Philippe Séguin

1943 - 2010

Informations générales
  • Né le 21 avril 1943 à Tunis (Tunisie)
  • Décédé le 7 janvier 2010 à Paris (Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 2 avril 1993 au 21 avril 1997

Mandat(s)

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIe législature
Mandat
Du 3 avril 1978 au 22 mai 1981
Département
Vosges
Groupe
Rassemblement pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 2 juillet 1981 au 1er avril 1986
Département
Vosges
Groupe
Rassemblement pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 2 avril 1986 au 2 avril 1986
Département
Vosges
Groupe
Rassemblement pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IXe législature
Mandat
Du 13 juin 1988 au 1er avril 1993
Département
Vosges
Groupe
Rassemblement pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Xe législature
Mandat
Du 2 avril 1993 au 21 avril 1997
Département
Vosges
Groupe
Rassemblement pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIe législature
Mandat
Du 1er juin 1997 au 18 juin 2002
Département
Vosges
Groupe
Rassemblement pour la République

Fonds d'archives

Les Archives nationales sont dépositaires de trois fonds concernant Philippe Séguin, regroupés dans un unique inventaire constituant une source de tout premier plan pour l’histoire politique française de la fin du XXe siècle.

Le fonds privé 697AP est issu d’un dépôt par ses enfants des archives personnelles de Philippe Séguin, qui se trouvaient dans sa maison familiale.
Le fonds 20150751 a été versé par le ministère des Affaires sociales et de l’emploi dont Philippe Séguin fut ministre, lors du gouvernement de première cohabitation, entre 1986 et 1988.
Le fonds 20130599 a été versé par la Cour des comptes dont Philippe Séguin fut Premier président de 2004 à 2010.

Ces fonds rassemblent les papiers personnels, la correspondance, les dossiers relatifs à sa carrière professionnelle et politique, ses discours politiques, ses relations avec les médias, ses ouvrages, sa documentation. Des supports audiovisuels et numériques et des photographies complètent utilement le fonds.

Cet inventaire donne un état exhaustif des sources complémentaires de ces fonds.
Une mention particulière doit être faite des archives relatives à ses élections dans sa circonscription des Vosges ainsi qu’à ses élections à la mairie d’Épinal qui peuvent être consultées aux Archives départementales des Vosges.

L’action de Philippe Séguin en qualité de maire d’Épinal (1983-1997) se retrouve dans de nombreux fonds disponibles aux Archives municipales.


Le cabinet de Philippe Séguin Président de l’Assemblée nationale (1993-1997) a versé ses archives aux archives de l’Assemblée nationale (2005-002). La division des archives conserve également différents comptes rendus d’entretien et un certain nombre de documents correspondant à cette fonction.

Biographies

Biographie de la Ve République

SÉGUIN (Philippe)
Né le 21 avril 1943 à Tunis
Décédé le 7 janvier 2010 à Paris

Député des Vosges de 1978 à 1986 puis de 1988 à 2002
Président de l'Assemblée nationale de 1993 à 1997
Ministre des Affaires sociales et de l'emploi de 1986 à 1988

Né le 21 avril 1943 à Tunis dans une famille modeste, Philippe Séguin est le fils de Robert Séguin et de Denyse Daniele, institutrice. Aspirant dans le 4ème régiment de tirailleurs tunisiens, Robert Séguin meurt au combat à 23 ans le 7 septembre 1944 au col de Ferrière, près de Clerval dans le Doubs. Le 11 novembre 1949, âgé de six ans seulement, Philippe Séguin reçoit à Tunis au nom de son père la médaille militaire et la Croix de Guerre. En hommage à ce père tombé pour la France, et dont l’absence marque profondément toute sa vie, le député des Vosges persuade un demi-siècle plus tard le ministre de la Défense François Léotard de rebaptiser le 170ème régiment d’infanterie, en garnison à Epinal, le 1er régiment de tirailleurs, régiment qui perpétue les traditions de l’armée d’Afrique avec ses uniformes, sa musique et son bélier. Par ailleurs, Philippe Séguin refusa d’être décoré de la Légion d’honneur au motif que l’aspirant Séguin, qui l’aurait grandement méritée, ne l’avait pas reçue de son vivant.

Elevé par son grand-père et sa mère institutrice, il suit des études au lycée Carnot de Tunis comme pupille de la Nation. Déjà passionné par le sport, il devient champion d’Afrique du Nord de 110 mètres haie. Après l’indépendance de la Tunisie, la mère de Philippe Séguin s’installe à Draguignan. Son fils poursuit ses études à l’Ecole normale d’instituteurs dans le Var, puis dans le Gard, à Nîmes, où il passe son baccalauréat.. Des études d’histoire à la Faculté des lettres d’Aix-en-Provence le conduisent jusqu’à la licence puis au diplôme d’études supérieures (DES). C’est à cette période qu’il s’engage dans le militantisme politique en prenant en 1962 la vice-présidence de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) locale qui s’est opposée les années précédentes à la poursuite de la guerre en Algérie. Proche alors des idées du Parti socialiste unifié (PSU), il découvre le journalisme en 1963-1964, comme pigiste au quotidien Le Provençal lié à la SFIO. Démarché par Gaston Defferre, il préfère poursuivre ses études à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence dont il sort major en 1967 (avec la meilleure moyenne jamais obtenue par un élève de cet établissement). Cet étudiant brillant réussit l’année suivante le concours de l’ENA et fait partie de la « promotion Robespierre » (janvier 1968-mai 1970), comme Jacques Attali auquel il restera lié. Il se rapproche des gaullistes à partir de la campagne présidentielle de 1965. C'est du fait de son engagement contre la guerre d’Algérie qu'il devient gaulliste. « C’est la guerre qu’il fallait attaquer et combattre. Non ses effets. », écrit-il dans Itinéraire dans la France d’en bas, d’en haut et d’ailleurs (Seuil, 2003) « Or il n’y avait pour moi que deux manières d’agir complémentaires. Continuer-fût-ce modestement, mais nous n’étions pas modestes ! – à faire évoluer l’opinion publique. Et puis : soutenir de Gaulle, parce qu’il avait déjà mené nos possessions d’Afrique sans drame, à l’indépendance, parce qu’il était clair qu’il était le seul à pouvoir imposer la paix et qu’il apparaissait, de plus en plus nettement, qu’il y était résolu. »

Il apprend à Tahiti, où il effectue son stage administratif au cabinet du gouverneur de Polynésie française, de février à août 1968, les événements de Mai 68 dont les échos parviennent à peine dans le Pacifique. Le 20 juin, il est nommé chef de la circonscription par intérim des Iles du Vent (Tahiti). Déjà sensibilisé à la France ultramarine par ses origines, il conserve de ce court séjour polynésien un intérêt très fort pour les DOM-TOM. De retour en métropole en septembre 1968, il entre pour deux mois au cabinet du préfet de l’Ain. Son stage d’entreprise a lieu de novembre 1968 à janvier 1970 aux raffineries de sucre de Saint-Louis. À la sortie de l’ENA, le voici dès juin 1970 auditeur de 2ème classe à la Cour des comptes. Mis pour un an à la disposition du ministère de l’Education nationale, il est nommé chef de la division de la scolarité au rectorat de Nice, tout en assurant des cours à l’IEP d’Aix-en-Provence puis à Sciences-Po Paris. Il réintègre la Cour des comptes où il est promu en décembre 1971 auditeur de première classe. De la fin 1971 au printemps 1973, il est professeur au Centre de formation professionnelle et de perfectionnement du ministère de l’Economie et des finances. Ces premières expériences pédagogiques lui apportent une capacité à vulgariser efficacement des sujets techniques parfois complexes. La clarté de ses discours parlementaires comme de ses interventions télévisées en témoignera plus tard.

L'énarque devient membre de l’Union pour la nouvelle République (UNR) puis de l’Union des démocrates pour la République (UDR), et se retrouve rapidement dans un cabinet ministériel. De mars 1973 à avril 1974, il est chargé de mission au secrétariat général de la présidence de la République où il suit les problèmes agricoles et les questions environnementales. Mais cet admirateur du général de Gaulle, très attaché au strict respect de l’héritage gaullien en terme de souveraineté nationale et de justice sociale par la participation, ne se sent pas très à l’aise avec le néogaullisme plutôt conservateur de Georges Pompidou, de plus en plus affaibli par la maladie. Après la victoire du libéral Valéry Giscard d’Estaing à la présidentielle de mai 1974, il rejoint le cabinet du gaulliste Pierre Mazeaud, secrétaire d'État auprès du ministre de la Qualité de la vie, chargé de la Jeunesse et des Sports. Mais les conditions de l’arrivée à Matignon de Jacques Chirac ont gêné Philippe Séguin, fidèle partisan de Jacques Chaban-Delmas éliminé du second tour de l’élection présidentielle. En octobre 1974, il se met en disponibilité pour un an. Il devient d’abord administrateur suppléant de l’Office franco-québécois pour la jeunesse. C’est le début d’une relation passionnée avec le Québec, dont il soutient le combat pour la souveraineté dans le prolongement du voyage triomphal du général de Gaulle, en juillet 1967. Puis, de décembre 1974 à octobre 1975, il assure les fonctions d’administrateur suppléant de l’Office franco-allemand pour la jeunesse. Le 1er octobre 1975, il est de nouveau réintégré à la Cour des comptes. Il est nommé en mars 1976 rapporteur du groupe de travail sur les problèmes d’information face à la violence (il appartiendra plus tard au comité national de la prévention de la violence et de la criminalité). Philippe Séguin s’affirme dès cette époque comme un infatigable homme de dossiers. De mars 1976 à février 1978, il accepte d’être administrateur de l’Association des anciens élèves de l’Ecole nationale d’administration. Lors de toutes ses campagnes législatives, il ne mettra toutefois jamais en avant sa qualité d’ancien de l’ENA alors qu’il tient à faire figurer dans ses professions de foi son statut d’ancien élève de l’IEP d’Aix-en-Provence, dont il préside le conseil d’administration de septembre 2007 jusqu’à sa mort.

En avril 1977, il retrouve le chemin des cabinets ministériels intégrant celui du secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargé des relations avec le Parlement, le gaulliste Christian Poncelet, dans le deuxième gouvernement Barre. Cette fonction est capitale à un double titre pour le parcours ultérieur de Philippe Séguin. Ce dernier apprend d’abord à connaître l’Assemblée nationale et prend goût au Palais-Bourbon au point d’envisager une candidature à la députation. Par ailleurs, au contact de Christian Poncelet, député de Remiremont de 1962 à 1973, il découvre les Vosges et la circonscription d’Epinal visée par la gauche depuis que la ville avait été gagnée par le socialiste Pierre Blanck en 1977. Ignorant tout de la Lorraine, Philippe Séguin prépare son parachutage en multipliant les voyages dans l’Est et les prises de contact avec les relais politiques locaux, tout en améliorant sa position au sein du parti gaulliste. En juin 1977, le conseiller référendaire de seconde classe à la Cour des comptes devient conseiller pour les affaires sportives auprès du secrétaire général du Rassemblement pour la République (RPR), Jérôme Monod. Alors qu’il travaille comme chargé de mission au cabinet du Premier ministre Raymond Barre, depuis octobre 1977, il prend congé des bureaux de Matignon en février 1978 pour se lancer dans la campagne des législatives au côté de son suppléant, Jean Morosi, assureur et maire, depuis 1965, de Nomexy, commune de l’arrondissement d’Épinal, située sur la rive gauche de la Moselle.

Arrivé en première position sous l’étiquette RPR au terme du premier tour, le 12 mars, avec 32 % des voix contre 29 % au candidat socialiste Serge Thibers (chef de service à la mairie d’Epinal), Philippe Séguin bénéficie au second tour des 9 865 voix qui s’étaient portées sur le candidat du Parti républicain, Hubert Maigrat, ainsi que d’un petit reliquat provenant du candidat indépendant André Bœuf. En dépit du bon désistement des voix communistes, Serge Thibers est battu et Philippe Séguin élu député de la première circonscription des Vosges le 19 mars 1978 avec 52,1 % des voix. Dans ses affiches et tracts, il a habilement mis les libéraux de son côté en insistant sur sa loyauté envers le chef de l’État, en faisant état d’une lettre de soutien du Premier ministre et en s’engageant à combattre « les adversaires du libéralisme ». Mais il a fait le plein des voix RPR en se réclamant de Jacques Chirac et de Christian Poncelet, en insistant sur la « participation » et le « progrès social » et en se présentant comme « un gaulliste fidèle ». Cet « homme de cabinet », cet « homme de dossiers concrets », ce « haut fonctionnaire qui connait la valeur et les limites de l’administration » selon sa profession de foi, promet à ses électeurs un « plan textile national » pour lutter contre le déclin industriel qui frappe les Vosges depuis le début des années 1970 ; le chômage augmente, en effet, dans les cantons d’Epinal, Rambervillers, Bruyères, Charmes et Châtel-sur-Moselle.

Au Palais-Bourbon, Philippe Séguin s’inscrit au groupe RPR et rejoint la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Le jeune député, à 35 ans seulement, devient secrétaire de l’Assemblée, le 2 avril 1979, jusqu’en avril 1980. Il se montre d’emblée un des parlementaires les plus dynamiques de l’hémicycle : il est classé à la fin de l'année 1980 par la presse au cinquième rang des députés les plus actifs. Durant cette seule législature, il est nommé membre de treize commissions mixtes paritaires, deux commissions spéciales et deux commissions ad hoc. Il dépose huit propositions de loi (liées à l’enseignement supérieur, à la taxe professionnelle, à la commémoration de la France libre, au code du travail, au revenu minimum concernant les salariés âgés licenciés pour motif économique, à la protection sociale d’adolescents handicapés, aux subventions publiques pour les associations), vingt-et-un rapports (sur les prêts consentis à la sidérurgie et l’utilisation des fonds publics par les grands groupes industriels, sur la situation de l’emploi et du chômage, sur la reconversion économique de la Lorraine du Nord, sur le caractère public des auditions des commissions d’enquête, sur les contrats d’assurance et opération de capitalisation), quatre avis (sur l’Outre-Mer) et quatre propositions de résolution (sur le règlement de l’Assemblée nationale, la création d’une commission de contrôle des dépenses ordinaires de l’État, la création d’une commission d’enquête chargée d’examiner les problèmes de l’industrie textile). Même si Philippe Séguin consacre certaines de ses interventions lors des débats annuels sur le projet de loi de finances à la formation professionnelle et à l’apprentissage, à l’organisation des sports et loisirs, au budget des DOM-TOM – et plus précisément de la Nouvelle-Calédonie – et à l’indemnisation des rapatriés d’Afrique du Nord, il concentre son action sur la crise textile vosgienne, comme il l’a promis lors de sa campagne pour l’élection législative. Il interpelle régulièrement le gouvernement dont il juge l'action insuffisante, sur la situation financière difficile de grands groupes de ce secteur et sur la dégradation de l’emploi en Lorraine (rapport de mars 1981). Il vote en faveur de la loi Peyrefitte du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, dite sécurité et liberté. La presse nationale commence à s’intéresser à ce parlementaire à la carrure d’un pilier de rugby, au caractère entier et à l’impressionnante maîtrise des dossiers économiques et sociaux. Il devient un spécialiste reconnu de l’emploi et du chômage et présente en mars 1979 un rapport remarqué sur la situation de l’emploi. Les médias relatent aussi le rapport qu’il dépose au nom de la commission des lois tendant à l’abolition de la peine de mort. Ce combat l’isole au sein d’un camp gaulliste encore très majoritairement hostile à cette réforme pénale, même si la commission des lois chargée d’examiner le rapport Séguin avait émis un vote favorable à l’abolition en juin 1979.

Philippe Séguin fait partie de ce que les médias qualifient alors de « nouveaux politiques », c’est-à-dire les énarques passés par un cabinet ministériel avant de s’emparer très vite d’une circonscription. Il renforce sa position dans les instances dirigeantes du RPR en devenant, en avril 1978, chargé de mission pour les rapatriés et surtout délégué national à l’emploi en octobre 1979. Habile diplomate, il est un des artisans en janvier 1979 de la journée de Marnes-la-Coquette où le groupe RPR de l’Assemblée se ressoude après avoir été menacé d’éclatement au lendemain de « l’appel de Cochin », dénonciation par Jacques Chirac d'un « parti de l'étranger », qui vise l’Union pour la démocratie française récemment créée et, plus largement, la politique pro-européenne de Valéry Giscard d’Estaing. Le député vosgien améliore son implantation locale en prenant en février 1979 la vice-présidence du conseil régional de Lorraine. Après la victoire de François Mitterrand en mai 1981, il prépare la campagne des législatives de juin en compagnie de son suppléant, André Roth, représentant de commerce et maire de Dogneville, située dans le canton d’Épinal-Est. Il retrouve son adversaire de 1978, le socialiste Pierre Blanck, celui-ci étant d’autant plus confiant qu’il est devenu dans l’intervalle maire d’Epinal et conseiller général. De fait, même si le député gaulliste sortant, qui se présente sous l’étiquette « union pour la nouvelle majorité », arrive en tête au soir du premier tour et frôle la réélection directe avec 48,8 % des voix, contre seulement 37,8 % pour Pierre Blanck, ce dernier peut compter sur le désistement des voix communistes et écologistes (respectivement 9,6 % et 3,8 %) pour l’emporter au second tour tandis que Philippe Séguin, candidat unique à droite, semble avoir fait le plein de ses partisans. Mais le travail de terrain paie. Celui qui était encore un « parachuté » en 1978 s’est fait accepter par les Spinaliens. Il a su mettre en avant son engagement à l’Assemblée contre la crise textile alors que Pierre Blanck paie son statut de maire impuissant face à la désindustrialisation. Au second tour, en dépit d’un contexte socioéconomique local dégradé et d’une dynamique électorale favorable à la gauche depuis la présidentielle, le gaulliste améliore encore son score de 1978 avec 52,4 % des voix.

Au Palais-Bourbon, Philippe Séguin s’inscrit de nouveau au groupe RPR et retrouve la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nommé vice-président de l’Assemblée nationale le 3 juillet 1981, il s’acquitte de sa tâche en répondant aux nombreux rappels au règlement présentés par les députés, en donnant ou refusant la parole aux orateurs, en prononçant l’allocution de fin de session et de clôture de la session extraordinaire, en travaillant avec le ministre des relations avec le Parlement sur l’organisation des sessions. Il fait partie de ces jeunes députés de droite qui, face à la gauche désormais au pouvoir, mènent une bataille parlementaire énergique à coup d’amendements et sous-amendements techniques et de discours enlevés, en commission comme en séance publique, contre les réformes socioéconomiques et politiques du gouvernement Mauroy. Ce gaulliste attaché à l’autorité de l’État et à l’unité nationale, s’oppose aux projets de loi portant en 1981 suppression de la Cour de sûreté de l’État, et en 1982 statut particulier de la Corse. Il souligne, au printemps 1982, les problèmes posés à ses yeux par les projets de loi Auroux relatifs aux libertés des travailleurs dans l’entreprise, au développement des institutions représentatives du personnel et à la négociation collective, au règlement des conflits collectifs du travail. Il manifeste aussi dès l'été 1981 sa très forte désapprobation de la la régionalisation (le résumé de ses interventions sur ce seul sujet occupe pas moins de sept pages des tables nominatives) et vote contre la loi dite loi Defferre du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Il s’élève également contre le projet de loi d’orientation autorisant le gouvernement, par application de l’article 38 de la Constitution, à prendre des mesures d’ordre social. Il soutient toutefois l’abolition de la peine de mort et, en tant que vice-président de l’Assemblée, annonce le résultat du vote le 18 septembre 1981. Il approuve également la loi du 13 juillet 1982 relative aux prestations de vieillesse, d’invalidité et de veuvage. Il continue par ailleurs de s’intéresser aux difficultés du secteur du textile vosgien qui s’aggravent au début des années 1980 (sujet d’une question orale en juin 1985) et dépose une proposition de loi en novembre 1981 pour favoriser la prise en charge des cures thermales, économiquement si importantes pour son département. Toujours très actif, Philippe Séguin présente 28 rapports de propositions de loi entre 1981 et 1985. Cette boulimie de dossiers et d’interventions n’est pas sans agacer parfois au sein du groupe RPR où l’impétuosité de son caractère méditerranéen lui vaut certaines jalousies et inimitiés.

Philippe Séguin renforce son ancrage vosgien en étant élu maire d’Epinal en mars 1983. Réélu facilement en 1989 et 1995 (il devient membre à partir de 1989 du Conseil national des villes et du développement social urbain), il fait de cette ville son bastion politique. Il dynamise la cité en modernisant ses infrastructures de transport, de santé et de loisirs. Il favorise l’installation à Epinal d’établissements d’enseignement supérieur (IUT autonome, Ecole nationale supérieure du bois, une antenne de la faculté de droit de Nancy), limitant ainsi le départ vers la Meurthe-et-Moselle d’étudiants vosgiens. Sur le plan militant, il est nommé en novembre 1984 secrétaire national du RPR chargé de la décentralisation. Ne supportant pas l’alliance locale que des candidats RPR ont souscrite avec le Front national à Dreux lors des municipales de mars 1983, il le fait savoir dans la presse avec fermeté. Il publie un essai en prévision des législatives de 1986, Réussir l’alternance (Robert Laffon, 1985), où il met en garde son propre camp contre le risque d’une « dérive droitière » face à la gauche. À ses yeux, il convient de dépasser le clivage droite-gauche en revenant aux idéaux fondamentaux du gaullisme dont il affirme la pérennité quinze ans après la disparition du Général.

Le 16 mars 1986, il se présente aux législatives dans la même circonscription des Vosges et sous l’étiquette « liste d’opposition soutenue par le RPR ». Contrairement aux élections précédentes, celles-ci se déroulent au scrutin de liste à la proportionnelle. Fragilisée par la présence de deux autres listes à droite (celle de l’UDF Hubert Voilquin qui totalise 11,3 % des voix et celle du Front national Jean-Yves Douissard qui rassemble 8 % des voix), la liste de Philippe Séguin (où figurent le docteur Alain Jacquot, Marie-Aimée Antoine, Maurice Jeandon, Gilbert Zaug et Guy de La Motte-Bouloumié), avec 37,4 % des suffrages, obtient le meilleur score mais doit se contenter de deux élus, comme celle de la liste socialiste emmenée par Christian Pierret, député de la deuxième circonscription des Vosges. Le gaulliste avait placé sa campagne sous le signe d’une sanction du « bilan socialiste accablant pour le pays et les Vosges », rappelant que le nombre de chômeurs avait doublé dans le département entre 1980 et 1986. Si le discours national du RPR était devenu sur le plan économique très libéral et sur le plan politique tourné vers la sécurité et la maîtrise de l’immigration, Philippe Séguin n’a pas mis en avant ces deux axes dans sa profession de foi. Celui qui se définit comme un « libéral de progrès » entend marquer sa différence. Pour dynamiser l’économie en contexte de crise, il est favorable à plus de dérégulation, à condition que cette dernière s’accompagne d’un effort supplémentaire en matière de justice sociale.

À peine élu, le député-maire d’Epinal est nommé, le 20 mars 1986, ministre des Affaires sociales et de l’emploi dans le gouvernement de première cohabitation dirigé par Jacques Chirac. Le Premier ministre, avec Edouard Balladur, ministre d’État, ministre de l’Economie, des finances et de la privatisation, ayant décidé de lutter contre le chômage par l’introduction d’une plus grande flexibilité du marché du travail, Philippe Séguin défend au Parlement le projet de loi de suppression de l’autorisation administrative de licenciement en dépit de l’opposition violente des syndicats et de l'intense bataille d’obstruction menée, à l’Assemblée nationale et au Sénat, par les groupes socialiste et communiste. La loi du 19 juin 1987 d’aménagement du temps de travail, dite « loi Séguin », va à son tour dans le sens d’une plus grande flexibilité en faisant de la réduction du temps de travail une simple contrepartie facultative de la modulation. Cette loi, discutée au printemps 1987, après l’annulation par le Conseil constitutionnel de « l’amendement Séguin » introduit par le gouvernement en décembre 1986 dans le texte de la commission mixte paritaire relatif au projet de loi portant diverses mesures d’ordre social, permet de recourir au travail en continu pour raison économique et assouplit le régime des repos compensateurs tout en éclatant le cadre hebdomadaire jugé trop rigide. Si le nombre de chômeurs diminue légèrement entre 1986 et 1988, il est difficile de savoir si l’évolution tient à ces mesures d’assouplissement ou à un contexte économique international plus favorable. En contrepartie de ces lois libérales, Philippe Séguin obtient des avancées en matière de renforcement du poids des salariés dans l’entreprise et de réduction des inégalités. Il participe à l’élaboration des ordonnances du 15 octobre 1986 favorisant la participation des salariés aux résultats des entreprises. Elles mettent en place de nouvelles exonérations fiscales incitant le patronat à développer l’intéressement. Le ministre des Affaires sociales est aussi à l’origine de l’ordonnance du 11 août 1986, liant le recours par les entreprises au travail intermittent à la signature d’un accord préalable, des deux lois du 10 juillet 1987 pour la lutte contre le chômage de longue durée et l’emploi des travailleurs handicapés (le code du travail imposant désormais un quota pour ces derniers dans les entreprises de plus de 20 salariés). Il supervise enfin le lancement de plusieurs centaines de milliers de « stages emploi-formation », visant à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans via l’apprentissage et la formation. Le maire d’Epinal, attaché à la défense d’une politique de pleine activité au lieu de celle du plein emploi devenu hors d’atteinte, est ainsi parvenu à imposer une politique sociale tournée vers la participation gaulliste, dans un cadre économique très influencé par le néo-libéralisme atlantique. .

La réélection de François Mitterrand en mai 1988 débouche sur des législatives anticipées en juin. Dans un contexte difficile pour la droite, affaiblie par la récente déroute présidentielle, ce scrutin se révèle le plus difficile jamais affronté par Philippe Séguin à Epinal. Avec son suppléant UDF André Roth, il obtient une fois de plus au soir du premier tour, le 5 juin, le meilleur score avec 46,9 % des voix. Mais son adversaire socialiste, l’avocat et député sortant Gérard Welzer, a rassemblé 42,9 % des suffrages exprimés et peut surtout compter sur les 4 % du candidat communiste alors que Philippe Séguin, farouchement opposé au Front national, sait ne rien devoir attendre du candidat FN Bernard Freppel et de ses 6,2 % de voix. Comme attendu, le second tour est très disputé et le maire d’Epinal ne s’impose que de justesse, avec 50,1 % des voix contre 49,9 % pour son rival socialiste. Sur les 54 117 suffrages exprimés, seulement 149 voix séparent les deux concurrents… C’est le résultat d’une campagne efficace de Philippe Séguin qui a su « dénationaliser » le scrutin en se concentrant sur les enjeux socioéconomiques de sa circonscription. Il a mis en avant son bilan comme député des Vosges depuis 1978 (l’application du premier « Plan-Vosges », l’installation d’une usine de papier-journal à Golbey et ses 500 emplois directs, l’accélération de programmes d’équipements publics comme la RN 57, les liaisons ferroviaires et les télécommunications, la modernisation enfin du Centre hospitalier régional et la construction de résidences pour personnages âgées) et comme maire du chef-lieu depuis 1983 (installation de la Chambre régionale des comptes, construction d’équipements hôteliers et de complexes sportifs, aménagements urbains au profit du commerce, lancement d’un réseau câblé de vidéocommunication, organisation de manifestations sportives et culturelles d’envergure).

À l’Assemblée nationale, Philippe Séguin s’inscrit au groupe RPR dont il prend la vice-présidence (jusqu’en avril 1989) et rejoint la commission des affaires étrangères. L’appartenance nouvelle à cette commission reflète l’intérêt croissant qu’il porte à la politique étrangère et notamment à la politique européenne. Il fait du reste partie dès octobre 1988 de la délégation de l’Assemblée nationale pour les Communautés européennes. Comme membre de la commission des affaires étrangères, il est rapporteur de plusieurs projets de loi concernant des accords entre la France et le Maroc. Lors des débats relatifs au projet de loi de finances, il critique les nouvelles mesures fiscales du gouvernement Rocard (octobre 1988). Il vote la motion de censure déposée par l’opposition le 9 décembre 1988. En mai 1989, il dépose une proposition de loi relative à l’organisation de la Cour des comptes, dont il s’inspire en juin 2002 après avoir pris la présidence de l’institution. Il continue de s’intéresser à la crise de l’industrie textile vosgienne et, en mai 1991, interpelle à ce sujet le ministre de l’Economie à l’occasion des questions au gouvernement. Il vote en faveur de la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion.

Au sein d’une droite fragilisée par la défaite chiraquienne à la présidentielle, Philippe Séguin fait partie au printemps 1989 des douze « rénovateurs », ces « quadras » gaullistes et libéraux qui critiquent la tutelle des « caciques » Chirac, Barre et Giscard d’Estaing. Ces six RPR (Michel Noir, Philippe Séguin, Alain Carignon, Michel Barnier, Etienne Pinte, François Fillon), trois CDS (François Bayrou, Bernard Bosson, Dominique Baudis) et trois PR (Charles Millon, Philippe de Villiers et François d’Aubert), souhaitent, au nom d’une logique de renouvellement générationnel, créer un grand parti unique de la droite, en mesure de s’opposer efficacement au PS relancé par la victoire de François Mitterrand. Dans l’immédiat, leur objectif est de présenter une liste unique d’opposition aux élections européennes de juin 1989. Finalement, cette opération avorte en raison de la division des conjurés (rien de commun entre la ligne souverainiste d’un Philippe Séguin et la logique fédéraliste des CDS) et de la résistance des états-majors. Très médiatisée, cette offensive des rénovateurs contribue toutefois au relatif mauvais score de la liste de l’Union UDF-RPR conduite par Valéry Giscard d’Estaing. En février 1990, le député-maire d’Epinal essuie un nouveau revers aux assises du RPR tenues au Bourget. Profitant de ce que le mouvement gaulliste désigne pour la première fois ses instances dirigeantes à la proportionnelle, Philippe Séguin s’allie avec Charles Pasqua pour « régénérer le RPR » en lui faisant retrouver sa ligne gaulliste originelle. Cette nouvelle offensive clairement tournée contre Jacques Chirac semble au début promise au succès. De nombreux cadres du parti, déjà présents lors de l’opération des rénovateurs et acquis au discours souverainiste sur les questions européennes, rejoignent le tandem Séguin-Pasqua comme François Fillon, Michel Barnier, Etienne Pinte, Patrick Balkany, Xavier Dugoin, Franck Borotra, Elisabeth Hubert, Jean de Boishue et Jacques Kosciusko-Morizet. Mais Jacques Chirac réagit avec efficacité. Avec l’aide de proches comme Jacques Toubon et Bernard Pons, il soutient la motion de son fidèle lieutenant Alain Juppé qui recueille 68,6 % des voix lors des assises. La motion Séguin-Pasqua, intitulée « un nouveau rassemblement », doit se contenter de 31,4 % des voix. Le tandem assiste, impuissant, à la réélection de Jacques Chirac à la tête du parti. Le courant Séguin-Pasqua se dissout en avril 1991 mais les deux leaders continuent leur combat souverainiste au sein de l’association Demain la France. Ils publient dans ce cadre les deux tomes de leur ouvrage programmatique, Demain la France (« La priorité sociale » et « La reconquête du territoire », 1992-1993, Albin Michel).

Moins actif à l’Assemblée que durant les législatures de 1978-1981 et de 1981-1986, Philippe Séguin se manifeste à nouveau dès mai 1992 lors des débats portant sur le traité de Maastricht. Il s’impose rapidement comme le député de droite le plus en pointe contre ce projet de loi constitutionnelle tendant à ajouter dans la Constitution un titre : « De l’Union européenne ». Il mène un combat acharné en commission puis en séance publique, prenant souvent la parole dans la discussion générale puis dans la discussion par article, proposant de nombreux amendements et sous-amendements. Le 5 mai 1992, dans l’hémicycle de l’Assemblée, il prononce, contre le projet, en séance de nuit, un discours particulièrement remarqué malgré l’heure tardive, et rassemble, autour de son exception d’irrecevabilité, l’ensemble des souverainistes (58 RPR sur 126, les communistes, les socialistes chevènementistes et quelques UDF dont Philippe de Villiers et Christine Boutin). Il vote contre le projet de loi, le 12 mai, comme trente autres députés du groupe RPR. Philippe Séguin ne s’oppose pas au traité de Maastricht seulement dans l’hémicycle. Avec son allié Charles Pasqua, il lance une campagne militante et médiatique très offensive (il signe avec Marie-France Garaud l’ouvrage De l’Europe en général et de la France en particulier, Le Pré aux Clercs, 1992) contre ce projet dans lequel il voit un renoncement au principe gaulliste de souveraineté et un véritable « Munich social ». Ayant réclamé la tenue d’un référendum, ce partisan d’une « Europe des Nations » obtient satisfaction de la part du chef de l’État le 3 juin 1992. Lors de la campagne référendaire, le député-maire d’Epinal apparaît comme le leader du camp du « non » et à ce titre apporte la contradiction à François Mitterrand lors d’un débat télévisé mémorable, tenu le 3 septembre 1992 dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Le « Oui » finit par l’emporter mais de justesse, à 51 %, alors que les premiers sondages le situaient à plus de 70 % des voix. Bien que battu, Philippe Séguin voit sa notoriété renforcée au sein de l’opinion en général et des gaullistes en particulier, au nombre desquels des proches tel Roger Karoutchi créent un mouvement, le « Rassemblement pour une autre politique ».

Sur le plan intellectuel et professionnel, Philippe Séguin intègre le comité consultatif de la Revue politique et parlementaire à partir de 1990, devient la même année président d’Image Plus (liée à Vosges Télévision). Il publie chez Payot La force de convaincre. La même année, il publie chez Grasset une biographie remarquée de Napoléon III, Louis Napoléon le Grand, soulignant la filiation bonapartiste du gaullisme, dans le prolongement de la thèse de René Rémond. Il réhabilite Napoléon III mettant en avant sa pensée sociale, sa sensibilité à la cause des nationalités et son effort de modernisation du pays. Toujours très actif sur le plan éditorial, il publie dans les années suivantes plusieurs ouvrages importants présentant ses idées politiques : Discours pour la France (Grasset, 1992), Ce que j’ai dit (Grasset, 1993), Discours encore et toujours républicains (Denoël, 1994), Deux France ? (coécrit avec Alain Minc, Plon, 1994). Au RPR, sa situation devient complexe. Membre du conseil national et du bureau politique du parti depuis 1990, il appartient aussi au Club 89, cercle de réflexion lancé par Alain Juppé en septembre 1981 et destiné à armer idéologiquement le RPR dans l’optique de la reconquête présidentielle. À partir de 1992, il est membre du comité de pilotage du Rassemblement. Mais son engagement en faveur du « Non » lors de la campagne référendaire, l’a éloigné de la frange « europhile » du RPR emmenée par Jacques Chirac, personnellement réservé sur le traité de Maastricht mais persuadé qu’un leader politique français hostile à la construction européenne ne pourrait jamais être élu président de la République, et Alain Juppé, hostile à l’euroscepticisme. Si cette dernière tendance est partagée par un nombre important des militants de base, elle reste minoritaire parmi les cadres du mouvement et les parlementaires. Toutefois, la perspective de la présidentielle de 1995 réconcilie le patron du RPR et Philippe Séguin car ce dernier persiste à penser que Jacques Chirac reste le meilleur candidat gaulliste à cette élection.

Dans l’immédiat, le maire d’Epinal se concentre sur les législatives de mars 1993. Le contexte politique national est très favorable à la droite face à une gauche socialiste discréditée par son impuissance à réduire le chômage et empêtrée dans divers scandales financiers. Pour la première fois, Philippe Séguin, dont le suppléant est Jean-Luc Cuny, le maire de Dogneville, s’impose dès le premier tour avec 55,2 % des voix. Le candidat socialiste, le professeur et conseiller régional Jean-Pierre Moinaux, n’atteint même pas les 14 % des suffrages. Lors de sa campagne, le député sortant a mis en avant son identité gaulliste et évoqué ses combats politiques antérieurs, en se réclamant « d’une Europe harmonieuse dans le respect des Nations qui la constituent » et d’une « vraie solidarité ». Au Palais-Bourbon, Philippe Séguin retrouve le groupe RPR et rejoint la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, puis celle de la production et des échanges le 2 octobre 1996. Bénéficiant du raz-de-marée de la droite aux législatives et notamment du triomphe du RPR qui remporte 247 sièges, il est élu président de l’Assemblée nationale début avril. Ses prises de position controversées lors du référendum sur le traité de Maastricht ne l’ont donc pas empêché d’accéder au « perchoir » (dont il retrace l’histoire des présidents dans 240 dans un fauteuil, Seuil, 1995). Lors de sa première allocution en tant que président de l’Assemblée, le 2 avril, après avoir rendu hommage à Charles de Gaulle, évoqué la place de la France au sein de la Communauté européenne et souligné les difficultés auxquelles le pays faisait face, il définit les missions de l’Assemblée, promet de respecter les droits de l’opposition et annonce des réformes en matière de travail et de contrôle parlementaire.

De fait, Philippe Séguin modernise le Palais-Bourbon en renforçant le pouvoir de contrôle politique exercé par les députés face au gouvernement, il double le temps des questions au gouvernement et augmente le nombre de commissions d’enquête (il préside lui-même celles sur le Crédit lyonnais et sur la corruption) et de missions d’information (comme celle sur le service national dont il est membre). Il crée en outre le groupe de travail « Politique et argent », dont le rapporteur Pierre Mazeaud, déposera plusieurs propositions de loi relatives à la moralisation et au financement de la vie politique. Il lutte également contre l’absentéisme en installant le vote électronique (mettant un terme au vote par procuration en masse) et la session ordinaire unique de neuf mois, après la révision constitutionnelle de 1995 qu’il a inspirée. Il contribue aussi en 1996 à lever l’obstacle de procédure qui avait empêché les assemblées de se prononcer sur l’équilibre financier de la sécurité sociale. Il améliore la publicité des travaux de l’Assemblée en favorisant la venue du public et en organisant la journée du « Parlement des enfants ». Il publie également C’est quoi la politique ? (Albin Michel, 1999), ouvrage de vulgarisation destiné aux enfants. La médiatisation du travail parlementaire passe enfin par l’ouverture d’un site Internet et la préparation de ce qui devient la chaîne de télévision « Canal Assemblée nationale ». Il s’attache aussi à valoriser le patrimoine de l’institution en organisant notamment des expositions permanentes sur l’histoire de l’Assemblée. Afin de renforcer le prestige de l’institution, il soutient les missions d’observation internationale, invite dans l’hémicycle les chefs d’État étrangers (il y accueille notamment le couple royal d’Espagne et le président américain Bill Clinton) et multiplie les visites de délégations parlementaires étrangères (irlandaise, roumaine, vietnamienne, mexicaine, québécoise, argentine, turque, portugaise, islandaise, botswanaise, estonienne, chinoise et britannique pour les seules années 1993-94). En 1996, il accueille Nelson Mandela à l’hôtel de Lassay. Exerçant pleinement toutes les compétences de président de l’Assemblée, il ouvre et lève les sessions ordinaires et extraordinaires, prononce des allocutions, répond aux rappels au règlement, inflige des rappels à l’ordre, donne lecture du message au Parlement du président de la République, prononce les éloges funèbres de députés décédés, accueille les délégations étrangères, donne acte du dépôt du rapport de la Cour des comptes. Conformément à la tradition, il ne prend pas part aux votes. C’est aussi au titre de président du Palais-Bourbon que Philippe Séguin annonce, le 21 avril 1997, la dissolution de l’Assemblée décidée par le chef de l’État. Consulté pour avis, conformément à la Constitution, Philippe Séguin avait catégoriquement déconseillé au Président de dissoudre.

Deux ans auparavant, Philippe Séguin s’était engagé activement dans la campagne présidentielle d’avril-mai 1995. Ayant pris très tôt parti pour le maire de Paris alors que les sondages étaient favorables à Edouard Balladur, il justifie son choix en présentant Jacques Chirac comme le candidat le plus rassembleur et le plus à même d’incarner le gaullisme social face à un ministre de l’Economie trop libéral à ses yeux. Il joue un rôle décisif en étant notamment à l’origine, avec Henri Guaino, de la double thématique de la « fracture sociale » et du « pacte républicain », destinée à attirer vers Jacques Chirac une partie de l’électorat populaire. Pourtant, à la surprise générale, Philippe Séguin n’est pas nommé à Matignon et se voit préférer Alain Juppé, dont l’orthodoxie libérale est pourtant en décalage avec les promesses sociales de campagne. Le nouveau chef de l’État se tourne vers un fidèle plutôt que vers un franc-tireur au caractère orageux, à l’indépendance d’esprit avérée et dont les prises de position lors du référendum de Maastricht lui semblent incompatibles avec la fonction de Premier ministre. Philippe Séguin reste donc à l’hôtel de Lassay jusqu’au printemps 1997.

Candidat aux législatives anticipées de mai 1997 sous la même étiquette, dans la même circonscription et avec le même suppléant, le député-maire sortant d’Epinal obtient au premier tour près de 44,6 % des voix. Son adversaire socialiste, l’ancien député Gérard Welzer, ne capitalise pas la dynamique favorable au PS à l’échelle nationale en se contentant de 24,2 % des suffrages tandis que le candidat Front national, l’ancien militaire conseiller régional Bernard Freppel, réalise un bon score avec 15,3 % des voix. Au second tour, Philippe Séguin, qui a fait campagne sur l’emploi (thème d’un ouvrage, En attendant l’emploi, Seuil, 1996), la rénovation des institutions par l’interdiction du cumul des mandats et une démocratie plus solidaire, s’impose nettement avec 56,4 % des suffrages exprimés. À l’Assemblée, il s’inscrit au groupe RPR (qu’il préside de juin à septembre 1997) et rejoint la commission des affaires culturelles, familiales et sociales avant de la quitter début juillet 1997 pour la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. En 1997, il prend part aux discussions des projets de loi portant réforme du service national et relatif à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile. En novembre 2001, il intervient en séance publique lors des débats relatifs au projet de loi de finances à propos des moyens mis en œuvre par le ministère de la Jeunesse et des Sports pour organiser des échanges sportifs internationaux. Philippe Séguin vote contre les lois du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail et du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité. Il vote en revanche pour le projet de loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Durant la XIe législature (1997-2002), Philippe Séguin se montre bien moins actif dans le cadre des travaux de l’Assemblée. Ce passionné du Québec, qui n’a jamais caché sa sympathie pour la cause souverainiste, au point d’aider le Parti québécois de Jacques Parizeau lors de sa victoire en 1994 puis du référendum sur la souveraineté du Québec l’année suivante, séjourne longtemps dans la Belle Province. Il donne des cours à l’Université du Québec à Montréal et publie chez Plus Français que moi, tu meurs (Albin Michel, 2000), un ouvrage sur l’histoire du Québec et de ses liens compliqués avec la France. Mais l’ancien président de l’Assemblée se concentre surtout à partir de 1997 sur les enjeux de politique nationale. Les difficultés d’Alain Juppé à Matignon, confronté à de longues grèves contre son plan sur les retraites et la sécurité sociale, puis la défaite aux législatives du printemps 1997 ont favorisé la montée en puissance au sein du RPR de Philippe Séguin. Ce dernier, après une alliance de circonstance avec les libéraux balladuriens, est élu, le 6 juillet 1997, président du RPR (Nicolas Sarkozy étant secrétaire général) avec 78,85 % des voix. Il avait auparavant démissionné de son mandat de maire d’Epinal où le remplace le pharmacien Michel Heinrich. À la tête du Rassemblement s’impose alors le séguinisme, un gaullisme social, réformiste, partisan d’un État-providence, souverainiste et plutôt ouvert aux questions de société. Parmi les personnalités RPR se réclamant de cette ligne figurent François Fillon, Jean de Boishue, Franck Borotra, Etienne Pinte, Roger Karoutchi, Nicolas Dupont-Aignan, Serge Lepeltier et Roselyne Bachelot. En dehors du monde militant, certains intellectuels se reconnaissent proches de ses idées comme le chroniqueur Nicolas Baverez, ancien membre de son cabinet. Ses relations se sont entre-temps distendues avec Charles Pasqua ; des proches du sénateur des Hauts-de-Seine accusent même Philippe Séguin d’avoir trahi la « cause » en se ralliant à la monnaie unique. L’intéressé se contente de souligner qu’il n’a fait que prendre acte du « verdict populaire » en la matière.

Philippe Séguin entend moderniser le RPR, longtemps corseté par les proches de Jacques Chirac. Cette rénovation commence par une démocratisation des statuts du mouvement. Les militants sont invités à voter de manière directe pour élire leur président. Seul candidat, il est réélu à la tête du parti avec 95,07 % des voix. Mais cette dynamique positive s’enraye vite.Rue de Lille, les chiraquiens qui n’ont pas démobilisé, tel Bernard Pons, gênent son action car ils le soupçonnent de viser l’Elysée en 2002. Les divisions qui avaient fragilisé le parti lors du référendum sur Maastricht en 1992 rejouent également, tant les désaccords restent forts parmi les gaullistes sur la monnaie unique et l’élargissement de l’Europe. Alors qu’il avait créé en 1998, l’Alliance, plateforme commune regroupant RPR, UDF et Démocratie libérale (DL), dans la perspective des élections européennes de l’année suivante, Philippe Séguin ne parvient pas à constituer une liste unique à droite pour ce scrutin. Face aux « manœuvres des amis de Jacques Chirac » selon sa propre expression, il préfère quitter la direction du RPR le 16 avril 1999. Il met en avant son refus de voir les élus de sa liste rejoindre le groupe Parti populaire européen (PPE) à Strasbourg. Les séguinistes se divisent alors. Certains rejoignent la dissidence pasquaïenne, d’autres restent dans le giron du RPR comme François Fillon qui tente sans succès de prendre la présidence du parti le 20 novembre 1999.

Après quelques mois de réflexion et de recul, le député des Vosges retrouve le combat politique en mars 2000 à la faveur d’une nouvelle campagne, la préparation des municipales à Paris. Edouard Balladur et Françoise de Panafieu s’étant retirés de la compétition, la voie est libre pour Philippe Séguin désigné à l’unanimité comme candidat du RPR par le comité politique du parti le 27 mai. En juin, afin de mettre un terme à la polémique sur les « faux électeurs », il dépose une proposition de loi relative à l’établissement et à la révision des listes électorales à Paris. Il publie aussi un ouvrage, Lettre ouverte à ceux qui veulent encore croire à Paris (Albin Michel, 2000). Mais rapidement, la campagne se révèle plus difficile que prévu. Outre qu’il se heurte à une volonté profonde d’alternance après quatre mandats RPR consécutifs – Jacques Chirac de 1977 à 1995 puis Jean Tibéri de 1995 à 2001 –, Philippe Séguin est atteint par des dissensions au sein de son propre camp. Jean Tibéri refuse de retirer sa candidature dissidente et Jacques Chirac choisit de ne pas intervenir laissant les querelles intestines s’amplifier entre les deux tours. Finalement, le 18 mars 2001, la liste conduite par Philippe Séguin (« Soyons fiers de Paris ») est nettement battue par celle emmenée par le socialiste Bertrand Delanoë, 49,6 % contre 36,17 % des suffrages exprimés, la liste Tibéri recueillant 12,31 % des voix. Cet échec se double d’un revers personnel direct, Philippe Séguin est battu très nettement dans le XVIIIème arrondissement où il s’était présenté, à la surprise générale, en quatrième position de la liste RPR-UDF (seulement 25 % des voix) face au socialiste Daniel Vaillant (60 % des suffrages). Il prend néanmoins la direction du groupe d’opposition RPR au conseil municipal de Paris et siège à la commission des affaires budgétaires et subventions.

Ces deux déconvenues, militante en 1999 puis électorale en 2001, ont pour effet de briser la dynamique positive dont bénéficiait jusqu’alors Philippe Séguin. Fidèle à son parti et viscéralement hostile au Front national, il soutient Jacques Chirac lors des deux tours de la présidentielle du printemps 2002 (comme membre du comité d’orientation de la campagne) mais son rôle est bien plus discret qu’en 1995. L’ancien maire d’Epinal refuse d’intégrer le nouveau parti créé entre la présidentielle et les législatives, l’UMP, au motif que cette décision sonne la fin de l’exception gaulliste et consacre, selon lui, la dérive droitière du RPR entamée depuis les années 1980. Battu en juin 2002 lors des législatives à Paris dans le XVIIIème arrondissement, Philippe Séguin démissionne du conseil de Paris en octobre 2002. Il semble désormais être devenu un homme seul et usé dont la carrière politique a pris fin. Il retrouve la Cour des comptes en juin 2002 et devient conseiller maître en mars 2003. En octobre 2002, il est nommé au sein du Bureau international du travail (BIT) chef de la délégation gouvernementale au conseil d’administration , avant de présider ce conseil en juin 2004.

Le 21 juillet 2004, Philippe Séguin est nommé Premier président de la Cour des comptes par Jacques Chirac sur proposition de Nicolas Sarkozy. En 2007, ce dernier, à peine élu à l’Elysée, lui propose d’entrer au gouvernement de François Fillon, ce que décline l’intéressé. Le nouveau président de la Cour des comptes préfère mettre sa notoriété au service d’une institution qu’il entend profondément rénover et renforcer. La vieille dame de la rue Cambon ne doit plus, à ses yeux, se limiter à son seul rapport annuel sur les gaspillages des fonds publics dont les médias sont friands mais qui reste le plus souvent sans suite. Il s’agit d’accroître ses domaines de contrôle et d’investigation. Quelques mois après sa désignation, il obtient la création dans la loi de finances d’une mission budgétaire spécifique de conseil et de contrôle des pouvoirs publics. La Cour des comptes devient dès lors financièrement indépendante et voit son fonctionnement budgétaire gagner en souplesse. Plus libre, elle se fait fort de critiquer les comptes de l’Elysée et même la politique budgétaire fixée par Nicolas Sarkozy. Elle ne se limite plus au contrôle des seuls comptes de l’État mais suit également ceux de la Sécurité sociale, et via les chambres régionales des comptes, le budget des collectivités territoriales. Elle surveille également les finances de l’Assemblée nationale (le Sénat refuse de lui ouvrir ses comptes) ainsi que celles d’associations caritatives. Philippe Séguin qui veut en faire « le laboratoire de la réforme de l’État », transforme l’institution en « vigie de la modernisation publique ».

Sous cette présidence active, il publie Itinéraire dans la France d’en bas, d’en haut et d’ailleurs (Seuil, en 2003), siège dans diverses institutions (il est alors membre du conseil d’administration de l’Institut de relations internationales et stratégiques) et continue à suivre passionnément les compétitions sportives. Grand amateur de football, qu’il a beaucoup pratiqué dans sa jeunesse et dont il continue de suivre en tribune les matchs importants – supporter du PSG, il vit comme un déchirement l’affrontement PSG-Epinal en 32ème de finale de la Coupe de France en janvier 2008 –, il prend la présidence en janvier 2008 de la commission Grands stades Euro 2016, créée par le secrétariat d’État aux Sports, afin de préparer le projet de candidature de la France à l’Euro 2016. Il préside la Fondation du football dès février 2008. Cet homme impétueux et hyperactif, bon vivant, appréciant les repas plantureux et enchaînant les cigarettes sans filtre, meurt d’une crise cardiaque le 7 janvier 2010 à son domicile parisien, à l’âge de 66 ans. Sa disparition brutale bouleverse l’opinion tandis que la classe politique lui rend un hommage unanime. Pied Noir intransigeant, aux colères homériques et à la radicalité exigeante, ce gaulliste libre, « lion de la République », selon la formule de François Fillon, et qui s’est toujours fait « une certaine idée de la France », est très largement reconnu pour son idéalisme et son très haut sens du service public et de l’État.

Ses obsèques religieuses ont lieu aux Invalides le 11 janvier 2010. Retransmise par de nombreuses chaînes de télévision, la cérémonie est célébrée par le cardinal-archevêque André Vingt-Trois en présence du président de la République (qui prononce l’éloge funèbre de son « ami »), du Premier ministre, de la plupart des membres du gouvernement, des anciens chefs de l’État Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, des présidents de l’Assemblée et du Sénat. De nombreuses personnalités de droite comme de gauche sont présentes, ainsi que des représentants du monde des médias et de la culture. Alors que le Chœur de l’Armée française entame la Marseillaise, son cercueil, recouvert du drapeau français, quitte la cour d’honneur des Invalides transporté par des militaires du 1er régiment de Tirailleurs d’Epinal, alors qu’est entonné le Chant des Africains.

Titulaire de très nombreuses décorations étrangères, Philippe Séguin était Grand-croix de l’Ordre national du Mérite, chevalier des Palmes académiques et du Mérite agricole, officier des Arts et des lettres.

Le 3 juin 2010 une rue Philippe Séguin a été inaugurée à Epinal par François Fillon, Premier ministre.

Œuvres :
- Réussir l'alternance (1985)
- La Force de convaincre (1990)
- Louis Napoléon le Grand (1990, prix du Second Empire de la fondation Napoléon 1990)
- De l'Europe en général et de la France en particulier (1992)
- Discours pour la France (1992)
- Demain, la France : tome 1 : la priorité sociale (1992) ; tome 2 : La reconquête du territoire (1993)
- Ce que j'ai dit (1993)
- Discours encore et toujours républicains (1994)
- Deux France ? (coécrit avec Alain Minc (1994)
- 240 dans un fauteuil (1995)
- En attendant l'emploi (1996)
- C'est quoi la politique ? (récit pour enfants, 1999)
- Plus français que moi, tu meurs ! (essai) (2000)
- Lettre ouverte à ceux qui veulent encore croire à Paris (2000)
- Itinéraire dans la France d'en bas, d'en haut et d'ailleurs (Mémoires, 2003)