Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Demande d’attribution à la commission des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête en application de l’article 5 ter de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires 2
– Examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) 7
– présences en réunion...........................31
Mercredi
16 octobre 2024
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 015
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel, Président
— 1 —
La commission demande l’attribution à la commission des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête en application de l’article 5 ter de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires
M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, comme je l’avais annoncé lors de l’audition de M. Pierre Moscovici, le 10 octobre dernier, je vous propose de demander que la commission des finances soit dotée, pour une durée de six mois, des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, ainsi que le permet l’article 5 ter de l’ordonnance 58-1100 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, afin d’étudier les causes de la variabilité des prévisions fiscales et budgétaires et l’évolution des déficits publics ces dernières années, plus particulièrement depuis dix-huit mois.
Lors de leur audition, le 11 octobre, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et celui du budget et des comptes publics ont confirmé l’intérêt de cette demande. Voici ce que M. Antoine Armand a déclaré : « Je souhaite que nous puissions améliorer la qualité de nos prévisions et du suivi de nos comptes. Je sais que ce sujet a été beaucoup discuté au sein de votre commission et que de nombreuses questions ont été posées s’agissant des écarts de prévisions, tant en dépenses qu’en recettes, sur le budget de l’État en 2023 et 2024. Personne n’a rien à cacher : toute la transparence sera faite et toutes les informations nécessaires seront communiquées à la représentation nationale. Une mission de l’Inspection générale des finances (IGF) a été diligentée pour rechercher les causes de ces écarts ; elle a rendu ses conclusions à l’été 2024 et, même si d’autres écarts ont été constatés depuis, il nous reste à en tirer les conséquences opérationnelles dans l’organisation des services et de leurs travaux. Sur la base de ce rapport, nous lancerons conjointement, en associant la représentation nationale – si elle le souhaite –, un plan d’action visant à améliorer la qualité et la transparence des prévisions de finances publiques. L’objectif est que nous disposions en permanence du diagnostic le plus actualisé possible, s’agissant tant du suivi des dépenses que des prévisions de recettes. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, nous vous présenterons un point d’étape sur le renforcement de ces outils et des procédures de prévision avant la fin de l’année 2024. »
Laurent Saint-Martin a pour sa part indiqué : « Il me semble indispensable que vous puissiez disposer, plusieurs fois par an et non pas uniquement lors du dépôt des textes financiers, d’états de situation précis et récents sur l’ensemble des administrations publiques (APU) : État, collectivités territoriales, administrations de sécurité sociale. Il est nécessaire qu’un mécanisme d’alerte puisse permettre d’anticiper d’éventuels dérapages et surtout les débats que nous devons avoir ensemble. Il y va du bon pilotage de nos finances publiques et de la qualité de l’autorisation parlementaire et de l’évaluation que vous ferez au printemps. »
J’ai lu dans la presse que leurs prédécesseurs étaient aussi très intéressés par une telle commission d’enquête et se tiendraient à sa disposition. L’intérêt de mener ce travail me semble donc établi.
La procédure est connue ; elle a été mise en œuvre à deux reprises dans la dernière décennie, par la commission des lois, en 2015 puis en 2018. Les commissions permanentes y ont eu recours plus fréquemment au Sénat : à dix reprises au cours de la même période. Si la commission approuve cette demande, j’adresserai, dès l’issue de cette réunion, une lettre à la présidente de l’Assemblée nationale qui, conformément à l’article l45-2 du règlement de l’Assemblée nationale, saisira immédiatement le garde des sceaux, afin de s’assurer qu’aucune poursuite judiciaire en cours ne s’y oppose.
En vertu de l’article 145-3 du règlement, la demande sera affichée et notifiée au Gouvernement et aux présidents des groupes et des commissions. Si, avant la deuxième séance suivant cet affichage, la présidente de l’Assemblée n’est saisie d’aucune opposition par le Gouvernement, un président de commission ou un président de groupe, la demande sera considérée comme adoptée. Dès lors, la commission des finances pourra faire usage des pouvoirs d’une commission d’enquête – pouvoirs spéciaux, auditions sous serment. Ce sera une première pour elle. Les modalités de publicité des travaux de la commission siégeant en commission d’enquête seront fixées par son bureau.
Par ailleurs, la conférence des présidents a envisagé que les travaux puissent être rapportés par un binôme de rapporteurs, l’un appartenant à la majorité et l’autre à un groupe d’opposition. Étant donné que le groupe UDR prévoyait de demander la constitution d’une commission d’enquête comparable, le rapporteur d’opposition pourrait être un de ses membres. Quant au rapporteur de la majorité, il me semble logique qu’il appartienne au groupe EPR.
Il reviendra aux rapporteurs de présenter, à l’issue des travaux, un rapport à la commission. Je vous rappelle néanmoins que, comme pour tout rapport de commission d’enquête, le président de la commission pourra développer ses propres analyses dans une préface au rapport, et que chaque groupe politique pourra demander à inclure une contribution spécifique pour faire valoir son point de vue. Le groupe UDR a proposé la candidature d’Éric Ciotti, et Mathieu Lefèvre est le candidat du groupe EPR.
Je précise que la conférence des présidents a discuté de cette demande hier : il est donc probable qu’il n’y aura pas d’opposition. Compte tenu du calendrier parlementaire et de l’examen du projet de loi de finances, les réunions de la commission d’enquête pourraient débuter fin novembre ou début décembre. Je vous rappelle que l’objet de cette demande est d’étudier les causes de la variabilité des prévisions fiscales et budgétaires et l’évolution des déficits publics ces dernières années.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Il y a manifestement une discussion entre nos collègues sur la période considérée. Selon mon expérience de président d’une commission d’enquête sous la précédente législature – sur un sujet très différent, l’agriculture – il me semble qu’il faut se garder de fixer une borne trop stricte au départ, au risque de rendre les débats moins intéressants. Il reviendra ensuite au bureau de fixer les détails.
M. le président Éric Coquerel. Cela ne me pose aucun problème, mais je ne veux pas qu’il y ait d’ambiguïté : nous avons tous constaté que les chiffres ont augmenté de manière importante à partir de fin 2023, et c’est cela qu’il faudra analyser en priorité.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Il me semble au contraire que nous avons intérêt à circonscrire l’objet de la commission d’enquête aux exercices 2023 et 2024, et aux écarts entre les prévisions de la loi de finances initiale et son exécution. Sinon, le nombre d’auditions à réaliser sera trop important. En outre, les écarts entre la prévision et l’exécution ne sont manifestes que sur ces deux exercices.
Mme Véronique Louwagie (DR). Il me semble que les termes « ces dernières années » sont trop vagues pour l’intitulé de cette commission d’enquête. Mais quelle devrait être la période retenue ?
M. Éric Woerth (EPR). Il faut que le sujet soit circonscrit pour que les travaux soient approfondis. Par ailleurs, plutôt que de « variabilité », il conviendrait de parler de « variation ».
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je pense qu’il faut circonscrire la question aux exercices 2023 et 2024. Ensuite, plutôt que de variabilité, il s’agit d’analyse des écarts entre les prévisions initiales, toutes celles qui se succèdent ensuite, et la loi de règlement. Enfin, il s’agit de l’ensemble des administrations publiques. La loi de finances initiale contient des prévisions relatives à l’État, à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales. Il faut regarder toutes les recettes et voir comment les écarts – quelques-uns à la hausse, beaucoup à la baisse – s’expliquent. Nous pourrons nous appuyer sur le rapport de l’Inspection générale des finances qui analyse la situation du budget de l’État à la mi-2024 : pour ma part, je l’ai trouvé peu éclairant, mais ce sera un document de travail pour les rapporteurs.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Pour notre part, nous ne souhaitons pas circonscrire cette commission d’enquête, dans la mesure où les années antérieures sont forcément susceptibles d’apporter des explications. Pour avoir participé à plusieurs commissions d’enquête, j’ai constaté que toute restriction de leur objet permettait aux personnes auditionnées de ne pas répondre et de prétendre qu’une partie de la vérité relève d’une autre période, entretenant ainsi la confusion. Plus le champ de nos investigations sera large, plus nous approcherons la vérité. Il reviendra au président et aux rapporteurs de cadrer les travaux pour que le champ de la commission reste raisonnable. Mais trop restreindre ce champ serait créer volontairement une porte de sortie pour les personnes auditionnées.
M. le président Éric Coquerel. Je remarque que deux analyses différentes émanent du groupe EPR. Pour ma part, les termes de « variation » et d’« analyse des écarts » me conviennent. Mais si les années cibles sont bien 2023 et 2024, il me semble impossible que le champ de notre recherche ne s’étende pas au moins aux années covid en raison de toutes les mesures prises lors de cette crise : trop circonscrire le sujet nous priverait d’éléments indispensables à notre analyse. Je vous propose donc d’écrire : « sur les quatre dernières années, principalement en 2023 et 2024 ».
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je suis réservé. Ce sont les années 2023 et 2024 qui posent problème, pourquoi vouloir examiner les années antérieures ? Et, dans ce cas, pourquoi ne pas remonter jusqu’en 2017, ou en 1974 ? C’est la dérive particulière de ces deux années que la commission d’enquête doit nous aider à comprendre.
Mme Véronique Louwagie (DR). Allons-nous rechercher les causes des variations pour chacune des années depuis 2020, ou seulement pour 2023 et 2024 ? Il me semble que seules ces deux dernières années sont en cause, ce qui suppose de les mentionner dans le titre. Cela n’empêchera pas la commission de conduire des travaux sur les années précédentes, pour comprendre ce qui s’est passé ces deux années-là.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Je ne crois pas qu’il faille circonscrire le champ de la commission d’enquête à ces deux années, cela pourrait nous empêcher d’aller chercher les causes profondes de la situation plus loin.
M. le président Éric Coquerel. Je vous propose la rédaction suivante : « sur la variation et les écarts des prévisions fiscales et budgétaires constatées en 2023 et 2024, en tenant compte de l’évolution des déficits publics lors de ces quatre dernières années ». L’idée est bien d’examiner les écarts des années 2023 et 2024, mais en tenant compte de l’évolution des déficits publics depuis quatre ans.
M. Philippe Brun (SOC). Je rappelle à ceux qui s’inquiètent que nous enquêtions sur la gestion de Valéry Giscard d’Estaing ou d’Antoine Pinay que ce sont les membres du bureau de la commission d’enquête – en l’espèce, de la commission des finances – qui fixent le calendrier et la liste des personnes auditionnées. Chacun pourra donc faire des remarques à ce propos. Mais une définition trop restrictive du mandat de la commission donnerait effectivement la possibilité aux personnes auditionnées sous serment de ne pas répondre à des questions pourtant essentielles pour éclairer la situation actuelle.
M. Éric Woerth (EPR). Circonscrire signifie aller en profondeur. Une commission enquête sur un fait, pas sur l’histoire des finances publiques ou des lois de programmation dont la trajectoire n’a pas été tenue depuis vingt ans ! Si la commission travaille beaucoup plus sur le passé que sur l’avenir, la question de son utilité se posera.
Il faut en rester à ce qui motive sa création : l’écart très important qui a été constaté récemment. S’il apparaît que certaines causes sont antérieures, il est évident que nous les examinerons : des modèles de prévisions ou des pratiques qui auraient été modifiés deux ou trois ans auparavant seront bien évidemment pris en considération sans que cela figure dans l’intitulé. Mais si nous ne sommes pas capables de poser clairement la question, je ne sais pas comment nous comprendrons les causes.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous sommes tous d’accord pour mener cette commission d’enquête sans nous limiter aux années 2023 et 2024, ni à l’écart entre les prévisions et le réalisé. Il faut pouvoir creuser en profondeur les années antérieures. Par ailleurs, je ne suis pas à l’aise avec l’expression « en tenant compte » : il ne s’agit pas de tenir compte, mais de rechercher les causes. Je crains qu’une mauvaise interprétation de cette expression ne conduise à chercher des excuses à ce dérapage budgétaire.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Rien n’est interdit, dans une commission d’enquête : s’il paraît intéressant de remonter dans des années antérieures, on peut le faire. Mais il faut que le titre de la commission soit pertinent. En français, on parle de la variabilité d’une monnaie ou de quelqu’un qui a changé d’avis. Les synonymes sont : fluctuation, incertitude, précarité. Il ne s’agit donc pas du terme adéquat.
Pour le reste, l’idée est bien de rechercher les causes des variations qui ont été constatées en 2023 et en 2024.
M. le président Éric Coquerel. J’ai déjà accepté de remplacer variabilité par variation. Je vous propose la formulation suivante : « étudier les causes des variations et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires sur les années 2023 et 2024, en tenant compte de l’évolution des finances publiques ces dernières années ». Elle énonce bien l’objet tout en précisant, ce qui n’était pas évident pour tout le monde, que nous ne nous priverons pas d’examiner les années antérieures.
Soyons clairs entre nous. J’ai voulu cette commission d’enquête, que je présiderai, pour travailler sur les années 2023 et 2024. Il ne s’agit pas d’enquêter sur les déficits publics ou sur la politique menée depuis 2017, même si nous pouvons être indirectement conduits à nous y intéresser. Mais si cela rassure certains de préciser que nous pourrons le faire, cela ne me dérange pas.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis d’accord avec votre proposition, sous réserve de préciser que l’ensemble des administrations publiques entrent dans le champ de la commission : l’État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
M. Daniel Labaronne (EPR). Je propose le titre suivant : « constater et rechercher les causes des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques sur la période 2023-2024 ».
M. le président Éric Coquerel. Les écarts ont déjà été constatés.
M. Daniel Labaronne (EPR). Il s’agit de poser un constat et de tenter d’expliquer les raisons pour lesquelles ces écarts ont été aussi importants.
M. le président Éric Coquerel. En quoi cette formulation est-elle différente ?
M. Daniel Labaronne (EPR). Elle ne fixe aucune borne temporelle mais précise qu’il s’agit des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques sur la période 2023-2024.
M. le président Éric Coquerel. Je tiens à ce que figure le mot « variations ». Pour le reste, nous pouvons ajouter « constater les écarts » si vous voulez, mais ces derniers figurent dans tous les documents budgétaires. Quel est l’objectif de cette mention ?
M. Daniel Labaronne (EPR). Il faut poser le constat clairement, et ensuite tenter d’en expliquer les causes. La formule que je propose permet de partir d’un diagnostic très précis de la variation qui se sera produite entre les prévisions initiales et le réalisé, s’agissant de chacune des trois catégories d’administrations publiques et de la période 2023-2024. Pour ce qui est en revanche de la recherche des causes, elle ne fixe aucune borne temporelle.
M. le président Éric Coquerel. La commission dressera forcément un constat. Le titre ne doit pas être trop complexe, et doit mentionner les variations et les écarts.
M. David Amiel (EPR). Nous sommes tous d’accord sur le fait que l’analyse doit porter sur les années 2023 et 2024 et que le titre doit mentionner la recherche des causes, y compris en s’intéressant années antérieures. Dans votre formulation, monsieur le président, je propose de supprimer ce qui commence par « en tenant compte de » en le remplaçant tout simplement par « et la recherche de ces causes ». Ainsi, la date de construction des modèles et la manière dont ils ont fonctionné pendant la crise sanitaire seront également étudiées.
M. le président Éric Coquerel. Si le fait de ne pas prévoir de limite de temps convient à tout le monde, très bien. Vous m’avez convaincu que, dès lors qu’on recherche des causes, on ne se prive pas de remonter dans le temps. En revanche, la formulation ne me paraît pas idéale : quand on étudie les causes, il me semble qu’on les recherche !
M. Gérault Verny (UDR). Manifestement, il n’y a pas de consensus sur le titre de cette commission d’enquête. Peut-être aurait-il été plus sage d’en laisser l’initiative à l’UDR ? Cela aurait été nettement plus efficace !
M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas ce que le président de votre groupe a déclaré en conférence des présidents, ni ce qu’il m’a dit au téléphone tout à l’heure. Le compromis consistant à réserver à votre groupe un poste de rapporteur me semble tout à fait acceptable, cher collègue.
Que diriez-vous de la formulation suivante : « Étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 à 2024 » ?
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le Rassemblement national ne s’opposera pas à cette formulation, mais nous craignons qu’elle n’érige des limites conceptuelles extrêmement dommageables à la qualité de l’enquête. Les personnes interrogées pourront multiplier les circonvolutions. Quand on demande l’avis des gens responsables de la catastrophe, on imagine bien qu’ils chercheront à limiter la portée de l’investigation ! Plus la solution sera simple et ouverte, plus les travaux pourront aller loin.
Pour ma part, j’ai davantage confiance en le futur rapporteur Ciotti et en le président Coquerel pour délimiter eux-mêmes le domaine de l’enquête et la mener au jour le jour, en leur laissant le choix de ce sur quoi il faut travailler ou non. Ne nous mettons pas un fil à la patte qui finira par devenir un boulet. Nous en reparlerons au terme de l’enquête.
M. le président Éric Coquerel. Premièrement, soyez assuré que le bureau de la commission sera souverain quant au choix des personnes auditionnées et de l’organisation des travaux. Nous ne faisons pour l’instant que définir le champ de la commission d’enquête. Et la confiance que vous avez manifestée, monsieur Tanguy, sera encore renforcée par la présence d’un représentant de votre groupe au sein du bureau.
Si je souhaite la création de cette commission d’enquête, c’est parce que les chiffres annoncés depuis 2023 ne cessent de varier, mois après mois. Il est évident que nous ne circonscrirons pas dans le temps la recherche des causes de cette situation, je pense que personne n’en doute plus. Acceptons que notre bureau fixe les modalités des recherches et je suis convaincu que le travail de la commission sera conforme à ce que nous souhaitons qu’il soit.
Acceptez-vous donc de lui donner pour objet d’« étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024 » ?
Mme Véronique Louwagie (DR). Il ne me semble pas judicieux de commencer par un verbe à l’infinitif. Je suggère plutôt de parler de « recherche des causes ».
M. le président Éric Coquerel. Pardon, mais ce n’est pas tout à fait la même chose. Même si la formule n’est pas très belle, je préfère indiquer que nous étudierons et rechercherons les causes, afin que tout le monde soit rassuré sur ce que nous allons faire.
La commission adopte la demande tendant à ce que lui soient attribuées les prérogatives d’une commission d’enquête afin d’étudier et de rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024.
La commission examine la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général).
M. le président Éric Coquerel. Après avoir entendu, jeudi 10 octobre, Pierre Moscovici sur l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), puis, vendredi 11 octobre, au lendemain de la présentation du texte en Conseil des ministres, les ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, nous entamons cet après-midi l’examen en commission de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Un peu moins de 1 900 amendements ont été déposés pour cette lecture en commission. Il s’agit d’une diminution significative du nombre d’amendements, alors que plus de 3 000 amendements avaient été déposés l’an dernier. Nous ne retrouvons pas les niveaux du PLF pour 2023, mais nous pouvons néanmoins envisager un examen assez serein du texte en commission.
La proposition que j’avais faite aux différents groupes a été globalement suivie, la plupart d’entre eux s’en tenant au nombre maximal d’amendements que j’avais préconisé. Je ne nommerai pas les groupes qui n’ont pas tout à fait joué le jeu, ce n’est pas mon rôle, mais je leur demanderai de bien vouloir être succincts sur certains de leurs amendements afin d’équilibrer les choses.
Une fois décomptés les amendements irrecevables et ceux retirés par leur auteur avant la discussion, nous aurons à en examiner moins de 1 600, contre 2 400 l’an dernier.
Le taux d’irrecevabilité au titre de la méconnaissance de l’article 40 de la Constitution ou des exigences organiques s’établit à 11,3 %, un chiffre proche de ceux constatés ces deux dernières années.
Dans la mesure du possible et tout en respectant la logique du contrôle de la recevabilité financière, j’ai cherché, comme les années précédentes, à favoriser l’initiative parlementaire. Par exemple, dans le cas d’amendements prévoyant, pour gager l’affectation de tout ou partie d’un surcroît de taxation, des mécanismes de hausse de taux d’imposition à une personne publique déterminée, je n’ai pas considéré qu’il était nécessaire d’ajouter des gages de précaution complémentaires.
La nouvelle architecture de la première partie du projet de loi de finances, en vigueur depuis maintenant plusieurs années, est globalement bien maîtrisée, même si persistent quelques erreurs de lecture de la réforme organique de 2021, que j’avais déjà relevées les années passées.
La première erreur consiste à déposer des amendements visant à obtenir un rapport du Gouvernement en première partie du PLF. Leur place se trouve en seconde partie, car ils ont trait à l’information du Parlement sur les finances publiques, même lorsque la demande de rapport porte sur des mesures fiscales. Pas moins de 28 amendements étaient entachés de cette erreur – erreur qu’il sera facile à leurs auteurs de rectifier dans quelques jours.
Autre exemple de méconnaissance relative aux récentes réformes organiques, les amendements proposant d’instituer ou de modifier des dispositifs d’exonération de cotisations sociales ou d’impositions affectées à la sécurité sociale : depuis la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), ils ne peuvent être déposés que sur des lois de financement de la sécurité sociale si leur dispositif a une validité supérieure à trois ans. C’est la raison pour laquelle des amendements visant à réformer le régime d’imposition des plus-values immobilières et à modifier les modalités d’assujettissement de ces plus-values aux prélèvements sociaux ont été déclarés irrecevables. Il en est allé de même des amendements relatifs à la taxe sur les salaires. Au total, 9 amendements ont méconnu cette exigence de la LOLFSS, mais je répète qu’une durée de validité inférieure à trois ans assurerait leur recevabilité.
Évoquons également un aspect de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, qui produit ses pleins effets pour la première fois cette année. Désormais, l’affectation à un tiers d’une imposition de toutes natures ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité́ morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Ainsi, un amendement prévoyant une affectation nouvelle qui ne respecterait pas cette exigence pose un problème de recevabilité. C’est une question de principe importante qui m’a conduit à déclarer 12 amendements irrecevables.
Pour appliquer ce nouveau contrôle, je me suis efforcé de suivre une logique simple : lorsque la nature de la taxe est telle que l’on perçoit intuitivement son lien avec l’action de la personne publique, j’ai considéré que l’amendement était recevable. J’ai ainsi validé les amendements proposant de financer les services départementaux d’incendie et de secours au moyen d’une taxe additionnelle sur les contrats d’assurance, car ces derniers protègent contre le risque incendie, ou encore les amendements visant à financer l’audiovisuel public grâce à une contribution assise sur la détention d’un poste de télévision ou de tout autre récepteur de services audiovisuels.
À l’inverse, j’ai déclaré les amendements irrecevables lorsque le lien n’était pas intuitif, ou beaucoup trop ténu. Il en est par exemple allé ainsi des amendements visant à faire financer l’Agence française de développement par la taxe sur les transactions financières.
De façon plus générale, j’ai été contraint de déclarer irrecevables les 60 amendements qui visaient à réduire les recettes d’une personne publique, mais qui n’étaient pas gagés. À cet égard, je précise que l’augmentation du plafond d’une taxe affectée à un organisme exige de prévoir un gage au profit de l’État, car les recettes que ce dernier peut espérer tirer de cette taxe s’en trouveraient ainsi diminuées. S’ils sont correctement gagés, les amendements en question pourront être redéposés en vue de l’examen du PLF en séance la semaine prochaine.
Par ailleurs, outre les 28 amendements visant à obtenir des rapports que j’ai évoqués, 18 autres ont été déposés à tort en première partie mais ont toute leur place en seconde partie. Ils pourront donc être redéposés sans difficulté.
Ne pourront en revanche bénéficier d’une seconde chance les amendements dépourvus de tout lien avec la loi de finances, c’est-à-dire les cavaliers budgétaires. Ils sont 48, relatifs par exemple aux règles régissant la commande publique, les plans d’épargne retraite ou encore le secteur de la production d’énergie.
Enfin, 49 amendements se sont heurtés à la jurisprudence de l’article 40 de la Constitution, c’est-à-dire à l’impossibilité d’augmenter une charge publique. Certains visaient à affecter une nouvelle recette ou un surcroît de recettes à une dépense précise. Un tel fléchage n’est pas autorisé, mais ces amendements pourraient être corrigés en n’affectant plus la recette à une dépense précise. D’autres pourraient être défendus sous la forme d’amendements de crédits, lors de l’examen de la seconde partie.
Sur les 211 amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 40 ou des exigences de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et de la LOLFSS, près des trois quarts pourraient donc être corrigés, soit en ajoutant un gage, soit en s’abstenant d’affecter un surcroît de recettes à une dépense précise, soit en les déposant sur la seconde partie, soit en les bornant dans le temps.
Enfin, certains amendements n’ont pu être déclarés recevables car ils concernaient des articles déjà abrogés ou d’ordre réglementaire. Il s’agit là de malfaçons légistiques qui pourront également être corrigées par leurs auteurs d’ici à l’examen du texte en séance publique.
Je reviens un instant sur le problème des taxes dont le produit ne peut être affecté qu’à un tiers dont la mission est en lien avec leur objet. Comme vous le savez, nous examinerons prochainement une proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, laquelle prévoit de modifier la LOLF pour introduire une exception à l’obligation de lien entre une imposition et son bénéficiaire. Si certains collègues estimaient que nous avons eu une interprétation trop restrictive de cette obligation, il serait toujours possible de proposer une autre modification de la LOLF par amendement sur cette question.
Au total, 1 570 amendements sont à examiner pour cette première partie. Je propose que leurs auteurs se limitent à une minute pour les présenter et que la défense d’amendements identiques ou similaires soit très succincte. Sauf débat important, je suggère également qu’au maximum un député pour et un député contre chaque amendement s’expriment. Nous aurons besoin des efforts de tous pour tenir les délais impartis. Si chacun se montre responsable, il n’est pas interdit d’espérer finir dans les temps.
M. Philippe Brun (SOC). Je souhaite faire deux remarques au nom du groupe socialiste.
La première porte sur l’interprétation assez restrictive qui a été faite de l’article 2 de la LOLF concernant le lien qu’il doit y avoir entre l’assiette d’une taxe et son affectation. En effet, notre amendement visant à affecter une partie du produit des taxes sur les paris sportifs à l’Agence nationale du sport a été déclaré irrecevable, alors qu’il existe selon nous une corrélation évidente entre les paris sportifs et le sport.
La seconde a trait au terme du délai de dépôt des amendements pour l’examen du texte en séance publique, actuellement fixé au jeudi 17 octobre à dix-sept heures. En effet, l’outil informatique ne permet pas de redéposer automatiquement un amendement tant qu’il n’a pas été discuté en commission. Pourriez-vous débloquer cette possibilité ou prolonger le délai de dépôt ? Sans quoi nos collaborateurs seront contraints de redéposer les amendements à la main, ce qui représente un travail considérable.
M. le président Éric Coquerel. Le délai de dépôt devrait pouvoir être reporté à samedi, dix-sept heures, ce qui impose tout de même de tenir le rythme que j’ai évoqué.
Quant à la disposition de la LOLF que vous évoquez, je m’interroge moi aussi. Il est très difficile de définir ce qui est un lien direct et ce qui ne l’est pas. Par exemple, il ne me semble pas totalement inconsidéré de penser qu’il y en a un lien entre la taxe sur les transactions financières, c’est-à-dire sur le libre-échange, et l’aide au développement ; en revanche, le Gouvernement, dans son texte, a estimé que ce n’était pas le cas, et il serait intéressant de savoir ce qu’en a pensé le Conseil d’État. J’ai pour l’heure considéré qu’il fallait s’en tenir à la lecture proposée dans le texte, mais je me réserve la possibilité de changer d’avis le cas échéant.
Article liminaire : Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2025, prévisions d’exécution 2024 et exécution 2023
Amendements I-CF1796 de M. Mathieu Lefèvre et I-CF1620 de M. Charles Sitzenstuhl
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Mon amendement vise à appeler l’attention du rapporteur général et du Gouvernement sur la nécessité de faire des efforts sur l’année 2024, et pas seulement sur le prochain exercice. Des décisions peuvent encore être prises, comme l’annulation de tout ou partie de la réserve de précaution, ou le non-dégel de certains crédits. Des mesures réglementaires peuvent aussi être prises pour réduire la dépense sociale, comme le non-remboursement des tests covid réalisés sans ordonnance. Enfin, des propositions faites par la précédente majorité pourraient être concrétisées : je pense à la révision de la contribution sur les rentes inframarginales que défendait Jean-René Cazeneuve, ou encore à l’application dès cette année de la taxe prévue à l’article 26 du présent PLF. Si toutes les mesures sont prises, notre déficit public sera vraisemblablement inférieur à 6 % du PIB en 2024.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Dans la même ligne, mon amendement tend à poursuivre la discussion que nous avons eue avec les ministres au sujet d’un possible projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2024. À l’instar de l’ancien ministre des finances, qui sera certainement auditionné par la commission d’enquête sur les prévisions fiscales dont nous venons de valider le principe, j’estime que ce PLFR est nécessaire. Comme mon collègue Lefèvre, je rappelle que l’année 2024 n’est pas terminée et qu’un tiers de l’exercice relève de la gestion du gouvernement de Michel Barnier. Je l’appelle à agir, car il ne faut pas laisser filer les comptes.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je reconnais qu’il n’est pas très logique d’examiner l’article liminaire dès maintenant, il devrait être vu après l’article d’équilibre. Quoi qu’il en soit, ce projet de loi de finances porte sur l’année 2025. Vos propositions de dégager respectivement 6 milliards et 3 milliards d’euros d’économies supplémentaires ne sont donc qu’un souhait, une invitation au Gouvernement. Vous pourrez les formuler lors de la discussion générale en séance. Avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Mon groupe soutiendra ces amendements, qui sont un hommage, quoique tardif, de nos collègues Lefèvre et Sitzenstuhl à la demande de PLFR que nous avions formulée au printemps dernier. En effet, contrairement à ce qu’en dit le commentaire médiatique, le Rassemblement national, comme d’autres observateurs, à l’instar du rapporteur général du budget au Sénat Jean-François Husson et de certains économistes, avait souligné que le budget déraillait. Je regrette qu’à l’époque tous nos adversaires n’aient vu dans cette alerte que de la politique politicienne. Il arrive aux partis d’opposition de se montrer responsables, et nous étions allés jusqu’à déposer une motion de censure pour ce motif. Il est vraiment dommage que seul le Rassemblement national ait porté ce sujet à la connaissance du public, mais mieux vaut tard que jamais : il est encore temps de faire des économies.
M. le président Éric Coquerel. Je tiens à préciser que, contrairement à ce que vient de dire M. Tanguy, tous les groupes d’opposition, ainsi que certains groupes de la majorité et même Bruno Le Maire, ont appelé de leurs vœux un PLFR pour 2024.
La commission adopte l’amendement I-CF1796.
En conséquence, l’amendement I-CF1620 tombe.
Amendement I-CF1633 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Cet amendement a pour objet de mettre en cohérence l’objectif de déficit affiché par le Gouvernement, à savoir 5 % en 2025, avec l’article liminaire qui, lui, indique le chiffre de 5,2 %. Comme nous sommes tous d’accord pour vouloir un déficit de 5 %, autant l’écrire dès à présent. De cette manière, nous indiquerions au Gouvernement que nous soutenons les efforts complémentaires qui seront faits pour y parvenir, notamment en matière de réduction de la dépense publique.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Comme vous le savez, le Gouvernement a inscrit le chiffre de 5,2 % tout en annonçant un objectif de 5 %. Nous n’avons pas encore le détail, mais 5 milliards d’euros de réduction de crédits doivent encore être proposés en deuxième partie, ainsi que 1,5 milliard d’euros d’augmentation de recettes en première partie. La logique serait donc d’attendre la fin de l’examen de l’ensemble du texte et les amendements de coordination du Gouvernement pour voir si ces sommes ont bien été ajoutées. C’est pourquoi je donne un avis défavorable à cet amendement. J’ajoute que, contrairement aux deux amendements précédents, il a une portée juridique. Attendons donc le bon moment.
M. le président Éric Coquerel. Puisque personne ne désire s’exprimer sur cet amendement, sachez que j’y suis défavorable. Vu la manière dont le Gouvernement entend réduire les déficits, principalement en pesant sur la dépense publique, je ne crois pas raisonnable de fixer un objectif encore plus rigoureux. Je vois bien quelles seraient les conséquences d’une nouvelle diminution.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le groupe DR soutiendra cet amendement, car nous partageons l’objectif de conduire le déficit en dessous de 5,2 %. Le président du HCFP, Pierre Moscovici, nous a alertés sur le fait qu’il ne fallait pas dépasser les 5 % du PIB en 2025 si nous souhaitions repasser sous le seuil des 3 % en 2029. Un tel amendement nous aiderait à sortir de la spirale de la dette.
J’en profite pour rappeler à notre collègue Tanguy que nous aussi avions demandé le dépôt d’un PLFR au printemps, comme d’autres groupes encore.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1636 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). J’appelle votre attention sur le fait que, selon le HCFP, ce PLF fait porter l’ajustement budgétaire à hauteur de 70 % sur l’effort fiscal, contre 30 % pour la baisse des dépenses. Le dernier choc fiscal d’une telle ampleur remonte à 2012. Or une hausse d’impôts de 30 milliards d’euros a forcément des conséquences sur l’emploi, l’attractivité et la compétitivité du pays. Le Gouvernement et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) s’attendent d’ailleurs à ce que ces mesures fiscales aient un impact récessif. Cet amendement d’appel propose de rééquilibrer les choses, avec davantage d’efforts sur la réduction des finances publiques et moins sur la hausse des impôts.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce point a été longuement discuté lors de l’audition du président du HCFP. Pour le Gouvernement, deux tiers des 60 milliards d’euros d’économies reposent sur la réduction des dépenses et un tiers sur des recettes supplémentaires. Il fonde ses calculs sur un raisonnement tendanciel – sauf qu’en réalité, selon le Haut Conseil, la répartition serait plutôt de 50-50. Mais si l’on raisonne par rapport à l’année précédente, en structurel, l’augmentation de 0,8 point du taux de prélèvements obligatoires et de 0,3 point de la dépense conduit à considérer que l’effort repose pour deux tiers sur les recettes et pour un tiers sur les dépenses. C’est un débat que nous aurons avec le Gouvernement.
Cela rappelé, je donne à cet amendement un avis défavorable parce que l’incidence qu’aurait son adoption sur les soldes n’a pas été prise en compte de façon cohérente.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je soutiens cet amendement et m’étonne, monsieur le président, de vous entendre dire, comme le Gouvernement, que l’effort reposera principalement sur la baisse des dépenses. Le rapporteur général vient de rappeler que c’était inexact, comme le souligne aussi la Cour des comptes. En réalité, l’effort reposera principalement sur des hausses d’impôts massives, qui auront un impact négatif sur l’économie et la croissance, et les baisses de dépenses seront bien inférieures à ce qui a été annoncé.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Vous exagérez, collègues, lorsque vous criez au choc fiscal sous prétexte que l’on voit enfin l’amorce d’une taxation des plus hautes fortunes. En réalité, ce sont les classes moyennes et populaires qui supportent l’essentiel : passer de 163 à 217 milliards de recettes de TVA en sept ans de présidence Macron, ça c’est un choc fiscal ! Si vous montez au créneau lorsqu’il s’agit des plus riches, pourquoi ne le faites-vous pas pour défendre les classes populaires ?
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Mon amendement ne manque pas de cohérence, monsieur le rapporteur général, puisque la baisse prévue des taux de prélèvements obligatoires s’équilibre avec celle des dépenses publiques.
Mme Eva Sas (EcoS). Notre groupe est défavorable à l’amendement et considère que ce PLF ne constitue pas un choc fiscal, bien au contraire. Les gouvernements macronistes ont œuvré pendant des années au désarmement fiscal de la France, si bien que le déficit atteint aujourd’hui 6,1 % du PIB. Nous ferons des propositions visant à renforcer l’impôt sur les plus grandes entreprises et sur les plus riches, car le PLF ne va pas assez loin en ce sens : la contribution sur les hauts revenus, par exemple, ne porte pas sur le patrimoine, alors que c’est là qu’il faut aller chercher de nouvelles recettes.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Monsieur Guiraud, si vous corrigez vos chiffres de la croissance du PIB et de l’inflation, vous verrez que la TVA représente aujourd’hui à peu près la même part de l’ensemble des recettes qu’il y a sept ans.
Je partage l’objectif de Mathieu Lefèvre : la priorité de notre groupe sera de baisser la dépense, alors que le taux de prélèvements obligatoires est beaucoup trop important. Mais modifier le tableau de l’article liminaire aujourd’hui revient à mettre la charrue avant les bœufs. Réduisons d’abord le choc fiscal et le niveau des dépenses.
M. Matthias Renault (RN). Notre groupe votera cet amendement. Je constate que nos collègues macronistes considèrent, à l’inverse du Gouvernement, mais comme le HCFP, que l’essentiel de l’effort reposera sur la fiscalité et non sur la baisse des dépenses. Ils appellent, comme nous le ferons aussi, à réduire le taux des prélèvements obligatoires. Manifestement, la copie présentée ne convient pas à certains d’entre eux.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’article liminaire devrait se trouver à la fin du texte, dans la mesure où la discussion budgétaire va conduire à un réajustement des soldes.
Notre groupe est très favorable à une baisse de la dépense publique. Mais force est de constater que les collègues qui la défendent aujourd’hui l’avaient très peu pratiquée entre 2023 et 2024, alors qu’ils étaient dans la majorité.
Par ailleurs, la répartition entre dépenses et recettes n’est pas si claire. Le HCFP considère que la réduction des exonérations de cotisations employeurs constitue un impôt supplémentaire, alors que c’est en réalité une baisse de dépenses pour l’État. Le débat s’en trouve biaisé. Notre groupe est donc défavorable à cet amendement.
M. Michel Castellani (LIOT). Ce débat est intéressant, mais aucune solution ne s’impose sur le plan macroéconomique : l’augmentation de la fiscalité et la réduction de la dépense publique ont toutes deux un effet récessif. Sur le plan social en revanche, la justice du système dépend de la répartition de l’impôt et du fléchage des dépenses publiques. Je n’ai pas d’avis tranché dans le débat qui nous occupe.
M. le président Éric Coquerel. Je voterai contre cet amendement, non seulement pour des raisons de fond, mais parce que je suis en désaccord avec la façon dont le HCFP estime que l’effort est réparti – 70 % pour les hausses d’impôts et 30 % pour les baisses de dépenses. Il s’appuie en effet pour cela sur une lecture biaisée du solde structurel. Il y inclut par exemple les 8 milliards d’euros supplémentaires que verseront les grandes entreprises pendant un an, alors que, d’après les textes, cette somme ponctuelle et temporaire devrait en être exclue. En revanche, le report de la mesure concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises n’est pas considéré comme ce qu’il est, à savoir la non-application d’une décision antérieure. Il me semble donc que l’on oriente dans un sens des données qui mériteraient d’être discutées.
Le raisonnement sur lequel s’appuie le Gouvernement me semble beaucoup plus juste. Nous avons refait les calculs et à aucun moment nous ne sommes parvenus à une répartition à 70-30, ni même à 50-50. La répartition semble plus proche en réalité de 60 % de baisses des dépenses et 40 % de hausse de la fiscalité. Si l’on inclut dans les recettes la réduction des exonérations des cotisations employeurs dont parlait Mme Dalloz, 5 milliards d’euros passeront d’un côté à l’autre, mais en aucun cas le rapport entre les deux ne s’inversera.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Une baisse de 0,8 point des taux de prélèvements obligatoires, comme proposé dans l’amendement, correspond à 24 milliards d’euros, soit plus que l’ensemble des hausses d’impôts proposées par le Gouvernement dans la première partie du PLF. Cela signifie, monsieur Lefèvre, que vous devez voter contre toutes ces augmentations. Quant à la baisse de 0,5 point de la dépense publique, elle correspond à 15 milliards d’euros : il subsisterait donc un différentiel de 9 milliards d’euros, qui dégraderait le déficit de 0,3 point.
M. Éric Woerth (EPR). Si nous triturons trop l’article liminaire, il va falloir une commission d’enquête pour comprendre l’origine des écarts par rapport aux prévisions ! Soyons donc prudents : les soldes figurant dans le tableau de l’article liminaire sont une conséquence des dispositions du PLF, pas une cause.
Il me semble que la répartition annoncée par le Gouvernement est la bonne. Le fait qu’il raisonne en tendanciel est très classique, même si le Haut Conseil procède différemment. À un détail près – l’augmentation des charges des entreprises correspond plutôt à une augmentation des prélèvements obligatoires qu’à une réduction de la dépense publique –, la réduction des dépenses doit peser pour 60 à 65 % dans l’effort, et l’augmentation des recettes pour 30 à 35 %.
M. le président Éric Coquerel. J’observe avec plaisir que nous nous rejoignons sur ce sujet !
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF1634 et I-CF1635 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je retire ces deux amendements, qui renvoient au même débat. Je voudrais simplement souligner, monsieur le rapporteur général, que l’article liminaire englobe toutes les administrations publiques et qu’il ne se réfère pas uniquement à la première partie de la loi de finances. L’argument que vous venez de m’opposer n’est donc pas valable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ce que j’ai dit, c’est que vos 24 milliards d’euros de baisses d’impôts dépasseraient les hausses d’impôts prévues par le Gouvernement en première partie, sur le seul budget de l’État. Je constate d’ailleurs que vous avez déposé de nombreux amendements visant à supprimer ce qu’il propose.
Les amendements sont retirés.
Amendement I-CF1494 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Cet amendement vise, dans un souci de cohérence, à supprimer de l’article liminaire les 5 milliards d’euros de réduction de dépenses que le Gouvernement présentera par voie d’amendement en seconde partie mais qui n’existent pas en l’état.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En réalité, le Gouvernement a annoncé ces 5 milliards mais ne les a justement pas intégrés au tableau – raison pour laquelle le solde s’affiche à 5,2 % du PIB et non 5 %. Cela suppose que nous votions l’ensemble de ses amendements en faveur d’une réduction des dépenses en deuxième partie. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article liminaire modifié.
PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I - IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er : Autorisation de percevoir les impôts existants
Amendement I-CF1876 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement vise à obtenir dès aujourd’hui de la part du Gouvernement des précisions sur la nature juridique du prélèvement prévu à l’article 64, qui sera effectué sur le montant des impositions versées aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, aux départements et aux régions dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l’année 2023 sont supérieures à 40 millions d’euros. D’après le Gouvernement, les 3 milliards d’euros ainsi prélevés seront placés dans un fonds dit de résilience en 2025 et ce sont les élus locaux qui, l’année suivante, définiront les règles selon lesquelles tout ou partie de cette somme sera rendu aux collectivités et EPCI. Il s’agit là d’un “Ofni”, un objet financier non identifié !
M. Éric Woerth (EPR). J’ai travaillé par le passé sur l’idée, lorsque les recettes tirées de l’imposition sont en forte croissance, de les écrêter, au profit d’une sorte de fonds de réserve, afin d’atténuer les effets de cycle. Le Gouvernement présente un dispositif un peu différent, élaboré sans doute sous le coup de l’urgence. Il me semble qu’il faudra plutôt envisager, d’ici un ou deux ans, la création d’une forme d’auto-assurance des collectivités fondée sur la dynamique de la fiscalité.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Éric Woerth a raison : ce dispositif aurait un sens si les recettes étaient dynamiques. Or ce n’est pas le cas. C’est donc un objet étrange. Je vous invite à voter cet amendement afin que le Gouvernement nous éclaire dès maintenant sur ce prélèvement.
Mme Véronique Louwagie (DR). Notre groupe votera en faveur de cet amendement : nous ne pouvons que partager ce souci de transparence.
La commission adopte l’amendement I-CF1876.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Article 2 : Indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu pour les revenus de 2024 et les grilles de taux par défaut du prélèvement à la source
Amendement I-CF1637 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). En faisant le choix d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu (IR) sur l’inflation, le Gouvernement protège le pouvoir d’achat des Français qui y sont assujettis. Je m’interroge néanmoins sur la raison pour laquelle le taux retenu est de 2 %, alors que l’inflation devrait atteindre 2,1 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le rapport économique, social et financier préparé par la direction générale du Trésor prévoit bien une évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac de 2 % en 2024, en ligne avec les prévisions de l’Insee de septembre dernier. Or, dans sa note de conjoncture du 10 octobre, l’Insee revoit cette prévision à 1,8 % en glissement annuel. Il est de coutume que soit retenue la prévision de septembre – celle qui figure dans le rapport –, même si dans le cas présent elle est en réalité plutôt généreuse.
Les revalorisations indifférenciées pour toutes les tranches visent à maintenir la neutralité du barème par rapport à l’inflation. Les revenus des plus fortunés ne sont souvent pas soumis aux dernières tranches du barème, leur impôt étant minoré au moyen de divers leviers. Plutôt que de modifier le niveau d’imposition de ces tranches, il me semble préférable de se concentrer sur la nouvelle contribution différentielle sur le revenu, en l’améliorant. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques I-CF10 de M. Emmanuel Maurel, I-CF734 de Mme Marianne Maximi, I-CF1128 de M. Michel Castellani et I-CF1682 de M. Karim Benbrahim
M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement vise à désindexer les seuils des deux dernières tranches de l’impôt sur le revenu, dans le but de demander une contribution supplémentaire aux personnes qui perçoivent plus de 6 800 euros par mois ; de mémoire, 98 % des salariés gagnent moins. Notre groupe souhaite aussi attirer l’attention sur le fait que le périmètre de la troisième tranche, à 30 %, qui couvrait en 2024 les revenus allant de 28 000 à 82 000 euros, nuit à la progressivité de l’impôt.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Emmanuel Macron soulignait lui-même en avril dernier que notre pays manquait de recettes : nous vous en proposons donc une nouvelle. Dans la mesure où, selon M. Cazeneuve, l’augmentation des recettes de TVA liée à l’inflation n’est pas une augmentation d’impôt, nous vous proposons d’appliquer aux plus riches de ce pays ce qui n’est pas une augmentation d’impôt mais une simple désindexation des deux dernières tranches de l’IR. Cela concernerait les 1,5 % de la population qui gagnent plus de 7000 euros par mois. Je rappelle que, si l’on considère l’ensemble de leurs contributions, les milliardaires ne sont pas imposés à plus de 2 %. Ils pourraient donc participer davantage, ce qui nous permettrait de récupérer 200 millions d’euros. C’est une question de justice fiscale.
M. Michel Castellani (LIOT). Dans une logique d’équilibrage des comptes publics et de solidarité nationale, nous n’estimons pas nécessaire d’indexer sur l’inflation les deux tranches les plus élevées du barème de l’impôt sur le revenu.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Cette mesure n’est ni nouvelle – nous l’avions déjà proposée lors de précédents PLF – ni iconoclaste, puisque le Gouvernement lui-même l’avait envisagée dans un premier temps. Il s’agit d’indexer non pas toutes les tranches du barème sur l’inflation, mais certaines d’entre elles – les mesures ciblées sont d’ailleurs toujours préférables aux mesures générales – afin d’associer à l’effort les 1 % de contribuables concernés par les deux dernières tranches.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je partage votre avis sur la nécessité d’une participation des plus aisés au redressement des finances publiques, mais ces amendements n’ont pas leur place alors que nous nous apprêtons à débattre de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) prévue par le Gouvernement. En outre, la mesure que vous préconisez rapporterait d’autant moins que l’inflation serait faible, en tout cas pas plus de 200 millions d’euros. La contribution différentielle, quant à elle, rapporterait 2 milliards selon les prévisions du Gouvernement et se concentrerait sur une partie de la dernière tranche, c’est-à-dire sur 24 000 foyers fiscaux. Je suggère à la commission de ne pas voter ces amendements et de concentrer ses débats sur la CDHR.
M. David Amiel (EPR). Je partage cet avis. Il y a un écart considérable entre les déclarations tonitruantes en faveur de ces amendements et la réalité : on ne parle que de 200 millions d’euros, voire moins encore si certains des contribuables concernés quittaient notre pays ou changeaient d’activité. Cette mesure n’est donc pas à la hauteur du déficit public. Elle ne favoriserait pas non plus une plus grande progressivité de l’impôt. L’Institut des politiques publiques (IPP) montre très bien que l’impôt sur le revenu est extrêmement progressif dans notre pays et que le déficit de progressivité sur les très hauts revenus est lié aux possibilités d’optimisation de la fiscalité sur le capital : il ne serait donc pas réglé par une augmentation de la fiscalité sur le travail. C’est la raison pour laquelle notre groupe soutiendra, dans un objectif de justice fiscale, le dispositif d’imposition minimale proposée par le Gouvernement.
M. Philippe Brun (SOC). Je rappelle que le rendement total de l’IR dépasse 80 milliards d’euros : je ne pense pas que nous demandions un effort trop important aux contribuables qui s’acquitteront des 200 millions d’euros supplémentaires. Il ne me semble pas illogique, par ailleurs, d’instaurer une contribution différentielle sur les hauts revenus – dont nous proposerons de durcir les dispositions – et de désindexer dans le même temps les tranches supérieures comme nous le proposons depuis de nombreuses années.
M. le président Éric Coquerel. Je soutiens ces amendements. Nous examinerons prochainement un amendement relatif aux ultrariches, qui part d’un constat bien documenté sur l’écart qui existe entre les revenus de quelques milliers de personnes et les montants qu’elles déclarent aux impôts après transfert au titre des revenus professionnels. Mais là n’est pas la question pour ces amendements. Il s’agit de savoir qui doit fournir un effort, dès lors que nous estimons qu’un effort est nécessaire.
Je suis par exemple opposé à l’augmentation de la taxe sur l’électricité, qui concerne un bon nombre de nos concitoyens. Mais la disposition ici proposée, que la commission des finances a déjà votée l’an dernier, est ponctuelle et tient compte de la situation actuelle. Elle rapporterait 200 millions d’euros, guère moins que la taxation des rachats d’actions proposée par le Gouvernement. L’addition de mesures de ce type permettra d’aboutir à des sommes intéressantes. Je préfère donc que l’effort – en l’occurrence, 2 % d’impôt supplémentaires – porte sur les deux derniers déciles que sur une large part de nos concitoyens.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le dispositif concerne 1 million de familles, pour 100 à 200 millions de recettes. En retenant l’hypothèse la plus haute, cela représenterait une moyenne de 200 euros par famille : elles ne s’exileront pas pour cela !
Le vrai débat concerne la contribution qui vise les 24 000 familles ayant de très hauts revenus. L’année dernière, quand il n’était pas question de cette contribution, j’aurais voté cet amendement. Aujourd’hui je vous demande de ne pas le voter, afin que nous nous concentrions sur la CDHR.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Reconnaissez qu’entre la troisième et la quatrième tranche, le saut est important. Le taux marginal de la dernière tranche est de 45 %, auxquels s’ajoute la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), qui n’est pas indexée, soit une imposition totale de 49 %. En comparaison, le prélèvement forfaitaire unique au titre de l’impôt sur le revenu est de 12,8 %... Il me paraîtrait excessif de ne rien indexer du tout, mais il serait pertinent de moduler l’indexation sur les dernières tranches. C’est le sens de l’amendement que nous avions défendu l’année dernière.
M. Nicolas Ray (DR). Notre groupe est opposé au gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui aurait pour conséquence d’augmenter les impôts de tous les contribuables et de rendre imposables des personnes qui ne l’étaient pas jusqu’alors.
En toute cohérence, nous nous opposons également à ces amendements qui concernent les deux dernières tranches du barème : sachant qu’une contribution est prévue par ailleurs, ce serait brouiller le message. Nous suivrons plutôt la logique du Gouvernement, consistant à privilégier des hausses fiscales ciblées, temporaires et exceptionnelles.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le Rassemblement national a toujours souhaité rétablir un impôt sur les plus privilégiés, pour faire participer à leur juste part ceux qui ont la chance d’avoir des revenus plus élevés que les classes moyennes et populaires. Nous nous apprêtons à discuter de deux grands dispositifs : la contribution différentielle prévue par le Gouvernement et le rétablissement d’une forme d’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), que nous appelons IFF – impôt sur la fortune financière. Évitons de multiplier les dispositifs, d’autant que celui qui est proposé ici est vexatoire. Je ne suis pas favorable à la manipulation des indexations : quels que soient les montants, les contribuables perçoivent la chose comme un coup de Trafalgar assez malhonnête. Plutôt qu’un jeu mesquin sur les indexations, privilégions la clarté et un dispositif pérenne de participation des plus grandes fortunes à la solidarité nationale.
La commission rejette les amendements.
Amendement I-CF1155 de M. Michel Castellani
M. Michel Castellani (LIOT). En repli par rapport à l’amendement précédent, il s’agit de réviser la hausse des deux tranches supérieures du barème de l’impôt sur le revenu de seulement 1 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. L'objectif des revalorisations indifférenciées pour toutes les tranches est de maintenir la neutralité du barème par rapport à l'inflation. Le taux intermédiaire que vous proposez rapporterait de 50 à 100 millions d’euros. En cohérence avec les arguments que j’ai déjà développés, j’y suis plutôt défavorable.
La commission rejette l'amendement.
L’amendement I-CF1156 de M. Jean-Pierre Bataille est retiré.
Amendement I-CF336 de M. Pierre Cordier
M. Corentin Le Fur (DR). La baisse du plafond de l’avantage fiscal lié au quotient familial, votée par les socialistes à leur arrivée au pouvoir en 2012, a pénalisé le pouvoir d’achat des familles, notamment de la classe moyenne. Or le taux de natalité et la démographie de notre pays sont préoccupants. Certes, les familles ne font pas des enfants pour percevoir un avantage fiscal, mais notre politique familiale doit reposer sur un principe fort : à revenu égal, la solidarité doit être plus soutenue envers les foyers qui ont des enfants qu’envers ceux qui n’en ont pas. Le projet de loi de finances doit défendre la famille.
M. Charles de Courson, rapporteur général. En réalité, la revalorisation des plafonds du quotient familial ne bénéficiera pas aux classes moyennes mais aux foyers les plus aisés. Avec la réforme que vous proposez, en effet, il faudra que les revenus annuels d'un ménage avec trois enfants dépassent 73 000 euros pour que l’impôt du foyer fiscal baisse. Cette disposition serait en outre très onéreuse : porter le plafond à 2 750 euros coûterait 3,8 milliards, le porter à 2 400 euros coûterait 2,5 milliards. Vu la situation actuelle des finances publiques, j’y suis défavorable.
M. Philippe Brun (SOC). Je tiens à défendre la réforme du quotient familial de 2012 et le régime actuel. Auparavant, l’avantage fiscal était en moyenne de 490 euros pour les 10 % des ménages les plus pauvres, et de 3 800 euros pour les 10 % les plus riches. En d’autres termes, un enfant de pauvre valait 490 euros, et un enfant de riche 3 800 ! Les socialistes ont eu raison de plafonner les effets du quotient familial. Cette logique doit être maintenue, dans un souci de préservation des finances publiques et surtout de justice fiscale.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l’article 2 non modifié.
Après l’article 2
Amendement I-CF748 de Mme Marianne Maximi
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Puisque vous jugez insuffisants les 200 millions que rapporterait une augmentation de l’impôt des deux dernières tranches, nous vous proposons une refonte globale du barème de l’impôt sur le revenu, avec quatorze tranches progressives, permettant de dégager 5,7 milliards de recettes. Cela remédierait à l’injustice fiscale actuelle, qui fait peser l’effort essentiellement sur les classes moyennes. Je ne doute pas que cette proposition fasse consensus : qui pourrait refuser que les petits payent petit et que les gros payent gros ? Avec notre système, tous ceux qui gagnent moins de 4 000 euros net payeraient moins d’impôts, quand ceux qui gagnent plus payeraient progressivement plus d’impôts. Quand on sait que le patrimoine des 500 personnes les plus riches de France atteint 1 228 milliards, on peut introduire un minimum de justice fiscale, afin que ce ne soient pas toujours les plus pauvres qui payent.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cet amendement pose un problème de constitutionnalité. Dans votre dispositif, l’impôt sur le revenu des trois dernières tranches serait de 55 %, 65 %, 70 %. Si l’on y ajoute les 17,2 % de CSG et autres prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, les taux d’imposition respectifs seraient de l’ordre de 73 %, 83 % et 87 % : ce serait confiscatoire. Je rappelle que toute imposition supérieure à 70 % est annulée par le Conseil constitutionnel au nom de la défense du droit de propriété. Avis défavorable.
M. David Amiel (EPR). Encore une fois, la réalité de cet amendement et un peu loin des discours sur la contribution des plus riches. Dans le système actuel, les prélèvements, pris dans leur ensemble, sont extrêmement progressifs pour 99,9 % des Français. Ce sont les 0,1 % restants qui posent problème – les études de l’Institut des politiques publiques, que vous citez vous-même dans l’exposé sommaire de votre amendement, en attestent. Ce problème ne vient pas des revenus du travail, qui représentent une part dérisoire pour les plus fortunés, mais des revenus du capital, en particulier de la possibilité de minorer l’assiette soumise à l’impôt sur le revenu. C’est la raison pour laquelle la CEHR et la taxation minimale, que nous pourrons améliorer, sont plus pertinentes. En revanche, votre dispositif ne touchera pas ceux que vous prétendez viser.
M. Nicolas Sansu (GDR). Merci, monsieur Amiel, d’avoir expliqué que l’impôt sur le revenu des ultrariches doit prendre en compte leur patrimoine : j’en suis bien d’accord !
Cet amendement a le grand mérite d’introduire de la progressivité dans l’impôt. Le dispositif actuel en manque cruellement, puisque l’impôt sur les sociétés ne représente que 25 % du total des recettes fiscales de l’État. C’est un vrai problème. Si nous n’augmentons pas le nombre de tranches, il n’y aura pas de progressivité. C’est même l’inverse : quand vous gagnez 12 000 euros par an et que vous aussi, vous êtes imposé à hauteur de 45 % de vos revenus, en comptant les impôts, les cotisations, la TVA et les taxes diverses, où est la progressivité ? Or le consentement à l’impôt repose sur la progressivité du dispositif.
Cet amendement présente aussi la vertu de scinder la tranche comprise entre 28 000 et 82 000 euros, qui est bien trop large pour représenter la réalité du pays.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous ne voterons pas cet amendement, que nous jugeons anticonstitutionnel. Mais si sa forme finale n’est pas satisfaisante, il soulève toutefois la question essentielle de la progressivité de l’impôt, dont la commission devrait se saisir. Certaines tranches sont problématiques, en particulier celle qui va de 28 000 à 82 000 euros de revenus : on n’a pas la même vie selon l’extrémité de la fourchette à laquelle on se trouve !
M. le président Éric Coquerel. Vous voterez certainement la suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU) que nous proposons, monsieur Amiel ! Car le problème, c’est vrai, vient du transfert des revenus personnels vers les revenus professionnels, qui sont avantagés par le bouclier social du capital qu’est le PFU.
Par ailleurs, la distorsion entre le montant des revenus et celui des impôts ne concerne pas les seuls milliardaires – même si elle est caricaturale pour les 0,1 % de Français les plus riches. Cet amendement aurait pour conséquence de soumettre à l’impôt des personnes qui ne le sont pas actuellement, considérant que chacun doit apporter sa contribution, même de façon symbolique. Dans l’équilibre général, mieux vaut mettre l’accent sur un impôt progressif que sur la TVA, qui est l’impôt le plus injuste.
Un rappel enfin, pour que tout soit clair : avec la quatorzième tranche ici proposée, les personnes qui gagnent plus de 400 000 euros ne seraient pas imposées à 70 % ! Seule la part de revenu dépassant 400 000 euros le serait, le reste relevant des tranches inférieures.
La commission rejette l'amendement.
Amendement I-CF703 de M. Corentin Le Fur
M. Corentin Le Fur (DR). Ayant entendu le rapporteur général, je propose un autre amendement sur le quotient familial, mais moins coûteux. Il est fondamental de soutenir la politique familiale : nous irons droit dans le mur si nous ne rétablissons pas notre démographie. Il en va de la préservation de nos modes de vie, de l’avenir de nos communes et de nos territoires ruraux, qui ont besoin de familles et d’écoles. Je rappelle à M. Brun que 800 000 familles ont été touchées par le plafonnement du quotient familial voulu par M. Hollande en 2012 : toutes n’étaient évidemment pas ultrafortunées.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La réforme de 2012 a ramené le plafond de l’avantage fiscal résultant du quotient familial de 2 330 à 1 759 euros pour chaque demi-part. Vous proposez de le remonter au-delà du niveau antérieur, à 2 920 euros. Il en coûterait 4 milliards. Nous n’en avons pas les moyens. Que la politique familiale soit insuffisante, j’en conviens, mais le relèvement du plafond ne suffira pas à l’améliorer : cela relève d’une politique d’ensemble. Demande de retrait, ou avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 3 : Instauration d’une contribution différentielle sur les hauts revenus
Amendement de suppression I-CF1387 de M. Gérault Verny
M. Gérault Verny (UDR). Quel projet de société défendons-nous : une société collectiviste, ou une société dans laquelle les impôts payent des prestations ? C’est la question que pose l’article 3. Il pointe du doigt la réussite, puisqu’il vise à taxer les revenus plutôt que le patrimoine. Pour rappel, les 10 % de contribuables les plus riches produisent déjà 76 % des recettes fiscales, et leur impôt sur le revenu a augmenté de 2 000 euros en moyenne depuis 2012. Nous sommes donc opposés à cet article qui crée un nouvel impôt sur la réussite.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La contribution proposée dans cet article ne concerne pas toutes les personnes aisées, qui, pour la plupart, participent substantiellement à la solidarité nationale. Elle ne vise que celles qui usent – et abusent – des leviers permettant de minimiser l'impôt payé.
Vous avez raison de dire que le dispositif prévu est très complexe : je proposerai un amendement visant à le simplifier.
Ce dispositif est en effet pratiquement incompréhensible pour les non-initiés : l’impôt à payer correspond à la différence entre 20 % du revenu fiscal de référence (RFR), minoré de la plupart des crédits d’impôt, et l’impôt payé majoré de la plupart des crédits d’impôt. D’ailleurs, après avoir annoncé que quelque 60 000 familles seraient concernées, le Gouvernement a déjà revu son estimation à 24 000…
Si nous devions adopter un prélèvement différentiel, il faudrait faire abstraction des minorations et majorations relatives aux crédits d’impôt : ce sera le sens de mon amendement. En effet, c’est grâce à ces déductions et autres crédits d’impôt que des très riches aboutissent à un taux moyen d’imposition inférieur à 20 % – voire, dans certains cas limites, à 2 % du RFR.
Certains argueront que les niches ont été plafonnées, mais ce n’est pas le cas pour toutes. Je ne peux donc pas donner un avis favorable à la suppression de cet article, d’autant que nous avons refusé de désindexer les deux dernières tranches en contrepartie du vote de l’article 3.
Enfin, je doute que la CDHR permette de dégager 2 milliards de recettes. Seules 24 000 familles étant concernées, cela signifierait que chacune verserait 80 000 euros ? Je reste sceptique. Nous attendons toujours de savoir comment cette estimation de 2 milliards a été calculée. Le ministre devra s’en expliquer en séance. Avis défavorable.
M. David Amiel (EPR). Je suis opposé à cet amendement, et favorable à la poursuite de nos travaux sur une contribution différentielle.
Une telle contribution existe déjà avec l’impôt minimum sur les sociétés, mesure que nous avons obtenue sous l’égide de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et que nous avons transcrite dans notre droit. Elle permet d’éviter l’optimisation fiscale abusive des multinationales. Dans le même esprit, il est logique de créer un impôt minimum pour les plus fortunés. Tout comme il existe un bouclier fiscal, c'est-à-dire un montant maximum d’impôt, il serait naturel d’avoir d’un filet fiscal, c'est-à-dire une contribution minimale des plus fortunés.
Le caractère temporaire de la CDHR ouvre toutefois la voie à des optimisations : certains contribuables pourraient piloter leurs revenus dans les deux années à venir, afin de minimiser le rendement de la contribution exceptionnelle. Il faut donc d’ores et déjà réfléchir à ce qui viendra après l’extinction de la mesure.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le dispositif proposé est ingénieux mais très complexe, et comporte certaines limites. Il devra être amélioré et simplifié. Précisons que le revenu fiscal de référence comprend la réalisation des plus-values, sur titres ou autres. Dans notre réflexion, nous devons nous interroger sur le différentiel entre l’impôt sur le revenu, les 4 % de CEHR et les 12,8 % du prélèvement forfaitaire unique au titre de l’impôt sur le revenu. Rappelons que le PFU, ou flat tax, s’applique quel que soit le montant de la plus-value réalisée et que son caractère forfaitaire atténue les effets pour les profits les plus élevés.
En définitive, il me semblerait plus simple de majorer le PFU. Nous défendrons des amendements en ce sens.
M. le président Éric Coquerel. Tout est bon à prendre pour aller vers une plus grande justice fiscale et pour faire contribuer les ultrariches ; je voterai donc l’article 3. Il ne traite toutefois le problème que très partiellement. Une étude de l’IPP a montré qu’un petit nombre de Français extrêmement fortunés payent moins de 2 % d’impôt sur le revenu, et que leur taux d’effort atteint 25 % si l’on tient compte de leurs revenus professionnels. À revenus équivalents, des personnes qui ne bénéficient pas d’un transfert vers les revenus professionnels sont imposées à 46 %. La perte de recettes fiscales équivaudrait à 18 milliards – c’est colossal. Le dispositif proposé s’y attaque trop faiblement : il est ponctuel et prévoit un taux d’effort insuffisant. Le problème réside dans les taux d’imposition trop faibles des revenus professionnels lorsqu’ils sont des revenus personnels déguisés.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur Mattei, en ce qui concerne les revenus exceptionnels, le texte prévoit un mécanisme de lissage sur quatre ans – même si la contribution différentielle en l’état est instaurée pour trois ans.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne raisonne pas en taux moyen mais en taux marginal. Les amendements qui aboutiraient à un taux de 70 % risquent fort d’être censurés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement I-CF1890 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. La contribution différentielle sur les hauts revenus ne devrait concerner que 24 300 foyers parmi les 62 500 censés être concernés en raison de leur niveau de revenus. L’étude d’impact explique cet écart par le fait que seuls ces 24 300 foyers ont un niveau d’imposition effectif inférieur à 20 %.
Le calcul de la CDHR repose théoriquement sur la différence entre un impôt minimal de 20 % sur les revenus effectivement perçus et l’ensemble des impôts sur le revenu déjà acquittés. Cependant, la multiplication des retraitements proposés par l’article mine l’assiette de la CDHR et réduit le montant à payer.
L’ambition du Gouvernement de collecter 2 milliards grâce à cette nouvelle contribution pourrait en être contrariée. De plus, ces ajustements rendent le dispositif proposé par le Gouvernement extrêmement complexe, à la différence de la CEHR, fondée sur une assiette large et un taux bas. Enfin, la neutralisation de nombreux avantages fiscaux pourrait conduire paradoxalement à encourager le recours à certaines niches à des fins d’optimisation fiscale.
Dès lors, l’amendement propose de simplifier les règles d’assujettissement à la CDHR et le calcul de son montant en supprimant l’essentiel des retraitements proposés. Il est à noter que les dispositions permettant de prendre en compte les revenus exceptionnels et de lisser l’entrée dans l’imposition à la CDHR sont maintenues. Elles sont largement suffisantes pour limiter les effets de seuils et les ressauts d’imposition.
En premier lieu, l’article 3 se fonde sur un impôt minimal théorique de 20 % prélevé sur les revenus des personnes les plus aisées. Le seul outil codifié dont dispose le législateur pour apprécier les capacités contributives d’un contribuable est le revenu fiscal de référence (RFR). C’est cet agrégat qui est retenu pour le calcul de la CEHR car il ajoute au revenu net imposable du contribuable le montant des revenus exonérés d’IR.
Or le Gouvernement propose de minorer le montant du RFR en lui retranchant l’avantage en impôt retiré de près de quinze avantages fiscaux. Cela conduit à exclure de la contribution une partie des personnes dont le RFR est supérieur à 250 000 euros par part fiscale, et à diminuer le montant de la contribution due.
Rappelons que le RFR ne reflète déjà pas l’universalité des revenus du contribuable puisqu’il ne prend pas en compte près de 177 ressources ou revenus exonérés d’IR.
L’amendement propose donc de s’en tenir au RFR tel que retenu pour le calcul de la CEHR tant pour déterminer le seuil d’assujettissement à la CDHR que le montant de l’impôt minimal théorique dû par les contribuables à hauts revenus.
En deuxième lieu, l’article 3 tend à ajouter au montant des impôts effectivement acquittés par le contribuable des sommes fictives. En effet, il ajoute au montant l’IR, de la CEHR et des prélèvements forfaitaires obligatoires payés, l’avantage en impôt procuré par près de trente-cinq réductions et crédits d’impôt. Cela crée une incitation à recourir à ces dépenses fiscales qui permettent de minorer l’IR payé tout en échappant à la CDHR.
L’amendement propose donc de s’en tenir aux impôts effectivement payés par le contribuable.
Enfin, le Gouvernement accorde un abattement forfaitaire de 12 500 euros aux couples soumis à une imposition commune et de 1 500 euros par personne à charge. Or ces abattements conduiraient, dans certains cas, à exonérer complètement les contribuables soumis à une imposition commune, ce qui serait impossible dans le cadre l’IR pour ce niveau de revenus.
L’assiette de la CDHR étant conjugalisée, il est tenu compte dans les ressources du foyer des capacités contributives du couple soumis à une imposition commune. En leur octroyant un abattement supplémentaire de 12 500 euros par foyer, l’article 3 favorise cette catégorie de contribuables par rapport aux concubins et aux célibataires, leur offrant un avantage fiscal de 6 500 euros par membre du couple par rapport à un célibataire ayant le même niveau de revenus.
Les personnes à charge ne sont pas prises en compte pour le calcul de la CEHR. Les contribuables soumis à la CDHR ont bénéficié, dans la grande majorité des cas, des dispositifs de familialisation existants au titre de l’IR jusqu’à leur plafond. Les niveaux de seuil d’assujettissement sont suffisamment élevés pour assurer que la capacité contributive des contribuables ait été bien prise en compte.
L’amendement supprime ces deux abattements forfaitaires liés à la situation de famille.
Enfin, grâce à un mécanisme de décote, le seuil d’assujettissement à la CDHR peut être repoussé, tandis que le montant dû est largement diminué. Un célibataire déclarant l'ensemble de ses revenus au taux de 12,8 % correspondant au prélèvement forfaitaire unique pour les revenus mobiliers ne sera redevable de la CEHR qu'à partir de 300 000 euros environ.
Le présent amendement propose un mécanisme de décote, qui évite les ressauts d'imposition mais garantit que la CDHR sera payée dès 250 000 euros de RFR. Il apparaît plus progressif et plus juste que le mécanisme proposé par le Gouvernement.
M. Matthias Renault (RN). Nous partageons la crainte du rapporteur général que le rendement de la CDHR ne connaisse le même destin que celui de la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité.
Votre amendement concerne-t-il un plus grand nombre de contribuables, et rapporte-t-il davantage que celui de M. Mattei proposant un relèvement du taux du prélèvement forfaitaire unique ?
Il est regrettable qu’un même amendement aborde plusieurs sujets. Un point pourrait être consensuel : le fait de ne comptabiliser que les impôts effectivement acquittés par le contribuable afin d’éviter les effets pervers liés aux réductions et crédits d’impôt.
M. Éric Woerth (EPR). L’amendement est intéressant mais très technique. Il est difficile de se faire une opinion, de surcroît sans connaître les arguments du Gouvernement. Nous devons obtenir du ministre des réponses sur les modalités de calcul du RFR, en particulier sur le sort réservé aux niches fiscales.
Je ne suis pas opposé au principe et je salue le travail effectué, mais il n’est pas sérieux de nous prononcer à l’aveugle sur des mesures fiscales de cette importance.
M. Nicolas Sansu (GDR). À aveugle, aveugle et demi, monsieur Woerth. Le Gouvernement n’est même pas capable de nous fournir une étude d’impact ni de justifier son estimation du produit de la CDHR à 2 milliards.
L’article 3 comporte à la fois le mécanisme de taxation et les moyens d’y échapper. Si l’amendement du rapporteur général permet de supprimer ces derniers, il est bienvenu, même s’il est compliqué.
Pour l’ensemble de l’œuvre du rapporteur général, en particulier ces deux dernières années, nous le voterons.
M. Philippe Brun (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés votera l’amendement du rapporteur général.
S’il est adopté, il deviendra un amendement de la commission des finances, auquel le Gouvernement aura tout loisir de s’opposer, monsieur Woerth. Nous ne prenons pas grand risque en le votant ce soir.
M. Gérault Verny (UDR). L’amendement élargit le nombre de foyers visés par la nouvelle contribution. Je suis d’accord avec M. Mattei, la modification de la flat tax serait plus lisible et ses effets seraient plus faciles à évaluer.
J’appelle votre attention sur un effet d’aubaine prévisible : il y aura une augmentation importante des recettes au dernier trimestre, du fait de distributions massives de dividendes, mais celles-ci n’auront pas lieu l’année prochaine. C’est un mauvais calcul pour les comptes publics.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il m’est difficile de voter un amendement à l’aveugle en ignorant tout de ses éventuels effets de bord.
Je salue le travail du rapporteur général mais il serait plus raisonnable de prendre le temps de l’analyse avant de redéposer le cas échéant l’amendement pour la séance. Le dispositif de l’article 3 est déjà très complexe. Nous devons comprendre ce que nous votons.
M. Philippe Juvin (DR). Je salue la volonté du rapporteur général de clarifier le dispositif mais sommes-nous certains des effets de ce qu’il propose ?
Il est presque de tradition de voter la loi sans étude d’impact, mais cette fois on nous demande de nous prononcer au doigt mouillé. Ce n’est pas possible.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’argument de l’impréparation ne me semble pas recevable dès lors que de nombreux articles du projet de loi manquent d’étude d’impact. Une fois adopté, l’amendement fera l’objet d’un autre débat, en séance publique, au cours duquel le Gouvernement pourra faire valoir son point de vue. Notre souhait est d’aller le plus loin possible dans cette discussion.
Mme Eva Sas (EcoS). Le groupe Écologiste et social votera l’amendement comme il le fera pour toutes les dispositions promouvant une plus grande justice fiscale. Il a l’avantage de supprimer les abattements liés à la situation familiale, qui pourraient amoindrir la portée de la contribution sur les hauts revenus.
Nous pouvons avoir confiance dans la qualité du travail du rapporteur général. Il sera toujours temps pour le Gouvernement de nous alerter sur d’éventuels effets de bord. Nous souhaitons que la commission émette un signal clair en votant l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Je voterai pour ce que je considère comme un amendement d’appel.
L’argument de M. Mattei sur notre ignorance des effets de l’amendement serait pertinent si nous connaissions bien ceux de l’article 3. Or en quelques jours, nous sommes passés de 65 000 foyers concernés à 24 300 et nous ne sommes certainement pas au bout de nos surprises pour ce qui est des 2 milliards d’euros de rendement annoncés.
Dans ce contexte, le travail du rapporteur général me semble au moins aussi sérieux que celui du Gouvernement. Je partage l’intention d’étendre le champ d’application de la contribution, de la rendre plus juste et de lui donner une rentabilité à la hauteur de ce qui avait été promis.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je vous lis l’étude d’impact, s’agissant des 2 milliards : « Le chiffrage a été réalisé à partir des déclarations de revenus 2022, sans tenir compte des effets comportementaux qui ne sont pas chiffrables ». Vous avouerez que la perplexité est de mise.
Mon amendement limite fortement les possibilités d’optimisation fiscale alors qu’avec le texte du Gouvernement, il suffit de faire exploser les crédits d’impôt non plafonnés pour échapper à la contribution.
À ceux qui plaident pour un relèvement du taux du PFU plutôt que pour l’usine à gaz de l’article 3, je réponds que ce ne sont pas les mêmes contribuables. La cible du PFU est bien plus large.
Enfin, il est plus facile d’améliorer la copie du Gouvernement, comme nous y invite M. Woerth, en obligeant celui-ci à prendre position sur le dispositif adopté par la commission, quitte à l’amender. Cela ferait avancer les choses alors qu’en l’état, on n’y comprend rien. Nous attendons toujours la réponse des services fiscaux pour comprendre comment ils aboutissent à un produit de 2 milliards d’euros !
L’adoption de l’amendement, aussi imparfait soit-il, permettra de lancer le débat en séance publique.
La commission adopte l’amendement I-CF1890.
En conséquence, les amendements I-CF1638 et I-CF1640 de M. Mathieu Lefèvre tombent.
Amendement I-CF1720 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit d’abaisser le seuil à partir duquel le présent article s’applique au niveau de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Il serait ainsi ramené de 250 000 euros à 180 649 euros pour une personne seule et de 500 000 euros à 361 298 euros pour un couple. Le nombre de Français concernés resterait très faible : un peu plus de 0,1 % des Français, mais nettement moins que les 1 % les plus riches, si l’on se réfère aux chiffres de l’Insee.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il me semble préférable de maintenir le seuil d’assujettissement à 250 000 euros, par parallélisme avec la CEHR. En revanche, nous devons nous assurer que les personnes ayant un revenu fiscal de référence supérieur à ces 250 000 euros seront effectivement redevables de la CDHR. C’est déjà ce qui motivait mon amendement I-CF1890, car le dispositif prévu par le Gouvernement, par le jeu du système de décotes que j’ai évoqué, aboutit dans les faits à un seuil plus proche de 300 000 euros. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements I-CF740 de Mme Marianne Maximi, I-CF1691 de M. Philippe Brun et I-CF742 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous proposons de relever le taux d’imposition minimale des hauts revenus de 20 % à 40 %. Par ailleurs, il me semble que la contribution différentielle devrait être pérennisée, et non limitée aux trois années à venir.
M. Philippe Brun (SOC). Je suis bien entendu tout à fait favorable au principe d’un impôt minimal. Dès lors que le taux normal de l’impôt sur le revenu applicable aux hauts revenus tend vers 45 %, il n’est pas tolérable que le texte du Gouvernement limite leur imposition à 20 %. C’est pourquoi nous proposons de fixer ce seuil à 35,67 %, qui est, selon le barème de l’impôt sur le revenu, le taux moyen applicable à un contribuable dont le RFR est de 250 000 euros.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Compte tenu du niveau de revenus dont nous parlons, s’assurer d’une imposition minimale devrait être une évidence ! En fait, il ne s’agit pas d’instaurer une contribution exceptionnelle ou différentielle, mais de s’assurer que les contribuables ayant de très hauts revenus ne sont pas trop nombreux à frauder le système fiscal ou à y échapper par différents moyens. Et comme nous estimons que le taux de cette imposition garantie doit être supérieur à 20 %, nous proposons de le fixer au moins à 30 %.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ces amendements posent un problème constitutionnel. En effet, pour un revenu effectivement imposé au barème à un taux moyen de 40 %, on doit ajouter la CEHR, à hauteur de 4 %, les prélèvements sociaux, à hauteur de 9,7 % – voire de 17,2 % pour le patrimoine – et la CDHR, à hauteur de 25 %. On aboutirait dès lors à un taux marginal d’imposition de 78,7 % au minimum, qui serait jugé confiscatoire. Il est donc certain que cette mesure serait annulée. C’est, du reste, un des écueils auxquels s’est heurté le Gouvernement lorsqu’il s’est agi de fixer le taux de la contribution : au-delà de 20-25 %, le risque de censure est grand. Je ne peux donc émettre qu’un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. Philippe Brun. Je ne comprends pas très bien l’argument du rapporteur général. Cette contribution étant différentielle, elle ne peut pas être confiscatoire : elle ne s’ajoute pas aux impôts existants. Le taux de 35 % ne peut être censuré puisqu’il correspond au barème de l’impôt sur le revenu ; il est même inférieur à celui qui s’applique à la dernière tranche.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le Conseil constitutionnel ne retient pas le taux moyen mais le taux marginal. Toutes les mesures qui avaient été adoptées portant ce taux marginal à 70-72 % ont été annulées. Encore une fois, si l’on retenait un taux minimal de 40 %, on aboutirait à un taux marginal compris entre 79 % et 86 %. C’est pourquoi je ne peux pas être favorable à vos amendements.
M. Philippe Juvin (DR). Notre discussion est révélatrice de la nature de notre système fiscal. Les impôts sont tellement élevés que l’on a créé des niches, lesquelles sont devenues si nombreuses et si complexes que certains en abusent au point d’échapper de manière excessive à l’impôt. Et nous voilà en train de chercher une échappatoire pour échapper aux échappatoires… Les Shadoks n’auraient pas fait mieux !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement I-CF7 de M. Nicolas Sansu
M. Nicolas Sansu (GDR). Si j’étais joueur, je dirais que cet amendement est rédactionnel. Dans une société où le nombre d’héritiers et de rentiers augmente et où la valeur des patrimoines explose, il convient d’asseoir la contribution différentielle non pas sur le revenu fiscal de référence, mais sur le patrimoine, en retenant un taux de 2 %. Tout le monde s’accorde à reconnaître, aussi bien notre collègue David Amiel que l’IPP ou l’économiste Gabriel Zucman, que les milliardaires échappent à l’impôt sur le revenu. Ils échapperont de la même façon à la contribution que nous voulons instaurer, car leurs revenus sont illiquides : il s’agit d’actions abritées dans des holdings familiales opaques.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable car une telle mesure serait, par définition, confiscatoire.
Certains éléments de patrimoine rapportent beaucoup, d’autres très peu. Ainsi, les terres ont un rendement de l’ordre de 1 %, celui des logements se situe aux alentours de 4 % et celui des immeubles industriels est compris entre 5 % et 7 %. Contrairement à ce que pensait Karl Marx, il n’y a pas de péréquation du taux de profit, de sorte qu’en retenant un taux de 2 % sans tenir compte de l’hétérogénéité des éléments du patrimoine, le montant de la contribution serait supérieur au gain. Encore une fois, la disposition sera annulée.
M. David Amiel (EPR). C’est assez rare pour le relever, je suis d’accord avec M. Sansu sur une partie du constat qu’il dresse. Nous avons en effet, en Europe, un problème lié à l’application de la directive dite mères-filles du 30 novembre 2011 : les holdings familiales peuvent être utilisées pour y loger des revenus personnels, ce qui permet aux milliardaires de s’acquitter d’un taux d’imposition très faible au regard de leurs revenus économiques.
La mesure proposée par M. Sansu ne résoudrait pas ce problème bien réel, pas davantage que ne l’a fait en son temps l’ISF, qu’elle vise en quelque sorte à rétablir. Elle serait en effet censurée par le Conseil constitutionnel, dont le rapporteur général a rappelé la jurisprudence en la matière. Il paraît donc préférable de mener une réflexion sur la fiscalité des holdings, laquelle fait d’ailleurs l’objet de travaux au niveau européen et international.
M. Gérault Verny (UDR). Je m’étonne toujours de ce type de discours. Le patrimoine financier, en l’occurrence des titres de sociétés, est illiquide. Affirmer que l’on peut stocker des revenus dans une holding est un non-sens économique. On peut y stocker de la trésorerie, mais celle-ci a vocation à être investie. Si elle est versée aux actionnaires de la holding, elle sera fiscalisée en tant que revenu. Taxons tous les stocks, y compris le vin des vignerons, tant que nous y sommes !
M. Jean-Paul Mattei (Dem). M. Sansu propose de recréer un ISF sur le patrimoine professionnel. Ce débat, suscité par le rapport de l’IPP, est une négation pure et simple de la personnalité morale : tant qu’un bénéfice n’est pas distribué, il n’est pas appréhendé par les actionnaires – ou alors il faut revoir entièrement le droit des sociétés. Par ailleurs, la valeur dont on parle en matière successorale est la valeur vénale ; on risquerait donc de provoquer un séisme, notamment pour ce qui est de l’outil professionnel.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques I-CF737 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1295 de Mme Danielle Simonnet, I-CF1693 de M. Philippe Brun et I-CF1804 de M. Jean-Paul Mattei
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous proposons de revenir sur le caractère temporaire de la CDHR. Certes, le déficit public est particulièrement important cette année, mais les raisons pour lesquelles l’État a besoin de recettes suffisantes ne disparaîtront pas du jour au lendemain : nos hôpitaux et nos écoles devront continuer à fonctionner après 2027. Par ailleurs, je ne crois pas que la toute petite garantie d’imposition que représente la CDHR place les plus riches dans des difficultés telles qu’ils ne puissent plus contribuer dans les années à venir.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). La contribution différentielle sur les hauts revenus doit être temporaire, mais la contribution des classes populaires est permanente, qu’il s’agisse de la taxe sur l’électricité ou de la profonde dégradation des services publics. C’est hallucinant ! Par ailleurs, je rappelle que cette contribution ne concerne que 24 000 personnes, soit à peine 0,06 % des contribuables. Limiter sa durée d’application à deux années quand l’effort consenti par les classes populaires est considérable, c’est ajouter l’injustice et l’inégalité au dérisoire.
C’est pourquoi nous proposons de pérenniser la CDHR, en rappelant cependant que les mesures les plus pertinentes pour assurer une redistribution des richesses consisteraient à instaurer quatorze tranches d’impôt sur le revenu pour renforcer sa progressivité et, surtout, à s’attaquer à la question du patrimoine et des successions dorées.
M. Philippe Brun (SOC). Nous souhaitons en effet supprimer la fin de l’alinéa 22 car nous ne pouvons pas accepter qu’à compter de 2027, le taux d’imposition des contribuables les plus aisés retombe à son niveau actuel. Si l’on estime que la CDHR est juste, il faut la rendre pérenne.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Si l’on peut accepter le caractère temporaire de la contribution des grandes entreprises, dans la mesure où elle se traduit par un taux d’impôt sur les sociétés assez important, il serait ridicule qu’une mesure de justice fiscale telle que le CDHR soit limitée dans le temps, dès lors qu’elle est équilibrée – et nous avons encore à y travailler – et convenablement paramétrée.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Le Gouvernement nous propose d’appliquer la CDHR pendant trois années : 2024, 2025 et 2026.
Le problème tient, beaucoup l’ont dit, à l’extrême complexité de l’impôt sur le revenu et au fait que les crédits d’impôt, dont certains ne sont toujours pas plafonnés, sont si nombreux qu’ils permettent à des personnes très aisées de ne payer en définitive qu’un impôt très faible, en termes de taux moyen.
Que l’on adopte ces amendements ou non, cela ne changera pas grand-chose, dès lors qu’une nouvelle majorité sera probablement élue en 2027. La seule différence se trouve du côté des possibilités d’optimisation, avec, comme l’a relevé M. Mattei, le mécanisme du lissage qui fait échapper la dernière année aux trois quarts du montant dû en cas de revenus exceptionnels.
Bref, il appartiendra à la nouvelle majorité de décider, en 2027, si elle maintient le dispositif ou non. C’est une remarque de méthode. Sagesse.
M. Philippe Juvin (DR). J’ai toujours pensé que le risque des impôts transitoires et ciblés était qu’ils deviennent permanents et élargis. Je ne savais pas que cela serait aussi rapide ! Je suis opposé à ces amendements.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je rejoins M. Juvin. De deux choses l’une : soit il s’agit de lutter contre l’optimisation fiscale, auquel cas le dispositif doit être pérenne ; soit l’on veut une contribution exceptionnelle qui doit produire du rendement, et il doit être temporaire.
Par ailleurs, je m’étonne qu’il n’ait pas été fait mention des travaux de l’OCDE en faveur d’une imposition minimale des personnes physiques. On pourrait en effet décider que la CDHR sera caduque lorsque cette imposition minimale entrera en vigueur dans notre pays.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je soutiens ces amendements. J’appelle l’attention de ceux de nos collègues qui s’y opposent sur le fait que l’ensemble des mesures temporaires du projet de budget s’appliquent aux plus hauts revenus, alors que toutes les mesures, sinon définitives, du moins stables concernent tous les autres !
Monsieur Lefèvre, ce que la loi fait, elle peut le défaire. Le législateur pourra donc revenir sur cette contribution le jour où la fiscalité connaîtra l’évolution que vous évoquez.
M. Charles de Courson, rapporteur général. M. Lefèvre a raison de soulever la question du taux minimal mondial d’impôt sur le revenu, mais les plus optimistes estiment qu’il faudra une quinzaine d’années pour y parvenir. Je souhaite bien du courage à ceux qui seront encore là.
Pour répondre à M. Juvin, je rappelle que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus avait été présentée, en 2012, comme une mesure très temporaire. Cela fait douze ans. Et je pourrais multiplier les exemples…
La commission adopte les amendements I-CF737, I-CF1295, I-CF1693 et I-CF1804.
En conséquence, l’amendement I-CF1639 de M. Mathieu Lefèvre tombe.
La commission adopte l’article 3 modifié.
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 16 octobre 2024 à 17 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, Mme Céline Calvez, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, Mme Mathilde Feld, Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, Mme Christine Loir, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Emmanuel Maurel, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Thomas Portes, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth
Excusés. - Mme Yaël Ménaché, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - M. Erwan Balanant, Mme Stella Dupont, M. Inaki Echaniz