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N° 264 rectifié

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2017.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2018 (n° 235)

TOME VII

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

ÉNERGIE

PAR M. Philippe BOLO

Député

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 Voir les numéros : 235 et 273 (annexe 18).


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SOMMAIRE

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 Pages

PREMIÈRE partie : analyse des crédits

I. Le programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines »

A. La politique de lÉnergie : des crÉdits en hausse

B. La gestion de laprÈs-mine : des crÉdits en baisse structurelle

C. Des crédits en hausse pour la qualitÉ de l’air et la Lutte contre le changement climatique

D. Les dÉpenses fiscales

II. La couverture des charges de service public de lÉnergie (programmes 345, 764 et 765)

A. Le programme 345 « Service public de lÉnergie »

B. Le Compte d’affectation spéciale « Transition ÉnergÉtique »

1. Le programme 765

2. Le programme 764

III. Le Compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour lÉlectrification rurale » (programmes 793 et 794)

Seconde partie : LA DIGITALISATION DU MONDE DE L’ÉNERGIE

Introduction

I. les Enjeux

A. une production de donnÉes qui facilite la connaissance des productions et des consommations

B. une efficience accrue des infrastructures et des services ÉnergÉtiques

1. Une gestion facilitée de la production

2. Une optimisation de réseaux qui deviennent intelligents

3. De nouvelles perspectives pour le stockage des énergies

4. Des bénéfices pour les consommateurs

C. Une digitalisation qui impose de sécuriser Les infrastructures et Les donnÉes

D. un fort potentiel demplois et des besoins croissants en compÉtences spÉcifiques

1. Une digitalisation à fort potentiel en emplois

2. Les atouts français pour faire de la digitalisation un vecteur de croissance

3. Des compétences à valoriser et des formations à mettre en place

E. Quid dune Éventuelle ubÉrisation du monde de lÉnergie ?

II. Perspectives et propositions

A. garantir la sécuritÉ des donnÉes

1. Par une réelle gouvernance des données énergétiques

2. Par une meilleure prise en compte des enjeux de cybersécurité

B. accompagner les acteurs Économiques

1. Par davantage de R&D publique et privée

2. Par la mise en place dun plan de formation ambitieux aux métiers de la transition énergétique

C. Des points de vigilance

1. Veiller à ce que la digitalisation ne soit pas porteuse de différences de traitements entre les territoires

2. Veiller à certains effets potentiellement négatifs de la digitalisation

3. Veiller à mettre en place des tiers de confiance

Examen en commission

Liste des personnes auditionnÉes


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   PREMIÈRE partie : analyse des crédits

Le financement de la transition énergétique représente un défi important, dans un contexte marqué par des marges de manœuvres budgétaires limitées. Après plusieurs années de baisse, le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 prévoit une hausse conséquente ([1]) du budget du ministère de la transition écologique. Ce premier budget du quinquennat concrétise également la hausse de trajectoire de la fiscalité climatique.

Votre rapporteur centrera son analyse sur les programmes 174, 345, 764, 765, 793 et 794, qui concentrent les crédits relatifs à la politique énergétique de la France. Il est indispensable de mettre en œuvre une politique satisfaisant à la fois aux impératifs de coûts, d’utilisation rationnelle de l’énergie, de sécurité d’approvisionnement et de lutte contre la précarité énergétique.

I.   Le programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines »

Le programme 174 s’articule autour de trois finalités : poursuivre la transition énergétique, assurer la gestion économique et sociale de l’après-mines et amplifier la lutte contre le changement climatique et la pollution de l’air. À périmètre constant, lautorisation de dépenses pour 2018 sélève à 427,3 millions d’euros (M€) en autorisations dengagement (AE) et en crédits de paiement (CP).

Crédits du programme 174

(En euros)

Actions

AE LFI 2017

CP LFI 2017

AE PLF 2018

CP PLF 2018

Politique de lénergie

3 983 900

3 983 900

4 456 501

4 406 501

Gestion économique et sociale de

laprès-mine

422 907 573

423 607 573

390 742 250

390 742 250

Lutte contre le changement climatique et

pour la qualité de lair

27 425 762

27 425 762

30 795 000

30 845 000

Soutien

1 126 563

1 126 563

1 300 000

1 300 000

Total

455 443 798

456 143 798

427 293 751

427 293 751

Source : Ministère de l’économie et des finances.

A.   La politique de l’Énergie : des crÉdits en hausse

Les crédits affectés à la politique de l’énergie (1 % des crédits du programme) s’élèvent à 4,4 millions d’euros (CP), dont 2,6 millions d’euros de subvention pour charges de service public versée à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Le contraste entre l’intitulé de cette action et son faible contenu financier est notable. Les crédits de cette action contribuent également aux opérations de contrôle de qualité des carburants, au financement du programme interministériel visant à délimiter l’extension du plateau continental (Extraplac) et aux travaux du Conseil supérieur de l’énergie.

Ce budget est en hausse de 10 % par rapport au projet de loi de lannée précédente pour financer deux nouvelles missions :

– l’élaboration de la programmation pluriannuelle de lénergie ;

– la sécurisation des barrages : dans un contexte de prix bas de l’électricité sur les marchés et de non-rentabilité de certains petits ouvrages hydroélectriques, la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) assure la mise en sécurité d’ouvrages dont la concession est échue.

B.   La gestion de l’aprÈs-mine : des crÉdits en baisse structurelle

Les crédits affectés à la gestion de l’après-mine (91,4 % des crédits du programme) s’élèvent à 390 millions d’euros (CP). Ces crédits sont consacrés principalement (à hauteur de 90 %) au financement des prestations versées par lAgence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) aux anciens mineurs et à leurs conjoints survivants.

En dehors de l’ANGDM, les crédits sont affectés au financement des prestations de retraite anticipée servies pour le compte de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) aux anciens mineurs en application de plans sociaux ; aux aides versées par le fonds dindustrialisation des bassins miniers ; ainsi qu’au fonctionnement de la SA des Mines de potasse dAlsace (MDPA) et la mise en œuvre de la fermeture du centre de stockage des déchets Stocamine ([2]).

Ce budget, en diminution dannée en année, est en baisse de 8 % par rapport au projet de loi de l’année précédente en raison de la réduction de la population des bénéficiaires ou ayants droit. L’évolution à la baisse des crédits est également liée à l’extinction progressive du fonds d’industrialisation des bassins miniers puisque toute aide nouvelle a cessé d’être attribuée depuis le 31 décembre 2013.

C.   Des crédits en hausse pour la qualitÉ de l’air et la Lutte contre le changement climatique

Les crédits affectés à la lutte contre le changement climatique et, à titre principal, à la qualité de l’air s’élèvent à 31 millions d’euros (CP). Ces crédits, qui correspondent à 7,2 % des crédits du programme, enregistrent une hausse de 19 % par rapport à 2017, justifiée par la mise en œuvre d’actions nouvelles, notamment en matière de contrôle du marché des véhicules.

La qualité de lair est un enjeu sanitaire majeur. L’Agence nationale de santé publique a estimé en 2016 que la pollution atmosphérique était responsable de 48 000 décès prématurés par an en France. La France n’est pas exemplaire en la matière. Elle est visée par deux avis motivés de la Commission européenne pour non-respect des valeurs limites en particules fines et en dioxyde d’azote. Le Conseil dÉtat ([3]) a également enjoint au Gouvernent de prendre, avant le 31 mars 2018, toutes les mesures nécessaires pour diminuer la pollution dans treize zones ([4]).

Votre rapporteur note que le Conseil d’État a rendu son arrêt au regard des mesures en vigueur au 26 octobre 2015, date du dépôt du recours. Depuis, certaines mesures ont été mises en place, telles que le Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PRÉPA) adopté le 10 mai 2017, le renforcement de la prime à la conversion des véhicules ou la poursuite de la convergence de la fiscalité essence-gazole.

Des actions nouvelles restent néanmoins nécessaires, d’une part pour s’assurer de la pleine mise en œuvre des actions décidées et, d’autre part, pour renforcer les mesures actuelles. En complément des mesures nationales, les préfets élaboreront avant le 31 mars 2018, des feuilles de route opérationnelles au niveau local. Votre rapporteur insiste sur l’importance d’une étroite concertation avec les parties prenantes et notamment les collectivités territoriales pour renforcer et accélérer les mesures en faveur de la qualité de l’air.

D.   Les dÉpenses fiscales

Le programme 174 comprend 16 dépenses fiscales pour un montant estimé à 2 581 M€ pour 2018.

Évolution des dÉpenses fiscales rattachÉes au programme 174

(En millions d’euros)

chiffrage pour 2016

chiffrage pour 2017

chiffrage pour 2018

2 389

2 518

2 581

Source : Ministère de l’économie et des finances.

Le crédit dimpôt pour la transition énergétique (CITE) vise à inciter les ménages à réaliser des travaux de rénovation énergétique de leur logement dans le double but de leur faire réaliser des économies d’énergies et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est le dispositif le plus important par son montant (1 560 M€, soit 60 % du montant des dépenses fiscales du programme en 2018).

Interrogé par votre rapporteur sur l’efficacité du CITE, le Gouvernement a indiqué que ce dispositif fiscal avait permis la rénovation d’environ 11 millions de logements entre 2005 et 2014. Les seuls travaux réalisés sur la période 2008-2013 devraient permettre d’éviter plus de 6 millions de tonnes de gaz à effet de serre en équivalent tonnes de CO2 (tCO2éq) par an à l’horizon 2020 (les émissions françaises en 2015 s’établissant à 458,3 ([5]) millions de tCO2éq). Le PLF ([6]) prévoit que le CITE sera prorogé jusqu’au 31 décembre 2018 en ciblant uniquement les travaux les plus performants en matière d’économies d’énergies et qu’il sera remplacé en 2019 par une prime versée dès l’achèvement des travaux.

II.   La couverture des charges de service public de l’Énergie (programmes 345, 764 et 765)

La loi de finances rectificative pour 2015 a prévu que les charges de service public de l’électricité et du gaz soient regroupées sous la dénomination de « charges de service public de l’énergie » et soient intégrées au budget de l’État, où elles sont réparties entre :

– le programme budgétaire « Service public de l’énergie » (programme 345), qui comprend les charges liées à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (hors soutien aux énergies renouvelables [EnR] dans ces territoires au titre de l’obligation d’achat) ainsi que celles liées au soutien à la cogénération et aux dispositifs sociaux en électricité et en gaz ;

– le compte daffectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » (programmes 764 et 765), qui regroupe les charges liées au soutien aux énergies renouvelables et à l’effacement, ainsi que le remboursement aux opérateurs du déficit de compensation de leurs charges de service public de l’électricité accumulé au 31 décembre 2015.

Charges de service public de l’énergie prévisionnelles au titre de 2018

 

 

Source : Délibération de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) du 13 juillet 2017.

Le montant prévisionnel des charges de service public de l’énergie s’élève à 7 938 M€ au titre de l’année 2018, soit 17 % de plus que le montant constaté des charges au titre de lannée 2016. Cette hausse résulte de la poursuite du développement des filières de production d’électricité à partir d’EnR, associée à une baisse des prix de marché de gros de l’électricité, d’une multiplication par près de six du volume de biométhane injecté et de l’augmentation des surcoûts liés à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées.

Le soutien aux EnR électriques représente 69 % des charges de service public de l’énergie au titre de 2018, la péréquation tarifaire hors EnR 18 % (23 % avec EnR), le soutien à la cogénération 9 %, les dispositifs sociaux 2 % et le soutien à l’injection de biométhane 1 %.

A.   Le programme 345 « Service public de l’Énergie »

Évolution des crédits

(En euros)

 

Votés en LFI 2017

(AE et CP)

PLF 2018

(AE et CP)

Solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain

1 380 300 000

1 506 778 171

Protection des consommateurs en situation de précarité énergétique

496 900 000

753 639 487

Soutien à la cogénération

562 600 000

691 467 824

Frais de support

99 870 000

87 238 970

Médiateur de l’énergie

5 330 000

4 796 000

Total

2 545 000 000

3 043 920 452

Source : Ministère de l’économie et des finances

Les crédits consacrés à la solidarité avec les zones non interconnectées sont en hausse de 8 % par rapport à 2017 en raison de la hausse des prix à terme observés sur le marché des matières premières et de la mise en service de nouveaux moyens de production renouvelables sur ces territoires.

Près de 80 % des crédits consacrés à la protection des consommateurs en situation de précarité énergétique financent le déploiement du chèque énergie ([7]) (581,1 M€). Le chèque énergie remplacera les tarifs sociaux actuels de l’électricité et du gaz à compter du 1er janvier 2018. Les crédits de cette action sont en hausse de 34 % par rapport à 2017, notamment en raison de l’augmentation sensible du nombre de bénéficiaires du chèque énergie (4 millions de ménages) par rapport aux tarifs sociaux (3,2 millions de ménages en 2015). Ces crédits pourraient à nouveau augmenter l’an prochain puisque le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que le montant du chèque sera revalorisé de 50 € en 2019. Votre rapporteur regrette que le rapport d’évaluation de l’expérimentation ([8]) « chèque énergie », qui devait être transmis par le Gouvernement au Parlement et aux parties prenantes (associations, fournisseurs d’énergie, etc.) avant le 1er octobre 2017, n’ait pas été remis. D’après le Gouvernement, ce rapport serait en cours de finalisation et devrait être notifié au Parlement dans les semaines qui viennent.

Les crédits de soutien à la cogénération, en hausse de 23 %, assurent un soutien transitoire pour les cogénérations au gaz naturel de plus de 12 mégawatts (MW) ainsi que la compensation des coûts supportés par les acteurs obligés dans le cadre de la mise en œuvre des dispositifs de soutien à la cogénération au gaz naturel, tels que les contrats d’obligation d’achat ou de complément de rémunération.

Les crédits finançant la subvention au Médiateur national de lénergie, autorité administrative indépendante chargée de recommander des solutions aux litiges avec les entreprises du secteur de l’énergie et d’informer les consommateurs sur leurs droits, sont en baisse de 11 % par rapport à 2017. En réalité, si l’on y ajoute les crédits issus du fonds de roulement du Médiateur qui sont disponibles pour l’année à venir (environ 750 000 €), le budget de l’autorité administrative indépendante pour 2018 s’établit à 5,546 M€. Votre rapporteur insiste sur l’importance de ce budget pour le Médiateur qui a vu son champ de compétences s’étendre à plusieurs reprises ces dernières années. La loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique plus sobre a rendu le Médiateur compétent pour résoudre à l’amiable les litiges rencontrés par les professionnels microentreprises et par les consommateurs non professionnels, et pour intervenir dans le cadre de l’exécution des contrats conclus avec un distributeur de gaz naturel ou d’électricité. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique a étendu ses compétences à toutes les énergies domestiques (fioul, GPL, bois énergie, réseaux de chaleur, etc.).

B.   Le Compte d’affectation spéciale « Transition ÉnergÉtique »

Ce compte est divisé en deux programmes : le programme 764 et le programme 765. Son financement est assuré par une part de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE), qui porte sur les produits pétroliers, et de la taxe intérieure sur la consommation de charbon (TICC).

1.   Le programme 765

Évolution des crédits

(En euros)

 

Votés en LFI 2017

(AE et CP)

PLF 2018

(AE et CP)

Soutien aux énergies renouvelables électriques

5 630 300 000

5 424 947 056

Soutien à l’effacement de consommation électrique

0

17 900 000

Soutien à l’injection de biométhane

49 900 000

99 470 167

Fonds d’interconnexion (nouveau)

0

0

Total

5 680 200 000

5 542 317 223

Source : Ministère de l’économie et des finances.

Les crédits consacrés au soutien aux EnR compensent les opérateurs agréés et les fournisseurs historiques (EDF et les entreprises locales de distribution) qui sont tenus de conclure des contrats d’achat de l’électricité produite à partir EnR avec les producteurs éligibles ou des contrats de complément de rémunération avec les entreprises bénéficiaires. Si les crédits consacrés à cette action sont en baisse par rapport à ceux votés lan dernier, ils sont en hausse (+ 626 M€) par rapport à l’estimation effectuée en juillet 2017. Cette augmentation s’explique principalement par celle des capacités installées. En 2018, les charges se répartissent principalement entre filière photovoltaïque (54 %) et filière éolienne (29 %).

Votre rapporteur note que les énergies renouvelables sont désormais en passe de devenir compétitives. Néanmoins, il reprend à son compte la recommandation suivante de la Commission de régulation de l’énergie : afin d’assurer la maîtrise des charges de service public et de permettre un développement efficace des énergies renouvelables, les appels d’offres mériteraient d’être généralisés à l’ensemble des filières matures pour lesquelles le niveau de concurrence est satisfaisant.

Évolution des coûts de production des EnR

Filière

Coûts complets de production

Origine de la donnée

Évolution des coûts complets de production

Photovoltaïque (installations au sol)

55-66 €/MWh

Résultats du dernier appel d’offres CRE 4 sol (2e période)

Baisse annuelle supérieure à 5 %

Éolien terrestre

70-80 €/MWh

Rapport de la CRE sur le coût des énergies renouvelables (2014) et analyse économique interne au ministère

Baisse de l’ordre de 2 % par an

Éolien en mer

100 €/MWh

Benchmark européen

Baisse de l’ordre de 4 % par an

Hydroélectricité

30-50 €/MWh pour de grandes installations au fil de l’eau

70-90 €/MWh pour haute chute et fortes puissance

90-160 €/MWh en basse chute

Travaux menés dans le cadre de l’élaboration de la première PPE

Augmentation des prix ces dernières années sous l’effet des mesures environnementales :

– relèvement des débits réservés (1) (10 % du débit moyen), réduisant la production française de 3 %

– rétablissement de la continuité écologique (passes à poissons, grilles fines, etc.)

Photovoltaïque (installations sur bâtiments)

88-100 €/MWh

Résultats du dernier appel d’offres CRE 4 bâtiments (période 2)

Baisse annuelle comprise entre 5 et 10 %

Biomasse

120 €/MWh

Résultats du dernier appel d’offres (période 1)

Stabilité, voire évolution à la hausse en fonction des contraintes sur la ressource

Biogaz méthanisation

180-230 €/MWh

Résultats du dernier appel d’offres (période 1) et analyse économique interne au ministère pour les plus petites installations

Stabilité, voire évolution à la hausse en fonction des contraintes sur la ressource

Les évaluations de coût par filière sont issues des résultats d’appels d’offres, des analyses de la CRE et d’analyses économiques complémentaires pour certaines filières.

(1) Le débit réservé est le débit minimal obligatoire d’eau que les propriétaires ou gestionnaires d’un ouvrage hydraulique (lac, plan d’eau, barrage, seuil, unité hydroélectrique...) doivent réserver au cours d’eau et au fonctionnement minimal des écosystèmes ainsi qu’à tous les usages de l’eau.

Source : Réponses au questionnaire budgétaire

Les crédits consacrés au soutien à leffacement de consommation électrique correspondent au financement des appels d’offres prévus par la loi relative à la transition énergétique. Ceux-ci font actuellement l’objet d’échanges avec la Commission européenne au titre des aides d’État. Votre rapporteur insiste sur l’importance de lancer ces appels d’offres rapidement, l’effacement contribuant tant à la sécurité d’approvisionnement électrique qu’à la sobriété énergétique.

Les crédits consacrés au soutien à linjection de biométhane couvrent les surcoûts résultant de l’application des contrats de biométhane que les fournisseurs de gaz naturel sont tenus de conclure avec les producteurs éligibles à l’obligation d’achat. À noter que les projets d’injection de biométhane dans les réseaux de gaz bénéficient également d’aides du fonds chaleur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

2.   Le programme 764

Entre 2009 et 2014, les recettes de contribution au service public de l’énergie (CSPE) n’ont pas couvert la totalité des charges de service public de l’électricité et il en résulte un déficit de compensation, supporté par EDF. Le programme 764 finance ce déficit de compensation, en accord avec l’échéancier fixé en 2015.

ÉchÉancier de remboursement

(En millions d’euros)

 

DÉFICIT DE COMPENSATION

restant dû au 31 décembre de lannée n hors intérêts 2015

REMBOURSEMENT EN PRINCIPAL

du déficit précité par le compte daffectation spéciale

« Transition énergétique »

PAIEMENT DES INTÉRÊTS

FUTURS

associés au déficit précité

2015

5 778,9

0

 

2016

5 585,8

194

99,3

2017

4 357,8

1 228

99,5

2018

2 735,8

1 622

87,2

2019

896,8

1 839

62,5

2020

0

896,8

40,61

Total

 

5 772

389,1

Source : Réponses au questionnaire budgétaire.


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III.   Le Compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour l’Électrification rurale » (programmes 793 et 794)

Lorsqu’elles assurent la maîtrise d’ouvrage des travaux de développement du réseau conformément à l’article L.322-6 du code de l’énergie, les autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité (Aode) peuvent recevoir des aides pour la réalisation des travaux portant sur les ouvrages ruraux de ce réseau. Ces aides sont regroupées dans le compte d’affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (FACÉ).

Pour 2018, lenveloppe totale du CAS FACÉ a été portée à 360 M€ (contre 377 M€ les années précédentes ([9])). Votre rapporteur insiste sur l’importance de ces crédits qui participent à une meilleure qualité de la distribution en milieu rural et à une équité de traitement entre zones rurales et urbaines. Il signale également la vigilance dont il faut faire preuve dans le cas des regroupements en communes nouvelles en application de la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). La redistribution de la carte communale se traduit, au regard de critères fondés sur la population communale, par une réduction du nombre des communes éligibles au fonds d’amortissement des charges d’électrification. Dans les faits le regroupement administratif n’ôte pas le caractère rural des communes déléguées et la pertinence à confier aux Aode la maîtrise d’ouvrage des travaux de développement des réseaux électriques.

L’enveloppe du programme principal (programme 793) est de 352,8 M€. Elle est répartie au sein de différents sous-programmes :

– le sous-programme « Renforcement » constitue le premier poste des travaux aidés, il représente 46 % des aides, soit 164,2 M€ en 2018 ;

– un effort particulier est porté sur les sous-programmes « Sécurisation », qui représentent près de 29 % des aides, soit 101,2 M€ en 2018 ;

– les sous-programmes « Extension des réseaux » et « Enfouissement pour raisons esthétiques » sont, respectivement, dotés d’enveloppes de 40,8 et 42,5 M€ ;

– les sous-programmes « Intempéries » et « DUP-THT », qui ont vocation à répondre à des besoins ponctuels, ont des enveloppes beaucoup plus modestes, de 2,4 et 0,5 M€.

Sauf exceptions, ces enveloppes ne sont pas fongibles. Un syndicat qui aurait consommé l’ensemble des aides d’un sous-programme ne peut donc pas financer les travaux de cette catégorie en utilisant les crédits d’un autre sous‑programme. Votre rapporteur fait sienne la proposition d’un récent rapport du Sénat ([10]) consistant à autoriser jusqu’à 30 % de fongibilité des crédits entre les sous-programmes du FACÉ afin d’assurer une gestion plus souple des aides en cours d’année (en cohérence avec la volonté gouvernementale de montant des reports de crédits).

Le programme spécial 794, doté de 7,2 M€, est, lui, destiné à soutenir des opérations particulières d’électrification, notamment les projets de développement d’installations de production décentralisée qui permettent, faute de réseaux, l’électrification de villages isolés dans les départements d’outre-mer.

 


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   Seconde partie : LA DIGITALISATION DU MONDE DE L’ÉNERGIE

   Introduction

Si la digitalisation n’est pas un phénomène spécifique au monde de l’énergie, force est de constater qu’elle y a toute sa place. Cette transformation du secteur énergétique est soutenue par des évolutions technologiques et de nouveaux besoins qui traduisent la mise en place d’un modèle de production et de consommation d’énergie décentralisé et décarboné.

L’un des premiers constats qui s’impose est celui de l’ambivalence intrinsèque à la digitalisation du monde de l’énergie. La révolution numérique peut servir la transition écologique, en réduisant les consommations énergétiques, et en même temps aller à son encontre, en raison des consommations nouvelles qu’elle entraîne pour les besoins de mesure, de transfert et d’utilisation des données. L’institut Négawatt considère que l’apport de la digitalisation reste globalement positif : les économies permises sont trois fois supérieures aux consommations induites.

La digitalisation du secteur de l’énergie est nécessaire et inéluctable, il s’agit de l’accompagner au mieux et de la réguler afin d’en faire une force pour la transition énergétique, l’efficience du système énergétique, la création d’emplois et le développement économique. Ces objectifs font l’objet d’une prise de conscience indéniable chez de nombreux acteurs. Il est donc primordial que le Parlement se saisisse également de ces sujets.

Le présent rapport dresse un diagnostic centré sur les enjeux associés à la digitalisation et établit des recommandations en écho aux constats établis.

Le sujet étant vaste et le calendrier d’examen du projet de loi de finances contraint, les possibilités d’investigations dans le cadre de ce rapport pour avis ont été contraintes. Ainsi, ce rapport ne contient pas les analyses approfondies que sa lecture appelle. Le présent rapport ne revient pas non plus de manière détaillée sur les compteurs Linky ou Gazpar, qui font l’objet de documentations existantes et qui donneront lieu prochainement à une table ronde organisée conjointement par la commission des affaires économiques et l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

Une approche plus fine du sujet pourrait être envisagée dans le cadre d’une mission d’information au cours de la présente législature.


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I.   les Enjeux

La production d’un état des lieux des enjeux associés à la digitalisation du monde de l’énergie est indispensable à l’accompagnement des acteurs concernés par cette transformation. Les évolutions induites reposent sur une production démultipliée de données et touchent l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur énergétique.

A.   une production de donnÉes qui facilite la connaissance des productions et des consommations

La digitalisation a comme première conséquence la production et la circulation d’un très important volume de données.

Les données de production et de consommation sont d’ores et déjà de plus en plus nombreuses en raison de la généralisation du déploiement des compteurs communicants et de la multiplication des capteurs intelligents sur les réseaux. À titre d’exemple, GRTgaz a indiqué à votre rapporteur acquérir 30 millions de données par jour, ce qui nécessite d’ailleurs, de la part de l’entreprise, un investissement important de près de 100 M€ dans son système d’information.

Un certain nombre de textes législatifs et réglementaires ([11]) prévoient le recueil et la mise à disposition de ces données par type d’énergie (gaz, électricité, réseaux de chaleur et de froid) et type d’information (données à la maille IRIS correspondant à des quartiers de 2 000 habitants, à la maille d’un bâtiment ou d’une commune). Les données plus fines, agrégées par exemple sur la base de listes précises de bâtiments, devront être demandées directement aux gestionnaires de réseaux et seront facturées par ces derniers. Afin d’assurer la protection des données individuelles, les données des bâtiments de moins de 11 logements ne peuvent pas faire l’objet d’une diffusion.


DonnÉes disponibles et calendrier de leur publication

Source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

L’ensemble de ces données va bénéficier à l’amélioration de l’aménagement des territoires, à la planification stratégique climat-air-énergie, à la gestion des services publics locaux, à la rénovation énergétique des bâtiments et à la lutte contre la précarité énergétique. Les avantages procurés par les données seront d’autant plus importants que celles-ci seront croisées avec d’autres données existantes.

Un exemple de production de données énergétiques : le projet IssyGrid

Premier site pilote en France d’optimisation énergétique à l’échelle d’un quartier, IssyGrid a été créé en 2012 à l’initiative de la Ville d’Issy-Les Moulineaux et de Bouygues Immobilier.

Une collaboration avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a permis de mettre au point une procédure pour collecter les données de consommation des logements tout en respectant la vie privée des habitants. Ainsi, IssyGrid compile les données horaires des consommations d’électricité pour l’éclairage, le chauffage et d’autres usages spécifiques, par grappe de 10 logements, sans connaître le détail des consommations par logement.

IssyGrid est également un projet collaboratif susceptible d’accueillir les données de particuliers, de sièges sociaux, d’opérateurs, de bornes de recharge de véhicules électriques, d’opérateurs de réseau d’énergie et de commerces afin de les rendre accessibles en open data si les acteurs donnent leur accord.

Si de nombreuses données énergétiques de qualité sont d’ores et déjà disponibles en open data, force est de constater que leur utilisation, par les collectivités territoriales et les start-up, reste marginale. Afin de remédier à cela, un « lab » sur les données énergie verra prochainement le jour. Votre rapporteur se félicite de la mise en place d’une telle initiative, qui permettra d’échanger et de partager cette importante masse d’informations, laquelle représente un gisement à fort potentiel de développement de nouvelles activités. Ce sujet est d’autant plus important que de nombreux acteurs ont souligné, lors des auditions, le manque de lisibilité des textes sur les données non personnelles.

B.   une efficience accrue des infrastructures et des services ÉnergÉtiques

La digitalisation procure un changement de paradigme avec le passage d’une prévisibilité établie sur des modèles prédictifs à une prévisibilité fondée sur les données de production et de consommation. Dès lors, la digitalisation affecte l’ensemble de la chaîne de valeur du monde de l’énergie et devient un atout indéniable pour la transition énergétique.

1.   Une gestion facilitée de la production

La digitalisation a un triple effet sur la production d’énergie.

Tout d’abord, elle procure une amélioration des rendements des technologies énergétiques par un meilleur pilotage embarqué des processus de combustion (chaudières, fours, etc.), de génération d’électricité (mécanique, photovoltaïque, électrochimique) ou de production de chaleur (biomasse, pompes à chaleur).

Ensuite, elle diminue l’incertitude sur les prévisions de production des énergies renouvelables (EnR) variables, et baisse ainsi leurs coûts d’intégration au réseau. La digitalisation peut, par exemple, aider à déterminer les périodes opportunes pour réduire temporairement le niveau d’injection de la production sur le réseau. Enedis évalue les économies qui pourraient être réalisées d’ici 2030 en France sur les coûts d’intégration au réseau à 65 M€ ; somme qui pourrait servir à financer le déploiement de 700 MW d’EnR.

Enfin, par sa dimension prédictive, la digitalisation autorise la maintenance des installations de production d’énergie : les données collectées en temps réel, à partir de capteurs placés aux endroits stratégiques des chaînes de production, permettent la définition de scénarii de défaillance et l’identification des signes avant-coureurs de pannes. Cette faculté ne se limite pas uniquement aux installations de production d’EnR mais concerne plus largement toutes les énergies. À titre d’exemple, EDF conçoit, grâce à des scanners lasers et des photographies 3D, la réalisation de clones virtuels de certains réacteurs du parc nucléaire français. Ces jumeaux numériques permettent de mieux prévoir les arrêts de réacteurs et de coordonner les opérations à réaliser entre les équipes d’EDF, les sous-traitants et les fournisseurs.

2.   Une optimisation de réseaux qui deviennent intelligents

La digitalisation confère de l’intelligence aux réseaux en les dotant d’organes de mesures et d’interprétation des informations qui les caractérisent. Les capteurs et les systèmes informatiques et électromécaniques apportent des capacités de communications bidirectionnelles et, dans certains cas, une possible autonomie en termes de calcul et de gestion des flux et des traitements d’informations, pouvant aller, dans certains cas, jusqu’à l’auto-cicatrisation en cas de panne sur le réseau électrique.

Les réseaux intelligents dits smart grids sont un atout pour la transition énergétique en facilitant l’intégration des sources d’énergies renouvelables. Les réseaux énergétiques actuels, en particulier électriques, sont l’héritage d’un système centralisé. L’apparition de sources de production électrique dispersées et l’injection de ces productions en différents points du réseau sont des facteurs de complexité auxquels le numérique apporte une réponse adaptée.

La digitalisation facilite l’optimisation du dimensionnement des réseaux, aujourd’hui largement surdimensionnés pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement, en permettant, notamment, d’exploiter les flexibilités qui existent en période de pointes de consommation ou de production. Différents exemples concourant à l’optimisation ont été présentés lors des auditions : décalages temporels de process industriels énergivores (effacement industriel), coupures temporaires du chauffage (effacement résidentiel, dit « diffus »), stockage d’une partie de l’énergie produite ou abaissement volontaire de la production selon les contraintes pesant sur les réseaux.

Si les réseaux intelligents apportent de nombreux bénéfices (diminution de l’énergie non distribuée et/ou non injectée, réduction des pertes sur les réseaux, investissements reportés ou évités, etc.), ils engendrent également des coûts relativement importants (instrumentation et équipements, systèmes d’informations, compétences dédiées, etc.). De nombreuses expérimentations sont aujourd’hui en cours afin de mettre en place des solutions technologiques économiquement, socialement et écologiquement pertinentes et réplicables à grande échelle. D’après une récente étude ([12]), les avantages l’emportent largement sur les coûts : à l’horizon 2030, les réseaux électriques intelligents apporteront, en France ([13]), des bénéfices nets de l’ordre de 400 M€/an.

Les bénéfices des technologies du numérique ne se limitent pas aux seuls réseaux électriques. Les réseaux gaz sont aussi concernés ; des outils intelligents permettent de contrôler à distance la qualité du gaz en entrée du réseau et la pression ou l’écoulement dans les conduites, facilitant l’injection de productions décentralisées. La digitalisation permet également une synergie entre réseaux : les réseaux de gaz interviennent en soutien aux réseaux électriques grâce à la micro‑cogénération, à l’effacement électrique par les pompes à chaleur hybrides ou grâce au développement du power to gas consistant à convertir de l’électricité en hydrogène par électrolyse.

Les réseaux d’énergies intelligents, leurs interconnexions et l’intégration des EnR, une clEf pour l’optimisation des consommations dans les bÂtiments

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : CRE

3.   De nouvelles perspectives pour le stockage des énergies

Les solutions de stockage peuvent rendre de nombreux services au système électrique : équilibrage à court terme, décalage temporel des injections sur le réseau pour bénéficier des différences de tarification, gestion des congestions sur les réseaux de transport et de distribution, etc.

Le stockage est un véritable défi pour la transition énergétique et fait l’objet de nombreux projets de R&D. Les solutions de stockage par batteries électrochimiques (notamment Li-ion) connaissent des progrès techniques importants.

Plusieurs acteurs auditionnés ont souligné l’importance du véhicule électrique comme l’une des solutions de stockage de l’électricité. En période de forte demande, lorsque le véhicule est branché, l’électricité stockée dans la batterie du véhicule peut être injectée sur le réseau.

Si la digitalisation est bien de nature à faciliter le stockage de l’énergie, le sujet doit encore faire l’objet d’investigations et d’investissements en R&D afin de produire les évolutions techniques et les ruptures technologiques nécessaires au déploiement opérationnel du stockage de l’énergie, notamment électrique.

4.   Des bénéfices pour les consommateurs

La digitalisation est également une opportunité pour la maîtrise et l’optimisation des consommations d’énergies. En améliorant le fonctionnement de nombreux équipements, elle agit comme levier de l’efficacité énergétique, qui consiste à réduire la consommation unitaire d’énergie des équipements, sans que l’utilisateur ait à modifier ses pratiques.

Mais la digitalisation peut également agir comme levier de la sobriété énergétique en modifiant les habitudes et les pratiques des consommateurs. Des sociétés de services, notamment spécialisées en domotique, proposent désormais une valorisation des données converties en économies d’énergies avec, dans certains cas, intéressement pour le consommateur. Sans obligatoirement avoir recours à de tels services, les consommateurs ont à leur disposition des applications mobiles pour les aider à connaître leurs consommations et donc à mieux les maîtriser. À titre d’exemple, EDF distribue différentes applications : « EDF et moi » destinée aux particuliers, d’ores et déjà téléchargée 4,5 millions de fois, « EDF Entreprises » réservée aux entreprises et d’autres applications personnalisées pour ses grands clients.

C.   Une digitalisation qui impose de sécuriser Les infrastructures et Les donnÉes

Le sujet de la sécurisation d’un monde de l’énergie digitalisé impose de distinguer :

– la sécurité des données personnelles susceptibles de susciter la convoitise à grande échelle (revente de fichiers) ou au niveau individuel (indices de présence dans les habitations) ;

– la sécurité des systèmes et des infrastructures énergétiques. La complexité du monde de l’énergie et de ses interdépendances est croissante, ce qui augmente les vulnérabilités du système énergétique et donc les risques de cyber‑attaques.

Le scénario baptisé Horus ([14]) du chercheur néerlandais Willem Westerhof, est révélateur des enjeux de cybersécurité auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. D’après lui, des failles dans les onduleurs des panneaux solaires permettraient de mettre en œuvre une attaque coordonnée à l’échelle européenne sur les équipements photovoltaïques. Les risques de cyber attaques dans le monde de l’énergie ne relèvent pas uniquement du champ du vraisemblable et du possible. En 2012, l’entreprise pétrolière Saudi Aramco a fait l’objet d’une cyberattaque qui aurait effacé les contenus de 30 000 disques durs et permis le vol de données jugées sensibles ([15]). En décembre 2016, le réseau électrique de Kiev en Ukraine a été piraté, plongeant un cinquième de la ville dans le noir. Selon les deux entreprises de cybersécurité Eset et Drago Inc., le programme malveillant, ou malware, des hackers aurait analysé comment le réseau fonctionnait et lui aurait envoyé des données enclenchant la coupure de courant, qui a dû être rétabli manuellement par les autorités.

La France est l’un des premiers pays à avoir mis en place un dispositif de cybersécurité efficace, soutenable pour les opérateurs et obligatoire, afin de protéger les infrastructures critiques présentes sur son territoire. Un arrêté ([16]) établit une liste de douze secteurs d’activité d’importance vitale (SAIV) produisant des biens ou des services indispensables à la Nation. Au sein de ces secteurs ont été identifiés des opérateurs d’importance vitale (OIV) qui ont pour responsabilité la gestion de systèmes d’informations d’importance vitale (SIIV). La loi de programmation militaire de 2013 a considérablement renforcé ce dispositif. Désormais, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), créée en 2009 ([17]) sous la forme d’un service à compétence nationale peut, au nom du Premier ministre, imposer aux OIV des mesures de sécurité et des contrôles de leurs systèmes d’information les plus critiques.

Comme les autres secteurs d’activité, celui de l’énergie est assujetti à ce dispositif interministériel. Ses spécificités peuvent en effet faire de lui une cible privilégiée : les déséquilibres se propagent très rapidement et de manière systémique (l’ANSSI parle de « méta OIV » pouvant provoquer des dysfonctionnements sur d’autres OIV par effet domino), notamment en raison des interconnexions avec les autres pays européens.

Votre rapporteur souligne, au regard des constats précédents, le risque accru pour les plus petites structures, véritables maillons critiques du système en raison de moyens dédiés insuffisants et d’une culture de la sécurité informatique restant à approfondir.

D.   un fort potentiel d’emplois et des besoins croissants en compÉtences spÉcifiques

Le numérique entraîne des modifications dans le secteur de l’énergie comme dans l’ensemble de l’économie. Comme l’indique le récent rapport de France Stratégie ([18]), la digitalisation engendre une dynamique positive en termes de création d’emplois qu’il n’est pas facile de quantifier mais qu’il est nécessaire d’anticiper.

1.   Une digitalisation à fort potentiel en emplois

S’il est difficile de connaître avec certitude le nombre d’emplois qui seront créés demain dans le secteur de l’énergie, force est de constater que les activités liées au numérique sont en croissance. Ainsi, GRTgaz a indiqué de nouveau exercer en interne des activités liées au digital qui avaient pu être externalisées par le passé et créer chaque année des postes dans ce domaine ([19]). Entre 2015 et 2020, la filière des réseaux intelligents estime être en capacité de doubler son chiffre d’affaires sur le territoire national, d’augmenter considérablement les exportations liées aux compteurs communicants et à l’exploitation des réseaux ; à cette fin elle évalue entre 15 000 à 25 000 la création de postes en France. Au moment de l’appel à projets en 2016, les porteurs du projet Smile (SMart Ideas to Link Energies) évaluaient à 10 000 les créations induites d’emplois, directs ou indirects, sur les régions ([20]) Bretagne et Pays de la Loire.

D’après l’Ademe, le secteur de l’énergie devrait être d’autant plus créateur de valeur et d’emplois que la digitalisation facilite les interactions entre services (éclairage public, stationnement, circulation, vidéo-protection, etc.).

2.   Les atouts français pour faire de la digitalisation un vecteur de croissance

La France possède un tissu structuré d’acteurs importants dans le monde de l’énergie, notamment ses gestionnaires de réseaux, à même d’effectuer les investissements nécessaires dans la digitalisation. D’après le Joint Research Centre ([21]), la France est ainsi aujourd’hui le premier pays européen en termes de budget annuel de R&D alloué aux réseaux électriques intelligents.

La France bénéficie également d’un écosystème foisonnant dans le domaine du numérique, mis en valeur par l’initiative French Tech et répondant à des demandes sociétales fortes. Des start-up de plus en plus nombreuses se spécialisent ainsi dans la digitalisation de l’énergie.

Une start-up innovante : l’exemple de meteo*Swift

Créée il y a deux ans, la start-up meteo*swift analyse les conditions météorologiques et les capacités de production des parcs éoliens pour réduire les incertitudes associées à leur production d’électricité. L’entreprise travaille sur trois axes principaux : la prévision de la production éolienne, la stratégie de vente d’électricité éolienne sur les marchés et l’analyse de données de terrain pour aider au suivi d’exploitation. Ces travaux nécessitent des compétences dans des domaines aussi larges que la météorologie, la mécanique des fluides, les statistiques ou l’intelligence artificielle liée au Big data.

Meteo*swift a signé des contrats avec d’importants exploitants de parcs éoliens (dont Boralex, présent en France, aux États-Unis et au Canada), des agrégateurs de production électrique (Solvay) et un grand groupe allemand (Uniper). Huit personnes ont été recrutées en deux ans et le chiffre d’affaires de la start-up a progressé de 8 000 à 300 000 euros entre 2016 et 2017. Cette croissance a été facilitée par une collaboration R&D de deux ans avec le Centre national de la recherche météorologique (CNRM) ainsi que par l’obtention de récompenses nationales et internationales. Le développement de la start-up à l’international est en cours et devrait être facilité par une première levée de fonds fin 2017.

Les approches partenariales entre acteurs historiques et start-up sur le thème de la digitalisation sont importantes. De grandes entreprises accompagnent le développement de plus petites structures économiques spécialisées dans les services énergétiques, à l’image d’EDF qui a créé trois filiales consacrées à la maison connectée (la start-up Sowee), à l’agrégation au service des producteurs d’électricité et des entreprises (la start-up Agregio) ou à la prédiction des productions (la start-up Store & Forecast).

Les collaborations avec les centres de recherche sont également à souligner. Dix pôles de compétitivité spécialisés dans le domaine de l’énergie et des technologies de l’information et de la communication ont ainsi créé dès 2012 « l’Interpôles SmartGrids French Clusters », un dispositif de collaboration et de concertation ayant pour objectif le développement et la valorisation de la filière française des réseaux intelligents. Dans le domaine des systèmes électriques intelligents, cinq appels à projets ont été lancés depuis 2009 avec pour objectifs l’anticipation et l’adaptation des réseaux électriques de distribution face au déploiement des véhicules électriques, l’approfondissement des flexibilités apportées par les différents vecteurs énergétiques, l’élaboration de synergies entre les offres destinées aux consommateurs, le développement de territoires électriques de demain et le déploiement de solutions adaptées aux marchés à l’export.

Le projet Smile (SMart Ideas to Link Energies)

Le projet Smile est un projet interrégional, porté par la Bretagne et les Pays de la Loire, qui consiste à développer à grande échelle les réseaux électriques intelligents dans l’Ouest de la France à horizon 2020. Deux démonstrateurs sont déjà lancés (Solenn à Lorient et Smart Grid Vendée) et 17 projets de territoires sont en cours d’élaboration.

Le démonstrateur Smart Grid Vendée, qui s’étend sur l’ensemble du territoire vendéen, est l’un des seuls projets mondiaux à tester l’intégralité de la chaîne, du producteur d’énergie éolien ou photovoltaïque au consommateur final (bâtiments et éclairage publics) en passant par les réseaux de distribution.

3.   Des compétences à valoriser et des formations à mettre en place

Votre rapporteur souhaite ici relayer les propos récurrents tenus par les personnes auditionnées mettant en avant les difficultés rencontrées pour trouver les bons profils et attirer les talents dans le domaine de la programmation (développeurs, ingénieurs étude et développement, architectes logiciel), de l’intelligence artificielle et de la donnée (administrateurs de bases de données, data analyst et data scientist), des infrastructures, clouds, réseaux et data centers, de la maintenance et de l’ergonomie des interfaces des logiciels et applications.

Certes, certaines formations existent d’ores et déjà à l’image de la formation de niveau diplôme bac + 5 dédiée aux smart grids mise en place dans le cadre de Smart grid Vendée. D’autres formations mériteraient d’être mises en œuvre, tant pour permettre aux entreprises de trouver les compétences dont elles ont besoin que pour aider les jeunes à se former à des métiers d’avenir fortement créatifs et à même d’offrir des conditions de rémunération relativement attractives. Pour cela, votre rapporteur note l’importance de décloisonner les disciplines et d’associer, au sein d’une même formation, énergie et sciences des données.

E.   Quid d’une Éventuelle ubÉrisation du monde de l’Énergie ?

Le sujet de la digitalisation étant intrinsèquement lié aux échanges d’informations, la question de l’ubérisation ([22]) du monde de l’énergie est apparue comme un point important à examiner. Cependant, la multiplicité des sujets évoqués lors des auditions n’a pas permis de centrer les échanges sur ce seul sujet au-delà de premières pistes de réflexions, non exhaustives, dont les grandes lignes sont synthétisées ci-après.

Une définition possible de l’ubérisation, établie à partir des éléments fournis par l’ensemble des personnes auditionnées, pourrait être la suivante : processus disruptif par lequel un modèle économique basé sur les technologies digitales entre en concurrence frontale avec une économie classique. Cela recouvre une diversité de situations. Souvent, l’ubérisation se produit sur des marchés importants où les marges sont relativement élevées.

Lors des auditions, le sujet de l’ubérisation a souvent été relié à celui des objets connectés. Des offres innovantes, qui reposent sur la constitution de plates‑formes numériques, ainsi que sur des applications dédiées, créent en effet de nouvelles formes de relations entre clients et fournisseurs selon un modèle de rémunération des économies d’énergies (directement ou via des offres domotiques globales) et/ou d’achat groupé. Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont susceptibles de se positionner sur ces marchés, à l’image de Google qui a créé une filiale, Nest, spécialisée dans les thermostats intelligents.

Il ne faut pas pour autant opposer acteurs historiques et nouveaux entrants, les acteurs traditionnels possédant de nombreux atouts pour tirer parti de la digitalisation, en particulier un immense patrimoine de données, une bonne expérience du secteur et une connaissance approfondie des métiers. Il reste également important de se rappeler que, derrière des considérations virtuelles et digitales, les contraintes physiques de l’action en temps réel demeurent et viendront interférer avec d’éventuels processus d’ubérisation.

II.   Perspectives et propositions

L’ambition de l’État doit être d’accompagner l’ensemble des acteurs pour faire de cette digitalisation de l’énergie un levier de croissance économique bénéficiant également à la lutte contre le changement climatique et la précarité énergétique.

A.   garantir la sécuritÉ des donnÉes

Il est indispensable d’engager une réelle réflexion sur les données que la digitalisation procure. L’État doit être le garant de leur sécurisation ; d’autres acteurs étant susceptibles de faire naître de la méfiance.

1.   Par une réelle gouvernance des données énergétiques

Dans une récente délibération ([23]), la Commission de régulation de l’énergie (CRE) appelle à la création d’une gouvernance en matière de données énergétiques. À ce sujet, votre rapporteur se félicite de la création, par les gestionnaires de réseaux, de plateformes de données partiellement mutualisées mais insiste sur l’importance d’y rassembler tant les données relatives au transport qu’à la distribution de gaz et d’électricité.

La gouvernance des données énergétiques mériterait d’être placée sous l’égide des pouvoirs publics et de regrouper l’ensemble des acteurs compétents. Dans ce contexte, votre rapporteur insiste sur le fait que les autorités organisatrices de la distribution d’énergie, propriétaires des réseaux publics de distribution ainsi que des compteurs d’électricité, font partie des acteurs incontournables dans l’organisation de ce futur schéma de service public de la donnée, et ce d’autant plus qu’ils détiennent des informations sur leurs réseaux et infrastructures.

2.   Par une meilleure prise en compte des enjeux de cybersécurité

Les questions de sécurité informatique ne doivent pas rester des problèmes d’informaticiens mais doivent être prises en compte au plus haut niveau de décision des acteurs publics et privés, notamment dans les structures les plus petites et les plus vulnérables. Votre rapporteur insiste sur la nécessité de mettre en place davantage de formations en cybersécurité et de sensibiliser l’ensemble des acteurs, entreprises comme salariés, à tous niveaux de responsabilité. Entre 2014 et 2016, les offres d’emploi en cybersécurité diffusées par l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) auraient été multipliées par quatre mais seuls 1 200 des 6 000 postes ouverts en 2016 auraient été pourvus, selon l’ANSSI.

D’un point de vue stratégique, votre rapporteur insiste sur le fait que l’ANSSI doit être en mesure de recruter les meilleurs talents par une politique salariale attractive doublée de la mise en place de formations internes appuyant la montée en compétences.

Afin de mieux prendre en compte des enjeux de cybersécurité, l’ANSSI pourrait systématiquement fournir un accompagnement dédié, collaboratif et ciblé pour les grands projets, comme elle a pu le faire pour Linky.

B.   accompagner les acteurs Économiques

L’État doit pouvoir accompagner tant les grandes entreprises de l’énergie que celles du numérique et faire en sorte que le poids des normes et de la réglementation ne freine pas un domaine à fort potentiel de développement économique.

1.   Par davantage de R&D publique et privée

Le soutien aux innovations, qui sont ensuite reprises et prolongées par les entreprises du secteur et les grands opérateurs, est primordial. Votre rapporteur insiste sur l’importance de reconduire, dans le cadre du PIA 3, les thématiques consacrées à la numérisation du monde de l’énergie en visant à maximiser les perspectives de développement et d’industrialisation des solutions proposées. Ces thématiques ont été fortement prises en compte par les PIA 1 et 2. Au 1er septembre 2017, dans le domaine des systèmes électriques intelligents, 42 projets ont été soutenus pour un montant de 119,1 M€. Les solutions testées dans ce cadre ont fait l’objet d’un bilan rendu public par l’Ademe en octobre 2016 ([24]). 11 projets de stockage de l’énergie ont été soutenus pour un montant d’aide total de 64 M€ dont deux prises de participation de l’Ademe dans des entreprises du secteur de l’hydrogène (Mc Phy et Areva H2 Gen). À noter que les interactions entre ces projets financés peuvent être importantes.

Votre rapporteur attire également l’attention sur le fait que les investissements de digitalisation, réalisés notamment par les gestionnaires de réseaux, doivent pouvoir trouver une source de financement. Ils ne peuvent pas être uniquement vus comme des dépenses additionnelles que le client ne devrait pas payer : cette digitalisation peut, en effet, correspondre sous certaines de ses formes à des besoins des clients.

2.   Par la mise en place d’un plan de formation ambitieux aux métiers de la transition énergétique

La loi relative à la transition énergétique prévoit dans son article 182 que l’État élabore un plan de programmation de l’emploi et des compétences tenant compte des orientations fixées par la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Les précédents ministres de l’environnement, de l’énergie et de la mer et du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ont écrit, en août 2016, au président du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP) pour le charger de développer ce plan. Malheureusement, le CNEFOP n’a pas donné suite à cette mission. Votre rapporteur souligne l’importance pour le Gouvernement actuel de relancer une réflexion sur ce sujet.

C.   Des points de vigilance

Des points de vigilance doivent être pris en compte lors de l’accompagnement de la digitalisation du monde de l’énergie.

1.   Veiller à ce que la digitalisation ne soit pas porteuse de différences de traitements entre les territoires

La digitalisation du monde de l’énergie, en facilitant l’intégration, le pilotage et la baisse des coûts des installations décentralisées devrait, en principe, contribuer à la diffusion territoriale des installations, et par voie de conséquence à la redynamisation des territoires ruraux.

Certains acteurs auditionnés par votre rapporteur ont toutefois dit craindre des déséquilibres dans le processus de digitalisation entre territoires ruraux et urbains. Un certain nombre de métropoles, qui disposent d’importants moyens financiers et humains, ont ainsi d’ores et déjà créé des plateformes territoriales afin de mettre à la disposition de leurs citoyens un grand nombre de données. Il est important de veiller à éviter les fractures numériques. Votre rapporteur insiste sur l’importance du fibrage du territoire afin de permettre la remontée de données en temps réel et la mise en place de réseaux intelligents sur l’ensemble du territoire national, sans distinction entre les zones rurales et urbaines. Il se félicite des projets en cours visant à s’assurer que l’ensemble des territoires profitent effectivement de cette digitalisation, y compris les zones les plus rurales, à l’image du projet « Smart Occitania ([25]) » accompagné par l’Ademe.

2.   Veiller à certains effets potentiellement négatifs de la digitalisation

La digitalisation est utile à l’autoconsommation en facilitant la connaissance du productible, de la part consommée et de l’éventuel surplus injectable sur le réseau. Au-delà de sa contribution à la décarbonatation de l’énergie, l’autoconsommation est séduisante par le bénéfice financier individuel qu’elle procure. Cependant, il est important d’anticiper les risques économiques induits par son éventuelle généralisation. En effet, suite à une généralisation de l’autoconsommation, les coûts fixent nécessaires à la gestion et à l’entretien des réseaux publics ne seront plus couverts par le prix payé pour l’électricité consommée sur le réseau. L’amortissement du réseau perdrait en certitude. La généralisation de l’autoconsommation ne peut donc être envisagée sans une approche systémique de l’économie du réseau.

Votre rapporteur insiste donc sur la nécessité de prévoir une tarification spécifique pour l’autoconsommation, voire un rééquilibrage de la structure tarifaire de l’énergie afin d’intégrer les coûts des services stratégiques et d’intérêt général rendus par les réseaux.

Ce paragraphe est également l’occasion de rappeler que la digitalisation ne saurait être l’unique vecteur de la transition énergétique. Les solutions permises par la digitalisation en matière de maîtrise des consommations énergétiques ne doivent pas faire oublier que d’autres actions sont efficaces, notamment celles portant sur l’enveloppe des bâtiments.

3.   Veiller à mettre en place des tiers de confiance

La digitalisation de l’énergie interroge sur les évolutions économiques et sociétales qu’elle va provoquer. Il est indispensable de rassurer et réconcilier celles et ceux qui restent sceptiques ou frileux vis-à-vis de telles perspectives, notamment en les sensibilisant et en les informant sur les atouts des usages des outils numériques. Des tiers de confiance publics peuvent jouer ce rôle.

Sur ce même sujet des tiers de confiance, certaines innovations comme le développement des blockchains pourraient se traduire, dans le domaine de l’énergie, par leur disparition (Aode notamment). Il s’agit là d’un sujet stratégique qui ne doit pas être négligé. Les tiers de confiance traditionnels doivent être rendus complémentaires et non pas concurrents de ces nouvelles innovations. Ce sujet pourrait être évoqué dans le cadre de la future mission d’information sur les blockchains, qui devrait débuter en 2018.

 


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   Examen en commission

Dans le cadre de la commission élargie du mardi 31 octobre 2017, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de M. Yves Blein (Économie sociale et solidaire) et de M. Philippe Bolo (Énergie), les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du mardi 31 octobre 2017, sur le site internet de l’Assemblée nationale ([26]).

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*     *

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

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La commission examine l’amendement II-CE 9.

M. Mickael Nogal. Je suis saisi d’un amendement de crédit de monsieur le rapporteur Yves Blein.

M. Yves Blein. Il s’agit simplement de rétablir les crédits des dispositifs locaux d’accompagnement. J’ai souligné dans mon rapport qu’ils ont été diminués de 17 %, ce qui représente un montant modeste de 1,8 million d’euros. Mais ce montant risque de manquer cruellement aux dispositifs locaux d’accompagnement, d’autant qu’il est complété par des fonds issus du fonds social européen et de la Caisse des dépôts et consignations, qui baisseront leur contribution si l’État baisse la sienne. De plus, il y a fort à parier que les régions qui participent au financement de ce dispositif baissent leur contribution à due proportion des crédits de l’État. Le résultat serait assez catastrophique pour le maintien de ces dispositifs qui sont essentiels pour la vie associative dans les territoires. Je vous invite donc à adopter cet amendement qui réattribue 1,8 million d’euros aux dispositifs locaux d’accompagnement au sein de cette mission.

L’amendement II-CE 9 est adopté.

Conformément aux avis favorables de M. Yves Blein, rapporteur pour avis sur les crédits « Économie sociale et solidaire », et de M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie », la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».


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   Liste des personnes auditionnÉes

Cabinet du ministre de la transition écologique et solidaire

– M. Thomas Lesueur, directeur adjoint de cabinet chargé du budget, des finances, des relations sociales et de l’économie sociale et solidaire

Direction générale de lénergie et du climat (DGEC)

– Mme Virginie Schwarz, directrice de l’énergie

– M. Laurent Grave-Raulin, conseiller parlementaire et relations avec les élus au cabinet

IssyGrid

– M. Olivier Sellès, responsable du projet

GRTgaz *

– M. Olivier Aubert, directeur de l’offre

– Mme Agnès Boulard, responsable des relations institutionnelles

Institut Négawatt

– M. Yves Marignac, porte-parole

Projet Smile (Smart Ideas to Link Energies)

– M. Jean-Louis Bergey, directeur de la transition énergétique et de l’environnement au conseil régional des Pays de la Loire

– M. Maurice Perrion, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire

– M. Olivier Duhagon, directeur régional Loire Atlantique d’Enedis

– M. Bernard Laurans, directeur régional Bretagne d’Enedis

– M. Dominique Viou, responsable grands projets d’Enedis

– Pierre Guelman, directeur des affaires publiques d’Enedis

Agence nationale de la sécurité des systèmes dinformation (ANSSI)

– M. Vincent Strubel, sous-directeur expertise

Commission de régulation de lénergie (CRE)

– M. Brice Bohuon, directeur général

– M. David Epelbaum, chargé de mission à la direction des réseaux

– Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles

Enedis

– M. Thierry Sudret, directeur des projets Smart Grids

– M. Jean Charles Monnet, directeur de la fabrique numérique

– M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques

meteo*swift

– Mme Morgane Barthod, fondatrice

GRDF *

– M. Jean Lemaistre, directeur général adjoint

– Mme Muriel Oheix, chargée de mission relations institutionnelles et parlementaires

EDF

– M. François Gonczi, directeur numérique

– M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)

– M. Pascal Sokoloff, directeur général

– M. Charles-Antoine Gautier, chef du département énergie

Association Think Smartgrids

– M. Hugues de Bantel, vice-président

– Mme Nadia Maizi, présidente de la commission formation

Contributions écrites :

– l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants dintérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants dintérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) À noter qu’une part de cette hausse s’explique par la budgétisation des crédits consacrés à l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) puisqu’à compter de 2018, elle ne sera plus financée par le produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) mais par le programme 181 « prévention des risques ».

([2]) Les opérations de déstockage sont aujourd’hui bien avancées puisque 91 % de la masse de mercure contenue dans les déchets a pu être retirée, malgré les difficultés rencontrées depuis le démarrage des opérations de retrait des déchets mercuriels et arséniés, en raison notamment des phénomènes de décollement du toit des galeries souterraines et des risques d’éboulement, entraînant un ralentissement significatif de la cadence de déstockage des déchets.

([3]) CE, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre France.

([4]) Les zones administratives de surveillance de la qualité de l’air concernées sont les suivantes : la zone urbaine régionale (ZUR) Rhône-Alpes, Paris Île-de-France, Marseille Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Toulon Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Nice Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Saint-Etienne Rhône-Alpes, Grenoble Rhône-Alpes, Lyon Rhône-Alpes, Strasbourg Alsace, Montpellier Languedoc-Roussillon, la ZUR Champagne-Ardenne, Toulouse Midi-Pyrénées et la ZUR Martinique.

([5]) Source : Ministère de la transition écologique et solidaire ; Champ : France métropolitaine et outre-mer, hors utilisation des terres, leur changement et la forêt (UTCF).

([6]) Lors de l’examen du texte en première lecture en séance publique à l’Assemblée nationale, un amendement de suppression de l’article 8 (n° I-1357), déposé par le Gouvernement afin de reporter le recentrage du CITE au 1er janvier 2018 et de déplacer l’examen de l’article en seconde partie du PLF, a été adopté.

([7]) À noter que le chèque énergie n’entre pas dans le périmètre des charges de service public de l’énergie.

([8]) Le chèque énergie a été expérimenté en 2016 et 2017, dans 4 départements (Ardèche, Aveyron, Pas‑de‑Calais, Côtes d’Armor) auprès d’environ 170 000 bénéficiaires.

([9]) Depuis 2012, la consommation de crédits de paiements est inférieure au montant des autorisations d’engagement ouvertes au titre de l'année. La baisse de 4,7 % du montant des crédits du FACÉ pour 2018 doit, selon le Ministère, permettre de limiter le montant des reports de crédits.

([10]) Rapport d'information n° 422 de M. Jacques Genest, fait au nom de la commission des finances ‑ 15 février 2017 : https://www.senat.fr/rap/r16-422/r16-422.html

([11]) L’article 179 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fait l’objet de deux textes d’application : le décret n° 2016-973 du 18 juillet 2016 relatif à la mise à disposition des personnes publiques de données relatives au transport, à la distribution et à la production d'électricité, de gaz naturel et de biométhane, de produits pétroliers et de chaleur et de froid et l’arrêté du 18 juillet 2016 fixant les modalités de transmission de ces données. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique complète la dynamique d’ouverture des données énergétiques en prévoyant un service public de la donnée et la mise à disposition du public des données détaillées de comptage des gestionnaires des réseaux d’électricité et de gaz naturel.

([12]) « Valorisation socio-économique des réseaux électriques intelligents », de l’ADEef, Enedis, Ademe et RTE, juillet 2017 : http://www.rte-france.com/sites/default/files/rei_synthese-commune_2017.pdf

([13]) L’étude quantifie la valeur économique des solutions smart grids sans considérer la répartition de la valeur entre les différents acteurs du système électrique.

([14]) https://horusscenario.com/

([15]) http://econflicts.blogspot.fr/2012/09/news-cyber-attaque-contre-saudi-aramco.html

([16]) Arrêté du 2 juin 2006 fixant la liste des secteurs d'activités d'importance vitale et désignant les ministres coordonnateurs desdits secteurs.

([17]) Décret n° 2009-834 du 7 juillet 2009.

([18]) « Vision prospective partagée des emplois et des compétences – La filière du numérique », France Stratégie, 2017.

([19]) Depuis 2016, GRTgaz a notamment recruté quatre responsables de produits (product manager) sur des activités aussi diverses que la diffusion de la culture digitale, l’utilisation de méthodes innovantes, la valorisation des données, le développement d’algorithmes prédictifs et la fabrication de produits digitaux.

([20]) Voir l’encadré relatif au projet Smile à la page 28 du présent rapport.

([21]) http://ses.jrc.ec.europa.eu/smart-grids-observatory

([22]) Néologisme formé à partir du nom de la société Uber.

([23]) Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 15 juin 2017 portant adoption et communication du rapport du comité d’études relatif aux données dont disposent les gestionnaires de réseaux et d’infrastructures d’énergie.

([24]) http://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2016/10/systemes-electriques-intelligents-premiers-resultats-demonstrateurs-010039-rapport.pdf

([25]) Le projet Smart Occitania, de réseau électrique intelligent en milieu rural sur l'ensemble du territoire de la région Occitanie, s'appuie sur l'infrastructure de réseau de distribution électrique enrichie d'une infrastructure télécom innovante.

([26])  http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/cr/