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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 13ème jour de séance, 31ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 20 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    LYCÉES 1

    EUROPE 2

    LYCÉES 3

    VIOLENCES URBAINES 3

    ARRESTATION D'AUGUSTO PINOCHET 4

    AÉROPORT D'ORLY 4

    RETRAITES AGRICOLES 5

    NOUVELLE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE ALLEMANDE 6

    SÉCURITÉ PUBLIQUE LORS DES MANIFESTATIONS 7

    NOUVELLE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE ALLEMANDE 8

    AVENIR DES RETRAITES 8

    INDEMNISATION DES VICTIMES DES VIOLENCES URBAINES 9

    SPORT ET ARGENT 9

LOI DE FINANCES POUR 1999 - première partie- (suite) 10

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 18

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- 18

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE 18

ANNEXE ORDRE DU JOUR 37

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

LYCÉES

M. Bernard Outin - Monsieur le ministre de l'éducation nationale ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) un mois après la rentrée scolaire, des collégiens, des lycéens, des parents d'élève et des personnels enseignants et non enseignants de l'éducation nationale protestent contre les conditions dans lesquelles elle s'est déroulée.

Ils dénoncent des carences en effectifs avec des milliers de postes restés vacants, des remplacements non assurés (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF), des classes surchargées (Mêmes mouvements), des locaux insuffisants voire vétustes (Mêmes mouvements).

M. le Président - Chers collègues, je vous demande de garder votre calme, nous ne sommes pas à la corrida.

M. Bernard Outin - Les ateliers et les équipements sont notamment obsolètes dans les lycées professionnels, pourtant considérés par vous comme une de vos priorités.

Comment comptez-vous répondre aux attentes pressantes du milieu scolaire ? Envisagez-vous de revoir à la hausse le plan de recrutement des titulaires pour 1999 et les crédits pour le personnel et les installations ou bien recruterez-vous comme vos prédécesseurs des personnels précaires, alors même qu'un effort se dessinait afin de résorber cette catégorie ?

Les lycéens et les enseignants ne demandent pas la venue du père Noël en octobre, mais simplement de pouvoir étudier et travailler (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Il existe des disparités dans la répartition des moyens que nous nous efforçons de résorber afin de rétablir l'égalité républicaine (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Le projet de déconcentration des mouvements et de la gestion permettra d'assurer la disparition des inégalités actuelles qui sont choquantes.

Vous avez fait allusion à une gestion passée qui a considéré les problèmes globalement et non dans leur diversité comme cela est nécessaire (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Je signale toutefois que le nombre d'enseignants sera accru cette année et l'an prochain, le nombre des recrutements excédant celui des départs en retraite. Croyez que le Gouvernement veille à faire en sorte que l'école de la République soit l'école de l'égalité des chances (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

EUROPE

M. Jacques Brunhes - Monsieur le ministre des affaires européennes, la victoire de Gerhard Schröder en Allemagne, après celle des travaillistes britanniques et celle de la majorité plurielle en France, permet d'espérer une réorientation de la construction européenne.

Le futur chancelier a d'ailleurs confirmé lors de sa visite à Paris qu'il souhaitait que la lutte contre le chômage devienne une priorité de l'action européenne. Il rejoint ainsi les préoccupations du Gouvernement tout comme c'est également le cas en matière sociale et sur les questions d'environnement.

Dans ce contexte, il semble possible de renégocier le Pacte de stabilité et de croissance, dont la logique monétariste et financière a révélé sa perversité et sa fragilité dans les turbulences internationales. Il faudrait aller vers un pacte de croissance comportant un véritable volet social européen pour lequel se prononce la majorité des opinions publiques et des dirigeants de l'Europe.

Il me paraît en outre nécessaire de consulter par référendum les Français sur ce vaste sujet afin de les impliquer dans une dynamique participative (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Vous avez raison. La victoire des sociaux-démocrates et des verts en Allemagne et ce qui se passe en Italie, après les élections britanniques et françaises, créent une configuration nouvelle en Europe. Elle paraît, malgré la diversité de ces coalitions, plus favorable à une politique centrée sur la croissance et sur l'emploi. Notre volonté d'aller dans ce sens s'est manifestée à plusieurs reprises depuis juin 1997 par l'obtention à Amsterdam d'une résolution sur la croissance et sur l'emploi destinée à contrebalancer le Pacte de stabilité que vous évoquiez puis par le sommet européen sur l'emploi de Luxembourg dont nous allons évaluer les résultats à Vienne dans quelques semaines.

Il faut poursuivre cet effort à l'aide des instruments dont nous disposons tel les chapitres emploi et social du traité d'Amsterdam. Il faut aussi aller plus loin en matière de coordination des politiques économiques et d'harmonisation fiscale afin de mettre en oeuvre une politique plus volontaire en faveur de l'emploi.

Le Pacte de stabilité est un engagement international qui a d'ailleurs été pris avant l'arrivée aux responsabilités de ce gouvernement. A défaut de le renégocier, il est possible d'infléchir la politique économique et sociale de l'Europe ainsi que l'a souhaité le Premier ministre en proposant une politique de grands travaux financés par un emprunt européen.

S'agissant du référendum sur le traité d'Amsterdam, le Président de la République s'est exprimé et nous nous engageons dans une discussion parlementaire grâce à laquelle la représentation nationale pourra avoir un vrai débat permettant d'entendre ce que vous avez à dire sur la réforme des institutions et sur les outils du contrôle parlementaire sur les actes européens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

LYCÉES

M. Maurice Leroy - Monsieur Allègre, vous êtes en charge de l'éducation nationale depuis seize mois. Vous aviez promis une rentrée zéro défaut et nous avons eu droit à des leçons à ce sujet de la part de Mme Royal en commission. Aujourd'hui, c'est une énorme pagaille et cinq cent mille lycéens vous ont mis un zéro pointé (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Au lieu de préparer les conditions d'une bonne rentrée, vous avez décrédibilisé les enseignants, méprisé les partenaires sociaux et vous faites aujourd'hui porter le chapeau à votre administration.

Quand allez-vous enfin vous occuper de votre ministère (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) pour répondre aux vraies questions que vous posent les lycéens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je m'occupe depuis seize mois de l'éducation nationale à plein temps (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je fais les réformes qui n'ont pas été faites avant moi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) et je gère un ministère qui auparavant ne l'était pas ("Jospin" sur les bancs du groupe du RPR).

Un député RPR - Ils sont dans la rue maintenant.

M. le Ministre - J'ai entrepris une réforme de fond de l'éducation nationale et des lycées et je la conduirai dans le respect des égalités républicaines et sans démagogie. Cela fait trop longtemps que l'on ne s'interroge pas sur les défauts de base de ce système.

La décentralisation, la droite en avait parlé et c'est François Mitterrand qui l'a faite. La déconcentration, ce seront aussi les socialistes qui la feront (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

VIOLENCES URBAINES

M. Marc-Philippe Daubresse - Les lycées viennent de constater une fois de plus que M. Allègre ne répond pas à leurs demandes légitimes et qu'il rejette la responsabilité sur ses prédécesseurs et notamment sur François Bayrou. En tout cas du temps de François Bayrou, les lycéens n'étaient pas dans la rue (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le ministre de l'intérieur, la semaine dernière la grande majorité des lycéens qui ont manifesté le faisaient par conviction, pour obtenir une amélioration de leurs conditions de travail et l'égalité des chances -une demande légitime à laquelle le Gouvernement ne répond pas pour l'instant (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mais nous avons aussi constaté que des casseurs ont pu se livrer impunément à toutes sortes d'exactions : ce matin à la télévision, ils déclaraient sans vergogne avoir pillé des commerces et défilé devant les forces de l'ordre courageuses, certes, mais n'ayant reçu aucune directive (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Et partout nous constatons la montée de la délinquance des mineurs : des bandes de casseurs veulent remettre en cause nos valeurs républicaines.

Quelles mesures avez-vous prises pour garantir la sécurité des lycéens cet après-midi ? Et surtout, quelles mesures allez-vous prendre demain pour rétablir l'état de droit dans nos villes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - Au cours de la manifestation de jeudi dernier, la police nationale est intervenue dès qu'elle l'a pu, procédant à 146 interpellations de casseurs mêlés à la manifestation et d'autant plus difficiles à neutraliser qu'ils étaient très mobiles. Un commandant de police a été blessé à cette occasion. Je salue le travail de la police (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Ce matin j'ai réuni le préfet de police et le directeur de la police nationale pour contrôler les conditions d'encadrement de la manifestation. Nous faisons la distinction entre les lycéens, qui manifestent de façon peut-être désordonnée, mais sans intention de provoquer dégradations et violences, et les groupes qui utilisent l'occasion pour piller, vandaliser et frapper les passants (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Chaque fois que la police interviendra, elle aura le soutien du Gouvernement.

En prévision de la manifestation d'aujourd'hui, la police a déjà procédé à 4 000 contrôles d'identité à Paris et en banlieue ; à 15 heures, 82 interpellations avaient été opérées et une quarantaine de personnes placées en garde à vue.

Des consignes ont donc bien été données : notre volonté est de neutraliser les casseurs, de les arrêter et de les remettre à la justice.

Le Gouvernement fera face avec énergie, mû par la volonté de maintenir l'ordre sans opérer de confusion entre les jeunes lycéens et ceux qui utilisent les événements. 5 500 hommes, dont 4 000 en tenue, ont été déployés, avec pour tâche d'intervenir à tout moment.

L'opposition le sait par expérience, les manifestations de jeunes demandent du discernement dans les interventions. Le Gouvernement assumera sa tâche, sous mon autorité, soyez-en sûrs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et quelques bancs du groupe communiste).

ARRESTATION D'AUGUSTO PINOCHET

M. Louis Mexandeau - Les démocrates français, et notamment ceux qui ont vécu le drame subi par la République chilienne le 11 septembre 1973, se félicitent que l'action de juges d'une démocratie européenne, elle-même revenue de loin, ait abouti à l'arrestation, dans une autre démocratie, du dictateur implacable, Augusto Pinochet, qui se croyait assuré de l'impunité (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et certains bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

Cette décision est conforme aux principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme proclamée il y a 50 ans. Nous espérons que la justice que Pinochet a refusée à ses milliers de victimes lui sera appliquée.

Pensez-vous qu'on puisse améliorer encore les procédures actuelles de façon à ce qu'aucun dictateur, aucun bourreau de son propre peuple ne puisse rester impuni et cela où qu'il se trouve ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Thierry Mariani - Et Castro ?

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Votre question nous reporte à 1973. La démocratie chilienne était alors citée en exemple (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Rappelez-vous le renversement de cette démocratie, Salvador Allende acculé au suicide, l'arrivée en France et dans d'autres pays d'Europe de réfugiés, accueillis et aidés par les gouvernements tant conservateurs que sociaux-démocrates, car tous étaient révulsés par ces événements. Rappelez-vous ensuite la nuit des tortures, des assassinats, des disparitions.

Certes, nous respectons le droit des Chiliens de discuter entre eux des moyens de dépasser les séquelles de leur histoire. Il n'empêche, comme l'a dit le Premier ministre dès hier, que nous ressentons tous un sentiment de soulagement et de justice à voir que l'impunité recule partout dans le monde.

C'est pour cela que les autorités françaises ont eu lors des négociations de Rome, il y a quelques semaines, une attitude dynamique qui a contribué à l'adoption du statut de la Cour pénale internationale, dont l'objet est précisément de remédier aux défaillances des justices nationales et de juger les responsables de crimes particulièrement odieux et importants.

M. Laurent Dominati - Il faut arrêter Castro !

M. le Ministre - Il reste maintenant à faire entrer cette Cour dans les faits : la France est au premier plan dans cette action. C'est un progrès sans précédent dans la lutte contre l'impunité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

AÉROPORT D'ORLY

M. Yves Tavernier - De nombreux élus de l'Ile-de-France s'inquiètent de l'avenir de l'aéroport d'Orly. Il est prévu de transférer à Roissy les activités de fret d'Air-France Cargo et les activités de maintenance d'Air-France. Par ailleurs, le statut d'aéroport intercontinental d'Orly est remis en question : il se spécialiserait dans les vols de moins de 5 000 km.

Une telle décision poserait des problèmes majeurs à tout le sud de l'Ile-de-France. L'aéroport d'Orly rapporte à l'Essonne 140 millions de taxes professionnelles ; 12 500 entreprises tirent leur activité de la zone aéroportuaire ; le pôle d'Orly représente 67 000 emplois. L'enjeu est donc de taille. Déplacer les activités du Sud vers le Nord de l'Ile-de-France remettrait en cause la politique d'aménagement de la région parisienne, fondée sur l'équilibre entre ces deux pôles.

Monsieur le ministre, lors d'une réunion le 15 octobre dernier, vous avez affirmé que le Gouvernement souhaitait le développement d'Orly, et non son déclin.

Face à ces informations contradictoires, je vous pose une seule question : comment comptez-vous compenser la perte de la vocation intercontinentale d'Orly et y maintenir l'activité économique ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - J'ai bien compris votre inquiétude et celle des élus de l'Essonne et du Val-de-Marne (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Vous refusez que le déclin d'Orly se poursuive et vous avez raison. C'est pourquoi, contrairement à ce qui a été annoncé et parfois même décidé antérieurement -transformation d'Orly en aéroport "Schengen", départ d'Air-France Industrie, réduction des activités, transformation en aéroport de seconde zone- le Gouvernement actuel veut défendre et développer l'aéroport et ses activités annexes.

Il s'agit non pas d'opposer Roissy et Orly, mais de veiller à développer une synergie entre ces deux aéroports, qui sont un atout pour l'Ile-de-France. C'est pourquoi, dès mars dernier, j'ai engagé une concertation avec les élus concernés et les organisations syndicales en vue de mettre l'emploi et le développement des activités dans l'Essonne et le Val-de-Marne au coeur des futures propositions concernant l'aéroport. Vous dites que sa vocation intercontinentale est remise en question : je vous fais remarquer que les vols de 5 000 km permettent de dépasser largement l'Europe et d'atteindre l'Afrique et le Moyen-Orient ! Ce n'est pas suffisant. Si des transferts sont opérés pour répondre à la demande de villes de province -je pense aussi à l'aménagement du territoire- ou de l'étranger, ils ne porteront que sur 3 % des créneaux, soit 1 million de passagers, car nous entendons tenir compte des exigences des riverains et de la protection de l'environnement, et ils seront compensés par un rapatriement correspondant de Roissy vers Orly.

Par ailleurs, alors qu'il était envisagé le départ d'Air-France Industrie, qui a besoin de locaux plus grands et d'une modernisation, le Président d'Air-France a indiqué que seraient étudiées les propositions du département du Val-de-Marne et de la région pour maintenir les activités. Le Gouvernement en prend l'engagement : rien ne se fera...

Plusieurs députés DL - Ça, c'est sûr !

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - ...sans que soit assurés la croissance des activités d'Orly et l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Laurent Dominati - C'est la langue de bois, on dirait un énarque !

RETRAITES AGRICOLES

M. Christian Bourquin - Après l'adoption, la semaine dernière, de la loi d'orientation agricole, très appréciée des agriculteurs (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV), les retraites demeurent un dossier prioritaire au regard de la justice sociale.

En 1998, 300 000 retraités qui percevaient les pensions les plus basses ont bénéficié d'une augmentation de 500 F par mois.

En 1999, le Gouvernement s'apprête à augmenter encore ces retraites, au bénéfice de 600 000 personnes.

Un député DL - Et la CSG ?

M. Christian Bourquin - Cet effort devrait être poursuivi en direction de ceux qui n'ont pas effectué une carrière complète. Le plafond du fonds de solidarité vieillesse n'a pas été relevé depuis 1982, il mériterait de l'être.

Le Gouvernement peut-il confirmer qu'en 1999, après l'effort de 1998, les retraites agricoles inférieures à 2 400 F augmenteront de 200 à 500 F par mois ? Peut-il nous informer de ses intentions quant à l'augmentation du plafond du FSV, qui concerne plus de 2 millions de nos concitoyens ?

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Le Gouvernement partage pleinement votre souci ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) de venir en aide aux retraités agricoles les plus pauvres. Il l'a prouvé par deux décisions majeures. Ainsi, 680 millions ont été inscrits au budget 1998 afin de revaloriser 380 000 pensions. Allant plus loin encore, il vous propose cette année de porter cet effort à 1,6 milliard, 400 millions s'étant ajoutés samedi, grâce au vote d'un amendement du Gouvernement, au 1,2 milliard initialement prévu. Cette mesure bénéficiera à 500 000 retraités agricoles. Les chefs d'exploitation verront ainsi leur retraite portée de 2 750 à 3 000 F et les aides familiaux de 2 000 à 2 500 F.

En ce qui concerne les agriculteurs n'ayant pas effectué une carrière complète, le Gouvernement vous proposera lors de l'examen du budget de l'agriculture un dispositif de revalorisation dès lors qu'ils auront travaillé 32 ans et demi.

Le FSV et le minimum vieillesse font partie des sujets traités par le groupe d'études présidé par votre collègue Germinal Peiro (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Ils entrent aussi dans le cadre de la concertation menée, à la demande du Premier ministre, par le commissaire général au plan sur l'avenir des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

NOUVELLE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE ALLEMANDE

M. Guy Hascoët - Nous nous réjouissons bien évidemment des décisions d'ensemble qui viennent d'être annoncées en Allemagne en matière nucléaire. Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'étais au Bundestag, en juin dernier, lorsque Mme la ministre de l'environnement du gouvernement Kohl essayait vainement d'expliquer comment les contaminations radioactives, lors des transports de déchets nucléaires, avaient pu lui être cachées pendant sept années. Le nouveau gouvernement a décidé de ne plus transporter de combustibles irradiés à l'avenir. Est-ce que ceci ne pose pas la question du rapatriement des déchets nucléaires étrangers hors de France ?

Au-delà, n'est-ce pas toute notre stratégie en matière de gestion de nos propres déchets nucléaires qui est en cause ?

Comme le pensent un nombre d'acteurs de plus en plus important, notamment chez EDF, ne devrions-nous pas abandonner la stratégie de retraitement destinée à produire du plutonium ? La question, dès lors, ne serait pas de fermer La Hague, mais de réorienter son activité. Cela nous obligerait à changer d'attitude : d'une part, en révisant la stratégie de Mox, qui complique la question des déchets nucléaires en augmentant la durée de dangerosité et dont les Allemands ne voudront plus désormais, d'autre part, en envisageant de ne pas renouveler les contrats avec des pays étrangers, notamment le Japon, tout en suggérant à chacun de prendre en charge ses propres déchets, sur son sol (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV).

M. René André - Irresponsable !

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le gouvernement allemand a en effet annoncé une procédure longue et progressive de sortie du nucléaire, qu'il nous est difficile de juger car nous n'en connaissons pas le contenu.

Cela pose la question sérieuse des déchets, qui doit être traitée dans la transparence. A l'évidence, la politique suivie par le Gouvernement, qui consiste à accélérer le rapatriement des déchets est bonne. Il existe aussi des accords intergouvernementaux qui lient les Allemands et les Français jusqu'en 2000, certains accords commerciaux se poursuivant même au-delà. Je conçois mal qu'ils puissent ne pas être respectés.

Pour autant, on ne saurait en rester là, il faut avancer dans la transparence. Le rapport de votre collègue Le Déaut servira de guide au Gouvernement pour une politique de sûreté plus efficace. L'ADEME sera dotée cette année de 500 millions de plus pour faire avancer les dossiers des énergies renouvelables, du gaz naturel, du charbon propre. Mais, même si nous devons diversifier, c'est bien grâce au nucléaire qu'EDF est le premier électricien mondial et le Gouvernement entend qu'il le demeure (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

Vous vous réjouissez, Monsieur Hascoët, de la décision allemande, mais le nucléaire n'a pas que des inconvénients. Ainsi, nous tous ici qui nous intéressons à la pollution de l'air, nous devons savoir qu'alors que chaque Français est à l'origine d'une pollution d'1,8 tonne de carbone par an, ce taux est deux fois supérieur pour un Allemand et cela grâce à l'énergie nucléaire (Mêmes mouvements). Vous devriez donc trouver dans cette qualité intrinsèque de l'énergie nucléaire quelque motif de satisfaction... (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL, sur plusieurs bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV)

SÉCURITÉ PUBLIQUE LORS DES MANIFESTATIONS

M. Yves Nicolin - Le courant passe mal entre le Gouvernement et les Verts...

Après les prises de positions du Premier ministre et de votre majorité sur la sécurité, après quelques effets d'annonce, voici que le premier secrétaire du PS affirme qu'"il faut de l'ordre mais aussi prévenir les causes du désordre" (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; plusieurs députés socialistes se tournent vers M. Hollande pour l'applaudir).

M. François Hollande - Ça, c'est le rôle du Gouvernement.

M. Yves Nicolin - Après les discours, des actes, tel pourrait être le souhait de millions de nos concitoyens. Car les actions inacceptables commises en marge de la manifestation des lycéens de jeudi dernier, sous les regards impuissants des forces de police, sont encore dans les mémoires.

Je relis quelques dépêches de l'AFP ("Non !" sur plusieurs bancs du groupe socialiste). Le 15 octobre : "Une quinzaine de boutiques et de cafés ont été cassés et pillés, des voitures retournées, des cabines téléphoniques brisées, place de la Nation à Paris". "Les forces de l'ordre, peu nombreuses, ne se risquent pas sur la place. Plusieurs dizaines de lycéens pas rassurés ont quitté la manifestation".

Le 16 octobre : "Exceptés un jeune turc et un jeune français, pas un casseur, pas un auteur d'acte grave n'a été présenté au tribunal. "17 octobre : cinq mineurs de moins de 16 ans ont été mis en examen vendredi pour vols, recels et dégradations. Les cinq mineurs ont été remis à leurs parents".

Aujourd'hui, enfin, mais sûrement trop tard, des mesures semblent avoir été prises. Actuellement, 5 500 policiers sont déployés dans Paris pour faire face aux éventuels débordements liés à la présence de casseurs, en marge de la manifestation des lycéens.

Comment vous, Monsieur le ministre de l'intérieur, qui êtes en charge du maintien de l'ordre, avez-vous pu sous estimer ce qui allait se passer ? Pourquoi les forces de sécurité étaient-elles cantonnées à certaines entrées de rue, et pourquoi faute de recevoir d'ordre de leur hiérarchie, n'ont-elles pas su protéger les lycéens, les commerçants et les passants ? Comment quelques dizaines de jeunes munis de cagoules ont-ils pu se regrouper en toute impunité et ont-ils pu ensuite casser et piller sous l'oeil passif de plusieurs centaines de CRS et devant des passants médusés ? Enfin, que pensez-vous des propos de Mme la ministre de la justice, vendredi sur TF1, laquelle, questionnée sur les suites à donner aux interpellations, répondait : "je n'ai pas de consignes à donner à la justice" ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Il ne suffit pas de sauter comme des cabris devant les caméras en criant "sécurité, sécurité !" Au-delà des effets d'annonce, les Français attendent des actes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par interim - A l'occasion de la manifestation de jeudi, 146 personnes ont été interpellées ; 122, dont 75 mineurs, ont été placés en garde à vue, et 63 déférés à la justice. On ne peut pas dire que la police a laissé faire, impuissante : elle est intervenue, en tenant compte des conditions difficiles liées à une manifestation de jeunes. Elle l'a fait en opérant les distinctions nécessaires entre les jeunes qui souhaitaient manifester pacifiquement et ceux qui essayaient d'utiliser ces circonstances. On ne peut pas, s'agissant des jeunes, faire au départ des distinctions selon l'habit et l'apparence. Notre police républicaine agit dans le cadre des lois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je vous confirme que la volonté du Gouvernement est d'éviter toutes ces formes d'exaction et de vandalisme. Les gouvernements de droite y ont aussi été confrontés, par exemple lors des manifestations contre le CIP : la gauche n'avait pas alors utilisé ces événements (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

NOUVELLE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE ALLEMANDE

M. Jean-Bernard Raimond - Monsieur le Premier ministre, le nouveau gouvernement allemand, dans le cadre d'un accord de principe entre le SPD et les Verts, a décidé de renoncer au nucléaire civil. Nous avons donc trois questions à poser, même si M. le ministre de l'économie a partiellement répondu à la première.

Tout d'abord, l'Allemagne et la France sont liées par des accords concernant le transport et le retraitement des déchets nucléaires. Ces accords pourraient être dangereusement remis en cause, au détriment des entreprises françaises de ce secteur, en particulier la COGEMA. Que comptez-vous faire auprès du Gouvernement allemand pour protéger notre industrie ?

En second lieu, on laisse entendre que les Verts allemands auraient voulu introduire dans le contrat de gouvernement l'annulation du projet déjà très avancé de réacteur EPR. En juin 1998, Monsieur le Premier ministre, vous affirmiez la nécessité de donner toutes leurs chances aux coopérations en cours avec nos partenaires allemands, et mentionniez en particulier le réacteur EPR -auquel M. Christian Bataille, dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire relative à Superphénix, demandait qu'on accorde une priorité absolue. Qu'entendez-vous faire pour assurer la poursuite de ce projet ?

Enfin, dans ces conditions, ne devriez-vous pas proposer l'inscription d'un débat "démocratique et transparent" -pour citer vos propres termes- sur la politique énergétique française, comme vous l'aviez laissé entendre en juin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - L'évolution de la politique énergétique allemande sera longue et progressive, et négociée avec les producteurs d'électricité, dans un pays où 35 % de l'électricité primaire viennent du nucléaire. Sur le plan industriel, l'impact de la décision allemande devrait être limité, puisque la méthode choisie est contractuelle. En outre, le gouvernement allemand se donne un an pour adapter sa politique. Et il existe des relations partenariales très anciennes entre nos deux pays. La France entend maintenir les conditions de sa coopération en matière énergétique avec l'Allemagne, et notamment les approches communes qui lient fréquemment les autorités de sûreté des deux pays. L'initiative commune franco-allemande pour un fonds multilatéral de sûreté nucléaire auprès de la BERD devrait suivre son cours. Et l'approche commune résultant du memorandum franco-allemand de 1996 est toujours d'actualité. Quant aux partenariats industriels conclus entre Framatome et Siemens, qui ont permis que soit prêt aujourd'hui un avant-projet détaillé de réacteur EPR, ils augurent bien de l'avenir d'une coopération qui n'est pas remise en cause par la décision du gouvernement allemand. Nous poursuivons par ailleurs la coopération entre France, Allemagne et Russie pour la modernisation de réacteurs en Slovaquie et en Bulgarie, autre bon présage pour la poursuite de la coopération industrielle franco-allemande.

La politique énergétique française est diversifiée. Elle repose aussi bien sur les énergies fossiles que sur les énergies nouvelles et sur le nucléaire, qui en reste le pilier fondamental. Ses données ne devraient pas changer du fait des nouvelles inflexions de la politique allemande (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

AVENIR DES RETRAITES

M. André Schneider - L'équilibre de nos régimes de retraite, et en particulier des régimes spéciaux, est menacé -moi-même, fonctionnaire d'origine, je suis très inquiet (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Après des mois de silence, Monsieur le Premier ministre, vous venez de lancer une énième consultation auprès du Commissariat général au Plan. Mais il y a urgence. Cette consultation aboutira-t-elle une nouvelle fois à un livre blanc sans lendemain, ou, enfin à une vraie réforme ? Et dans ce cas, dans quel délai sera-t-elle soumise au Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - M. le Premier ministre a en effet confié au Commissariat au Plan, il y a déjà plusieurs mois, une étude générale sur les retraites. On ne peut se contenter de montrer du doigt tel régime spécial : il faut un diagnostic complet de tous les aspects de la situation... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) Quand vous avez voulu vous attaquer au régime de la SNCF, vous l'avez fait si maladroitement que tout le monde était dans la rue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Le Commissariat au Plan a terminé son diagnostic : commence donc la phase de concertation. A partir de là, nous lancerons un grand débat au début de l'année pour examiner tous les scénarios possibles. Cela nous permettra -avec l'appui, je l'espère, de l'ensemble de cette assemblée, car le sujet le mérite- de trouver les moyens, après 2005, de sauver la retraite par répartition, tout en ouvrant des voies permettant d'épargner pour l'avenir. Le Premier ministre a, par ailleurs, décidé de mettre en place un fonds de réserve pour les retraites, encore symbolique par son montant, mais qui est appelé à trouver de nouveaux financements. Il est symbolique aussi de notre volonté de défendre le système de répartition auquel les Français sont attachés. C'est donc au cours de l'année prochaine que nous devrions être appelés à prendre les grandes décisions qui devront l'être (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

INDEMNISATION DES VICTIMES DES VIOLENCES URBAINES

Mme Martine Aurillac - Monsieur le ministre de l'intérieur, de graves désordres ont fait dégénérer jeudi dernier la manifestation des lycéens qui protestaient contre l'immobilisme de M. Allègre. Ils ont suscité le sentiment d'un énorme gâchis, créé par des bandes organisées de vandales. Le Gouvernement a laissé le champ libre à un millier de casseurs. Alors qu'une nouvelle manifestation est prévue aujourd'hui, pour laquelle nous espérons que seront mis en oeuvre tous les moyens pour assurer la protection des lycéens, des commerçants, des riverains et des passants, il faut que des indemnisations soient diligentées au plus vite. Quel dispositif avez-vous prévu pour dédommager les victimes de ces incidents ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - La préfecture de police a invité les personnes dont les biens ont subi des dégâts à prendre contact avec leur commissariat, s'ils sont assurés, ou avec elle-même dans le cas contraire. Il y a en effet des dispositions légales qui permettent de faire face à une telle situation. Mais mieux vaut essayer de prévenir et de dissuader : c'est ce que nous avons fait, et ce que nous nous efforcerons de faire aujourd'hui encore. Convenez que la chose est difficile face à une manifestation de jeunes, inorganisés et peu encadrés ; mais les fonctionnaires de police agissent avec énergie, détermination et vigilance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SPORT ET ARGENT

M. Gaëtan Gorce - Les déboires qui ont affecté certains événements sportifs, notamment pendant l'été, ont conduit nos concitoyens à s'interroger sur les relations entre le sport et l'argent. Le fossé risque de se creuser entre le sport amateur animé par des bénévoles et le sport professionnel, de plus en plus gouverné par un souci de rentabilité et de performances à tout prix.

J'aimerais, Madame la ministre de la jeunesse et des sports, savoir comment les recettes liées à la dernière coupe du monde de football pourront être redistribuées aux clubs amateurs. D'autre part, que pensez-vous du projet de création d'une "super league", dans laquelle certains sports ont l'intention de se regrouper afin de se partager les droits de retransmission télévisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Oui, le risque existe d'une rupture entre le sport amateur et une partie du sport professionnel. Il est illustré par le projet de création d'une "super league", dont le but est d'organiser une tournée-spectacle avec des clubs choisis, non pour leurs résultats sportifs, mais parce que leur image est particulièrement rentable. La réalisation de ce projet équivaudrait à la mise à mort des règles du sport, aggraverait l'élitisme et les risques de dopage.

Dans ces conditions, pour préserver la cohésion du mouvement sportif, il faut rechercher des solutions appropriées à ses mutations. J'en vois deux essentielles. La première consiste à redistribuer l'argent du sport. Pour l'essentiel, les droits de télévision liés à la coupe du monde sont allés à la fédération internationale de football. Quant aux bénéfices que le comité d'organisation a réalisés, ils seront attribués aux petits clubs. Un accord a pu être trouvé sur ce point entre toutes les parties concernées. On peut estimer que ces bénéfices seront de l'ordre de 400 millions (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV). Mais il faut aller plus loin. Les droits de télévision représentent environ 1,250 milliard sur un an, mais ils ont entraîné d'autres bénéfices, notamment publicitaires, et cette somme peut donc être triplée ou même quadruplée. Cet argent doit profiter aux clubs associatifs (Mêmes mouvements). A cette fin, nous envisageons des mesures de mutualisation dans la loi d'orientation sur le sport ainsi qu'une tutelle plus stricte.

La deuxième solution est de rendre plus démocratique la vie des fédérations. Les bénévoles qui dirigent les clubs amateurs doivent participer au débat sur la gestion financière et sur les projets de ces fédérations.

On ne sauvera pas le mouvement sportif à l'aube du XXIème siècle sans progresser sur ces deux mesures (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).


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LOI DE FINANCES POUR 1999 - première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle les explications et le vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 1999.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Avant d'entendre les explications de vote qui vont précéder le vote solennel sur la première partie du projet de loi de finances, je voudrais me féliciter de la qualité du travail qui a été accompli la semaine dernière. M. Sautter et moi-même avons pris beaucoup de goût aux discussions intéressantes, parfois vives, qui ont eu lieu.

Elles ont permis l'adoption de 40 amendements d'origine parlementaire, contre 25 l'an dernier, ce qui était déjà plus qu'au cours des années précédentes. C'est d'autant plus remarquable que le texte avait donné lieu à une concertation sans doute plus approfondie que dans le passé et qui avait permis de retenir de très nombreuses propositions, émanant principalement -et c'est normal- de la majorité. Je citerai, notamment la baisse de la TVA sur les abonnements EDF et le durcissement de l'ISF proposés par le groupe socialiste, ou encore les mesures relatives à la taxe professionnelle prises à l'initiative du groupe socialiste, de même que la baisse des droits de mutation sur l'immobilier, sans oublier les propositions du groupe RCV relatives à la réduction de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence ou au tri sélectif. C'est dire que la majorité a largement contribué à façonner ce projet. Malgré cela, 40 amendements d'origine parlementaire, dont tous n'émanaient pas de la majorité, ont été adoptés. Plus de 5 milliards ont ainsi été déplacés, dont 1,7 milliard représente une baisse supplémentaire de la fiscalité des ménages. Elle s'explique par un amendement du groupe communiste abaissant la TVA sur la vente des terrains à bâtir, par un amendement du groupe socialiste accordant un crédit d'impôt destiné à soutenir les travaux de restauration à domicile et qui équivaut à une baisse de 15 points de la TVA ; la réduction des droits de succession pour le conjoint survivant y contribue également. Si cette baisse d'impôt s'élèvera à 1,7 milliard en 1999, elle sera de l'ordre de 4 milliards à partir de l'an 2000, lorsque les mesures prises auront leur plein effet.

Le débat de la semaine passée a eu une autre vertu : il a montré qu'existent deux conceptions de la politique budgétaire et fiscale, l'une de droite, l'autre de gauche. Au-delà de polémiques mineures, chacun a pu constater que sur certains sujets de fond, les deux sont inconciliables.

Cela dit, j'ai été très satisfait du déroulement des débats. J'en remercie tout particulièrement le président de la commission des finances, M. Bonrepaux, et son rapporteur général, M. Migaud, dont l'excellent travail préparatoire a facilité l'adoption de certains amendements.

Le budget que vous vous apprêtez à voter soutiendra l'objectif de 2,7 %, certes un peu moins ambitieux qu'en 1998 mais qui reste néanmoins l'un des plus élevés en Europe. Grâce à ce budget, nous nous mettons en situation d'obtenir la croissance, donc l'emploi. Il crée davantage de solidarité, supprime certaines inégalités et injustices : pour toutes ces raisons, la majorité sera fière de ce budget. Si l'on ajoute à cela les initiatives du groupe RCV introduisant des inflexions structurelles dans le domaine de l'écologie, on voit bien que ce budget prépare non seulement l'année 1999, mais aussi les années suivantes.

J'ai donc l'honneur de vous soumettre la première partie de ce projet et de vous convier à venir aussi nombreux, je l'espère, examiner sa deuxième partie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - L'examen du présent projet a été marqué, du point de vue de la méthode, par des progrès sensibles.

Après un débat d'orientation budgétaire au début du mois de juin, le Gouvernement a présenté, dès la fin juillet, les grandes orientations des finances publiques. Aussi, la présentation précoce, le 9 septembre dernier, du projet de loi de finances n'a-t-elle guère surpris.

Cette course de demi-fond n'aura cependant pas été courue en solitaire par le Gouvernement, puisque, dès l'automne dernier, il avait annoncé les trois grands axes des réformes fiscales envisagées : fiscalité locale, fiscalité écologique, fiscalité du patrimoine. La commission des finances a donc pu, avant l'été, faire connaître son sentiment sur ces trois dossiers et plusieurs de nos propositions ont été prises en considération dès l'élaboration du projet.

Il reste que nos débats ont suscité un intérêt soutenu. Ils ont duré plus de 47 heures, au lieu de 45 heures l'an passé et de 35 en moyenne au cours des années 1989 à 1997 ; 572 amendements ont été déposés contre 490 l'an passé et 400, en moyenne, au cours des années précédentes.

Nos débats se sont, dans l'ensemble, déroulés dans un climat serein et je remercie tous nos collègues qui ont apporté avec assiduité leur contribution à ce débat. Cela a d'ailleurs rendu d'autant plus voyante l'absence de ceux qui pensent pouvoir donner des leçons en matière budgétaire mais qui se cantonnent aux gesticulations médiatiques... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR du groupe UDF et du groupe DL)

M. Georges Tron - Voilà longtemps que vous n'aviez pas été désagréable !

M. le Rapporteur général - Tel responsable de parti a annoncé, à grand renfort médiatique la présentation d'un véritable contre-budget, dont nous n'avons guère trouvé la trace dans les amendements présentés par ses amis. Un autre a préféré rompre des lances, hors de cet hémicycle, contre les moulins à vent de la rétroactivité de la loi fiscale.

Nul, sauf à évoquer le spectre d'une récession mondiale généralisée, n'a véritablement contesté les hypothèses économiques qui fondent ce projet. Prudemment révisée, à 2,7 %, la prévision de croissance pour 1999 reste en phase avec les dernières prévisions du FMI comme avec celle des prévisionnistes.

Nul n'a non plus sérieusement contesté que ce budget poursuit la nécessaire décrue des prélèvements obligatoires. On pourra toujours juger insuffisante une baisse de 0,2 %, mais, après la diminution attendue pour 1998, cette évolution marque une rupture bienvenue par rapport à leur augmentation constante depuis 1994.

Ce budget marque aussi une augmentation contenue des charges de l'Etat. Compte tenu de la prévision d'inflation, leur montant à structure constante, sera quasiment stabilisé en 1999 où elles ne progresseront que de 0,2 %. Un effet d'économie et de redéploiement sans précédent permet cependant de financer les priorités du Gouvernement, qui sont celles que les Français ont choisies en mai-juin 1997 : emploi, solidarité, éducation, environnement.

Enfin, ce projet de loi de finances prolonge et amplifie les inflexions engagées l'an passé en faveur d'une plus grande justice fiscale.

Le projet initial du Gouvernement répondait déjà à ces objectifs. Nous nous sommes attachés à l'infléchir encore dans ce sens. Le Gouvernement a fait preuve, tout au long du débat, comme l'an dernier, d'esprit d'ouverture : 80 amendements ont été adoptés, modifiant le projet sur des points importants, avec des avancées significatives en matière de justice fiscale.

Ainsi avons-nous mieux pris en compte la situation des invalides, des anciens combattants et des personnes seules en matière de quotient familial. L'amendement présenté par le Gouvernement en deuxième délibération a le même effet que l'amendement adopté par l'Assemblée, se traduisant, pour les intéressés, par un allégement d'impôt de près de 300 millions de francs par rapport au projet initial.

A l'initiative du groupe communiste et apparentés, la TVA sera supprimée sur les terrains à bâtir achetés par des particuliers pour y construire un immeuble à usage privatif.

M. Jean-Pierre Brard - Merci.

M. le Rapporteur général - Cette mesure, importante sur le plan économique et sur le plan social, représente un effort de plus de 700 millions qui profitera d'abord aux ménages modestes. Elle devrait donner, tout comme l'assujettissement à la TVA des parcs résidentiels de tourisme, un coup de fouet à l'activité dans le secteur du bâtiment. Eurocompatible, elle pourra entrer en vigueur dès le 1er janvier prochain.

Il faut en effet tenir compte de la contrainte communautaire, importante en matière de TVA. Elle fonde d'ailleurs deux des amendements présentés par le Gouvernement en deuxième délibération, relatifs à l'application du taux réduit aux contrats d'abonnement aux réseaux de chaleur et à la part des ventes d'énergie calorifique représentative du coût du bois combustible nécessaire à sa production. Nous le regrettons. Cette contrainte explique également le détour que nous avons dû emprunter pour abaisser le taux de TVA sur les travaux d'entretien dans les logements. Nous avons demandé au Gouvernement de défendre cette priorité à Bruxelles plutôt que la voie qu'il avait initialement choisie avec "les services à la personne". Le ministre s'est engagé à faire savoir à la Commission que ces travaux représentent, pour la France, un domaine "ultra-prioritaire" pour l'application du taux réduit de TVA. Cette mesure emblématique a de surcroît le mérite de faire partie des suggestions avancées par la Commission lors du Conseil européen de Luxembourg de novembre 1997.

Le Gouvernement a, dans l'attente, accepté la mesure que proposait la commission des finances. Le plafond du crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien de l'habitation principale sera doublé et son taux porté à 20 %, et ce dès le 15 octobre. Ce sont en année pleine 2,3 milliards en moins pour les ménages. En outre, ce crédit d'impôt bénéficiera à tous, propriétaires comme locataires, contribuables imposables ou non.

Pour les carburants, nous avons adopté, à l'initiative du groupe RCV et de Mme Bricq, plusieurs incitations fiscales qui devaient encourager l'utilisation de carburants moins polluants.

Au titre des mesures importantes adoptées à la demande de la commission, citons le relèvement de l'abattement pour le conjoint survivant en matière de succession, de 330 000 F à 400 000 F à compter du 1er janvier 1999 et à 500 000 F à compter du 1er janvier 2000.

En matière de fiscalité du patrimoine, la concertation préalable avec le Gouvernement a permis des progrès significatifs. Ainsi le produit de l'ISF passera-t-il de 11 milliards en 1998 à 15 milliards en 1999. La commission avait proposé d'inclure les oeuvres d'art dans son assiette, selon des modalités forfaitaires, sans porter atteinte à la création contemporaine et en incitant les propriétaires à présenter leurs collections au public.

M. Jean-Pierre Brard - C'était très important.

M. le Rapporteur général - Le Gouvernement ne le souhaite pas. Nous en prenons acte tout en estimant, comme lui, que le dossier n'est pas clos.

Par ailleurs, nous avons, en concertation avec le Gouvernement, modifié l'article 24 relatif à l'assurance vie, que la commission avait précédemment rejeté. Les principales difficultés que présentaient les propositions initiales ont maintenant disparu.

La taxe professionnelle et le financement des collectivités territoriales constituaient, enfin, un axe majeur de ce projet de loi. Nos débats ont permis que la Représentation nationale, dans la majorité plurielle et même au-delà, soit convaincue du bien-fondé d'une réforme qui fera progressivement disparaître un frein à l'emploi et bénéficiera dès 1999 à des centaines de milliers de PME. Les efforts d'illustration et d'explication du Gouvernement avait cependant été insuffisants. Des réformes de cette ampleur doivent s'accompagner de simulations exhaustives, communiquées en temps utile aux parlementaires. Nous avons donc souhaité qu'un rapport, à l'automne prochain, nous éclaire sur les conséquences de cette réforme. Je souhaiterais de même que le Gouvernement nous présente des simulations très complètes préalablement à l'examen prochain de la révision des valeurs locatives foncières.

Pour ce qui est du financement des collectivités locales, le nouveau contrat de croissance et de solidarité devrait se traduire par des avancées importantes. La première mouture du Gouvernement avait suscité quelques insatisfactions. Mais les ministres ont répondu à nos attentes. La prise en compte de la croissance est portée de 15 à 20 % en 1999. Les pertes de compensation de la taxe professionnelle seront mieux modulées, ce qui favorisera les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et les bourgs-centres.

Autre mesure importante : l'extension de l'intervention du fonds de compensation pour la TVA à certains travaux d'urgence réalisés par les communes, notamment en matière de défense contre la mer, de lutte contre les inondations et les glissements de terrains.

L'intervention de notre Assemblée en première lecture aura été plus efficace que ne le donnerait à penser une simple augmentation de 600 millions de francs des recettes. Mais ce montant constitue le solde de mouvements d'une tout autre ampleur. Les recettes ont, en effet, été, d'une part, accrues de 3,3 milliards de francs et, d'autre part, diminuées de 2,7 milliards de francs. Ce montant ne représente certes que 0,4 % des ressources définitives nettes mais nos votes auront en fait une incidence sur près de 10 % des ressources nouvelles proposées.

En matière de dépenses, il faut également relever le nouvel effort en faveur des retraites agricoles les plus faibles.

Nous devons aujourd'hui nous prononcer sur les amendements présentés en seconde délibération par le Gouvernement. Même si cette procédure, classique, peut légitimement susciter des insatisfactions, le Gouvernement ne nous propose que des modifications marginales, à l'exception de celle que j'ai citée tout à l'heure.

Le déficit budgétaire s'établirait, compte tenu de la deuxième délibération, au même montant que dans le projet initial, soit 236,5 milliards de francs. C'est le signe, non pas du faible poids de l'Assemblée nationale dans ce débat, mais de son sens des responsabilités. Toutes les dispositions que nous avons proposées auront été gagées par des mesures accentuant encore l'effort de justice fiscale. A l'initiative du groupe communiste, sera instituée une quote-part de 2,5 % représentative des frais et charges au titre des dividendes perçus dans le cadre du régime des sociétés mères et filles, ainsi qu'une taxation supplémentaire des bons anonymes.

Au total, nous avons accentué les allégement des charges au profit des ménages, en particulier des classes moyennes et populaires.

En conclusion, je me réjouis comme l'an passé de la qualité des rapports qui se sont établis entre le Gouvernement, la commission et l'Assemblée tout entière. Nous avons pu faire valoir nos observations et les voir traduites dans le texte, dans des conditions satisfaisantes, même si tous les progrès souhaitables n'ont pas été obtenus.

Nous allons désormais examiner les dépenses des différents ministères : il s'agira de voir comment utiliser le produit de prélèvements dont chacun s'accorde à reconnaître que leur poids sur l'économie de la nation est trop lourd. La représentation nationale doit, au-delà du débat budgétaire, rechercher comment mieux utiliser les fonds publics. C'est à cette tâche que nous convie le Président de l'Assemblée qui, dans quelques instants, constituera autour de lui un groupe de travail sur le contrôle parlementaire et l'efficacité de la dépense publique.

Dans l'immédiat, je vous invite à vous prononcer favorablement dans le vote qui va intervenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Philippe Auberger - Nous voici au terme d'un débat qui aura donné l'occasion au Gouvernement de se livrer à un véritable festival d'autosatisfaction, de suffisance et même parfois d'arrogance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Pourtant, ses hypothèses sont totalement décalées par rapport à la réalité actuelle. En effet, ce budget a été élaboré, en juillet, à un moment où le Gouvernement n'avait prévu ni la crise russe ni la crise boursière, ni la baisse de 10 % du dollar. Il aurait dû le revoir en septembre. Il ne l'a pas voulu. Les voix les plus autorisées, dont le Président de l'Assemblée nationale, tous les économistes sérieux, notamment ceux du Financial Times qui serait, paraît-il, la lecture favorite du ministre de l'économie, ont pourtant dénoncé l'irréalisme de ces prévisions. L'embellie de la croissance et du chômage est malheureusement derrière nous !

Le Gouvernement annonce une amélioration des comptes publics en 1999 mais oublie d'ajouter que la France sera, parmi les pays de l'euro, celui qui aura encore les déficits les plus lourds. La dette publique continuera à augmenter dangereusement. En outre, le Gouvernement parie que les comptes sociaux seront équilibrés alors qu'aucune mesure sérieuse n'a été prise en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le Gouvernement nous promet, enfin, des baisse d'impôts. Or le niveau des prélèvements obligatoires augmentera en 1999, comme en 1998, comme au second semestre de 1997. A preuve les 75 milliards de recettes fiscales supplémentaires. Certes, la taxe professionnelle diminuera, au bénéfice d'ailleurs des seules entreprises puisque les professions libérales sont écartées du bénéfice de la mesure. Les entreprises y gagneraient 5 milliards mais après les avoir ponctionnées de 22 milliards en 1997, c'est bien le moins qu'on pouvait faire.

L'impôt sur le revenu, lui, progressera de 17 milliards, dont 14 milliards du fait de la remise en cause inacceptable et injustifiée du plafond du quotient familial qui pénalisera 600 000 familles. Beau projet pour de prétendus défenseurs de la famille !

Vous avez, d'autre part, beaucoup évoqué des baisses de TVA. Il n'y aura en définitive de baisse que sur la TVA applicable aux abonnements de gaz et d'électricité ce qui ne représente que cent vingt francs par famille et par an.

M. Jean-Pierre Brard - On ne parle pas la bouche pleine !

M. Philippe Auberger - Les baisses de TVA ont été au coeur de votre campagne électorale de 1997. Sous la férule du professeur Strauss-Kahn, la majorité commence à déchanter. Au rythme actuel, il faudrait quinze ans pour parvenir aux baisses promises et je crains que le temps lui soit davantage compté ! (Rires sur les bancs du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Vous invoquez sans cesse Bruxelles tout en claironnant que douze gouvernements d'Europe sur quinze sont à dominante socialiste. La solidarité ne peut-elle jouer ? A quoi servent ces sommets médiatiques sur l'emploi si l'on ne peut pas même y décider l'allégement de la TVA sur les travaux à domicile ?

Enfin, vous nous expliquez que les riches dépensent plus et paient donc plus de TVA. Alléger le taux de TVA leur profiterait donc davantage qu'aux pauvres. Aussi refusez-vous de le faire pour les repas dans les restaurants, pour les activités sportives et même pour le chocolat. Les promesses les plus solennelles sont oubliées ; chacun le constate, l'Etat socialiste, c'est aussi l'Etat hyper-fiscaliste.

D'ailleurs, bien d'autres promesses ont disparu de ce budget. Selon la ministre du travail, des centaines de milliers d'emplois devraient être créés grâce aux 35 heures mais dans le budget de 1999 on en attend tout au plus 40 000. Les emplois-jeunes qui devaient être créés dans les entreprises ont également disparu alors que le mouvement d'allégement des charges sociales sur les bas salaires reste stoppé.

Ce budget n'est pas un budget d'économie, c'est un budget d'amnésie.

Le Gouvernement aime à répéter qu'il a la chance pour lui. Tant mieux pour la France mais, chacun le sait, la chance tourne vite. Et si le Gouvernement ne parvient pas à respecter ses engagements quand la chance est avec lui, qu'en sera-t-il alors ?

Le groupe RPR votera contre ce budget irréaliste qui ne respecte pas les engagements pris solennellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Christian Cuvilliez - La discussion du budget pour 1999, le premier budget de la gauche, se déroule au moment où les incertitudes économiques s'accumulent. La responsabilité des marchés financiers dans la crise mondiale est lourde et le système monétaire européen semble plus enclin à défendre les performances boursières que l'investissement et l'emploi.

En France, l'attente de nos concitoyens, très forte, s'exprime dans des mouvements lucides et responsables comme ceux des lycéens et des enseignants, des salariés de la RATP, de la Navale et de GIAT Industrie. Ces actions traduisent une profonde aspiration au changement que nous souhaiterions trouver une réponse plus forte dans le budget pour 1999.

Le Gouvernement s'appuie sur le Pacte de stabilité pour privilégier la réduction de la dette. La déclaration commune du parti socialiste et du parti communiste reconnaissait pourtant que pour assurer une croissance durable, il fallait d'abord renforcer le pouvoir d'achat et la demande intérieure. Ce n'est pas avec les recettes de l'austérité et des restrictions budgétaires chères à la droite que l'on répondra à l'attente des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Notre préoccupation première, l'emploi et la justice fiscale, nous a conduits à demander que la politique économique se dégage de la logique ultra-libérale et que soient taris les flux financiers spéculatifs préjudiciables à notre économie.

Ainsi s'expliquaient nos amendements tendant à inclure les biens professionnels dans l'assiette de l'ISF ou les actifs financiers dans celle de la taxe professionnelle.

Le Gouvernement a retenu, pour environ 15 milliards, certaines de nos propositions. Ainsi, lors de la préparation du budget, de la baisse du quotient familial qui devait permettre de continuer à verser les allocations familiales sans conditions de ressources ou de la baisse de la TVA sur les abonnements de gaz et d'électricité. Dans le débat de la semaine dernière, ce fut l'augmentation de l'impôt sur les sociétés mères et filiales, l'encouragement à l'achat de terrains par les particuliers en vue d'y construire ou l'amélioration des retraites agricoles les plus faibles. Ce n'est pas négligeable.

Mais le Gouvernement devrait aussi respecter les choix de sa majorité parlementaire, par exemple en allant plus loin pour l'impôt sur la fortune. Dans ce débat, la droite, quant à elle, s'est révélée incapable de proposer autre chose que des avantages fiscaux pour les plus fortunés, financés par des suppressions d'emplois publics, un libéralisme sans entrave pour les uns et une austérité perpétuelle pour le grand nombre (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). De profondes réformes de structure restent à mettre en oeuvre. Pour y parvenir, il faut un budget ancré à gauche, et non qui dérive vers le centre.

Les députés communistes sont membres à part entière de la majorité. C'est avec le souci d'être efficaces et de contribuer au changement qu'ils voteront la première partie du budget pour 1999 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Mais ce vote n'est qu'une étape du débat budgétaire ; les recettes et crédits peuvent encore être améliorés dans la suite du débat. Nous disons donc oui à condition que d'ici à décembre, des évolutions sensibles interviennent encore. Nous attendons de nouveaux rendez-vous. Par exemple, pour définir la taxe professionnelle en conciliant efficacité fiscale, développement de l'emploi et autonomie des collectivités locales, ou pour constituer un grand pôle bancaire public autour des établissements existants et faire jouer un rôle nouveau au crédit.

Il est nécessaire et possible d'aller plus loin. On ne peut pas répondre aux lycées que satisfaire leurs revendications obligerait à réduire d'autres budgets.

Nous avons proposé de trouver des financements par le biais de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur la fortune, de la taxation des mouvements spéculatifs. L'adoption de ces mesures peut encore permettre dans les prochaines semaines, d'améliorer sensiblement ce budget, de créer des emplois publics, d'augmenter les crédits des budgets sociaux, pour répondre aux besoins légitimes et réalistes qui se manifestent aujourd'hui dans le pays avec le soutien sans réserve de notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Jean-Jacques Jegou - Au terme d'un marathon budgétaire d'une semaine, le groupe UDF-Alliance a constaté l'autosatisfaction du Gouvernement et du parti dominant de la majorité plurielle, mais aussi les tentatives quelquefois désespérées du parti communiste et des Verts qui ont tenté respectivement de gauchiser encore ce budget et de se contenter de ce qu'ils appellent pompeusement "l'an I de la fiscalité écologique".

Dans un contexte financier instable, c'est un tout autre budget qu'il fallait présenter. Nous pensons en effet qu'en période de croissance, la seule voie qui puisse préserver nos concitoyens d'un retournement de conjoncture est, comme l'ont dit le président Fabius, Jacques Delors et Jacques Lang, celle de la baisse des impôts et des charges, de la baisse du déficit et de la baisse des dépenses. Vous avez fait tout le contraire.

Ce budget est injuste pour les familles. En abaissant le quotient familial de plus d'un tiers, vous touchez tout particulièrement les jeunes couples avec un seul enfant. Au total, plus de 500 000 familles subiront une augmentation d'impôts parfois très importante.

Il est injuste pour la majorité des salariés, qui ne pourront bénéficier des 30 000 F de franchise d'impôt que vous accordez à une petite catégorie de salariés pour des raisons inavouables au fond.

Ce budget est inefficace et improvisé avec la réforme de la taxe professionnelle concernant la part salariale. Cette réforme, pour laquelle vous ne nous avez toujours pas fourni de simulations, risque de perturber l'équilibre financier d'un certain nombre de collectivités locales et vous savez pertinemment quelle ne créera pas d'emplois.

Enfin, c'est un budget idéologique : tous nos amendements fiscaux concernant les concubins ont été rejetés alors qu'ils réglaient les questions posées en évitant de mettre sur le même plan la famille et le PACS.

Que dire, enfin, de la façon dont le Gouvernement a sonné la fin de la récréation, en exigeant en une seconde délibération que le Parlement mange son chapeau en annulant plusieurs de ses décisions.

Alors que le vote du budget est le point d'orgue du travail parlementaire, on peut se demander, puisque vous avez refusé de modifier si peu que ce soit un déficit au demeurant trop important, à quoi sert le Parlement !

Parce qu'il ne prépare pas l'avenir des Français dans l'Union européenne, le groupe UDF-Alliance votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Alain Tourret - Ce budget est un bon budget. Il est dans la continuité de celui de 1998, qui nous a donné satisfaction puisqu'appuyé sur une croissance de 3,1 %, il a permis la relance de la consommation et la création de 280 000 emplois marchands, favorisant ainsi une baisse significative du chômage. Le déficit des comptes publics a été maintenu sous le seuil fatidique des trois pour cent du PIB tandis que les prélèvements obligatoires, certes encore trop importants, baissaient de 0,2 point.

Nous avons pourtant connu des tornades financières avec les crises asiatique et russe. Celles-ci ne peuvent être sans incidences sur le dynamisme des marchés américain et européen. Mais elles auront un effet positif si elles permettent de renforcer les institutions financières internationales et de consolider le choix de l'euro, et plus largement, celui de l'Europe pour nous autres Français.

Pour 1999, vous prévoyez, Monsieur le ministre, une croissance de 2,7 %. Au terme d'une démonstration souvent magistrale, vous nous avez convaincus que ce chiffre était crédible. Que faire de cette croissance ? D'abord, réduire la pression fiscale, devenue souvent insupportable pour les classes moyennes et aussi diminuer le poids de la dette. Nous approuvons la réduction du déficit de 0,7 point.

Les priorités proposées nous semblent équilibrées : réduction des impôts de 16 milliards, réduction du déficit de 21 milliards, accroissement des dépenses publiques de 16 milliards, diminution de 20 milliards des prélèvements sur les revenus du travail, compensée par une augmentation de 28 milliards de l'imposition des revenus du capital et la création d'une nouvelle tranche de l'ISF pour les 800 patrimoines de plus de 100 millions. Mais ces transferts ont néanmoins leurs limites ; le rendement de l'ISF, en particulier, dépend de la reprise de la Bourse.

Nous nous félicitons de la suppression de la TVA sur les acquisitions de terrains à bâtir, car elle relancera le bâtiment et dynamisera la politique des communes rurales pour faire venir de nouvelles populations.

Le gel de la TIPP sur l'essence sans plomb et la réduction de l'écart avec le gazole vont également dans le bon sens.

En revanche, nous sommes réservés quant au maintien de la redevance audiovisuelle : 98 % des Français ont un téléviseur. Demander à tous la même redevance de 735 F est injuste pour les plus pauvres. La télévision n'est plus un luxe, elle fait partie du quotidien ("Il a raison !" sur les bancs du groupe UDF). Pourquoi, dès lors, ne pas fiscaliser cette redevance quitte à demander à chacun de devenir contribuable ? Etre contribuable, c'est participer à la citoyenneté ! ("Bravo !" sur les bancs du groupe du RPR)

La réforme de la taxe professionnelle nous paraît dangereuse ou du moins prématurée (quelques applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Elle remet en cause certains aspects de la décentralisation car l'autonomie communale réside plus dans la possibilité de lever l'impôt que dans le versement par le Gouvernement de dotations (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur les bancs du groupe DL).

En dépit de ces réserves, nous appuierons ce budget car il est marqué par le souci d'accompagner la reprise économique en privilégiant la justice sociale et la solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. François d'Aubert - Ce débat a été surtout marqué par une indifférence condescendante du Gouvernement à l'égard de sa majorité et méprisante à l'égard de l'opposition. Il faut dire que certains débordements idéologiques de la majorité plurielle pouvaient l'expliquer...

Le groupe DL est hostile à ce budget pour trois raisons.

La première, c'est qu'il repose sur des hypothèses sujettes à caution : un dollar à 6 F, une inflation surestimée, tout cela pour masquer l'augmentation des dépenses et des impôts... Face à la multiplication de signes de ralentissement économique en Europe et même en France, la prévision de croissance de 2,7 % paraît exagérément optimiste. Si elle ne se réalisait pas, il y aurait non pas création mais réduction d'emplois.

Deuxième raison, ce budget est à contre-courant des politiques menées par nos voisins européens : alors qu'ils diminuent la dépense publique, vous vous obstinez à l'augmenter. Vous auriez pu économiser quelque 50 milliards, vous n'avez pas voulu le faire. Vous auriez pu baisser les impôts, vous les augmentez, contrairement à ce que vous prétendez : qui peut croire que l'impôt sur le revenu va diminuer alors que son produit va augmenter de 17 milliards ?

Vous parlez de la baisse relative des prélèvements obligatoires, mais elle est due à la croissance plus forte, n'en faites pas un exploit du Gouvernement !

Enfin, troisième raison de rejet, ce budget hypothèque l'avenir (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). La question des retraites et celle des fonds de pension ne sont pas abordées (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Vous vous attaquez aux catégories sociales porteuses d'avenir : les épargnants n'oublieront pas que l'imposition du patrimoine et de l'épargne a augmenté de 40 % en deux ans, les familles n'oublieront pas les mauvais coups portés l'an dernier et cette année (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF), les entreprises apprécieront le pseudo-cadeau que constitue la réforme de la taxe professionnelle, qui aboutit à en faire un impôt sur l'investissement !

Pour toutes ces raisons, le groupe DL ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Président - Le scrutin public est annoncé dans le palais.

M. Jean-Louis Idiart - Je me félicite, avec mes collègues socialistes, du bon travail effectué depuis juillet avec le Gouvernement : pour la première fois, nous avons eu vraiment du temps pour préparer ce débat. Le nombre d'amendements adoptés témoigne de cet esprit d'ouverture du Gouvernement envers le Parlement.

L'opposition parle de suffisance : je me demande où elle l'a vue. J'ai noté, au contraire, le caractère fructueux et parfois même cordial de nos débats, contrastant il est vrai avec quelques effets de manche aujourd'hui, alors que nous sommes rassemblées devant les médias ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Ce budget se situe dans un contexte de croissance retrouvée et poursuit trois objectifs : réduction du déficit, réduction des prélèvements, accompagnement de la consommation. Nous sommes attachés à la réduction de la TVA : c'est pourquoi nous avons voté les propositions faites par le Gouvernement et nos collègues communistes, mais aussi obtenu du Gouvernement l'engagement de discuter au niveau européen de la réduction de la TVA, notamment sur les travaux dans les logements.

L'opposition nous reproche de ne pas l'avoir fait plus tôt, mais qu'a donc fait la précédente majorité ? Le premier sommet européen sur l'emploi s'est tenu à l'initiative de ce gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Nous avons également abaissé le taux de la TVA sur la collecte sélective des déchets et l'avons supprimée sur les mutations de terrains à bâtir.

Enfin, en nous appuyant sur les rapports de nos collègues Nicole Bricq, Didier Migaud et Edmond Hervé, nous avons complété le texte gouvernemental sur la fiscalité écologique, la fiscalité du patrimoine et la fiscalité locale.

La taxe professionnelle, si décriée les dernières années, semble aujourd'hui retrouver une nouvelle virginité aux yeux de certains ! C'est pourtant une taxe injuste et qui ne favorise pas le développement ; il faut la réformer. De même, nous avons souhaité que dès l'an prochain un rapport soit préparé afin que nous examinions ensemble les effets de cette réforme sur l'emploi, et les incidences qu'elle aura à partir de la deuxième année sur les finances des collectivités locales, étant entendu qu'elle n'en aura aucune la première année.

Nous avons également voulu que le Gouvernement aille un peu plus loin dans ses relations avec les collectivités locales. Le pacte de stabilité, qui n'avait de pacte que le nom et dans lequel stabilité signifiait régression, est transformé en pacte de croissance et de solidarité (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). Désormais, les collectivités locales seront dotées en fonction non seulement de la croissance mais aussi de l'inflation. Nous avons obtenu du Gouvernement que la part relative à la croissance soit portée à 20 % en 1999, 25 % en 2000 et à 33 % en 2001.

Enfin, en ce qui concerne la fiscalité du patrimoine, nous nous réjouissons que les décisions qui ont été prises aillent vers une amélioration du rapport de l'ISF. Nous déplorons en revanche d'avoir été contraints, dans le cadre de la seconde délibération, à renoncer à la proposition du rapporteur général d'inclure les oeuvres d'art dans la base de l'ISF. Cette mesure sage, modeste et juste n'a pas été retenue ; nous espérons qu'elle pourra l'être dans les années à venir (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Pour créer une surprise, je vous invite, au nom du groupe socialiste, à voter la première partie de cette loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - A la demande du Gouvernement et, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets aux voix, par un seul vote, les dispositions ayant fait l'objet de la seconde délibération et l'ensemble de la première partie du projet de loi.

A la majorité de 305 voix contre 245 sur 553 votants et 550 suffrages exprimés, les dispositions ayant fait l'objet de la seconde délibération ainsi que la première partie de la loi de finances sont adoptées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

La séance, suspendue à 17 heures 5, est reprise à 17 heures 15 sous la présidence de M. Paecht.

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président


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FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au dimanche 8 novembre a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé que les explications et le vote par scrutin public sur la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité auront lieu le mardi 10 novembre à 15 heures, après les questions au Gouvernement.

Le calendrier budgétaire de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 a été rectifié et sera annexé au compte rendu intégral de la présente séance.

Enfin, en application des dispositions de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, il a été décidé que la prochaine séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée aurait lieu le vendredi 20 novembre prochain, matin et après-midi.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie-

L'ordre du jour appelle la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'enseignement supérieur - En trente ans, les conditions dans lesquelles se pose la question des moyens à accorder aux formations postbaccalauréat ont profondément changé. Le système français d'enseignement supérieur s'est diversifié, comme l'illustre le développement des IUT, qui accueillent aujourd'hui quelque 115 000 étudiants. Surtout, ce système n'est plus confronté à un afflux massif d'étudiants, mais enregistre une stabilisation de ses effectifs, voire une baisse, d'environ 1,2 % à la rentrée 1997-98. Enfin, son ouverture sur l'extérieur, qui demande à être poursuivie, est déjà une réalité.

Dans ce contexte nouveau, le budget de l'enseignement supérieur pour 1999 s'élèvera à 51 114 millions en dépenses ordinaires et crédits de paiement. Il progresse ainsi de 5,48 % par rapport à 1998, contre 2,3 % pour la moyenne des budgets civils de l'Etat. Ceci traduit nettement la priorité accordée par le Gouvernement à la modernisation du système universitaire français.

Si le contexte est favorable, il impose certaines exigences que ce budget prend en compte. La première est de rendre le système universitaire accessible à tous. C'est l'objectif du plan social étudiant, qui s'étalera sur quatre ans, et dont un premier volet figure dans les crédits demandés pour 1999. Ainsi, les crédits consacrés à l'action sociale augmenteront de 8,2 % pour atteindre 8 967 millions. Plus précisément, les crédits affectés aux bourses progresseront de 9,3 % pour s'établir à 7 178 millions. Cette majoration significative doit permettre de revaloriser le montant des bourses et d'élargir le champ de leurs bénéficiaires. A quoi s'ajoute l'attribution de 15 000 aides exceptionnelles destinées aux étudiants redoublants ou en réorientation, ainsi que de 200 bourses de mérite pour les meilleurs bacheliers qui souhaitent préparer les écoles nationales de la magistrature et de l'administration. Cet effort considérable permettra d'augmenter le nombre d'étudiants aidés de 25 200.

Le plan social étudiant prévoit également d'engager les premiers travaux de construction et de rénovation des résidences universitaires, et la participation de l'Etat pour 75 millions à la mise en place d'un tarif réduit de transports pour les étudiants d'Ile-de-France.

Au-delà de cet effort financier, c'est une amélioration du fonctionnement et de l'organisation de la vie étudiante qui est recherchée. Le plan social étudiant n'apporte pas seulement des moyens supplémentaires : il privilégie une approche qualitative, pour une amélioration durable des conditions de vie des étudiants.

Deuxième grand chantier de l'enseignement supérieur, le plan "Université du troisième millénaire", dont ce budget pose les jalons. Dans un souci de cohérence, ce plan privilégie la rénovation de l'environnement dans lequel les étudiants sont amenés à étudier. Au sein des crédits d'investissement, qui s'élèveront à 5 025 millions en AP, une enveloppe de 1 030 millions sera affectée à son financement en 1999. Ce n'est là qu'une préfiguration, car le plan a vocation à couvrir la période 2000-2006. Cette enveloppe permettra de traiter les derniers problèmes de mise en sécurité des bâtiments universitaires, et les premiers investissements du plan social étudiant.

A plus long terme, les crédits affectés au plan U3M seront consacrés à une rénovation du cadre de vie étudiant, avec une priorité accordée aux universités de Paris et de sa périphérie, en raison de la forte dégradation de leur patrimoine immobilier et sous réserve de leur restructuration institutionnelle. J'ai longuement montré dans mon rapport combien une telle intervention s'impose et ne signifie en rien que les besoins des universités de province ne seront pas pris en compte. Bien au contraire : s'il faut reconnaître la réussite du plan U2000 en province, certaines opérations de réhabilitation sur des bâtiments antérieurs à son lancement s'imposent aujourd'hui. En outre, d'autres priorités apparaissent : accorder à la recherche universitaire une place centrale, favoriser l'organisation de réseaux régionaux. Une des mesures du plan social étudiant, la création de commissions de la vie étudiante dans chaque site universitaire, permettra de mettre en oeuvre ces orientations de manière concertée et efficace.

L'enveloppe "U3M" pour 1999, comprendra, par ailleurs, 560 millions en AP et 321 millions en CP pour le désamiantage du campus de Jussieu. La question complexe de Jussieu soulève non seulement des problèmes de santé publique mais aussi de sécurité incendie et de coût. C'est pourquoi on ne saurait à l'heure actuelle préjuger de l'avenir du campus. On mesure donc la nécessité d'une expertise indépendante, comme celle que vous avez diligentée, Monsieur le ministre. Et il faudra poser clairement la question de la poursuite du chantier ou de son abandon pour un déménagement du campus.

La progression des crédits d'investissement permettra à la fois de poursuivre l'exécution des contrats de plan Etat-régions pour lesquels sont inscrits 1 446 millions d'autorisations de programme et d'engager de nouveaux projets, comme la construction du Musée des arts premiers, cofinancée à parité par les ministères de l'enseignement supérieur et de la culture.

Ce budget traduit également un souci de modernisation du système universitaire face aux défis que représentent son ouverture internationale et son adaptation aux besoins de formation, mais aussi aux nouvelles techniques de diffusion du savoir. Dans cette perspective, les crédits de fonctionnement sont abondés de 192 millions afin de développer les nouvelles technologies. Au sein de ces crédits, 20 millions supplémentaires iront à l'équipement informatique des IUFM et à la formation aux nouvelles technologies.

Les crédits de fonctionnement des bibliothèques universitaires ne bénéficieront, en revanche, que d'une mesure nouvelle de 15 millions, ce qui reste insuffisant au regard du retard accumulé. Je considère donc que cet effort doit être renforcé : l'élaboration du plan U3M en offrira l'occasion.

Certaines universités ont mis en place des dispositifs destinés à mieux préparer les étudiants à leur entrée dans le monde professionnel. Ces initiatives méritent, certes, d'être encouragées, mais je reste convaincu que la mission première du système d'enseignement supérieur est de permettre un exercice critique du jugement. Je ne résiste pas au plaisir de citer Montaigne, qui insistait pour que l'élève rende compte non pas des "mots de sa leçon mais du sens et de la substance, et qu'il juge du profit qu'il en fait, non par le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie".

Pour développer la formation continue dans les établissements d'enseignement supérieur, un appel d'offres a été lancé cette année afin d'encourager les projets faisant appel à des outils pédagogiques novateurs. Mais les moyens humains et financiers nécessaires pour ces actions restent à définir et je souhaiterais, Monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur ce sujet.

Quant au développement des formations professionnalisées, envisage-t-on de prolonger les études en IUT d'un an, ce qui correspondrait à une "norme européenne ? Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître vos intentions.

Le budget pour 1999 se caractérise par un effort d'adaptation des métiers de l'enseignement supérieur à ces différentes évolutions. Ainsi le recrutement de 1 500 enseignants-chercheurs est rendu possible grâce au transfert de la prise en charge de 1 500 attachés temporaires d'enseignement et de recherche sur un chapitre budgétaire différent. De même, sont créés des emplois de personnels non enseignants, comme en 1998. La création de 800 emplois budgétaires, dont 150 emplois de personnels de bibliothèques, est prévue, et une attention particulière est portée à la qualité de ces créations : 40 % concernent des emplois en catégorie A, 34 % en catégorie B. Mais cet effort ne doit pas être relâché. Enfin, des mesures de revalorisation des carrières traduisent la volonté d'adapter les qualifications. Ces dispositions contribueront à améliorer le taux d'encadrement des étudiants, qui s'établira à 19,25 étudiants par enseignant contre 19,80 en 1998.

Au-delà de ses aspects financiers, ce budget traduit des orientations stratégiques propres à améliorer les conditions de la vie étudiante et l'efficacité sociale de notre enseignement supérieur. Ces orientations illustrent la diversité des attentes auxquelles celui-ci doit répondre, qui vont d'une demande sociale d'éducation croissante à celle d'un développement de la connaissance comme enjeu de compétitivité économique.

En conclusion, ce budget se caractérise par un certain réalisme, sans toutefois renier les missions fondamentales qui incombent au système universitaire dans le développement de la connaissance. La commission des finances a adopté le budget de l'enseignement supérieur car il traduit bien la priorité que le Gouvernement lui accorde (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Geneviève Perrin-Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement supérieur - Le présent budget, en augmentation de 5,48 %, traduit la volonté du Gouvernement de poursuivre la démarche engagée l'année dernière en vue de moderniser l'enseignement supérieur.

Ce budget s'élève à 51,114 milliards contre 48,459 en 1998 alors que le nombre d'élèves accueillis devrait diminuer de 1,1 %.

L'augmentation de 9,3 % des crédits d'action sociale en faveur des étudiants constitue le premier volet d'un plan quadriennal, présenté par M. Allègre en juillet dernier, et destiné à améliorer le système actuel d'aides. Au total, le plan social étudiant tend à augmenter de 15 % le taux des bourses et de permettre à 30 % des étudiants d'en bénéficier.

S'agissant du plan U3M, il est prévu d'anticiper, comme l'an dernier, sur son application en ouvrant un milliard de francs d'autorisations de programme afin de poursuivre l'effort entrepris en matière de construction et de sécurité des bâtiments universitaires.

Quant au lien entre U3M et le plan social étudiant, il est assuré par le fait que le quart des investissements programmés servira, en priorité, à améliorer les lieux de vie des étudiants.

Cela dit, ce budget est plus que jamais centré sur l'étudiant, qu'il s'agisse de l'amélioration de ses conditions de travail ou de la mise en oeuvre du plan social étudiant. Les mesures prises, qui ne connaissent dans ce projet que leur première concrétisation financière, sont porteuses d'avenir pour la qualité de notre enseignement supérieur, au bénéfice de tous les étudiants, et participent de la volonté de justice sociale qui anime le Gouvernement et sa majorité.

L'amélioration des conditions de travail concerne à la fois l'encadrement des étudiants et leur accueil.

Si le présent projet ne comporte aucune mesure de création d'emplois d'enseignants-chercheurs, des crédits correspondant à la rémunération de 1 500 attachés temporaires d'enseignement et de recherche y sont cependant inscrits sur le chapitre 31-96. Le volume actuel d'ATER en service dans les universités -5 595 en 1997-1998- n'est donc pas affecté.

D'autre part, compte tenu de la baisse des effectifs étudiants, le taux d'encadrement devrait s'améliorer pour atteindre 19,25 étudiants par enseignant en 1999 au lieu de 19,80 en 1998 et de 22,67 en 1995. L'amélioration est encore plus sensible si l'on prend en compte les professeurs agrégés du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur, dont les contraintes de service font qu'ils encadrent deux fois plus d'étudiants que les autres corps d'enseignants.

Toutefois, certaines filières universitaires -UFRAPS, psycho...- restent très encombrées. La semestrialisation entreprise par M. Bayrou constitue une solution insuffisante. Quelles mesures comptez-vous prendre, Monsieur le ministre ?

L'effort engagé en 1998 pour les postes de personnel non enseignant est poursuivi, bien qu'à un rythme moins important. 800 postes sont ainsi créés, dont 150 pour le personnel des bibliothèques. Le niveau de recrutement des personnels administratifs est résolument élevé : 40 % de catégorie A, 34 % de catégorie B. Le taux d'encadrement administratif, qui s'était dégradé de 1980 à 1996, s'améliore donc pour avoisiner un taux de 30 étudiants par personnel non enseignant.

Dans une logique de formation et d'emploi, les établissements d'enseignement supérieur pourront aussi recourir à 2 000 emplois-jeunes ; ces jeunes, non titulaires du baccalauréat, seront chargés de fonctions d'accueil, d'assistance, d'animation, d'aide à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication et de sécurité.

En outre, 400 jeunes docteurs seront affectés aux IUFM afin d'y promouvoir ces nouvelles technologies ainsi que le ministre s'y était engagé.

Les établissements seront mieux à même d'accueillir les étudiants. Leurs moyens de fonctionnement augmentent de 124 millions, soit 1,9 %, afin notamment de respecter les engagements contractuels pluriannuels entre l'Etat et les établissements.

L'effort porte sur deux axes principaux.

Tout d'abord, les bibliothèques qui, avec 15 millions supplémentaires, bénéficieront, au total de 535,39 millions. Toutefois, les besoins restent très importants et le retard accumulé ne pourra être rattrapé que grâce à un redéploiement interne.

Ensuite, s'agissant des nouvelles technologies de l'information et de la communication, il est prévu de passer à RENATER 2, fondé sur une nouvelle technologie de réseau à haut débit et dont la mise en service devrait intervenir en juillet 1999.

Pour ce qui est de la construction et de la mise en sécurité des bâtiments, les crédits d'investissement s'élèvent à 5,025 milliards en autorisations de programme, soit une progression de 1,9 % qui s'ajoute à celle des 45 % en 1998. Ces crédits doivent permettre la poursuite des contrats de plan Etat-régions et la maintenance des bâtiments universitaires et de recherche. Quant aux crédits de paiement, avec plus de 5,66 milliards, ils progressent de plus de 11 % par rapport à 1998.

D'autre part, ce projet anticipe sur l'application du plan U3M. Dans un premier temps, 760 millions seront affectés à la mise aux normes de sécurité des établissements et 150 millions à la construction ou à la restructuration des restaurants et cités universitaires.

En ce qui concerne le désamiantage du campus de Jussieu, auquel sont affectés 560 millions d'AP et 320 millions de CP, soulignons que les étudiants ne courent désormais plus aucun risque.

J'en viens au plan social étudiant. Ambitieux, à la hauteur des attentes qu'il a suscitées, il consiste à mieux reconnaître la place des étudiants dans la société, à accroître leur indépendance matérielle et morale tout en leur accordant davantage de responsabilités dans la conduite des politiques et des institutions de la vie étudiante. Ce plan jette les bases d'un futur statut et d'une véritable autonomie de l'étudiant. L'année 1999 doit être mise à profit pour préparer, avec les acteurs concernés, les mesures applicables à la rentrée prochaine.

Les principales mesures du PSE sont des aides directes plus nombreuses et revalorisées ; la création de bourses de mérites ; de nouvelles exonérations de droits d'inscription ; un dispositif d'aide à la réussite plus simple et plus cohérent ; la création d'un dossier d'allocations d'études dans chaque établissement ou ville universitaire.

Le nombre de boursiers sur critères sociaux était de 351 920 en 1997-1998, celui des aides individualisées exceptionnelles accordées à des étudiants en situation de redoublement ou de réorientation, de 30 012. Grâce au plan social étudiant, le nombre d'étudiants aidés augmentera de 25 000 en 1999 : 10 000 boursiers supplémentaires par relèvement des plafonds de ressources ; maintien d'une aide individualisée exceptionnelle à 15 000 nouveaux étudiants redoublant ou se réorientant.

L'attribution des aides selon des modalités plus souples que celles de l'annuité sera aussi étudiée. L'objectif est d'adapter le rythme de versement à la mise en place des semestres à l'intérieur de cycles, conformément aux nouveaux standards européens.

200 bourses d'un montant annuel de 40 000 francs seront attribuées dès 1998 -400 sont prévues pour 1999- aux meilleurs bacheliers issus des familles les plus modestes et qui se destinent aux études menant vers les concours de l'ENA et de l'ENM.

Le PSE tend également à créer une allocation qui exonérerait de nouveaux étudiants des droits d'inscription et de la cotisation au régime de sécurité sociale étudiante.

La réglementation et les modalités d'attribution des aides nationales seront corrigées, notamment en vue d'accélérer les délais de versement, de mieux suivre les évolutions pédagogiques, de mieux prendre en considération la situation personnelle des étudiants, de favoriser la mobilité étudiante et l'internationalisation des cursus.

Enfin, un dossier d'allocations d'études sera constitué dans chaque établissement ou ville universitaire. L'étudiant pourra ainsi formuler, dans un seul dossier, toutes les demandes d'aides auxquelles il peut prétendre. Dès lors, la commission sociale qui instruit les dossiers aura une vision globale de la situation réelle de l'étudiant. On peut cependant regretter que le quotient familial n'ait pas été comptabilisé dans le calcul d'attribution des bourses : la redistribution n'en aurait été que meilleure.

Le plan social tend aussi à améliorer la participation des étudiants à la vie universitaire, en particulier aux structures du CNOUS et des CROUS grâce, notamment, à la création de commissions de la vie étudiante dans chaque site et au renforcement du rôle de l'observatoire de la vie étudiante. Il faudrait trouver une forme de validation universitaire de cette participation des étudiants aux instances collectives de gestion. Sans créer un statut de l'étudiant-président de CROUS, qui professionnaliserait la fonction et l'éloignerait davantage des étudiants, il convient néanmoins de faciliter l'exercice du mandat.

Les moyens des oeuvres hors personnels augmentent de 44,6 millions, soit une progression de 4,2 % qui la porte à 1,104 milliard.

Le souci d'améliorer les conditions de vie des étudiants se traduit par des mesures destinées à faciliter l'accès au logement, au transport, à la culture, au sport et aux soins médicaux.

Une réforme des cursus universitaires mais aussi des grandes écoles sera nécessaire dans une perspective d'harmonisation européenne. Elle devra être entreprise en tenant compte de l'intérêt des étudiants, qui préparent leur avenir et de celui de notre pays, et non pas des impératifs financiers.

Ce projet de budget permet de lancer des réformes ambitieuses, centrées sur les étudiants. Reste à inciter les chefs d'établissement à soutenir les initiatives en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication et à permettre l'amélioration de la vie sociale étudiante.

La commission des affaires sociales a donné un avis favorable à ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Cuvilliez, rapporteur spécial de la commission des finances pour la recherche - Le projet de budget civil de la recherche et du développement (BCRD) pour 1999 s'élève à 53,9 milliards. S'il progresse de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, ce qui a conduit la commission des finances à l'adopter, il augmente tout de même moins que la moyenne des budgets civils -2,3 %. Comme de surcroît, il n'avait augmenté que de 3,8 % de 1993 à 1998, avec une baisse en francs constants en 1994, 1995 et 1996, il ne permettra pas de corriger les retards pris sous les gouvernements précédents. Nous sommes loin de la grande ambition pour la recherche que vous avez affichée, Monsieur le ministre ! Un effort beaucoup plus vigoureux aurait été nécessaire. C'est d'ailleurs pourquoi je me suis personnellement abstenu sur les crédits de la recherche en commission des finances. Le conseil supérieur de la recherche et de la technologie fait le même constat demi-teinte, estimant que la dynamique actuelle conduit certaines institutions publiques de recherche dans une impasse.

L'inscription au BCRD des crédits du laboratoire central des Ponts et Chaussées, auparavant inscrits au budget de l'équipement et le transfert du programme de forage en océan de l'IFREMER au CNRS nous conduisent à nous interroger. De même, des mesures comme la création du Fonds national de la science, destinée à faciliter le pilotage de la recherche par le ministère laissent craindre une dégradation des ressources des laboratoires.

La progression de 1 % des crédits de la recherche du ministère de l'éducation nationale révèle bien l'absence de priorité accordée à ce secteur, du moins sur le plan quantitatif.

Les dotations des établissements à caractère scientifique et technologique dépasseront 22,4 milliards en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,2 % et s'établiront à 4,1 milliards en autorisations de programme. Les crédits de soutien aux programmes augmentent, eux, de plus de 7 %. Il faut regretter que les autres autorisations de programme diminuent en contrepartie de 8,6 %.

La subvention du CNRS progressera de 22 millions, soit de 1,6 %. Mais sur ces 22 millions, 12 seront destinés à l'IFREMER et comme le CNRS devra verser 20 millions de TVA en plus en 1999, en réalité, ses crédits diminueront en fait de 10 millions. Les crédits de paiement destinés au fonctionnement des laboratoires du CNRS diminuent en francs constants. Il en va de même pour les autorisations de programme. Ces moyens ne permettront pas de poursuivre les investissements prévus pour les très grands équipements ni par conséquent de respecter les engagements internationaux pris à ce sujet.

Le crédits de l'IFREMER régressent de 1,1 %, au risque d'une politique à court terme incohérente avec les enjeux économiques et sociaux actuels et à long terme, dangereuse. C'est l'analyse même du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie.

Les dotations des établissements publics à caractère industriel et commercial diminuent de 1,7 %, à l'exception, notable, de celle du CEA dont les crédits d'investissement augmenteraient de 15,2 % si l'on intègre la dotation prévue au budget du ministère de l'industrie. Mais le budget civil du CEA laisse pour l'instant apparaître une impasse de 300 millions. Cette situation appelle une réponse urgente. L'effort de rebudgétisation devra être poursuivi. Il y va de l'avenir de la filière nucléaire française.... à moins qu'on n'ait décidé de l'abandonner. Si les AP nécessaires pour le renouvellement des centrales qui arrivent à obsolescence ne sont pas ouvertes en 1999, ce renouvellement sera compromis en 2010.

Les crédits de la recherche universitaire ne progressent que de 2,9 %, contre 5,4 % en 1998. C'est très insuffisant. Le syndicat national des chercheurs scientifiques estime qu'il faudrait les doubler en cinq ans !

On constate la même insuffisance en matière de créations d'emplois scientifiques. Le projet de budget pour 1999 n'en prévoit que 150, dont 100 de chercheurs et 50 d'ITA, alors que le budget pour 1998 en comptait 600. En outre, une réserve d'emplois est une nouvelle fois prévue de 12 postes de chercheurs et de 9 postes d'ITA. L'effort de rattrapage réalisé l'an dernier devrait pourtant se poursuivre au même rythme. L'objectif est en effet de rajeunir la pyramide des âges des chercheurs.

Les syndicats estiment à 5 000 sur quatre ans le nombre nécessaire de créations de postes d'enseignants-chercheurs, mais aussi d'IATOS. Le syndicat national des chercheurs scientifiques considère, pour sa part, qu'il conviendrait de créer cette année 450 postes de chercheurs, et non 100 comme prévu. Evaluant à 1 000 le nombre de postes d'ITA perdus ces dernières années, il estime que les créations de l'an dernier devraient être multipliées par dix.

En ce qui concerne la formation et l'aide à la recherche, des crédits supplémentaires sont prévus pour la signature de 150 nouvelles conventions de formation par la recherche de techniciens supérieurs. Le nombre des allocations n'en reste pas moins inférieur de 400 à son niveau de 1992 et 1993.

Le soutien à l'innovation technologique se traduit par une augmentation des crédits destinés au fonds de la recherche et de la technologie dont la dotation passe de 412 à 630 millions en autorisations de programme.

Quant au Fonds national de la science, il est doté de 318 millions en crédits de paiement et de 500 millions en autorisations de programme, sans que les modalités d'évaluation de ses actions soient précisées. Cette dotation reste modeste au regard des besoins dans le domaine des sciences du vivant.

Dans le secteur spatial, les subventions allouées au CNES seront accrues de 70 millions, ce qui, une fois soustraites les contributions à l'Agence spatiale européenne -ESA-, qui représentent un peu plus de 50 % des subventions et des dépenses de fonctionnement incompressibles, fragilise les marges de manoeuvre du CNES pour le développement de ses programmes, notamment celui du lanceur Ariane 5.

Au total, le projet de budget de la recherche pour 1999 se caractérise par une progression des crédits peu significative qui permet, au plus une stabilisation des parties opérationnelles des laboratoires publics, comme le démontre la situation du CNRS.

En 1997, la dépense nationale de la recherche-développement -DNRD- représentait 2,27 % du PIB, soit 0,18 % de moins qu'en 1993. Parallèlement, on observe depuis 1991 une diminution du volume des financements publics de 5,5 % soit 1,1 % par an.

Selon les prévisions pour 1997, la dépense intérieure de recherche-développement devrait baisser de 0,5 %. La recherche-développement effectuée en France, qui a connu de 1979 à 1993 une croissance plus rapide que celle du PIB, connaît depuis 1993 une baisse. La France se situe ainsi au 5ème rang pour sa dépense intérieure de recherche par habitant après les Etats-Unis, la Suède, le Japon et l'Allemagne. Le maintien et le développement d'un effort budgétaire en faveur de la recherche est donc indispensable.

Or ce n'est pas cette orientation qui a été prioritairement retenue, l'accent étant mis, dans le droit-fil des propositions contenues dans le rapport Guillaume, sur le développement des liens entre la recherche et les entreprises.

De plus, les dispositifs mis en place ne font pas l'objet d'une réelle évaluation comme l'atteste l'exemple du crédit d'impôt recherche destiné à encourager le couplage entre la recherche publique et les entreprises qui devrait, à mon sens, être réorienté en vue de prévoir l'embauche de jeunes docteurs.

L'insuffisance des moyens au regard des besoins et des enjeux ainsi que les arbitrages rendus menacent l'autonomies des chercheurs. Ils les contraignent à développer leurs relations avec le monde industriel et à orienter leurs activités sur des filières rentables, au détriment de la recherche fondamentale. Ils conduisent, enfin, à renoncer à la "société du savoir" au profit de la "société du marché".

En juin dernier, par voie de presse, vous avez développé les grandes orientations de votre politique de recherche, qui repose sur la création d'un conseil national de la science, la redéfinition des règles de fonctionnement des organismes de recherche, l'octroi des crédits aux chercheurs en fonction de leurs "qualités", et de celles de leurs propositions de recherche et non plus aux laboratoires, le développement des aides à l'investissement privé, et l'encouragement à la création d'entreprises par les chercheurs.

Ces propositions qui se fondent principalement sur les conclusions du rapport Guillaume ont fait l'objet d'une discussion en conseils interministériels.

Les réactions légitimes que ces propositions ont suscité parmi les chercheurs ne vous auront pas échappées. Les chercheurs y voient la double volonté de réduire l'autonomie et les possibilités d'initiative des organismes de recherche. Les fonctions des instances scientifiques seraient réduites au profit des directions liées au Gouvernement. Une logique marchande inspirée du modèle anglo-saxon et un "pilotage par l'aval" de la recherche seraient ainsi imposés.

Quelles dispositions comptez-vous prendre afin que la Représentation nationale soit saisie de votre réflexion et de ces orientations ?

En commission des finances, j'avais souhaité obtenir de votre part des éléments de réponse sur ces questions. En l'état actuel du débat et faute de ces éclaircissements, je confirme ma proposition d'abstention sur les crédits de la recherche, tels qu'ils sont proposés (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Foucher - Très bien !

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Les assises de l'innovation tenues en mai dernier et le comité interministériel de la recherche scientifique et technologique de juillet laissaient entrevoir la possibilité d'un effort budgétaire important en faveur de la recherche. L'annonce d'un projet de loi tendant à favoriser l'essaimage des personnels de recherche renforçait cet espoir.

Or le budget de la recherche n'augmente que de 1,6 %, et n'est donc pas prioritaire puisque le budget général progresse, lui, de 2,6 %.

En tant que rapporteur pour avis de notre commission, je souhaiterais souligner tout d'abord le peu d'informations transmises : outre que la commission n'a pu vous auditionner, beaucoup de réponses au questionnaire habituel de l'été n'ont pas été fournies.

Plusieurs points négatifs laissent penser que le budget présenté ne permettra pas de provoquer le nouvel élan nécessaire à l'effort de recherche. La faible progression du budget marque le ralentissement de l'effort national de recherche. La part de la recherche et développement n'atteint plus que 2,26 % du PIB. L'effort de recherche des administrations -DIRDA- baisse dans les mêmes proportions et l'étude des chiffres en notre possession démontre que la part des entreprises dans le financement de la recherche est supérieure à l'effort de l'Etat. De même, la dépense nationale de recherche et développement -DNRD- et la dépense intérieure -DIRD- diminuent en volume et en crédits malgré la reprise annoncée de la croissance.

Le budget civil de la recherche et du développement -BCRD- ne progresse que de 1,6 % alors qu'il est censé regrouper quatre grandes priorités.

La première est la poursuite de la restauration des moyens des laboratoires. La dotation des EPST progresse effectivement de 2,2 % en dépenses ordinaires et sensiblement du même taux pour les AP. La majeure partie des crédits sera allouée aux programmes de base des laboratoires, les équipements et l'immobilier devant être délaissés.

La création du Fonds national de la science, doté de 500 millions en AP et 318 millions en CP, pour mieux coordonner la politique de recherche et mettre en place des actions incitatives dans divers domaines de pointe, comme les sciences de la vie, correspond à la deuxième priorité.

La troisième, le soutien à l'innovation technologique, sera assurée par le nouveau FRT -fonds de la recherche technologique- qui deviendra fonds technologique et visera à développer des produits et services de la technologie de pointe, en associant les secteurs public et industriel et en menant à la création ou à l'épanouissement d'entreprises innovantes. L'inscription d'une dotation permettant le rattrapage de la dette à hauteur de 187 millions est positive.

En revanche, l'effort en faveur de la dernière priorité, le développement de l'emploi scientifique, est ralenti. Les créations d'emplois ne représentent que le quart des créations effectuées en 1998, ce qui ne permet pas le renouvellement nécessaire au développement de la recherche. Les emplois de chercheurs sont cependant nettement privilégiés par rapport aux emplois d'ingénieurs et techniciens. Enfin, je regrette que les allocations de recherche se situent au même niveau qu'en 1998, même si par ailleurs on peut se réjouir que soit reconduit le dispositif d'accueil des postdoctorants dans les PMI-PME.

Les moyens accordés aux grands organismes suscitent de vives inquiétudes. Le système des contrats d'objectifs, initié en 1993, a connu un succès évident. Cette procédure a mené depuis 1995 le CEA, l'INRA, l'INRIA, l'ADEME et le CIRAD à conclure des contrats qui se sont révélés positifs. Ils mènent aujourd'hui, après un travail d'analyse et de réflexion, à une deuxième génération de contrats d'objectifs. Le comité interministériel du mois de juillet 1998 a entériné cette stratégie. Mais les moyens suivront-ils ?

En ce qui concerne le CNRS, la situation est préoccupante. Les dépenses en personnel, déjà dénoncées comme outrées les années passées, représentaient, en 1998, 80,1 % du montant total des subventions attribuées au CNRS. Si les créations d'emplois ont été susceptibles en 1998 d'assurer à terme le renouvellement des générations, l'effort est malheureusement interrompu en 1999. Face à une progression insuffisante de ses moyens, le CNRS est confronté maintenant à des choix difficiles sur les grands investissements collectifs. J'exprime ici ma grande inquiétude sur la possibilité pour le CNRS d'assurer le financement de ses objectifs. Qu'adviendra-t-il par exemple de la construction du synchrotron de troisième génération qui devait fonctionner pour l'an 2002 ? Il est nécessaire, Monsieur le ministre, que la Représentation nationale soit informée rapidement des choix faits par le Gouvernement concernant les grands programmes.

De plus, alors que dans le cadre de la future réforme du CNRS, le développement des partenariats avec l'industrie aura pour axes principaux la recherche à objectifs partagés, le transfert de technologie tourné principalement vers les PME, la valorisation des brevets et la création d'entreprises à partir des laboratoires, comment le CNRS, avec des moyens limités, pourra-t-il assurer l'ensemble de ses fonctions ?

L'INSERM bénéficie quant à lui de crédits en augmentation.

Pour sa part, le CNES bénéficie de subventions très limitées et d'effectifs en stagnation. Or cet organisme, qui est l'un des premiers centres mondiaux en technologie spatiale doit conserver face à la concurrence son savoir-faire et valoriser ses compétences techniques pour les programmes futurs. Même si le CNES est censé poursuivre son expansion en 1999, les moyens alloués suffiront-ils ?

Enfin, j'aimerais souligner les inquiétudes que m'inspire le budget alloué au CEA. S'il bénéficie de crédits de paiement en augmentation de 2,9 %, atteignant 6 669 millions, depuis 10 ans, les effectifs ont diminué de 25 %, et même de 40 % en ce qui concerne la DAM (Direction des affaires militaires). Cet organisme de recherche est le seul à consacrer la majorité de son budget non aux dépenses en personnels mais aux programmes qu'il doit développer. Il est chargé de trois missions primordiales pour notre pays : la recherche nucléaire civile, avec le terme majeur de 2010 pour le remplacement des grands équipements, les recherches technologiques et le transfert de technologie, enfin, le développement des moyens de la politique de dissuasion nucléaire. Le CEA est en train de négocier son deuxième contrat d'objectif avec l'Etat et développe par ailleurs de nombreux accords avec les universités et ses homologues étrangers.

Or l'augmentation budgétaire de 2,9 % ne doit pas faire oublier le "trou" financier structurel de 500 millions, reconduit d'année en année, et que le CEA doit chaque année combler par des cessions d'actifs de CEA Industrie. D'autre part, le coût de l'assainissement des centres civils -300 millions- qui devrait être supporté par des entreprises comme EDF ou Framatome, n'est toujours pas inscrit au budget. Il est impossible de laisser le CEA dans une telle situation budgétaire.

Enfin, déjà réformé en 1997, l'ORSTOM représente l'organisme rigide par excellence et utilise 82,3% de ses ressources en subventions pour ses dépenses de personnel. Comment, dans ces conditions, assurer son efficacité ? La nouvelle réforme dont il doit faire l'objet devra être draconienne afin de maintenir à cet organisme son rôle pluridisciplinaire et de coopération Nord-Sud.

Si l'on pourrait se féliciter que la part des entreprises soit croissante dans la recherche, cela démontre également combien l'Etat se désengage. Par exemple, dans la pharmacie, le financement public est de 1,6 %, celui des entreprises de 12,3%, dans l'automobile les chiffres sont de 0,7 % contre 11,9 %.

En 1996, les entreprises ont financé 75 % des travaux de recherche qu'elles ont exécutés, même si le crédit d'impôt recherche s'est élevé à 3 milliards.

Le développement des partenariats est et sera encore réalisé grâce au FRT et au nouveau FNS. Sont mis en place de grands programmes interministériels comme REACTIF, PREDIT, les programmes de biotechnologie, le programme fédérateur des télécommunications, les procédures d'initiative industrielle telles qu'EUREKA, tournée maintenant vers l'Europe centrale et orientale, ou les innovations technologiques.

Point positif, le projet de loi reconduit pour cinq ans le crédit d'impôt recherche, et proroge la réduction d'impôt accordée au titre de la souscription au capital de sociétés non cotées ou de pertes de fonds communs de placement dans l'innovation. Cette mesure, qui résulte des assises de l'innovation de mai dernier, est amplifiée par l'extension de la réduction d'impôt accordée aux personnes physiques qui participent au financement d'entreprises et par quelques autres mesures fiscales concernant les entreprises innovantes. Ces mesures sont cependant insuffisantes face au désengagement de l'Etat.

Mme Odette Grzegrzulka - Soyez positif !

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis - Malgré toutes ces préoccupations, notre commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à votre budget. A titre personnel, jugeant ce budget de la recherche trop frileux et trop éloigné des attentes des chercheurs français, je voterai contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Odette Grzegrzulka - Vous êtes gonflé ! C'est votre majorité qui a baissé les crédits de bourses aux étudiants !

M. Daniel Chevallier, rapporteur pour avis de la commission de la production pour la recherche et la technologie - Le BCRD représente 2,3 % du PIB, ce qui nous place au 5è rang mondial, à égalité avec l'Allemagne. Cet effort montre bien que les gouvernements successifs ont compris que la recherche était une des clefs de l'avenir de notre pays.

Nous ressentons cependant une certaine déception par rapport aux engagements que vous aviez pris. Il est vrai que vous êtes partis d'une situation difficile car les années 1995 à 1997 ont été des années de purgatoire (Murmures sur les bancs du groupe UDF).

Comme vous avez redressé nettement le budget en 1998, nous nous attendions à mieux cette année. Avec 53,9 milliards, il augmente de 1,6 %, augmentation inférieure à l'évolution moyenne du budget 1999 -2,3 %- et ne fait donc pas partie des budgets déclarés comme prioritaires par le Gouvernement.

Malgré tout, la progression des moyens humains -100 emplois de chercheurs et 50 emplois d'ITA- fait plus que compenser les départs à la retraite et permet d'affirmer un certain nombre de priorités. Le nombre d'allocations de recherche, porté à 3 800 en 1998, sera maintenu à ce niveau en 1999.

Ce que nous redoutons, c'est qu'on s'installe dans un régime de croisière, qui serait préjudiciable à bon nombre d'établissements publics, obligeant, par exemple, le CNRS à abandonner les programmes de recherche liés au gros appareillage. Par ailleurs les laboratoires ont besoin d'équipement et de formation dans le domaine des nouvelles techniques de communication, qui mobilisent une part non négligeable de leurs crédits de fonctionnement.

Il est nécessaire de définir une véritable politique scientifique tirant les leçons du passé. Mais nous ne voulons pas d'une restructuration qui s'accompagnerait d'une diminution des moyens budgétaires.

Les mesures annoncées vont dans le bon sens, même si nous aurions aimé que la représentation nationale y soit davantage associée.

Partant du principe que l'innovation scientifique et technologique ne se décrète pas, mais s'épanouit sous certaines conditions, vous proposez de mettre en place ou développer plusieurs outils : le fonds national de la science, doté de 500 millions, le fonds de la recherche technologique, doté de 630 millions et deux structures de coordination et d'évaluation, le Conseil national de la science et le Réseau national de la recherche technologique. Tout cela est cohérent.

S'y ajoute la volonté de rendre aux laboratoires universitaires toute leur place dans la recherche grâce à l'augmentation de 2,9 % des crédits et à l'ouverture de 1 500 postes d'attachés temporaires.

Le débat science et société prend actuellement de l'ampleur. Sans ajouter à la charge de travail des chercheurs scientifiques, il serait bon que ceux-ci dialoguent davantage avec le public. Il conviendrait également de se pencher sur les missions d'expertise de plus en plus nombreuses que les chercheurs sont amenés à remplir.

Dans le domaine du transfert de technologie, où nous accusons un certain retard, l'assouplissement du crédit impôt-recherche pour les PME-PMI, et l'annonce d'une loi sur "l'essaimage" et l'innovation vont aussi dans le bon sens. Peut-être faudrait-il introduire dans le programme des DEA un module sur l'entreprise.

Le fonds de 50 millions créé en 1998 pour améliorer les débouchés offerts aux jeunes docteurs est reconduit ; nous aurions aimé avoir un premier bilan de cette expérience.

Après avoir examiné l'ensemble de votre budget, la commission de la production a émis à l'unanimité un avis favorable. Nous souhaiterions que cet avis soit pour nous tous un véritable aiguillon et que la recherche figure à nouveau parmi les priorités du prochain budget national, qui sera le premier du XXIème siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 heures 25, est reprise à 18 heures 30.

M. Philippe Vuilque - Je saluais l'an dernier la progression de plus de 3 % de ce budget, qui traduisait bien la priorité redonnée par le gouvernement de Lionel Jospin à l'éducation nationale, en particulier au supérieur. Que dire du présent budget si ce n'est qu'il montre encore la volonté politique forte de donner à l'enseignement supérieur les moyens de remplir sa mission et de préparer l'avenir.

Une augmentation de 5,48 % quand les budgets civils de l'Etat ne progressent en moyenne que de 2,3 % ce n'est pas rien ! C'est d'ailleurs la première fois que ce budget franchit la barre des 50 milliards. Certains, dans l'opposition, auraient bien voulu disposer d'un tel budget du temps où ils étaient aux affaires... Le débat en commission a d'ailleurs montré qu'ils avaient peu de griefs à formuler.

Une des principales attentes des étudiants -comme des lycéens- est d'étudier dans de bonnes conditions, d'établir des relations plus personnalisées avec leurs enseignants comme avec tous ceux qui permettent à l'enseignement supérieur de remplir sa mission. Alors que les effectifs devraient diminuer encore de 20 000 étudiants dans les principales filières, les moyens consacrés au personnel et au fonctionnement progressent.

L'an dernier, 3 000 enseignants supplémentaires ont été recrutés. Cette année, l'ouverture d'un crédit de près de 75 millions destiné à la rémunération de 1 500 attachés temporaires d'enseignements et de recherche va libérer 1 500 emplois d'enseignants-chercheurs. A cela s'ajoute la création de 1 250 primes de recherche et d'enseignement doctoral supplémentaires, soit une augmentation de 20 % du nombre des primes distribuées.

Les emplois d'IATOS, essentiels au bon fonctionnement de l'université, ne sont pas oubliés, avec 800 créations d'emplois. Sur les deux derniers exercices budgétaires, 2 000 emplois d'IATOS auront ainsi été créés.

Certes, on peut toujours mieux faire et ce budget ne crée sans doute pas assez de postes, dans la mesure où près des deux tiers des moyens nouveaux sont consacrés au plan social étudiant. Mais l'effort de création d'emploi doit s'apprécier sur plusieurs exercices budgétaires et, depuis l'année dernière, nous n'avons pas à rougir du nombre d'emplois créés.

D'importants moyens sont également dégagés pour U3M, l'université du troisième millénaire, avec un effort d'1 milliard d'AP, dont 760 millions consacrés à la mise en sécurité des bâtiments universitaires, le programme de désamiantage de Jussieu étant estimé à 560 millions en AP et à 447 millions en CP. Nous ne pouvons que nous féliciter de votre ferme volonté de traiter dans les meilleurs délais ce dossier particulièrement difficile.

La restructuration, les aménagements et les constructions universitaires se poursuivent à un bon rythme.

J'en viens à la priorité essentielle de ce budget, le plan social étudiant.

Ce plan, la majorité d'hier en parlait beaucoup, mais elle faisait peu. Vous, Monsieur le ministre, vous avez dans un courts laps de temps, consulté, proposé, vous avez fait le PSE, vous l'avez financé. Pour cela, nous vous devons un coup de chapeau.

Mme Odette Grzegrzulka - Très bien !

M. Philippe Vuilque - Dans ce plan quadriennal, le premier volet privilégie cette année deux grands axes.

Le premier est l'extension et la refonte du dispositif d'aide directe. La réévaluation des bourses d'études était devenue indispensable et l'effort de solidarité de la nation devait être plus important. Le rapport Cieutat l'a confirmé, si l'Etat aide beaucoup les étudiants issus des familles les plus défavorisées, il aide également les étudiants de familles aisées, au détriment des étudiants de catégories moyennes, ce qui est fort contestable.

Il fallait donc, au nom de la solidarité, réformer ce système. C'est pourquoi la première priorité du plan social est de rétablir l'égalité des chances en donnant des aides directes aux étudiants dont les familles n'ont pas les moyens de financer les études.

L'objectif est d'augmenter ces aides pour accorder un soutien à 30 % des étudiants, contre 21 % aujourd'hui. C'est donc une augmentation de 15 % du niveau moyen des aides qui nous est proposée.

Ces moyens supplémentaires permettront dès 1998 de relever de 4,2 % en moyenne les taux des bourses sur critères sociaux et d'augmenter de 6 % les plafonds de ressources ouvrant l'accès aux bourses du premier échelon. Dix mille nouveaux étudiants bénéficieront ainsi de bourses.

Par ailleurs, dès la présente année universitaire, 200 bourses spéciales d'un montant annuel de 40 000 F seront attribuées, afin que soient pris en charge les meilleurs bacheliers issus des familles les plus modestes. Il serait souhaitable par la suite d'augmenter le nombre de ces bourses et de les étendre à d'autres filières que la magistrature ou l'ENA.

Enfin, une aide exceptionnelle sera offerte à 15 000 étudiants redoublant ou en réorientation, dont on connaît les difficultés.

Le plan social étudiant prévoit également la création d'une allocation permettant à de nouveaux publics étudiants d'être exonérés des droits d'inscription et de la cotisation au régime de sécurité sociale étudiante.

En tout, plus de 25 000 nouveaux étudiants seront aidés.

Second axe privilégié cette année, l'effort en faveur du logement étudiant est lui aussi important. Il faut en effet remettre à niveau le logement social étudiant et amplifier la politique de réhabilitation entreprise depuis 1990, car les besoins restent considérables puisque 80 % des chambres en résidence traditionnelle restent à réhabiliter. L'action en faveur du logement étudiant sera l'un des axes du plan U3M et au cours des cinq prochaines années l'objectif sera la mise en conformité de l'ensemble du parc des oeuvres universitaires.

Au-delà, c'est l'accès des étudiants au logement qui devra être facilité. Dans le cadre du plan social étudiant, le Gouvernement a décidé de maintenir le droit des étudiants aux aides personnelles. Il envisage toutefois de faire varier leur montant selon que les étudiants sont ou non boursiers.

D'autres mesures, tendant à faciliter l'accès au logement de tous les étudiants seront examinées, notamment afin de parvenir à un cautionnement mutualisé pour l'accès au bail.

Sont aussi prévues des aides au transport, notamment pour les étudiants d'Ile-de-France. Il ne faudrait cependant pas oublier les autres. Une étude de l'ensemble des dispositifs d'aide dans certaines régions permettrait d'envisager une harmonisation.

Je concluais, l'an dernier, mon intervention sur la nécessité de passer à l'acte pour le plan social étudiant. C'est chose faite et je m'en félicite.

Le groupe socialiste vous apportera son soutien et votera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Lasbordes - "Celui qui ne prévoit pas les choses lointaines s'expose à des malheurs prochains". Cet aphorisme de Confucius reflète assez bien la situation de l'enseignement supérieur. Car ce budget, bien qu'augmentant de 5,4 %, n'est porté par aucune ambition, ne repose sur aucune prospective. Ainsi, vous soulignez que les crédits augmentent, alors que les effectifs étudiants ont amorcé une baisse durable. Mais l'objectif du plan social étudiant est de permettre aux bacheliers issus des classes défavorisées d'accéder en plus grand nombre au supérieur, donc d'augmenter les effectifs étudiants. L'amélioration du taux d'encadrement et des conditions d'étude ne sera donc que passagère.

Ce plan social étudiant, que vous nous avez dévoilé en juillet, prévoit certes une augmentation substantielle des crédits d'aide sociale, avec 808 millions de moyens nouveaux. Mais il ne constitue pas l'avancée majeure que l'on attendait. Si les classes défavorisées sont bien aidées par le système d'aide sociale étudiante, les couches aisées bénéficient d'importants avantages fiscaux, par le jeu de la demi-part supplémentaire notamment, alors que les classes moyennes sont une nouvelle fois pénalisées.

Vous souhaitez que plus de 600 000 étudiants, soit près de 30 % d'entre eux, bénéficient d'aides sociales. Certes, de nouveaux dispositifs voient le jour, telles l'allocation d'inscription pour laquelle 25 millions sont prévus, ou les bourses de mérite qui concerneront un dix millième des étudiants. Mais pouvez-vous assurer que ces crédits suffiront, alors que nous n'avons aucun chiffre pour apprécier l'impact de la mise en place du dossier d'allocations d'études à la rentrée 1999 ?

Vous annoncez pour les établissements des hausses de 1,9 % du budget de fonctionnement et des crédits d'investissement. Mais dans le même temps, la baisse des subventions de fonctionnement conduit les établissements à développer des droits d'inscription sauvages. Vous répondrez peut-être que c'est le fruit de la contractualisation. Or cette même politique consacre avec vous la disparition du tutorat étudiant, qui n'est plus obligatoire. Il est vrai que la contractualisation est votre solution miracle. Et votre projet U3M, malgré un milliard de francs anticipés dans le budget, visera, pour l'essentiel, à augmenter l'implication des collectivités locales dans le financement des installations étudiantes. J'ose espérer que sera garantie la cohérence de la carte universitaire.

La situation des personnels de l'enseignement supérieur est marquée par un ralentissement des créations de postes. Près de 1 200 emplois d'IATOS avaient été créés en 1998, contre 823 en 1999. Il est vrai que les emplois-jeunes vous apportent une flexibilité appréciable en matière de personnels non enseignants : la promotion des nouvelles technologies dans les IUFM sera assurée par 400 emplois-jeunes, ouverts à des doctorants qui percevront une fois et demie le SMIC avec bac plus huit !

Enfin, 1 500 emplois d'enseignants chercheurs seront créés par le transfert des crédits affectés aux assistants temporaires d'enseignement et de recherche. Outre qu'il ne s'agit que d'un artifice comptable, votre tour de passe-passe rend précaire la situation des ATER, dont la rémunération dépendra dorénavant, non plus de crédits sur poste budgétaire, mais de lignes budgétaires. En recherchant un effet d'annonce en matière de création de postes, vous faites des ATER les "maîtres auxiliaires" de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le groupe RPR ne votera pas un budget qui repose essentiellement sur quelques effets d'annonce. Ce n'est pas ainsi que la France relèvera le défi du savoir, ni qu'elle armera les étudiants face au chômage.

Cette vision politique étriquée marque également votre budget recherche et technologie. "Les chercheurs suivront-ils les lycéens dans la rue ?" s'interrogeait Le Monde. Un profond malaise affecte le monde de la recherche française. J'espérais trouver dans votre budget des objectifs ambitieux relayés par des moyens efficaces. Des objectifs ambitieux, c'est-à-dire la réforme indispensable du dispositif public de recherche qui devra répondre à une vision stratégique claire, concertée avec tous les acteurs, propre à accroître notre capacité nationale dans une compétition internationale vive. Car le défi de la recherche, c'est prioritairement celui de l'innovation, essentielle pour les entreprises. Or, depuis plusieurs années, leur effort de recherche et de développement stagne. La part de la France dans les brevets européens est en baisse, notamment pour les technologies clés comme la santé, le vivant, l'information et la communication.

Des moyens efficaces, ce sont d'abord ceux qu'appellent les conditions de travail de nos chercheurs. Votre ami Pierre-Gilles de Gennes, Monsieur le ministre, faisait récemment part sur France 2 de sa vive inquiétude devant la fuite accrue de nos cerveaux à l'étranger. Manifestement, les jeunes chercheurs français sont mieux accueillis dans les autres pays, notamment les Etats-Unis, et peuvent y créer, le cas échéant, leurs propres entreprises.

Dans votre budget, la part consacrée à la rémunération des personnels croît, selon les établissements publics de recherche, de 1,9 % à plus de 3,2 %. Associée à la création de 100 nouveaux emplois de chercheurs et de 50 ITA, cette décision ne fait qu'aggraver le poids préoccupant de la part salariale -80 %- dans le fonctionnement des établissements publics. Ce sont les moyens réels de fonctionnement des laboratoires et les moyens d'investissements qui seront sacrifiés.

Les moyens de la recherche universitaire augmentent de 2,9 % en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit quelques modestes 68 millions. Cette proposition est sans commune mesure avec les conséquences des décisions concernant les emplois d'enseignants-chercheurs que vous avez prises en 1998, créant plus de 1 200 emplois de professeurs ou maîtres de conférences, créations qui auront leur plein effet cette année sur le coût de la recherche, sans parler des 1 500 emplois dont vous faites état cette année. Et il est incohérent que la subvention d'Etat dans des établissements aussi remarquable pour la recherche en biologie médicale et en santé publique que le sont l'Institut Pasteur et l'Institut Curie demeure au même niveau qu'en 1998.

Au-delà des moyens propres des établissements, vous vous proposez d'activer deux fonds spécialisés au sein de votre ministère : le Fonds pour la recherche technologique et le Fonds national de la science. Le premier bénéficierait de 670 millions d'autorisations de programme contre 473 en 1998. Le paradoxe est que ses crédits de paiement passent de 791 à 724 millions, en baisse de 9 %. C'est d'autant plus préoccupant que vous envisagez d'utiliser 187 millions de ces crédits pour continuer à apurer la dette abyssale de plus de 2 000 millions creusée au cours des années 1991-1993 par un gouvernement que vous souteniez, et que ses successeurs n'ont pu combler que partiellement. Quel sera l'état de cette dette à la fin de l'année 1999 ? Si elle demeure à ce moment-là, pourquoi ne pas la solder au bénéfice des entreprises lourdement pénalisées dans leur trésorerie depuis de si nombreuses années ?

Quant au FNS, doté de 500 millions, il rassemble en fait des moyens déjà engagés et qui existaient antérieurement pour plus de moitié. Vous nous annoncez que ces deux fonds seront des instruments de la politique d'aménagement du territoire, où ils ont vocation à financer la mise en place d'infrastructures nationales de recherche et les réseaux de recherche technologique. Ainsi donc, ils ne contribueront pas au fonctionnement des programmes de recherche au sein des établissements eux-mêmes, rendant d'autant plus difficile la conduite de ces programmes au vu de leurs moyens propres.

Vous parlez d'infrastructures nationales. Mais un équipement indispensable, le synchrotron de troisième génération, dit projet SOLEIL, qui doit succéder au LURE, n'est apparemment toujours pas programmé. C'est d'autant plus regrettable que les scientifiques anglais, après d'autres nations européennes, ont décidé de se doter d'un nouvel équipement, montrant tout l'intérêt de cet instrument. En refusant l'engagement de cette opération, vous porterez une lourde responsabilité quand le LURE cessera de fonctionner, en raison d'une panne inopinée de ses composants les plus anciens.

Devant vos atermoiements, collectivités locales et chercheurs se mobilisent. La communauté scientifique elle-même a effectivement décidé de se manifester si j'en juge par le courrier que six responsables des projets SOLEIL dans les principales régions candidates à l'accueil du synchrotron, vous ont adressé le 7 juillet dernier. Les responsables des synchrotrons des autres nations européennes ont récemment déclaré que la capacité de leurs instruments étaient incompatible avec l'accueil des chercheurs français sur leur site. Dès 1997, la région Ile-de-France, ainsi que le conseil général de l'Essonne faisaient un effort exceptionnel dans un domaine qui n'est pourtant pas de leur compétence, en offrant de prendre en charge le financement du projet SOLEIL à hauteur de près de 50 %. Nous n'attendons plus que vous, Monsieur le ministre.

Nous aimerions également avoir quelques éclaircissements sur votre politique spatiale. En 1998, vous enleviez 200 millions au CNES, pour 1999, vous lui en accordez 70 de plus ; à quelle logique répondent ces variations ?

La presse se faisait récemment l'écho du désengagement de l'Etat dans le capital d'Arianespace. Ne risque-t-il pas de retarder la nécessaire restructuration d'Arianespace, à l'heure où les Américains annoncent leur intention de casser les prix pour regagner des parts de marché ?

Nous sommes inquiets, enfin, pour l'organisation même de notre recherche. C'est avec stupéfaction que les chercheurs ont appris récemment, sans concertation préalable, votre projet de réforme du CNRS. Vous aviez déjà au printemps dernier essayé pareille manoeuvre au sein de l'INSERM. Le projet transforme le CNRS, d'une agence d'objectifs, en une agence de moyens. Il serait désormais privé de toute réelle capacité d'initiatives et de conduite d'une politique scientifique. Cette organisation est fondamentalement différente des agences de moyens qui peuvent exister ailleurs. La gestion de la ressource humaine du CNRS - 26 000 personnes de statut fonction publique- n'est pas de même nature qu'une simple gestion de crédits distribués annuellement. Elle exige la capacité de tracer des perspectives à long terme, avec les marges d'autonomie que cela implique. Il est paradoxal de commencer par affaiblir l'organisme généraliste, pluridisciplinaire, le plus apte à répondre à la compétition scientifique internationale par la conduite de projets globaux en mobilisant des compétences très variées, sans toucher à l'organisation d'ensemble de la recherche publique qui repose sur des structures aujourd'hui très éclatées. C'est l'ensemble du dispositif qu'il faut repenser.

Contester ce projet n'est pas prôner l'immobilisme. Des réformes sont nécessaires, mais elles doivent être globales, concerner tous les établissements, et répondre à une vision stratégique claire.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR en refusant de voter ce budget, manifeste fermement son désaccord sur votre politique de recherche et exprime son soutien aux chercheurs et aux établissements de recherche. Nous vous demandons de manifester clairement la priorité que mérite la recherche, en instaurant rapidement une concertation avec l'ensemble de la communauté scientifique, et en ouvrant un débat parlementaire susceptible d'alimenter une grande loi d'orientation (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Claude Birraux - Monsieur le ministre, après une année fertile en déclarations variées, voici le rendez-vous budgétaire. Certains, y compris des syndicalistes politiquement proches du Gouvernement, ont dénoncé une politique bâtie sur la déstabilisation du système éducatif et de recherche.

Examinons vos priorités affichées.

Le plan social étudiant n'a rien à voir avec un statut social étudiant, puisqu'il ne réforme pas le système, et se borne à une augmentation des aides aux étudiants : crédits d'action sociale, relèvement du taux des bourses sur critères sociaux, relèvement du plafond de ressources pour l'accès aux bourses. Ce n'est pas si mal, direz-vous. Mais les bourses ne représentent que 27 % des aides totales de l'Etat en faveur des étudiants et le budget de 1999, avec 800 millions, est très en deçà de vos promesses.

Qu'en est-il du développement du potentiel d'enseignement et de recherche, et du renforcement de l'encadrement administratif des établissements ? L'affichage de 1 500 emplois d'enseignants-chercheurs ne correspond à aucune création d'emplois : l'artifice consiste à transférer la rémunération de 1 500 ATER sur une ligne de crédits, ce qui de plus fragilise à terme la situation des ATER. Les budgets de 1996 et 1998 avaient créé 3 500 emplois alors que les effectifs étudiants étaient déjà stabilisés. De même, vous annoncez la création de 800 emplois d'IATOS, ce qui traduit une nette diminution par rapport aux années précédentes : les budgets 1996 et 1997 avaient créé 3 500 emplois IATOS, celui de 1998, 1 200. Au total, en deux ans, et malgré les déclarations du Gouvernement sur la reprise des créations d'emploi dans l'enseignement supérieur, il aura créé moins d'emplois que son prédécesseur. Le fonctionnement des universités se trouvera par ailleurs fragilisé, la situation du chapitre 36.II étant tendue, sans moyens nouveaux.

Autre priorité affichée : l'effort de construction et de mise en sécurité des bâtiments universitaires. Le Gouvernement inscrit 560 millions d'AP et 321 millions de CP pour le désamiantage de Jussieu, ce qui est très inférieur aux besoins et aux crédits dégagés précédemment. Certes, le problème est techniquement complexe, mais nous aimerions vous entendre sur l'avenir de Jussieu.

Par ailleurs, vous avez lancé, avec tambours et trompettes, le plan Université du 3ème Millénaire, destiné à succéder au plan Université 2000. Je m'interroge sur la méthode employée. Je ne suis pas sûr qu'une réflexion de fond sur le développement universitaire ait sous-tendu Université 2000, qui a consisté à édifier des locaux universitaires, bien souvent avec un cofinancement régional, mais sans assurer et pérenniser leur fonctionnement qui incombe à l'Etat. Quels sont les principes et les objectifs qui sous-tendent le plan "U3M" ? Quels processus avez-vous mis en place pour permettre un véritable débat de société ? Par-delà l'harmonisation de façade des diplômes européens, quels enseignements des expériences étrangères peuvent être transposés ? Quelles structures sont à imaginer ? Comment la communauté scientifique peut-elle être partie prenante de cette évolution ?

Pour ce qui est, enfin, de la recherche, votre politique est orientée autour des objectifs définis lors du comité interministériel de la recherche scientifique et technologique du 15 juillet dernier : restauration des moyens des laboratoires, renforcement de l'emploi scientifique, développement du soutien à l'innovation technologique. Ce budget progresse de 1,6 % donc moins que l'ensemble des budgets civils dont la hausse moyenne est de 2,3 %, dans un contexte budgétaire relativement aisé. Il n'est donc pas prioritaire aux yeux du Gouvernement, ce qui est regrettable. J'ai connu dans le passé des situations économiques et budgétaires plus ou moins aisées : le budget de la recherche était, selon le cas, ou très favorisé, ou moins défavorisé que les autres budgets civils. Aujourd'hui, compte tenu du contexte, votre budget n'est pas bien traité, comme le note avec justesse et modération le rapporteur spécial.

Le BCRD prévoit la création de 150 emplois. Comme le note aussi le rapporteur spécial, cet effort est néanmoins très inférieur à celui réalisé dans le BCRD 1998... Or un tel effort est nécessaire pour rajeunir nos chercheurs.

Entre le 15 juillet et ce 20 octobre que sont devenues vos bonnes résolutions affichées ? Sur la restauration des moyens des labos, si les crédits de l'INSERM progressent de 3 %, ceux du CNRS, avec une progression de 1,6 % posent problème. Comme le note encore le rapporteur spécial, cette augmentation n'est pas à la hauteur de certaines priorités. Au niveau du CNRS, elle ne permettra pas de poursuivre les investissements prévus pour les très grands équipements, et de respecter les engagements internationaux correspondants. J'aimerais vous entendre, Monsieur le ministre, sur ces grands investissements qui ne se feront pas et sur la valeur de nos engagements internationaux, en particulier en ce qui concerne le CERN. Ces engagements seront-ils tenus ?

En ce qui concerne le soutien à l'innovation technologique, 187 millions seront destinés à résorber la dette du fonds pour la recherche technologique -FRT- laquelle est née du décalage croissant entre les AP et les CP au début des années 90. Ne risquez-vous pas de retomber dans ce même travers en augmentant de 40 % les AP en 99 ?

D'autre part, que cache la création du Fonds national pour la science ? Est-ce un lointain parent de la caisse des recherches créée... en 1901 ou bien du "sou des laboratoires" créé en 1920 ? Ne serait-ce pas plutôt le fonds Allègre qui permettra de soutenir, à sa seule discrétion, les projets du ministre ?

Pour conclure sur les aspects strictement financiers, ce budget marque un fléchissement très net de l'effort de l'Etat, en contradiction avec l'ambition affichée par le Gouvernement.

J'en viens à quelques considérations de fond et de méthode. La méthode du franc-parler, élevée au rang de dogme, n'est-elle pas en train de déstabiliser le monde universitaire et de la recherche après celui de l'éducation ? Je me demande si, vous basant sur un indicateur objectif -le nombre de brevets déposés- votre but n'est pas d'appliquer à la hussarde une potion magique de votre composition ? J'en veux pour preuve votre valse hésitation sur la réforme de l'INSERM, votre tentative pour changer les statuts du CNRS et le statut du chercheur. Votre méthode serait-elle celle de l'autoritarisme qui joue du bâton, mais sans disposer de carottes ? Espérez-vous ainsi donner confiance à la communauté scientifique ? L'élu de montagne que je suis sait qu'il faut toujours assurer ses points d'appuis pour progresser. Or j'ai l'impression que vous vous livrez plutôt à un exercice de trapèze.

D'autre part, la création du Réseau national de recherche et technologie ne traduit-elle pas une méconnaissance des relations entre la technologie et le développement économique ? A qui ferez-vous croire que le placage d'une nouvelle entité administrative sur un dispositif complexe suffira pour mettre fin à des décennies de mauvaises habitudes ? Vous croyez à la vertu des structures pour influer sur le cours des choses, alors que le problème est celui de l'évolution des mentalités, de la libération de l'initiative.

J'approuve le Premier ministre lorsqu'il dit à l'UNESCO que l'enseignement supérieur ne doit pas être déterminé par le marché, mais cela ne doit pas être un dogme à la soviétique (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Le but, pour les étudiants, est bien de s'insérer dans le monde de l'économie et il ne sert à rien de les tromper avec des filières sans avenir (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

De même, il n'y a pas de recherche pure -fondamentale- et une recherche impure -appliquée- comme le prouve l'exemple du CERN qui va se doter, au 1er janvier prochain, d'une direction de la valorisation et du transfert de technologie.

Les temps ont changé. La science ne peut plus s'abstraire du contexte social, culturel, économique et politique de la nation. Les citoyens sont en droit de demander des explications aux scientifiques en échange des efforts que ces derniers consentent pour la science. Il s'agit pour les citoyens d'être un peu plus savants et pour les savants d'être un peu plus citoyens.

Toute la difficulté consiste à organiser l'interface entre ces différents intervenants, à prendre le temps de bien expliquer le pourquoi et le comment des choses.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne votera pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Claude Goasguen - Comme chaque année, je pose la question rituelle : pourquoi n'avons-nous pas, Monsieur le ministre, un vrai débat budgétaire sur l'ensemble des crédits de votre ministère : éducation nationale, enseignement supérieur et recherche ? Je me soumets au découpage quelque peu arbitraire qui est ainsi réalisé, en regrettant toutefois qu'il ne permette pas un débat d'une certaine ampleur.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je suis d'accord.

M. Claude Goasguen - Il y a beaucoup de différences entre le budget que nous examinons aujourd'hui et celui qui nous sera soumis demain. Vous avez beaucoup parlé de l'éducation nationale, Monsieur le ministre, beaucoup moins de l'enseignement supérieur. Je ne sais s'il faut s'en féliciter ou s'en plaindre, mais je constate que votre budget de l'enseignement ne brille pas par son originalité même si, quantitativement, il progresse incontestablement. Sur un plan plus général, faut-il désormais avoir une approche strictement quantitative de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ou ne vaudrait-il pas mieux réfléchir à la qualité ?

Pour ce qui est de l'enseignement supérieur, votre budget manque d'éléments qui auraient pu lui donner une certaine originalité, une ouverture sur le XXIème siècle. Mais sans doute vous êtes-vous davantage préoccupé d'un autre secteur névralgique de l'éducation !

Le présent budget est un peu de routine. J'aurais aimé savoir comment vous envisagez le grand problème de la mondialisation qui va se poser aux établissements universitaires durant les prochaines années. Je n'en vois aucune traduction budgétaire, non plus que législative ou réglementaire. Certes, c'est un problème dont on a beaucoup parlé. Des colloques y ont été consacrés. Il en est question dans le rapport Attali ou dans le rapport Monteil, mais je n'en vois pas trace dans votre budget.

D'autre part, votre silence est parfois assourdissant sur certains sujets politiques brûlants : je pense à la mutuelle de vos étudiants -Mme la ministre des affaires sociales a beaucoup parlé de la MNEF, mais je pensais que le ministre des universités n'était pas indifférent non plus à la gestion du patrimoine social des étudiants. Mais je constate qu'un organisme pourtant très lié à la vie quotidienne des étudiants ne vous touche pas, et je le regrette.

Et que dire de l'abandon du statut social étudiant au profit d'un plan social étudiant, qui a un air de déjà vu. En 1991, M. Jospin, alors ministre de l'éducation nationale, avait promis d'atteindre un taux de 25 % de boursiers. Nous en sommes à 21 %. Dans ces conditions, comprenez que votre objectif de 30 % nous laisse un peu sceptiques.

Bien entendu, il est difficile de réformer l'ensemble des aides de l'Etat. Vous avez préféré des mesures plus lentes, mais réalistes. Cependant, en dépit de vos effets d'annonce, le nombre des bénéficiaires d'une aide exceptionnelle individualisée ne passe que de 10 000 à 15 000. Quant à l'attribution de 200 bourses à des bacheliers issus de familles modestes qui prépareront les concours de l'ENA ou de l'ENM, elle me fait penser à certains romans du XIXème siècle, tels que Le petit chose ou Les déracinés ! Ne pensez-vous pas que les étudiants d'aujourd'hui ont autre chose en tête que l'entrée dans ces grandes écoles administratives ? Ils sont beaucoup plus ouverts que vous ne semblez le croire à l'évolution du marché libéral international (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

S'agissant du plan U3M, qui est dans la continuité du plan Université 2000, j'approuve certaines de vos propositions, notamment celles relatives à l'aménagement de Paris et de l'Ile-de-France, qui avait été quelque peu oublié dans le plan précédent. Mais il faudrait disposer d'une évaluation précise des locaux occupés par les universités. Sans doute pourrait-on réaliser des économies, car certains de ces locaux sont sous-employés.

Je suis favorable à ce que les universités puissent accueillir des entreprises naissantes ou à ce que des enseignants puissent être détachés dans les entreprises. Ce début d'interaction entre l'université et le secteur privé est prometteur, à condition que vous n'en restiez pas au stade du discours.

Je regrette que votre budget ne traduise aucune volonté de briser les barrières infranchissables entre l'université et le monde économique, alors que l'insertion professionnelle des étudiants doit être votre priorité. Il ne suffit plus d'obtenir un diplôme : celui-ci doit permettre de s'insérer. Or l'insertion professionnelle ne s'apprend pas dans les manuels. Pourquoi ne pas associer les entreprises à l'insertion professionnelle dans les universités ? Pourquoi les chasseurs de tête recruteraient-ils seulement dans les grandes écoles ? Pourquoi personne ne s'occuperait-il du placement des étudiants ? N'en avez-vous jamais vu, défaits, désorientés, après leur maîtrise, pianoter sur leur Minitel, courir à la Chambre de commerce et d'industrie ou à la Chambre de métiers, pour tenter de voir ce qu'ils pourraient bien faire... et finalement s'inscrire en 3ème cycle ? L'insertion professionnelle est désormais un devoir absolu des universités. Nous sommes en effet passés d'une conception formelle à une conception réelle du diplôme.

En dépit de l'augmentation quantitative de ce budget, le groupe Démocratie libérale ne le votera pas, considérant qu'il n'attache pas assez d'importance à la dimension qualitative et n'est pas assez tourné vers l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

M. Patrick Leroy - Ce budget devrait favoriser l'accès et la réussite des jeunes à tous les niveaux du système éducatif, revitaliser la recherche publique dans le cadre d'un service public consolidé et renforcé. Or qu'en est-il ?

Les crédits de l'enseignement supérieur progressent de 5,48 % en francs courants, soit moins que ceux de la Ville, de l'environnement, de la justice ou de l'emploi, mais davantage que ceux du ministère de l'éducation nationale dans leur ensemble. Les dépenses ordinaires augmentent de 4,8 % mais un tiers de cette augmentation tient à l'application de l'accord salarial de la fonction publique. Les crédits de fonctionnement des établissements diminuent par rapport à l'an passé, même si un effort particulier est fait pour l'équipement informatique des IUFM, la formation aux nouvelles technologies et les bibliothèques.

Le point le plus préoccupant de ce budget reste la politique de recrutement universitaire. La diminution du nombre d'étudiants a permis d'améliorer le taux d'encadrement qui passerait à 19,65 étudiants par enseignant en 1999 contre 22,67 en 1995. Cela reste moins bien qu'au début des années 90 mais surtout que dans les autres grands pays industrialisés où ce taux est de 15. Comment justifier donc l'absence totale de créations de postes d'enseignants cette année quand il y en avait 1 800 l'an passé et que les syndicats estiment que 5 800 créations seraient nécessaires. La libération de 1 500 emplois d'enseignants-chercheurs par le transfert de 1 500 attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER) nommés auparavant sur postes vacants est une opération neutre. En revanche, le glissement sur crédits budgétaires également de 168 emplois des élèves de l'Ecole des chartes entraîne une suppression sèche d'emplois. Une mesure analogue avait d'ailleurs été prise l'an passé pour les ENS. Ces transferts, que nous réprouvons, accroissent l'opacité des effectifs et rendent possibles des redéploiements sans concertation. Ce n'est pas non plus ainsi que l'on garantira un enseignement supérieur de qualité, que l'on compensera les départs en retraite et que l'on permettra à l'université de remplir ses nouvelles missions.

La situation n'est guère meilleure pour les IATOS. 800 créations de postes seulement sont prévues dans ce budget -contre 1 200 en 1997 et en 1998- ainsi réparties : 610 dans les universités, 150 dans les bibliothèques, 40 dans les IUFM pour les nouvelles technologies, auxquelles s'ajoutent 15 emplois non budgétaires pour le CNOUS ... et des emplois jeunes. Il est notamment prévu de créer des postes en nombre indéterminé d'auxiliaires de vie universitaires réservés à des non-bacheliers payés au SMIC et 400 postes en IUFM, réservés à de jeunes docteurs, payés à 150 % du SMIC. Ces mesures, conjuguées à la diminution des embauches de titulaires, mécontentent profondément les syndicats qui dénoncent également la dérive du dispositif des emplois jeunes, puisque beaucoup de ces emplois ne correspondent pas à des "besoins émergents". Des IATOS qualifiés pourraient parfaitement remplir les missions de ces "auxiliaires de vie universitaires". Et dans les IUFM, on s'apprête à embaucher de jeunes docteurs payés 150 % du SMIC pour 169 heures par mois à occuper des fonctions relevant de la qualification d'ingénieur ou de maître de conférences ! Si nous sommes dans l'ensemble favorables aux emplois-jeunes, nous dénonçons tout détournement du dispositif qui tendrait à les substituer à des emplois qualifiés et statutaires.

La lutte contre l'échec à l'université passe par la diminution des effectifs des groupes d'étudiants et l'organisation d'enseignements de soutien. Il faudrait pour cela, en plus de créer les postes indispensables d'enseignants -chercheurs et d'IATOS, réemployer les ATER, résorber tous les emplois précaires et mieux valoriser les carrières.

Il est cependant des points positifs dans ce budget, même si l'on reste en deçà des besoins ou des engagements antérieurs. A preuve, les 883 millions du plan social étudiant qui permettront de revaloriser les bourses et d'instituer une carte orange étudiants en Ile-de-France -n'oublions pas néanmoins les autres régions ! - même s'il faut regretter que ne soit toujours pas prévu un véritable statut social étudiant. A preuve encore les crédits prévus entre autres pour l'immobilier dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, pour la mise aux normes des locaux universitaires, l'achèvement des travaux à Jussieu, la rénovation des restaurants et cités universitaires.

Le budget de la recherche, quant à lui, suscite bien des inquiétudes pour l'avenir de notre recherche civile et la préservation de l'exception française en la matière avec une conception tout à fait originale du service public, à laquelle les communistes sont profondément attachés.

La qualité de notre recherche fondamentale est reconnue par tous. Vouloir imposer le modèle américain, si différent du notre, risquerait de mettre à bas tout l'édifice. Il faut au contraire renforcer la logique de service public qui fonde le système français.

Si notre recherche industrielle est faible ce n'est pas un hasard ! Tout se passe comme si la grande industrie, répugnant à créer des laboratoires dans ses entreprises pour des raisons de coût, voulait se servir des laboratoires publics et les détourner de leur fonction propre. Or la recherche industrielle a sa dynamique propre et se distingue, par nature, de la recherche publique, ce qui n'interdit d'ailleurs pas les coopérations entre les deux secteurs.

Mais dire comme vous, Monsieur le ministre, que le principal obstacle à l'innovation tient au fait que "le milieu scientifique et technologique n'a pas la culture de l'argent", c'est culpabiliser les chercheurs. Vous exonérez pourtant vite au passage les capitalistes français de leur frilosité à investir dans les projets innovants et à prendre des risques.

Science et connaissance n'ont pas à voir seulement avec la production mais aussi avec la culture, l'environnement, l'histoire. Tous les thèmes de recherche ne sont pas motivés par des applications immédiates. Un pilotage par l'aval serait très dangereux. Les remèdes que vous préconisez et qui singent le système américain comme l'allégement de la fiscalité de stocks-option, la prolongation du dispositif des crédits d'impôt-recherche, les déductions fiscales pour investissements dans les entreprises ne vont pas dans le sens de la préservation et du développement du secteur public.

S'agissant de crédits d'impôt-recherche, le versement à fonds perdus de sommes considérables sans aucun contrôle ni clause conditionnelle de création d'emplois scientifiques constitue un détournement de fonds publics. Il serait préférable d'instituer un système d'impôt libératoire dont seraient exonérées les entreprises ayant réellement investi dans la recherche et créé des emplois. Le versement d'une partie de ces crédits aux entreprises pourrait également permettre le recrutement de jeunes docteurs qui attendent toujours un véritable statut social.

Une vraie politique de gauche devrait contraindre la grande industrie à créer des laboratoires et des emplois scientifiques.

Votre projet de réforme du CNRS provoque une vive et légitime inquiétude dans la communauté scientifique française. L'établissement ne disposerait plus de laboratoires. Ces nouveaux statuts changeraient radicalement sa mission. Il serait transformé en simple agence de moyens au service de la recherche universitaire. Son rôle se limiterait à distribuer des crédits à des unités de recherche parées du label CNRS mais dont l'activité scientifique échapperait à son contrôle. Or toute notre recherche est fondée sur des organismes puissants capables de conduire une politique scientifique cohérente et de faire des choix à très long terme.

Le CNES a suivi un plan rigoureux de réduction de sa dette qui s'élevait en 1995 à 3 700 millions et qui pèse lourdement sur ses comptes. La moitié de ses subventions étant destinées à l'Agence spatiale européenne, il lui reste peu de marge financière pour une politique d'investissement audacieuse.

Le budget civil de la recherche et du développement pour 1999 prévoit la création de seulement 100 emplois de chercheurs et de 50 d'ingénieurs, techniciens et administratifs (ITA) alors que celui de 1998 avait créé 400 postes de chercheurs et 200 d'ITA. Cela ne permet pas de maintenir l'équilibre démographique des organismes de recherche auquel nuit également le coût exorbitant du rachat des points de retraite. Les chercheurs justifient en effet rarement avant 65 ans d'un nombre d'annuités suffisant, ce qui en empêche beaucoup de partir à la retraite.

Il faudrait au contraire associer une politique ambitieuse de recrutements et des mesures incitatives au départ à la retraite pour assurer le renouvellement des chercheurs.

Face aux retards accumulés et à l'importance des enjeux, les 53 915 millions de crédits alloués au BCRD en dépenses ordinaires et en CP, soit une progression de seulement 1,6 %, paraissent insuffisants en regard de vos ambitions.

Nous ne sous-estimons pas le poids de l'héritage laissé par la droite.

M. Jean-Yves Le Déaut - Où est-elle ce soir ?

M. Patrick Leroy - Vous pouvez encore accroître les moyens de la recherche mais, en l'état, nous ne pouvons que nous abstenir (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Michel Crépeau - Le débat budgétaire consiste non seulement en l'examen de chiffres mais aussi d'une politique. Les radicaux de gauche voteront votre budget parce que, au-delà des chiffes qui sont convenables, nous aimons bien votre style qui tranche sur celui de vos prédécesseurs de ces vingt-cinq dernières années.

Nous entendions habituellement couler des robinets d'eau tiède et voilà que sonnent les trompettes de Jéricho ! (Rires)

Il vous faudra les faire sonner longtemps et fort pour que tombent les donjons de l'éducation nationale (Applaudissements). Mais déjà nous apprécions infiniment que vous fassiez passer un message qui soit à la fois de modernité et de bon sens.

L'éducation nationale, à tous les niveaux car comme mon collègue Goasguen je ne crois pas qu'on doive la saucissonner, doit bien sûr préparer à la vie professionnelle. Elle doit surtout préparer à la vie, apprendre non seulement à compter mais aussi à penser, former non seulement des ouvriers, des ingénieurs et des fonctionnaires mais également des citoyens. Nous avons sur ce point entendu dans votre bouche des propos oubliés depuis longtemps. Vous avez même évoqué Jules Ferry, pèlerinage aux sources de la République dont je veux vous remercier.

J'attire votre attention en revanche sur les universités nouvelles que M. Jospin avaient lancées et qui, faute de moyens, risquent de donner lieu à une terrible déception après l'immense espoir né du plan Université 2000. Je tiens à vous mettre en garde et pas seulement pour La Rochelle afin que les manifestations d'étudiants ne succèdent pas à celles des lycéens.

Enfin, je me souviens du combat que j'ai mené au sein de l'UNEF dans les années cinquante en faveur du présalaire étudiant. La question est toujours d'actualité et votre prédécesseur ne l'a guère abordée. Des réformes s'imposent pourtant et je voudrais vous citer les très sérieuses analyses de M. Cieutat, conseiller maître à la Cour des comptes. Un étudiant issu d'une famille déclarant un revenu supérieur à un million de francs est plus aidé, nous dit-il, que celui qui est issu d'une famille de salariés au SMIC et deux fois plus aidé que celui dont la famille déclare plus de 240 000 F de revenus par an. Le système est donc, conclut-il, très clairement antiredistributif.

Une réforme d'ensemble s'impose. Un étudiant en faculté dans une ville que ses parents n'habitent pas coûte au moins 5 000 F par mois. Un smicard ne peut donc offrir d'éducation supérieure ne serait-ce qu'à un seul de ses enfants. Voilà un vrai scandale que devrait dénoncer ceux qui sur ces bancs, quand ils ne sont pas vides, martèlent : la famille, la famille, la famille (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Il est tout de même plus important de permettre à un étudiant méritant issu d'une famille défavorisée de suivre des études supérieures que de verser des allocations familiales à la famille Dassault.

Je vous souhaite donc bonne chance, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

La suite de la discussion de la loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


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ANNEXE
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au dimanche 8 novembre inclus a été ainsi fixé en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, les explications de vote et le vote par scrutin public sur la première partie du projet de loi de finances pour 1999, et 21 heures :

    - discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 ;

@ODJ-SOUSPROJ = Enseignement supérieur, recherche et technologie.

MERCREDI 21 OCTOBRE, à 9 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Culture ;

à 15 heures :

    - questions au Gouvernement ;

à 18 heures et 21 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Enseignement scolaire.

JEUDI 22 OCTOBRE, à 9 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Environnement ;

à 15 heures et 21 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Équipement et transports.

VENDREDI 23 OCTOBRE, à 9 heures, 15 heures et, éventuellement, 21 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Outre-mer.

MARDI 27 OCTOBRE, à 9 heures, 15 heures, après les questions au Gouvernement, et 21 heures,
MERCREDI 28 OCTOBRE, à 9 heures, 15 heures, après les questions au Gouvernement, et 21 heures,
JEUDI 29 OCTOBRE, à 9 heures, 15 heures et 21 heures,
VENDREDI 30 OCTOBRE, à 9 heures, 15 heures et 21 heures,
et, éventuellement, SAMEDI 31 OCTOBRE, à 9 heures, 15 heures et 21 heures :

    - discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999.

LUNDI 2 NOVEMBRE, à 10 heures :

    - suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 :

@ODJ-SOUSPROJ = services du Premier ministre : services généraux, SGDN, Conseil économique et social, Plan, Journaux officiels ;

à 15 heures et 21 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Affaires étrangères,

@ODJ-SOUSPROJ = Affaires étrangères : coopération.

MARDI 3 NOVEMBRE, à 9 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Ville ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999, et 21 heures :

    - propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité.

MERCREDI 4 NOVEMBRE, à 9 heures :

    - suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 :

@ODJ-SOUSPROJ = Logement ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et 21 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Aménagement du territoire.

JEUDI 5 NOVEMBRE, à 9 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation ;

à 15 heures et 21 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Intérieur.

VENDREDI 6 NOVEMBRE, à 9 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Anciens combattants ;

à 15 heures et 21 heures :

@ODJ-SOUSPROJ = Défense.

SAMEDI 7 NOVEMBRE, à 9 heures, 15 heures et 21 heures,
et DIMANCHE 8 NOVEMBRE, à 9 heures, 15 heures et 21 heures :

    - suite des propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité.

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© Assemblée nationale


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