N° 1745

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 28
 

 

immigration, asile et intÉgration

 

 

 

 

Rapporteurs spéciaux : Mme Stella DUPONT et M. Mathieu LEFÈVRE

 

Députés

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SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. LE PROGRAMME 303 : COMME EN 2023, LES CRÉDITS PROPOSÉS SONT FONDÉS SUR DES HYPOTHÈSES RÉALISTES ET SOUTIENNENT LE RENFORCEMENT DES MOYENS DÉDIÉS À L’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE ET À LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE SANS PRENDRE EN CHARGE LES DÉPENSES EN LIEN AVEC L’ACCUEIL DES PROTÉGÉS TEMPORAIRES EN PROVENANCE D’UKRAINE

A. LES HYPOTHÈSES RETENUES À L’APPUI DE LA CONSTRUCTION BUDGÉTAIRE SONT SATISFAISANTES

1. Les hypothèses d’évolution des crédits retenues pour 2024 sont réalistes

a. Les hypothèses retenues par le ministère de l’intérieur

b. Des hypothèses satisfaisantes

2. La construction budgétaire exclut toute dépense relative à l’accueil des protégés temporaires en provenance d’Ukraine

a. Les coûts observés en 2022 et attendus en 2023 de l’accueil des protégés temporaires en provenance d’Ukraine

b. L’absence dans le PLF de crédits soutenant l’accueil des bénéficiaires de la protection temporaire

B. Les crÉdits de l’action  2 Garantie de l’exercice du droit d’asile connaissent une nouvelle progression reposant sur l’accroissement du nombre de places dans le dispositif national d’accueil et sur des renforts en effectifs en faveur de l’OFPRA

1. L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile : un nouvel accroissement de la capacité du dispositif national d’accueil, une situation en amélioration en dépit de tensions persistantes

a. Une nouvelle progression du nombre de places au sein du dispositif national d’accueil

b. Les points de vigilance : l’imparfaite fluidité du dispositif national d’accueil et l’apport des sas régionaux

c. L’hébergement citoyen, un dispositif à développer pour favoriser la sortie du dispositif national d’accueil des bénéficiaires de la protection internationale ?

2. Le financement de l’allocation pour demandeurs d’asile : une réduction justifiée des crédits

a. Une réduction contre-intuitive des crédits dans un contexte marqué par l’accroissement attendu du nombre de demandes d’asile

b. Une réduction justifiée des crédits

3. L’OFPRA : des crédits et des effectifs en progression, le « point noir » des délais de traitement des actes d’état civil

a. Des crédits et des effectifs en progression

b. Les points de vigilance : répondre au « point noir » des délais de traitement des actes d’état civil et préparer le possible déploiement du projet France asile

C. action  3 Lutte contre l’immigration irrÉguliÈre : des crÉdits en progression renouvelÉe

1. La rétention administrative : des crédits d’entretien et d’investissement en forte hausse, un complément à envisager

2. Les autres dépenses soutenant l’éloignement des étrangers en situation irrégulière : des crédits en progression

3. Les éloignements forcés et aidés : une progression d’ensemble, une concentration sur les profils dangereux

4. Un point de vigilance : la nécessité d’assurer la mise en œuvre effective du second alinéa de l’article L. 333-5 du CESEDA prévoyant le paiement des frais de prise en charge des étrangers placés ou maintenus en zone d’attente par les compagnies de transport

D. L’action n° 1 Circulation des Étrangers et politique des visas, l’action n° 4 Soutien et l’augmentation attendue du produit des fonds de concours

1. Les actions n° 1 Circulation des étrangers et politique des visas et n° 4 Soutien : des crédits marqués par le rattachement de dépenses numériques

2. La poursuite de la progression du produit attendu des fonds de concours

II. PROGRAMME 104 : une baisse des crédits tenant principalement à une mesure de périmètre et ne remettant pas en cause l’effort soutenu en faveur de l’intégration des étrangers en situation régulière

A. L’action  11 Accueil des Étrangers primo-arrivants : des crédits en retrait en raison de la progression attendue des financements européens

1. Le financement de l’OFII par l’action 11

a. Le concours apporté à l’OFII par l’action 11

b. Les autres concours budgétaires apportés à l’OFII

2. Le niveau des effectifs et l’organisation des formations linguistiques

a. Le niveau des effectifs de l’OFII

b. La mise en œuvre des formations linguistiques

B. L’action n° 12 Actions d’intégration des primo-arrivants : DES MOYENS significatifs ACCORDÉS au programme AGIR

a. Le financement des mesures traditionnelles d’intégration des primo-arrivants

b. Le programme AGIR : des crédits en hausse, un déploiement progressif

C. Les autres crédits du programme 104 soutiennent un ensemble composite d’actions en faveur de l’intÉgration des Étrangers en situation rÉguliÈre

1. L’action n° 16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants : des crédits en retrait

2. L’action  14 Accès à la nationalité française : des crédits limités

3. Le produit attendu des fonds de concours : un produit en baisse en raison d’une modification méthodologique

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES, DES QUESTIONNAIRES TRANSMIS ET DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses au questionnaire budgétaire.

À cette date, 37,3 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


   PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Les crédits demandés dans le projet de loi de finances pour 2024 au titre de la mission Immigration, asile et intégration s’établissent à 1 764,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 2 156 millions d’euros en crédits de paiement. Ces montants, accordés au ministère de l’intérieur et à ses deux opérateurs (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides [OFPRA] et l’Office français de l’immigration et de l’intégration [OFII]), sont en recul de 543,1 millions d’euros en AE (– 34 %) et en progression de 146,9 millions d’euros en CP (+ 7,3 %) par rapport à ceux figurant dans la loi de finances pour 2023.

Les crédits de cette mission reposent sur les programmes 104 Intégration et accès à la nationalité française (431,2 millions d’euros en AE et en CP) et 303 Immigration et asile (1 333,1 millions d’euros en AE et 1 724,8 millions d’euros en CP).

Les crédits du programme 104 connaissent un fort recul (– 112 millions d’euros en AE et en CP, – 20,6 %) principalement imputable à une modification technique de la maquette budgétaire. L’action 15 Accompagnement des réfugiés (dotée de 122 millions d’euros en 2023) est supprimée et ses crédits sont ventilés entre le programme 303 (à hauteur de 117,2 millions d’euros) et l’action 12 Intégration des étrangers primo-arrivants du programme 104 (pour le solde). La baisse des crédits du programme 104 affecte également deux autres actions : l’action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants qui concourt au financement (- 27,4 millions d’euros au titre du programme 104 en raison de la progression attendue des ressources provenant de l’Union européenne) et l’action 16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (– 2 millions d’euros par rapport à 2023). À l’inverse, les crédits de l’action 12 sont en progression de 40,2 millions d’euros et s’établissent à 174,5 millions d’euros en AE et en CP en raison de la poursuite du déploiement du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR).

Les crédits du programme 303 se caractérisent par une forte baisse en AE (– 798,6 millions d’euros, – 37,5 %) et une hausse sensible en CP (+ 258,9 millions d’euros, + 17,6 %). Le recul des AE s’explique par le renouvellement pour 3 ans (intervenu en 2023) des conventions conclues avec les hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) et les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES). En conséquence, aucune AE n’est demandée pour ces lieux d’hébergement en 2024. La progression des CP résulte de la croissance des crédits dédiés au financement des actions 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile (+ 139,5 millions d’euros) et 3 Lutte contre l’immigration irrégulière (+ 91,2 millions d’euros).

Les rapporteurs spéciaux approuvent ces orientations et sont favorables à l’adoption des crédits proposés. Ils regrettent néanmoins l’absence (dans la budgétisation initiale du programme 303 Immigration et asile) de crédits prenant en charge l’accueil des protégés temporaires en provenance d’Ukraine même si l’absence de cette dotation ne remet pas en cause le financement de ces dépenses.

Les rapporteurs spéciaux sont également favorables à certains ajustements :

– Mme Dupont et M. Lefèvre proposent de relever légèrement (+ 0,3 million d’euros) les crédits de l’OFPRA afin de permettre le recrutement de 8 ETPT supplémentaires en faveur de la direction chargée de l’établissement des actes d’état civil des bénéficiaires de la protection temporaire ;

– M. Lefèvre propose de relever les crédits en faveur de la rénovation des centres de rétention administrative (+ 6,2 millions d’euros) et d’ajouter un indicateur supplémentaire relatif à la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte.

 

 

 


   DONNÉES CLÉS

Évolution en 2024 DES CRÉDITS DE LA MISSION par rapport À 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes de la mission

LFI 2023

LFR 2023 ([1])

PLF 2024

Évolution (en %)

LFI 2023

LFR 2023

PLF 2024

Évolution (en %)

104 - Intégration et accès à la nationalité française

543,1

 

431,2

 20,6 %

543,2

 

431,2

 20,6 %

303 - Immigration et asile

2 131,7

 

1 333,1

 37,5 %

1 465,9

 

1 724,8

+ 17,6 %

Totaux

2 674,8

 

1 764,3

 34 %

2 009,1

 

2 156

+ 7,3 %

Source : projet annuel de performances.

Opérateurs dans le périmètre du rapport spécial (2) :

● Office français de protection des réfugiés et apatrides (établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur) : 107,9 millions d’euros (programme 303) ;

● Office français de l’immigration et de l’intégration (établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur) : 561,7 millions d’euros répartis entre le programme 104 (254,9 millions d’euros) et le programme 303 (306,7 millions d’euros).

Mesures de périmètre et de transfert :

● Programme 104 :

  • – Transfert entrant : aucun
  • – Transfert sortant : 118,7 millions d’euros (suppression de l’action 15 Accompagnement des réfugiés) vers le programme 303.

● Programme 303 :

  • – Transferts entrants :
  1.    37,9 millions d’euros en provenance du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État,
  2.    118,7 millions d’euros en provenance du programme 104.
  • Transfert sortant : aucun

Nombre d’équivalents temps plein travaillé (ETPT) : 2 245 emplois sous plafond (2 228 en 2023, + 17 ETPT) :

● OFPRA : 1 028 (+ 17 par rapport à 2023 mais seuls 8 ETPT correspondent à des créations nettes (cf. infra)) ;

● OFII : 1 217 (inchangé par rapport à 2023).

Prévision de rattachement des fonds de concours ([2]) :

● programme 104 : 10,7 millions d’euros en AE et en CP (133,8 millions d’euros en 2023) ;

● programme 303 : 83,9 millions d’euros en AE et en CP (67,9 millions d’euros en 2023).

Dépense fiscale : aucune dépense fiscale n’est rattachée à la mission.

 

 


   INTRODUCTION

Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration figurant au projet de loi de finances pour 2024 s’établissent à 1 764,3 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 2 156 millions d’euros en crédits de paiement (CP) en recul de 543,1 millions d’euros en AE (– 34 %) et en progression de 146,9 millions d’euros en CP (+ 7,3 %) par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances pour 2023.

Ces crédits sont légèrement supérieurs à ceux mentionnés dans le rapport annexé à la loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ([3]) et sont en harmonie avec ceux inscrits dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ([4]).

Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration reposent, comme dans les précédents PLF, sur les programmes 104 Intégration et accès à la nationalité française (431,2 millions d’euros en AE et en CP) et 303 Immigration et asile (1 333,1 millions d’euros en AE et 1 724,8 millions d’euros en CP). Ces montants se déploient dans un cadre budgétaire partiellement rénové puisque l’action 15 Accompagnement des réfugiés du programme 104 (dotée de 122 millions d’euros en 2023) est supprimée et le PLF ventile ses crédits entre le programme 303 (à hauteur de 118,7 millions d’euros) et l’action 12 Actions d’intégration des primo-arrivants du programme 104 (pour le solde).

Les crédits de la mission figurant dans le PLF mettent l’accent sur la poursuite de l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asile, sur le renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière et sur l’intégration des étrangers primo arrivants en situation régulière.

Ces crédits s’inscrivent dans un contexte marqué notamment par la poursuite attendue en 2024 de la croissance du nombre de demandes d’asile observée en 2023, par la prochaine discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration et par les perspectives d’adoption du pacte de l’Union européenne sur la migration et l’asile.

Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration sont complétés par ceux figurant dans d’autres missions du budget de l’État. Ainsi le document Politique française de l’immigration et de l’intégration recense dix-sept autres programmes budgétaires (répartis entre onze missions) soutenant les actions de l’État en lien avec l’asile, l’immigration et l’intégration ([5]) pour un montant cumulé s’établissant, hors programmes 104 et 303, à 5 731,4 millions d’euros en AE et 5 719,5 millions d’euros en CP.

Des crédits extérieurs au budget de l’État participent également à la conduite des politiques publiques relatives aux questions migratoires. Ainsi, depuis le 1er décembre 2021, l’agence européenne de garde-frontières et de garde‑côtes Frontex finance par exemple l’opération OPAL COAST permettant le déploiement d’un avion effectuant des vols nocturnes de surveillance de la baie de Somme jusqu’à la frontière belgo‑néerlandaise. Les programmes 104 et 303 devraient en outre percevoir en 2024 des fonds de concours pour un montant cumulé représentant 94,6 millions d’euros en AE et en CP (10,7 millions d’euros pour le programme 104 et 83,9 millions d’euros pour le programme 303). Ces crédits proviennent essentiellement du fonds européen asile, migration et intégration (FAMI).

La mission Immigration, asile et intégration demeure cependant la clé de voûte des interventions de l’État en lien avec les étrangers.

 

 

 


I.   LE PROGRAMME 303 : COMME EN 2023, LES CRÉDITS PROPOSÉS SONT FONDÉS SUR DES HYPOTHÈSES RÉALISTES ET SOUTIENNENT LE RENFORCEMENT DES MOYENS DÉDIÉS À L’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE ET À LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE SANS PRENDRE EN CHARGE LES DÉPENSES EN LIEN AVEC L’ACCUEIL DES PROTÉGÉS TEMPORAIRES EN PROVENANCE D’UKRAINE

Le programme 303 « regroupe les moyens des politiques relatives à l’entrée, à la circulation, au séjour et au travail des étrangers, à l’éloignement des personnes en situation irrégulière et au droit d’asile » ([6]).

Les crédits du programme 303 s’établissent à 1 764,3 millions d’euros en AE et à 2 156 millions d’euros en CP, soit des montants en forte baisse en AE (– 798,6 millions d’euros, – 37,5 %) et en hausse sensible en CP (+ 258,9 millions d’euros, + 17,6 %) par rapport à 2023. Ces crédits représentent une part prépondérante (75,6 % en AE et 80 % en CP) des dépenses de la mission.

Ces montants sont ainsi répartis :

Ventilation des crÉdits du programme 303 par action

(en millions d’euros)

 

LFI
2023

PLF
2024

Évolution en valeur absolue

Évolution 2023-2024 (en %)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

303 Immigration et asile

2 131,7

1 465,9

1 333,1

1 724,8

– 798,6

+ 258,9

– 37,5 %

+ 17,6 %

Action 1 Circulation des étrangers et politique des visas

0,5

0,5

0,5

0,5

0

0

0

0

Action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile

1 897,2

1 267,4

975,4

1 406,9

– 921,8

+ 139,5

– 48,6 %

+ 11 %

Action 3 Lutte contre l’immigration irrégulière

205,5

169,5

299,9

260,7

+ 94,4

+ 91,2

+ 45,9 %

+ 53,8 %

Action 4 Soutien

28,5

28,5

57,3

56,7

+ 28,8

+  28,2

+ 101 %

+ 98,9 %

Source : projet annuel de performances.

Si la maquette budgétaire du programme 303 est stable, deux mesures de périmètre conduisent à majorer ses montants de 156,2 millions d’euros.

La première mesure concerne le transfert, depuis le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État des dépenses de développement, de maintenance et d’hébergement des systèmes d’information de la direction générale des étrangers en France (DGEF) en faveur de l’action 4 Soutien (+ 37,9 millions d’euros en AE et en CP). La seconde mesure intéresse le transfert sur l’action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile de 118,7 millions d’euros (en AE et en CP) servant au financement des centres provisoires d’hébergement en provenance de l’ancienne action 15 Accompagnement des réfugiés du programme 104.

Depuis 2017, les crédits de paiement du programme 303 ont ainsi évolué :

2017–2024 : évolution des crédits de paiement du programme 303 par action

(en millions d’euros)

 

Action 1 Circulation des étrangers et politique des visas

Action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile

Action 3
Lutte contre l’immigration irrégulière

Action 4 Soutien

Total des crédits examinés

2017 (exécutés)

0,6

1 136

76,1

25,4

1 238

2018 (exécutés)

0

1 109,5

100,9

41,4

1 252

2019 (exécutés)

0

1 287,9

109,3

29,9

1 427

2020 (exécutés)

0,6

1 292,1

102,5

2,9

1 398,1

2021 (exécutés)

0,42

1 233,41

118,41

11,95

1 364,19

2022 (exécutés)

0,36

1 595,8

121,7

18,9

1 736,9

LFI 2023

0,52

1 267,4

169,5

28,5

1 465,8

PLF 2024

0,52

1 406,9

260,7

56,7

1 724,8

Variation 2017-2024

– 13,3 %

+ 23,9 %

+ 242,6 %

+ 123,2 %

+ 39,3 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires

L’évolution précitée de la maquette budgétaire nuance cependant la pertinence des comparaisons pour le dernier exercice.

Ces dépenses seront commentées par ordre de grandeur.

A.   LES HYPOTHÈSES RETENUES À L’APPUI DE LA CONSTRUCTION BUDGÉTAIRE SONT SATISFAISANTES

Comme chaque année, les rapporteurs spéciaux ont invité le ministère de l’intérieur à présenter de façon détaillée les hypothèses retenues pour l’établissement de la construction budgétaire. Les éléments transmis suggèrent que les hypothèses figurant dans le PLF sont satisfaisantes même si les rapporteurs spéciaux regrettent l’absence de crédits relatifs à la poursuite de l’accueil des bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d’Ukraine.

1.   Les hypothèses d’évolution des crédits retenues pour 2024 sont réalistes

a.   Les hypothèses retenues par le ministère de l’intérieur

En réponse aux interrogations des rapporteurs spéciaux, le ministère de l’intérieur a précisé que :

– L’hypothèse d’évolution de la demande d’asile retenue pour 2024 repose sur une anticipation de 160 000 premières demandes (mineurs inclus), qui correspond à une extrapolation prudente de la demande effective constatée en 2023. Cependant, et comme l’indique le projet annuel de performances([7]), les crédits retenus pour financer l’ADA permettent de faire éventuellement face à un volume supérieur ;

– L’hypothèse retenue en matière de délai de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA repose sur le respect d’un délai moyen de 125 jours ([8]). Selon le ministère de l’intérieur, et sauf événement imprévu, l’OFPRA devrait être en capacité de rendre 155 000 décisions en 2024 (soit plus de 12 900 décisions par mois) contre 132 826 décisions en 2019 (environ 11 000 décisions par mois), 89 774 décisions en 2020 (environ 7 500 décisions par mois) 139 810 décisions en 2021 (environ 11 650 décisions par mois), 134 500 décisions en 2022 (environ décisions 11 200 par mois) et 140 000 décisions attendues en 2023 (environ 11 670 décisions par mois).

– La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) devrait rendre de 65 000 à 70 000 décisions en 2024 contre 66 464 en 2019, 42 025 en 2020, 68 403 en 2021, 67 142 en 2022 et entre 65 000 et 70 000 attendues en 2023.

– Aucune estimation n’a été communiquée concernant le nombre anticipé de bénéficiaires de la protection temporaire puisque la mission ne prévoit pas de crédit sur ce point.

b.   Des hypothèses satisfaisantes

Les rapporteurs spéciaux considèrent que ces hypothèses sont satisfaisantes :

– S’agissant de la demande d’asile attendue en 2024 : l’anticipation retenue est en phase avec l’évolution récente du nombre de demandes d’asile. Selon les indications communiquées par M. Julien Boucher, directeur général de l’OFPRA, le nombre de demandes d’asile déposées auprès de cet établissement en 2023 devrait osciller entre 140 000 et 145 000 demandes, soit un niveau légèrement supérieur à celui initialement escompté (135 000). La croissance du nombre de demandes d’asile observée en France en 2023 (+ 12 % sur les huit premiers mois de l’année) ([9]) est nettement inférieure à celle observée dans les 28 pays européens dont l’activité est suivie par l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (+ 28 % au premier semestre 2023 par rapport au premier semestre 2022) ([10]).

Sur ces bases, et au regard du contexte migratoire actuel, une prévision de 160 000 demandes à l’OFPRA en 2024 constitue une hypothèse prudente anticipant une hausse de la demande d’asile comprise entre 10,7 et 14,2 % par rapport à 2023 ([11]). Une inconnue réside cependant dans l’existence d’un éventuel rebond lié à la forte croissance des demandes d’asile observée en Europe. Dans les années antérieures, la France a effectivement souvent été concernée de manière décalée par les flux de demande d’asile en recevant dans un second temps des demandeurs dont la première demande a été rejetée par d’autres pays. Ces mouvements secondaires, difficiles à anticiper, sont susceptibles de se reproduire en 2024 et pourraient peser sur le nombre de demandes d’asile déposées dans notre pays.

– S’agissant du délai de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA : au premier semestre 2023, l’OFPRA a instruit les demandes d’asile dont il avait la charge dans un délai moyen de quatre mois (120 jours), soit sa meilleure performance depuis 2008. À la fin de l’été 2023, ce résultat se situait aux environs de 130 jours ce qui, en dépit de cette légère remontée, situe l’OFPRA favorablement au regard des délais observés avant la crise sanitaire (166 jours en 2019) et pendant celle-ci (262 jours en 2020) ([12]). À cette aune, l’hypothèse retenue dans le PLF d’un délai moyen de traitement des demandes d’asile de 125 jours en 2024 est crédible. Le respect de cet objectif suppose cependant, d’une part, que la demande d’asile n’excède pas la dynamique actuelle et, d’autre part, que les mesures figurant dans le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration puissent entrer en application (cf. infra).

– S’agissant du nombre de décisions rendues par la CNDA : la prévision retenue est satisfaisante mais son respect est subordonné aux mêmes réserves que celles formulées vis-à-vis de l’OFPRA ([13]).

2.   La construction budgétaire exclut toute dépense relative à l’accueil des protégés temporaires en provenance d’Ukraine

Comme en 2023, les dépenses en faveur des protégés temporaires en provenance d’Ukraine appelées à être prises en charge par la mission Immigration, asile et intégration seront financées en gestion et ne bénéficient d’aucune inscription dans le PLF, ce qui est regrettable au regard de leur montant.

a.   Les coûts observés en 2022 et attendus en 2023 de l’accueil des protégés temporaires en provenance d’Ukraine

En 2022, les dépenses relatives à l’accueil des déplacés d’Ukraine ont été prises en charge en gestion, ce qui était tout à fait compréhensible au regard de l’imprévisibilité de ce conflit. En 2023, ces crédits n’ont fait l’objet d’aucune inscription dans la loi de finances initiale ce qui a suscité les réserves des rapporteurs spéciaux et la réprobation de la Cour des comptes au regard de l’importance des montants concernés ([14]). Le financement de ces dépenses reposera sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 qui prévoit un crédit de 339 millions d’euros en ce sens et sur des mesures de régulation budgétaire internes au ministère de l’intérieur.

État des différentes dÉpenses en lien avec l’accueil des bÉnéficiaires
de la protection temporaire exécutÉes en 2022
et devant Être engagÉes en 2023

(en millions d’euros)

Dispositifs

Dépenses 2022

Prévision de dépenses 2023

AE

CP

AE

CP

Allocation versée aux bénéficiaires de la protection temporaire

218,5

218,5

174,7

174,7

Hébergement

257,1

253,3

153,7

157,4

Accueils de jour et transports

10,1

10,1

6,9

6,9

OFII – fonctionnement et frais de personnels

3,4

3,4

5,5

5,3

Formations linguistiques

3

3

4,6

4,6

Total :

492,1

488,3

345,3

348,9 ([15])

Source : ministère de l’intérieur.

En 2022, les dépenses engagées ont permis l’accueil d’environ 105 000 personnes de mars à décembre 2022. Sur l’année 2023, ce nombre est en retrait et se situe plutôt aux environs de 75 000 personnes ([16]).

b.   L’absence dans le PLF de crédits soutenant l’accueil des bénéficiaires de la protection temporaire

Si l’évolution de la situation en Ukraine demeure incertaine, il est hautement probable que la plupart des bénéficiaires de la protection temporaire installés en France y demeurent en 2024.

L’absence renouvelée de crédit au sein du PLF pour prendre en charge ces dépenses est contestable au regard des sommes en jeu. En 2023, les 339 millions d’euros prévus par la loi de finances de fin de gestion représentent 17,5 % des crédits de l’ensemble de la mission Immigration, asile et intégration ouverts par la loi de finances initiale.

En dépit des difficultés d’anticipation de l’évolution du conflit en Ukraine, un crédit spécifique significatif aurait dû être prévu dans le PLF 2024 pour financer ces dépenses sous peine, selon Mme Dupont, d’altérer la sincérité de la mission.

L’opération Apagan, une opération au long cours

Si les années 2022 et 2023 ont été marquées par l’accueil des bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d’Ukraine, l’année 2021 a été marquée par la mise en œuvre de l’opération Apagan ayant permis l’accueil en France d’Afghans évacués depuis Kaboul.

Les rapporteurs spéciaux ont souhaité faire un point sur la poursuite de cette opération qui s’avère être une opération au long cours. Ainsi :

– Le premier flux, organisé entre mai et juillet 2021, a permis l’arrivée de 623 employés afghans et de leurs proches (dits « agents de droit local ») ;

– Le deuxième flux, qui correspond stricto sensu à l’opération « Apagan-Abou Dhabi », a permis l’acheminement de 2 805 personnes (dont 2 635 Afghans) en 15 vols organisés entre le 17 et le 28 août 2021 ;

– Un troisième flux, organisé depuis le 13 septembre 2021 depuis Doha et les pays voisins de l’Afghanistan, se poursuit au fil de l’eau et a permis l’acheminement en France de 3 023 autres personnes entre septembre 2021 et août 2023.

Source : ministère de l’intérieur.

B.   Les crÉdits de l’action n° 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile connaissent une nouvelle progression reposant sur l’accroissement du nombre de places dans le dispositif national d’accueil et sur des renforts en effectifs en faveur de l’OFPRA

L’action n° 2, d’un montant de 975,4 millions d’euros en AE et de 1 406,9 millions d’euros en CP finance l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile (564,3 millions d’euros en AE et 995,8 millions d’euros en CP), l’allocation pour demandeurs d’asile (303,2 millions d’euros en AE et en CP) et l’OFPRA (107,9 millions d’euros en AE et en CP).

Ces crédits sont en retrait de 921,8 millions d’euros en AE et en progression de 139,5 millions d’euros en CP par rapport à 2023. L’évolution de ces montants diffère selon les composantes de l’action n° 2 :

1.   L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile : un nouvel accroissement de la capacité du dispositif national d’accueil, une situation en amélioration en dépit de tensions persistantes

Le PLF affecte 564,3 millions d’euros en AE et 995,8 millions d’euros en CP aux dépenses d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile, soit des montants en retrait de 905,7 millions d’euros en AE (– 61,6 %) et en progression de 155,6 millions d’euros en CP (+ 13,8 %) par rapport à 2023.

La forte réduction des AE s’explique par la conclusion en 2023 de conventions pluriannuelles en faveur des centres d’accueil et d’évaluation des situations (CAES) et des hébergements d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) dont la reconduction n’est pas nécessaire en 2024.

La progression des CP résulte de la création de nouvelles places d’hébergement, de la prise en charge des mesures salariales en faveur des travailleurs sociaux œuvrant dans le dispositif national d’accueil et de l’intégration dans le périmètre de l’action n° 2 des dépenses précédemment prises en charge par l’action 15 Accompagnement des réfugiés du programme 104 au titre du financement des centres provisoires d’hébergement.

Les rapporteurs spéciaux soulignent de nouveau que les dépenses engagées par l’État en faveur de l’hébergement des demandeurs d’asile ne se limitent pas à celles de l’action 2 du programme 303 puisqu’en 2024, des demandeurs d’asile continueront d’être hébergés – pour un montant non déterminé – hors du dispositif national d’accueil au sein des structures d’hébergement d’urgence de droit commun dont le financement relève du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires.

Les rapporteurs spéciaux font également part de leur intérêt pour disposer d’une vision consolidée de l’hébergement des demandeurs d’asile et, plus globalement, des personnes étrangères, dans le dispositif d’urgence de droit commun.

a.   Une nouvelle progression du nombre de places au sein du dispositif national d’accueil

La progression renouvelée du nombre de places d’hébergement prévue en 2024 améliore la situation des demandeurs d’asile même si des tensions demeurent en matière notamment de fluidité du dispositif national d’accueil.

  1.   Une progression renouvelée du nombre de places d’hébergement et le rattachement du financement des centres provisoires d’hébergement au programme 303

Composé de différentes structures ([17]), le dispositif national d’accueil devrait compter 122 582 places en métropole et outre-mer fin 2024, en progression de 1 500 places par rapport à la capacité d’accueil attendue fin 2023. Cette capacité d’accueil devrait être ainsi répartie :

Répartition prévisionnelle des places et des financements dans le dispositif national d’accueil en 2024

 

Centres d’accueil et d’évaluation des situations

(CAES)

Hébergements d’urgence des demandeurs d’asile

(HUDA)

Centres d’accueil pour demandeurs d’asile

(CADA)

Total pour les demandeurs d’asile

Centres provisoires d’hébergement

(CPH)

Autres hébergements pour des bénéficiaires de la protection internationale ([18])

Total pour les bénéficiaires de la protection internationale

TOTAL

Places autorisées au 31/12/2024

7 622

52 950

49 742

110 314

11 418

850

12 268

122 582

AE

15,80 M€

32,70 M€

389,60 M€

438 M€

117,20 M€

9 M€

126,20 M€

564,30 M€

CP

77,30 M€

402,70 M€

389,60 M€

869,60 M€

117,20 M€

9 M€

126,20 M€

995,80 M€

Source : ministère de l’intérieur, direction générale des étrangers en France (DGEF).

Les 1 500 places appelées à être créées en 2024 seraient réparties entre les CAES (500 places), les CADA (500 places) et les CPH (500 places) pour un coût prévisionnel cumulé s’établissant à 13,5 millions d’euros.

Les rapporteurs spéciaux approuvent la création de ces places et soulignent que l’accroissement projeté des capacités d’accueil du dispositif national d’accueil s’inscrit dans une tendance de fond (la capacité d’accueil du DNA s’établissait à 85 643 places en 2017). Sur les cinq derniers PLF, trois ont permis la création de places d’hébergement et les deux derniers PLF ont autorisé l’ouverture de 7 400 places (5 900 en 2023 et 1 500 en 2024).

Les rapporteurs spéciaux prennent par ailleurs acte du rattachement du financement des centres provisoires d’hébergement à l’action 2 du programme 303. Si cette décision permet de concentrer sur une seule action les crédits de l’ensemble de la mission Immigration, asile et intégration en lien avec l’hébergement, elle efface en revanche la distinction existant précédemment entre les dépenses relatives aux demandeurs d’asile (prises en charge par le programme 303) et les dépenses relatives aux bénéficiaires de la protection internationale (en principe prises en charge par le programme 104), ce que les rapporteurs spéciaux regrettent.

  1.   La poursuite de l’amélioration de la situation du nombre de places d’hébergement améliore la situation des demandeurs d’asile

De 2018 à 2022, la politique conduite par le ministère de l’intérieur a permis de relever de 48 à 58 % la proportion des demandeurs d’asile hébergés dans le DNA.

2018- 2022 – évolution de la proportion des demandeurs d’asile hébergés
dans le dispositif national d’accueil

Source : commission des finances.

Cette évolution favorable est appelée à se confirmer en 2024 puisque le projet annuel de performances comporte une cible de 64 % de demandeurs d’asile hébergés. Cette tendance est d’autant plus satisfaisante qu’elle est intervenue dans un contexte marqué par la progression du nombre de demandeurs d’asile (123 625 demandes d’asile ont été enregistrées par l’OFPRA en 2018 et de 140 à 145 000 sont attendues en 2023). Les rapporteurs spéciaux soulignent à ce titre l’effet positif de la politique d’orientation directive des demandeurs d’asile dont ils ont récemment dressé un premier bilan ([19]).

b.   Les points de vigilance : l’imparfaite fluidité du dispositif national d’accueil et l’apport des sas régionaux

  1.   Une imparfaite fluidité

Le dispositif national d’accueil souffre d’une imparfaite fluidité résultant, d’une part, du nombre significatif de places indisponibles et, d’autre part, de la proportion importante des personnes en présence indue.

Les tensions observées dans le DNA trouvent en premier lieu leur origine dans l’indisponibilité de plusieurs milliers de places. Selon l’OFII, au 30 juin 2023, 5 510 places étaient considérées comme indisponibles par les opérateurs (soit 4,5 % des places) en raison, principalement, de travaux, du manque de réactivité de l’opérateur gestionnaire dans la déclaration informatique des places vacantes ou de difficultés de recrutement ne permettant pas à l’opérateur d’accueillir de nouveaux demandeurs d’asile. Un travail a été engagé sur ce point afin de réduire ce volume de places indisponibles.

L’imparfaite fluidité du DNA renforce ces difficultés. Ainsi, selon le projet annuel de performances, le taux de présence indue des bénéficiaires de la protection internationale s’établit à 12 % et celui des déboutés du droit d’asile à 7,5 % ([20]). Autrement dit, près de 20 % des places du DNA seraient occupées par des personnes n’ayant plus vocation à y séjourner.

La proportion des bénéficiaires de la protection internationale en présence indue est en accroissement sensible puisqu’elle est passée de 6,7 % en décembre 2020 à 12,8 % en août 2023. L’allongement de la durée moyenne d’hébergement illustre également ce phénomène. Ainsi, selon les rapports d’activité de l’OFII, cette durée s’établissait, toutes catégories d’hébergement (hors CAES et DOM), à 454 jours en 2022 contre 395 jours en 2019 ([21]).

Cette situation s’explique par des comportements inappropriés, par les difficultés d’accès au logement des bénéficiaires de la protection internationale mais également, paradoxalement, par la réduction des délais d’instruction de l’OFPRA. En statuant plus vite, l’OFPRA détermine plus tôt la situation administrative des demandeurs d’asile et les contraint, en principe, à libérer la place qu’ils occupent dans le DNA ou, s’ils y demeurent audelà de la durée autorisée, les fait basculer en situation de présence indue.

Le projet annuel de performances anticipe cependant une amélioration de cette situation à partir de 2024 en vue d’atteindre en 2026 une proportion de présence indue de 3 % pour les bénéficiaires de la protection internationale et de 4 % pour les déboutés du droit d’asile ([22]) conforme à celle déterminée par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés publié en décembre 2020 ([23]). Sur ce point, la prochaine discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration est susceptible de modifier le droit applicable afin d’accélérer la sortie d’hébergement des personnes en présence indue, ce que souhaite M. Lefèvre ([24]).

Les tensions observées soulignent que la problématique du DNA ne se limite pas à une problématique de nombre de places mais recouvre également une problématique de mise à disposition des places financées et de libération des places existantes.

  1.   L’apport et la pérennisation des sas régionaux

Le Gouvernement a mis en place en avril 2023 des « sas régionaux » susceptibles d’avoir une incidence indirecte sur le nombre de demandeurs d’asile hébergés dans le DNA en région ([25]).

Dix structures d’accueil régionales (dites « sas régionaux ») de 50 places ont été instituées dans le but d’accueillir 500 personnes (sans solution d’hébergement ou de logement) prises en charge dans le cadre d’opérations de mises à l’abri. L’accueil dans les sas régionaux est prévu pour une durée maximale de trois semaines au terme de laquelle les intéressés doivent, selon la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, être « orientés vers une solution correspondant à leur situation administrative (DNA ou hébergement d’urgence, DPAR) [dispositif de préparation au retour] ».

Le PLF assure le financement de ces dispositifs en 2024 au moyen d’une contribution de 4 millions d’euros du programme 303 répartie entre 3,7 millions d’euros au titre du fonctionnement de ces sites et de 0,3 million d’euros au titre des dépenses de transport. Le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires assure un financement comparable au titre du fonctionnement de ces sites.

Selon les éléments transmis par la DGEF, « au 28 septembre, les dix sas régionaux sont opérationnels. Au 22 septembre 2023, 1 879 personnes ont été orientées depuis l’Île-de-France en régions parmi lesquelles 1 865 sont effectivement arrivées en sas. Les évaluations administratives menées en sas par les services de l’État ont recensé 935 demandeurs d’asile (50 %), 495 bénéficiaires de la protection internationale (26 %), 318 personnes en situation irrégulière (17 %) ». Le nombre de personnes quittant le sas avant le terme de leur séjour est inférieur à 20 %. Lors de son audition, M. Éric Jalon, directeur général des étrangers en France, a précisé que parmi les demandeurs d’asile recensés, 40 % étaient éligibles aux conditions matérielles d’accueil et pouvaient donc prétendre à une orientation dans le cadre du dispositif national d’accueil.

Les rapporteurs spéciaux soutiennent le principe des sas régionaux qui contribuent à réduire le nombre de migrants à la rue en Île-de-France et approuvent leur reconduction en 2024. Ils soulignent cependant le besoin d’améliorer l’articulation de ce dispositif avec l’orientation directive des demandeurs d’asile et s’interrogent sur la possibilité que ces sas attirent vers Paris des demandeurs d’asile en attente d’hébergement en région.

c.   L’hébergement citoyen, un dispositif à développer pour favoriser la sortie du dispositif national d’accueil des bénéficiaires de la protection internationale ?

Mme Stella Dupont soutient le développement de l’hébergement citoyen et invite le Gouvernement à s’appuyer sur les propositions du récent rapport Thuot pour ouvrir davantage ce mode d’hébergement aux bénéficiaires de la protection internationale afin de répondre aux tensions observées dans le dispositif national d’accueil.

La mission Immigration, asile et intégration soutient l’hébergement des demandeurs d’asile (en finançant le dispositif national d’accueil) et des bénéficiaires de la protection internationale (en finançant des centres provisoires d’hébergement) mais participe peu au financement de l’hébergement citoyen des bénéficiaires de la protection temporaire et des bénéficiaires de la protection internationale qui relève essentiellement du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires. Ainsi ce dernier programme :

– a supporté les 7 millions d’euros dépensés au titre de l’indemnité spécifique d’accueil versée (sur la période du 22 novembre 2022 au 30 avril 2023) à certaines familles ayant hébergé à leur domicile des bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d’Ukraine ([26]) ;

– supporte 75 % du coût (774 000 euros sur 1 049 000 euros) du programme Cohabitations solidaires permettant chaque année l’accueil de 300 bénéficiaires de la protection internationale dans des familles pendant une période de 3 à 12 mois ([27]).

Mme Stella Dupont souligne que l’hébergement citoyen encadré, organisé, accompagné par des travailleurs sociaux a prouvé son efficacité. Le rapport remis au printemps 2023 par M. Thierry Tuot au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires dresse un bilan favorable de l’hébergement citoyen des bénéficiaires de la protection temporaire et propose, selon la DIHAL, de développer cette solution « pour tous les « exilés » (hors ressortissants européens) en situation régulière comme outil/solution supplémentaire aux dispositifs déjà existants » ([28]).

Lors de son audition, la DIHAL a également mis en avant les résultats favorables du programme Cohabitations solidaires qui soutient le « développement de projets d’accueil de réfugiés dans des foyers français et de colocations entre personnes réfugiées et citoyens français » ([29]). Ce programme joue un « rôle d’accélérateur social, assurant un relais de l’accompagnement social au quotidien en fournissant conseils et repères ». « Cette période d’hébergement d’un an maximum constitue une période « tremplin » pour l’intégration des réfugiés avec une relation privilégiée avec la société civile, dans un cadre rassurant permettant une accélération de l’apprentissage linguistique, une insertion socioprofessionnelle renforcée et un accès au logement facilité (70 % de sorties positives) ». Des effets favorables sont aussi observés en matière d’insertion professionnelle puisque « 60 % [des personnes hébergées] bénéficient à l’issue du dispositif d’un contrat de travail [….] contre près de 20 % à l’entrée ».

L’hébergement citoyen des bénéficiaires de la protection internationale mérite également d’être soutenu au regard de son coût limité qui, selon la DIHAL, s’établit à 5 euros par jour et par personne, soit un coût très inférieur à celui observé dans les différentes structures d’accueil du DNA (le coût cible d’un CADA est de 21 euros par jour et celui d’un HUDA de 25 euros par jour).

Au regard de ces résultats favorables, la DIHAL travaille sur un plan de développement de l’hébergement solidaire à horizon 2025. Mme Stella Dupont soutient cette perspective et plaide pour que l’État accompagne de manière accrue ce mode d’hébergement alternatif en faveur des bénéficiaires de la protection internationale et des bénéficiaires de la protection temporaire. Elle observe que, lors d’une audition organisée le 23 mai 2023 devant la commission des finances, de l’Assemblée nationale, M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, a fait un pas en ce sens en déclarant que « l’hébergement citoyen a bien fonctionné pour l’accueil des réfugiés ukrainiens. Pour les autres demandeurs d’asile ou de protection, il n’existe que de façon très limitée. Il faut l’étendre en l’encadrant pour éviter les abus, des deux côtés d’ailleurs. Enrichis de l’expérience de l’accueil des Ukrainiens, nous pouvons imaginer cette évolution » ([30]).

2.   Le financement de l’allocation pour demandeurs d’asile : une réduction justifiée des crédits

a.   Une réduction contre-intuitive des crédits dans un contexte marqué par l’accroissement attendu du nombre de demandes d’asile

L’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) est une allocation gérée par l’OFII (et versée par l’Agence de services et de paiement) visant à répondre aux besoins de subsistance des demandeurs d’asile durant l’instruction de leur dossier. Cette allocation est ouverte sous conditions d’âge et de ressources aux demandeurs ayant accepté les conditions matérielles d’accueil leur ayant été proposées. Le montant de l’ADA s’établit à 6,80 euros par jour pour une personne seule et à 17 euros par jour pour un couple avec deux enfants. En complément, un montant additionnel de 7,40 euros par jour est versé à l’allocataire n’ayant pas accès gratuitement à un hébergement ou un logement ([31]). Cette allocation est versée à la fois aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d’Ukraine. En septembre 2023, 100 365 personnes bénéficiaient de « l’ADA demandeurs d’asile » et 71 855 personnes bénéficiaient de l’ADA versée aux titulaires de la protection temporaire en provenance d’Ukraine.

Le PLF prévoit, pour la seule « ADA demandeurs d’asile » (cf. supra), un crédit de 303,2 millions d’euros répartis entre :

– 293,9 millions d’euros (en AE et en CP) au titre du financement de l’allocation, soit un montant en retrait de 20,8 millions d’euros par rapport à 2023 ;

– 6,4 millions d’euros (en AE et en CP) au titre des frais de gestion du dispositif en progression de 0,4 million d’euros par rapport à 2023.

Dans un contexte marqué par l’accroissement attendu du nombre de demandeurs d’asile en 2024, la diminution des crédits soutenant l’ADA peut surprendre. Cependant, cette évolution est justifiée.

b.   Une réduction justifiée des crédits

Plusieurs facteurs expliquent la réduction des crédits associés au financement de l’ADA :

– Les délais d’instruction de l’OFPRA sont en phase de réduction (cf. supra). Or, plus l’OFPRA prend une décision rapidement, moins la période de versement de l’ADA est longue.

– Le taux de protection de l’OFPRA croît. Ainsi, si en 2022 le taux de protection des demandeurs d’asile après examen de leur dossier par l’OFPRA s’établissait à 29 %, ce taux s’établit à 32 % au premier semestre 2023, ce qui réduit le nombre de demandeurs d’asile sollicitant la CNDA et donc la durée de versement de l’ADA.

– La part des demandeurs d’asile hébergés croît ce qui diminue la proportion des demandeurs d’asile percevant le montant additionnel de l’ADA dû en l’absence d’accès à un hébergement.

– Le projet annuel de performances souligne que « l’OFII, en lien étroit avec la DGEF, poursuivra son pilotage de l’allocation grâce, en particulier, à l’intensification de ses dispositifs de contrôle, notamment s’agissant de lutte contre les fraudes » ([32]) ;

Ces différents éléments expliquent la réduction projetée des crédits finançant l’ADA « demandeurs d’asile ».

Les rapporteurs spéciaux soulignent par ailleurs que les crédits proposés au titre de l’ADA sont supérieurs à ceux exécutés en 2022 (277,9 millions d’euros) et à ceux dont l’exécution est attendue en 2023 (250 millions d’euros), confortant ainsi la crédibilité de sa prévision.

L’ADA versée aux mineurs, une possibilité ouverte par la jurisprudence
mais non encore reconnue par le CESEDA

L’article D. 553‑3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que « pour bénéficier de l’allocation pour demandeur d’asile prévue à l’article L. 553‑1, le demandeur d’asile doit être âgé de dix-huit ans révolus et justifier de ressources mensuelles inférieures au montant du revenu de solidarité active ».

Pourtant, depuis une décision rendue par le Conseil d’État le 27 janvier 2021 ([33]), la délivrance des conditions matérielles d’accueil à un mineur demandeur d’asile (et donc le versement de l’ADA) est autorisée sous certaines conditions. Le ministère de l’intérieur a ainsi confirmé aux rapporteurs spéciaux que « la juridiction administrative reconnaît la possibilité pour les mineurs demandeurs d’asile, en l’espèce lorsque ceux-ci sont nés ou arrivés sur le territoire national postérieurement au dépôt de la demande d’asile de leurs parents, de bénéficier des conditions matérielles d’accueil (CMA), après examen de leur situation par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), et ce même si leurs parents ont vu leur demande d’asile rejetée » ([34]).

À l’heure actuelle, entre 80 à 90 mineurs perçoivent mensuellement l’ADA sans que le CESEDA reconnaisse pourtant expressément cette possibilité.

Il reviendra au législateur de se prononcer sur ce sujet.

Source : ministère de l’intérieur.

3.   L’OFPRA : des crédits et des effectifs en progression, le « point noir » des délais de traitement des actes d’état civil

a.   Des crédits et des effectifs en progression

Le PLF prévoit d’accorder à l’OFPRA une subvention pour charges de service public d’un montant de 107,9 millions d’euros en AE et en CP, en progression de 4,3 millions d’euros par rapport à 2023. Cette dotation se compose d’une subvention pour charges de service public (106 millions d’euros) et d’une subvention pour charges d’investissement (1,9 million d’euros). Pour la deuxième année consécutive, la dotation de l’OFPRA dépasse le seuil symbolique des 100 millions d’euros. Par comparaison, le budget exécuté de l’établissement s’établissait à 46,9 millions d’euros en 2015.

Le relèvement de la dotation de l’OFPRA s’explique par l’accroissement de la masse salariale à effectif constant, par le renforcement des effectifs (+ 17 ETPT) et par la prise en compte de l’inflation sur les dépenses de loyers, d’interprétariat et de fluides. Le nouveau relèvement du plafond d’emplois de l’OFPRA porte les autorisations d’emploi de 1 011 à 1 028 ETPT en 2024. Cette évolution recouvre deux réalités distinctes. En premier lieu, 8 ETPT de catégorie B sont créés pour renforcer les effectifs en charge de l’établissement des actes d’état civil (cf. infra) et succèdent à 8 autres créations de postes intervenues en ce sens en 2023. En second lieu, 9 ETPT de catégorie C sont inscrits sur les crédits de l’OFPRA dans le but de remplacer progressivement des ETPT traditionnellement mis à disposition par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères en lien avec le ministère de l’intérieur. Ces 9 ETPT ne s’apparentent pas à des créations nettes d’emplois ([35]). Toutefois, cette décision présente l’avantage d’inscrire ces postes dans le plafond d’emplois de l’OFPRA (ce qui n’était pas le cas des ETPT mis à disposition) ce qui sécurise et pérennise leur existence.

Le haut niveau de performance de l’établissement mérite par ailleurs d’être souligné. Si, dans une publication récente, la Cour des comptes a jeté un regard critique sur la productivité des nouveaux personnels de l’OFPRA ([36]), les rapporteurs spéciaux tiennent à relever les évolutions favorables de cet opérateur en matière de délai d’instruction des demandes d’asile et de traitement des « stocks » de demandes.

Le délai d’instruction des demandes d’asile est passé de 185 jours en 2017 à 261 jours en 2021 (durant la crise sanitaire) puis s’est abaissé aux environs de 130 jours en 2023. En six ans, le délai moyen de traitement a été réduit de plus de 50 jours alors même que, sur cette période, le nombre de demandes d’asile a fortement crû. Comme le rappelle le rapport annuel de performances 2022, l’OFPRA est aujourd’hui « un des organismes d’examen des demandes d’asile les plus rapides à l’échelle européenne » ([37]). Le nombre de demandes d’asile en instance a également diminué. Ce volume se situe aujourd’hui aux environs de 49 000 dossiers après avoir atteint près de 85 000 unités en décembre 2020 ([38]). Ce « stock » a même atteint un point bas de 41 600 dossiers en septembre 2022 avant de remonter aux environs de 49 300 dossiers en janvier 2023 et se stabiliser depuis à ce niveau.

Cette évolution favorable s’explique par l’engagement des personnels de l’OFPRA dans leurs locaux de Fontenay-sous-Bois comme lors des missions foraines réalisées en France ou à l’étranger. En 2022, l’OFPRA a ainsi organisé 71 missions d’instruction hors de ses locaux, en métropole (18), dans les territoires ultra‑marins (17) et à l’étranger (36). Une de ces missions s’est notamment déroulée dans la zone d’attente de la presqu’île de Giens en novembre 2022.

Que sont devenues les personnes présentes sur l’Ocean viking
et placées en zone d’attente sur la presqu’île de Giens en novembre 2022 ?

Comme l’a récemment rappelé la commission des Lois de l’Assemblée nationale, « le 22 octobre [2022], quatre jours après son départ et à l’issue de six sauvetages réalisés pour moitié en zone de responsabilité libyenne et pour l’autre moitié maltaise, l’Ocean Viking compte 234 migrants à bord. […] Le 10 novembre, les autorités françaises font le choix de désigner au navire […] [le port] de Toulon. Une zone d’attente temporaire est alors créée par arrêté préfectoral [...] sur la base navale de Toulon, lieu du débarquement, et sur le site du Village Vacances de la caisse centrale d’activités sociales (CCAS) d’Électricité de France (EDF) situé sur la presqu’île de Giens, à Hyère » ([39]). Cette zone d’attente a accueilli 190 personnes (179 adultes et 11 mineurs accompagnés) ([40]). Ces 179 adultes provenaient du Bangladesh (52), de Syrie (27), du Pakistan (26), d’Égypte (22), d’Érythrée (15), du Mali (12), du Soudan (12) et d’autres pays (Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ghana, Guinée, Maroc et Nigéria : 13).

Sur ces 179 adultes (165 hommes et 14 femmes), 177 ont été entendus par l’OFPRA dans le cadre de la procédure d’asile à la frontière confiant à cet établissement le soin d’émettre un avis au ministre de l’intérieur sur l’entrée sur le territoire des intéressés au titre de l’asile ([41]). Sur les 177 avis rendus :

– 117 étaient défavorables à l’entrée sur le territoire au titre de l’asile (en raison du caractère manifestement infondé de la demande),

– 60 étaient favorables à une telle admission.

Avant que le ministre de l’intérieur ne se soit prononcé sur les suites données aux avis de l’OFPRA, l’autorité judiciaire a cependant mis fin au placement en zone d’attente de la quasi-totalité des personnes y étant placées.

En septembre 2023, à la demande des rapporteurs spéciaux, l’OFPRA s’est attaché à identifier les demandes d’asile effectivement déposées par ces 177 personnes et à recenser l’issue de ces demandes. Au terme d’un important travail de recherche ([42]), l’OFPRA a identifié 107 demandes d’asile déposées par des adultes présents sur l’Ocean Viking. Sur ces 107 demandes d’asile :

– 86 demandes d’asile ont fait l’objet d’un rejet ou d’une clôture,

– 11 demandes d’asile ont fait l’objet d’une décision d’admission à la protection internationale ;

 10 demandes d’asile sont toujours en cours d’examen.

Les rapporteurs spéciaux remercient l’OFPRA pour l’important travail de recherche accompli à leur demande.

Source : Ofpra.

b.   Les points de vigilance : répondre au « point noir » des délais de traitement des actes d’état civil et préparer le possible déploiement du projet France asile

Dans le cadre de ses missions, l’OFPRA est appelé à reconstituer régulièrement l’état civil des bénéficiaires de la protection internationale (acte de naissance, livret de famille, acte de mariage, etc.). Comme la commission des finances de l’Assemblée nationale le souligne depuis plusieurs années, les délais d’établissement de ces actes ne cessent de se dégrader. Ces délais s’établissaient ainsi à 4,8 mois en 2016, 8 mois en 2021 et près de 12 mois en 2023.

Lors de son audition, Mme Delphine Rouilleault, directrice générale, de France terre d’asile, a rappelé que les retards observés dans la production des actes d’état civil pénalisent fortement les démarches d’intégration des bénéficiaires de la protection internationale. Ces retards se traduisent par des délais importants d’établissement des titres de séjour, par des difficultés accrues d’accès au logement social, par un délai supplémentaire pour la délivrance de la carte vitale ou par l’impossibilité de fournir les actes de naissance des enfants lors de l’inscription à l’école. La remise par l’OFII d’une attestation familiale provisoire ne suffit pas à répondre à l’ensemble des situations, soit parce que la composition familiale a évolué depuis l’établissement de ce premier document, soit parce que certaines administrations ne le reconnaissent pas ([43]).

L’OFPRA se mobilise pourtant fortement sur le sujet. Le service chargé de l’établissement des actes d’état civil (le « pôle protection » de l’établissement) s’appuie sur 60,5 ETP de rédacteurs de catégorie B. En 2022, 24 officiers de protection ont été affectés temporairement auprès de ce service pour renforcer sa capacité de traitement. En complément, 8 ETPT supplémentaires ont été ouverts par la loi de finances pour 2023.

Ces mesures ont eu un effet tangible sur l’activité de production des actes d’état civil. En 2022, l’établissement a délivré 43 022 premiers actes d’état civil contre 34 985 en 2021 et durant le premier semestre 2023 près de 30 000 actes ont été établis contre 18 000 au cours du premier semestre 2022. Ces progrès réels - appelés à être amplifiés par la création de 8 ETPT prévue par le PLF - ne sont cependant pas encore à la hauteur des besoins d’autant plus que l’affectation temporaire d’officiers de protection auprès du service état civil organisée en 2022 ne sera pas renouvelée en 2023.

En conséquence, les rapporteurs spéciaux ont déposé un amendement proposant de relever la dotation de l’OFPRA de 0,3 million d’euros afin de créer 16, et non 8, ETPT supplémentaires en 2024 en faveur du service chargé de l’établissement des actes d’état civil ([44]). Cet amendement a été adopté par la commission des finances lors de sa réunion du 30 octobre 2023.

  1.   La préparation du projet France asile

Le PLF prévoit un crédit de 2,8 millions d’euros au titre de la préparation par l’OFPRA du projet France asile. Ce crédit succède aux 2,5 millions d’euros inscrits en 2023 mais non exécutés en raison du décalage observé dans l’examen de ce projet de loi.

Le projet France asile est porteur d’enjeux importants pour l’OFPRA puisqu’il conduira cet opérateur à intégrer les guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA) aux côtés des préfectures et de l’OFII. L’article 19 du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration prévoit ainsi « la création de pôles territoriaux « France Asile » qui offriront aux demandeurs d’asile un parcours administratif simplifié entre les différentes administrations compétentes (préfecture, Office français de l’immigration et de l’intégration, Office français de protection des réfugiés et des apatrides). L’enregistrement de la demande d’asile, l’octroi des conditions matérielles d’accueil et l’introduction de la demande d’asile pourront ainsi être effectués au sein d’un même pôle » ([45]). Le texte adopté par le Sénat encadre ce dispositif par la voie d’une expérimentation d’une durée de quatre ans, dans au moins dix départements dont au moins un situé en outre-mer, ce que M. Lefèvre regrette compte tenu de l’importance de cette réforme en vue de la réduction du délai global de la procédure.

Comme l’OFPRA l’a rappelé, ce projet « a pour objet de rapprocher l’Office de ses usagers en organisant sa présence dans les territoires » ([46]). Au sein des espaces France asile, les agents de l’OFPRA auraient pour fonction de recueillir auprès des demandeurs d’asile, et avec l’assistance d’un interprète, des éléments importants de leur dossier dès lors que les services préfectoraux ont confirmé que leur demande relevait bien de la compétence de la France. Le choix de la langue d’entretien, la nature de la procédure (première demande ou réexamen) et l’enregistrement des données d’état civil seraient ainsi fiabilisés et transmis numériquement à l’OFPRA (en remplacement de l’actuel envoi postal). Le recueil de ces éléments permettrait d’anticiper d’environ trois semaines l’introduction de la demande d’asile, et de réduire ainsi le délai global de la procédure. L’entretien avec un officier de protection continuerait d’être organisé dans les locaux de Fontenay-sous-Bois ou lors des missions foraines.

Les rapporteurs spéciaux soulignent que, selon les syndicats de l’OFPRA, ce projet de territorialisation suscite certaines inquiétudes parmi le personnel de l’établissement au regard, d’une part, des conditions de sélection des effectifs concernés et, d’autre part, du nécessaire respect de l’indépendance de l’OFPRA. La récente organisation de deux grèves successives au sein de cet établissement illustre ces interrogations.


C.   action n° 3 Lutte contre l’immigration irrÉguliÈre : des crÉdits en progression renouvelÉe

L’action n° 3, d’un montant de 299,9 millions d’euros en AE et de 260,7 millions d’euros en CP prend en charge différentes dépenses en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Ces dépenses soutiennent les zones d’attente, les centres et locaux de rétention administrative ainsi que les frais logistiques d’éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Les crédits de l’action  3 sont en progression sensible par rapport à 2023 (+ 94,4 millions d’euros en AE, soit + 45,9 % et + 91,2 millions d’euros en CP, soit + 53,8 %) ce qui confirme la hausse tendancielle de ces dépenses particulièrement marquée depuis 2017.

2009-2023 - Évolution des crÉdits de paiements de L’action 3
de Lutte contre l’immigration irrÉguliÈre

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que les crédits de la mission Immigration, asile et intégration ne couvrent pas la totalité des crédits engagés par l’État en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Les dépenses de rémunération des personnels de police et de gendarmerie participant aux éloignements relèvent ainsi de la mission Sécurités. Le coût de mobilisation des forces de l’ordre dans le cadre de la récente opération Wuambushu à Mayotte n’est par exemple pas supporté par la présente mission.

À l’initiative de MM. Mansour Kamardine et Mathieu Lefèvre, la commission
des finances a adopté un amendement complétant le dispositif de performance
de la mission en matière de lutte contre l’immigration irrégulière

À l’initiative de MM. Mansour Kamardine et Mathieu Lefèvre, la commission des finances a adopté le 30 octobre 2023 un amendement complétant le dispositif de performance de la mission en matière de lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte ([47]).

Cet amendement prévoit l’ajout au dispositif de performance d’un indicateur relatif au nombre de bateaux interceptés dans les eaux territoriales françaises de Mayotte, au nombre de bateaux dont l’arrivée à Mayotte est constatée et à une estimation du nombre de bateaux arrivés à Mayotte sans que leur arrivée ne soit officiellement constatée.

Ces éléments doivent permettre de mieux connaître les flux d’immigration irrégulière dans ce territoire.

1.   La rétention administrative : des crédits d’entretien et d’investissement en forte hausse, un complément à envisager

Au 30 juin 2023, le parc des centres de rétention administrative (CRA) est constitué de 26 sites (22 en métropole et 4 outre-mer) représentant une capacité théorique de 1 857 places en métropole et de 229 places outre-mer, soit 2 086 places au total. En complément des CRA, au 1er janvier 2023, 28 locaux de rétention administrative sont en service et offrent une capacité de 166 places (131 en métropole et 35 outre-mer) ([48]). Début 2024, le nombre de places en CRA sera porté, à 2 188 places (après l’ouverture du CRA d’Olivet et l’extension du CRA de Perpignan). Par ailleurs, 43 places supplémentaires de LRA devraient être ouvertes en 2024.

En 2022, les CRA ont accueilli 40 553 retenus dont 15 745 en métropole. Leur taux d’occupation moyen était de 84,7 % en métropole et de 43,2 % outre-mer. Le taux d’éloignement s’est établi à 42,5 % en métropole et à 74 % outre-mer. En 2022, les LRA ont accueilli 2 748 personnes. Au premier semestre 2023, les CRA ont accueilli 19 420 retenus dont 8 503 en métropole. Le taux d’occupation moyen était de 90,6 % en métropole et de 43,4 % outre-mer. Le taux d’éloignement s’est établi à 33,36 % en métropole et à 69,45 % outre-mer.

Les centres de rétention administrative constituent un maillon essentiel de la politique d’éloignement forcé. Lors de son audition, M. Simon Fetet, directeur de l’immigration, a souligné qu’en 2021, 79 % des éloignements forcés effectués avaient été précédés d’un passage en rétention.

Le PLF prévoit trois types de dépenses en faveur des locaux de rétention : des crédits de fonctionnement, des crédits d’entretien et des crédits d’investissement.

  1.   Des crédits de fonctionnement et d’entretien courant en progression pour tenir notamment compte de l’évolution de la sociologie des personnes retenues

Les crédits de fonctionnement des lieux de rétention prennent en charge les dépenses de restauration, de blanchisserie, de maintenance, d’entretien et d’interprétariat. Les dépenses prévues à cet effet s’établissent à 68,7 millions d’euros en AE (+ 7,3 millions d’euros par rapport à 2023) et à 56,8 millions d’euros en CP (+ 4,6 millions d’euros par rapport à 2023). En complément, le PLF prévoit des crédits en matière sanitaire (20,1 millions d’euros en AE et en CP, + 1,7 million d’euros par rapport à 2023) et d’accompagnement social et juridique des personnes retenues (9,8 millions d’euros en AE et en CP, + 0,4 million d’euros par rapport à 2023).

L’augmentation sensible des crédits dédiés à l’entretien et à la maintenance des CRA vise à répondre à l’inadaptation ou au mauvais état de certains bâtiments, à l’évolution des personnes retenues suite à la circulaire du ministre de l’intérieur et des outre-mer d’août 2022 et aux possibles prochaines évolutions de la réglementation.

Certains centres de rétention administrative sont installés dans des bâtiments inadaptés. Lors de son déplacement au CRA de Vincennes en juillet 2023, M. Mathieu Lefèvre a constaté la vétusté des locaux et des équipements d’un des deux CRA (le CRA 1) installés sur ce site. La salle de contrôle de la vidéosurveillance est obsolète et les espaces proposant des occupations aux retenus sont peu équipés. L’inadaptation de certains locaux a également été constatée par Mme Stella Dupont lors d’autres visites et a été soulignée par la contrôleure générale des lieux de privation de liberté ([49]).

L’évolution de la sociologie des personnes retenues rend certains aménagements nécessaires. À la suite de la circulaire (non publiée) du 3 août 2022 du ministre de l’intérieur et des outre-mer relative aux mesures nécessaires pour améliorer l’efficacité de la chaîne de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière connus pour troubles à l’ordre public, la proportion des auteurs de troubles à l’ordre public (dont les sortants de prison) parmi les personnes retenues a fortement crû. Ce document indique qu’« en termes de doctrine, la ligne est claire : la rétention doit être prioritairement destinée aux ESI [étrangers en situation irrégulière] auteurs de troubles à l’ordre public, y compris lorsque l’éloignabilité ne paraît pas acquise au jour de la levée d’écrou ou de l’interpellation. En cas de manque de places disponibles, il convient de libérer systématiquement les places occupées par les ESI sans antécédents judiciaires non éloignables et de les assigner à résidence » ([50]).

Cette orientation a été suivie puisque selon le ministère de l’intérieur, ces personnes « représentent 90 % des placements en CRA aujourd’hui » ([51]). L’évolution de la sociologie des personnes retenues rend nécessaires certains aménagements pour améliorer la sécurité des CRA ainsi que les conditions de travail des agents. Lors de son audition, Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a dénoncé le climat de violence observé dans certains CRA (« c’est la loi du plus fort »). L’évolution de la sociologie des personnes retenues coïncide également avec des dégradations plus régulières des locaux. Le PLF prévoit ainsi 6,2 millions d’euros de crédits pour renforcer la sécurisation des locaux.

De possibles prochaines évolutions de la réglementation pourraient également induire d’autres adaptations. Ainsi, le projet de loi pour contrôler l’immigration, renforcer l’intégration envisage d’accroître le recours à la vidéo‑audience pour les étrangers en rétention ([52]) ce qui nécessiterait d’équiper ou (ou de rénover) certains établissements. Ce même texte prévoit également de mettre un terme à la rétention des mineurs de moins de 16 ans. En pratique, cette évolution est d’ores et déjà anticipée puisque des travaux ont été réalisés ou sont prévus. D’ores et déjà, plus de 100 places « familles » ont été converties en places « hommes » ou « femmes ».

Les rapporteurs spéciaux approuvent ces orientations. Mme Dupont, contrairement à M. Lefèvre, soutient également la volonté de la DGEF d’étudier les conditions dans lesquelles les personnes retenues pourraient être autorisées à utiliser certains services en wifi afin de lutter contre l’ennui dans les lieux de rétention sans compromettre l’impératif de sécurité. Elle considère par ailleurs qu’en certaines circonstances et pour certains publics, l’assignation à résidence doit est préférée au placement en rétention.

Afin d’accélérer la mise en œuvre des travaux de rénovation des lieux de rétention, M. Mathieu Lefèvre et plusieurs de ses collègues ont déposé un amendement proposant de relever de 6,2 millions d’euros le montant des crédits d’entretien des CRA ([53]).

  1.   Des crédits d’investissement en très forte hausse pour assurer le déploiement du plan « CRA 3 000 »

Les dépenses d’investissement s’établissent à 136,6 millions d’euros en AE (+ 103,1 millions d’euros) et à 89,9 millions d’euros en CP (+ 63,7 millions) en très forte progression par rapport à 2023 en raison de l’achèvement du premier plan CRA et de l’engagement du plan « CRA 3 000 ».

Le premier plan CRA a permis de porter la capacité de rétention de 1 490 places en 2017 à 2 188 places début 2024. Le déploiement du plan « CRA 3 000 » doit permettre, conformément au rapport annexé à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, de porter ce nombre de places à 3 000 d’ici 2027 ([54]). De nouveaux CRA sont ainsi notamment appelés à être implantés à Dijon, Béziers, Aix/Luynes, Dunkerque, Goussainville, Nantes et Oissel. La construction d’un CRA supplémentaire à Mayotte est également prévue.

Interrogée sur le calendrier de réalisation de cette trajectoire, la DGEF a indiqué « être dans les temps ». Pour l’heure, cette direction finalise, en coordination avec les services préfectoraux l’analyse du foncier disponible et s’assure de sa maîtrise avant d’engager les démarches d’urbanisme précédant les marchés de travaux et les chantiers proprement dits.

M. Lefèvre soutient pleinement l’accélération de cette trajectoire.

2.   Les autres dépenses soutenant l’éloignement des étrangers en situation irrégulière : des crédits en progression

L’action n° 3 comporte deux autres dépenses soutenant l’éloignement des étrangers en situation irrégulière : les frais d’éloignement et les dispositifs de préparation au retour.

Les crédits inscrits au titre des frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière s’établissent à 63,8 millions d’euros en AE et en CP et prennent en charge les frais logistiques d’éloignement par voie aérienne et maritime (frais de billetterie, de fonctionnement des aéronefs placés sous l’autorité du ministère de l’intérieur, d’affrètement et de déplacement des services). Ce montant est en progression (+ 19,7 millions d’euros) par rapport à 2023 en raison, selon le projet annuel de performances, de « la fin des restrictions sanitaires liées au COVID-19, [d’] une action diplomatique résolue auprès des pays tiers en vue de faciliter les retours et [de] l’impact de l’inflation sur les prix du carburant » ([55]).

Les dispositifs de préparation au retour (DPAR) – qui accueillent des étrangers éligibles à l’aide au retour volontaire et ayant manifesté leur volonté d’en bénéficier - sont soutenus à hauteur de 1 million d’euros en AE (– 37,5 millions d’euros par rapport à 2023) et de 20,3 millions d’euros en CP (+ 1 million d’euros par rapport à 2023). Le fort recul des AE et la différence entre les AE et les CP s’expliquent par la conclusion en 2023 d’un conventionnement de ces établissements pour une durée de deux ans, ce qui a nécessité des ouvertures d’AE en 2023 dont le renouvellement n’est pas nécessaire en 2024.

3.   Les éloignements forcés et aidés : une progression d’ensemble, une concentration sur les profils dangereux

Les éloignements forcés et aidés : une progression d’ensemble

Les rapporteurs spéciaux ont présenté l’an passé l’efficacité croissante de la politique d’éloignement depuis 2017 sous l’effet notamment de l’application de la loi n° 2018‑778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et renvoient à ces travaux antérieurs pour apprécier cette évolution ([56]).

Ils soulignent cette année la poursuite de cette évolution favorable. Ainsi, les données transmises par le ministère de l’intérieur indiquent que le nombre cumulé des éloignements forcés et des éloignements aidés augmente sur les trois premiers trimestres 2023 (10 593) par rapport aux trois premiers trimestres 2022 (10 205).

Le recul du nombre de transferts de demandeurs d’asile placés sous procédure Dublin est largement imputable à la « décision unilatérale de l’Italie, depuis décembre 2022, de suspendre les transferts vers son territoire, alors que cet État représentait jusquelà près de 30 % des accords » ([57]). Ainsi, 2 061 transferts ont été réalisés sur les trois premiers trimestres 2023, contre 2 481 sur les trois premiers trimestres 2022 (– 420). Toutefois, l’équilibre de ces transferts reste favorable à la France. Notre pays réalise ainsi sensiblement plus de transferts Dublin qu’il n’en accueille. En 2022, si 1 453 transferts Dublin ont été réalisés vers la France, 3 391 ont été réalisés par la France en direction d’autres pays européens, soit un solde positif de 1 938 transferts. Cette situation s’est confirmée au premier semestre 2023 durant lequel la France a accueilli 773 transferts Dublin mais a réalisé 1 349 transferts Dublin vers d’autres pays européens, soit un solde positif de 576 transferts.

En dépit de sa récente baisse, le niveau des transferts Dublin réalisé en 2022 par la France est près de trois fois supérieur à celui réalisé en 2015 (525).

Mme Stella Dupont rappelle son désaccord quant à l’application stricte du règlement Dublin qui fait peser lourdement le poids de l’immigration européenne sur les pays du sud de l’Europe, porte d’entrée naturelle de l’Union. Elle réitère son attachement à une révision de ce règlement pour développer plus de solidarité intra-européenne et souhaite que la France utilise l’article 17 de ce texte pour participer à cet équilibre souhaitable ([58]).

Les rapporteurs spéciaux soulignent enfin la dynamique favorable observée en direction de certains pays avec lesquels les relations sont parfois difficiles. En 2022, 987 retours forcés ont ainsi été effectués vers l’Algérie alors qu’en 2021 seuls 34 éloignements forcés avaient été réalisés vers ce pays. En 2022, l’Algérie est devenu le deuxième pays de destination des étrangers éloignés par la voie d’un retour forcé (le premier pays étant l’Albanie).

  1.   Une concentration des éloignements forcés sur les profils dangereux

Le ministère de l’intérieur porte une attention particulière à l’éloignement forcé des étrangers en situation irrégulière présentant des profils dangereux.

Comme le souligne le rapport annuel de performances joint au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2022, « les efforts en matière de lutte contre l’immigration irrégulière portent en particulier sur l’éloignement des étrangers ayant commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l’ordre public : en 2022, 3 615 étrangers en situation irrégulière présentant un profil de ce type ont été éloignés. L’amélioration du dispositif d’éloignement des étrangers représentant une menace pour l’ordre public se traduit par une forte priorisation des placements en rétention et des éloignements de profils signalés au titre de l’ordre public : 2 154 éloignements de ce type de profils ont été réalisés à partir des CRA entre le 3 août et le 31 décembre 2022 » ([59]).

Les rapporteurs spéciaux soulignent notamment l’accent mis sur l’éloignement forcé des sortants de prison. En 2022, 2 694 sortants de prison ont été éloignés et 1 612 autres l’ont été au premier semestre 2023.

Depuis 2017, plus de 800 étrangers radicalisés ont été expulsés.

Les rapporteurs spéciaux saluent ces évolutions et soutiennent les efforts engagés. Le prochain examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration devrait permettre de nouvelles avancées puisque le titre 2 de ce texte vise « à rendre plus efficace la lutte contre l’immigration irrégulière en renforçant la protection de l’ordre public » ([60]). D’autres mesures, non législatives, sont également susceptibles de répondre à certaines difficultés. La DGEF a par exemple fait part de sa volonté de développer un outil de biométrie mobile permettant de contrôler l’identité des personnes écrouées appelées à rejoindre un centre de rétention administrative à l’issue de leur détention. Cette évolution technique vise à tenir compte du fait que 54 % des étrangers en situation irrégulière placés en CRA entrent en ces lieux sans disposer de documents permettant de solliciter la délivrance d’un laissez-passer consulaire indispensable pour organiser leur éloignement.

M. Mathieu Lefèvre souligne par ailleurs la nécessité de mettre en œuvre l’ensemble des mesures réglementaires et législatives permettant d’accélérer l’exécution des éloignements forcés, s’agissant notamment de la réduction du délai des contentieux afférents comme de la levée des protections dont disposent certains mineurs étrangers en situation irrégulière ([61]).

  1.   Les éloignements aidés sont en progression et leur régime juridique a été récemment modifié

L’année 2022 et les trois premiers trimestres 2023 confirment la hausse des éloignements aidés mis en œuvre par l’OFII. Selon les données transmises par le ministère de l’intérieur, 1 570 éloignements aidés ont été réalisés en 2021, 2 102 en 2022 et 2 005 sur les trois premiers trimestres 2023. Dans cet ensemble, une fraction a concerné les retours aidés organisés en faveur des personnes retenues en CRA (77 en 2021, 101 en 2022 et 69 au premier semestre 2023) ([62]).

Ces éloignements aidés prennent la forme d’une aide au retour volontaire éventuellement complétée par une aide à la réinsertion sociale par l’emploi ou la création d’entreprise. Précédemment régi par un arrêté du 27 avril 2018, le régime encadrant ce dispositif a été modifié par un arrêté du 9 octobre 2023 dont les grandes lignes sont les suivantes :

Montants plafonds de l’allocation forfaitaire incitative
et de l’allocation forfaitaire majorée déterminés par l’arrêté
du 9 octobre 2023 relatif à l’aide au retour et à la réinsertion

 

Montant maximal (en euros)

Montants plafonds de l’allocation forfaitaire incitative

Phases calculées entre la notification de l’obligation de quitter le territoire français et la date de dépôt de la demande d’aide formulée auprès de l’OFII

Premier mois – phase 1

Deux à quatre mois – phase 2

Plus de quatre mois – phase 3

Ressortissant de pays tiers dispensé de visa, de Biélorussie et du Kosovo

300

150

0

Autre ressortissant de pays tiers

1 200

600

400

Montants plafonds de l’allocation forfaitaire majorée incitative ([63])

Ressortissant de pays tiers dispensé de visa, de Biélorussie et du Kosovo

500

250

0

Autre ressortissant de pays tiers

2 500

800

400

Montant maximal de l’aide à la réinsertion sociale

Personne isolée

400

Enfant mineur à charge

300

Couple

800

Ce nouveau dispositif repose sur un versement dégressif des aides (avec une réduction au bout de trente jours à la fin du délai de départ volontaire), sur la réduction de la durée minimale exigée de résidence en France (trois mois consécutifs contre six mois auparavant) et sur le recentrage des aides afin d’accélérer le retour des étrangers en situation irrégulière placés sous obligation de quitter le territoire français.

Sur ces bases, une croissance du nombre de demandes d’aide au retour volontaire est attendue en 2024. Le PLF porte ainsi de 11 à 18 millions d’euros les crédits de l’OFII attachés au financement de ce dispositif (cf. infra).

4.   Un point de vigilance : la nécessité d’assurer la mise en œuvre effective du second alinéa de l’article L. 333-5 du CESEDA prévoyant le paiement des frais de prise en charge des étrangers placés ou maintenus en zone d’attente par les compagnies de transport

Lors d’un déplacement effectué le 5 septembre 2023 au sein de la zone d’attente pour personnes en instance de l’aéroport de Roissy, les rapporteurs spéciaux ont relevé l’absence d’application du second alinéa de l’article L. 333-5 du CESEDA prévoyant le paiement par les compagnies de transport des frais de prise en charge des étrangers placés ou maintenus en zone d’attente ; ce qui induit une perte financière non négligeable pour les finances publiques.

Une zone d’attente est un espace situé dans un aéroport, une gare, un port ([64]) où un étranger se présentant à une frontière extérieure de la France est placé et maintenu pendant une durée maximale de 26 jours en cas de non-admission sur le territoire. En 2022, 41 zones d’attente étaient recensées en France (30 en métropole et 11 outre-mer) ([65]). La zone d’attente de Roissy est la plus importante et accueille 8 000 à 9 000 personnes par an pendant une durée moyenne de cinq jours. En 2022, près de 25 000 nuitées ont été enregistrées en ce lieu. Le coût de cette zone d’attente est estimé à 14 millions d’euros dont, selon la police aux frontières, 7 millions d’euros au titre des coûts salariaux (liés à l’emploi de 90 policiers) et 7 millions d’euros au titre des frais de maintenance et de fonctionnement du bâtiment.

Le second alinéa de l’article L. 333-5 du CESEDA prévoit de faire supporter une partie de ces dépenses par les transporteurs ayant procédé à l’acheminement des étrangers concernés ([66]). Ainsi, en principe, « incombent […] à cette entreprise les frais de prise en charge de l’étranger placé ou maintenu en zone d’attente […] à compter de la décision de placement jusqu’à la fin du placement ou du maintien ».

En réponse aux rapporteurs spéciaux, le ministère de l’intérieur a cependant indiqué que cet article était imparfaitement appliqué. Ainsi, « actuellement l’article L. 333-5 du CESEDA n’est appliqué qu’aux seuls PPF [points de passage frontaliers] utilisant des hôtels comme zone d’attente (cas de l’aéroport d’Orly par exemple). Les hôteliers envoient directement la facture au transporteur (compagnie aérienne) qui s’en acquitte. Pour les zones d’attente gérées directement par l’administration (cas de l’aéroport de Roissy par exemple), les frais ne sont pas, à ce jour, assumés par les compagnies. Aucun titre de recette n’a donc été émis en 2019 et 2022. La complexité des modalités de gestion et de financement de chaque ZA […] n’a pas permis jusque-là de faire imputer ces coûts sur les compagnies. Cependant, pour les aéroports parisiens et notamment Roissy, premier PPF de France, un protocole de remboursement des frais de placement en zone d’attente est en cours d’étude » ([67]).

Les rapporteurs spéciaux observent et regrettent qu’à l’heure actuelle, aucun décret ne définit la nature et le montant des dépenses devant être supportées par les transporteurs dans la zone d’attente de Roissy et les zones d’attente comparables. Cette situation conduit l’État à supporter seul le coût de fonctionnement de la zone d’attente de Roissy alors que le législateur a pourtant prévu un partage des coûts avec les transporteurs.

Selon les informations recueillies, la perte de recettes pour l’État serait, pour la seule zone d’attente de Roissy, comprise chaque année entre 1 et 6 millions d’euros. Cette carence réglementaire doit être comblée.

En complément de l’article L. 333-5, d’autres articles du CESEDA prévoient la possibilité d’infliger des amendes aux transporteurs en cas de méconnaissance de la réglementation relative à l’entrée des étrangers sur le territoire

Les sections 4 et 5 du chapitre I du titre II du livre VIII de la partie législative du CESEDA comprennent plusieurs dispositions relatives aux amendes susceptibles d’être appliquées aux entreprises de transport ayant méconnu la réglementation sur l’entrée des étrangers sur le territoire ou n’ayant pas respecté leurs obligations de réacheminement des étrangers non admis sur le territoire.

La section 4, relative aux amendes applicables aux entreprises de transport ayant méconnu la réglementation sur l’entrée des étrangers sur le territoire, comprend 4 articles (L. 821‑6 à L. 821‑9) prévoyant :

– la possibilité d’infliger une « amende administrative de 10 000 euros à l’entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque sur le territoire français, en provenance d’un État qui n’est pas partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, de la République d’Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l’accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité » (article L. 821-6) ;

– la définition des entreprises de transport routier concernées par ce dispositif (article L.821-7) et les circonstances exonératoires de l’application d’une pénalité (article L. 821-8) ;

– le dépôt d’une consigne de 10 000 euros « lorsque l’étranger débarqué en France est un mineur sans représentant légal » et la sanction de l’absence de dépôt de cette consigne.

En 2022, la police aux frontières de Roissy a prononcé 1 604 amendes sur ces fondements.

La section 5 est relative aux amendes applicables aux entreprises de transport n’ayant pas respecté leurs obligations de réacheminement et de prise en charge d’un étranger. Elle comprend 2 articles (L. 821‑10 et L. 821‑11) prévoyant une amende administrative de 30 000 euros applicable à l’entreprise de transport aérien, maritime, routier ou ferroviaire ne respectant pas les obligations de réacheminement et de prise en charge d’un étranger fixées aux articles L. 333‑3, L. 333‑4 et L. 333‑5 ainsi que l’antériorité maximale des faits sanctionnables (4 ans).

En 2022, la police aux frontières de Roissy, a prononcé 13 amendes sur ces fondements.

La décision n° 2021‑940 QPC du Conseil constitutionnel du 15 octobre 2021 et deux récentes décisions du Conseil d’État ont encadré ce régime d’amendes administratives ([68]).

Le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration prévoit de modifier les articles L. 821‑6 et L. 821‑7 précités pour tenir compte de la prochaine entrée en vigueur du système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) afin de sanctionner les compagnies en cas de non-respect de l’obligation de contrôle documentaire.

D.   L’action n° 1 Circulation des Étrangers et politique des visas, l’action n° 4 Soutien et l’augmentation attendue du produit des fonds de concours

1.   Les actions n° 1 Circulation des étrangers et politique des visas et n° 4 Soutien : des crédits marqués par le rattachement de dépenses numériques

L’action  1 Circulation des étrangers et politique des visas (0,52 million d’euros en AE et en CP) finance certaines dépenses de fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires (notamment l’utilisation des réseaux de communication de données) en matière de visas. Ce montant est inchangé par rapport à 2023.

L’action n° 4 Soutien (57,3 millions d’euros en AE et 56,7 millions d’euros en CP) « regroupe une partie des moyens nécessaires au fonctionnement de la direction générale des étrangers en France, dont une partie des dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention relevant du fonctionnement courant des services ainsi que les dépenses liées aux systèmes d’information » ([69]). Son montant connaît une très importante progression par rapport à 2023 (+ 28,8 millions d’euros en AE et + 28,2 millions d’euros en CP) en raison du rattachement au programme 303 des crédits dédiés aux développements, à la maintenance et à l’hébergement des grands programmes numériques précédemment supportés par le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

2.   La poursuite de la progression du produit attendu des fonds de concours

Selon les informations figurant dans l’état récapitulatif des crédits de fonds de concours et attributions de produits joint au PLF, la prévision de rattachement des fonds de concours au programme 303 s’établit à 83,9 millions d’euros en 2023 en progression de 16 millions d’euros par rapport à 2023 ([70]). Ce montant se répartit comme suit :

– 75,7 millions d’euros sont attendus du fonds européen asile, migration et intégration (FAMI) et doivent notamment contribuer « au financement de l’organisation des opérations de relocalisation de demandeurs d’asile en solidarité avec les États membres de l’Union européenne en première ligne pour faire face aux arrivées maritimes, grâce à des crédits forfaitaires et […] aux opérations de réinstallation de réfugiés en provenance de pays tiers, en lien avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés des NationsUnies (HCR) et l’Organisation internationale des migrations, suite au transfert des crédits de l’action 15 du programme 104 vers l’action 02 du programme 303 » ([71]) ;

– 8,2 millions d’euros sont attendus au titre de l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas et doivent soutenir « des projets d’assistance juridique en CRA, d’amélioration de l’accueil en CRA, ainsi que le financement du retour et des aides au retour ».

La prévision de rattachement des fonds de concours au programme 303 s’inscrit dans une tendance marquée à la fois par l’accroissement par et les grandes variations de ce produit.

2017-2024 - Évolution du produit des fonds de concours rattachés
au programme 303

(en millions d’euros)

Exercice

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

(prévision)

Produit rattaché

5,5

53,4

34,4

4,2

27,2

24,82

67,9

83,9

Source : états récapitulatifs des crédits de fonds de concours et attributions de produits joints au PLF.

Les rapporteurs spéciaux saluent l’évolution attendue du produit des fonds de concours européens et soulignent que selon le ministère de l’intérieur « seuls des rattachements de fonds européens sont prévus au titre des fonds de concours pour 2024 » ([72]).

II.   PROGRAMME 104 : une baisse des crédits tenant principalement à une mesure de périmètre et ne remettant pas en cause l’effort soutenu en faveur de l’intégration des étrangers en situation régulière

Les crédits du programme 104 s’établissent à 431,2 millions d’euros en AE et en CP, soit un niveau en fort recul – 112 millions d’euros en AE et en CP, – 20,6 %) par rapport à 2023.

Cette évolution résulte principalement d’une modification de la maquette budgétaire. L’action 15 Accompagnement des réfugiés (dotée de 122 millions d’euros en 2023) est supprimée et ses crédits sont ventilés entre le programme 303 (à hauteur de 118,7 millions d’euros) et l’action 12 du programme 104 (pour le solde). D’autres ajustements sont également effectués et conduisent à la répartition suivante des crédits :

Ventilation des crÉdits du programme 104 par action

(en millions d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution en valeur absolue

Évolution 2023-2024 (en %)

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

104 Intégration et accès à la nationalité française

543,1

543,2

431,2

431,2

– 111,9

– 112

– 20,6 %

– 20,6 %

Action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants

273,3

273,3

245,9

245,9

– 27,4

– 27,4

– 10 %

– 10 %

Action 12 Actions d’intégration des primo-arrivants

135,5

135,5

174,6

174,6

+ 39,1

+ 39,1

+ 28,9 %

+ 28,9 %

Action 14 Accès à la nationalité française

1

1,1

1,4

1,4

+ 0,4

+ 0,3

+ 40 %

+ 27,3 %

Action 15 Accompagnement des réfugiés

122

122

0

0

– 122

– 122

– 100 %

– 100 %

16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

11,3

11,3

9,3

9,3

– 2

– 2

– 17,7 %

– 17,7 %

Source : projet annuel de performances.

Depuis 2017, les CP de ce programme ont ainsi évolué :

2017-2024, évolution des crédits de paiement du programme 104 par action

(en millions d’euros)

 

Action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants

Action 12 Actions d’intégration des primo-arrivants

Action 14 Accès à la nationalité française

Action 15 Accompagnement des réfugiés

Action 16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

Total des crédits examinés

2017 (exécutés)

124,3

24,2

1

25,6

4,8

179,9

2018 (exécutés)

190,7

45,7

1

57,8

7,9

303,1

2019 (exécutés)

206,3

43,4

1

94,1

8,1

352,9

2020 (exécutés)

255,5

53,3

0,9

113,6

8,1

431,4

2021 (exécutés)

233,84

59,69

1,34

139,95

7,43

442,25

2022 (exécutés)

241,1

89,1

1,4

138,9

7,7

478,2

LFI 2023

273,3

135,4

1,2

121,9

11,3

543,1

PLF 2024

245,9

174,6

1,4

 

9,3

431,2

Variation 2017-2024

+ 97,8 %

+ 621,5 %

+ 40 %

 

+ 93,8 %

+ 139,7 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Le programme 104 est au centre des politiques publiques chargées de l’intégration des étrangers notamment primo-arrivants. Les actions engagées s’inscrivent à la fois dans la mise en œuvre de la stratégie nationale d’accueil et d’intégration des réfugiés définie en 2018 et, comme cela est le cas pour le programme AGIR, dans ses prolongements. Une actualisation de cette stratégie serait souhaitable pour tenir compte des évolutions observées depuis 2018 et des adaptations rendues nécessaires par le prochain examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

Les crédits du programme 104 sont commentés par ordre d’importance budgétaire.

A.   L’action n° 11 Accueil des Étrangers primo-arrivants : des crédits en retrait en raison de la progression attendue des financements européens

1.   Le financement de l’OFII par l’action 11

a.   Le concours apporté à l’OFII par l’action 11

L’action n° 11 concourt au financement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Son montant s’établit à 245,9 millions d’euros en AE et en CP en retrait de 27,4 millions d’euros (– 10 %) par rapport à 2023.

Ces crédits sont ainsi décomposés :

 10 millions d’euros financent la subvention pour charges d’investissement soit un montant en reconduction par rapport à 2023.

 18 millions d’euros de crédits d’intervention financent les aides au retour volontaire. Ce montant est en progression de 7 millions d’euros par rapport à 2023 pour tenir compte des effets attendus de l’arrêté précité du 9 octobre 2023 (cf. supra) ;

 218 millions d’euros portent la subvention pour charges de service public de cet opérateur dont une large part est affectée, à hauteur de 128,2 millions d’euros en 2023, au financement des formations civiques et linguistiques proposées dans le cadre du contrat d’intégration républicaine. Le montant de cette subvention pour charges de service public est en retrait de 34,3 millions d’euros par rapport à 2023 en raison d’une augmentation des recettes attendue des fonds européens. En réponse aux rapporteurs spéciaux, l’OFII a indiqué que ses ressources propres sont en développement depuis plusieurs années ; celles-ci étant passées de 6,2 millions d’euros en 2021, à 11,43 millions d’euros en 2022 et devraient représenter 24 millions d’euros en 2023.

Sur ce dernier point, les rapporteurs spéciaux soulignent cependant que l’OFII a précisé être confronté à une difficulté « récurrente » pour « asseoir une prévision de recette fiable sur les fonds européens » ([73]). Une attention particulière devra donc être portée à l’évolution réelle des financements européens perçus par l’établissement.

Les rapporteurs spéciaux notent enfin qu’à l’inverse de ce qui est prévu pour l’OFPRA, le PLF ne prévoit aucun crédit en faveur de l’OFII dans le cadre du prochain possible déploiement du projet France asile. Interrogé sur ce sujet, l’OFII a répondu que ce projet « n’a pas de véritables implications pour l’OFII qui est d’ores et déjà présent dans les GUDA » ([74]). Sur ce point Mme Dupont rappelle son attachement à un déploiement expérimental du projet France asile afin d’en mesurer la plus value et les implications réelles.

L’implantation géographique de l’établissement ne sera pas affectée par le projet France asile et reposera toujours sur 31 directions territoriales alors même que l’établissement a sollicité en 2022 l’évolution de son réseau pour corriger certains déséquilibres. En Occitanie, deux directions territoriales interviennent par exemple sur 13 départements. Les rapporteurs spéciaux avaient relevé ce point en 2023 mais ce dossier n’a pas connu de développement particulier depuis un an alors que, selon les rapporteurs spéciaux, un maillage équilibré du territoire par l’OFII devrait constituer une priorité.

b.   Les autres concours budgétaires apportés à l’OFII

La mission Immigration, asile et intégration apporte deux autres concours à l’OFII.

L’action 12 Actions d’intégration des primo-arrivants du programme 104 finance cet opérateur à hauteur de 9 millions d’euros au titre des formations linguistiques postérieures au contrat d’intégration républicaine (niveaux A2 et B1). Ces montants complètent la subvention pour charges de service public versée par l’action 11.

Un transfert de 300,3 millions d’euros est effectué depuis le programme 303 en lien avec le financement de l’allocation pour demandeurs d’asile. Ce transfert inclut les crédits de l’allocation proprement dite (293,9 millions d’euros) et les frais de gestion de cette allocation (6,4 millions d’euros) ([75]).

2.   Le niveau des effectifs et l’organisation des formations linguistiques

L’exercice des missions de l’OFII appelle deux observations relatives au niveau des effectifs et à l’organisation des formations linguistiques.

a.   Le niveau des effectifs de l’OFII

Le plafond d’emplois de l’OFII déterminé par le PLF s’établit à 1 217 ETPT et est en reconduction par rapport à 2023. Depuis 2017, ce plafond d’emplois a cependant crû de 18,8 % (les effectifs passant de 1 024 à 1 217 ETPT).

La stabilité de ce plafond d’emplois ne masque pas les difficultés rencontrées par l’établissement pour fidéliser ses personnels. Depuis plusieurs années, la commission des finances souligne le niveau élevé d’instabilité des personnels de l’OFII. Cette problématique demeure puisque près de 150 départs non souhaités ont été enregistrés en 2022 (108 démissions de CDD, 6 démissions de CDI et 34 refus de renouvellement de contrat) et près de 80 nouveaux départs non sollicités ont été constatés au premier semestre 2023 (62,8 démissions de CDD, 6 démissions de CDI et 11 refus de renouvellement de contrat).

L’établissement poursuit cependant une politique progressive de transformation de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée : 268 CDD ont ainsi été transformés en CDI entre 2021 et 2023.

b.   La mise en œuvre des formations linguistiques

  1.   Les formations linguistiques du contrat d’intégration républicaine

L’OFII est la cheville ouvrière de la mise en œuvre du contrat d’intégration républicaine (CIR) conclu entre l’État et tout étranger non‑communautaire admis au séjour en France et souhaitant (sauf exceptions) s’y installer durablement.

Ce contrat implique :

● Pour tous les signataires : le suivi d’une formation civique pour s’approprier les principes et les valeurs de la République et le fonctionnement de notre société ;

● Pour les étrangers primo-arrivants dont la maîtrise du français est inférieure au niveau A1 ([76]) du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) : le suivi d’une formation linguistique obligatoire.

En 2022, 110 000 CIR ont été signés et 46,5 % des signataires ont bénéficié d’une formation linguistique gratuite, pouvant aller jusqu’à 600 heures. Au-delà du CIR, l’intéressé volontaire peut suivre des formations linguistiques (100 heures) proposées par l’OFII pour atteindre les niveaux A2 et B1 ([77]).

En 2022, près de 10,5 millions d’heures de formations linguistiques ont été dispensées dans ces cadres (près de 9,8 millions d’heures dans le cadre du parcours A1 obligatoire et près de 700 000 heures dans le cadre des parcours complémentaires A2 / B1). Ces parcours ont été ainsi répartis :

Répartition des parcours de formation linguistique
selon les volumes linguistiques

2022

Nombre de parcours

Proportion

100 heures

9 939

19,4 %

200 heures

14 491

28,3 %

400 heures

16 509

32,3 %

600 heures

10 229

20 %

Source : OFII.

En 2022, le taux d’atteinte du niveau A1 s’est établi à 67,1 % :

 

 

taux d’atteinte du niveau A1 selon les volumes linguistiques

2022

Taux d’atteinte du niveau A1

100 heures

80 %

200 heures

74 %

400 heures

62 %

600 heures

42 %

Source : OFII.

Le taux d’atteinte du niveau A1 est variable. Paradoxalement, plus la formation est longue, moins le taux d’atteinte est élevé. Selon le projet annuel de performances, cette situation « s’explique en partie par l’augmentation du nombre de parcours de 600 heures (+ 7 points par rapport à 2021) qui concerne un public généralement nonlecteur et non scripteur pour lequel l’atteinte du niveau A1 reste plus difficile que pour les publics des autres parcours » ([78]).

  1.   Les formations linguistiques à visée professionnelle

Les rapporteurs spéciaux ont souhaité faire un point sur le projet de formations linguistiques à visée professionnelle prévu sous l’égide de l’OFII en 2022-2023.

En réponse l’OFII a indiqué qu’« une expérimentation de mise en œuvre de parcours de formation linguistique à visée professionnelle (FL pro) a été lancée officiellement mi-septembre 2022 sur les directions territoriales (DT) de Melun et de Paris, en lien avec le Conseil régional d’Île-de-France et ses prestataires locaux. Cette formation a vocation à se substituer à la formation linguistique OFII et emporte donc les mêmes exigences d’assiduité et de sérieux que celle-ci. L’objectif de l’expérimentation est de positionner 160 personnes sur 12 mois, dont 80 en Seine et Marne (DT de Melun) et 80 à Paris (DT de Paris). […] Au 11 juillet 2023, 54 personnes ont été orientées et 24 sont entrées en formation, dont 17 à Paris et 7 à Melun. 16 suivent ou ont effectivement suivi la formation, dont 12 à Paris et 4 à Melun. […] Les entrées en formation effectives restent faibles. Ce constat s’explique notamment du fait des critères de sélection cumulatifs qui restreignent fortement le sourcing des personnes éligibles. Ainsi, une analyse du public signataire du CIR sur les deux DT au cours des 6 premiers mois d’expérimentation a montré que le public remplissant l’ensemble des critères de l’expérimentation représentait 1,8 % des signataires du CIR à Paris et 1,7 % d’entre eux à Melun. Le critère de l’inscription à Pôle Emploi posé comme prérequis à l’orientation vers le parcours de FL pro apparaît comme particulièrement discriminant.[…] Il est convenu de poursuivre l’expérimentation jusqu’à l’automne 2023. Un bilan qualitatif et quantitatif sera fait à l’issue et partagé avec les partenaires. Une seconde phase d’expérimentation, élargie, pourrait être envisagée en 2024 » ([79]).

Le début des formations linguistiques à visée professionnelle sous l’égide de l’OFII est donc encore modeste et les rapporteurs spéciaux soutiennent la révision annoncée des critères d’accès afin d’améliorer l’effectivité de ces dispositifs. Le PLF confirme cependant l’intérêt de la DGEF pour ce dispositif puisque, toutes actions confondues, 3,6 millions d’euros de mesures nouvelles soutiennent ces mesures.

  1.   Les formations linguistiques proposées aux bénéficiaires de la protection temporaire

En complément des formations linguistiques du contrat d’intégration républicaine, l’OFII propose des formations linguistiques facultatives de 100 heures et 200 heures aux bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d’Ukraine. Sur la première année de mise en œuvre de ce dispositif, entre mai 2022 et mai 2023, 7 827 diagnostics ont été réalisés et 5 224 entrées en formation ont été programmées pour un coût de 4,5 millions d’euros.

bilan de la première année de mise en œuvre des formations linguistiques proposées par l’OFII aux bénéficiaires de la protection temporaire
(mai 2022 - mai 2023)

Diagnostics réalisés

Entrées en formation

Répartition par type de parcours

A1 – 100 h

A1 – 200 h

A2 – 100 h

B1 – 100 h

7 827

5 224

683

3 618

711

212

Source : OFII.

B.   L’action n° 12 Actions d’intégration des primo-arrivants : DES MOYENS significatifs ACCORDÉS au programme AGIR

L’action 12 « vise à faciliter l’intégration des étrangers, y compris les bénéficiaires de la protection internationale, durant les années qui suivent leur admission à séjourner durablement sur le territoire français » ([80]). Le PLF dote cette action d’un crédit de 174,6 millions d’euros en AE en forte progression par rapport à 2023 (+ 39,1 millions d’euros, + 28,9 %). Cette action finance des mesures traditionnelles ainsi que, pour la deuxième année consécutive, le déploiement du programme AGIR.

a.   Le financement des mesures traditionnelles d’intégration des primo-arrivants

L’action 12 finance, à hauteur de 78,7 millions d’euros en AE et en CP des mesures au niveau central et, plus encore, au niveau territorial s’inscrivant dans la poursuite du parcours d’intégration républicaine durant les cinq années suivant l’obtention d’un titre de séjour.

Au niveau central, les crédits soutiennent des actions de formation et de professionnalisation des acteurs de l’intégration, la participation du ministère de l’intérieur au programme Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants et des formations linguistiques. Ces crédits centraux soutiennent également les contrats territoriaux d’accueil et d’intégration des réfugiés (signés conjointement par des collectivités territoriales et les préfectures afin de mettre en œuvre des actions concrètes à l’attention des personnes bénéficiaires de la protection internationale) et supportent le fonctionnement de la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés.

L’essentiel des crédits de l’action 12 est cependant géré au niveau déconcentré. Selon le projet annuel de performances, « plus de 85 % des crédits sont ainsi mis à disposition des préfets de région, responsables des budgets opérationnels de programme » ([81]) et soutiennent des actions territoriales reposant notamment sur :

– « des mesures d’accompagnement destinées à lever les freins à l’emploi, notamment ceux spécifiquement rencontrés par les femmes primo-arrivantes (par exemple en matière de garde d’enfant) » ([82]) ;

– des cours de langue française à visée professionnelle ;

– l’approfondissement du premier apprentissage linguistique en vue d’atteindre le niveau A2 requis pour la délivrance de la carte de résident et B1 pour les étrangers qui souhaitent obtenir la nationalité française.

b.   Le programme AGIR : des crédits en hausse, un déploiement progressif

  1.   Des crédits en hausse, un déploiement progressif

Le PLF prévoit un crédit de 95,9 millions d’euros en 2024 en faveur du programme AGIR (accompagnement global individualisé pour les réfugiés), en croissance de 44,5 millions d’euros par rapport à 2023.

Ce programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés vers l’emploi et le logement, qualifié de « politique prioritaire du Gouvernement » ([83]), est organisé sous la forme d’un guichet unique départemental de l’intégration et s’adresse aux bénéficiaires d’une protection internationale ayant obtenu cette protection depuis moins de deux ans. Les prestataires sélectionnés se voient confier un rôle d’animation territoriale afin, selon l’expression de la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés, de « favoriser l’émergence d’un écosystème de l’intégration au niveau local » ([84]).

Ce dispositif, auquel les bénéficiaires accèdent sur la base du volontariat, a fait l’objet en 2022 d’un premier déploiement expérimental dans 26 départements et, à la fin août 2023, d’un déploiement dans 14 autres départements. D’ici la fin de l’année 2023, 52 autres départements devraient être concernés et l’ensemble du territoire métropolitain devrait être couvert en 2024.

Lors de son audition, la DIHAL a indiqué que le déploiement complet de ce programme repose sur une prévision de dépenses de 630 millions d’euros sur la période 2023-2027 dont 90 % à la charge du ministère de l’intérieur et 10 % à la charge du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

  1.   Des entrées en formation encore inférieures aux prévisions

Dans leur rapport sur le PLF 2023, les rapporteurs spéciaux ont souligné qu’« en 2023, environ 15 000 nouvelles personnes devraient intégrer » ([85]) le programme AGIR. Pour l’heure, il semble que cet objectif soit difficilement atteignable puisqu’au 31 août 2023, 8 380 bénéficiaires de la protection internationale ont été orientés par l’OFII vers le dispositif AGIR depuis son engagement.

La consommation des crédits du programme AGIR reflète cette situation puisque, selon la DGEF, à la date du 15 septembre 2023, sur les 51 millions d’euros prévus en 2023 au titre de ce dispositif, seuls 15,5 millions d’euros ont été engagés en AE et 5,2 millions d’euros ont été consommés en CP. L’essentiel des crédits annulés au titre du programme 104 dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 (18,8 millions d’euros en AE et 50,5 millions d’euros en CP) est en lien avec ce dispositif et découle de sa faible exécution budgétaire.

Lors de son audition, l’association Envergure, prestataire du programme AGIR dans les Bouches-du-Rhône et dans les Côtes-d’Armor a souligné certaines difficultés pratiques rencontrées dans le déploiement du programme. Le délai très court (6 semaines) séparant la notification du marché du début de son exécution ainsi que la montée en puissance très progressive du nombre de bénéficiaires de la protection internationale suivis dans le cadre de cette prestation ont été regrettés. Lors de son audition, la Fédération des acteurs de la solidarité a considéré que le programme AGIR se mettait en place « dans la douleur » en raison d’une généralisation jugée trop précoce et des difficultés rencontrées dans certaines régions pour alimenter la file active des bénéficiaires. La Fédération des acteurs de la solidarité a également relayé des interrogations sur la sélection de certains opérateurs dont la culture est éloignée du travail social.

Les rapporteurs spéciaux prennent acte de ces différents points et réaffirment leur attachement au bon déploiement du dispositif AGIR qui doit notamment contribuer à améliorer la fluidité du dispositif national d’accueil (en favorisant un abaissement du taux de présence indue des bénéficiaires de la protection internationale) et à identifier toutes les difficultés perturbant l’intégration, notamment professionnelle, des intéressés.

En complément, Mme Stella Dupont sera vigilante sur les conséquences de l’arrivée de nouveaux opérateurs et témoigne son attachement aux associations implantées depuis longtemps dans les territoires.

Les rapporteurs spéciaux soulignent également leur volonté d’améliorer l’insertion professionnelle des demandeurs d’asile ressortissant de pays bénéficiant d’un taux de protection internationale élevé et des bénéficiaires de la protection internationale dans les conditions initialement prévues par le projet de loi pour contrôler l’immigration, renforcer l’intégration ([86]).

C.   Les autres crédits du programme 104 soutiennent un ensemble composite d’actions en faveur de l’intÉgration des Étrangers en situation rÉguliÈre

1.   L’action n° 16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants : des crédits en retrait

Le PLF prévoit un crédit de 9,3 millions d’euros en AE et en CP en faveur de l’action n° 16 Accompagnement des foyers de travailleurs migrants en retrait de 2 millions d’euros par rapport à 2023.

Cette action finance la participation du ministère de l’intérieur à la poursuite de l’exécution d’un plan de transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales. Engagé en 1997, ce plan, piloté par la DIHAL et la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées (CILPI), vise à améliorer les conditions d’hébergement des 100 000 occupants de ces lieux.

En mai 2022, sur les 687 foyers recensés au moment de l’élaboration du plan de transformation, 126 (très dégradés et aux situations les plus complexes) restent à transformer.

En 2023, un appel à projets a été engagé pour soutenir les projets répondant à un ou plusieurs des trois objectifs suivants :

● la mise en œuvre des mesures permettant la réalisation des travaux de réhabilitation ;

● le développement d’une gestion et d’un accompagnement permettant de préparer le traitement des foyers de travailleurs migrants et de mieux répondre aux besoins des résidents ;

● l’équipement des logements en mobilier destiné aux résidents âgés.

En 2023, l’action 16 avait bénéficié d’un crédit exceptionnel de 11,3 millions d’euros mais celui-ci peine à être consommé puisqu’à la date du 25 octobre 2023, moins de 6 millions d’euros ont été consommés. Le PLF prend acte de cette situation et prévoit un crédit de 9,3 millions d’euros qui est légèrement supérieur à celui observé en 2021 et 2022 (8,3 millions d’euros).

2.   L’action n° 14 Accès à la nationalité française : des crédits limités

L’action n° 14 Accès à la nationalité française est dotée de 1,4 million d’euros en AE et en CP et prend en charge les moyens de fonctionnement de la sous-direction de l’accès à la nationalité française au sein de la direction de l’intégration et de l’accès à la nationalité du ministère de l’intérieur. Ce montant est en croissance de 0,3 million d’euros par rapport à 2023.

La sous-direction de l’accès à la nationalité française est chargée de déployer la politique d’accès à la nationalité française et s’appuie dans cette tâche sur 41 plateformes départementales et interdépartementales d’instruction des demandes d’accès à la nationalité. Depuis la publication du décret n° 2023‑64 du 3 février 2023 portant création d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « NATALI », les procédures de naturalisation par décret sont instruites de manière électronique.

Le projet annuel de performances souligne qu’en 2022 « 78 711 personnes sont ainsi devenues françaises […] au terme de procédures suivies par le ministère de l’Intérieur (naturalisation par décret ou procédures déclaratives) » ([87]).

3.   Le produit attendu des fonds de concours : un produit en baisse en raison d’une modification méthodologique

Selon les informations figurant dans l’état récapitulatif des crédits de fonds de concours et attributions de produits joint au PLF, la prévision de rattachement des fonds de concours au programme 104 s’établit à 10,4 millions d’euros en 2024 contre 133,8 millions d’euros en AE et en CP attendus en 2023 (– 123,4 millions d’euros). Ces crédits proviendront du FAMI et participeront au financement du projet AGIR.

Le projet annuel de performances explique cette forte baisse par une modification méthodologique. Ainsi, « à compter du PAP 2024, seuls les crédits des fonds européens dont le programme est bénéficiaire sont retracés. Les rattachements de fonds de concours au programme pour paiement aux porteurs de projet éligibles aux fonds européens ne sont en conséquence pas mentionnés » ([88]).


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 30 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu sera bientôt consultable en ligne.

Après avoir adopté les amendements n° II-CF2656 et n° II-CF3227, et contrairement à l’avis des rapporteurs, la commission a rejeté les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

La commission a en revanche adopté un amendement II-CF 3248 ajoutant un nouvel indicateur au dispositif de performance de la mission.

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES, DES QUESTIONNAIRES TRANSMIS ET DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

(par ordre alphabétique)

 

  1.     Personnes auditionnées

Contrôleure générale des lieux de privation de liberté : Mme Dominique Simonnot ;

Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés : M. Alain Régnier, délégué interministériel ;

Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement : M. Georges Bos, directeur de la mission logement ;

Envergure : Mme Sandra Gicquère, directrice adjointe ;

Fédération des acteurs de la solidarité* : M. Pascal Brice, président, et Mme Adèle Croisé, chargée de mission réfugiés – migrants ;

France Terre d’Asile (FTDA) : Mme Delphine Rouilleault, directrice générale ;

Ministère de l’intérieur, direction générale des étrangers en France (DGEF) : M. Éric Jalon, directeur général, et ses collaborateurs ;

Ministère de l’intérieur, direction générale des étrangers en France (DGEF) : M. Simon Fetet, directeur de l’immigration et M. Frédéric Garnier, sous-directeur de la lutte contre l’immigration irrégulière ;

Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) : M. Didier Leschi, directeur général ;

Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) : M. Julien Boucher, directeur général ;

Préfecture du Nord : Mme Amélie Puccinelli, secrétaire générale adjointe ;

SOS Méditerranée : Mme Marine Thomas, responsable de plaidoyer, et Mme Louise Guillaumat, directrice adjointe des opérations.

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

  1.     Questionnaires transmis

– Ministère de l’intérieur, direction centrale de la police aux frontières ;

– Pôle emploi.

 

  1.     Déplacements effectués

-         Mme Stella Dupont :

    18 novembre 2022 :

o       zone d’attente temporaire de la presqu’île de Giens

        Préfecture du Var : M. Evence Richard, Préfet, Mme Audrey Graffault, sous-préfète ;

        Police de l’air et des frontières ;

         Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) : Mmes Amélie Blanchot et Émilie Pesselier.

o       barreau de Toulon : Maître Sophie Caïs, bâtonnier de l’ordre, et maître Océane Balmitgere.

-         M. Mathieu Lefèvre :

    19 décembre 2022, HUDA AUVM de Nogent-sur-Marne ;

    3 juillet 2023 : OFPRA, CNDA et CRA de Vincennes :

o       OFPRA :

        M. Julien Boucher, directeur général,

        Mme Sylvie Charvin, représentante de la CGT, Mme Amélie Pépin (représentante du syndicat Asyl [Action syndicale libre]) et Mme x, représentante de FO Centrale ([89]).

o       CNDA : M. Mathieu Hérondart, président, et M. Olivier Massin, secrétaire général

o       CRA de Vincennes, M. Jean-Michel Clamens, commandant.

    6 octobre 2023 : préfecture du Val-de-Marne (programme Agir) ;

-         Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre : 5 septembre 2023, zone d’attente de l’aéroport de Roissy :

o       Police aux frontières : MM. Julien Gentile, contrôleur général, directeur de la police aux frontières des aérodromes parisiens et Régis Orsoni, commissaire, chef de la Division du contrôle transfrontière, police aux frontières Roissy Le Bourget.

o       OFPRA : MM. Pascal Roig, chef de la division Asie 1 de l’OFPRA, et Tanguy Coste-Chareyre, adjoint au chef de la division Asie 1.

o       Croix-Rouge : M. Bernard Hohl, directeur du pôle social de la Croix-Rouge française de Roissy-Charles-de-Gaulle.

 

 

 

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([1]) Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

([2]) Données extraites de l’État récapitulatif des crédits de fonds de concours et attributions de produits joint au projet de loi de finances, pages 71-73.

([3]) Le rapport annexé à ce texte prévoit en 2024 des AE de 1 598 millions d’euros et des CP de 2 058 millions d’euros pour la mission Immigration, asile et intégration.

([4]) L’article 12 de ce texte détermine, pour les années 2024, 2025 et 2026, des plafonds de crédit hors contribution du budget général au compte d’affectation spéciale « Pensions », hors charges de la dette et hors remboursements et dégrèvements. Le plafond maximum de CP fixé pour la mission Immigration, asile et intégration s’élève à 2 200 millions d’euros en 2024.

([5]) Il s’agit des missions Action extérieure de l’État (programme n° 151), Administration générale et territoriale de l’État (programmes nos 216 et 354), Enseignement scolaire (programmes, nos 140, 141 et 230), Recherche et enseignement supérieur (programme n° 150), Conseil et contrôle de l’État (programme n° 165), Justice (programme n° 101), Sécurités (programmes nos 152 et 176), Santé (programme n° 183), Solidarité, insertion et égalité des chances (programmes nos 124 et 304), Cohésion des territoires (programmes nos 147 et 177) et Travail et emploi (programme n° 111).

([6]) Projet annuel de performances, page 20.

([7]) Projet annuel de performances, page 42.

([8]) Le délai moyen de traitement de l’OFPRA ne doit pas être confondu avec le délai global moyen de traitement des demandes d’asile qui inclut le passage en guichet unique pour demandeurs d’asile (intervenant avant l’OFPRA) et l’éventuelle saisine de la Cour nationale du droit d’asile (intervenant après l’OFPRA). Selon le projet annuel de performances (page 10), ce délai global moyen s’établit, à l’été 2023, à 11 mois ; l’objectif du Gouvernement s’élevant à 6 mois.

([9]) Sur les huit premiers mois de l’année 2023, environ 93 400 premières demandes ont été enregistrées en guichet unique, soit une hausse de + 12 % par rapport à la même période en 2022.

([10]) Agence de l’Union européenne pour l’asile, Latest Asylum trends, January – June 2023 Midterm review, septembre 2023, page 6.

([11]) 14,2 % si on compare ces 160 000 demandes aux 140 000 demandes attendues en 2023 et 10,7 % si on compare ces 160 000 demandes aux 145 000 demandes attendues en 2023.

([12]) Rapport annuel de performance de la mission Immigration, asile et intégration pour 2020, page 22.

([13]) Comme le rappelle l’exposé des motifs du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (page 22), ce texte Sénat prévoit d’apporter deux modifications importantes à l’organisation de la CNDA :

– « D’une part, des chambres territoriales du droit d’asile pourront être créées. Gage de proximité et d’accessibilité pour les demandeurs et de maîtrise des coûts que génère l’implantation aujourd’hui exclusivement francilienne de la CNDA (coûts de déplacements, hébergement, etc.), elles permettront d’engager un rééquilibrage du contentieux de l’asile sur territoire.

– D’autre part, il est prévu que la cour statue, en principe, par décision d’un juge unique, sans préjudice de la possibilité de renvoyer à une formation collégiale lorsque la complexité de l’affaire le justifiera ».

Mme Dupont s’interroge sur l’effectivité réelle de meilleur traitement des dossiers avec un passage au juge unique.

([14]) Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission Immigration, asile et intégration pour 2022, la Cour a relevé que : « plusieurs points caractérisent la programmation 2023 par rapport à la loi de finances 2022 » dont « l’absence de tout financement prévu pour la crise des déplacés ukrainiens, qui permet de douter de la sincérité budgétaire de la programmation 2023 sur ce point » (page 7).

([15]) Les crédits (339 millions d’euros) figurant dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 sont inférieurs au besoin attendu (348,9 millions d’euros). La différence sera supportée par le ministère de l’intérieur sous la forme de mesures de régulation entre les différentes missions placées sous sa responsabilité.

([16]) En juillet 2023, 72 356 autorisations provisoires de séjour étaient en cours de validité. En septembre 2023, 71 855 bénéficiaires de la protection temporaire percevaient l’allocation pour demandeur d’asile.

([17]) Le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile est structuré autour de trois niveaux de prise en charge : un « sas d’entrée », un hébergement « socle » et un « sas de sortie » :

– Le « sas d’entrée » est constitué des centres d’accueil et d’évaluation des situations (CAES) dédiés à la mise à l’abri urgente, à l’analyse des situations administratives et à une orientation rapide vers d’autres dispositifs d’hébergement ;

– L’hébergement « socle » relève des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et des hébergements d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA).

– Le « sas de sortie » est constitué des centres provisoires d’hébergement destinés aux bénéficiaires de la protection internationale les plus vulnérables.

([18]) Selon le projet annuel de performances (page 46), « en complément des centres provisoires d’hébergement, répartis sur tout le territoire, sont financés des dispositifs d’hébergement spécifiques ayant pour objectif de contribuer à la fluidité du dispositif national d’accueil (DNA) dans des régions en tension, principalement en Île-de-France, en favorisant les sorties des bénéficiaires d’une protection internationale des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et des centres provisoires d’hébergement (CPH) : le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) à Paris […] ; le dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement des réfugiés (DAHAR) dans les Yvelines et en Seine-et-Marne […] ; le centre d’accueil et d’insertion des réfugiés (CAIR) à Paris […] ; le dispositif d’hébergement et d’accompagnement transitoire géré par Solidarité Mayotte à Mayotte […] Cette enveloppe contribue également à la prise en charge d’une structure d’hébergement spécialisée dans l’accueil de publics LGBTI dans les Paysdela-Loire. Ces dispositifs représentent 850 places d’hébergement ».

([19]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 1265, L’orientation directive des demandeurs d’asile : un premier bilan favorable, Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre, juin 2023.

([20]) Projet annuel de performances, page 25. Il est rappelé qu’en application de l’article R. 552-13 du CESEDA, la personne hébergée peut solliciter son maintien dans le lieu d’hébergement au-delà de la date de décision de sortie prise par l’OFII :

– dans la limite d’une durée de trois mois (prolongeable pour une durée maximale de trois mois supplémentaires avec l’accord de l’office) lorsqu’elle s’est vue reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire,

– pour une durée maximale d’un mois à compter de la fin de prise en charge dans les autres cas (déboutés).

([21]) Rapports d’activité de l’OFII 2019 (page 27) et 2022 (page 25). Les personnes en présence indue ne respectent pas ces prescriptions.

([22]) Projet annuel de performances, page 25.

([23]) Projet annuel de performances, page 25.

([24]) M. Lefèvre rappelle que, dans le récent rapport d’information précité sur l’orientation directive des demandeurs d’asile, il avait indiqué être « favorable à toute mesure réduisant les possibilités de maintien en présence indue des déboutés et des bénéficiaires de la protection internationale dans le dispositif national d’accueil au-delà des périodes autorisées par l’article R. 552-13 du CESEDA. Il note ainsi que lors de l’examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, la commission des lois du Sénat a adopté un article 19 quater :

 Interdisant le maintien des personnes déboutées du droit d’asile dans un hébergement du DNA sauf décision explicite contraire de l’administration ;

 Assouplissant la possibilité pour l’autorité administrative compétente de demander en justice, après mise en demeure restée infructueuse, qu’il soit enjoint à un occupant sans titre d’évacuer un hébergement du DNA.

Si le principe posé par cet article est intéressant, M. Lefèvre considère cependant que sa rédaction n’est pas satisfaisante. Il partage ainsi l’avis de la DGEF selon lequel « la procédure actuelle prévoit déjà que le demandeur sollicite l’OFII pour demander l’autorisation de se maintenir dans l’hébergement au-delà du mois pendant lequel son droit au maintien prend fin. L’ajout d’une décision d’acceptation motivée a donc peu de valeur ajoutée ». Par ailleurs, « la reformulation de la procédure de saisine du juge afin d’enjoindre la personne de quitter les lieux supprime la possibilité d’appliquer cette procédure aux bénéficiaires de la protection internationale qui ont commis des actes de violence ou des manquements graves au règlement du lieu d’hébergement ». Une modification de la rédaction de l’article 19 quater semble donc nécessaire pour renforcer les instruments de lutte contre la présence indue dans le DNA et favoriser une plus grande fluidité de ce dispositif » (op. cit., page 63).

([25]) Instruction n° IOMK2305900J du 13 mars 2023 du ministre de l’Intérieur et des outre-mer et du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement relative aux lignes directrices pour la prise en charge administrative et l’orientation des personnes mises à l’abri au sein de sas d’accueil temporaire.

([26]) Au 7 août 2023, l’application du décret n° 2022-1441 du 17 novembre 2022 instituant une mesure exceptionnelle de soutien aux personnes physiques ayant mis à l’abri dans un hébergement ou dans un logement, une ou plusieurs personnes physiques bénéficiaires de la protection temporaire au titre des articles L. 581‑1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile s’est caractérisée par :

– Le dépôt de 8 951 dossiers auprès de la plateforme,

– L’acceptation de 6 878 demandes pour un montant total de 7 081 445 euros.

([27]) Le projet Cohabitations solidaires concerne l’accueil de réfugiés chez des particuliers ou des colocations entre personnes bénéficiaires de la protection internationale et citoyens français. Ce dispositif prend la suite de l’expérimentation en 2017-2018 du projet « Hébergement citoyen ». Le programme Cohabitations solidaires est financé à 75 % par la DIHAL et à 25 % par la DGEF (sur les programmes 104 et 303).

([28]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([29]) https://www.gouvernement.fr/la-cohabitation-solidaire-un-dispositif-majeur-de-l-accueil-et-de-l-insertion-des-refugies-pilote.

([30]) Assemblée nationale, commission des finances, compte rendu de la séance du 23 mai 2023, page 40.

([31]) L’article D. 553-9 du CESEDA prévoit que « le montant additionnel n’est pas versé au demandeur qui n’a pas manifesté de besoin d’hébergement ou qui a accès à un hébergement ou un logement à quelque titre que ce soit ».

([32]) Projet annuel de performances, page 42.

([33]) Conseil d’État, 27 janvier 2021, décision n° 445958.

([34]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([35]) L’OFPRA a indiqué que « ces emplois, exclusivement de catégorie C, sont le reliquat d’un contingent beaucoup plus important, de plusieurs dizaines d’emplois, résultant du choix fait par les agents de l’établissement qui, à la création du corps des adjoints de protection (corps propre à l’Office, depuis lors intégré dans le corps des adjoints administratifs du ministère de l’intérieur), avaient opté pour leur maintien dans leur corps d’origine du MEAE. Ils sont, encore aujourd’hui, rémunérés par ce dernier, qui gère également leur carrière ».

([36]) Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 de la mission Immigration, asile et intégration, la Cour observe que « malgré le recrutement de 150 officiers de protection, tous en poste depuis le dernier trimestre 2020, le nombre de décisions rendues par l’OFPRA, et les délais qui s’y attachent, sont éloignés des cibles fixées. Comme cela avait déjà été souligné en 2021, la montée en productivité des agents semble à cet égard particulièrement lente » (page 44).

([37]) Rapport annuel de performances de la mission Immigration, asile et intégration pour 2020, page 8. Au premier quadrimestre 2023 le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (BAMF) allemand statuait par exemple en première instance dans un délai de 6,5 mois

(https://www.bamf.de/SharedDocs/Anlagen/DE/Statistik/AsylinZahlen/aktuelle-zahlen-april-2023.pdf?__blob=publicationFile&v=6, page 13).

([38]) 84 655 dossiers au 31 décembre 2020 (rapport d’activité 2020 de l’OFPRA, page 62).

([39]) Assemblée nationale, commission des Lois, mission « flash » sur le bilan de la zone d’attente temporaire installée sur la presqu’île de Giens (Var) en novembre 2022, communication de Mme Julie Lechanteux et M. Ludovic Mendes, 29 mars 2023, page 2.

([40]) Selon la communication précitée, « 44 a priori mineurs non accompagnés – parmi lesquels deux feront ensuite l’objet d’un refus de minorité – ont, quant à eux, été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance » (page 2).

([41]) Sur la procédure d’asile à la frontière, voir les articles L. 350-1 et suivants du CESEDA. À Giens, et comme l’y autorise l’article L. 351-3 du CESEDA, l’OFPRA a mis fin au maintien en zone d’attente de 2 personnes n’étant pas en état d’être entendues.

([42]) Le système d’information de l’OFPRA ne permet malheureusement pas, ce qui est regrettable, d’identifier les demandeurs d’asile précédemment placés en zone d’attente. L’OFPRA a donc effectué cette recherche de manière largement manuelle.

([43]) Cette attestation est prévue à l’article D. 751-1 du CESEDA.

([44]) En commission, amendement n° II-CF 2656 et en séance amendement n° II-2440.

([45]) Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, exposé des motifs, page 22.

([46]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([47]) Amendement n° CF II-3248.

([48]) En application de l’article R.744-8 du CESEDA, « Lorsqu’en raison de circonstances particulières, notamment de temps ou de lieu, des étrangers retenus en application du présent titre ne peuvent être placés immédiatement dans un centre de rétention administrative, le préfet peut les placer dans des locaux adaptés à cette fin, dénommés « locaux de rétention administrative ».

([49]) Voir, Journal officiel du 22 juin 2023, Recommandations du 19 mai 2023 relatives aux centres de rétention administrative de Lyon 2 (Rhône), du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), de Metz (Moselle) et de Sète (Hérault).

([50]) Circulaire du 3 août 2022, page 3. Les gras et les soulignements reproduisent ceux de la circulaire. Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre ont eu accès à ce document non publié en leur qualité de rapporteurs spéciaux

([51]) Ministère de l’intérieur, communiqué de presse du 9 octobre 2023.

([52]) Comme le rappelle le rapport de la commission des lois du Sénat, « les articles 21 à 23 du projet de loi proposent […] de faire du recours à l’audience délocalisée et, le cas échéant, à la vidéo-audience le principe lorsque le requérant est placé en rétention administrative ou en zone d’attente. Aux termes de l’article L. 61411 du Ceseda, il s’agit actuellement d’une simple possibilité », Sénat, commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, rapport n° 433, Mme Muriel Jourda et M. Philippe Bonnecarrère, page 175.

([53]) En commission, amendement n° IICF 3227 et en séance amendement n° II-2912.

([54]) L’article 1er de cette loi approuve le rapport sur la modernisation du ministère de l’intérieur annexé à la loi et l’article 3.7 de ce rapport indique que « le nombre de places en centres de rétention administrative sera progressivement porté à 3 000 ».

([55]) Projet annuel de performances, page 49.

([56]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport spécial n° 292, annexe 28, projet de loi de finances pour 2023, Immigration, asile et intégration, Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre.

([57]) Projet annuel de performances, page 28.

([58]) L’article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (dit règlement Dublin III) dispose que « par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ».

([59]) Rapport annuel de performances 2022, page 23.

([60]) Projet annuel de performances 2022, page 22.

([61]) Sur ce point, M. Lefèvre rappelle que, le 18 octobre 2022, lors de son audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, a déclaré que : « nous estimons le nombre des personnes que nous pourrions expulser à 4 000 personnes par an, si nous n’avions pas dans notre droit ces règles visant l’arrivée avant 13 ans sur le territoire national ou concernant les personnes mariées à un Français. Le débat dans l’hémicycle sera, je l’imagine, très difficile, mais nous avons là un moyen d’améliorer nos procédures d’expulsion » (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_lois/l16cion_lois2223005_compte-rendu# ).

([62]) Expérimentés en 2021 et 2022, les retours aidés médicalisés en direction de la Géorgie se sont en revanche interrompus. L’Organisation internationale pour les migrations, partenaire de l’OFII dans leur organisation, souhaite procéder à l’évaluation de leurs résultats. Entre le lancement du dispositif en avril 2021 et sa clôture en décembre 2022 :

– 176 familles géorgiennes ont sollicité l’aide au retour volontaire médicalisé vers la Géorgie ;

– 86 patients et 53 membres de famille sont repartis via ce programme ;

– 79 se sont désistées ou sont rentrées sans l’aide ;

– 12 patients gravement malades sont décédés avant la mise en place du retour ;

– 8 dossiers étaient irrecevables.

([63]) L’article 1er de l’arrêté du 9 octobre 2023 prévoit cependant que « Le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration peut décider, après demande du préfet de département compétent et information du directeur général des étrangers en France, dans le cadre d’opérations d’incitation au retour, d’accorder un montant majoré de l’allocation forfaitaire […] pour les ressortissants d’une ou plusieurs nationalités ou pour des catégories définies en fonction de leur situation administrative ».

([64]) En application de l’article L. 341-1 du CESEDA, une zone d’attente peut aussi être créée de manière temporaire dans d’autres endroits du territoire pour prendre en charge « au moins dix étrangers venant d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres ».

([65]) Donnée extraite de la communication du 29 mars 2023 de Mme Julie Lechanteux et M. Ludovic Mendes devant la commission des lois de l’Assemblée nationale lors de la présentation des conclusions de la mission « flash » sur le bilan de la zone d’attente temporaire installée sur la presqu’île de Giens (Var) en novembre 2022.

([66]) Le premier alinéa de cet article prévoit que « lorsqu’un refus d’entrée a été prononcé, les frais de réacheminement de l’étranger incombent à l’entreprise de transport aérien, maritime ou ferroviaire ou de transport routier exploitant des liaisons internationales sous la forme de lignes régulières, de services occasionnels ou de navette, à l’exclusion des trafics frontaliers, qui l’a acheminé en France. Il en est de même lorsque l’étranger est placé en zone d’attente en application du deuxième alinéa de l’article L. 3411 ». Ces dispositions n’appellent pas d’observations particulières.

([67]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([68]) Dans la décision n° 2021-940 QPC, le Conseil constitutionnel a jugé « conforme à la Constitution l’obligation pour les transporteurs aériens de réacheminer un ressortissant étranger dont l’entrée en France a été refusée, qui n’a ni pour objet ni pour effet de leur confier une mission de surveillance ou de contrainte. Cette obligation ne méconnaît pas l’interdiction de déléguer l’exercice de la force publique à des personnes privées, qualifiée en des termes inédits par le Conseil constitutionnel de principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » (communiqué de presse du Conseil constitutionnel du 15 octobre 2021). Pour les décisions du Conseil d’État : décisions n° 448996 (21 juin 2022) et Conseil d’État n° 450480 (21 juin 2022).

([69]) Projet annuel de performances, page 51.

([70]) État récapitulatif des crédits de fonds de concours et attributions de produits, pages 77-79.

([71]) Projet annuel de performances, page 40.

([72]) Réponse au questionnaire budgétaire. Les financements britanniques versés dans le cadre des accords de Sandhurst relèvent de la mission Sécurités à l’exception de la contribution au financement du CRA de Dunkerque qui relève de la présente mission.

([73]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([74]) Dans cette même réponse, l’établissement a précisé que la plus-value du projet France asile, « repose sur la capacité pour chacun des acteurs (préfectures – OFII – OFPRA) à conduire ses missions sur une journée, sans que les usagers n’aient à être reconvoqués. Cette faisabilité n’est pas établie à ce stade, sachant que les modalités et durées d’entretien sont très différentes d’un acteur à l’autre, et notamment beaucoup plus longues pour l’OFPRA (1 heure par personne majeure, donc 2 heures pour un couple avec enfants mineurs, 3 heures pour un couple avec un enfant majeur, etc.). L’OFII est avant tout attentif à ce que l’évaluation de la vulnérabilité des demandeurs et leur accès aux conditions matérielles d’accueil comprenant l’orientation en hébergement ne soient en aucun cas retardés, et donc que le parcours actuel qui consiste à ce que l’OFII reçoive les demandeurs juste après l’enregistrement de leur demande par la préfecture, soit bien respecté ».

([75]) Le tableau récapitulatif de financement de l’OFII figurant dans le projet annuel de performances comporte une erreur puisqu’il compte deux fois les frais de gestion de l’allocation.

([76]) Le niveau A1 est celui d’un utilisateur élémentaire sachant « comprendre et utiliser des expressions familières et quotidiennes ainsi que des énoncés très simples qui visent à satisfaire des besoins concrets ».

([77]) Le niveau A2 correspond à un niveau d’utilisateur élémentaire et le niveau B1 correspond à un niveau d’utilisateur indépendant.

([78]) Projet annuel de performances, page 14.

([79]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([80]) Projet annuel de performances, page 78.

([81]) Projet annuel de performances, page 79.

([82]) Projet annuel de performances, page 9.

([83]) Projet annuel de performances, page 9.

([84]) Réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

([85]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport spécial n° 292, annexe 28, projet de loi de finances pour 2023, Immigration, asile et intégration, Mme Stella Dupont et M. Mathieu Lefèvre, page 53.

([86]) Par ailleurs, le 26 septembre 2023, Mme Stella Dupont a déposé une question écrite (n° 11 642) appelant l’attention du ministre de l’intérieur et des outre-mer sur les difficultés rencontrées par les bénéficiaires de la protection internationale pour accéder aux métiers de la sécurité privée.

([87]) Projet annuel de performances, page 82.

([88]) Projet annuel de performances, page 78.

([89]) La représentante du syndicat FO a demandé que son nom ne soit pas mentionné dans la liste des personnes auditionnées.