

1905 - 1996

Informations générales
  • Né le 26 octobre 1905 à Sétif (Maroc)
  • Décédé le 1er janvier 1996 à Mouans-sartoux (Alpes-Maritimes - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Seine
Groupe
Rassemblement du peuple français
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 9 décembre 1958 au 25 avril 1961
Département
Seine
Groupe
Union pour la nouvelle République

Biographies



Né le 26 octobre 1905 à Sétif (Algérie)
Décédé le 1er janvier 1996 à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes)

Député de la Seine de 1951 à 1955

René Moatti est issu d'une famille juive fixée de longue date en Algérie, politiquement plutôt orientée à gauche. Son père, l'avocat Emile Moatti, fut président de la Fédération radicale algérienne et dignitaire de la loge maçonnique Le Soleil levant d'Alger, conseiller général et adjoint au maire d'Alger. Son frère, Pierre-Jean Moatti, a fait carrière dans l'administration après avoir servi divers ministres du Front populaire. Après le baccalauréat, il entame des études de droit à la faculté d'Alger. Il obtient sa licence en 1927 et s'inscrit alors comme avocat à la cour d'appel d'Alger où il exerce jusqu'en février 1942, date de la prononciation de sa radiation du barreau par les autorités françaises du gouvernement de Vichy en Afrique du Nord pour raison raciale. Celles-ci le soupçonnaient en outre, à juste titre, d'appartenir à la résistance. Cette disgrâce est passagère car il est réintégré dans ses fonctions en décembre de la même année. L'assassinat de Darlan conduit Giraud à le faire interner quelques temps. Rapidement remis en liberté, il continue, tout en reprenant la robe, de militer dans la mouvance gaulliste d'Alger aux côtés de René Capitant et de Louis Joxe. Il participe, en juillet 1944, au débarquement de Provence de la 1re armée française. Ses services rendus à la résistance comme son engagement militaire lui valent la croix de guerre, la rosette de la Résistance et la Légion d'honneur.

Les distinctions ne se limitent cependant pas à ces décorations, puisqu'il est nommé en juin 1945 directeur de cabinet de Jacques Soustelle aux ministères de l'information puis des colonies. Après un passage au « Corps franc d'Afrique », il avait noué connaissance et travaillé avec ce dernier en novembre 1943 à Alger alors que celui-ci y assurait la direction générale des services spéciaux. Il vérifiait alors l'authenticité des résistants. A l'information, il s'occupe prioritairement de l'épuration de la presse de Vichy et de la répartition des biens des entreprises de presse interdites à la Libération. La démission du général de Gaulle de la présidence du Conseil, le 20 janvier 1946, entraîne le départ de Soustelle et met un terme aux fonctions de Moatti. Il reprend alors sa profession d'avocat et, définitivement installé en métropole avec son épouse, il s'inscrit à la cour d'appel de Paris. Son retour à la vie civile est de courte durée puisque, l'année suivante, il participe à la fondation du Rassemblement du peuple français au conseil national duquel il siège et dont son mentor devient secrétaire général. Il s'occupe alors tout particulièrement de la propagande du parti gaulliste.

L'engagement politique de René Moatti épouse alors une trajectoire plus active. Sur les injonctions de Soustelle, il est candidat aux élections municipales d'octobre 1947 à Paris. Elu conseiller dans le sixième secteur de la capitale et, dans le même temps, conseiller général de la Seine, il gravit sans peine les différents échelons de la hiérarchie édilitaire et accède même, le 17 novembre 1952, à la présidence du Conseil municipal au troisième tour de scrutin, malgré la défection d'un certain nombre de conseillers gaullistes dissidents, dont Jean-Louis Vigier et Jacques Féron, qui se joignent au RGR et aux Indépendants en vue des élections municipales. Réélu en avril 1953 malgré une offensive du même type, il ne conserve son écharpe qu'un mois, le Conseil municipal se devant de désigner chaque année un nouveau président.

La carrière parlementaire ne s'ouvre à lui que plus tardivement. Trop récemment entré en politique, il ne brigue pas de mandat de député lors des élections de la première Assemblée nationale en 1946. En revanche, celles de 1951 lui offrent son premier baptême du feu électoral de dimension nationale, dans la deuxième circonscription de la Seine. Naturellement rangé sous les couleurs du Rassemblement du peuple français (RPF), il est candidat sur la liste gaulliste en troisième position, derrière le professeur de médecine Louis Pasteur Vallery Radot, petit-fils du grand biologiste, et Pierre Ferri, alors vice-président du Conseil municipal. Il est cependant l'homme-orchestre de ce scrutin, ses devanciers tenant essentiellement le rôle de caution morale à la liste.

Cette circonscription, pourvoyeuse de onze députés à la Chambre, majoritairement acquise à la droite, sécréta une multiplicité de candidatures.

La liste du RPF arrive largement en tête au soir du 17 juin 1951. Avec 100 985 des 416 592 suffrages exprimés, soit 24,2 % des voix, la liste gaulliste obtient trois sièges, loin devant celles du Parti communiste, du RGR apparenté au Parti républicain radical et radical-socialiste et de la SFIO.

René Moatti appartient aux commissions de l'intérieur, de la justice et de la presse, puis, à partir de 1953, celle des finances. Son activité au Parlement se limite au seul exercice des interventions, d'une remarquable diversité par ailleurs. Il ne dépose en effet, tout au long de la deuxième législature, aucune proposition de loi ou de résolution. Parmi ses sujets d'élection, souvent liés à son appartenance à telle ou telle Commission, on trouve, entre autres, diverses questions relatives à l'aviation civile et commerciale et à la compagnie Air France, tant du point de vue économique et compétitif que social, ou ressortissant à la lutte contre l'alcoolisme, à la revalorisation salariale des magistrats. La défense du cinéma de langue française, son financement, l'examen de l'autorisation ou de l'interdiction de certains films soulèvent également son vif intérêt. Ainsi milite-t-il, le 9 mars 1954, pour la révision de la censure frappant le film d'André Cayatte Avant le déluge.

Il vote les lois Marie et Barangé favorables à l'enseignement privé en septembre 1951, contre la ratification du traité de la Communauté européenne charbon-acier (CECA) le 13 décembre 1951, s'abstient lors des investitures de René Pleven, d'Edgar Faure, dont il vote la chute en mars 1952, ou encore d'Antoine Pinay. Absent lors de l'investiture de Joseph Laniel, le 26 juin 1953, il lui accorde néanmoins sa confiance lors de la chute de son cabinet le 12 juin 1954. Il s'abstient volontairement lors de l'investiture de Pierre Mendès France, le 17 juin 1954, alors que la plupart des élus gaullistes votent favorablement. Il se démarque encore un peu plus de son groupe en étant l'un des treize députés qui votent contre la ratification des accords de Genève, le 20 juillet 1954. Le 30 août, il soutient la motion Aumeran qui enterre le projet de la Communauté européenne de défense (CED). Il s'abstient volontairement lors du vote de ratification des accords de Londres, le 12 octobre 1954. En contradiction avec ses précédents votes, il accorde sa confiance à Mendès France lors de sa chute le 5 février 1955, par reconnaissance envers sa décision d'avoir nommé Jacques Soustelle comme gouverneur général de l'Algérie. Il vote la confiance à Edgar Faure, le 29 novembre, après avoir entre-temps soutenu la loi sur l'état d'urgence en Algérie le 31 mars. L'ensemble de ces votes ne relève pas d'une très grande cohérence et dénote un gaulliste particulièrement conservateur.

La grande préoccupation de ce pied noir d'origine demeure néanmoins la situation de l'Afrique du Nord, en particulier de l'Algérie. Il intervient brièvement sur cette question le 2 février 1955, mais se distingue surtout, le 13 octobre, par un long plaidoyer en faveur de la politique d'intégration algérienne du gouverneur général Jacques Soustelle. Après avoir rappelé que cette intervention était véritablement sa première et reconnu s'être acquitté jusqu'alors du devoir de discrétion que devait observer, selon lui, tout député nouvellement élu, il s'exprima pour le maintien inaliénable de l'Algérie dans la République et s'opposa à la « Motion des 61 » qui regroupait la plupart des élus algériens, hostiles à l'intégration et favorables à la marche progressive vers l'autonomie. Cette intervention ne manqua pas de provoquer les quolibets, l'ire et l'interruption des députés du second collège.

Le soutien des députés issus du RPF aux accords de Genève comme à la politique tunisienne de Mendès France conduit René Moatti à démissionner du groupe gaulliste le 24 juillet 1954 et à siéger parmi les non-inscrits et non plus au sein du groupe des Républicains d'action sociale fondée en mai 1953.

En janvier 1956, il renonce à solliciter une nouvelle fois la confiance des électeurs et met volontairement entre parenthèses sa carrière parlementaire. Il a, tout au long de la deuxième législature, appartenu au groupe parlementaire de la Ligue internationale contre l'antisémitisme.

Le parcours politique de René Moatti aura donc été doublement guidé par son indéfectible fidélité à Jacques Soustelle et son profond attachement au maintien de l'Algérie dans la République française. Il doit attendre le retour aux affaires du général de Gaulle, en juin 1958, pour retrouver, le 30 novembre, son siège de député dans la 7e circonscription de la Seine (9e arrondissement de Paris). Il se désolidarise rapidement de la politique algérienne du chef de l'Etat. Dans le sillage du renvoi de Soustelle du gouvernement Debré, René Moatti démissionne du groupe UNR de l'Assemblée à l'instar de Pierre Picard, Charles Béraudier et Jean Mirot. Il participe au « colloque de Vincennes » organisé le 17 juin 1960 en écho à la création du Front de l'Algérie française. Ulcéré par le discours prononcé le 11 avril 1961 par de Gaulle qui évoque un « Etat algérien souverain », René Moatti démissionne alors de l'Assemblée nationale. Candidat sans étiquette à sa propre succession lors de la partielle qu'il a lui-même provoquée, il est battu le 11 juin par un autre gaulliste, de quatorze ans son cadet, Gabriel Kaspéreit. Revenu à la profession d'avocat, René Moatti demeure dans l'orbite d'un Soustelle en exil dont il plaide régulièrement la cause, notamment dans diverses affaires de diffamation.



MOATTI (René, William)
Né le 26 octobre 1905 à Sétif (Algérie)
Décédé le 1er janvier 1996 à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes)

Député de la Seine de 1951 à 1956 et de 1958 à 1961

René Moatti retrouve son siège de député de Paris, à l’occasion des élections législatives des 23 et 30 novembre 1958. Investi par l’Union pour une nouvelle République (U.N.R.), il est candidat dans la septième circonscription de la capitale, qui correspond aux limites du neuvième arrondissement de Paris. Au soir du premier tour, il est en troisième position parmi les treize candidats en lice, derrière la conseillère générale et avocate, Janine Alexandre-Debray et le député sortant Alexis Thomas, investi par l’Union nationale républicaine et sociale, en rassemblant 8 019 des 46 393 suffrages exprimés. La semaine d’après, il est en tête des cinq candidats encore présents au second tour, avec près d’un millier de voix d’avance sur son principal adversaire : il obtient 13 420 des 45 649 suffrages exprimés. Secondé par son suppléant, l’agent commercial Jacques Milloux, le député de la septième circonscription de Paris a mené une campagne en son nom personnel, considérant que « les organisations ne sont pas faites pour la lutte politique ». Investi cependant par l’U.N.R., il fait de sa fidélité au gaullisme l’astringent de son engagement. En tête de sa profession de foi, figurent la défense de l’émancipation des femmes et la défense – essentiellement fiscale - des commerçants desquels il se déclare « le confident ». Il reste que l’Algérie, qu’il souhaite voir demeurer française, est au centre de ses préoccupations. Porté par l’ambition de sauvegarder « l’ensemble France-Afrique », il ne conçoit justement ce dessein sans « le sauvetage » du pays qui en sera « le pivot » : l’Algérie.
A son arrivée à l’Assemblée nationale, il s’inscrit au groupe gaulliste de l’U.N.R. dans lequel il ne siège que quelques mois. A compter du 10 mai 1960, à la suite du renvoi de Jacques Soustelle du gouvernement, il cesse d’y appartenir, et siège parmi les non-inscrits. Ses collègues Pierre Picard, Charles Béraudier et Jean Mirot font de même. René Moatti est nommé membre de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, et en devient le président, le 30 janvier 1959. Il quitte également cet aréopage, au mois de mai 1960, pour quelques mois seulement, avant de le réintégrer le 11 octobre suivant. Par ailleurs, il est nommé membre de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi portant séparation du culte musulman et de l’Etat, à partir du 20 octobre 1959. Le 8 juillet de la même année, il est élu membre du Sénat de la Communauté.
Au cours de son mandat, le député gaulliste de la Seine dépose une proposition de loi constitutionnelle, le 18 octobre 1960, tendant à la révision des articles 5, 6, 8, 11, 12, 16, 18 et 20 de la Constitution. En séance publique, il prend la parole à l’occasion de onze discussions différentes, comme président de la commission des lois. A ce titre, le 28 avril 1959, il est rapporteur d’une proposition de résolution tendant à compléter les règles provisoires de fonctionnement de l’Assemblée nationale. Les 8 et 24 juillet 1959, il prend part à la discussion très vive, relative au projet de loi, adopté par le Sénat, portant amnistie. A ce titre, il défend l’amnistie des faits commis par des titulaires de la médaille de la Résistance. Il répond aux propos de Jean-Marie Le Pen, député de Paris, qui souhaite voir la grâce amnistiante s’étendre aux anciens combattants des territoires d’opérations extérieures (T.O.E.). Il suggère la distinction entre les crimes de droit commun et les crimes commis à l’occasion d’événements politiques.
Il s’intéresse plus longuement aux questions juridiques en lien avec les baux immobiliers et commerciaux. Le 21 juillet 1959, il questionne le gouvernement sur ses promesses d’accepter l’inscription des propositions de loi relatives à la modification de la législation sur les loyers commerciaux. Quelques jours plus tard, il est rapporteur suppléant d’une proposition de loi tendant à modifier le Code civil, dans sa partie relative aux dons ou legs d’immeubles ou d’exploitations agricoles faits à un successeur sans obligation de rapport en matière. Le même jour, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, il intervient dans la discussion d’une proposition de loi tendant à l’augmentation des rentes viagères constituées entre particuliers. Il regrette la présence d’obstacle mis aux travaux parlementaires dans la délibération sur cette question. A nouveau, le 1er décembre 1959, il est l’orateur de son groupe dans la discussion de la proposition de loi relative aux baux commerciaux.
L’Algérie et la politique du gouvernement en ce domaine le préoccupent. Le 2 février 1960, il prend la parole dans la discussion du projet de loi autorisant le gouvernement à prendre certaines mesures relatives au maintien de l’ordre, à la sauvegarde de l’Etat, à la pacification et à l’administration de l’Algérie. Il considère la demande de constitution d’une commission spéciale comme une « manœuvre dilatoire », la « suppression de toute possibilité d’un contrôle parlementaire ultérieur ». Le 17 juin 1960, il participe au « colloque de Vincennes », en écho à la création du front de l’Algérie française. C’est comme simple député que, le 7 décembre suivant, il réagit à la déclaration du Premier ministre sur l’Algérie. Il regrette l’évolution de la pensée du chef de l’Etat. Il s’en prend aux institutions fondatrices du régime, considérant l’existence de « deux constitutions contradictoires, l’une écrite, l’autre non écrite ». Il considère le référendum comme « inconstitutionnel ». En opposition avec le général de Gaulle et son souhait d’un « Etat algérien souverain », exposé dans le discours du 11 avril 1961, et conformément à l’engagement pris devant ses électeurs, il annonce la démission prochaine de ses fonctions de député. Elle prend effet le 25 avril 1961.
Fidèle à de Gaulle dans la guerre, il avait souhaité lui témoigner son soutien dans la paix. La question algérienne l’en a dissuadé, en tout cas à partir de 1960. Ses votes émis au cours de la législature en témoignent. Ainsi, le 16 janvier 1958, approuve-t-il le programme du gouvernement de Michel Debré. Il en fait de même, le 15 octobre suivant. Il vote en faveur du projet de loi défendu par le Premier ministre, et visant à harmoniser les relations entre l’Etat et l’enseignement privé. Il vote pour le texte gouvernemental relatif aux pouvoirs spéciaux, le 2 février 1960. Il fait de même pour la réforme constitutionnelle du 11 mai de la même année, relative au titre XII de la Constitution sur la Communauté. En 1961, sa démission, preuve de ses convictions, ne lui permettra pas de s’exprimer sur la nomination de Georges Pompidou à la tête du gouvernement, le 14 avril 1962, ni de voter la motion de censure, le 4 octobre suivant.
Candidat à sa succession lors de l’élection législative partielle consécutive à sa démission, le 11 juin qui suit, il ne parvient pas à conserver son siège. Secondé par son nouveau suppléant Michel de Grosourdy, directeur de collections, il est battu par le jeune gaulliste Gabriel Kaspereit, bien implanté dans le neuvième arrondissement de Paris. Il ne parvient à se classer qu’en quatrième position, avec 2 991 des 22 096 voix, derrière le vainqueur (U.N.R.), l’avocate et conseillère générale Janine Alexandre-Debray (Centre national des indépendants), et le professeur Raymond Barbe (PCF).
René Moatti retrouve alors son activité professionnelle d’avocat. Il reste fidèle à l’Algérie française et à Jacques Soustelle qui n’auront pas connu de défenseur aussi constant et acharné. Par ailleurs, son nom est indirectement rendu célèbre, alors qu’il est l’avocat de l’acteur français Alain Delon. Retiré sur la Côte d’Azur, cette personnalité entière disparaît le 1er janvier 1996, à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), à l’âge de 90 ans.