N° 1302

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019
(n° 1255),

 

TOME II

examen de la premiÈre partie
du projet de loi de finances

conditions gÉnÉrales de lÉquilibre financier

 

Par M. Joël GIRAUD

Rapporteur général,

Député

——

 


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SOMMAIRE

___

 Pages

EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire Prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques de lannée 2019, prévision dexécution 2018 et exécution 2017

PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE LÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.  Impôts et ressources autorisés

A.  Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er Autorisation de percevoir les impôts et produits existants

B.  Mesures fiscales

Article 2 Indexation du barème de limpôt sur le revenu (IR) et des grilles de taux du prélèvement à la source (PAS)

Après larticle 2

Article additionnel après larticle 2 Exonération dimpôt sur le revenu pour les personnes louant ou sous-louant en meublé une partie de leur habitation principale

Après larticle 2

Article additionnel après larticle 2 Exonération de limpôt sur le revenu des primes liées aux performances sportives des médaillés olympiques et paralympiques

Après larticle 2

Article additionnel après larticle 2 Réduction dimpôt au titre des investissements locatifs intermédiaires pour les logements situés dans une commune couverte par un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD)

Après larticle 2

Article 3 Mesures daccompagnement du prélèvement à la source de limpôt sur le revenu

Après larticle 3

Article 4 Plafonnement de la réduction dimpôt sur le revenu dans les départements doutre-mer (DOM)

Article 5 Suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR)

Article additionnel après larticle 5 Comptabilisation de lénergie solaire thermique dans la détermination du seuil de 50 % dénergie renouvelable permettant lapplication du taux réduit de TVA de 5,5 % à la fourniture de chaleur

Article 6 Création de zones franches dactivité nouvelle génération (ZFANG)

Article additionnel après larticle 6 Extension du dispositif applicable aux bassins urbains à dynamiser aux communes limitrophes remplissant les conditions communales

Après larticle 6

Article additionnel après larticle 6 Exclusion des meublés de tourisme du crédit dimpôt pour investissements en Corse

Après larticle 6

Article 7 Mesures relatives à la taxe denlèvement des ordures ménagères (TEOM)

Après larticle 7

Article 8 Renforcement de la composante de la taxe générale sur les activités polluantes relative aux déchets

Après larticle 8

Article additionnel après larticle 8 Exclusion de lhuile de palme de la liste des biocarburants ouvrant droit à lexonération

Après larticle 8

Article 9 Suppression de taxes à faible rendement

Article 10 Fusion des taxes sur la publicité audiovisuelle

Après larticle 10

Article additionnel après larticle 10 Taxation de la délivrance des titres de séjour

Après larticle 10

Article 11 Suppression de dépenses fiscales inefficientes

Article additionnel après larticle 11 Élargissement du champ de la réduction dimpôt au titre de linvestissement productif outre-mer aux activités de la navigation de croisière

Article additionnel après larticle 11 Assouplissement des conditions de mise en location des logements sociaux outre-mer

Après larticle 11

Article 12 Réforme du régime de lintégration fiscale

Article 13 Réforme des dispositifs de limitation des charges financières

Article 14 Réforme du régime dimposition des produits de cession ou concession de brevets

Article 15 Modification des règles de calcul des acomptes dimpôt sur les sociétés (« 5e acompte »)

Article 16 Adaptation de lexonération partielle de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) en faveur des entreprises (« pactes Dutreil »)

Après larticle 16

Article additionnel après larticle 16 Relèvement de lobligation de distribution des sociétés dinvestissements immobiliers cotés (SIIC)

Après larticle 16

Article additionnel après larticle 16 Relèvement de lexonération partielle de droits de transmission sur certaines exploitations agricoles

Article additionnel après larticle 16 Mise en cohérence des catégories dorganismes dintérêt général ouvrant droit à certains avantages fiscaux

Après larticle 16

Article additionnel après larticle 16 Mise en cohérence des « pactes Dutreil-ISF » avec la réforme des « pactes Dutreil-transmission »

Après larticle 16

Article 17 Mise en place dune révocabilité possible en cas de passage à limpôt sur les sociétés (IS)

Article 18 Réforme des aides fiscales en faveur de la gestion des risques et de linvestissement agricoles

Après larticle 18

Article additionnel après larticle 18 Appréciation des plafonds de pluriactivité des groupements agricoles dexploitation en commun (GAEC) au niveau du groupement

Article additionnel après larticle 18 Dispositif optionnel de blocage de la valeur des stocks à rotation lente

Après larticle 18

Article additionnel après larticle 18 Extension de la dispense dobligation de reboisement aux créations et reprises dexploitations agricoles en zones agricoles et naturelles

Article additionnel après larticle 18 Dispense du paiement de lindemnité compensatoire au défrichement pour les travaux de défense des forêts contre lincendie

Après larticle 18

Article additionnel après larticle 18 Extension du dispositif du mécénat aux festivals audiovisuels

Après larticle 18

Article additionnel après larticle 18 Création dun plancher dérogatoire et dun plafond aux versements déductibles au titre de la réduction dimpôt sur les sociétés « mécénat »

Article additionnel après larticle 18 Assouplissement de la réduction dimpôt « mécénat » en direction des sociétés publiques locales

Après larticle 18

Article additionnel après larticle 18 Modalités dimposition des entreprises exploitant des satellites géostationnaires

Après larticle 18

Article 19 Suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation (TICPE) sur le gazole non routier

Après larticle 19

Article additionnel après larticle 19 Prorogation et élargissement des conditions aux fins de bénéficier de la déduction exceptionnelle en faveur des véhicules lourds

Après larticle 19

Article 20 Mise en conformité du régime de TVA des services à la personne

Article 21 Transposition partielle de la directive sur le régime de TVA du commerce électronique

Article 22 Transposition de la directive sur le régime de TVA des bons

Après larticle 22

Article additionnel après larticle 22 Pérennisation du taux réduit de 5,5 % sur les auto-tests VIH

Après larticle 22

II.  Ressources affectées

A.  Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 23 Fixation pour 2019 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des variables dajustement

Après larticle 23

Article 24 Compensation des transferts de compétences aux régions par attribution dune part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Article 25 Modernisation du mécanisme de compensation de perte de ressources de contribution économique territoriale (CET) et création dun fonds de compensation horizontale pour laccompagnement à la fermeture des centrales de production délectricité dorigine nucléaire et thermique

Après larticle 25

Article 26 Neutralisation du montant de FCTVA versé sur la part de TVA affectée aux régions

Après larticle 26

Article 27 Recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) en Guyane et à Mayotte

Article 28 Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de lÉtat au profit des collectivités territoriales

Après larticle 28

B.  Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 29 Mesures relatives à lajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

Après larticle 29

Article additionnel après larticle 29 Gel de labattement pour vétusté du droit de francisation et de navigation

Après larticle 29

C.  Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 30 Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants

Article 31 Modification du produit affecté au compte daffectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers et financement du fonds destiné à la prise en charge des accidentés de la route

Article 32 Modification des recettes des comptes daffectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs et Transition énergétique

Article 33 Modification du barème du malus automobile (compte daffection spéciale Aides à lacquisition de véhicules propres)

Article additionnel après larticle 33 Assujettissement des véhicules à double cabine équipés dune plateforme arrière au malus automobile

Article 34 Actualisation du compte de commerce Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés

Article 35 Stabilisation du tarif de la contribution à laudiovisuel public (CAP), actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources de laudiovisuel public (compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public)

D.  Autres dispositions

Article 36 Relations financières entre lÉtat et la sécurité sociale

I. la baisse significative de recettes de la sÉcuritÉ sociale en 2019, en raison de mesures adoptées en 2018

A. L’exonération de cotisations salariales chômage

B. Les allégements de cotisations patronales en compensation de la suppression du CICE

II. les mesures des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2019, affectant le solde de la sÉcuritÉ sociale

A. Les transferts de recettes des prélèvements sociaux vers l’État

B. la refonte des dispositifs d’exonÉrations ciblÉES

C. les transferts divers entre l’État et la sÉCURITÉ SOCIALE

1. Les mesures de transfert de dépenses vers l’État

2. Les mesures de transferts en dépenses et en recettes

D. LA non-compensation de pertes de recettes de la sÉcuritÉ sociale

1. Les préconisations du rapport sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale

2. Les mesures non compensées à compter de 2019

III. l’augmentation significative de la fraction de TVA affectÉe à la sÉcuritÉ sociale

Article 37 Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de lÉtat au titre de la participation de la France au budget de lUnion européenne

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À LÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 38 Équilibre général du budget, trésorerie et plafond dautorisation des emplois


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   EXAMEN DES ARTICLES

Au cours de ses deux séances du mardi 9 octobre 2018, de ses quatre séances du mercredi 10 octobre 2018 et le jeudi 11 octobre 2018, la commission des finances a examiné la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2019 (n° 1255).

*

*     *

Article liminaire
Prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble
des administrations publiques de lannée 2019,
prévision dexécution 2018 et exécution 2017

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article mentionne sous forme de tableau les prévisions de soldes de l’ensemble des administrations publiques pour 2019 et 2018 ainsi que les données d’exécution pour 2017.

Pour 2019, le déficit public est prévu à 2,8 % du produit intérieur brut (PIB).

Hors mesures exceptionnelles, il est prévu à 1,9 % du PIB. Celui-ci se décompose en un déficit structurel de 2 % et un excédent conjoncturel de 0,1 % du PIB.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article porte sur les finances publiques toutes administrations publiques confondues, et non sur le seul budget de l’État. Il offre ainsi une vision consolidée de lensemble des finances publiques : administrations publiques centrales, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale.

Aux termes de l’article 7 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([1]), l’article liminaire du PLF présente « un tableau de synthèse retraçant, pour lannée sur laquelle elles portent, létat des prévisions de solde structurel et de solde effectif de lensemble des administrations publiques, avec lindication des calculs permettant détablir le passage de lun à lautre ».

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les années 2017 à 2019

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2017

Prévision

dexécution

2018

Prévision

2019

Solde structurel (1)

– 2,3

– 2,2 

– 2,0

Solde conjoncturel (2)

– 0,3

– 0,1

+ 0,1

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,2

– 0,9

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 2,7

 2,6

 2,8

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5 = 4  3)

 2,6

 2,4

 1,9

Source : article liminaire du présent PLF.

Le présent article fixe ainsi, pour 2019, un objectif de déficit public de 2,8 % du produit intérieur brut (PIB) Hors mesures exceptionnelles, le déficit public est prévu à 1,9 % du PIB pour 2019 (I).

Celui-ci se décompose en un déficit structurel de 2 % et un excédent conjoncturel de 0,1 % du PIB (II).

I.   Un objectif de dÉficit public fixé 2,8 % du PIB qui s’explique pour 0,9 point par la transformation du cice en baisse de cotisations

Contrairement au déficit public effectif, le déficit public hors mesures exceptionnelles poursuit sa baisse en 2019 (A).

Le déficit public serait meilleur que prévu par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (LPFP) ([2]) (B).

A.   Une baisse constante du dÉficit depuis 2009

Le point le plus bas de solde effectif a été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit record de 7,2 % du PIB.

En 2018, il sera ramené à 2,6 % du PIB selon la prévision actualisée du présent PLF. Le déficit public aura été réduit de 4,6 points de PIB en neuf ans, soit une baisse annuelle moyenne de 0,5 point.

L’année 2019 marque en apparence une rupture de tendance, le déficit public devant progresser de 0,2 point pour s’établir à 2,8 % du PIB.

DÉficit public depuis 2008

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

En

% du PIB

3,3

7,2

6,9

5,2

5,0

4,1

3,9

3,6

3,5

2,7

2,6

2,8

En

milliards deuros

65,0

138,9

137,4

106,1

104,0

86,5

83,9

79,7

79,1

61,4

60,6

66,7

Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) jusqu’en 2017, présent PLF pour les années 2018 et 2019.

Toutefois, l’année 2019 est caractérisée par une importante mesure exceptionnelle relative à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales. Cette mesure dégrade temporairement le solde public de 0,9 point de PIB.

La transformation du CICE en baisse de cotisations sociales

Institué par l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le CICE est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

Il s’agit d’un crédit d’impôt qui porte sur la masse salariale des salariés dont les rémunérations brutes n’excèdent pas 2,5 fois le montant annuel du SMIC. Il bénéficie à toutes les entreprises relevant de l’IS ou de l’impôt sur le revenu (IR) d’après leur bénéfice réel. Son taux a varié au fil des années. Il était de 4 % pour les salaires versés en 2013. Il a été relevé à 6 % pour les salaires versés à compter de 2014, puis à 7 % pour les salaires versés en 2017, avant de revenir à 6 % pour les salaires versés en 2018.

Son coût pour 2018 a été évalué à 21 milliards d’euros en comptabilité budgétaire et à 22,8 milliards d’euros en comptabilité nationale.

Le président de la République s’était engagé à transformer le CICE en baisse de cotisations. Conformément à cet engagement, l’article 86 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le CICE et l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les employeurs comprenant deux volets :

– une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC, soit une sorte « d’équivalent-CICE » ;

– et un renforcement de l’allégement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC (le Gouvernement a annoncé le report de ce second au volet au 1er octobre 2019).

En 2019, année de mise en place de ces nouveaux allégements, les entreprises éligibles continueront de bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment en 2018. Il en résulte un « double coût » assumé par l’État et traité en mesure exceptionnelle dans la décomposition du solde public pour 2019.

En neutralisant cette mesure exceptionnelle, le solde public pour 2019 ressort à 1,9 % du PIB, soit une baisse de 0,7 point de PIB par rapport au solde effectif de 2018 mesuré à 2,6 % du PIB.

La baisse par rapport au solde public de 2018, retraité de la mesure exceptionnelle relative au remboursement de la taxe à 3 % sur les revenus distribués, est de 0,5 point de PIB : 1,9 % du PIB au lieu de 2,4 % du PIB en 2018.

Le remboursement de la taxe à 3 % sur les revenus distribués

La contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés (IS) au titre des montants distribués a été créée par l’article 6 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (1).

Par une décision du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a annulé la contribution de 3 % sur les revenus distribués (2). Ceci devait entraîner une diminution des recettes fiscales nettes d’environ 10 milliards d’euros au titre des remboursements aux entreprises. Selon le Gouvernement, les remboursements de 10 milliards d’euros devaient être répartis en deux parts égales de 5 milliards d’euros sur les exercices 2017 et 2018.

Pour compenser cette annulation, la première loi de finances rectificative pour 2017 (3) a institué deux contributions exceptionnelles sur l’impôt sur les sociétés dû en 2017 par les plus grandes entreprises. Elles devaient entraîner un gain budgétaire de 5,4 milliards d’euros dont 4,8 milliards d’euros dès 2017 et 0,6 milliard d’euros supplémentaires en 2018. En exécution, elles ont rapporté 4,9 milliards d’euros en 2017.

Le solde net de l’annulation du Conseil constitutionnel et du rendement des contributions créées a donc été de – 0,4 milliard d’euros sur 2017 et devrait être de
– 4,4 milliards d’euros sur 2018.

Ce solde net est traité en mesures exceptionnelles dans la décomposition du solde public pour 2018. Il en résulte une mesure exceptionnelle de – 0,2 point de PIB en 2018.

(1) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

(2) Conseil constitutionnel, décision  2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financière [Contribution de 3 % sur les montants distribués] (lien).

(3) Loi  2017-1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

Les efforts de réduction du déficit public se poursuivent donc en 2019 à un rythme équivalent à celui connu en moyenne au cours de la dernière décennie.

B.   Un objectif amélioré par rapport à celui fixé dans la loi de programmation des finances publiques

La cible de déficit public pour 2019 est meilleure que celle prévue par la LPFP pour les années 2018 à 2022.

L’objectif de déficit public pour 2019 est en effet de 2,9 % dans la loi de programmation au lieu de 2,8 % dans le présent article.

Cela ne s’explique pas par un changement de politique budgétaire mais par le fait que l’année 2017 s’est révélée meilleure que prévu : le déficit public a été mesuré à 2,7 % du PIB au lieu de 2,9 % prévu en LPFP.

trajectoire de solde public de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public

– 2,9

– 2,8

– 2,9

– 1,5

– 0,9

– 0,3

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le programme de stabilité transmis au mois d’avril à la Commission européenne s’engageait, quant à lui, sur un objectif de déficit public de 2,4 % du PIB pour 2019.

De ce point de vue, la prévision du présent article est dégradée de 0,4 point par rapport au programme de stabilité.

Cela s’explique par le fait que le programme de stabilité a été élaboré sur la base d’un scénario macroéconomique plus optimiste compte tenu de l’accélération de la croissance constaté en 2017. Il repose en effet sur une hypothèse de croissance de 2 % pour 2018 et 1,9 % pour 2019.

trajectoire de solde public du programme de stabilité d’avril 2018

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public

– 2,6

– 2,3

– 2,4

– 0,9

– 0,3

+ 0,3

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le ralentissement de la croissance constaté au cours du premier semestre 2018 a conduit le Gouvernement à revenir à son scénario initial – prévu dans la LPFP – d’une croissance à 1,7 % pour 2018 et 2019.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constituions et « sinscrivent dans lobjectif déquilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

II.   Un déficit d’origine structurelle

Hormis la mesure exceptionnelle liée à la transformation du CICE, le déficit s’explique en totalité par sa composante structurelle prévue à 2,0 % du PIB par le présent article (A).

Le solde conjoncturel serait quant à lui excédentaire à hauteur de 0,1 % du PIB (B).

A.   Un déficit structurel de 2 % du PIB

1.   Notion de déficit structurel

a.   Une composante du déficit public suivie au titre des engagements européens de la France

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit du déficit qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel. Inversement, le déficit conjoncturel est le déficit lié à la conjoncture.

Autrement dit, le déficit comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture et l’autre indépendante de la conjoncture. La réduction de la composante structurelle est prioritaire dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration de la conjoncture.

C’est la raison pour laquelle l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de déficit structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à un point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([3]). Ce volet préventif prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

b.   Des modalités de calcul complexe

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une notion macroéconomique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans quapparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([4]).

Les hypothèses d’écart de production permettent de calculer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit selon des modalités complexes définies dans l’annexe 2 du rapport annexé à la LPFP pour les années 2018 à 2022.

Une méthode simplifiée de calcul − appelée « règle du pouce » − consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est proche de la moitié de lécart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Un écart de production négatif surestimé conduit à surestimer la composante conjoncturelle du déficit et à sous-estimer sa composante structurelle.

L’écart de production évolue chaque année à hauteur de la différence entre la croissance effective et l’hypothèse de croissance potentielle définie, au même titre que le PIB potentiel, comme la croissance maximale au-delà de laquelle apparaissent des tensions inflationnistes.

Par voie de conséquence, une surestimation de la croissance potentielle aboutit à creuser lécart de production et à minorer le déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

2.   Les hypothèses de calcul du déficit structurel

Les hypothèses initiales de calcul du déficit structurel ont été fixées dans la LPFP pour les années 2018 à 2022.

HypothÈses initiales d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 1,1

– 0,7

– 0,2

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,1

Source : rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ces hypothèses ont été jugées « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis portant sur le projet de LPFP pour les années 2018 à 2022 ([5]).

Le Gouvernement n’a pas modifié ses hypothèses de croissance potentielle dans le cadre du présent PLF.

Toutefois, les hypothèses d’écart de production doivent être actualisées chaque année en fonction de la croissance effective constatée. En 2017, la croissance effective a été nettement supérieure à la croissance prévue (2,2 % au lieu de 1,7 %). Il en a résulté une réduction plus rapide qu’escomptée de l’écart de production.

HypothÈses actualisées d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

Croissance en volume du PIB

1,1

2,2

1,7

1,7

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 0,6

– 0,2

+ 0,2

Source : réponse au questionnaire du Rapporteur général.

3.   Un déficit structurel qui se réduit insuffisamment selon le Haut Conseil des finances publiques

En application des hypothèses décrites, l’objectif de déficit structurel ressort à 2 % du PIB dans le présent article. Il serait ainsi en baisse de 0,3 point de PIB par rapport à 2017 en tenant compte des règles d’arrondis.

La LPFP prévoyait quant à elle un déficit structurel de 1,9 %.

Dans son avis ([6]), rendu application de l’article 14 de la loi organique précitée, le Haut Conseil des finances publiques a observé que les « prévisions de solde structurel associées au projet de loi de finances pour 2019 ne font pas apparaître décart important par rapport à la trajectoire de la loi de programmation pour les années 2018 à 2022 ».

L’écart se limite en effet à 0,1 point de PIB. Or, un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives ([7]).

Le Haut Conseil des finances publiques a cependant relevé que l’ajustement structurel :

– était à un niveau inférieur au 0,5 point requis par le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance ;

– et était majoré de 0,1 point en 2019 par la réforme du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, ce choix étant « discutable » dans la mesure où cette réforme aurait pu être traitée en « opération ponctuelle et temporaire » ([8]).

B.   Un excédent conjoncturel de 0,1 % du PIB résultant de la fermeture de l’écart de production

L’écart de production serait positif à hauteur de 0,2 point du PIB en 2019. Cela signifie que le PIB effectif serait légèrement supérieur au PIB potentiel de l’économie française. Il en est déduit un solde conjoncturel positif de 0,1 point de PIB (soit environ la moitié de l’écart de production en application de la « règle du pouce » précitée).

En d’autres termes, à compter de 2019, les effets de la crise cesseraient de peser sur le déficit public. Celui-ci serait exclusivement d’origine structurelle, hors mesures exceptionnelles. Initialement, il était prévu, dans la LPFP, que l’écart de production ne redevienne positif qu’en 2020.

Certes, en période de reprise, le PIB effectif peut être supérieur au PIB potentiel. Mais, cela doit se traduire, selon la théorie économique, soit par des tensions inflationnistes soit par un ralentissement de la croissance au cours des années ultérieures. Seul un relèvement de la croissance potentielle serait de nature à éviter un retour de l’inflation ou un ralentissement de la croissance dans les prochaines années.

Dans ses précédents avis, le Haut Conseil des finances publiques avait d’ailleurs souligné que le scénario gouvernemental des finances publiques reposant sur un écart de production croissant tout au long de la période de programmation était « optimiste » ([9]).

*

*     *

La commission examine lamendement I-CF1138 de Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Cet amendement vise deux objectifs. Le premier est de demander à ce que les corrections apportées, à l’initiative de l’économiste Olivier Blanchard, par le Fonds monétaire international (FMI) en 2013 au calcul de l’indicateur de croissance potentielle soient enfin intégrées aux modalités selon lesquelles le solde structurel de nos comptes publics est calculé. Le second est de corriger les objectifs de déficit structurel affichés par le Gouvernement pour les années 2019 et 2020, car chacun sait bien que la technique du « rabot » n’a jamais offert aucune solution structurelle et que les prévisions inscrites à l’article liminaire ne reposent sur aucune réalité. Il n’y a transformation structurelle ni de notre économie ni de notre base de dépenses.

M. le Rapporteur général. Tous les amendements à l’article liminaire ont déjà été examinés en 2018. Ils visent à remettre en cause soit les hypothèses soit la trajectoire que nous avons adoptées en LPFP. J’y suis donc défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF1138.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement I-CF1419 de M. Charles de Courson, les amendements identiques I-CF181 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF557 de Mme Véronique Louwagie ainsi que lamendement I-CF1431 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. L’amendement I-CF1419 vise à faire en sorte que la France respecte ses engagements de réduction du déficit structurel. Celle-ci est estimée à 0,1 point de PIB en 2018 et à 0,3 point de PIB en 2019 – mais le HCFP réajuste cela à 0,2 point en éliminant le milliard et demi d’euros du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, qui est une mesure non pas structurelle mais conjoncturelle. On nous demandait 0,5 par an, avec une tolérance à 0,7 point sur deux ans. Je propose un réajustement pour que le déficit structurel soit conforme à nos engagements européens.

Mme Véronique Louwagie. Avec l’amendement I-CF557, il s’agit de constater que l’effort structurel est insuffisant et que le Gouvernement ne respecte pas ses engagements européens. Le Haut Conseil des finances publiques en a fait le constat en indiquant que les ajustements structurels prévus pour 2018, à hauteur de 0,1 point du PIB, et 2019, à hauteur de 0,3 point du PIB, qui seront soumis à l’appréciation de la Commission européenne ne sont pas conformes aux règles du « bras préventif » du Pacte de stabilité. Nous proposons, avec cet amendement, de faire en sorte que le Gouvernement respecte ce Pacte de stabilité.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements, qui ont pour seul objet d’amplifier l’ajustement structurel par rapport à la trajectoire adoptée en LPFP. L’effort prévu est conforme au programme de stabilité que nous avons transmis à la Commission européenne.

M. Charles de Courson. Pouvez-vous, monsieur le Rapporteur général, éclairer notre commission ? Tous ces amendements visent le même objectif : le respect de nos engagements européens. L’effort de réduction du déficit structurel sur les deux années 2018 et 2019 doit-il, oui ou non, être de 0,7 point ? Et si certains prétendent qu’un effort de 0,5 point suffirait, mais nous n’y sommes pas plus. La question est non pas de savoir si vous avez transmis des éléments mais s’ils sont conformes au Pacte de stabilité.

M. le Rapporteur général. C’est ce que nous avons transmis à la Commission européenne, qui nous répondra au mois de novembre.

M. Charles de Courson. Merci, monsieur le Rapporteur général, mais cela signifie que nous risquons de devoir tout réajuster au moment du vote final.

M. le Rapporteur général. Le volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance est assez souple.

Mme Véronique Louwagie. Quoi qu’il en soit, monsieur le Rapporteur général, la trajectoire de nos finances publiques s’écarte de nos engagements européens. C’est ce que nous dénonçons au travers de ces amendements.

M. le président Éric Woerth. Nous avons plusieurs fois abordé le sujet au sein de notre commission, notamment en présence du président Migaud.

La commission rejette lamendement I-CF1419.

Puis elle rejette les amendements identiques I-CF181 et I-CF557.

Enfin elle rejette lamendement I-CF1431.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1420 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, le Haut Conseil des finances publiques se prononce uniquement sur les recettes du PLF. À la lumière de l’audit sur les finances publiques que la Cour des comptes a rendu le 29 juin 2017, il semble opportun que le Haut Conseil puisse se prononcer sur les dépenses du PLF pour 2020, c’est-à-dire sur la sincérité des estimations. Le Gouvernement, d’ailleurs, n’a pas grand-chose à craindre : globalement, le projet de budget, dont on pense ce qu’on veut sur le fond, est assez sincère, même s’il manque encore 500 millions d’euros sur les opérations extérieures (OPEX) et quelques autres points. Je crois qu’il serait intéressant que l’on élargisse les compétences du Haut Conseil.

M. le Rapporteur général. Cet amendement avait été rejeté lors de l’examen du PLF pour 2018, car la définition des compétences du Haut Conseil des finances publiques relève de la loi organique. J’y suis donc défavorable.

M. Charles de Courson. J’ai cru comprendre, cependant, que vous n’y étiez pas hostile sur le fond.

M. le Rapporteur général. Je suis ouvert à une modification de la loi organique.

Lamendement I-CF1420 est retiré.

La commission adopte larticle liminaire sans modification.

*

*     *

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE LÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. ‑ Impôts et ressources autorisés

A. ‑ Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts et produits existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État.

Il prévoit également que, sous réserve de dispositions contraires, les dispositions fiscales qu’il contient s’appliquent au 1er janvier 2019.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État (I).

Il précise également les modalités d’entrée en vigueur des dispositions fiscales de la loi de finances (II).

Ressources de lÉtat pour 2019

(en milliards deuros)

Recettes fiscales nettes du budget général

278,9

Recettes non fiscales du budget général

12,5

Recettes totales nettes du budget général

291,4

Ressources des budgets annexes

2,4

Ressources des comptes daffectation spéciale

82,9

Ressources des comptes de concours financiers

126,3

Source : présent PLF.

I.   L’AUTORISATION DE PERCEVOIR LES RESSOURCES PUBLIQUES

Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article 1er du PLF de l’année renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique en vertu de laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.

Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par le I du présent article voit son champ précisé par le 1° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([10]), qui dispose que « la loi de finances de lannée autorise, pour lannée, la perception des ressources de lÉtat et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que lÉtat ».

L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe constitutionnel d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF.

Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public – revenus industriels et commerciaux, rémunération de services rendus, fonds de concours, remboursement de prêts et d’avances, produits de cessions…

Elle couvre les impositions de toutes natures affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.

Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours – ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au PLF relative aux évaluations des voies et moyens.

La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires, intégré dans le Rapport économique, social et financier depuis la modification de l’article 50 de la LOLF opéré par l’article 25 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([11]).

II.   LA DATE D’APPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES CONTENUES DANS LE présent PROJET DE LOI DE FINANCES

Le II du présent article prévoit, dans les termes habituels, les conditions d’entrée en vigueur des dispositions fiscales qui ne comportent pas de date d’application particulière.

La règle générale reste l’application des dispositions fiscales à compter du 1er janvier, en l’espèce le 1er janvier 2019.

Deux exceptions traditionnelles sont prévues :

– l’une pour l’impôt sur les sociétés prévoyant que celui-ci est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2018 – une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct ;

– et l’autre pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’appliquant à l’impôt dû au titre de 2018 et des années suivantes.

Bien que l’imposition des revenus non exceptionnels perçus en 2018 soit neutralisée par un crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR), l’application au titre de l’année 2018 des dispositions de la première partie du présent PLF pour 2019 est nécessaire pour permettre le calcul de l’IR 2018 annulé par le CIMR, l’imposition des revenus exceptionnels, et le calcul des réductions et crédits d’impôts.

*

*     *

La commission se saisit de lamendement I-CF182 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Jean-Pierre Vigier. Cet amendement permet de préciser que seuls les revenus exceptionnels dus au titre de l’année 2018 pourront faire l’objet d’un prélèvement au titre de l’impôt sur le revenu (IR).

M. le Rapporteur général. Cet amendement est totalement satisfait. L’année blanche et plus largement la mise en œuvre du prélèvement à la source ne sont nullement remises en cause par cet article 1er Je vous invite à retirer cet amendement, cher collègue ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF182.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF1421 et I-CF1422 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’article liminaire ou l’article 1er de la loi de finances comportait traditionnellement une évaluation des dépenses fiscales – vous le savez, une enveloppe a été fixée en loi de programmation. Or cela a disparu. Ces amendements ont donc pour objet d’appeler l’attention de tous les collègues sur la poursuite de la hausse du montant de ces dépenses fiscales, jusqu’en 2018. Il est question, en page 13 du tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens, d’une augmentation de 400 millions d’euros par rapport aux prévisions et d’un montant total de 100,2 milliards d’euros en 2018, contre 93,4 milliards d’euros en 2017. Certes, cette année, une dépense fiscale, le CICE, se transforme en exonération de charges, ce qui entre davantage dans les « dépenses sociales », mais le montant continue de progresser. J’en appelle donc à la responsabilité, en proposant une réduction du montant des niches fiscales de 10 %, par l’amendement I-CF1421, ou de 10 milliards d’euros, par l’amendement I-CF1422. Le Gouvernement n’aura qu’à se débrouiller ensuite pour arbitrer entre les 457 niches et parvenir au résultat.

M. le Rapporteur général. Les objectifs en matière de dépenses fiscales relèvent de la LPFP, non de la loi de finances. Le projet de LPFP prévoyait un plafonnement des dépenses fiscales à hauteur de 28 % d’un agrégat comprenant les recettes fiscales nettes du budget général et les dépenses fiscales. J’ai fait adopter un amendement pour abaisser ce plafond à 27 % pour l’année 2020, 26 % pour l’année 2021 et 25 % pour l’année 2022. D’après mes calculs, nous en sommes actuellement à 26,1 % dans le PLF pour l’année 2019.

En outre, l’article 11 du présent PLF est dédié à la suppression des dépenses fiscales, ce qui devrait vous plaire comme à moi, cher collègue. Je vous invite donc à retirer ces amendements et à apporter un franc soutien audit article et aux amendements que je défendrai pour améliorer encore la situation.

M. Charles de Courson. Je retire ces amendements, mais je les redéposerai en vue de la séance, pour que nous ayons la position du Gouvernement en plus de celle du Rapporteur général. Et je rappelle que l’on peut « durcir » en PLF les dispositions adoptées en loi de programmation.

Les amendements I-CF1421 et I-CF1422 sont retirés.

La commission adopte larticle 1er sans modification.

*

*     *

B.  Mesures fiscales

Article 2
Indexation du barème de limpôt sur le revenu (IR)
et des grilles de taux du prélèvement à la source (PAS)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à l’indexation :

– du montant des tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu (IR) ainsi que des seuils et plafonds intervenant dans le calcul de l’impôt, à hauteur de l’évolution des prix hors tabac de 2018 par rapport à 2017, soit + 1,6 %. Le coût de la mesure est évalué à 1,76 milliard d’euros ;

– des limites des tranches des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source, taux transmis à l’employeur dans les cas où l’administration n’est pas en mesure de calculer le taux personnalisé ou lorsque le contribuable en fait la demande.

Il prévoit également que ces grilles soient revalorisées chaque année dans la même proportion que l’évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.

Dernières modifications législatives intervenues

À l’exception d’une interruption pour l’imposition des revenus de 2011 et de 2012, les lois de finances initiales procèdent, chaque année, à l’indexation du barème de l’IR sur le taux d’inflation anticipé, afin de maintenir constante la pression fiscale pesant sur les contribuables.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’état du droit

A.   L’indexation annuelle du barème de l’impôt sur le revenu, une pratique courante des lois de finances initiales

Traditionnellement, la loi de finances de l’année revalorise les seuils des différentes tranches du barème de l’impôt sur le revenu (IR) à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac. Ajustement technique courant, l’indexation du barème de l’IR sur l’évolution des prix s’est appliquée de façon quasi continue depuis 1969, de manière différenciée selon les tranches du barème, dans un premier temps, puis de manière indifférenciée depuis 1981.

Depuis cette date, le principe de l’indexation annuelle du barème de l’IR sur l’évolution de l’inflation constitue une mesure consensuelle de modération de la pression fiscale reconduit, sauf exceptions limitées, chaque année en loi de finances initiale.

Dans un contexte économique et budgétaire contraint, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 ([12]) a procédé au gel des seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et des années suivantes, permettant ainsi des recettes supplémentaires de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 ([13]) n’est pas revenue sur le gel et ce n’est qu’avec la loi de finances pour 2014 ([14]) que la pratique de l’indexation est réapparue.

Depuis 2013, chaque loi de finances initiale a ainsi procédé à une revalorisation des tranches du barème de l’IR, respectivement, de 0,8 % ([15]), 0,5 % ([16]), 0,1 % ([17]), 0,1 % ([18]) et 1 % ([19]).

Évolution du taux d’inflation et de l’indexation du barème
de l’Impôt sur le revenu depuis 2011

Année N

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Indexation du barème réalisée en PLF de l’année N

1,5 %

0 %

(gel du barème)

0 %

(gel du barème)

0,8 %

0,5 %

0,1 %

0,1 %

1 %

1,6 %

Coût de la mesure en année N (pertes de recettes d’IR)

(en millions deuros)

1 100

0

0

700

485

100

100

1 100

1 176

Source : commission des finances.

L’inflation constatée peut s’avérer légèrement différente du taux d’indexation du barème car il est établi sur la base des prévisions d’inflation arrêtées à l’été de l’année N, lors de l’élaboration du PLF pour l’année N + 1. Au cours des dernières années, l’écart entre l’inflation anticipée et l’inflation constatée n’a in fine jamais dépassé 0,1 point.

B.   Un mÉcanisme qui permet de maintenir constante la pression fiscale sur les contribuables

L’indexation du barème de l’IR sur l’évolution du niveau des prix permet de maintenir constante la pression fiscale qui pèse sur les contribuables, c’est-à-dire le rapport entre l’impôt dû et le revenu. Dit autrement, elle « neutralise » les effets liés à l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages.

A contrario, si le barème n’évoluait pas dans les mêmes proportions que le niveau des prix, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait. La progressivité du barème impliquerait qu’une part plus importante de leurs revenus soit soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis et leur taux marginal pourrait lui-même augmenter. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait e conséquence d’une année sur l’autre. Ainsi, l’indexation est-elle une mesure favorable aux contribuables.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   L’indexation des éléments de l’impôt sur le revenu

1.   Les limites des tranches du barème de l’IR

a.   La revalorisation du barème de l’IR

Le B du I procède à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu en revalorisant chacune des limites des tranches de 1,6 %. Ce taux correspond à l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac en 2018 par rapport à 2017, qui figure dans le Rapport économique, social et financier annexé au présent PLF.

Au titre de l’imposition des revenus perçus en 2018, l’impôt sera calculé en application du barème suivant :

Barème applicable pour l’imposition des revenus de 2018

Fraction du revenu imposable par part

Taux

Inférieure à 9 964 euros

0 %

Supérieure à 9 964 euros et inférieure ou égale à 27 519 euros

14 %

Supérieure à 27 519 euros et inférieure ou égale à 73 779 euros

30 %

Supérieure à 73 779 euros et inférieure ou égale à 156 244 euros

41 %

Supérieure à 156 244 euros

45 %

Source : commission des finances.

b.   La revalorisation concomitante de certains seuils et montants conditionnant le bénéfice de certains dispositifs fiscaux

L’indexation du barème est également une référence pour l’évolution d’autres types de montants conditionnant, selon les cas, une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage fiscal. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Parmi les principaux dispositifs indexés concernant l’impôt sur le revenu, figurent notamment l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, applicable en fonction de seuils de revenus définis ([20]) et indexés sur le barème de l’IR et le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux pensions de retraite ([21]) et celui de la déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels ([22]).

En matière de fiscalité locale, les articles 1417 et 1414 A du CGI définissent, pour le premier, des plafonds de revenus et, pour le second, des montants d’abattement, utilisés par différents régimes d’exonérations ou d’abattements en matière de taxe d’habitation (TH) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Ces montants sont eux aussi indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Cette revalorisation emporte des conséquences sur les recettes de contribution à l’audiovisuel public (CAP), puisque les contribuables peuvent bénéficier d’un dégrèvement total ou partiel de la CAP selon des conditions symétriques à celles retenues pour les exonérations de TH.

En revanche, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 ([23]), les plafonds de revenus définis au I de l’article 1417 du CGI ne servent plus de référence pour les mécanismes d’exonération de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Les seuils applicables sont fixés au 1° du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.

La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne de celle des différents montants utilisés pour le calcul de l’impôt définis pour l’avantage retiré du quotient familial et le montant de la décote.

2.   Les plafonds applicables au quotient familial

Visant à corriger la progressivité du barème de l’impôt en fonction de la situation de famille et des charges du foyer fiscal, le quotient familial a pour conséquence d’alléger, à revenu égal, la charge fiscale pesant sur les familles par rapport à celle des redevables taxés sur un nombre de parts inférieur, en permettant d’imposer les revenus ainsi fractionnés dans des tranches plus basses.

Depuis la loi de finances pour 1982 ([24]), l’avantage fiscal qui résulte de l’application du quotient familial est plafonné, de sorte que, pour les contribuables soumis au plafonnement, cet avantage tend à diminuer, en valeur relative par rapport à l’impôt dû, à mesure que le revenu augmente. Ainsi, le plafonnement bénéficie plus fortement aux contribuables dont les revenus sont les moins élevés.

Le 2° du B du I du présent article procède à l’indexation des plafonds de l’avantage retiré de l’application des différentes parts et demi-parts qui composent le quotient familial.

Indexation de plafonds associÉs au calcul de l’impôt sur le revenu

(en euros)

Objet de la limite ou du seuil

Pour limposition des revenus de 2017

Pour limposition des revenus de 2018

Plafond de l’avantage retiré de chaque demi-part de droit commun de quotient familial

1 527

1 551

Plafond de l’avantage retiré de la part entière de quotient familial accordée au titre du premier enfant à charge des personnes vivant seules en application du II de l’article 194 du CGI

3 602

3 660

Plafond de l’avantage retiré de la demi part accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves sans personne à charge ayant élevé seules pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants en application des a, b et e du 1 de l’article 195 du CGI

912

927

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la demi-part supplémentaire accordée à raison de la qualité d’ancien combattant ou de la situation d’invalidité d’un des membres du foyer fiscal en application des c, d, d bis et f du 1 et des 2 à 6 de l’article 195 du CGI

1 523

1 547

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la part supplémentaire accordée aux contribuables veufs ayant au moins un enfant à charge en application du I de l’article 194

1 701

1 728

Source : commission des finances.

Par ailleurs, le rattachement au foyer fiscal d’un enfant majeur marié, pacsé ou chargé de famille, de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans s’il poursuit ses études, ouvre droit à un abattement sur le revenu imposable, en application de l’article 196 B du CGI. Le A du I du présent article fixe le montant de l’abattement à 5 888 euros pour l’imposition des revenus de 2018 ([25]).

L’indexation du plafond de la demi-part de droit commun du quotient familial conduit à ce que le mécanisme du plafonnement s’applique à compter d’un revenu imposable de 60 375 euros, pour un couple avec un enfant.

Plafonnement des effets du quotient familial en 2017 et 2018

(en euros)

Nombre de parts

Couple marié  Niveau de revenu imposable
à partir duquel le plafonnement sapplique

Revenus 2017  LF 2018

Plafond de droit commun 1 527 € par ½ part supplémentaire au titre des enfants à charge

Revenus 2018  PLF 2019

Plafond de droit commun 1 551 € par ½ part supplémentaire au titre des enfants à charge

2,5 (un enfant)

59 427

60 375

3 (deux enfants)

64 680

65 712

4 (trois enfants)

75 187

76 379

5 (quatre enfants)

85 694

87 049

Source : direction de la législation fiscale.

3.   La décote

Introduit en 1982, le mécanisme de la décote vise à décaler et lisser l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu. Jusqu’à l’imposition des revenus de 2014, la décote consistait à réduire le montant de l’impôt résultant de l’application du barème progressif de la différence entre 508 euros et la moitié de son montant. Ce mécanisme a ensuite été profondément réformé par la loi de finances pour 2015 ([26]), puis par la loi de finances pour 2016 ([27]), pour le « conjugaliser », en fixant un montant plus élevé pour les couples que pour les célibataires, afin d’en accroître les effets.

En application du a du 4 de l’article 197 du CGI, la décote consiste désormais à réduire l’impôt issu de l’application du barème progressif de la différence entre 1 177 euros et les trois quarts de son montant pour les célibataires, divorcés ou veufs, ou de la différence entre 1 939 euros et les trois quarts de son montant pour les contribuables soumis à une imposition commune.

Le 3° du B du I du présent article procède à l’indexation de la décote, en portant son montant à 1 196 euros dans le premier cas et à 1 970 euros dans le second.

Par conséquent, pour les revenus réalisés ou perçus en 2018, la décote trouverait à s’appliquer tant que l’impôt issu du barème serait inférieur à 1 595 euros pour une personne célibataire, divorcée ou veuve et inférieur à 2 627 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune.

Évolution du montant d’impôt à partir duquel la décote ne s’applique plus entre 2018 et 2019

(en euros)

Revenus perçus ou réalisés en 2017

Revenus perçus ou réalisés en 2018

Contribuable célibataire, divorcé ou veuf

Contribuables soumis à une imposition commune

Contribuable célibataire, divorcé ou veuf

Contribuables soumis à une imposition commune

1 569

2 585

1 595

2 627

Source : commission des finances.

Par ailleurs, la décote viendrait annuler l’imposition, telle qu’elle résulte du barème progressif, lorsque celle-ci serait inférieure à 718 euros, pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs, et à 1 160 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

Champ d’application de la décote en 2018 et en 2019

(en euros)

Nombre
de parts *

Revenus 2017  LFI 2018

Dernier revenu imposable bénéficiant dun allégement par la décote

Revenus 2018  PLF 2019

Dernier revenu imposable bénéficiant dun allégement par la décote

Revenu imposable

Soit en salaire déclaré

Revenu imposable

Soit en salaire déclaré

1 part

21 010

23 344

21 353

23 726

1,5 part

25 914

28 793

26 335

29 261

2 parts

38 074

42 304

38 688

42 987

2,5 parts

42 978

47 753

43 670

48 522

3 parts

47 881

53 201

48 652

54 058

4 parts

57 688

64 098

58 616

65 129

5 parts

67 495

74 994

68 580

76 200

* À partir de 2 parts, champ déterminé pour un couple soumis à imposition commune.

Source : direction de la législation fiscale.

4.   Les plafonds de RFR conditionnant le bénéfice de la réduction d’impôt introduite en loi de finances pour 2017

La loi de finances pour 2017 a introduit un mécanisme d’allégement de l’impôt, prévu par le b du 4 de l’article 197 du CGI, destiné aux foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence (RFR) est inférieur à 20 500 euros pour les contribuables seuls et à 41 000 euros pour les couples ([28]). Ces plafonds sont majorés de 3 700 euros par demi-part supplémentaire de quotient familial.

L’avantage fiscal est égal à 20 % de l’imposition due jusqu’à un niveau de RFR de 18 500 euros pour les contribuables seuls et de 37 000 euros pour les couples. Les montants sont majorés, le cas échéant, en fonction du nombre de demi-parts supplémentaires.

Dans le cadre d’un mécanisme de lissage, le taux décroît ensuite pour devenir nul, lorsque le RFR du foyer fiscal atteint les plafonds conditionnant l’éligibilité du dispositif, permettant ainsi une sortie en sifflet.

Aux termes du dernier alinéa du b du 4 de l’article 197 du CGI, les plafonds de revenus conditionnant le bénéfice de l’allégement de l’imposition sont révisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Par conséquent, si le présent article ne modifie pas les plafonds de revenus précités, ceux-ci sont automatiquement revalorisés, dans les mêmes proportions que le barème de l’IR, en application du 1° du B du I du présent article.

Les seuils de RFR et donc les seuils de revenus déclarés évolueraient ainsi pour l’impôt sur le revenu acquitté en 2019 :

Niveau des revenus perçus par les foyers fiscaux concernÉs
par la rÉforme, selon leur composition, en 2018 et en 2019

Configuration
du foyer fiscal

IR 2018
(sur les revenus de 2017)

IR 2019
(sur les revenus de 2018)

Plafond de revenus déterminant léligibilité à la réduction de limpôt au taux de 20 %

Point de sortie du bénéfice de la réduction dimpôt

Plafond de revenus déterminant léligibilité à la réduction de limpôt au taux de 20 %

Point de sortie du bénéfice de la réduction dimpôt

Célibataire

(1 part)

RFR de 18 685 euros

Soit des revenus salariaux de 1 730 euros/mois

RFR de 20 705 euros

Soit des revenus salariaux de 1 917 euros/mois

RFR de 18 984 euros

Soit des revenus salariaux de 1 758 euros/mois

RFR de 21 036 euros

Soit des revenus salariaux de 1 948 euros/mois

Célibataire avec demi-part (invalide, ancien combattant…)

(1,5 part)

RFR de 22 422 euros

Soit des revenus salariaux de 2 076 euros/mois

RFR de 24 442 euros

Soit des revenus salariaux de 2 263 euros/mois

RFR de 22 555 euros

Soit des revenus salariaux de 2 088 euros/mois

RFR de 24 587 euros

Soit des revenus salariaux de 2 277 euros/mois

Parent isolé

(1 part et deux demi-parts)

RFR de 26 159 euros

Soit des revenus salariaux de 2 422 euros/mois

RFR de 28 179 euros

Soit des revenus salariaux de 2 609 euros/mois

RFR de 26 314 euros

Soit des revenus salariaux de 2 437 euros/mois

RFR de 28 346 euros

Soit des revenus salariaux de 2 625 euros/mois

Couple

(2 parts)

RFR de 37 370 euros

Soit des revenus salariaux de 3 460 euros/mois

RFR de 41 410 euros

Soit des revenus salariaux de 3 834 euros/mois

RFR de 37 592 euros

Soit des revenus salariaux de 3 481 euros/mois

RFR de 41 656 euros

Soit des revenus salariaux de 3 857 euros/mois

Couple avec un enfant

(2,5 parts)

RFR de 41 107 euros

Soit des revenus salariaux de 3 806 euros/mois

RFR de 45 147 euros

Soit des revenus salariaux de 4 180 euros/mois

RFR de 41 351 euros

Soit des revenus salariaux de 3 829 euros/mois

RFR de 45 415 euros

Soit des revenus salariaux de 4 205 euros/mois

Couple avec deux enfants

(3 parts)

RFR 44 844 euros

Soit des revenus salariaux de 4 152 euros/mois

RFR de 48 884 euros

Soit des revenus salariaux de 4 526 euros/mois

RFR 45 110 euros

Soit des revenus salariaux de 4 177 euros/mois

RFR de 49 174 euros

Soit des revenus salariaux de 4 553 euros/mois

Couple avec trois enfants

(4 parts)

RFR de 52 318 euros

Soit des revenus salariaux de 4 844 euros/mois

RFR de 56 358 euros

Soit des revenus salariaux de 5 218 euros/mois

RFR de 52 629 euros

Soit des revenus salariaux de 4 873 euros/mois

RFR de 56 693 euros

Soit des revenus salariaux de 5 249 euros/mois

Source : commission des finances.

● Sous les effets conjugués de la décote et de la réduction d’impôt prévue par le b du 4 de l’article 197, le point d’entrée dans l’impôt sur le revenu, soit le niveau de revenu imposable à partir duquel un contribuable acquitte de l’impôt sur le revenu, évoluerait comme suit entre 2018 et 2019 :

ÉVOLUTION du point d’entrée dans l’imposition entre 2018 et 2019 (1) (2)

(en euros)

Nombre de parts (3)

Revenus 2017  LFI 2018

Premier revenu imposable après décote et réduction dimpôt introduite en LFI 2017 (sous condition de RFR) (4)

Revenus 2018  PLF 2019

Premier revenu imposable après décote et réduction dimpôt introduite en LFI 2017 (sous condition de RFR) (4)

Revenu imposable

Soit en salaire déclaré

Revenu imposable

Soit en salaire déclaré

1 part

14 918

16 576

15 154

16 838

1,5 part

19 822

22 024

20 136

22 373

2 parts

27 839

30 932

28 275

31 417

2,5 parts

32 743

36 381

33 257

36 952

3 parts

37 646

41 829

38 239

42 488

4 parts

47 453

52 726

48 203

53 559

5 parts

57 260

63 622

58 167

64 630

(1) Le point d’entrée correspond à une cotisation d’impôt de 61 € (seuil de mise en recouvrement) après décote et imputation de la RI sous condition de RFR.

(2) Déclarant (et conjoint) âgé(s) de moins de soixante-cinq ans au 31 décembre de l’année d’imposition et non invalide(s) domicilié en métropole.

(3) À partir de 2 parts, champ déterminé pour un couple soumis à imposition commune.

(4) RI calculée sous condition de revenu net imposable présumé égal au RFR.

Source : direction de la législation fiscale.

5.   Les grilles de taux par défaut applicables pour le prélèvement à la source

Le taux de la retenue à la source que doivent effectuer les collecteurs est calculé par l’administration fiscale selon les modalités définies à l’article 204 H du CGI. Toutefois, lorsque le débiteur ne dispose pas du taux individualisé ou lorsque l’administration n’est pas en mesure de transmettre un taux suffisamment « à jour » de la situation fiscale du contribuable ([29]), il est fait application des grilles de taux dit « par défaut », prévues aux a à c du III de l’article 204 H du CGI.

Trois grilles, respectivement applicables aux contribuables domiciliés en métropole (a du 1 du III), en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique (b du 1 du III), en Guyane et à Mayotte (c du 1 du III), précisent le taux applicable pour chaque tranche de base mensuelle de prélèvement. Les grilles spécifiques établies pour ces territoires ultra-marins tiennent compte des effets de la réduction de 30 % ou 40 %, selon les cas, opérée sur leur impôt ([30]).

Le présent article procède à des ajustements des grilles (1° à 3° du C du I de l’article), en revalorise les montants, par application d’un coefficient égal à 1,02616 (II de l’article) et prévoit que les limites de chacune des tranches des grilles prévues aux a à c du 1 du III de l’article 204 H du CGI soient révisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.

Plus précisément, le présent article procède à des modifications de nature technique des grilles en redéfinissant chacune des bornes des tranches :

– les premières tranches de chacune des grilles (0 %) s’appliquent dès lors que la base mensuelle de prélèvement est strictement inférieure à la valeur fixée. Par conséquent, la taxation commence à partir de la valeur fixée dans les premières tranches ;

– les dernières tranches de chacune des grilles (taux maximum de 43 %) s’appliquent dès lors que la base mensuelle de prélèvement est « supérieure ou égale » à la valeur fixée ;

– les valeurs supérieures de chacune des tranches actuellement définies sont remplacées par la valeur de la borne inférieure de la tranche qui lui succède et la limite inférieure de chaque tranche inclut la valeur pivot entre elle et la tranche qui la précède. Par conséquent, lorsque la base mensuelle est égale à la valeur pivot entre deux tranches, c’est le taux le plus élevé qui s’applique.

Le tableau ci-dessous fait apparaître les modifications apportées aux différentes grilles :

Grille du taux « par défaut » pour les contribuables domiciliés
en métropole

Droit existant

Dispositif proposé

Pour les contribuables domiciliés en métropole

Pour les contribuables autres que ceux mentionnés
aux b et c du 1 

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Base de prélèvement après application du coefficient prévu au II de l’article

Taux proportionnel

Inférieure ou égale à 1 367 €

0 %

Inférieure à 1 368 €

Inférieure à 1404 €

0 %

De 1 368 € à 1 419 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 368 € et inférieure à 1 420 €

Supérieure ou égale à 1404 et inférieure ou égale à 1 457 €

0,5 %

De 1 420 € à 1 510 €

1,5 %

Supérieure ou égale à 1 420 € et inférieure à 1 511 €

Supérieure ou égale à 1 457 € et inférieure à 1 551 €

1,5 %

De 1 511 € à 1 613 €

2,5 %

Supérieure ou égale à 1 511 € et inférieure à 1 614 €

Supérieure ou égale à 1 551 € et inférieure à 1 656 €

2,5 %

De 1 614 € à 1 723 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 1 614 € et inférieure à 1 724 €

Supérieure ou égale à 1 656 € et inférieure à 1 769 €

3,5 %

De 1 724 € à 1 815 €

4,5 %

Supérieure ou égale à 1 724 € et inférieure à 1 816 €

Supérieure ou égale à 1 769 € et inférieure à 1 864 €

4,5 %

De 1 816 € à 1 936 €

6 %

Supérieure ou égale à 1 816 € et inférieure à 1 937 €

Supérieure ou égale à 1 864 € et inférieure à 1 988 €

6 %

De 1 937 € à 2 511 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 1 937 € et inférieure à 2 512 €

Supérieure ou égale à 1 988 € et inférieure à 2 578 €

7,5 %

De 2 512 € à 2 725 €

9 %

Supérieure ou égale à 2 512 € et inférieure à 2 726 €

Supérieure ou égale à 2 578 € et inférieure à 2 797 €

9 %

De 2 726 € à 2 988 €

10,5 %

Supérieure ou égale à 2 726 € et inférieure à 2 989 €

Supérieure ou égale à 2 797 € et inférieure à 3 067 €

10,5 %

De 2 989 € à 3 363 €

12 %

Supérieure ou égale à 2 989 € et inférieure à 3 364 €

Supérieure ou égale à 3 067 € et inférieure à 3 452 €

12 %

De 3 364 € à 3 925 €

14 %

Supérieure ou égale à 3 364 € et inférieure à 3 926 €

Supérieure ou égale à 3 452 € et inférieure à 4 029 €

14 %

De 3 926 € à 4 706 €

16 %

Supérieure ou égale à 3 926 € et inférieure à 4 707 €

Supérieure ou égale à 4 029 € et inférieure à 4 830 €

16 %

De 4 707 € à 5 888 €

18 %

Supérieure ou égale à 4 707 € et inférieure à 5 889 €

Supérieure ou égale à 4 830 € et inférieure à 6 043 €

18 %

De 5 889 € à 7 581 €

20 %

Supérieure ou égale à 5 889 € et inférieure à 7 582 €

Supérieure ou égale à 6 043 € et inférieure à 7 780 €

20 %

De 7 582 € à 10 292 €

24 %

Supérieure ou égale à 7 582 € et inférieure à 10 293 €

Supérieure ou égale à 6 037 et inférieure à 10 562 €

24 %

De 10 293 € à 14 417 €

28 %

Supérieure ou égale à 10 293 € et inférieure à 14 418 €

Supérieure ou égale à 10 562 € et inférieure à 14 795 €

28 %

De 14 418 € à 22 042 €

33 %

Supérieure ou égale à 14 418 € et inférieure à 22 043 €

Supérieure ou égale à 14 795 € et inférieure à 22 620 €

33 %

De 22 043 € à 46 500 €

38 %

Supérieure ou égale à 22 043 € et inférieure à 46 501 €

Supérieure ou égale à 22 620 € et inférieure à 47 717 €

38 %

À partir de 46 501 €

43 %

Supérieure ou égale à 46 501 €

Supérieure ou égale à 47 717 €

43 %

Grille du taux « par défaut » pour les contribuables domiciliés
en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique

Droit existant

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Base de prélèvement avec revalorisation

Taux proportionnel

Jusqu’à 1 568 €

0 %

Inférieure à 1 569 €

Inférieure à 1 610 €

0 %

De 1 569 € à 1 662 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 569 € et inférieure à 1 663 €

Supérieure ou égale à 1 610 € et inférieure ou égale à 1 707 €

0,5 %

De 1 663 € à 1 789 €

1,5 %

Supérieure ou égale à 1 663 € et inférieure à 1 790 €

Supérieure ou égale à 1 707 € et inférieure à 1 837 €

1,5 %

De 1 790 € à 1 897 €

2,5 %

Supérieure ou égale à 1 790 € et inférieure à 1 898 €

Supérieure ou égale à 1 837 € et inférieure à 1 948 €

2,5 %

De 1 898 € à 2 062 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 1 898 € et inférieure à 2 063 €

Supérieure ou égale à 1 948 € et inférieure à 2 117 €

3,5 %

De 2 063 € à 2 315 €

4,5 %

Supérieure ou égale à 2 063 € et inférieure à 2 316 €

Supérieure ou égale à 2 117 € et inférieure à 2 377 €

4,5 %

De 2 316 € à 2 712 €

6 %

Supérieure ou égale à 2 316 € et inférieure à 2 713 €

Supérieure ou égale à 2 377 € et inférieure à 2 784 €

6 %

De 2 713 € à 3094 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 713 € et inférieure à 3 095 €

Supérieure ou égale à 2 784 € et inférieure à 3 176 €

7,5 %

De 3 095 € à 3601 €

9 %

Supérieure ou égale à 3 095 € et inférieure à 3 602 €

Supérieure ou égale à 3 176 € et inférieure à 3 696 €

9 %

De 3 602 € à 4307 €

10,5 %

Supérieure ou égale à 3 602 € et inférieure à 4 308 €

Supérieure ou égale à 3 696 € et inférieure à 4 421 €

10,5 %

De 4 308 € à 5586 €

12 %

Supérieure ou égale à 4 308 € et inférieure à 5 587 €

Supérieure ou égale à 4 421 € et inférieure à 5 733 €

12 %

De 5 587 € à 7099 €

14 %

Supérieure ou égale à 5 587 € et inférieure à 7 100 €

Supérieure ou égale à 5 733 € et inférieure à 7 286 €

14 %

De 7 100 € à 7813 €

16 %

Supérieure ou égale à 7 100 € et inférieure à 7 814 €

Supérieure ou égale à 7 286 € et inférieure à 8 018 €

16 %

De 7 814 € à 8686 €

18 %

Supérieure ou égale à 7 814 € et inférieure à 8 687 €

Supérieure ou égale à 8 018 € et inférieure à 8 914 €

18 %

De 8 687 € à 10 374 €

20 %

Supérieure ou égale à 8 687 € et inférieure à 10 375 €

Supérieure ou égale à 8 914 € et inférieure à 10 646 €

20 %

De 10 375 € à 13 140 €

24 %

Supérieure ou égale à 10 375 € et inférieure à 13 141 €

Supérieure ou égale à 10 646 € et inférieure à 13 485 €

24 %

De 13 141 € à 17 374 €

28 %

Supérieure ou égale à 13 141 € et inférieure à 17 375 €

Supérieure ou égale à 13 485 € et inférieure à 17 830 €

28 %

De 17 375 € à 26 518 €

33 %

Supérieure ou égale à 17 375 € et inférieure à 26 519 €

Supérieure ou égale à 17 830 € et inférieure à 27 213 €

33 %

De 26 519 € à 55 985 €

38 %

Supérieure ou égale à 26 519 € et inférieure à 55 986 €

Supérieure ou égale à 27 213 € et inférieure à 57 451 €

38 %

À partir de 55 986 €

43 %

Supérieure ou égale à 55 986 €

Supérieure ou égale à 57 451 €

43 %

Grille du taux « par défaut » Pour les contribuables domiciliés
en Guyane et à Mayotte

Droit existant

Dispositif proposé

Pour les contribuables domiciliés en Guyane et à Mayotte

Base mensuelle de prélèvement

Taux proportionnel

Base mensuelle de prélèvement

Base de prélèvement avec revalorisation

Taux proportionnel

Jusqu’à 1 679 €

0 %

Inférieure à 1 680 €

Inférieure à 1 724 €

0 %

De 1 680 € à 1 785 €

0,5 %

Supérieure ou égale à 1 680 € et inférieure à 1 786 €

Supérieure ou égale à 1 724 € et inférieure ou égale à 1 833 €

0,5 %

De 1 786 € à 1 923 €

1,5 %

Supérieure ou égale à 1 786 € et inférieure à 1 924 €

Supérieure ou égale à 1 833 € et inférieure à 1 974 €

1,5 %

De 1 924 € à 2 111 €

2,5 %

Supérieure ou égale à 1 924 € et inférieure à 2 112 €

Supérieure ou égale à 1 974 € et inférieure à 2 167 €

2,5 %

De 2 112 € à 2340 €

3,5 %

Supérieure ou égale à 2 112 € et inférieure à 2 341 €

Supérieure ou égale à 2 167 € et inférieure à 2 402 €

3,5 %

De 2 341 € à 2 579 €

4,5 %

Supérieure ou égale à 2 341 € et inférieure à 2 580 €

Supérieure ou égale à 2 402 € et inférieure à 2 647 €

4,5 %

De 2 580 € à 2 988 €

6 %

Supérieure ou égale à 2 580 € et inférieure à 2 989 €

Supérieure ou égale à 2 647 € et inférieure à 3 067 €

6 %

De 2 989 € à 3 553 €

7,5 %

Supérieure ou égale à 2 989 € et inférieure à 3 554 €

Supérieure ou égale à 3 067 € et inférieure à 3 647 €

7,5 %

De 3 354 € à 4 379 €

9 %

Supérieure ou égale à 3 554 € et inférieure à 4 380 €

Supérieure ou égale à 3 647 € et inférieure à 4 495 €

9 %

De 4 380 € à 5 706 €

10,5 %

Supérieure ou égale à 4 380 € et inférieure à 5 707 €

Supérieure ou égale à 4 495 € et inférieure à 5 856 €

10,5 %

De 5 707 € à 7 063 €

12 %

Supérieure ou égale à 5 707 € et inférieure à 7 064 €

Supérieure ou égale à 5 856 € et inférieure à 7 249 €

12 %

De 7 064 € à 7 708 €

14 %

Supérieure ou égale à 7 064 € et inférieure à 7 709 €

Supérieure ou égale à 7 249 € et inférieure à 7 911 €

14 %

De 7 709 € à 8 483 €

16 %

Supérieure ou égale à 7 709 € et inférieure à 8 484 €

Supérieure ou égale à 7 911 € et inférieure à 8 706 €

16 %

De 8 484 € à 9 431 €

18 %

Supérieure ou égale à 8 484 € et inférieure à 9 432€

Supérieure ou égale à 8 706 € et inférieure à 9 679 €

18 %

De 9 432 € à 11 075 €

20 %

Supérieure ou égale à 9 432 € et inférieure à 11 076 €

Supérieure ou égale à 9 679 € et inférieure à 11 366 €

20 %

De 11 076 € à 13 960 €

24 %

Supérieure ou égale à 11 076 € et inférieure à 13 961 €

Supérieure ou égale à 11 366 € et inférieure à 14 326 €

24 %

De 13 961 € à 18 293 €

28 %

Supérieure ou égale à 13 961 € et inférieure à 18 294 €

Supérieure ou égale à 14 326 € et inférieure à 18 773 €

28 %

De 18 294 € à 27 922 €

33 %

Supérieure ou égale à 18 294 € et inférieure à 27 923 €

Supérieure ou égale à 18 773 € et inférieure à 28 653 €

33 %

De 27923 € à 58 947 €

38 %

Supérieure ou égale à 27 923 € et inférieure à 55 948 €

Supérieure ou égale à 28 653 € et inférieure à 60 490 €

38 %

À partir de 58 948 €

43 %

Supérieure ou égale à 55 948 €

Supérieure ou égale à 60 490 €

43 %

Source : commission des finances.

 

Les modifications apportées aux grilles de taux par défaut seront, de façon logique, applicables aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2019, date à laquelle le prélèvement à la source entre en vigueur (III). En revanche, compte tenu de la majoration des montants des grilles prévues au III, le principe d’une revalorisation annuelle des grilles dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR ne sera applicable qu’aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.

Ces ajustements permettront de neutraliser les effets de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat des ménages en évitant que leur charge fiscale augmente, comparativement à leurs revenus.

B.   L’impact de la mesure

Le coût budgétaire de la mesure est chiffré à 1,76 milliard d’euros pour l’année 2019, au titre des pertes de recettes d’impôt sur le revenu pour l’État.

En revanche, les pertes de recettes pour les collectivités territoriales au titre de l’indexation du barème sur l’inflation ne font l’objet d’aucun chiffrage par l’évaluation préalable du présent article. Or la revalorisation des plafonds de RFR mentionnés aux articles 1414 A et 1417 du CGI, qui déterminent les conditions d’exonération et d’abattement au titre de la TH et de la taxe foncière, se traduit par des moindres recettes pour les collectivités territoriales dès lors que certains des régimes dérogatoires applicables ne font pas l’objet de compensation par l’État.

*

*     *

La commission examine lamendement I-CF4 de M. Marc Le Fur.

M. le Rapporteur général. L’amendement vise à supprimer le prélèvement à la source. J’y suis donc défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF4.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques I-CF982 du président Éric Woerth et I-CF1068 de M. Marc Le Fur ainsi que lamendement ICF1426 de M. Charles de Courson. 

M. le président Éric Woerth. Avec l’amendement I-CF982, l’idée est d’essayer de neutraliser l’effet du prélèvement à la source sur l’assiette, qui est plus importante en année N qu’en année N – 1, en indexant l’évolution des seuils des tranches du barème de l’impôt non sur celle de l’indice des prix à la consommation hors tabac mais sur l’augmentation de la masse salariale, c’est-à-dire sur l’évolution du pouvoir d’achat d’une année sur l’autre.

Par ailleurs, si le Gouvernement annonce une baisse de la collecte de l’impôt sur le revenu d’à peu près 2 milliards d’euros, c’est parce qu’il considère que le mois de décembre 2019 sera comptablement enregistré dans les comptes de 2020. Les Français auront pourtant payé cet impôt sur le revenu en 2019. Il y a là un effet d’optique assez surprenant sur le résultat même du prélèvement à la source, qui tendrait à faire croire que le produit de l’impôt diminue, ce qui n’est pas le cas.

M. le Rapporteur général. Je dois vous concéder qu’il y a bien un effet d’optique, monsieur le président, mais la revalorisation des seuils des tranches du barème de l’impôt sur le revenu que vous proposez est tout de même très atypique. Et, puisque vous ne donnez pas d’estimation de cette mesure, je l’ai fait chiffrer : elle représente environ 3,8 milliards d’euros. Vous comprendrez donc que j’y sois assez défavorable.

M. le président Éric Woerth. Nous l’avions chiffrée, et nous retenons le même montant, mais nos choix sont différents de ceux de la majorité, notamment par les économies que nous proposons.

M. Marc Le Fur. La question est la suivante : le Gouvernement se servira-t-il du passage au prélèvement à la source pour faire les poches des Français ? Il en tirera effectivement 2 milliards d’euros, à moins que nous ne prévoyions une indexation raisonnable du barème de l’impôt, comme celle que nous proposons, plutôt que celle envisagée par le Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin. Je remercie notre collègue Marc Le Fur de refaire le débat que nous avons eu, en commission et en séance, l’an dernier. Il n’est cependant pas prévu que le prélèvement à la source change quoi que ce soit au montant de l’impôt finalement payé par les Français, il n’en change que le mode de recouvrement. C’est de la mauvaise politique que d’instiller le doute.

M. Marc Le Fur. L’assiette est différente !

Mme Amélie de Montchalin. L’assiette n’est pas différente. Pour certains ménages, la régularisation sera simplement faite en année n+1, comme dans tous les pays qui pratiquent le prélèvement à la source, ce qui permet de mesurer les écarts. Et il est prévu, comme vous le savez, que 60 % des avantages acquis au titre de certains crédits et réductions d’impôt soient versés dès le mois de janvier à 12 millions de ménages. Les barèmes montrent que le prélèvement à la source ne conduira nullement à une augmentation d’impôt. L’ajustement auquel il sera procédé sera du même ordre que ce qui a toujours été fait.

M. Gilles Carrez. Puisque nous sommes tous attachés à l’évaluation, je propose au Rapporteur général de nous faire, le moment venu, c’est-à-dire à la fin de l’année 2019, une comparaison entre ce qu’auraient payé les contribuables avec les modalités de recouvrement actuelles et ce qu’ils auront effectivement payé en 2019 – en réintégrant, bien entendu, le mois de décembre. Il est tout à fait possible de faire ce calcul et la comparaison sera très intéressante. J’ai l’intuition que le nouveau système devrait procurer 2 ou 3 milliards d’euros supplémentaires.

M. le président Éric Woerth. C’est à peu près cela : un peu plus de 2 milliards d’euros.

M. Marc Le Fur. Je m’excuse de contredire notre collègue Amélie de Montchalin, mais les choses ne se passent pas comme elle le dit. Le taux est certes défini en fonction des revenus antérieurs – ceux de l’année N – 2 jusqu’au mois de septembre, ceux de l’année N – 1 ensuite –, mais il s’appliquera à une masse salariale augmentée, en raison de l’inflation, en raison de promotions ou d’évolutions de carrière, etc. Par définition, les Français gagneront un peu plus, et ce seront autant de recettes supplémentaires pour l’État – environ 2,2 milliards d’euros. La question est donc la suivante : utilisez-vous, oui ou non, le prélèvement à la source pour faire les poches des Français ? Je reprends l’expression que j’ai employée tout à l’heure parce qu’elle est compréhensible de la plupart de nos compatriotes ! Il s’agit de leur prendre 2,2 milliards d’euros. Notre collègue Carrez fait une excellente proposition, qui permettra d’appréhender cette réalité ex post. Pour ma part, je préviens les Français ex ante : attention !

Mme Véronique Louwagie. La question ne porte pas, chère collègue Amélie de Montchalin, sur les taux ou les crédits ou réductions d’impôt. En revanche, la base est bel et bien modifiée. En 2019, les Français vont payer un impôt calculé sur une base 2019 de revenus supérieure, dans la majorité des cas, à la base 2018. La question soulevée par Gilles Carrez est tout à fait pertinente : combien les Français auront-ils payé en plus en 2019 en raison de ce passage au prélèvement à la source que vous avez décidé ?

M. Charles de Courson. On mélange deux problèmes.

Tout d’abord, le barème est indexé sur une année, alors qu’il y a un décalage de deux ans. Et cela, effectivement, représente un montant de 1 à 2 milliards d’euros.

Il y a cependant un second problème. Lorsque j’ai lu ce qu’écrit le Gouvernement sur le produit de l’impôt sur le revenu, j’ai cru m’évanouir : 73 milliards d’euros en exécution 2017, 73,1 en évaluation révisée pour 2018, soit une stabilité et 70,5 milliards d’euros en PLF 2019, soit une perte de 2,6 milliards d’euros ! On nous explique que le décalage d’un mois des recettes du prélèvement à la source représente 5,9 milliards d’euros. Ajoutez donc ces 5,9 milliards d’euros aux 70,5 milliards dont je viens de parler. Nous parvenons à un produit de 76,4 milliards d’euros, soit une très forte augmentation, de 4,4 %. C’est l’effet de l’indexation sur l’évolution d’une année, alors que le décalage est de deux ans – j’ai déposé un amendement pour en tenir compte.

Ces deux effets se mélangent. Les chiffres sont donnés par le Gouvernement, même s’il faut les reconstituer. Notre collègue Woerth soulève un vrai problème. Je ne suis simplement pas d’accord avec sa solution. La masse salariale, sur l’évolution de laquelle il propose d’indexer celle des seuils des tranches du barème, n’est effectivement qu’une partie des revenus. Je propose pour ma part de neutraliser les effets de l’inflation pour les années 2018, par rapport à 2017, et 2019, par rapport à 2018.

Mme Cendra Motin. On peut toujours faire plus compliqué quand on peut faire simple. En l’occurrence, une chose est très simple : la déclaration de revenus que nous remplirons au mois d’avril 2019 sera fondée sur nos revenus de 2018. Et, au mois d’avril 2020, elle sera fondée sur nos revenus de 2019. Nous serons toujours imposés sur une année, de janvier à décembre, ou, en décalage de paie, de décembre à novembre. Nous serons toujours imposés sur douze mois, avec le même barème, indexé sur l’inflation, et je ne vois pas pourquoi il faudrait modifier le mode de calcul des seuils de ce barème au motif que nous modifions les modalités de recouvrement de l’impôt. Le mode de calcul de l’impôt sur le revenu ne change pas. Ne nous faisons donc pas ces nœuds au cerveau ! Tout le monde fera sa déclaration comme auparavant, et nous regarderons non seulement le taux appliqué en année N – 1 mais aussi ce qui a été payé, et pas un Français ne paiera plus que ce qu’il doit.

M. le président Éric Woerth. Bien sûr que si !

M. Julien Aubert. Il faut être très simple. Nous sommes bien d’accord, chers collègues : l’objet du prélèvement à la source n’est pas de collecter des ressources fiscales supplémentaires. Cette réforme doit donc être faite en toute justice, c’est-à-dire qu’elle doit être neutre pour le contribuable.

Prenons l’exemple de quelqu’un qui, en 2018, gagne 1 300 euros par mois. Il bénéficie d’une augmentation de 90 euros à partir du mois de janvier 2019. En l’absence de prélèvement à la source, l’impôt aurait, en 2019, été calculé par rapport à un revenu mensuel de 1 300 euros. Imaginons que le taux de l’impôt soit de 10 %. Il aurait donc payé 130 euros. Avec le prélèvement à la source, en 2019, l’impôt payé est de 139 euros par mois, soit une augmentation d’impôt de 9 euros. Tel est notre raisonnement. Si vous n’êtes pas d’accord, expliquez-nous ce qu’il en est, mais il faut aussi que vous répondiez à l’objection de mon collègue Charles de Courson : si vous prévoyez une augmentation de 3,3 milliards d’euros du produit de l’impôt sur le revenu, il y a bien une augmentation de l’impôt. Or, si cette réforme était neutre, la progression devrait être exactement similaire à celle des années précédentes.

M. Gilles Carrez. J’ai également été très étonné par cette prévision de 70 milliards d’euros, alors que le produit de l’impôt s’élève à 73 milliards d’euros en 2018. La réalité, c’est que le mois de décembre 2019 bascule sur 2020. Nous pouvons évaluer le produit correspondant à 6 ou 7 milliards d’euros. En réalité, si nous réintégrons le mois de décembre, la progression du produit de l’impôt sur le revenu est de 3 ou 4 milliards d’euros. Je ne veux pas voir de la malignité partout mais, comment se fait-il qu’on ne puisse pas en comptabilité budgétaire – en comptabilité nationale le mois de décembre et bien inclus dans l’exercice 2019 – rattacher le mois de décembre à l’année 2019, alors qu’existe une journée complémentaire qui va jusqu’au 20 ou 25 janvier ? Y a-t-il une raison objective ou bien est-ce simplement le Gouvernement qui voulait un chiffre plus flatteur ?

Mme Amélie de Montchalin. L’exemple pris par M. Aubert permet d’être très pédagogue. Effectivement, dans l’ancien système, en 2019, ce sont 130 euros qui auraient été payés douze fois, soit l’impôt de 2018. Avec la réforme, vous ne paierez jamais ces 130 euros x 12 puisque c’est une année blanche. Vous aurez payé les 125 euros de l’année 2017, si votre salaire était de 1 250 euros, et vous paierez directement 139 euros par mois, soit exactement la somme que vous auriez dû payer en 2020 – simplement, il vous sera demandé de la payer en 2019. À ce titre, effectivement, tous les ans, le volume collecté en euros de l’impôt sur le revenu augmente puisque les revenus des Français augmentent, ils augmentent de l’inflation, des promotions, etc. C’est exactement la logique du prélèvement à la source : nous rendons l’impôt contemporain des revenus. Au titre de l’année 2019, vous ne payez pas plus d’impôts, vous les payez simplement en 2019.

Ce que je comprends, c’est que vous auriez aimé une baisse d’impôts, que les revenus de 2019 donnent lieu à la perception non pas de 139 euros x 12 mais de 130 euros x 12, ce qui correspondrait à une baisse d’impôt. Pour nous, l’enjeu de la réforme est non pas le montant mais le calendrier.

M. le président Éric Woerth. C’est exactement ce que nous disons : il y a un effet trésorerie, et les Français paieront plus que dans l’ancien système ! D’où l’idée d’une autre indexation du barème.

M. Marc Le Fur. Cela m’amène à une question annexe. L’année 2018 est une année blanche pour le salarié moyen, mais un certain nombre de revenus exceptionnels seront imposés, et généreront des recettes en 2019. Or, je ne trouve pas dans les documents cette recette fiscale générée au titre des revenus 2018 pour le budget 2019.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je crois que tout cela est assez clair : on assied l’impôt sur un montant majoré par rapport à l’année précédente. Auparavant, on asseyait l’impôt sur les revenus de l’année N – 1. Ce n’est pas simplement un effet de trésorerie, et cela ne se rattrape jamais, sinon à la mort du contribuable – mais, comme dirait le regretté Lubitsch, « le Ciel peut attendre ».

M. le président Éric Woerth. Cela se rattrape aussi dans les successions.

Mme Christine Pires Beaune. Le propre du prélèvement à la source, c’est que l’on paie des impôts en fonction de ce que l’on touche l’année n. Je prendrai un autre exemple, monsieur Aubert : M. X, qui gagne 100 l’année n, paie effectivement son impôt sur cette base l’année suivante, sous l’ancien système. Mais qu’en est-il s’il perd son emploi et qu’il ne gagne, avec les indemnités chômage, que 70 ? Avec le prélèvement à la source, il paiera en fonction de son nouveau revenu. Certes, la recette globale, au niveau « macro », peut être légèrement supérieure ; on peut espérer que les revenus des Français aient globalement un peu progressé.

M. Charles de Courson. La réponse à toutes les questions que nous nous posons se trouve en page 21 du tome I de l’annexe Évaluations des voies et moyens.

La très forte croissance du produit de l’impôt sur le revenu procède d’un double effet. Il y a tout d’abord l’indexation non sur deux ans, mais sur une seule année, alors qu’on paiera sur les revenus 2019.

L’effet sur la décomposition de l’IR induit par la mise en œuvre du prélèvement à la source et de la nouvelle nomenclature comptable l’accompagnant est évalué à 11,2 milliards d’euros. Et l’encaissement en janvier 2020 par l’État d’une partie des recettes prélevées au mois de décembre 2019, sans impact en comptabilité nationale, est évalué à moins 5,9 milliards d’euros. Le solde est en augmentation de 5,3 milliards d’euros, alors que l’augmentation spontanée était de 2,2 milliards d’euros.

Nous avons toute l’explication, mais, monsieur le Rapporteur général, que signifie « sans impact en comptabilité nationale » ? Est-ce à dire qu’en comptabilité nationale le produit de l’impôt sera plus élevé de 5,3 milliards d’euros que ce montant de 70,5 milliards d’euros inscrit dans le projet de loi ? C’est ce que je comprends.

M. le Rapporteur général. C’est cela.

M. Charles de Courson. C’est une véritable bombe.

M. Gilles Carrez. En comptabilité budgétaire, l’estimation à 70,5 milliards d’euros me semble sous-estimée : indépendamment du basculement des revenus de décembre vers janvier, la progression des revenus de 2019 par rapport à ceux de 2018 et les revenus exceptionnels de 2018 imposés en 2019 – comme vient de le dire Marc Le Fur – doivent apporter autant de recettes supplémentaires.

M. le Rapporteur général. Même si je maintiens mon avis défavorable sur l’amendement I-CF1068, j’accède bien volontiers à la demande de Gilles Carrez tendant à obtenir une estimation plus précise, que nous ferons faire par nos propres services, sans passer par un amendement pour en demander une au Gouvernement.

S’agissant de la « journée comptable supplémentaire », je peux seulement vous demander de poser la question au ministre, car je ne détiens pas la réponse.

Sur les questions techniques, je suis dans les mêmes dispositions d’esprit que Christine Pires Beaune, lorsqu’elle nous disait trouver le débat surréaliste : certains effets seront effectivement dus à la progression moyenne des revenus, qu’on peut seulement souhaiter à ceux qui en profitent ; ceux qui auront pu essuyer des « revers de fortune » se trouveront inversement dans une situation plus favorable...

Je crois profondément que la perception simultanée de l’impôt est favorable à une meilleure correspondance entre les revenus perçus et l’impôt payé. Mais nous mènerons néanmoins l’évaluation que vous avez demandée sur ce point.

La commission rejette successivement les amendements I-CF982, ICF1068 et ICF1426.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF844 de Mme Sabine Rubin et I-CF760 de M. Jean-Paul Dufrègne.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement propose de rendre l’impôt sur le revenu progressif – et donc plus juste. Il s’agit tout simplement de réintroduire les quatorze tranches d’imposition, comparativement aux cinq qui existent actuellement.

Pour rappel, de 1979 à 1994, la base de calcul de l’impôt sur le revenu reposait sur des taux répartis sur treize ou quatorze tranches. Il s’agit de revenir à ce système qui serait plus juste, car l’effort des contribuables des classes moyennes en serait atténué. Actuellement, ce sont elles qui supportent le plus l’impôt sur le revenu. À l’inverse, il y aurait une augmentation de l’imposition des plus hauts revenus pour compenser les pertes sur les tranches les plus basses.

L’amendement permettrait, grâce à une fiscalité plus juste, de rompre avec les mécanismes d’évitement de l’impôt, qui sont parfois liés à un sentiment d’injustice ou, en tout cas, d’inégalité devant l’impôt.

M. Jean-Paul Dufrègne. Notre amendement va dans le même sens. Pour nous, l’impôt n’est pas un gros mot. Je serais même favorable à ce que la collecte de l’impôt sur le revenu soit plus importante. Pour ce faire, il faut renforcer la progressivité de l’impôt, afin de mieux répartir la contribution des différents revenus et de tasser un petit peu, après perception des impôts, les disparités de revenus qui existent initialement.

Nous proposons de passer de cinq à neuf tranches. Aujourd’hui, les tranches sont en effet très larges. La troisième, par exemple, couvre les montants qui varient de 27 087 euros à 72 617 euros, somme considérable. Dois-je rappeler que le produit de l’impôt sur le revenu est deux fois inférieur à celui de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ? La TVA est pourtant le plus injuste des impôts, parce qu’elle frappe beaucoup plus, en proportion, les petits revenus que les revenus importants.

Cette contribution supplémentaire à l’impôt sur le revenu pourrait permettre d’abaisser les taux de la TVA, ou du moins d’appliquer le taux de TVA réduit sur davantage de produits de première nécessité. C’est vraiment pour nous une question fondamentale.

M. le Rapporteur général. Permettez-moi de préciser que ces deux amendements ont déjà été déposés dans les mêmes termes l’an dernier. Je devrais donc me contenter d’émettre un avis défavorable sans autre explication, comme je l’annonçais tout à l’heure.

Je rappelle quand même que, lorsque vous ajoutez les contributions exceptionnelles sur le revenu – la surtaxe « Fillon » – et les prélèvements sociaux, les tranches que vous proposez entrent dans la catégorie des impôts considérés comme confiscatoires, et seraient bien évidemment censurées, comme telles, par le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Paul Dufrègne. Eh bien, si nous y allons un petit peu trop fort, nous pouvons rediscuter du contenu de l’amendement, de façon à n’y intégrer que ce qui serait recevable par le Conseil constitutionnel. Nous allons donc retravailler cet amendement pour le redéposer.

La commission rejette successivement les amendements I-CF844 et ICF760.

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement I-CF143 de M. Marc Le Fur et I-CF1347 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Marc Le Fur. Mon amendement revient sur la question du quotient familial. Il prône un retour au système antérieur à la funeste loi de 2013.

M. Jean-Louis Bourlanges. Mon amendement est à peu près identique. Il vise à limiter les effets du plafonnement du quotient familial, en relevant les plafonds dans tous les domaines.

Il faut considérer que le quotient familial n’est pas une niche fiscale. Le quotient familial n’est pas une dépense fiscale. Il est inique de considérer qu’un revenu est identique selon qu’il est perçu par deux personnes ou par dix personnes. En réalité, c’est aussi absurde que de confondre le PNB (produit national brut) et le PNB par habitant. Un Luxembourgeois est plus riche qu’un Chinois, même si le PIB du Luxembourg est infiniment plus faible que celui de la Chine...

Il faut absolument en finir avec cette imposture selon laquelle le quotient familial serait un avantage pour les riches. C’est au contraire une mesure de parfaite équité : quand vous avez une famille, il faut tenir compte de tous ceux qui bénéficient du revenu imposable.

Toutefois, comme je suis aussi attaché que chacun d’entre vous au bon équilibre des finances publiques, nous proposons que cette mesure soit progressive, c’est-à-dire que nous supprimons les plafonnements des dernières années non pas en une seule année, mais sur plusieurs.

M. Gilles Carrez. Excellent !

M. Jean-Louis Bourlanges. Au moment où la fécondité fléchit, où la démographie stagne, il est absolument essentiel de donner ce signal fort.

M. le Rapporteur général. À nouveau, il s’agit d’amendements que nous avons déjà vus dans le PLF 2018, et dans les mêmes termes ! Il n’y a que les chiffres qui changent.

Errare humanum est, sed perseverare... Dans les deux cas, vos amendements bénéficient à des contribuables qui relèvent surtout des deux derniers déciles, car il faut quand même dire les choses telles qu’elles sont. S’il y a entre eux une différence, c’est que le vôtre, M. Le Fur, coûte 1,7 milliard d’euros, alors que la formule progressive de M. Bourlanges ne revient qu’à 200 millions d’euros la première année, ce qui donne lieu à un rattrapage par la suite.

Dans les deux cas, je suis au regret de vous donner un avis défavorable, comme l’an dernier.

M. Charles de Courson. Sous l’ancienne majorité, nous avions combattu l’abaissement du plafond qui, je le rappelle, s’est effectué en deux fois, pour un montant de 1 000 euros à chaque fois.

Il est vrai qu’on n’a pas les moyens de se payer une nouvelle hausse de 1 000 euros. Ce serait trop coûteux. Mais la proposition de notre collègue Bourlanges, pour le groupe du MoDem, me paraît pleine de bon sens, à savoir faire un effort de 100 euros par an.

Monsieur le Rapporteur général, cela représente-t-il vraiment 200 millions d’euros ?

M. le Rapporteur général. Oui.

M. Charles de Courson. Il me semble que cela est supportable. Nous voterons donc en faveur de l’amendement Bourlanges.

Mme Véronique Louwagie. Les Républicains voteront eux aussi en faveur de l’amendement Bourlanges.

La commission rejette successivement les amendements I-CF143 et I-CF1347.

Elle examine ensuite lamendement I-CF845 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Il s’agit de plafonner à 2 590 euros la baisse d’impôts issue de l’application du quotient conjugal.

En 2011, la direction générale du Trésor a évalué que cela rapporterait 1,35 milliard d’euros de recettes, ce qui n’est pas négligeable. Certes, il faudrait réactualiser les chiffres mais cela ne concernerait en tout cas que 4 % des couples mariés ou pacsés, qui verraient leur impôt légèrement augmenter. Cela n’aurait donc pas beaucoup d’incidences, alors que cela pourrait rapporter des recettes considérables.

M. le Rapporteur général. Je comprends bien la volonté qui est à l’origine de cet amendement. Très honnêtement, il pose une question structurante, celle de la prise en compte des capacités contributives des charges de famille au sein du foyer fiscal.

Mais, si l’on regarde le fonctionnement technique de votre amendement, le plafonnement concernerait davantage les couples sans enfant... Il affecterait aussi des couples avec trois enfants ou plus, avec des pertes moyennes encore plus élevées que pour les couples sans enfant ou avec un ou deux enfants. Je pense donc qu’une réforme comme celle-là nécessite vraiment des études préalables sur toutes les configurations de foyers, pour éviter que nous nous retrouvions dans une situation allant même à l’encontre de l’esprit qui vous anime aujourd’hui. Je vous inviterai donc plutôt à retirer l’amendement, faute de quoi je serai au regret d’émettre à son endroit un avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Non, je ne vais pas le retirer, mais plutôt réétudier la piste que vous venez de donner, afin de voir comment le dispositif pourrait s’appliquer plus spécifiquement.

M. Charles de Courson. Cet amendement n’est intéressant que si nous voulons favoriser le divorce fiscal, pour optimiser son impôt. Je pense que vous gagneriez, ma chère collègue, à le retirer. Sinon, il faudra aussi examiner la situation des concubins. Il s’agit vraiment d’un amendement anti-mariage.

M. Julien Aubert. Après s’être tant battus pour le mariage pour tous... !

La commission rejette lamendement I-CF845.

Elle adopte ensuite larticle 2 sans modification.

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Après l’article 2

La commission examine lamendement I-CF864 de Mme Sabine Rubin. 

M. Éric Coquerel. Nous revenons sur la question de l’impôt universel. Nous avons souvent défendu cet impôt en séance publique, notamment par la voix de mon président de groupe, Jean-Luc Mélenchon.

Lier l’impôt à la nationalité présenterait plusieurs avantages.

D’abord, ce serait un mécanisme vertueux, parce qu’il permettrait d’éviter que ceux de nos concitoyens qui partent à l’étranger pour échapper à leurs devoirs vis-à-vis de la société et ainsi ne pas payer les impôts dus en fonction de leurs revenus, le fassent finalement... Ils n’auraient en effet plus d’avantages à partir. En outre, cette plus grande égalité de nos concitoyens devant l’impôt – car ce ne sont pas les contribuables ayant de faibles revenus qui cherchent à profiter du dumping fiscal entre les États –, accroîtrait le consentement à l’impôt.

Deuxièmement, cela lutterait efficacement contre certains mécanismes d’évasion fiscale, faisant précisément fond sur cette question de dumping. En outre, la mesure serait efficace aussi en termes d’entrées financières, si on veut bien considérer l’importance de l’évasion fiscale.

Enfin, cette disposition serait réaliste. Dois-je rappeler une fois encore qu’elle est en vigueur aux États-Unis d’Amérique ? Le concitoyen qui part à l’étranger et y paye moins d’impôts qu’il ne le ferait en France s’acquitterait de cette différence, après l’adoption des correctifs nécessaires en matière de droits non perçus. Cela se fait déjà dans certains pays ; il n’y a donc pas de raison que nous n’y parvenions pas nous aussi.

M. le président Éric Woerth. En séance publique, durant l’examen de la loi relatif à la lutte contre la fraude, nous avions en effet prévu que la commission des finances se saisisse de ce sujet.

M. le Rapporteur général. Il s’agit d’un amendement qui a déjà été déposé dans le précédent PLF, mais également sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude.

J’ai indiqué, en préambule, mon avis défavorable aux amendements qui, sortis par la porte, reviennent par la fenêtre. Au surplus, il y a un principe de notre droit fiscal qui est celui de la domiciliation fiscale. C’est ce principe lui-même qui se trouve mis en cause par votre amendement. Or je crois qu’il faudrait vraiment un gros travail de fond pour y arriver. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Je trouve que le débat sur l’impôt universel est intéressant. Néanmoins, dans la formulation de l’amendement, quand je lis que les contribuables mentionnés sont « passibles » de cet impôt, je suis obligé de relever que cet adjectif ne s’emploie que pour une personne arrêtée qui risque une peine de prison ou une amende selon les lois en vigueur.

Cette rédaction semble procéder d’une fiscalité punitive et je me demande si cela ne traduit pas aussi la volonté d’utiliser l’impôt comme une forme de sanction à l’égard de ceux qui se seraient expatriés. Donc, à tout le moins, je pense qu’il faudrait peut-être reformuler l’amendement.

M. Charles de Courson. Nous avons longuement discuté de cet amendement lors de l’examen du texte relatif à la lutte contre la fraude.

Si on devait reconstruire un impôt sur le revenu, on pourrait discuter ces deux approches, l’une fondée sur la domiciliation en France et l’autre sur la nationalité française. Les États-Unis ont en effet choisi le modèle de notre collègue Coquerel – à l’américanisation duquel, n’est-ce pas, nous assistons... Depuis 1917, la France a cependant fait le choix inverse. Il faudrait donc renégocier toutes les conventions bilatérales en vigueur : imaginez seulement !

Enfin, y gagnerait-on, monsieur Coquerel ? Ou y perdrait-on ? Il me semble qu’il y a plus d’étrangers en France, qui payent l’impôt sur le revenu, que de Français à l’étranger. Encore faudrait-il le vérifier.

Dernier point, on peut simplement changer de nationalité... Vous risquez de pousser les Français expatriés à changer de nationalité pour ne plus payer l’impôt en France. Tous ces effets pervers doivent être pris en compte.

M. Éric Coquerel. Non, monsieur Giraud, il ne s’agit pas d’amendements qui, sortis par la porte, reviennent par la fenêtre. En politique, on pense seulement qu’à un moment donné, on pourra arriver à convaincre.

D’ailleurs j’observe qu’après le débat que nous avions eu, après l’intervention de Jean-Luc Mélenchon, notre président de commission a considéré qu’une réflexion de fond serait intéressante sur le sujet. On vous prend donc au mot : constituons une mission qui réfléchisse sur cette question.

Monsieur Aubert, j’accepte bien entendu les sous-amendements à cet amendement. On voit bien qu’il y a ici un débat qui pourrait s’engager. En revanche, je ne répondrai pas à la provocation de Charles de Courson sur l’américanisation. C’est parce qu’il nous imagine avec un couteau entre les dents, ou sortant un revolver, dès qu’on entend le mot « États-Unis ». Ce n’est pas tout à fait la réalité de notre courant. On peut s’inspirer des bonnes choses qui se pratiquent ailleurs. Par exemple, certains États américains ont instauré la révocabilité des élus : nous sommes d’accord avec cette mesure aussi !

Nous allons donc soumettre au vote cet amendement – même si nous savons que nous allons être battus. Nous le redéposerons autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que nous ayons un vrai débat de fond. Je suis persuadé que cette mesure serait efficace contre la plaie que représente l’évasion fiscale, sans intention de punir ceux de nos concitoyens qui partent à l’étranger, normalement, pour travailler sans intention de contourner l’impôt.

M. le Rapporteur général. Je suis entièrement d’accord pour organiser cette mission d’information. Nous ferons le travail dans ce cadre ; je n’y vois aucun inconvénient.

M. le président Éric Woerth. Je pense que ce serait bien, en effet, d’aller au fond des choses. Il y a déjà une mission sur les « Américains accidentels », menée par M. Le Fur et M. Saint-Martin – une autre version des choses, vue sous l’angle d’un pays particulier. Je pense que le sujet mérite qu’on y consacre du temps.

M. Éric Coquerel. Je maintiens mon amendement, ne serait-ce que pour qu’on note bien qu’on a obtenu une mission sur ce sujet. On en parle depuis un an : faisons-la ! À cet égard, j’ai bien entendu, monsieur le président, votre remarque constructive et je sais l’apprécier.

La commission rejette lamendement I-CF864.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1240 de Mme Barbara Pompili.

M. Éric Alauzet. Cet amendement a pour objet la protection du foncier dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité. Il propose un contrat entre les propriétaires fonciers et des collectivités locales, des établissements fonciers ou une personnalité morale. Les engagements réciproques consignés dans ce contrat vont dans le sens de la protection de la biodiversité.

M. le Rapporteur général. J’ai consulté le code de l’environnement et les sites qui sont visés par votre amendement. À leur propos, le code de l’environnement dispose qu’ils « peuvent faire lobjet dun contrat avec une collectivité publique en vue de faire naître, pour eux et les propriétaires ultérieurs, des obligations réelles que bon leur semble en lien avec la préservation de lenvironnement ».

Je ne vois pas comment, à partir d’un libellé aussi flou, on peut arriver à cerner clairement une problématique fiscale. Je crois franchement qu’il n’est pas possible d’asseoir une disposition de la loi de finances sur une base qui n’est pas du tout bornée : « que bon leur semble »… Je ne savais même pas que, dans un texte de loi un tant soit peu normatif, on pouvait introduire une phrase comme celle-là !

Je vous invite donc à retirer l’amendement, faute de quoi je serai au regret d’émettre à son endroit un avis défavorable.

M. Éric Alauzet. Ce contrat est en tout état de cause conclu sur la seule base du volontariat.

Lamendement I-CF1240 est retiré.

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Article additionnel après l’article 2
Exonération dimpôt sur le revenu pour les personnes louant ou sous-louant en meublé une partie de leur habitation principale

La commission examine ensuite lamendement I-CF695 de M. François Jolivet.

M. François Jolivet. Cet amendement vise à abroger un dispositif d’exonération fiscale. Depuis 1984, un régime particulier est consenti aux propriétaires de résidences principales. Ils peuvent louer une partie de leur maison à des personnes, à un loyer raisonnable, et sous la condition que ce loyer serait le paiement de leur résidence principale. Lorsque cela n’est pas le cas, le loyer doit être inférieur à 760 euros toutes taxes comprises. On permet donc à un loueur occasionnel de créer un secteur fiscal dans sa maison d’habitation.

Cette niche fiscale n’a jamais été évaluée depuis 1984. On ne sait pas ce qu’elle coûte à l’État. L’on sait en revanche, à la suite du rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales de 2011, que ce dispositif avait été jugé trop large et simple d’obtention, et présentant un effet incitatif théorique. L’ensemble de ces éléments amenaient le comité d’évaluation à douter de la véritable nécessité de maintenir ce dispositif.

Plus encore, le secteur associatif, qui lutte contre les marchands de sommeil, s’est interrogé sur cette disposition fiscale pouvant inviter un certain nombre de propriétaires à sous-louer des pièces sans véritable contrôle de salubrité. Je me demande donc où est la nécessité de conserver cette exonération fiscale, qui n’est pas évaluée par les services de l’État, dont on ne connaît pas la portée et dont tous les acteurs du contrôle de ces niches au nombre indéterminé de chiens dénoncent le bien-fondé.

J’engage notre commission à inviter de manière unanime l’État à travailler d’une autre manière dans ce domaine. Nous examinerons en effet beaucoup d’autres niches fiscales au cours de l’examen du PLF. Or la situation devient difficile à justifier, et surtout insupportable.

M. le président Éric Woerth. Elle avait fait l’objet d’une tentative d’évaluation, au moment de l’évaluation de toutes les niches fiscales en 2011. Mais il est vrai que la conclusion était floue.

M. le Rapporteur général. Je suis plus que partagé. Je comprends tout à fait le raisonnement, qui va dans le sens de notre volonté de supprimer quelques niches – et les chiens qui s’y trouvent.

Cela étant, pour habiter dans une zone où il y a énormément de travailleurs saisonniers, je me souviens que nous avons dû rappeler, dans l’acte II de la loi montagne, que ces dispositions existaient parce qu’elles ne sont mises en œuvre nulle part dans les zones où il y a pourtant besoin de louer en faveur des saisonniers, notamment dans les zones fortement touristiques. Nous avons ainsi dû rappeler l’existence de ces dispositions.

Je pense donc qu’il est prématuré de mettre un terme à cette mesure. Il faudrait, en revanche, que cette niche soit vraiment évaluée, et qu’elle soit tout simplement utilisée dans les secteurs où le problème se pose et où elle est parfaitement inconnue. Car il n’y a pas que des marchands de sommeil ; il y a aussi des secteurs où on a besoin d’avoir des logements de ce type-là, notamment dans les régions hautement touristiques.

M. Gilles Carrez. L’amendement de notre collègue Jolivet est très intéressant. Il pose un problème qu’on retrouve par ailleurs, lorsqu’on se penche sur les problématiques de type Airbnb. Il s’est instauré en effet une concurrence fiscale déloyale par rapport à l’hôtellerie.

Mais, comme le dit très bien Joël Giraud, là où il y a de vraies tensions sur l’offre, on est obligé à recourir à ce type de solutions. Pour autant, je ne suis pas sûr que la suppression de l’exonération fiscale dissuaderait les propriétaires de louer. Ne pourrait-on pas envisager une adaptation de ces dispositifs aux situations locales du logement, selon que le secteur est en tension ou non ?

M. Julien Aubert. Nous discuterons en outre de la suppression de l’exonération pour les travailleurs saisonniers dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Il faut donc vraiment sanctuariser ce domaine : ce n’est pas le moment de déstabiliser l’industrie touristique. D’ailleurs, l’agriculture utilise aussi ce type de d’hébergement.

Il faut donc bien distinguer ce qui relève de la concurrence déloyale dans le secteur touristique de ce qui relève d’une aide nécessaire pour certaines activités économiques.

M. Charles de Courson. Le plafond est à 760 euros, c’est-à-dire rien. Si on supprime cette disposition, je pense que cela n’aura aucune conséquence, parce que les gens loueront au noir. Actuellement, ils ne déclarent pas parce que, de mémoire, dans notre déclaration d’impôts, nous n’avons pas à le faire. Car il y a d’autres sommes qui sont exonérées mais qu’il faut tout de même déclarer. Je suis donc hésitant sur la suppression de cette niche.

Mme Amélie de Montchalin. Ces dispositions de location de courte durée avaient déjà fait l’objet, dans le cadre du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), de longues discussions, notamment pour le logement des étudiants. Ces dispositifs peuvent en effet également concerner les logements étudiants, tout comme des modes de vie collective transgénérationnelle, qui permettent à une personne d’une génération plus jeune d’habiter dans le logement d’une personne âgée. Il y avait eu beaucoup de discussions sur le sujet, notamment autour de la création du système Visale, qui permet d’apporter des cautions pour des sous-locations de courte durée.

Donc je pense qu’il y a effectivement un travail à faire. Je suis assez d’accord pour dire que, eu égard au tarif des chambres, que ce soit au mois ou au semestre, notamment dans les zones étudiantes un peu tendues, telle ma circonscription, la somme de 760 euros fait partie des montants minimaux : c’est probablement l’équivalent d’un mois de loyer. Peut-être que, dans les Hautes-Alpes, les prix sont plus compétitifs, mais, en région parisienne, dans les zones étudiantes, on est très loin du but. Je pense qu’il faudrait comprendre comment le loyer est déclaré ou déclarable. Aujourd’hui, l’exonération est certes symbolique, mais elle ne va assurément pas très loin. Elle participe ainsi de la surcomplexité de nos impôts et, au fond, n’apporte pas grand-chose.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement est particulièrement intéressant. D’autant qu’il s’agit vraiment de clopinettes. Donc autant supprimer ce dispositif et clarifier un peu notre fiscalité, s’agissant notamment de ces sous-locations, Airbnb et autres. La suppression de ce dispositif serait l’amorce d’une révision générale.

La commission adopte lamendement I-CF695 (amendement I-1770).

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Après l’article 2

La commission examine ensuite lamendement I-CF1120 de M. Dominique Potier.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à porter la fiscalité des retraites chapeaux, ou parachutes dorés, à hauteur de 30 %, pour les dirigeants de sociétés « dont le salaire annuel dépasse 500 000 euros après prélèvement des cotisations sociales, lorsqu’elles sont supérieures au salaire annuel net ».

C’est une mesure de justice fiscale et de justice sociale. Ces retraites chapeaux frisent l’indécence, d’autant plus qu’elles se transforment quelquefois en un patrimoine échappant désormais à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

M. le Rapporteur général. L’amendement n’est pas très normatif dans sa rédaction, parce que la formule « les sociétés qui envisagent » n’est pas très opérationnelle.

La référence au salaire annuel des dirigeants est bizarrement restrictive, compte tenu des objectifs poursuivis. Il serait sans doute plus cohérent de viser la rémunération annuelle.

Plus fondamentalement, vous proposez d’introduire une sanction pour les sociétés qui augmentent la rémunération de leurs dirigeants avant leur départ. Vous faites ainsi, entre la rémunération d’un salarié et le bénéfice imposable, un lien qui ne me semble pas opportun. La surtaxe d’impôt sur les sociétés est, à mon sens, susceptible d’être considérée comme manifestement disproportionnée.

En tout état de cause, le dispositif me semble extrêmement fragile. Si vous voulez faire un amendement de ce type, il faut le consolider.

M. Jean-Louis Bricout. Dans ces conditions, je préparerai une nouvelle rédaction pour la séance publique.

Lamendement I-CF1120 est retiré.

La commission examine ensuite lamendement I-CF109 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Depuis le 1er janvier 2018, on a mis fin au prélèvement à la source sur les indemnités des élus locaux, de façon à les faire entrer dans le régime général du prélèvement à la source au 1er janvier 2019.

Pourtant, la suppression du prélèvement à la source sur les indemnités des élus locaux a finalement constitué une double peine pour ces élus. En général, ils exercent une activité professionnelle en parallèle, de sorte que leurs indemnités d’élu seront désormais incluses dans les traitements et salaires, ce qui accroîtra la progressivité de leur impôt.

La loi de finances pour 2018 a augmenté de 40 % la rémunération des maires des villes de plus de 100 000 habitants, alors même que 50 % des maires de France perçoivent aujourd’hui une indemnité de fonction inférieure à celle des maires des communes de 10 000 habitants. C’est pourquoi je vous propose de modifier l’abattement forfaitaire qui est appliqué à nos élus locaux, pour leur permettre d’exercer sereinement leur fonction d’élu, en fixant cet abattement forfaitaire au montant égal à l’indemnité versée aux maires des communes de moins de 10 000 habitants.

M. le Rapporteur général. Je comprends vos inquiétudes, mais la barre que vous proposez de fixer est quand même très haute lorsqu’on sait qu’un maire d’une commune de moins de 10 000 habitants touche 25 556 euros par an. Cela enverrait un mauvais signal sur le traitement des élus. Cela reviendrait à les montrer du doigt. Avis défavorable.

Mme Lise Magnier. On pourrait débattre longuement sur la philosophie de l’imposition des indemnités des élus locaux – ce ne sont ni des traitements ni des revenus. Monsieur le rapporteur, un amendement prévoyant un abattement spécial plus faible, vous conviendrait-il ?

M. le Rapporteur général. Il y aussi la question du champ d’application, car votre amendement concerne tous les élus locaux, maires, adjoints, conseillers municipaux... Très honnêtement, je trouve que le signal n’est pas très bon, au-delà du problème du seuil. Tentez votre chance avec un seuil plus bas, mais je ne peux pas vous garantir que ce soit très bien perçu.

M. Julien Aubert. Je comprends ce discours sur le signal envoyé, mais, en même temps, il faut assumer la défense de la démocratie et la défense de ces milliers d’élus qui donnent beaucoup de leur temps. Ramené au taux horaire, leur salaire est très en dessous de certaines activités. La réforme de l’année dernière a quand même produit une augmentation de 30 % ou 40 % de certaines impositions. J’ai rencontré des élus locaux très surpris de voir cette augmentation. Alors que 1 000 maires ont démissionné de leur mandat depuis 2014, on devrait s’interroger. À force de donner de plus en plus de responsabilités, tout en réalisant des prélèvements sur les indemnités de diverses manières, on finira par manquer de bénévoles qui ne disent pas leur nom...

Mme Lise Magnier. Je vais retirer mon amendement pour le représenter avec un seuil qui pourra apparaître peut-être plus raisonnable.

Lamendement I-CF109 est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques I-CF291 de M. Patrick Hetzel et I-CF587 de M. Julien Aubert.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement de notre collègue Patrick Hetzel vise à supprimer la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions pour les parents de trois enfants ou plus. Cette mesure sera lourde de conséquences, en effet, pour les 3,8 millions de foyers concernés. Les retraités sont déjà largement contributeurs à l’effort national et du fait des effets de seuil, de nombreux retraités qui peuvent se retrouver assujettis à l’impôt sur le revenu.

M. le Rapporteur général. Comme l’an dernier, je rends un avis défavorable.

L’augmentation de l’imposition qui a découlé du système que vous décrivez a été pour partie compensée, pour les ménages, par les mesures d’allégement de l’impôt qui sont intervenues depuis 2014. En outre, les effets de la mesure en termes d’imposition locale ont également été pris en compte, grâce à une « clause du grand-père » contenue dans la loi de finance initiale de 2016.

M. Charles de Courson. Les majorations de retraite ou de pension pour enfants élevés ou à charge sont réversibles à 100 %. Un fonctionnaire ou un agent qui a cinq enfants bénéficie d’une majoration de 25 %. Cela peut représenter jusqu’à 40 % de la pension de réversion. Quand l’ancienne majorité a rendu cette majoration imposable, 600 000 pensionnés de réversion se sont retrouvés imposables et ont dû payer en plus la TH. Je reconnais que le problème est compliqué mais il faut le résoudre car la situation actuelle a créé des injustices flagrantes.

M. le Rapporteur général. Je veux bien qu’on essaie d’améliorer la situation mais cela ne passera pas par l’adoption de ces amendements très anti‑redistributifs.

M. Marc Le Fur. Je peux apporter mon témoignage : en matière de retraites agricoles, je connais des gens qui n’étaient pas imposables et qui le sont devenus, car ils avaient eu beaucoup d’enfants. Cette mesure a véritablement créé des injustices.

La commission rejette les amendements I-CF291 et I-CF587.

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Article additionnel après l’article 2
Exonération de limpôt sur le revenu des primes liées aux performances sportives des médaillés olympiques et paralympiques

La commission examine, en discussion commune, lamendement I-CF693 de Mme Perrine Goulet, qui fait lobjet du sous-amendement I-CF1461 du Rapporteur général, et lamendement I-CF1091 de M. Régis Juanico.

Mme Perrine Goulet. Nos médaillés des derniers Jeux olympiques (JO) de Rio n’ont pas payé d’impôt sur les primes qu’ils ont touchées, grâce à un amendement qui avait été adopté en loi de finances. Ce n’est pas le cas de nos médaillés des JO de Pyeongchang. Est-il besoin de rappeler que la moitié des sportifs médaillés aux Jeux olympiques vivent le reste de l’année sous le seuil de pauvreté ? Il me paraît inconcevable d’imposer ainsi ceux qui font rayonner la France. L’amendement vise à supprimer l’imposition des primes des médaillés aux Jeux olympiques.

M. Régis Juanico. L’amendement I-CF1091 propose, dans un but d’équité et de justice, d’exonérer d’impôt sur le revenu les primes perçues par les sportifs et les sportives de l’équipe de France médaillés aux Jeux olympiques et paralympiques de Pyeongchang 2018 en témoignage de la reconnaissance de la nation envers la performance qu’ils ont accomplie.

Il serait en effet incompréhensible qu’il y ait une inégalité de traitement entre les médaillés des Jeux d’été de Rio, exonérés en loi de finances pour 2017 par un amendement du groupe majoritaire, et les médaillés des Jeux d’hiver. Cette exonération est un moyen de soutenir le sport de haut niveau et la haute performance, sachant que nombre de ces sportifs connaissent des difficultés quotidiennes importantes dans leur pratique, leur entraînement et la compétition.

Si l’amendement de Perrine Goulet était adopté, le mien deviendrait sans objet et nous nous rallierions bien évidemment à une exonération permanente plutôt que ponctuelle.

M. le Rapporteur général. Je propose un sous-amendement I-CF1461 à l’amendement de Perrine Goulet qui pose un problème rédactionnel. Moyennant ce sous‑amendement, j’émettrai un avis favorable à l’amendement I-CF693 et demanderai à M. Juanico de retirer le sien. C’est une question d’équité : soit on supprime l’avantage pour tout le monde, soit on en fait bénéficier tout le monde. Compte tenu de l’attractivité des Jeux, la deuxième solution me semble intéressante.

Mme Émilie Bonnivard. Je voterai l’amendement de notre collègue Goulet sous‑amendé par le Rapporteur général, pour une raison d’équité. En tant que députée d’une zone de montagne, je suis attachée à l’égalité de traitement entre nos athlètes, qui nous représentent avec beaucoup de vigueur lors des compétitions internationales et les Jeux olympiques d’autant que, selon les filières sportives, les rémunérations sont très différentes.

M. Charles de Courson. Votons une mesure générale et arrêtons de bricoler ponctuellement. Je fais observer au passage qu’il ne s’agit pas de petites sommes : 50 000 euros pour une médaille d’or, par exemple.

M. le président Éric Woerth. Oui mais c’est difficile à avoir !

Retirez-vous votre amendement, monsieur Juanico, au profit de l’amendement sous‑amendé de Mme Goulet ?

M. Régis Juanico. Oui.

Lamendement I-CF1091 est retiré.

La commission adopte le sous-amendement I-CF1461, puis lamendement I-CF693 sous-amendé (amendement I-1546).

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Après l’article 2

La commission aborde lamendement I-CF689 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Dans le cadre du prélèvement à la source, les contribuables vont être imposés sur leur revenu de l’instant t. Or, pour les sportifs de nationalité étrangère, on va conserver le système actuel, c’est-à-dire que quand ils feront une compétition sur le sol français, un prélèvement de 15 % sera opéré à la fin de la compétition et l’année suivante, il leur faudra refaire une déclaration via un cabinet de gestion et payer un complément. Je propose, en cohérence avec le prélèvement à la source, de faire passer le taux de prélèvement de 15 à 20 % et de le rendre libératoire. Ainsi, il n’y aura plus de problème l’année suivante.

M. le Rapporteur général. L’amendement a déjà été rejeté au Sénat dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017. Il risque de porter atteinte à la progressivité de l’impôt sur le revenu et crée une différence de traitement entre contribuables non-résidents titulaires de revenus de source française et les sportifs visés dans l’amendement. Comme le dispositif n’a pas été modifié, je suis défavorable à cet amendement.

Mme Perrine Goulet. Cet amendement a en effet été présenté l’année dernière mais le prélèvement à la source n’était pas alors applicable. S’il pose un problème au regard de la dégressivité, on peut le sous-amender pour le faire correspondre aux tranches de notre impôt sur le revenu classique.

M. le Rapporteur général. C’est plus compliqué que cela. Je vous invite à retirer votre amendement et à le retravailler pour la séance.

Mme Perrine Goulet. D’accord.

Lamendement I-CF689 est retiré.

La commission aborde, en discussion commune, les amendements I-CF901 du président Éric Woerth, I-CF2 de M. Marc Le Fur, I-CF184 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF539 de Mme Émilie Bonnivard.

M. le président Éric Woerth. Le PLFSS propose d’exonérer de charges sociales les heures supplémentaires. Il me semblerait donc naturel, par effet miroir, d’aller jusqu’au bout des propositions de la majorité en défiscalisant également ces heures supplémentaires. Cet amendement coûte 1,4 milliard d’euros.

Mme Émilie Bonnivard. L’exonération de charges salariales sur les heures supplémentaires prévues dans le PLFSS représente un gain de 200 euros par an de pouvoir d’achat pour les salariés contre 500 euros grâce à la défiscalisation. La différence est conséquente.

M. le Rapporteur général. Le dispositif prévu par le PLFSS, qui entrera en vigueur en 2019, constitue un gain moyen de 200 euros par an et par salarié, et coûtera 2 milliards d’euros. Il bénéficiera en priorité aux ouvriers et aux employés qui effectuent le plus d’heures supplémentaires. Il témoigne de la volonté du Gouvernement de soutenir le pouvoir d’achat. Vos amendements sont légèrement moins efficaces car qui n’est pas assujetti à l’impôt sur le revenu ne bénéficiera pas de la mesure. De plus, ils coûtent 1,4 milliard d’euros supplémentaires. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Nous en débattrons à nouveau en séance.

La commission rejette successivement les amendements I-CF901, I-CF2, I-CF184 et I-CF539.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF5 de M. Marc Le Fur et I-CF292 de M. Patrick Hetzel.

La commission étudie lamendement I-CF344 de M. Nicolas Forissier.

Mme Émilie Bonnivard. Nos collègues sénateurs ont adopté le 7 juin dernier la proposition de loi de MM. Claude Nougein, Michel Vaspart et plusieurs de leurs collègues visant à simplifier, à moderniser et à sécuriser la transmission d’entreprise dans nos territoires.

Cet amendement permet de déduire de l’impôt sur le revenu les frais de diagnostic de la transmission d’entreprise, qui peuvent représenter un frein inutile et coûteux dès lors que l’on veut faciliter cette transmission. Il convient, au contraire, de tout faire pour faciliter cette dernière et assurer, in fine, le soutien et le développement de l’emploi dans tous les territoires. C’est un amendement peu cher et de bon sens pour faciliter la transmission des entreprises.

M. le Rapporteur général. Le Sénat a adopté ces dispositions en commission mais les a supprimées en séance. Ne revenons pas sur sa décision. Je vous invite à retirer cet amendement sans quoi j’y serai défavorable.

M. Julien Aubert. Je suis heureux de constater que la majorité nous invite à suivre la position du Sénat. Tel n’est pas toujours le cas... Je me souviens ainsi d’excellentes propositions sénatoriales qui ont été combattues et rejetées par la majorité. La véritable question est de savoir si l’on considère que cet amendement de notre collègue Forissier mérite, compte tenu de son coût, d’être adopté en loi de finances. L’argument du rejet de la disposition par le Sénat en séance est un peu court.

Mme Véronique Louwagie. Lorsque des dirigeants veulent céder leur entreprise, le diagnostic de la transmission de leurs actions ou de leurs parts représente pour eux une dépense personnelle. Or les montants peuvent être conséquents. La dépense concerne pourtant la vie et la pérennité de l’entreprise. Cet amendement soulève donc une vraie question de fond au regard notamment de la difficulté constatée dans les transmissions d’entreprises.

Par ailleurs, monsieur le Rapporteur général, pour quelles raisons le Sénat a-t-il changé de position entre la commission et la séance ?

M. le Rapporteur général. L’argument du changement d’avis des sénateurs était une boutade. Selon le rapporteur au Sénat, « il semble préférable que les frais détude ou de diagnostic, qui correspondent à des études portant avant tout sur le devenir de lentreprise, soient considérés comme des charges déductibles pour létablissement du résultat de la société plutôt que comme des frais professionnels pour les dirigeants. Or, les dépenses effectuées dans lintérêt de lentreprise peuvent dores et déjà être déduites de limpôt sur le revenu ou de limpôt sur les sociétés pour létablissement du résultat, en fonction du régime dimposition applicable. »

Mme Véronique Louwagie. Lorsque les actionnaires ou les associés sont propriétaires d’actions ou de parts et qu’ils envisagent de transmettre leur entreprise, et donc de céder leurs actions ou leurs parts, les frais d’étude et de diagnostic que cela occasionne constituent une dépense personnelle. En aucun cas, cela ne peut être reconnu comme une dépense de la société. Il y a une jurisprudence sur le sujet. Dans certaines situations, il y a presque abus de bien social. Il y a une vraie difficulté suivant qu’il s’agit de la transmission de l’entreprise ou de la transmission des actions ou des parts qui sont des biens personnels des actionnaires ou des associés.

M. Jean-Paul Mattei. C’est une mesure très anecdotique. Dans les cas marginaux que vous évoquez, on peut s’interroger quant à l’opportunité et à l’efficacité de ces études. Souvent, ces dernières coûtent des fortunes et ne servent pas à grand-chose. La position du Sénat me semble plus raisonnable. Je suis d’accord pour parler d’abus de bien social s’il s’agit de dépenses personnelles des actionnaires minoritaires mais ce cas est un peu théorique.

La commission rejette lamendement I-CF344.

Elle en vient à lamendement I-CF436 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Le sujet a déjà été abordé dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) et doit être discuté à l’occasion de l’examen du PLF. L’investissement dans les petites et moyennes entreprises (PME) doit en effet être incité fiscalement. Nous proposons donc un mécanisme de report d’imposition au moment de la vente d’une entreprise. Lorsque la plus-value issue de cette vente est réinvestie dans le capital d’une autre entreprise, nous proposons de permettre un report d’imposition à hauteur de 50 % de la plus-value pour une durée maximum de vingt-quatre mois dans des titres de PME de moins de dix ans. C’est un dispositif très efficace qui vise à combler un manque de financement des entreprises. Le mécanisme est assez classique, compte tenu de « l’écosystème » de la création d’entreprises.

M. le Rapporteur général. Vous proposez de ressusciter une mesure qui avait été instaurée en loi de finances pour 2012 et à laquelle il avait été mis un terme au bout de deux ans car le mécanisme, extrêmement généreux, coûtait déjà 1 milliard d’euros en deux ans. Depuis cette date, d’autres dispositifs ont été adoptés, notamment le compte PME Innovation et le régime de l’apport-cession, qui reposent sur l’idée que le report, s’il est important quand il y a réinvestissement, doit se finir par une taxation lorsqu’il y a cession, donc que l’investisseur vend ses titres et engrange ses plus-values, à un moment où il a les liquidités pour le faire.

Certes, le mécanisme du compte PME Innovation est loin d’être parfait – c’est le moins qu’on puisse dire – et celui de l’apport-cession mérite d’être modernisé, ce dont nous parlerons d’ailleurs en seconde partie du PLF, mais le dispositif que vous proposez va trop loin et est extrêmement coûteux. Il n’est pas souhaitable que le réinvestissement ouvre systématiquement droit à une exonération. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Vous dites que le dispositif serait extrêmement coûteux : entre 2012 et 2014, il était estimé à 150 millions d’euros.

M. Jean-Paul Mattei. On ne peut soutenir cet amendement. Le régime de l’apport-cession a été relativement cadré et va être modernisé. Vous proposez, quant à vous, un système d’exonération totale. Or, j’estime que si l’on sort du monde de l’entreprise, on doit en assumer les conséquences. À mon sens, les dispositifs actuels sont suffisants.

M. le président Éric Woerth. L’idée est de rémunérer le risque car qui réinvestit privilégie le risque et non la rente.

La commission rejette lamendement I-CF436.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF239 et I-CF241 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet. Ces amendements concernent les propriétaires fonciers qui décident de mettre à titre gracieux un bien à disposition d’une association reconnue d’utilité publique et œuvrant dans le domaine du mal-logement et de l’aide aux personnes mal logées ou à la rue. Nous proposons que le propriétaire foncier puisse déduire sa taxe foncière soit de la base de calcul de son impôt sur le revenu soit de son impôt sur le revenu.

M. le Rapporteur général. S’agissant de l’amendement I-CF239, il est peu courant de déduire d’un impôt le montant d’un autre impôt. Le coût de la mesure risque d’être relativement élevé et l’avantage fiscal sera très différent selon les contribuables, compte tenu des divergences qui peuvent exister localement.

L’amendement I-CF241 est plus intéressant : la déduction ne se fait pas sur le montant de l’impôt mais sur le revenu imposable. Cependant, compte tenu des différences parfois importantes qui existent en matière de taxe foncière, l’avantage fiscal variera selon les contribuables. Pour éviter cet effet, votre amendement pourrait prévoir que la déduction porte sur une fraction du montant de la taxe foncière ou de plafonner le montant de la déduction. Cela permettrait également de maîtriser la dépense associée.

Si je suis sensible au geste des propriétaires qui proposent des terrains à titre gracieux aux associations s’occupant des personnes en difficulté, je ne suis pas sûr que le dispositif que vous proposez soit vraiment demandé par les particuliers concernés. Je crains aussi que les marchands de sommeil en profitent.

Je vous demanderai de retirer vos amendements et de retravailler l’amendement I‑CF241 d’ici à la séance. En l’état actuel, j’émets un avis défavorable.

M. Christophe Blanchet. D’accord.

Les amendements I-CF239 et I-CF241 sont retirés.

La commission aborde lamendement I-CF240 du même auteur.

M. Christophe Blanchet. Cet amendement concerne lui aussi les propriétaires fonciers qui décident de mettre leur bien à disposition d’une association reconnue d’utilité publique. Il y a deux millions de logements vides en France et 150 000 sans domicile fixe à la rue. Si 10 % de ces 2 millions de logements bénéficient de la mesure, on résoudra une bonne part du problème. Cet amendement prévoit que la valeur locative
– désormais connue puisque les loyers sont encadrés – que le propriétaire foncier ne reçoit pas peut être octroyée à une association sous forme de don et donc être déduite à 66 % de l’impôt sur le revenu.

M. le Rapporteur général. La notion de valeur locative des biens n’est pas idéale. Il risque donc d’être difficile en pratique de déterminer le montant de l’avantage acquis. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF240.

Elle étudie lamendement I-CF6 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Cet amendement concerne la « loi Coluche » qui permet de bénéficier d’un avantage fiscal plus conséquent que les autres types de dons. Je propose de porter à 1 000 euros le plafond de la valeur des dons aux associations caritatives sur lequel la déduction fiscale est accordée au titre de cette loi contre 531 euros, actuellement.

Par ailleurs, s’il est possible de faire des dons alimentaires – le lait, par exemple –, on ne peut faire de dons en viande. Nous proposons de les permettre.

M. le Rapporteur général. Nous avons déjà été saisis de cet amendement lors de l’examen du PLF 2018. J’avais alors émis un avis défavorable, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le coût de la mesure n’est pas chiffré – je rappelle que le mécénat prévu à l’article 200 du code général des impôts (CGI) coûte 1,4 milliard d’euros. Cet amendement créerait en outre un double avantage fiscal pour la même opération puisque le même don permettrait à la fois une réduction d’impôt sur le revenu de 75 % et ne serait pas retenu dans l’assiette imposable. Ensuite, s’agissant du relèvement du plafond des dons faits aux organismes non lucratifs distribuant de la nourriture, avec le rehaussement du plafond, le coût du passage de 531 à 1 000 euros serait d’autant plus élevé que ces dons ne sont pas pris en compte dans le plafond général de 20 % du revenu imposable. L’objectif est louable mais je maintiens l’avis défavorable émis l’an dernier.

M. Charles de Courson. J’invite le Rapporteur général à mettre son nez dans cette affaire, ce que j’ai fait moi-même à l’invitation de la présidente des Restos du cœur. Les grandes surfaces livrent en effet à cette association des invendus dont certains ne sont pas consommables mais lui font signer un relevé comme si tout l’était. C’est un travail gigantesque que de vérifier chaque produit. Il y a donc des abus, hélas !

La commission rejette lamendement I-CF6.

Puis elle en vient à lamendement I-CF589 de M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Les grands perdants de la réforme fiscale sont les retraités. Cet amendement vise à rééquilibrer la situation en doublant le plafond des abattements spécifiques prévus pour ces contribuables. Cela enverra un signal fort à une population qui a été frappée à la fois par la désindexation des retraites et par la non-compensation de la hausse de la CSG.

M. le Rapporteur général. Votre amendement propose de porter le plafond de ces abattements respectivement à 4 752 euros et 2 376 euros. Le coût d’une telle mesure est supérieur à 500 millions d’euros. Les personnes de condition modeste bénéficient déjà de plusieurs autres dispositifs : une réduction d’impôt sur le revenu spécifique de 20 % pour les revenus modestes ; un abattement de 10 % sur les pensions de retraite ; enfin, une majoration du quotient familial pour les invalides. La suppression progressive de la TH d’ici à la fin du quinquennat profitera aussi aux foyers de condition modeste. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Cet amendement ne concerne pas seulement les retraités modestes. Du reste, lorsqu’on examine les revenus réels et les revenus nominaux, on constate parfois des écarts surprenants entre un revenu nominal censément élevé et un pouvoir d’achat finalement beaucoup plus bas.

C’est un problème de justice. Le redressement budgétaire de ce pays doit être financé par tous. Or les retraités dans leur ensemble ont été désavantagés par rapport à d’autres catégories de la population. Quant au coût de 500 millions, c’est une goutte d’eau par rapport à l’augmentation de l’impôt sur le revenu que vous avez chiffrée vous-même à 3,8 milliards d’euros.

La commission rejette lamendement I-CF589.

Elle examine lamendement I-CF839 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement propose de supprimer l’abattement de 40 % sur les dividendes. En 2013, 85 % des bénéfices étaient versées en dividendes quand, dans les années 1980, seule la moitié l’était, l’autre moitié étant réinvestie. Au début de l’année 2018, la redistribution des dividendes a augmenté de 23,6 %, soit une hausse deux fois plus importante que dans le reste du monde. Cette redistribution atteint 44 milliards d’euros.

Nous conviendrons tous que la richesse est mal partagée, qu’il y a des inégalités et que cela n’améliore en rien la santé de l’économie internationale. L’abattement fiscal de 40 % n’est donc pas justifié. En revanche, sa suppression rapporterait 2 milliards d’euros.

Vous allez sans doute me répondre que les sociétés sont déjà imposées : en l’occurrence, il s’agit d’un impôt, non pas sur les sociétés mais sur les dividendes, donc sur la personne physique ou morale qui perçoit ce revenu.

M. le Rapporteur général. Je respecte votre objectif politique mais la suppression de cet abattement risque d’être regardée d’un mauvais œil par le Conseil constitutionnel car la même somme serait imposée deux fois. Cet abattement est la survivance d’un avoir fiscal auquel il a été mis fin en 2004. Votre amendement est totalement orthogonal à la politique actuellement menée par le Gouvernement. L’instauration l’an dernier du prélèvement forfaitaire unique ne me semble pas compatible en effet avec la suppression abattement de 40 %.

Mme Sabine Rubin. L’argument que vous avancez n’est pas recevable. Imposer une entreprise n’est pas la même chose qu’imposer un actionnaire. Chaque année, vous nous opposerez cet argument et chaque année, nous redéposerons cet amendement.

La commission rejette lamendement I-CF839.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette lamendement I-CF588 de M. Julien Aubert.

La commission est saisie de lamendement I-CF1205 de Mme Nadia Hai.

Mme Nadia Hai. Cet amendement vient après le vote de l’article concernant le retrait de produits d’épargne retraite pour l’achat de la résidence principale, autorisée par le projet de loi PACTE, et vise à corriger l’effet d’aubaine qui consisterait à autoriser une déduction fiscale lors du versement du capital sur le produit d’épargne retraite. Lors du versement sur un produit d’épargne retraite, l’investisseur reçoit une déduction fiscale et, au moment de la sortie, une fiscalité s’applique mais uniquement sur la part des intérêts, et le montant de déduction est donc supérieur au montant fiscal payé. Nous souhaitons, mettre fin à cet effet d’aubaine en prévoyant le remboursement de la déduction fiscale opérée lors du versement.

M. le Rapporteur général. La loi PACTE n’est pas définitivement adoptée ; nous venons de la voter dans l’hémicycle mais il reste la navette et il faut en attendre le résultat pour ajuster le code des impôts en conséquence. Je rappelle, sous le contrôle de Jean-Noël Barrot, rapporteur de ces dispositions du projet de loi PACTE, que le texte renvoie à une ordonnance les modalités de la réforme. Je ne suis pas pleinement satisfait par un tel renvoi, qui ôte ses prérogatives au pouvoir législatif. Il reste que, tant que la loi n’est pas adoptée définitivement et qu’elle peut encore subir des modifications, nous ne pouvons guère modifier la fiscalité correspondante. Je demande donc le retrait de l’amendement, sous réserve, peut‑être, d’une analyse différente du rapporteur Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Le rapporteur Barrot est par définition d’accord avec le Rapporteur général...

En commission spéciale, nous avions introduit un mécanisme anti-abus qui a été défait en séance. À ce stade, le texte poursuit son chemin dans la navette. Il sera peut-être possible de modifier l’année prochaine les conditions de déblocage de ce produit, qui n’existe pas encore tout à fait.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas d’accord avec cet amendement. Nous avons libéré les épargnants, qui, dans l’épargne retraite, peuvent sortir en capital, en rente ou selon un mélange des deux. Or, quand vous sortez en rente, vous n’êtes imposé que sur une partie de son montant, en fonction de l’âge auquel vous souhaitez faire valoir vos droits. Taxer la sortie en capital va par conséquent créer une discrimination. Si vous voulez neutraliser le dispositif, il faudrait monter une usine à gaz pour recalculer en fonction de l’âge de sortie ce que vous appelez la plus-value et qui n’est en fait qu’une épargne accumulée.

Mme Émilie Cariou. Je comprends M. de Courson mais nous risquons de créer un effet d’aubaine qui sera massivement utilisé par les conseillers en gestion de patrimoine. La solution qui consiste à dire qu’on attend l’année prochaine, après que la loi PACTE sera définitivement adoptée, n’est pas satisfaisante. Ne faudrait-il pas prévoir des assurances dans les derniers bouclages de PACTE ou dans l’ordonnance ? En l’état, tous ceux qui lorgnent sur ce genre de défiscalisation vont y aller gaiement.

M. Jean-Noël Barrot. La défiscalisation s’effectue dans le cadre de l’assurance vie. Si les gens se précipitent sur les plans d’épargne retraite, ce sera une très bonne chose pour eux et pour le pays. De ce point de vue, la liberté qui a été donné aux plans d’épargne retraite est très favorable. Le plan d’épargne pour la retraite collectif, très largement utilisé aujourd’hui, permet déjà cette sortie anticipée pour l’acquisition de la résidence principale et c’est un des facteurs qui explique son succès. C’est d’ailleurs pourquoi la CFDT a milité fortement pour que le dispositif anti-abus, qui était plus léger que celui proposé par cet amendement, soit défait lors de la discussion en séance publique. Elle craignait en effet que le dispositif, perdant cette possibilité de déblocage anticipé, devienne moins attractif. Cette liberté rend le produit attractif et détourne potentiellement une partie de l’épargne dormant dans de l’assurance vie, par ailleurs très avantagée fiscalement, vers des plans d’épargne retraite fléchés vers les entreprises.

Mme Véronique Louwagie. Sur la méthode, il y aurait pour le moins à redire si nous décidions de corriger deux heures après des dispositions que nous venons de voter !

Sur le fond, l’objectif poursuivi était de permettre à des personnes d’accéder à la résidence principale. L’adoption de cet amendement irait à son encontre.

Mme Nadia Hai. Il n’est absolument pas question de réduire l’attractivité de la mesure. Le retrait sera toujours possible pour l’achat de la résidence principale, mais nous avons un sujet sur la déduction fiscale au moment du versement. Il s’agit d’empêcher l’effet d’aubaine. Cela étant, je suis sensible aux propos du Rapporteur général et je retire pour l’instant l’amendement.

Lamendement I-CF1205 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF636 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF677 de M. Gilles Lurton.

M. Fabien Roussel. Nous en arrivons à un sujet extrêmement sensible, avec un amendement qui propose de rétablir le bénéfice de la demi-part pour les veuves et nos retraités.

Les retraités sont certainement ceux qui ont subi le plus, ces dernières années, ce que nous appelons, nous, la politique d’austérité mais qui est communément appelé la politique de réduction des déficits publics ou de réduction de la dépense publique. Ce sont ceux qui ont le plus perdu de pouvoir d’achat. Cela a commencé en 2009 quand le Président Sarkozy a réduit la demi-part pour les veuves. Cela s’est poursuivi avec le gel des pensions pendant quatre ans. Il y a eu aussi l’imposition des majorations de pension pour enfants. Il y a eu le gel des retraites complémentaires pendant trois ans. Il y a eu la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie pour la dépendance en 2013. Il y a eu l’année dernière la hausse de 25 % de la CSG, qui a gravement amputé les pensions de nos retraités. Et vous prévoyez maintenant de revaloriser seulement de 0,3 % leurs pensions en 2019 et 2020 alors que l’inflation va flirter avec les 2 %. Bref, ils continuent tous les ans de perdre du pouvoir d’achat ; qui va le nier ? Pas moins de dix-huit organisations syndicales demandent pour la première fois de mettre un coup d’arrêt à ces politiques et de revaloriser enfin les pensions des retraités.

C’est la raison pour laquelle nous allons vous proposer une série de mesures visant à revaloriser les pensions. Redonner du pouvoir d’achat aux retraités, c’est redonner du pouvoir d’achat à 16 millions de personnes qui consomment et font vivre notre commerce local et nos entreprises. Ils ne placent pas, eux, leur argent dans les paradis fiscaux.

Nous commençons notre série de propositions par celle qui consiste à rétablir la demi-part pour les veuves et ceux qui ont élevé au moins un enfant.

M. Gilles Lurton. Je partage l’argumentation de notre collègue Fabien Roussel. J’ajoute un point : la situation des veuves, au moment où elles deviennent veuves, ne change pas financièrement, leurs charges restent les mêmes – logement, électricité, gaz, TH, taxe foncière – et leurs dépenses ne varient pas non plus. La réduction de l’avantage fiscal à partir de 2009, puis sa suppression en 2012, sont totalement injustifiées. Par mon amendement, je vous propose de revenir à la situation d’avant 2009 et de rétablir la demi-part dont bénéficiaient les veuves.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. La demi-part a fait l’objet de recentrages. Les effets de bord ont ainsi été traités avec la clause de maintien des droits acquis en loi de finances de 2016. La mesure représenterait un coût de 1,1 milliard d’euros. En outre, la situation des retraités en France n’est pas aussi dramatique que ce que vous dites, par rapport à d’autres pays de l’Union européenne.

M. Marc Le Fur. Je soutiens ces amendements. Une erreur a été commise en 2009, il faut savoir le reconnaître et en tirer des conclusions, en rétablissant la disposition.

M. Fabien Roussel. Je ne comprends pas ce que veut dire M. Giraud concernant les effets de bord. Parle-t-il de navigation, de changement de bord ? Peut-il être plus précis ? Entre les effets de bord et les positions « orthogonales », les Français ne vont rien y comprendre.

Enfin, il affirme que la mesure a été chiffrée à 1,1 milliard d’euros ? C’est bien cela ?

M. le Rapporteur général. La suppression de la mesure a induit des problématiques relatives à l’imposition locale. Cette suppression a créé des effets de bord, ou des effets collatéraux, qui n’avaient pas été prévus, sur les taxes locales. C’est pourquoi une clause de maintien des droits acquis a été introduite en loi de finances de 2016. L’objectif était de limiter l’impact de la suppression de la demi-part sur le niveau du revenu fiscal de référence, qui n’était ainsi plus aussi favorable qu’avant et qui mettait les personnes concernées dans une situation délicate vis-à-vis de certains impôts locaux.

M. Julien Aubert. Dans le domaine militaire, cela s’appelle un dommage collatéral : le missile envoyé détruit la cible mais les gens qui habitent à côté sont malheureusement impactés. Vous dites, en gros, monsieur le Rapporteur général, que le problème des habitations a été réglé, mais ce qui m’importe, c’est le point d’atterrissage du missile, sur lequel rien n’a été fait.

Il convient de dissiper tout de suite un malentendu : quand, en commission des finances, nous visons à supprimer ou améliorer certains dispositifs, cela aura toujours un coût. Le coût est par conséquent une quantification de l’impact politique que nous souhaitons avoir. Ne nous retranchons pas derrière les chiffres. Il peut y avoir un sujet juridique, une décision du Conseil constitutionnel, mais abordons le sujet au fond : pensons-nous, oui ou non, que les veufs et veuves ont droit à une demi-part supplémentaire ? Si nous pensons que la suppression a été une mauvaise mesure qui a fragilisé ces personnes, votons ces amendements qui viennent de tous les bords politiques.

M. le président Éric Woerth. Beaucoup de choses fausses sont dites à ce sujet. Il ne s’agit pas de veufs et veuves mais de personnes vivant seules. Le dispositif date d’après‑guerre et visait les personnes seules ayant élevé des enfants. Il a été conservé et recentré sur son origine, à savoir les personnes seules ayant élevé un enfant pendant cinq ans. Les personnes ayant divorcé quand leurs enfants étaient majeurs et qui ne les ont donc jamais élevés seules ont à un moment reçu le bénéfice de la demi-part car le dispositif avait évolué. Il a été recentré depuis lors.

M. Gilles Lurton. Je ne comprends pas non plus cette histoire d’effets de bord. J’avais déjà déposé cet amendement en 2017 et en 2016. L’an dernier, monsieur le Rapporteur général, vous m’avez répondu exactement la même chose. J’ai donc interrogé les associations de veuves civiles. Je vous assure que, pour la plupart, ce sont des personnes issues de milieux extrêmement simples et qui ont beaucoup de difficultés à joindre les deux bouts à la fin du mois. Or elles n’ont bénéficié d’aucune nouvelle mesure.

M. Éric Coquerel. J’espère que nous n’allons pas entendre pendant toute cette discussion que le Conseil constitutionnel va peut-être prononcer une censure. Écrivons la loi sans préjuger de ce que fera le Conseil constitutionnel.

Nous avons déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable mais j’espère que nous pourrons nous arrêter un instant sur l’annonce du journal Les Échos il y a quelques jours, selon laquelle, comme nous l’avions dénoncé l’an dernier, la flat tax va coûter beaucoup plus cher, par effet d’aubaine, que ce que le Gouvernement avait annoncé. Il ne faudrait pas que des objections, sur les effets de bord et autres, soient toujours avancées contre les uns et jamais contre les autres. Avec la flat tax, l’État va devoir se priver de milliards d’euros, nous l’avions souligné.

M. Charles de Courson. Il n’y en a plus beaucoup parmi nous qui étaient ici en 2007, 2008, 2009, mais l’origine de cette affaire remonte à une décision du Conseil constitutionnel qui a considéré qu’il y avait rupture d’égalité entre les couples selon que la personne devenait veuve avant ou après que les enfants quittaient le domicile conjugal. Il a donc fallu supprimer le bénéfice de la demi-part. Je suis l’auteur de l’amendement qui l’a maintenue dans les cas où la personne avait élevé seule au moins un enfant pendant au moins cinq ans. La demi-part existe donc encore mais uniquement dans ces cas-là, ce que le Conseil constitutionnel ne pouvait censurer car il existait alors une contrepartie. Cela ne sert donc à rien de se battre là-dessus.

Quant aux effets de bord, ce sont simplement les conséquences sur la TH, dont l’exonération dépendait du revenu fiscal de référence divisé par le nombre de parts, et qui a conduit des personnes à devenir éligibles à cette taxe alors que leurs revenus n’avaient pas augmenté.

M. Gilles Lurton. Notre collègue de la majorité Sacha Houlié a déposé une proposition de loi à ce sujet. Nous avons tous reçu des messages de la part des associations de veuves civiles nous demandant de la soutenir. Je compte donc sur vous, chers collègues de la majorité !

M. le président Éric Woerth. M. de Courson et moi-même avons rappelé l’historique du dispositif, qui fait souvent l’objet d’imprécisions.

La commission rejette successivement les amendements I-CF636 et I-CF677.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette ensuite lamendement I-CF293 de M. Patrick Hetzel.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements I-CF1251, ICF1252 et I-CF1250 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je vais évoquer une catégorie particulière de retraités, ceux qui résident en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et l’impact sur eux de l’augmentation de la CSG. De fait, 40 % des retraités n’ont pas subi d’augmentation de la CSG, pour être en-dessous du seuil de référence, 20 % ont subi une augmentation de CSG nette, sans compensation, et il s’en trouve 40 % au milieu, qui subissent certes une augmentation de la CSG mais bénéficieront progressivement, sur deux ans, de la suppression de la TH. Ces 40 % seront tous, à terme, soit à l’équilibre soit gagnants. Au total, ce sont en réalité 74 % des retraités qui ne sont pas perdants, voire qui sont gagnants, avec l’augmentation de la CSG et la diminution de la TH.

Cependant, il existe une catégorie un peu particulière dans la tranche du milieu, qui acquitte une très petite TH, voire pas de TH du tout. Ainsi, beaucoup de retraités ne payent pas de TH en EHPAD, que ce soit dans les EHPAD privés, où il n’y a pas de TH car c’est la cotisation foncière des entreprises, ou les EHPAD publics ou associatifs, qui bénéficient souvent d’exonérations. Ces personnes-là, même à 1 400 ou 1 500 euros, sont assujetties à la CSG ne profiteront pas d’une baisse de la TH. L’an dernier, nous avons voté un amendement obligeant les établissements, au cas où ils auraient un résidu de TH et où il serait supprimé, à répercuter cette baisse, mais, d’une part, ce sont des montants faibles et, d’autre part, cela ne concerne qu’une petite partie des établissements.

L’amendement I-CF1251 propose donc une réduction d’impôt générale pour les retraités en EHPAD. L’amendement I-CF1252 propose de plafonner la mesure aux revenus éligibles à la baisse de TH et de ne pas l’appliquer aux personnes qui ne sont pas exonérées de la TH. Enfin, l’amendement I-CF1250 prévoit un crédit d’impôt plutôt qu’une réduction d’impôt.

M. le Rapporteur général. Sur le premier amendement, qui propose une augmentation du taux de la réduction d’impôt de 25 à 27 %, je ne vois pas de chiffrage et cela m’inquiète un peu car la dépense fiscale s’élève à 300 millions d’euros en 2017 et nous sommes à 324 millions en 2018.

Sur le deuxième, vous avez rappelé vous-même que nous avons adopté l’an dernier un amendement permettant aux EHPAD de bénéficier d’un dégrèvement de TH égal à la somme des montants d’exonération et de dégrèvement dont auraient bénéficié leurs résidents s’ils avaient été redevables de cette taxe au titre du logement qu’ils occupent. Les EHPAD payant la TH répercutent le bénéfice qu’ils retirent du dégrèvement sur les tarifs journaliers appliqués à leurs résidents lorsque ces derniers se trouvent dans le champ de la mesure.

Nous avons déjà rejeté le troisième amendement en PLF 2018 et je n’y reviens pas car l’argumentaire est le même que l’an dernier.

Avis défavorable sur les trois amendements.

M. Éric Alauzet. Je vais retirer les amendements I-CF1251 et I-CF1250. Je maintiens celui qui plafonne le dispositif, en rappelant que beaucoup d’établissements n’étaient pas soumis à la TH, ou étaient soumis à des taxes très faibles, et que pour cette catégorie de personnes, très modestes, la baisse de pouvoir d’achat est significative.

Les amendements I-CF1251 et I-CF1250 sont retirés.

La commission rejette lamendement I-CF1252.

Ensuite de quoi, la commission est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF985 de M. Éric Coquerel et I-CF185 de Mme MarieChristine Dalloz.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à faire en sorte que le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié serve réellement à ce pour quoi il a été conçu et ne soit pas un outil d’optimisation fiscale. Sachant que le montant moyen de ce crédit d’impôt pour un foyer est de 625 euros, nous proposons un plafond de 1 200 euros. Cela devrait largement suffire s’il s’agit d’employer des personnes rendant un service précis dans une famille, et non je ne sais combien de majordomes. Nous proposons également un plafond à 12 000 euros pour toutes les personnes en situation de handicap ou de dépendance, notamment les personnes très âgées, et un autre de 20 000 euros pour les personnes invalides.

La Cour des comptes a d’ailleurs indiqué dans un rapport de 2014 que ce crédit d’impôt était mal fléché.

M. le Rapporteur général. L’amendement I-CF985 vise à abaisser le plafond des dépenses éligibles en première partie du PLF 2019. Ce serait très déstabilisant pour les foyers concernés, qui n’emploient pas forcément des majordomes... Un volume horaire de cette importance correspond en effet aussi à la garde d’enfants, et pas seulement à l’emploi de « gens de maison », pour user d’un vocabulaire qui n’est pas le mien.

Je suis également défavorable à l’amendement I-CF185, qui obéit à une philosophie différente.

La commission rejette les amendements I-CF985 et I-CF185.

Elle examine ensuite lamendement I-CF984 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. J’espère que l’on ne me dira pas qu’avec cet amendement nous allons déstabiliser des foyers à revenus moyens... Il s’agit ici de la suppression de la niche « Pinel ». Je suis sûr, à vrai dire, que Joël Giraud n’emploiera pas cet argument puisque, le 18 juillet 2018, présentant le rapport d’application des mesures fiscales, censé évaluer l’application des mesures votées lors du dernier PLF, il indiquait qu’« aucun dispositif dévaluation fine » n’était disponible sur cette niche. Plus récemment, dans une interview pour le numéro d’octobre 2018 d’Alternatives économiques, il déclarait : « Les aides à la construction coûtent très cher : la loi Pinel représente par exemple 7 milliards deuros. Mais leurs effets ne sont pas suivis : quand je demande au ministère des chiffres sur le nombre, le type et la localisation des logements créés grâce à ces dispositifs, je nobtiens pas de réponse. » C’était un des arguments que j’utilisais moi-même et je suis très content d’être d’accord avec le Rapporteur général.

Cette niche représente un coût très important pour les finances publiques. On constate en effet qu’un logement sous ce dispositif coûte de deux à trois fois plus cher à la collectivité qu’un logement qui n’en bénéficie pas. C’est également un investissement à perte pour les collectivités locales. Nous demandons que, comme d’autres niches, celle-ci soit enfin supprimée car elle est à la fois inefficace et coûteuse.

M. le Rapporteur général. M. Coquerel a d’excellentes lectures. Ce que je fustigeais, dans le rapport comme dans l’article, c’est qu’une administration centrale de l’État, en l’occurrence la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère du logement, ne soit pas capable de suivre un dispositif aussi coûteux. Cette direction s’est engagée à ce que nous recevions des évaluations de ces dispositifs. Par ailleurs, une étude de la Cour des comptes est en cours sur les aides fiscales au logement, qui permettra de nous éclairer parfaitement.

Nous avons prorogé le dispositif « Pinel » avec des conditions encadrées, pour éviter des dérapages, mais nous ne l’avons pas supprimé car nous voulons prendre connaissance auparavant de cette étude ou avoir les chiffres de la DHUP. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Pour compléter l’argumentation de M. Coquerel, le dispositif « Pinel » crée en outre une fracture territoriale. Les gens habitant un territoire « détendu » choisissent en effet d’investir dans le territoire tendu à côté.

M. Éric Coquerel. La Cour des comptes a déjà souligné l’impact économique limité de ce dispositif sur l’accroissement du nombre de logements locatifs accessibles.

J’espérais, monsieur le Rapporteur général, que vous assumeriez vos paroles, c’est dommage. Vous demandez des études pour examiner l’impact, mais pour la flat tax il n’y en a pas eu. Elle a été adoptée et, au bilan, elle sera plus chère que prévu. Bref, il faut des études et attendre plusieurs années avant de supprimer une niche fiscale mais, quand il s’agit de faire des cadeaux au capital, il n’y a pas de problème.

La commission rejette lamendement I-CF984.

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Article additionnel après l’article 2
Réduction dimpôt au titre des investissements locatifs intermédiaires pour les logements situés dans une commune couverte par un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD)

La commission examine ensuite lamendement I-CF1435 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Il s’agit d’une précision au sujet d’un amendement que nous avons adopté en loi de finances pour 2018, à savoir la prolongation du « Pinel » dans les zones concernées par un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD), où des quartiers entiers ont été rasés pour faire du logement, notamment du logement intermédiaire. Le BOFiP a dénaturé cette disposition dans la mesure où il l’arrêtait avec la fin de ces CRSD alors que c’est justement après, une fois versées toutes les subventions de l’État, que se posait la problématique des zones vides où il faut construire. Nous précisons par cet amendement que le délai est de huit ans, par rapport à la fin de ces contrats, qui ont pour la plupart expiré entre 2012 et 2014, et qui bénéficiaient du « Pinel » antérieurement.

La commission adopte lamendement I-CF1435 (amendement I-1550).

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Après l’article 2

Puis elle examine lamendement I-CF846 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Les dons aux candidats aux élections donnent lieu à une déduction fiscale et c’est d’ailleurs devenu une pratique de défiscalisation. Mais, pour l’instant, que l’on donne 200 euros ou 7 500 euros, le taux de la réduction fiscale est le même. Par cet amendement, nous proposons de rendre cette déduction progressive afin qu’elle soit plus faible sur les dons de 7 500 euros, soit 20 %, et que les petits dons bénéficient d’une réduction de 75 %, et ce afin de permettre une meilleure représentativité des foyers fiscaux les plus modestes dans cette implication citoyenne.

M. le Rapporteur général. Vous posez une question importante, celle de la pertinence de ce système de dons dans les élections, un système dont je pense, à titre personnel, qu’il ne devrait même pas exister. Non seulement il permet de détourner l’interdiction pour les entreprises de financer les campagnes électorales, par des chèques de personnes privées, mais aussi parce que ce n’est pas le rôle des particuliers de faire ce type de dons. Je ne sais pas si cette opinion est partagée.

En tout état de cause, l’amendement présente des difficultés. Le dispositif n’est pas plafonné. La modification des règles applicables aux dons constituerait un effet d’aubaine car cela concernerait l’année en cours. Cela pose un risque constitutionnel. Je préférerais que nous travaillions ensemble dans cette commission sur la pertinence du dispositif de façon globale.

Lamendement I-CF846 est retiré.

La commission est saisie de lamendement I-CF452 de M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché. Le présent amendement a pour objet de créer un crédit d’impôt pour les Français qui hébergent des réfugiés ou demandeurs d’asile, à hauteur de 5 euros par nuitée d’hébergement.

C’était une des soixante-douze propositions qui figuraient dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre en février et dont beaucoup d’ailleurs se retrouvent dans ce PLF, dans la partie que rapporteront Stanislas Guerini et Jean-Noël Barrot : le doublement des heures de français, un certain nombre d’actions sur l’insertion professionnelle pour mieux reconnaître les compétences des étrangers que la France fait le choix d’accueillir ou pour les orienter vers des métiers où il y a des besoins, l’accès au « Pass culture », pour qu’ils puissent découvrir la richesse de notre pays... Tout cela témoigne d’une prise de conscience que l’on a besoin d’une politique d’intégration et qu’elle ne sera pas au détriment des Français, mais bien au contraire dans leur intérêt, car il convient de s’assurer que les étrangers que l’on fait le choix d’accueillir puissent rendre le meilleur à la France.

Cela étant, si ces outils sont indispensables, il faut aussi, pour réussir l’intégration, créer plus de liens entre les Français et, notamment, les réfugiés. Ceux-ci ont dû quitter leur pays parce que leur vie y était menacée. Qu’ils viennent du Moyen-Orient ou de l’Est de l’Afrique, ils connaissent souvent très mal notre pays. Or j’ai constaté pendant les auditions que j’ai conduites pour mon rapport que parfois deux années peuvent s’écouler avant qu’un réfugié rencontre un Français – en dehors des personnels de la préfecture et des associations. Ce crédit d’impôt vise à favoriser de telles rencontres. Ces moments de partage de vie auront beaucoup plus de valeur pour l’intégration que les 5 euros qu’ils ne rapporteront pas à l’État. Ce sera même une économie puisque le coût d’un réfugié hébergé en centre d’accueil de demandeurs d’asile revient à 17 euros. Ils sont encore 13 000 dans ce cas.

L’amendement prévoit en outre un accompagnement par des associations pour les réfugiés hébergés chez des Français.

M. le Rapporteur général. Sur le fond, qui peut ne pas être sensible à l’objectif poursuivi ? Mais il y a quelques difficultés. Je m’inquiète, ainsi, sur l’attestation des nuitées : le dispositif peut être, pour employer un terme abominable, « fraudulogène ». Comment procéder au contrôle ? En outre, il me semble que le bénéfice du dispositif devrait être exclu pour des contribuables professionnels. Je m’interroge aussi sur le coût et sur des problèmes de rupture d’égalité : toutes les personnes vulnérables et démunies ne sont pas des migrants.

Selon les régions, l’intégration se fait de manière différente. Dans les Alpes, c’est relativement rapide. J’ai d’ailleurs célébré récemment deux mariages à la suite de l’arrivée de migrants. L’amendement ne fonctionne pas forcément de la même façon pour tous les territoires. Chez moi, des associations caritatives, souvent confessionnelles, font de l’accueil et ne demandent pas du tout ce genre de mesures car elles considèrent que cela fait partie de leurs missions, ce que je ne suis pas loin de partager.

J’aimerais que vous retiriez cet amendement pour le retravailler. Il aurait d’ailleurs mieux valu le déposer dans le cadre du projet de loi sur l’asile et l’immigration que dans celui du PLF. En l’état, je crains qu’il ne soit pas très efficace et ne rende pas compte de toutes les situations, notamment celles rencontrées aux frontières, bien différentes de celles des agglomérations comme Paris ou Marseille.

M. Stanislas Guerini. Je dirai un mot en tant que rapporteur spécial sur la mission Immigration, asile et intégration, dans le même sens que le Rapporteur général. Les finalités du dispositif proposé sont louables, car cela va dans le sens d’une plus forte intégration. Nous souhaitons effectivement mieux intégrer – l’effort financier sur le budget opérationnel de programme 104 concernant l’intégration, en seconde partie du PLF, est extrêmement important.

L’amendement présente un problème de périmètre car il concerne à la fois les demandeurs d’asile et les réfugiés. On pourrait envisager de l’étendre à toutes les personnes sans logement. Il faut donc conduire un travail à la fois sur le périmètre, peut-être en recentrant le dispositif sur les réfugiés, et sur les modalités d’accompagnement, notamment par les associations. Je propose de poursuivre la discussion en lien avec le ministère de l’intérieur d’ici à la séance.

M. Aurélien Taché. J’accepte de retirer l’amendement pour y retravailler d’ici à la séance. Les problèmes d’accès au logement concernent certes bien d’autres personnes que les réfugiés dans notre pays. Je souhaite ici insister plus particulièrement sur la dimension interculturelle, qui doit être valorisée, pour qu’un réfugié ne passe plus deux ans sans rencontrer de Français. Je suis heureux de savoir que, dans les Alpes, les choses vont plus vite, mais ce n’est pas le cas dans tous les territoires. Il faut toutefois, c’est certain, des garde‑fous : on ne peut favoriser l’hébergement chez des particuliers sans prévoir une forme d’accompagnement.

Lamendement I-CF452 est retiré.

La commission examine lamendement I-CF81 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Par cet amendement, je propose de renforcer le dispositif de réduction d’impôt au titre de l’investissement dans les PME non cotées, dit « IR‑PME ». L’an dernier, la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a mis fin au dispositif dit « ISF-PME ». Par ailleurs, le dispositif IR-PME a été aménagé.

Régulièrement constaté, le besoin de financement des entreprises est réel, mais la réduction d’impôt prévue est aujourd’hui plafonnée dans le cadre du plafonnement général des niches fiscales à 10 000 euros, ou 18 000 euros en cas d’investissement outre-mer ou dans les sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel. Dans le même temps, l’évolution du taux de la réduction d’impôt, qui est passé de 18 % à 25 %, a réduit l’assiette, compte tenu du plafonnement.

Je vous propose donc d’exclure ce dispositif du plafonnement des niches fiscales, car son inclusion présente des risques. Il s’agit de permettre aux entreprises de financer leurs investissements, leur développement, leurs recherches, le développement de leurs exportations.

M. le Rapporteur général. Déposé en première partie, cet amendement créerait un effet d’aubaine sur l’année en cours. Par ailleurs, il est prévu que la Commission européenne, qui n’avait pas été informée du dispositif « Madelin », l’examine de fort près. Une procédure est en cours, à propos de l’intégralité des dispositions adoptées ou modifiées l’an dernier. Toute modification supplémentaire, ajoutant de la confusion à la confusion, risque d’entraîner de graves problèmes. Attendons que la Commission européenne se prononce pour légiférer. Proroger le dispositif en seconde partie ne pose aucun problème, le modifier signifierait soumettre un nouveau dispositif à la Commission européenne ; cela ne me paraît pas souhaitable.

Mme Véronique Louwagie. Quand la Commission européenne se prononcera‑t‑elle ? Et quand a-t-elle été saisie par la France ?

M. le Rapporteur général. Le dispositif, qui n’avait pas été notifié initialement, a fait l’objet d’une demande de saisine, avec un décalage dans le temps de trois mois. Comme nous sommes, avec ces contentieux – vous-même, chère collègue, présidez la mission d’information sur la gestion du risque budgétaire associé aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État –, dans une situation un peu tangente, je préfère que l’on stabilise les dispositifs et que l’on attende. Nous espérions tous être fixés avant l’examen du présent PLF, mais, en tout état de cause, il ne faut pas modifier maintenant les dispositions concernées.

M. Nicolas Forissier. Au fond, il n’y a pas eu de réflexion stratégique sur ces questions de réduction fiscale pour investissement dans les entreprises. L’ISF a été supprimé l’an dernier, et donc l’ISF-PME. Nous n’avons pas voulu créer un « IFI-PME » dans la foulée, et nous avons pris cette mesure d’IR-PME temporaire, mais nous sommes dans la plus totale incertitude puisque la Commission européenne s’est saisie de la question, qu’elle veut l’examiner de manière approfondie. C’est quand même très pénalisant. Il faut pourtant permettre des investissements directs dans les entreprises, y compris par des incitations fiscales. La question aurait dû être traitée de façon globale, dès le début de ce quinquennat. J’appelle de mes vœux cette réflexion sur un sujet majeur pour le développement des entreprises – ce n’est pas une question de majorité ou d’opposition, mais cela correspond à la volonté du Gouvernement et de sa majorité de faciliter cet investissement.

Lamendement I-CF81 est retiré.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement I-CF383 de M. Philippe Dunoyer.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement I-CF58 de M. Vincent Descoeur et lamendement I-CF518 de M. Marc Le Fur.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement vise à mettre en place un « ticket‑carburant », sur le modèle du ticket-restaurant, pour permettre à un employeur de participer aux frais de transport de ses salariés, comme il peut le faire aujourd’hui pour les transports collectifs. Ce serait une réponse appropriée à la forte hausse des taxes sur les carburants que le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre de 2018 à 2022, qui pénalisera celles et ceux qui n’ont d’autre possibilité que d’utiliser leur véhicule personnel pour se rendre sur leur lieu de travail.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement. Il existe déjà un dispositif permettant à l’employeur de prendre en charge les frais de transport de ses salariés comme frais professionnels sur la base d’indemnités kilométriques. Par ailleurs, le dispositif de tickets-carburant repose sur de nouveaux intermédiaires, les sociétés émettrices de titres, ce qui entraîne des frais supplémentaires pour les employeurs. En outre, ce dispositif redondant entraînerait un surcoût d’environ 700 millions d’euros pour les finances publiques, ce qui ne me paraît pas opportun.

M. Vincent Descoeur. J’aimerais que nous puissions détailler ce surcoût estimé, monsieur le Rapporteur général. Cet amendement me paraît d’autant plus pertinent que la trajectoire que vous avez retenue n’a ni anticipé ni intégré la hausse du cours du baril, qui place un certain nombre de salariés dans une situation très inconfortable.

M. le président Éric Woerth. Ce sera l’objet d’autres amendements.

La commission rejette successivement les amendements I-CF58 et I-CF518.

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Article 3
Mesures daccompagnement du prélèvement à la source
de limpôt sur le revenu

Résumé du dispositif et effets principaux

En premier lieu, le présent article complète la liste des revenus donnant lieu au versement d’un acompte contemporain pouvant bénéficier d’un report de paiement d’une échéance sur l’autre (article 1663 C du CGI).

En deuxième lieu, il procède aux ajustements annoncés concernant l’acompte versé aux contribuables sur les avantages fiscaux acquis au titre de l’année 2018 : il élargit ainsi le champ des dispositifs fiscaux donnant lieu à l’acompte prévu à l’article 1665 bis du CGI et double son taux (de 30 % à 60 %).

En troisième lieu, l’article prévoit un dispositif dérogatoire et temporaire pour les particuliers employeurs et leurs salariés pour l’imposition des revenus dus au titre de l’année 2019. Il dispense les particuliers employeurs d’effectuer la retenue à la source et prévoit que leurs salariés s’acquitteront, au titre de l’année 2019, de l’impôt dû, sous forme d’un acompte versé par quart les 15 des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2019. Les régularisations s’échelonneront de septembre 2020 à décembre 2021.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2017 ([31]) a prévu l’instauration du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Une ordonnance du 22 décembre 2017 (2) a reporté d’un an l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, pour la porter au 1er janvier 2019.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté deux amendements identiques de Mmes Véronique Louwagie et Marie-Christine Dalloz (Les Républicains – LR) visant à prévoir la communication au contribuable les modalités de calcul associées au taux synthétique qui lui est applicable dans le cadre du prélèvement à la source.

Elle a également adopté plusieurs amendements identiques de MM. Jean-Pierre Vigier, Marc Le Fur et Thibault Bazin (LR), de Mmes Véronique Louwagie, Marie-Christine Dalloz, Émilie Bonnivard et Valérie Lacroute (LR), de Mme Lise Magnier (UDI, Agir et Indépendants) et de Mme Émilie Cariou (La République en Marche – LaREM) visant à intégrer dans le champ de l’acompte les avantages acquis au titre du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique.

À l’initiative du Rapporteur général, la commission a adopté un amendement complétant le dispositif prévu pour le paiement, par les salariés des particuliers employeurs, de l’impôt dû au titre de l’année 2019 : ceux-ci pourront demander à bénéficier de l’étalement du paiement du solde de l’impôt jusqu’en 2021, quel que soit le montant dudit solde. 

La commission a également adopté un amendement de M. Jean-Paul Dufrègne (Gauche démocrate et républicaine – GDR) visant à prévoir, dans les départements de l’Allier et de la Meuse, une expérimentation permettant aux maisons de services au public (MSAP) d’accompagner les contribuables dans la mise en place du prélèvement à la source.

() Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 60.

(2) Ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017 relative au décalage d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

I.   L’État du droit

A.   UNE mise en place du prÉlèvement à la source à partir du 1er janvier 2019

La réforme du mode de collecte de l’impôt, initiée par le précédent Gouvernement, a été discutée et adoptée au moment de la présentation du PLF pour 2017. Le prélèvement à la source, défini à l’article 60 de la loi de finances pour 2017 ([32]), devait initialement entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

Afin d’en assurer une mise en œuvre dans des conditions parfaitement sécurisées, le Gouvernement, habilité par le Parlement dans la loi du 15 septembre 2017 ([33]) à procéder par voie d’ordonnance, a décalé d’une année l’entrée en vigueur de la réforme. L’ordonnance promulguée le 22 septembre 2017 ([34]) prévoit ainsi l’entrée en vigueur du prélèvement à la source des revenus à compter du 1er janvier 2019 (sur les revenus 2019).

La seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([35]) a « mis à profit » le décalage de l’entrée en vigueur de la réforme pour y apporter des aménagements ([36]), tenant notamment compte des évaluations réalisées par l’inspection générale des finances (IGF) ([37]).

B.   un recouvrement contemporain de l’impôt pour la quasi-totalité des revenus

Le prélèvement à la source concernera la très grande majorité des revenus perçus par les foyers fiscaux : 97,6 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu seront ainsi concernés par la réforme. Les revenus perçus ou réalisés au cours d’une année N donneront lieu au paiement contemporain de l’impôt auxquels ils sont associés. Le paiement s’effectuera, selon la catégorie de revenus, sous forme d’une retenue à la source effectuée par les employeurs (collecteurs) ou sous forme d’un acompte directement versé par le contribuable, par douzième ou par quart ([38]).

Le tableau ci-dessous présente de façon schématique les revenus concernés par la mise en place du prélèvement à la source et ceux qui en sont exclus. Pour ces derniers, les modalités de perception de l’impôt dû restent inchangées.

REVENUS INCLUS ET EXCLUS DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE

Revenus dans le champ du prélèvement à la source

Revenu hors du champ du prélèvement à la source

Retenue à la source

Acompte contemporain

Traitements et salaires

Bénéfice industriels et commerciaux (BIC)

Plus-values mobilières (PVM)

Pensions de retraite

Bénéfices non commerciaux (BNC)

Plus-values immobilières (PVI)

Indemnités journalières de sécurité sociale, allocations chômage

Bénéfices agricoles (BA)

Revenus de capitaux mobiliers (RCM)

Indemnités versées lors de la rupture du contrat de travail (pour leur part imposable)

Revenus fonciers

Stock-options, attribution dactions gratuites (AGA), carried interest, bons de souscription de parts de créateur dentreprise (BSPCE)

Participation, intéressement

Rentes viagères à titre onéreux (RVTO)

Indemnités pour préjudice moral supérieures à un million deuros

Rentes viagères à titre gratuit

Par exception, pensions alimentaires, salaires et pensions versés par des débiteurs établis à létranger

Revenus de non-résidents soumis à une retenue à la source et revenu de source étrangère ouvrant droit à un crédit dimpôt

Source : commission des finances, Joël Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2017, tome III, Assemblée nationale, XVe législature, n° 4125, 13 octobre 2016 (lien).

C.   UNe année de transition et UN maintien des avantages fiscaux acquis

1.   Un crédit d’impôt exceptionnel

Afin d’éviter que la mise en place du prélèvement à la source, ne donne lieu, lors de l’année de transition, à une double imposition (au titre des revenus perçus en 2018 et au titre de ceux perçus en 2019), des dispositions exceptionnelles ont été prévues.

Ainsi, l’année au cours de laquelle la réforme entrera en vigueur (2019) donnera lieu à un crédit d’impôt exceptionnel : le crédit d’impôt de modernisation et du recouvrement (CIMR).

Le CIMR, dont le montant sera égal à l’impôt que les contribuables auraient dû acquitter au titre de leurs revenus non exceptionnels perçus ou réalisés au cours de l’année 2018, permettra d’« annuler » l’impôt dû au titre de cette même année. Par conséquent, en 2019, les contribuables qui n’auront pas perçu de revenus exceptionnels ([39]) en 2018 ne paieront que les impôts dû au titre de l’année 2019.

Le montant du CIMR sera calculé par l’administration fiscale sur la base de la déclaration des revenus de 2018, qui sera effectuée au printemps 2019. Il figurera sur l’avis d’imposition du mois de septembre 2019.

Le CIMR évitera ainsi de faire peser sur les contribuables une charge fiscale trop lourde en 2019.

Par ailleurs, afin de ne pas pénaliser les contribuables l’année de mise en œuvre de la réforme, le CIMR donnera lieu, de manière exceptionnelle, à un versement au profit du contribuable, y compris dans le cas des avantages acquis au titre d’une réduction d’impôt. Le bénéfice des avantages fiscaux associés à l’année 2018 sera ainsi maintenu. Leur montant figurera également sur l’avis d’imposition du mois de septembre 2019.

2.   Un acompte sur les avantages fiscaux acquis

À la faveur d’un amendement de notre collègue Dominique Lefebvre, le dispositif du prélèvement à la source a été complété, lors de l’examen du PLF pour 2017, pour prévoir l’instauration d’un acompte, versé aux particuliers, sur les crédits d’impôt au titre des articles 199 sexdecies et 200 quater B du CGI.

Ce dispositif permettra aux foyers fiscaux concernés de bénéficier d’une avance de trésorerie sur leur crédit d’impôt au titre des dépenses engagées pour les services à la personne. Conformément à l’article 1665 bis du CGI, cet acompte, qui s’élève à 30 % du montant des avantages qui ont été accordés en N – 1 au titre des dépenses réalisées en N – 2, est versé au plus tard le 1er mars.

Le champ, relativement restreint, des dispositifs de crédits d’impôt concernés par le versement de l’acompte s’explique, tant par la nature et le fonctionnement du crédit d’impôt que par le caractère récurrent de certaines dépenses et, par conséquent, de certains avantages fiscaux. Parce que le montant de l’avantage fiscal dépend des dépenses engagées au cours d’une année N, son calcul ne peut intervenir qu’une fois l’année N achevée et donc avec un décalage dans le temps.

Certaines des dépenses ouvrant droit à des avantages fiscaux sont reconduites d’une année sur l’autre, le cas échéant, dans des conditions identiques et peuvent ainsi être considérées comme récurrentes. C’est à ce titre que le versement d’un acompte a été instauré pour les dépenses relatives aux frais de garde des jeunes enfants et à l’emploi d’un salarié à domicile.

Il apparaît en effet qu’environ 75 % des contribuables qui ont bénéficié de l’un de ces avantages en 2015 en avaient également bénéficié au titre de l’année 2014 et environ 58 % des contribuables qui bénéficiaient de l’avantage en 2015 en bénéficiaient également au titre de l’année 2014 et au titre de l’année 2013 ([40]).

Le versement de l’acompte permet de faire bénéficier les contribuables concernés d’une avance de trésorerie en début d’année. Le champ restreint du dispositif en limite toutefois la portée. Seuls les contribuables engageant des dépenses au titre de la garde des jeunes enfants ou de l’emploi salarié à domicile bénéficieront d’un tel avantage, soit environ 3 millions de foyers fiscaux.

II.   le dispositif proposÉ

Le dispositif proposé au présent article s’articule en trois temps, dont les deux derniers correspondent aux ajustements annoncés en cours d’année 2018 pour étendre et renforcer l’avantage de trésorerie pour les ménages que représente l’acompte versé, avant le 1er mars, sur les avantages fiscaux acquis au titre de l’année précédente et pour permettre une mise en œuvre du prélèvement à la source par les particuliers employeurs dans de meilleures conditions.

Le Rapporteur général rappelle que ces deux points ont fait l’objet d’un suivi particulier par notre collègue Cendra Motin, tout au long du premier semestre de l’année 2018. Le rapport sur l’application des lois fiscales, publié en juillet 2018 ([41]), y consacre des développements spécifiques.

A.   Des mesures d’ajustement bienvenues

1.   compléter le champ des revenus pouvant bénéficier du report du versement de l’acompte

L’article 1663 C du CGI, introduit par la loi de finances pour 2017 ([42]), concerne les acomptes que peuvent être conduits à verser certains contribuables dans le cadre du prélèvement à la source. C’est notamment le cas des travailleurs indépendants dont les revenus ne sont, par définition, pas versés par un tiers. Les dispositions de l’article 1663 C pourront également s’appliquer, à sa discrétion, à tout contribuable qui commence à percevoir des revenus soumis à l’acompte contemporain ([43]).

Le montant de l’acompte, calculé par l’administration fiscale dans les conditions prévues à l’article 204 E du CGI, est versé par le contribuable par douzième, au plus tard le 15 de chaque mois de l’année, sauf si celui-ci opte pour un versement par quart. Dans pareils cas, l’acompte est dû au plus tard les 15 février, 15 mai, 15 août et 15 novembre.

Par dérogation à ces principes, le 5 de l’article 1663 C du CGI autorise, dans certaines conditions, le report de paiement de l’acompte. Seuls certains types de revenus, dont la liste est dressée dans cet article, sont concernés par le report, à savoir les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices non commerciaux et les bénéfices agricoles. Les conditions de ce report sont encadrées : lorsque le contribuable verse un acompte mensuel, il peut demander, au cours d’une même année civile, le report d’au maximum trois échéances sur l’échéance suivante. Lorsqu’il a opté pour l’acompte trimestriel, le report est limité à une échéance au cours de la même année civile.

Le présent article prévoit de compléter la liste des revenus pouvant donner lieu à des reports d’acompte. Seraient ainsi également concernés, lorsqu’ils sont imposés selon les règles prévues en matière de traitements et salaires (A du I de l’article) :

– les revenus provenant du concours scientifique apporté par les fonctionnaires à une entreprise qui assure la valorisation de leurs travaux (au titre de l’article L. 531-8 du code de la recherche) (1 bis de l’article 93 du CGI) ;

– les revenus provenant des commissions versées par les compagnies d’assurance aux agents généraux d’assurance et leurs sous-agents qui les représentent ès qualité (1 ter de l’article 93 du CGI) ;

– les droits d’auteur perçus par les auteurs des œuvres de l’esprit mentionnés à l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’ils sont intégralement déclarés par les tiers (1 quater de l’article 93 du CGI).

Ces dispositions s’appliqueront pour les revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2019 (III de larticle). Elles permettront à un plus grand nombre de contribuables de bénéficier des facilités d’échelonnement infra-annuel du paiement de l’impôt offertes par l’article 1663 C du CGI.

2.   Élargir le champ et l’ampleur de l’acompte versé au contribuable au titre des réductions et crédits d’impôt « récurrents »

a.   Les aménagements proposés

Conformément aux annonces du ministre de l’action et des comptes publics faites le 3 septembre 2019, le présent article prévoit, en premier lieu, d’élargir, de manière très sensible, le champ de l’acompte de l’article 1665 bis du CGI, actuellement limité aux crédits d’impôt prévus aux articles 199 sexdecies et 200 quater B.

Le présent article prévoit ainsi (1° du B du I) que les avantages fiscaux acquis au titre de l’un des dispositifs suivants soient également versés dans les conditions prévues au même article 1665 bis :

– crédit d’impôt accordé au titre des cotisations versées aux organisations syndicales ainsi qu’aux associations nationales professionnelles de militaires (article 199 quater C du CGI) ;

– réduction d’impôt accordée au titre des dons faits par les particuliers (article 200 du CGI).

– réduction d’impôt accordée au titre des dépenses afférentes à la dépendance (article 199 quindecies du CGI) ;

S’agissant des dispositifs en faveur des investissements locatifs réalisés en métropole comme outre-mer :

 réduction d’impôt au titre de certains investissements réalisés outre-mer et, en l’espèce, ceux visés aux b à e du 2 de l’article 199 undecies A du CGI ;

– réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs (dite « Censi-Bouvard » (article 199 sexvicies du CGI) ;

– réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs, dite « Scellier » (article 199 septvicies du CGI) ;

– réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs intermédiaires, dite « Pinel » (article 199 novovicies du CGI).

L’article propose donc d’étendre le champ de l’acompte au crédit d’impôt accordé au titre des cotisations versées aux organisations syndicales ainsi qu’à six dispositifs de réduction d’impôt, dont quatre relatifs aux investissements locatifs.

Le présent article prévoit, en second lieu, de doubler le taux de l’acompte versé au contribuable, au plus tard le 1er mars, pour le porter de 30 % à 60 % (2° du B du I).

champ d’application de l’acompte prévu à l’article 1665 bis du CGI
sur les avantages fiscaux acquis au titre de l’année N – 1

Droit existant

Dispositif proposé

Dispositif fiscal

Taux de lacompte

Dispositif fiscal

Taux de lacompte

Crédit d’impôt au titre des frais de garde des jeunes enfants

(article 200 quater B du CGI)

30 %

Crédit d’impôt au titre des frais de garde des jeunes enfants

(article 200 quater B du CGI)

Réduction d’impôt accordée au titre des dépenses afférentes à la dépendance

(article 199 quindecies du CGI)

60 %

Crédit d’impôt au titre de l’emploi salarié à domicile

(articles 199 sexdecies du CGI)

Crédit d’impôt au titre de l’emploi salarié à domicile

(articles 199 sexdecies du CGI)

Réduction d’impôt au titre de certains investissements réalisés outre-mer

(b à e du 2 de l’article 199 undecies A du CGI) 

 

Crédit d’impôt au titre des cotisations versées aux organisations syndicales

(article 199 quater C du CGI)

Réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs (dite réduction d’impôt « Censi-Bouvard »

(article 199 sexvicies du CGI) 

 

Réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs, dite réduction d’impôt « Scellier »

(article 199 septvicies du CGI)

Réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs intermédiaires, dite réduction d’impôt « Pinel »

(article 199 novovicies du CGI)

Réduction d’impôt au titre des dons faits par les particuliers

(article 200 CGI)

Source : commission des finances.

Enfin, le montant minimal à partir duquel l’acompte est versé est porté à 8 euros, au lieu de 100 euros aujourd’hui (3° du B du I). Le montant de 8 euros correspond au montant minimal à compter desquels les dégrèvements ou restitutions des impositions ou créances fiscales sont effectués, en application de l’article 1965 L du CGI.

b.   Des aménagements favorables aux ménages

L’extension du champ et du taux de l’acompte versé aux contribuables au titre de certains avantages fiscaux est une mesure favorable aux ménages.

Les considérations, rappelées supra, qui ont présidé à la « sélection » des dispositifs pour lesquels un acompte serait versé en début d’année au contribuable demeurent valides et soulignent la nécessité de ne retenir que les dépenses qui présentent un caractère récurrent. Du point de vue des ménages, le principe même de l’acompte n’a d’intérêt qu’à cette condition. Dans le cas de dépenses non récurrentes, le versement d’un acompte sur les avantages acquis serait trop hasardeux et risquerait de donner lieu à d’importantes régularisations. Cela rendrait l’acompte in fine inutile. Du point de vue de l’État, le critère de récurrence présente l’avantage de n’avoir que des conséquences budgétaires infra-annuelles prévisibles.

L’analyse de l’évolution des dépenses fiscales correspondant aux dispositifs qu’il est proposé d’ajouter au champ de l’acompte permet de souligner leur relative constance, s’agissant tant du nombre de bénéficiaires que du coût associé. Elles peuvent, dans cette perspective, être considérées comme des dépenses récurrentes pour l’État (approche macroéconomique).

Une analyse plus fine est toutefois requise pour identifier les bénéficiaires récurrents, c’est-à-dire les contribuables qui bénéficient d’un même avantage fiscal au titre de plusieurs années consécutives (approche microéconomique). Le taux de récurrence des dépenses engagées par les ménages est ainsi un bon indicateur du caractère récurrent de l’avantage fiscal associé. Il convient toutefois de préciser qu’il ne prend pas en compte les éventuelles évolutions des dépenses d’une année sur l’autre et, par conséquent, des avantages fiscaux.

Parmi les dispositifs dont l’inclusion est proposée dans le champ de l’acompte, ceux qui concernent l’investissement locatif doivent être distingués. Ils correspondent en effet, généralement, à des actes uniques (acquisition, construction ou investissement), pour lesquels le montant de l’avantage est réparti sur plusieurs années. Il s’agit donc de dépenses parfaitement prévisibles et, par définition, récurrentes sur une période donnée.

Les autres dispositifs retenus ne présentent en revanche un caractère récurrent que s’ils sont reconduits d’une année sur l’autre.

L’analyse de la récurrence des dépenses fiscales mériterait d’être effectuée sur un horizon temporel plus large que celui qui est indiqué dans l’évaluation préalable. Le Rapporteur général n’ayant pas obtenu d’informations plus fines, seule l’évolution globale de chacune des dépenses fiscales dont le présent article prévoit l’inclusion dans le champ de l’acompte peut être rappelée.

Si ces données, qui proviennent des Évaluations des voies et moyens, ne permettent pas d’identifier si les bénéficiaires sont les mêmes contribuables d’une année sur l’autre, elles permettent de donner une indication sur la constance de la population totale de bénéficiaires, ainsi que sur les montants en jeu.

À cet égard, il convient de relever la relative constance du nombre de bénéficiaires des dispositifs fiscaux autres que ceux qui concernent les investissements locatifs. Le montant de la dépense fiscale associée connaît en revanche, selon les cas, une évolution plus marquée.

Évolution des dépenses fiscales relatives aux investissements locatifs

Dispositif

Caractéristiques

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

­Réduction dimpôt au titre de certains investissements réalisés outre-mer (1)

199 undecies A CGI 

Nombre de bénéficiaires

43 700

43 440

36 680

35 827

33 046

29 042

25 477

Dépense fiscale

(en millions deuros)

355

330

277

222

180

138

110

­Réduction dimpôt accordée au titre des investissements locatifs (« Censi-Bouvard »)

199 sexvicies CGI

Nombre de bénéficiaires

16 112

29 100

42 980

49 020

51 853

51 151

54 887

Dépense fiscale

(en millions deuros)

56

104

146

160

164

166

173

Réduction dimpôt accordée au titre des investissements locatifs (« Scellier »)

199 septvicies CGI

Nombre de bénéficiaires

nd

nd

nd

nd

nd

nd

nd

Dépense fiscale

(en millions deuros)

374

282

976

1 186

1 211

1 195

1 182

Réduction dimpôt accordée au titre des investissements locatifs intermédiaires (« Pinel »)

199 novovicies CGI

Nombre de bénéficiaires

x

x

0

7 106

25 307

59 044

103 334

Dépense fiscale

(en millions deuros)

x

x

-

20

77

191

351

(1)       Les données concernent l’ensemble des investissements réalisés conformément aux articles 199 undecies A et 199 undecies D du CGI. Or, seules l’article 199 undecies A du CGI est inclus dans le champ de l’acompte.

Source : commission des finances, sur la base des données disponibles dans les Évaluations des voies et moyens, tome II.

Évolution du nombre de bénéficiaires des diSPositifs fiscaux relatifs
aux dons, aux versements de cotisations aux organisations syndicales,
aux frais de garde des jeunes enfants, à l’emploi salarié à domicile
et à l’hÉbergement en EHPAD

(nombre de ménages)

Source : commission des finances.

Évolution du cOÛt de la dépense fiscale des diSPositifs fiscaux relatifs aux dons, aux frais de garde des jeunes enfants, et à l’emploi salarié à domicile

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

Évolution du cOÛt de la dépense fiscale des diSPositifs
relatifs aux versements de cotisations aux organisations
syndicales et à l’hÉbergement en EHPAD

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

 


Évolution de certaines dépenses fiscales depuis 2011

Dispositifs inclus dans le champ de l’acompte en l’état du droit

Dispositif

Caractéristiques

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Crédit d’impôt pour frais de garde des enfants âgés de moins de 6 ans

Article 200 quater B CGI

Nombre de bénéficiaires

1 706 080

1 688 600

1 816 283

1 840 252

1 864 685

1 871 601

1 806 664

Dépense fiscale

(en millions d’euros)

985

1 025

1 125

1 144

1 175

1 200

1 200

Crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile

Article 199 sexdecies CGI

Nombre de bénéficiaires

1 598 200

1 553 400

1 556 358

1 525 242

1 517 145

1 528 951

1 614 900

Dépense fiscale

(en millions d’euros)

1 900

2 000 

2 035

1 990

1 986

2 017

2 060

Dispositifs ajoutés par le présent article

Crédit d’impôt accordé au titre des cotisations versées aux organisations syndicales ainsi qu’aux associations nationales professionnelles de militaires

Article 199 quater C CGI

Nombre de bénéficiaires

1 556 000

1 553 000

1 644 000

1 637 000

1 645 580

1 619 448

1 559 624

Dépense fiscale

(en millions d’euros)

130

134

149

151

152

154

152

Réduction d’impôt accordée au titre des dons faits par les particuliers

Article 200 CGI

Nombre de bénéficiaires

5 362 300

5 405 400

5 636 760

5 736 079

5 746 500

5 753 127

5 562 559

Dépense fiscale

(en millions d’euros)

1 090

1 155

1 240

1 300

1 315

1 365

1 400

Réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes

dépendantes accueillies en établissement spécialisé

Article 199 quindecies CGI

Nombre de bénéficiaires

351 300

370 330

404 367

431 260

444 536

462 956

459 694

Dépense fiscale

(en millions d’euros)

185

220

263

310

308

295

295

Source : commission des finances, sur la base des données disponibles dans les Évaluations des voies et moyens, tome II.

 

 


—  1  —

c.   Des régularisations infra-annuelles à prévoir

Le Rapporteur général s’associe pleinement à la démarche du Gouvernement visant à faire bénéficier les ménages d’une avance de trésorerie supplémentaire.

Il souligne toutefois le fait que l’extension du dispositif d’acompte à des réductions d’impôt, dont la nature et le fonctionnement semblent peu adaptés à un mécanisme d’acompte, et le doublement de son taux sont susceptibles de poser, en pratique, quelques difficultés.

● En premier lieu, l’inclusion des réductions d’impôt dans le champ de l’acompte pourrait s’avérer problématique, en particulier si la situation du contribuable venait à changer entre le fait générateur de l’avantage fiscal et le moment de sa perception.

En effet, à la différence du crédit d’impôt dont le montant est versé au contribuable, quelle que soit sa situation vis-à-vis de l’impôt, les réductions d’impôt s’imputent, par définition, sur le montant de l’impôt dû. Par conséquent, sauf dispositions particulières, la part du montant de la réduction d’impôt qui excède l’impôt dû est perdue et ne fait, en principe, l’objet d’aucun versement.

Le dispositif proposé est ainsi susceptible de donner lieu à des situations difficiles, pour les contribuables non imposables ou qui le seraient devenus entre deux années d’imposition. Il faut donc s’attendre à ce que les sommes soient, dans pareils cas, restitués par les contribuables concernés.

● En deuxième lieu, le doublement du montant de l’acompte augmente, mécaniquement, l’ampleur des régularisations – et donc des restitutions –, le cas échéant, dans des proportions significatives.

Pour mémoire, les estimations réalisées au moment du PLF pour 2017 indiquaient que l’acompte (avec les deux crédits d’impôt relatifs à l’emploi à domicile et aux frais de garde des jeunes enfants) serait versé à environ 3 millions de foyers fiscaux, pour un montant total de 1,3 milliard deuros. Lampleur des régularisations était estimée à 100 millions deuros.

Le Rapporteur général s’inquiète des éventuelles difficultés de recouvrement qui pourraient se présenter au moment de la régularisation, en particulier dans le cas où les avantages acquis auraient évolué à la baisse. En dépit de ses demandes, il n’a pas obtenu d’estimation du montant des régularisations associées à l’élargissement du champ de l’acompte et au doublement de son taux.

La régularisation interviendra en septembre, au moment où le versement aurait eu lieu en l’absence de système d’acompte.

 

Janvier 2019

Printemps 2019

Septembre 2019

Acompte de 60 % sur les avantages acquis en 2019 au titre de certains crédits et réductions d’impôt (dépenses engagées en 2018).

Déclaration des revenus perçus en 2018.

 

  • Avis dimposition au titre de lannée 2018 et éventuelles régularisations.

Calcul de l’impôt dû au titre de l’année 2018 ; effacement de l’impôt dû au titre des revenus non exceptionnels de 2018 par le CIMR.

  • Mise à jour du taux synthétique.
  • Versement de 40 % des avantages acquis en 2019 au titre de certains crédits et réductions dimpôt.
  • Régularisations

Janvier 2020

Printemps 2020

Septembre 2019

Acompte de 60 % sur les avantages acquis en 2020 au titre de certains crédits et réductions d’impôt (dépenses engagées en 2019).

Déclaration des revenus perçus en 2019.

 

  • Avis dimposition au titre de lannée 2019 et éventuelles régularisations..

Calcul de l’impôt dû au titre de l’année 2019.

  • Mise à jour du taux synthétique.
  • Versement de 40 % des avantages acquis en 2020 au titre de certains crédits et réductions dimpôt.

 

Source : commission des finances.

À ces difficultés pratiques, s’ajoutent l’impact économique et psychologique qu’auront les restitutions sur les ménages et sur leur perception de la réforme.

Ces éléments, qui ne remettent pas en question la pertinence du versement dune partie des avantages fiscaux acquis sous forme dacompte, invitent toutefois à la prudence et à faire montre de pédagogie. La bonne compréhension de la mesure et de son calendrier par les contribuables concernés pourra ainsi permettre de limiter les réticences que sont susceptibles d’occasionner les régularisations et d’éviter les difficultés à recouvrer les sommes indûment perçues, lesquelles auront pu être, entre-temps, consommées.

● En troisième lieu, le dispositif d’acompte s’accommode mal de dépenses non récurrentes, eu égard aux éléments rappelés supra sur le fonctionnement des crédits et réductions d’impôt.

Il est donc important d’en prévoir l’application pour les seuls dispositifs qui présentent un caractère récurrent. Il convient notamment de retenir dans le champ de l’acompte des dépenses qui ne sont pas très élastiques à l’évolution des revenus, c’est-à-dire celles qui sont maintenues, même lorsque survient une baisse de revenus. À cet égard, les dépenses engagées au titre des frais de garde des jeunes enfants ou de l’emploi salarié à domicile remplissaient cette condition, les dépenses étant globalement reconduites d’une année sur l’autre, dans des proportions quasi identiques.

TAUX DE RÉCURRENCE dES dispositifs fiscaux inclus
dans le champ de l’acompte ENTRE 2013 ET 2015

Crédit d’impôt accordé au titre des cotisations versées aux organisations syndicales

69 %

Réduction d’impôt accordée au titre des dons faits par les particuliers

61 %

Réduction d’impôt au titre des frais d’hébergement en EHPAD

55 %

Réduction d’impôt au titre de certains investissements réalisés outre-mer

59 %

Réduction d’impôt « Censi-Bouvard »

84 %

Réduction d’impôt « Scellier »

90 %

Réduction d’impôt « Pinel »

88 %

Note de lecture : 96 % des foyers ayant bénéficié du crédit dimpôt accordé au titre des cotisations versées aux organisations syndicales en 2015 en avaient également bénéficié en 2014 et en 2013.

Source : Évaluation préalable.

3.   Instituer des dispositions dérogatoires et temporaires pour les particuliers employeurs et leurs salariés

Afin de tenir compte de la situation des particuliers employeurs qui sont, dans le cadre du prélèvement à la source, considérés comme des collecteurs de la retenue à la source, un dispositif spécifique et simplifié a été conçu pour accompagner au mieux les 3,6 millions de particuliers dans la mise en œuvre de la réforme. Il s’agit de l’option « tout en un » que devraient proposer à titre optionnel, à compter du 1er janvier 2020, les centres PAJEMPLOI et CESU. Il s’agit d’une offre de services permettant au particulier employeur de leur confier l’intégralité du processus de rémunération du salarié et de bénéficier immédiatement des aides auxquelles il peut prétendre. La retenue à la source sera ainsi directement prélevée par les organismes et versée à l’administration fiscale.

Les particuliers employeurs pourront déléguer à PAJEMPLOI et au centre national CESU (CNCESU) le soin d’opérer en leur lieu et place la retenue à la source. Ce dispositif devrait être opérationnel au 1er juillet 2019 ([44]).

mise en place du prélèvement à la source sans option

Soit un particulier employeur déclarant 30 heures au tarif de 12 euros nets.

Le CNCESU communique à l’employeur le salaire net d’imposition et le montant du prélèvement à la source.

L’employeur verse à son salarié le salaire net déduit du montant de la retenue à la source.

Soit ici 113,78 euros.

Le CESU prélève sur le compte de l’employeur les cotisations sociales et le montant de la retenue à la source.

Soit, ici, 82,28 euros au titre des cotisations sociales et 6,22 euros au titre du prélèvement à la source.

Le CNCESU calcule et reverse les cotisations sociales et le montant de la retenue à la source.

Source : commission des finances.

Mise en place du prélèvement à la source avec option

Soit un particulier employeur déclarant 30 heures au tarif de 12 euros nets au CNCESU

Le CNCESU communique à l’employeur le salaire net d’imposition et le montant du prélèvement à la source.

Le CNCESU prélève sur le compte de l’employeur le salaire brut et les cotisations sociales.

Le CNCESU calcule et reverse les cotisations sociales et la retenue à la source puis verse le salaire au salarié du particulier employeur.

Source : commission des finances.

En l’absence de plateforme déployée au 1er janvier 2019 pour guider et, le cas échéant, se substituer aux particuliers employeurs dans les obligations qui leur incombent en tant que collecteurs, le présent article prévoit une dispense dérogatoire temporaire et précise la façon dont les salariés des particuliers employeurs acquitteront leurs impôts au titre de l’année 2019 (II).

Le système dérogatoire à l’article 204 A du CGI, organisé par le présent article, dispense les particuliers employeurs de procéder à la retenue à la source sur les salaires qu’ils versent à leurs employés à compter du 1er janvier 2019. Il est limité à la seule année 2019.

Contrepartie d’une telle dispense, l’impôt dû au titre de l’année 2019 par les salariés des particuliers employeurs sera recouvré selon les modalités particulières suivantes.

– Les salariés concernés, dont la liste est fixée au  du A du II du présent article, s’acquitteront de l’impôt dû au titre des revenus réalisés ou perçus en 2019 sous forme d’un acompte, prélevé par l’administration fiscale par quart les 15 des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2019, dans les conditions prévues à l’article 1680 A du CGI ([45]).

Sont concernés par le paiement de l’impôt dû au titre de 2019 sous forme d’acompte, dans les conditions prévues au présent article, les salariés des particuliers employeurs suivants :

– les salariés réalisant au domicile de leur employeur des travaux à caractère familial ou ménager (article L. 7221-1 du code du travail) ;

– les assistants maternels agréés (article L. 412-1 du code de l’action sociale et des familles) ;

– les gardes-chasse, gardes-pêche, gardes forestiers, jardiniers, jardiniers gardes de propriété et, de manière générale, toutes les personnes qui, n’ayant pas la qualité d’entrepreneur, sont occupées par des groupements et sociétés de toute nature ou des particuliers à la mise en état et à l’entretien des jardins (article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime) ;

– les employés de maison au service d’un exploitant agricole lorsqu’ils exercent habituellement leur activité sur le lieu d’exploitation agricole (article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime) ;

– les artistes du spectacle mentionnés à l’article L. 7121-2 du code du travail et les ouvriers et techniciens concourant au spectacle (article L. 7122-23 du code du travail).

– L’acompte sera calculé par l’administration fiscale sur la base des revenus imposables non exceptionnels ([46]) perçus en 2018, en appliquant un taux déterminé selon les modalités prévues aux articles 204 H, 204 I et 204 M du CGI, c’est-à-dire dans les conditions de droit commun.

– L’acompte ainsi versé au cours de l’année 2019 s’imputera sur l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2019. L’éventuel solde en faveur du contribuable lui sera restitué.

– En revanche, lorsque l’acompte versé en 2019 sera inférieur au montant de l’impôt dû mais supérieur à 300 euros et à la moitié du montant de l’impôt dû au titre de 2019, le solde sera recouvré par prélèvements mensuels d’égal montant à partir du deuxième mois qui suit la mise en recouvrement du rôle (soit septembre 2020) et, en tout état de cause, au plus tard au mois de décembre 2021.

Cet étalement de la régularisation ne sera applicable que si les deux critères, définis en valeur absolue (> 300 €) et relative (> 50 % de l’impôt), sont réunis. Dans le cas contraire, la régularisation s’opérera dans les conditions de droit commun ou dans les conditions « normales » prévues pour le prélèvement à la source.

En application de larticle 1663 B du CGI, par dérogation aux articles 1663 et 1681 sexies du CGI, lorsque le solde de l’impôt dû excède 300 euros, il est recouvré par prélèvements d’égales mensualités à partir du deuxième mois qui suit la mise en recouvrement du rôle – le dernier prélèvement intervenant en décembre.

Lorsque le solde n’excède pas 300 euros, la régularisation s’opère conformément à l’article 1663 du CGI : les impôts dus sont exigibles trente jours après la date de mise en recouvrement du rôle.

Ne bénéficieront ainsi de l’étalement exceptionnel jusqu’à décembre 2021 au plus tard, que les contribuables dont le solde de l’impôt est à la fois supérieur à 300 euros et supérieur à la moitié de l’impôt total dû. L’évaluation préalable indique toutefois que « dans le cas contraire, le contribuable aura toujours la possibilité den faire la demande » ([47]).

Modalités de recouvrement du solde de l’impôt dû au titre de l’année 2019 pour les salariés des particuliers employeurs selon les cas

Solde inférieur à 300 euros

Solde supérieur à 300 euros

Solde supérieur à 300 euros et à la moitié de limpôt total

Exigibilité 30 jours après la mise en recouvrement du rôle (2020)

Exigibilité à partir du deuxième mois suivant la mise en recouvrement du rôle.

Paiement par prélèvements d’égales mensualités, jusqu’au mois de décembre 2020.

Exigibilité à partir du deuxième mois qui suit la mise en recouvrement du rôle.

Recouvrement par prélèvements d’égales mensualités, jusqu’au mois de décembre 2021.

Source : commission des finances.

Ces modalités de recouvrement particulières et dérogatoires permettent de ménager plusieurs impératifs : la nécessité d’assurer l’égalité des contribuables devant l’impôt, d’une part ([48]), et la volonté de ne pas faire supporter sur les salariés des particuliers employeurs une double charge fiscale en 2019 ; chose que la réforme du prélèvement à la source, grâce au CIMR, permet, précisément d’éviter pour le reste des contribuables.

En tout état de cause, les contribuables concernés seront accompagnés par l’administration fiscale dans la mise en œuvre de ce dispositif dérogatoire.

Seules les modalités de recouvrement de l’impôt sont modifiées et le dispositif prévu au présent article est temporaire. L’économie générale de la réforme n’est pas affectée et les salariés concernés par cet acompte exceptionnel bénéficieront en 2019, comme l’ensemble des contribuables, du CIMR sur leurs revenus non exceptionnels.

Les dispositions relatives au recouvrement devraient concerner 300 000 personnes environ, soit la part des salariés des particuliers employeurs qui sont imposables (25 %).

B.   L’impact budgétaire et Économique attendu

1.   Des mesures budgétairement neutres pour l’État

L’impact du présent article sur le solde budgétaire est considéré comme neutre, les mesures n’ayant que des incidences infra-annuelles.

L’extension du champ d’application du dispositif de l’échelonnement infra-annuel de l’acompte contemporain à trois types de revenus supplémentaires, au premier rang desquels figurent les droits d’auteurs, et celle du champ et du taux de l’acompte qui sera versé aux contribuables au titre des avantages fiscaux acquis en année N s’analysent en effet comme des mesures de trésorerie.

En revanche, l’évaluation préalable indique que le dispositif dérogatoire mis en place pour les particuliers employeurs aura des « effets de décalage de trésorerie pour lÉtat non chiffrés mais limités, dès lannée 2019 et jusquen 2021 », compte tenu de l’étalement exceptionnel qui est introduit pour le paiement du solde de l’impôt dû au titre de 2019.

2.   Une avance de trésorerie pour 9 millions de contribuables

Les modifications que propose le présent article permettront à plus de 9 millions de contribuables de bénéficier d’une avance de trésorerie. Le versement d’une partie substantielle des avantages acquis en 2019 au titre des dépenses engagées en 2018 intervenant au plus tard le 1er mars, soit au moins six mois avant l’émission de l’avis d’imposition à la fin de l’été.

L’inclusion dans le champ de l’acompte de sept autres dispositifs fiscaux de réduction ou de réduction d’impôt porte l’effort consenti par l’État à 5 milliards d’euros.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF1171 et ICF1174 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF1171 a pour objet d’abandonner le mécanisme de prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Adopté sous la précédente législature, ce dispositif a vu son entrée en vigueur reportée à plusieurs reprises, officiellement en raison des difficultés techniques suscitées par sa complexité, mais plutôt, en réalité, pour permettre au Gouvernement de communiquer en 2018 sur les baisses de cotisations que le prélèvement à la source aurait éclipsées.

Notre groupe est opposé à ce dispositif pour huit raisons principales.

Premièrement, il est d’une trop grande complexité, comme l’ont montré les nombreux bugs repérés en 2018, lors de la phase de test – je pense notamment aux 500 000 contribuables qui ont reçu une déclaration préremplie erronée. Si le Gouvernement a cherché à modifier son dispositif, avec par exemple le report de la mise en place du prélèvement à la source à 2020 pour les salariés à domicile, ou encore la possibilité pour les entreprises de moins de 20 salariés de laisser le soin à l’URSSAF de collecter l’impôt à leur place, ce dispositif n’en reste pas moins complexe et inabouti.

Deuxièmement, nous estimons que ce n’est pas à l’entreprise, mais bien à l’administration fiscale, de collecter l’impôt.

Troisièmement, cette réforme est inutile, car la France dispose déjà d’un excellent taux de recouvrement en matière d’impôt sur le revenu – 99,4 % au 31 décembre de l’année « n+1 ».

Quatrièmement, nous estimons que le prélèvement à la source se traduit par un manque de lisibilité, qui empêche le contribuable d’appréhender correctement la charge fiscale et ses variations. Le prélèvement à la source pourrait ainsi constituer le premier pas vers un impôt sur le revenu non progressif, que les Français seraient dans l’incapacité de mesurer : de ce fait, la pression fiscale pourrait être modifiée plus facilement.

Cinquièmement, le prélèvement à la source apportera de la complexité pour les contribuables en impliquant de multiples formalités supplémentaires induites par l’année de transition.

Sixièmement, nous pensons que ce système est incompatible avec notre culture fiscale, du fait de la très forte personnalisation de l’impôt sur le revenu français et de la prévalence du concept de foyer fiscal sur celui d’individu.

Septièmement, le prélèvement à la source impose la rupture de la logique française de confidentialité des revenus privés, car en prenant connaissance du taux d’imposition de ses salariés, un employeur pourra en déduire le montant de leurs revenus familiaux et patrimoniaux – ce qui va obliger certains salariés à mettre en œuvre des stratégies de dissimulation.

Huitièmement, enfin, le passage au prélèvement à la source va engendrer un coût important pour des finances publiques déjà malmenées. En effet, l’administration va devoir adapter son organisation et ses logiciels déclaratifs et de paiement, mais aussi lancer d’importantes campagnes d’information, en recourant pour cela à des prestataires extérieurs privés.

Pour toutes ces raisons, le passage au prélèvement à la source nous semble une véritable folie.

M. Joël Giraud, Rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement, pour l’unique raison qu’il a pour objet de supprimer le prélèvement à la source.

M. Marc Le Fur. Pour notre part, nous y sommes favorables !

M. Éric Coquerel. Je m’étonne de la légèreté avec laquelle le Rapporteur général nous dit être défavorable à la suppression du prélèvement à la source. Je rappelle qu’il y a quelques semaines, le Gouvernement a failli abandonner cette réforme, qui va imposer un mécanisme dont la mise en œuvre pourrait avoir pour effet de remettre en cause un impôt qui fonctionnait très bien jusqu’à présent, alors même qu’il existe d’autres solutions.

Vous avez la mémoire courte si vous avez déjà oublié le feuilleton de l’été, quand le Premier ministre semblait chaque jour sur le point d’annoncer l’abandon de la réforme ! Certes, nous commençons à être habitués à ces mises en scène à suspense que le Gouvernement semble affectionner – je pense notamment au départ de Gérard Collomb, et désormais à l’attente de la décision concernant le remaniement ministériel.

La plupart des groupes de l’opposition ont insisté sur le fait que cette réforme, consistant à transférer aux entreprises une mission jusqu’alors assurée par l’État, représentait un véritable saut dans le vide. J’ai récemment entendu le président de la République affirmer que les partisans d’une VIe République – notre groupe, notamment – n’aimaient pas l’État. C’est faux : les membres du groupe La France insoumise aiment l’État, et considèrent justement qu’au lieu de supprimer 2 000 postes, comme il s’apprête à le faire cette année, le ministère des finances aurait tout à fait pu mettre en place l’impôt contemporain, qui présente le même avantage que le prélèvement à la source – celui de payer au plus près de son revenu – sans en avoir les inconvénients en termes de coût pour les entreprises et de confidentialité, puisque dans ce système, l’État continue à assurer le calcul et la collecte de l’impôt.

Je précise que notre amendement I-CF1174, visant à instaurer l’impôt « contemporain », s’inspire d’une proposition de loi d’Albéric de Montgolfier, sénateur du groupe Les Républicains, et je m’étonne que cette idée ne vous inspire que des ricanements ironiques, car si vous vous intéressiez à ce que disent les techniciens du ministère des finances, vous sauriez que nous avons tout à fait la capacité de la mettre en œuvre.

Mme Cendra Motin. Nous lisons les rapports !

M. Éric Coquerel. Nous ne devons pas lire les mêmes : apparemment, vous ne vous intéressez qu’à ceux qui vous confortent dans votre projet de casser le ministère des finances et un impôt qui fonctionne bien, et dans votre refus d’une solution simple et efficace, au nom d’une vision très libérale. En réalité, ce que vous êtes en train de préparer, c’est l’abandon du principe de l’impôt progressif, et la suppression de centaines de postes au ministère des finances : en d’autres termes, vous persistez dans votre entreprise de démolition de l’État, à laquelle vous vous employez depuis un an et demi !

M. le président Éric Woerth. Allons, monsieur Coquerel !

M. Éric Coquerel. Monsieur le président, je trouve anormal que nos propositions soient accueillies par des sourires de mépris de la part de l’opposition, et que le Rapporteur général ne juge même pas utile de nous répondre sur le fond.

M. le Rapporteur général. Nous avons déjà débattu sur ce point en projet de loi de finances initiale et en projet de loi de finances rectificative, et je ne vois pas ce que je pourrais ajouter à mon avis défavorable, puisqu’il n’a pas été avancé de nouveaux arguments.

M. le président Éric Woerth. Effectivement, nous avons ce débat depuis novembre 2016...

M. Éric Coquerel. Monsieur le président, vous défendez vous-même certaines idées depuis de nombreuses années, et personne ne songerait à vous reprocher votre constance et votre volonté de convaincre. Si je me montre un peu véhément, c’est en raison des sourires condescendants par lesquels nos collègues de la majorité accueillent notre proposition, alors que celle-ci est tout à fait sérieuse – et qu’à l’inverse, les premiers tests du prélèvement à la source ont mis en évidence de réelles difficultés.

M. le président Éric Woerth. Cela fait déjà deux ans que nous débattons de l’impôt contemporain, monsieur Coquerel...

La commission rejette successivement les deux amendements I-CF1171 et ICF1174.

Elle est saisie de lamendement I-CF64 de Mme Véronique Louwagie.

M. Patrick Hetzel. Les prélèvements à la source sont calculés d’après des montants fictifs, supérieurs à ceux que le contribuable devait au titre de cette année, car il s’agit des montants de l’impôt avant application des réductions et crédits d’impôt. Il en résulte parfois des prélèvements triples ou quadruples de ceux qui résulteraient d’un calcul normal.

Le Gouvernement a cherché à compenser les prélèvements indus par le versement, au 15 janvier prochain, d’un acompte égal à 60 % de l’incidence des réductions d’impôt et crédits d’impôt. Une part d’arbitraire demeure car, pour une raison inconnue, certaines réductions ont été exclues du calcul de l’acompte.

S’il est trop tard pour que la situation soit réglée pour 2019, il faut absolument que les prélèvements de 2020 et des années suivantes soient calculés de manière normale : à défaut, l’impôt va devenir complètement incompréhensible. L’amendement I-CF64 a pour objet d’apporter une solution à ce problème.

M. le Rapporteur général. Le débat sur ce point a déjà eu lieu au cours de la précédente législature, et nous avions collectivement pris la décision d’écarter la possibilité que vous nous proposez maintenant, à trois mois de la mise en place de la réforme. Il ne me paraît pas souhaitable de changer les règles à quelques semaines de l’entrée en vigueur d’une réforme, surtout quand il s’agit d’un élément aussi structurant que le calcul du taux appliqué pour déterminer le montant du prélèvement à la source. Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Patrick Hetzel. C’est pour 2020 que nous proposons cette mesure !

Mme Véronique Louwagie. Le Gouvernement a récemment pris la décision de compenser les prélèvements indus par le versement au mois de janvier d’un acompte de 60 % de l’incidence des réductions et crédits d’impôt, ce qui montre bien qu’il est possible de modifier un dispositif quelques semaines avant son entrée en vigueur.

Le dispositif actuellement prévu par le Gouvernement est ubuesque, puisqu’il prévoit d’un côté des prélèvements, de l’autre le versement d’une somme correspondant aux réductions et crédits d’impôt. Notre amendement constitue une véritable solution, en ce qu’il permet de simplifier l’ensemble du dispositif.

Mme Cendra Motin. Il convient de saluer la décision du Gouvernement de mettre en place le versement d’un acompte de 60 % des réductions et crédits d’impôt les plus récurrents, ce qui va avoir des conséquences immédiates sur le budget des familles concernées, qui ont tous les mois des frais liés à des gardes d’enfants, à des hébergements en EHPAD ou à des services à la personne – je pense en particulier aux personnes vulnérables.

Rendre totalement contemporains les réductions et crédits d’impôt aurait un coût extrêmement important pour le budget de l’État – environ 6 milliards d’euros pour les seuls avantages liés aux services à la personne – car, comme cela a été le cas lors de la mise en place du CICE, les finances publiques devraient supporter, durant l’année de transition, à la fois le décaissement des crédits d’impôts de l’année N – 1 et l’imputation des crédits d’impôts « contemporanéisés » de l’année en cours. Nous devons donc bien réfléchir avant de prendre une décision sur ce point.

M. Marc Le Fur. Les vrais perdants dans cette affaire sont les particuliers car, s’ils payaient jusqu’à présent leur impôt en fonction de leur situation de l’année antérieure, à la fois en termes de revenus et de réductions d’impôt, ils vont désormais payer immédiatement ce qu’ils doivent au titre de l’impôt sur le revenu, mais devront attendre un an pour obtenir le remboursement de leurs avantages fiscaux : le nouveau dispositif va avoir pour conséquence de créer un décalage, mis à la charge de leur trésorerie.

Pour y remédier, le Gouvernement a décidé d’accorder un acompte représentant 60 % de certains crédits d’impôt, versé en début d’année. Si je me félicite que l’on ait pris conscience de l’existence d’un vrai problème, je ne comprends pas pourquoi l’acompte mis en place est limité à certains crédits et réductions d’impôt, ni selon quels critères il s’applique à certains et pas à d’autres. En l’état actuel des choses, un certain nombre de familles vont se trouver exposées à un important décalage de trésorerie pouvant aller jusqu’à une vingtaine de mois, ce qui me paraît très préoccupant.

M. le Rapporteur général. Je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF64.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF71 de Mme Véronique Louwagie et I-CF183 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF71 vise à ce que le contribuable recevant, avec son avis d’imposition, les éléments indicatifs portant sur ses taux de prélèvement, dispose également des modalités de calcul ayant permis de les déterminer. C’est en effet à juste titre que les contribuables souhaitent comprendre comment s’établissent ces taux qu’ils ne sont pas en mesure de reconstituer seuls.

M. le Rapporteur général. Sur le prélèvement à la source, nous avons mené dans le cadre du rapport d’application de la loi fiscale, sous la houlette de Cendra Motin, une analyse extrêmement détaillée du dispositif, ayant abouti à quelques aménagements, consistant notamment en la mise en place de l’acompte de 60 % qui vient d’être évoqué – cela n’a rien d’extraordinaire : la perfection n’est pas de ce monde, et l’essentiel est qu’une solution ait été trouvée. Nous devons maintenant laisser vivre – et évaluer, car le diable est dans les détails – le dispositif qui va entrer en vigueur dans trois mois. Pour cette raison, j’émettrai un avis défavorable à tous les amendements ayant pour objet de modifier la solution prochainement mise en œuvre, notamment ceux visant à élargir le champ de l’acompte ou à augmenter son taux.

En revanche, tout ce qui vise à améliorer l’information du contribuable me semble essentiel à la démocratie. C’est pourquoi, reconnaissant que la formule de calcul du taux d’imposition est très complexe, je m’en remets à la sagesse de la commission sur ces deux amendements visant à permettre au contribuable de mieux la comprendre, même si je pense qu’ils sont déjà au moins en partie satisfaits.

La commission adopte les amendements I-CF71 et I-CF183 (amendement I-1554).

M. Gilles Carrez. Je souhaite poser à M. le Rapporteur général une question relative à ces amendements, qui, si j’ai bien compris, ne portent que sur les modalités de calcul du taux. J’aimerais savoir s’ils couvriront également les acomptes, notamment au titre des revenus fonciers, car je sais que de nombreux contribuables s’interrogent à ce propos.

M. le Rapporteur général. Seul le taux est concerné.

Elle examine ensuite lamendement I-CF72 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement relatif au prélèvement à la source vise à permettre à un contribuable de demander, à tout moment, une modulation à la baisse de son taux de prélèvement. Certes, il est déjà possible de demander une diminution de l’acompte versé en fonction des revenus autres que les salaires et pensions, à savoir les revenus fonciers et ceux des travailleurs non salariés – bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux et bénéfices agricoles –, mais je ne suis pas certaine que le contribuable puisse obtenir la diminution du taux de prélèvement.

M. le Rapporteur général. Le taux du prélèvement pouvant déjà être modulé à la hausse ou à la baisse et, s’agissant d’une modulation à la baisse et à tout moment, sur demande du contribuable, votre amendement est satisfait. Dès lors, je vous invite à le retirer.

Lamendement I-CF72 est retiré.

La commission examine lamendement I-CF7 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’article 3 du présent PLF prévoit d’intégrer dans le calcul de l’avance prévue à l’article 1665 bis du CGI un certain nombre de réductions d’impôt dont bénéficient les particuliers afin de prendre en compte les effets de trésorerie infra-annuels pouvant résulter de la mise en œuvre du prélèvement à la source. Si le Gouvernement admet l’existence d’une difficulté, il limite le versement de l’avance à certains cas, à savoir les réductions d’impôts en faveur des investissements locatifs – « Censi-Bouvard », « Duflot », « Pinel » et outre-mer –, la réduction d’impôt au titre des dépenses d’hébergement en EHPAD, la réduction d’impôt au titre des dons effectués par les particuliers et le crédit d’impôt au titre des cotisations syndicales.

D’autres réductions d’impôt sont, elles, oubliées, alors qu’elles peuvent être d’un montant très élevé. Afin d’y remédier, j’ai rédigé toute une série d’amendements visant tous les cas de figure – dont je ne présenterai qu’une partie en commission, afin de ne pas ralentir nos travaux.

Le présent amendement vise à intégrer la réduction d’impôt accordée au titre des frais de scolarité des enfants poursuivants des études secondaires ou supérieures, dont le montant n’est pas négligeable – 61 euros pour un collégien, 153 euros pour un lycéen, 183 euros pour un étudiant – et constitue une préoccupation très concrète pour les familles concernées, qui devront attendre la fin de l’année pour en obtenir le remboursement – à moins que nous n’intégrions ces réductions à la liste de celles ouvrant droit au versement d’une avance, comme je propose de le faire avec l’amendement I-CF7.

M. le Rapporteur général. Comme je l’ai dit précédemment, j’émettrai un avis défavorable à tous les amendements ne laissant pas vivre le dispositif en son état actuel, car je tiens à ce que nous soyons en mesure de l’évaluer. Certains amendements portent d’ailleurs sur des dispositifs dont la pérennité n’est pas certaine. Si je n’exclus pas une révision du dispositif dans le cadre d’un prochain PLF, à l’issue de l’évaluation qui aura été réalisée, pour le moment, je suis défavorable à toute mesure visant à modifier le dispositif actuel.

M. Gilles Carrez. Il convient de rappeler que nous avons déjà beaucoup progressé en la matière : en 2016, il n’y avait aucune prise en compte des crédits d’impôt – lors de sa première présentation, le ministre avait même nié l’existence du problème ! Fort heureusement, le problème ayant été mis en évidence par la commission des finances, grâce au travail de la rapporteure générale de l’époque, Valérie Rabault, le Gouvernement a été contraint de procéder à un premier ajustement, sous la forme d’un acompte de 30 % portant sur une assiette très réduite – si j’ai bonne mémoire, il ne s’agissait à l’époque que de certains emplois familiaux.

Aujourd’hui, le montant de l’acompte s’élève à 60 % et son assiette s’est considérablement élargie, ce qui permet de mesurer le chemin accompli. Cela dit, je suis d’accord avec Marc le Fur pour estimer que nous pouvons encore faire mieux.

M. le président Éric Woerth. Effectivement, le président de la République a décidé il y a moins d’un moins de procéder à un aménagement des modalités de versement de l’acompte, et je ne vois pas ce qui empêche de modifier encore les choses.

M. Marc Le Fur. J’appelle votre attention sur le fait que mes amendements ne visent pas à remettre en cause le dispositif mis en place par le Gouvernement : ils ont pour objet de veiller à ce que la difficulté dont il a reconnu l’existence trouve une solution ne se limitant pas à certains aspects du problème, mais les abordant tous, de manière exhaustive. Une famille payant un peu d’impôt et ayant un enfant au collège ou au lycée n’est pas plus favorisée qu’une autre ayant réalisé un investissement locatif de type « Pinel », et il n’y a donc aucune raison de l’exclure du dispositif permettant de bénéficier du versement d’une avance.

Mme Cendra Motin. Je remercie M. Carrez pour son soutien et ses remarques sur le travail déjà effectué.

J’appelle l’attention de nos collègues sur le fait que l’amendement I-CF17 de M. Le Fur, qu’il présentera dans quelques instants, et qui vise à intégrer dans le calcul de l’avance le crédit d’impôt pour frais de garde des jeunes enfants, est déjà satisfait par le projet de loi.

Notre collègue s’est interrogé, tout à l’heure, sur les critères ayant conduit à inclure ou à exclure les réductions et crédits d’impôt du dispositif d’acompte. Je précise que les trois premiers – la réduction d’impôt au titre des dépenses d’hébergement en EHPAD, au titre des frais de garde d’enfants et au titre de services à la personne – ont été inclus en raison de leur portée sociale ; le caractère récurrent des frais engagés a également été pris en compte ; certaines personnes ont appelé notre attention sur le fait que la non-prise en compte des réductions fiscales dues au titre d’un investissement « Pinel » pouvait se traduire par un décuplement de leur prélèvement mensuel ; enfin, nous voulions éviter que le prélèvement à la source défavorise les Français ayant droit à des réductions d’impôt au titre des dons aux associations, car cela aurait pu avoir pour effet de les décourager et de les rendre moins généreux.

Pour ce qui est des exclusions, nous avons décidé que les impôts représentant une centaine d’euros de réduction par an n’avaient pas vocation à intégrer le dispositif : en effet, parmi les 457 niches fiscales qui existent encore, il fallait bien faire des choix.

La commission rejette lamendement I-CF7.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette successivement les amendements I-CF8, I-CF10, I-CF12, I-CF13 et I-CF15 de M. Marc Le Fur.

Puis elle examine lamendement I-CF16 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le présent amendement vise à intégrer dans le calcul de l’avance le crédit d’impôt pour la transition énergétique, afin de préserver la pérennité de ce dispositif – comme cela a été fait pour les dons aux associations, qui ont bénéficié de l’intégration au système de l’avance afin d’éviter que le montant des dons ne subisse un effondrement.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement I-CF16.

Elle est ensuite saisie de lamendement I-CF17 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Cet amendement relatif aux crédits d’impôt pour frais de garde des jeunes enfants étant, m’a-t-on dit, satisfait, je le retire.

Lamendement I-CF17 est retiré.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF18, I-CF19, I-CF20 et I-CF21 de M. Marc Le Fur.

Elle est ensuite saisie de lamendement I-CF35 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. L’acompte versé au contribuable est calculé sur la base des dons effectués par le contribuable au cours de l’avant-dernière année – c’est-à-dire l’année 2017 pour l’acompte versé en 2019. Ce système comporte un effet pervers : en effet, si aucun autre don n’est effectué en 2018 par le contribuable, celui-ci devra rembourser l’acompte indu quelques mois après l’avoir perçu. Ce risque de remboursement sera d’autant plus important qu’avec l’incertitude relative aux effets du prélèvement à la source et des réductions fiscales en 2018, il ne serait pas étonnant que le nombre de dons ponctuels diminue.

Afin d’éviter que le contribuable ne se trouve placé dans une situation d’incertitude, l’amendement I-CF35 vise à ce qu’un acompte puisse être effectué à la demande expresse du contribuable, sur la base des dons effectivement consentis en 2018. Le mécanisme proposé sécurise donc le contribuable qui ne renouvellerait pas son action de don d’une année sur l’autre.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Si l’on n’y prend garde, certains foyers pourraient se trouver en difficulté après avoir reçu des acomptes indus, parce qu’ils ne renouvelleraient pas systématiquement leurs dons d’une année sur l’autre. Le sujet est grave, et nécessite que nous engagions une réflexion approfondie.

Mme Cendra Motin. Le même problème se pose pour tous les crédits d’impôt n’ayant pas un caractère récurrent, car ils sont susceptibles de provoquer des avances indues. C’est ce qui justifie qu’un certain nombre de crédits d’impôt n’aient pas été intégrés au dispositif d’acompte.

Mme Christine Pires Beaune. Je voudrais appeler l’attention du Rapporteur général et de Cendra Motin sur le fait qu’il existe des crédits qui, d’une année sur l’autre, peuvent perdre le caractère pérenne qu’ils revêtaient. Il en est ainsi des frais de garde d’enfants, qui ouvrent droit à des crédits d’impôt importants à des familles pas forcément très aisées : d’une année sur l’autre, les enfants concernés peuvent être scolarisés, ce qui fait qu’il n’est plus nécessaire de les faire garder. De nombreuses familles pourraient donc se trouver amenées à devoir rembourser en septembre des sommes importantes qu’elles auraient perçues en janvier, ce qui serait très préoccupant.

M. le président Éric Woerth. C’est tout à fait exact.

La commission rejette lamendement I-CF35.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF1027 de M. Olivier Serva, ICF1307 de M. Max Mathiasin et I-CF1395 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

M. Olivier Serva. L’amendement I-CF1027 vise à réparer une injustice faite aux Ultramarins. Dans le périmètre de l’acompte de 60 % a été oublié un important crédit d’impôt : la défiscalisation des investissements productifs outre-mer. Si aucune correction n’est apportée, les investisseurs seront tentés d’attendre le quatrième trimestre de l’année, une fois qu’ils auront reçu leur crédit d’impôt. Nous proposons donc d’intégrer dans le mécanisme de l’acompte visé à l’article 3 l’avantage fiscal prévu par l’article 199 undecies B du CGI.

M. Max Mathiasin. Tout contribuable français, quel que soit son lieu de résidence, peut investir dans le cadre du dispositif « Girardin » dans les onze départements et collectivités d’outre-mer, mais si l’acompte n’est pas versé au début de l’année, les investissements qui soutiennent les économies de ces territoires feront défaut. Les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises, qui constituent l’essentiel de leur tissu économique, en pâtiront.

J’invite M. le Rapporteur général à ne pas considérer les amendements visant à élargir le champ de l’acompte dans leur globalité, mais à être attentif à chacune des propositions qui sont faites.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Si le crédit d’impôt n’est versé qu’en septembre, il y a un risque véritable de porter un coup aux investissements en outre-mer.

M. le Rapporteur général. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le champ de l’acompte ne sera pas élargi à d’autres crédits ou réductions d’impôt que ceux déjà intégrés dans le présent PLF. Que les amendements viennent de la majorité ou de l’opposition, ils connaîtront le même sort s’ils proposent une telle modification.

M. Gilles Carrez. Il me semble me souvenir que les crédits d’impôt qui font l’objet d’un versement d’acompte en janvier ont un caractère récurrent ou du moins s’étalent sur plusieurs années. Pour le dispositif « Girardin », qui couvre plusieurs années, il s’agit de montants importants, rappelons-le. Si le crédit d’impôt n’est versé qu’en septembre chaque année, cela dissuadera les investisseurs. Je suis catégorique.

M. Charles de Courson. Donnons des chiffres précis. Pour le dispositif correspondant à l’article 199 undecies B, le montant prévisionnel s’élève à 335 millions d’euros pour 2019. Nous savons que pour 2017, il y a eu 19 645 ménages concernés, soit un avantage fiscal moyen par ménage d’environ 15 000 euros. Ce n’est pas rien.

Dans le tome II des Évaluations des voies et moyens, j’ai peigné toutes les dépenses fiscales importantes. Le dispositif de l’article 199 undecies B en fait partie, à l’évidence, mais il y en a d’autres. Pourquoi le mécanisme du versement d’un acompte en janvier ne s’applique-t-il qu’à quatre avantages fiscaux ? Vous avez retenu les dons, or ils n’ont pas forcément un caractère régulier pour chaque contribuable car on peut choisir de donner une année et pas une autre. Je ne comprends pas la logique suivie par le Gouvernement.

M. le président Éric Woerth. Le Rapporteur général a déjà répondu à cette question.

M. Charles de Courson. Je n’ai toujours pas compris.

M. Max Mathiasin. J’en appelle encore une fois au discernement de M. le Rapporteur général. Pourquoi le dispositif « Pinel » serait-il intégré au mécanisme de l’acompte de janvier et pas le dispositif « Girardin » ? Il représente des sommes importantes et permet de soutenir des économies structurellement en retard, reconnues en tant que telles par l’Union européenne. En outre, il concerne les contribuables de toute la France.

M. le Rapporteur général. Je demande à l’ensemble des auteurs de ces amendements de les retirer pour les déposer en séance afin d’avoir un débat avec le ministre sur les critères qui ont prévalu dans le choix des crédits et réductions d’impôt entrant dans le champ de l’acompte de janvier.

M. Serge Letchimy. Je prends note des observations du Rapporteur général. Je ne comprends pas bien la doctrine car exclure certains crédits d’impôts de l’acompte me semblait un parti pris incompréhensible. Nous allons aborder d’autres sujets, notamment la TVA non perçue récupérable (TVA NPR), qui montrent que l’investissement se heurte à de graves problèmes de trésorerie dans les territoires d’outre-mer.

Mme Ericka Bareigts. Les départements et collectivités d’outre-mer sont ancrés dans des bassins océaniques, pour la plupart dans des périmètres îliens. De ce fait, ils sont soumis à une concurrence extrêmement forte. Des dispositifs comme le dispositif « Girardin » leur permettent de maintenir une dynamique économique et de soutenir le tissu des très petites entreprises (TPE) et des PME. À La Réunion, par exemple, cet investissement représente 3 % de la création de richesses. Ne pas soutenir les investissements, c’est faire peser un risque supplémentaire sur ces territoires alors qu’ils subissent déjà un important taux de chômage.

M. Gilles Carrez. Je ne comprends pas du tout la logique de la majorité. L’année dernière, il y a un très long débat au sujet de l’ISF et de l’IFI. On nous a expliqué que le président Macron estimait que l’immobilier était de l’ordre de la rente et ne pouvait donc s’apparenter à de l’investissement productif. Or, dans le présent PLF, vous intégrez le dispositif « Pinel », qui relève du non-productif, et vous excluez l’investissement productif correspondant à l’article 199 undecies B, dont chacun reconnaît l’efficacité. Pourquoi ?

La commission rejette les amendements I-CF1027, ICF1307 et I-CF1395.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF94 de M. Jean-Paul Vigier, ICF117 de M. Marc Le Fur, I-CF156 de Mme Lise Magnier, I-CF166 de Mme Véronique Louwagie, I-CF192 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF449 de M. Thibault Bazin, I-CF493 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF1064 de Mme Valérie Lacroute et I-CF1313 de Mme Émilie Cariou.

M. Marc Le Fur. Nous déplorons que le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique ne soit pas intégré dans le champ de l’acompte de janvier car s’il y a une dépense récurrente, c’est bien celle-ci puisque, par définition, les agriculteurs qui s’engagent dans l’agriculture biologique le font pour plusieurs années.

Mme Véronique Louwagie. La manière dont le Gouvernement a mis au point le dispositif du versement d’acompte laisse penser que le souci de rapidité l’a emporté. Les impacts n’ont pas été analysés. Il est très important que nous ayons une discussion avec le ministre sur l’ensemble de ces éléments.

M. le président Éric Woerth. C’est aussi la question des crédits d’impôt eux‑mêmes qui est posée. Comment en faire coexister une multitude ?

M. Thibault Bazin. Nos agriculteurs souffrent d’un problème de compétitivité. La priorité est de réduire leurs charges sinon cela aura des effets catastrophiques sur la productivité et la pérennité des exploitations sera menacée à terme.

Mme Émilie Bonnivard. Les agriculteurs biologiques subissent des retards dans le versement des aides pour la conversion et le maintien en l’agriculture biologique et des mesures agro-environnementales et climatiques. Ces retards, dus à l’Agence de services et de paiement de l’État, atteignent plus de deux ans et mettent leur trésorerie en péril. L’adoption des dispositions préconisées dans ces amendements leur offrirait une forme de compensation.

Mme Valérie Lacroute. L’agriculture biologique est en pleine croissance. Elle a permis la création de plus de 10 000 emplois entre 2016 et 2017. Il serait dommage de ne pas favoriser son essor. Nous savons qu’il s’agit d’un enjeu essentiel, compte tenu du réchauffement climatique.

Mme Émilie Cariou. J’ai cosigné l’amendement I-CF1313 avec MM. Moreau et Pellois, ce dernier étant mon co-rapporteur spécial pour les crédits de l’agriculture.

Jusqu’à présent, nous avons évoqué les crédits d’impôt destinés aux ménages. Ce dont il s’agit ici est un crédit d’impôt professionnel, destiné aux agriculteurs. Je rejoins les arguments qui viennent d’être avancés. Les aides pour la conversion et le maintien de l’agriculture biologique ont connu des retards de versement phénoménaux. Par ailleurs, certaines régions, et pas des moindres, ont cessé de payer les aides du deuxième pilier de la politique agricole commune.

Je partage aussi certains arguments développés au sujet des caractéristiques des crédits d’impôt qui doivent entrer dans le périmètre de l’acompte de janvier. Il serait bon à cet égard que le ministre discute avec nous des crédits d’impôt relatifs à l’outre-mer, qui ont la particularité de s’étaler dans le temps avec des reversements possibles d’une année sur l’autre.

M. le Rapporteur général. Comme je l’ai déjà indiqué, je donne un avis défavorable à tout élargissement du champ de l’acompte et invite celles et ceux qui veulent des explications à les demander au ministre en séance.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, je vous aime beaucoup, comme vous le savez, mais ce n’est pas un argument recevable. Autant arrêter notre réunion, car cela voudrait dire que nous ne servons à rien ! Si Mme Cariou, qui a quand même un peu de bon sens, dépose un amendement identique à ceux qui sont présentés, c’est que le problème mérite d’être pris en considération, d’autant qu’il renvoie à la trésorerie et pas aux recettes. Entre nous, combien cela coûte ? Trois caramels mous !

Mme Amélie de Montchalin. Je crois que le travail que nous faisons ici est très utile. M. le Rapporteur général a posé un principe depuis le débat de l’examen du PLF : il estime qu’il n’a pas la latitude d’élargir le champ de l’acompte. C’est une décision qui va au‑delà d’un choix politique car elle est complexe à mettre en œuvre techniquement. Mieux vaut attendre d’avoir un dialogue avec le ministre. Cela n’implique nullement de fermer les débats. Nous devons avoir en vue de rendre la loi applicable et je ne crois pas que de voter de tels amendements en commission irait en ce sens.

M. le président Éric Woerth. Rappelons que le rapporteur donne son avis et que chacun est ensuite libre de voter comme il le souhaite. Le Parlement fait ce qu’il veut.

M. Fabien Roussel. Nous allons voter ces amendements, qui nous paraissent tout à fait justifiés. Il nous semble difficilement concevable qu’on nous impose de limiter le périmètre de notre intervention sur la loi de finances.

M. le président Éric Woerth. Personne ne limite quoi que ce soit. Vous pouvez faire exactement ce que vous voulez. C’est un principe général.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je vais en « remettre une couche »... Je pense qu’il faut prendre très au sérieux la situation des agriculteurs biologiques. Les difficultés s’accumulent pour eux. Les retards dans le versement des aides qui leur ont été promises ont un lourd impact sur les trésoreries de leurs exploitations qui sont en pleine phase de croissance. Ces amendements me semblent aller dans le bon sens.

M. Julien Aubert. L’agriculture biologique est menacée par la multiplication des parasites, elle est victime des retards de l’ASP : je crois qu’il serait bon de lui envoyer un signal politique, d’autant qu’il s’agirait d’une avance de trésorerie qui ne se traduirait pas par une perte de recettes pour l’État.

Je dois dire que j’ai un peu de mal à comprendre l’argumentation du Rapporteur général. Nous sommes la commission des finances et, comme le soulignait Charles de Courson, c’est le Parlement qui vote l’impôt. Certes, il faut peut-être donner les moyens à ses membres de faire des études d’impact pour évaluer en amont les dispositions qu’ils proposent et qui leur sont proposées. Mais on ne peut pas invoquer le fait que Bercy a le monopole de la compétence pour nous signifier qu’il nous est impossible de bouger le curseur vers le haut ou vers le bas, sinon autant rentrer chez nous.

Mme Christine Pires Beaune. Je n’ai pas compris les propos de notre collègue Amélie de Montchalin. Le Rapporteur général n’est pas censé avoir passé en revue tous les amendements avec le Gouvernement, que je sache. La commission des finances a le pouvoir d’élargir le périmètre de l’acompte sans avoir à se ranger à l’avis du Gouvernement.

Ces amendements me semblent aller dans le bon sens, d’autant qu’il a été mis fin aux aides au maintien de l’agriculture biologique.

Mme Marie-Christine Dalloz. À l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique est devenue une urgence, il me paraîtrait bon d’adresser ce signe à la filière bio. De manière générale, notre agriculture, bio ou non, souffre. Tout le monde sait à quelles difficultés elle est confrontée après la sécheresse de cet été caniculaire. Faisons un geste.

Mme Amélie de Montchalin. J’aimerais apporter quelques précisions. Ces amendements appellent un avis non pas seulement d’opportunité, mais de responsabilité. Les systèmes informatiques sont-ils prêts ? Peut-on chiffrer le coût de la disposition ? Est-on capable de la mettre en œuvre ?

Le principe du Rapporteur général qui consiste à dire qu’il est difficilement envisageable d’élargir le champ de l’acompte me paraît recevable, à titre personnel. Je voterai dans le sens qu’il a indiqué, mais cela n’engage que moi. Chacun est bien sûr libre de son vote. Je considère qu’il nous appartient de juger si les amendements sont applicables ou non. Notre rôle est de rendre la loi applicable.

La commission adopte les amendements I-CF94, ICF117, I-CF156, ICF166, ICF192, I-CF449, I-CF493, I-CF1064 et I-CF1313 (amendement I1567).

Lamendement I-CF1196 de Mme Cendra Motin est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF68 de M. Jean-Pierre Vigier et I-CF685 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Patrick Hetzel. Avec le passage au prélèvement à la source, le Gouvernement « fait les poches » des contribuables, puisque ceux-ci devront consentir une avance de trésorerie à l’État. Il y a toutefois la question des crédits d’impôt à prendre en compte, et le Gouvernement a décidé de verser un acompte de 60 % en janvier. Ce taux nous paraît trop faible. Nous considérons que ce devrait être 100 % des crédits d’impôt qui devraient être versés à cette date mais, pour couper la poire en deux, nous proposons que ce soit 80 %.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous proposons, pour notre part, 70 % mais 80 % est un taux qui nous convient aussi !

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à tout élargissement du champ de l’acompte et, de la même manière, à toute augmentation du taux de l’acompte.

Soulignons que verser 60 % des crédits d’impôt constitue déjà une sacrée avance de trésorerie. Cela représente 5 milliards d’euros ! Je trouve cela très généreux, même si je conviens qu’en l’absence d’un tel versement, des contribuables pourraient se trouver en difficulté, notamment pour ce qui est des services à la personne.

M. Fabien Roussel. Vous parlez de générosité, monsieur le Rapporteur général, mais sachez que de nombreuses associations caritatives s’inquiètent de voir chuter les dons du fait du prélèvement à la source alors qu’une baisse a déjà été enregistrée après la suppression de l’ISF. Nous pensons nécessaire d’augmenter le taux pour soutenir le monde associatif qui vit de dons et de legs.

M. Julien Aubert. Je récuse ce qualificatif de « généreux », monsieur le Rapporteur général. La Bruyère écrivait dans Les Caractères : « Je rends au public ce quil ma prêté. » En l’occurrence, l’État rend une partie des impôts à ceux qui les ont déjà payés, sous forme de crédit d’impôt. Qu’on leur crédite ces sommes en janvier ou en novembre, elles restent un dû.

D’un point de vue politique, on sait que la réforme du prélèvement à la source est complexe. Elle peut entraîner des effets de bords, comme le dirait le Rapporteur général : certains contribuables risquent de beaucoup y perdre. En maximisant le taux de l’acompte versé en début d’année, nous minimisons l’ampleur du décrochage entre les revenus de décembre et ceux de janvier. Un versement plus important permettrait de constituer un petit matelas à même d’amortir le choc du passage au prélèvement à la source.

Pour toutes ces raisons, j’estime que l’amendement défendu par Patrick Hetzel va dans le bon sens.

La commission rejette successivement les amendements I-CF68 et I-CF685.

Puis elle est saisie des amendements identiques I-CF32 de Mme Émilie Bonnivard et I-CF195 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Émilie Bonnivard. Nous proposons de porter le taux de l’acompte à 90 % si le contribuable en fait expressément la demande.

L’objectif est de verser dès le mois de janvier une somme qui soit la plus proche possible de la réalité du crédit d’impôt pour l’année à venir et de réduire le décalage entre la dépense et la perception de la somme due. En ouvrant la possibilité aux contribuables de solliciter l’administration, nous souhaitons encourager une meilleure appropriation du nouveau dispositif.

Nous voulons améliorer la cohérence entre le prélèvement à la source au bénéfice de l’État et la réduction fiscale au bénéfice du contribuable.

Mme Marie-Christine Dalloz. À l’origine, le PLF pour 2019 prévoyait 30 %, et c’est le taux de 60 % qui a finalement été retenu. Qui peut le plus peut le moins : portons-le à 90 %.

Certains trouveront cette proposition excessive. Mme de Montchalin ne manquera pas de souligner le poids que cela représenterait pour la trésorerie de l’État. Je rappelle simplement qu’il s’agit de rembourser des sommes dues et que le prélèvement à la source générera chaque mois pour les finances publiques une trésorerie beaucoup plus importante que dans le passé, d’autant que l’augmentation naturelle des revenus jouera.

L’année 2018 a été catastrophique pour les fondations et les associations qui vivent des dons. Il faut leur donner un signe fort dès le début de l’année 2019.

M. le Rapporteur général. Le même principe s’applique : avis défavorable. Certains d’entre vous ont souligné le risque qu’il y avait à devoir reverser des sommes importantes : plus on augmente le taux, plus ce risque augmente.

Mme Amélie de Montchalin. Un second acompte sera versé en juillet. Le but de l’acompte de 60 % est de couvrir la période située entre janvier et juillet. Augmenter le taux jusqu’à 90 % reviendrait à couvrir plus de la moitié de l’année.

La commission rejette les amendements I-CF32 et I-CF195.

Elle en vient à lamendement I-CF33 de Mme Émilie Bonivard.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement vise à rendre plus exact le calcul de l’acompte afin d’éviter aux contribuables de rembourser des sommes perçues indûment. S’ils en font la demande, ils pourraient, justificatifs à l’appui, déterminer le montant de l’acompte de 60 % en fonction des dépenses engagées l’année N – 1 et non pas l’année N – 2.

Prenons un exemple. Si un contribuable a eu recours à un salarié à domicile l’année N – 2 et qu’il n’en a plus employé l’année N – 1, la règle telle qu’elle est prévue le conduirait à percevoir en janvier un acompte sur des dépenses fiscales qu’il n’a pas engagées l’année N – 1, ce qui l’obligerait à régulariser sa situation au mois d’août de l’année en cours, en remboursant l’acompte de janvier.

M. le Rapporteur général. C’est techniquement impossible. Pour prendre l’année N – 1 comme année de référence, il faut attendre que les dépenses ouvrant droit à un avantage fiscal aient été engagées et déclarées. Or nous ne pouvons pas disposer de ces chiffres à temps.

La commission rejette lamendement I-CF33.

Puis elle est saisie de lamendement I-CF36 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement tend à ajouter, à la liste des réductions et crédits d’impôt pouvant faire l’objet d’un acompte, la réduction d’impôt sur les prestations compensatoires en cas de divorce ainsi que celle accordée au titre des frais de scolarité.

M. le Rapporteur général. Je suis, je l’ai dit, défavorable à toute extension du champ de l’acompte.

La commission rejette lamendement I-CF36.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette lamendement I-CF196 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Puis elle se saisit des amendements identiques I-CF34 de Mme Émilie Bonnivard et I-CF197 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Émilie Bonnivard. Le présent article comporte une disposition remplaçant le montant de 100 euros par le montant prévu à l’article 1965 L, soit 8 euros.

Cela signifie qu’un acompte de 8 euros peut être versé au contribuable pour la période allant de janvier à juillet, avant qu’une régularisation ait lieu au mois d’août de l’année d’imposition. Cela représente donc une avance d’environ 1 euro par mois pour le contribuable...

Je propose que nous nous interrogions sur le rapport coût-bénéfice en matière de charge administrative, donc de dépenses publiques, pour un remboursement équivalant à un euro par mois : est-ce bien raisonnable ?

Mme Marie-Christine Dalloz. À l’origine, le PLF prévoyait que l’acompte n’était pas versé lorsqu’il était inférieur à 100 euros, ce qui paraissait cohérent, car les montants concernés sont souvent importants, qu’il s’agisse de garde d’enfant, de personnes âgées ou de dons à des œuvres. En revanche, abaisser la mesure jusqu’à 8 euros d’acompte et prétendre conforter ainsi le pouvoir d’achat relève du pur affichage.

M. le Rapporteur général. C’est un acompte, et le système prévu par le Gouvernement est plus favorable que celui que vous décrivez. Mieux vaut donc maintenir le premier ; avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. On peut s’interroger sur le coût d’un dispositif de cette nature ainsi que sur le coût d’un remboursement de 8 euros – et, plus généralement, sur celui de l’ensemble du dispositif, que je commence à percevoir comme une usine à gaz.

Nous y reviendrons en séance, mais qu’il me soit permis de rappeler un amendement dont nous avons discuté ce soir, et qui visait à prendre en compte dans l’acompte et le taux l’ensemble des éléments, y compris les réductions et les crédits d’impôt. Ce serait apporter une vraie réponse, sans décalage de trésorerie, au regard notamment des difficultés évoquées par nos collègues d’outre-mer, et ce pour un coût administratif bien moindre.

Mme Émilie Bonnivard. J’insiste sur le faible rapport coût-bénéfice de la gestion administrative d’un tel système. Au moment où, dans un but de simplification, nous nous apprêtons à supprimer des taxes à faible rendement, nous créons un dispositif de remboursement, donc des charges administratives supplémentaires, pour 1 euro par mois !

M. Marc Le Fur. J’imagine le coût administratif et humain du dispositif lorsque nous serons confrontés aux trop-perçus. Le remboursement de la réduction d’impôt due au titre du placement d’enfant en crèche, par exemple, ne s’apprécie par rapport à la situation de 2018, mais de 2017. Le remboursement interviendra en février, or l’enfant aura grandi, il ne sera plus à la crèche.

Il s’agit tout de même de sommes assez élevées, et nous serons devant des situations très compliquées, pour l’administration comme pour les familles, lorsque ces dernières se verront réclamer le trop-perçu ; je vous souhaite bien du plaisir !

M. le Rapporteur général. Je précise que le seuil de 8 euros n’est pas spécifique au dispositif de l’acompte, c’est le seuil prévu dans toutes les dispositions du CGI ; c’est le droit commun en matière de dégrèvements, de restitutions et de créances fiscales. Si vous le souhaitez, vous pouvez déposer un amendement modifiant le seuil pour l’ensemble des procédures, mais cela sera moins favorable et il n’y a pas de nécessité à créer un seuil particulier pour le seul acompte.

Mme Véronique Louwagie. J’entends vos arguments, monsieur le Rapporteur général, mais nous proposons cet amendement parce que, dans un premier temps, c’est le seuil de 100 euros qui avait été retenu par le Gouvernement. Votre argument ne tient pas, à moins que ce qu’avait préalablement retenu le Gouvernement ne pèche par manque de logique.

La commission rejette les amendements I-CF34 et I-CF197.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1195 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. Cet amendement vise à porter de 25 000 à 27 000 euros par part de quotient familial le seuil permettant aux foyers soumis à un taux nul d’impôt sur le revenu depuis au moins deux ans en raison du bénéfice de réductions et crédits d’impôt de se voir appliquer directement un taux nul lors du prélèvement à la source.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas opposé à cette idée, mais je crains qu’à une date aussi proche de la mise en œuvre du prélèvement à la source, nous ne rencontrions des difficultés. Je vous propose de retirer votre amendement afin de revoir la question avec le ministre en séance publique.

Lamendement est retiré I-CF1195.

La commission se saisit de lamendement I-CF37 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement traite du décalage d’une année du prélèvement à la source pour les salariés à domicile. Au-delà de la prévisible difficulté que rencontreront les particuliers employeurs, il s’agit d’alléger pour ces salariés les effets de la période transitoire, qui risque de ne pas être claire pour eux.

Ainsi, si le salarié à domicile a gagné davantage en 2019 qu’en 2018, il subira, en 2020, une régularisation – donc une somme supplémentaire à payer – venant s’ajouter au prélèvement à la source qu’il paiera à partir de 2020.

Le PLF 2019 indique que cette régularisation du solde restant à payer au titre des revenus de 2019 sera étalée sur une période allant de septembre 2020 à décembre 2021. Cela signifie, par exemple, que pour un solde restant à payer de 400 euros au titre des revenus de 2019, le salarié paiera 25 euros par mois pendant seize mois. Cette somme n’est pas négligeable pour un salarié modeste qui se retrouve engagé pendant quasiment un an et demi à procéder à ce versement.

Il y a donc lieu, pour faciliter le paiement du solde par le salarié subissant l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, de lui permettre d’étaler le paiement de ce solde sur vingt-quatre mois ou de lui permettre, s’il le souhaite, de payer en une ou deux fois le complément de l’acompte versé.

M. le Rapporteur général. Dans la mesure où les conditions dans lesquelles cet étalement est proposé dans le PLF ne sont pas pleinement conforme à l’évaluation préalable, je proposerai moi-même un amendement reprenant les termes de cette dernière, et qui sera également plus favorable. Pour autant, prolonger ce dispositif jusqu’en 2022 me semble un peu lointain.

M. Marc Le Fur. Comment cela va-t-il se passer pour les personnes qui travaillent au domicile des particuliers ? Comme il n’y aura pas de prélèvement à la source par l’employeur, comment paieront-elles l’impôt pour 2019 ? Il avait un temps été envisagé qu’elles ne l’acquitteraient pas au titre de cette année. Finalement, il serait question qu’elles le fassent, mais de façon étalée. Comment expliquer aux gens qu’ils devront payer sur une année l’équivalent de deux impôts ?

Mme Émilie Bonnivard. Mon amendement prévoit que le contribuable puisse payer en une ou deux fois le complément de l’acompte versé, ce qui offre une plus grande souplesse.

M. le Rapporteur général. Je rappelle que seules les personnes soumises à l’impôt sur le revenu seront concernées soit le quart seulement de l’ensemble des salariés employés par des particuliers. De plus, un dispositif leur permettra de ne payer que les quatre derniers mois de 2019, de septembre à décembre, après quoi le paiement du solde pourra être étalé de septembre 2020 à décembre 2021.

M. Marc Le Fur. Il restera donc à ces personnes huit mois d’imposition au titre de l’année 2019 à régler en 2020, avec un reliquat en 2021. Prenez la situation d’une personne partant à la retraite dont les revenus baissent, et qui doit acquitter deux ans d’impôt en un peu plus d’un an : comment expliquerez-vous cela aux gens ?

La commission rejette lamendement I-CF37.

Elle en vient à lamendement I-CF1436 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Le solde de l’impôt dû au titre de 2019 sera recouvré selon les modalités de droit commun, mais le Gouvernement a prévu de permettre un étalement du paiement du solde, entre septembre 2020 et décembre 2021, lorsque celui-ci est supérieur à 300 euros et à la moitié du montant de l’impôt dû.

L’évaluation préalable indique que lorsque ces deux conditions ne sont pas réunies, « le contribuable aura toujours la possibilité » de demander à bénéficier de cet étalement exceptionnel.

Or, le texte, en l’état, ne le prévoit pas. Le présent amendement compète donc le dispositif sur ce point.

M. Marc Le Fur. Cette mesure porte-t-elle sur les revenus de l’année 2019, même si le paiement intervient en 2020 ou 2021, ou sur les revenus de ces deux années ?

En outre, les intéressés peuvent avoir d’autres revenus que ceux dont nous parlons... Tout cela sera très compliqué.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le Rapporteur général, j’imagine que la mesure porte sur les revenus de l’année 2019.

M. le Rapporteur général. C’est bien cela : rien ne change ; ce qui évolue, c’est la façon dont l’impôt est acquitté. Le taux est calculé comme à l’accoutumée, ensuite il y a un étalement.

M. le président Éric Woerth. Un taux a été retenu pour l’année 2020, ensuite une somme est arrêtée pour cette même année, calculée sur la base de l’année précédente.

La commission adopte lamendement I-CF1436 (amendement I-1568).

Elle est ensuite saisie des amendements identiques I-CF262 de M. Jean-Pierre Vigier, I-CF404 de M. Nicolas Forissier, I-CF537 de Mme Véronique Louwagie, I-CF565 de M. Marc Le Fur et I-CF948 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Patrick Hetzel. Notre amendement vise à appliquer à la mise en œuvre du prélèvement à la source le principe du droit à l’erreur, promu notamment en matière fiscale par la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite « ESSOC ».

Il est ainsi proposé qu’à compter du 1er janvier 2019, et pour l’année suivante, les chefs d’entreprise qui emploient moins de vingt-et-un salariés ne soient pas redevables des pénalités prévues, en cas d’erreur commise de bonne foi.

On voit bien que les chefs d’entreprise sont confrontés à une usine à gaz. Ils ne doivent donc pas être pénalisés par surcroît alors qu’ils auront, de bonne foi, commis une erreur.

M. Marc Le Fur. Notre collègue Hetzel a parfaitement résumé la situation : les patrons de PME n’ont rien demandé et, du jour au lendemain, ils vont devenir collecteurs d’impôt. Ils seront confrontés à des difficultés considérables ; c’est pourquoi nous souhaitons qu’ils ne soient pas pénalisés lorsque, de bonne foi, ils commettront des erreurs dans cet exercice.

M. le président Éric Woerth. Collecteurs d’impôt, mais non rémunérés pour cette tâche...

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est la troisième année consécutive que nous disons que ce prélèvement à la source, qui constitue un soi-disant outil de simplification, est d’une complexité extraordinaire. Nos entreprises, dont ce n’est pas la vocation, seront demain collectrices d’impôt de façon totalement bénévole, ce qui doit être souligné.

Nous considérons qu’une entreprise de moins de vingt‑et‑un salariés, qui ne dispose pas nécessairement d’un service des ressources humaines, devrait bénéficier d’une sorte de droit à l’erreur au cours des deux premières années d’entrée dans le dispositif.

M. le Rapporteur général. Par confession, je ne suis pas favorable aux indulgences... Mais j’en ai déjà beaucoup concédé pour la loi de finances rectificative pour 2017, qui prévoyait des sanctions exorbitantes du droit commun, que des amendements ont fait supprimer.

Par ailleurs, les vœux de Mme Dalloz sont déjà exaucés par la loi « ESSOC », qui a établi le principe de la bonne foi ; le Gouvernement a d’ailleurs fait observer qu’il sera appliqué dans le cadre du prélèvement à la source.

L’ensemble de ces dispositions répond donc aux attentes de ces amendements, c’est pourquoi mon avis est défavorable.

M. Jean-Paul Mattei. Il faut cesser de prétendre que ce texte est défavorable aux entreprises. Entrepreneur moi-même, je suis bien placé pour savoir que le prélèvement à la source ne pose aucun problème ; le taux est fixé par l’administration, et les entreprises paient déjà beaucoup de choses. Il ne s’agit ne s’agit que d’une petite obligation supplémentaire, qui est très légère.

M. Patrick Hetzel. Notre collègue Mattei devrait rencontrer nos chefs d’entreprise, car les choses sont plus compliquées qu’il ne le dit.

Si nous voulons donner des garanties aux chefs d’entreprise, quoi que le Rapporteur général ait pu dire, il serait préférable de les inscrire dans le CGI.

M. Stanislas Guerini. Le droit à l’erreur que nous avons institué est supplétif, ce qui signifie qu’il s’applique partout où des dispositions particulières n’ont pas été prises. En l’espèce, le droit à l’erreur s’appliquera au prélèvement à la source.

La commission rejette les amendements I-CF262, I-CF404, I-CF537, I-CF565 et ICF948.

Elle est ensuite saisie de lamendement I-CF1198 de Mme Cendra Motin.

Mme Cendra Motin. Il s’agit de demander à quelqu’un qui recourt aux services d’un prestataire de vérifier que celui-ci acquitte bien le prélèvement à la source pour ses salariés comme il le fait pour les charges sociales.

M. le Rapporteur général. Je m’interroge sur le lien de cette disposition avec la loi de finances... Par ailleurs, je ne saisis pas bien comment ce dispositif peut fonctionner. Il me semble préférable de retirer l’amendement afin d’en préciser la rédaction et de le représenter en séance.

Lamendement I-CF1198 est retiré.

La commission examine lamendement I-CF1295 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Les nombreuses réflexions que j’entends depuis que nous évoquons le prélèvement à la source achèvent de me persuader de la pertinence de l’amendement que je présente.

La mise en place au 1er janvier 2019 du prélèvement à la source va profondément transformer les habitudes des contribuables. Cette réforme, particulièrement complexe, suscite craintes et incompréhensions, comme le manque d’information et les difficultés à propos du choix du taux applicable. Pour prévenir toute difficulté, il y a lieu de mettre en œuvre un accompagnement renforcé.

Le présent amendement propose la mise en place d’une expérimentation limitée aux territoires des départements de l’Allier et de la Meuse pour une durée de trois ans. Elle porte sur la définition des conditions d’accueil du public susceptible de s’adresser aux maisons de services au public (MSAP) dans le cadre de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et propose qu’une convention soit conclue entre ces MSAP et l’administration fiscale.

Car on entend beaucoup parler des suppressions de postes au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP), quelques-uns d’entre eux pourraient être relocalisés dans ces MSAP, et rendre ainsi de nombreux services aux citoyens.

M. le Rapporteur général. J’ai déjà eu l’occasion d’en appeler à la sagesse de la commission au sujet d’un amendement présenté par le groupe Les Républicains portant sur l’information relative au prélèvement à la source, et qui a été adopté.

Sur celui-ci, qui propose une expérimentation pour que les MSAP accompagnent les contribuables, ce que je considérerais d’ailleurs comme naturel de la part de toutes ces maisons, je m’en remets à la sagesse de la commission, et je me réserve par ailleurs le droit de le sous-amender en séance afin qu’il soit moins géographiquement ciblé, car il me semble que le rôle des MSAP doit être renforcé dans des départements ruraux où la population est très disséminée.

La commission adopte lamendement I-CF1295 (amendement I-1569).

Puis elle adopte larticle 3 modifié.

*

*     *

Après l’article 3

La commission est saisie de lamendement I-CF201 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends les arguments de notre collègue Mattei en fin de discussion de l’article 3, mais l’audit réalisé par l’IGF sur les conditions de mise en œuvre du prélèvement à la source confirme les conclusions de l’étude commandée par la délégation du Sénat pour les entreprises. La mise en œuvre de la réforme représentera un poids supplémentaire pour les entreprises, et notamment sur les TPE-PME dont la fonction « paie » n’est pas toujours aussi externalisée ou industrialisée.

La question que posent ces mesures est celle de la notion de confidentialité, puisque l’administration va communiquer un taux, ainsi que de la complexité et la lourdeur administrative.

L’objet du prélèvement à la source est la notion du prélèvement de l’impôt contemporain. Cet amendement, qui en reprend toutes les dispositions, propose que le contribuable adresse à l’administration fiscale un relevé d’identité bancaire (RIB), le taux ayant été fixé, qui effectue alors un prélèvement mensuel sur le compte du contribuable.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est identique au I-CF1174 de M. Coquerel que la commission a rejeté.

Il propose le « scénario dégradé », initialement étudié par le Gouvernement et la DGFiP, qui a finalement été écarté. Pour ces raisons, l’avis est défavorable.

M. Julien Aubert. Cet amendement pose deux très bonnes questions.

La première est celle de la limite entre le public et le privé : à qui appartient la fonction régalienne du prélèvement de l’impôt ? Pour ma part, je considère que c’est à l’État qu’il revient de le faire, singulièrement dans une société où les radars de contrôle de la vitesse sont désormais gérés par des entreprises privées. Il convient donc de s’interroger sur les missions qui reviennent à l’État ou non.

La seconde porte sur la contradiction qu’il y aurait à déléguer la perception de l’impôt à des entreprises privées pour devoir ensuite dépêcher des fonctionnaires de l’administration fiscale afin d’expliquer comment fonctionne l’usine à gaz. Autant conserver cette fonction à l’État, cela fera gagner le temps risquant d’être perdu à cause des dysfonctionnements.

M. le président Éric Woerth. Il me semble que c’est la quatrième fois que cet amendement est déposé depuis 2016, et je le trouve toujours aussi parfait...

La commission rejette lamendement I-CF201.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1 rectifié de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. À l’occasion de la présentation de cet amendement, je voudrais reposer la question de la fameuse année dite « blanche », qui ne l’est pas pleinement, car nous devrions payer des impôts sur les revenus dits « exceptionnels », « surérogatoires », etc.

Or nous sommes dans la plus grande incertitude, ce qui concerne beaucoup de gens ; les primes qu’un patron de PME alloue à ses collaborateurs sont-elles exceptionnelles et doivent-elles donner lieu à prélèvement de l’impôt, où bénéficieront-elles de l’année « blanche » ?

Tout cela, qui est fort peu clair, vaut pour l’ensemble des PME, mais aussi pour nous, mes chers collègues, en tant qu’employeurs. J’ai été confronté à cette question, car si nos salariés sont rémunérés par l’Assemblée nationale, c’est nous qui pouvons leur attribuer des primes. Je me suis donc posé la question de savoir quelle était la nature fiscale de ces primes : revenus « exceptionnels » ou non ? La loi ayant prévu un rescrit, qui a d’ailleurs pour origine un amendement que j’avais défendu, j’ai sollicité l’administration fiscale.

La réponse que j’ai donc communiquée à mes collègues est tout sauf claire. Alors que nous sommes en octobre, nous ignorons comment seront traitées ces primes au titre des revenus de cette année : seront-elles assimilées à des revenus exceptionnels ou non ? Cela sera fonction de multiples choses, dont les précédents, etc.

L’administration répond en fait qu’il n’y a pas de règle et que les situations seront examinées au cas par cas. Cela pose une difficulté à l’ensemble des entreprises, qui ne savent pas si les primes allouées au titre de l’année en cours seront ou non imposées.

J’aimerais donc obtenir des réponses plus claires que celles que j’ai obtenues jusqu’à présent.

M. le Rapporteur général. Le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) du 4 juillet 2018 précise le sens des dispositions relatives aux revenus exceptionnels. L’administration fiscale se fonde sur la méthode dite du faisceau d’indices, afin d’éviter les effets d’aubaine. Je vous invite à vous y référer.

M. Marc Le Fur. Ce BOFiP doit faire plusieurs pages et est probablement illisible pour la plupart des employeurs. De surcroît, il est stipulé que chaque cas sera traité individuellement. Que va-t-il donc se passer pour les employeurs qui n’auront pas déclaré ces revenus en tant que revenus exceptionnels susceptibles d’être soumis à l’impôt, lorsque chaque particulier fera sa déclaration en mai prochain ?

M. le Rapporteur général. C’est le contribuable qui déclare ses revenus, pas l’employeur.

Mme Cendra Motin. Le Rapporteur général a raison. Quant à la réponse qu’attend M. Le Fur, je crois que je la lui avais donnée en juillet lors de la présentation du rapport d’information sur l’application des mesures fiscales.

La commission rejette lamendement I-CF1.

*

*     *

Article 4
Plafonnement de la réduction dimpôt sur le revenu
dans les départements doutre-mer (DOM)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article abaisse les plafonds de la réduction d’impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables domiciliés dans les départements d’outre-mer de 5 100 à 2 450 euros en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion et de 6 700 à 4 050 euros en Guyane et à Mayotte.

Dernières modifications législatives intervenues

Introduits par une loi du 21 décembre 1960 (1), les taux de la réduction d’impôt, qui s’élèvent respectivement à 30 % et 40 %, n’ont jamais évolué depuis.

La loi de finances pour 1980 (2) a limité le montant de l’avantage fiscal en instaurant deux plafonds applicables en Guadeloupe, Martinique et à La réunion, d’une part, et en Guyane, d’autre part.

Une ordonnance du 19 septembre 2013 (3) a étendu le bénéfice de la réduction d’impôt, telle que plafonnée en Guyane, à Mayotte, devenu un département en mars 2011.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

(1) Loi n° 60-1368 du 21 décembre 1960 fixant les conditions d’application dans les DOM des dispositions de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 instituant un impôt annuel unique sur les revenus des personnes physiques, article 3.

(2) Loi n° 80-30 du 18 janvier 1980 de finances pour 1980, article 79.

(3) Ordonnance n° 2013-837 du 19 septembre 2013 relative à l’adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d’autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte, article 3.

I.   L’État du droit

A.   Le dispositif en vigueur : un avantage fiscal pour les contribuables domiciliés outre-mer

1.   Un avantage fiscal au titre du développement économique

La réduction d’impôt en faveur des contribuables domiciliés dans certains territoires ultra-marins compte parmi les dispositifs visant à « aider certains espaces géographiques » ([49]).

En application du 3 du I de l’article 197 du CGI, les contribuables dont la résidence fiscale se situe en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, d’une part, et en Guyane et à Mayotte ([50]), d’autre part, bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu s’élevant respectivement à 30 %, dans le premier cas et à 40 % dans le second. Ces taux, introduits dans la loi du 21 décembre 1960 ([51]), n’ont fait l’objet d’aucune modification depuis près de soixante ans.

Le montant de l’avantage fiscal est plafonné à 5 100 euros pour les contribuables en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion et à 6 700 euros pour les contribuables domiciliés en Guyane et à Mayotte.

La réduction d’impôt, qui s’applique après prise en compte des effets du plafonnement du quotient familial mais avant l’application de la décote, n’entre pas dans le calcul du plafonnement global des avantages fiscaux prévu à l’article 200-0 A du CGI.

Le bénéfice de l’avantage fiscal est conditionné au fait que le contribuable ait, au 31 décembre de l’année d’imposition, sa résidence fiscale dans l’un des territoires ultra-marins concernés. En cas de changement au cours d’une année d’imposition, la condition de domiciliation s’apprécie, dans un sens favorable à l’outre-mer. En effet, lorsque le contribuable quitte l’outre-mer pour s’installer en métropole, la réduction d’impôt est appliquée au titre des revenus réalisés ou perçus pendant la période de domiciliation ultra-marine. Dans le cas inverse, lorsque le contribuable transfère son domicile vers un territoire ultra-marin, l’ensemble de ses revenus de l’année bénéficie de la réfaction du taux d’imposition.

Le dispositif en vigueur est le fruit des différents aménagements qui lui ont été apportés, s’agissant notamment de l’ampleur et du champ de l’avantage consenti, sans jamais en remettre en cause l’existence.

La loi de finances pour 1980 ([52]) a ainsi introduit un plafonnement applicable au montant de la réduction d’impôt. Fixé, à l’époque, à 18 000 francs pour la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion et à 24 000 francs pour la Guyane, le plafond a évolué chaque année comme la limite supérieure de la dixième tranche de l’impôt sur le revenu jusqu’à ce que la loi de finances rectificative pour 1991 ([53]) mette fin à cette indexation.

Les plafonds applicables à cette date, 33 310 francs (soit 5 100 euros) dans le premier cas et 44 070 francs (soit 6 700 euros) dans le second n’ont, depuis, jamais été modifiés.

La loi de finances pour 1994 ([54]) a aménagé le dispositif en prévoyant que la réduction d’impôt est calculée après le plafonnement des effets du quotient familial, mais avant l’application de la décote. Elle a également recentré le dispositif sur les contribuables dont la résidence fiscale se situe dans un des territoires précédemment cités, mettant ainsi fin à l’avantage octroyé pour les revenus de source ultra-marine des contribuables qui n’y étaient pas domiciliés.

L’avantage fiscal qui résulte de l’application du 3 du I de l’article 197 du CGI s’analyse comme une mesure « classique » tenant compte des réalités économiques et sociales des territoires ultra-marins, lesquels demeurent plus fortement exposés au chômage et au creusement des inégalités. Le coût de la vie, structurellement plus élevé outre-mer, a des conséquences sur le pouvoir d’achat des ménages. C’est à ce titre que la réfaction d’impôt sur le revenu a été introduite.

Elle constitue également un moyen de renforcer l’attractivité des territoires ultra-marins en ce qu’elle peut constituer une incitation à la domiciliation fiscale de « cadres et techniciens nécessaires à leur développement » ([55]).

2.   Une dépense fiscale connaissant une progression relativement linéaire

Selon l’évaluation préalable du présent article, les collectivités ultra-marines de l’article 73 de la Constitution comptent 1,155 million de foyers fiscaux. Seuls les foyers fiscaux imposables sont, par définition, concernés par la réduction d’impôt.

En 2016, la réduction d’impôt a bénéficié à 471 461 ménages, pour un coût total de 404,7 millions d’euros.

évolution du nombre de foyers fiscaux domiciliés outre-mer
et de la part des foyers fIscaux imposés entre 2008 et 2017

Domiciliation fiscale

Foyers fiscaux

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

(provi-soire)

Guadeloupe

Nombre

230 386

230 325

238 428

236 980

240 432

243 144

247 042

246 312

246 384

239 319

% imposés

23,2

25,0

25,5

27,0

28,0

27,1

23,7

22,3

22,8

23,0

Martinique

Nombre

233 288

231 461

237 013

233 210

235 489

238 214

237 558

238 145

235 731

225 155

% imposés

25,6

27,0

27,4

29,2

30,3

29,6

26,2

25,0

25,9

26,7

La Réunion

Nombre

429 514

435 180

449 071

448 755

458 078

468 201

478 291

486 008

491 942

485 254

% imposés

21,7

22,9

23,1

24,5

25,3

24,3

21,4

20,2

20,9

21,3

Guyane

Nombre

89 831

90 606

93 849

92 844

96 583

99 194

101 280

104 150

105 095

99 616

% imposés

24,4

25,8

25,9

27,4

27,5

27,3

23,8

22,2

22,8

23,7

Mayotte

Nombre

nc

nc

nc

69 680

69 564

68 840

67 879

59 478

% imposés

nc

nc

nc

5,8

8,9

9,4

11,1

13,4

Ensemble

Nombre

983 019

987 572

1 018 361

1 011 789

1 030 582

1 118 433

1 133 735

1 143 455

1 147 031

1 108 822

% imposés

23,2

24,6

24,9

26,4

27,3

25,1

22,4

21,2

21,9

22,6

Source : direction de la législation fiscale, états statistiques 1507M de l’imposition sur rôle des revenus de 2008 à 2016 en sixième émission, et 2017 en troisième émission (situation provisoire), hors impositions correctives.

L’évolution du nombre de bénéficiaires et donc de la dépense fiscale a connu une augmentation notable au moment où l’application du dispositif a été étendu à Mayotte.

Évolution de la dépense fiscale au titre de la réduction d’impôt en faveur des contribuables domiciliés outre-mer entre 2000 et 2009

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, sur la base des données disponibles dans les Évaluations des voies et moyens.

Le graphique ci-dessus illustre la progression de la dépense fiscale entre 2000 et 2008. Selon le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 ([56]) : sur la période 2000-2009 ; le taux de croissance annuelle moyen de la dépense fiscale s’élève à 4,4 % et croît, sur la période, de manière linéaire de 10,5 millions d’euros par an en moyenne.

Évolution de la dépense fiscale au titre de la réduction d’impôt en faveur des contribuables domiciliés outre-mer entre 2010 et 2017

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de bénéficiaires

476 000

492 900

495 000

515 000

548 685

456 887

471 761

449 304

Dépense fiscale

(en millions deuros)

290

295

290

325

372

384

405

402

Source : Évaluations des voies et moyens.

Sur la période 2010-2017, la dépense fiscale croît à un rythme légèrement supérieur (en moyenne près de 5 %) et, de manière linéaire, de 19 millions d’euros en moyenne. Les comparaisons entre les deux séries de données doivent toutefois être opérées avec prudence, compte tenu de l’extension du champ du dispositif associé à la départementalisation de Mayotte, dont les effets sont perceptibles à compter de 2014 ([57]).

Évolution du nombre de bénéficiaires et du coût de la réduction d’impôt sur le revenu au titre de la domiciliation outre-mer (2006-2016)

Source : commission des finances, sur la base des données disponibles dans les Évaluations des voies et moyens.

Sur les dix dernières années, 440 000 foyers fiscaux en moyenne ont bénéficié du dispositif. Le coût moyen de la dépense fiscale sur la période 2006-2017 s’élève à 315 millions d’euros.

B.   Un dispositif qui bénéficie principalement aux contribuables les plus aisés

1.   Un avantage fiscal dont le bénéfice est concentré

L’évaluation du dispositif met en exergue une forte concentration de l’avantage fiscal, au profit des ménages aux revenus les plus élevés. Le comité des dépenses fiscales et des niches sociales, dans son rapport de juin 2011 précité, indique ainsi que, pour l’imposition des revenus de 2008, 68 % de l’avantage fiscal revient aux 10 % des foyers fiscaux dont les revenus sont les plus élevés.

Selon l’IGF ([58]), 86 % de l’avantage fiscal bénéficie à des contribuables situés dans les deux derniers déciles de RFR des départements d’outre-mer.

répartition par déciles de rfr de l’ensemble des foyers fiscaux domiciliés dans les départements et régions d’outre-mer

(données de 2015)

Borne inférieure de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR

(en euros)

Nombre de bénéficiaires fiscalement domiciliés dans les DOM

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires effectifs dun allégement dimpôt

Allégement dimpôt résultant de labattement

(en millions deuros)

0

0

115 145

­

­

0

0

115 145

­

­

0

2 401

115 145

­

­

2 401

6 309

115 145

­

­

6 309

10 359

115 145

­

­

10 359

14 687

115 145

245

ε

14 687

19 775

115 145

58 338

24,9

19 775

27 315

115 145

66 259

43,1

27 315

41 954

115 145

88 238

85,2

41 954

­

115 145

104 502

251,5

TOTAL

1 151 448

317 582

404,7

Source : direction de la législation fiscale.

Le tableau ci-dessus illustre la concentration de l’avantage fiscal : au titre des revenus de l’année 2015, 83 % du montant de l’allégement d’impôt bénéficient aux foyers fiscaux des neuvième et dixième déciles et 60 % (soit 251,5 millions d’euros) aux seuls foyers fiscaux appartenant au dixième décile.

Constatant l’éloignement, voire la contradiction, entre les objectifs du dispositif et ses effets, le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales avait jugé la dépense fiscale « inefficace et inefficiente » (cotation « 0 »). À titre d’illustration, l’IGF estime que l’impact du dispositif « sur lattractivité des DOM nest pas avéré ».

Complétant ce constat, il est indiqué, dans l’évaluation préalable du présent article, qu’au titre des revenus de l’année 2016, le plafonnement « ne concerne quune part infime des contribuables bénéficiaires » : seuls 2,1 % des contribuables bénéficiaires du dispositif en 2017 atteignaient les plafonds du 3 du I de l’article 197 du CGI.

Relativement élevés, ces plafonds limitent donc de facto la progressivité de l’impôt, élément d’autant plus regrettable que les inégalités de revenus sont, structurellement plus marquées dans les territoires ultra-marins qu’en métropole.

2.   Une mesure annoncée dans le Livre bleu des outre-mer

Régulièrement dénoncé ([59]) et récemment encore dans le Livre bleu des outre-mer publié en juillet 2018, le caractère inégalitaire du dispositif plaide pour que des aménagements y soient apportés.

Annoncée en juillet 2018, la réduction des plafonds de la réduction d’impôt, à laquelle procède le présent article, devrait permettre de recentrer la dépense fiscale sur les foyers les moins aisés et participer ainsi d’une plus grande équité du dispositif entre les contribuables domiciliés outre-mer.

Les économies ainsi réalisées devraient être mobilisées pour abonder le fonds exceptionnel d’investissement (FEI), visant notamment à promouvoir la convergence et la transformation des outre-mer.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Un abaissement des plafonds de la réduction d’impôt sur le revenu

Le présent article prévoit (A du I) d’abaisser de 2 650 euros les plafonds de la réduction d’impôt sur le revenu dont bénéficient, en application du 3 de l’article 197 du CGI, les contribuables domiciliés dans les départements d’outre-mer.

Il est ainsi proposé de fixer la limite de la réduction d’impôt à :

– 2 450 euros pour les contribuables domiciliés en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, soit une réduction de 52 % ;

– 4 050 euros pour les contribuables domiciliés en Guyane et à Mayotte ; soit une réduction de près de 40 %.

Ces plafonds s’appliqueront à compter de l’imposition des revenus de l’année 2018.

Premier revenu imposable À partir duquel le plafonnement est applicable

(Dispositif proposé)

(en euros)

Revenu

Guadeloupe, Martinique, La Réunion

Plafond de 2 450 euros

Guyane, Mayotte

Plafond de 4 050 euros

Premier revenu déclaré imposable

51 728

59 980

Soit revenu mensuel

4 311

4 915

Source : évaluation préalable.

Seuils de revenus annuels déclarés à partir desquels un ménage sera concerné par l’abaissement du plafond de l’avantage fiscal

(en euros)

Composition du ménage

Guadeloupe, Martinique,
La Réunion

Guyane, Mayotte

Célibataire

> 51 700

> 59 000

Couple

> 73 200

> 80 400

Couple avec un enfant

> 78 900

> 86 200

Couple avec deux enfants

> 84 700

> 91 900

Couple avec trois enfants

> 96 200

> 103 400

Couple avec quatre enfants

> 107 700

> 114 900

Source : ministère des outre-mer.

montant d’impôt supplémentaire acquitté par les contribuables concernés par l’abaissement des plafonds en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion en fonction des seuils de revenus annuels déclarés

(en euros)

Composition du ménage

= 0 €

Entre 0 et 1 500 €

Entre 1500 et 2650 €

= 2650

Célibataire

< 51 700

Entre 51 700 et 70 000 

Entre 70 000 et 84 000 

> 85 000

Couple

< 73 200 

Entre 73 200 et 90 000 

Entre 90 000 et 105 000 

> 105 000

Couple avec un enfant

< 78 900 

Entre 78 900 et 95 000 

Entre 95 000 et 110 000 

> 110 000

Couple avec deux enfants

< 84 700 

Entre 84 700 et 108 000 

Entre 108 000 et 117 000

> 117 000

Couple avec trois enfants

< 96 200 

Entre 96 200 et 113 000 

Entre 113 000 et 130 000

> 130 000

Couple avec quatre enfants

< 107 700 

Entre 107 700 et 124 500 

Entre 124 500 et 140 000

> 140 000

Source : ministère des outre-mer.

montant d’impôt supplémentaire acquitté par les contribuables concernés par l’abaissement des plafonds en Guyane et à Mayotte en fonction des seuils de revenus annuels déclarés

(en euros)

Composition du ménage

= 0 

Entre 0 et 1 500 

Entre 1500 et 2650 

= 2650 

Célibataire

< 59 000

Entre 59 000 et 72 000 

Entre 72 000 et 82 500 

> 82 500

Couple

< 80 400

Entre 80 400 et 93 500 

Entre 93 500 et 105 000

> 105 000

Couple avec un enfant

< 86 200

Entre 86 200 et 99 000 

Entre 99 000 et 110 000

> 110 000

Couple avec deux enfants

< 91 900

Entre 91 900 et 105 000

Entre 105 000 et 116 000

> 116 000

Couple avec trois enfants

< 103 400

Entre 103 400 et 116 000

Entre 116 000 et 128 000

> 128 000

Couple avec quatre enfants

< 114 900

Entre 114 900 et 127 000

Entre 127 000 et 138 000

> 138 000

Source : ministère des outre-mer.

B.   un ajustement des grilles du taux par défaut du prélèvement à la source applicables outre-mer

Les grilles de taux par défaut applicables dans le cadre du prélèvement à la source ont été élaborées à partir du barème progressif de l’impôt sur le revenu pour une part de quotient familial, en intégrant les effets de la décote et de la réduction d’impôt prévue au b du 4 du I de l’article 197 du CGI ([60]). Afin de tenir compte des avantages octroyés aux contribuables domiciliés outre-mer, des grilles spécifiques ont été établies : elles intègrent les effets des réductions de 30 % et de 40 %.

Pour tenir compte des modifications apportées aux plafonds par le A du I du présent article, ce dernier prévoit (B du I) d’ajuster les grilles de taux par défaut applicables dans le cadre du prélèvement à la source, dans sa rédaction résultant de l’article 2 du présent PLF.

Ces modifications s’appliqueront aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2019.

Grilles du taux par défaut applicables
aux contribuables domiciliés outre-mer

Dispositif proposé

Base mensuelle de prélèvement (en euros)

Contribuables domiciliés
en Guadeloupe, à La Réunion
et en Martinique

Contribuables domiciliés en Guyane
et à Mayotte

Taux proportionnel

Tranches de revenus non affectées par l’abaissement du plafond de la réfaction d’impôt

Tranches de revenus non affectées par l’abaissement du plafond de la réfaction d’impôt

0 % à 9 %

Supérieure ou égale à 3 696 € et inférieure à 4 365 €

Supérieure ou égale à 4 495 € et inférieure ou égale à 5 210 €

10,5 %

Supérieure ou égale à 4 365 € et inférieure à 4 910 €

Supérieure ou égale à 5 210 € et inférieure à 5 860 €

12 %

Supérieure ou égale à 4 910 € et inférieure à 5 730 €

Supérieure ou égale à 5 860 € et inférieure à 6 830 €

14 %

Supérieure ou égale à 5 730 € et inférieure à 6 855 €

Supérieure ou égale à 6 830 € et inférieure à 7 520 €

16 %

Supérieure ou égale à 6 855 € et inférieure à 7 620 €

Supérieure ou égale à 7 520 € et inférieure à 8 360 €

18 %

Supérieure ou égale à 7 620 € et inférieure à 9 070 €

Supérieure ou égale à 8 360 € et inférieure à 10 050 €

20 %

Supérieure ou égale à 9 070 € et inférieure à 11 945 €

Supérieure ou égale à 10 050 € et inférieure à 12 830 €

24 %

Supérieure ou égale à 11 945 € et inférieure à 16 230 €

Supérieure ou égale à 12 830 € et inférieure à 17 150 €

28 %

Supérieure ou égale à 16 230 € et inférieure à 24 770 €

Supérieure ou égale à 17 150 € et inférieure à 26 180 €

33 %

Supérieure ou égale à 24 770 € et inférieure à 52 300 €

Supérieure ou égale à 26 180 € et inférieure à 55 260 €

38 %

Supérieure ou égale à 52 300 €

Supérieure ou égale à 55 260 €

43 %

Source : commission des finances, sur la base des données de l’évaluation préalable.

C.   L’impact BudgÉtaire et Économique

1.   Aucun impact pour 287 000 foyers fiscaux

Le présent article s’inscrit dans le cadre de la réduction des dépenses fiscales pas ou peu efficaces, engagée par le Gouvernement, qui se manifeste dans plusieurs autres articles du présent PLF ([61]).

Selon les éléments fournis dans l’évaluation préalable du présent article, l’abaissement des plafonds de la réfaction d’impôt sur le revenu devrait concerner environ 50 000 foyers fiscaux ; ce qui représente 4,34 % des foyers fiscaux domiciliés dans les collectivités concernées par le dispositif. Pour ces contribuables, la charge fiscale augmentera en moyenne de 1 534 euros.

Pour 287 000 foyers fiscaux imposables domiciliés outre-mer, le présent article n’aura « aucun impact » ([62]).

L’encadré ci-dessous reproduit les exemples donnés dans l’évaluation préalable pour illustrer les effets de l’abaissement des plafonds. Il est fait application du barème tel qu’il résulte de l’article 2 du présent PLF.

Exemple 1. Soit un contribuable célibataire sans enfant domicilié en Guadeloupe dont le salaire net imposable est de 20 000 euros.

Après imputation de la réduction d’impôt de 338 euros, de la décote et de la réduction d’impôt sous conditions de revenus, l’impôt dû s’élève à 145 euros.

La réforme ne change rien puisque le plafond de 2 450 euros n’est pas atteint.

Exemple 2. Soit un couple marié, sans enfant, domicilié à La Réunion et dont le salaire net imposable est de 100 000 euros.

En l’état du droit, le couple est redevable d’un impôt de 10 783 euros (15 404 euros avant la réfaction et une réduction d’impôt de 4 621 euros).

Avec l’abaissement du plafond à 2 450 euros, l’impôt dû s’élève à 12 594 euros : 15 404 – (30 % × 15 404 plafonné à 2 450).

La réforme augmente la charge fiscale du couple de 2 171 euros.

2.   Un gain budgétaire de l’ordre de 70 millions d’euros par an

Le gain de la mesure, pour le budget de l’État, est estimé à 70 millions d’euros par an. Toutefois, compte tenu de la mise en œuvre du prélèvement à la source au 1er janvier 2019, l’impact budgétaire sur les années 2019 et 2020 est estimé à 23 millions d’euros dans le premier cas et à 117 millions d’euros dans le second cas.

Chronique du gain budgétaire associé à l’abaissement des plafonds de la réduction d’impôt en faveur des contribuables domiciliés outre-mer

Années budgétaires

2019

2020

2021

Gain budgétaire

(en millions deuros)

70 × 4/12 = 23

70 × 20/12 = 117

70

Source : évaluation préalable du présent article.

Ces estimations différentes pour les années 2019 et 2020 s’expliquent par les modalités de calcul du taux du prélèvement à la source dont la mise à jour intervient après chaque campagne de déclaration des revenus. Les revenus pris en compte dans le calcul du taux sont ainsi les derniers connus, soit, entre janvier et août (huit douzièmes de l’année), ceux de l’année N – 2 et, entre septembre et décembre (quatre douzièmes de l’année), ceux de l’année N – 1.

*

*     *

La commission est saisie des amendements de suppression I-CF27 de M. Max Mathiasin, I-CF28 de M. Mansour Kamardine, I-CF204 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF625 de Mme Nadia Ramassamy, I-CF667 de Mme Huguette Bello, I-CF1126 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe, I-CF1233 de M. Jean-Hugues Ratenon, et I-CF1298 de M. Serge Letchimy.

M. Max Mathiasin. Notre amendement vise à supprimer la mesure de diminution drastique du plafond de l’abattement fiscal, créé en 1960 pour atténuer les effets des disparités sociales entre les outre-mer et la France hexagonale, applicable aux contribuables domiciliés en Guadeloupe, à la Martinique, à La Réunion, en Guyane et à Mayotte.

Dans le présent PLF, le Gouvernement avance que seuls 4 % des foyers fiscaux seraient visés par la baisse du plafond et que la mesure devrait rapporter 70 millions d’euros par an pendant quatre ans. Or, dans le Livre bleu issu des Assises des outre-mer, le pourcentage annoncé était de 20 % des foyers fiscaux. Nous ne connaissons pas donc aujourd’hui le nombre de foyers fiscaux touchés par cette mesure, dont nous estimons qu’elle va directement entraîner un ralentissement de la consommation, laquelle est pourtant le moteur essentiel de l’économie ultra-marine.

Vous expliquez qu’il s’agit d’affecter des revenus à ces collectivités en situation difficile, mais il s’agit de revenus qui sont déjà dans l’économie. C’est la raison pour laquelle, je demande le maintien de l’abattement, tel qu’il a été conçu et qu’il existe toujours actuellement. Les inégalités entre les outre-mer et la France hexagonale ne doivent pas s’accentuer.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 4 opère une véritable coupe sombre dans l’économie des territoires ultra-marins. En effet, les mesures fiscales qu’il met en place vont fortement toucher les classes moyennes en pénalisant leur pouvoir d’achat.

Mme Nadia Ramassamy. Par mesure d’équité territoriale et pour compenser le coût de la vie dans les départements d’outre-mer, bien plus important qu’en métropole, les Ultramarins bénéficiaient d’une réduction d’impôt sur le revenu, de 30 % avec un plafond de 5 100 euros en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, et de 40 % avec un plafond de 6 700 euros en Guyane et à Mayotte.

En effet, en raison de l’éloignement géographique des sites de production, de la faiblesse de l’industrie locale, de l’absence d’économies d’échelle et de l’octroi de mer qui s’ajoute à la TVA, les produits sont souvent deux à trois fois plus chers que dans l’Hexagone.

L’article 4 diminue de 2 650 euros les plafonds de ces abattements, respectivement ramenés à 2 450 et 4 050 euros. Il s’agit de financer le fonds mis en place par le Livre bleu des outre-mer. Or cette mesure est totalement contreproductive, car on ne peut pas aider les territoires ultra-marins en grevant leur pouvoir d’achat, a fortiori quand leur économie repose essentiellement sur la consommation des ménages, eu égard à la faible production des biens manufacturés. En pénalisant les classes moyennes, la diminution des plafonds va fragiliser les entreprises locales. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le Gouvernement propose ici de supprimer un abattement fiscal qui existe depuis 1960 dans les outre-mer. Cette mesure, censée toucher les contribuables les plus aisés, doit lui permettre de récupérer des moyens budgétaires non négligeables – 70 millions d’euros – par lesquels il entend faire financer par les outre-mer eux-mêmes leur propre développement.

Par ailleurs, le risque est grand de voir les lois de finances successives jouer sur ces différents plafonds et parvenir ainsi à l’objectif visé, à savoir la suppression totale de cet abattement. Cette réforme fait l’unanimité contre elle dans tous les outre-mer.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. En abaissant le plafond de la réduction d’impôt applicable aux contribuables ultra-marins, le Gouvernement entend faire financer par ces derniers le rattrapage de leur retard économique, en substituant à la solidarité nationale une solidarité strictement ultra-marine. Il va même plus loin, puisque les collectivités d’outre‑mer (COM) ne sont pas concernées par cette mesure mais bénéficient quand même du fonds exceptionnel d’investissement.

Le budget de l’outre-mer s’élève à 27 millions d’euros en autorisations d’engagement, qui doivent les plans État-régions et les contrats de développement des COM, soit 8,8 millions d’euros pour les départements d’outre-mer (DOM) et 18,2 millions pour les COM, en partie financés par les DOM. C’est particulièrement injuste.

Je voudrais par ailleurs faire remarquer que le contribuable guadeloupéen, qui, en 2018, passait dans la tranche à 14 % à partir de 5 587 euros de revenu imposable, y entrera en 2019 à partir de 4 910 euros, soit 700 euros de moins, alors que si le Gouvernement avait fait évoluer les tranches comme dans l’Hexagone, il y serait entré à partir de 5 733 euros.

Par ailleurs, pour minimiser la portée de cette mesure, on nous parle de 4 % des foyers concernés. Or les documents budgétaires font état de 48 000 foyers sur 450 000, soit plus de 10 %. Pourrons-nous donc avoir, d’ici la séance, le détail, décile par décile, du nombre de foyers perdants ?

M. Serge Letchimy. Monsieur le Rapporteur général, mesdames et messieurs les élus de La République en Marche, avec cette mesure, le Gouvernement réussit l’exploit d’augmenter de 10 % les impôts auxquels sont assujetties les populations d’outre-mer, et on ne parle pas ici de 50 000 foyers fiscaux mais de 150 000, ce qui est considérable !

En second lieu, vous humiliez ainsi ces populations, en faisant croire que nous sommes des assistés bénéficiant d’abattements indus. Tout ça parce que vous n’avez pas compris que ces abattements ont été mis en place pour compenser des écarts de prix entre l’Hexagone et l’outre-mer qui, dans les années 1960, étaient de l’ordre de 40 %. Ce n’est guère différent aujourd’hui, puisque le prix des denrées alimentaires est de 38 % supérieur outre-mer.

Avec la mesure que vous proposez, un couple dont le revenu fiscal annuel est de 55 000 euros paiera 2 400 euros d’impôts en plus, une famille âgée, 850 euros de plus, tout comme un couple avec enfants.

J’ignore comment vous pouvez prétendre que cette mesure entend remédier à une rupture d’égalité. L’article 73 de la Constitution indique très clairement en effet que des situations différentes peuvent justifier des traitements différents. Cela justifie l’abattement pour les outre-mer, et vous n’avez pas à faire croire que tous les Français sont sur un pied d’égalité, compte tenu du sous-développement de nos territoires.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Mme Sabine Rubin. Mon collègue Jean-Hugues Ratenon souhaite également la suppression de cet article. La France insoumise s’inquiète en effet de la santé de l’économie ultra-marine, qui ne peut pas se permettre de perdre 70 millions d’euros pour abonder un fonds dont on ne connaît pas la répartition par territoire et dont on ne sait s’il sera véritablement efficace.

M. le Rapporteur général. Je tiens à rappeler plusieurs éléments, car j’ai bien compris que l’article 4 suscitait une certaine émotion, à laquelle je suis sensible. Je voudrais donc dissiper les malentendus dont la presse a pu se faire l’écho et que je retrouve dans vos propos ce soir.

Il faut distinguer, d’une part, la politique ultra-marine et les instruments que nous consacrons aux outre-mer et sur lesquels je suis persuadé que nous devons encore beaucoup progresser pour aider des populations qui vivent dans des conditions tout simplement indignes, et, d’autre part, ce qui nous occupe ici, c’est-à-dire les aménagements spécifiques de la mécanique de l’impôt sur le revenu dans les départements et les régions d’outre-mer, qui sont l’unique objet de l’article 4.

Il s’agit d’une réforme d’un avantage fiscal qui concernera 4,34 % des foyers fiscaux d’outre-mer, soit les contribuables ultra-marins dont les revenus sont les plus élevés. Les seuils de revenus annuels déclarés à partir desquels un ménage sera touché s’établissent ainsi : 51 700 euros pour une personne seule à la Martinique, en Guadeloupe, et à La Réunion, et 59 000 euros à Mayotte et en Guyane ; 73 200 euros pour un couple à la Martinique, en Guadeloupe, et à La Réunion, 80 400 euros en Guyane et à Mayotte ; enfin, pour un couple avec quatre enfants, les seuils s’établissent respectivement à 107 700 euros et à 114 900 euros. Il s’agit donc des contribuables situés dans les déciles, voire les centiles les plus élevés, sachant en outre que les sommes ainsi récupérées sont destinées à un fonds d’investissement, dont les outre-mer ont grandement besoin et qui repose sur le principe de la solidarité nationale et entre les outre-mer. Il me semble donc que nous parlons de seuils qui justifient pleinement une telle mesure. C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

M. Olivier Serva. Il est assez inhabituel qu’une mesure soit défavorablement accueillie sur l’ensemble des bancs de notre commission. Il doit donc y avoir une raison à cela, et je reprendrai pour l’expliquer ce que disait Nelson Mandela : « Ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi. »

Il existe d’autres manières d’abonder le fonds exceptionnel d’investissement destiné aux outre-mer. On pourrait notamment l’alimenter à partir des indemnités d’éloignement versées aux fonctionnaires hexagonaux mutés en outre-mer, dont la Cour des comptes a évalué le montant total à 540 millions d’euros.

Je demande donc à la commission d’agir avec la plus grande prudence et de tenir compte des spécificités de l’outre-mer, malgré la perception assez lointaine que certains ont de nos territoires.

M. Serge Letchimy. Monsieur le Rapporteur général, je ne m’attendais pas de votre part à cette réponse de technocrate. Vous prétendez que seuls 4,5 % de foyers fiscaux sont concernés, mais l’outre-mer compte 1,113 million de foyers fiscaux sur lesquels seuls 244 000 foyers paient l’impôt : les contribuables concernés ne sont donc pas 4,5 % mais 20 % !

Or nous parlons de territoires où les chômeurs et ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté sont deux fois plus nombreux que la moyenne nationale et où le PIB est inférieur de 30 %.

Ne dites donc pas aux populations d’outre-mer qu’elles n’ont qu’à alimenter elles‑mêmes leur fonds d’investissement, a fortiori si vous ne leur donnez pas la garantie que les ressources ponctionnées seront restituées aux territoires dans lesquelles elles ont été prélevées.

Si vous n’acceptez pas de changer le modèle économique de l’outre-mer pour rétablir une véritable démocratie économique, d’ici deux ou trois ans, ces investissements, que vous allez transformer en subventions, auront fondu de 70 millions à 10 millions d’euros, car vous aurez trouvé une raison quelconque pour supprimer ces fonds. C’est inacceptable ! Je donne donc un conseil aux députés de La République en Marche : écoutez M. Serva et ne traitez pas les Ultramarins comme vous avez traité les retraités, sinon cela va vous revenir en boomerang, avec des conséquences politiques que vous aurez du mal à assumer.

Mme Ericka Bareigts. Monsieur le Rapporteur général, je suis choquée de vous entendre en appeler à la solidarité entre les outre-mer. Et la solidarité nationale ? Savez-vous de quoi nous parlons ? Nous parlons de la construction d’écoles, de réseaux d’eau et d’électricité, nous parlons d’infrastructures de base, qui font défaut dans certains territoires de la République. Et ce que le Gouvernement propose, c’est de réaffecter les sommes obtenues dans un fonds exceptionnel d’investissement, dont on nous annonce qu’il va augmenter de plus de 175 %. Mais il y a deux problèmes : le premier, c’est que les 40 millions d’euros de ce fonds, qui existe déjà, ne sont pas mobilisés dans leur totalité, car les collectivités n’ont pas les moyens d’effectuer les études et de passer les marchés publics nécessaires ; le second, c’est que la solidarité nationale doit fonctionner, et qu’il n’y a aucune raison que les territoires les plus pauvres financent eux-mêmes les écoles de leurs enfants.

Il est scandaleux d’avoir entendu ce que nous avons entendu ce soir, monsieur le Rapporteur général, je le dis très clairement !

M. le président Éric Woerth. S’il vous plaît, pas d’applaudissements, nous sommes en commission, pas en séance publique !

Mme Amélie de Montchalin. En 1960, l’abattement dont nous parlons a été créé pour faciliter l’accommodation des territoires d’outre-mer – devenus départements en 1946 – au paiement de l’impôt sur le revenu. Cela n’avait rien à voir avec un rééquilibrage du niveau de vie.

M. Serge Letchimy. C’est faux !

Mme Amélie de Montchalin. Cet abattement spécial avait vocation à accompagner la montée en charge de l’impôt. Depuis 1960, ce taux n’a pas été modifié, et depuis vingt ans, tous les ministres chargés des outre-mer ont voulu le réviser.

Mme Ericka Bareigts. Pas moi !

Mme Amélie de Montchalin. Jusqu’à l’arrivée de Mme Girardin, aucun d’entre eux cependant n’avait réussi ce qu’a permis le Livre bleu, à savoir que l’intégralité des sommes obtenues grâce à cette réforme fiscale soit réinvestie en totalité dans les outre-mer. Aujourd’hui, pas un euro de ces fonds n’ira au budget général et ils seront intégralement consacrés aux investissements outre-mer.

Quant à la question de l’efficacité de ce fonds d’investissement soulevée par Mme Bareigts, elle confirme l’utilité du Livre bleu, qui doit permettre d’analyser les besoins, de lister les projets urgents et de les budgéter, de construire des écoles, des centres de soins, des réseaux d’eau, puis d’apporter des fonds propres aux entreprises, afin de soutenir le développement économique. Il s’agit de sortir d’une logique de subventions individuelles pour entrer dans une dynamique d’investissement collectif.

M. François Pupponi. Je suis très étonné de ce que j’entends. Lorsqu’on décide de réformer un dispositif, ce n’est pas pour faire payer les plus riches, mais parce qu’on a identifié qu’il ne fonctionnait pas.

Par ailleurs, vous avez vous-même reconnu, monsieur le Rapporteur général, qu’il y avait en outre-mer des inégalités criantes. Si c’est le cas, que le Gouvernement nous propose un plan global pour réduire ces inégalités, quitte à prendre les mesures fiscales que vous proposez, si elles démontrent leur efficacité. Or vous commencez par supprimer une mesure qui a fait la preuve de son utilité, en nous disant que vous vous occuperez du reste après. Il y a un moment où vous devez finir par écouter ceux qui, sur l’ensemble de ces bancs, vous disent que vous faites une erreur. Vous allez créer des problèmes pour 70 millions d’euros, plutôt que de proposer un plan global pour les outre-mer, dans le cadre duquel nous sommes prêts à discuter de toutes les mesures. Pourquoi commencer par supprimer quelque chose qui fonctionne a priori ?

M. Mohamed Laqhila. Mes collègues ont tout dit sur les difficultés que rencontre l’outre-mer, où la vie est beaucoup plus chère. N’oublions pas le principe de continuité territoriale. Nous devons aider la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion et surtout la Guyane et Mayotte, qui connaissent des difficultés plus grandes encore. Je soutiendrai donc ces amendements de suppression.

M. Max Mathiasin. Je viens d’entendre Mme de Montchalin parler d’éléments qu’elle ne connaît pas. J’aimerais donc qu’elle se rende dans les outre-mer, ou qu’elle révise ses connaissances.

En Guadeloupe, où je suis né, le seuil de pauvreté s’établit à 600 euros, sur la base des revenus locaux ; en métropole, il est de 1 100 euros. Lorsqu’un Guadeloupéen veut se faire soigner, il doit avoir accumulé une épargne de précaution, car l’hôpital de Guadeloupe a brûlé, et il lui faut se rendre en Martinique où dans l’Hexagone. Un Guadeloupéen qui veut faire des études supérieures doit aller à Paris, Bordeaux, Marseille ou ailleurs. S’il veut voir sa famille, il doit retourner aux Antilles.

En tant que parlementaire, je gagne la même chose que vous. Je suis donc classé parmi les riches, dans un département où l’activité est réduite et où il n’y a pas vraiment de riches. Il est donc clair que, par rapport aux 25 % de chômeurs qui ne gagnent rien, il s’agit d’une inégalité flagrante. Mais il n’est pas suffisant de s’arrêter aux inégalités entre Ultramarins, car je considère que mon argent, en circulant dans l’économie, soutient l’activité. Car, je le rappelle, ce sont les ménages qui, à travers la consommation et le commerce, sont le moteur de cette économie.

M. Charles de Courson. Nous parlons d’un sujet que nous avions déjà essayé d’aborder il y a quinze ans dans cette commission. Nous nous étions attaqués au problème des majorations de salaires des fonctionnaires dans ces territoires et surtout à celui des pensions, car ils pouvaient prendre une retraite majorée dans les DOM-TOM sans jamais y avoir mis les pieds auparavant. Malheureusement, nos propositions n’ont jamais été approuvées en séance publique. Si je reviens ainsi au passé, c’est pour vous faire comprendre qu’il ne faut pas s’attaquer à un seul volet d’un problème, sans s’interroger sur la légitimité de l’ensemble du dispositif.

En ce qui concerne la mesure qui nous occupe, il y a en outre-mer 1,155 million de foyers fiscaux, mais seulement 443 000 qui sont imposables, soit 40 %, c’est-à-dire nettement moins que le pourcentage global des foyers français non imposables.

D’après l’étude d’impact, la mesure qui nous est proposée concernerait 55 000 foyers fiscaux et réduirait la dépense fiscale de 400 millions à 330 millions d’euros, en recyclant la différence. Mais le recyclage n’est pas une bonne idée, car rien n’empêchera ensuite les Corses de vouloir faire pareil. En outre, je le répète, il faut privilégier une approche globale, sans quoi, vous irez droit dans le mur.

M. Lénaïck Adam. Je soutiens pleinement la démarche de nos collègues. La baisse du plafond de l’abattement fiscal va à l’encontre de l’objectif principal du PLF, puisque cet objectif est de baisser les prélèvements obligatoires pour tous les Français, ce qui va d’ailleurs coûter plus de 6 milliards d’euros à l’État, pour relancer la consommation des ménages.

La mesure que vous proposez est donc non seulement injuste, mais ces effets récessifs sur une économie déjà sinistrée se répercuteront bien au-delà des 48 000 foyers fiscaux directement concernés. Au registre des injustices, il convient d’ailleurs de signaler que les entreprises individuelles d’outre-mer voient en 2018 leurs charges sociales augmenter de 30 millions d’euros, alors même que l’État vient de perdre 40 milliards d’euros de recettes pour alléger la fiscalité des entreprises.

Il faut savoir que, dans les DOM, seuls 20 % des contribuables sont redevables de l’impôt sur le revenu. Faut-il pour autant les considérer comme des nantis ? Je ne le crois pas, dans la mesure où, le plus souvent, ils supportent la solidarité locale à travers les impôts locaux – le taux de la taxe foncière est de 32 % en Guyane ! De fait, la solidarité locale est de plus en plus sollicitée pour compenser le recul de la solidarité nationale ; la décentralisation, notamment sociale, plombe le budget des collectivités locales et des ménages, ce qui explique la révolte sociale de 2009.

D’autres mouvements sociaux se sont produits en 2017 en Guyane – Mme Bareigts, qui était ministre, le sait. J’appelle l’attention de tous ici : chacun doit être responsable des décisions qui seront prises, chacun doit être responsable de la détermination de l’égalité et de la solidarité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez dit que 4,34 % des foyers ultra-marins seraient concernés par cette mesure. Mais c’est une part bien plus importante qui est concernée, rapportée au nombre de foyers fiscaux imposables – ils sont moins nombreux en outre-mer qu’en métropole.

Par ailleurs, les effets de seuil induits par cette mesure seront, qu’on le veuille ou non, importants ; je ne suis pas sûre que le Gouvernement les a bien mesurés.

Enfin, vous faites payer aux populations de ces territoires leurs propres investissements, ce qui ne s’est jamais vu en métropole ! Vous leur demandez de faire un effort en leur promettant de redonner l’argent à travers un mécanisme d’investissement collectif : c’est une pratique pour le moins inédite et un mauvais procès fait aux DOM-TOM. Vous auriez dû vous passer de ces 70 millions !

M. Michel Castellani. Derrière ce débat se cachent – mal – des questions majeures : doit-il exister un traitement différencié des territoires qui tienne compte des conditions de vie, du développement local, ou faut-il appliquer à tout prix une politique égalitaire, l’égalité étant, en l’occurrence, l’antithèse de la justice sociale ? Doit-on mener une politique de solidarité active, consubstantielle de la démocratie ? Voulons-nous aller vers une politique désincarnée, technocratique, froide ou souhaitons-nous pratiquer une politique qui tienne compte de l’humain, des conditions de vie de nos compatriotes d’outre‑mer ? Voilà les questions que ce débat à 70 millions recouvre.

M. Julien Aubert. Je pense que les députés des outre-mer doivent être présents dans ce débat, car ils connaissent tout de même mieux que nous les conséquences économiques des décisions que nous prenons ici. J’espère que cela servira de jurisprudence pour d’autres territoires, concernés au plus haut point par des décisions du Gouvernement.

C’est le type même de mesure pour laquelle nous manquons d’une étude d’impact. Nous disposons seulement de quelques chiffres pour prendre une décision qui, visiblement, provoque de l’émoi dans des territoires qui, on le sait, ne comptent pas parmi les plus riches. La prudence est de mise, et disposer d’un peu plus de temps permettrait de trancher de manière plus sereine.

La commission rejette les amendements I-CF27, I-CF28, I-CF204, I-CF625, ICF667, I-CF1126, I-CF1233, et I-CF1298.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF50 de Mme Nathalie Bassire, ICF202 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1312 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je profite de cet amendement de repli pour rappeler qu’il ne s’agissait pas dans les années 1950 de construire une politique fiscale adaptée, mais, pour rendre ces territoires plus attractifs, de faire en sorte que les fonctionnaires « de l’Hexagone » venant travailler dans les « ex-colonies » perçoivent 60 % de revenus supplémentaires.

L’abattement fiscal, lui, est strictement lié aux inégalités sociales et économiques, aux écarts de prix entre les DOM-TOM et la métropole. Cela n’a rien à voir !

Il a fallu une bataille en 1960, et l’emprisonnement de nombreux fonctionnaires – j’ai une pensée pour eux –, qui considéraient que l’avantage financier dont bénéficiaient les fonctionnaires de métropole devait être étendu, pour obtenir une rémunération majorée de 40 %.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette les amendements I-CF50, ICF202 et I-CF1312.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF626 de Mme Nadia Ramassamy, I-CF1315 de M. Serge Letchimy, ainsi que les amendements identiques I-CF52 de Mme Nathalie Bassire et I-CF203 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Nadia Ramassamy. Notre amendement, de repli, vise à abaisser les plafonds de réduction de l’impôt sur le revenu de 50 euros, et non de 2 650 euros d’un coup. Ce palier permettrait de protéger le pouvoir d’achat des ultra-marins et l’attractivité des territoires, le coût de la vie y étant bien plus important qu’en métropole.

M. Serge Letchimy. Pour vous permettre de sortir de cette impasse autrement qu’en faisant rejeter nos propositions par une majorité écrasante, nous vous proposons, par cet amendement, de diminuer la portée de la réduction d’impôt, et je vous proposerai par la suite de décaler d’un ou de deux ans la mise en place du dispositif, ce qui laissera le temps de réaliser des évaluations correctes et de définir une politique publique permettant un rattrapage.

M. Thibault Bazin. Nous proposons, pour notre part, d’abaisser les plafonds respectivement à 4 500 euros et 6 100 euros.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’idée de notre collègue Mansour Kamardine, qui a eu l’initiative de cet amendement, est d’adoucir la pente vers une fiscalité supplémentaire de ces classes dans les DOM-TOM et de réduire les effets de seuil, sur lesquels nous souhaitons disposer d’une étude d’impact.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF626, I-CF1315, ainsi que les amendements identiques ICF52 et I-CF203.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF1280 et I-CF1296 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Mes deux amendements visent à repousser, le premier de deux ans, le second d’un an, la date d’entrée en vigueur du dispositif. Cela donnera le temps de mener une évaluation, notamment des effets de seuil.

Je vous mets en garde : avec la suppression de l’abattement, les personnes qui ne payaient pas l’impôt sur le revenu risquent d’en devenir redevables. Ce ne sont pas 4,34 % des foyers fiscaux qui seront concernés, mais bien 20 %, et votre rapport induit en erreur les responsables politiques ici présents, notamment les députés du groupe La République en Marche : il faut qu’ils soient sensibilisés au fait que 20 % des foyers seront concernés par cette mesure.

M. Charles de Courson. Nous voterons en faveur de ces amendements de bon sens. Au lieu d’adopter sans attendre une mesure tombée un beau matin et, qui plus est, mal présentée, ce délai nous permettra d’engager une discussion sur l’ensemble des éléments, y compris les majorations salariales.

Mme Véronique Louwagie. Le dispositif est censé entrer en vigueur dès le 1er janvier 2019 – autant dire demain. Je pense qu’il est important de laisser du temps aux acteurs des territoires pour s’adapter. J’espère que ces amendements recevront un accueil favorable de la part de nos collègues de la majorité.

M. François Pupponi. Ces amendements vont dans le bon sens : prenons le temps, discutons pendant un an, et voyons si cette mesure est efficace. Monsieur le Rapporteur général, comme la liste des fausses bonnes idées s’est allongée en un an ! Que de mesures, dont vous nous aviez promis monts et merveilles, n’ont pas été comprises par les Français, une fois mises en œuvre ? Je soupçonne votre majorité d’être un peu sado-masochiste : on a beau vous expliquer que telle mesure est une ineptie sans nom, qu’elle sera mal interprétée, qu’elle risque de mettre le feu, et vous continuez d’avancer en klaxonnant...

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1280 et I-CF1296.

Puis elle adopte larticle 4 sans modification.

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Article 5
Suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article supprime le dispositif de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable (TVA NPR), qui s’applique en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion.

Le mécanisme de TVA NPR, mis en place par décision ministérielle de 1953, n’a eu qu’une existence purement doctrinale jusqu’à sa consécration législative par l’article 30 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), qui l’a codifié à l’article 295 A du CGI.

En l’état du droit, cette disposition permet aux assujettis qui exercent une activité imposable et qui disposent d’un établissement stable dans ces départements de majorer leur droit à déduction de la TVA du montant de la taxe calculée fictivement sur la valeur des biens d’investissement neufs, acquis ou importés en exonération de la TVA.

La TVA NPR a pour objectif de compenser le coût du transport occasionné par l’éloignement insulaire, au moyen de l’exonération et de la récupération de la TVA.

Cette dépense fiscale est évaluée à 100 millions d’euros – par convention – depuis 2010, du fait de l’impossibilité de fiabiliser les déclarations de TVA réalisées au titre de ce dispositif.

Dans le Livre bleu des outre-mer publié le 28 juin 2018 et qui fait suite aux Assises des outre-mer, il a été considéré que la TVA NPR est une « dépense fiscale peu traçable, mal pilotée et dont les effets sur le développement économique sont illisibles ». De fait, sa suppression a été proposée.

L’économie considérée doit être intégralement recyclée sous la forme de crédits budgétaires, mieux à même, selon le Livre bleu, d’assurer un financement plus efficace de l’économie et des entreprises dans ces territoires.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 30 de la loi du 27 mai 2009 précitée a donné une existence législative au dispositif de la TVA NPR, codifié à l’article 295 A du CGI. Cet article n’a, depuis, pas été modifié.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Le mécanisme de la tva npr aboutit à subventionner les acquisitions de biens d’investissement

1.   Historique

Initialement mis en place par une décision ministérielle de 1953 qui a été formalisée dans une instruction du 30 juin 1954, elle-même reprise dans la documentation administrative, le mécanisme doctrinal de la TVA « non-perçue récupérable » (TVA NPR) s’est trouvé légalisé et aménagé par l’article 30 de la loi 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ([63]), qui l’a codifié à l’article 295 A du CGI.

2.   Mécanisme

Les assujettis qui exercent une activité imposable dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique ou de La Réunion, et qui y ont un établissement stable, bénéficient d’un régime particulier de déduction de la TVA. Ils sont autorisés à majorer leur droit à déduction de la TVA du montant de la taxe calculée fictivement sur la valeur des biens d’investissement neufs, acquis ou importés en exonération de la TVA, conformément aux dispositions de l’article 5° du 1 de l’article 295 du CGI.

● Illustration : l’exploitant d’une entreprise de location de bateaux établie à la Martinique décide d’ajouter un voilier à sa flotte. Il importe ce voilier, qui coûte 300 000 euros HT.

Le montant de la TVA NPR est de 300 000 × 8,5 % = 25 500 euros.

La notion de biens d’investissements neufs renvoie à la définition traditionnelle des immobilisations : ce sont des biens acquis ou créés par l’entreprise non pour être revendus mais pour être, par elle, utilisés durablement. Ces biens doivent être comptabilisés dans les comptes d’immobilisation de l’entreprise. De fait, les matières premières et les marchandises, qui ne peuvent être immobilisées, ne peuvent bénéficier du mécanisme de la TVA NPR.

Le nombre de bénéficiaires du mécanisme de la TVA NPR n’est pas identifié par la présentation des dépenses fiscales attachées au programme 138 Emploi outre-mer, auquel il est rattaché ([64]).

3.   Montant de la TVA NPR

Selon le 3 de l’article 295 A du CGI, la déduction s’opère à proportion de l’utilisation des biens d’investissement exonérés pour la réalisation des activités ouvrant droit à déduction ou exonérées. Ce montant est déterminé par l’assujetti, proportionnellement au droit à déduction qu’il peut exercer en application de l’article 205 de l’annexe II du CGI.

Afin de permettre aux bénéficiaires du dispositif de déterminer un tel montant, les fournisseurs doivent indiquer le montant de TVA NPR sur leurs factures.

B.   Une subvention qui n’est plus déterminée par un objectif de politique publique clair

La TVA NPR avait pour objectif initial de compenser le coût du transport occasionné par l’éloignement insulaire au moyen de l’exonération et de la récupération de la TVA. Ce dispositif devait donc avoir un effet sur les prix à la consommation en atténuant les surcoûts liés à l’éloignement, en réduisant les coûts de transports et de stockage.

Ce mécanisme est dérogatoire par rapport aux règles régissant la TVA en France et en Europe. La Cour de justice de l’Union européenne a d’ailleurs expressément exclu les territoires ultra-marins français du champ d’application de la directive TVA 2006/112 du Conseil du 28 novembre 2006, et s’est récemment déclarée incompétente en matière de litige concernant la TVA NPR ([65]).

Les travaux conduits sur le mécanisme de la TVA NPR ont montré qu’il ne remplit qu’imparfaitement son rôle. En particulier, la répercussion sur les prix n’est pas évidente.

Les travaux du rapport de la mission d’audit de modernisation conduits par l’inspection générale de l’administration (IGA) et l’IGF relevaient déjà, en 2007, que la pertinence économique de la TVA NPR n’était pas avérée ([66]). Le dispositif, qui fonctionne comme une subvention, ne permet pas d’assurer un ciblage suffisamment fin des priorités économiques locales.

Dans le Livre bleu des outre-mer, publié le 28 juin 2018, et qui fait suite aux Assises des outre-mer, la TVA NPR a été considérée comme une « dépense fiscale peu traçable, mal pilotée et dont les effets sur le développement économique sont illisibles » ([67]).

Il convient de noter que le chiffrage de la dépense fiscale à 100 millions d’euros dans les documents budgétaires n’est le fruit que d’une convention qui date de 2010. Ce montant n’est, en effet, qu’un ordre de grandeur en raison de l’absence de fiabilité des déclarations de TVA au titre de ce dispositif, qui empêche tout chiffrage analytique ([68]).

Face à l’absence de traçabilité tant au niveau des coûts qu’au niveau des effets du mécanisme de TVA NPR, le présent article en propose la suppression.

II.   le dispositif proposé

A.   Les modifications apportées

Cet article propose l’abrogation de l’article 295 du CGI. Cette suppression concerne l’ensemble des livraisons et importations pour lesquelles l’exigibilité de la TVA intervient à compter du 1er janvier 2019.

B.   L’impact budgétaire et Économique attendu

La suppression de cet article a pour effet immédiat de mettre fin à la subvention équivalente à la TVA non perçue pour les achats de biens d’investissement neufs réalisés par les assujettis disposant d’un établissement stable à la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion.

Le taux normal de TVA étant, dans ces territoires, de 8,5 % ([69]), la disparition de la TVA NPR supprime une subvention à l’achat de tels biens de 8,5 % de leur montant.

À ce stade, il est possible d’identifier un effet d’augmentation des prix
– ou de réduction des marges – dans les secteurs traditionnellement bénéficiaires du mécanisme de TVA NPR, comme celui du bâtiment. Ce secteur pourrait voir ses capacités d’autofinancement, dont d’investissement, mécaniquement réduites.

Le Livre bleu des outre-mer gage sur la suppression de cette dépense fiscale un montant de 100 millions d’euros qui seront mobilisés au service du développement économique des territoires ultra-marins. Destinée à agir sur le climat des affaires et à accompagner les initiatives, cette somme de 100 millions d’euros doit permettre d’engager une politique active, conçue en partenariat avec les collectivités chef de file sur chacun des territoires concernés.

Plus spécifiquement, l’évaluation préalable du présent article rappelle les orientations stratégiques qui guideront ce dispositif de crédits d’intervention :

– soutenir les investissements par des aides ou des prises de participation ;

– rendre plus accessible les dispositifs d’avance de trésorerie existants pour les entreprises en attente de règlements de prestations de marchés publics ;

– dynamiser la commande publique, au profit d’équipements concourant à l’installation d’entreprises ;

– renforcer le soutien au micro-crédit ;

– renforcer la mobilisation de crédits européens, qui peuvent avoir un effet de levier important.

La rebudgétisation de la TVA NPR et la réforme de l’abattement de l’impôt sur le revenu dans les départements d’outre-mer – de l’article 4 du présent PLF – représentent 170 millions d’euros que l’on retrouve dans la mission Outre-mer.

Ainsi, le programme 138 Emploi outre-mer est abondé de 50 millions d’euros supplémentaires destinés à l’aide aux entreprises. Cette somme se décompose de la manière suivante :

– dotation de 15 millions d’euros d’un dispositif d’appels à projets ;

– création d’un fonds de garantie doté de 10 millions d’euros qui doit permettre de répondre aux besoins de trésorerie des PME qui détiennent des créances sur les acteurs publics et qui doit pour partie répondre à la problématique des délais de paiement constatés dans les collectivités locales ultra-marines ;

– dotation de 10 millions d’euros pour un élargissement des bénéficiaires et des critères d’attribution des prêts de développement outre-mer (PDOM) ;

– renforcement des outils de capital investissement à hauteur de 10 millions d’euros ;

– contribution au cofinancement de fonds régionaux à hauteur de 3 millions d’euros ;

– affectation de 2 millions d’euros au micro-crédit dont peuvent bénéficier les associations.

En plus de cette somme, 4 millions d’euros sont affectés aux opérateurs de l’État.

Ainsi, 2,3 millions d’euros sont destinés à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), opérateur qui permet aux jeunes ultra-marins de bénéficier d’une qualification professionnelle adaptée. À cet effet, LADOM permet à ces jeunes de séjourner en métropole pour améliorer leur employabilité. Enfin, 1,7 million d’euros seront destinés à des investissements en faveur de l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS), spécifiquement chargé de conduire les actions de formation des jeunes ultra-marins dans ces domaines.

Le programme 123 Conditions de vie outre-mer est abondé de 116 millions d’euros supplémentaires, qui se décomposent comme suit :

– 70 millions d’euros à destination du fonds exceptionnel d’investissement (FEI) ;

– 23 millions d’euros à destination des fonds de convergence. Dans le prolongement des Assises des outre-mer et de l’article 9 de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer ([70]), des plans de convergence sont en cours de constitutions sur chaque territoire. Il s’agit de documents stratégiques d’une durée de dix à vingt ans qui intègrent les orientations et les projets retenus dans le Livre bleu des outre-mer. En 2019, 179,1 millions d’euros sont prévus en autorisations d’engagement pour ces dispositifs contractuels, dont 55 millions d’euros pour les 5 départements d’outre-mer et 124,1 millions d’euros pour les collectivités d’outre-mer ;

– 15 millions d’euros sont dédiés au « fonds vert » géré par l’Agence française de développement (AFD), qui sont destinés à soutenir des projets dans le domaine de la lutte contre le changement climatique ;

– 4 millions d’euros à destination du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), qui a vu le nombre de ses bénéficiaires croître sous l’effet conjugué des difficultés économiques et de la réduction de l’emploi salarié ;

– 2 millions d’euros dédiés au Fonds d’échanges éducatifs, culturels et sportifs (FEBECS), qui bénéficie à des associations sportives via le financement des déplacements des jeunes sportifs ultra-marins ;

– 1,3 million d’euros destinés à financer le ramassage, le stockage et la destruction des algues sargasses sur le littoral antillais ;

– 50 000 euros abonderont la dotation de premier numérotage à Mayotte.

Il convient néanmoins de demeurer vigilant à ce que cette initiative n’aboutisse pas à un renchérissement de la vie ultra-marine, notamment sur les territoires de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Si le mécanisme de la TVA NPR bénéficiait à ces seuls territoires, il n’en est pas ainsi du dispositif budgétaire créé en compensation.

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*     *

La commission examine les amendements de suppression I-CF627 de Mme Nadia Ramassamy, I-CF668 de Mme Huguette Bello, I-CF1127 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe, I-CF1234 de M. Jean-Hugues Ratenon et I-CF1300 de M. Serge Letchimy.

Mme Nadia Ramassamy. La TVA non perçue récupérable (TVA NPR) est un régime de déduction de la TVA propre à La Réunion, à la Guadeloupe et à la Martinique, qui vise à compenser les coûts de transport des marchandises. Outil d’égalité territoriale, elle permet aux entreprises importatrices de rester compétitives dans leurs investissements. Le Gouvernement a affirmé que des dispositifs alternatifs seraient mis en place, mais nous n’en avons pas vu trace, et nous craignons que les entreprises ultra-marines souffrent dans l’intervalle. En attendant des solutions compensatoires, nous demandons la suppression de l’article 5.

M. Fabien Roussel. C’est toujours le même débat : en supprimant ce dispositif, vous voulez faire financer par les outre-mer leur propre développement. Nos collègues ultra-marins nous ont indiqué que cet article, comme le précédent, n’a donné lieu à aucune étude d’impact, et qu’il est contesté de manière unanime sur le terrain.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Cet amendement, porté par le groupe Socialistes et apparentés, consiste à revenir sur la suppression de la TVA NPR. Selon la même logique que celle qui prévaut à l’article 4, le Gouvernement souhaite supprimer ce dispositif en vigueur en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, espérant récupérer ainsi 100 millions d’euros par an, au détriment des entreprises des outre-mer. Cela va à rebours des promesses de décentralisation et des réflexes libéraux. Par cette suppression, le Gouvernement opère une recentralisation des financements en les transformant en subventions aux entreprises.

L’État sera probablement le seul à distribuer ces subventions, selon des critères que nous ignorons. Comme pour le bénéfice du fonds d’exceptionnel d’investissement, les collectivités devront quémander quelque subside au Gouvernement et les entreprises seront obligées de tendre la main pour obtenir un soutien de Paris.

Enfin, cette mesure sera budgétisée sur la mission Outre-mer ; quelles garanties avons-nous que ces sommes seront sanctuarisées lors des prochains exercices budgétaires ?

Mme Sabine Rubin. Je ne répéterai pas les arguments qui viennent d’être excellemment présentés. Par cet amendement, à l’initiative de Jean-Hugues Ratenon, le groupe La France insoumise demande aussi la suppression de cet article.

M. Serge Letchimy. J’ai une question à vous poser : qu’est-ce qui vous pousse à agir de suite ? Vous disposez d’une base juridique à la fois nationale et européenne qui vous donne jusqu’à 2020 pour dire si vous renouvelez les aides à finalité régionale autorisées par Bruxelles.

La TVA NPR aide les entreprises des outre-mer à conforter leur compétitivité de la manière la plus optimale, en autorisant une dynamique interne en entreprise. Vous allez lui substituer une prétendue subvention, à hauteur de 100 millions d’euros – l’équivalent du coût de la TVA NPR –, qui sera placée sous votre seule autorité. Vous recentralisez ainsi le développement économique, quand tout le monde parle de proximité et de développement économique.

C’est d’une absurdité incroyable ! Qu’est-ce qui vous guide ? Pourquoi agissez-vous ainsi, un an avant l’échéance ? Pourquoi ne pas prendre le temps de mener une évaluation des conséquences économiques d’une telle mesure, avant de décider ensemble ?

Monsieur le président, nous ne sommes pas là pour demander plus pour l’outre-mer ; nous ne sommes pas dans la quémande. Nous souhaitons juste rappeler qu’il faut accompagner ces territoires, qui ont dû passer il y a quelque temps du régime de l’économie de l’habitation à une nouvelle économie. C’est la transformation de l’économie qu’il faut financer et non saupoudrer çà et là des aides qui nous mettent sous dépendance.

Vous allez contre le sens de l’histoire. Cela m’étonne qu’une équipe « en marche », qui parle de progrès, ne soit pas en mesure de comprendre cela. C’est pourquoi je m’efforce de sensibiliser le président de la République, le Premier ministre, la ministre des outre-mer et vous-mêmes, chers collègues. Ne conservez pas ce standard, car vous allez à l’échec !

M. le Rapporteur général. Sur la TVA non perçue récupérable – un nom qui, vous en conviendrez, ne plaide pas en faveur de la chose –, les travaux s’accumulent depuis bientôt dix ans. Qu’il s’agisse des missions de l’IGF ou de l’IGA, du Livre bleu des outre-mer, de l’étude d’impact, tous disent la même chose : ce dispositif n’est absolument pas efficace et il n’y a pas de répercussion sur les prix.

Nous sommes donc face à un dispositif dont on constate depuis des années qu’il ne fonctionne pas et que, pourtant, l’on maintient. De surcroît, la dépense est évaluée à 100 millions d’euros ! Le système est « fraudulogène », puisque sans déclarations de TVA fiabilisées, il est difficile de comptabiliser une TVA non perçue récupérable.

Nous proposons donc de le supprimer et, en remplacement de ces 100 millions d’euros qui sont dans la nature puisque l’administration fiscale ne contrôle rien, d’abonder d’autant les programmes 138 et 123. Cela permettra de financer des mesures demandées par les outre-mer, comme les garanties de paiement – un problème particulièrement aigu en Guadeloupe et à la Martinique –, des prêts de développement, des appels à projets, etc. Ces 100 millions deviennent de l’argent sonnant et trébuchant pour de vrais projets de développement, en lieu et place d’un système que plus personne ne maîtrise.

Avis défavorable à ces amendements ainsi qu’à ceux qui suivront, sur lesquels je ne reprendrai pas la parole.

Mme Ericka Bareigts. Monsieur le Rapporteur général, les acteurs économiques des territoires ne partagent pas tout à fait votre avis sur l’efficacité de ce dispositif. La Fédération des entreprises d’outre-mer et la Confédération des petites et moyennes entreprises s’accordent à dire qu’il est simple, automatique, qu’il a des effets immédiats en trésorerie et qu’il représente un coût très faible pour l’État puisqu’il n’y a pas d’intermédiaire. Par ailleurs, il permet de soutenir l’industrialisation de notre tissu économique, qui, je le rappelle, est composé à 95 % de TPE-PME et se trouve confronté à une très forte concurrence de pays comme l’Inde ou la Chine.

La TVA NPR sert à créer de la valeur sur les territoires, de l’activité économique, donc de l’emploi. Or vous proposez d’émettre les 100 millions d’euros qu’elle représente via des dispositifs déjà financés par l’Agence française de développement, qui va donc pouvoir nous accompagner pour le financement de notre propre économie. Je ne comprends franchement pas grand-chose à votre raisonnement.

Mme Amélie de Montchalin. Nous sommes en train de transformer un mécanisme que vous présentez comme une aide à l’investissement en quelque chose qui est une aide à l’investissement. Nous passons d’un système où l’aide à l’investissement empruntait une tuyauterie bizarre et difficile à suivre à un système où l’aide à l’investissement repose sur un programme budgétaire, avec une évaluation, un suivi, un pilotage.

L’idée n’est pas de saupoudrer l’argent sur des besoins qui n’auraient pas encore été identifiés. La concertation transpartisane, apaisée, territoriale menée par la ministre a recensé les besoins de façon très précise, territoire par territoire, qu’il s’agisse de besoins collectifs, de besoins éducatifs, d’infrastructures, de pépinières d’entreprises ou de fonds propres pour les entreprises. Nous transformons une aide à l’investissement difficile à suivre en une aide à l’investissement pilotable, stratégique, liée aux besoins des territoires.

M. Serge Letchimy. Il s’agit d’une aide à finalité régionale, une aide au fonctionnement pour les entreprises, autorisée par la réglementation européenne, pas d’une aide à l’investissement direct. Le matériel acheté entre dans le cycle de la TVA, il en est exonéré avec, effectivement, un calcul artificiel de la TVA, perçue comme une subvention. Ce mécanisme est parfaitement cadré. Je suis surpris d’entendre le Rapporteur général dire qu’il n’y a pas de contrôle des services fiscaux. Un tel aveu est très grave : voilà l’État qui explique que les services fiscaux ne font pas leur travail ! Pour tuer un dispositif, on est prêt à inventer toutes sortes d’explications.

M. le Rapporteur général. Je tiens à préciser que ce que j’ai dit figure dans le rapport de l’IGF.

M. Charles de Courson. Est-il raisonnable de défendre un mécanisme qui consiste à rembourser une TVA qui n’a pas été payée ? Est-ce que ce dispositif, qui existe depuis très longtemps, est efficace ? Ne vaut-il pas mieux placer ces 100 millions dans un fonds qui cible des investissements productifs ? La question qui devrait nous animer, me semble-t-il, c’est la création de ce fonds, sa mise en place, ses modalités de fonctionnement, car le grand danger de toutes ces affaires, c’est qu’il faut du temps et que les investissements ne courent pas les rues. Mais franchement, chers collègues des départements d’outre-mer, ne défendez pas l’indéfendable ! C’est un député de l’opposition qui vous le dit : soyons courageux.

La commission rejette les amendements I-CF627, I-CF668, I-CF1127, I-CF1234 et I-CF1300.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF1290 de M. Max Mathiasin, I-CF1028 de M. Olivier Serva, I-CF1276 de Mme Éricka Bareigts, ainsi que des amendements identiques I-CF673 de M. Philippe Gomès, I-CF1029 de M. Olivier Serva, ICF1275 de Mme Ericka Bareigts, I-CF1289 de M. Max Mathiasin et I-CF1303 de M. Serge Letchimy.

M. Max Mathiasin. Monsieur le Rapporteur général, je vous prie d’écouter nos préoccupations, même si vous avez dit tout à l’heure que vous ne reprendriez plus la parole sur ces amendements.

Nous nous obstinons à vous faire comprendre que nous n’avons pas décidé ces mesures, mais qu’elles font partie d’un ensemble, adopté pour remédier au retard structurel de nos économies. Aujourd’hui, le Gouvernement, sans que nous en discutions, prend la décision d’extraire 170 millions d’euros – 70 millions de l’impôt sur le revenu et 100 millions de la TVA NPR – pour abonder un fonds consacré au développement économique. Si nous regardons la répartition en termes de solidarité, ces sommes sont dévolues également à ceux qui n’étaient pas assujettis, comme Wallis-et-Futuna. Si péréquation il doit y avoir, elle doit jouer au niveau national pour que soient enfin mis en place les points de convergence promis lors de l’examen de la loi de programmation du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer.

On se rend compte aujourd’hui qu’un certain nombre de mesures sont de nature à créer des distorsions de développement, parce qu’elles n’ont pas été évaluées, parce qu’elles ne sont pas de nature à permettre un véritable développement économique. C’est la raison pour laquelle je demande, par cet amendement, de prendre le temps d’évaluer, de façon plus approfondie, les sommes en jeu et de discuter plus concrètement des modalités de leur redéploiement.

M. Olivier Serva. Étant expert‑comptable, je me servirai du cas de l’un de mes clients pour éclairer la défense de mon amendement I-CF1028. Cet entrepreneur guadeloupéen voulait acheter en France hexagonale une machine de 200 000 euros, grâce au plan de financement suivant : un tiers de défiscalisation, 10 % d’apport, TVA NPR pour 17 000 euros, un prêt bancaire pour le reste. Avec la suppression du dispositif et le refus de la banque d’accorder une rallonge de 17 000 euros, il ne peut plus financer son investissement.

Les commissaires doivent savoir que cette décision mettra un coup de frein à environ 100 millions d’euros d’investissements, en attendant que les sommes soient redéployées. C’est la raison pour laquelle je propose de suspendre l’arrêt du dispositif jusqu’à la mise en place du fonds exceptionnel d’investissements.

Quant à mon amendement I-CF1029, il est de repli et consiste à repousser d’un an la réforme de la TVA NPR.

M. le Rapporteur général. M’étant déjà exprimé sur l’équilibre général du programme, je me contenterai de rappeler deux points. D’une part, le présent PLF prévoit la rebudgétisation du programme 138 ; en conséquence, un décalage d’un an s’appliquerait également à ce programme, qui est abondé d’un montant supplémentaire de 100 millions d’euros cette année. La dépense fiscale correspondante doit donc être abrogée.

D’autre part, à ceux qui craignent les fins d’année, je rappelle que la TVA non perçue récupérable devra faire l’objet, à la fin décembre, de facturations de droit classiques afin d’éviter tout problème concernant le dernier mois de l’année. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements I-CF1290, I-CF1028, I-CF1276, ainsi que des amendements identiques I-CF673, I-CF1029, ICF1275, I-CF1289 et I-CF1303.

Puis elle adopte larticle 5 sans modification.

*

*     *

Article additionnel après l’article 5
Comptabilisation de lénergie solaire thermique dans la détermination du seuil de 50 % dénergie renouvelable permettant lapplication du taux réduit de TVA de 5,5 % à la fourniture de chaleur

La commission examine lamendement I-CF1176 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Amélie de Montchalin. Cet amendement vise à intégrer l’énergie solaire thermique au bouquet d’énergies ouvrant droit à un taux de TVA de 5,5 %, car elle n’entrait pas jusqu’à présent dans le champ des énergies pouvant bénéficier d’un taux de TVA réduit. Suite au rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, nous avons abondamment parlé d’écologie, tant lors de la séance de questions au Gouvernement que dans la presse. Il y va d’une loi qui s’adapte activement à l’évolution des technologies. L’énergie solaire thermique présente un grand intérêt en termes d’efficacité énergétique, et ses promoteurs pourront ainsi la déployer dans des conditions fiscales favorables.

M. le Rapporteur général. Rappelons que l’énergie solaire thermique consiste à chauffer un fluide. Je suis favorable à l’encouragement de ce procédé.

M. Charles de Courson. Cette petite mesure a fait l’objet de discussions au niveau communautaire. L’amendement est-il eurocompatible ?

Mme Amélie de Montchalin. Il s’agit, par continuité technologique, d’étendre à une nouvelle énergie ce qui existe déjà pour l’ensemble des énergies renouvelables et de s’assurer, alors que notre objectif vise à appliquer un taux réduit de TVA aux énergies renouvelables, que nous n’excluons pas une technologie pour des raisons fiscales. L’amendement est donc tout à fait cohérent : la science avance et les technologies aussi.

M. Charles de Courson. Soit, mais l’amendement est-il eurocompatible ? Si oui, je voterai pour.

M. le Rapporteur général. La réponse est oui.

La commission adopte lamendement I-CF1176 (amendement I-1570).

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*     *

Article 6
Création de zones franches dactivité nouvelle génération (ZFANG)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme à compter de 2019 les dispositifs d’exonérations zonées applicables en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion.

Il transforme les zones franches d’activité en outre-mer (ZFA‑OM) en zones franches d’activité nouvelle génération, les ZFANG. Dans le cadre des ZFA‑OM, les entreprises peuvent bénéficier, sous réserve de remplir certaines conditions, des abattements dégressifs d’impôt sur les bénéfices et d’impôts locaux, qui peuvent être majorés dans certaines hypothèses.

La transformation en ZFANG se traduit par :

– un renforcement très substantiel du fait d’un relèvement du taux des abattements fiscaux et de la pérennisation de ceux-ci ;

– un assouplissement des conditions pour bénéficier des abattements ;

– un recentrage du dispositif par l’exclusion de certaines activités et un ciblage plus fin des entreprises éligibles aux taux majorés d’abattements.

Conséquence de ce renforcement substantiel, l’article supprime l’application à ces territoires des régimes relevant des zones franches urbaines‑territoires entrepreneurs (ZFU‑TE) et des zones de revitalisation rurale (ZRR).

Le coût estimé du dispositif est de 124 millions par an pour l’État en rythme de croisière.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 17 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a créé un nouveau régime zoné, les bassins urbains à dynamiser.

L’article 27 de la loi de finances pour 2018 a prévu un maintien temporaire du bénéfice du dispositif applicable dans les ZRR pour les communes qui sont sorties du classement.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative du Rapporteur général, la commission a consacré le principe d’une évaluation en 2020 du dispositif proposé.

I.   L’état du droit

Neuf dispositifs d’exonérations fiscales (et parfois sociales) bénéficiant aux entreprises et liées à certaines zones du territoire de la République coexistent, le dernier – les bassins urbains à dynamiser (BUD) – ayant été créés par la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([71]).

Parmi ces dispositifs, cinq sont applicables dans les collectivités territoriales prévues à l’article 73 de la Constitution, c’est-à-dire la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion. Il s’agit :

– des zones d’aide à finalité régionales (ZAFR) ;

– des zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE) et des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ;

– des zones franches d’activité outre-mer (ZFA-OM) ;

– des zones de revitalisation rurale (ZRR).

A.   Les dispositifs d’exonérations zonées applicables outre-mer

Les différents dispositifs d’exonérations zonées qui coexistent ne portent pas nécessairement tous sur les mêmes territoires et sont, en tout état de cause, exclusifs l’un de l’autre : lorsqu’une entreprise dispose du choix entre deux ou plusieurs dispositifs, elle doit en retenir un, qui vaudra option irrévocable et exclusive des autres.

1.   Les zones franches d’activité outre-mer (ZFA-OM)

Créées par l’article 4 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ([72]), les ZFA-OM ont, depuis, fait l’objet de plusieurs modifications et prorogations et ont été étendues à Mayotte par l’ordonnance du 13 septembre 2013 ([73]).

Le dispositif des ZFA‑OM, en l’état du droit, ne s’applique qu’aux implantations intervenant avant 2020.

a.   Les entreprises éligibles aux ZFA‑OM

● En application de l’article 44 quaterdecies du CGI, les ZFA-OM concernent les entreprises enregistrant des bénéfices provenant d’exploitations situées dans lune des cinq collectivités territoriales d’outre‑mer mentionnée à l’article 73 de la Constitution :

– la Guadeloupe ;

– la Guyane ;

– la Martinique ;

– Mayotte ;

– La Réunion.

● Ces entreprises doivent en outre satisfaire aux conditions suivantes, prévues au I de l’article 44 quaterdecies :

– elles emploient moins de deux cent cinquante salariés et réalisent un chiffre daffaires annuel inférieur à 50 millions d’euros (1° du I) ;

– l’exploitation située en outre-mer a une activité principale :

– elles sont soumises à un régime réel d’imposition, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu (IR) ou de l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’un des régimes micro-fiscaux applicables aux bénéfices industriels et commerciaux (« micro‑BIC ») ou aux bénéfices non commerciaux (« micro-BNC »). Seules celles relevant du régime micro-fiscal applicable aux bénéfices agricoles – « micro-BA » – sont exclues ;

– elles ne sont pas en difficulté au sens du règlement européen général d’exemption par catégorie du 17 juin 2014 ([74]).

La notion d’entreprise en difficulté au sens du règlement général d’exemption
par catégorie (RGEC)

Le 18 de l’article 2 du RGEC du 17 juin 2014 définit une entreprise en difficulté.

Lorsque l’entreprise est une société à responsabilité limitée, la difficulté est constatée si plus de la moitié du capital souscrit a disparu du fait des pertes accumulées.

Lorsque l’entreprise est une société dont certains associés au moins ont une responsabilité limitée pour ses dettes, la difficulté est constatée lorsque plus de la moitié des fonds propres inscrits dans les comptes a disparu du fait des pertes accumulées.

Est également jugée en difficulté une entreprise qui :

– fait l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité ou remplit les conditions pour une telle procédure ;

– a bénéficié d’une aide au sauvetage et n’a pas encore remboursé le prêt ou mis fin à la garantie ;

– a bénéficié d’une aide à la restructuration et est toujours soumise à un plan de restructuration.

Enfin, l’entreprise est en difficulté si, au titre des deux exercices précédents, son ratio emprunts/capitaux propres excède 7,5 et son ratio de couverture d’intérêts est inférieur à l’unité.

● Enfin, les entreprises, pour prétendre au bénéfice dun abattement, doivent remplir les deux conditions prévues au V de l’article 44 quaterdecies du CGI :

– réaliser des dépenses de formation en faveur du personnel de l’exploitation au cours de l’exercice suivant celui de l’application de l’abattement ;

– verser, au cours du même exercice que celui d’engagement des dépenses de formation, une contribution au fonds dappui aux expérimentations en faveur des jeunes.

Ces dépenses doivent correspondre au moins à 5 % des bénéfices exonérés par l’abattement, et le versement au fonds doit correspondre au moins à 20 % du total constitué par ce versement et les dépenses de formation.

b.   Les abattements de droit commun

● Larticle 44 quaterdecies du CGI prévoit, au titre du dispositif ZFA‑OM, un abattement dégressif sur le bénéfice imposé à lIS ou à lIR.

Plafonné à 150 000 euros en application du II de cet article, l’abattement est de :

– 50 % pour les exercices ouverts entre 2008 et 2014 ;

– 40 % pour l’exercice ouvert en 2015 ;

– 35 % pour les exercices ouverts entre 2016 et 2019 inclus.

● Les entreprises éligibles à l’abattement sur les bénéfices peuvent également prétendre à un abattement sur la base dimposition de la contribution économique territoriale (CET).

Larticle 1466 F du CGI prévoit, sauf délibération contraire de l’organe délibérant compétent, un abattement sur la base nette de la cotisation foncière des entreprises (CFE).

Aux termes du II de cet article, l’abattement est de 80 % pour les années d’imposition 2010‑2015 et de 70 % pour les années d’imposition 2016‑2020. Il est plafonné à 150 000 euros.

L’abattement de CFE entraîne, de droit, un abattement de même taux sur lassiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ainsi que le prévoit le IV de larticle 1586 nonies du CGI.

● Elles peuvent également bénéficier d’un abattement sur la base dimposition de la TFPB, sauf délibération contraire de l’organe délibérant, en vertu de larticle 1388 quinquies du même code.

Aux termes du II de cet article, l’abattement est de 50 % pour les années d’imposition 2009‑2015 et de 40 % pour les années d’imposition 2016‑2020. Il est plafonné à 150 000 euros.

● Enfin, une exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) est prévue à larticle 1395 H du CGI. Le taux est dégressif : 80 % pour les années 2009-2015, 70 % pour les années 2016-2020.

● Le tableau résume les taux de droit commun actuellement applicables dans les ZFA‑OM.

taux normaux des abattements en vigueur dans les zfang

Imposition

IS ou IR

TFPB

CFE

Taux normal actuel

35 %

40 %

70 %

Source : commission des finances.

c.   Les abattements majorés

Des abattements majorés sont prévus dans certaines hypothèses, en fonction des territoires et / ou des activités.

Ces majorations sont prévues au dernier alinéa du III des articles 44 quindecies, 1388 quinquies et 1466 F du CGI :

– pour l’IS ou l’IR, le taux majoré est de 80 % entre 2008 et 2014, de 70 % en 2015 et de 60 % entre 2016 et 2019, l’abattement étant plafonné à 300 000 euros ;

– pour la TFPB, le taux majoré est de 80 % entre 2009 et 2015 et 70 % entre 2016 et 2020 ;

– pour la CFE, le taux majoré est de 100 % entre 2010 et 2015 et de 90 % entre 2016 et 2020.

● En application du 1° du III des articles 44 quaterdecies (IS et IR), 1388 quinquies (TFPB) et 1466 F (CFE et, par ricochet, CVAE) du CGI, la majoration est ouverte aux bénéfices tirés d’exploitations situées :

– en Guyane ;

– à Mayotte ;

– s’agissant de la Guadeloupe, dans les îles des Saintes, à Marie‑Galante et à la Désirade ;

– s’agissant de La Réunion, dans les communes de la zone spéciale d’action rurale créée par l’article 2 du décret n° 78‑690 du 23 juin 1978 ([75]).

● La majoration, en application du 2° du III des mêmes articles, est également ouverte aux bénéfices tirés d’exploitations situées dans certaines communes de Guadeloupe et de Martinique qui remplissent les conditions suivantes :

– être classées en zone de montagne ;

– la densité de population de l’arrondissement dans lequel elles sont situées est inférieure à 270 habitants par kilomètre carré ;

– leur population était inférieure à 10 000 habitants en 2008.

● La majoration, en application du 3° du III desdits articles, s’applique également lorsque les bénéfices remplissent les conditions suivantes :

– ils sont tirés d’exploitations situées en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion ;

– l’activité principale des exploitations porte sur la recherche, les technologies de l’information et de la communication, le tourisme, l’agro‑nutrition, l’environnement, les énergies renouvelables et les bâtiments et les travaux publics.

● Enfin, en application du 4° du III desdits articles, la majoration est également ouverte aux exploitations situées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, lorsque les entreprises :

– signent avec un organisme de recherche une convention agréée portant sur un programme de recherche dans le cadre d’un projet de développement des territoires, sous réserve que les dépenses de recherche atteignent un certain seuil ;

– bénéficient du régime de transformation sous douane, qui permet l’importation, en suspension des droits et taxes, de marchandises pour leur faire subir certaines transformations. Ce régime, sous l’appellation de régime de perfectionnement actif, a été modernisé à compter du 1er janvier 2016 par le code des douanes de l’Union européenne ([76]).

● Le tableau résume les taux majorés actuellement applicables dans les ZFA‑OM.

taux majorés des abattements en vigueur dans les zfang

Imposition

IS ou IR

TFPB

CFE

Taux normal actuel

60 %

70 %

90 %

Source : commission des finances.

d.   Synthèse des abattements prévus

Le tableau suivant présente de façon synthétique les abattements applicables pour les périodes d’imposition restant à courir.

synthèse des abattements normaux et majorés applicables dans les zfa‑om

Hypothèses de majoration

IS ou IR

TFPB

CFE

Normal

Majoré

Normal

Majoré

Normal

Majoré

35 %

60 %

40 %

70 %

70 %

90 %

Guadeloupe

 

 

 

 

 

 

Cas général

X

 

X

 

X

 

Îles des Saintes, Marie‑Galantes, la Désirade

 

X

 

X

 

X

Communes de montagnes sous condition

 

X

 

X

 

X

Activités des secteurs sensibles

 

X

 

X

 

X

Projet de développement / régime de transformation sous douane

 

X

 

X

 

X

Guyane

 

X

 

X

 

X

Martinique

 

 

 

 

 

 

Cas général

X

 

X

 

X

 

Communes de montagnes sous condition

 

X

 

X

 

X

Activités des secteurs sensibles

 

X

 

X

 

X

Projet de développement / régime de transformation sous douane

 

X

 

X

 

X

Mayotte

 

X

 

X

 

X

La Réunion

 

 

 

 

 

 

Cas général

X

 

X

 

X

 

Zone spéciale d’action rurale

 

X

 

X

 

X

Activités des secteurs sensibles

 

X

 

X

 

X

Projet de développement / régime de transformation sous douane

 

X

 

X

 

X

Source : commission des finances.

2.   Les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE) et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)

Pour favoriser la création d’entreprises dans certaines zones urbaines défavorisées, le législateur a mis en place un dispositif d’incitation fiscale à travers les ZFU‑TE et les QPV.

a.   La définition des ZFU‑TE et des QPV

● Définies au B du 3 de l’article 42 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ([77]), les ZFU-TE correspondent aux quartiers jugés particulièrement défavorisés comptant plus de 8 500 habitants. Pour l’outre-mer, la condition démographique n’est pas applicable.

Il existe en outre-mer 7 communes où ont été créées des ZFU‑TE :

– pour la Guadeloupe, Basse-Terre et Pointe-à-Pitre / Les Abymes ;

– pour la Guyane, Cayenne et Saint-Laurent du Maroni ;

– pour la Martinique, Fort-de-France ;

– pour La Réunion, Saint-André–Saint-Benoist et Saint-Denis ([78]).

● Les QPV, quant à eux, sont définis à l’article 5 de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ([79]) et correspondent aux quartiers se trouvant dans un territoire urbain, c’est-à-dire un territoire comptant au moins 10 000 habitants, qui répond à certaines caractéristiques démographiques et économiques et sociales.

Le tableau suivant indique le nombre de QPV par collectivité d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution.

Répartition des QPV en outre-mer

Collectivité

Nombre de communes dans lesquelles existe un QPV

Nombre de QPV

Guadeloupe

7

16

Guyane

6

32

Martinique

4

7

Mayotte

17

36

La Réunion

13

48

Source : Décret n° 2014-1751 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements d’outre-mer, à Saint-Martin et en Polynésie française, rectifié par le décret n° 2015-1138 du 14 septembre 2015 rectifiant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

b.   Les exonérations applicables dans les ZFU-TE et les QPV

La qualification d’un territoire en ZFU-TE ou en QPV conduit les entreprises qui s’y établissent à bénéficier d’avantages fiscaux.

● Pour les ZFU-TE, et en application de l’article 44 octies A du CGI, les entreprises qui emploient au maximum cinquante salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 10 millions d’euros qui se créent jusqu’au 31 décembre 2020 bénéficient d’une exonération dégressive d’IS ou d’IR, dont le montant est plafonné à 50 000 euros – ce plafond pouvant être majoré de 5 000 euros pour chaque salarié à temps plein domicilié dans la ZFU-TE ou dans un QPV.

L’exonération d’IS ou d’IR porte sur huit exercices : elle est intégrale au titre des cinq premiers exercices, puis est ramenée à 60 %, 40 % et 20 % au titre, respectivement, des sixième, septième et huitième exercices.

Des exonérations d’impôts locaux sont également ouvertes aux entreprises qui se sont créées dans une ZFU‑TE avant 2015 :

– exonération de TFPB en application des articles 1383 C et 1383 C bis du CGI, sauf délibération contraire ;

– exonération de CFE en application du I sexies de larticle 1466 A du CGI, là encore sauf délibération contraire, entraînant également une possible exonération de CVAE au titre du III de larticle 1586 nonies ;

 exonérations de cotisations sociales en application de la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville ([80]).

● Les entreprises qui s’implantent dans un QPV jusqu’au 31 décembre 2020 peuvent prétendre, sauf délibération contraire de l’organe délibérant compétent, à des exonérations quinquennales de TFPB, de CFE et de CVAE.

Ne sont toutefois éligibles à ce dispositif que les entreprises qui répondent aux mêmes conditions que celles prévues pour les ZFU-TE, à savoir disposer d’un effectif maximal de cinquante salariés et réaliser un chiffre d’affaires qui n’excède pas 10 millions d’euros. Jusqu’en 2016 inclus, le dispositif était plus ciblé et réservé aux entreprises employant moins de onze salariés et réalisant un chiffre d’affaires n’excédant pas 2 millions d’euros.

3.   Les zones de revitalisation rurale (ZRR)

● La définition des ZRR figure au II de l’article 1465 A du CGI et correspond aux communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont la densité démographique n’excède pas celle des EPCI métropolitains et au sein duquel le revenu fiscal par unité de consommation médian n’excède pas la médiane des revenus médians des EPCI métropolitains.

Un critère alternatif au premier critère (démographique) a été introduit par la loi de finances pour 2018 ([81]) et repose sur deux conditions, l’une liée au déclin démographique de l’EPCI, l’autre sur la supériorité du niveau de population de ce dernier par rapport à l’arrondissement.

Pour l’outre‑mer, sont classés en ZRR :

– la totalité de la Guyane ;

– les Hauts de La Réunion.

● Les entreprises qui se créent ou s’implantent dans une ZRR, sous réserve qu’elles emploient moins de onze salariés, peuvent prétendre à une exonération d’IS ou d’IR dégressive pendant huit exercices en application de l’article 44 quindecies du CGI :

– l’exonération est intégrale au titre des cinq premiers exercices ;

– elle est ensuite ramenée à 75 %, 50 % et 25 % au titre, respectivement, des sixième, septième et huitième exercices.

Sont également prévues :

– en application de l’article 1383 A du CGI, une exonération de TFPB pour une période comprise entre deux et cinq ans, sur délibération de l’assemblée délibérante compétente ;

– en application de l’article 1465 A du CGI, une exonération de CFE pour une période de cinq ans, sauf délibération contraire, pouvant entraîner une exonération de CVAE en vertu du III de l’article 1586 nonies du CGI ;

Les entreprises peuvent en outre bénéficier d’une exonération de TFPB pendant quinze ans ainsi que d’une exonération de TH au titre de certaines activités d’hébergement touristiques.

Enfin, et en application des articles L. 131‑4‑2 et L. 131‑4‑3 du code de la sécurité sociale, sont prévues des exonérations de cotisations sociales patronales.

4.   Les zones d’aide à finalité régionale (ZAFR)

Les ZAFR sont les territoires éligibles aux aides publiques dans le cadre du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) du 17 juin 2014 précité.

La cartographie des ZAFR est conjointement arrêtée par la Commission européenne et les autorités nationales. En France, les ZAFR ont été identifiées pour la période 2014-2020.

Les communes des cinq collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution sont d’office inscrites dans le zonage ZAFR.

Sur le fond, les ZAFR correspondent, s’agissant des zones classées « a », aux territoires où le niveau de vie est anormalement bas ou au sein desquels sévit un important sous-emploi et, s’agissant des autres zones, aux territoires défavorisés par rapport à la moyenne nationale.

Une « réserve nationale de population » est également déterminée, afin d’intégrer aux ZAFR les communes qui y figurent, lorsque ces dernières sont touchées par un sinistre économique particulièrement grave.

● En application de l’article 44 sexies du CGI, les entreprises créées dans une ZAFR bénéficient d’une exonération dégressive d’IS ou d’IR pendant cinq ans :

– l’exonération est intégrale les deux premières années ;

– elle est ramenée à 75 %, 50 % et 25 % au titre, respectivement, des troisième, quatrième et cinquième années.

Ces entreprises, sous réserve d’une délibération en ce sens de l’organe délibérant compétent, peuvent bénéficier d’exonérations de TFPB et de CFE, en application des dispositions combinées des articles 1383 A, 1464 B et 1464 C du CGI. Ces exonérations sont comprises entre deux et cinq ans.

L’exonération de CFE peut également entraîner une exonération de CVAE en application des I et II de l’article 1586 nonies du CGI (exonération de droit pour la part du bloc communale, et à la décision du conseil départemental et du conseil régional pour les parts départementale et régionale).

B.   Une pluralité de dispositif d’exonérations zonées concurrents supposant un recentrage plus performant

1.   Les ZFA‑OM paraissent plus adaptées à l’outre‑mer

La coexistence de plusieurs dispositifs concurrents, l’entreprise ne pouvant bénéficier que de l’un d’entre eux, est source de complexité du droit applicable.

Ce constat est vrai pour l’ensemble des territoires de la République qui peuvent voir se cumuler différents régimes d’exonérations zonées, mais il est particulièrement saillant s’agissant de l’outre‑mer, qui bénéfice d’un dispositif dédié à travers les ZFA‑OM.

● Les ZFA‑OM paraissent mieux adaptés à l’outre‑mer en ce qu’elles prend en compte des spécificités de certains territoires au sein des zones éligibles ou de besoins particuliers en matière économique, à travers des activités spécifiques.

Cette prise en compte se traduit ainsi par les taux majorés applicables à certaines zones ou au titre certaines activités.

Le tableau suivant compare les dispositifs des ZFA‑OM, des ZFU‑TE et des ZRR selon leurs modalités applicables aux entreprises qui s’implantent actuellement dans l’une des zones.

comparaison des dispositifs ZFA‑OM, ZFU‑TE Et ZRR

Critères

ZFAOM

ZFUTE

ZRR

Effectifs de l’entreprise

< 250

≤ 50

≤ 11

Chiffre d’affaires de l’entreprise
(en millions deuros)

< 50

< 10

Conditions supplémentaires

Dépenses de formation et versement à un fonds

Clause d’embauche locale et signature d’un contrat de ville

Exonération ou abattement d’IS ou d’IR

35 % en droit commun
60 % en majoré

Exonération totale pendant cinq ans
Abattement dégressif les trois années suivantes

Exonération totale pendant cinq ans
Abattement dégressif les trois années suivantes

Exonération ou abattement de TFPB

Sauf délibération contraire :
40 % en droit commun
70 % en majoré

Éteint

Sur délibération, exonération entre deux et cinq ans

Exonération ou abattement de CET

Sauf délibération contraire
70 % en droit commun
90 % en majoré

Éteint

Sauf délibération contraire, exonération pour cinq ans

Date limite d’implantation

31 décembre 2019

31 décembre 2020

31 décembre 2020

Source : commission des finances.

● Il est rappelé par ailleurs que les ZRR et les ZFU‑TE ne concernent pas toutes les collectivités territoriales relevant de l’article 73 de la Constitution, loin de là, alors que les ZFA‑OM, par définition, embrassent l’ensemble de celles‑ci et renforcent les avantages dans certains territoires, comme le montre le tableau suivant.

Application des dispositifs zonés
aux collectivités de l’article 73 de la ConstituTion

Zone

Guadeloupe

Guyane

Martinique

Mayotte

La Réunion

ZFAOM

Oui
Taux majoré dans certains cas

Oui
Taux majoré de droit

Oui
Taux majoré dans certains cas

Oui
Taux majoré de droit

Oui
Taux majoré dans certains cas

ZFUTE

Oui
(2 communes)

Oui
(2 communes)

Oui
(1 commune)

Non

Oui
(2 communes)

ZRR

Non

Oui

Non

Non

Oui

Source : commission des finances.

2.   L’analyse des coûts des dispositifs d’exonérations zonées témoigne de l’importance des ZFA‑OM pour les exploitations locales

● L’impact financier de chacun des dispositifs étudiés est variable non seulement de l’un à l’autre, mais également au sein de chacun en fonction des impôts considérés, ce qu’illustre le tableau ci-après.

Coût des dispositifs ZFA‑OM, ZFU‑TE, QPV et ZRR (2017-2019)

Zone

Impôt

Bénéficiaires 2016

Coût
(en millions deuros)

2017

2018 (p.)

2019 (p.)

ZFAOM

IS ou IR

6 338

63

62

58

TFPB

3 000

8

10

10

TFPNB

NC

7

8

8

CFE

12 011

14

15

15

CVAE

3 500

20

22

22

Coût total ZFAOM

112

117

113

ZFUTE

IS ou IR

17 152

182

184

183

TFPB

0

0

0

NC

CFE

24 378

ε

ε

ε

CVAE

4 750

1

1

NC

Coût total ZFUTE

183

185

183

QPV

TFPB

8 453

3

3

NC

CFE

15 082

4

4

NC

CVAE

5 410

2

3

NC

Coût total QPV

9

10

NC

ZRR

IS ou IR

20 600

123

121

126

TFPB (1)

CFE

21 152

ε

ε

ε

CVAE

2 840

ε

ε

NC

Coût total ZRR

123

121

126

Coût total

427

433

422

(1) La dépense fiscale liée à la TFPB ne figure pas dans les annexes budgétaires.

Source : Évaluations des voies et moyens du projet de loi de finances pour 2019, tome II : Dépenses fiscales.

L’analyse des chiffres présentés permet de dresser plusieurs constats.

Si la principale dépense fiscale porte sur l’IR et l’IS, la ventilation du coût de chaque dispositif en fonction des impôts est très variable :

– pour les ZFU‑TE et les ZRR, l’essentiel de la dépense, sinon la totalité, concerne l’IS et l’IR ;

– pour les ZFA‑OM, en revanche, la ventilation est plus équilibrée et les dépenses fiscales associées aux impôts locaux représentent près de la moitié du total.

Par ailleurs, le coût moindre des ZFA‑OM par rapport aux ZFU‑TE et aux ZRR doit être relativisé par la différence de périmètre géographique : les ZFA‑OM, par définition, ne concernent que l’outre‑mer, tandis que les autres dispositifs sont également applicables en métropole.

L’importance relative du coût des ZFA‑OM témoigne ainsi de l’intérêt du dispositif pour les exploitations locales.

● Ce coût connaît depuis 2015 une tendance à la baisse, ce qu’illustrent le tableau et les deux graphiques suivants illustrent l’évolution du coût de la dépense fiscale associée au dispositif ZFA‑OM sur la période 2012‑2019, présentée de façon globale puis ventilée par impôt.

Évolution du coût du dispositif ZFA‑OM (2012-2019)

 (en millions d’euros)

Impôt

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p.)

2019 (p.)

IS et IR

74

87

84

87

75

63

62

58

TFPB

7

8

9

9

8

8

10

10

TFPNB

8

8

8

8

7

7

8

8

CFE

21

13

14

16

13

14

15

15

CVAE

20

20

23

23

25

20

22

22

Total

130

136

138

143

128

112

117

113

NB : les données relatives à l’IS et l’IR au titre de l’année 2014 correspondent à l’estimation faite dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, les données définitives ne figurant pas dans les documents annexés au projet de loi de finances pour 2016.

Source : Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances pour 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, tome II : Dépenses fiscales.

Source : Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances pour 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, tome II : Dépenses fiscales.

 

NB : les données relatives à l’IS et l’IR au titre de l’année 2014 correspondent à l’estimation faite dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, les données définitives ne figurant pas dans les documents annexés au projet de loi de finances pour 2016.

Source : Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances pour 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, tome II : Dépenses fiscales.

L’évolution à la hausse, d’abord, et à la baisse, ensuite, est essentiellement due à la trajectoire de la dépense fiscale portant sur l’IS et l’IR : les dépenses liées aux impôts locaux sont restées relativement constantes.

3.   Les évaluations réalisées sur les ZFA‑OM témoignent de l’intérêt de l’outil pour l’économie locale

● Une revue de dépenses réalisée en 2016 a permis de mettre en évidence l’efficacité des ZFA‑OM ([82]).

Cette revue a montré que les entreprises ayant sollicité le bénéfice du dispositif ZFA‑OM, par rapport aux entreprises n’en bénéficiant pas, ont connu :

– une meilleure évolution du nombre de salariés, plus de dix points d’écart séparant les données des deux populations ;

– une plus importante évolution de leur chiffre d’affaires, qui s’établit à + 20 % contre + 8,3 % pour les autres entreprises ;

– une meilleure rentabilité (rapport entre le bénéfice comptable et le chiffre d’affaires), qui est de 11 % contre environ 7 % pour les autres entreprises. En revanche, ces dernières ont connu une progression plus prononcée.

La revue de dépenses concluait donc que, si l’impact des ZFA‑OM sur la rentabilité était délicat à bien appréhender, celui sur l’emploi et l’activité était indéniablement positif.

● Il ressort de l’ensemble des éléments qui précèdent que les ZFA‑OM doivent constituer le véhicule privilégié en matière d’exonérations fiscales d’entreprises en outre‑mer. C’est l’objectif du dispositif proposé, qui prévoit parallèlement une montée en puissance de l’outil et qui s’inscrit dans la continuité du Livre bleu produit à l’issue des Assises des outre-mer conduites entre octobre 2017 et avril 2018 ([83]).

II.   Le dispositif proposé

Le présent article simplifie le paysage des dispositifs d’exonérations zonées applicables en outre-mer en concentrant sur les ZFA – qui deviennent de nouvelle génération – les aides, qui sont renforcées.

A.   une simplification et un renforcement des aides fiscales zonées en outre-mer

Alors que plusieurs dispositifs d’exonérations zonées coexistent en outre‑mer, chacun étant exclusif de l’autre, le présent article prévoit de ne conserver que les ZFA, dont le régime évolue de façon conséquente pour aboutir aux zones franches d’activités nouvelle génération, les ZFANG.

1.   Le meilleur ciblage et le renforcement substantiel des aides à travers la consécration des ZFANG

Les ZFANG présentent, par rapport aux actuelles ZFA‑OM, deux caractéristiques principales :

– elles sont renforcées de façon très importante à travers la suppression de la dégressivité des abattements et la pérennisation de ces derniers ;

– elles sont recentrées, certaines activités étant exclues du dispositif tandis que l’application du taux majoré est mieux ciblée.

a.   Le volet renforcement : des abattements non dégressifs et pérennes et un régime plus souple et plus simple

i.   Des abattements augmentés et pérennisés

La principale évolution que les ZFANG présentent par rapport aux actuelles ZFA‑OM réside dans les modifications apportées aux abattements.

Le taux des abattements prévus dans le cadre des ZFA‑OM est dégressif, et le dispositif doit s’éteindre après 2019 pour l’IS et l’IR et après 2020 pour la CFE et la CVAE.

● Le présent article refond et renforce les aides applicables dans ces zones franches de trois façons :

– le taux est augmenté ;

– il n’est plus dégressif ;

– les abattements sont pérennisés grâce à la suppression du terme de l’application du dispositif.

Concrètement, les taux applicables normaux et majorés sont fixés à leur niveau d’origine et sont pérennisés à travers la suppression de la chronique temporelle d’application du dispositif : il n’existe plus de bornage, les ZFANG étant théoriquement perpétuelles.

En conséquence, une exploitation éligible au dispositif ZFANG bénéficiera d’abattements sur l’IS ou l’IR, sur la TFPB, sur la CFE et sur la CVAE de façon permanente, sous réserve qu’elle remplisse les conditions – qui sont par ailleurs largement assouplies, ainsi qu’il sera vu.

Le tableau suivant présente les taux qui seront désormais applicables dans le cadre des ZFANG, et le compare aux taux actuels.

Comparaison des taux actuels avec les taux proposés

Taux

IS ou IR

TFPB

CFE

Droit existant

Droit proposé

Droit existant

Droit proposé

Droit existant

Droit proposé

Taux normal

35 %

50 %

40 %

50 %

70 %

80 %

Taux majoré

60 %

80 %

70 %

80 %

90 %

100 %

Source : commission des finances.

● Ces évolutions conséquentes sont apportées par les dispositions suivantes, présentées en fonction des impôts concernés par chaque abattement :

– pour l’IS, la modification porte sur l’article 44 quaterdecies et est réalisée : s’agissant du taux normal, par le b du 2° du B du I du présent article ; s’agissant du taux majoré, par le d du même 2° ;

– pour la TFPB, la modification porte sur l’article 1388 quinquies et est réalisée : s’agissant de la suppression de l’encadrement temporel qui figurait ailleurs que dans la seule chronique dégressive du taux, par le  du E du I du présent article ; s’agissant du taux normal, par le  du même E ; s’agissant du taux majoré, par le d du 3° dudit E.

– pour la CFE, enfin, la modification porte sur l’article 1466 F et est réalisée : s’agissant du taux normal, par le  du H du I du présent article ; s’agissant du taux majoré, par le d du 2° du même H.

● Par cohérence avec l’économie générale du dispositif qui vient d’être présenté, l’abattement de TFPNB prévu à l’article 1395 H du CGI est également pérennisé et voit son taux rétabli à 80 %, en application du F du I du présent article.

ii.   Un assouplissement des conditions d’éligibilité au dispositif des ZFANG

Trois mesures assouplissent le dispositif en l’ouvrant à de nouvelles entreprises.

● En premier lieu, les exploitations qui relevaient du régime micro-fiscal au titre des bénéfices agricoles, le « microBA », pourront prétendre à lapplication du régime des ZFANG alors qu’elles étaient jusque-là les seules exploitations soumises à un régime micro-fiscal exclues des ZFA‑OM.

Cette modification est réalisée par le b du 1° et le a du 2° du B du I du présent article.

● En deuxième lieu, les ZFANG sont ouvertes aux entreprises en difficulté, cette hypothèse d’exclusion étant supprimée par le c du même 1°.

● En troisième lieu, lexigence pour prétendre au bénéfice des abattements de réaliser des dépenses de formation et de procéder à des versements sur un fonds est supprimée : là aussi, de nouvelles entreprises pourront entrer dans le dispositif, tandis que celles qui y étaient déjà voient disparaître une condition relativement contraignante.

Cette modification résulte du  du B du I du présent article, qui abroge le V de l’article 44 quaterdecies.

Par coordination, le  du même B supprime au VI de cet article 44 quaterdecies deux alinéas qui reposaient sur les conditions de dépenses et de versement à un fonds.

● Une autre coordination due à la suppression de cette condition est réalisée au D du I du présent article, qui modifie l’article 244 quater M du CGI.

Cet article, qui porte sur le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants d’entreprise, renvoie à son II aux dépenses de formation que les entreprises doivent en l’état du droit engager pour bénéficier de l’abattement au titre des ZFA‑OM.

La disparition de cette condition rend cette référence caduque, d’où sa suppression.

● Enfin, une suppression de condition devenue caduque et une coordination sont faites, respectivement, par le b du 6° et le  du B du I du présent article.

b.   Le volet recentrage : un taux majoré mieux ciblé et certaines activités exclues

i.   La concentration du dispositif sur les activités agricoles, artisanales, commerciales et industrielles

Les ZFANG, à la différence des actuelles ZFA‑OM, ne concerneront plus les exploitations situées en outre-mer dont l’activité principale consiste en la comptabilité, le conseil aux entreprises et l’ingénierie ou la réalisation d’études techniques pour les entreprises.

Cette exclusion, réalisée par le a du 1° du B du I du présent article, conduit à ne maintenir dans le champ du dispositif d’exonérations zonées que les activités éligibles à la réduction d’impôt pour investissements productifs en outre‑mer prévue à l’article 199 undecies B du CGI.

Il ne faut cependant pas voir un recentrage excessif de l’outil : cette réduction d’impôt cible en effet un champ large portant sur les activités agricoles, artisanales et industrielles.

Rappelons par ailleurs que la dépense fiscale prévue à l’article 199 undecies B du CGI fait l’objet d’une prorogation à l’article 55 du présent PLF.

ii.   Le recentrage du taux majoré zoné sur la Guyane et Mayotte

Le taux majoré dexonération applicable à certains territoires, indépendamment de la nature des activités réalisées par les exploitations, est concentré sur la Guyane et Mayotte en vertu des a et b du  du B du I du présent article.

● Le a de ce 3° met un terme au bénéfice du taux majoré zoné pour les exploitations situées dans certains territoires de la Guadeloupe (les îles des Saintes, la Désirade et Marie‑Galante) et dans la zone spéciale d’action rurale de La Réunion, actuellement prévu au 1° du III de l’article 44 quaterdecies.

Le b du même 3° abroge le 2° du III de cet article, qui prévoyait l’application du taux majoré dans certaines communes de montagne peu peuplées de la Guadeloupe et de la Martinique.

Enfin, le  du B du présent article abroge le IV de l’article 44 quaterdecies : il s’agit d’une mesure de toilettage légistique, ce IV prévoyant un taux super-majoré dans certains territoires entre le 31 décembre 2008 et le 31 décembre 2011. Sa caducité rend sa suppression opportune.

● Les a et b du 3° du E du présent article tirent les conséquences des modifications apportées à l’article 44 quaterdecies qui viennent d’être présentées, pour modifier de la même manière l’article 1388 quinquies du CGI relatif à l’abattement de TFPB.

Le  de ce même E abroge le IV de cet article 1338 quinquies, portant sur le taux super-majoré applicable jusqu’en 2011.

● Enfin, les a et b du 1° du H du I du présent article modifient de la même façon l’article 1466 F du CGI relatif à l’abattement de CFE.

● Il résulte de ces modifications que le taux majoré zoné des abattements d’IS ou d’IR, de TFPB, de CFE et de CVAE sera désormais concentré sur la Guyane et Mayotte.

En revanche, il paraît utile de rappeler que l’exclusion de certains territoires du bénéfice du taux majoré n’a aucun effet sur le taux normal. Ce dernier reste naturellement maintenu dans ces zones, qui bénéficieront ainsi des abattements dans les conditions de droit commun, qui sont au demeurant substantiellement renforcées à travers le relèvement et la pérennisation de ce taux.

iii.   La suppression du bénéfice du taux majoré pour certains projets

● Les bénéfices tirés d’exploitations en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion que réalisent des entreprises qui ont signé avec un organisme de recherche ou une université une convention agréée portant sur un programme de développement ne feront plus l’objet du taux majoré.

Le b du 3° du B du I du présent article abroge en effet le a du 4° du III de l’article 44 quaterdecies qui consacrait à ces situations l’application du taux majoré.

Le c du même 3° procède également à une actualisation de référence au b du 4 du III de l’article 44 quaterdecies, afin de tenir compte de l’adoption et de l’entrée en vigueur du code des douanes de l’Union européenne.

● Les articles 1388 quinquies sur l’abattement de TFPB et 1466 F sur l’abattement de CFE sont modifiés en conséquence pour exclure dans les mêmes hypothèses l’application du taux majoré.

Pour ce faire, le c du 3° du E et le c du 2° du H du I du présent article modifient le 4° du III de ces deux articles.

● Les entreprises qui concluent les conventions précédemment mentionnées continueront toutefois à bénéficier du taux normal.

Par ailleurs, l’application du taux majoré aux activités sensibles exercées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion n’est pas remise en cause par le dispositif proposé.

● Enfin, précisons que le dispositif proposé ne revient pas sur l’application des abattements majorés aux secteurs prioritaires, à savoir :

– la recherche et le développement ;

– les technologies de l’information et de la communication ;

– le tourisme ;

– l’agro-nutrition ;

– l’environnement ;

– les énergies renouvelables ;

– les bâtiments et travaux publics.

c.   Synthèse des abattements proposés et de leur champ d’application

Le tableau suivant présente de façon synthétique les abattements prévus dans le dispositif proposé et leurs hypothèses d’application.

synthèse des abattements dans les ZFANG résultant du dispositif proposé

Hypothèses de majoration

IS ou IR

TFPB

CFE

Normal

Majoré

Normal

Majoré

Normal

Majoré

50 %

80 %

50 %

80 %

80 %

100 %

Guadeloupe

 

 

 

 

 

 

Cas général

X

 

X

 

X

 

Îles des Saintes, Marie‑Galantes, la Désirade

X

 

X

 

X

 

Communes de montagnes sous condition

X

 

X

 

X

 

Activités des secteurs sensibles

 

X

 

X

 

X

Projet de développement

X

 

X

 

X

 

Régime de transformation sous douane

 

X

 

X

 

X

Guyane

 

X

 

X

 

X

Martinique

 

 

 

 

 

 

Cas général

X

 

X

 

X

 

Communes de montagnes sous condition

X

 

X

 

X

 

Activités des secteurs sensibles

 

X

 

X

 

X

Projet de développement

X

 

X

 

X

 

Régime de transformation sous douane

 

X

 

X

 

X

Mayotte

 

X

 

X

 

X

La Réunion

 

 

 

 

 

 

Cas général

X

 

X

 

X

 

Zone spéciale d’action rurale

X

 

X

 

X

 

Activités des secteurs sensibles

 

X

 

X

 

X

Projet de développement

X

 

X

 

X

 

Régime de transformation sous douane

 

X

 

X

 

X

Source : commission des finances.

2.   L’extinction de conséquence des ZRR et des ZFU‑TE en outre-mer

La montée en puissance importante des ZFANG traduite par le dispositif proposé rend le maintien en outre-mer des ZRR et des ZFU‑TE redondant et source de complexité.

● En conséquence, le présent article met fin, à compter de 2019, à ces deux derniers dispositifs en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion :

– le A du I du présent article procède à l’extinction en outre-mer des ZFU‑TE, limitant le bénéfice de l’exonération prévue à l’article 44 octies A aux activités créées dans ces zones jusqu’au 31 décembre 2018 ;

– le C du I du présent article apporte la même modification au ZRR, en mentionnant à l’article 44 quindecies du CGI que seules les entreprises créées ou reprises dans ces zones jusqu’au 31 décembre 2018 sont éligibles aux exonérations prévues ;

– le G du I du présent article exclut les collectivités d’outre-mer concernées de l’exonération de CFE applicable en ZRR en modifiant en ce sens l’article 1465 A du CGI.

La circonstance que les autres dispositifs prévoyant des exonérations d’impôts locaux ne sont pas modifiés n’a pas pour effet de maintenir ces exonérations : les articles en question, en effet, renvoient aux articles 44 octies A et 44 quindecies.

● Les entreprises qui sont déjà implantées dans les cinq collectivités concernées et bénéficient à ce titre des exonérations prévues par les dispositifs ZRR et ZFU‑TE ne seront naturellement pas privées de celles-ci : elles demeurent applicables jusqu’à leur terme normal.

● Enfin, le a du 6° du B, le  du E et le  du H du I du présent article procèdent aux coordinations légistiques liées à l’extinction des dispositifs ZRR et ZFU‑TE dans ces collectivités.

3.   Une entrée en vigueur en 2019 qui ne remet pas en cause les droits acquis dans le cadre du régime actuel des ZFA‑OM

Le II du présent article précise les modalités d’entrée en vigueur du dispositif.

● Le nouveau régime des ZFANG sera applicable :

– pour l’abattement d’IS ou d’IR, aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, en vertu du premier alinéa du A du II ;

– pour les abattements de TFPB et de CFE, aux impositions dues à compter de 2019, en vertu du premier alinéa des C et E.

Il est néanmoins expressément prévu que les entreprises bénéficiant actuellement du dispositif ZFA‑OM et qui, du fait du nouveau régime des ZFANG, seraient exclues des avantages ou perdraient le bénéfice du taux majoré, continueront à jouir de la situation actuelle de façon temporaire.

Ce maintien temporaire a, en réalité, pour effet, non de proroger exceptionnellement l’ancien régime, mais de garantir le bénéfice des droits acquis en octroyant les abattements prévus jusquau terme actuel du dispositif des ZFAOM, soit :

– 2019 pour les abattements d’IS et d’IR ;

– 2020 pour les abattements de TFPB et de CFE.

Formellement, le maintien des droits acquis résulte, dans le II du présent article, des 1°, 2° et 3° :

– du A, s’agissant des abattements d’IS ou d’IR ;

– du C, s’agissant des abattements de TFPB ;

– du E, s’agissant des abattements de CFE.

●Une mesure similaire est prévue s’agissant des abattements d’impôts locaux fonciers prévus dans les ZRR : le D du II du présent article prévoit expressément le maintien des abattements en cours, jusquau terme de leur durée.

L’extinction du dispositif ZRR en outre-mer s’appliquera, en vertu du D du II, aux impositions de CFE dues à compter de 2019.

● Enfin, la modification apportée à l’article 244 quater M portant sur le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants sera applicable aux crédits d’impôts calculés au titre des exercices ouverts à compter de 2019, pour éviter tout effet rétroactif. Cette précision est apportée par le B du II du présent article.

B.   L’impact budgétaire et économique

1.   Un coût pérenne pour l’État estimé approximativement à 124 millions d’euros

D’après l’évaluation préalable, le dispositif proposé devrait entraîner un coût pérenne pour lÉtat estimé à 124 millions deuros, selon la chronique présentée dans le tableau suivant.

impact budgétaire du dispositif proposé

(en millions d’euros)

Affectataire

2019

2020

2021

2022

État

NC

– 10

– 124

– 124

Collectivités territoriales

NC

NC

NC

NC

Total

NC

NC

NC

NC

Source : évaluation préalable.

Une ventilation plus fine a été réalisée par le Gouvernement, impôt par impôt, comme le montre le tableau ci-dessous.

impact budgétaire pour l’État réparti par impôt

(en millions d’euros)

Impôt

2019

2020

2021

2022

IS et IR

NC

– 10

– 75

– 75

TFPB

NC

NC

– 8

– 8

TFPNB

NC

NC

– 7

– 7

CFE

NC

NC

– 14

– 14

CVAE

NC

NC

– 20

– 20

Total

NC

NC

– 124

– 124

Source : évaluation préalable.

L’impact négatif à hauteur de 10 millions d’euros en 2020 résulte des premiers effets du renforcement des abattements prévu par le dispositif, la pérennisation de ces abattements n’ayant d’incidence qu’à compter de 2021 et venant alors s’ajouter au coût du renforcement.

Pour les impôts locaux, l’impact négatif du dispositif n’intervient qu’à compter de 2021, la dernière année des ZFA‑OM actuelles pour ces impôts étant 2020.

● Ces données restent incomplètes du fait de nombreux éléments non pris en compte.

À l’exception de l’IS et de l’IR, il semble que ces estimations ne reposent que sur la pérennisation des abattements, et non sur leur renforcement à travers le rétablissement des taux initiaux.

En conséquence, cette estimation d’un coût de 124 millions d’euros par an à compter de 2021 ne tient pas compte ;

– du relèvement des taux des abattements portant sur les impôts locaux ;

– de l’exclusion de certaines activités ;

– du recentrage du périmètre des taux majorés.

Par ailleurs, n’a pas été pris en compte l’effet de l’extinction des ZRR et des ZFU‑TE : il n’est donc pas impossible que l’impact budgétaire soit finalement neutralisé au moins partiellement.

Enfin, les conséquences pour les collectivités territoriales n’ont pas été évaluées, alors que la compensation par l’État n’est pas intégrale dans la mesure où elle repose sur un taux historique de TFPB et de CFE ([84]).

2.   Une amélioration de la situation des entreprises et de l’économie ultra-marine

Ainsi qu’il a été vu, le dispositif des ZFA‑OM renforce la résilience des exploitations situées en outre-mer, améliore l’emploi et facilite le développement.

Le dispositif proposé des ZFANG conduira globalement à accentuer ces effets constatés.

Les exploitations touchées par l’exclusion dans certaines hypothèses de l’application du taux majoré et celles se livrant aux activités exclues du périmètre des nouvelles ZFANG devraient subir un désavantage au regard de la situation actuelle.

En revanche, toutes les autres gagneront au passage des ZFA‑OM aux ZFANG, à travers :

– des taux substantiellement renforcés ;

– une double pérennisation : pérennisation des abattements pour les entreprises qui s’implantent ; suppression de toute limite temporelle s’agissant de la date d’implantation.

3.   La nécessité d’une évaluation des ZFANG en 2022

L’ampleur du renforcement proposé et l’estimation approximative et lacunaire de son impact budgétaire commandent que le dispositif soit évalué après une période suffisamment longue.

La nécessité d’une telle évaluation est d’autant plus grande que, à la différence des autres dispositifs zonés, la période d’implantation dans les ZFANG n’est pas bornée dans le temps.

Ce bornage, pour les autres dispositifs, impose des prorogations législatives régulières, ce qui permet de procéder à des évaluations, comme le prévoit le II de l’article 20 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([85]).

La circonstance que, dans le cadre des ZFANG, un tel bornage soit absent, assurera aux exploitations ultra-marines une visibilité de long terme et prémunira de tout risque d’implantations précipitées et hasardeuses faites uniquement pour l’éligibilité aux abattements fiscaux.

Néanmoins, la contrepartie indispensable de cette souplesse et de cette visibilité temporelle suppose qu’une évaluation complète soit conduite afin :

– d’estimer précisément l’impact budgétaire des ZFANG (impact brut et impact comparé aux dispositifs actuels) ;

– d’identifier les éventuels points de friction, pour pouvoir ensuite apporter les correctifs requis.

Cette évaluation pourrait être réalisée en 2020.

*

*     *

La commission examine lamendement I-CF1128 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Cet amendement vise à supprimer l’article pour une raison simple : le Gouvernement propose la création de zones franches d’activité nouvelle génération (ZFANG) sans véritable étude d’impact, une fois de plus – du moins avec une étude d’impact parcellaire. En outre, nous avions déjà pris conscience de la complexité de ce sujet et avions prévu dans la loi du 28 février 2017 que le Gouvernement remette un rapport dressant un bilan exhaustif des zones franches urbaines (ZFU), des zones de revitalisation urbaine, des zones franches d’activité (ZFA) et des zones revitalisation rurale (ZRR) existant dans les territoires d’outre-mer, l’ensemble du dispositif ne devant être revu qu’au regard des conclusions de ce rapport. Or, le Gouvernement n’a pas remis ce rapport mais propose tout de même une réforme des zones franches. Nous demandons donc la suppression de l’article afin de faire appliquer une loi votée à l’unanimité le 28 février 2017.

M. le Rapporteur général. Permettez-moi de présenter le dispositif spécifique prévu par cet article. Il est vrai que le rapport en question n’a pas été produit mais les Assises des outre-mer ont eu lieu. Il est préconisé dans le Livre bleu qui en est résulté la transformation des actuelles zones franches d’outre-mer en zones franches d’activité nouvelle génération – les ZFANG, même s’il faut convenir que l’acronyme n’est guère pratique.

Par rapport aux zones franches d’activité actuelles, les ZFANG seront assorties de taux d’abattement normaux et majorés qui seront relevés et pérennisés : les taux d’origine seront rétablis et leur dégressivité supprimée. Les abattements seront permanents et les conditions de délai applicables à l’établissement des entreprises seront supprimées. En clair, les outre-mer bénéficieront d’avantages fiscaux pérennes.

L’éligibilité aux avantages des ZFANG sera étendue à de nouvelles entreprises, telles que celles en difficulté et celles qui relèvent du régime du micro-bénéfice agricole. Les aides seront concentrées sur les secteurs éligibles à la réduction d’impôt pour les investissements productifs et les conditions jugées trop contraignantes seront supprimées.

Les ZFANG recentrent les taux majorés généraux sur la Guyane et Mayotte, mais la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion continueront de bénéficier d’un abattement majoré dans le cadre des activités jugées prioritaires. Elles bénéficieront par ailleurs naturellement des abattements de droit commun dont les taux sont augmentés.

La suppression par l’article 6 des ZRR et des ZFU en outre-mer ne doit susciter aucune inquiétude : seuls certains territoires étaient concernés par ces dispositifs alors que les ZFANG couvrent l’intégralité des cinq collectivités ultra-marines. D’autre part, les abattements prévus dans les ZFANG seront plus généreux parce qu’ils seront permanents et non dégressifs.

Le pourtour de ces ZFANG étant précisé, j’émets naturellement un avis défavorable à l’amendement de suppression.

M. Charles de Courson. Tout exercice de zonage présente le problème de la délimitation des zones. Avez-vous connaissance du projet de zonage, monsieur le Rapporteur général ?

M. le Rapporteur général. Les cinq collectivités seront couvertes.

M. Charles de Courson. Autrement dit, la couverture s’étendra à l’ensemble des zones existantes ?

M. le Rapporteur général. Non : les ZRR et ZFU seront supprimées, et les ZFANG couvriront l’intégralité du territoire des cinq collectivités concernées.

M. le président Éric Woerth. En clair, le zonage est supprimé.

Mme Véronique Louwagie. Le bénéfice des exonérations et mécanismes existants sera-t-il maintenu pour l’ensemble des communes de ces territoires ?

Un mot sur la méthode. La loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer adoptée il y a vingt mois prévoyait la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement dressant l’état des lieux de l’ensemble de ces dispositifs, avec une mise en œuvre à compter du 1er janvier 2019. Je m’étonne donc qu’un dispositif de cette nature soit retenu dans le PLF alors que le rapport prévu est battu en brèche. Nous devons voter de manière cohérente !

M. le Rapporteur général. Entre-temps, les Assises des outre-mer ont permis de retravailler sur l’intégralité de ces programmes. C’est certes un rapport différent de celui qui était prévu, mais c’est un rapport comme un autre, qui cible précisément l’outre-mer.

J’ajoute que tous les taux proposés au titre des nouveaux droits sont supérieurs aux droits existants.

M. Jean-Louis Bricout. Je m’étonne qu’un zonage soit prévu alors qu’il ne subsiste plus qu’une seule zone. Ne serait-il pas plus simple d’instaurer des taux spécifiques ou différenciés pour ces territoires ?

M. le président Éric Woerth. Quel est l’écart de coût par rapport au dispositif précédent ?

M. le Rapporteur général. De l’ordre de 124 millions d’euros supplémentaires.

Mme Ericka Bareigts. Nous sommes dans le plus grand vague : chacun y va de son argument avec son approche et ses chiffres, et nous allons décider ainsi, à la va-vite, de l’avenir économique de territoires sur lesquels vivent 3 millions de personnes !

D’autre part, la discussion qui s’est déroulée dans le cadre des Assises des outre-mer n’a pas porté sur le zonage.

Enfin, une loi a été votée. Elle prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement. En France, la loi s’applique. Celle-là prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement, et non une discussion dans le cadre des Assises des outre-mer – à laquelle tout le monde n’a pas participé et où ce sujet n’a pas été abordé de la même façon partout, voire pas abordé du tout. Je tenais simplement à rétablir ces quelques éléments fondamentaux du fonctionnement de nos institutions.

Mme Amélie de Montchalin. Tentons de prendre un peu de hauteur pour envisager ce que nous cherchons à faire au regard des propositions contenues dans le Livre bleu. Notre objectif consiste à rendre de la cohérence à des mécanismes qui se sont peu à peu empilés, dont certains reposaient initialement sur une vision hexagonale, et qui avaient été adaptés à la réalité ultra-marine sans pleinement fonctionner. Nous proposons que des taux bonifiés soient appliqués aux secteurs prioritaires identifiés dans la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) ([86]), et que des taux normaux soient appliqués aux autres activités dans l’intégralité des territoires d’outre-mer afin que le développement économique s’y fasse dans les meilleures conditions.

Le montant de 124 millions d’euros qu’a évoqué le Rapporteur général permet à mon sens de mettre en perspective les discussions que nous venons d’avoir : aucune économie n’est faite sur les territoires ultra-marins. Nous recherchons l’efficacité des mécanismes existants en supprimant des dispositifs empilés et complexes et en ciblant de manière stratégique les secteurs prioritaires que la loi précédente – la fameuse LODEOM – mettait en avant.

Je le répète : le Livre bleu des outre-mer a fait l’objet d’une concertation transpartisane et transterritoriale...

Mme Ericka Bareigts. Non !

Mme Amélie de Montchalin. Il a fait l’objet d’une concertation assez longue pour que les mécanismes de soutien à l’économie soient aussi efficaces que possible. Cet article en est la preuve exacte.

M. Serge Letchimy. Je vous surprendrai peut-être, mais je m’étonne des explications données par le Rapporteur général et par le raisonnement qui vient d’être tenu. Vous mettez la charrue avant les bœufs, en somme : vous commencez par casser à votre guise, puis vous instaurez un dispositif que je juge d’ailleurs louable – je le dis comme je le pense. J’ai beaucoup travaillé sur la question des ZFANG afin de sortir les territoires d’outre‑mer d’un système de dépendance extérieure reposant sur l’importation et la consommation massives, alors que les productions locales sont peu nombreuses. Pour pousser à son terme le raisonnement qui est tenu, il s’agit de développer des filières et de relier l’économie locale à l’environnement global, moyennant des soutiens de l’État qui renforcent l’autonomie des mécanismes de financement, afin de ne pas réduire les exportations aux seuls secteurs de la banane, du rhum et du sucre.

Si nous voulons renouveler la production interne de ces pays il faut impérativement bâtir un développement endogène et local. Il faudra examiner le détail de cette proposition pour déterminer si elle est susceptible d’accompagner l’émergence d’une nouvelle économie. Vous auriez pu supprimer tout ce qui concourt aux inégalités, au manque de compétitivité et à l’éloignement, mais vous commencez par casser, monsieur le Rapporteur général, pour réparer dans un second temps, mais c’est l’inverse qu’il fallait faire.

Si nous voulons construire des territoires de projets, il faut absolument que les projets soient aussi importants que les mécanismes fiscaux qui accompagnent ce développement. C’est pourquoi à titre personnel, je suis très favorable à la filiarisation interne de l’économie pour lui donner tous les moyens possibles d’ancrer les investissements dans une culture du développement local, de la formation professionnelle, de la mobilisation du foncier, de l’exportation. Une zone franche sans port franc n’a pas de sens ; je défendrai deux amendements pour y remédier.

M. Philippe Vigier. J’entends l’idée de cohérence et de stratégie, madame de Montchalin, mais la cohérence commence par respecter l’engagement du Gouvernement de remettre un rapport et d’évaluer les outils existants. Vous qui êtes si attachée à l’efficience et à l’évaluation, vous battez d’emblée cette cohérence en brèche.

Permettez-moi une question de béotien : d’où viennent les 124 millions d’euros ? Ce montant a-t-il été évalué à la louche ? Au doigt mouillé ? Il me semble qu’il faut sur ce point faire preuve de cohérence et de vision stratégique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et de hauteur !

M. le Rapporteur général. Ce montant provient de l’évaluation préalable de l’article 6.

La commission rejette lamendement I-CF1128.

Elle est ensuite saisie de lamendement I-CF912 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. Cet amendement vise à soutenir les activités de comptabilité, de conseil aux entreprises, d’ingénierie et d’études techniques destinées aux entreprises en Guyane. La suppression des réductions d’impôt visant ces activités entraînera à coup sûr de nombreux dépôts de bilan de TPE et de PME, qui ont besoin d’être accompagnées en matière de gestion de trésorerie notamment.

Plus encore qu’en métropole, le tissu économique guyanais est constitué en majorité de TPE. Or, elles sont peu structurées et mal accompagnées. De surcroît, un grand nombre des prestations juridiques et comptables auxquelles elles ont recours se font dans l’illégalité. Les professionnels du conseil, les consultants, les bureaux d’études techniques et les experts‑comptables exerçant une activité légale sur le territoire guyanais sont encore trop rares. La Réunion compte cent-soixante experts-comptables, la Martinique et la Guadeloupe en comptent quatre-vingts chacune, contre dix-sept seulement en Guyane. Des progrès significatifs ont néanmoins été réalisés, notamment grâce à la baisse des charges. En 2009, en effet, la Guyane comptait onze experts-comptables seulement. Pendant la même période, le taux de déclaration fiscale est passé de 50 % à 75 %. Ces efforts ne peuvent combler le retard conséquent qu’accuse la Guyane par rapport aux autres territoires ultra-marins. Il est donc primordial d’y soutenir ces activités.

M. le Rapporteur général. La Guyane fait déjà l’objet d’une attention particulière. C’est la seule ZFANG, avec Mayotte, qui bénéficie de plein droit et sans condition d’activité de taux majorés d’abattement. Il est vrai que les experts-comptables et autres activités de conseil seront exclus de ce champ mais ils ne perdront pas le bénéfice des avantages dès 2019 puisque les droits acquis seront prorogés jusqu’à l’extinction des actuelles ZFA. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF912.

Elle passe à lamendement I-CF911 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. Cet amendement vise à maintenir l’abattement sur les bénéfices des entreprises provenant d’exploitations situées en Guyane lorsqu’elles ont été créées ou reprises depuis moins de cinq ans. Le taux de chômage de ce territoire s’élève à 22 % ; pour éviter qu’il n’augmente encore – alors qu’il est déjà très élevé –, il faudrait créer 60 000 emplois d’ici à 2030 et 110 000 d’ici à 2040. Il sera difficile de maintenir ce taux d’emploi sans soutenir le développement des entreprises. Pourtant, l’abattement sur les bénéfices des entreprises situées dans les ZRR sera supprimé à compter du 31 décembre 2018. Il est donc impératif de dynamiser l’emploi par l’intermédiaire d’un abattement sur les bénéfices pour aider les jeunes entreprises à se développer et à embaucher pendant leurs cinq premières années d’existence.

M. le Rapporteur général. Sans doute l’article 6 n’a-t-il pas été bien compris ; votre amendement, en effet, me semble contreproductif. En l’état, l’article le satisfait puisque les avantages sont accordés aux entreprises existantes et aux entreprises futures – soit un champ très large.

En outre, cet amendement produirait un effet paradoxal : il exclurait des ZFANG toutes les entreprises créées depuis plus de cinq ans. Cela ne me semble pas correspondre à votre objectif ; je vous propose donc de le retirer.

La commission rejette lamendement I-CF911.

Puis elle examine lamendement I-CF1393 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. La refonte des aides économiques n’a pas été abordée lors des Assises des outre-mer. C’est à l’occasion d’un discours de vœux de la ministre, Mme Girardin, qu’il en a été question pour la première fois, en janvier donc, alors que les assises se sont conclues au mois de juin.

Cet amendement vise à supprimer plusieurs alinéas de l’article. Nous nous demandons en effet pourquoi il a été décidé, à l’occasion de la création des ZFANG, de mettre fin à la contribution à la formation professionnelle, qui conditionnait jusqu’à présent le bénéfice des abattements fiscaux, ainsi qu’aux dispositifs fiscaux majorés actuellement réservés à certaines zones géographiques comme les îles des Saintes, de Marie-Galante et de La Désirade. Ces îles de l’archipel guadeloupéen subissent une double rupture de continuité territoriale, d’où l’existence de dispositifs majorés.

M. le Rapporteur général. En complément de mon propos liminaire, je précise que le nouveau dispositif consiste à cibler les taux majorés sur les territoires et les secteurs jugés prioritaires d’une part, à savoir la Guyane et Mayotte, et, d’autre part, les activités de secteurs sensibles dans les autres collectivités. C’est pourquoi le taux majoré de plein droit est supprimé dans les trois îles que vous mentionnez. En revanche, tous les départements et régions d’outre-mer, y compris les trois îles en question, bénéficieront bien des abattements de droit commun, sachant que le taux de ces abattements est nettement renforcé par rapport aux taux existants.

Enfin, la condition liée aux dépenses de formation et à l’alimentation d’un fonds est supprimée pour qu’un plus grand nombre d’entreprises puisse bénéficier des avantages prévus. Cette condition, en effet, était très lourde et son non-respect limitait l’avantage fiscal. Je vous rassure néanmoins : la perte pour les organismes de formation devrait être de l’ordre de 3 millions d’euros par an, un montant qui sera très largement compensé par le plan d’investissement dans les compétences en outre-mer que prévoit le Gouvernement, avec un montant de 700 millions d’euros jusqu’en 2022. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF1393.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF1030 de M. Olivier Serva, I-CF1292 de M. Max Mathiasin et I-CF1304 de M. Serge Letchimy, ainsi que lamendement I-CF1297 de M. Max Mathiasin.

M. Olivier Serva. La reconfiguration des ZFA est une mesure intéressante. Le rapport conjoint de plusieurs inspections, dont l’IGA, indique que le principal moteur de croissance outre-mer est le tourisme. Or, le secteur des ports de plaisance et du nautisme, qui structure l’économie bleue, a été oublié dans la liste des secteurs retenus dans les ZFANG. L’amendement I-CF1030 vise à l’y intégrer.

M. Max Mathiasin. L’amendement I-CF1292, identique, vise à inclure les activités culturelles, de loisirs, de nautisme et de plaisance se rapportant au tourisme dans le périmètre des ZFANG.

M. Serge Letchimy. Je défends l’amendement I-CF1304, identique aux deux premiers, pour une raison simple : si la France est la deuxième puissance maritime mondiale, c’est parce qu’elle est présente sur les trois océans. Or, l’économie bleue – c’est-à-dire l’économie de la mer – ne participe pas assez des dynamiques de développement au niveau national en général et dans les outre-mer en particulier. Voilà pourquoi nous proposons d’ajouter le nautisme et la plaisance dans le périmètre de la ZFANG, d’autant plus que certains départements d’outre-mer se situent dans des bassins maritimes où la concurrence est forte avec les îles voisines. L’attention portée à la filière du nautisme peut apporter une plus‑value en matière d’activité et d’emploi.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas convaincu qu’il faille modifier le périmètre d’un dispositif tel que celui-ci avant même son entrée en vigueur, d’autant plus que je défendrai plus loin un amendement visant à imposer une évaluation de l’ensemble du système en 2020 afin de corriger d’éventuels dysfonctionnements. En attendant, laissons-le vivre et voyons comment il fonctionne.

Pour information, sont déjà éligibles aux abattements majorés toutes les activités récréatives et de loisirs ainsi que les enseignements sportifs dès lors qu’ils se rattachent directement à une activité hôtelière ou touristique. Il en va de même pour les transports maritimes et côtiers de passagers dans le cadre d’excursions, hors lignes ou régulières. Les amendements me paraissent donc satisfaits. Si d’aventure certaines activités restaient hors du champ des abattements majorés, c’est parce qu’elles ne se rattachent pas à une activité touristique.

Je rappelle au demeurant que les abattements de droit commun prévus sont beaucoup plus élevés que les taux en vigueur ; autrement dit, personne n’y perd.

Enfin, le détail du secteur du tourisme pour les ZFA, qui s’applique également aux nouvelles ZFANG, figure dans la doctrine fiscale. Si vous souhaitez lever toute ambiguïté, je vous suggère d’interroger le ministre afin que sa réponse, le cas échéant, fasse évoluer la doctrine. En attendant, je préfère vous proposer le retrait de ces amendements pour qu’ils soient redéposés en séance.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1030, I-CF1292 et ICF1304 et I-CF1297.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1309 de Mme Nadia Ramassamy.

Mme Nadia Ramassamy. Certains secteurs d’activité de l’économie maritime comme les activités portuaires ne sont pas intégrés dans le dispositif des abattements renforcés des ZFANG. Cet amendement, semblable aux précédents, vise à les y intégrer.

M. le Rapporteur général. Pour les mêmes raisons que précédemment, je vous invite à retirer cet amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF1309.

Puis elle se saisit des amendements identiques I-CF1031 de M. Olivier Serva, ICF1291 de M. Max Mathiasin et I-CF1306 de M. Serge Letchimy.

M. Olivier Serva. Mon amendement vise à corriger une anomalie. Deuxième secteur de croissance des outre-mer après le tourisme, les activités industrielles sont éligibles – c’est ce que prévoit le PLFSS pour 2019 – aux exonérations de charges sociales. Curieusement, elles ont elles aussi été oubliées du périmètre des ZFANG.

Je précise, monsieur le Rapporteur général, que certaines zones y perdront, contrairement à ce que vous prétendez : certaines ZFU, qui seront supprimées, étaient bien plus puissantes et couvraient de nombreux secteurs outre-mer.

M. Max Mathiasin. Mon amendement est identique, mais j’ajoute aux activités industrielles les activités artisanales de production, de transformation et de réparation.

M. Serge Letchimy. L’élaboration d’un PLF, monsieur le Rapporteur général, incite à s’interroger sur la philosophie sur laquelle repose le financement de l’économie. Nous vous indiquons que certaines activités-clés n’entrent pas dans le champ du dispositif proposé. Qu’à cela ne tienne, nous répondez-vous ; nous conduirons une évaluation dans un ou deux ans pour ajuster les choses.

L’esprit de la zone franche telle qu’elle a été conçue consiste à sortir de thématiques trop précises et à aider les entreprises en filiarisant la production. Les possibilités de filiarisation existent en matière de biodiversité pour produire, par exemple, des phytomédicaments et des produits de beauté – en effet, 80 % de la richesse de la France en matière de biodiversité se trouve dans les outre-mer. Dans le domaine des énergies renouvelables, de même, nous pourrions créer un secteur exceptionnel. Nous avons également une possibilité de créer, en lien avec les îles et pays voisins, une véritable filière du nautisme.

M. Serva vous explique que l’industrie – l’industrie ! – a été oubliée. Autrement dit, la possibilité de l’industrialisation de ces pays en situation de post-colonisation existe-t-elle ? La seule industrie qui y a existé est celle de la canne à sucre – et du rhum. Peut-on créer une nouvelle industrie ? Dites-le nous clairement : l’industrie entre-t-elle dans le périmètre des ZFANG ou non ? N’attendez pas que des échecs se produisent pour s’en sortir ! Si ces pays ne s’industrialisent pas, ils n’ont aucune chance de s’en sortir par une démarche de développement cohérente.

M. le Rapporteur général. Si j’ai indiqué tout à l’heure que la filière nautique était concernée, c’est parce que je l’ai lu dans le BOFiP. C’est pourquoi je vous ai suggéré de retirer votre amendement, monsieur Letchimy, afin que vous puissiez obtenir de la part du ministre, en séance, la précision voulue. Reste, j’y insiste, que je l’ai lu dans le BOFiP, la bible des finances publiques, même si elle est quelquefois compliquée à lire – comme l’autre, d’ailleurs...

Quant aux activités industrielles et artisanales qui concernent ces amendements, elles ne sont en effet pas considérées comme ouvrant droit aux abattements majorés. Je rappelle néanmoins que les abattements de droit commun sont renforcés. Par exemple celui sur l’impôt sur les sociétés et sur l’impôt sur le revenu augmente de 40 %, ce qui n’est pas négligeable. Par ailleurs, alors que les que les ZFA devaient s’éteindre après 2019, le Gouvernement décide de les pérenniser à travers les ZFANG. Les entreprises industrielles et artisanales ne bénéficieront peut-être pas de la majoration des abattements, mais elles auront jusqu’au terme de leur existence un abattement de 50 % sur l’assiette imposable à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu – ce qui n’est pas rien sans compter les abattements portant sur les impôts locaux.

Je souhaite donc que vous retiriez vos amendements, sans quoi j’émettrais un avis défavorable.

La commission rejette les amendements I-CF1031, ICF1291 et I-CF1306.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette ensuite lamendement I-CF1139 de Mme Valérie Rabault.

Puis elle en vient à lamendement I-CF1438 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Les ZFANG modifiant substantiellement les dispositifs existants, nous souhaitons mettre en place une évaluation en 2020. Nous pourrons ainsi apprécier la pertinence de l’outil et corriger d’éventuels dysfonctionnements, d’éventuelles lacunes – et parmi elles, d’ores et déjà, celles que vous avez relevées mais qu’il faudra vérifier quand le dispositif aura vécu.

La commission adopte lamendement I-CF1438 (amendement I-1571).

Puis elle adopte larticle 6 modifié.

*

*     *

Article additionnel après l’article 6
Extension du dispositif applicable aux bassins urbains à dynamiser aux communes limitrophes remplissant les conditions communales

La commission examine lamendement I-CF1222 de Mme Charlotte Lecocq.

Mme Charlotte Lecocq. Le présent amendement étend le périmètre géographique des bassins urbains à dynamiser (BUD) en y adjoignant les communes limitrophes qui remplissent les critères de densité de population, de revenu médian et de taux de chômage mentionnés au II de l’article 44 sexdecies du CGI. Voilà qui permettra par exemple à la commune d’Ostricourt, située dans un bassin minier, de bénéficier des mêmes conditions que les autres communes dudit bassin.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas très enclin à modifier un régime peu après sa création, mais si une commune satisfait aux conditions prévues dans le cadre des BUD pour les communes, alors il semble cohérent qu’elle puisse bénéficier du dispositif. Je donne donc un avis favorable à cet amendement.

La commission adopte lamendement I-CF1222 (amendement I-1572).

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Après l’article 6

Elle examine ensuite lamendement I-CF970 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Cet amendement d’appel vise à engager un dialogue et à fixer un calendrier de travail entre la collectivité de Corse et l’État. Il s’agit de créer un dispositif de soutien fiscal en vue de redynamiser les territoires ruraux et montagneux de l’« île-montagne » que constitue la Corse, reconnue comme telle à l’article 5 de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Le présent amendement s’inspire de l’article 17 de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2017, qui prévoit un dispositif d’exonération fiscale pour les entreprises qui se créent dans les BUD. Bien évidemment, nous souhaitons aller beaucoup plus loin pour adapter ledit dispositif au contexte géographique particulier de la Corse et aux besoins d’implantation d’entreprises productives en milieu rural et de montagne. Un tel dispositif devra notamment contenir des mesures fiscales et sociales visant à attirer et à fixer des populations dans ces zones.

Par sa délibération du 30 septembre 2016, l’Assemblée de Corse a approuvé le principe de la création d’une zone fiscale prioritaire de montagne. C’est donc en conformité avec le statut de la Corse défini par la loi du 22 janvier 2002 que cet amendement prévoit une adaptation fiscale en faveur du développement de l’île.

Le tissu économique de la Corse, fortement constitué de petites entreprises, appelle un soutien structurel à la fonction productive autour de telles entreprises pour contrebalancer, notamment, la fonction publique qui occupe une part importante de l’activité.

Le précédent de la zone franche de Corse a prouvé une certaine efficacité mais les dispositifs de type ZRR ne sont pas adaptés à la montagne corse. C’est pourquoi l’Assemblée de Corse propose la création d’une zone fiscale prioritaire de montagne dans les zones contraintes. Ainsi 277 communes sur 365 peuvent être qualifiées de zones contraintes.

Il s’agit de rendre ces territoires plus attractifs, de miser, j’y insiste, sur la fonction productive. Il est certain que l’application d’un tel dispositif incitatif au développement économique des zones contraintes de montagne peut servir de laboratoire pour d’autres territoires, notamment ceux relevant de ce qu’on appelle désormais l’« hyper-ruralité ». Il convient donc d’aider ces territoires contraints à maintenir et développer une activité économique productive en vue du maintien de la population et de la survie de ces vallées.

M. le Rapporteur général. Le présent amendement a déjà été déposé lors de l’examen du PLF 2018 et le Rapporteur général y était déjà défavorable. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel à destination du Gouvernement avec lequel vous entendez entamer une discussion sur cette « île-montagne » qu’est la Corse, pour reprendre la terminologie de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dite « Montagne acte II ».

Je ne dispose pas de chiffrage du dispositif que vous proposez, qui va néanmoins très au-delà des objectifs de la LPFP puisque vous prévoyez qu’il prendrait fin en 2028. De surcroît, plusieurs éléments sont à considérer : la quasi-totalité de la Corse est en ZRR, des zones d’aides à finalité régionale se trouvent sur l’intégralité de l’île et, honnêtement, certaines exonérations en vigueur sont plus intéressantes que celles que vous proposez.

Mon avis reste défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF970.

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Article additionnel après l’article 6
Exclusion des meublés de tourisme du crédit dimpôt
pour investissements en Corse

La commission se saisit, en discussion commune, de lamendement I-CF893 de M. Jean-Félix Acquaviva, des amendements identiques I-CF1024 de M. Michel Castellani et I-CF1083 de M. Paul-André Colombani, de lamendement I-CF1158 de M. François Pupponi et de lamendement I-CF696 de M. François Jolivet.

M. Jean-Félix Acquaviva. Mon amendement est lié à celui que je viens de défendre, puisque j’entends proposer une vision globale de la fiscalité pour la Corse. Il s’agit ici de s’attaquer au crédit d’impôt pour certains investissements réalisés et exploités en Corse (CIIC), en particulier en ce qui concerne le secteur parahôtelier et non les autres secteurs qui ont bénéficié d’investissements productifs. Le CIIC a en effet, dans le secteur para-hôtelier, été détourné au profit de la promotion immobilière, ici la construction des résidences secondaires, c’est-à-dire au profit de l’économie de la rente. Le présent amendement vise à redistribuer un crédit d’impôt qui a été galvaudé. Je rappelle que le taux de résidences secondaires est de 37,2 % en Corse contre 9,6 % pour l’ensemble de la France. Or la résidentialisation secondaire a largement bénéficié de ce crédit d’impôt détourné de son objet. C’est pourquoi l’amendement d’appel que j’ai défendu précédemment visait à engager une discussion sur la création d’une zone fiscale favorisant l’activité de production, discussion censée porter, je le répète, sur les deux amendements.

M. Michel Castellani. Mon amendement I-CF1024 reprend la même idée. La parahôtellerie représente en Corse quelque 75 % de l’offre d’hébergement touristique – une concurrence déloyale pour l’hôtellerie de métier. Le CIIC a visiblement été détourné de son objet en faveur d’une optimisation fiscale et de fait encourage la spéculation. Je propose donc d’insérer, après le deuxième alinéa de l’article 244 quater E du CGI, un alinéa ainsi rédigé : « la gestion ou la location de meublés de tourisme situés en Corse ».

Je reconnais qu’il y a sans doute une différence entre les personnes fiscalement inscrites en Corse et qui gèrent, toute l’année, leur maison familiale, et celles qui investissent dans l’île dans un but seulement spéculatif. Mais ce point fera l’objet d’amendements à venir.

M. Paul-André Colombani. Si nous sommes ici ce soir tous les trois, MM. Acquaviva, Castellani et moi-même, c’est pour tâcher de mettre fin à une injustice causée par cette niche fiscale permettant le développement, en Corse, de la parahôtellerie. Nos collègues l’ont rappelé, cette dernière y représente les trois quarts de l’offre d’hébergement touristique. Du fait du détournement de ce dispositif, à l’origine un crédit d’impôt destiné à dynamiser les PME, le nombre de résidences secondaires dans l’île a explosé. Je ne ferai pas de publicité pour tous les sites internet qui promettent monts et merveilles quand on y construit des résidences touristiques. Ce dispositif met à mal nos hôteliers, qui souffrent de cette concurrence déloyale. Le CIIC entraîne en outre une très forte spéculation immobilière. En outre, si nos amendements étaient adoptés, l’État ferait quelques économies...

M. François Pupponi. Il faut que nos collègues comprennent bien une situation que j’ai dénoncée à plusieurs reprises dans l’hémicycle. Aujourd’hui, un certain nombre de personnes, qui souvent ne sont pas résidentes en Corse, y construisent leur résidence secondaire, l’État leur en payant 30 %. Ils louent ensuite – cher – cette résidence secondaire quelques semaines pendant l’été, concurrençant ainsi des hôteliers qui, eux, paient des impôts et des charges. Et tout cela avec la complicité de l’État qui ferme les yeux depuis de nombreuses années.

C’est ce qu’on nomme, dans certains discours, une colonisation de peuplement : on permet l’arrivée d’un certain nombre de personnes qui font des investissements spéculatifs payés par l’État et qui tuent l’économie locale. Lors de l’examen du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, nous avons fait valoir auprès du ministre qu’il fallait mettre un terme à un tel dispositif ; or le ministre ne nous a jamais répondu.

Mon amendement I-CF1158 diffère quelque peu de celui de nos collègues, en ce qu’il prévoit que le crédit d’impôt en question bénéficie aux personnes fiscalement domiciliées en Corse – et qui ont bien le droit de percevoir des revenus supplémentaires. En revanche, ceux qui viennent investir pour construire une résidence secondaire ne doivent pas le faire avec le concours de financements publics. Trouvez-moi une autre région, en France, où l’État paie 30 % des résidences secondaires de personnes qui font de la spéculation foncière ! Le seul endroit où un tel dispositif existe, c’est la Corse, et on en sait la conséquence : la concurrence déloyale vis-à-vis de l’hôtellerie légale.

M. le président Éric Woerth. Ce crédit d’impôt n’est pas né de manière inopinée... Il a été créé soit à la demande du territoire, soit à la suite d’une négociation entre l’État et le territoire...

M. François Pupponi. Pas du tout ! C’est ce qu’on appelle une colonisation de peuplement.

M. François Jolivet. Il est vrai que l’article 244 quater E du CGI a permis des crédits d’impôt pour l’ensemble des activités industrielles, commerciales, artisanales, libérales ou agricoles en Corse. Parmi ces activités commerciales, par extension, a été prise en compte la parahôtellerie, ce qui permet à des personnes physiques ou à des personnes morales de déduire la TVA des biens qu’ils construisent, à quoi s’ajoute un crédit d’impôt et, bien entendu, ces personnes s’engagent à louer la maison en question à un taux de TVA réduit, soit 2,10 %. Autrement dit, ils bénéficient de crédits de TVA que l’État leur acquitte immédiatement.

Pour faire écho aux propos tenus par plusieurs de nos collègues corses, la conséquence immédiate en est la montée du foncier, si bien que les locaux ne peuvent plus acheter, accéder à la propriété. Or le seul engagement de la personne physique ou de la personne morale pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt de 30 % et de récupérer la TVA est de louer la maison, sans précision de durée, à condition que le linge de maison soit fourni et le ménage fait. Vous comprendrez par conséquent que cette niche fiscale ne soit pas évaluée, qu’on n’en connaisse pas l’efficacité bien qu’elle soit en vigueur depuis 2003.

Je vous propose donc, par l’amendement I-CF696, de la supprimer non pas pour les activités industrielles et commerciales, mais pour l’activité parahôtelière.

M. le Rapporteur général. J’ai bien compris que ces amendements visaient à lutter contre un abus.

L’amendement de M. Pupponi, qui exclut les personnes non domiciliées en Corse, risque de se heurter au principe d’égalité.

L’amendement de M. Jolivet renvoie pour sa part à un article du CGI qui vise également les hôtels, les villages de vacances et toutes les résidences de tourisme classées. Sa visée me paraît par conséquent un peu trop large.

En revanche, l’amendement I-CF893 de M. Acquaviva, me semble bien centré sur le dispositif tel que l’ont voté les élus corses. Aussi vous invité-je, si vous en êtes d’accord, à retirer vos amendements au profit de celui de M. Acquaviva et même, si ce dernier en est d’accord, à le cosigner.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, c’est encore plus grave que vous ne le croyez : cet avantage fiscal n’est pas soumis au plafond de 10 000 euros. En veux-tu, en voilà ! Il faut donc voter l’amendement I-CF893.

Mme Christine Pires Beaune. Je ne connais pas l’outre-mer, mais un peu plus la Corse sans toutefois être corse moi-même. Je souhaite savoir pourquoi on nous a présenté les articles 4, 5 et 6 sur l’outre-mer comme mettant fin à des avantages fiscaux exorbitants, et pourquoi aucun article du projet ne porte les avantages dont il vient d’être question concernant la Corse ? Quand j’entends les sommes que me glisse à l’oreille mon voisin, j’avoue me poser la question.

M. le Rapporteur général. C’est une question à poser au ministre. Cela étant, la loi de finances pour 2017, s’il m’en souvient bien, a majoré de 20 % à 30 % le taux du crédit d’impôt pour les TPE.

M. François Pupponi. Quand on dit les choses, monsieur le Rapporteur général, il faut être factuel, précis. Il y a toujours eu un taux différencié entre la Corse et le continent. Historiquement, le taux de crédit, en Corse, était deux fois supérieur à celui du continent. Or, au cours de l’examen du PLF pour 2017, il a été demandé, dès lors qu’il était prévu de relever le taux pour le continent, de relever dans les mêmes proportions celui concernant la Corse. Eh bien, la majorité l’a refusé. De même, nous dénonçons la parahôtellerie depuis deux ans, et on n’y a pas touché. Les avantages dont bénéficient les Corses n’ont pas été améliorés, mais diminués par votre majorité, tandis que les avantages scandaleux de certains ont été maintenus.

M. le président Éric Woerth. Vous poursuivrez ce débat en séance, si vous le voulez bien.

Le Rapporteur général suggère, monsieur Acquaviva, un regroupement des amendements en faveur du vôtre.

M. Jean-Félix Acquaviva. Cette proposition nous agrée.

M. le président Éric Woerth. M. Castellani retire son amendement et M. Colombani le sien. Monsieur Pupponi, retirez-vous le vôtre ?

M. François Pupponi. Non, car cela reviendrait à exclure toutes les locations meublées et à pénaliser un certain nombre de personnes qui, elles, ne font pas de la spéculation foncière. Je considère donc que l’amendement de M. Acquaviva nécessite une légère réécriture d’ici à l’examen du texte en séance.

Mme Amélie de Montchalin. Vous pourrez toujours sous-amender l’amendement de M. Acquaviva en séance.

M. le président Éric Woerth. Monsieur Jolivet, retirez-vous votre amendement ?

M. François Jolivet. Je le retire et signe celui de M. Acquaviva.

M. le Rapporteur général. Si l’on examine bien le dispositif prévu à l’article 244 quater E du CGI, monsieur Pupponi, il ne concerne pas les particuliers mais les petites et moyennes entreprises relevant d’un régime réel d’imposition.

M. Michel Castellani. Il faut le récrire.

Les amendements I-CF1024, I-CF1083 et I-CF696 sont retirés.

La commission adopte lamendement I-CF893 (amendement I-1574).

Elle rejette lamendement I-CF1158.

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Après l’article 6

Puis la commission examine lamendement I-CF1032 de M. Olivier Serva.

M. Olivier Serva. En ces temps de « Route du rhum », dans les Caraïbes, le principal moteur de développement est le tourisme, encore une fois. Ainsi, sur les bateaux de plaisance de plus de 24 mètres, nous avons besoin, parce que nous devons faire face à une concurrence forte des îles voisines qui ne paient pas de TVA, pour les locations de longue durée, d’une exonération de TVA pour les croisières d’agrément de courte durée autour des Caraïbes.

M. le Rapporteur général. Je suis plutôt favorable à ce genre de proposition, mais je souhaite m’assurer que celle-ci est bien concernée par les possibilités d’exonération prévue par la directive européenne relative à la TVA.

M. Olivier Serva. Je retire mon amendement quitte à le représenter en séance une fois que j’aurai obtenu une réponse.

Lamendement I-CF1032 est retiré.

La commission en vient à lamendement I-CF57 de M. Vincent Descoeur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous ne sommes plus, avec cet amendement, dans les îles mais en plein territoire rural – certaines particularités pouvant être d’ailleurs similaires. Nous proposons ici des mesures incitatives en faveur soit des collectivités qui créent des télécentres, soit des entreprises qui créent des centres de télétravail. Il faut favoriser ces dispositifs dans les territoires ruraux, ce serait aller dans le sens du progrès – prisé par la majorité – et dans les entreprises qui favorisent le télétravail.

M. le Rapporteur général. Il existe déjà de nombreuses exonérations en faveur des ZRR qui répondent à vos objectifs. Dans le domaine fiscal, en effet, sont prévues une exonération dIS pendant cinq ans puis une réduction pendant trois ans, une exonération de cotisation foncière des entreprises pendant cinq ans et, le cas échéant, de taxe foncière et de TH. Dans le domaine social, il y a une exonération de cotisations sociales patronales pour les entreprises de moins de cinquante salariés pendant un an.

Votre amendement va plus loin avec un délai de deux ans pour une embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) uniquement. Or il n’est pas certain qu’en ciblant les CDI, vous aidiez véritablement l’embauche en ZRR car ces embauches peuvent souvent se faire sous une autre forme.

Mais l’amendement soulève aussi une question de compréhension : lorsqu’on est en télétravail, potentiellement en ZRR, on reste lié à l’entreprise qui vous permet de travailler sous cette forme. Or cette entreprise pourra être installée hors des ZRR, et c’est donc elle qui pourrait bénéficier de la réduction d’IS, ou bien l’entreprise peut être en ZRR mais pas le salarié, ce qui ne règle pas le problème de l’emploi en ZRR.

L’objectif de l’amendement ne me paraît pas parfaitement clair. Avis défavorable, donc, à moins que vous ne le retiriez.

Mme Amélie de Montchalin. Je rappelle la réponse apportée sur les tiers lieux par M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires, lors des questions au Gouvernement cet après-midi. Il a annoncé un plan de 110 millions d’euros sur trois ans pour créer des tiers lieux dans les petites villes et les zones rurales, à la suite d’un rapport ayant montré que ces tiers lieux étaient trop peu nombreux. Cela me semble satisfaire complètement vos objectifs, madame Dalloz : localiser du télétravail de manière partagée dans des zones rurales et des petites villes.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous me voyez ravie de cette annonce.

Lamendement I-CF57 est retiré.

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Article 7
Mesures relatives à la taxe denlèvement des ordures ménagères (TEOM)

Résumé du dispositif et effets principaux

La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) (articles 1520 à 1526 du CGI) permet de financer la collecte et le traitement des déchets ménagers et assimilés. Elle porte sur « toutes les propriétés soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties ». L’assiette de la TEOM est celle du foncier bâti et le taux est fixé par les communes ou leurs établissements. La taxe peut comprendre une part incitative « assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits, exprimée en volume, en poids et en nombre denlèvements ». La part incitative s’ajoute à la part fixe de la TEOM et doit représenter entre 10 % et 45 % du produit total de la taxe. Lors de la première année d’application de celle-ci, le produit total de la TEOM (parts fixe et incitative) ne peut excéder le produit total de la TEOM l’année précédente. Pour 2019, la TEOM devait rapporter 4 784 millions d’euros aux intercommunalités et 709 millions d’euros aux communes.

Depuis 2014, les délibérations adoptées par les collectivités concernant la TEOM ont fait l’objet d’un nombre croissant de contentieux : ces derniers portent sur l’inadéquation entre le produit issu de la taxe et les dépenses liées à l’exercice de la compétence. Dans une décision du 31 mars 2014, le Conseil d’État a estimé que « le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses » (1). De plus, la définition peu précise retenue par le CGI pour définir les dépenses a conduit la jurisprudence à limiter celles pouvant être financées par la TEOM aux « dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées » sans « prendre en compte, non seulement les dotations aux amortissements des immobilisations affectées au service, mais aussi, ses dépenses réelles dinvestissement » (2). Cette décision récente conduit à fragiliser de nombreuses délibérations prises par les communes ou leurs établissements.

De plus, le constat est celui d’un déploiement quasi inexistant de la part incitative de la TEOM : seules 10 collectivités avaient mis en place une part incitative à la TEOM au 1er janvier 2016, soit un peu plus de 450 000 habitants. Une étude de l’ADEME (3) démontre également que, parmi les collectivités ayant mis en place la TEOM, celles souhaitant mettre en place une fiscalité incitative privilégient le passage à une REOM incitative : 67 collectivités sont ainsi passées de la TEOM à la REOM incitative, et plusieurs ont choisi d’instaurer une REOM simple pendant un an en transition vers la REOM incitative.

Dans ce contexte, le présent article élargit la nature des dépenses pouvant être prises en compte pour le calcul de la TEOM en les étendant :

– « aux dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés » ;

– d’une part, aux dépenses réelles de fonctionnement et, d’autre part, soit aux dépenses réelles d’investissement, soit aux dotations aux amortissements correspondantes.

Corrélativement, il met à la charge des collectivités territoriales les dégrèvements faisant suite à la constatation, par une décision de justice, de l’illégalité de la délibération fixant le taux de la taxe. L’illégalité doit être fondée sur la seule circonstance que le produit et le taux de la taxe sont disproportionnés par rapport aux montants des dépenses éligibles à la TEOM.

Il favorise aussi l’institution par les collectivités territoriales de la part incitative de la TEOM en mettant en œuvre les mesures de la feuille de route pour une économie circulaire (FREC) du ministère de la transition écologique et solidaire, présentée le 23 avril 2018. Dans ce cadre, le présent article :

– autorise, la première année de l’institution de la part incitative, que le produit total de la TEOM puisse excéder, dans une limite de 10 %, le produit de la taxe de l’année précédente, afin de permettre la prise en compte du surcoût qu’occasionne la mise en place de la part incitative la première année ;

– diminue de 4,4 % à 1 % les frais d’assiette et de recouvrement, et de 3,6 % à 2 % les frais de dégrèvements et de non-valeurs, tous les deux à la charge des contribuables, au titre des trois premières années au cours desquelles est mise en œuvre la part incitative.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2012 a autorisé les communes et les EPCI compétents en matière de collecte des déchets à mettre en place, en complément de la part fixe de la TEOM, une part incitative.

La loi de finances rectificative pour 2015 permet aux communes et leurs groupements d’instituer, pour une durée maximale de cinq ans, la part incitative de la TEOM sur une partie seulement de leur territoire. À l’issue de cette période, la taxe peut soit être généralisée pour l’ensemble du territoire, soit être entièrement supprimée.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a introduit un objectif ambitieux : « Les collectivités territoriales progressent vers la généralisation dune tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif que quinze millions dhabitants soient couverts par cette dernière en 2020 et vingt-cinq millions en 2025. »

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission des finances a adopté plusieurs amendements identiques autorisant une disproportion de 15 % entre les recettes de TEOM et les dépenses éligibles, conformément à la pratique qui semble se dégager à la suite de plusieurs décisions du Conseil d’État.

Elle a également adopté un amendement de la commission du développement durable proposant d’allonger de deux ans la durée durant laquelle les collectivités territoriales ayant mis en place la part incitative de la TEOM bénéficient du taux réduit des frais de gestion (passage de trois à cinq ans).

(1) Conseil dÉtat, 31 mars 2014, Lille Métropole contre Auchan, n° 368111 (lien).

(2) Conseil dÉtat, 19 mars 2018, SAS Cora,  402946 (lien).

(3) Agence de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie, CITEXIA, Bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2016, janvier 2018 (lien).

I.   L’État du droit

A.   Un financement du service de collecte et de traitement des dÉchets par La taxe d’enlÈvement des ordures mÉnagÈres

L’article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « les communes, la métropole de Lyon ou les EPCI assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, la collecte et le traitement des déchets des ménages ». Toutefois, cette compétence peut être déléguée, puisque « les communes peuvent transférer à un EPCI ou à un syndicat mixte » tout ou partie de la compétence de collecte et de traitement des déchets des ménages. De plus, « à la demande des communes et des EPCI qui le souhaitent, le département peut se voir confier la responsabilité du traitement et des opérations de transport qui sy rapportent ». Le financement de cette compétence, lorsqu’elle est effectivement exercée, peut être assuré soit par la mise en place d’une redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), soit par une taxe spécifique dénommée taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) prévue aux articles 1520 à 1526 du CGI.

1.   Les différents outils de financement du service de collecte et de traitement des déchets ménagers ou assimilés

Les communes et les EPCI qui exercent la compétence relative à la collecte et au traitement des déchets ménagers et assimilés disposent de plusieurs outils pour financer leurs activités. Ils peuvent, au choix :

– mobiliser directement les ressources de leur budget général : lorsque la collectivité ne souhaite pas mettre en place un financement spécifique au service de l’élimination des déchets, elle peut financer cette compétence par des ressources tirées du budget général. Toutefois, les ressources du budget général peuvent venir compléter celles de la TEOM, ou très exceptionnellement celles de la REOM (le principe étant dans ce dernier cas l’interdiction pour les collectivités de financer un tel service par leur budget propre – article L. 2224‑2 du CGCT) ;

– instituer une TEOM (articles 1520 à 1526 du CGI) pour financer les dépenses de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n’ayant pas le caractère fiscal : il s’agit d’une forme de taxe additionnelle à la TFPB, puisque la TEOM porte sur « toutes les propriétés soumises à la TFPB ou qui en sont temporairement exonérées ainsi que sur les logements des fonctionnaires ou employés civils et militaires ». L’assiette de la TEOM est celle du foncier bâti, c’est-à-dire le revenu net égal à la moitié de la valeur locative cadastrale de la propriété. Les communes et les EPCI peuvent toutefois décider de plafonner les valeurs locatives de chaque local à usage d’habitation dans la limite d’un montant qui ne peut être inférieur à deux fois le montant de la valeur locative moyenne communale des locaux d’habitation. Le taux de la TEOM est fixé par les communes et les EPCI. Enfin, les services fiscaux responsables du recouvrement ajoutent au montant de la cotisation de TEOM des frais de dégrèvements et de non-valeurs (3,6 %) ainsi que des frais d’assiette et de recouvrement (4,4 %) et assurent, en contrepartie, le versement de l’intégralité de la somme votée à la collectivité, quel que soit le recouvrement effectif (article 1641 du CGI) ;

– mettre en place une REOM (article L. 2333‑76 du CGCT) calculée en fonction du service rendu : la redevance est instituée par la commune ou l’EPCI qui en fixe le tarif et est recouvrée par les services de la collectivité. Tous les usagers effectifs du service d’élimination des déchets ménagers et assimilés sont redevables de la REOM, ce qui signifie qu’elle n’est pas due par les personnes qui n’utilisent pas le service, sous réserve qu’ils puissent en établir la preuve. La redevance doit être fixée à un niveau tel que son produit équilibre exactement les charges du service rendu. L’institution de la REOM entraîne la suppression de la TEOM et de la redevance pour l’enlèvement des déchets des terrains de camping et de caravanes (article 1520 du CGI et article L. 2333‑79 du CGCT), les deux dispositifs ne pouvant pas se cumuler ;

– mettre en place une redevance spéciale (RS – article L. 2333‑78 du CGCT) pour financer la collecte des déchets assimilés uniquement, c’est-à-dire des déchets ménagers qui ne sont pas produits par des ménages, mais par des entreprises ou des administrations : depuis la loi de finances pour 2015 ([87]), la mise en place de cette redevance n’est obligatoire que si la collectivité exerce la compétence et n’a mis en place ni la TEOM ni la REOM dans la mesure où ces deux dispositifs permettent depuis 2015 de financer la collecte des déchets assimilés. Dans la même logique, la RS ne peut être instituée en même temps que la REOM, tandis que les personnes s’acquittant de la RS peuvent être exonérées de la TEOM sur simple décision du conseil municipal. La RS est payée par toute entreprise ou administration, localisées dans le périmètre de la collectivité et dont les déchets assimilés sont éliminés dans le cadre du service public. Elle est calculée en fonction de l’importance du service rendu, notamment de la quantité de déchets gérés, mais peut être fixée de manière forfaitaire pour la gestion de petites quantités de déchets ;

– instituer une redevance pour l’enlèvement des déchets provenant des terrains de camping et de caravanes (article L. 2333‑77 du CGCT) : il s’agit d’une redevance spécifiquement perçue auprès des exploitants de ces terrains et calculée en fonction du nombre de places disponibles. En cas d’institution de cette redevance, la TEOM n’est plus applicable à ces terrains. De plus, si la collectivité décide de mettre en place la RS, celle-ci se substitue à la redevance d’enlèvement des déchets de campings. Son recouvrement est effectué directement par la collectivité.

ÉVOLUTION DE LA FISCALITÉ RELATIVE AU SERVICE PUBLIC DE COLLECTE ET DE TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS ET ASSIMILÉS

(en millions deuros)

Impôts ou redevances

2013

2014

2015

2016

2017

TEOM

6 254

6 356

6 553

6 688

6 792

 dont TEOM incitative

2,9

8,1

9,4

12,8

REOM

656

698

728

738

729

Redevance spéciale

132

137

152

167

187

Redevance spéciale « camping »

3,9

3,8

4,0

3,7

3,4

Source : direction générale des collectivités locales.

Nombre de collectivitÉs territoriales par fiscalitÉ relative au service public de collecte et de traitement des dÉchets mÉnagers et assimilÉs en 2017

(en unité)

Type dimposition

TEOM

TEOMI

REOM

Redevance spéciale

Redevance spéciale camping

Communes

116

93

15

1

Communes par un syndicat

321

23

251

2 795

109

EPCI

906

25

427

374

46

EPCI par un syndicat

32

3

270

Total

1 375

51

1 041

3 184

156

Source : direction générale des collectivités locales.

Les déchets ménagers ou assimilés

L’article L. 541‑1‑1 du code de l’environnement définit un déchet comme « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a lintention ou lobligation de se défaire ». L’article L. 541‑4‑3 du même code dispose qu’un « déchet cesse dêtre un déchet après avoir été traité dans une installation (…) et avoir subi une opération de valorisation, notamment de recyclage ou de préparation en vue de la réutilisation ».

La commune ou l’EPCI sont responsables de l’élimination des déchets ménagers, comme le dispose l’article L. 2224-13 du CGCT : ces collectivités « assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, la collecte et le traitement des déchets des ménages ». Les déchets ménagers comprennent seulement les déchets dont le producteur est un ménage, c’est-à-dire les déchets provenant de la préparation des aliments et du nettoiement normal des habitations, mais aussi les déchets du bricolage familial, les déchets du jardin attenant à la maison et les déchets des parties communes des immeubles. Dans la plupart des cas, les déchets ménagers sont définis localement par le règlement de collecte.

Toutefois, l’article L. 2224-14 du CGCT dispose que ces collectivités – la commune ou l’EPCI – « assurent la collecte et le traitement des autres déchets définis par décret, quelles peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières ». Il s’agit de déchets assimilés à des déchets ménagers, qu’il est souvent impossible de distinguer lors de la collecte des déchets ménagers, mais dont le producteur n’est pas un ménage (déchets courants des petits commerces, des artisans, des services, des administrations, etc.).

À l’inverse, la gestion des déchets professionnels (en particulier les déchets industriels) ne peut pas entrer dans le champ d’application du service public des déchets ménagers ou assimilés. Dans ce cas, l’article L. 541-2 du code de l’environnement précise que « tout producteur ou détenteur de déchets est tenu den assurer ou den faire assurer la gestion » et est « responsable de la gestion de ces déchets jusquà leur élimination ou valorisation finale ».

2.   La mise en place d’une tarification incitative au développement d’une économie circulaire

La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement pose pour la première fois le principe d’une tarification incitative. Elle dispose que l’État doit mettre en œuvre « un cadre législatif permettant linstauration par les collectivités territoriales compétentes dune tarification incitative pour le financement de lélimination des déchets des ménages et assimilés. La REOM et la TEOM devront intégrer, dans un délai de cinq ans, une part variable incitative devant prendre en compte la nature et le poids et/ou le volume et/ou le nombre denlèvements des déchets » ([88]).

D’une manière générale, la REOM est calculée en fonction du service rendu. Si la collectivité fait le choix de fixer une tarification en fonction du poids ou du volume de déchets, elle est alors dite incitative. À l’inverse, la TEOM étant assise sur la taxe foncière, elle n’est pas de nature incitative. La loi de finances pour 2012 ([89]) a inséré un article 1522 bis dans le CGI autorisant les communes et les EPCI compétents en matière de collecte des déchets à mettre en place, en complément de la part fixe de la TEOM assise sur taxe foncière, une part incitative « assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits, exprimée en volume, en poids et en nombre denlèvements ». Il est possible de combiner plusieurs de ces critères, afin de mieux appréhender la réalité des déchets collectés pour chaque local. La part incitative est déterminée en multipliant la quantité de déchets produits pour chaque local imposable l’année précédant celle de l’imposition par un ou des tarifs par unité de quantité de déchets produits. Les montants de ces tarifs peuvent être différents selon la nature des déchets ou le mode de collecte.

La part incitative s’ajoute à la part fixe déterminée dans les conditions habituelles de la TEOM, et doit représenter entre 10 % et 45 % du produit total de la taxe. Afin de limiter l’impact pour les contribuables de la mise en place de la part incitative lors de la première année d’application de celle-ci, l’article 1636 B undecies du CGI dispose que le produit total de la TEOM (part fixe et incitative) ne peut excéder le produit total de la TEOM l’année précédente ([90]). La loi de finances rectificative pour 2013 ([91]) a également autorisé les communes et les EPCI à exonérer, pour une année, de la part incitative de TEOM, les constructions nouvelles et les reconstructions.

Enfin, il est précisé par l’article 1522 bis du CGI que, pour les ensembles de locaux d’un habitat collectif, la part incitative « est répartie entre eux par la collectivité au prorata de leur valeur locative foncière retenue pour létablissement de la TEOM ».

Cette part incitative de la TEOM vise à encourager financièrement les redevables à produire moins de déchets, en privilégiant par exemple le réemploi des produits, l’achat de produits moins générateur de déchets (moins d’emballages ou de produits jetables), ou encore l’achat de produits recyclables ou faciles à valoriser (produits biodégradables ou transformables en compost), grâce à un tri pratiqué en amont de la collecte. Ce mécanisme permet aux redevables ayant un comportement plus responsable d’un point de vue écologique d’être soumis à une TEOM moins élevée que les redevables qui produisent de grandes quantités de déchets, dont le traitement ultérieur sera coûteux ou polluant.

B.   Une TEOM source de contentieux et dont la part incitative est peu utilisÉe

Depuis plusieurs années, de nombreux contentieux ont émergé autour de la TEOM, notamment concernant les dépenses prises en compte pour le calcul de la taxe, fragilisant davantage son utilisation par les collectivités territoriales. De plus, la mise en œuvre de la TEOM incitative semble aujourd’hui faire face à un constat d’échec : seule une dizaine de collectivités avaient mis en place une part incitative au 1er janvier 2016. Elles seraient une cinquantaine dans cette situation au 1er janvier 2018.

1.   Des contentieux sur les conditions d’utilisation de la TEOM fragilisent les délibérations des collectivités territoriales

Le taux de la TEOM est fixé librement par la commune ou l’EPCI. Toutefois, dans la mesure où la taxe est destinée à pourvoir exclusivement aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés, le taux doit être fixé de manière à ne pas procurer des recettes supérieures au montant des dépenses exposées par la collectivité territoriale pour assurer ce service, déduction faite des recettes ordinaires n’ayant pas de caractère fiscal.

Or, depuis 2014, un contentieux fiscal se développe pour contester la régularité des délibérations adoptées par les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière de TEOM : il porte sur l’inadéquation entre le produit issu de la taxe et les dépenses liées à l’exercice de la compétence. Dans une décision du 31 mars 2014, le Conseil d’État a estimé que « la TEOM na pas le caractère dun prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à lensemble des dépenses budgétaires mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer lenlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales ; quil en résulte que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, tel quil peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux » ([92]). Le produit afférent ne doit dès lors pas être manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses engagées. En l’état, le Conseil d’État a estimé qu’un excédent de 2,5 % de TEOM par rapport au coût de collecte et de traitement des déchets était manifestement disproportionné. Depuis cette décision, près de 5 000 contestations en matière de TEOM ont été formulées auprès des services fiscaux par des redevables sur ce sujet.

D’après les informations transmises au Rapporteur général par la direction générale des finances publiques, entre juin 2014 et juin 2018, un total de 5 096 réclamations contentieuses sur la TEOM ont été enregistrées, pour un montant cumulé de 232 millions d’euros. Au 29 juin 2018, le stock des contentieux en cours portait sur 2 250 réclamations contentieuses environ et un montant de 147 millions d’euros. À titre d’exemple, le montant total des dégrèvements pris en charge par l’État du fait de la jurisprudence Auchan de 2014 s’élevait à 23 millions d’euros.

De plus, la définition peu précise retenue par le CGI pour définir les dépenses éligibles, à savoir les « dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets » assimilés (article 1520 du CGI), a conduit le juge à définir partiellement le périmètre des dépenses pouvant être financées par la TEOM. Dans une décision du 19 mars 2018, le Conseil d’État a rappelé que les dépenses relatives à la TEOM doivent se comprendre comme étant « constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle quelle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe » et que le tribunal avait « commis une autre erreur de droit en jugeant quil y avait lieu de prendre en compte, non seulement les dotations aux amortissements des immobilisations affectées au service, mais aussi, ses dépenses réelles dinvestissement » ([93]).

Si cette décision permet de clarifier le champ des dépenses qui peuvent être couvertes par la TEOM, elle conduit à fragiliser de nombreuses décisions prises par les communes et leurs établissements.

2.   Un déploiement quasi inexistant de la part incitative de la TEOM

Ces dernières années, plusieurs mesures ont eu pour objectif de renforcer la dimension incitative de la TEOM :

– la loi de finances rectificative pour 2015 ([94]) a autorisé les communes et leurs groupements à instituer, pour une durée maximale de cinq ans, la part incitative de la TEOM sur une partie seulement de leur territoire. Il est précisé qu’à l’issue de cette période, la taxe est soit généralisée pour l’ensemble du territoire communal ou intercommunal, soit entièrement supprimée ;

– la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([95]) a posé des objectifs ambitieux sur le plan de la prévention et de la gestion des déchets comme un levier essentiel de la transition vers une économie circulaire. L’article L. 541‑1 du code de l’environnement dispose désormais que « les collectivités territoriales progressent vers la généralisation dune tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif que quinze millions dhabitants soient couverts par cette dernière en 2020 et vingt-cinq millions en 2025 ».

Toutefois, le constat est celui d’un échec : au 1er janvier 2016, 182 collectivités ont choisi la redevance incitative et seulement 10 collectivités ont instauré une TEOM incitative. Elles seraient désormais une cinquantaine selon la direction générale des collectivités territoriales. Si la population concernée par la tarification incitative a été multipliée par 5 depuis le Grenelle de l’environnement, elle ne touche en 2016 que 4,6 millions d’habitants, dont un peu plus de 450 000 habitants pour la TEOM incitative ([96]). En 2017, la population assujettie à la TEOM incitative était de 487 000 habitants selon la direction générale des collectivités territoriales. L’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) démontre également que parmi les collectivités ayant mis en place la TEOM, celles souhaitant mettre en place une fiscalité incitative privilégient le passage à une REOM incitative : 67 collectivités sont ainsi passées de la TEOM à la REOM incitative, et plusieurs ont choisi d’instaurer une REOM simple pendant un an en transition vers la REOM incitative.

La majorité des collectivités en TEOM incitative (8 collectivités) ont retenu le principe d’une facturation en fonction du nombre d’enlèvements des bacs à la collecte ; une seule collectivité en fonction du volume du bac et la dernière en fonction du nombre de sacs présentés à la collecte. Le succès de la facturation en fonction du nombre d’enlèvements s’explique par un moindre investissement pour l’équipement des bennes de collecte et une plus grande simplicité d’exploitation et de gestion de la relation avec les usagers.

RÉpartition des collectivitÉs territoriales en tarification incitative au 1er janvier 2016 par rÉgion

(en nombre de collectivités et d’habitants)

Région

Nombre de collectivités en tarification incitative (REOM et TEOM)

Nombre dhabitants bénéficiant dune tarification incitative

Auvergne-Rhône-Alpes

12

285 483

Bourgogne-Franche-Comté

46

813 547

Bretagne

9

347 586

Centre-Val de Loire

5

154 129

Corse

Grand Est

52

987 838

Hauts-de-France

9

169 443

Île-de-France

3

103 245

Normandie

7

118 302

Nouvelle-Aquitaine

10

339 534

Occitanie

3

127 704

Pays de la Loire

36

1 185 839

Provence-Alpes-Côte d’Azur

Total

192

4 632 650

Source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, CITEXIA, Bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2016, janvier 2018.

Dans ce contexte, le ministère de la transition écologique et solidaire a présenté le 23 avril 2018 une feuille de route pour une économie circulaire (FREC) comprenant 50 mesures ([97]). La proposition n° 22 de la feuille de route rappelle l’ambition de « faciliter le déploiement de la tarification incitative de la collecte des déchets » et propose quatre mesures pour y parvenir :

– réduire pour les collectivités les coûts de fonctionnement de la TEOM en diminuant de 8 % à 3 % les frais de gestion perçus par l’État pendant les trois premières années de déploiement de la tarification incitative afin de compenser les éventuels surcoûts au démarrage ;

– assouplir les contraintes administratives des collectivités pour la mise en œuvre de la tarification incitative en leur permettant que le produit de la taxe incitative, pour la première année de son instauration, soit supérieur de 10 % au produit de la taxe de l’année précédente ;

– rendre systématique la facturation entre collectivités en fonction des quantités de déchets collectés ou traités et interdire, lorsque l’information nécessaire est disponible, la facturation forfaitaire afin de ne pas neutraliser les efforts de prévention et de tri des citoyens et des collectivités ;

– organiser le partage de retour d’expérience et de bonnes pratiques de déploiement de la tarification incitative, notamment en matière de mise en œuvre en milieu urbain, et renforcer l’accompagnement des collectivités dans le déploiement de la tarification incitative.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article contient plusieurs mesures relatives à la TEOM et visant, d’une part, à préciser la définition des dépenses éligibles à son financement et, d’autre part, à faciliter la mise en place par les collectivités territoriales de la part incitative de la TEOM. Les conséquences budgétaires de la mesure sont difficiles à évaluer puisqu’elles dépendent des comportements des collectivités et des usagers du service public de collecte des déchets ménagers et assimilés. La mesure conduirait dans tous les cas à réduire les risques de contentieux liés à la TEOM, et à favoriser le développement d’une économie circulaire.

A.   Élargir le champ des dÉpenses financÉes par la TEOM et faciliter le recours À la part incitative

1.   Élargir et préciser la nature des dépenses prises en compte pour le calcul de la TEOM tout en responsabilisant les collectivités territoriales

Dans un premier temps, le présent article élargit et précise la nature des dépenses pouvant être prises en compte pour le calcul du montant de la TEOM.

Le a) du  du I du présent article élargit le champ des dépenses éligibles pour déterminer le montant de la TEOM « aux dépenses liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés ». Ce programme doit être mis en place par les collectivités territoriales responsables de la collecte ou du traitement des déchets ménagers et assimilés, et doit indiquer les objectifs de réduction des quantités de déchets et les mesures mises en place pour les atteindre. Ces dépenses sont actuellement financées par le budget général de la collectivité. L’élargissement aux seules dépenses de définition et d’évaluation du programme permet le financement par la TEOM de dépenses résultant d’une obligation légale conférée aux collectivités territoriales et en lien avec leurs compétences, sans pour autant dénaturer la TEOM ni augmenter sensiblement la fiscalité locale.

Le b) du  du I précise la nature des dépenses qui peut être prise en compte pour le calcul de la TEOM en autorisant soit les dépenses réelles d’investissement, soit les dotations aux amortissements correspondantes. Ainsi, il conviendra désormais d’entendre par « dépenses du service de collecte et de traitement des déchets » :

– les dépenses réelles de fonctionnement, c’est-à-dire l’ensemble des dépenses de fonctionnement après déduction des opérations d’ordre comptable (prestations internes, dotations aux amortissements, report du déficit de fonctionnement, etc.) ;

– les dépenses de fonctionnement au titre des dotations aux amortissements des immobilisations lorsque pour un investissement, la taxe n’a pas pourvu par le passé aux dépenses réelles d’investissement correspondantes ;

– les dépenses réelles d’investissement, lorsque pour un investissement, la taxe n’a pas pourvu par le passé aux dépenses de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes.

Cette option permet ainsi aux collectivités qui le souhaitent de lisser leur taux de TEOM en prenant en compte les dotations aux amortissements plutôt que les dépenses réelles d’investissement, plus volatiles, et de limiter ainsi l’impact sur la pression fiscale annuelle.

Pour rappel, le taux de TEOM doit être fixé de telle manière qu’il ne procure pas des recettes disproportionnées par rapport au montant des dépenses exposées par la collectivité locale pour assurer le service publique de collecte et de traitement des déchets. Afin de sécuriser davantage les collectivités territoriales, la commission des finances a adopté plusieurs amendements identiques visant à autoriser une disproportion de 15 % entre les recettes de TEOM et les dépenses éligibles, conformément à la pratique jurisprudentielle qui semble se dégager à la suite de plusieurs décisions du Conseil d’État.

Enfin, corrélativement à la mesure précédente et afin de responsabiliser les collectivités territoriales, le c) du  du I propose de mettre à leur charge les dégrèvements faisant suite à la constatation par une décision de justice de l’illégalité de la délibération. L’illégalité doit être fondée sur la seule circonstance que le produit de la taxe et son taux sont disproportionnés par rapport au montant des dépenses éligibles à la TEOM. Le A du II précise que la mesure ne s’applique qu’aux délibérations prises à compter du 1er janvier 2019. Actuellement, les dégrèvements de TEOM sont intégralement à la charge de l’État, y compris ceux résultant de la délibération illégale d’une collectivité lorsqu’elle a fixé le taux de la TEOM à un niveau excessif. L’évaluation préalable de l’article indique que ces contentieux représentent un coût potentiel pour l’État estimé à 220 millions d’euros (total des cotisations contestées à la date du 30 avril 2018).

2.   Faciliter l’institution par les collectivités territoriales de la part incitative

Ensuite, conformément aux préconisations de la FREC :

– le 2° du I autorise, la première année de l’institution de la part incitative, que le produit total de la TEOM puisse excéder, dans une limite de 10 %, le produit de la taxe de l’année précédente, afin de permettre la prise en compte du surcoût qu’occasionne la mise en place de la part incitative. Pour rappel, aucun dépassement n’est actuellement autorisé ;

– corrélativement, le 3° du I diminue de 4,4 % à 1 % les frais d’assiette et de recouvrement, et de 3,6 % à 2 % les frais de dégrèvements et de non-valeurs à la charge des contribuables au titre des trois premières années au cours desquelles est mise en œuvre la part incitative. Il s’agit ainsi d’une baisse globale des frais de gestion de 8 % à 3 %. Le B du II précise que la mesure s’applique aux impositions établies à compter du 1er janvier 2019, lorsque la délibération instituant la part incitative est postérieure au 1er janvier 2018. Il s’agit ainsi de préserver le caractère incitatif de la mesure tout en prenant en compte les délibérations intervenues en 2018 à la suite de la publication de la FREC.

Afin de renforcer le caractère incitatif de la mesure de baisse des frais de gestion, et de permettre aux collectivités de mieux étaler les dépenses liées au surcoût occasionné par la mise en œuvre de la part incitative, sans pour autant augmenter la pression fiscale sur les contribuables, la commission des finances a adopté un amendement de la commission du développement durable visant à allonger de trois à cinq la durée durant laquelle les collectivités concernées bénéficient des taux de frais de gestion réduits.

Le coût pour l’État de cette baisse des frais de gestion n’est pas chiffré par l’évaluation préalable. À titre indicatif, les frais de gestion prélevés en 2017 par l’État au titre de la TEOM était de 544 millions d’euros, dont 299 millions d’euros au titre des frais d’assiette et de recouvrement et 245 millions d’euros de frais au titre des dégrèvements et des admissions en non-valeur.

La combinaison des deux mesures permettra aux collectivités territoriales d’augmenter le produit de la TEOM afin d’absorber le surcoût de la mise en place de la part incitative dès la première année, sans augmenter pour autant la pression fiscale pesant sur les contribuables. La mesure entraîne néanmoins une baisse des recettes de l’État.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

L’évaluation préalable du présent article estime que « le gain qui résulterait de lapplication de ces mesures pour les collectivités nest pas chiffrable ». En effet, il ne serait « pas possible danticiper le comportement des collectivités », tandis que le rythme de basculement des collectivités vers la TEOM incitative ne peut pas non plus être anticipé. Enfin, elle précise que « les coûts afférents à la définition et aux évaluations des programmes locaux de prévention des déchets ménagers ne sont pas connus ».

Néanmoins, à plus long terme, le développement attendu de la part incitative dans la TEOM d’un nombre accru des communes et d’EPCI devrait conduire, grâce à une évolution du comportement des ménages et des entreprises, à une diminution des quantités de déchets ménagers et assimilés produits. En effet, une étude de l’ADEME ([98]) fait apparaître une plus grande efficacité de la TEOM incitative par rapport à la REOM incitative : les collectivités en TEOM incitative produisent en moyenne 38 % en moins d’ordures ménagères résiduelles par habitant et par an comparées à celles en REOM incitative. Elles collectent également moins d’emballages, papiers et verre (– 10 %) et ont moins de tonnages en déchetteries (– 13 %) que celles en REOM incitative. Ces premiers constats sont néanmoins à prendre avec précaution en raison du faible nombre de collectivités en TEOM incitative.

Ce constat n’est pas nouveau, puisque, dans un rapport de 2004 sur la gestion des déchets par les collectivités territoriales ([99]), une mission d’évaluation de politique publique indiquait qu’une généralisation de la tarification incitative se traduirait par des effets importants sur les comportements, notamment par une baisse des quantités d’ordures ménagères résiduelles et une augmentation des quantités recyclées : la tarification incitative permettrait de diminuer de 5,6 % la production de déchets ménagers en 2025 par rapport à 2011, dont une baisse de 13 % des ordures ménagères résiduelles. On peut ainsi espérer que grâce à un recours progressivement plus étendu à la part incitative de la TEOM, les coûts de gestion liés à la collecte et au traitement de ces déchets, qui pèsent dans le budget des communes et de leurs groupements, devraient progressivement baisser.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques I-CF904 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF957 de M. Michel Castellani, I-CF1093 de Mme Christine Pires Beaune et ICF1376 de M. Olivier Gaillard.

M. Jean-René Cazeneuve. L’article 7 vise à sécuriser les délibérations des exécutifs locaux et, en contrepartie, mettre à la charge des collectivités territoriales les dégrèvements faisant suite à une contestation des usagers – c’est de plus en plus fréquent – en cas d’écart entre le produit de la taxe et les dépenses réelles. L’amendement I-CF904 tend à préciser qu’une disproportion de 15 % est admise.

M. Michel Castellani. Il est important de définir précisément la notion de « taux manifestement non disproportionné », le Conseil d’État considérant que seule est admise une disproportion limitée. Je vous propose également par mon amendement I-CF957 de préciser à l’article 1520 du CGI qu’une disproportion de 15 % est admise entre le produit de la taxe et les dépenses.

M. Jean-Louis Bricout. On a constaté ces dernières années que de nombreuses jurisprudences fragilisent la TEOM en annulant des taux votés, ce qui met en difficulté le financement du service public. L’amendement I‑CF1093 vise à mieux sécuriser les délibérations des exécutifs locaux en définissant la notion, qui fait débat à l’heure actuelle, de taux manifestement non disproportionné par rapport au montant des dépenses.

M. Olivier Gaillard. Comme les précédents, l’amendement I-CF1376 vise à sécuriser les délibérations des exécutifs locaux devant la multiplication des jurisprudences.

M. le Rapporteur général. Sur le fond, je ne suis pas très favorable à l’idée d’autoriser, par la loi, les collectivités territoriales à fixer un taux de dépense sans lien avec le budget annexe concerné. Reste qu’un problème de jurisprudence se pose de manière de plus en plus pressante et qu’il convient d’harmoniser un peu les choses, ce qui me conduit à donner un avis de sagesse sur tous ces amendements.

La commission adopte les amendements identiques I-CF904, I-CF957, ICF1093 et ICF1376 (amendement I-2221).

Puis elle est saisie des amendements identiques I-CF385 de la commission du développement durable et de laménagement du territoire, I-CF303 de M. Jean-Pierre Vigier, I-CF497 de Mme Véronique Louwagie et I-CF946 de M. Michel Castellani.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. L’amendement I-CF385 poursuit le même objectif que les précédents.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF497 va dans le même sens : le produit de la taxe perçu par les collectivités ne pourra être supérieur de 15 % aux dépenses engagées pour le service de collecte et de traitement des déchets. Cela permettra de sécuriser la situation.

M. Michel Castellani. Mon amendement I-CF946 a le même objet.

M. le Rapporteur général. Je vous propose de retirer ces amendements car ils ont été satisfaits par ceux que nous venons d’adopter.

Les amendements sont retirés.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF500 et I-CF506 de Mme Véronique Louwagie, les amendements identiques I-CF964 de M. Michel Castellani, I-CF992 de M. Jean-René Cazeneuve et I-CF1375 de M. Olivier Gaillard, ainsi que lamendement I-CF1094 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF500 vise à clarifier les dépenses couvertes par la TEOM, afin de rendre la situation plus compréhensible pour les collectivités territoriales et d’assurer davantage de cohérence avec les autres dispositions législatives et réglementaires. Le I-CF506 est un amendement de repli.

M. Michel Castellani. Les alinéas 5 à 8 de l’article 7 visent à préciser la nature des dépenses finançables par la TEOM. Or, la rédaction de l’alinéa 6 me paraît insuffisante. Je vous propose par l’amendement I-CF964 de clarifier la situation, notamment afin de permettre la prise en compte du coût complet, qui intègre non seulement les coûts directs des prestations de service mais aussi un certain nombre de coûts indirects : nous viserons ainsi les dépenses réelles de fonctionnement.

M. Jean-René Cazeneuve. J’ai déposé l’amendement I-CF992 dans le même esprit. Il s’agit d’avoir une vision du coût complet en intégrant une partie des coûts de gestion communs.

M. Olivier Gaillard. L’amendement I-CF1375 vise aussi à prendre en compte les coûts indirects qui ne sont pas couverts par les recettes non fiscales.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit, là aussi, de sécuriser la situation. La rédaction du projet de loi me paraît insuffisamment précise au regard de la jurisprudence : mon amendement I-CF1094 propose donc de faire apparaître clairement que le périmètre de la taxe pourra comprendre les coûts indirects.

M. le Rapporteur général. Ces amendements visent à apporter des précisions d’ordre réglementaire sur le périmètre concerné, ce qui ne me paraît pas très orthodoxe. Par ailleurs, même si la lisibilité de certains textes n’est pas toujours optimale, vos demandes me paraissent satisfaites. Je préférerais donc que vous ayez une réponse du ministre en séance : les explications fournies seront inscrites au compte rendu et pourront rassurer tout un chacun. Toutes ces raisons me conduisent à vous proposer de retirer vos amendements à ce stade.

Les amendements I-CF500, I-CF506, I-CF992, I-CF1375 et I-CF1094 sont retirés.

La commission rejette lamendement I-CF964.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF468 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1095 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Véronique Louwagie. L’alinéa 10 de l’article 7 met à la charge des collectivités le dégrèvement de la taxe consécutif à la constatation, par une décision de justice ayant force de valeur jugée, de l’illégalité des délibérations prises par une collectivité, fondée sur la circonstance que le produit de la taxe et, par voie de conséquence, son taux sont disproportionnés par rapport au montant des dépenses. L’État justifie ce transfert par la volonté de ne plus faire peser sur le budget de l’État les conséquences de l’illégalité des délibérations des collectivités ; cela peut s’entendre, à ceci près que les délibérations sur les budgets locaux sont soumises à un contrôle de légalité par les préfectures et que l’État perçoit par ailleurs des frais de gestion sur la TEOM... Cet alinéa 10 ne me paraît pas pertinent et je propose, par mon amendement I-CF468, de le supprimer.

Mme Christine Pires Beaune. L’article 7 est bienvenu car il permettra de sécuriser la perception de la TEOM. Cela étant, faire supporter aux collectivités territoriales les conséquences de ces procédures juridiques ne me paraît pas une bonne idée. Pour commencer, l’État perçoit des frais de gestion, notamment pour payer les dégrèvements dont il est question ; ensuite, toutes les délibérations des collectivités sont soumises au contrôle de légalité ; qui plus est, les collectivités ne sont bien souvent informées qu’à la fin des procédures, auxquelles elles ne sont pas du tout associées. C’est le Trésor public qui perçoit les recettes et engage les actions. Il serait fort de café de faire payer ensuite les collectivités... Mon amendement I-CF1095 propose donc de supprimer l’alinéa 10.

M. le Rapporteur général. Nous avons adopté des amendements autorisant une disproportion maximale de 15 %, qui était déjà tolérée par la jurisprudence. Supprimer l’alinéa 10 reviendrait à aller trop loin : si la disproportion dépasse 15 %, cela relève tout de même de la responsabilité des collectivités concernées. J’émets donc un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Il y a un contrôle de légalité : si des recours conduisent à une annulation, c’est qu’il y a eu un dysfonctionnement de ce service public qui est de la responsabilité de l’État. J’ai hésité sur cette question, mais je pense que Mme Louwagie a raison. Il faut ajouter à cela que l’État perçoit, de mémoire, 8 % de la TEOM au titre des frais de gestion, alors que son coût de recouvrement est pratiquement nul, dans la mesure où la TEOM est recouvrée en même temps que la taxe foncière sur les propriétés bâties. L’État fait des bénéfices importants sur les frais qu’il perçoit. Il n’y a pas à faire payer aux collectivités les conséquences d’une défaillance d’un contrôle qui lui incombe.

Mme Bénédicte Peyrol. Comme l’a dit Christine Pires Beaune, l’article 7 est bienvenu, car il s’inscrit dans le cadre de la feuille de route pour l’économie circulaire et fait partie d’un dispositif d’ensemble, avec la taxe générale sur les activités polluantes. Les collectivités territoriales savent que la TEOM sert normalement à financer le service public de gestion et de prévention des déchets. Elles peuvent appliquer cette taxe ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM). Quand on fait le choix de la TEOM, on doit normalement appliquer la redevance spéciale qui concerne les déchets assimilés aux déchets ménagers, c’est-à-dire les déchets des entreprises ne faisant pas l’objet de sujétions techniques particulières. Il peut y avoir eu, dans certains cas, un financement pour ces déchets via la TEOM, ce qui explique qu’il y ait une disproportion, mais c’est à la collectivité de mettre en place la redevance spéciale : cela relève de sa compétence, sans qu’il y ait un contrôle particulier de l’État sur ce point. L’alinéa 10 est donc justifié. Par ailleurs, l’article 7 est équilibré, puisque sa première partie sécurisera le dispositif.

Mme Véronique Louwagie. J’entends bien ces arguments, mais il ne s’agit pas de remettre en cause l’article 7 : les amendements seulement concernent l’alinéa 10, qui correspond à une disposition bien spécifique. Je suis également choquée que l’on s’assoie un peu sur le contrôle de légalité qui est réalisé par les préfectures : c’est une remise en cause des procédures existantes, et il pourrait y en avoir d’autres par la suite. Il faut faire attention à ne pas créer une sorte de jurisprudence qui pourrait nuire aux collectivités. Par ailleurs, c’est l’État perçoit des frais de gestion et ce sont les collectivités qui paient... Il faut être cohérent.

M. Patrick Hetzel. Comme Mme Louwagie vient de le souligner, l’État perçoit un financement à ce titre – il est de 3,6 % du produit de la TEOM – et il a une obligation de résultat. L’État ne peut pas à la fois percevoir un financement pour réaliser un service et se défausser du problème si ce service est défaillant. Du reste, dans ses négociations avec l’Association des maires de France (AMF), qui est vent debout sur ce sujet, le Gouvernement a laissé entendre que la porte n’était pas fermée : le Rapporteur général nous a signifié une fin de non-recevoir, mais je pense qu’un amendement gouvernemental pourrait être déposé – en tout cas je l’espère. Mais cela signifierait, une fois de plus, qu’on ne veut pas laisser le Parlement faire son travail, quitte à venir dans un second temps avec un amendement gouvernemental...

M. Jean-René Cazeneuve. Je vais plaider dans le sens contraire : on ne peut pas se faire l’avocat de la libre administration des collectivités territoriales et demander dans le même temps à l’État d’intervenir systématiquement pour les protéger. Par ailleurs, ce n’est pas la légalité de la taxe qui est en question, mais son montant, c’est-à-dire l’adéquation entre le coût du service et le montant perçu : or cela relève bel et bien de la responsabilité des collectivités territoriales, qui sont chargées de fixer les taux.

M. le Rapporteur général. Je maintiens mon avis défavorable. On verra bien si le Gouvernement souhaite modifier les dispositions dont nous parlons. Je me repose sur l’excellente argumentation que Bénédicte Peyrol a développée, en ajoutant que cette mesure est la contrepartie tout à fait logique de l’abaissement de 8 à 3 % des frais d’assiette, de recouvrement, de dégrèvement et de non-valeurs au titre des trois premières années au cours desquelles est mise en œuvre la part incitative de la TEOM – faute de quoi, il pourrait y avoir effectivement un problème pour les comptes des collectivités territoriales. Par ailleurs, je suis d’accord avec ce qu’a dit Jean-René Cazeneuve en ce qui concerne la libre administration des collectivités territoriales. Chacun connaît notre volonté d’évoluer vers davantage d’automaticité et d’immédiateté afin que les maires n’aient plus à attendre le tampon du contrôle de légalité et le blanc-seing de l’administration que certains d’entre nous ont connus en tant que maires. Nous ne sommes plus dans cette logique.

La commission rejette les amendements.

La commission est ensuite saisie des amendements identiques I-CF471 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1096 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF471 est un amendement de repli : il s’agit d’éviter aux communes et aux EPCI de subir rétroactivement une mesure qui n’existait pas lors du vote des délibérations invalidées par le juge : le dispositif prévu à l’alinéa 10 ne sera applicable qu’aux délibérations adoptées à compter de 2019.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I-CF1096 répond au même souci en proposant de décaler dans le temps l’application de l’alinéa 10 : la mesure ne s’appliquera qu’aux délibérations adoptées à partir de 2019. Les procédures en cours ne seront donc pas concernées.

M. le Rapporteur général. L’alinéa 16 de l’article 7 prévoit déjà que le dispositif s’appliquera aux délibérations prises à compter du 1er janvier 2019. Il n’y aura donc pas de rétroactivité, et je vous propose donc de retirer ces amendements.

Les amendements sont retirés.

Puis la commission examine les amendements identiques I-CF508 de Mme Véronique Louwagie et I-CF789 de M. Mjid El Guerrab.

Mme Véronique Louwagie. L’article 7 tend à revoir le taux des frais de gestion et de recouvrement perçus par le Trésor public lorsque la TEOM comporte une part incitative. Le résultat est qu’il y aura deux taux différents malgré l’existence d’un traitement commun : le taux sera de 3 % si la TEOM intègre une part incitative et de 8 % dans les autres cas, ce qui me paraît un peu complexe. Mon amendement I-CF508 permettra de simplifier le dispositif.

M. Mjid El Guerrab. Plus de 550 millions d’euros sont prélevés chaque année par le Trésor public au titre de la gestion de la TEOM pour les collectivités territoriales. Une réduction de 5 points des frais de gestion et de recouvrement conduirait à un allégement de la fiscalité locale de plus de 300 millions d’euros. Diminuer les frais de gestion dans le seul cas où la TEOM intègre une part incitative, comme le propose le Gouvernement, est loin de répondre au problème : cela ne concernerait qu’une minorité des collectivités territoriales finançant la gestion des déchets via la TEOM, et qui plus est à titre temporaire. Je vous propose plutôt un alignement sur les frais de gestion et de recouvrement applicables à la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui fait d’ailleurs l’objet d’un traitement commun. Cela permettra de répondre à une préoccupation qui est notamment celle de l’Association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des déchets, de l’énergie et des réseaux de chaleur.

M. le Rapporteur général. J’estime qu’il faut s’en tenir à ce que propose le Gouvernement, à savoir un avantage consenti aux communes en contrepartie de l’instauration d’une part incitative de TEOM, même si cela conduit, en effet, à deux taux différents. Si l’on crée une incitation, c’est parce que l’évolution n’est pas facile. Je souhaite que l’on réserve l’avantage aux collectivités qui s’engagent dans cette voie. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. La redevance incitative est un plus, tous ceux qui l’ont appliquée le savent.

M. Charles de Courson. J’ai une question pour le Rapporteur général : le taux des frais de gestion est-il de niveau législatif ou réglementaire ?

M. le Rapporteur général. Je pense qu’il est d’ordre législatif.

M. le président Éric Woerth. Considérons que c’est le cas. Sinon, le Gouvernement nous le dira...

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques I-CF509 de Mme Véronique Louwagie et I-CF791 de M. Mjid El Guerrab.

Mme Véronique Louwagie. Je vous propose un amendement de repli par rapport aux précédents. Entre la dimension incitative et la simplification, il faut faire des choix, et je regrette qu’ils ne se portent pas toujours vers la simplification... Mon amendement tend à supprimer la limite d’application dans le temps de la réduction des frais de gestion. Je rappelle que le taux est déjà de 3 % pour d’autres taxes, notamment la taxe foncière sur les propriétés bâties.

M. Mjid El Guerrab. Mon amendement I-CF791 est identique et se justifie par les mêmes arguments.

M. le Rapporteur général. On peut discuter du nombre d’années, mais il ne me paraît pas du tout raisonnable d’appliquer une mesure incitative sans aucune limitation de durée. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis la commission examine lamendement I-CF386 de la commission du développement durable et de laménagement du territoire.

Mme la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. Cet amendement adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire vise à renforcer l’incitation prévue par l’article 7 en étendant la durée d’application de la diminution des frais d’assiette, de recouvrement et de dégrèvement : il s’agira des cinq premières années pendant lesquelles la part incitative de la TEOM sera appliquée. Il restera une limitation dans le temps, comme le Rapporteur général le souhaite, mais l’allongement de la durée durant laquelle les collectivités territoriales bénéficieront d’un taux réduit constituera une incitation plus forte et permettra d’accompagner davantage les collectivités.

M. le Rapporteur général. La proposition de la commission du développement durable me paraît tout à fait raisonnable : le caractère incitatif de la mesure est préservé et il reste une limitation dans le temps, fixée à cinq ans. Pour avoir connu les affres dans lesquels on est plongé quand on met en place ce genre de dispositif, je pense que cette durée est raisonnable, ce qui me conduit à émettre un avis favorable.

La commission adopte lamendement I-CF386 (amendement I-2227).

Elle adopte ensuite larticle 7 modifié.

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Après l’article 7

La commission est saisie des amendements identiques I-CF512 de Mme Véronique Louwagie et I-CF792 de M. Mjid El Guerrab.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I-CF512 tend à promouvoir le tri en introduisant une incitation dans la tarification des déchets des entreprises assimilés aux déchets ménagers et dont le service public assure la collecte. Nous émettrons un signal positif grâce à cet encouragement : il est important d’inciter les entreprises à trier leurs déchets à la source en clarifiant les coûts et en mettant en valeur les efforts réalisés.

M. Mjid El Guerrab. Je fais miens les arguments de Véronique Louwagie.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas très favorable à ces amendements : il me semble que les collectivités territoriales auront des difficultés pour vérifier que les produits de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMI) sont exclusivement affectés aux dépenses de collecte et de traitement des déchets non ménagers. En attendant les explications que le Gouvernement pourrait donner en séance, j’émets un avis défavorable à ce qui me semble une complexification du dispositif.

Mme Bénédicte Peyrol. Je ne comprends pas vraiment ce qui nous est proposé. La création de la TEOMI permet un financement pour les déchets assimilés, c’est-à-dire ceux des entreprises ne faisant pas l’objet d’une sujétion technique particulière – sinon, c’est un autre mode de gestion, dont la collectivité n’est pas en charge. Je crois donc que ces amendements sont satisfaits.

Mme Véronique Louwagie. Nous pourrons en discuter en séance, mais j’ai pour l’heure du mal à comprendre : d’un côté le Rapporteur général répond que ces amendements pourraient être difficiles à appliquer, de l’autre Mme Peyrol affirme qu’ils sont satisfaits.

M. le Rapporteur général. C’est parce que je ne comprends pas très bien votre amendement...

Mme Véronique Louwagie. Je vais essayer de mieux l’expliquer. Il s’agit de donner aux collectivités territoriales la possibilité d’appliquer une part incitative sur les déchets non ménagers : on leur laissera une latitude pour faire la promotion d’un tel dispositif.

M. Charles de Courson. Ce que défendent nos collègues est-il aujourd’hui possible ? Il semble que ce soit le cas. Ces amendements sont donc inutiles, à moins que vous ne les redéposiez en séance dans le seul but d’avoir une confirmation. Mais il faudrait tout de même corriger la rédaction : « les ordures ménagères peuvent d’appliquer une part incitative » n’est pas très français. C’est comme si l’on disait : « c’est moi que je t’aime »...

La commission rejette les amendements.

Puis elle est saisie de lamendement I-CF1458 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement concerne les « impôts de production », domaine dans lequel nous faisons bien peu de choses. Je vous propose de commencer à réduire un impôt de production majeur, à savoir la CVAE, qui est une part de l’ancienne taxe professionnelle. Le montant de la CVAE progresse largement et s’élève aujourd’hui à 17,65 milliards d’euros. Elle nuit à la compétitivité de nos entreprises, en particulier celles qui sont industrielles. Or le pouvoir d’achat dépend de leur compétitivité. Nous devons donc entamer la réduction de la CVAE en modifiant son barème, étant entendu que ce sera une opération neutre pour les finances des collectivités territoriales. Cette proposition me semble tout à fait essentielle.

M. le Rapporteur général. C’est un sujet qui représente, en effet, plus de 2 milliards d’euros pour l’État. Un groupe de travail a été chargé de réfléchir à la répartition de la CVAE, et il me semble qu’il conviendrait au préalable d’aller au bout de cette démarche. Par ailleurs, nous serons saisis d’un projet de loi relatif à la fiscalité locale au printemps 2019 : toutes les réflexions sur la CVAE seront possibles dans ce cadre. Il serait préférable d’en débattre à ce moment-là. Enfin, le coût de cet amendement pour les finances publiques – 2 milliards d’euros – me conduit à émettre un avis tout à fait défavorable...

M. le président Éric Woerth. Évidemment, ce sont des sujets importants : la CVAE représente plus de 17 milliards. Mais le Gouvernement dépense beaucoup d’argent par ailleurs... C’est donc une question de choix : soit on choisit la compétitivité, soit on ne la choisit pas...

Ce choix de la compétitivité suppose de reconsidérer de grands impôts de production, dont la CVAE. Contrairement à la cotisation foncière des entreprises, liée à la territorialisation et qui a donc un autre impact sur les collectivités, la CVAE est un impôt national qui se répartit en pluie fine sur les territoires : de ce fait, l’État peut facilement la compenser – vous l’avez d’ailleurs fait pour la TH. Pourquoi ne le feriez-vous pas pour la CVAE ?

Mme Véronique Louwagie. Vous avez raison, monsieur le président : les entreprises rencontrent d’importantes difficultés du fait des taxes de production qui mettent leur compétitivité en péril – la comparaison avec nos voisins européens le souligne. Il faut restaurer leur compétitivité : c’est indispensable pour redynamiser notre économie et notre croissance, mais également permettre à nos entreprises d’être performantes sur la scène internationale et européenne et d’y évaluer dans des conditions de concurrence équivalentes.

Nous devons agir sur les coûts de production. Or la fiscalité locale et les taxes pèsent lourdement sur la valeur ajoutée des entreprises. Il faut faire en sorte que leurs marges s’améliorent. C’est l’objet de cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Bien sûr, on diminue les dépenses. Comment avez‑vous fait pour la TH, mon cher collègue ? C’est trop simple ! Il n’y a jamais l’argent pour les amendements de l’opposition, mais on en trouve toujours pour ceux de la majorité... C’est un jeu classique. Pourtant, les amendements de la majorité, ou les décisions du Gouvernement, coûtent beaucoup plus cher.

Mme Amélie de Montchalin. Je tiens à rappeler que nous avons pris l’engagement collectif de revoir les impôts qui touchent la production au cours des quatre prochaines années. Les discussions avec les industriels ont souligné l’importance de réformer en priorité la CVAE et la contribution sociale de solidarité des sociétés. L’exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires avait été annoncée : nous la mettons en œuvre en septembre 2019. Les impôts de production sont dans notre liste de priorités. Cette réforme n’est pas enterrée ; nous ne cherchons pas à l’éviter, nous cherchons à la mener quand les finances publiques le permettront. Nous avons pris des engagements extrêmement forts vis‑à‑vis de l’industrie, notamment sur les brevets ou le suramortissement des investissements dans la robotique ou la digitalisation, qui répondent aux besoins d’investissement des différentes industries de notre pays.

M. le président Éric Woerth. Mais il y a urgence, vous le savez, madame de Montchalin. La situation de notre commerce extérieur, tout comme notre compétitivité, se dégrade. Les impôts de production représentent presque 80 milliards d’euros. Or c’est avec les gros impôts qu’il faut jouer, et non avec les petits, sinon cela n’a aucun effet.

M. Patrick Hetzel. Les propos d’Amélie de Montchalin montrent bien, une fois de plus, que le Gouvernement et sa majorité ne vont pas dans le sens du développement de la compétitivité de nos entreprises. La manière dont cet amendement est traité en est la parfaite illustration... Le décalage entre le discours et les actes est criant.

M. Stanislas Guerini. Notre discussion de ce matin est tout à fait légitime. Mais, Amélie de Montchalin l’a rappelé, ne perdons pas de vue le sens de la politique que mène cette majorité pour les entreprises. Dès le premier PLF, nous avons pris des décisions fortes en matière de fiscalité : l’impôt sur les sociétés est passé de 33 à 25 % et nous avons réformé la fiscalité du capital afin de mieux financer nos entreprises. Puis nous avons adopté les ordonnances relatives à la réforme du code du travail pour améliorer le dialogue social ; de même, les mesures que nous avons votées concernant le droit à l’erreur sont extrêmement favorables au monde des entreprises. Enfin, nous venons d’adopter le projet de loi PACTE – Mme la présidente Olivia Gregoire nous en dira peut-être un mot.

Le présent PLF nous permet de poursuivre dans cette voie, en transformant le CICE en baisse de charges. Je vous rappelle que les entreprises ne paieront plus de charges sur le SMIC l’année prochaine. Je ne suis pas d’accord avec vous : les entreprises comprennent parfaitement la politique que nous menons en leur faveur ; elles comprennent également notre volonté de cohérence et de stabilité fiscale et réglementaire. Sans doute faut-il aller plus loin, cette discussion n’est pas illégitime, mais ne laissez pas penser que les entreprises et leur compétitivité ne sont pas servies par la majorité !

M. le président Éric Woerth. La baisse de charges sur les bas salaires n’interviendra au plus tôt qu’au mois d’octobre et ne vise qu’à compenser la transformation du CICE. Quant à l’IS, il baisse, mais le barème a été voté sous François Hollande... Et cette baisse est largement annulée par la transformation du CICE en cotisations sociales la première année, vous le savez bien. Nous avons du reste présenté des amendements pour neutraliser cet effet IS. Vos affirmations peuvent elles aussi prêter à contestation.

Mme Olivia Gregoire. Mes propos vont dans la droite ligne de ceux de Stanislas Guerini. Nous avons déjà engagé un effort non négligeable en matière de baisse des impôts de production, auquel vous devriez être sensible. Au cours de l’année, si vous additionnez les mesures concernant le Fonds national d’aide au logement (FNAL), celles relatives aux plans d’épargne groupe, au forfait social ou aux taxes additionnelles, nous aurons atteint 1 milliard d’euros de baisse des impôts de production. Il faut considérer toutes ces actions de façon globale : Stanislas Guerini a bien exposé toutes les mesures que nous avons prises pour restaurer la compétitivité des entreprises et nous avons également à cœur, tout comme vous, de travailler sur les impôts de production qui les entravent.

Mme Christine Pires Beaune. Je partage l’analyse du Rapporteur général sur la CVAE. Une mission est en cours sur sa répartition ; elle s’interroge également sur son assiette. Son montant est très erratique et les collectivités n’ont aucune visibilité sur cet impôt. Avant de modifier la CVAE, attendons à tout le moins les conclusions de cette mission.

Par ailleurs, nous avons beaucoup fait pour la compétitivité au cours des dernières années : CICE, pacte de responsabilité, etc., ce qui représente un effort de l’ordre d’une vingtaine de milliards d’euros pour le budget 2019. À un moment, il faut peut-être savoir lever le pied...

M. le président Éric Woerth. Mais les autres pays ne le lèvent pas : nous restons très en deçà...

Mme Véronique Louwagie. Je me réjouis des propos de Mme de Montchalin et de M. Guerini : ils laissent entendre que vous seriez enclins à favoriser un dispositif similaire à celui que nous proposons et à prendre en compte le poids de ces impôts sur la compétitivité des entreprises. J’entends les propos de Mme Gregoire ; la majorité et le Gouvernement se satisfont de ce qui a déjà été fait pour la diminution des coûts de production. Mais le retard par rapport à nos voisins est tel que je ne suis pas sûre que 1 milliard d’euros suffira pour restaurer la compétitivité de nos entreprises.

Enfin, pour diminuer les coûts de production, il faut réduire les dépenses publiques ! Sans un travail de réduction des dépenses publiques, jamais vous ne réussirez, jamais nous ne réussirons à diminuer les coûts de production des entreprises. Or vous ne faites rien de ce côté-là.

M. le président Éric Woerth. Et nos propositions de réduction de la dépense publique sont sur la table.

Mme Amélie de Montchalin. Permettez-moi un petit point de promotion d’une initiative que nous avons prise collectivement : je veux parler des études que nous avons commandées aux instituts économiques. Je vous invite à consulter la note de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) relative à l’impôt sur les sociétés, communiquée récemment par le président de la commission des finances. Elle montre qu’une réforme des impôts de production reste effectivement un objectif à poursuivre, en soulignant, comme l’a dit le Rapporteur général, l’importance d’une vision territoriale. On y trouve également des chiffres inédits sur la polarisation de l’impôt sur les sociétés. L’étude actuellement menée sur les aspects territoriaux de la CVAE pourrait utilement être complétée par cette vision territoriale de l’impôt sur les sociétés : les effets cumulés de l’un et de l’autre influent considérablement sur la capacité de chacun de nos territoires à produire de l’emploi et à se développer. Dans ce débat, que nous n’avons aucun problème à poursuivre, les éléments de l’OFCE sont extrêmement éclairants.

M. le président Éric Woerth. Certes, mais vous repoussez sans arrêt le dialogue et les décisions concernant ce type d’impôt, d’où mon amendement.

La commission rejette lamendement.

Elle examine en discussion commune les amendements identiques ICF398 de la commission du développement durable, I-CF740 de M. Matthieu Orphelin et ICF1328 de M. Bruno Millienne, ainsi que les amendements I-CF1182 de Mme Amélie de Montchalin et ICF742 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Les amendements I-CF398, I-CF740 et I-CF742 visent à faire évoluer la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), afin de lutter contre l’artificialisation des sols. En un peu plus de trente ans, ce phénomène a doublé en France. Vous connaissez les conséquences environnementales de ce phénomène et ses « surconséquences », inondations et autres.

Ces trois amendements proposent de rendre la taxe plus intelligente. La TASCOM existe depuis 1972 et était calculée à l’époque en fonction du nombre de mètres carrés et du chiffre d’affaires des surfaces commerciales concernées. Depuis, elle n’a pas connu d’évolution. Les amendements I-CF398 et I-CF740 proposent de mettre en place progressivement un bonus-malus suivant une idée très simple : les commerces de centre-ville ou centre-bourg verront leur taxe baisser tandis que les grandes surfaces qui « consomment » du sol naturel verront la leur augmenter progressivement.

L’amendement I-CF742 est un amendement de repli : il ne modifie pas la taxe pour les surfaces existantes et se contente d’appliquer un malus uniquement pour les nouvelles surfaces. Il s’agit à la fois de lutter contre l’artificialisation des sols mais également de favoriser les commerces de centre-ville et de centre-bourg.

M. Bruno Millienne. L’amendement I-CF1328 est identique aux deux premiers. Pour les établissements situés en centre-bourg, le taux de cette taxe serait minoré de 5 % dès le 1er janvier 2019, 20 % en 2020, 30 % en 2021 et 50 % en 2022 ; pour les établissements situés à l’extérieur d’un centre-bourg, il serait majoré de 5 % dès le 1er janvier 2019, 20 % en 2020, 50 % en 2021 et 100 % en 2022.

Mme Amélie de Montchalin. L’amendement I-CF1182 vise à engager une réflexion pour mieux contrôler l’artificialisation des sols. Pour le moment, cet amendement n’a pas encore fait l’objet d’une concertation avec l’AMF et les collectivités territoriales concernées. Nous souhaitons faire évoluer les mécanismes d’aménagement, d’urbanisme et, donc, de fiscalité locale, afin d’inciter les maires et les décideurs locaux à prendre en compte cette problématique.

Le dispositif est identique à celui prévu par l’amendement I-CF742 de notre collègue M. Orphelin, le bonus-malus ne concernant que les nouvelles constructions de surfaces commerciales, afin d’avantager fiscalement les commerces de centre-ville par rapport à ceux de périphéries qui s’installent sur des sols préalablement non bétonnés.

M. le président Éric Woerth. Je ne sais pas si les smart taxes auront de l’avenir...

M. le Rapporteur général. Je partage votre objectif commun de lutte contre l’artificialisation des sols, ainsi que votre soutien aux commerces de centres-villes et de centres-bourgs, alors que la grande distribution s’installe en périphérie des villes.

Cela étant, les tarifs et majorations applicables à la TASCOM ont fortement augmenté depuis 2011 : le rendement de la taxe est passé de 600 millions d’euros en 2011 à 1,2 milliard d’euros en 2017. Le dispositif proposé par le premier amendement de Matthieu Orphelin conduirait à des majorations supplémentaires de 200 % en 2022, auxquelles s’ajouterait la « surmajoration » de 50 % de l’État. Une hausse aussi massive exige à tout le moins d’engager une concertation avec les acteurs concernés ; or celle-ci n’a pas eu lieu.

Par ailleurs, ces amendements n’abordent pas le problème de l’équité fiscale entre ecommerce et magasins physiques. Certains amendements tentent d’y répondre en incluant les entrepôts, mais ceux-ci ne sont pas toujours dédiés au e-commerce : il faut donc être prudents. Au demeurant, ce système de malus risque plutôt de renforcer le e-commerce au détriment des magasins physiques traditionnels.

Je vous propose que ce débat ait lieu dans le cadre plus large du projet de loi de finances pour les collectivités locales dont nous serons saisis début 2019. Je suggère aux auteurs de tous ces amendements de bien vouloir les retirer ; dans le cas contraire, mon avis sera défavorable.

M. Gilles Carrez. L’idée est intéressante. Mais si l’on s’oriente dans cette direction, un travail préalable et approfondi est indispensable. : le Rapporteur général vient d’évoquer quelques-uns des problèmes posés par ces amendements. Depuis qu’elle a été affectée aux collectivités locales à l’occasion de la réforme de la taxe professionnelle, la TASCOM s’est envolée. Dès lors qu’elle est affectée aux collectivités locales, la question de sa compensation va se poser. À iso-fiscalité, si elle diminue d’un côté et augmente de l’autre, les collectivités doivent continuer à bénéficier des mêmes recettes.

En outre, la TASCOM porte sur les surfaces commerciales, et non sur les entrepôts. Or le e-commerce se développe à partir d’entrepôts... L’Île-de-France a mis en place une taxe sur les bureaux, qui n’existe nulle part ailleurs. Cette taxe a été étendue aux surfaces commerciales, mais également aux entrepôts. Nous tentons de la moduler davantage pour toucher plus fortement les installations de type Amazon. Mais, comme le disait le Rapporteur général, tous les entrepôts ne sont pas dédiés au e-commerce. C’est donc extrêmement difficile. Un sujet aussi complexe ne peut être traité aussi rapidement. Lançons plutôt une mission d’information et rédigeons un rapport, car l’idée est intéressante.

M. Christophe Jerretie. La TASCOM a déjà fait l’objet d’amendements du MoDem en séance publique. C’est un sujet récurrent, qu’il faut traiter de façon globale. Pour commencer, l’artificialisation renvoie aux documents d’urbanisme déjà établis, qui peuvent engendrer des taxes très importantes si on les module en conséquence. Il serait également intelligent de travailler sur la refonte des taxes sur les friches et mieux les articuler avec la TASCOM. Je suis d’accord avec le Rapporteur général, ces points devront être traités dans le cadre du prochain projet de loi de finances pour les collectivités locales.

M. Charles de Courson. Nous faisons de la fiscalité en zigzag... Lorsque nous avons révisé les valeurs locatives, nous sommes arrivés à l’exact inverse de ce que nous voulions : nous avons aggravé la pression fiscale sur les commerces de centre-ville et allégé de 20 à 30 % celle des grandes surfaces de périphérie ! Rédigeons un rapport, menons une mission sur le sujet, mais ne votons pas des amendements à la sauvette !

M. François Pupponi. Nous parlons ici plus d’urbanisme que de fiscalité. Nous aurions pu évoquer ce sujet dans le cadre du projet de loi ELAN. On pourrait imaginer travailler sur un texte dédié à l’urbanisme commercial – car c’est là que se pose la difficulté –, et une fois arrêtée notre vision sur l’urbanisme commercial, voir comment taxer. Mais déposer un amendement en PLF pour régler un problème d’urbanisme en catimini ne me paraît pas être la bonne solution.

Mme Véronique Louwagie. Les arguments développés par les promoteurs de ces amendements sont vertueux : il faut effectivement lutter contre l’artificialisation des sols – peut-être aurait-il fallu commencer à le faire il y a une dizaine d’années. Mais aujourd’hui, les commerces de centre-ville et ceux de périphérie doivent faire face à un nouvel acteur : le e-commerce. Nous devons être attentifs à ne pas déstabiliser les commerces qui participent à la vie de nos territoires et à bien prendre en compte ce nouvel arrivant. Cela mérite une étude plus approfondie.

Mme Lise Magnier. Je rejoins le Rapporteur général. Nous allons bientôt procéder à la refonte de la fiscalité locale ; cessons de faire de la fiscalité au coup par coup et privilégions une vision globale. En outre, si votre objectif de lutte contre l’artificialisation des sols est louable, la création de surfaces commerciales n’est responsable que de 5 % de l’augmentation de l’artificialisation des sols au cours des dix dernières années. Ce n’est donc pas la cause majeure de cette artificialisation.

Enfin, votre dispositif prévoit un malus et un bonus. Mais les surfaces commerciales de centre-ville de moins de 400 mètres carrés sont déjà exonérées de TASCOM. Autrement dit, vous ne faites qu’alourdir une des taxes payées par les entreprises en France...

M. Éric Alauzet. Un des amendements propose d’étendre la TASCOM aux entrepôts, et donc à l’économie numérique. Nous souhaitons donc préserver le commerce local, comme certains s’en sont inquiétés.

Vous parlez d’une réforme globale. Parlons-en ! Globalité financière tout d’abord : certes, le Rapporteur général l’a indiqué, la TASCOM a fortement augmenté en 2012 et 2013. Mais, souvenez-vous, à cette époque, nous débattions également du CICE et nous ne voulions ni le spécialiser ni le conditionnaliser. Deux secteurs ont été particulièrement bénéficiaires alors qu’ils n’étaient pas spécialement visés : la banque et les grandes surfaces. Quand la TASCOM a été augmentée, elle nous a permis de récupérer environ la moitié du CICE, l’autre moitié bénéficiant directement aux grandes surfaces. Enfin, Charles de Courson l’a rappelé, nous avons également énormément favorisé les grandes surfaces extérieures aux centres-villes à l’occasion de la révision des valeurs locatives... L’augmentation que nous proposons ne gomme donc ni l’avantage du CICE ni celui lié à la réforme de la taxe foncière.

Parlons également globalité écologique : vous demandez un rapport, mais n’oublions pas celui du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui vient de sortir. Tous les aspects sont liés : énergie, pollutions, ressources naturelles, biodiversité... Réforme globale, d’accord, mais dans toute sa globalité.

M. le président Éric Woerth. Je ne suis pas sûr que la solution soit fiscale...

M. Philippe Vigier. On n’a de cesse de répéter que le Parlement doit évaluer et se projeter, mais on continue à déposer au détour d’un texte sans jamais en mesurer l’incidence. Selon une note qui nous a été transmise, ces amendements représenteraient la bagatelle de 500 millions d’euros !

Lise Magnier l’a justement souligné : ces nouvelles dispositions n’auront aucun impact positif sur le commerce de centre-ville, car les commerces de moins de 400 mètres carrés sont déjà exonérés. Connaissez-vous beaucoup de surfaces de plus de 400 mètres carrés qui se créent dans les petites villes ? C’est du rêve organisé ! Faisons en sorte d’imaginer un outil performant pour combattre ce fléau.

Enfin, le président de la commission des finances sera probablement de mon avis, une réforme globale de la fiscalité locale doit être engagée. Alors, de grâce, ne commençons pas à partir dans tous les sens et essayons de travailler de façon coordonnée !

Mme Bénédicte Peyrol. Comme l’a dit Amélie de Montchalin, ces amendements – notamment celui du groupe La République en Marche – sont un appel au Gouvernement, qui a pris des engagements forts en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. L’objectif « zéro artificialisation nette » des sols est inscrit dans le Plan biodiversité de juillet 2018. Ce débat avait effectivement commencé l’année dernière dans l’hémicycle ; nous appelons à l’accélérer.

Par ailleurs, je suis un peu déçue ; vous n’êtes pas allés au bout de la lecture du rapport sur la fiscalité environnementale que j’ai présenté il y a deux semaines, dans lequel je renvoyais aux travaux du Comité pour l’économie verte, qui rassemble l’ensemble des parties prenantes. Pour votre parfaite information, ce comité a créé un groupe de travail qui se penche sur l’articulation de la réglementation et de la fiscalité en matière d’artificialisation.

Mme Amélie de Montchalin. Je le répète : l’objectif de mon amendement I-CF1182 est d’initier une réflexion plus globale dans la perspective du futur projet de loi de finances pour les collectivités locales, comme nous y encouragent MM. Pupponi et Vigier ou Mme Magnier. Cette réflexion doit effectivement englober l’urbanisme commercial et veiller à la cohérence des mécanismes afin de sortir du zigzag dénoncé par M. de Courson – les bonnes intentions pouvant engendrer des effets néfastes. Nous souhaitons travailler dans une optique d’évaluation.

Je retire notre amendement, mais redis notre intention de travailler en amont et de manière transpartisane sur le sujet afin d’ouvrir un débat, en concertation avec les élus locaux. Il s’agit d’un sujet extrêmement important, de ressources qui représente près de 1 milliard d’euros pour les communes et qui constituera donc un des piliers du projet de loi de finances pour les collectivités locales dont nous débattrons au premier trimestre 2019.

M. Bruno Millienne. Au risque de ne pas aller dans le même sens que mes collègues, au nom du MoDem, je ne retirerai pas l’amendement I-CF1328. Je vois que l’on prend beaucoup de précautions avec les entreprises – on a le droit –, mais beaucoup moins avec les citoyens. Nous ne les avons pas consultés ni évalué les impacts qu’aurait l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers de la façon dont on nous demande de le faire ce matin pour les entreprises...

La lutte contre l’artificialisation des sols, qui est un des axes du Plan biodiversité 2018, est très importante. Je ne reviendrai pas sur le rapport du GIEC.

Par ailleurs, les amendements déposés concernent aussi les sociétés de e-commerce, puisque les entrepôts sont visés.

M. Matthieu Orphelin. Je ne regrette pas d’avoir déposé ces amendements car ils ont permis d’engager un débat utile et important. Je retiens que la quasi-totalité des intervenants partagent le constat et soulignent l’importance de l’évolution de la TASCOM pour favoriser les commerces de centre-bourg et inclure le e-commerce. Je note votre engagement d’une réflexion transpartisane sur le sujet avec tous les acteurs et retire donc les amendements, pour les discuter avec le Gouvernement la semaine prochaine. Si nous aboutissons lors du projet de loi de finances pour les collectivités locales, soit en trois mois, nous aurons été bons ! Je retire les amendements I-CF398, I-CF740 et I-CF742, ainsi que les suivants.

M. le Rapporteur général. L’IGF a récemment rédigé un rapport non public sur le sujet. Je vais officiellement en demander communication afin qu’il nourrisse notre réflexion préalable à l’examen du projet de loi de finances pour les collectivités locales début 2019.

Les amendements I-CF398, I-CF740, I-CF1182 et I-CF742 sont retirés.

La commission rejette lamendement I-CF1328.

Les amendements identiques I-CF399 de la commission du développement durable et I-CF744 de M. Matthieu Orphelin ayant été retirés, la commission rejette lamendement identique, I-CF1329 de M. Bruno Millienne.

La commission examine en discussion commune les amendements identiques ICF400 de la commission du développement durable et I-CF1330 de M. Bruno Millienne, ainsi que lamendement I-CF743 de M. Matthieu Orphelin.

M. Bruno Millienne. Nous en avons déjà parlé. L’amendement I-CF1330 vise à appliquer les mêmes règles aux établissements de stockage et de logistique servant à la vente de biens à distance et fermés au public. Il vise donc notamment les lieux de stockage du e-commerce.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, pour les raisons déjà évoquées.

Les amendements I-CF400 et I-CF743 sont retirés.

La commission rejette lamendement I-CF1330.

*

*     *

Article 8
Renforcement de la composante de la taxe générale sur les activités polluantes relative aux déchets

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie les articles 266 sexies et 266 nonies du code des douanes. Il abroge le D du I de l’article 52 de la loi de finances rectificative pour 2016.

Il se propose de renforcer et de rationaliser la composante déchets de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), afin d’inciter des apporteurs de déchets, publics et privés à privilégier les opérations de recyclage par rapport aux opérations de stockage ou d’incinération.

En instituant une TGAP, le législateur a entendu réduire la consommation de produits polluants et limiter le développement des activités polluantes en intégrant la charge afférente dans les coûts.

La TGAP déchets est due par les exploitants des installations de stockage ou de traitement thermique des déchets non dangereux, les installations de stockage ou de traitement thermique de déchets dangereux non exclusivement utilisées pour les déchets que l’entreprise produit, soumis à autorisation en application du titre Ier du livre V du code de l’environnement, mais également par les personnes qui transfèrent ou font transférer des déchets vers un autre État membre de l’Union européenne. Cette taxe doit être répercutée dans les contrats conclus avec les personnes physiques ou morales dont ils réceptionnent les déchets.

Le tarif de la taxe varie en fonction de la nature et des caractéristiques des installations.

La taxe est assise sur le poids des déchets reçus ou transférés.

Le présent article renforce la trajectoire d’augmentation des tarifs de la taxe entre 2021 et 2025, afin d’assurer que le coût du recyclage soit inférieur à celui des autres modalités de traitement des déchets. Aussi, il supprime progressivement les tarifs réduits relatifs à certaines modalités de stockage ou d’incinération incompatibles avec cet objectif. Avec cette trajectoire, les recettes de la TGAP déchets doivent passer d’un niveau d’environ 450 millions d’euros en 2017 à un niveau d’environ 800 millions d’euros en 2025.

Corrélativement, l’article 59 du présent PLF réduit à 5,5 % la TVA sur certaines prestations de gestion des déchets écologiquement vertueuses.

Les modalités d’exemptions ou d’exonérations sont revues, afin qu’elles couvrent l’ensemble des déchets ne pouvant pas faire l’objet d’une valorisation.

L’article instaure une nouvelle exonération au bénéfice de la production électrique à partir de déchets outre-mer.

Dernières modifications législatives intervenues

Instituée par la loi de finances pour 1999 et entrée en vigueur au 1er janvier 2000, la TGAP portait initialement sur 4 catégories d’activités polluantes, dont les déchets.

La loi de finances pour 2009 a étendu le champ d’application de la TGAP sur les déchets aux installations d’élimination de déchets ménagers et assimilés par incinération.

La loi de finances pour 2014 et la loi de finances rectificative pour 2013 ont introduit plusieurs modifications majeures sur la TGAP déchets :

– harmonisation de la terminologie reprise dans le code des douanes avec celle utilisée dans le code de l’environnement et au niveau européen ;

– exonération de la TGAP pour les déchets d’amiante ;

– clarification de la notion d’installation soumise à taxation ;

– instauration de taux de taxation réduits, jusqu’en 2018, au bénéfice des installations de stockage de déchets non dangereux situées sur le territoire de la Guyane et de Mayotte.

La loi de finances pour 2016 et la loi de finances rectificative pour 2015 instaurent des tarifs réduits au bénéfice des installations de stockage de déchets non dangereux situées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion.

L’article 52 de la loi de finances rectificative pour 2016 définit une nouvelle trajectoire d’évolution de la TGAP déchets, applicable au 1er janvier 2017. En outre, cet article exonère de TGAP les déchets inertes et modifie les tarifs applicables au stockage et au traitement thermique des déchets non dangereux.

Enfin, la seconde loi de finances rectificative pour 2017 et la loi de finances pour 2018 constituent la dernière modification de la TGAP déchets, notamment en prolongeant les tarifs réduits applicables à la Guyane et à Mayotte.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté, à l’initiative de M. Jean-Paul Mattei (UDI-Agir), un amendement visant à exempter de taxe générale sur les activités polluantes les déchets ayant déjà été assujettis et transportés d’une décharge fermée à une autre.

I.   L’État du droit

A.   Le dispositif en vigueur

L’article 266 sexies du code des douanes définit le champ d’application de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en ce qui concerne le stockage, le traitement et le transfert des déchets.

1.   Les produits imposables

La TGAP s’applique :

– aux déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets non dangereux ;

– aux déchets réceptionnés dans une installation de traitement thermique de déchets non dangereux ;

– aux déchets non dangereux transférés vers un autre État, en application du règlement du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets ([100]) ;

– aux déchets réceptionnés dans une installation de traitement thermique de déchets dangereux ;

– aux déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets dangereux ;

– aux déchets dangereux transférés vers un vers un autre État, en application du règlement du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.

Est considéré comme un déchet toute substance ou tout objet, et plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire, selon la définition de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement.

On entend par déchets non dangereux :

– les déchets ménagers constitués des ordures ménagères, des déchets occasionnels tels que les encombrants, ainsi que les déchets des collectivités, tels que les déchets verts de nettoiement de voirie ;

– les déchets dits « assimilés », c’est-à-dire des activités économiques relevant des mêmes filières d’élimination que les déchets des ménages.

Les déchets dangereux relèvent, pour leur part, d’une liste limitative figurant à l’annexe II de l’article R. 541-8 du code de l’environnement.

2.   Les redevables de la taxe

En application du 1° du I de l’article 266 sexies du code des douanes, la TGAP est due par les exploitants des installations de stockage ou de traitement thermique des déchets non dangereux, les installations de stockage ou de traitement thermique de déchets dangereux non exclusivement utilisées pour les déchets que l’entreprise produit, soumis à autorisation en application du titre Ier du livre V du code de l’environnement, mais également par les personnes qui transfèrent ou font transférer des déchets vers un autre État membre de l’Union européenne.

Une installation de stockage des déchets non dangereux est une installation d’élimination de ces déchets par dépôt sur le sol ou enfouissement dans des cavités artificielles ou naturelles, sans intention de reprise ultérieure.

Une installation de traitement thermique est une installation spécifiquement destinée au traitement par oxydation des déchets. Le traitement thermique comprend l’incinération, la coïncinération, la pyrolise, la gazéification ou le traitement plasmatique.

Si le redevable de la TGAP est le titulaire de l’autorisation d’exploiter les installations précitées, il doit en répercuter la montant dans les contrats conclus avec les personnes physiques ou morales dont ils reprennent les déchets, selon le 4° de l’article 266 decies du code des douanes.

Ne sont pas redevables de la taxe :

– les installations de traitement des sites ou sols pollués, de stabilisation, transit, regroupement ou pré-retraitement des déchets dangereux ;

– les déchets d’amiante-ciment ;

– les installations de traitement thermique ou de tout autre traitement de déchets dangereux exclusivement affectés à la valorisation comme matière ;

– les déchets inertes, lorsqu’ils sont réceptionnés dans un centre de stockage des déchets non dangereux ;

– les déchets non dangereux générés par une catastrophe naturelle.

3.   L’assiette et les taux

Selon l’article 266 octies du code des douanes, la TGAP est assise sur le poids, exprimé en tonnes, des déchets taxables réceptionnés dans une installation assujettie, ou transférés vers un autre État par toute personne qui transfère ou fait transférer des déchets.

Les taux applicables aux déchets sont fixés à l’article 266 nonies du code des douanes, régulièrement modifié.

La fixation des tarifs tient compte de la nature des déchets ainsi que de la nature et des caractéristiques de linstallation qui réceptionne les déchets.

En vertu du 1° bis de l’article 266 nonies du code des douanes, les tarifs applicables aux déchets sont en principe relevés, chaque année, dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Cette règle d’indexation s’est appliquée à la taxe due à compter de 2013, conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi de finances pour 2013 ([101]).

tarifs de tgap sur les déchets récEPTIONNÉs dans une instalLation
de stockage en 2018

(en euros par tonne)

Opération

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

À compter de 2025

Réception de déchets dans une installation de stockage de déchets non dangereux non autorisée en application du titre Ier du livre V du code de lenvironnement pour ladite réception ou transfert vers une telle installation située dans un autre État

151

151

152

152

155

155

157

158

Réception de déchets dans une installation de stockage de déchets non dangereux autorisée en application du titre Ier du livre V du code de lenvironnement pour ladite réception ou transfert vers une telle installation située dans un autre État et autorisée en vertu dune réglementation deffet équivalent :

A.  Dont le système de management environnemental a été certifié conforme à la norme internationale ISO 14001 par un organisme accrédité

33

B.  Réalisant une valorisation énergétique de plus de 75 % du biogaz capté

24

24

25

25

28

28

30

30

C.  Dans un casier, ou une subdivision de casier, exploitée selon la méthode du bioréacteur équipé dès sa construction des équipements de captage du biogaz et de réinjection des lixiviats, la durée dutilisation du casier ou de la subdivision du casier étant inférieure à deux ans, linstallation réalisant une valorisation énergétique du biogaz capté

33

34

35

35

38

39

41

42

D.   Relevant à la fois des B et C

16

17

18

18

21

22

24

25

E.   Autre

41

41

42

42

45

45

47

48

Source : article 266 nonies du code des douanes.

tarifs de tgap sur les dÉchets rÉceptionnés dans une installation
de traitement thermique en 2018

(en euros par tonne)

Réception de déchets dans une installation de traitement thermique de déchets non dangereux ou transfert vers une installation située dans un autre État et autorisée en vertu dune réglementation deffet équivalent :

 

A.  Dont le système de management environnemental a été certifié conforme à la norme internationale ISO 14001 par un organisme accrédité, pour des déchets réceptionnés au plus tard le 31 décembre 2018

– Dont le système de management de l’énergie a été certifié conforme à la norme internationale ISO 50001 par un organisme accrédité

12

B.  Dont les valeurs démission de NOx sont inférieures à 80 mg/ Nm3

12

C.  Réalisant une valorisation énergétique élevée dont le rendement énergétique est supérieur ou égal à 0,65

9

D.  Relevant à la fois des A et B

9

E.  Relevant à la fois des A et C

6

F.  Relevant à la fois des B et C

5

G.  Relevant à la fois des A, B et C

3

H.  Autre

15

Source : article 266 nonies du code des douanes.

Les 1° et 1° bis de l’article 266 septies du code des douanes prévoient que le fait générateur de la taxe sur les déchets est constitué par la réception de déchets par les exploitants assujettis ainsi que par le transfert de déchets vers un autre État. L’exigibilité de la TGAP est concomitante à son fait générateur.

En 2017, la TGAP a eu un rendement de 629 millions deuros ([102]), dont environ 450 millions deuros pour sa composante déchets. Son produit était, jusqu’en 2017 affecté – dans la limite de 448,7 millions d’euros – à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ([103]), établissement public à caractère industriel et commercial qui participe à la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de l’environnement, de l’énergie et du développement durable. La TGAP a été « rebudgétisée » par la loi de finances pour 2018 ([104]). Ainsi, le programme 181 de la mission Écologie, développement et mobilité durables du budget général de l’État porte le financement de l’ADEME, tandis que le produit de la composante déchets de la TGAP abonde désormais ce même budget général.

B.   une trajectoire actuelle de tgap qui ne permet pas de rendre attractive la valorisation des dÉchets

La TGAP vise à faire internaliser aux installations de traitement les coûts de leurs externalités environnementales. En instaurant en 2009 la taxation des installations d’incinération, le législateur a souhaité que la TGAP contribue au respect de la « hiérarchie des déchets », en renchérissant le coût de l’élimination qui constitue le mode de gestion des déchets le moins efficace d’un point de vue environnemental.

Pour autant, selon ADEME, « le faible prix du stockage en France au regard des prix des filières de recyclage ou de valorisation ne favorise pas lorientation des flux de déchets vers ces filières de recyclage et de valorisation, alors que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif de réduction de moitié du stockage des déchets non dangereux non inertes entre 2010 et 2025 » ([105]).

Plus globalement, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (« LETCV ») ([106]) a fixé des objectifs ambitieux de diminution de 10 % des déchets ménagers et assimilés par habitant d’ici 2020, mais également d’atteinte de 55 % de valorisation de l’ensemble des déchets non dangereux ménagers et industriels d’ici 2020 et de division par deux du recours à la mise en décharge entre 2010 et 2025.

Dans les pays les plus performants en matière de stockage des déchets municipaux  soit moins de 25 % des déchets municipaux stockés  le prix du stockage toutes taxes comprises est supérieur à 100 euros la tonne ([107]). Le prix taxes comprises est un facteur primordial de développement des modes prioritaires de gestion des déchets, puisqu’un prix relatif du stockage plus élevé que le prix des alternatives détourne les acteurs de ce mode d’élimination des déchets.

La dernière trajectoire de TGAP, instaurée par la loi de finances rectificative pour 2016 ([108]), s’inscrit dans ce sens mais reste limitée puisqu’elle a fait évoluer le niveau de stockage de base de 40 euros la tonne en 2016 à 48 euros la tonne en 2025.

Pour les usines d’incinération, les modulations de la taxe en cas de cumul ont un effet incitatif sur la performance environnementale des installations, mais conduisent à réduire le taux moyen de TGAP sur les déchets incinérés, et nuisent donc au taux de recyclage.

Aussi, renforcer la trajectoire et de la TGAP relative aux déchets apparaît fondamental, afin de respecter les objectifs fixés par la loi du 17 août 2015 précitée, mais également les engagements européens de la France : la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets ([109]) prévoit un objectif de recyclage des déchets municipaux de 50 % en 2020, 55 % en 2025, 60 % en 2030 et 65 % en 2025 ; en 2015, seuls 39 % de ces déchets ont été recyclés.

Le paquet européen « économie circulaire » résultant de l’accord entre le Parlement européen et le Conseil et adopté le 22 mai 2018 acte, en outre, un objectif de quantité de déchets municipaux mis en décharge devant être ramené à 10 % en 2035.

II.   le dispositif proposé

A.   un réhaussement de la trajectoire de la tgap déchets, dont l’assiette est revue

Le présent article, qui traduit la feuille de route pour une économique circulaire (FREC) présentée par le Premier ministre ([110]), renforce la trajectoire d’augmentation des tarifs de la taxe entre 2021 et 2025, afin d’assurer que le coût du recyclage soit inférieur à celui des autres modalités de traitement des déchets.

Aussi, il supprime également, de manière progressive, les tarifs réduits relatifs à certaines modalités de stockage ou dincinération incompatibles avec cet objectif. Il est en ainsi du tarif réduit relatif au respect de la norme internationale ISO 14001, devenu sans objet dès lors que l’ensemble des installations s’y est, en principe, conformé. Cette trajectoire ne débute qu’en 2021, afin de laisser le temps aux collectivités et aux entreprises d’anticiper.

En matière dassiette, la non-application de la TGAP à certaines opérations du II de l’article 266 sexies du code des douanes est profondément remaniée.

Ainsi, alors que seuls étaient exonérées les installations de stockage recevant des matériaux de construction inertes ayant conservé leur intégrité
– « amiante-ciment » –, cette exonération est désormais ouverte à l’ensemble des matériaux d’isolation ou de construction contenant de l’amiante.

Le non-assujettissement est élargi à plusieurs catégories de réception de déchets :

– aux réceptions de résidus issus du traitement de déchets dont la réception a relevé du champ de la taxe lorsque ces résidus constituent des déchets dangereux et que les déchets dont ils sont issus ont fait l’objet d’un traitement thermique, ou encore que ces résidus constituent des déchets non dangereux qu’il n’est pas possible techniquement de valoriser. Un décret doit préciser les éléments caractérisant cette impossibilité technique ;

– aux réceptions de déchets relevant du champ d’application de l’une des taxes intérieures de consommation prévues respectivement aux articles 265, 266 quater, 266 quinquies et 266 quinquies B du code des douanes ;

– aux réceptions, autres que celles relevant du 1° de l’article 266 nonies du code des douanes, d’hydrocarbures faisant l’objet d’un traitement thermique sans faire l’objet d’une combustion en vue de leur valorisation ;

– aux réceptions de déchets qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune autre réaction physique ou chimique, ne sont pas biodégradables et ne détériorent pas d’autres matières avec lesquelles ils entrent en contact, d’une manière susceptible d’entraîner une pollution de l’environnement ou de nuire à la santé humaine. Cette définition correspond à celle des déchets inertes de l’ancien 1° du III de l’article 266 sexties du code des douanes ;

– aux réceptions de déchets dont la valorisation matière est interdite ou dont l’élimination est proscrite. La liste des déchets concernés est précisée par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l’environnement ;

– aux réceptions de déchets en provenance d’un dépôt non autorisé de déchets abandonnés dont les producteurs ne peuvent être identifiés et que la collectivité territoriale chargée de la collecte et du traitement des déchets des ménages n’a pas la capacité technique de prendre en charge. Cette impossibilité doit être constatée par arrêté préfectoral, dans des conditions qui seront précisées par décret ;

– aux installations exclusivement utilisées pour les déchets que l’exploitant produit.

Ces exonérations ne trouvent à s’appliquer qu’aux réceptions réalisées dans les seules installations autorisées en application du titre Ier du livre V du code de l’environnement, dans le respect des prescriptions de cette autorisation.

En matière de taux, le présent article modifie substantiellement le tarif de la taxe en renforçant la trajectoire d’augmentation entre 2021 et 2025.

tarifs de tgap sur les déchets rÉceptionnés dans une installation
de Stockage proposés à partir du 1er janvier 2019

 (en euros par tonne)

Opération

2019

2020

2021

2022

2023

2024

À compter de 2025

A.   Réception de déchets dans une installation non autorisée

151

152

164

168

171

173

175

B.   Réception de déchets dans une installation autorisée réalisant une valorisation énergétique de plus de 75 % du biogaz capté

24

25

37

45

52

59

65

C.   Réception dans une installation autorisée exploitée selon la méthode du bioréacteur et réalisant une valorisation du biogaz capté

34

35

47

53

58

61

65

D.   Réception dans une installation autorisée relevant à la fois des B et C

17

18

30

40

51

58

65

E.  Autres installations autorisées

41

42

54

58

61

63

65

Source : présent article.

tarifs de tgap sur les dÉchets rÉceptionnés dans une installation
de traitement thermique proposés à partir du 1er janvier 2019

(en euros par tonne)

Opération

2019

2020

2021

2022

2023

2024

A compter de 2025

Installations non autorisées

125

125

130

132

133

134

135

A.   Réception de déchets dans une installation autorisée dont le système de management de lénergie a été certifié conforme à la norme internationale ISO 50001 par un organisme accrédité

12

12

17

18

20

22

25

B.   Réception de déchets dans une installation autorisée dont les valeurs démission des NOx sont inférieures à 80 mg/ Nm3

12

17

17

18

20

22

25

C.   Réception dans une installation autorisée réalisant une valorisation énergétique élevée dont le rendement énergétique est supérieur ou égal à 0,65

9

9

14

14

14

14

15

D.  Installations relevant à la fois des A et B

9

9

14

14

17

20

25

E.  Installations relevant à la fois des A et C 

6

6

11

12

13

14

15

F.  Installations relevant à la fois des B et C

5

5

10

11

12

14

15

G.  Installations relevant à la fois des A, B et C

3

3

8

11

12

14

15

H.  Autres installations autorisées

15

15

20

22

23

24

25

Source : présent article.

Le taux correspondant à l’hypothèse de réception A ne concernera plus que les installations certifiées ISO 50001, et non plus celles qui sont certifiées ISO 40001, moins contraignante.

tarifs de tgap sur les déchets non dangereux rÉceptionnés dans une installation de stockage non autorisée en application du titre Ier
du livre V du code de l’environnement

tarifs de tgap sur les déchets non dangereux rÉceptionnés
dans une installation de stockage réalisant une valorisation
Énergétique de plus de 75 % du biogaz capté

tarifs de tgap sur les déchets non dangereux ne bénéficiant pas
d’un taux réduit et rÉceptionnés dans une installation thermique

tarifs de tgap sur les déchets non dangereux rÉceptionnés dans une installation thermique certifiée ou dont les valeurs d’émissions en nox sont inférieures à 80 mg/ nm3

Les collectivités d’outre-mer qui relèvent de l’article 73 de la Constitution se verront appliquer les réfactions suivantes :

refactions applicables outre-mer par rapport aux taux de tgap dÉchets mÉtropolitains

Collectivité

Installations de traitement de déchets non dangereux concernés

2019

2020

À partir de 2021

Guadeloupe

Martinique

Réunion

Toutes

– 25 %

Guyane

Installations de stockage accessibles par voie terrestre

10 euros par tonne

– 60 %

Installations de stockage non accessibles par voie terrestre

3 euros par tonne

Installations de traitement thermique

– 60 %

Mayotte

Installations de stockage

0 euro par tonne

10 euros par tonne

Installations de traitement thermique

– 60 %

Source : présent article.

En outre, une nouvelle exonération de TGAP concernant l’outre-mer est proposée s’agissant de la réception des déchets utilisés pour produire de l’électricité distribuée par le réseau dans ces territoires.

B.   L’impact budgétaire et Économique attendu

L’impact budgétaire, en termes de recettes supplémentaires, de la mesure devrait être de + 136 millions deuros dès 2021, et jusquà + 267 millions deuros en 2025.

impact budgétaire de la mesure

(en millions d’euros)

Activité

Rendements

Filière

Tarifs

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Stockage

Trajectoire LTECV + tarifs LFR 2016

430

434

425

459

456

473

478

Trajectoire FREC + tarifs du présent article

430

434

506

565

610

625

628

Rendement supplémentaire pour l’État

0

0

81

106

154

152

150

Incinération

Trajectoire LTECV + tarifs LFR 2016

61

60

59

59

58

57

57

Trajectoire FREC + tarifs du présent article

61

60

112

138

146

161

169

Rendement supplémentaire pour l’État

0

0

53

79

88

104

112

Rendement total de TGAP supplémentaire

0

0

134

185

242

256

262

Source : évaluation préalable du présent article.

Pour rappel, le produit de la TGAP n’est plus affecté à l’ADEME depuis 2018.

En 2015, la France a produit 324,5 millions de tonnes de déchets, répartis comme suit ([111]) :

– 228 millions de tonnes pour le secteur de la construction, soit 70,2 % ;

– 61,9 millions pour les activités économiques en dehors de la construction, soit 19,1 % ;

– 30,6 millions pour les ménages, soit 9,4 % ;

– 4 millions de tonnes pour les collectivités, soit 1,2 %.

Le secteur de la construction, qui apparaît comme le principal producteur de déchets, devrait ainsi être concerné au premier chef par le rehaussement de la trajectoire de la TGAP déchets. En effet, hors construction, la France fait partie des pays européens qui produisent le moins de déchets par habitants : 1,04 tonne de déchets par habitant en 2014, contre 2,8 tonnes pour la moyenne européenne (UE 28), avec notamment 1,8 tonne en Allemagne ou 3 tonnes en Belgique. En revanche, les activités de construction produisent en moyenne deux fois plus de déchets en France que dans les autres pays européens ([112]). Le produit supplémentaire de TGAP supporté par les entreprises est de nature à faire baisser leur résultat imposable, ce qui va conduire à une baisse subséquente du rendement de l’impôt sur les sociétés et sur le revenu, de 8 millions d’euros en 2020 à 14 millions d’euros en 2025.

Le présent article doit également avoir un impact sur les collectivités territoriales. Les déchets municipaux se distinguent des déchets ménagers et assimilés en ce qu’ils tiennent compte des déchets de voirie, d’assainissement et des déchets des collectivités elles-mêmes. Or, avec 26 % des déchets municipaux stockés en 2014, la France se situe exactement à la moyenne européenne. Les collectivités territoriales françaises ont davantage recours au stockage que dans les pays du Nord, Allemagne ou pays scandinaves pour lesquelles le stockage direct concerne moins de 5 % des déchets municipaux traités. En outre, les collectivités ne sont pas assujetties à la TVA pour ces opérations et ne peuvent donc pas déduire la TVA supplémentaire générée par l’augmentation de la TGAP, ce qui a un effet favorable au rendement de la mesure pour l’État.

Impact financier de la mesure

(en millions d’euros)

Impact financier

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Entreprises

0

0

– 32

– 41

– 58

– 57

– 57

Collectivités

0

0

– 104

– 147

– 187

– 203

– 210

Source : évaluation préalable du présent article.

Pour rappel, les collectivités chargées du service public de gestion des déchets peuvent choisir entre trois modes de financement :

– la TEOM, fondée sur le foncier bâti ;

– la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), liée au service rendu ;

– le recours au budget général, financé par les ressources fiscales locales.

Une augmentation de la fiscalité locale destinée à compenser la hausse de la TGAP prévue par le présent article n’est donc pas à exclure. À cet égard, il convient de souligner que l’article 7 du présent PLF vise à simplifier et dynamiser la part incitative de la TEOM.

Il semble en revanche complexe de prévoir l’impact microéconomique de ce rehaussement, qui dépend avant tout des comportements des acteurs en matière de gestion de leurs déchets, ainsi que de l’élargissement des filières à responsabilité élargie du producteur. Il convient, à cet égard, de rappeler que la TGAP est avant tout un instrument de fiscalité comportementale, et non de rendement budgétaire.

*

*     *

La commission est saisie de quatre amendements de suppression, I-CF26 de M. Marc Le Fur, I-CF205 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF275 de M. Jean-Pierre Vigier et ICF290 de M. Patrick Hetzel.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 8 porte sur la hausse de la composante de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) relative aux déchets. Nous savons qu’un tiers des déchets ne sont pas recyclables. Nous allons donc pénaliser des collectivités sans qu’il n’y ait de lien avec leurs contraintes et leurs obligations portant sur l’élimination des déchets polluants qui ne peuvent pas être recyclés.

Cibler les gestionnaires de déchets, qui n’ont pas d’influence sur la conception des produits mis sur le marché et leur consommation me paraît injuste, inadapté et inefficace. Je vous propose donc par mon amendement I-CF205 de supprimer purement et simplement ce dispositif.

M. Jean-Pierre Vigier. Je suis parfaitement d’accord avec Mme Dalloz ; mon amendement I-CF275 est défendu.

M. Patrick Hetzel. Mon amendement I-CF290 vise également à supprimer l’article 8, car cette mesure va nécessairement affecter les services publics locaux de gestion des déchets. Cet article relève plutôt d’un dispositif punitif.

M. le Rapporteur général. Cet article rationalise la composante déchets de la TGAP afin d’inciter les apporteurs de déchets à privilégier les opérations de recyclage. L’article 59, qui sera examiné en seconde partie et qui concerne la baisse de la TVA sur le recyclage, constitue la seconde branche du dispositif.

Si les tarifs de l’enfouissement et de l’incinération sont revus, l’assiette elle aussi est largement remaniée. Vous soulignez qu’il est impossible de recycler près d’un tiers des déchets ménagers, mais l’article 8 sort précisément de l’assiette de la taxe des déchets dont la valorisation est impossible, afin de ne pas faire injustement supporter le coût de la TGAP, à son taux maximal, aux apporteurs.

Cet article vise donc à faire internaliser les externalités environnementales en matière de déchets ; il traduit la feuille de route pour une économie circulaire, présentée par le Premier ministre en mai 2018. Cette nouvelle trajectoire permet également de se conformer au paquet européen « économie circulaire » de mai 2018.

Actuellement, le faible prix du stockage au regard des prix des filières de recyclage ou de valorisation n’incite pas l’orientation des flux de déchets vers ces filières, alors que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif de réduction de moitié des déchets non dangereux inertes entre 2010 et 2025 ; nous sommes aussi très loin des pratiques en vigueur chez nos principaux voisins européens.

La dernière trajectoire de TGAP, instaurée par la loi de finances rectificative pour 2016, s’inscrit dans ce sens, mais reste limitée puisqu’elle a fait évoluer le niveau de stockage de base de 40 euros la tonne en 2016 à 48 euros la tonne en 2025.

Cette mesure constitue un signal écologique important en direction des filières de gestion des déchets, je suis donc défavorable à toutes les modifications qui seront proposées à cet article, à l’exception d’un seul amendement, proposé par M. Mattei et concernant un double assujettissement, qui recevra un avis de sagesse de ma part – il porte sur le déplacement des déchets des anciennes décharges.

M. Gilles Carrez. Il y a cinq ans, le précédent gouvernement avait souhaité augmenter la composante de la TGAP portant sur l’incinération des déchets. Aucune étude d’impact n’avait été faite sur l’évolution de la TEOM, et nous l’avions obligé à réaliser cette évaluation. Nous nous sommes rendu compte que cette mesure entraînait une augmentation considérable de la TEOM – je garde en tête le montant global national de 250 millions d’augmentation. Le Gouvernement a dû faire marche arrière, car cela aurait été insupportable pour le contribuable local. Comme l’ont très bien dit nos collègues, il n’existe pas d’alternatives à l’incinération pour un certain nombre de déchets.

Monsieur le Rapporteur général, existe-t-il une étude d’impact sur l’évolution de la TEOM ? Je vois bien que dans les tableaux d’évolution, on prend la précaution d’envisager – comme toujours – une augmentation très faible en 2019 et 2020, puis cela part en flèche à partir de 2021... Ce n’est pas une bonne manière de travailler. Nous ne pouvons pas voter ce type de dispositif sans une étude d’impact précise sur la TEOM qu’auront à payer les contribuables.

Mme Bénédicte Peyrol. Les dispositions TEOM, la TGAP déchets et la TVA mentionnée par le Rapporteur général résultent de travaux menés dans le cadre de la feuille de route économie circulaire, notamment l’atelier 4 « financement de l’économie circulaire ». Autrement dit, tout cela s’est fait en concertation.

Il est vrai qu’aujourd’hui, nous ne savons pas recycler certains déchets, qui vont directement en incinération et en stockage. Mais justement, la TGAP fait partie des taxes incitatives qui sont là pour engager l’innovation et trouver des solutions pour le recyclage de ces déchets.

Par ailleurs, il faut considérer la feuille de route pour l’économie circulaire dans son ensemble ; des entreprises se sont volontairement engagées pour travailler à l’éco-conception des produits, afin qu’ils incluent des matières recyclées, mais aussi qu’ils soient plus facilement recyclables. Il faut considérer la globalité du sujet ; depuis dix ans ou vingt ans, on nous répète que certains déchets ne sont pas recyclables, c’est une réalité, mais à un moment donné, il faut innover pour trouver des solutions.

Se pose toutefois la question des refus de tri qui, sur le plan économique, pourrait porter préjudice à la réforme, car ils ne rendraient pas le recyclage plus compétitif que l’incinération et le stockage. Il s’agit de déchets qui sont bien passés par un centre de recyclage, mais où ils ont été refusés, et qui sont redirigés en stockage et en incinération ; de ce fait, ils subiront l’augmentation de TGAP.

M. Gilles Carrez. Et qui paie la TEOM ?

Mme Bénédicte Peyrol. Voyons la réforme globale, et pas uniquement la hausse de la TGAP déchets.

M. François Pupponi. Comme l’a dit Gilles Carrez, quelqu’un devra bien payer cette taxe : ce sera le contribuable final. On ne peut pas dire que l’on va réduire la TH parce qu’elle pénalise un certain nombre de foyers, et augmenter les taxes sur la collecte, que tout le monde paie.

Que l’on augmente la taxe, d’accord, mais est-ce le contribuable final qui doit payer à la fin ? En quoi est-il responsable ? Ce n’est pas de sa faute si l’on ne trouve pas les bons déchets, ce n’est pas de sa faute si l’on ne fait pas la bonne collecte, et pourtant, il doit payer sans discuter. Je suis d’accord avec vos propositions, mais socialement, est-il normal de faire supporter l’addition au contribuable local ? Puisque nous devons réformer la fiscalité locale, mettons-nous autour de la table pour trouver une solution dans les six mois, comme vous le proposez ; mais voter cette mesure sans savoir combien paieront ceux à qui la charge finira par incomber ne semble pas raisonnable.

M. Michel Lauzzana. Sans incitations, les collectivités ont du mal à imposer de nouvelles normes. Je pense à la taxation au poids : sans incitation financière, c’est impossible. L’augmentation de la TGAP va permettre aux collectivités d’envisager cette part incitative sous une autre forme, et de mettre en place ce qui est le plus efficace, c’est-à-dire le calcul au poids.

M. Julien Aubert. Il y a un problème de philosophie qui dépasse le simple cadre de la TGAP. Tous nos concitoyens sont favorables à l’économie circulaire et aux axes écologiques, mais il ne faut pas que cela se traduise systématiquement par une hausse de la fiscalité : après la hausse du prix du carburant, la contribution climat-carbone qui va détériorer le pouvoir d’achat, et maintenant les ordures... Si à chaque fois que l’on dit « écologie », les gens pensent « matraque », c’est vraiment le plus mauvais service à rendre... Il faut arrêter avec ces mesures qui visent à faire avancer très rapidement la société alors que nous n’avons pas de solution de repli. Nous avons fait la même chose dans le domaine de l’agriculture et bien d’autres. Cela ne changera pas la société, mais cela viendra contraindre la vie des Français au jour le jour. On met la charrue avant les bœufs.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je rejoins les propos de François Pupponi, nous sommes tous d’accord : il faut des mesures pour lutter pour la transition énergétique et contre le changement climatique, mais dans ce cas précis, les victimes sont toutes désignées, ce sont nos concitoyens. Il y a une forte contradiction dans le discours de la majorité : on prétend vouloir baisser les impôts, mais dans le même temps les prix du carburant flambent, particulièrement dans les territoires ruraux ; et maintenant, ce sont les taxes d’enlèvement des ordures ménagères qui explosent... Les gens qui ont de petits revenus sont totalement asphyxiés. On va entrer un peu plus tard en hiver, cela nous permettra peut-être de faire quelques économies, mais dans mon secteur, je connais des gens qui ne vont chauffer qu’une seule pièce en hiver, car ils n’ont pas les moyens de faire mieux ; or cette fiscalité punitive les frappe de plein fouet. Il faut travailler sur ces questions ; nous présenterons des amendements sur la taxation des transactions financières qui permettront de trouver des moyens d’accompagnement. Faute de quoi, les petites gens vont se prendre cette mesure en pleine face.

Mme Christine Pires Beaune. La TGAP fait partie des nombreuses taxes écologiques qui, malheureusement, sont de plus en plus souvent perçues par nos concitoyens comme une fiscalité punitive. La part incitative dans la fiscalité écologique reste très modeste, très limitée, ce qui les conforte dans l’idée que c’est une fiscalité de rendement dont l’affectation fait l’objet d’une bataille entre l’État et les collectivités locales.

Monsieur le Rapporteur général, nous verrons certes en seconde partie le cadeau fiscal en faveur des collectivités, mais ce cadeau ne dépassera pas 50 millions d’euros alors que la réforme de la TGAP telle qu’elle nous est proposée représente, sur la trajectoire, 400 à 900 millions d’euros. Les proportions ne sont pas du tout les mêmes et, en fin de compte, ce sera le contributeur final qui paiera.

M. Éric Coquerel. Nous avons à l’évidence un problème global à propos de la dotation aux collectivités et la manière dont le Gouvernement leur sous-traite l’austérité.

D’un autre côté, je ne vois pas comment nous pourrions continuer plus longtemps sans nous donner tous les moyens de faire en sorte qu’une tonne recyclée coûte moins cher qu’une tonne incinérée. Ce n’est pas possible. Peut-être que la taxation va toujours punir les mêmes, mais nous devons considérer le problème écologique qui nous est posé. Même si la politique globale suivie n’est pas bonne vis-à-vis des collectivités, mais je ne vois pas d’autre moyen, à un moment donné, que de taxer plus lourdement l’incinération et tous les déchets non triés.

Prenons l’exemple de l’incinérateur d’Issy-les-Moulineaux ; la publicité faite dans les villes est payée par l’organisme qui en est le propriétaire... Il n’a même pas intérêt à améliorer le recyclage, puisque c’est plus rentable pour lui d’incinérer. Cette situation n’est plus supportable, et l’article 8 est nécessaire dans la situation actuelle. Nous ne voterons pas ces amendements de suppression.

M. Jean-René Cazeneuve. Je suis d’accord avec M. Coquerel et je trouve qu’un certain nombre de nos collègues manquent de courage. Ils partent du principe que nous ne pouvons pas changer les comportements, et que tout ce qui pourrait être trié l’est déjà. Nous savons que ce n’est pas vrai, il reste une marge de manœuvre extrêmement importante.

Effectivement, monsieur Carrez, ce texte laisse du temps : l’augmentation significative se fera sentir au bout de trois ans. Dans le dialogue entre les citoyens et les collectivités territoriales, il faut que les citoyens fassent pression sur les collectivités. Les collectivités territoriales vont bénéficier de la baisse de la TVA et de la TEOM ; elles ont donc aujourd’hui les moyens pour se préparer et mener ce travail.

M. le président Éric Woerth. Quelqu’un sait-il comment l’État traite ses déchets ? Les collectivités locales ont toujours bon dos, mais comment l’État est-il incité à mieux trier et recycler ses déchets ?

Mme Bénédicte Peyrol. L’État a des obligations plus fortes. Certains de nos collègues ont voté la loi pour la transition énergétique et pour la croissance verte ; elle crée des obligations beaucoup plus importantes pour l’État en matière de recyclage des déchets et de tri que pour les autres institutions, les entreprises, etc. Aujourd’hui, l’État met en place les dispositifs nécessaires et les tris par flux.

Permettez-moi d’ajouter un élément au débat, trop souvent oublié. M. Coquerel a parlé des dotations aux collectivités ; je veux parler des éco-organismes, et du combat que mène le Gouvernement en la matière. Les éco-organismes ont été pensés pour mettre en place la responsabilité élargie du producteur, qui pèse sur les metteurs en marché de produits qui vont finir comme des déchets.

M. François Pupponi. C’est un autre sujet !

Mme Bénédicte Peyrol. Non, justement, parce que leurs adhérents sont les metteurs en marché, qui vont payer une éco-contribution pour tous les produits qu’ils mettent sur le marché. L’éco-organisme a pour fonction de financer les collectivités territoriales qui mettent en place la collecte sélective et le recyclage des déchets. Cet argent est disponible, les collectivités peuvent le solliciter. Nous pouvons accentuer la pression sur ces éco-organismes pour mettre en place des barèmes d’éco-modulation beaucoup plus incitatifs.

M. le président Éric Woerth. Merci madame Peyrol. Ce n’est pas sur ce sujet que la parole vous avait été donnée.

L’État aussi devrait être soumis à une TGAP, avec impossibilité évidemment de la répercuter sur le contribuable.

M. Vincent Descoeur. Beaucoup de collègues ont dit combien l’augmentation de la TGAP allait être pénalisante pour nos concitoyens, soumis à de très nombreuses taxes. Je voudrais souligner aussi qu’elle serait très pénalisante pour les collectivités organisatrices de la collecte et du traitement. En particulier, elle va mettre à mal la relation de confiance entre ces collectivités et les usagers.

Très souvent, ces collectivités ont arrêté des trajectoires de hausse de la TEOM ; par nos décisions, nous mettons cette trajectoire à mal, ce qui altère la confiance entre les collectivités et les contribuables.

Mme Valérie Rabault. Je souhaite intervenir pour un rappel au Règlement, monsieur le président : je ne voudrais pas laisser l’impression que vous coupez la parole à nos collègues féminines, et qu’il existe une discrimination en la matière.

M. le président Éric Woerth. Il n’y a aucune discrimination, monsieur Dufrègne peut en témoigner... J’ai interrompu Mme Peyrol qui s’était déjà exprimée à plusieurs reprises, et qui ne figurait pas dans la liste des orateurs. J’essaie juste de faire en sorte que nous terminions demain à 13 heures.

Mme Véronique Louwagie. Aujourd’hui, à peu près un tiers des déchets produits en France ne dispose d’aucune filière de recyclage. C’est un fait, on peut le regretter, mais il s’impose. Faire supporter cette carence à nos concitoyens ne paraît pas acceptable, il est totalement injuste de leur faire payer l’absence de dispositif alternatif.

M. Cazeneuve voudrait inviter les citoyens à mettre la pression sur les collectivités. Je ne peux pas entendre cela : vous créez une ponction financière sur nos concitoyens pour qu’ils mettent la pression sur nos collectivités. Non, il n’est pas envisageable d’envisager une telle ponction financière sur les concitoyens au seul motif qu’il manque des alternatives dans les dispositifs de recyclage.

M. Charles de Courson. Pourquoi nous est-il proposé de voter cette hausse de TGAP ? L’objectif est de réduire de 10 % et d’augmenter la part valorisée, avec un objectif fixé à 60 % en 2025. C’est très bien, mais quelle est l’inspiration philosophique de cet article ? C’est encore une illustration du jacobinisme dans lequel nous sommes plongés depuis des années. Chez nous, pourquoi progressons-nous ? Car nous avons des REOM incitatives.

Cette augmentation de 250 millions d’euros pèsera pour l’essentiel sur les ménages : 200 millions pour les ménages, 50 millions pour les entreprises. Cela représente 6 euros par famille. Ce qui ne convient pas, c’est la centralisation. Il y aurait une logique si on donnait cet argent aux collectivités locales gestionnaires, ou à leurs syndicats de gestion des ordures ménagères. Sinon, cela ne marchera jamais : il faut responsabiliser à la base, et cette mesure ne le prévoit pas. Si cette mesure se faisait au niveau local, cela pourrait fonctionner, et cela inciterait les élus et nos concitoyens à faire des efforts. L’erreur est que cette recette ira à l’État, pas à ceux qui gèrent.

M. Rémy Rebeyrotte. La vision d’une fiscalité écologique qui vient punir les ménages est souvent liée au fait qu’elle doit normalement se substituer à d’autres logiques fiscales. L’incitation écologique ne doit pas venir abonder, mais se substituer.

Je dis aux collègues qui rouspètent aujourd’hui à propos de la fiscalité écologique qu’ils ont bien raison de soutenir la baisse progressive, sur trois ans et pour 80 % des ménages, de la TH.

M. le président Éric Woerth. Mais personne n’a expliqué ce que l’on fiscalisera lorsque la cause aura disparu... C’est le problème de la fiscalité verte.

M. François Jolivet. Il existe déjà un dispositif qui permet de responsabiliser ceux qui déposent leurs déchets : ce sont les refus de collecte. Or selon un rapport récent, les collectivités territoriales n’ont pas pu les mettre en place, notamment en habitat vertical. J’imagine ce que signifierait à Paris un refus de collecter les ordures ménagères !

Il ne faudrait pas que l’augmentation de cette taxe n’améliore rien. Les refus de collecte ne se paieront pas, pour des raisons sanitaires. J’appelle l’attention du Rapporteur général et de Mme Peyrol : si cette mesure a pour objet de créer une recette fiscale non affectée au budget de l’État, je peux le comprendre, mais n’espérez pas une amélioration du tri. Dans l’habitat collectif ancien, il n’est pas possible d’installer les containers et les collectivités refusent de les laisser sur les trottoirs, parce qu’ils s’enflamment.

Je comprends l’idée, mais tout cela est très théorique, et je crains que cette mesure ne change rien, si ce n’est de créer une taxe en plus.

Mme Valérie Lacroute. J’ai déposé un amendement, que nous examinerons tout à l’heure, et qui porte aussi sur cette question.

Je partage l’avis de nombreux collègues : nous aboutissons à une politique punitive pour les collectivités locales. L’objectif de cette augmentation de la TGAP est d’améliorer le traitement des déchets qui ne sont pas éliminés, ce qui est louable, mais finalement, ce sont les collectivités qui vont se retrouver à supporter cette augmentation et vont la répercuter sur les contribuables sans distinguer ceux dont le comportement est vertueux des autres. Il est regrettable que cette augmentation pèse sur l’ensemble des administrés, alors que les administrés et les entreprises ne sont pas incités à être plus vertueux. C’est pourquoi je proposerai moi aussi de supprimer cette hausse de la TGAP.

M. Thibault Bazin. Il n’est qu’à aller voir dans les services de gestion des déchets : la réalité, c’est que les taxes sur les ordures ménagères ont augmenté ces dernières années malgré tous les efforts de tri et de recyclage, du fait de l’augmentation de la TGAP. Les dispositifs de reversement pour ceux qui trient ou qui revalorisent cités par nos collègues de La République en Marche représentent peanuts à côté de l’augmentation de la TGAP.

Et je suis surpris, alors que l’on prétend se soucier des collectivités locales, que l’on ne cherche pas d’abord à savoir ce qu’elles en pensent, et si elles sont preneuses d’une telle augmentation de la TGAP. Il faut imaginer un dispositif vertueux, qui les responsabilise. C’est tout le contraire qui est fait ; nous pourrions montrer un peu plus d’égards à l’endroit nos communes.

M. Éric Alauzet. Mon amendement I-CF1249 propose d’instituer une franchise de TGAP sur la partie qui n’est pas recyclable.

La question des déchets est devenue capitale : ce n’est plus un produit au bout de la chaîne économique dont personne ne voulait s’occuper. Cela amène à revisiter toute la logique économique pour sortir d’une économie linéaire, y compris l’extraction des matières premières, des minerais, du pétrole, des forêts – avec les conséquences sur l’exploitation dont on discute par ailleurs –, des transports, des échanges commerciaux internationaux... C’est un sujet global qui amène à revoir totalement notre modèle économique.

Je proposerai avec d’autres collègues une franchise de TGAP sur la partie dont nous débattons ici, qui n’est pas recyclable aujourd’hui, mais dont j’espère qu’elle le sera demain ; nous avons des outils pour le faire.

Cela permettra de combler en partie le déséquilibre qui existe aujourd’hui entre l’économie qui sera permise par la baisse de TVA sur les matières recyclables, d’à peu près 80 millions et non 50 millions, et l’augmentation de TGAP, à hauteur de 300 millions, et non pas 500 millions comme cela a été dit. Il reste un écart que l’on peut combler pour que cette fiscalité ne soit pas une fiscalité de rendement, mais un équilibre. Il faudra sans doute aller plus loin, et je ne pense pas qu’il faille diminuer la TGAP, elle est au niveau nécessaire pour avoir un effet incitatif. En revanche, on peut améliorer un peu les recettes pour aller au-delà de 80 millions d’euros.

Si nous voulons être cohérents, et si une partie des déchets n’est pas recyclable, il faut substituer la partie de franchise sur la TGAP que l’on dit « aval », en fin de chaîne, par une TGAP « amont », tout au début de la chaîne, par le biais des fameuses REP, les responsabilités étendues du producteur. Pour être cohérent et prendre en compte l’écologie, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et plutôt que de tout supprimer, il faut une franchise, et une taxe TGAP « amont ».

On répète que les citoyens encaissent la hausse de la TGAP et la contribution carbone, mais qui est responsable de cet état de fait ? C’est l’affaire de tous, pas simplement de l’État, mais aussi des collectivités locales. Si les élus locaux prennent de bonnes décisions, ils peuvent mettre en place de l’économie circulaire. Dans la collectivité d’où je viens, il n’y aura pas d’impact de la hausse de la TGAP, car nous pratiquons l’économie circulaire et il n’y a pratiquement pas de mise en décharge ni d’incinération.

M. Jean-Louis Bricout. On peut comprendre ces mesures, qui incitent à améliorer le recyclage, mais elles nous renvoient au problème de l’acceptabilité de la fiscalité écologique. Parce qu’elle est indirecte et qu’elle ne tient pas compte des revenus des ménages, elle se heurte au mur des réalités sociales. Cela pose un problème, d’autant qu’elle n’est pas redistribuée vers les ménages fiscalisés.

Dans beaucoup d’EPCI et de collectivités, on a annoncé qu’en triant mieux, on paierait moins cher. C’est en tout cas le message qui a souvent été transmis. Or si les choses ne se traduisent pas ainsi au final, cela peut poser des problèmes pédagogiques.

M. le président Éric Woerth. Beaucoup de collectivités sont engagées et ont créé des incinérateurs, souvent très coûteux, avec des modèles économiques derrière. Quel impact cette mesure pourrait avoir sur ces investissements ?

M. le Rapporteur général. Rappelons de quoi il est question : en 2025, l’impact financier de la mesure sera de 57 millions d’euros pour les entreprises et de 210 millions pour les collectivités par an. C’est une mesure incitative, mais elle n’est pas aussi importante que l’on veut bien le dire. La progressivité n’est pas aussi dramatique, même si je dois à l’honnêteté de dire que tout cela n’exclut pas une augmentation de la fiscalité locale destinée à compenser cette hausse de la TGAP.

Moi qui suis frontalier, il me suffit de voir ce qui se passe du côté de la région Piémont voisine pour constater que mes voisins paient le triple de ce que je paie. Et elle est plus développée qu’on veut le croire de ce côté de la frontière...

Comme je l’ai dit dès le départ, j’émets un avis défavorable à l’ensemble des amendements de suppression.

La commission rejette les amendements identiques.

La commission examine les amendements identiques I-CF613 de M. Thibault Bazin et I-CF645 de Mme Véronique Louwagie.

M. Thibault Bazin. Vous dites vouloir rationaliser, monsieur le Rapporteur général, mais vous omettez les stockages de déchets non autorisés.

Mon amendement I-CF613 vise à mentionner explicitement les installations de stockage de déchets non autorisées dans l’assiette du volet « déchets » de la TGAP, ce qui facilitera l’action des préfets pour sanctionner et dissuader les acteurs négligents ou ayant recours à des pratiques illégales. On y verra la justification d’une fiscalité punitive à l’encontre de ceux qui abusent.

M. le Rapporteur général. L’article 8 vise « toute personne exploitant une exploitation soumise à autorisation ». Donc, le tarif mentionné dans l’article 266 nonies du code des douanes est bien applicable aux installations non autorisées. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite lamendement I-CF387 de la commission du développement durable.

Mme la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. Cet amendement prévoit un abattement de TGAP de 50 % pour la valorisation énergétique à haut rendement des refus de tri provenant de centres de tri performants. Il permet d’accompagner l’essor des centres de tri dont les capacités de traitement vont augmenter dans les prochaines années.

Cet amendement ne vise que la valorisation énergétique des refus de tri, dans la mesure où ces résidus ont un haut pouvoir calorifique et où il convient de respecter la hiérarchie des modes de traitement, c’est-à-dire que la mise en décharge doit, dans tous les cas, être évitée. Il ne visera par ailleurs que les centres de tri pour lesquels le tri atteindra un certain niveau de performance, ce niveau étant défini par arrêté après concertation avec l’ensemble de la profession.

M. le Rapporteur général. Tout en comprenant la philosophie de cet amendement, je souligne que les installations thermiques qui réalisent une valorisation de plus de 65 % bénéficient déjà du taux de TGAP le plus faible de l’ensemble des installations. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est ensuite saisie en discussion commune de lamendement I-CF1249 de M. Éric Alauzet, et des amendements identiques I-CF113 de M. Vincent Descoeur, I-CF315 de Mme Véronique Louwagie, I-CF456 de M. Jean-Pierre Vigier, I-CF818 de M. Michel Castellani et I-CF1108 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Éric Alauzet. L’amendement I-CF1249 vise à instaurer une franchise de TGAP sur la partie non recyclable des déchets. En baissant le coût de la TGAP, on rapprochera le delta entre l’avantage aux collectivités et aux usagers contribuables sur la baisse de TVA sur le recyclable.

Parallèlement, puisque l’on est au bout de la chaîne, qu’on ne peut pas faire grand‑chose et que c’est l’usager contribuable qui finit par en supporter la charge, il faut remonter la chaîne économique et aller vers le metteur sur le marché, qui met en service des produits non recyclables, pour appliquer une TGAP amont. Ainsi, le consommateur sera face à ses responsabilités avec le metteur sur le marché.

M. Vincent Descoeur. L’amendement I-CF113 porte sur des déchets qui n’ont aucune filière de recyclage, et vise à rappeler que les collectivités n’ont aucune prise sur la conception de ces produits, ni sur leur mise sur le marché, ni sur leur consommation. L’objectif est d’accorder aux collectivités une franchise correspondant à cette part de déchets résiduels inévitables.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF315, qui est de repli, propose d’instaurer une franchise correspondant à la part des déchets résiduels inévitables pour lesquels il n’existe pas pour l’heure de filière de recyclage. Ce serait une mesure intéressante, qui prendrait en compte une fiscalité incitative et la situation où il n’existe pas d’alternative actuelle. Elle permettrait de ne pas faire peser une charge trop importante sur nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Vigier. Comme ceux de mes collègues, mon amendement I-CF456 vise à accorder aux collectivités une franchise correspondant à la part des déchets résiduels inévitables.

M. Michel Castellani. Nous restons dans la même logique : sur les 568 kg de déchets produits par un habitant chaque année, 184 ne disposent d’aucune filière de recyclage, et doivent être nécessairement traités dans les installations de stockage et de traitement thermique. Et les collectivités se retrouvent à devoir payer la TGAP pour l’élimination de ces déchets, ce qui est injuste dans la mesure où il n’existe aucune alternative. Mon amendement I-CF778 vise donc à accorder aux collectivités une franchise correspondant à cette part de déchets résiduels inévitables. Nous appelons à une fiscalité incitative.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I-CF1108 est identique et il a déjà été parfaitement défendu. J’ajoute simplement qu’on tient compte des déchets qui ne sont pas recyclables, mais qu’on exclut de cette franchise les déchets qui pourraient l’être prochainement, notamment les jouets, les jeux, les articles de sport, etc.

M. le Rapporteur général. J’ai le sentiment que la mise en place d’une telle franchise serait très complexe. Et au-delà, je crains qu’elle n’incite à privilégier, pour cette part de déchets exonérée, des solutions d’élimination les moins écologiques. Par exemple, pourquoi recourir à un incinérateur aux normes ISO 50001 permettant une valorisation énergétique importante, alors que l’on peut stocker si la taxe n’est pas là pour orienter les comportements ? Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

La commission rejette lamendement I-CF1249.

Puis elle rejette successivement les amendements identiques I-CF113, I-CF315, ICF456, I-CF818 et I-CF1108.

Elle est alors saisie de lamendement I-CF440 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le présent amendement permet aux unités de valorisation énergétique de contribuer à atteindre l’objectif fixé par la loi de transition énergétique pour la croissance verte en multipliant par cinq de la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid à l’horizon 2030. Il vous propose d’exonérer ces unités de TGAP dans le respect de la hiérarchie des déchets.

M. le Rapporteur général. Défavorable. Ce serait là encore contre-productif, dans la mesure où cela n’inciterait pas les installations de valorisation à rechercher le meilleur taux possible.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement I-CF621 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Je ne me suis pas exprimée tout à l’heure pendant la discussion des amendements de suppression, mais je considère que la méthode imposée par l’article 8 n’est pas acceptable, ou du moins qu’elle ne correspond pas à ce que nous souhaitons. On fait payer les contribuables d’abord, et on voit ensuite si l’objectif fixé par l’article est atteint : ce faisant, on rompt avec le principe pollueur-payeur. Et les débats ne m’ont pas permis de conclure à une adéquation entre l’objectif de l’article et l’augmentation de la taxe pour les contribuables.

M. le Rapporteur général. Toutes les explications sont dans la feuille de route pour l’économie circulaire ; avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle est alors saisie en discussion commune des amendements I-CF1140 de Mme Valérie Rabault, I-CF437 et I -CF467 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que ICF1161 de Mme Valérie Lacroute.

Mme Christine Pires Beaune. Notre amendement I-CF440 vise à corriger la trajectoire proposée. Les augmentations de TGAP prévues entre 2019 et 2025 semblent en effet dissymétriques : l’augmentation est de 8 % pour les installations non autorisées, mais de 171 % pour les installations réalisant une valorisation énergétique de plus de 75 % du biogaz capté ! Il nous semblerait plus cohérent d’inverser la trajectoire. J’ajoute qu’au moment où l’on demande aux collectivités de réduire leurs charges de fonctionnement et de contractualiser pour rester dans la limite de 1,2 % d’augmentation par an, il paraît curieux de leur mettre sur le dos de nouvelles charges.

Mme Véronique Louwagie. Actuellement, la TGAP fonctionne comme une taxe essentiellement punitive. Il vous est proposé de compléter le dispositif par un volet incitatif : mon amendement I-CF437 créerait une réfaction de TGAP pour les collectivités qui sont parvenues à atteindre l’objectif de réduction de stockage affiché par le Gouvernement.

L’amendement I-CF467 va dans le même sens en proposant de maintenir une réfaction incitative pour les installations de stockage des déchets valorisant 75 % du biogaz.

Mme Valérie Lacroute. L’amendement I-CF1161 poursuit le même objectif. Il s’agit ici d’endiguer la hausse de la TGAP, bien trop rapide par rapport à la capacité réelle et pratique des collectivités à réduire l’élimination des déchets, et qui sera forcément répercutée chez les contribuables.

M. le Rapporteur général. Ou bien ces amendements sont orthogonaux à la trajectoire prévue pour la TGAP, ou bien ils mettent l’accent sur des secteurs qui ont des taux de valorisation importants où, de toute façon, c’est le taux de TGAP le moins important qui s’applique ; ce qui me conduit à leur opposer à tous un avis défavorable.

Mme Valérie Rabault. Il est tout de même très curieux que la trajectoire que vous proposez dans cet article reprenne des augmentations qui sont de 8 % pour les installations non autorisées – sur lesquelles il est du reste permis de s’interroger –, et de 171 % pour toutes les installations qui font de la valorisation énergétique avec un degré de performance écologique assez important... Je sais bien que le point de départ n’est pas le même, mais il y a de quoi se poser des questions !

M. le Rapporteur général. Disons les choses telles qu’elles sont : il n’y a pratiquement plus d’installations non autorisées.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Rapporteur général, j’entends ce que vous dites. Mais si vous voulez vraiment dissuader les installations non autorisées, augmentez leur TGAP de 1 000 %, pas de 8 % ! Et ne taxez pas aussi lourdement celles qui font du recyclage à 75 %. Cela me paraît logique.

M. le président Éric Woerth. Il faudrait surtout interdire les premières.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le Rapporteur général, il serait important que vous puissiez nous donner d’ici la séance des chiffres sur le nombre d’installations non autorisées. À vous entendre, c’est parce qu’il n’y a plus beaucoup d’installations que la trajectoire n’est pas importante. Ce qui laisse tout simplement entendre que l’on est sur une taxe de rendement.

M. le Rapporteur général. Je vais chercher ces chiffres et je les produirai dans le rapport.

M. François Pupponi. Pourquoi taxer quelque chose qui n’est pas autorisé ? Si une installation n’est pas autorisée, il faut la fermer. Mais là, on sait que qu’elles sont illégales, qu’elles existent, alors on décide de les taxer – et encore, pas trop lourdement. Mais qu’attend l’État pour faire fermer des installations non autorisées et qui, accessoirement, polluent ? Ou c’est légal, ou cela ne l’est pas !

La commission rejette successivement les amendements I-CF1140, I-CF437, ICF467 et I-CF1161.

Elle examine lamendement I-CF454 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement va dans le même sens que les précédents. Il propose de maintenir une réfaction incitative pour les installations de valorisation énergétique réalisant une valorisation énergétique performante au sens de la directive de la Communauté européenne.

M. le Rapporteur général. Défavorable, pour les mêmes motifs que précédemment.

La commission rejette lamendement.

Elle examine lamendement I-CF470 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement va toujours dans le même sens. Il propose de faire profiter du taux réduit de la TGAP stockage les installations de stockage qui participent à la valorisation à 75 % du biogaz.

M. le Rapporteur général. Défavorable, pour les mêmes motifs.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement I-CF766 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement vise à résoudre le problème posé par les anciennes décharges fermées depuis plusieurs années lorsque les déchets qu’elles renferment doivent être déplacés vers une autre installation de stockage, par exemple en raison d’un risque écologique.

Il est donc proposé d’élargir les cas d’exemption du paiement de cette taxe prévus à l’article 266 nonies du code des douanes lorsque les déchets concernés par le transfert y ont déjà été assujettis, ou bien ont été stockés avant la création de ladite taxe afin de purger les procédures de recouvrement en cours.

M. le Rapporteur général. Il s’agit de l’amendement que je citais au tout début de mon exposé, sur lequel j’annonçais émettre un avis de sagesse. En effet, c’est souvent la collectivité qui assume les coûts liés à ces déplacements dans la mesure où il n’y a plus d’exploitant. L’exonération de TGAP pour ces déchets, qui ont déjà été assujettis ou l’auraient été s’ils avaient été déposés après la création de la TGAP, me semble légitime.

La commission adopte lamendement I-CF766 (amendement I-2232).

Enfin, elle adopte larticle 8 modifié.

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*     *

Après l’article 8

La commission examine en discussion commune lamendement I-CF389 de la commission du développement durable, qui fait lobjet du sous-amendement ICF1457 de Mme Lise Magnier, et lamendement I-CF746 de M. Matthieu Orphelin.

Mme la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. L’amendement I-CF389 concerne les hydrofluorocarbures (HFC), qui sont utilisés pour le fonctionnement de nombreux équipements, notamment les appareils frigorifiques, les pompes à chaleur, les aérosols, et certains climatiseurs. Ce sont de puissants gaz à effet de serre – ils représentent un peu plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre en France –, hautement nocifs, et proscrits à l’échelle européenne – le processus est en cours.

Notre amendement I-CF389 prévoit, d’une part, la création d’un mécanisme de suramortissement qui permet aux acteurs de s’équiper dès 2019 en se procurant des équipements alternatifs à l’utilisation de ces fluides, d’autre part, la mise en place d’une taxe à partir de 2021.

L’idée est d’instituer un dispositif qui soit le plus adapté possible aux acteurs économiques concernés, lesquels ont d’ailleurs été consultés.

Mme Lise Magnier. Le sous-amendement I-CF1457 propose d’étendre ce dispositif aux coopératives.

M. Matthieu Orphelin. Mon amendement I-CF746 a le même objet : il s’agit de concrétiser un engagement du Gouvernement pris dans le cadre du Plan climat en mettant en place un dispositif de type bonus-malus, avec un mécanisme de suramortissement des investissements – il faut promouvoir le remplacement des machines qui fonctionnent avec des fluides HFC, car les technologies existent d’ores et déjà – et une taxe sur les HFC, qui sera très légère en 2019 et qui augmentera progressivement au cours des années. C’est une fiscalité intelligente.

Je tiens à vous préciser que les pays qui ont mis en place des dispositifs équivalents comme le Danemark ou l’Espagne, ont vu diminuer les quantités de HFC utilisés : au Danemark, par exemple, elles ont été divisées par trois en quelques années.

M. le Rapporteur général. Je partage la philosophie de ces amendements. Cela étant, les entreprises sont déjà mises à contribution à travers des hausses de fiscalité ; je pense, entre autres, à la suppression de l’avantage fiscal sur le gasoil non routier. Ces mesures ont un coût assez élevé. C’est la raison pour laquelle je vous appelle à retirer vos amendements pour les redéposer en séance, pour discuter au banc avec le ministre sur ce sujet particulier que sont les gaz à HFC.

Mme la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. Je maintiens notre amendement.

M. Matthieu Orphelin. Moi aussi. L’an dernier, le Gouvernement s’était engagé à proposer un dispositif dans le PLF 2019. Or, pour l’instant, ce n’est pas le cas.

M. Raphaël Schellenberger. Ces amendements sont un peu l’exemple d’une stratégie de politique environnementale incohérente. Vous en serez bientôt à demander aux Français d’arrêter de se chauffer ! C’est grosso modo ce que l’on est en train d’expliquer ici : on ne peut plus se chauffer au fuel, le gaz, ce n’est pas bien non plus ; le chauffage au bois, cela libère des particules fines ; et maintenant, on se rend compte que la technologie qui est à l’origine des pompes à chaleur, ce n’est pas bien non plus !

C’est complètement illogique. Un certain nombre de contraintes pèsent sur les HFC. En particulier, un mécanisme européen sur les HFC en train de faire exploser les prix, entraînant une mutation technologique. Mais je ne suis pas d’accord avec M. Orphelin : cette mutation technologique n’est pas encore mûre, elle seulement est en train de se mettre en place. Laissons-la se mettre en place ! La régulation du marché de la matière au niveau européen est suffisante. Le coût de production de ces pompes à chaleur, qui sont tout de même des outils de la transition énergétique, a déjà suffisamment augmenté.

Je pense que ces amendements sont parfaitement inutiles, voire illogiques : ils vont écarter de modes de chauffage qui permettront demain d’accélérer la transition énergétique un certain nombre de Français durant les deux ou trois prochaines années. Ce sera parfaitement improductif.

Mme Véronique Louwagie. Nous avons déjà eu ce débat l’année passée. Un des arguments qui avait été retenu était qu’il ne fallait pas aller vers une « sur‑réglementation » française par rapport à certains dispositifs européens. C’est une règle que nous devons garder à l’esprit, pour ne pas risquer de mettre en difficulté nos propres entreprises et nuire à notre compétitivité.

M. Julien Aubert. Concernant cette taxe sur les HFC qui affecte, notamment, les entreprises frigorigènes, je crois qu’il faut faire attention pour deux raisons.

D’abord, en 2017, 75 % des frigoristes ont augmenté de 200 % leur tarif sur le gaz HFC, et 95 % l’ont augmenté de plus de 150 %. Et ces augmentations de tarif liées au règlement européen qui impose des quotas se répercutent évidemment sur le prix des équipements. J’ai reçu une entreprise de ma circonscription, qui m’a expliqué qu’on était en train de tuer lentement et sûrement son modèle économique !

Ensuite, quelles sont les alternatives aux HFC ? Je vous renvoie à l’une des conclusions d’une étude menée par l’ADEME, l’Alliance Froid Climatisation Environnement et UNICLIMA sur le sujet : « Beaucoup dalternatives mettent en jeu des fluides plus ou moins inflammables, dont la mise en œuvre requerra une mise en conformité des normes, notamment en matière de sécurité ».

C’est bien de vouloir supprimer ces gaz ; mais se pose alors la question de la transition et de l’alternative. Je vous le répète, ce n’est pas en faisant disparaître les acteurs économiques et en les punissant parce qu’ils ont péché par le gaz ou je ne sais quelle autre source de carbone que vous les convertirez. À un moment donné, il vaut mieux parler à l’intelligence que faire une clé de bras pour convaincre les gens d’évoluer vers un nouveau modèle.

M. Charles de Courson. Qu’il faille réduire les HFC, tout le monde en est d’accord. Mais il faut alors trouver des produits de substitution qui soient moins néfastes.

L’année dernière, lorsque l’on a favorisé le développement du gaz dans les transports, notamment les transports de marchandises, on s’est heurté au problème des frigos. D’après ce que l’on nous a expliqué, il existe aujourd’hui des technologies de substitution, mais à des coûts très élevés – je vous renvoie à l’audition d’Air Liquide. Et dans les hôpitaux, on n’a pas de produits de substitution.

Il faut donc être empirique. En appliquant les mêmes règles à tout le monde, y compris dans les secteurs où la substitution n’est pas possible, si ce n’est à des coûts extrêmement élevés, vous risquez de tuer et de délocaliser un certain nombre d’activités. Donc, faisons attention. On cite un pays dans l’Union européenne : mais à ma connaissance, il n’y a pas d’accord européen sur l’élimination progressive des HFC.

Voilà pourquoi je trouve ces amendements sont imprudents et insuffisamment balisés.

M. Matthieu Orphelin. D’abord, le secteur de la santé est exclu de ces amendements. C’est évolution par rapport à l’année dernière.

Ensuite, on pourrait ne conserver que la partie sur le suramortissement, et préparer un nouvel amendement pour la séance. Car les technologies sont là, et sont déjà effectives. Qui plus est, ce sont des entreprises de chez nous qui les proposent.

M. Julien Aubert. À quel prix ?

M. Matthieu Orphelin. Le dispositif de suramortissement pourrait éventuellement être mis en place pour 2019. Quoi qu’il en soit, il faut avancer sur le sujet. Je précise qu’on ne vise que les frigos, les grandes surfaces, toutes les grandes installations frigorifiques, mais pas les réfrigérateurs des particuliers.

Il faut envoyer un signal politique pour montrer qu’on croit à ces solutions. Je ne comprends toujours pas que l’on fasse preuve d’autant d’attentisme en la matière. Pourquoi remettre sans cesse à demain cette transition écologique quand les solutions sont là et qu’elles ne demandent qu’à être déployées ? J’ai entendu l’argument sur l’inflammabilité des fluides de substitution. Mais nous avons aujourd’hui à notre disposition des technologies qui utilisent des fluides non inflammables. Je vous invite à venir les voir ensemble.

Mme la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. J’irai dans le sens des propos de mon collègue Matthieu Orphelin : effectivement, les produits substitutifs existent. Il n’y a donc pas de problème technologique, et le suramortissement permettra de pallier les coûts d’investissement.

Par ailleurs, l’amendement que je propose a fait l’objet d’une concertation avec les acteurs économiques, notamment ceux de la grande distribution, qui saluent ce dispositif en deux temps.

J’ajouterai que la France a pris des engagements internationaux sur le sujet, avec les accords de Kigali et le règlement européen sur les quotas de HFC, et que d’autres pays comme l’Espagne et le Danemark ont d’ores et déjà adopté le dispositif que nous vous proposons aujourd’hui.

Enfin, je ne l’avais pas précisé, mais l’usage médical est exclu de cet amendement. De la même manière, le secteur des transports frigorifiques n’est pas non plus concerné : nous visons uniquement les installations fixes, de manière à ne pas trop exposer des secteurs soumis à une forte concurrence internationale.

La commission rejette le sous-amendement I-CF1457, puis lamendement ICF389.

Enfin, elle rejette lamendement I-CF746.

Elle examine alors, en discussion commune, les amendements identiques I-CF110 de M. Vincent Descoeur et I-CF1015 de M. Michel Castellani, les amendements identiques I-CF306 de Mme Véronique Louwagie, I-CF816 de M. Michel Castellani et I-CF1107 de Mme Christine Pires Beaune, lamendement I-CF1081 de M. Paul-André Colombani, les amendements identiques I-CF390 de la commission du développement durable et I-CF1357 de Mme Sarah El Haïry, ainsi que les amendements I-CF313 de Mme Véronique Louwagie, I-CF817 de M. Michel Castellani et I-CF975 de Mme Sabine Rubin.

M. Vincent Descoeur. Mon amendement I-CF110 concerne toujours les déchets n’ayant pas de filière de recyclage, et à la gestion desquels ne contribuent pas ceux qui les commercialisent, contrairement ceux qui mettent sur le marché des produits couverts par une filière et qui sont logiquement mis à contribution par le biais de la REP. Je propose de mettre en place une TGAP amont sur ces produits non couverts par la REP, ce qui aurait pour intérêt de ne plus taxer aveuglément les gestionnaires des déchets, qui ne sont pas responsables de la non‑recyclabilité des produits, et de mettre à contribution ceux qui produisent et mettent en marché ces produits non recyclables.

M. Michel Castellani. Près du tiers des déchets ménagers des Français est composé de produits, hors biodéchets, n’ayant pas de filière de recyclage. Mon amendement I-CF1015 vise donc à instaurer une TGAP amont de 0,03 euro par unité sur les produits non fermentescibles et non couverts par la responsabilité élargie. Cela permettrait de mettre fin à une situation injuste en cessant de taxer aveuglément des gestionnaires de déchets qui ne sont pas responsables de la non-recyclabilité des produits. J’ajoute que ces recettes pourraient être consacrées au développement de l’économie circulaire, et que cette TGAP amont concernerait des entreprises importantes. Même logique et même commentaire pour l’amendement I‑CF816.

Mme Christine Pires Beaune. L’objectif de l’amendement I-CF1107 est de mettre en place cette fameuse taxe amont pour les produits qui n’ont pas de filière de recyclage. Il a déjà été largement défendu.

M. Paul-André Colombani. Comme ceux de mes collègues, mon amendement I‑CF1081 vise à créer une TGAP amont, pour les émetteurs sur le marché de produits qui n’entrent pas dans les filières de recyclage. Cela inciterait à développer l’économie circulaire, et soulagerait les collectivités qui, elles, paient en assurant la collecte et le traitement.

Mme la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. L’objectif de l’amendement I‑CF390 est de responsabiliser en amont les producteurs d’objets manufacturés non recyclables, dont nous avons parlé tout à l’heure, et de ne pas faire supporter uniquement aux contribuables citoyens et aux collectivités le coût de cette collecte et du traitement des déchets, mais bien de travailler en amont sur l’éco-conception et sur des produits recyclables au maximum.

Mme Sarah El Haïry. Cet amendement I-CF1357 est dans la continuité des explications qui ont été présentées. C’est vraiment une éco-contribution, qui a vocation à traiter la problématique en amont et favoriser les produits qui ont vocation à être recyclés. C’est dans l’esprit de l’article 8.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF313 va dans le même sens que ceux qui ont été présentés précédemment pour créer une TGAP en amont, mettre fin à cette situation un peu inique que nous avons décriée ici en arrêtant de taxer les gestionnaires des déchets qui ne sont pas responsables de la non-recyclabilité des produits, et lancer un signal prix sur l’amont.

M. Michel Castellani. L’amendement I-CF817 s’inscrit exactement sur la même ligne, la même logique, le même type d’amendement que l’amendement I-CF1015 et l’amendement I-CF816 que je viens de présenter.

M. Éric Coquerel. Il y a quelque temps, en séance publique, mon collègue Ruffin avait expliqué que l’Assemblée, à titre d’exemple, devrait arrêter d’utiliser les produits à usage à usage unique. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de raison que les seules personnes ou les seules entités pénalisées soient les gestionnaires des déchets de plastique et encore moins les citoyens. Il nous semble donc nécessaire que les industriels qui fabriquent ces produits en plastique soient eux aussi pénalisés : pas moins de 360 millions de tonnes sont produites chaque année et chaque minute, et 80 à 120 tonnes de déchets finissent en mer.

Voilà pourquoi nous demandons la mise en place d’une éco-contribution sur ces produits extrêmement nocifs, à la charge de ceux qui les fabriquent. Tel est l’objet de l’amendement I-CF975.

M. le Rapporteur général. Je tiens à rappeler que la TGAP amont a été exclue par la feuille de route pour l’économie circulaire. Qui plus est, tout cela ne peut pas tourner, étant donné que vous prévoyez des exonérations qui sont liées au niveau du chiffre d’affaires, ce qui est parfaitement anticonstitutionnel. Ce seul motif fait que vos amendements ne peuvent pas prospérer. Il s’agit d’un service rendu : mettre en face la notion de chiffre d’affaires n’a pas de pertinence et constitue même une rupture d’égalité au sens du Conseil constitutionnel. Avis défavorable sur tous les amendements.

M. Éric Alauzet. Sur ce sujet aussi, il faut avoir une vision globale. Lors de l’examen de l’article 8, nous avons discuté du principe d’une franchise pour ces fameux déchets qui ne sont pas recyclables, afin de les exonérer de la TGAP dite aval, tout au bout de la chaîne. On ne cesse de nous répéter que l’on finit toujours par subir les choses, sans rien pouvoir y faire. En ce cas, remontons en amont dans la chaîne économique, comme nous le proposons avec ces amendements, pour toucher le producteur et le consommateur, et non plus le contribuable. Il faut garder cette idée à l’esprit de remplacer une TGAP aval subie par une TGAP amont vertueuse, dans l’économie circulaire.

Mme Bénédicte Peyrol. Pour revenir sur l’argumentation de M. Coquerel, je voulais rappeler que, dans le cas des plastiques, il existe déjà un éco-organisme, Citeo. Ses éco‑modulations ne sont peut-être pas à la hauteur, mais il existe. Par ailleurs, pour tous les déchets non recyclables que l’on veut imposer, il a été acté, dans le cas de la feuille de route pour l’économie circulaire, que deux nouvelles REP devaient se mettre en place à destination d’une masse importante de déchets non recyclables que sont les jouets et les matériels de sport. Cela fait des années et des années que l’on remet le sujet de la TGAP amont sur la table ; mais de nombreuses études montrent que ce n’est peut-être pas le meilleur dispositif. Je ne dis pas qu’il ne faut pas traiter le sujet, mais attendons de voir ce que donneront ces deux nouvelles REP avant de nous intéresser aux autres déchets que l’on ne sait pas recycler aujourd’hui. Il faut intervenir aussi bien en amont qu’en aval, comme nous le faisons dans ce PLF.

M. le président Éric Woerth. Et regardons aussi ce qui se fait dans d’autres pays.

M. Julien Aubert. Je trouve toujours étrange de parler d’amont et d’aval à propos de l’économie circulaire, Il n’y a pas que l’économie qui est circulaire, la fiscalité l’est aussi. À chaque fois qu’on taxe le haut, au motif d’épargner le citoyen, l’effet de ruissellement finit toujours par répercuter l’effet de la taxe sur le contribuable... Ne vous laissez pas convaincre par votre propre argumentaire : à la fin, c’est bel et bien le contribuable du bas qui paiera.

M. Éric Alauzet. Le consommateur, nuance !

M. Arnaud Viala. Je ne suis pas tout à fait dans la ligne de ce que vient de dire Julien Aubert. Même s’il y a effectivement une répercussion, une telle mesure est plus juste qu’une taxation aval sur tous les contribuables. Par ailleurs, je voudrais demander au Rapporteur général s’il peut réexpliquer son argument anticonstitutionnel que je n’ai pas saisi.

M. le Rapporteur général. Tous ces amendements proposent un dispositif d’exonération des entreprises réalisant un chiffre d’affaires de moins de 1 million d’euros. Ce qui risque d’être considéré par le Conseil constitutionnel comme une rupture d’égalité devant l’impôt, dans la mesure où une catégorie serait exonérée de la taxe. C’est le principal obstacle juridique à l’adoption de ces amendements, quand bien même j’en partage la philosophie.

La commission rejette les amendements identiques I-CF110 et I-CF1015, puis les amendements identiques I-CF306, I-CF816 et I-CF1107, lamendement ICF1081, les amendements identiques I-CF390 et I-CF1357, ainsi que, successivement, les amendements ICF313, I-CF817 et I-CF975.

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Article additionnel après l’article 8
Exclusion de lhuile de palme de la liste des biocarburants ouvrant
droit à lexonération

La commission en vient à lexamen, en discussion commune, de lamendement ICF980 de Mme Sabine Rubin, des amendements identiques I-CF993 de M. Michel Castellani et I-CF1077 de M. Paul-André Colombani, de lamendement I-CF1084 de M. Paul-André Colombani et des amendements identiques I-CF391 de la commission du développement durable, qui fait lobjet du sous-amendement ICF1460 de M. Charles de Courson, ICF177 de M. Marc Le Fur et I-CF1331 de M. Bruno Millienne.

M. Éric Coquerel. L’extension des plantations de palmiers à huile et de soja constitue l’une des causes majeures de la déforestation et de la dégradation des écosystèmes. Malheureusement, leur consommation est en hausse croissante dans les carburants. Le Parlement européen a voté l’interdiction des importations d’huile de palme utilisées par les biocarburants à partir de 2021, alors qu’en France on a donné un feu vert à la raffinerie Total de La Mède, qui importera 300 000 tonnes d’huile de palme par an, soit 10 % de la consommation totale d’huile de palme en Europe pour les biocarburants en 2016.

Il est donc difficilement compréhensible, à l’heure où les émissions de gaz à effet de serre ne cessent de croître, y compris en France où ils ont augmenté de 5 %, alors que, selon les accords de Paris, nous devrions en être à moins de 3 % par an, de continuer à considérer positivement l’inclusion de l’huile tant de palme que du soja parmi les biocarburants. C’est pourquoi nous proposons que soient exclus de la liste des biocarburants ouvrant droit à l’exonération de la TGAP le soja et l’huile de palme.

M. Michel Castellani. Je propose de compléter le huitième alinéa du III de l’article 266 quindecies du code des douanes, relatif aux biocarburants, par les mots : « Sont exclus de cette liste l’huile de palme et le soja. » L’exploitation des palmiers à huile est une catastrophe et une cause majeure de déforestation. C’est pourquoi il convient de limiter les incitations à l’importation de ces matières premières agricoles, qui, en réalité, subventionnent indirectement la destruction d’écosystèmes. Nous ajoutons le soja de façon à ne pas créer de discrimination avec l’huile de palme, essentiellement produite en Indonésie et en Malaisie.

M. Paul-André Colombani. L’amendement I‑CF1077 est le même que celui de M. Castellani. Il ne faut en effet pas perdre de vue que le soja, qui est massivement cultivé en Amérique du Sud, produit les mêmes effets que les palmiers à huile. L’amendement I‑CF1084 est un amendement de repli.

M. Vincent Thiébaut. L’amendement I‑CF391 vise à supprimer la niche fiscale dont bénéficie l’huile de palme, dont on connaît les effets dévastateurs dans la déforestation. Nous proposons que les crédits qui seraient générés par cette suppression soient réalloués, en seconde partie du PLF, au développement de l’agriculture.

M. Charles de Courson. Si je suis tout à fait d’accord sur l’huile de palme, qui vient massivement d’Indonésie et de Malaisie, où l’on déforeste à tour de bras – une disposition a d’ailleurs été prise par le Parlement européen, qui va exactement dans la même direction –, n’oublions pas qu’une bonne partie du soja utilisé dans les biocarburants est cultivé en France, en particulier dans les unités produisant du diester. Pour vous donner des ordres de grandeur, plus d’un tiers du diester serait produit à partir d’huile de palme importée, dans l’unité Total située sur les bords de l’étang de Berre, dont nous avons déjà longuement parlé.

S’agissant du bioéthanol, le biocarburant produit à partir de blé, d’oléoprotéagineux, de céréales ou encore de betteraves, on a franchi les 15 % de production par le biais d’un sous-produit de ce qui est utilisé pour oxygéner le gazole, ce qui est un énorme problème. Mais sortons le soja de ce dispositif.

M. Bruno Millienne. Je vais aller dans le même sens que Charles de Courson. Mon amendement I-CF1331 vise à exclure de la liste des biocarburants ouvrant droit à l’exonération l’huile de palme, mais pas le soja produit en France.

M. le Rapporteur général. Je précise qu’il ne s’agit pas d’une niche fiscale, mais d’une liste, prévue par arrêté, qui inclut ou non l’huile de palme dans les biocarburants qui ouvrent le droit à une réduction de prélèvement. Des travaux sont en cours au niveau européen ; la révision de la directive sur les énergies renouvelables vient d’aboutir à un plafonnement de la consommation des matières premières contribuant à la déforestation à partir de 2019 ; elle devra être réduite progressivement jusqu’à disparaître totalement en 2030. Je vous propose de nous inscrire dans ce processus européen : une interruption brutale et totale risquerait de nous mettre en difficulté vis-à-vis des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de celles de l’Union européenne qui viennent d’être modifiées il y a très peu de temps. Je vous suggère donc de retirer vos amendements ; sinon, avis défavorable.

M. Éric Coquerel. Nous atteignons les limites du droit européen, qui serait opposable à notre mesure, que, si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, vous trouvez de bons sens. Face au fléau de l’émission des gaz à effet de serre, il faut être capables de prendre les décisions qui conviennent, d’autant que Total importe de l’huile de palme que nos agriculteurs ne peuvent produire : non seulement il s’agit d’une concurrence déloyale sur un produit hautement émetteur de gaz à effet de serre, qui ne devrait pas faire partie des biocarburants, mais en plus, nous la favorisons en minorant le taux de TGAP ! Cette situation n’est plus supportable.

J’ai accepté tout à l’heure de soutenir l’article 8 en dépit de tous ses défauts, parce que j’ai estimé que, à un moment donné, la lutte pour l’environnement doit passer avant toute autre préoccupation. Je ne comprends donc pas comment on peut opposer le droit européen à une mesure salvatrice et nécessaire.

M. Vincent Thiébaut. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’interdire un produit au niveau européen, mais d’enlever l’huile de palme de la liste des biocarburants bénéficiant d’une exonération. Ce qui dégagerait des crédits supplémentaires qui pourraient être réaffectés dans la bioagriculture.

M. Jean-Louis Bricout. C’est presque insupportable d’importer de l’huile de palme pour fabriquer du bioéthanol et sauver la raffinerie Total de La Mède, alors que cela vient concurrencer le secteur du sucre et de la betterave, en utilisant la mélasse à partir de laquelle on produit aussi du bioéthanol. Depuis la suppression des quotas sucre, on a besoin de valoriser la betterave par le biais du bioéthanol. Tout ce qui peut contrarier l’importation d’huile de palme me va très bien.

M. Charles de Courson. Faisons attention. L’huile de palme est utilisée dans le biocarburant, mais aussi dans d’autres domaines qui ne font pas l’objet du débat. La question qui est posée en droit communautaire, ce n’est pas l’élimination, sur laquelle tout le monde est d’accord, mais la vitesse d’élimination. Monsieur le Rapporteur général, nos amendements sont-ils euro-compatibles ? Il me semble que l’on peut aller plus vite que ce qu’a prévu le Parlement européen. Si vous me dites l’inverse, nous aurons un petit problème sur le glyphosate, qui pose la même question juridique...

M. le Rapporteur général. Je ne peux pas vous dire que vos amendements sont euro-incompatibles. En revanche, il y a des processus en cours à l’OMC et dans l’Union européenne qu’il faut respecter. Cela étant, comprenez que, philosophiquement, la pression que vous proposez de mettre sur ce genre d’utilisation de produits ne me déplaît pas. Je vais donc changer mon avis en un avis de sagesse, de façon que la discussion ait lieu avec le ministre au banc sur un produit dont je connais les effets nocifs.

M. Charles de Courson. Et sur le soja ?

M. Michel Castellani. Je remercie M. le Rapporteur général pour ses propos et reconnais qu’il y a des contradictions dans le traitement de l’importation de soja. En revanche, il est difficile d’imaginer que l’on puisse conserver une fiscalité favorable à l’importation de l’huile de palme, quand on sait les ravages que la surexploitation de ce produit entraîne dans certains pays du Sud.

M. le Rapporteur général. Je tiens à préciser que je donne un avis de sagesse à l’amendement I‑CF391 de la commission du développement durable, sous-amendé par le sous-amendement I‑CF1460 de Charles de Courson, qui vise à remplacer l’huile de palme par les produits à base d’huile de palme. La discussion aura donc lieu en séance sur cette base. Je suggère aux auteurs des autres amendements de les retirer.

M. Éric Coquerel. Je maintiens mon amendement.

M. Michel Castellani. Je maintiens le mien également.

La commission rejette lamendement I-CF980, puis les amendements identiques ICF993 et I-CF1077, et lamendement I-CF1084.

Elle adopte le sous-amendement I-CF1460, puis les amendements identiques ICF391, I-CF177 et I-CF1331, sous-amendés (amendement I2239).

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Après l’article 8

La commission examine lamendement I-CF988 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement a trait aux pesticides et, plus particulièrement, au glyphosate. Je ne reviens pas sur le débat qui nous a opposés, lorsque nous avons demandé l’interdiction, de fait, dans les trois ans, du glyphosate et non pas seulement un objectif. Il faudrait imposer un taux de redevance dissuasif sur ces substances, de façon à les rendre plus coûteuses à l’emploi.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement I-CF979 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à déplafonner la redevance des plus gros consommateurs d’eau. Il est anormal que ceux qui consomment le plus d’eau, et qui sont souvent les plus susceptibles de la polluer, ne soient pas soumis à une progressivité continue de leur paiement. L’idée est de fixer des seuils en deçà desquels la redevance ne peut être fixée, en lieu et place des plafonds existants.

M. le Rapporteur général. Votre idée, monsieur Coquerel, est loin d’être absurde. Mais se tiennent actuellement les Assises de l’eau. Une première salve de mesures a été annoncée par le Premier ministre, concernant les institutions, notamment les agences de l’eau. Une deuxième salve inclut la refonte des redevances portant sur l’eau. Je ne suis pas loin de partager votre point de vue mais, dans la mesure où un travail est en cours sur la refonte totale des redevances, je pense qu’il serait bon de retirer votre amendement ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.

M. Éric Coquerel. Je vais le maintenir, de sorte que l’on s’en souvienne pour le travail à venir.

La commission rejette lamendement.

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Article 9
Suppression de taxes à faible rendement

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à supprimer 17 taxes à faible rendement, entendues comme celles dont le rendement est inférieur à 150 millions d’euros.

Le sujet des taxes à faible rendement est au cœur de problématiques à forts enjeux : la lisibilité et la bonne acceptation du dispositif fiscal ; les complexités de gestion, tant pour les entreprises que pour les administrations collectrices ; le poids des prélèvements obligatoires et leurs conséquences sur la compétitivité de l’économie française.

Cet article s’inscrit dans le cadre du projet de suppression de taxes à faible rendement engagé par le Gouvernement, suivant en cela les recommandations émises par la Cour des comptes et l’inspection générale des finances.

Les taxes supprimées sont les suivantes :

– taxe sur l’édition des ouvrages de librairie de l’article 1609 undecies du CGI ;

– taxe sur les appareils de reproduction de l’article 1609 undecies du CGI ;

– taxe sur l’ajout de sucre à la vendange, dite « de chaptalisation » de l’article 422 du CGI ;

– taxe sur les bois et plants de vigne perçue au profit de FranceAgriMer de l’article 1606 du CGI ;

– taxe sur exploitants agricoles producteurs de céréales de l’article 1606 du CGI ;

– taxe portant sur les farines de l’article 1618 septies du CGI ;

– taxe sur les produits de la pêche maritime instaurée au profit de France AgriMer de l’article 75 de la loi de finances rectificative pour 2003 ;

– taxe affectée à la Chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA) de l’article L. 4432-3 du code des transports ;

– taxe hydraulique affectée à Voies navigables de France de l’article L. 4312-6 du code des transports ;

– contribution de sécurité de la propriété maritime de l’article 254 du code des douanes ;

– prélèvement sur les numéros surtaxés pour les jeux et concours radiodiffusés et télévisés de l’article L. 137-19 du code de la sécurité sociale ;

– droit fixe dû par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne de l’article 1012 du CGI ;

– taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestres de l’article 1013 du CGI ;

– droit d’immatriculation des opérateurs et agences de voyage de l’article L. 141-3 du code de tourisme ;

– contribution aux poinçonnages et essai de métaux précieux de l’article 527 du CGI ;

– contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques de l’article 1609 decies du CGI ;

– taxe sur les contrats d’échange sur défaut d’un État de l’article 235 ter ZD ter du CGI ;

– taxe sur les entreprises de transport public routier de personnes qui assurent de services réguliers interurbains de l’article L. 3111-17 du code des transports.

La taxe hydraulique a le rendement est le plus élevé, avec 140,7 millions d’euros en 2017. Affectée à l’opérateur VNF, elle sera remplacée par un régime de redevances domaniales de droit commun, afin de clarifier un régime juridique donnant lieu à des contentieux multiples.

Les compensations des pertes de recettes doivent être assurées par le budget général de l’État, sous réserve des modalités particulières convenues avec les différents affectataires (Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, Caisse nationale des allocations familiales, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ‘Agence nationale des fréquences, Centre national du livre, FranceAgriMer et Atout France).

Dernières modifications législatives intervenues

Entre 2012 et 2017, 11 taxes à faible rendement ont été supprimées.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En premier lieu, la commission a adopté deux amendements de M. Labaronne (LaREM) visant à supprimer, d’une part, la redevance sur les obstacles situés sur les cours d’eau privés et, d’autre part, les droits d’enregistrement sur les cessions à titre onéreux de biens meubles corporels.

En deuxième lieu, la commission a adopté deux amendements de Mme Magnier (LR) visant à supprimer, d’une part, la taxe sur la recherche d’hydrocarbures et, d’autre part, la taxe sur la recherche de gîtes géothermiques.

En troisième lieu, la commission a adopté un amendement de Mme de Montchalin (LaREM) visant à supprimer la contribution sur les activités privées de sécurité.

En quatrième lieu, la commission a adopté un amendement de M. de Courson
(UDI-Agir) visant à exclure la filière animale du champ de la taxe due à l’Institut français des corps gras.

I.   L’État du droit

Les taxes à faible rendement doivent être entendues comme celles dont le produit est inférieur à 150 millions d’euros.

Le rapport de l’IGF de février 2014 consacré à la question recensait 192 taxes correspondant à cette définition, quand l’Allemagne n’en comptait que 3 et l’Italie 17 ([113]).

Il sera procédé à un inventaire critique des taxes dont la suppression est envisagée par le présent article.

A.   Les « Petites taxes »en vigueur

1.   Contribution de sécurité de la propriété maritime

Cette contribution – que l’on retrouve également sous le vocable d’« hypothèque maritime » – est prévue par l’article 254 du code des douanes.

Son rendement était de 1,13 million d’euros en 2017.

Son régime a été fixé par une loi du 3 janvier 1967 ([114]). Dérogeant au régime des hypothèques de droit commun, l’hypothèque maritime est perçue par le conservateur des hypothèques maritimes territorialement compétent.

Elle est destinée à faire participer aux frais de gestion de la publicité et de la conservation des hypothèques maritimes.

D’un montant correspondant à 0,05 % du capital des créances donnant lieu à l’hypothèque, elle est perçue au moment de l’inscription hypothécaire ou de son renouvellement.

2.   Taxe sur les contrats d’échange sur défaut d’État

L’article 5 de la première loi de finances rectificative pour 2012 ([115])  a instauré une taxe sur les transactions financières (TTF) comprenant trois parties : une taxe sur les acquisitions de titres de capital ou titres assimilés prévue par les dispositions de larticle 235 ter ZD du CGI ; une taxe sur les ordres annulés dans le cadre dopérations à haute fréquence prévue par les dispositions de larticle 235 ter ZD bis du CGI ; une taxe sur les acquisitions de contrats d’échange sur défaut d’un État prévue par les dispositions de l’article 235 ter ZD ter du même code.

Sont redevables de cette dernière taxe les personnes physiques domiciliées en France au sens de l’article 4 B du CGI, les entreprises exploitées en France au sens du I de l’article 209 CGI ou les entités juridiques établies ou constituées en France, qui achètent un contrat d’échange sur défaut d’un État de l’Union européenne (Credit Default Swap  CDS) nu, c’est-à-dire ceux qui ne détiennent pas de position longue sur la dette de l’État européen en question.

Elle est assise sur le montant notionnel du contrat, qui s’entend du montant facial utilisé pour calculer les paiements liés au contrat ; son taux est d’0,01 % d’un tel montant.

Ces dispositions avaient pour objectif de participer à la réforme des activités financières, eu égard au rôle des CDS dans l’amplification de la crise des dettes souveraines européenne.

Pour autant, la possibilité de détention de position non couverte sur un contrat d’échange sur défaut souverain a été interdite par le règlement européen du 14 mars 2012 sur la vente à découvert et certains aspects d’échange sur risque de crédit, entré en vigueur au 1er novembre 2012 ([116]). La présente taxe est alors devenue sans objet : elle ne possède aucun redevable et son rendement est nul.

3.   Taxe sur la chaptalisation

Créée en 1926, la taxe sur la chaptalisation avait pour objectif initial de protéger les viticulteurs ne recourant pas à la chaptalisation, considérée à l’époque comme s’apparentant à une forme de concurrence déloyale.

L’opération de chaptalisation – du nom de son inventeur, Jean-Antoine Chaptal – est l’opération qui consiste à ajouter du sucre au moût pour augmenter le degré d’alcool final du vin après fermentation alcoolique : on considère qu’une proportion de 17 grammes de sucre par litre de moût entraîne la formation d’un degré d’alcool supplémentaire.

Due par les viticulteurs recourant à cette pratique, la taxe de l’article 422 du CGI est assise sur la quantité de sucre ajoutée à la vendange par hectare de vigne, à un taux de 13 euros pour 100 kilogrammes.

Acquittée par un peu plus de 6 000 redevables, elle possède un rendement de 1,57 million d’euros.

Il convient de noter que le recours à la chaptalisation doit être autorisé par décision préfectorale ; de fait, une suppression de la taxe n’aboutirait pas pour autant à un développement massif de cette pratique.

4.   Contribution à la garantie sur les métaux précieux

Depuis 1260 et le statut des orfèvres, les pouvoirs publics se sont attachés à réglementer les professions travaillant l’or et l’argent, afin de garantir le titre des ouvrages. La contribution au poinçonnage, telle qu’elle existe en l’état du droit à l’article 527 du CGI, est donc issue d’une longue sédimentation historique qui a débouché sur la loi de finances rectificative pour 2003 ([117]).

Cette taxe vise à faire contribuer aux coûts les producteurs d’ouvrages en or, en argent ou en platine recourant au poinçonnage auprès des bureaux de garantie.

Son assiette est constituée par chaque ouvrage en or, en argent ou en platine faisant l’apposition d’un poinçon par un bureau de garantie, à un taux de 8 euros par ouvrage marqué en or ou en platine et 4 euros par ouvrage marqué en argent.

D’un rendement d’environ 580 000 euros, elle est acquittée par une dizaine de milliers de redevables.

La suppression de la contribution à la garantie sur les métaux précieux a été proposée par des amendements parlementaires lors des discussions budgétaires en 2014, 2015 et 2016. Ces amendements avaient fait l’objet d’avis défavorables du Gouvernement pour lequel la préservation de l’activité des organismes de contrôles agréés, la mission de service public de marque des bureaux de garantie et le maintien d’une application uniforme de la garantie sur le territoire justifiaient la conservation de la contribution au poinçonnage.

La question se pose différemment à l’heure actuelle dans la mesure où la suppression de la contribution au poinçonnage s’inscrit dans un contexte plus large de réforme de la garantie. À cet égard, l’administration a entamé des discussions avec les professionnels du secteur afin de moderniser le secteur de la bijouterie.

5.   Droit fixe dû par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne

La loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux de hasard en ligne a instauré un droit fixe exigible à chaque demande d’agrément, puis à chaque année de validité de l’agrément ([118]). L’objectif de ce droit était, selon les travaux parlementaires, d’instaurer une barrière à l’entrée, afin d’écarter les acteurs ne présentant pas des gages de sérieux suffisants.

Due par tout opérateur de jeux ou de paris en ligne agréé ou demandant un agrément, son montant est forfaitaire et dépend de la situation du demandeur : entre 2 000 et 15 000 euros pour une première demande ; entre 10 000 et 40 000 euros annuels au titre de chaque agrément délivré ou renouvelé ; entre 1 000 et 10 000 euros pour un renouvellement.

Elle a été acquittée par 15 personnes l’an dernier, pour un rendement total de 700 000 euros.

La loi relative à la consommation du 17 mars 2014 (dite « loi Hamon ») ([119]) a imposé aux entreprises sollicitant l’agrément en tant qu’opérateur de jeux ou de paris en ligne de justifier de l’existence d’une sûreté, d’une fiducie, d’une assurance, d’un compte sous séquestre ou de tout autre instrument ou mécanisme garantissant le reversement aux joueurs de leurs avoirs exigibles. De fait, cette disposition rend l’objectif d’assainissement du secteur par une taxe moins pertinent.

6.   Taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestre occupées à titre d’habitat principal

Les caravanes et maisons mobiles ne sont pas imposables au titre de la TH, dès lors qu’elles sont susceptibles d’être déplacées à tout moment. C’est pourquoi l’article 35 de la dernière loi de finances rectificative pour 2010 ([120])  – résultant d’un amendement sénatorial – a institué une taxe annuelle due par les personnes dont la résidence principale est constituée d’une résidence mobile terrestre.

Cette taxe, codifiée à l’article 1013 du CGI, est due par toute personne dont l’habitat principal sur le territoire est constitué d’une résidence mobile terrestre ; elle est d’un montant de 150 euros.

Son rendement n’est pas communiqué.

7.   Taxe sur les bois et plants de vigne

Issue de la directive du Conseil du 9 avril 1968 concernant la commercialisation des matériels de multiplication végétative de la vigne ([121]), cette taxe a été transposée en droit interne par la loi de finances pour 1969 ([122]). Codifiée à l’article 1606 du CGI, elle vise à assurer le financement, par les professionnels, des contrôles officiels réalisés par les services de l’État, qui garantissent la multiplication de variétés et de clones sains ayant une valeur agronomique, technologique et environnementale répondant aux critères de la viticulture actuelle.

Cette taxe est due, de manière annuelle, par tout producteur ou négociant en bois et plants de vigne. Elle est assise sur l’ensemble des matériels
– vignes-mères, boutures-pépinières, plants greffes-soudés –  pouvant être utilisés pour la multiplication végétative de la vigne, qui sont taxés de manière forfaitaire, dans une limite de 105 euros par an.

Son rendement, d’environ 600 000 euros, est affecté à FranceAgriMer.

8.   Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux applicable aux stations radioélectriques

Cette taxe, codifiée à l’article 1609 decies du CGI, qui pèse sur les stations radioélectriques, a été instituée, afin de financer les mesures des champs électromagnétiques émis par les stations et la recherche sur leurs effets sur la santé humaine.

Elle vise à mettre en œuvre les orientations retenues dans le cadre du Grenelle de l’environnement. En effet, l’article 42 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de lenvironnement du 3 août 2009 ([123])  Grenelle I ») a prévu la mise en place d’un dispositif de surveillance et de mesure des ondes électromagnétiques menées par des organismes indépendants accrédités. Ces dispositifs doivent être financés par un fonds indépendant alimenté par la contribution des opérateurs de réseau émettant des ondes électromagnétiques.

La TA-IFER stations radio est due par les stations de radios redevables de l’imposition sur les entreprises de réseaux (IFER), à l’exception des personnes qui exploitent des stations qui relèvent de la loi relative à la liberté de communication du 30 septembre 1986 ([124]). Son taux correspond à 4 % du montant de l’IFER.

Le produit de la contribution additionnelle, de 8,4 millions d’euros, est fractionné entre une part de 3,55 millions d’euros qui revient à l’État et un montant de 4,85 millions d’euros qui est affecté à un fonds qui le répartit :

– à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), en charge du financement de la recherche sur les effets sur la santé des champs électromagnétiques, dans la limite du plafond prévu au I de larticle 46 de la loi de finances pour 2012 ([125]) ;

– à l’Agence nationale des fréquences (ANFR), en charge du financement des mesures des champs électromagnétiques, dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

La suppression de la TA-IFER par le présent article soulève la question de sa compensation à l’ANSES, mais également à l’ANFR.

9.   Taxe sur l’édition des ouvrages de librairie

Initialement qualifiée de redevance, la taxe a été créée en 1976 au profit du Centre national des lettres (CNL). Son taux et ses modalités de détermination de l’assiette n’ont pas évolué depuis cette date ; seul le seuil de chiffre d’affaires s’est accru. Le produit de la taxe est en baisse constante depuis 2008 (d’environ 30 %), le secteur de l’édition étant fragilisé par les mutations liées au numérique, malgré la taxation des éditeurs numériques depuis le 1er janvier 2016.

Cette taxe, dont le régime est fixé aux articles 1609 undecies, 1609 duodecies, 1609 quaterdecies et 1609 quindecies du CGI, a pour mission de contribuer au financement du CNL, dont la mission est de soutenir, grâce à différents dispositifs et commissions, tous les acteurs de la chaîne du livre : auteurs, éditeurs, libraires et organisateurs de manifestations littéraires.

Due par les éditeurs dont le chiffre d’affaires de l’année précédente, pour cette branche d’activité, a excédé 76 300 euros toutes taxes comprises, elle représente 0,20 % du montant total des ventes (sauf exportations) des ouvrages de librairie de toute nature qu’ils éditent.

Elle est acquittée par environ 500 personnes, pour un montant d’environ 4 millions d’euros.

10.   Taxe sur les appareils de reproduction ou d’impression

Cette taxe, dont le régime est aussi fixé aux articles 1609 undecies, 1609 duodecies, 1609 quaterdecies et 1609 quindecies du CGI, a été instituée par l’article 22 de la loi de finances pour 1976 ([126]), afin d’atténuer le manque à gagner des auteurs, des éditeurs et des libraires, du fait du développement de la reprographie des ouvrages et des périodiques : elle était alors dénommée « redevance sur l’emploi de la reprographie ».

Son assiette a été élargie par l’article 105 de la loi de finances rectificative pour 2006 ([127]), afin d’intégrer les imprimantes, les machines à copier et télécopier, même combinées entre elles. L’article 52 de la troisième loi de finances rectificative pour 2009 ([128]) en a augmenté le taux de 2,25 % à 3,25 %.

Le CNL est financé en quasi-totalité par le produit de cette taxe (27,29 millions d’euros de recettes en 2017) ; son affectation fait l’objet d’un plafond qui, n’étant pas atteint, n’aboutit à aucun reversement au budget général.

La suppression de cette taxe par le présent article implique la budgétisation d’une dotation budgétaire allouée au CNL dans la loi de finances pour 2019.

11.   Taxe sur les farines, semoules et gruaux tendres livrées ou mises en œuvre en vue de la consommation humaine

La taxe portant sur les blés tendres, régie par l’article 1618 septies du CGI, a été créée par l’article 34 de la loi du 31 juillet 1962 ([129]) ; elle était alors destinée au budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA). Elle est actuellement affectée à la Mutualité sociale agricole (MSA), et représente environ 2 % de ses ressources.

Due par tout meunier, opérateur ou importateur procédant à l’introduction des produits sur le territoire, la taxe « farines » est assise sur l’ensemble des farines, semoules et gruaux de blé tendre livrés ou mis en œuvre en vue de la consommation humaine ; les exportations en sont exonérées. Son taux est de 15,24 euros par tonne, depuis 1991.

Avec un millier de redevables, la taxe farines possède un rendement d’environ 64 millions d’euros.

Dans leur rapport d’information de 2016 ([130]), nos collègues Véronique Louwagie et Razzy Hammadi ont proposé la suppression de cette taxe. De même, la Cour des comptes a, une nouvelle fois dans son Rapport public annuel publié le 7 février 2018, recommandé de supprimer cette taxe considérée comme trop coûteuse (avec des frais de gestion proches de 25 %) et « ayant perdu son sens dans le cadre du marché unique européen ».

Selon la Cour des comptes, la taxe sur les farines n’a pas d’équivalent en Europe. Aussi, les industriels agroalimentaires européens qui introduisent en France des produits contenant de la farine de blé tendre ont tendance à l’éluder, faute de connaître son existence. L’identification de ces redevables et aléatoire et coûteuse pour la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), en l’absence de contrôles aux frontières intra-européennes.

Si l’abrogation de cette taxe supprime son affectation au régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles, le PLFSS pour 2019 prévoit une compensation. Ainsi, une fraction du droit de consommation sur les alcools est transférée au régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles, qui percevra à l’avenir 6,87 % de ce droit, et non plus 4,18 %. Le régime agricole de base est compensé par le régime de base, auquel il est financièrement intégré.

12.   Taxe sur les céréales affectée à l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer

L’imposition des céréales est issue d’une tradition multiséculaire qui remonte à la dîme cléricale au champart seigneurial. Dans ce prolongement, cette taxe, dont le régime est défini à l’article 1619 du CGI, a été formellement créée par la loi de finances rectificative pour 2003 ([131])  en remplacement d’anciennes taxes parafiscales.

Cette taxe est exigible à la livraison des produits et recouvrée par la DGDDI sur la base de déclarations fournies par les collecteurs agréés. Son produit est affecté à France AgriMer dans la limite d’un plafond prévu en loi de finances.

Due par tout exploitant agricole producteur de céréales à raison de 0,28 euro par tonne de céréales livrées aux collecteurs, cette taxe possède un rendement de 17,5 millions deuros. S’il existe environ 130 000 céréaliers en France, la taxe a été collectée par les 1 121 collecteurs agréés en 2017.

Cette taxe ne frappe que les céréales produites en France – y compris si elles sont exportées – mais pas les céréales importées, ce qui est source de concurrence déloyale au détriment des producteurs français. Il était en outre relevé par le rapport précité de 2016 – qui concluait à sa suppression –, que les modalités de calcul et la procédure de déclaration de cette taxe sont sources d’une importante complexité.

13.   Prélèvement sur le produit des appels à des numéros surtaxés effectués dans le cadre des programmes télévisés et radiodiffusés comportant des jeux et concours

Le prélèvement sur le produit des appels à des numéros surtaxés effectués dans le cadre de programmes télévisés et radiodiffusés comportant des jeux et concours, prévu à l’article L. 137-9 du code de la sécurité sociale, a été institué, sur initiative sénatoriale, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ([132]). Il visait à corriger une iniquité puisque tous les jeux de hasard – à l’exception notable des jeux de hasards télévisuels – voyaient les sommes engagées, ou produits réalisés à cette occasion, assujettis à contributions sociales.

Sont redevables de cette taxe, dont le taux est de 9,5 %, les organisateurs de jeux et de concours. Son assiette est constituée par le montant des appels effectués au moyen de numéros audiotels ou de messages écrits adressés, net des coûts de l’opérateur et des remboursements de la participation aux jeux et concours, et diminué de la valeur des gains distribués aux spectateurs, auditeurs et candidats.

La taxe sur les numéros surtaxés possède un rendement d’environ 3 millions deuros, affecté à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

14.   Droit d’immatriculation des opérateurs de voyages et de séjours

Cette taxe, prévue par l’article L. 141-3 du code du tourisme, est destinée à couvrir les frais d’instruction à l’occasion de l’immatriculation des opérateurs et agences de voyage sur le registre tenu par Atout France.

Elle est due par toute personne qui souhaite élaborer, vendre ou offrir à la vente dans le cadre de ses activités commerciales, industrielles, artisanales ou libérales des forfaits touristiques ou de services de voyage portant sur le transport, le logement, la location d’un véhicule ou d’autres services qu’elle ne produira pas elle-même.

D’un montant de 150 euros au moment de la demande d’immatriculation, renouvelable tous les trois ans, elle possède un produit d’environ 200 000 euros.

La suppression de cette taxe rendrait gratuite l’immatriculation des opérateurs et services de voyages sur le registre tenu par Atout France.

15.   Taxe sur les titulaires d’ouvrages destinés à prélever ou à évacuer des volumes d’eau sur le domaine public fluvial, ou « taxe hydraulique »

Issue de l’article 124 de la loi de finances pour 1991 ([133]) et régie par l’article L. 4316‑3 du code des transports, cette taxe est affectée à l’établissement public administratif Voies navigables de France (VNF), qui est chargé de gérer la majeure partie du réseau des voies navigables de France (3 800 kilomètres de canaux, 2 900 kilomètres de rivières et de fleuves et près de 3 000 ouvrages d’art).

Est redevable de la taxe hydraulique le titulaire d’un ouvrage de prise d’eau, de rejet d’eau ou d’autres ouvrages hydrauliques destinés à prélever ou à évacuer des volumes d’eau sur le domaine public fluvial qui lui est confié.

La taxe comprend deux éléments :

1° un élément égal au produit de la superficie de l’emprise au sol des ouvrages correspondants par un taux de base fixé dans la limite des plafonds suivants :

a) 1,52 euro par mètre carré pour une emprise située dans une commune de moins de 2 000 habitants ;

b) 15,2 euros par mètre carré pour une emprise située dans une commune de plus de 2 000 habitants et de moins de 100 000 habitants ;

c) 30,49 euros par mètre carré pour une emprise située dans une commune de plus de 100 000 habitants.

Pour les ouvrages destinés à un usage agricole, le plafond est celui fixé au a), quelle que soit la population de la commune où est situé l’ouvrage ;

2° un élément égal au produit du volume prélevable ou rejetable par l’ouvrage par un taux de base compris entre 1,5 euro et 7 euros par millier de mètres cubes prélevables ou rejetables, et identique pour tous les usagers. À ce second élément est appliqué un coefficient d’abattement compris entre 90 % et 97 % pour les usages agricoles et entre 10 % et 30 % pour les usages industriels. Ce coefficient d’abattement est fixé à 97 % pour l’alimentation en eau d’un canal de navigation.

Son rendement s’élève à 140,7 millions d’euros en 2017, affecté dans une limite de 132,8 millions d’euros à VNF. Le plafond a été fixé à 127,8 millions d’euros en loi de finances pour 2018. Cette taxe représente le quart des ressources de VNF.

Selon l’article L. 4311-1 du code des transports, VNF est chargé :

– d’assurer l’exploitation, l’entretien, la maintenance, l’amélioration, l’extension et la promotion des voies navigables ainsi que de leurs dépendances en développant un transport fluvial complémentaire des autres modes de transport, contribuant ainsi au report modal par le réseau principal et par le réseau secondaire ;

– de la gestion hydraulique des voies qui lui sont confiées en conciliant les usages diversifiés de la ressource aquatique, ainsi qu’en assurant l’entretien et la surveillance des ouvrages et aménagements hydrauliques situés sur le domaine qui lui est confié ;

– de concourir au développement durable et à l’aménagement du territoire, notamment par la sauvegarde des zones humides et des aménagements nécessaires à la reconstitution de la continuité écologique, la prévention des inondations, la conservation du patrimoine et la promotion du tourisme fluvial et des activités nautiques ;

– de gérer et exploiter, en régie directe ou par l’intermédiaire de personnes morales de droit public ou de sociétés qu’il contrôle, le domaine de l’État qui lui est confié en vertu de l’article L. 4314-1 ainsi que son domaine privé.

Cette taxe a donné lieu à plusieurs contentieux devant les juridictions du fond de l’ordre administratif, compétent en la matière ([134]). En effet, et selon la jurisprudence européenne, une aide accordée à une entreprise opérant à la fois sur un marché fermé à la concurrence et sur un marché ouvert à celle-ci peut fausser le libre jeu de la concurrence au sens de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et être qualifiée d’aide d’État ([135]). Or, la jurisprudence européenne ne s’arrête pas à la qualification juridique du bénéficiaire de l’aide, qui peut donc être une personne publique ([136]).

Ainsi, la cour administrative d’appel a-t-elle récemment considéré que la taxe hydraulique constituait, pour VNF, une aide d’État illégale, en ce que l’établissement devait être regardé comme une entreprise exerçant des activités dans le secteur concurrentiel « notamment du fait des opérations de promotion immobilière quil initie et contrôle, par lintermédiaire de sociétés dont il a suscité la création, sur des parcelles déclassées du domaine public dont lÉtat lui a confié la gestion » ([137]). Si cet arrêt a été cassé par le Conseil d’État ([138]), le régime juridique de la taxe hydraulique apparaît insuffisamment sécurisé.

De fait, cette taxe doit être remplacée par une redevance domaniale qui aura pour effet de faire contribuer les usagers du réseau fluvial navigable aux dépenses de VNF à proposition de leurs capacités contributives et de l’avantage économique qu’ils tirent de l’utilisation du réseau fluvial. À ce stade, le Gouvernement n’a pas apporté de précisions sur cette évolution qui ressort du domaine réglementaire. En tout état de cause, l’objectif de cette réforme est de sécuriser juridiquement les ressources de VNF sans en dégrader le rendement financier.

16.   Taxe affectée à la Chambre nationale de la batellerie artisanale

La Chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA) est un établissement public national à caractère administratif institué par la loi d’orientation des transports intérieurs (« LOTI ») du 30 décembre 1982 ([139]).

La taxe visant à alimenter la CNBA est prévu à l’article 93 de la loi de finances pour 1985 ([140]), désormais codifié au sein du code des transports, à l’article L. 4432‑3. Visant toute entreprise de batellerie artisanale ou société coopérative de transport fluvial, elle est assise sur le poids des marchandises transportées sur une certaine distance : 0,36 euro par millier de tonnes kilométriques de marchandises générales ; 0,16 euro par millier de tonnes kilométriques de marchandises spécialisées.

Elle possède un rendement de 1,2 million d’euros.

Cette taxe, collectée par VNF, est la principale source de financement de la CNBA (entre 97 et 99 % des produits), qui a pour mission de représenter, soutenir et défendre la profession de batelier.

La mission conduite par l’IGF sur les petites taxes, en 2014, recommandait de supprimer la taxe et, le cas échéant, de la remplacer par une contribution volontaire dans le cadre d’un accord de branche ([141]).

Plus récemment, le Premier président de la Cour des comptes a rendu, le 8 décembre 2017, un référé concernant la CNBA. Critique, le Premier président a souligné, dans ce référé, une « accumulation de dysfonctionnements de gestion au mépris de lintérêt général » ([142]).

Il a également été souligné dans ce référé que la taxe affectée fait actuellement l’objet d’une large sous-utilisation qui conduit la CNBA à enregistrer dans ses comptes des réserves qui représentent annuellement 75 % du montant perçu ; entre 80 et 90 % du reliquat est affecté aux charges de personnel et de structures. Par conséquent, la suppression de l’établissement public CNBA et, partant, de la taxe, ont été proposés.

Le présent article tire les conclusions de ces différentes critiques en supprimant la CNBA et la taxe qui lui était affectée.  Désormais, les entreprises de la batellerie artisanale et les sociétés coopératives artisanales devront être immatriculées au répertoire des métiers, ce qui met fin à une singularité au sein de l’artisanat.

17.   Taxe au profit de FranceAgriMer sur les produits de la pêche

La création, en 1983, du fonds d’intervention et d’organisation des marchés des produits de la pêche maritime et des cultures marines (FIOM) a conduit à se pencher sur la question de son financement. Le choix d’une fraction du produit des dépenses parafiscales alimentant le comité central des pêches maritimes a été fait. L’interdiction du recours aux taxes parafiscales, en 2003, a abouti à la taxe dans sa forme actuelle.

Cette taxe est due par l’armateur et le premier acheteur pour les produits de la pêche débarqués en France par un navire français ou par l’importateur du produit étranger. Son taux est le suivant :

– 0,20 % pour les produits destinés à la conserve ou à la semi-conserve. La taxe est répartie à raison de 0,12 % à la charge de l’armateur et 0,08 % à la charge du premier acheteur ;

– 0,27 % pour les autres produits, répartis à raison de 0,12 % à la charge de l’armateur et 0,15 % à la charge du premier acheteur.

D’un rendement de 4 millions d’euros, elle est affectée, depuis 2009, à FranceAgriMer, organisme issu de la fusion de cinq offices agricoles dont l’ancien FIOM.

Le rapport d’information réalisé par nos collègues Véronique Louwagie et Razzy Hammadi a, lui, proposé la suppression de cette taxe ([143]). Cette taxe n’a, selon le rapport parlementaire, qu’une finalité budgétaire puisqu’elle ne sert qu’à alimenter le budget de FranceAgriMer, à hauteur de 0,5 %.

B.   la poursuite d’une simplification fiscale

La France se caractérise par un nombre anormalement élevé de taxes à faible rendement ; elles forment un précipité qui témoigne de sa riche histoire fiscale. Certaines ont perdu leur justification originelle, d’autres ont vu leur public disparaître, toutes méritent d’être examinées à l’aune des exigences d’efficience et de cohérence de la loi fiscale sans lesquels il ne peut y avoir de consentement à l’impôt.

Le sujet des taxes à faible rendement est ainsi au cœur de problématiques à forts enjeux : la lisibilité et la bonne acceptation du dispositif fiscal ; les complexités de gestion, tant pour les entreprises que pour les administrations collectrices ; le poids des prélèvements obligatoires et leurs conséquences sur la compétitivité de l’économie française. Aussi, une suppression des taxes à faible rendement est-elle régulièrement évoquée. Le bilan du toilettage des dispositifs fiscaux qui entrent dans cette catégorie reste néanmoins plus modeste : entre 2011 et 2017, seuls 11 dispositifs fiscaux ont été supprimés.

Si les comparaisons internationales constituent un exercice délicat en matière de fiscalité tant les différences de nomenclatures ou de définitions ne sont que les reflets des conceptions nationales touchant à la place de l’État, les classements internationaux pointent régulièrement la complexité de la fiscalité française.

Il en est ainsi du classement Doing Business édité chaque année par la Banque mondiale et qui classe la France, pour 2018, en cinquante-quatrième position en ce qui concerne le paiement des taxes et des impôts ([144]). Si ce chiffre ne recouvre pas uniquement le nombre de taxes et impôts présents en France, un tel nombre se répercute sur le nombre d’heures passées, annuellement, au paiement des impôts, mais également sur la pression fiscale ou, s’agissant des taxes à faible rendement, son ressenti.

La France est le seul pays de l’Union européenne à posséder un nombre supérieur à 100 de « taxes mineures » – selon la nomenclature de la Commission européenne –, c’est-à-dire dont le rendement est inférieur à 0,1 point de PIB ([145]).

Le Gouvernement s’est engagé par une circulaire du Premier ministre en date du 29 mars 2018, reprise par une circulaire commune de la directrice du budget et du directeur de la législation fiscale du 26 avril 2018, à fixer un objectif de réduction des taxes à faible rendement.

Après recension, la suppression de 17 taxes est proposée par le présent article. Il est prévu, par ailleurs, à l’article 10 du présent PLF la fusion de trois taxes sur la publicité audiovisuelle.

II.   le dispositif proposé

A.   La suppression de 17 taxes

taxes supprimées

(en millions d’euros)

Intitulé de la taxe

Disposition législative

Affectataire

Coût de la suppression
pour laffectataire

Contribution aux poinçonnages et essai de métaux précieux

Article 527 du CGI

État

– 1,57

Taxe sur les contrats d’échange sur défaut d’un État

Article 235 ter ZD ter du CGI

État

– 0,58

Taxe sur l’ajout de sucre à la vendange

Article 422 du GI

État

– 1,13

Droit fixe dû par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne 

Article 1012 du GI

État

0

Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques – Fraction État

Article1609 decies du CGI

État

– 3,55

 

 

Sous-total État

 7,53

Taxe annuelle sur les résidences mobiles terrestres

Article 1013 du CGI

Collectivités territoriales et EPCI

0

 

 

Sous-total collectivités territoriales

0

Taxe sur les farines

Article 1618 septies du CGI

Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA)

– 64

Prélèvement sur les numéros surtaxés pour les jeux et concours radiodiffusés et télévisés 

Article L. 137-19 du code de la sécurité sociale

CNAF

– 3

 

 

Sous-total sécurité sociale

 67

Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) applicable aux stations radioélectriques

Article 1609 decies du CGI

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et Agence nationale des fréquences (ANFR)

– 4,85

Taxe sur l’édition des ouvrages de librairie de l’article

Article 1609 undecies du CGI

Centre national du livre

– 4

Taxe sur les appareils de reproduction

Article 1609 undecies du CGI

Centre national du livre

– 25

Redevance pour la certification des bois et plants de vigne

Article 1606 du CGI

FranceAgriMer

– 0,6

Taxe sur les céréales

Article 1619 du CGI

FranceAgriMer

– 17,5

Taxe sur les produits de la pêche maritime

Article 75 de la loi 2003 de finances rectificative pour 2013

FranceAgriMer

– 4

Droit d’immatriculation des opérateurs et agences de voyage

Article L. 141-23 du code de tourisme

Atout France

– 0,2

Taxe affectée à la chambre nationale de la batellerie artisanale

Article L. 4432-3 du code des transports

Chambre nationale de la batellerie artisanale

– 1,2

 

 

Sous-total autres administrations publiques

– 57,15

TOTAL

 

 

 131,68

Source : commission des finances.

B.   une rationalisation du paysage des petites taxes A saluer mais dont la cohérence pose question

La suppression de ces dispositifs conduit à la simplification du paysage fiscal des acteurs économiques, mais également à un gain financier. Aussi, cet article conduit à une amélioration de la compétitivité des entreprises concernées.

Néanmoins, le périmètre retenu de cette simplification pose question. Le rapport de l’IGF de 2014 proposait un ambitieux scénario de suppression qui recouvrait 159 taxes. À cet égard, le présent article apparaît plus modeste.

La cohérence de certaines suppressions pose également question. Ainsi, le Conseil des prélèvements obligatoires relevait, en 2013, que FranceAgriMer faisait partie des entités affectataires de plus de 4 taxes, en l’espèce 5 ([146]). Le présent article  supprime les deux plus importantes et une troisième plus modeste : la taxe sur les produits de la mer (au rendement de 5,7 millions d’euros), la taxe sur les céréales (au rendement de 17,5 millions d’euros) et la taxe sur les bois et plants de vigne (au rendement de 650 000 euros). Pour autant, la taxe sur les certificats sanitaires et phytosanitaires ([147]) et la taxe pour l’utilisation de la plateforme logicielle Expadon ([148]), qui possèdent toutes deux un rendement de 2 millions d’euros, sont préservées. Si la taxe sur les certificats résulte d’une obligation communautaire, elle pourrait abonder le budget général, afin que l’ensemble des ressources de FranceAgriMer soient « rebudgétisées » dans un souci de clarté et de simplification.

*

*     *

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF261 de M. Jean-Pierre Vigier et I-CF566 de M. Marc Le Fur.

Elle en vient ensuite aux amendements identiques I-CF821 de M. Thibault Bazin et ICF1146 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Les bailleurs sociaux ont dû supporter la baisse drastique des aides personnalisées au logement. Pour leur permettre de continuer à investir, le Gouvernement les a encouragés à vendre leur parc, avec un objectif de 40 000 logements par an. La loi ELAN leur facilitera, en ce sens, les ventes en bloc. En parallèle, une taxe sur les ventes de logements HLM avait été mise en place en loi de finances pour 2018, en vue d’une plus grande contribution au FNAL, par le biais d’une contribution à la Caisse de garantie du logement locatif social, censée être calculée dès le second semestre 2018, sur la base des ventes réalisées en 2017. Or, dans la mesure où il y a eu peu de ventes en 2017, il y aura peu de recettes. M. le ministre, Gérald Darmanin, voulant supprimer les taxes à faible rendement, il serait pertinent de supprimer celle-ci dont la collecte sera plus coûteuse que le rendement.

M. François Pupponi. Je précise qu’il n’y aura pas de perte de recettes pour l’État, puisque ce sont les bailleurs qui paieront différemment. Nous supprimerions une taxe sans pour autant pénaliser le budget de l’État.

M. le Rapporteur général. Avant de pouvoir dire qu’une mesure est inefficiente et qu’elle rapporte peu, encore faut-il qu’elle soit mise en œuvre. Or son décret d’application n’a même pas six mois d’existence. Laissons-la vivre : nous reposerons la question une fois qu’elle aura vécu. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF822 de M. Thibault Bazin et ICF1147 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Monsieur le Rapporteur général, je vous ai entendu, mais je crois qu’il y a un problème de timing : la loi ELAN n’a pas encore été votée au Sénat, et ne le sera que le 16 octobre. Les ventes ne pourront vraiment avoir lieu que dans quelques mois. Le volume des ventes s’élève aujourd’hui à moins de 10 000 par an, ce qui correspond à un rendement extrêmement faible. Il serait opportun de préciser, par le biais de cet amendement, que cette taxe ne sera applicable qu’à compter du 1er janvier 2019. Ceux qui la calculent aujourd’hui, aussi bien les bailleurs que l’administration, rencontrent des soucis.

M. François Pupponi. Le décret est paru, mais il s’avère très compliqué à mettre en œuvre, voire inapplicable. Les acteurs concernés n’arrivent pas à appliquer le texte. Ils sont prêts à payer, mais rien ne sert de les obliger à remplir des documents dans tous les sens sur une année, pour une taxe qui ne rapporte rien et qui nous prend la tête... Les acteurs sont prêts à payer ce qu’ils doivent, mais pas à passer six mois à remplir des documents qui ne rapporteront rien. Ce décret est juste inapplicable !

M. le Rapporteur général. S’agissant du timing de la loi ELAN, les conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) seront adoptées le 16 octobre.

M. Thibault Bazin. C’est ce que j’ai dit !

M. le Rapporteur général. Je maintiens mon argument de la relative nouveauté du décret. Je vous propose d’avoir cette discussion en séance. Mais, en tout état de cause, il ne nous appartient pas de supprimer une mesure qui vient d’être mise en œuvre dans une loi dont la CMP a été de surcroît conclusive. Avis défavorable.

M. Julien Aubert. Je ne suis pas certain que cette mesure ait un lien avec la CMP de la loi ELAN : le décret est plus ancien. Par ailleurs, je voudrais rassurer le Rapporteur général : il est déjà arrivé de supprimer dans l’hémicycle des mesures qui venaient tout juste d’entrer en vigueur, sans faire bouger un cheveu de la majorité. Si cela peut marcher pour d’autres dispositifs, pourquoi pas pour celui-ci ? Enfin, la meilleure manière d’avoir un débat dans l’hémicycle avec le ministre, c’est de supprimer le dispositif : cela obligera les services de Bercy à expliquer en quoi il est effectivement productif, quel est son coût de perception, quel est son rendement attendu. D’après les chiffres que nous avons, on parle de quelques milliers de logements sur l’année. Il faut voir le grand chamboule-tout qui est en train de frapper les offices HLM, qui ont autre chose à faire que décrypter un décret mal écrit et essayer de percevoir une taxe sur quelques centaines d’unités.

M. François Pupponi. Cette mesure, qui a été votée l’année dernière, n’a donc rien à voir avec la loi ELAN.

M. le Rapporteur général. Je le sais bien !

M. François Pupponi. Étant donné qu’elle est compliquée à mettre en œuvre et qu’elle ne rapportera rien en 2018, nous vous proposons de ne l’appliquer qu’à partir de 2019, lorsque la loi ELAN entrera en vigueur et accélérera les mutations. Il n’est pas question de la supprimer. Les bailleurs paieront ce qu’ils doivent en 2018, et la taxe ne s’appliquera qu’en 2019. Mais si vous voulez compliquer les choses, allons-y !

La commission rejette ces amendements.

Elle passe ensuite à lexamen des amendements I-CF129, I-CF107 et I-CF108 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Ces amendements visent à supprimer une taxe à faible rendement sur les navires de plaisance et de sport d’une certaine catégorie : elle n’a rapporté que 82 500 euros sur les 10 millions d’euros escomptés. C’est donc clairement une taxe à faible rendement.

M. le Rapporteur général. Sans vouloir faire de jeu de mots, si vous aviez bien lu le rapport d’informations sur l’application des mesures fiscales, vous auriez la réponse : c’est une taxe qui est plus que jeune et dont l’administration fiscale a souligné qu’elle n’avait pas encore atteint son régime de croisière, si j’ose dire... De surcroît, cette taxe a fait l’objet de telles résistances que beaucoup de procédures de recouvrement forcé sont en cours auprès de redevables indélicats. Laissez-la vivre... Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Laissez-la mourir plutôt ! Elle ne rapporte rien. Les yachts de grand tonnage ont tout simplement changé leur immatriculation. Voilà un nouvel exemple que trop d’impôt tue l’impôt ! Dans deux ans, vous constaterez que la situation n’aura pas changé. Et s’il faut que nos fonctionnaires courent après les yachts...

Mme Véronique Louwagie. Nagent plutôt !

M. Charles de Courson. ... qui se sont délocalisés, pour aller dans les ports italiens ou ailleurs, quelle situation de fous ! Pourquoi ne pas faire en plus une exit tax sur les yachts ?

Mme Lise Magnier. Vous nous confirmez, monsieur le Rapporteur général, que cette taxe est, en plus, très compliquée à recouvrer, puisque l’on va devoir passer par des procédures de recouvrement forcé. Elle va donc nous coûter donc plus cher que ce qu’elle rapportera. Je maintiens mon amendement pour la supprimer.

M. François Pupponi. Monsieur le Rapporteur général, pour compléter votre réponse, il faudrait peut-être que vous nous disiez les conséquences que cette taxe a eues sur les ports de plaisance en France. Pour ce que j’en sais, certains bateaux n’ont plus voulu les fréquenter et ont préféré aller en Italie, notamment parce que ce pays a baissé ses taxes sur les carburants. Non seulement nous sommes en train de ne pas recouvrer un impôt, mais surtout de faire fuir des gens qui fréquentaient ces ports et ne les fréquentent plus.

M. le Rapporteur général. Pour répondre à la première question, il n’y a pas eu de modifications relatives aux immatriculations, mais simplement des contribuables qui ont refusé de payer. Quant à la seconde question, je n’ai pas de réponse. Néanmoins, je crois que supprimer cette taxe serait donner raison à des contribuables indélicats qui nous mènent en bateau...

M. Stanislas Guerini. Je m’étonne de voir François Pupponi, avec lequel j’ai partagé un bout de chemin idéologique, défendre le dumping fiscal... Par ailleurs, cette mesure venait accompagner, l’année dernière, en toute cohérence, nos mesures de suppression de l’ISF.

M. le président Éric Woerth. On dirait qu’elle ne la contrebalance pas vraiment...

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas du tout efficace !

M. François Pupponi. Monsieur Guerini, il semblerait que vous n’ayez pas bien compris, quand vous étiez plus jeune, ce que l’on vous a expliqué. Quand on vote un impôt, qui n’entraîne pas de recettes et qui, en plus, pénalise des activités économiques, on réfléchit pour savoir si l’on a vraiment eu raison. Et si l’on s’aperçoit que l’on a eu tort, on change ! Il faut être lucide sur ce que l’on fait, y compris sur ses propres erreurs. Le ministre de l’intérieur, pardon, l’ancien ministre de l’intérieur a même appelé à un peu d’humilité...

Mme Amélie de Montchalin. M. Saïd Ahamada, rapporteur spécial pour les affaires maritimes, présentera des amendements sur le droit annuel de francisation et de navigation, et l’administration dit vouloir travailler à une réforme d’ampleur sur tout le droit de la francisation. Cette question qui mérite en effet un toilettage, une réorganisation et surtout de l’efficacité, cet impôt ayant montré ses limites.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine lamendement I-CF59 de M. Sébastien Leclerc.

M. Marc Le Fur. Défendu.

M. le Rapporteur général. Cet amendement vise à exclure les véhicules de collection de la taxe dite « taxe à l’essieu ». Or je précise que la taxation est diminuée si un véhicule ne circule pas suffisamment : de fait, les véhicules de collection ne sont pas nécessairement soumis à une taxation.

Au vu de ces éclaircissements, je vous propose de retirer cet amendement. À défaut, j’y suis défavorable.

M. Marc Le Fur. Je le retire.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement I-CF1318 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Cet amendement vise à supprimer la redevance pour obstacle sur les cours d’eau qui concerne toute personne possédant un ouvrage constituant un obstacle continu joignant les deux rives d’un cours d’eau. Elle n’est pas due lorsque le dénivelé est inférieur à 5 mètres et pour les cours d’eau dont le débit moyen est inférieur à 0,3 mètre cube par seconde.

Eu égard à la complexité du dispositif, à ses modalités de perception et au très faible rendement de ladite redevance, un rapport de l’IGF avait recommandé sa suppression.

En outre, en raison du montant réduit des sommes perçues, les effets incitatifs de cette redevance pour réduire les entraves au cours d’eau ne sont pas atteints.

M. le Rapporteur général. Dans le grand mouvement de suppression des petites taxes, et l’IGF ayant donné son aval à la suppression de la redevance, j’émets un avis favorable. Mais comme il s’agit d’une taxe perçue par les agences de l’eau, il conviendra de prévoir une compensation.

M. le président Éric Woerth. Le produit de la redevance s’élève à 280 000 euros !

Mme Véronique Louwagie. Monsieur Labaronne, cette redevance concerne-t-elle les moulins ?

M. le président Éric Woerth. Et la taxe sur les farines est-elle affectée... ?

M. Daniel Labaronne. Cette redevance ne concerne pas les propriétaires d’ouvrages faisant partie d’installations hydroélectriques assujetties à la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau.

M. le président Éric Woerth. Il conviendra d’éclaircir ce point.

La commission adopte lamendement I-CF1318 (amendement I-2240).

Elle examine ensuite lamendement I-CF1236 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Entre 2001 et 2012, le nombre de sans domicile fixe a augmenté de 50 %, pour atteindre 140 000 personnes dont 30 % d’enfants ; la crise du logement, entre les mal-logés, les sans-abri, et ceux qui sont contraints d’être hébergés chez un tiers, touche près de 3 millions de personnes en France. Or, dans le même temps, l’Institut national de la statistique et des études économiques a relevé un accroissement du nombre de logements vacants de 25 % : en 2016, on en comptait près de 2,8 millions, soit plus de 8 % de l’ensemble des logements en France métropolitaine.

Si l’on veut que cette situation cesse, il faut pénaliser beaucoup plus fortement ceux qui laissent ces logements vacants, souvent pour des raisons spéculatives. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’augmenter drastiquement le taux de taxe sur les logements vacants (TLV).

M. le Rapporteur général. Si je demeure un des zélateurs de la TLV et de la TH sur les logements vacants, qui est à l’initiative des collectivités locales, j’indique que le mécanisme de la TLV a été encadré par une décision du Conseil constitutionnel de 1999.

Je suis défavorable à votre amendement, même si l’objectif d’assurer la fluidité locative est louable. J’ajoute que ces dispositifs sont appelés à être revus dans le cadre de la réforme de la TH. L’examen du texte sur les finances des collectivités locales sera donc l’occasion de réfléchir à un équivalent de TLV particulièrement efficace en termes de fluidité locative.

M. Éric Coquerel. Je maintiens mon amendement car une fois de plus l’argument avancé est que cette question sera traitée plus tard par le Gouvernement – s’il y en a un d’ailleurs. Je vous propose de ne pas attendre et d’adopter dès à présent cette mesure jugée utile.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement I-CF1056 de M. Benjamin Dirx.

M. Benjamin Dirx. La contribution sur les revenus locatifs est applicable aux revenus tirés de la location de locaux professionnels ou d’habitation situés en France dans des immeubles achevés depuis plus de quinze ans au 1er janvier de l’année d’imposition.

Initialement applicable à l’ensemble des bailleurs, la liste de ses redevables s’est progressivement restreinte, les personnes physiques en ayant été exclues à compter du 1er janvier 2006 ; cette taxe est due uniquement par les personnes morales ou par les organismes sans but lucratif.

Dans un rapport de 2014, l’IGF en proposait déjà la suppression : cette taxe ne concernait plus que vingt redevables pour une recette estimée à 180 000 euros.

Nous proposons donc la suppression de cette contribution, dont les recettes qu’elle génère ainsi que le nombre de redevables sont somme toute assez limités.

M. le Rapporteur général. Effectivement, cette taxe a fait l’objet d’une demande de suppression lors de l’examen du PLF pour 2015. Mais à l’époque, la rapporteure générale du budget, Mme Valérie Rabault, avait démontré que le rendement était très supérieur aux estimations et que le rapport de 2014 comportait des erreurs. Je m’en tiens donc à ce qu’elle avait dit alors, et je donne un avis défavorable à la suppression de cette contribution.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement I-CF1316 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Cet amendement propose de supprimer la taxe sur les ordres annulés dans le cadre d’opérations à haute fréquence prévue par les dispositions du CGI, qui visait à encadrer, voire à limiter la pratique des activités de trading à haute fréquence.

Il s’avère que ce dispositif est très largement contourné puisque la rédaction actuelle du texte permet aux entreprises concernées de contourner en partie le dispositif en réalisant des opérations à haute fréquence d’une durée juste supérieure à une demi-seconde ou en s’organisant pour que le montant des ordres annulés ou modifiés n’excède pas en une seule journée le seuil de 80 % visé par le CGI.

Au regard du faible rendement de cette taxe, inférieur à 100 000 euros, et à l’existence de moyens de contournement qui la rendent de fait inopérante, je propose de la supprimer.

M. le Rapporteur général. Supprimer cette taxe serait un très mauvais signal politique. En revanche, la question devra être abordée en séance publique, cette taxe n’étant pas efficace à cause de l’aspect réglementaire qu’il conviendra d’améliorer.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, au vu de votre âge je pensais que vous n’étiez plus naïf depuis longtemps ! Chacun sait que cette taxe est idéologique, que les ministres de l’économie n’y ont jamais été favorables et que les textes d’application l’ont vidé de tout sens. Je m’étonne de tant de naïveté...

Mme Amélie de Montchalin. Nous sommes là exactement dans le travail que nous cherchons à faire : ne pas avoir de posture idéologique sur les petites taxes, mais les évaluer.

M. Labaronne démontre que cette taxe a un rendement faible. Mais le but n’est pas nécessairement de la supprimer : il s’agit de voir si l’on peut la rendre cohérente avec ses objectifs de politique publique initiaux, à savoir, comme l’a dit le Rapporteur général, qu’elle fonctionne.

Lors de la remise du rapport sur les finances durables devant la Commission européenne, à Bruxelles, le 22 mars dernier, réunion à laquelle participait d’ailleurs le président de la République, la question des horizons des investisseurs a été posée. Le rallongement des horizons de manière réglementaire, prudentielle, a été arrêté en tant qu’objectif, et il a été indiqué que ce genre de taxe n’était pas là pour dissuader des comportements mais qu’ils étaient nocifs au bon fonctionnement des marchés financiers. Il n’est donc pas question de revenir sur l’objectif, mais bien de faire fonctionner une taxe. Nous voyons là que l’évaluation précise et profonde permet de mettre en valeur les inefficiences de politiques publiques.

M. le président Éric Woerth. Il est vrai que l’horizon d’une demi-seconde est assez faible…

M. Julien Aubert. Passer 10 minutes à discuter de la suppression ou non d’une taxe qui rapporte 100 000 euros prouve que la France est un pays très conservateur. Souvent, on ne nous indique que le produit d’une taxe. Or ce qui m’intéresse, c’est de savoir quel est son coût de perception. Par exemple, la TVA est un impôt qui rapporte beaucoup et qui ne coûte pas cher, l’impôt sur le revenu rapporte trois fois moins alors qu’il coûte plus cher. Quant à l’ex‑ISF, il coûtait très cher pour un rendement très faible. C’est donc à partir du coût de perception et du produit de la taxe que l’on peut voir si cette taxe a du sens d’un point de vue économique. Mais il me paraît très difficile de passer demain d’un rendement de 100 000 euros à plusieurs millions d’euros.

La commission rejette lamendement.

Elle étudie ensuite lamendement I-CF1243 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Cet amendement vise à simplifier le droit fiscal en supprimant les droits d’enregistrement sur les mutations à titre onéreux de meubles corporels en raison notamment de leur faible rendement – 70 000 euros – et des inégalités de traitement qu’ils entraînent.

Outre le faible rendement de ces taxes, seules les cessions par actes notariés ou soumises volontairement à formalités par l’acquéreur sont susceptibles de faire l’objet de ce droit d’enregistrement. Or les autres cessions portant sur ces mêmes objets et effectuées par accord verbal ou par acte sous seing privé ne sont pas soumises à la perception de ce droit. Il en résulte une distorsion de traitement à laquelle il conviendrait de mettre fin.

M. le Rapporteur général. Avis favorable, pour les deux motifs qui viennent d’être cités, la distorsion étant, me semble-t-il, l’élément le plus important.

La commission adopte lamendement I-CF1243 (amendement I-2242).

Puis elle est saisie de lamendement I-CF1169 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Amélie de Montchalin. Nous poursuivons ce travail d’exploration extrêmement intéressant de nos archives et profondeurs fiscales...

Il se trouve que certains impôts ou en tout cas certains droits sont appliqués aux entreprises lorsqu’elles assurent des actes plutôt quotidiens de leur vie. Lorsque vous augmentez le capital, lorsque vous prolongez une société, lorsque vous augmentez le capital en incorporant des bénéfices, lorsque vous changez de régime fiscal ou lorsque vous faites des fusions, des droits extrêmement modiques – de l’ordre de 300 à 500 euros par opération – s’appliquent aux sociétés ayant un capital d’au moins 225 000 euros.

Nous souhaitons, par souci de cohérence avec le projet de loi PACTE, retirer un frein à la croissance d’entreprises que constituent tous ces petits frais qui n’ont pas d’incidence sur le budget de l’État mais qui affectent lourdement sur le plan administratif la croissance et la vie quotidienne des entreprises.

M. le Rapporteur général. Favorable. C’est effectivement une punition pour la croissance qui est assez curieuse.

M. Julien Aubert. J’ai un doute quant aux droits pesant sur le changement de régime fiscal de la société. Lorsque vous changez de régime fiscal, votre dossier est transféré, ce qui entraîne un coût pour l’administration fiscale. Ne faudrait-il pas inciter les entreprises qui peuvent tentées par l’optimisation à ne pas changer incessamment de régime fiscal ?

M. le président Éric Woerth. On le paie déjà dans ses impôts !

M. Jean-Paul Mattei. Ces droits fixes qui existent dans les opérations de restructuration nécessitent souvent la formalité dite de l’enregistrement, qui donne date certaine. En supprimant cette taxe, il faut prendre garde à ne pas supprimer la formalité qui peut donner date certaine dans certaines opérations. Je sais bien que l’on est dans un processus de simplification, mais il faut réfléchir à l’effet domino qu’une telle décision pourrait avoir.

Mme Véronique Louwagie. Ce que vient de dire M. Mattei est important. J’avais cru comprendre que l’enregistrement était gratis. Est-ce bien le cas ?

M. le Rapporteur général. Je crois que Mme Louwagie a raison, que l’enregistrement est en effet gratis.

M. le président Éric Woerth. Mais le droit ne l’est pas.

M. François Pupponi. Avec le présent amendement et le précédent, on touche au principe des droits d’enregistrement, c’est-à-dire à un acte fait soit par des particuliers, soit par des entreprises, qui a une date certaine et une valeur juridique. C’est ce principe que l’on est en train de mettre en cause. Avant d’adopter de telles mesures, réfléchissons à ce que sont les droits d’enregistrement.

M. le président Éric Woerth. Les choses ne s’éclaircissent pas...

Mme Amélie de Montchalin. Avec la mesure que nous proposons, les actes continueront d’être faits, et ils ont une valeur juridique. Quand une entreprise augmente son capital, elle ne le fait pas d’un claquement de doigts, un certain nombre de procédures et d’enregistrements sont nécessaires.

Ce que nous souhaitons, c’est envoyer aux entreprises qui font des actes quotidiens de leur vie qui peuvent se faire par des décisions formalisées en interne en conseil d’administration, par des déclarations au fisc, etc. le signal qu’elles n’auront plus de droits à payer, car cela nous semble aller dans le sens contraire des réformes que nous voulons faire.

M. le président Éric Woerth. On pourrait considérer que cela entre dans les frais de gestion de l’administration générale.

M. François Pupponi. C’est un principe : quand il y a enregistrement, il y a paiement de droits. Dès lors que l’on remet en cause l’application de droits d’enregistrement pour certains, il y a rupture d’égalité. En effet, il est proposé que les entreprises, celles qui ont le plus de capitaux, ne paient plus de droits, tandis que le contribuable lambda, lui, continuera à payer les droits d’enregistrement pour le plus petit acte notarié.

Mme Amélie de Montchalin. Il est déjà exonéré !

Mme Véronique Louwagie. Madame de Montchalin, a-t-on une idée du montant que représentent l’ensemble de ces droits ?

Mme Marie-Christine Dalloz. L’exposé sommaire fait état de « droits dus sur les actes relatifs à la vie des sociétés et assimilés ». Il s’agit donc bien de sociétés existantes, précision qu’il conviendrait d’ajouter. Par ailleurs qu’entend-on par « actes relatifs à la vie des sociétés » ? Est-ce l’évolution du capital, la dissolution ?

Mme Amélie de Montchalin. Madame Louwagie, comme vous le savez, nous manquons terriblement ici d’éléments de chiffrage, et à ce jour il n’est pas possible d’avoir une idée précise du montant en jeu.

Si l’on considère que le débat n’est pas mûr aujourd’hui, je suis prête à retirer l’amendement et à le redéposer en séance publique en vue d’obtenir une réponse du ministre. Il n’y a pas de raison de polémiquer sur ce sujet, nous essayons seulement de clarifier les choses, et de simplifier la vie des entreprises. La discussion a montré qu’il est nécessaire de retravailler sur cette question. Je retire donc cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Cette question sera clarifiée en séance publique.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement I-CF39 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Une fois n’est pas coutume, cet amendement vise à maintenir une taxe, en l’occurrence le paiement d’un droit fixe par les opérateurs de jeux ou de paris en ligne dans certains cas, notamment lors du dépôt d’une demande d’agrément ou d’une demande de renouvellement d’agrément.

Le rendement de cette taxe s’élève à 700 000 euros, ce qui peut paraître faible, mais le signal est éloquent : les opérateurs de jeux et de paris en ligne ne sont peut-être pas les organismes qui ont le plus besoin d’un allégement de leur fiscalité. À titre de comparaison, je rappelle que l’année dernière on a supprimé une aide au départ en vacances, autrement dit un dispositif important d’aide publique, qui représentait un montant de 400 000 euros pour le budget de l’État.

M. le Rapporteur général. Sans vouloir défendre le « tripot en ligne », je constate que cette taxe a été créée dans le seul objectif de constituer une barrière à l’entrée sur ce marché d’acteurs ne présentant pas des gages de sérieux suffisants. Entre-temps, la loi « Hamon » a imposé des contraintes extrêmement fortes à ce type d’activité, ce que je trouve légitime. De ce fait, une disposition qui avait été prévue pour assainir le secteur se trouve contrecarrée par des conditions d’entrée des opérateurs de paris en ligne extrêmement strictes et contrôlées.

C’est pourquoi, j’émets, à mon grand regret, un avis défavorable sur votre amendement et que je m’en tiens à la proposition du Gouvernement.

M. François Pupponi. Je suppose que les futurs acquéreurs de La Française des jeux bénéficieront de la suppression de ces droits. C’est donc un deuxième cadeau qui leur est fait...

M. le président Éric Woerth. Cela contribuera à la valorisation de La Française des jeux...

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement I-CF1160 de Mme Amélie de Montchalin.

M. Laurent Saint-Martin. Il s’agit de supprimer la taxe sur les friches commerciales instaurée par le collectif budgétaire de 2006. Si nous reconnaissons volontiers que l’objectif de cette taxe est louable, elle est particulièrement inefficace puisqu’elle n’est utilisée que par un peu plus de soixante communes pour un montant de 400 000 euros environ. Nous proposons donc de la supprimer, pour des raisons de collecte et de recouvrement notamment, et de la compenser pour les communes qui en bénéficient.

M. le Rapporteur général. Je suis un peu gêné par cet amendement, parce que j’ai demandé les chiffres actualisés : or il se trouve que cette taxe a connu un développement récent extrêmement important puisqu’en 2018 ce sont au total 920 communes qui l’ont mise en place, directement ou via leur EPCI de rattachement. Si l’on regarde les délibérations de ces communes, on s’aperçoit que l’instauration de cette taxe est fortement liée à sa politique sur les locaux commerciaux vacants qui deviennent nombreux dans certains secteurs et qui sont liés au développement du e-commerce.

Nous ne sommes donc plus du tout dans les conditions du rapport de l’IGF de 2014, puisque les communes ou les EPCI délibèrent les uns après les autres pour la mettre en place. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, afin que nous puissions nous appuyer sur des chiffres de 2018, qui sont très différents de ceux de l’IGF.

M. Laurent Saint-Martin. La remarque du Rapporteur général est pertinente. J’entends la nécessité d’actualiser les chiffres, mais même avec un nombre de communes bien plus important et un rendement plus élevé, nous pouvons engager une réflexion sur ce type de fiscalité. Je retire l’amendement et je le représenterai en séance publique avec de nouveaux chiffres. Cela dit, je maintiens que la taxe sur les friches commerciales n’est pas la plus pertinente, même si elle bien plus plébiscitée qu’auparavant.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie, en présentation commune, des amendements I-CF130 et ICF131 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Contrairement à Mme de Montchalin, je n’ai pas fait d’exploration fiscale : j’ai seulement repris le PLF de 2018, par lequel cette majorité a décidé de créer deux taxes de faible rendement et que je propose de supprimer.

M. le Rapporteur général. L’année dernière, en commission des finances, je m’étais opposé à la création de ces deux taxes parce que je ne comprenais pas leur objet et le périmètre en était tel que le recouvrement de ces taxes ne pouvait qu’être supérieur à leur produit.

Je ne peux donc être que favorable à la suppression de la taxe sur la recherche d’hydrocarbures qui a failli ne jamais voir le jour ainsi qu’à la suppression de sa sœur, la taxe sur la recherche de gîtes géothermiques.

M. Julien Aubert. Je suis, moi aussi, favorable à ces amendements. Nous devrions adopter une méthodologie afin de connaître systématiquement, pour chaque taxe, le produit et le coût de recouvrement.

Tout à l’heure, on a eu le cas d’une taxe latente dont le coût de recouvrement est nul, mais qui peut être plus ou moins utilisée au fil des ans. Par exemple, pourquoi supprimer la taxe sur les friches commerciales qui n’est pas utilisée mais qui ne coûte rien, et qui pourra servir peut-être dans dix ans ? À mon avis, ce qui nous manque, c’est de savoir comment a évolué le produit. Ces éléments méthodologiques nous permettraient de comparer d’une année sur l’autre toutes ces taxes que l’on met dans le même sac en considérant qu’elles ont un faible rendement alors qu’elles n’ont pas les mêmes caractéristiques ni les mêmes composantes de construction.

M. François Pupponi. J’apprécie que le Rapporteur général nous dise qu’une taxe créée en 2018 peut disparaître en 2019...

À la lecture de l’amendement, on voit qu’il ne s’agit pas de supprimer une taxe mais de la remplacer par une autre puisqu’il est écrit que « la perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et par la création dune taxe additionnelle ».

M. le président Éric Woerth. Vous savez bien qu’il s’agit du mécanisme de gage.

M. François Pupponi. Je l’ai bien compris ; reste que la compensation dont bénéficieront certaines communes se fait au détriment d’autres. Et pour certaines communes, ce n’est pas rien !

M. le président Éric Woerth. Je suis persuadé que le Gouvernement vous entendra et qu’il lèvera le gage. En tout cas, nous y veillerons.

La commission adopte successivement les amendements I-CF130 (amendement I-2263) et I-CF131 (amendement I-2265).

Puis elle étudie lamendement I-CF40 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. C’est un amendement de cohérence. Dans le texte, l’abrogation de la taxe appelle l’abrogation des dispositions relatives à son régime d’imposition.

M. le Rapporteur général. Je pense que votre amendement est déjà satisfait : il propose de supprimer les articles dont la suppression est proposée. Je vous demande donc de le retirer. Je ne comprends pas très bien...

Mme Émilie Bonnivard. Je le maintiens parce qu’il y a là un vrai biais que les services devraient examiner précisément.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à lamendement I-CF919 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin. Il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à sensibiliser le Rapporteur général sur la taxe sur les huiles végétales.

Comme l’ensemble des petites taxes que nous ciblons, elle est complexe et elle crée un problème de compétitivité pour les entreprises concernées. Le dernier recensement de l’IGF fait état de 600 redevables environ, qui sont des producteurs, des fabricants ou des importateurs. Le coût de production d’une boîte de sardines à l’huile d’une marque française, produite en France est bien plus élevé que celui d’une boîte de sardines à l’huile importée. Il y a donc là un vrai problème de compétitivité pour nos entreprises, et pas seulement un problème de complexité de recouvrement. Il faudra vraiment repenser la fiscalité sur les huiles, qui est vraiment pénalisante pour les producteurs et les importateurs.

M. le Rapporteur général. Je suis d’accord avec vous en ce qui concerne le caractère pénalisant de cette taxe. Cela dit, sachant que son produit, qui s’élève à 139 millions d’euros, est affecté directement au régime des prestations sociales des non-salariés agricoles, il faudra avoir une discussion en séance publique pour savoir comment rebudgétiser ces 139 millions d’euros. C’est la raison pour laquelle, en 2014, l’IGF recommandait son maintien et non sa suppression.

Sachant que cette caisse subit déjà la suppression de la taxe sur les farines avec compensation, je souhaite avoir les mêmes engagements du Gouvernement sur la compensation de la taxe sur les huiles. L’affaire devra être résolue à trois partenaires : l’auteur de l’amendement, le Gouvernement et le Rapporteur général. Si l’on me garantit que les 139 millions d’euros seront bien réaffectés, j’y serai favorable.

Mme Véronique Louwagie. Sous la précédente législature, j’avais présidé une mission d’information sur la taxation des produits agroalimentaires, dont notre collègue Razzy Hammadi était le rapporteur. Nous avions proposé de supprimer certaines taxes – dont celles sur les farines et sur les huiles – qui représentaient environ 600 millions d’euros au total. À l’époque, Valérie Rabault, rapporteure générale de notre commission des finances, nous avait indiqué, à juste titre, qu’il était difficile de déplacer 600 millions d’euros au cours d’un même exercice. Nous avions alors proposé d’intégrer ces suppressions dans le cadre d’un plan pluriannuel.

En tout cas, je me réjouis de la suppression de la taxe sur les farines cette année car c’était une revendication ancienne. Elle aussi était affectée aux prestations sociales, et plus précisément à la Mutualité sociale agricole (MSA). Nous pouvons donc trouver une solution pour la taxe sur les huiles, peut-être par le biais de la branche retraite, comme le suggère mon collègue Charles de Courson.

Rappelons qu’il existe cinq barèmes différents pour les huiles, en fonction de leur nature, et qu’à chacun d’eux correspondent deux tarifs, l’un pour les liquides et l’autre pour les solides. Et c’est l’huile d’olive, dont on vante les bienfaits pour la santé, qui se retrouve la plus taxée...

M. Charles de Courson. Je suis tout à fait favorable à la suppression de cette taxe comme à celle sur les farines. Cependant, la MSA nous a appris ce matin que, en l’état actuel des choses, aucune compensation n’est prévue. On pourrait le proposer dans un amendement, pour tâter le Gouvernement.

M. Laurent Saint-Martin. Pour rassurer Charles de Courson, je répète qu’il s’agit d’un amendement d’appel destiné à provoquer la discussion. J’ai bien conscience que les 140 millions ne sont pas compensés. Nous pourrions peut-être obtenir un engagement en séance : la taxe sur les farines serait supprimée cette année et celle sur les huiles le serait l’an prochain, avec un mécanisme de compensation budgétaire. Je retire mon amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement I-CF1162 de Mme Amélie de Montchalin.

M. Laurent Saint-Martin. Cette fois-ci, on parle de la taxe sécurité qui, contrairement à ce que l’on pense, n’est pas une taxe affectée. Elle est fondée sur un mécanisme un peu curieux qui n’a pas fonctionné. Elle est effectivement levée sur des contributeurs d’activités privées de sécurité, mais le bénéficiaire est financé par une ligne budgétaire et non pas directement par l’affectation de cette taxe.

Mon amendement propose donc de supprimer une taxe qui ne fonctionne pas selon le mécanisme prévu initialement, mais en permettant au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) d’en conserver le bénéfice budgétaire. L’idée n’est pas de le priver de ses ressources mais de baisser la pression fiscale supportée par ceux qui paient cette taxe qui n’est pas très efficace, puisqu’elle ne va même pas au bénéficiaire prévu à l’origine.

M. le Rapporteur général. Pour cet amendement, je m’en remets à la sagesse de la commission.

Laurent Saint-Martin a raison de souligner le caractère assez curieux de cette taxe qui n’est pas affectée mais qui le devient, de fait, par le biais d’un mécanisme de subvention. J’observe néanmoins que sa suppression constituerait une perte de recettes de 30 millions d’euros pour l’État, versées par un secteur qui, disons-le, connaît une forte croissance.

Je ferais une remarque plus générale sur les centres techniques industriels (CTI), que devrait approuver Charles de Courson. Si une profession ressent le besoin d’avoir un centre d’appui, il serait peut-être mieux qu’elle en décide et s’organise elle-même plutôt que de passer par un système de taxe affectée. La remarque vaut pour le CNAPS. Le mécanisme fait transiter par le budget de l’État des moyens qui devraient être réglés par les professions elles‑mêmes.

M. Charles de Courson. Quel est le montant de la subvention ? Est-il inférieur à la taxe collectée ?

M. le Rapporteur général. La subvention est de 18 millions d’euros.

M. Charles de Courson. Et on prélève 30 millions : il reste donc 12 millions d’euros pour les recettes générales de l’État. Ne faudrait-il pas créer une contribution volontaire obligatoire et laisser la profession s’organiser ? Après tout, qu’elle finance son organisme !

M. Laurent Saint-Martin. Vous avez raison de souligner, monsieur le Rapporteur général, que l’activité de cette profession croît. Le rendement de la taxe, lui, n’augmente pas ; elle permet de collecter environ 30 millions d’euros depuis 2012, dont 18 millions sont reversés – mais pas affectés – au CNAPS.

L’idée est de proposer à cette filière de s’organiser elle-même – comme vous le recommandez – et de supprimer cette taxe qui crée une pression fiscale de manière assez peu efficace sur les organismes concernés.

M. François Pupponi. S’il y a une profession qu’il ne faut pas laisser s’organiser elle-même, c’est bien celle-là ! C’est une activité en plein développement. De tous côtés, on recourt à des sociétés privées de sécurité parce que la police nationale est de moins en moins présente et que les polices municipales ne peuvent pas suffire. Ces sociétés recrutent comme elles peuvent, avec toutes les dérives que l’on sait. Si un secteur économique nécessite de l’ordre, c’est bien celui-là.

À mon avis, il vaut mieux modifier cette taxe plutôt que de la supprimer, et financer un organisme public qui surveille ces sociétés afin d’éviter les dérives auxquelles nous sommes en train d’assister. La pire des choses serait de laisser ces sociétés se débrouiller entre elles. J’ai du mal à croire que ce secteur en plein développement échapperait à cette taxe. Je pense que ce secteur doit être contrôlé encore plus rigoureusement qu’à présent et qu’il ne faut surtout pas laisser cette affaire à une organisation interprofessionnelle.

M. le président Éric Woerth. Ce que vous soulevez n’est pas vraiment un problème de fiscalité. Reste qu’il est nécessaire de faire le ménage dans les petites taxes même si c’est visiblement difficile.

La commission adopte lamendement I-CF1162 (amendement I-2270).

Puis elle examine lamendement I-CF41 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Par cet amendement, nous proposons le maintien du droit d’immatriculation des organismes de voyages et de séjours et nous voulons nous assurer que la recette sera bien versée à Atout France.

Au sein du groupement Atout France, une commission est chargée d’immatriculer les personnes physiques ou morales qui, dans le cadre de leur activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, élaborent et vendent des forfaits touristiques, des services de voyage concernant le transport, le logement, la location d’un véhicule ou autres services de voyage. Cette mesure concerne également les personnes physiques ou morales qui émettent des bons ou coffrets permettant d’acquitter le prix de l’une de ces prestations.

Actuellement, cette immatriculation est renouvelable tous les trois ans et est subordonnée au versement de frais d’immatriculation dans la limite de 150 euros à la commission d’Atout France. La suppression de ces frais est programmée dans le PLF 2019, mais rien n’est prévu pour compenser la recette qui en découle pour Atout France.

En tant que rapporteure spéciale du budget du tourisme, je souhaite vérifier que les moyens dédiés à l’opérateur de l’État en charge du tourisme soient sauvegardés.

M. le Rapporteur général. C’est la deuxième fois, madame la députée, que vous tentez de maintenir une taxe. J’ai bien compris qu’avec cet amendement d’appel vous voulez savoir où en est la compensation de la suppression de cette taxe pour Atout France. C’est le ministre qui détient la réponse : je vous propose de représenter cet amendement en séance afin qu’il puisse vous répondre au sujet de cette « affectation » de recettes indispensables au fonctionnement d’Atout France.

La commission rejette lamendement.

Puis elle passe à lamendement I-CF1090 de M. Benoit Potterie.

Mme Valérie Petit. Cet amendement propose de supprimer la taxe pour le développement des industries de l’horlogerie, de la bijouterie, de l’orfèvrerie et des arts de la table. Dans son rapport de 2014, l’IGF avait souligné le rendement modeste de cette taxe. Il avait alors été suggéré de la remplacer par une contribution volontaire de la part des entreprises. Cela peut sembler logique car il est douteux que l’État ait à intervenir directement en faveur de la promotion de ces acteurs économiques.

M. le Rapporteur général. Je viens de m’exprimer d’une manière générale sur les CTI : je préférerais que les professions s’organisent elles-mêmes. Il ne faut pas agir par petits bouts, en choisissant un CTI plutôt qu’un autre. Même si je partage votre objectif, j’émets un avis défavorable à votre amendement et je plaide pour une réflexion globale sur le financement des CTI par autre chose que des taxes affectées.

M. le président Éric Woerth. Je pense que notre commission devrait se saisir de ce sujet récurrent. Les CTI sont nécessaires. Si une profession estime que ce n’est pas le cas, elle doit en tirer toutes les conséquences. La fiscalité doit suivre ce mouvement. Je serais assez favorable à ce que nous nous réunissions spécifiquement, sous la houlette de notre Rapporteur général, sur ce problème général des CTI.

Mme Véronique Louwagie. Ce serait en effet une bonne idée. Nous devons être très prudents et veiller à ne pas déstabiliser des filières organisées en fonction de certains sujets. Il nous arrive de regretter que les filières ne soient pas suffisamment organisées pour développer leurs exportations. Il vaut donc mieux les soutenir dans leurs actions plutôt que d’agir au cas par cas au risque de les déstabiliser.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, lamendement I-CF1217 de M. Paul Molac et I-CF709 de M. Charles de Courson.

M. Paul Molac. Mon amendement I-CF1217 a pour objet de supprimer le montant de la taxe due par les filières animales et destinée à l’Institut des corps gras (ITERG). En 2017, elle représentait 23 000 euros, soit seulement environ 3 % du montant global de la taxe fiscale affectée à l’ITERG, ce qui reste très négligeable.

De surcroît, cette mesure s’inscrit dans la continuité de la démission des acteurs de la filière animale du conseil d’administration de l’ITERG, qui rassemble désormais uniquement des acteurs de la filière oléagineuse.

M. Charles de Courson. M. Molac a dit d’essentiel. Pour votre information, les recettes fiscales de l’ITERG s’élèvent à 660 000 euros, dont l’essentiel provient de taxes sur les huiles industrielles et autres. La taxe sur les huiles animales ne représente que 23 000 euros, soit 3 % à 4 % du total. De plus, les représentants de la filière animale ont démissionné en bloc du conseil d’administration de l’ITERG, disant qu’ils n’étaient pas concernés par les travaux de l’Institut. Il serait cohérent de retirer ces 23 000 euros.

M. le Rapporteur général. Je m’en remettrai à la sagesse de la commission concernant ces amendements, compte tenu des faibles montants en jeu pour la filière. Puisqu’ils ne sont pas identiques, je vous propose de vous mettre d’accord sur une rédaction commune.

M. Charles de Courson. Contrairement à moi, Paul Molac n’a pas précisé de date d’application. Je lui propose de cosigner le mien qui pourrait alors être adopté. Notre collègue Louwagie pourrait aussi le cosigner puisqu’elle avait proposé la suppression de cette taxe dans son rapport, il y a déjà deux ans.

M. Paul Molac. Je suis d’accord pour retirer mon amendement et me rallier à celui de mon collègue de Courson.

Lamendement I-CF1217 est retiré.

La commission adopte lamendement I-CF709 (amendement I-2320).

Puis elle en vient à lamendement I-CF132 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Pour continuer avec cette valse des petites taxes, je vous propose de supprimer la taxe additionnelle sur l’immatriculation des voitures de sport, disposant d’une puissance fiscale supérieure à 36 chevaux. Cela correspond à une très faible partie des véhicules en circulation.

Notre Rapporteur général, lui-même, confiait récemment au journal Les Échos que « la direction de la législation fiscale a déclaré ne pas pouvoir apporter des éléments lui permettant dindiquer le nombre de taxations réalisées et le produit des taxes collectées ».

Je crois qu’il est vraiment nécessaire de supprimer cette taxe.

M. le Rapporteur général. En fait, en l’absence de chiffrage, on ne peut pas savoir combien rapporte cette taxe. De la même façon, ce n’est pas parce que la direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction ne fait pas un suivi du dispositif « Pinel » que celui-ci coûte cher. J’attends d’avoir des chiffres pour donner un avis autre que défavorable à cet amendement. En outre, quel que soit ce montant, je pense que le moment n’est pas forcément bien choisi pour supprimer cette taxe : le signal pourrait être mal perçu.

M. Charles de Courson. Cette taxe produit le même effet que celle sur les yachts : une délocalisation des immatriculations. Des spécialistes de ces questions m’ont expliqué que les immatriculations se faisaient dans des pays étrangers, notamment quand les gens possèdent des sociétés.

Mme Lise Magnier. Monsieur le Rapporteur général, si cette taxe n’est pas chiffrée, c’est qu’elle n’est pas recouvrée. Elle ne sert donc à rien et il faut la supprimer.

M. le Rapporteur général. Non, l’absence de chiffrage n’équivaut pas à absence de recouvrement et de rendement. Certains types de taxe ne sont pas identifiés, ce qui est assez incroyable. En outre, vous avez tous été témoins des problèmes que nous avons eus avec les certificats d’immatriculation des véhicules. Compte tenu des éléments qui nous manquent sur les certificats d’immatriculation, on ne peut pas avoir de chiffres cohérents. Attendons d’avoir des chiffres cohérents.

Mme Lise Magnier. Je retire mon amendement, en attendant ces chiffres cohérents...

Lamendement est retiré.

La commission adopte larticle 9 modifié.

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*     *

Article 10
Fusion des taxes sur la publicité audiovisuelle

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article est destiné à rationaliser la taxation des messages publicitaires diffusés à la télévision et à la radio. En l’état du droit, ces messages font l’objet de 3 taxes affectées au budget général de l’État :

– la taxe sur la publicité télévisée de l’article 302 bis KA du CGI ;

– la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision de l’article 302 bis KD du CGI ;

– la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision de l’article 302 bis KG du CGI.

Ces trois taxes, au rendement d’environ 50 millions d’euros, frappent la même assiette – le chiffre d’affaires publicitaire, dont elles représentent environ 15 % du montant – et les mêmes redevables, à savoir les éditeurs et régies publicitaires.

Le présent article refond ces trois taxes en une imposition annuelle unique qui sera due par les mêmes redevables.

La nouvelle taxe annuelle sur les sommes versées par les annonceurs pour la diffusion en France de messages publicitaires sur des services de télévision ou de radio est due à raison de l’encaissement des sommes correspondant à de telles opérations.

La taxe est assise sur le montant total annuel des sommes versées par les annonceurs pour la diffusion en France de leurs messages publicitaires.

Le montant est calculé selon un barème progressif qui distingue services de télévision et services de radiodiffusion.

Selon l’évaluation gouvernementale, l’impact de cet article doit être neutre tant sur le budget général de l’État que sur les opérateurs.

Dernières modifications législatives intervenues

La taxe sur la publicité télévisée de l’article 302 bis KA a été instituée par l’article 39 de la loi de finances pour 1982 pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 1982, puis successivement reconduite en 1984 et 1985. Elle a finalement été pérennisée par le III de l’article 16 de la loi de finances pour 1986.  Elle n’a pas été modifiée depuis la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

La taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision de l’article 302 bis KD a été instituée par l’article 47 de la loi du 31 décembre 2002 de finances pour 2003. L’article 121 de la loi de finances pour 2005 en a modifié les tarifs, qui sont toujours en vigueur.

La taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision de l’article 302 bis KG a été instituée par l’article 32 de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service de télévision, afin de financer l’arrêt de la publicité après 20 heures sur les chaînes du service public. Son assiette et son champ d’application ont été modifiés par l’article 37 de la loi de finances pour 2018, faisant suite à la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-620 QPC du 30 mars 2017.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Un triple dispositif de taxation

1.   Taxe sur la publicité télévisée (article 302 bis KA du CGI)

Instituée par l’article 39 de la loi de finances pour 1982 ([149]) pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 1982, puis successivement reconduite en 1984 et 1985, la taxe sur la publicité télévisée a finalement été pérennisée par la loi de finances pour 1986 ([150]). Elle n’a pas été modifiée depuis la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ([151]).

Cette taxe frappe les messages publicitaires reçus en France sur des écrans de télévision, à l’exception de ceux diffusés pour le compte d’œuvres reconnues d’utilité publique. En sont redevables les régies publicitaires, c’est-à-dire celles qui commercialisent les espaces destinés à la publicité.

La taxe est assise sur chaque message de publicité, dont la base d’imposition est constituée par le prix facturé.

Son taux est progressif en fonction du prix facturé par la régie publicitaire.

Tarifs de la taxe sur la publicitÉ tÉLÉvisée

Valeur du message

Tarif applicable

Supérieur à 150 € mais inférieur à 1 520 €

3,80 €

Supérieur à 1 520 € mais inférieur à 9 150 €

20,60 €

Supérieur à 9 150 €

34,30 €

Source : article 302 bis KA du CGI.

Le produit de cette taxe a été, en 2017, de 10 millions d’euros. On a dénombré 83 redevables.

2.   Taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision (article 302 bis KD du CGI)

La taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision a été instituée par l’article 47 de finances pour 2003 ([152]) ; elle est l’héritière de la taxe parafiscale sur la publicité radiodiffusée et télévisée. L’article 121 de la loi de finances pour 2005 ([153]) en a modifié les tarifs, qui sont toujours en vigueur.

Jusqu’au 31 décembre 2009, cette taxe était affectée à la section Soutien à lexpression radiophonique locale du compte d’affectation spéciale (CAS) Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale.

Cette taxe est due par les personnes qui assurent la régie de messages publicitaires diffusés à partir du territoire français. Sont imposables les opérations d’émission et de diffusion en France des messages publicitaires par voie de radiodiffusion et de télévision.

La taxe est assise sur le montant hors TVA des recettes trimestrielles des régies, constituées par les paiements des annonceurs aux fins d’émission et de diffusion de leurs messages publicitaires.

Le montant de la taxe est fonction d’un barème progressif constitué de 23 tranches pour la publicité radiodiffusée et de 26 tranches pour la publicité télévisée.

Le produit de cette taxe a été, en 2017, de 26 millions d’euros. Elle a été payée par 275 redevables.

3.   Taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision (article 302 bis KG du CGI)

La taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision, codifiée à l’article 302 bis KG du CGI, a été créée par l’article 32 de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle ([154]) selon une logique similaire à celle de la taxe sur les services de télévision de l’article L. 115-6 du code du cinéma et de l’image animée.

Envisagée pour compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions après 20 heures, son produit est pourtant, depuis la création de cette taxe, affecté au budget général de l’État. Cet état de fait peut sembler d’autant plus paradoxal que cette entreprise en constitue l’un des principaux redevables.

Par décision du 30 mars 2017 ([155]), le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution une partie de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision, dont les conséquences s’étendent à la taxe sur la diffusion de contenus audiovisuels. La question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d’État le 23 décembre 2016 portait sur l’éventuelle contrariété avec l’exigence de prise en compte des facultés contributives (découlant du principe d’égalité devant les charges publiques garanti par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789), du fait que la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision (telle que prévue par l’article 302 bis KG du CGI) pesait sur le montant, hors TVA, des sommes versées par les annonceurs, pour la diffusion de leurs messages publicitaires, aux redevables concernés « ou aux régisseurs de messages publicitaires ».

Selon les requérants, la taxe était en effet assise sur des sommes perçues par des tiers (en l’occurrence les régisseurs de messages publicitaires), sommes dont ne disposent pas les éditeurs de services de télévision lorsqu’elles ne font l’objet d’aucun reversement. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a, en effet, censuré cet aspect de la taxe, en soulignant le fait que, dans ce cas précis, aucune dérogation au principe découlant de l’article 13 de la Déclaration de 1789 ne pouvait être admis au titre de la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales.

Selon le Conseil constitutionnel, « les dispositions contestées en lespèce navaient pas dautre objet que de neutraliser fiscalement les choix dorganisation juridique des chaînes de télévision, en prélevant directement des ressources auprès de leurs régisseurs publicitaires, étant précisé que le législateur aurait été en mesure de prévoir la taxation des sommes en cause directement entre les mains de ces derniers ».

Ainsi, l’article 36 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a sécurisé cette taxe ([156]). Alors que l’ancien article 302 bis KG du CGI ne visait que les éditeurs de télévision eux-mêmes, ont été rendues redevables les régies publicitaires, au titre des sommes perçues en contrepartie de messages diffusés par un éditeur mais qui ne lui sont pas reversées.

En l’état du droit, cette taxe est due par tout éditeur de services de télévision.

Elle est assise sur le montant, hors TVA, des sommes versées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages, déduction faite des sommes versées par ailleurs au titre de la taxe sur les éditeurs et services de télévision des articles L. 115-6 et suivants du code du cinéma et de l’image animée.

La taxe est calculée en appliquant un taux de 0,5 % à la fraction du montant des versements annuels, hors TVA, afférent à chaque service de télévision qui excède 11 millions d’euros.

Le produit de cette taxe a été, en 2017, de 5 millions d’euros. Elle a été payée par 28 redevables.

B.   un dispositif discutable

Les taxes des articles 302 bis KA, 302 bis KD et 302 bis KG du CGI frappent peu ou prou les mêmes redevables et ont une assiette similaire : le message publicitaire. Pourtant, cette assiette est appréhendée différemment. Le calcul des taxes est différent et les obligations déclaratives et de paiement divergent, notamment en matière de fréquence.

Ces différences sont source de complexité et constituent une charge administrative pour les redevables.

tableau rÉcapitulatif des taxes fusionnées

Régime

Taxe sur la publicité télévisée –
article 302 bis KA CGI

Taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision article 302 bis KD CGI

Taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision article 302 bis KG CGI

Redevable

Régies publicitaires

Régies publicitaires

Éditeurs de services
de télévision

Assiette

Chaque message de publicité

Montant hors TVA des recettes trimestrielles des régies

Montant hors TVA des sommes versées par les annonceurs

Taux

Barème progressif à 3 tranches selon le prix de vente du message publicitaire

Barème progressif à 23 (publicité radiophonique) et 26 tranches (publicité télévisuelle).

0,5 % du montant annuel des recettes HT de chaque service de télévision qui excède 11 000 000 euros

Obligations déclaratives

Les redevables sont tenus de souscrire, dans le mois de commencement des opérations imposables et auprès de la DDFiP compétente, une déclaration d’existence et, avant le 25 de chaque mois, un relevé indiquant pour chaque tranche du barème le nombre de messages publicitaires diffusés le mois précédent 

Trimestrielle, la taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et garanties que la TVA

Annuelle, la taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et garanties que la TVA

Source : commission des finances.

II.   Le dispositif proposé

A.   une fusion motivée par le souci de simplification et de cohérence fiscale

Le présent article instaure une taxe annuelle sur les sommes versées par les annonceurs pour la diffusion en France de messages publicitaires sur des services de télévision ou de radio. Elle est assise pour chaque service de télévision ou de radio, sur le montant total annuel hors TVA des sommes versées par les annonceurs.

Elle vise donc à la fois les éditeurs de services de télévision et les régies publicitaires.

montant de la taxe due pour les services de tÉLÉvision

Fraction de lassiette

Taux applicable

Inférieure ou égale à 11 000 000 €

1,19 %

Supérieure à 11 000 000 € et inférieure ou égale à 50 000 000 €

1,66 %

Supérieure à 50 000 000 € et inférieure ou égale à 311 111 000 €

1,86 %

Supérieure à 311 111 000 € et inférieure ou égale à 693 000 000 €

1,71 %

Supérieure à 693 000 000 €

1,04 %

Source : présent article.

montant de la taxe due pour les services de radiodiffusion

Fraction de lassiette

Taux applicable

Inférieure ou égale à 8 300 000 €

0,40 %

Supérieure à 8 300 000 € et inférieure ou égale à 27 500 000 €

0,50 %

Supérieure à 27 500 000 €

0,52 %

Source : présent article.

B.   L’impact budgétaire et Économique attendu

Le Gouvernement, dans son évaluation préalable du présent article, considère que cette imposition annuelle unique « sera due par les mêmes redevables, aura un rendement similaire, tout en représentant une charge globale équivalente pour chaque service de télévision ».

Pour autant, si le présent article vise effectivement les mêmes redevables, à savoir les régies publicitaires  jusqualors visées par les articles 302 bis KA et KD du CGI  et les éditeurs de services de télévision  visés par larticle 302 bis KG du CGI – il n’est pas certain que la charge globale pesant sur les redevables, voire le rendement, soient équivalents.

En effet, l’assiette du présent article est assise sur les messages publicitaires diffusés en France et non plus à partir du territoire français comme le prévoyait l’article 302 bis KD du CGI dans sa rédaction en vigueur.

En outre, les messages publicitaires sont actuellement exonérés de taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire trimestriel tant que le montant de celui-ci n’atteint pas la somme de 457 001 euros pour la télévision et 46 000 euros pour la radio, soit les premières tranches des barèmes. Or, le présent article soumet de tels revenus à taxation dès le premier euro, à un taux de 1,19 % pour la télévision et 0,40 % pour la radio.

Aussi, si cet article a été construit pour être neutre tant pour le budget général de l’État que pour les opérateurs, ce texte pourrait faire l’objet de modifications pour corriger d’éventuels impacts.

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*     *

La commission examine lamendement I-CF1229 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. La publicité envahit de plus en plus notre quotidien, y compris par le biais d’affiches grand format sur les monuments de nos villes ou d’écrans lumineux et vidéo dans les métros. C’est une agression, une incitation au consumérisme dont nous pourrions nous passer. Il faudrait à tout le moins la réglementer de manière beaucoup plus forte et, en attendant, la taxer de manière plus importante.

Or le taux de cette taxe sur la publicité croît jusqu’à 311 millions d’euros puis décroît progressivement au-delà de ce seuil. Autrement dit, les plus gros messages publicitaires et donc les plus gros annonceurs sont proportionnellement moins pénalisés que les plus petits. Cela témoigne d’une curieuse vision de l’égalité devant la loi et du caractère progressif qu’une telle taxe devrait avoir. En outre, c’est une incitation à faire toujours plus de publicité et à envahir nos murs, nos écrans, nos radios et nos têtes.

M. le Rapporteur général. Par cet amendement, vous souhaitez augmenter le taux des deux tranches marginales de l’impôt prévu par le présent article.

Cet article a été pensé pour assurer une neutralité fiscale aussi bien pour le budget de l’État que pour les annonceurs. D’après mes calculs, la courbe d’imposition est progressive. Elle n’est que très faiblement régressive au-delà de 1 milliard d’euros de recettes publicitaires, un montant d’imposition qu’aucun opérateur ne paie en France.

Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 10 sans modification.

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Après l’article 10

La commission est saisie de lamendement I-CF1073 de M. Dimitri Houbron.

M. Dimitri Houbron. Cet amendement concerne la vente en l’état de futur achèvement (VEFA), un type de contrat de plus en plus utilisé par les bailleurs sociaux. Cependant, certains d’entre eux utilisent les vertus de ce contrat – comme le fait que les collectivités ne sont pas autorisées à analyser le projet en amont – de manière trop intensive. Concrètement, certains bailleurs sociaux, qui devaient initialement acheter une portion d’un projet après l’obtention d’un permis de construire, profitent des largesses du système VEFA pour s’arroger une part plus importante, voire l’intégralité, du projet immobilier.

L’objectif de cet amendement est de limiter ces pratiques qui peuvent engendrer l’acquisition de logements non conformes aux normes par des bailleurs sociaux. Il s’agit, d’une part, de limiter l’achat des locaux dans un immeuble par les bailleurs sociaux dans le cadre d’un contrat de type VEFA, et, d’autre part, de taxer tout dépassement de cette limite par les bailleurs sociaux.

Cet amendement est inspiré de remontées de terrain où les élus manifestent leur impuissance face à ce phénomène qui affaiblit l’offre qualitative de logements sociaux.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas insensible à vos arguments sur les dysfonctionnements et les abus que vous soulignez, mais je ne crois pas que la solution soit de limiter les achats et d’infliger des taxes.

Pour avoir été très longtemps un élu local, je sais que les VEFA permettent de pallier le manque de logements sociaux et d’autres types de locaux : j’ai moi-même construit en VEFA des maisons de service public. Il ne faudrait pas que votre dispositif compromette l’utilité de cet outil. Je suis donc défavorable à votre amendement pour des raisons de fond. En outre, votre dispositif présente un risque d’inconstitutionnalité pour incompétence négative dans la mesure où vous renvoyez la définition des redevables, de l’assiette et du taux de la taxe à un décret alors que cela relève de la loi. Je vous invite donc à retirer cet amendement qui pose vraiment un problème juridique.

M. Dimitri Houbron. Je ne le retirerai pas. Le recours à un décret offrirait une marge de manœuvre en matière de limite et de taxation. Le dispositif me semblait plutôt équilibré.

La commission rejette lamendement.

Puis elle passe à lamendement I-CF654 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Vous venez de supprimer beaucoup de taxes. Par le biais de cet amendement, nous vous proposons d’en renforcer une.

La loi de finances pour 2017 prévoyait l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les transactions financières (TTF) aux transactions infrajournalières, constituant une avancée attendue et largement saluée par la société civile.

Mais, préférant dérouler le tapis rouge en vue d’attirer banquiers et financiers sis outre-Manche et inquiets du Brexit, la majorité a fait sauter cette disposition au cours des discussions budgétaires de 2018.

Il est ici proposé de la rétablir, considérant l’impérieuse nécessité de mettre un terme à la surchauffe de la planète finance et de dégager des ressources budgétaires pour les véritables priorités de notre temps : la transition écologique, l’aide aux pays les moins avancés, la lutte contre l’exclusion sociale. Soyons cohérents avec ce qui a été dit ce matin.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est déposé depuis 2014 et nous en avons discuté l’an dernier. Nous nous heurtons à un problème technique concernant les transactions infrajournalières, dites intra-day. Lors d’une table ronde où j’avais convié tous les organismes non gouvernementaux, il est apparu que personne n’était vraiment attaché à cette taxation des opérations intra-day : tout le monde sait qu’elle ne rapporte pas grand-chose, en raison d’un problème d’assiette. Pour les organismes non gouvernementaux, l’important est que les moyens consacrés à l’aide publique au développement continuent d’augmenter. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle en vient à lamendement I-CF657 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. M. le Rapporteur général nous dit que la taxe ne rapporte pas grand-chose parce que l’assiette n’est pas assez large. Eh bien, je vous propose d’élargir à nouveau cette assiette, en l’appliquant aux entreprises dont la capitalisation boursière dépasse 500 millions d’euros, alors que le seuil est actuellement fixé à 1 milliard d’euros. Si cette mesure était adoptée, elle permettrait de renforcer le produit auquel vous faisiez allusion.

M. le Rapporteur général. Cet amendement va devenir un marronnier mais, d’une certaine manière, il est important que les marronniers soient plantés en automne... Songez quand même à une chose : en abaissant le seuil, vous incluez énormément de petites et moyennes entreprises et d’entreprises de taille intermédiaire parfaitement françaises et vous les fragilisez. Avis défavorable comme l’année dernière et les années précédentes.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF656 de M. Fabien Roussel et ICF843 de Mme Sabine Rubin.

M. Jean-Paul Dufrègne. Après avoir cherché à élargir l’assiette, nous vous proposons par notre amendement I-CF656 d’augmenter le taux de la TTF, en le faisant passer de 0,3 % à 0,5 %. Peu importe que ces amendements soient appelés marronniers ou autrement. Quand on veut faire participer ceux en ont les moyens pour relever les grands défis auxquels notre planète est confrontée, on ne rencontre pas forcément un grand engouement. Il est très inquiétant que certains soient privilégiés dans ce domaine.

M. Éric Coquerel. À travers l’amendement I-CF843, nous faisons une proposition raisonnable qui fait d’ailleurs consensus au sein de nombreuses ONG, comme Oxfam, Coalition PLUS et autres : faire passer de 0,3 % à 0,5 % la TTF, en s’alignant ainsi sur le taux des Britanniques. Cela permettrait de dégager 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires qui pourraient être directement affectées à l’aide publique au développement, à la lutte contre le changement climatique, pour la santé mondiale et la solidarité internationale. On voit tout l’intérêt de prendre sur la finance au profit du codéveloppement.

M. le Rapporteur général. Je fais partie de ceux qui ont voté l’augmentation du taux de 0,2 % à 0,3 %. Quand on regarde l’étude d’Euronext qui a suivi, on s’aperçoit que cela s’est traduit par un transfert à l’étranger de 24 % des volumes échangés à Paris... Et à croire la même étude, le transfert atteindrait 46 % si la TTF était portée à 0,5 %. Il faut donc rester prudent. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

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Article additionnel après l’article 10
Taxation de la délivrance des titres de séjour

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1409, ICF1410, I-CF1411 et I-CF1412 de Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont. Ces amendements concernent les taxes sur les titres de séjour et les taxes de régularisation.

L’amendement I-CF1409 vise à plafonner à 150 euros la taxe perçue lors de la délivrance d’un premier titre de séjour et à 87 euros celle perçue lors de son renouvellement. Il vise aussi à supprimer le droit de visa de régularisation lors de la délivrance d’un premier titre de séjour.

Le montant de ces diverses taxes est très élevé puisqu’il peut atteindre 609 euros pour une personne. Ce montant ne semble pas proportionné aux capacités financières des demandeurs. Il y a une forme de rupture d’égalité entre ceux qui peuvent payer et ceux qui ne le peuvent pas. Pour illustrer mon propos, je vais citer deux chiffres tirés du rapport publié en 2017 par le Secours catholique : le revenu mensuel médian d’un couple étranger est de 139 euros et celui d’un couple français est de 930 euros. Vous constaterez, comme moi, que l’écart est important. D’ailleurs, il arrive que les titres ne soient pas récupérés en préfecture, ce qui pose question. Pour faciliter l’intégration, il faut aussi ajuster le niveau des taxes.

Les amendements suivants sont des amendements de repli. L’amendement I‑CF1410 vise à plafonner à 150 euros le coût de la délivrance d’un premier titre de séjour ; l’amendement I-CF1411 tend à plafonner à 87 euros le prix du renouvellement d’un titre de séjour, sachant qu’il en coûte actuellement 250 euros ; l’amendement I-CF1412 a pour objet de supprimer le droit de visa de régularisation qui est actuellement fixé à 340 euros.

M. Joël Giraud, Rapporteur général. Je suis cosignataire de ces amendements car j’avais déposé l’un d’entre eux l’an dernier. Je n’ai pas récidivé cette année car, considérant que nous étions dans le domaine réglementaire, le ministre s’était engagé à modifier les choses dans le bon sens. Cela n’a pas été fait.

De deux choses l’une : soit je demande le retrait de ces amendements pour qu’ils soient représentés en séance, considérant que les mesures relèvent du domaine réglementaire ; soit j’émets un avis de sagesse et nous les adoptons pour que le ministre s’explique dans l’hémicycle. Je penche plutôt vers la seconde option.

Mme Stella Dupont. Qui me conviendrait très bien !

M. le président Éric Woerth. C’est un vrai sujet. C’est compliqué parce que nous ne voulons évidemment pas d’immigration illégale ; nous voulons maîtriser les flux migratoires de façon de plus en plus forte. Ce n’est pas la question. En l’occurrence, la question est que le coût du titre de séjour est très élevé compte tenu de la situation sociale de la personne qui l’obtient, au point qu’il est parfois payé par des associations qui elles-mêmes bénéficient de dons défiscalisés. On tourne en rond. Tous les immigrés ne sont pas incapables de payer ces montants ; il y a évidemment un courant d’immigration qui a parfaitement les moyens de s’en acquitter.

Si j’ai bien compris, les cartes de réfugiés sont un peu moins chères que les titres de séjour. Quoi qu’il en soit, les choses méritent d’être clarifiées pour éviter que les montants ne soient réglés par des organisations qui bénéficient d’un soutien ou de subventions publiques. Il y a des communes ou des départements qui subventionnent des associations comme le Secours catholique, qui portent assistance aux migrants et qui les aident ensuite à payer ces droits une fois que le titre de séjour est accordé.

Mme Véronique Louwagie. J’abonde dans votre sens. Le coût de la délivrance d’un premier titre de séjour – 609 euros par personne – est très élevé, sans compter les renouvellements. Le dispositif mérite d’être revu. Quant au soutien des financements, je dirai que l’argent entre dans une poche mais ressort par une autre du même vêtement.

M. le président Éric Woerth. Il y a aussi un coût de renouvellement annuel si je ne m’abuse, mais je n’ai pas une connaissance approfondie du sujet.

M. Julien Aubert. Mon avis sera peut-être légèrement plus nuancé. Il me semble qu’il faut faire une différence entre l’obtention du titre de séjour et son renouvellement. Lors de la demande d’un premier titre de séjour, on peut penser que la personne vient d’arriver et qu’elle n’a pas encore une activité économique et les moyens de s’insérer. En revanche, il faut faire un pari : que ceux qui viennent ne vivent pas uniquement d’aides sociales pendant plusieurs années, qu’ils puissent s’intégrer et donc travailler.

M. le président Éric Woerth. Curieusement, ils sont éligibles à certaines prestations sociales sans conditions de durée. À partir de ces aides sociales, ils peuvent peut‑être commencer à rembourser le titre de séjour. En tout cas, il y a une réflexion à mener de la façon la plus responsable possible.

La commission adopte lamendement I-CF1409 (amendement I-2322).

En conséquence, les amendements I-CF1410, I-CF1411 et I-CF1412 tombent.

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Après l’article 10

La commission est ensuite saisie des amendements I-CF823, I-CF832, ICF883 et ICF889 de Mme Liliana Tanguy, qui font lobjet dune présentation commune.

Mme Liliana Tanguy. Ces amendements ont pour objet de réviser le dispositif d’exonération de la redevance d’archéologie préventive en milieu maritime. En effet, cette redevance, dont le taux a été augmenté l’an dernier, pèse lourdement sur l’économie maritime ainsi que sur l’équilibre financier de projets tels que la pose de câbles sous-marins ou l’installation d’éoliennes en mer. Sa diminution est donc très attendue par les différents opérateurs concernés.

M. le Rapporteur général. Nous avons rejeté, l’an dernier, des amendements analogues qui, pour être clair, avaient fait l’objet d’un intense lobbying de la part de certains opérateurs. La loi de finances rectificative pour 2017 a modifié le régime juridique de la redevance archéologique préventive en milieu maritime ; il faut laisser à cette réforme le temps de « vivre ». J’ai moi-même rencontré, l’an dernier, les représentants du principal opérateur de transport d’électricité en France, qui œuvraient alors fortement pour que l’on modifie d’emblée ces dispositions. Or, je ne crois pas que la situation soit aussi grave que vous le dites. Il convient donc d’en rester au régime actuel, d’autant plus qu’il s’agit de milieux extrêmement sensibles.

Mme Liliana Tanguy. Je précise que plusieurs opérateurs – et non un seul d’entre eux – se sont adressés à moi, ainsi du reste qu’à d’autres députés du littoral. Je me suis rendue récemment sur un navire câblier chargé de la pose de fibre optique et je puis vous dire que les entreprises de ce secteur, qui contribuent au développement de l’économie numérique, sont fortement pénalisées par la redevance, car ce marché est très concurrentiel. Imposer une taxe aussi importante à des entreprises qui participent à un secteur d’avenir est dommageable. Au demeurant, nous ne demandons pas la suppression de la taxe, mais uniquement sa diminution. J’ajoute que la question a été discutée avec Bercy et qu’elle est actuellement étudiée par la présidence.

Mme Véronique Louwagie. Pourrait-on connaître le chiffrage de l’impact de chacun des amendements ?

M. le Rapporteur général. Pour ma part, je ne connais pas ce chiffrage, mais peut‑être Mme Tanguy peut-elle nous le communiquer.

Je tiens à ajouter que la redevance d’archéologie préventive s’applique à tous les opérateurs, qu’ils soient français ou étrangers ; elle ne crée donc aucune distorsion de concurrence.

La commission rejette successivement les amendements I-CF823, I-CF832, ICF883 et I-CF889.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF357 de M. Philippe Huppé et I-CF923 de M. Daniel Fasquelle.

M. Benoit Simian. Beaucoup de plateformes de réservation en ligne, en particulier les plus importantes, ne sont pas domiciliées en France, de sorte qu’elles n’acquittent aucun impôt sur les sociétés. Aussi vous est-il proposé, par l’amendement I‑CF357, de créer une taxe de 5 % sur le chiffre d’affaires de ces plateformes, dont je précise qu’elle serait compatible avec le droit européen. L’attente est très forte. Or, manifestement, les discussions au niveau de l’Union européenne sont actuellement au point mort.

M. Patrick Hetzel. L’amendement I-CF923 a pour objet de résoudre le problème soulevé par le fait que les plateformes de réservation en ligne échappent à l’impôt sur les sociétés en France, en créant une taxe sur le chiffre d’affaires de ces plateformes, tout en prévoyant que les entreprises ayant leur siège en France puissent déduire cette taxe de leur impôt sur les sociétés. Une telle mesure reste dans le cadre de ce qui est permis par la législation européenne et permettrait de contrer la stratégie développée par certaines plateformes, qui se domicilient en dehors du territoire français pour échapper à la fiscalité.

M. le Rapporteur général. Je comprends parfaitement les motifs de ces amendements, puisque j’ai moi-même interrogé, de manière assez vive, Bercy sur le cas d’Airbnb. Toutefois, le dispositif proposé est trop imprécis. Ainsi, le chiffre d’affaires n’est pas défini : s’agit-il du chiffre d’affaires mondial ? du chiffre d’affaires réalisé en France ? En outre, la notion de plateforme de réservation en ligne est elle-même mal définie au plan juridique. À ce propos, il conviendrait de taxer l’opérateur de la plateforme plutôt que la plateforme elle-même, qui n’est qu’un outil.

Je souhaiterais donc que leurs auteurs retirent ces amendements, qui ne sont pas opérationnels en l’état, et que nous ayons un débat plus large sur cette question, que le président et moi ne manquons pas d’aborder dans le cadre de nos discussions avec les institutions internationales ou européennes.

M. Julien Aubert. Cet amendement est, certes, imparfait, monsieur le Rapporteur général, mais il vise à remédier à un problème bien réel : dans certaines parties de notre territoire, l’industrie touristique est en train de se faire dévorer. De fait, les plateformes s’emparent de la part la plus juteuse de l’activité, notamment en juillet et en août, et ne laissent que les os et des miettes aux professionnels qui sont présents tout le reste de l’année. C’est le cas notamment dans le Luberon, qui se trouve dans ma circonscription. Au-delà des raisons qu’on invoque pour ne rien faire – l’incompatibilité de la mesure avec la réglementation européenne, la complexité du problème... –, il faut envoyer un signal et tenter de faire reculer ces plateformes car, si cela continue ainsi, il n’y aura bientôt plus de professionnels dans certaines villes. Dans une commune comme Avignon, les chambres fournies par les plateformes sont plus nombreuses que celles proposées par les hôtels traditionnels. Certains hôtels abandonnent même leur enseigne et se transforment en plateformes de location. C’est le monde à l’envers !

M. le président Éric Woerth. Nous avons eu ce débat il y a deux ans et, l’an dernier, nous avons déposé des amendements très solides, visant notamment à créer une taxe sur le chiffre d’affaires. Il est donc bon d’y revenir et d’interroger Bruno Le Maire qui, semble-t-il, défend la même idée à l’échelon européen. La France pourrait aller plus vite dans ce domaine.

M. Patrick Hetzel. Les arguments du Rapporteur général sont pertinents. Il est vrai que la rédaction de l’amendement et la définition juridique des plateformes de réservation en ligne posent problème. Nous allons donc retirer l’amendement I-CF923 pour le redéposer, dans une nouvelle rédaction, en séance publique. Il s’agit d’un amendement d’appel, car le problème mérite d’être traité.

Lamendement I-CF923 est retiré.

M. le Rapporteur général. Je précise que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a adopté des dispositions qui seront traduites dans nos conventions fiscales à compter du 1er janvier 2019. Il faut donc étudier ces amendements à la lumière de ces futures dispositions.

M. Benoit Simian. L’amendement I-CF357 est également un amendement d’appel. Je vais donc le retirer, mais nous le retravaillerons en vue de la séance publique en tenant compte des remarques du Rapporteur général. Il convient en effet de viser les opérateurs de plateformes, et non les plateformes elles-mêmes.

Lamendement I-CF357 est retiré.

Mme Émilie Cariou. Je rappelle que plusieurs textes sont en cours de discussion, que ce soit à l’OCDE ou à Bruxelles, notamment une taxe sur le chiffre d’affaires et une directive sur la TVA. Ce n’est donc pas au niveau franco-français qu’il faut régler ce problème.

M. le président Éric Woerth. Il est tout de même bon que la représentation nationale se penche sur le sujet, madame Cariou, d’autant plus que nous allons tous dans le même sens.

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Article 11
Suppression de dépenses fiscales inefficientes

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article propose la suppression ou la réduction des avantages fiscaux associés à plusieurs dispositifs dont l’efficacité est limitée ou l’existence moins justifiée. Il met ainsi fin à :

– l’exonération de l’avantage en nature résultant pour le salarié de la remise gratuite par son employeur de matériels informatiques et de logiciels nécessaires à leur utilisation entièrement amortis (abrogation du 31° bis de l’article 81 du CGI) ;

– la provision spécifique pour aides à l’installation consenties par les entreprises à leurs salariés sous forme de prêt ou de souscription au capital de l’entreprise créée (abrogation de l’article 39 quinquies H du CGI) ;

– l’exonération des plus-values de cession de titres de sociétés financières d’innovation (SFI) et parts de sociétés de recherche agréées (abrogation de l’article 40 sexies du CGI) ;

– l’amortissement exceptionnel en faveur des entreprises qui souscrivent au capital de SFI (abrogation de l’article 39 quinquies A du CGI) ;

Il réduit le champ de la déduction de la part des excédents mis en réserves impartageables par les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) (modification du VIII de l’article 209 du CGI) ;

Il prévoit l’extinction des dispositifs relatifs à l’acquisition et à la construction de logements sociaux dans les départements d’outre-mer (articles 199 undecies C du CGI et 217 undecies du CGI).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En premier lieu, la commission a adopté, à l’initiative du Rapporteur général, un amendement supprimant la déduction forfaitaire minimale pour frais professionnels prévue pour les demandeurs d’emploi depuis plus d’un an.

En deuxième lieu, elle a adopté les amendements identiques de MM. Jean-Pierre Vigier et Marc Le Fur (LR), de Mmes Marie-Christine Dalloz et Valérie Lacroute (LR), de Mmes Anne-Laure Petel, Dominique David et de M. Olivier Gaillard (LaREM), de M. Jean-Paul Dufrègne (GDR), de M. François Pupponi (Socialistes et apparentés – SOC) et de Mme Sarah El Haïry (Mouvement démocrate – MODEM) visant à maintenir le régime de déduction spécifique dont bénéficient les SCIC.

En troisième lieu, la commission a adopté deux amendements identiques de MM. Philippe Gomès et Max Mathiasin étendant le champ de la réduction d’impôt en faveur du logement social outre-mer à certaines dépenses de rénovation, de réhabilitation et de reconstruction effectuées sur des logements achevés depuis plus de vingt ans.

I.   L’État du droit : Plusieurs dispositifs fiscaux dont l’efficacité ou la nécessité ne sont plus avérÉs

Les dispositifs dont il est proposé la suppression ou la modification dans le présent article sont, selon les cas, peu utilisés, devenus moins pertinents, compte tenu des évolutions économiques et juridiques intervenues depuis leur création, ou peu efficaces, au regard des objectifs qui leur ont été assignés.

L’article 11 s’inscrit ainsi, au même titre que les articles 4, 9 et 10 du présent PLF, dans la démarche de rationalisation des dispositions fiscales initiée par le Gouvernement.

A.   L’exonération du revenu imposable des matériels informatiques remis gratuitement par l’employeur à ses salariés

1.   Promouvoir l’équipement des ménages en biens informatiques et l’accès à internet

Introduit par voie d’amendement au Sénat dans le cadre de la discussion sur le PLF pour 2008 ([157]), le 31° bis de l’article 81 du CGI prévoit que « lavantage résultant pour le salarié de la remise gratuite par son employeur de matériels informatiques et de logiciels nécessaires à leur utilisation entièrement amortis et pouvant permettre laccès à des services de communications électroniques et de communication au public en ligne » est « affranchi » de l’impôt sur le revenu.

Lors des débats au Sénat, il était évoqué « un taux déquipement des ménages français en ordinateurs connectés à internet de 47 % contre 60 à 65 % au Royaume-Uni, un peu plus de 70 % en Allemagne et 77 % en Suède » et était précisé que « trois millions dordinateurs quittent chaque année le parc des entreprises pour être mis au rebut ».

Présentée ainsi comme une solution permettant d’améliorer le taux d’équipement des ménages en biens informatiques, dans un contexte marqué, à l’époque, par la position de retard relatif de la France par rapport à ses principaux partenaires européens en la matière, l’exonération crée une incitation pour les entreprises à céder gratuitement des matériels informatiques à leurs salariés plutôt que de les mettre au rebut.

La remise gratuite exclut toute forme de contrepartie et ne peut porter que sur des matériels entièrement amortis par l’entreprise.

Les dons ainsi réalisés sont exonérés d’impôt sur le revenu et exclus de l’assiette des cotisations de la sécurité sociale ([158]) ainsi que de celle des taxes et participations assises sur les salaires pour lesquelles la base est identique à celles des cotisations sociales ([159]). L’avantage consenti est limité à 2 000 euros par salarié par an.

Le dispositif s’applique depuis l’imposition des revenus de l’année 2007.

2.   Des objectifs moins pertinents compte tenu de l’évolution du taux d’équipement des ménages en matériel informatique et de la numérisation de la société

Étudié dans le cadre de la revue des dépenses publiques effectuée en 2011 par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, le dispositif que le comité estimait « correctement dimensionné », n’a jamais été correctement évalué.

Outre les difficultés à mesurer la contribution du dispositif à la réduction de la fracture numérique, « eu égard notamment à la dynamique économique propre de ce marché » ([160]), le nombre de ménages bénéficiaires de la mesure n’a, semble-t-il, jamais été évalué.

Il n’est pas précisé dans le tome II des Évaluations des voies et moyens annexées à chaque PLF. L’évolution de la dépense fiscale y figure en revanche. Le coût du dispositif s’élève à 3 millions d’euros entre 2009 et 2011 ([161]) et à 5 millions d’euros entre 2012 et 2016.

La numérisation croissante de l’économie et de la société au cours des dix dernières années s’est accompagnée d’un meilleur équipement des ménages en ordinateurs et d’un accroissement de l’accès à internet. Selon l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), 82 % des Français disposent désormais d’un ordinateur à leur domicile et 85 % bénéficient d’un accès à internet fixe. Ces chiffres s’élevaient respectivement à 66 % et 50 % en 2017 ([162]).

Les personnes exposées à la fracture numérique demeurent, pour une très large part, des personnes âgées auxquelles le dispositif ne bénéficie pas, par définition.

Ces évolutions rendent ainsi moins pertinent le dispositif d’exonération prévu au 31° bis de l’article 81 du CGI.

L’évaluation réalisée chaque année du dispositif ne permettant pas d’identifier le nombre de ménages qui en ont bénéficié depuis sa création ni d’isoler précisément sa contribution à l’augmentation du taux d’équipement des ménages en matériel informatique, l’abrogation des dispositions participe d’une rationalisation effective des dépenses publiques.

B.   La provision spécifique pour aides à l’installation consenties par les entreprises à leurs salariés

1.   Favoriser la création d’entreprises

Dispositif visant à inciter les employeurs à aider leurs salariés et favoriser ainsi la création dentreprises, larticle 39 quinquies H du CGI permet aux entreprises de constituer des provisions spécifiques en franchise d’impôt, lorsqu’elles consentent à leurs salariés des aides à l’installation. Ces aides peuvent prendre la forme de prêts à taux privilégié ou d’investissements dans le capital des entreprises créées par leurs employés ou dans celui des sociétés liées.

Introduit par la loi de finances pour 1978 ([163]), le dispositif a fait l’objet d’aménagements touchant à ses conditions d’éligibilité ([164]) et à son champ d’application ([165]).

Toutes les entreprises dont le bénéfice nest pas imposé de manière forfaitaire peuvent procéder aux provisions spéciales prévues à larticle 39 quinquies H du CGI. Le dispositif est soumis au respect de plusieurs conditions relatives notamment :

– au lien entre lentreprise et le salarié, qui peut être direct ou indirect : l’entreprise doit être l’ancien employeur du salarié ou appartenir au groupe de l’ancien employeur (condition de liaison des entreprises de plus de 50 %) ;

– aux activités de lentreprise créée : celle-ci doit exercer en France une activité nouvelle, de nature industrielle, commerciale, artisanale ou libérale ;

– à la taille de lentreprise : l’entreprise aidée doit réaliser au cours de chacun de ses trois premiers exercices, un chiffre d’affaires qui ne doit pas excéder 4,6 millions d’euros, lorsque son activité principale est la vente d’objets, fournitures, denrées à emporter ou à consommer sur place ou la fourniture de logements et ne doit pas excéder 1,53 million d’euros dans les autres cas.

L’aide accordée peut prendre deux formes : un prêt à taux privilégié ou la souscription de parts dans la société créée par l’employé.

Dans le premier cas, le prêt est consenti pour une durée minimale de sept ans, remboursable par annuité ou in fine et par anticipation à compter de la cinquième année seulement. Le taux du prêt est encadré : il ne doit pas excéder deux tiers du taux effectif moyen pratique par les établissements de crédits pour les prêts à taux variables aux entreprises d’une durée initiale supérieure à deux ans. La provision spéciale en franchise d’impôt, constituée par l’entreprise en contrepartie de l’octroi du prêt, est égale à la moitié des sommes effectivement versées à ce titre.

Dans le second cas, la provision s’élève à 75 % du montant effectivement souscrit en capital.

Le montant des déductions est limité, par exercice, à 25 % du bénéfice net imposable de l’exercice précédent et est, en tout état de cause, plafonné à 46 000 euros par salarié et par an, quelle que soit la forme de l’aide consentie. Des règles spécifiques précisent la façon dont la provision spéciale doit être réintégrée aux résultats imposables.

2.   Une dépense fiscale associée de moins de 500 000 euros et très peu de bénéficiaires

Dispositif probablement méconnu et très largement sous-utilisé, il représente une dépense inférieure à 500 000 euros, sans qu’il soit possible d’affiner l’ordre de grandeur.

Le nombre de bénéficiaires, variable au cours des dernières années, est très limité : entre 2010 et 2016, seules 22 entreprises au total ont bénéficié du dispositif. Il ne peut, par conséquent, pas « être considéré comme atteignant son objectif incitatif » ([166]).

Évolution du nombre de bÉnÉficiaires du dispositif prévu
à l’article 39 quinquies H du CGI

Bénéficiaires (entreprises)

2016

2015

2014

2013

2012

2011

2010

11

3

4

Non déterminé

4

0

0

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II.

C.   Les avantages fiscaux en faveur des sociétés financières d’innovation (SFI) et des sociétés de recherche agréées

1.   L’exonération des plus-values de cession de titres de SFI et parts de sociétés de recherche agréées et l’amortissement exceptionnel en faveur des entreprises qui souscrivent au capital de SFI

Aux termes des articles 40 sexies et 39 quinquies A du CGI, peuvent donner lieu, en franchise d’impôt sur le revenu (IR) ou sur l’IS, à la constitution d’un amortissement exceptionnel de 50 %, les souscriptions :

– d’actions souscrites auprès des sociétés ou organismes de recherche agréés par le ministre de l’économie et des finances ;

– les souscriptions effectuées en numéraires par les entreprises françaises au capital agréé des sociétés financières d’innovation (SFI).

Par ailleurs, lorsque ces titres sont cédés après l’expiration d’un délai de trois ans, les plus-values éventuellement réalisées ne sont comprises dans les bénéfices imposables que pour la fraction de leur montant qui excède celui de l’amortissement exceptionnel (article 40 sexies du CGI).

Ces dispositifs ont évolué au cours du temps, pour tenir compte des modifications apportées au statut des sociétés concernées mais sont aujourd’hui éteints en pratique. Par ailleurs, ni le nombre de bénéficiaires ni la dépense fiscale associée au dispositif ne figurent dans les Évaluations des voies et moyens annexées aux projets de loi de finances.

2.   Un dispositif devenu sans objet

Créée par la loi de finances rectificative pour 1960 ([167]), l’exonération des plus-values de cession des titres des sociétés financières d’innovation, prévue à l’article 40 sexies du CGI, concernait, au départ, les sociétés immobilières conventionnées. Son bénéfice a été étendu, par la loi du 11 juillet 1972 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier ([168]), aux SFI, catégorie de sociétés créées à cette occasion, ainsi qu’aux souscriptions au capital de ces sociétés.

La loi du 11 juillet 1972 précitée a également permis aux entreprises qui souscrivent au capital des SFI de pratiquer un amortissement exceptionnel de 50 % du montant des souscriptions (article 39 quinquies A du CGI).

L’exonération prévue à l’article 40 sexies du CGI s’applique également aux plus-values de cession d’actions ou de parts de sociétés ou organismes publics ou privés de recherche agréés ([169]).

Toutefois, les évolutions successives apportées au statut des sociétés immobilières conventionnées se sont traduites par une perte des avantages fiscaux dont elles bénéficiaient, notamment au titre de l’article 40 sexies du CGI. Ces sociétés, qui relèvent aujourd’hui du doit commun des sociétés commerciales, ne sont ainsi plus concernées par le dispositif.

Par ailleurs, les dispositions de l’article 39 quinquies A du CGI concernant les investissements en immeubles effectués en vue de réaliser des opérations de recherche scientifique ou technique ne sont pas applicables aux immeubles acquis ou achevés depuis le 1er janvier 1991 ([170]) et les actions acquises après cette date ne sont pas éligibles à l’amortissement exceptionnel de 50 % ([171]).

À la lumière de ces éléments, le maintien du dispositif présente un intérêt plus que limité.

D.   La déduction de la part des excédents mis en réserves impartageables par les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC)

1.   Un régime favorable aux SCIC, sociétés coopératives particulières

Introduit par la loi de finances rectificative pour 2001 ([172]) mais déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel ([173]) en raison d’une irrégularité procédurale ([174]), le dispositif permettant aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) de déduire de leur IS l’ensemble des excédents mis en réserves impartageables, résulte de l’article 50 de la loi de finances rectificative de pour 2007 ([175]). Il est codifié au VIII de l’article 209 du CGI.

Visant à prendre en compte les spécificités des SCIC et à prévoir un allégement des charges fiscales qui pèsent sur elles, le dispositif consiste à ne pas soumettre à l’IS l’ensemble des sommes mises en réserves impartageables par les SCIC.

Sociétés coopératives particulières, les SCIC sont assujetties à l’obligation faite aux sociétés coopératives d’affecter au minimum 15 % de leurs résultats à une réserve légale ([176]) ainsi qu’à l’obligation spécifique de verser au minimum 50 % du solde (soit 42,5 %) à une réserve statutaire ([177]). L’ensemble des bénéfices affectés aux réserves impartageables est déductible du résultat imposable des SCIC, sans limitation aucune.

2.   Une évaluation lacunaire

Il apparaît, de la consultation des tomes II des Évaluations des voies et moyens pour la période 2010-2016, que le nombre de bénéficiaires (entreprises) n’est jamais précisé. La dépense fiscale oscille, pour sa part, entre 2 et 3 millions deuros selon les années.

E.   Plusieurs dispositifs APPLICABLES Au logement social outre-mer

Instaurée en 2009 par la loi pour le développement économique des outre-mer « LOEDOM » ([178]) pour, selon l’exposé des motifs de cette loi, « orienter leffort de production vers le logement social en rendant la défiscalisation de ces investissements attractive », la réduction d’IR au titre des investissements en faveur du logement social outre-mer, codifiée à l’article 199 undecies C du CGI, a fait depuis lors l’objet de plusieurs aménagements, relatifs notamment au champ et à la date de réalisation des investissements éligibles.

Dispositif miroir, l’article 217 undecies du CGI offre aux entreprises soumises à l’IS un avantage fiscal similaire, dans des conditions très proches. Héritier du dispositif mis en place en 1946, au moment de la départementalisation de certains des territoires ultra-marins, l’article 217 undecies du CGI, qui ne concerne pas les seuls investissements dans le logement social mais l’ensemble des investissements réalisés outre-mer ([179]), a également fait l’objet de plusieurs aménagements ([180]).

Évolution de la réduction d’impôt
en faveur de l’investissement social outre-mer

Réduction dIR accordée au titre de certains investissements réalisés outre-mer

Article 199 undecies C du CGI

Déduction des résultats des entreprises soumises à lIS accordée au titre de certains investissements réalisés outre-mer

Article 217 undecies du CGI

Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer « LOEDOM », article 38

Mise en place de la réduction d’impôt en faveur de l’investissement dans le logement social outre-mer pour les acquisitions et constructions de logements réalisés entre le 27 mai 2009 et le 31 décembre 2017

Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 21

Création des crédits d’impôt en faveur des investissements réalisés outre-mer et confirmation de la validité de la déduction prévue à l’article 217 undecies du CGI au titre des constructions et acquisitions de logements neufs dans le secteur du logement social, quel que soit le chiffre d’affaires des entreprises

Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 110

Application de la réduction d’impôt jusqu’au 31 décembre 2025 pour les collectivités d’outre-mer (Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, îles Wallis et Futuna)

 

Maintien de l’extinction du dispositif au 31 décembre 2017 pour départements d’outre-mer assorti de dispositions transitoires (1)

 

Maintien des aides octroyées au titre des articles 199 undecies B, 199 undecies C et 217 undecies du CGI au-delà de leur terme si des mesures de préfinancement suffisantes de l’investissement ultra-marin ne sont pas en vigueur (« mécanisme pérenne de préfinancement à taux zéro » (2))

Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 110

Prorogation du dispositif pour 3 ans (du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2020) (3)

Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 73

Extension du champ des investissements éligibles aux travaux de confortation contre les risques sismique et cyclonique engagés dans le cadre d’une réhabilitation

(1)   La réduction dimpôt est applicable aux investissements pour lesquels une demande dagrément a été déposée avant le 31 décembre 2017 si les fondations sont achevées ou lacquisition intervient au plus tard le 31 décembre 2018 ou si au moins 50 % des acomptes ont été versés au plus tard le 30 juin 2018 et si les travaux sont achevés au plus tard le 31 décembre 2018.

(2)   IX de larticle 199 undecies C du CGI.

(3)   Le dispositif sapplique aux acquisitions dimmeubles à construire et aux constructions dimmeubles dont les fondations sont achevées au plus tard au 31 décembre 2020 et aux souscriptions versées jusquà cette date.

1.   Les dispositifs en vigueur

a.   La réduction d’impôt pour les particuliers ou entreprises soumises à l’impôt sur le revenu

Créée pour encourager les investissements dans le secteur locatif social outre-mer, la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies C du CGI est destinée aux personnes physiques domiciliées en France, c’est-à-dire en métropole ou dans les territoires ultra-marins, ainsi qu’aux entreprises soumises à l’IR. Elle s’applique pour les acquisitions et constructions de logements réalisés entre le 27 mai 2009 ([181]) et le 31 décembre 2017 dans les départements doutre-mer et jusquau 31 décembre 2025 dans les collectivités doutre-mer.

Les investissements peuvent être réalisés directement par le contribuable ou indirectement, par lintermédiaire dune société civile de placement immobilier (SCPI), dune société de personnes établie en France ([182]) ou dune société soumise à lIS ayant pour objet exclusif lacquisition, la construction et la location de logements éligibles. Les conditions à remplir sont précisées à larticle 199 undecies C du CGI.

La réduction d’impôt s’applique au titre des acquisitions ou constructions de logements neufs situés en Guadeloupe, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte et en Guyane – désignés ci-après, par commodité, « départements d’outre-mer » – ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna.

Sont également éligibles à la réduction d’impôt les acquisitions de logements achevés depuis plus de vingt ans faisant lobjet de travaux de réhabilitation permettant aux logements « dacquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs » ou de travaux de confortation contre les risques sismique et cyclonique ([183]).

Par ailleurs, la loi de finances pour 2016 ([184]) a introduit, dans des termes quelque peu sibyllins ([185]), une disposition pour permettre le maintien des dispositifs au-delà de leur terme. L’extinction des aides existantes ([186]) est ainsi conditionnée à la mise en place d’un mécanisme pérenne de préfinancement des investissements. Le IX de l’article 199 undecies C du CGI évoque ainsi « un mécanisme pérenne de préfinancement à taux zéro des investissements (…) ou, à défaut, la création dun dispositif pérenne permettant aux entreprises ultra-marines déchelonner sur huit ans le paiement de leurs investissements (…) sans recourir à un emprunt bancaire ».

Outre l’agrément préalable du représentant de l’État nécessaire pour certains investissements, comme c’est le cas lorsque « le montant par programme des investissements est supérieur à deux millions deuros », lorsque les investissements bénéficient de prêts conventionnés ou lorsqu’ils sont réalisés par une société soumise à l’IS, les investisseurs sont soumis au respect de plusieurs obligations et les logements à celui de caractéristiques, notamment techniques.

Les obligations des investisseurs portent notamment sur les conditions de location du bien (durée minimale, organismes bailleurs), le « partage » de l’avantage fiscal, la cession du bien à l’issue de la période de location.

Les investisseurs s’engagent ainsi à donner, dans les six mois suivant leur achèvement ou leur acquisition (si celle-ci est postérieure), leur bien en location nue, pour une durée au moins égale à cinq ans aux organismes énumérés dans la loi. Conformément au 1° du I de l’article 199 undecies C du CGI, il s’agit des organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation (à l’exception des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété), des sociétés d’économie mixte exerçant une activité immobilière outre-mer, des organismes mentionnés à l’article L. 365-1 du code de la construction et de l’habitation et, dans les collectivités d’outre-mer, des organismes agréés conformément à la législation en vigueur.

Les logements sont ensuite donnés en sous-location, nue ou meublée, par les organismes précités pour une durée au moins égale à cinq ans à des personnes physiques qui en font leur résidence principale et dont les ressources n’excèdent pas les plafonds fixés par décret, en application de l’article 199 undecies C du CGI. Les loyers sont plafonnés.

Au terme de la période de cinq ans, les logements (ou parts de la société propriétaire) doivent être cédés à l’organisme de logement social ou à des personnes physiques désignées par lui et respectant les conditions de ressources requises pour bénéficier des opérations de location-accession. Le prix de cession est déterminé par une convention conclue entre les investisseurs et l’organisme au plus tard à la date de signature du bail.

Les logements ouvrant droit à la réduction d’impôt doivent pouvoir être adaptés à l’hébergement des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans ou de personnes handicapées auxquelles des prestations de services de nature hôtelière peuvent être proposées.

La réduction d’impôt est égale à 50 % du prix de revient des logements, minoré des taxes et commissions versées au titre de l’acquisition et des subventions publiques éventuellement reçues. Son montant est plafonné, dans les conditions prévues au 5 de l’article 199 undecies A du CGI (2 498 euros par mètre carré de surface habitable en 2018).

La réduction d’impôt est accordée au titre de l’année d’achèvement des travaux ou de son acquisition, si celle-ci est postérieure. Elle s’impute sur l’impôt dû et peut faire l’objet d’un report pendant les cinq années suivantes.

Le bénéfice associé à la réduction dimpôt est soumis à un plafonnement spécifique prévu à larticle 199 undecies D (précisant larticulation des différents dispositifs concernant les investissements réalisés outre-mer au titre des articles 199 undecies A, 199 undecies B et 199 undecies C) ainsi quau plafonnement global prévu à larticle 200-0 A du CGI.

La réduction d’impôt peut faire l’objet d’une reprise si les conditions ou engagements qui lui sont associés ne sont plus respectés.

Évolution du nombre de bÉnÉficiaires du dispositif
prévu À l’article 199 undecies C du CGI (1)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de bénéficiaires (ménages)

355

2 036

5 640

8 315

9 821

7 845

8 872

8 190

Coût de la dépense fiscale

(en millions deuros)

11

68

208

299

284

202

225

201

(1)   Les données ne distinguent pas les investissements réalisés dans les « DROM » de ceux réalisés dans les « COM ».

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II.

Évolution du coût de la dépense fiscale du dispositif
prévu À l’article 199 undecies C du CGI

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

b.   La déduction de l’assiette de l’impôt sur les sociétés

La déduction d’assiette de l’IS prévue à l’article 217 undecies du CGI est, pour la partie qui s’applique aux investissements en faveur du logement social, très proche de celle prévue à l’article 199 undecies C du CGI.

De manière générale, les entreprises, dont le chiffre d’affaires n’excède pas 20 millions d’euros, cette condition n’étant pas applicable dans le cas des investissements en faveur du logement social, peuvent déduire de leur résultat imposable les sommes réalisées dans le cadre des investissements réalisés, directement ou indirectement, dans les départements d’outre-mer ([187]). Lorsque l’entreprise recourt à un schéma intermédié, elle doit rétrocéder 77 % de l’avantage fiscal à l’exploitant.

Le champ des investissements éligibles est très proche du régime précédemment décrit. Sont ainsi concernées :

– les acquisitions et constructions de logements neufs dans le secteur du logement intermédiaire ;

– les constructions et acquisitions de logements neufs mis en location respectant les conditions de ressources et de plafonds du logement social (plafonds du prêt locatif social – PLS).

Un agrément préalable est requis dans certaines conditions : c’est notamment le cas lorsque l’investissement est supérieur à un million d’euros, ou à 250 000 euros s’il est réalisé via un schéma intermédié, ou lorsqu’il intervient dans un secteur considéré comme sensible. Cette disposition s’applique notamment aux investissements productifs concernant l’équipement et la pose de câbles sous-marins.

Déduction d’impôt sur les sociétés du montant de certains investissements productifs ou immobiliers réalisés outre-mer et des souscriptions au capital de sociétés qui réalisent de tels investissements (1)

Dépense fiscale n° 320113 (217 undecies et 217 duodecies)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Nombre de bénéficiaires

(entreprises)

4 200

3 800

3 700

2 500

2 430

2 560

2 720

2 600

1 500

1 340

na

Montant de la dépense (en millions deuros)

150

135

160

175

144

180

170

140

97

63

61 (p)

(1)       Les données ne distinguent pas les investissements réalisés dans les « DROM » de ceux réalisés dans les « COM ».

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II.

évolution du nombre de bénéficiaires des articles 217 undecies et 217 duodecies du cgi

Sur la période 2008-2017, 2 735 entreprises en moyenne ont bénéficié du dispositif. La dépense fiscale moyenne s’élève, sur la période, à plus de 140 millions d’euros.

évolution du nombre de bénéficiaires des articles 217 undecies et 217 duodecies du cgi

(en millions d’euros)

c.   Un crédit d’impôt en faveur du logement social dans les « départements » d’outre-mer

En application de l’article 244 quater X du CGI, certains organismes de logement social peuvent bénéficier, sur option, d’un crédit d’impôt au titre de l’acquisition, de la construction ou de la prise en crédit-bail, jusqu’au 31 décembre 2020, des logements neufs dans les départements d’outre-mer.

Le crédit d’impôt est également applicable pour les opérations suivantes :

– les travaux de réhabilitation permettant aux logements d’acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs effectués sur des logements achevés depuis plus de vingt ans ou permettant leur confortation contre le risque sismique ;

– les travaux de réhabilitation sur les logements sociaux achevés depuis plus de vingt ans et situés dans les quartiers dits « NPNRU » (nouveau programme national de renouvellement urbain).

Sous réserve de leur implantation exclusive dans les départements d’outre-mer, les logements acquis, construits ou réhabilités doivent présenter des caractéristiques identiques à celles requises pour l’application de la réduction d’impôt de l’article 199 undecies C du CGI.

Le taux du crédit d’impôt est de 40 %. En revanche, pour les investissements relatifs à la réhabilitation de logements situés dans les quartiers « NPNRU » et pour les travaux visant la confortation des logements contre le risque sismique, le taux s’élève à 20 %.

Comme pour la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies C du CGI, l’avantage fiscal est assis sur le prix de revient des logements minoré des taxes et commissions d’acquisition ainsi que des subventions publiques reçues. Son montant est plafonné dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article précité.

Les dispositifs prévus aux articles 199 undecies C et 217 undecies, d’une part, et celui prévu à l’article 244 quater X du CGI, d’autre part, remplissent ainsi les mêmes objectifs en faveur du logement social.

2.   Des évaluations critiques concordantes

La mise en lumière régulière des défauts associés à différents dispositifs de défiscalisation n’a pas toujours conduit à la rationalisation effective de la dépense fiscale.

La complexité des schémas mis en place dans le cadre des opérations de défiscalisation, la résistance des acteurs et, notamment des intermédiaires ainsi que les besoins réels des outre-mer sont autant d’éléments à prendre en considération pour appréhender la rationalisation de ces dispositifs fiscaux.

Souvent réalisés par l’intermédiaire d’une société de portage relevant de l’IR ou de l’IS, les investissements en faveur du logement social outre-mer donnent lieu, dans certains cas, à une répartition de l’avantage fiscal entre les associés personnes physiques, à proportion de leurs parts dans les sociétés.

Or, les différentes évaluations effectuées sur les dispositifs de défiscalisation des investissements effectués outre-mer en général – qu’il s’agisse d’investissements productifs ou d’investissements en matière de logement social – ont permis de constater un phénomène dit d’« évaporation fiscale », selon lequel le bénéfice de l’avantage fiscal consenti est réparti entre les différents acteurs participant à l’opération mais capté pour une part non négligeable par les intermédiaires. Dans pareils cas, le dispositif fiscal ne bénéficie donc que marginalement aux porteurs de projets, voire aux territoires. Le risque de voir financer des projets sans lien avec les réels besoins des outre-mer croît avec la perspective, pour les intermédiaires, de « récupérer » une partie de l’avantage fiscal offert. Ainsi, les schémas de défiscalisation « génèrent une dépense élevée qui ne bénéficie pas au public visé » ([188]).

Les modifications qui sont proposées par le présent article (cf. II) participent d’une volonté de recentrer les dispositifs fiscaux en faveur du logement social sur les objectifs et les bénéficiaires initiaux. Elles sinscrivent également dans le prolongement de la tendance, amorcée avec la création du crédit dimpôt de larticle 244 quater X du CGI, dune substitution progressive des crédits dimpôts aux réductions dimpôt, substitution considérée comme plus efficace.

La création d’un dispositif concurrent de crédit d’impôt, applicable pour l’acquisition ou la construction de logements sociaux et soumis au respect des mêmes conditions que celles associées à la réduction d’impôt, bénéficie directement aux organismes de logements sociaux et évite ainsi la déperdition de l’avantage fiscal.

Ce dispositif, introduit par la loi de finances pour 2014 ([189]), dans une logique de substitution, à terme, aux différentes réductions d’impôt présente, cinq ans après sa création, un bilan encourageant. L’appropriation du dispositif par les organismes et donc ses effets sur les objectifs de logement social s’apprécieront sur le moyen-long terme.

Évolution du crédit d’impôt à raison des investissements
dans le logement social réalisés outre-mer

Année

2015

2016

2017

Nombre de bénéficiaires

0

4

nd

Montant de la dépense (en millions deuros)

0

8

7

Source : Évaluations des voies et moyens.

En dépit du caractère récent de ce crédit d’impôt, l’évaluation préalable avance, pour en expliquer le « succès » plusieurs éléments : l’absence d’agrément préalable qui réduit le délai de mise en œuvre du programme d’investissement et l’attractivité moindre de la défiscalisation depuis la soumission de la réduction d’impôt au plafonnement général de certains avantages fiscaux.

Ainsi, la comparaison entre les deux mécanismes fiscaux est-elle nettement à l’avantage du crédit d’impôt : l’aide fiscale, qui créé une créance directe sur le Trésor, bénéficie directement à l’exploitant ultra-marin et permet de « concentrer laide sur les bénéficiaires finaux (les organismes de logements sociaux et la population domienne) » ([190]). Cela réduit également les risques d’investissements sans lien avec les besoins réels des territoires.

II.   Le dispositif proposÉ

prÉsentation schématique des effets de l’article 11

(sur la base des informations disponibles dans les Évaluations des voies et moyens)

Dispositif supprimé ou modifié

Incitation au don de matériel informatique par les employeurs à leurs salariés

Incitation des employeurs à aider leurs salariés à créer leur entreprise

Régime applicable aux titres des sociétés financières dinnovation (SFI)

Déduction du bénéfice des sommes mises en réserves impartageables pour les SCIC

Soutien à linvestissement social outre-mer

Article du CGI

31 bis de l’article 81

39 quinquies H

40 sexies

39 quinquies A

VIII de l’article 209

199 undecies C

217 undecies

Mécanisme fiscal

Exonération d’IR

Provision spéciale en franchise d’impôt

Amortissement exceptionnel

Déduction d’IS

Réduction d’impôt

Effets de l’article 11

Abrogation

Abrogation

Abrogation

Augmentation de l’assiette imposable

Extinction du dispositif

Impôt concerné

IR

IS

IR/IS

IS

IR/IS

Bénéficiaires

Ménages

Entreprises

Entreprises

Entreprises

Ménages et entreprises

Nombre moyen de bénéficiaires sur la période 2010-2016

nc

22

(total des bénéficiaires sur la période)

nc

nc

6 126 (1)

Montant moyen de la dépense fiscale sur la période 2010-2016

(en millions deuros)

4

epsilon

nc

2,5

185

(1) Données ne concernant que l’article 199 undecies C (et donc les ménages).

Source : commission des finances

A.   Une abrogation de trois dispositifs

Le présent article prévoit :

– l’abrogation, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2019 (B du V), du 31°bis de l’article 81 du CGI ( du I) (exonération du revenu imposable des matériels informatiques remis gratuitement par l’employeur à ses salariés) ;

En conséquence, le f du 4° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, qui fait référence à ce dispositif, est également abrogé (III) à compter de l’imposition des revenus de l’année 2019 (B du V).

– l’abrogation de l’article 39 quinquies H du CGI (3° du I) (provision spécifique pour aides à l’installation consenties par les entreprises à leurs salariés) ; l’abrogation s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019 (A du V). L’article prévoit que les provisions constituées au titre d’un exercice ouvert avant le 1er janvier 2019 sont rapportées conformément aux dispositions du II de l’article 39 quinquies H du CGI (6° du I et C du V).

– l’abrogation des articles 40 sexies (4° du I), 39 quinquies A du CGI (2° du I) et de l’article 4 de la loi du 11 juillet 1972 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier (IV du présent article), (exonération des plus-values de cession de titres de SFI et parts de sociétés de recherche agréées et l’amortissement exceptionnel en faveur des entreprises qui souscrivent au capital de SFI).

En conséquence, par mesure de coordination, l’article 39 A du CGI est modifié (1° du I) et les références à l’article 39 quinquies A dans l’article 223 L (11° du I) et dans l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales sont supprimées.

B.   Une limitation de l’avantage consenti aux SCIC

Considérant que « le dispositif comporte un effet daubaine important » ([191]), le présent article vise à réduire le champ de la déduction aux seuls excédents dont la mise en réserves impartageables ne résulte pas des dispositions générales et particulières applicables aux SCIC, soit 57,5 % (15 % + 42,5 %) au maximum. Ainsi, seule la part des excédents mis en réserves impartageables supérieure à 57,5 % donnera lieu à une déduction de l’assiette de l’IS.

Le présent article propose ainsi de modifier le VIII de l’article 209 du CGI (8° du I). Les modifications s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019 (A du V).

C.   UNe rationalisation des dispositifs en faveur du logement social outre-mer

Pour remédier aux difficultés évoquées supra et prendre en compte les évolutions récentes de dispositifs par ailleurs en voie d’extinction, le présent article prévoit de mettre fin à la réduction d’impôt en faveur de l’investissement social outre-mer effectué dans les départements d’outre-mer dont peuvent bénéficier les personnes physiques, en application de l’article 199 undecies C du CGI, et les sociétés soumises à l’IS, en application de l’article 217 undecies du CGI.

S’agissant de l’article 199 undecies C du CGI, le présent article procède aux modifications suivantes :

– suppression des deux dernières phrases du 7° du I de l’article 199 undecies C du CGI (a) du 7° du I du présent article) ;w

– prolongement de l’éligibilité des investissements réalisés dans les départements d’outre-mer jusqu’à la date de la présentation en conseil des ministres du présent PLF (i et ii du b du 7° du I du présent article) : le dispositif sera donc applicable aux acquisitions ou constructions de logements réalisées, dans les départements d’outre-mer, jusqu’au 24 septembre 2018 ou pour lesquelles un agrément est parvenu à l’administration au plus tard à cette même date. Les conditions relatives à l’éligibilité des investissements en cours de réalisation, pour lesquels une demande d’agrément est parvenue à l’administration, sont supprimées (iii du b du 7° du I du présent article) ;

– suppression des dispositions conditionnant l’extinction du dispositif à un mécanisme pérenne de préfinancement (i du b du 7° du I du présent article).

S’agissant de l’article 217 undecies du CGI, le présent article procède aux modifications suivantes :

– exclusion des investissements concernant les logements neufs répondant aux critères mentionnés aux b et c du 1 du I de l’article 244 quater X du CGI du champ d’application de l’article 217 undecies du CGI (a du 9° du I du présent article) ;

– suppression de l’exception introduite pour les investissements relatifs au logement social concernant le critère de chiffre d’affaires des sociétés pouvant bénéficier de la réduction d’impôt (b du 9° du I du présent article).

Les modifications des dispositifs des articles 199 undecies C du CGI et 217 undecies du CGI concernant le logement social ne s’appliquent que dans les départements d’outre-mer. Par conséquent, l’article 217 duodecies du CGI, applicable aux investissements réalisés dans les collectivités d’outre-mer ([192]), est complété pour faire référence aux investissements en faveur du logement social réalisés dans ces territoires (10° du I du présent article).

L’extinction des dispositifs des articles 199 undecies C du CGI et 217 undecies du CGI au profit du régime de l’article 244 quater X du CGI emporte des conséquences sur ce même article : l’option offerte à certains organismes de logement social, qui peuvent choisir de bénéficier directement du crédit d’impôt ou recourir à un schéma de défiscalisation, est supprimée (a à c du 12° du I du présent article). Le développement du logement social dans les départements d’outre-mer ne pourra ainsi se faire que par le recours au crédit d’impôt de l’article 244 quater X du CGI.

En conséquence, la référence aux articles 199 undecies C du CGI et 217 undecies du CGI est supprimée à l’article 296 ter qui énonce les conditions dans lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée peut être perçue au taux réduit pour certaines opérations (13° du I du présent article). Pour les mêmes raisons, le 4° de l’article 1051 du CGI et l’article 1594 I quater du CGI sont abrogés (14° et 15° du I du présent article).

D.   L’impact BudgÉtaire et Économique

Ne figure dans l’évaluation préalable qu’une évaluation très partielle de l’impact budgétaire du présent article.

Sur les cinq dispositifs dont il est proposé la suppression ou la modification du champ, seuls trois font l’objet d’un véritable chiffrage.

– Le gain associé à l’abrogation de l’exonération du revenu imposable des matériels remis gratuitement par l’employeur à ses salariés est estimé à 5 millions deuros.

– Le gain associé à la modification du régime de déduction applicable aux SCIC est évalué entre 0 et 2 millions deuros à compter de 2020, première année d’incidence.

– La provision spéciale pour aides à l’installation consentie par les entreprises à leurs salariés sous forme de prêt ou de souscription au capital de l’entreprise créée étant chiffrée à 0 euro en 2017, la suppression du dispositif est évaluée sans incidence budgétaire.

Pour les autres dépenses, l’absence de données disponibles suffisamment précise n’a pas permis de mesurer précisément l’impact budgétaire.

S’agissant de la rationalisation des dépenses fiscales en faveur de l’investissement social outre-mer, le coût associé à l’extinction du dispositif de l’article 199 undecies C du CGI n’est pas identifiable, « faute de données dans les déclarations dimpôt sur le revenu permettant de connaître le coût de la dépense fiscale au titre des investissements effectués dans un territoire donné » ([193]). En revanche, une « approximation », obtenue en répartissant le coût de la dépense fiscale à partir de la répartition des montants d’investissements selon leur nature est avancée s’agissant de la suppression de l’article 217 undecies du CGI. Le gain annuel pour l’État pourrait ainsi s’élever à 3 millions d’euros.

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*     *

La commission examine lamendement I-CF42 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 3 de l’article 11, qui tend à priver les entreprises qui font des investissements en immeubles en vue de réaliser des opérations de recherche scientifique ou technique de la possibilité de pratiquer un amortissement exceptionnel égal à 50 % du prix de revient de ces investissements dès la première année de leur réalisation. Compte tenu des fins poursuivies par ces entreprises et de la volonté du Gouvernement et de la majorité de soutenir la recherche et l’innovation, il ne semble pas opportun de supprimer cet avantage fiscal.

M. le Rapporteur général. Cet amendement n’a pas de véritable portée, puisque le dispositif concerne les investissements réalisés avant le 1er janvier 1991. Il convient, me semble-t-il, de soutenir la démarche de rationalisation des dépenses fiscales. En outre, il existe, dans ce domaine, des dispositions un peu plus intéressantes que nous évoquerons lorsque nous examinerons l’article 14.

M. Patrick Hetzel. Je soutiens l’amendement de Mme Bonnivard. On nous parle de « start-up nation », de « développement de la recherche et de l’innovation ». Or, en supprimant cet avantage fiscal, le Gouvernement va augmenter la fiscalité des entreprises qui contribuent à la recherche scientifique ou technique. C’est ce que nous dénonçons à travers cet amendement.

La commission rejette lamendement I-CF42.

Puis elle est saisie de lamendement I-CF1052 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Actuellement, les demandeurs d’emploi depuis plus d’un an bénéficient, lorsqu’ils ne sont pas aux frais réels, de dispositions spécifiques au titre de la déduction forfaitaire pour leurs frais professionnels. Cela part d’une intention extrêmement généreuse, mais la dépense moyenne par bénéficiaire n’est que de 2,52 euros. Je ne suis donc pas certain qu’une telle disposition soit une aide considérable pour les demandeurs d’emploi... En revanche, ses bénéficiaires étant très nombreux – 800 000 en 2016 –, ce dispositif inutile coûte entre 1 et 2 millions d’euros suivant les années. Je vous propose donc de supprimer cet avantage qui pourrait être assimilé à une détestable aumône.

La commission adopte lamendement I-CF1052 (amendement I-2324).

Elle examine ensuite lamendement I-CF1308 de M. Serge Letchimy.

M. François Pupponi. Cet amendement vise à revenir sur la suppression du dispositif de défiscalisation destiné à favoriser la construction de logements sociaux outre‑mer.

M. le Rapporteur général. En matière d’investissement en faveur du logement social, un crédit d’impôt spécifique permet aux organismes de logement social de bénéficier directement de l’avantage fiscal au titre de l’acquisition ou de la construction de logements neufs dans les départements d’outre-mer jusqu’au 31 décembre 2020. Sont également éligibles au crédit d’impôt certains travaux de réhabilitation, notamment ceux qui sont effectués sur des logements achevés depuis plus de vingt ans et situés dans les quartiers relevant du Nouveau programme national de renouvellement urbain.

Nous sommes donc en présence de deux dispositifs qui répondent aux mêmes objectifs : l’amélioration quantitative et qualitative du parc de logements sociaux outre-mer. Dans une logique de rationalisation des dépenses fiscales, le projet de loi prévoit l’extinction de la défiscalisation au titre du logement social dans les départements et régions d’outre-mer, le crédit d’impôt étant un bien meilleur instrument puisqu’il évite l’évaporation fiscale. Défavorable.

M. François Pupponi. Ce double dispositif a été inventé parce qu’on manque, outre-mer, d’opérateurs et de bailleurs sociaux. Or, je n’ai pas le sentiment que ces derniers soient revenus en force dans ces territoires. Dès lors, supprimer le second dispositif va mettre à mal la construction de logements sociaux outre-mer.

M. le Rapporteur général. La dépense fiscale étant en augmentation, je pense que le crédit d’impôt fonctionne correctement.

La commission rejette lamendement I-CF1308.

La commission est ensuite saisie de deux amendements identiques, I-CF672 de M. Philippe Gomès et I-CF1379 de M. Max Mathiasin.

Mme Maina Sage. L’amendement I-CF672 vise à étendre le champ de la réduction d’impôt en faveur du logement social afin que les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie en bénéficient au titre des opérations de réhabilitation et de rénovation.

M. Max Mathiasin. Actuellement, les organismes de logements sociaux des collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et de Nouvelle-Calédonie ne peuvent pas bénéficier du crédit d’impôt de l’article 244 quater X, en raison de la compétence de ces collectivités en matière fiscale. L’amendement I-CF1379 vise donc à étendre à tous les territoires ultra-marins le bénéfice de cette réduction d’impôt accordée pour les dépenses de rénovation ou de réhabilitation de logements sociaux achevés depuis plus de vingt ans. Il s’agit d’inciter les propriétaires à effectuer, dans les logements anciens, les travaux nécessaires pour parvenir à des performances techniques voisines de celles des logements neufs, et ce afin de se prémunir contre les risques sismiques et cycloniques.

M. le Rapporteur général. Sagesse. Le Gouvernement vous demandera peut-être de déposer l’amendement sur la seconde partie du PLF, afin d’éviter tout effet d’aubaine sur l’année en cours, mais je souhaite que nous marquions dès à présent notre volonté de poursuivre dans la voie que vous avez tracée.

La commission adopte les amendements I-CF672 et I-CF1379 (amendement I-2329).

Elle en vient ensuite à lexamen de lamendement I-CF1058 de Mme Huguette Bello.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le présent amendement vise à maintenir jusqu’au 31 décembre 2025 le dispositif prévu au VI de l’article 199 undecies C, relatif à l’acquisition de logements achevés depuis plus de vingt ans en vue de leur réhabilitation. Ce dispositif permet à des propriétaires occupants qui ne disposent que de très modestes ressources de bénéficier de financements pour la réhabilitation de leur logement. Sa suppression, à l’article 11 de ce PLF, est incompréhensible à plusieurs titres. En effet, les logements insalubres et, par conséquent, les besoins de réhabilitation demeurent importants dans les outre-mer. Par ailleurs, le dispositif du crédit d’impôt qui doit se substituer à la défiscalisation est inadapté aux caractéristiques de ces opérations. En outre, les organismes de logements sociaux associatifs qui interviennent le plus souvent dans ces opérations ne bénéficieront probablement pas des mécanismes de préfinancement du crédit d’impôt. Enfin, le maintien des dispositifs d’aide fiscale au logement social figure parmi les engagements du Livre bleu des outremer.

Cet amendement tend donc à reconduire le dispositif existant, d’une part, en le limitant exclusivement aux réhabilitations des logements dégradés des familles défavorisées et, d’autre part, en prévoyant un contrôle renforcé des intermédiaires et des agréments.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, notamment pour les mêmes raisons que celles exposées lors de l’examen de l’amendement I-CF1308.

La commission rejette lamendement I-CF1058.

Puis elle est saisie de lamendement I-CF1054 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Il s’agit de supprimer la réduction d’impôt sur le revenu dont bénéficient des contribuables domiciliés en France à raison des intérêts perçus au titre du différé de paiement qu’ils accordent à des exploitants agricoles âgés de moins de quarante ans qui s’installent ou sont installés depuis moins de cinq ans, dans le cadre de la vente de l’ensemble des éléments de l’actif affectés à l’exercice d’une activité agricole, d’une branche complète d’activité ou de l’intégralité de leurs parts d’un groupement ou d’une société agricole dans lequel ils exercent.

Cette niche fiscale ne bénéficie qu’à une dizaine de contribuables chaque année
– ils étaient treize en 2016. L’avantage est donc concentré sur quelques exploitations, mais il est relativement important puisqu’il s’élèverait en moyenne à 38 000 euros par exploitation pour une dépense fiscale de 500 000 euros. Je propose que ce type de mesures un peu trop précisément ciblées, voire abusives, soit supprimé.

M. Julien Aubert. Il s’agit d’une dépense fiscale intéressante. Le fait qu’un dispositif soit très ciblé ne signifie pas forcément qu’il est inefficient – pour le coup, on ne peut pas parler de saupoudrage ! La question qui se pose est donc celle de savoir s’il est efficace. En l’espèce, il concerne des exploitants agricoles âgés de moins de quarante ans, donc des jeunes. Toutefois, je ne comprends pas si les bénéficiaires du dispositif sont ceux qui quittent l’exploitation ou ceux qui s’installent. Peut-être s’agit-il d’une aide à l’installation des jeunes agriculteurs...

M. le Rapporteur général. Il ne s’agit pas d’une aide directe à l’installation ; si tel était le cas, je n’en aurais jamais proposé la suppression.

M. Julien Aubert. En ce cas, pourquoi cette aide a-t-elle été créée ?

Mme Véronique Louwagie. Après l’examen du PLF pour 2018, un groupe de travail sur la fiscalité agricole, dont Marc Le Fur et moi-même sommes membres, a été constitué avec pour mission de dresser un état des lieux de la fiscalité agricole. L’an dernier, lorsque nous avons déposé des amendements sur ce sujet, on nous a répondu qu’il convenait d’attendre les conclusions de ce groupe de travail, qui les a remises il y a quelque temps. Nous retrouvons, du reste, certaines de ses préconisations dans le PLF, notamment sur l’aide à l’investissement et l’aide aux jeunes agriculteurs. Je m’étonne donc du dépôt d’un tel amendement, dont nous n’avons pas été saisis.

M. François Pupponi. La mesure dont nous discutons est, d’une certaine manière, une aide à l’installation, puisque le crédit d’impôt bénéficie à ceux qui accordent un différé de paiement aux agriculteurs qui rachètent une exploitation. Il s’agit donc bien, selon l’exposé sommaire de l’amendement, de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs.

M. Jean-Paul Mattei. Comme l’a dit Véronique Louwagie, il faut replacer cette mesure dans un contexte global. Pardonnez-moi, monsieur le Rapporteur général, mais je ne sais pas s’il est pertinent de supprimer cet avantage. Ne pourrions-nous pas examiner cet amendement, qui vient un peu comme un cheveu sur la soupe, dans le cadre plus global de la transmission d’entreprises agricoles. Je ne voudrais qu’il ait des effets collatéraux que nous n’aurions pas mesurés.

Mme Valérie Rabault. Pourriez-vous, monsieur le Rapporteur général, nous donner une évaluation du nombre d’exploitations concernées ?

M. le Rapporteur général. Je viens de l’indiquer : en 2016, treize agriculteurs étaient concernés, soit un bénéfice de 38 000 euros par exploitation pour une dépense de 500 000 euros.

M. Jean-Paul Dufrègne. Peut-être ces chiffres s’expliquent-ils par le fait que le dispositif est méconnu, auquel cas il faut le faire connaître davantage. En tout cas, tout ce qui peut faciliter la transmission d’exploitations agricoles me semble aller dans le bon sens. En l’espèce, il s’agit bien d’une aide à l’installation des jeunes car la transmission du capital d’exploitation est un véritable enjeu au regard du renouvellement des agriculteurs. Plutôt que de supprimer cette disposition, qui peut être intéressante dans un certain nombre de cas, il conviendrait d’en faire davantage la publicité.

M. Julien Aubert. J’ai retrouvé la présentation de cette mesure dans la brochure de 2017 relative à l’impôt sur le revenu. Afin de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs, l’article 199 vicies A du CGI a instauré une réduction d’impôt sur le revenu en faveur des contribuables qui ont cédé leur exploitation à un jeune exploitant entre 2005 et 2010. Cependant, la déduction des intérêts est possible pendant une période maximale de douze ans, soit, en théorie, jusqu’en 2022. Il faudrait donc s’assurer, monsieur le Rapporteur général, que la situation visée par votre amendement ne correspond pas au reliquat de la mesure fiscale qui s’est appliquée entre 2005 et 2010 et dont le bénéfice serait en train de s’éteindre progressivement. Si tel est le cas, laissons-la aller à son terme. Sinon, il faut éclaircir cette question, car il est hors de question de supprimer une mesure en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs.

M. Hervé Pellois. Puisque la mesure concernée est probablement destinée à favoriser l’installation des jeunes agriculteurs, je préférerais que l’amendement soit retiré. S’il s’agit bien, comme le dit M. Aubert, d’une mesure en cours d’extinction, laissons-la aller à son terme.

M. le Rapporteur général. Il s’agit, me semble-t-il, d’un faux débat. Les dispositifs d’aide à l’installation des jeunes agriculteurs, vous les connaissez tous ; ils vont d’ailleurs être renforcés. En l’espèce, peut-être s’agit-il, comme l’a suggéré M. Aubert, de la fin de l’application d’un dispositif. Aussi vais-je retirer l’amendement, pour le redéposer en séance publique. En tout état de cause, que l’on ne me dise pas qu’un dispositif qui bénéficie à une dizaine de personnes chaque année permet de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs. Je crois plutôt qu’il s’agit d’une mesure qui cible des cas particuliers et qui faisait sans doute l’objet d’un amendement on ne peut plus orienté, adopté dans le feu de l’action et la joie d’une nuit sans lune. Encore une fois, lorsqu’une petite niche – son montant total est inférieur à 500 000 euros – bénéficie à une dizaine de personnes, pour des sommes relativement importantes par exploitation, on peut dire qu’il s’agit d’un dispositif relativement abusif, car il ne contribue pas réellement à aider les jeunes agriculteurs.

M. le président Éric Woerth. J’ai compris que le Gouvernement allait déposer un grand projet de loi de réforme de la fiscalité agricole. Peut-être cette question pourrait-elle être abordée dans ce cadre. Si le dispositif présente un intérêt, il faut en étendre le bénéfice ; s’il n’en a pas, il faut en effet le supprimer.

Lamendement I-CF1054 est retiré.

La commission en vient à lexamen, en discussion commune, des amendements identiques I-CF153 de M. Jean-Pierre Vigier, I-CF206 de Mme Marie-Christine Dalloz, ICF276 de M. Marc Le Fur, I-CF455 de Mme Anne-Laurence Petel, I-CF648 de M. JeanPaul Dufrègne, I-CF1040 de Mme Valérie Lacroute, ICF1150 de M. François Pupponi, I-CF1355 de Mme Sarah El Haïry, I-CF1374 de M. Olivier Gaillard et I-CF1396 de Mme Dominique David, et de lamendement ICF913 de Mme Sabine Rubin.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF206 a trait aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC), dont le développement est encouragé par la loi « Hamon » de 2014. Actuellement, la loi impose à ces sociétés de verser 15 % de leur résultat en réserve légale, puis au minimum 50 % du solde dans des réserves impartageables. Or l’alinéa 14 de l’article 11 du PLF tend à supprimer les avantages fiscaux liés à ces contraintes. C’est un mauvais signal adressé aux SCIC, qui sont nécessaires dans de nombreux domaines, qui vont du développement de fruitières à l’installation des médecins dans les territoires ruraux.

Mme Anne-Laurence Petel. L’amendement I-CF455 tend également à supprimer l’alinéa 14 de l’article 11, qui vise à réduire la déductibilité des résultats des SCIC dotés aux réserves impartageables pour la réserver aux versements aux réserves impartageables dépassant les dotations obligatoires en application des articles 16 et 19 nonies de la loi n° 47‑1775 du 10 septembre 1947 portant statut des coopératives.

La suppression de la déductibilité de 57,5 % des sommes mises en réserves impartageables correspondant aux réserves obligatoires du fait de la loi serait très dommageable pour les SCIC et remettrait en cause la création de nouvelles sociétés de ce type ou la transformation d’associations, alors qu’il s’agit d’un moyen privilégié d’évolution de leur modèle économique. Or, je le rappelle, le Gouvernement entend favoriser le changement d’échelle de ce mode d’entreprendre qui concilie activité économique et intérêt général. Les SCIC contribuent en effet à la lutte contre les déserts médicaux et au développement de l’énergie citoyenne, de l’habitat partagé, de la revitalisation des territoires et du secteur du sport.

Si ce dispositif a été peu utilisé par les SCIC, c’est uniquement parce qu’il est récent. Je propose donc que l’on renonce à le supprimer.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I-CF648 tend également à supprimer l’alinéa 14 de l’article 11. De nombreuses SCIC nous ont alertés quant aux conséquences qu’aurait l’adoption de cette disposition sur leur modèle. Il est en effet à craindre que la croissance des SCIC existantes s’arrête net et que la création de nouvelles structures répondant à ce modèle soit remise en cause.

Mme Valérie Lacroute. À mi-chemin entre la société commerciale et l’association, la SCIC est une structure juridique unique. La déductibilité des résultats affectés aux ressources impartageables est l’un de ses leviers de croissance. Le Gouvernement propose de supprimer cet avantage. Ce faisant, il part d’un faux constat. En effet, ce dont il faut tenir compte, ce ne sont pas les chiffres bruts actuels, mais l’évolution du dispositif sur plusieurs années et son utilité à l’avenir. Le recours au statut de SCIC augmente de 15 % par an depuis 2012. Grâce au renforcement du statut de ces sociétés en 2014, les collectivités locales ont pris conscience de l’intérêt de recourir à ce type de structures et les initiatives sont désormais nombreuses dans ce domaine. Ainsi, ma commune, Nemours, ayant la chance d’être retenue dans le dispositif « Action cœur de ville », nous envisageons de monter une SCIC pour favoriser la revitalisation du centre-ville. Supprimer l’avantage fiscal accordé à ces sociétés, ce serait envoyer un signal très négatif aux collectivités et remettre en cause le développement de celles qui ont été créées ces dernières années et dont les résultats ne se traduisent pas encore dans les chiffres.

L’amendement I-CF1040 est donc un amendement de cohérence, tourné vers l’avenir et le développement des SCIC.

Mme Sarah El Haïry. Nous encourageons actuellement certaines associations à se transformer en SCIC, car on leur demande de favoriser une hybridation de leurs ressources. Les SCIC sont en effet des coopératives qui permettent d’associer les usagers, les personnes morales, les collectivités et le porteur de projet pour répondre à des besoins territoriaux, que ce soit la lutte contre les déserts médicaux ou le développement du logement social. C’est un type de structures qui est en pleine croissance. Adopter cette disposition freinerait gravement leur développement. Le président de la République appelle de ses vœux le développement d’une société de l’engagement. Or les SCIC sont un des modèles de l’économie sociale et solidaire, un modèle, qui plus est, agile et qui a vocation à perdurer. C’est en définitive l’un des seuls outils qui permettent une co-construction active.

M. Olivier Gaillard. J’abonde dans le sens de mes collègues. Le Gouvernement, je le rappelle, soutient le développement des SCIC, qui est accompagné par les collectivités, en particulier le bloc communal. Il est donc important de maintenir le dispositif actuel pour renforcer cette mission d’utilité sociale et d’intérêt collectif.

Mme Dominique David. Tout a été dit, je crois. J’ajouterai simplement que le « pass numérique », qui vient d’être lancé pour favoriser l’accès des citoyens au numérique, est né au sein d’une SCIC de Gironde. Il est donc important de soutenir ce type d’initiatives.

M. le Rapporteur général. Je sais l’importance que peuvent avoir les sociétés coopératives d’intérêt collectif dans un certain nombre de territoires, notamment les plus fragiles. Toutefois, le dispositif actuel crée un effet d’aubaine puisqu’il incite ces sociétés à placer la totalité de leurs excédents dans les réserves impartageables pour bénéficier d’une exonération totale d’impôt sur les sociétés. Néanmoins, la mesure proposée par le Gouvernement permettrait de réaliser une économie somme toute marginale, puisqu’elle s’élèverait à environ 2 millions d’euros. Compte tenu de l’intérêt que présentent ces structures dans un certain nombre de territoires, je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Marie-Christine Dalloz et Mme Sarah El Haïry. Bravo !

La commission adopte les amendements I-CF153, I-CF206, I-CF276, ICF455, ICF648, I-CF1040, I-CF1150, I-CF1355, I-CF1374 et I-CF1396 (amendement I-2333).

En conséquence, lamendement I-CF913 tombe.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1253 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Les niches fiscales anti-écologiques, dont on parle beaucoup, représentent plusieurs milliards d’euros. Cet amendement porte cependant sur une toute petite niche, précisément parce que son montant n’est pas très important. Nous verrons ainsi si l’on est en mesure de supprimer ce type de dispositif. Il s’agit de revenir sur l’exonération, sur agrément, des bénéfices réinvestis dans l’entreprise pour les sociétés de recherche et d’exploitation minière dans les départements d’outre-mer. Cette dépense fiscale est de très faible importance et peu pertinente.

M. le Rapporteur général. Je précise que, pour bénéficier de ce régime fiscal, les demandes d’agrément ont dû être présentées avant le 31 décembre 2001. Ce dispositif ne vit donc qu’en raison des engagements qui ont été pris antérieurement à cette date, de sorte qu’il n’est pas susceptible de générer des dépenses supplémentaires. Sans doute est-ce, du reste, la raison pour laquelle il n’est plus suivi de manière correcte. Compte tenu du débat sur les outre-mer, je vous incite à retirer l’amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

M. Éric Alauzet. Je retire l’amendement, mais je le redéposerai en séance publique.

Lamendement I-CF1253 est retiré.

La commission adopte larticle 11 modifié.

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Article additionnel après l’article 11
Élargissement du champ de la réduction dimpôt au titre de linvestissement productif outre-mer aux activités de la navigation de croisière

La commission examine lamendement I-CF622 de Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Cet amendement, très attendu, a été travaillé avec différentes collectivités d’outre-mer. Il vise à élargir, à l’article 199 undecies B du CGI, le bénéfice de l’aide à l’investissement outre-mer en faveur des navires de croisière : le plafond, actuellement fixé à 50 cabines, serait porté à 300 cabines.

L’objectif est de favoriser la création de lignes basées dans les territoires d’outre‑mer, afin d’accroître les retombées économiques liées à ce secteur, qui est, je le rappelle, l’un des secteurs à plus fort potentiel de développement pour nos collectivités, notamment en Polynésie française, où il représente actuellement le quart des ressources propres du territoire.

M. Joël Giraud, Rapporteur général. Cet amendement présente quelques problèmes de rédaction sur le plan légistique. Aussi m’en remettrai-je à la sagesse de la commission, afin que nous puissions régler les choses en séance si celle-ci l’adopte.

La commission adopte lamendement I-CF622 (amendement I-2344).

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Article additionnel après l’article 11
Assouplissement des conditions de mise en location des logements sociaux outre-mer

Suivant lavis favorable du Rapporteur général, elle adopte lamendement ICF1036 de M. Olivier Serva (amendement I-2345).

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Après l’article 11

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF675 de M. Philippe Gomès et I-CF1380 de M. Max Mathiasin.

M. Max Mathiasin. Cet amendement vise à ne pas dégrader le niveau de l’aide apportée aux projets d’investissement réalisés dans les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

L’aide fiscale y est en effet directement proportionnelle au taux d’impôt sur les sociétés en vigueur l’année du fait générateur de l’investissement. La trajectoire de baisse du taux d’impôt sur les sociétés aurait un impact très négatif sur tous les projets de ces collectivités, si cet effet n’était pas corrigé.

Ce problème n’existe pas dans les départements d’outre-mer, car le crédit d’impôt institué par l’article 244 quater W du CGI y reste fixe, quelle que soit la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Je vous invite à redéposer votre amendement en séance pour que nous y ayons le débat sur le sujet que vous évoquez.

La commission rejette les amendements I-CF675 et I-CF1380.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette également les amendements identiques I-CF670 de M. Philippe Gomès et I-CF1382 de M. Max Mathiasin.

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Article 12
Réforme du régime de lintégration fiscale

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme le régime de l’intégration fiscale en modifiant certaines rectifications réalisées pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe fiscalement intégré :

– le champ des dividendes intragroupes éligibles au régime mère-fille et imposés à hauteur de 1 % est étendu à certaines situations assimilées à l’intégration fiscale ;

– l’exonération des dividendes intragroupes inéligibles au régime mère-fille est supprimée par la création d’une quote-part de 1 % ;

– la neutralisation des abandons de créance et des subventions intragroupes est supprimée ;

– la neutralisation de la quote-part imposable dans le cadre de la « niche Copé » est supprimée, le taux de cette quote-part étant parallèlement abaissé de 12 % à 5 %.

Ces modifications permettront de renforcer la sécurité juridique du régime d’intégration fiscale au regard des nombreuses décisions de la Cour de justice de l’Union européenne ayant remis en cause certains avantages propres à ce régime.

Le dispositif proposé devrait entraîner un coût annuel pérenne estimé à 110 millions d’euros.

Dernières modifications intervenues

L’intégration fiscale a été étendue aux groupes « Papillon » par l’article 33 de la dernière loi de finances rectificative pour 2009 et aux groupes horizontaux par l’article 63 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014.

Plusieurs décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, rendues notamment entre 2015 et 2018, ont censuré certains avantages fiscaux prévus dans le cadre de régimes d’intégration fiscale, dont le régime français, au motif qu’ils ne bénéficiaient pas à d’autres sociétés européennes placées dans des situations comparables.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Outre un amendement de précision, la commission a adopté un amendement du Rapporteur général réservant la baisse du taux de la quote-part imposable dans le cadre de la « niche Copé » aux seuls groupes fiscalement intégrés et entreprises assimilées, sur le modèle des règles prévues dans le régime mère-fille. Les autres entreprises ne connaissant aucun changement de leur situation, il n’apparaît en effet pas nécessaire de leur octroyer un avantage particulier.

I.   L’état du droit

L’intégration fiscale est un régime particulier d’imposition à l’IS des groupes de sociétés. Permettant une consolidation des pertes et profits et prévoyant plusieurs retraitements pour la détermination du résultat d’ensemble, il se révèle généralement plus avantageux qu’une imposition individuelle de ses membres. En 2017, 120 000 sociétés étaient concernées par l’intégration fiscale ([194]).

Plusieurs de ses aspects, néanmoins, ont été remis en cause par le droit de l’Union européenne, conduisant à de nombreuses évolutions portant sur le périmètre des groupes ou sur les rectifications apportées aux opérations intragroupes.

A.   Le régime de l’intégration fiscale

Le régime de l’intégration fiscale est prévu aux articles 223 A à 223 U du CGI et constitue une modalité de calcul de l’IS ([195]).

De façon très simplifiée, ce régime revient à assimiler les sociétés constituant un groupe fiscalement intégré (GFI) à une entité économique unique, assimilation permise par l’exigence d’un très haut niveau de détention du capital des sociétés membres, fixé à 95 %.

L’intégration fiscale prévoit, pour la détermination de l’assiette imposable à l’IS, une consolidation du résultat au niveau du groupe, assortie de retraitements nombreux portant sur les opérations intragroupes et destinés à éliminer les doubles impositions et les doubles déductions que ces opérations pourraient induire.

La société qui s’érige tête de groupe est la seule redevable de l’IS assis sur l’assiette ainsi déterminée.

1.   Le périmètre des groupes fiscalement intégrés

Le présent article ne modifiant pas le périmètre de l’intégration fiscale, les développements suivants ne porteront que sur une présentation des principaux aspects liés à ce périmètre. Seront ainsi abordés :

– les groupes verticaux (intégration classique) ;

– les groupes « Papillon » ;

– les groupes horizontaux.

a.   Les groupes verticaux : l’intégration fiscale classique

● L’intégration fiscale permet à une société soumise à lIS de se constituer, sur option, seule redevable de lIS dû par elle-même et lensemble des sociétés dont elle détient, directement ou indirectement, au moins 95 % du capital (condition prévue au premier alinéa du I de l’article 223 A du CGI). L’option est exercée pour une durée de cinq ans et est renouvelée par tacite reconduction.

L’intégration fiscale est également ouverte aux établissements publics à caractère industriel et commercial, dès lors qu’ils sont assujettis à l’IS et qu’ils satisfont aux conditions de détention, en application de l’article 223 A bis.

Dans le cadre d’une détention indirecte (chaîne de détention), la satisfaction de la condition de détention d’au moins 95 % du capital est appréciée en faisant le produit des taux de détention.

Il est précisé que, en application de l’article 46 quater‑0 ZF de l’annexe III du CGI, la détention à hauteur de 95 % est assimilée à une détention à 100 % dans le cadre de chaîne de détention. Sans cette précaution, une chaîne ininterrompue de détention à 95 % ne pourrait mathématiquement pas satisfaire la condition posée au premier alinéa du I de l’article 223 A (95 % × 95 % = 90,25 %).

● Les filiales doivent donner leur accord pour être membres du groupe fiscalement intégré. En revanche, la société tête de groupe peut décider seule de la sortie d’une société membre.

Les autres hypothèses de sortie sont nombreuses et figurent à l’article 223 S du CGI : modification du régime fiscal de la filiale, modification des dates d’ouverture et de clôture de ses exercices, détention amenée sous le seuil de 95 %, transfert du siège de la filiale à l’étranger, etc.

La société tête de groupe ne doit pas, elle-même, être détenue à au moins 95 % par une société soumise à l’IS. Dans une telle hypothèse, en effet, ce serait cette seconde société qui pourrait s’ériger tête de groupe.

Le troisième alinéa de l’article 223 A du CGI admet en revanche que la société tête de groupe puisse être détenu à hauteur d’au moins 95 % :

– par une ou plusieurs personnes non soumises à l’IS ;

– par une personne morale soumise à l’IS, si cette détention est indirecte et est faite par l’intermédiaire de personnes morales non soumises à l’IS ;

– par une personne morale soumise à l’IS, si elle ne l’est pas dans les conditions de droit commun.

● Toutes les sociétés membres du groupe doivent, par ailleurs, remplir les conditions suivantes :

– être assujetties à lIS, ce qui exclut les sociétés étrangères et les filiales assujetties à l’impôt sur le revenu, même si la condition de détention d’au moins 95 % du capital est satisfaite ; cette condition d’assujettissement à l’IS est logique dans la mesure où l’intégration fiscale est un mode de calcul de cet impôt ;

– avoir les mêmes dates douverture et de clôture de leurs exercices, condition là encore logique pour calculer le montant d’IS dû au titre d’un exercice.

L’exemple ci-après illustre le périmètre d’une intégration verticale.

Exemple d’un groupe fiscalement intégré (intégration verticale)

NB : aux termes de l’article 46 quater–0 ZF de l’annexe III du CGI, la détention d’au moins 95 % du capital est considérée comme une détention à 100 % pour l’appréciation du pourcentage de détention indirecte. SM désigne la société mère, F les filiales.

Source : commission des finances.

Toutes les sociétés sont soumises à l’IS français. L’ensemble des filiales F1 à F6 peuvent appartenir à un GFI constitué par la société mère SM :

– les filiales F1 à F4 satisfont directement à la condition de détention d’au moins 95 % de leur capital par SM ;

– la filiale F5 satisfait indirectement à la condition de détention d’au moins 95 % de son capital par SM, par l’intermédiaire de F2 et F3 qui détiennent chacune la moitié de son capital ;

– la filiale F6 satisfait indirectement à la condition de détention d’au moins 95 % de son capital par SM, par l’intermédiaire de F4.

b.   Les groupes « Papillon » et les groupes horizontaux

Sous l’impulsion de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le périmètre des groupes fiscalement intégré a substantiellement évolué, conduisant à l’apparition des groupes dits « Papillon », du nom de l’arrêt de la CJUE les ayant rendus possibles, et des groupes horizontaux.

i.   Les groupes « Papillon »

Depuis la décision de la Cour de justice du 27 juillet 2008 Société Papillon ([196]) et la modification législative qui l’a suivie ([197]), linterposition dune société européenne dans la chaîne de détention ne fait pas obstacle à ce que les filiales françaises détenues à travers cette société étrangère puissent être membres du groupe fiscalement intégré.

● Cette société étrangère (qui peut être un établissement stable) est qualifiée de « société intermédiaire ». Elle doit être assujettie à un impôt équivalent à l’IS français et remplir les mêmes autres conditions applicables aux filiales françaises membres du groupe :

– être détenue à au moins 95 % par la société mère, de façon directe ou indirecte ;

– avoir les mêmes dates de clôture et d’ouverture d’exercice que celles des membres du groupe ;

– avoir donné son accord pour être société intermédiaire.

Illustration d’un groupe « Papillon »

Source : commission des finances.

Le groupe est constitué de la société mère SM, de sa filiale F1, de ses sous-filiales F2 et F3 et de la société B, sous-filiale de SM par l’intermédiaire de la société A établie en Italie.

● Si la société intermédiaire doit être établie dans un État membre de l’Union européenne, la circonstance que sa détention par la société tête de groupe se fasse à travers une société étrangère établie en dehors de l’Union européenne ne la prive pas de sa qualité de société intermédiaire, dès lors qu’à travers elle, la société tête de groupe détient au moins 95 % d’une filiale française.

L’exemple suivant illustre ce cas, la société intermédiaire étant l’établissement stable irlandais ES, et où SocEt désigne une société étrangère.

Groupe « Papillon » et société hors de l’Union européenne (cas 1)

Source : commission des finances.

Dans cet exemple, la détention indirecte de F2 par SM est assurée :

– par F1 ;

– par ES, société intermédiaire.

La circonstance que ES soit détenue par une société établie hors de l’Union européenne ne fait pas obstacle à l’appartenance de F2 au groupe fiscalement intégré constitué de SM, F1 et F2 dans la mesure où le niveau de 95 % est bien atteint à travers ES et F1.

En revanche, si la détention indirecte passe directement par une société établie en dehors de l’Union européenne (c’est-à-dire si cette société détient directement elle-même une participation), la part de capital ainsi détenue n’est pas prise en compte, ce qu’illustre l’exemple suivant.

Groupe « Papillon » et société hors de l’Union européenne (cas 2)

Source : commission des finances.

La société tête de groupe SM et la filiale F1 peuvent constituer un groupe fiscalement intégré.

En revanche, la filiale F2 ne peut en faire partie : si, in fine, elle est bien détenue indirectement à 95 % par SM, cette détention n’est faite à travers des sociétés membres (F1) et des sociétés intermédiaires (ici, ES, établissement stable de SocEt) qu’à hauteur de 75 % : les 20 % qui font défaut sont directement détenus par SocEt, dont la part n’est pas prise en compte.

ii.   Les groupes horizontaux

● Les groupes horizontaux résultent d’une décision de la CJUE concernant le régime d’intégration fiscale néerlandais ([198]), proche du régime français, et correspondent à la poursuite de la logique engagée dans la décision Société Papillon. Ils ont été consacrés en droit français par la loi de finances rectificative pour 2014 ([199]).

Les groupes horizontaux réunissent des sociétés soumises à lIS qui sont, directement ou indirectement, détenues à au moins 95 % par une société étrangère, appelée « entité mère non résidente », établie dans l’Union européenne ou dans l’Espace économique européen (EEE) et passible d’un impôt équivalent à l’IS français.

Dans une telle configuration, l’une des sociétés sœurs françaises s’érige tête de groupe et seule redevable de l’IS dû par elle et ses sœurs.

Illustration d’un groupe Horizontal

NB : EM désigne lentité mère non résidente, F les filiales.

Source : commission des finances.

La société F1 s’érige seule redevable de l’IS dû par le GFI qu’elle constitue avec ses sœurs F2, F3 et F4.

● Ces groupes peuvent également associer des « sociétés étrangères ».

Une société étrangère, dans le cadre de l’intégration fiscale, désigne une société européenne par l’intermédiaire de laquelle une entité mère non résidente détient la société tête de groupe, si cette société étrangère est elle-même détenue à 95 % au moins par l’entité mère non résidente, directement ou indirectement par d’autres sociétés étrangères ou membres du groupe.

Les sociétés établies en dehors de l’Union européenne ou de l’EEE ne répondent donc pas à cette définition de la « société étrangère ».

En revanche, si une telle société a un établissement stable dans l’Union européenne ou l’EEE, ce dernier pourra prétendre à cette qualité.

Illustration d’un groupe Horizontal associant une société étrangère

Source : commission des finances.

Les sociétés F1, F2 et F3 peuvent constituer entre elles un groupe fiscalement intégré dans la mesure où :

– F2 et F3 sont directement détenues à 95 % par l’entité mère non résidente EM, établie en Allemagne ;

– F1 est indirectement détenue à 95 % par EM par l’intermédiaire de SocEt, société étrangère établie au Canada, mais à travers l’établissement stable ES dont celle-ci dispose en Italie.

L’intégration fiscale « sauvage »

On parle d’intégration fiscale « sauvage » pour l’imposition du résultat d’une société de personnes, soumise à l’IR, détenue totalement ou partiellement par une société soumise à l’IS.

En raison de la « translucidité » fiscale, le résultat de la société de personnes est imposé au niveau de l’associé, ici une société soumise à l’IS, à hauteur de la quote-part qui lui revient. En conséquence, si le résultat de la filiale est déficitaire, la société associée soumise à l’IS pourra imputer ce déficit sur son propre résultat, diminuant ainsi sa charge fiscale.

L’intégration fiscale « sauvage » présente l’avantage de ne pas avoir à satisfaire la condition de détention d’au moins 95 % du capital, particulièrement contraignante.

2.   Les modalités d’imposition : la détermination du résultat imposable d’un groupe fiscalement intégré

Dans le cadre d’un groupe fiscalement intégré, la société tête de groupe est seule redevable de l’IS dû par l’ensemble des sociétés membres, opération qui permet de consolider au niveau du groupe les résultats de chacune de ces sociétés.

Il s’agit de l’aspect le plus saillant du régime, qui permet à travers cette consolidation une compensation des pertes et des profits, les résultats déficitaires simputant sur ceux bénéficiaires, ce qui a pour effet potentiel de réduire la charge fiscale globale par rapport à celle qui aurait résulté d’une imposition séparée de chaque société.

Illustration de l’impact de la consolidation du résultat au niveau du groupe

Quatre sociétés A, B, C et D soumises sur l’intégralité de leur résultat au taux normal de l’IS affichent, au titre de leur exercice ouvert au 1er janvier 2020, les résultats suivants :

– société A : bénéfice de 100 ;

– société B : bénéfice de 300 ;

– société C : déficit de 250 ;

– société D : déficit de 150.

● Une imposition séparée de chacune de ces sociétés conduit à la situation suivante (le taux d’IS appliqué est de 28 %, taux normal en vigueur au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020) :

– société A : IS de 28 ;

– société B : IS de 84 ;

– société C : IS de 0 ;

– société D : IS de 0.

La charge fiscale d’ensemble est donc de 28 + 84 + 0 + 0 = 112.

● Si ces sociétés appartiennent au même groupe fiscalement intégré, dont la tête de groupe est la société A, la consolidation des résultats, en supposant qu’aucune rectification ne soit réalisée, conduit à ce que le résultat d’ensemble RE soit :

RE = 100 + 300 – 250 – 150 = 0.

La charge fiscale d’ensemble, dans cette hypothèse, est nulle.

● La détermination du résultat imposable se fait en deux étapes :

– chaque société membre établit son résultat individuel ;

– des rectifications sont ensuite apportées à la somme algébrique des résultats individuels pour aboutir au résultat d’ensemble du groupe. Ce sont ces rectifications qui font l’objet du présent article.

Si la société tête de groupe est seule redevable de l’IS, elle n’est pas nécessairement la seule à supporter la charge fiscale. Cette dernière est en effet répartie entre les sociétés membres du groupe en vertu d’une convention d’intégration fiscale. La convention doit tenir compte des résultats propres de chaque société, afin que la charge répartie ne soit pas excessive – il est néanmoins admis qu’aucune répartition ne soit faite, la société tête de groupe supportant l’intégralité de la dette fiscale.

a.   L’établissement par chaque société de son résultat individuel

Ainsi que le prévoit le premier alinéa de l’article 223 B du CGI, le résultat de chaque société est calculé dans les conditions de droit commun.

Au-delà de ce principe simple, des règles particulières sont prévues à l’article 223 I en matière dimputation des déficits des sociétés membres, qu’il s’agisse du report en avant ou en arrière des déficits.

● D’une part, les déficits subis avant l’entrée de la société dans le groupe ne sont imputables que sur son propre bénéfice (et non sur celui du groupe) et obéissent à un encadrement strict :

– le bénéfice individuel d’imputation est diminué de certaines sommes, telles que les abandons de créances consentis par d’autres sociétés membres du groupe ;

– le montant de déficit imputable par exercice obéit aux limitations de droit commun prévues au troisième alinéa du I de l’article 209 du CGI, à savoir un plafonnement à un million d’euros majorés de 50 % du bénéfice de l’exercice d’imputation qui excède ce montant.

● D’autre part, les déficits subis depuis l’entrée de la société dans le groupe, dans la mesure où ils ont été retenus pour la détermination du résultat d’ensemble (ce dernier, ainsi qu’il a été vu, correspondant à la somme algébrique des résultats de chaque société – sous réserve de certaines rectifications), ne peuvent plus être utilisés par la société sur ses propres résultats.

Ces déficits sont, par ailleurs, définitivement acquis à la société tête de groupe si la société qui les subit sort du groupe, là encore de façon logique dans la mesure où ils sont utilisés pour déterminer le résultat d’ensemble.

● Des règles particulières sont également prévues, pour la détermination du résultat individuel des sociétés membres du groupe, s’agissant de l’imputation des moins-values.

b.   La détermination par la société mère du résultat d’ensemble : les rectifications applicables

Une fois réalisée la somme algébrique des résultats individuels, déterminés dans les conditions précédemment décrites, toute une série de rectifications vont être opérées par la société tête de groupe. Ne seront étudiées en détail dans les développements suivants que les rectifications sur lesquelles le présent article porte.

Les rectifications qui sont réalisées visent à éliminer les « doubles emplois », cest-à-dire les doubles impositions ou les doubles déductions que les opérations intragroupes pourraient entraîner.

i.   Les rectifications relatives aux produits de participation intragroupes

Afin d’éviter la double imposition des dividendes résultant de la participation d’une société membre d’un groupe fiscalement intégré au sein d’une autre société membre du même groupe, le droit fiscal prévoit une neutralisation.

Sans elle, en effet, les dividendes se trouveraient imposés deux fois dans le résultat d’ensemble :

– dans le bénéfice de la société dans laquelle la participation est prise ;

– dans celui de la société détenant la participation.

Une distinction doit être faite selon que la participation est ou non éligible au régime des sociétés mères et filiales (« régime mère-fille ») prévu aux articles 145 et 216 du CGI.

Rappelons que l’intégration fiscale et le régime mère-fille ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, mais sont complémentaires : la première est un mode de calcul de l’IS, tandis que le second vise à éviter la double imposition des produits de participation (dividendes) dans le chef de la filiale qui distribue ces produits et dans celui de la mère qui les perçoit :

– le régime mère-fille s’appliquera aux produits éligibles (selon des modalités particulières propres à l’intégration fiscale) ;

– le régime mère‑fille s’appliquera aussi vis-à-vis des participations détenues dans des sociétés hors de l’intégration fiscale ;

– le régime de l’intégration fiscale s’appliquera aux participations exclues du régime mère-fille.

Les produits de participation ouvrant droit au régime mère-fille sont, en application de l’article 145 du CGI, ceux résultant de titres de participations :

–  conservés depuis au moins deux ans ;

– et représentant au moins 5 % du capital de la filiale émettrice (ou 2,5 % du capital et 5 % des droits de vote si la société participante est contrôlée par un ou plusieurs organismes à but non lucratif).

● Dans le cadre de ce régime, et en application de l’article 216 du CGI, ces produits de participation sont exonérés d’IS, sous réserve de l’imposition d’une quote-part de frais et charges.

Dans le droit commun, cette quote-part est fixée à 5 % des dividendes perçus.

Jusqu’en 2016, les dividendes tirés de la participation au sein d’une société membre du même groupe fiscalement intégrés était totalement exonérés, la quote-part étant intégralement neutralisée et donc non prise en compte pour la détermination du résultat d’ensemble.

● La CJUE, dans une décision Steria du 2 septembre 2015 ([200]), a jugé contraire au droit de l’Union européenne cette neutralisation dans la mesure où elle ne s’appliquait qu’aux participations de sociétés françaises dans d’autres sociétés françaises.

En conséquence, le législateur a modifié l’article 216 du CGI et les règles applicables au titre de l’intégration fiscale ([201]).

● Désormais, une quote-part de 1 % est imposée à lIS au titre des dividendes résultant de la participation d’une société membre d’un groupe fiscalement intégré :

– dans une société membre du même groupe ;

– dans une société établie dans l’Union européenne ou l’EEE, sous réserve :

Il n’y a donc plus de neutralisation de la quote-part applicable au titre du régime mère-fille ; en revanche cette quote-part est réduite par rapport au droit commun.

● Le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 13 avril 2018 ([202]), a jugé conforme à la Constitution le fait que la quote‑part réduite de 1 % ne bénéficie qu’aux groupes fiscalement intégrés et aux situations assimilées, sans s’appliquer aux distributions faites par de filiales établies en dehors de l’Union européenne ou l’EEE :

– la différence de traitement selon que les filiales étrangères soient dans ou en dehors de l’Union européenne ou de l’EEE est justifiée par une différence de situation objective ;

– le fait de réserver aux groupes intégrés l’avantage répond à un objectif d’intérêt général reposant sur la volonté du législateur d’inciter à la constitution de groupes nationaux.

Les produits de participation qui ne sont pas éligibles au régime mère-fille obéissent à des règles distinctes ; il s’agit des dividendes résultat de titres de participation qui ne sont pas conservés depuis au moins deux ans ou qui représentent moins de 5 % du capital de la société émettrice.

● En application du deuxième alinéa de l’article 223 B, en effet, ces produits sont retranchés du résultat d’ensemble – c’est-à-dire qu’ils sont intégralement exonérés – si la participation de la société membre du groupe est faite au sein d’une société membre du groupe depuis plus d’un exercice.

La raison de cette minoration du résultat d’ensemble réside dans le fait que les dividendes concernés sont inclus dans le résultat individuel de la société émettrice.

● Ce retranchement concerne également les dividendes qu’une société membre du groupe fiscalement intégré a indirectement perçus de la part d’une autre société membre du groupe, lorsqu’ils ont transité par une société intermédiaire, une société étrangère ou l’entité mère non résidente.

Dans cette hypothèse, la société tête de groupe à qui incombe la détermination du résultat d’ensemble doit apporter la preuve que :

– la société dans laquelle la participation indirecte est détenue est membre du groupe depuis au moins un exercice ;

– les dividendes concernés n’ont pas déjà été fait l’objet de retraitements.

ii.   Les rectifications relatives aux abandons de créance et aux subventions intragroupes

En application du 13 de l’article 39 du CGI, les aides de toute nature consenties à une autre entreprise constituent des charges déductibles si elles revêtent un caractère commercial (c’est-à-dire qu’elles répondent à des préoccupations commerciales), ce qui exclut les aides à caractère financier, qui ne sont, dès lors, pas déductibles du résultat de la société qui y consent.

Dans le cadre d’un groupe fiscalement intégré, le cinquième alinéa de larticle 223 B prévoit des retraitements dans lhypothèse daides intragroupes prenant la forme dabandons de créance ou de subventions directes ou indirectes.

Définition des abandons de créance et des subventions directes et indirectes

L’abandon de créance est l’acte par lequel un créancier renonce à l’exercice des droits que lui confère l’existence d’une créance, c’est-à-dire en pratique la renonciation du remboursement d’une créance détenue sur un débiteur.

La subvention directe correspond aux sommes qu’une société verse à une autre société, sans contrepartie.

La subvention indirecte est définie à l’article 223 R du CGI comme une remise pour un prix différent de leur valeur réelle de biens composant l’actif immobilisé ou de titres de portefeuille exclus du régime des plus-values à long terme.

Cette notion fait l’objet de précisions dans la partie réglementaire du CGI, l’article 46 quater0 ZG de son annexe III indiquant que sont des subventions indirectes :

– les renonciations à recettes provenant de prêts ou d’avances sans intérêt ou à un taux d’intérêt inférieur à celui du marché ;

– les livraisons de biens composant l’actif immobilisé réalisées pour un prix inférieur à leur valeur réelle ;

– les livraisons d’autres biens et les prestations de services réalisées pour un prix inférieur à leur prix de revient.

Dans ces hypothèses, la société bénéficiant de la subvention indirecte est la société cessionnaire. Les subventions indirectes peuvent également bénéficier à la société cédante, lorsque le prix de la livraison ou de la prestation est supérieur à leur valeur réelle.

Il ressort donc des précisions apportées par l’article 46 quater‑0 ZG que, en dehors de la cession de biens composant l’actif immobilisé, il n’y a aucune subvention indirecte lorsque la livraison de biens ou la prestation de services est faite à un prix compris entre leur prix de revient et leur valeur réelle.

● Le cinquième alinéa de l’article 223 B prévoit que, pour la détermination du résultat densemble du groupe, la société mère doit :

– majorer le résultat densemble de la somme déduite du résultat de la société ayant accordé les aides ;

– minorer le résultat densemble de la somme comprise dans le résultat de la société bénéficiait des aides.

S’agissant d’un abandon de créance, le montant à prendre en compte correspond à la valeur d’inscription de la créance à l’actif du bilan de la société consentant à l’abandon.

● Si labandon de créance nest pas déductible, ce qui est le cas des abandons de créances à caractère financier, et plus généralement de ceux qui n’ont pas un caractère commercial, il n’y aura aucune majoration à réaliser : le retraitement consistera simplement en la minoration du résultat de la somme perçue par la société bénéficiaire.

Cette situation est logique et cohérente : la société ayant consenti l’abandon de créance n’ayant pas déduit la somme correspondante de son résultat, elle figure déjà dans le résultat d’ensemble du groupe, et la minoration liée à la société bénéficiaire vise à éviter que cette somme ne soit imposée deux fois.

Neutralisation des abandons de créance intragroupes

Une société A consent trois abandons de créance au bénéfice des sociétés B, C et D toutes membres du même groupe fiscalement intégré que A :

– abandon de 100 au profit de B, justifié par un motif commercial légitime ;

– abandon de 50 au profit de C, justifié par un motif commercial légitime ;

– abandon de 200 au profit de D, à caractère financier.

Pour la détermination du résultat individuel de la société A, seuls les deux premiers abandons sont déductibles : A déduit 100 + 50 = 150.

Pour la détermination de leur résultat individuel respectif, les sociétés B, C et D incluent le montant des aides consenties par A, soit respectivement 100, 50 et 200.

Pour la détermination du résultat d’ensemble, la société tête de groupe :

– déduit les aides perçues par B, C et D, soit 100 + 50 + 200 = 350 ;

– majore le résultat d’ensemble des abandons déductibles, soit 150.

L’abandon de 200 non déductible du résultat de A ne vient pas majorer le résultat d’ensemble.

● Les abandons de créance à caractère non commercial peuvent cependant être déduits du résultat de l’entreprise qui y consent s’ils sont faits au profit d’entreprise en difficulté, c’est-à-dire celles pour lesquelles a été ouverte une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Dans une telle hypothèse, le montant déductible est plafonné :

– à hauteur de la situation négative de l’entreprise bénéficiant de l’abandon ;

– et, pour le montant qui excède cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par d’autres personnes que l’entreprise qui consent à l’abandon.

Illustration du traitement d’un abandon de créance non commercial
fait au profit d’une société en difficulté

Une société A consent à une société B membre du même groupe fiscalement intégré qu’elle et faisant l’objet d’un redressement judiciaire un abandon de créance de 100.

La société A détient la société B à hauteur de 80 %. Après l’abandon de créance, la situation nette de la société B est positive à hauteur de 20.

Malgré son défaut de caractère commercial, l’abandon est déductible du résultat individuel de A :

– à hauteur de la situation négative nette de B avant prise en compte de l’abandon, soit 100 – 20 = 80 ;

– et d’une fraction de la situation nette positive de B (soit 20) à proportion des participations détenues par d’autres personnes (soit 20 %). Cette fraction est donc de : 20 % × 20 = 4.

La déduction totale susceptible d’être faite sur le résultat de la société A est donc de : 80 + 4 = 84.

Pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe, les retraitements suivants devront être faits :

– minoration de 100 (déduction de l’aide comprise dans le résultat de B) ;

– majoration de 84 (inclusion de la somme déduite dans le résultat de A).

● D’une manière générale, les retraitements portant sur les abandons de créance, lorsque ces derniers ne sont pas déductibles du résultat individuel de la société qui y consent, permettent d’éliminer la pénalisation de cette société dans la mesure où le profit qui résulte de l’abandon pour la société qui en bénéficie est retranché du résultat d’ensemble et n’est pas imposé.

Dans une telle hypothèse, la situation est donc plus favorable dans le cadre de l’intégration fiscale que face à un abandon de créance non déductible entre sociétés n’appartenant pas au même groupe fiscalement intégré.

Comparaison du traitement des abandons de créance non déductibles
à l’intérieur et hors d’un groupe fiscalement intégré

Une société A consent à une société B un abandon de créance à caractère financier et non déductible pour une valeur de 200.

Le résultat de chacune des sociétés avant l’opération est :

– de 1 000 pour la société A ;

– de 500 pour la société B.

Si les deux sociétés ne font pas partie du même groupe fiscalement intégré, le résultat imposable de chacune d’entre elle sera :

– de 1 000 pour la société A (l’abandon n’est pas déductible) ;

– de 700 pour la société B (500 + 200).

L’assiette totale des deux sociétés est donc de 1 000 + 700 = 1 700.

Si les deux sociétés font partie du même groupe fiscalement intégré, le résultat individuel de chacune d’entre elles sera inchangé (1 000 et 700), en revanche le résultat d’ensemble (et donc l’assiette totale) sera différent :

– aucune majoration ne sera faite au titre des 200 consentis par la société A, l’abandon n’étant pas déductible ;

– une somme de 200 sera déduite du résultat d’ensemble.

Le résultat d’ensemble est donc de 1 000 + 700 – 200 = 1 500.

L’assiette imposable dans le cadre de l’intégration fiscale est réduite et correspond à l’assiette qui aurait été imposée si l’abandon avait été déductible du résultat de A.

● Dans l’hypothèse où l’abandon de créance est assorti d’une clause de retour à meilleure fortune, en vertu de laquelle la société bénéficiant de l’abandon reverse tout ou partie du montant de l’aide à la société qui y avait consentie, les conséquences du retour à meilleure fortune sont neutralisées afin que les deux opérations, abandon de créance d’une part, retour à meilleure fortune de l’autre, se compensent.

Dès lors, la société ayant consenti l’abandon et qui est remboursée inclut dans son résultat individuel le montant des sommes perçues, sous réserve que l’abandon ait été déduit lorsqu’il a été réalisé. Parallèlement, la société qui procède au remboursement de l’aide déduit de son propre résultat les montants ainsi remboursés.

Ces règles s’appliquent pour la détermination des résultats individuels des sociétés concernées.

Illustration des retraitements en cas d’abandon de créance
assorti d’une clause de retour à meilleure fortune.

Une société A consent à un abandon de créance au profit d’une société B, membre du même groupe fiscalement intégré qu’elle, à hauteur de 100.

Cet abandon de créance, réalisé pour des motifs commerciaux légitimes, est déductible du résultat de A et est compris dans celui de B.

Lors de l’application de la clause de retour à meilleure fortune, au titre de laquelle B rembourse à A les sommes correspondant à l’abandon :

– la société A inclut 100 à son résultat ;

– la société B déduit 100 de son résultat.

● Enfin, la neutralisation des abandons de créance et des subventions intervient également lorsqu’elle implique des sociétés intermédiaires (pour les groupes « Papillon ») ou des entités mères non résidentes (pour les groupes horizontaux).

Dans ces hypothèses, le montant de l’abandon ou de la subvention n’est pas pris en compte pour la détermination du résultat d’ensemble, sous réserve que la société tête de groupe démontre que ce montant (ou une fraction de ce montant) n’a pas déjà été pris en compte pour déterminer le résultat d’ensemble.

Cette règle s’applique aussi bien aux situations dans lesquelles l’aide est consentie par une société du groupe à une société étrangère qu’à celles dans lesquelles l’aide est consentie à une société du groupe par une société étrangère.

Abandon de créance impliquant une société étrangère

Une société SM est la tête de groupe d’une intégration fiscale constituée avec sa filiale F1, qu’elle détient indirectement à travers la société intermédiaire allemande DE. DE détient également 100 % du capital d’une société néerlandaise PB.

La société SM consent à DE un abandon de créance d’une valeur de 150. DE consent à son tour un abandon de créance à la filiale française F1 pour une valeur de 100. DE consent également une aide à la société néerlandaise PB pour une valeur de 150. Ces abandons de créances revêtent un caractère commercial.

Source : commission des finances.

La société SM déduit de son résultat individuel 150, correspondant à l’aide apportée à DE.

La société F1 constate en produit, dans son résultat individuel, un montant de 100 correspondant à l’aide apportée par DE.

Pour la détermination du résultat d’ensemble, le montant de l’aide accordée par SM à DE est réintégré, en dehors de la fraction qui n’est pas réallouée à la filiale F1, soit 50, si SM démontre qu’elle est sans lien avec des pertes de F1.

En l’espèce, la simultanéité de l’aide de SM à DE (150) et de l’aide de DE à F1 (100) entraîne une présomption irréfragable de lien entre les deux opérations, conduisant à réintégrer 100 au résultat d’ensemble.

Le surplus de 50 correspondant à une aide de DE allouée à sa filiale néerlandaise PB, il n’est pas pris en compte pour la détermination du résultat d’ensemble.

Enfin, les 100 perçus par F1 sont neutralisés pour la détermination du résultat d’ensemble.

● Les abandons de créance et les subventions directes ou indirectes sont « déneutralisés » en cas de sortie du groupe de lune des sociétés concernées (celle qui consent à l’aide ou celle qui en bénéficie) ou en cas de cessation du groupe.

Dans de telles hypothèses, l’article 223 R du CGI prévoit :

– la déduction de l’abandon de créance au titre de l’exercice de sortie ou de cessation, si cet abandon avait été déduit par la société qui l’a consenti lorsqu’il a été réalisé ; en effet, le montant des abandons déductibles est réintégré au résultat d’ensemble ;

– la réintégration des sommes dont a bénéficié la société à qui l’aide a été consentie et qui ont été déduites du résultat d’ensemble de l’un des cinq exercices précédant la sortie du groupe de la société bénéficiaire ou la cessation du groupe.

iii.   Les rectifications relatives aux plus-values et moins-values de cessions d’immobilisations et de titres intragroupes

En application de l’article 223 F du CGI, les plus-values ou moins-values tirées de cessions intragroupes dimmobilisations ou de titres ne sont pas prises en compte pour la détermination du résultat densemble :

– la plus-value est déduite du résultat ;

– la moins-value y est ajoutée.

Les plus-values de cession de titres de participation éligibles au régime de long terme, ie détenus depuis au moins deux ans, font, en vertu du a quinquies du I de l’article 219 du CGI, l’objet d’une quasi-exonération : seule une quote-part de frais et charges correspondant à 12 % du montant brut des plus-values est imposée, dispositif connu sous l’appellation de « niche Copé ».

Dans le cadre de lintégration fiscale, cette quote-part est neutralisée (temporairement) lorsque la cession a lieu entre sociétés d’un même groupe, ainsi que le prévoit le deuxième alinéa de l’article 223 F.

● La quote-part est « déneutralisée » dans plusieurs hypothèses, en application des dispositions combinées des troisième et quatrième alinéas de l’article 223 F :

– en cas de cession des titres hors du groupe ;

– en cas de sortie du groupe de la société cédante ;

– en cas de sortie du groupe de la société ayant acquis les titres ;

– en cas de cessation du groupe ;

– en cas de sortie du groupe d’une société dont les titres ont été cédés à une société intermédiaire ou à l’entité mère non résidente ;

– en cas de cession par une société intermédiaire ou par l’entité mère non résidente de titres d’une société membre du groupe ayant déjà fait l’objet d’une cession à une société intermédiaire ou à l’entité mère non résidente, si la seconde cession est faite à une société qui n’est ni membre du groupe, ni société intermédiaire, ni l’entité mère non résidente.

En revanche, la « déneutralisation » ne s’applique pas si la sortie du groupe de l’une des sociétés parties à la cession résulte d’une fusion avec une autre société membre du groupe ou avec une société intermédiaire, dès lors que cette fusion est éligible au régime de faveur prévu à l’article 210 A du CGI qui permet un report d’imposition des plus-values (deuxième alinéa de l’article 223 R du CGI).

● Cette « déneutralisation » s’applique également et dans les mêmes hypothèses au montant de la plus-value tirée de la cession d’un actif immobilisé (troisième alinéa de l’article 223 F).

Illustration des retraitements relatifs aux plus-values de cessions intragroupes
de titres de participation

Une société A cède des titres de participation éligibles au régime de long terme à une société B membre du même groupe fiscalement intégré qu’elle, et réalise à cette occasion une plus-value de 200.

Dans le droit commun, cette plus-value devrait être imposée à hauteur de la quote-part de frais et charges de 12 %, soit une assiette taxable de 24.

La cession étant interne au groupe fiscalement intégré, le montant de 24 n’est pas retenu pour le calcul de la plus-value d’ensemble servant à déterminer le résultat imposable du groupe au titre de l’exercice de cession.

Cinq exercices plus tard, la société B cède les titres qu’elle avait acquis auprès de A à une société C qui n’appartient pas au même groupe qu’elles. Le montant de 24 est alors ajouté au résultat d’ensemble du groupe au titre de l’exercice de cette seconde cession.

Cette « déneutralisation » serait également intervenue si, par exemple, la société B ou la société A était sortie du groupe.

iv.   Les autres rectifications

D’autres rectifications apportées à la somme algébrique des résultats propres de chaque société membre du groupe sont prévues pour la détermination du résultat d’ensemble soumis à l’IS. Ces opérations n’étant pas directement concernées par le présent article, elles seront présentées dans les développements suivants pour mémoire.

Les dotations aux provisions sont déductibles du résultat fiscal de la société qui les réalise. Plusieurs provisions sont possibles, notamment pour faire face à la dépréciation des créances ou des titres détenus auprès d’autres sociétés, ou à raison des risques encourus.

Dans le cadre d’un groupe fiscalement intégré, la prise en compte dans le résultat d’ensemble de ces provisions pour dépréciation ou risque conduirait à minorer artificiellement le résultat imposable du groupe à travers le cumul de la dépréciation et de la déduction.

Pour éviter un tel cumul, le dernier alinéa de l’article 223 D du CGI prévoit que le montant des dotations aux provisions constituées par une société membre du groupe à raison des participations détenues dans une autre société du groupe est réintégré au résultat d’ensemble. En pratique, ce montant est ajouté à la plus-value nette d’ensemble ou déduit de la moins-value nette d’ensemble.

Symétriquement, lors de la reprise des provisions, le montant rapporté par la société qui avait constitué les dotations aux provisions est retranché du résultat d’ensemble. Il est déduit de la plus-value nette d’ensemble ou ajouté à la moins-value nette d’ensemble.

La neutralisation des provisions s’applique également aux provisions dotées à raison de participations dans une société intermédiaire ou dans l’entité mère non résidente. Dans une telle hypothèse, toutefois, et dans la mesure où ces sociétés ne sont pas membres du groupe fiscalement intégré, l’article 223 D prévoit la possibilité de déduire du résultat d’ensemble une fraction de la dotation constituée, sous réserve que la société tête de groupe prouve qu’elle n’est pas liée au déficit d’une société membre du groupe.

Les membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société anonyme sont rémunérés, au titre de leur participation à la gouvernance de l’entreprise, par des jetons de présence et des tantièmes, qui correspondent à une participation au bénéfice.

En vertu de l’article 210 sexies du CGI, ces jetons et tantièmes sont déductibles du résultat de la société dans la limite d’un plafond. Ce plafond est fixé à 5 % du produit de la moyenne des rémunérations déductibles allouées aux salariés les mieux rémunérés par le nombre de membres du conseil d’administration ou de surveillance.

Le quatrième alinéa de l’article 223 B du CGI prévoit que le montant des jetons et tantièmes fiscalement déduit par la société membre du groupe doit être réintégré au résultat d’ensemble. La logique de cette réintégration repose sur le fait que la déductibilité des jetons et tantièmes est liée à la participation des administrateurs à la gouvernance du groupe, à laquelle ne participent pas les administrateurs des filiales.

Il en va de même s’agissant du montant des jetons et tantièmes déduits par la société mère d’un groupe horizontal, là aussi pour les mêmes raisons : dans un tel groupe, la gouvernance est assurée non par cette société, indépendamment du fait qu’elle se soit érigée en société tête de groupe, mais bien par l’entité mère non résidente.

v.   Les dispositions particulières applicables en matière de déductibilité des charges financières

En matière de déductibilité des charges financières, des règles spéciales s’appliquent aux groupes fiscalement intégrés :

– en matière de lutte contre la sous-capitalisation ;

– pour la détermination du montant de charges financières nettes déductibles en application du « rabot » ;

– dans les hypothèses de « rachat à soi-même ».

● Aux termes du II de l’article 212 du CGI, les intérêts d’emprunt servis par une société aux entreprises qui lui sont liées font l’objet d’une déductibilité limitée si leur montant excède au cours du même exercice trois ratios :

– un ratio d’endettement ; celui-ci est dépassé si les intérêts dus excèdent le montant de ces intérêts multiplié par le rapport entre une fois et demie les capitaux propres de la société et le montant moyen des sommes prêtées par les entreprises liées : concrètement, la société est réputée sous-capitalisée au regard de ce ratio si le montant moyen des sommes prêtées par les entreprises liées excède une fois et demie ses capitaux propres ;

– un ratio de couverture d’intérêts, qui est dépassé si le montant des intérêts servis aux entreprises liées excède 25 % du résultat courant avant impôt majoré de certains éléments tels que les amortissements déduits ;

– un ratio d’intérêts servis par des entreprises liées ; il est dépassé si les intérêts versés excèdent le montant des intérêts perçus de la part de ces entreprises – il s’agit ici d’une logique reposant sur les charges financières nettes entre entreprises liées.

Si ces ratios sont dépassés, la fraction des intérêts qui excède le plus élevé des trois ratios n’est pas déductible du résultat de la société et doit y être réintégrée. Elle est cependant reportable en avant sur les exercices futurs.

● Dans le cadre d’un groupe fiscalement intégré, la fraction non déduite ne peut être reportée en avant sur les résultats futurs de la filiale mais, aux termes des treizième à dernier alinéa de l’article 223 B du CGI, elle peut venir en déduction du résultat d’ensemble, de façon toutefois encadrée. Est en effet déductible l’excédent de la différence entre :

– la somme des intérêts versés à des sociétés liées n’appartenant pas au groupe (à l’exclusion des sociétés intermédiaires pour les groupes « Papillon » et de l’entité mère non résidente pour les groupes horizontaux) et des intérêts différés à l’entrée de la société dans le groupe et qui demeurent imputables sur son résultat propre selon les modalités précédemment décrites ;

– et 25 % de la somme constituée du résultat courant avant impôt majoré de certains éléments, tels que les amortissements déduits et les intérêts en question, et minoré des dividendes perçus par une société membre du groupe ou par une société intermédiaire ou par l’entité mère non résidente.

La fraction des intérêts qui n’aurait pas été déduite immédiatement est déductible au titre des exercices futurs, sous réserve d’une décote de 5 % par exercice.

● L’article 212 bis du CGI encadre, à travers le dispositif du « rabot », la déductibilité des charges financières nettes, qui s’entendent de la différence positive entre les intérêts versés et les intérêts perçus.

En application du « rabot », ces charges financières nettes ne sont intégralement déductibles du résultat que dans la limite de 3 millions d’euros. Si ce plafond est dépassé, elles ne sont déductibles qu’à hauteur de 75 % de leur montant total, et non pas seulement de la fraction dépassant le plafond : 25 % sont réintégrés.

● Dans le cadre d’un groupe fiscalement intégré, l’article 223 B bis prévoit que le plafond de 3 millions d’euros s’applique non à chaque société membre du groupe, mais au niveau de ce dernier, le montant retenu correspondant à la somme des produits et charges de chacune des sociétés membres du groupe.

Chaque société doit donc déterminer son résultat propre sans lui appliquer le « rabot », ce dernier portant sur le résultat d’ensemble.

● L’exemple suivant illustre les modalités d’application du « rabot » dans le cadre de l’intégration fiscale.

Soit quatre sociétés A, B, C et D membres d’un groupe fiscalement intégré dont A est la société mère.

Le tableau ci-dessous fait état des montants des charges financières et produits financiers pour chacune de ces sociétés avant de déterminer le montant des charges financières nettes au niveau du groupe.

Illustration de l’application du « rabot » à un groupe fiscalement intégré

(en millions d’euros)

Société

Charges financières

Produits financiers

Charges financières nettes de chaque société et du groupe

Société A

– 5

+ 6

+ 1

Société B

– 9

+ 4

– 5

Société C

– 7

+ 3

– 4

Société D

– 3

+ 6

+ 3

Groupe

– 24

+ 19

– 5

Source : commission des finances.

Le total des charges financières nettes est de 5 millions d’euros, soit plus que le plafond de 3 millions d’euros. La société tête de groupe doit réintégrer au résultat d’ensemble 25 % du montant total des charges financières nettes, soit 1,25 million d’euros qui viennent majorer le résultat du groupe.

La consolidation au niveau du groupe permet de compenser des charges financières nettes avec des produits financiers nets et a pour effet de limiter le montant à réintégrer au résultat d’ensemble, voire de pouvoir rester sous le plafond, par rapport à la situation qui aurait résulté d’une application du « rabot » à chacune des sociétés membres du groupe.

● Enfin, la consolidation peut conduire à ce que plafond ne soit pas dépassé au niveau du groupe alors qu’il l’est par plusieurs sociétés prises individuellement.

Comparaison du « rabot » appliqué à l’intégration fiscale
par rapport à une application individuelle

● Les données de l’exemple précédent sont reprises.

Il est rappelé que le groupe fiscalement intégré a enregistré des charges financières nettes à hauteur de 5 millions d’euros, l’obligeant à réintégrer 1,25 million d’euros.

Dans cet exemple, deux des sociétés, B et C, enregistrent des charges financières nettes dépassant le plafond de 3 millions d’euros :

– B à hauteur de 5 millions d’euros ;

– C à hauteur de 4 millions d’euros.

Si elles avaient été prises individuellement pour l’application du « rabot », elles auraient dû réintégrer à leur résultat :

– 1,25 million d’euros pour B ;

– un million d’euros pour C.

Le résultat du groupe, hors intégration fiscale, aurait donc été majoré de 2,25 millions d’euros, soit un million d’euros de plus que dans le cadre d’une intégration fiscale.

● Si les produits financiers enregistrés par la société A, au lieu de 6 millions d’euros, s’étaient élevés à 9 millions d’euros, le total des charges financières nettes du groupe aurait été ramené de 5 millions d’euros à 2 millions d’euros.

Le groupe se trouve ainsi sous le plafond de 3 millions d’euros et est dispensé de réintégrer une fraction des charges financières, sans qu’y fasse obstacle le dépassement par deux sociétés du groupe de ce plafond.

Le septième alinéa de l’article 223 B encadre la déductibilité des charges financières liées à l’acquisition d’une société membre d’un groupe fiscalement intégré : il s’agit du dispositif connu sous l’appellation d’« amendement Charasse » ([203]).

Ce dispositif tend à lutter contre certains schémas abusifs reposant sur des opérations d’acquisition dans lesquels une société A cède à une société B qu’elle contrôle les titres de participation dans une société C, cette dernière étant ou devenant membre du groupe fiscalement intégré auquel B appartient. Sans encadrement, une telle opération aurait les conséquences suivantes :

– la société A perçoit les liquidités afférentes à la cession des titres qu’elle détenait dans C et qu’elle cède à B ;

– la société A contrôle toujours la société C, par l’intermédiaire de B ;

– la société B déduit les charges financières liées à l’acquisition des titres de participation, diminuant le résultat d’ensemble du groupe qu’elle forme avec C.

L’« amendement Charasse » prévoit, dans une telle configuration de « rachat à soi-même » (A conservant le contrôle de C par l’intermédiaire de B), qu’une fraction des charges financières supportées par B est réintégrée au résultat d’ensemble du groupe. Cette fraction, fixée forfaitairement, correspond au rapport entre le coût d’acquisition des titres et le montant moyen des dettes du groupe.

Le dispositif s’applique aussi lorsque l’acquisition des titres d’une société membre du groupe est réalisée auprès d’une société intermédiaire ou d’une société étrangère contrôlée directement ou indirectement par la même société.

Illustration de l’application de l’ « amendement Charasse »
faisant intervenir une société étrangère

Soit une société A tête du groupe fiscalement intégré constitué avec la société B, qu’elle détient directement, et la société C, qu’elle détient par l’intermédiaire de la société X établie en Allemagne.

La société B acquiert les titres de la société C auprès de la société intermédiaire allemande X.

B et X étant contrôlées par la même société A, et C demeurant dans le groupe, l’« amendement Charasse » est applicable.

Source : commission des finances.

L’« amendement Charasse » a été jugé conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel rendue le 20 avril 2018 ([204]).

B.   Les modifications régulières de l’intégration fiscale au regard du droit européen

Le régime français de l’intégration fiscale a connu depuis une dizaine d’années plusieurs évolutions substantielles essentiellement dues au droit de lUnion européenne.

1.   Les évolutions du périmètre de l’intégration fiscale induites par le droit européen

Alors qu’à l’origine, seule l’intégration verticale était prévue, la jurisprudence de la CJUE a conduit à faire évoluer le périmètre des groupes fiscalement intégrés, ainsi qu’il a été vu à l’occasion de la présentation du régime.

● En 2009, à la suite de la décision Société Papillon précitée de 2008, les groupes fiscalement intégrés ont été étendus aux filiales françaises détenues à travers linterposition dune société intermédiaire établie dans lUnion européenne ou l’EEE.

Ces groupes « Papillon » incluent également les filiales françaises détenues par l’intermédiaire d’une société étrangère, quelle qu’elle soit, dès lors qu’elle se fait à travers un établissement stable ou une filiale européenne.

● En 2014, à la suite de la décision SCA Group Holding BV précitée rendue la même année, ont été introduits en droit français les groupes horizontaux compatibles avec le droit européen, mettant fin à l’exclusion de l’intégration fiscale des sociétés sœurs ou cousines détenues par une société européenne.

Ces modifications de périmètres témoignent de la sensibilité du dispositif français au regard des exigences européennes, notamment celles liées à l’exclusion de toute différence de traitement et aux libertés de circulation et d’établissement.

2.   La réforme de certaines modalités d’imposition en vue d’une conformité avec le droit européen et la Constitution.

Au-delà du seul périmètre de l’intégration fiscale, les évolutions imposées ont aussi porté sur les modalités de détermination du résultat imposable et sur certaines exonérations.

Lélément de base de lintégration fiscale, à savoir la compensation des pertes et profits au niveau du groupe, nest pas remis en cause par la CJUE, qui voit dans cet avantage une différence de traitement justifiée, ainsi qu’il ressort de la décision X Holding rendue le 25 février 2010 ([205]). Ce sont les rectifications et avantages autres réservés à ces groupes intégrés qui font l’objet des censures, du fait de leur cantonnement.

● L’important arrêt Steria précité, rendu par la CJUE en 2015, a imposé au législateur de supprimer lexonération intégrale des dividendes dont ne bénéficiaient que les distributions intragroupes, alors que le droit commun prévoit une imposition à hauteur de 5 % du dividende.

Cette décision a conduit à ce qu’une quote-part de 1 % soit mise en place dans le cadre de l’intégration fiscale, et à étendre le bénéfice de cette quote-part réduite aux distributions associant des sociétés européennes remplissant les conditions pour être membres d’un groupe fiscalement intégré, hors assujettissement à l’IS.

D’une manière générale, larrêt Steria prévoit quau-delà de la compensation des pertes et profits, les avantages exclusifs des groupes fiscalement intégrés doivent être examinés à laune de la liberté détablissement : « Il ne saurait toutefois être déduit de larrêt X Holding (C337/08) que toute différence de traitement entre des sociétés appartenant à un groupe fiscal intégré, dune part, et des sociétés nappartenant pas à un tel groupe, dautre part, est compatible avec larticle 49 TFUE. » ([206])

● Dans une décision Linz du 6 octobre 2015, la CJUE a jugé incompatibles avec la liberté d’établissement les règles prévues dans le régime d’intégration autrichien en matière d’amortissement de la valeur commerciale des participations acquises ([207]).

Le droit autrichien prévoyait en effet qu’une société mère d’un groupe intégré – seuil de détention du capital de 50 % –, lorsqu’elle faisait l’acquisition de participations au sein d’une autre société qui devenait membre du groupe, pouvait amortir la valeur commerciale cette entreprise, ce qui avait pour effet de diminuer le résultat du groupe.

Cette possibilité d’amortissement n’était toutefois offerte que si la société rachetée devenant membre du groupe était résidente autrichienne, excluant les autres sociétés européennes.

La décision Linz illustre l’incompatibilité des règles préférentielles qui ne sont réservées qu’aux sociétés membres du groupe et excluent les sociétés européennes.

● Les avantages et neutralisations propres aux groupes intégrés ont également fait l’objet d’une censure à travers la récente décision X BV rendue par la CJUE le 22 février 2018.

Était une nouvelle fois en cause le régime néerlandais d’intégration fiscale (déjà censuré dans l’affaire Steria), au titre de dispositions assouplissant l’encadrement de la déductibilité de certaines charges financières et moins-values dans le cadre des groupes intégrés.

● Enfin, l’exonération de l’ancienne contribution de 3 % sur les dividendes dont ne bénéficiaient que les groupes fiscalement intégrés avait été censurée par le Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité ([208]).

L’article 95 de la loi de finances rectificative pour 2016 ([209]) a donc étendu le bénéfice de cette exonération aux sociétés qui, sans être membres d’un groupe fiscalement intégrés, remplissent les conditions prévues, incluant les sociétés européennes par souci de mise en conformité préventive du dispositif au regard du droit de l’Union européenne.

Cette décision du Conseil constitutionnel et l’évolution subséquente sont mentionnées pour mémoire, la contribution de 3 % ayant été abrogée à compter de 2018 par l’article 37 de la loi de finances pour 2018 ([210]).

3.   Un régime qui demeure juridiquement fragile sur certains aspects, appelant à son évolution

● Certaines des décisions qui viennent d’être présentées ont conduit à des évolutions du régime français, qui se trouve donc sur les aspects concernés en conformité avec le droit de l’Union européenne.

D’autres, en revanche, illustrent la fragilité des dispositifs qui dépassent la seule consolidation des pertes et des profits au niveau du groupe, et dont la compatibilité avec la liberté d’établissement doit systématiquement être vérifiée. La récente décision X BV rendue le 22 février 2018 illustre cette fragilité.

Ainsi, le maintien exclusif au bénéfice des groupes intégrés des neutralisations des abandons de créance ou de subventions, des dividendes inéligibles au régime mère-fille et de la quote-part imposable dans le cadre de la « niche Copé » constitue un risque juridique fort.

● Pour garantir au régime d’intégration fiscale sa pleine conformité avec le droit européen, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) suggérait, en 2016, de supprimer toutes les neutralisations affectant le résultat d’ensemble ([211]).

Une telle évolution, radicale, est certes de nature à éliminer les risques juridiques, mais au détriment de l’attractivité française, qui est notamment due à un régime d’intégration performant et compétitif.

● Dans ces conditions, il apparaît préférable de conserver certains aspects du régime actuel, tout en prévoyant les garanties suffisantes pour sécuriser le dispositif applicable aux groupes fiscalement intégrés : c’est ce à quoi s’emploie le présent article.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article réforme substantiellement les règles applicables à la détermination du résultat densemble d’un groupe fiscalement intégré. Il ne modifie en revanche pas celles relatives au périmètre de l’intégration fiscale.

A.   La modification de certaines rectifications réalisées pour déterminer le résultat d’ensemble d’un groupe

D’un point de vue général, le dispositif proposé par cet article modifie les rectifications applicables à quatre types d’opération :

– la perception de dividendes éligibles au régime mère-fille, dont les règles sont étendues à certaines opérations ;

– la perception de dividendes non éligibles au régime mère-fille, auxquels est étendue la quote-part de 1 % prévue dans le cadre de ce régime ;

– la neutralisation des abandons de créance et des subventions, qui est supprimée ;

– la neutralisation de la quote-part de 12 % imposable dans le cadre de plus-values de cession de titres de participation éligibles au régime de long terme, qui est supprimée ; parallèlement, le taux de cette quote-part est réduit de 12 % à 5 %.

1.   L’extension du champ d’application du taux réduit de quote-part applicable aux dividendes éligibles au régime mère-fille

Le A du I du présent article modifie les règles fiscales applicables dans le cadre du régime mère-fille.

● Pour mémoire, en application de l’article 216 du CGI et ainsi qu’il a été vu, les dividendes éligibles à ce régime sont exonérés d’IS sous réserve de l’imposition d’une quote-part de frais et charges correspondant à 5 % de leur montant.

Dans le cadre de l’intégration fiscale, cette quote-part est réduite à 1 % du montant des dividendes perçus :

– par une société membre d’un groupe fiscalement intégré à raison d’une participation dans une autre société membre du groupe ;

– par une société membre d’un tel groupe à raison d’une participation dans une société établie dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’EEE (s’il a conclu avec la France une convention d’assistance administrative en matière fiscale), sous réserve que la société européenne :

● Le  du A du I du présent article modifie la rédaction du deuxième alinéa de l’article 216 du CGI.

En premier lieu, et pour améliorer la lisibilité du dispositif, il scinde cet alinéa en un 1° et un 2° correspondant aux deux hypothèses précédemment mentionnées dans lesquelles le taux réduit de 1 % s’applique.

En second lieu, surtout, est ajoutée à travers un nouveau 3° une autre hypothèse dapplication du taux réduit de 1 % pour la quote-part de frais et charges imposable.

Cette nouvelle hypothèse vise les dividendes :

– perçus par une société française qui n’appartient pas à un groupe fiscalement intégré mais qui remplit les conditions pour ce faire, si et seulement si cette non appartenance ne résulte pas de l’absence d’option ou d’accord prévus pour une telle appartenance ;

– et provenant d’une société européenne qui remplit les conditions posées au nouveau 2°, c’est-à-dire aux conditions prévues au titre de la deuxième hypothèse de bénéfice du taux réduit de 1 %.

La condition concernant la société française vise concrètement à exclure du bénéfice du taux réduit de quote-part les sociétés qui ont refusé de s’ériger en société tête de groupe ou qui ont refusé d’appartenir à un groupe fiscalement intégré alors que la société tête de groupe le leur a proposé.

S’agissant des conditions relatives à la société européenne, cette dernière doit être établie dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’EEE et lié à la France par une convention d’assistance administrative en matière fiscale, dès lors que cette société étrangère :

– est soumise à un impôt équivalent à l’IS français ;

– remplit les conditions pour être membre d’un groupe fiscalement intégré en dehors de l’assujettissement à l’IS français.

Dans la mesure où le dispositif proposé prévoit que les deux sociétés doivent remplir les conditions pour être membres du même groupe fiscalement intégré si la société européenne était établie en France, cela a pour effet d’exclure les sociétés françaises qui relèvent de l’impôt sur le revenu. En effet, une telle société, faute d’être assujettie à l’IS, ne pourrait faire partie d’une intégration fiscale.

● Lextension proposée conduit donc à traiter de la même manière les situations comparables, sans que ny fasse obstacle la non-appartenance à un groupe fiscalement intégré :

– lorsque celle-ci n’est pas possible dans la mesure où est concernée une société étrangère européenne ;

– lorsque celle-ci n’est pas effective du fait de l’absence de proposition à une société française d’appartenir à un groupe fiscalement intégré.

L’exclusion des sociétés françaises non membres d’un tel groupe mais qui remplissent les conditions prévues et qui ont, par leurs choix, refusé d’en faire partie, est logique : il serait pour le moins étonnant d’étendre à ces sociétés le bénéfice de l’avantage résultant du taux réduit alors qu’elles ont manifesté leur refus de relever du régime ouvrant droit à cet avantage.

Ne sont donc concernées par lextension prévue au 1° du A du I du présent article que les sociétés qui, juridiquement, ne peuvent appartenir à un groupe fiscalement intégré alors quelles remplissent les conditions pour ce faire (en dehors de l’assujettissement à l’IS pour les sociétés européennes).

● Le  du A du présent article est une mesure de coordination légistique résultant de la nouvelle structure du I de l’article 216.

2.   L’alignement des règles applicables aux dividendes exclus du régime mère-fille sur celles applicables aux dividendes éligibles à ce régime

Le C du I du présent article procède à un alignement des règles fiscales applicables aux dividendes qui ne sont pas éligibles au régime mère-fille sur celles applicables aux dividendes éligibles à ce régime.

● Ainsi qu’il vient d’être vu, dans le cadre d’une intégration fiscale, les dividendes éligibles au régime mère-fille sont exonérés d’IS sous réserve de l’imposition d’une quote-part de frais et charges correspondant à 1 % de leur montant.

Le deuxième alinéa de l’article 223 B du CGI, en revanche, exonère intégralement les dividendes qui ne sont pas éligibles au régime mère-fille, c’est-à-dire les dividendes résultant de la détention de titres de participation qui n’ouvrent pas droit à ce régime. Cela concerne les titres conservés depuis moins de deux ans et ceux correspondant à une participation inférieure à 5 % du capital de la société détenue.

● Le dispositif proposé, qui substitue à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 223 B du CGI trois nouvelles phrases, prévoit que ces dividendes, désormais, feront lobjet dune quasi-exonération de 99 % de leur montant, une quote-part de 1 % étant imposée dans le résultat d’ensemble du groupe.

L’alignement sur les règles applicables dans le cadre du régime mère-fille ne porte pas que sur la quote-part de 1 %, mais aussi sur le périmètre des participations concernées par la mesure, qui est identique à celui prévu au A du I du présent article, à savoir :

– les dividendes résultant de la participation d’une société membre d’un groupe fiscalement intégré au sein d’une autre société membre du groupe ;

– les dividendes résultant de la participation d’une société membre d’un groupe fiscalement intégré au sein d’une société européenne soumise à un impôt équivalent à l’IS, sous réserve que cette société européenne remplisse les conditions pour faire partie du groupe fiscalement intégré, exception faite de celle liée à l’assujettissement à l’IS ;

– les dividendes résultant de la participation d’une société soumise à l’IS n’appartenant pas à un groupe fiscalement intégré au sein d’une société européenne remplissant les conditions précédemment exposées, sous réserve que la non appartenance de la société française à un tel groupe ne résulte pas d’un choix volontaire de sa part.

Il y a donc désormais une identité dans le traitement fiscal des dividendes éligibles au régime mère-fille et dans celui des dividendes qui en sont exclus.

3.   La suppression de la neutralisation des abandons de créance et des subventions intragroupes

Le  du B du I du présent article, en réécrivant le cinquième alinéa de l’article 223 B du CGI, supprime la neutralisation des abandons de créance et des subventions directes ou indirectes consentis par une société membre d’un groupe fiscalement intégré à une autre société membre du même groupe.

● Ainsi qu’il a été vu, de telles opérations sont neutralisées fiscalement à travers différents retraitements apportés pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe :

– ce résultat est majoré des sommes déduites par la société ayant consenti l’aide, aucune majoration n’intervenant si les aides ne sont pas fiscalement déductibles, telles que les abandons de créance à caractère financier ;

– ce résultat est minoré des sommes perçues par la société bénéficiaire de l’aide.

● En application du dispositif proposé, il n’y aura plus de tels retraitements. La modification sera neutre sagissant des aides fiscalement déductibles, l’absence de minoration du résultat d’ensemble à hauteur des sommes perçues par la société bénéficiaire de l’aide étant compensée par la non-réintégration des sommes déduites par la société l’ayant octroyée.

En revanche, la disparition de la neutralisation des abandons de créances et des subventions directes et indirectes aura, par rapport au droit en vigueur, un impact négatif pour les groupes lorsque les aides ne sont pas déductibles fiscalement. Dans une telle hypothèse, en effet, la neutralisation aboutissait à ne pas majorer le résultat d’ensemble, mais à le minorer du montant des sommes perçues par la société bénéficiaire. Cette minoration disparaissant, le résultat d’ensemble du groupe sera plus élevé qu’en l’état du droit.

Le tableau suivant illustre l’impact concret de la suppression de la neutralisation des aides intragroupes, selon que ces aides sont fiscalement déductibles ou non. Il repose sur l’hypothèse d’une société A ayant consenti à une société B membre du même groupe fiscalement intégré qu’elle un abandon de créance d’un montant de 200. Le résultat de A avant l’abandon de créance est de 2 000, celui de B avant l’opération est de 1 000.

Illustration de l’impact de la suppression
de la neutralisation des abandons de créance

Résultat

Droit existant

Droit proposé

Différence

Abandon déductible

Abandon non déductible

Abandon déductible

Abandon non déductible

Abandon déductible

Abandon non déductible

Résultat A après abandon

1 800

2 000

1 800

2 000

0

0

Résultat B après abandon

1 200

1 200

1 200

1 200

0

0

Résultat d’ensemble

3 000

3 000

3 000

3 200

0

– 200

Source : commission des finances.

Le droit proposé alourdit la charge fiscale du groupe par rapport au droit en vigueur lorsque l’abandon n’est pas fiscalement déductible, ce qui concerne la plupart des abandons à caractère financier, hors ceux faits au profit d’une société en difficulté, ainsi qu’il a été vu.

● La nouvelle rédaction du cinquième alinéa de larticle 223 B du CGI, résultant du  du C du I du présent article, apporte une seconde modification en plus de la suppression de la neutralisation des abandons de créances et des subventions.

Elle prévoit en effet, sous conditions, labsence de prise en compte de certains avantages consentis entre sociétés membre du même groupe pour la détermination du bénéfice imposable de chacune des sociétés concernées.

Les avantages en question doivent consister en la livraison de biens autres que ceux appartenant à l’actif immobilisé ou en la prestation de services, pour un prix compris entre leur prix de revient et leur valeur réelle.

Ainsi qu’il a été précédemment vu dans le cadre de l’étude du droit en vigueur, de telles livraisons ou prestations ne relèvent pas de la catégorie des subventions indirectes telles que définies par l’article 46 quater‑0 ZG de l’annexe III du CGI : lorsque de telles opérations sont réalisées, la subvention indirecte suppose en effet que le prix soit inférieur au prix de revient. Dans la nouvelle rédaction proposée, le prix est au moins égal au prix de revient.

En conséquence, de tels avantages seront fiscalement neutres, ne modifiant pas le résultat individuel des sociétés concernées et, à défaut de précisions contraires, n’emportant aucun retraitement du résultat d’ensemble du groupe.

● Par ailleurs, le F, le G et le 1° du H du I du présent article procèdent à des coordinations tirant les conséquences de la suppression de la neutralisation des abandons de créance et des subventions directes et indirectes résultant de la réécriture du cinquième alinéa de l’article 223 B du CGI.

Le F modifie le 4 de l’article 223 I du CGI qui a trait au régime des déficits subis par une société avant son entrée dans le groupe. La détermination du résultat individuel de chaque société membre du groupe fait l’objet de règles particulières s’agissant de l’imputation des déficits antérieurs à leur entrée dans le groupe.

En application du 4 de l’article 223 I, le bénéfice d’imputation de ces déficits est diminué des abandons de créance ou des subventions directes ou indirectes qui n’ont pas été pris pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe en application du cinquième alinéa de l’article 223 B.

Compte tenu de la suppression de la neutralisation prévue à cet alinéa, le F du I du présent article supprime cette mention pour y substituer le fait que le bénéfice d’imputation est diminué du montant de ces aides si elles sont déductibles du résultat de la société qui les accorde.

Cela permet d’éviter qu’une telle déduction n’entraîne un cumul d’avantages à travers, d’une part, la diminution du bénéfice individuel de la société ayant consenti aux aides, d’autre part, l’extension du bénéfice d’imputation des déficits pour la société qui les a reçues.

Le G modifie l’article 223 Q du CGI, relatif à la déclaration par la société tête de groupe du résultat d’ensemble qui doit inclure en l’état du droit la mention des rectifications apportées, notamment celles faites au titre du cinquième alinéa de l’article 223 B :

– le 2° de ce G supprime la référence à ce cinquième alinéa ;

– son 1° précise que ne sont mentionnés dans la déclaration que les abandons de créances et les subventions qui n’ont pas été retenus pour déterminer le résultat d’ensemble des exercices ouverts avant le 1er janvier 2019.

Le 1° du H, quant à lui, modifie l’article 223 R relatif aux conséquences de la sortie d’une société du groupe ou de la cessation du groupe, en prévoyant que les rectifications à apporter dans de telles hypothèses ne concernent que les exercices au titre desquels une aide a été déduite du résultat d’ensemble qui ont été ouverts avant le 1er janvier 2019.

4.   Les modifications apportées à la quote-part imposée dans le cadre de la cession intragroupe de titres de participation

La quatrième et dernière modification principale prévue par le dispositif proposé porte sur la quote-part de frais et charges imposables dans le cadre de plus-values de long terme résultant de la cession intragroupe de titres de participation (la « niche Copé »). Cette modification comporte deux volets :

– la suppression de la neutralisation de la quote-part ;

– la diminution du taux de cette quote-part.

a.   La suppression de la neutralisation de la quote-part en cas de cessions intragroupes

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 223 F du CGI, ainsi qu’il a été vu, la quote-part de frais et charges correspondant à 12 % du montant des plus-values brutes de long terme résultant de la cession de titres de participation (« niche Copé ») est neutralisée lorsque la cession revêt un caractère intragroupe.

Dans cette hypothèse, à la différence du régime de droit commun qui prévoit une quasi-exonération de 88 %, la plus-value est intégralement exonérée. Il est toutefois rappelé que la neutralisation de la quote-part prévue au a quinquies du I de l’article 219 du CGI n’est que temporaire : en cas de sortie du groupe, elle est réintégrée au résultat d’ensemble.

● Le  du E du I du présent article, en supprimant le deuxième alinéa de larticle 223 F du CGI, met fin à la neutralisation (temporaire) de la quotepart applicable dans le cadre de la « niche Copé ».

Dès lors, les cessions intragroupes de titres éligibles à la « niche Copé » se verront appliquer les règles de droit commun.

● Le  du même E procède à une coordination liée à la suppression de la neutralisation de cette quote-part, en réécrivant le quatrième alinéa de l’article 223 F relatif à la prise en compte de la quote-part en cas de sortie du groupe.

Pour mémoire, en l’état du droit, cette quote-part est réintégrée au résultat d’ensemble de l’exercice au cours duquel :

– les titres sont cédés en dehors du groupe ;

– l’une des sociétés parties à la transaction (cédante ou cessionnaire) sort du groupe ;

– la société dont les titres ont été cédés à une société intermédiaire ou à l’entité mère résidente sort du groupe ;

– des titres d’une société du groupe qui ont été préalablement cédés à une société intermédiaire ou à l’entité mère non résidente sont cédés par une société intermédiaire ou par l’entité mère non résidente à une société qui n’appartient pas au groupe (et qui n’es pas non plus intermédiaire ou entité mère non résidente).

Ces règles s’appliquent également à la cession d’un élément de l’actif immobilisé.

La nouvelle rédaction du quatrième alinéa de larticle 223 F du CGI prévoit que si la plus-value nette ou la moins-value nette n’a pas été retenue pour la détermination du résultat d’ensemble d’un exercice ouvert avant le 1er janvier 2019 – c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la suppression de la neutralisation de la quote-part –, la quote-part imposable au titre de la « niche Copé » est réintégrée dans les hypothèses suivantes :

– lors de la première cession hors du groupe, si cette cession intervient au cours d’un exercice ouvert à compter du 1er janvier 2019 ;

– lors de la sortie du groupe de la société propriétaire des titres, si cette sortie intervient au cours d’un exercice ouvert à compter de la même date.

● Si cette coordination est parfaitement logique, elle semble néanmoins incomplète. Elle ne traite en effet pas les autres hypothèses dans lesquelles la quote-part doit être réintégrée au résultat de l’exercice de sortie du groupe, c’est-à-dire :

– lorsque la société qui a cédé les titres sort du groupe ; les termes de « société propriétaire » employés dans la rédaction proposée paraissent devoir logiquement faire référence à la société qui détient les titres lors de sa sortie du groupe, ce qui vise la société cessionnaire qui a acquis les titres – il est au demeurant étrange de ne retenir que l’hypothèse de la sortie de la société cessionnaire, alors que c’est la société cédante qui a réalité la plus-value ;

– lorsque la société dont les titres ont été cédés à une société intermédiaire ou à l’entité mère non résidente sort du groupe ;

– lorsque les titres d’une société du groupe ayant déjà été cédés à une société intermédiaire ou à l’entité mère non résidente sont à nouveau cédés, par cette société ou cette entité, à une société extérieure au groupe qui n’est ni intermédiaire ni l’entité mère non résidente.

Un ajustement du dispositif proposé pour tenir compte de ces hypothèses paraît devoir être apporté pour éviter toute incohérence. Sans un tel ajustement, en effet, non seulement la suppression de la neutralisation serait sans effet pour les cessions visées intervenant au cours d’un exercice ouvert à compter du 1er janvier 2019, mais la « déneutralisation » prévue lors des événements précités se trouverait empêchée s’ils intervenaient au cours d’un exercice ouvert à compter de cette date.

● Par ailleurs, le  du B, le 2° du C, le D et le 2° du H du I du présent article procèdent à des coordinations légistiques résultant de la suppression du deuxième alinéa de l’article 223 F du CGI relatif à la neutralisation de la quote‑part.

b.   La baisse de 12 % à 5 % du taux de la quote-part de frais et charge : une mesure qui devrait être mieux ciblée

● Parallèlement à la suppression de la neutralisation de la quote-part de frais et charges prévue au a quinquies du I de l’article 219 du CGI au titre de la « niche Copé », le présent article diminue le taux de cette quote-part de façon substantielle, le ramenant de 12 % à 5 %.

Cette diminution, prévue au  du B du I du présent article, rétablit le taux qui était en vigueur entre 2007 et 2010. Sa motivation réside dans la volonté de compenser la charge supplémentaire induite par la suppression de la neutralisation de la quote-part.

● Si le principe d’une telle compensation est cohérent et tend à limiter le plus possible l’alourdissement de la charge fiscale qui pèsera sur les groupes fiscalement intégrés du fait de la réforme, la diminution à 5 % du taux de la quote-part ne sappliquera pas quaux seuls groupes fiscalement intégrés.

En effet, la modification n’est pas faite dans les dispositions applicables à l’intégration fiscale, mais directement au a quinquies du I de l’article 219 du CGI, qui s’applique à toutes les sociétés assujetties à l’IS.

Dès lors, toutes les entreprises bénéficieront de la baisse du taux de la quote-part, même si leur situation n’est nullement modifiée par la réforme proposée de l’intégration fiscale : il ne s’agit plus d’une simple compensation.

● Il paraît opportun de réserver la baisse prévue du taux de la quote-part aux seules sociétés concernées par la suppression de la neutralisation.

Un tel cantonnement est juridiquement possible, sous réserve dinclure dans le périmètre éligible au taux réduit de 5 % non seulement les sociétés fiscalement intégrées, mais aussi celles assimilées qui remplissent les conditions dintégration.

Tel est dailleurs le cas en matière dimposition des dividendes dans le cadre du régime mère-fille, où la quote-part imposable de 5 % dans le cadre du droit commun est réduite à 1 % pour les dividendes intragroupes au sein d’une intégration fiscale ou entre sociétés assimilées.

B.   L’impact budgétaire et économique

L’impact budgétaire du dispositif proposé va entraîner pour l’État un coût estimé à 110 millions d’euros par an, dû à la baisse du taux de la quote-part imposable dans le cadre de la « niche Copé ». Parallèlement, le régime d’intégration fiscale ainsi modifié sera plus robuste juridiquement et maintiendra l’attractivité de la France et la compétitivité de ses entreprises.

1.   Un coût annuel pérenne estimé à 110 millions d’euros

● La réforme des retraitements intragroupes prévue par le présent article devrait avoir un impact budgétaire négatif pérenne évalué à 110 millions deuros par an, selon la chronique présentée dans le tableau ci-dessous.

Impact budgétaire de la réforme proposée de l’intégration fiscale

(en millions d’euros)

2019

2020

2021

2022

– 78

– 172

– 115

– 110

Source : évaluation préalable.

L’irrégularité de l’impact est due, d’une part, au mécanisme du « cinquième acompte », d’autre part, à la baisse progressive du taux normal de l’IS.

Le tableau suivant présente l’impact annuel hors prise en compte du « cinquième acompte », en ne retenant que la baisse du taux normal.

Impact annuel de la réforme hors « cinquième acompte »

Année

2019

2020

2021

2022

Taux normal d’IS

28 % sur les 500 000 premiers euros de bénéfice

31 % au-delà

28 %

26,5 %

25 %

Impact annuel hors « cinquième acompte »
(en millions deuros)

130

120

115

110

Source : évaluation préalable.

● L’impact du « cinquième acompte » est estimé, au titre de la mise en œuvre d’une mesure à 60 % du produit de l’IS annuel, soit, pour 2019, 78 millions d’euros (60 % × 130).

En 2020, l’impact cumule le solde de l’IS 2019, soit 52 millions d’euros (40 % × 130), et la perte d’IS 2020, soit 120 millions d’euros : le total s’établit à 172 millions d’euros.

L’impact constaté en 2021 tient uniquement compte de la baisse du taux d’IS.

Enfin, à compter de 2022, l’impact sera de 110 millions d’euros.

● Cette évaluation n’est toutefois pas exhaustive, dans la mesure où n’est pas prise en compte l’extension à certaines entreprises du taux réduit de quote-part dans le cadre du régime mère-fille.

2.   Un coût budgétaire due à la baisse à 5 % du taux de la quote-part de la « niche Copé »

Le coût global du dispositif résulte de la mesure destinée à compenser la suppression de la neutralisation de la quote-part dans le cadre de la « niche Copé », c’est-à-dire la baisse du taux de cette quote-part de 12 % à 5 % et qui bénéficiera potentiellement, en l’état du dispositif, à l’intégralité des entreprises à l’IS.

● L’impact individuel des quatre mesures principales du dispositif proposé est très variable ; les chiffres donnés dans les développements suivants sont ceux au titre de 2019 (hors « cinquième acompte ») :

– l’extension du taux réduit de la quote-part imposable sur les dividendes éligibles au régime mère-fille (1 % au lieu de 5 %), à laquelle procède le A du I du présent article, n’est pas chiffrable ;

– la suppression de la neutralisation portant sur les dividendes inéligibles au régime mère-fille à laquelle procède le 1° du C du I du présent article et qui consiste en un alignement sur les règles applicables aux dividendes à ce régime par la création d’une quote-part de 1 %, devrait entraîner un gain pour l’État d’environ un million d’euros ;

– la suppression de la neutralisation des abandons de créance et des subventions intragroupes, effectuée par le 3° du même C, devrait entraîner un gain pour l’État estimé à 200 millions d’euros ;

– enfin, la suppression de la neutralisation de la quote-part imposable dans le cadre de la « niche Copé », associée à la réduction de 12 % à 5 % du taux de cette quote-part, devrait conduire à un coût de 330 millions d’euros.

Cette dernière estimation doit cependant être maniée avec précaution eu égard à la volatilité des opérations entrant dans le champ de la « niche Copé ». Les données fournies au Rapporteur général par l’administration fiscale témoignent de cette difficulté puisque le gain budgétaire tiré de la suppression de la neutralisation, indépendamment d’une baisse du taux de la quote-part imposable, varie de 15 millions d’euros à 791 millions d’euros en fonction des opérations retenues.

● Le tableau ci-après synthétise l’impact individuel de chaque mesure.

impact 2019 des quatre principales mesures de la réforme

 (en millions d’euros)

Mesure

Impact 2019
(hors « cinquième acompte »)

Extension du taux réduit de 1 % de la quote-part imposable au titre des dividendes éligibles au régime mère-fille

Coût non chiffrable

Alignement du traitement fiscal des dividendes exclus du régime mère-fille sur celui des dividendes relevant de ce régime

+ 1

Suppression de la neutralisation des abandons de créance et des subventions

+ 200

Suppression de la neutralisation de la quote-part de la « niche Copé » et abaissement du taux de cette quote-part

– 330

Total

– 130

NB : l’arrondi de la somme peut différer de la somme des arrondis.

Source : évaluation préalable.

Sur la base de ces estimations et des projections réalisées au titre du « cinquième acompte », une chronique pluriannuelle de l’impact budgétaire de chaque mesure a été calculée ; elle figure dans le tableau ci-après.

chronique pluriannuelle de l’impact budgétaire de chaque mesure

 (en millions d’euros)

Mesure

2019

2020

2021

2022

Extension du taux réduit de 1 % de la quote-part imposable au titre des dividendes éligibles au régime mère-fille

NC

NC

NC

NC

Alignement du traitement fiscal des dividendes exclus du régime mère-fille sur celui des dividendes relevant de ce régime

+ 0,60

+ 1,32

+ 0,88

+ 0,85

Suppression de la neutralisation des abandons de créance et des subventions

+ 120,00

+ 264,60

+ 176,80

+ 169,2

Suppression de la neutralisation de la quote-part de la « niche Copé » et abaissement du taux de cette quote-part

– 198,00

– 436,59

– 291,72

– 279,18

Total

 78,00

 172,00

 115,00

 110,00

NB : l’arrondi de la somme peut différer de la somme des arrondis.

Source : commission des finances, à partir de l’évaluation préalable.

3.   Une réduction de l’insécurité juridique garantissant l’attractivité de l’intégration fiscale

Les modifications prévues au présent article vont avoir pour effet d’accroître la charge fiscale pesant sur les groupes fiscalement intégrés, certaines neutralisations étant supprimées.

● Néanmoins, ces modifications auront des conséquences économiques beaucoup moins lourdes que celles qui auraient résulté d’autres approches, notamment celle préconisée par le CPO en 2016, qui consistait à supprimer tous les retraitements fiscaux pour concentrer l’intégration fiscale sur la seule consolidation des résultats des sociétés du groupe et la compensation des pertes et des profits.

Une telle concentration, d’après les estimations du CPO, aurait conduit à alourdir la charge fiscale des entreprises concernées de l’ordre de 750 millions d’euros, soit une différence au détriment des entreprises de l’ordre de 1,08 milliard d’euros par rapport au dispositif proposé ([212]).

● Par ailleurs, la diminution du taux de la quote-part applicable dans le dispositif de la « niche Copé », passant de 12 % à 5 % atténue l’impact négatif qu’a la suppression de la neutralisation de cette quote-part.

En l’état du dispositif proposé, cette diminution conduit d’ailleurs, d’un point de vue global, à alléger la charge fiscale des entreprises puisqu’elle aboutit au final à un coût budgétaire et une diminution des recettes d’IS.

● Enfin, il ne paraît pas inutile de rappeler que les neutralisations qui sont supprimées ne revêtent, dans le droit actuel, qu’un caractère temporaire.

En effet, qu’il s’agisse des abandons de créance et des subventions ou de la quote-part de la « niche Copé », une « déneutralisation » est prévue lors de la sortie du groupe.

● En tout état de cause, il a été vu que la motivation des évolutions proposées réside dans une volonté de sécurisation du régime par rapport au droit de l’Union européenne, dont la méconnaissance constatée à l’occasion d’un contentieux peut se révéler particulièrement coûteuse pour les finances publiques et peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, conduire à des surtaxes ponctuelles.

À cet égard, l’exemple de la contribution de 3 % sur les montants distribués est parfaitement éloquent dans la mesure où il s’est traduit, pour les finances publiques, par un coût de l’ordre de 10 milliards d’euros et, pour les plus grandes entreprises françaises, par la mise en place de deux contributions exceptionnelles additionnelles à l’IS dont le rendement a été de l’ordre de 5 milliards d’euros.

Dès lors, la prudence manifestée par le présent article apparaît tout à fait opportune.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF649 de M. Fabien Roussel, I-CF1141 de Mme Valérie Rabault et ICF1404 de Mme Émilie Cariou, ainsi que lamendement I-CF1439 du Rapporteur général.

M. Fabien Roussel. J’accepte l’autodiscipline sur le temps de parole, monsieur le président, mais nous touchons ici à quelque chose de sérieux ! C’est pourquoi j’ai posé au Gouvernement, cet après-midi, une question qui effleurait déjà le sujet.

La mise en conformité européenne du régime d’intégration fiscale ne pose pas, en elle-même, de problème. Ce qui pose problème, ce sont les alinéas 9 à 11 du présent article, en ce qu’ils instituent une forme de compensation en faveur des entreprises à la suite de cette mise en conformité.

En résumé, les entreprises paieront un peu plus d’impôt sur les sociétés mais, en retour, l’élargissement de la « niche Copé » va leur permettre de récupérer un peu plus d’argent. Outre le fait qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée, on est en droit de s’inquiéter quelque peu quand on voit le dérapage du coût de ladite niche pour le budget de l’État : 4,4 milliards d’euros en 2017, 7 milliards d’euros en 2018 ! Avec les alinéas que vous nous proposez d’adopter, jusqu’où va-t-on monter ? Jusqu’à 7,5 ou 8 milliards d’euros ?

Nous demandons donc la suppression de ces alinéas. Nous ne sommes pas obligés, sous prétexte qu’on réforme le système d’intégration fiscale et que cela va coûter quelques centaines de millions d’euros à nos entreprises, de leur restituer automatiquement ces sommes, et même au-delà.

Mme Valérie Rabault. Notre amendement est en tout point identique.

Que l’on mette le régime d’intégration fiscale des entreprises en conformité avec le droit européen, voilà qui est louable – à ceci près que, ledit régime étant aujourd’hui, dans notre pays, beaucoup trop favorable aux entreprises, cette mise en conformité va coûter, selon l’étude d’impact, 200 millions d’euros aux très grandes entreprises françaises – puisque c’est bien d’elles dont il s’agit – et que, par un tour de passe-passe que certains pensaient peut-être invisible, le Gouvernement en prend prétexte pour toucher à un autre article du CGI et augmenter le coût de la « niche Copé » de 330 millions d’euros – toujours selon l’étude d’impact.

En fin de compte, l’article 12 qui devait rapporter 200 millions d’euros à l’État, va lui coûter 130 millions d’euros. Cela nous paraît un peu gros, et c’est pourquoi nous vous proposons de nous en tenir à la stricte mise en conformité du régime de l’intégration fiscale avec le droit européen, sans augmentation de la « niche Copé ».

Mme Émilie Cariou. Mon amendement a le même objet, qui est de faire sortir les éléments relatifs à la « niche Copé » du champ de l’article 12.

Cet article a en effet pour raison d’être la mise en conformité de notre régime d’intégration fiscale avec le droit de l’Union européenne. C’était, à mon sens, nécessaire car ce régime est aujourd’hui exagérément favorable par rapport aux régimes qui existent dans beaucoup d’autres pays du monde. J’ajoute que cette mise en conformité va de pair avec la baisse du taux d’impôt sur les sociétés que nous avons adoptée, ainsi qu’avec l’assainissement de l’assiette de l’IS des grands groupes, qui fait partie des objectifs que la France défend dans les enceintes telles que l’OCDE ou l’Union européenne.

Or, voici que le Gouvernement nous propose de compenser le surplus potentiel d’impôt – potentiel car, à vrai dire, on ne sait pas si les entreprises devront réellement s’acquitter d’un surplus d’IS – en abaissant immédiatement de 12 % à 5 % la quote-part de réintégration des plus-values de long terme, quote-part qui, je vous le rappelle, avait été exonérée au titre de la « niche Copé » sous le précédent quinquennat afin de remettre un peu d’équilibre dans l’assiette de l’IS.

Les chiffrages, à ce stade, me paraissent très volatils. Comme l’a relevé M. Roussel, le coût de la « niche Copé » est déjà passé de 4 milliards d’euros à 7 milliards d’euros. Des études d’impact portant sur une année ne suffisent pas ; il faut faire un suivi sur plusieurs années.

Je trouve excessifs, en tout état de cause, les fondements mêmes de cette compensation, les périmètres étant différents : la « niche Copé » concerne des titres détenus à 5 %, tandis que l’intégration fiscale est possible sur une holding détenant des titres à 95 %. Cela revient à additionner des choux et des carottes...

L’adoption de cet amendement de suppression nous permettra d’ouvrir la discussion avec le Gouvernement, afin qu’il nous fournisse des données un peu plus fiables.

M. le Rapporteur général. Je vous propose une solution qui me semble équilibrée.

La neutralisation de la quote-part de 12 % pour frais et charges conduisant à une exonération totale, le Gouvernement a prévu, pour compenser sa suppression, d’abaisser le taux de la quote-part imposable de 12 % à 5 %. La conséquence en est, cependant, que la baisse ne profitera pas qu’aux groupes intégrés, mais à toutes les entreprises, sans distinction. Il convient, me semble-t-il, de conserver l’abaissement du taux à 5 %, mais de la réserver cette baisse aux groupes fiscalement intégrés, seuls à être effectivement touchés par la refonte du régime d’intégration.

Les entreprises fiscalement intégrées ne se limitent pas aux 200 ou 250 plus grosses entreprises françaises. L’intégration fiscale concerne en effet 120 000 entreprises, soit pour l’essentiel des PME. Gardons-nous donc des caricatures.

Ma proposition est équilibrée. Il s’agit d’assurer une compensation aux groupes intégrés qui sont touchés par la réforme. Pour ceux qui ne sont effectivement pas touchés, je ne vois pas de raison de compenser. D’où un taux de 5 % pour les groupes intégrés et de 12 % pour les autres.

Je suis d’accord avec Émilie Cariou, cela dit, sur le chiffrage. Il est très difficile d’avoir des données extrêmement précises. Pour notre part, nous nous sommes appuyés sur un certain nombre d’estimations, notamment celles réalisées par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2016. Selon nos calculs, mon amendement pourrait rapporter, par rapport au PLF, jusqu’à 390 millions d’euros, ce qui n’est quand même pas négligeable.

En tout état de cause, mon amendement me paraît très équilibré en ce qui concerne la compensation, car il ne saurait y avoir compensation lorsqu’il n’y a rien à compenser...

M. le président Éric Woerth. Je pense, pour ma part, que la « niche Copé » a fait beaucoup pour maintenir l’attractivité de notre pays. Sans cette perspective de réduction – assez forte, il est vrai – de l’IS frappant les cessions de titres de participation, je ne suis pas sûr qu’autant de holdings seraient localisées en France. C’est pourquoi le coût de la mesure est très difficile à chiffrer, la matière fiscale étant, en ce domaine, extraordinairement volatile.

Mme Valérie Rabault. Je formulerai deux remarques, monsieur le Rapporteur général.

Premièrement, si nous nous mettons en conformité avec le droit européen et que cela coûte 200 millions d’euros aux entreprises, c’est bien que le droit français était jusque-là plus avantageux pour elles – sans quoi cela ne leur coûterait rien du tout. Le point sur lequel je ne suis pas d’accord avec vous, en revanche, c’est que cela concerne surtout, à mes yeux, les très grandes entreprises.

On peut se demander, au passage, si la mise en conformité avec le droit de l’Union européenne nécessite, à chaque fois, une clause de rattrapage. De fait, chaque fois que nous en avons prévu une, c’est plutôt la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui nous a rattrapés, deux ans, trois ans ou cinq ans après ! Ne nous a-t-on pas suffisamment dit qu’il fallait arrêter de provoquer des contentieux susceptibles de coûter des milliards d’euros ? Or, la forme de rattrapage que vous nous proposez, monsieur le Rapporteur général, pourrait être mise en cause par la CJUE, saisie par une entreprise.

Deuxièmement, je n’ai pas très bien compris votre calcul. Je constate qu’aujourd’hui, d’après les évaluations du Gouvernement, l’article 12 coûte 130 millions d’euros. Or, vous nous dites que votre amendement ramènerait 390 millions d’euros dans les caisses de l’État. Est-ce à dire que vous proposez d’augmenter les impôts des entreprises de 390 millions d’euros ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Je pense que ce sujet n’est pas négociable. La « niche Copé » constitue déjà un avantage considérable quand on détient des participations depuis plus de deux ans, auquel cas, si on réalise une plus-value de 100 euros, on est actuellement imposé, au taux actuel de l’IS, sur 12 euros seulement, soit à peu près 4,4 % d’imposition au total. Si, demain, on applique un taux d’IS lui-même en baisse à 5 % seulement de la même plus-value, cela ne fera plus que 1,55 % d’imposition. On va droit dans le mur !

Mme Amélie de Montchalin. Dans ce débat, je suis juste un peu gênée – c’est ma marotte d’une façon générale – par le fait que nous n’avons pas assez de chiffrages, et pas assez de scénarios économiques. Nous avons eu l’an dernier, dans cette salle, un long débat sur la flat tax, comme vous vous en souvenez sans doute. Chacun y allait de son milliard : « 2 milliards », « 3 milliards », « 10 milliards »... Mais on s’est rendu compte que les comportements évoluent à mesure que l’on change la loi, de sorte que le résultat d’une réforme est bien différent de ce qu’indiquerait une analyse statique.

Il ne suffit pas d’appliquer tel ou tel taux aux mouvements précédents. Je suis donc en difficulté pour prendre position dans le cas présent, car il faudrait arriver à obtenir une visibilité économique quant aux effets de l’article 12 sur le comportement des entreprises. La réforme de l’intégration fiscale va-t-elle changer la façon dont, par exemple, elles organisent leurs holdings ?

C’est seulement en fonction de la réponse à ces questions que l’on pourrait apprécier si la quote-part, fixée à 5 % ou à 12 %, correspond à un objectif de politique publique et si elle est, ou non, une compensation nécessaire. Pour ma part, j’estime que nous sommes aujourd’hui en train de débattre de points extrêmement complexes, qui ont des conséquences économiques extrêmement fortes.

Avant toute chose, souvenons-nous qu’à chaque fois que nous touchons la loi, nous changeons les incitations à agir. On ne peut donc pas juger d’une telle mesure sur une base purement statique. C’est tout l’intérêt des analyses des économistes, faute desquelles j’ai l’impression que nous nous contentons de postures, de principes que nous nous jetons à la figure, alors qu’il nous faudrait plutôt des études économiques.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement proposé par le Rapporteur général est un amendement de bon sens. Il faut rappeler que ces plus-values réalisées par les sociétés restent dans le champ de l’impôt sur les sociétés. S’il fallait affecter aux actionnaires le profit qui est dégagé, ils paieraient la flat tax.

Il faut rappeler aussi qu’en matière de titres, il n’y a pas d’amortissement ; on n’amortit pas des valeurs mobilières. L’article suit donc une certaine logique : l’argent qui reste dans un groupe est réinvesti par l’entreprise ; il sert de moteur à l’investissement, au développement, à la transition écologique... Je pense donc que la proposition qui nous est faite est frappée au coin du bon sens, en établissant un départ clair entre groupes intégrés et groupes non intégrés, et j’y suis favorable.

Mme Émilie Cariou. Je rappelle pour ma part que, dans le nouveau régime d’intégration proposé, les abandons de créances intra-groupe, les plus ou moins-values de cession intra-groupe ou encore les subventions intra-groupe ne seront plus neutralisées.

On ne sait absolument pas, c’est vrai, quels seront les comportements de demain. Peut-être vont-ils changer. On ne sait donc même pas s’il y aura, en fin de compte, un surplus de recettes de l’impôt sur les sociétés du fait du nouveau régime. Mais, à ce stade, je maintiens l’amendement à titre conservatoire, car je préfère y voir un peu plus clair sur les conséquences de celui du Rapporteur général, dont je comprends la logique, mais pour lequel j’attends des chiffrages, ainsi qu’une analyse sur sa compatibilité avec le droit de l’Union européenne, dans la mesure où il s’appuie sur une distinction entre les titres détenus au sein des groupes et hors des groupes.

M. Charles de Courson. Lorsque Jean-François Copé a fait voter la niche dont il est question, son argument était le suivant : en Belgique ou aux Pays-Bas, il n’y a pas de taxation des plus-values, donc notre système est totalement inadapté ; quand un groupe a besoin de céder un titre avec plus-value, il en cède la valeur comptable à sa filiale belge et la plus-value est réalisée en Belgique, puis les moyens sont réalloués au sein du groupe.

C’est pourquoi toutes les affirmations sont possibles. Certains disent que le dispositif coûte 4,4 milliards d’euros, mais on peut tout aussi bien dire qu’il coûte zéro euro... On peut tout dire, à cause de l’effet de substitution permis par la délocalisation de la matière fiscale.

Plusieurs décisions de la CJUE sont venues annuler des éléments du dispositif. Mais, ce qui me trouble, dans l’étude d’impact du Gouvernement, c’est qu’on n’y semble même pas sûr de l’interprétation à donner de la position de la CJUE. Voici en effet le texte de l’évaluation préalable : « Cependant, des incertitudes subsistent quant à la compatibilité avec le droit de lUnion européenne de certaines neutralisations opérés pour déterminer le résultat densemble des groupes. » Dès lors, que faire ? Nous levons ce que nous croyons devoir interpréter comme des incertitudes, mais sans même en être sûrs...

Dans son amendement, le Rapporteur général propose de réduire fortement, de 12 % à 5 %, le taux de la quote-part imposable Mais, dans un groupe totalement intégré, c’est un taux de 1 % qui s’applique ; le différentiel disparaît donc presque entièrement. Or, si j’ai bien compris, l’amendement rapporterait 200 millions d’euros à l’État au lieu de lui coûter de l’argent...

M. Gilles Carrez. Je suis plutôt favorable à l’amendement du Rapporteur général, car je trouve qu’il est logique.

Les groupes fiscalement intégrés bénéficient aujourd’hui d’une fiscalité nulle quand ils opèrent des cessions internes. Il est proposé que la quote-part imposable soit portée, pour ces groupes, à 5 %, ce qui la ferait donc passer de 0 % à 5 %. Il y aurait là un enjeu européen. Mais je peine à accepter l’idée que, pour les autres groupes, moins intégrés, on passe également à 5 %, c’est-à-dire non pas de 0 % à 5 %, mais de 12 % à 5 %. Puisqu’ils sont déjà à 12 %, pourquoi ne pas les y laisser ?

Si je comprends bien, c’est le sens de l’amendement du Rapporteur général. Je le trouve logique. Par contre, je suis dans une complète incertitude quant à la compatibilité de cet amendement avec le droit de l’Union européenne. Le fait de fixer une quote-part de 5 % pour les groupes fiscalement intégrés et une quote-part de 12 % pour les autres groupes ne va‑t‑il pas à l’encontre de ce droit ?

J’ai entendu beaucoup de choses sur ce qu’on appelle la « niche Copé ». Il faut bien voir que nous avions, au début des années 2000, un très gros problème. Nous étions les seuls à imposer la cession des titres de participation. Le résultat était que les entreprises qui avaient plusieurs filiales gardaient leurs titres et ne bougeaient pas.

Un député socialiste a publié en 2001 un rapport où il préconisait d’aligner complètement la situation de la France sur celle qui prévalait dans tous les autres pays, en pratiquant l’exonération. Finalement, l’idée n’a pas pu être mise en œuvre dans la loi de finances pour 2002, mais a été reprise par la suite, dans des conditions de rapidité extrême dont Charles de Courson se souvient certainement, puisque nous étions ensemble à la commission mixte paritaire réunie sur le texte.

La disposition n’avait pas été examinée à l’Assemblée, mais l’avait été au Sénat. En l’espace de deux ans, son coût s’est élevé à 12 milliards d’euros. Mais il s’agissait d’un coût fictif, car toutes les entreprises qui détenaient des titres de participation pouvaient auparavant échapper à toute imposition en passant par l’étranger, auquel cas l’État ne recevait rien, ou, surtout, en conservant leurs titres. Elles ont simplement profité de cette mesure pour purger de manière massive les plus-values sur leurs titres de participation. Tous les chiffres brandis à l’époque étaient donc complètement artificiels.

Il nous est très difficile de travailler sur ce genre de proposition, car, comme le disait très bien Amélie de Montchalin en déplorant le manque d’étude d’impact, il ne faudrait pas que nous recommencions à travailler à l’aveugle – j’ai été instruit, à cet égard, par mon expérience d’il y a dix ans. Cela étant, je trouve que l’amendement du Rapporteur général va dans le bon sens. Je me demande seulement s’il ne nous fait pas courir un risque juridique.

Mme Christine Pires Beaune. Je rappelle que, dans le PLF pour 2018, les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel de mai 2017 avaient été tirées, en modifiant les règles de détermination de la base imposable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les groupes fiscalement intégrés. Je crois que l’amendement du Rapporteur général présente un vrai risque à cet égard, et qu’il faut s’en tenir, pour aujourd’hui, aux amendements identiques d’Émilie Cariou et de Valérie Rabault.

M. le Rapporteur général. La question la plus importante qui nous est posée est celle de la compatibilité avec le droit européen. Disons-le clairement : c’est à cause du droit européen que le cantonnement de la baisse doit être étendu aux situations assimilées à l’intégration fiscale, c’est-à-dire lorsque la cession est faite entre sociétés qui, bien que n’appartenant pas un groupe intégré, remplissent les mêmes conditions.

Nous reprenons ainsi, mot pour mot, les dispositions du régime « mère-fille », qui a justement été modifié pour être compatible avec le droit de l’Union européenne. Nous proposons rigoureusement les mêmes conditions. Cela veut dire que, si cet amendement était effectivement au contraire au droit, tout le régime « mère-fille » le serait aussi.

Comme vous, je regrette les difficultés rencontrées pour obtenir des données. Pour ma part, cela fait une vingtaine de jours que j’ai demandé à Bercy un chiffrage précis... Entre‑temps, nous avons dû nous débrouiller avec les données que nous avions. Comment avons-nous chiffré l’amendement ? Tout simplement en nous appuyant sur les estimations réalisées en 2016 par le CPO, qui, se fondant sur un taux d’IS de 25 %, chiffrait à 146 millions d’euros le gain budgétaire tiré de la suppression de la neutralisation.

En retenant une suppression de la neutralisation et une quote-part à 5 % au lieu de 12 %, mon amendement dégage un gain budgétaire de l’ordre de 60 millions d’euros. On peut alors estimer le gain à 390 millions d’euros par rapport au PLF, si cet article a bien été chiffré à 330 millions d’euros dans l’ensemble des documents qui nous ont été présentés. Mon amendement tend en tout cas vers un équilibre et une juste compensation vis-à-vis du système qui est mis en place. Ce n’est pas le cas des amendements qui précèdent, sur lesquels j’émets un avis défavorable.

Mme Valérie Rabault. J’ai demandé à monsieur le Rapporteur général de nous livrer le coût de l’article 12, modifié par son amendement.

M. le Rapporteur général. Mon amendement rapporte de l’argent, par rapport à l’article initial.

Mme Valérie Rabault. L’article 12 initial fait rentrer 200 millions d’euros de recettes supplémentaires, mais prévoit une dépense fiscale de 330 millions d’euros. Il coûte donc 130 millions d’euros. Confirmez-vous que vous feriez réaliser un gain à l’État ?

M. le Rapporteur général. Oui, en écartant du champ de la mesure compensatoire les sociétés qui ne bénéficient pas de la « niche Copé ».

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends, de part et d’autre, des arguments pertinents. Mais, au-delà de l’harmonisation au niveau du droit européen, je crains quand même qu’on ne provoque une rupture d’égalité entre les entreprises intégrées et celles qui ne le sont pas.

Il y a, en outre, une difficulté par rapport aux chiffrages. Ne pourrait-on pas, très concrètement, arriver à ce que tous les auteurs d’amendement se mettent d’accord pour les retirer, afin d’interroger le Gouvernement ? De cette manière, nous aurions une vraie réponse du ministre, car cela laisserait à ses services le temps d’étudier à la fois les coûts, mais aussi les risques juridiques, du dispositif proposé. Il me paraît relativement dangereux de prendre aujourd’hui des mesures à la louche.

Mme Véronique Louwagie. Mes propos iront dans le même sens que ceux de Marie-Christine Dalloz. Une mission d’information, dont Romain Grau est le rapporteur et moi-même la présidente, est conduite actuellement sur les risques liés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l’État. Il faut que nous soyons très prudents sur un certain nombre de dispositifs. Rappelons que la CJUE a rendu, la semaine passée, sa décision sur un contentieux qui concerne le précompte. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans le cadre du budget, car elle met à la charge de l’État français 4 à 5 milliards d’euros, la France ayant perdu ce contentieux.

M. le Rapporteur général. Il n’y a pas en ce moment de procédure contentieuse européenne vis-à-vis du régime mère-fille français. Ce régime prévoit une quote-part de 5 % en droit commun et une quote-part de 1 % dans les cas d’intégration fiscale et assimilés. Comme il n’y a pas de contentieux sur le régime mère-fille, il ne peut pas y avoir de contentieux sur quelque chose qui y est rigoureusement identique. Je vous invite donc à voter pour mon amendement.

La commission rejette les amendements I-CF649, I-CF1141 et I-CF1404.

Elle adopte lamendement I-CF1439 (amendement I-2346).

Elle adopte ensuite lamendement rédactionnel I-CF1440 du Rapporteur général (amendement I-2347).

Puis elle adopte larticle 12 modifié.

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Article 13
Réforme des dispositifs de limitation des charges financières

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme certaines règles d’encadrement de la déductibilité des charges financières en transposant l’article 4 de la directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, dite directive « ATAD » (pour « anti-avoidance tax directive », soit directive contre l’évasion fiscale).

Le dispositif proposé plafonne la déductibilité des charges financières nettes (soit, schématiquement, la différence entre les intérêts servis et les intérêts perçus) au plus élevé de deux montants : 3 millions d’euros ou 30 % de l’EBITDA (résultat avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement).

Une clause de sauvegarde permet aux entreprises dont le ratio de capitalisation n’est pas inférieur à celui de leur groupe de déduire en complément 75 % des charges non admises en déduction.

Le dispositif est plus sévère vis-à-vis aux entreprises sous-capitalisées.

Enfin, sont prévues des règles de report des charges non déduites et de la capacité de déduction inemployée.

Ce dispositif est codifié à l’article 212 bis du CGI et, pour les groupes fiscalement intégrés, à l’article 223 B bis du même code, la réécriture de ces deux articles faisant disparaître le « rabot » (qui prévoit la réintégration de 25 % des charges financières nettes sauf si elles sont inférieures à 3 millions d’euros).

Les nouvelles règles conduisent à faire évoluer certains instruments jugés incompatibles et/ou redondants avec le dispositif proposé, ou dont la portée très limitée rend leur maintien inopportun :

– abrogation de l’encadrement de la déductibilité des intérêts pour les entreprises sous-capitalisées prévu aux II et III de l’article 212 du CGI, qui ne pourraient coexister avec les plafonnements proposés ;

– abrogation de l’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation ;

– coordinations importantes pour l’intégration fiscale.

Dernières modifications intervenues

Le mécanisme du « rabot » a été introduit par l’article 23 de la loi de finances pour 2013.

La directive « ATAD » a été adoptée le 16 juillet 2016, pour une transposition au 1er janvier 2019, ce délai courant pour certaines de ses dispositions jusqu’en 2024.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

En plus d’un amendement de précision, la commission a adopté deux amendements du Rapporteur général assouplissant le dispositif proposé :

– les intérêts afférents à des projets d’infrastructures publiques de long terme ne seront pas pris en compte dans le calcul des charges financières nettes, comme le permet la directive ;

– une clause de sauvegarde a été introduite dans le dispositif d’encadrement renforcé applicable aux entreprises sous-capitalisées.

I.   L’état du droit

Les charges financières supportées par une entreprise sont, en principe, déductibles de son résultat. Cependant, cette déductibilité fait l’objet d’un encadrement particulièrement étoffé, non seulement en France mais aussi dans l’Union européenne et dans le cadre des travaux internationaux, afin de limiter le plus possible les vecteurs d’évitement fiscal susceptibles de conduire à une attrition abusive de l’assiette imposable.

A.   Les dispositifs français d’encadrement de la déductibilité des charges financières

Le droit français compte une demi-douzaine de dispositifs encadrant la déductibilité par les entreprises de leurs charges financières.

1.   L’encadrement de la déductibilité des intérêts versés aux associés

En plus de leur participation au sein du capital d’une entreprise, les associés peuvent accorder des prêts à celle-ci, l’entreprise leur versant en contrepartie des intérêts, déductibles de son résultat. Néanmoins, des abus sont possibles, notamment au moyen de prix de transfert abusifs reposant sur des taux d’intérêts excessifs qui conduisent à minorer artificiellement le résultat imposable de l’entreprise qui les sert.

En conséquence, le 3° du 1 de l’article 39 du CGI prévoit que le montant déductible au titre d’intérêts servis par une entreprise à ses associés à raison des sommes quils lui ont prêtées est plafonné en fonction d’un taux égal à la moyenne des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements financiers au titre de prêts à taux variable d’une durée initiale supérieure à deux ans.

Des règles particulières sont prévues lorsque les intérêts sont afférents à des avances consenties dans le cadre du régime des sociétés mères et filiales (régime mère-fille) par la société mère.

L’encadrement prévu au 3° du 1 de l’article 39 s’applique à toutes les entreprises, qu’elles relèvent de l’impôt sur le revenu ou de l’IS.

2.   L’encadrement de la déductibilité des intérêts versés par une entreprise à des sociétés liées

Un dispositif similaire assorti d’une condition supplémentaire est prévu au I de larticle 212 du CGI pour les sociétés assujetties à l’IS qui versent des intérêts à raison des sommes que leur versent des sociétés liées au sens du 12 de l’article 39.

La notion d’entreprises liées au sens du 12 de l’article 39 du CGI

La notion d’« entreprises liées » au sens du 12 de l’article 39 du CGI vise les situations dans lesquelles, pour deux entreprises :

– la première détient directement ou indirectement la majorité du capital social de la seconde ou, à défaut d’une telle détention, exerce dans les faits le pouvoir de décision au sein de la seconde ; il s’agit d’une relation mère-fille ;

– ces deux entreprises sont placées sous le contrôle d’une même tierce entreprise, ce contrôle étant acquis en cas de détention majoritaire du capital social ou de l’exercice en fait du pouvoir de décision ; il s’agit d’une relation de sociétés sœurs.

En plus de l’application du plafonnement du montant déductible au regard du taux moyen mentionné au 3° du 1 de l’article 39, que prévoit le a du I de l’article 212, les intérêts ne sont déductibles du résultat de l’entreprise qui les verse seulement que si celle qui les perçoit est assujettie, à raison de ces intérêts, à un impôt sur les bénéfices dont le montant correspond au moins à 25 % de lIS (b du même I).

Cette seconde condition, qui est en principe satisfaite lorsque la société percevant les intérêts est établie en France, vise à lutter contre les dispositifs hybrides impliquant des sociétés liées étrangères qui conduisent à une déduction sans imposition. Dans le cadre de tels dispositifs, en effet, le résultat de l’entreprise française est minoré des intérêts servis, tandis que l’augmentation du bénéfice de l’entreprise étrangère correspondant au montant des intérêts perçus ne l’est pas ou l’est insuffisamment (notamment si les sommes avancés à l’entreprise française sont qualifiées par la juridiction fiscale dont relève l’entreprise étrangère de participation et non d’obligation : la contrepartie perçue relève alors du régime fiscal des dividendes, qui sont généralement exonérés en tout ou partie).

La démonstration du caractère suffisant de l’imposition de la société percevant les intérêts incombe à la société débitrice.

Cet outil contre les dispositifs hybrides a été introduit par le législateur à l’occasion de la loi de finances pour 2014 ([213]).

3.   Le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation des sociétés

La sous-capitalisation des sociétés peut résulter d’un schéma d’évitement fiscal abusif consistant, pour une société mère, à établir dans une juridiction fiscale à fiscalité élevée une filiale dont le capital sera insuffisant pour lui permettre de conduire normalement ses opérations.

Pour se financer, cette filiale emprunte auprès de sa société mère ou d’une autre société liée (société sœur), les intérêts versés en contrepartie de ces emprunts venant minorer son résultat imposable.

Le dispositif anti-hybride précédemment décrit permet de lutter contre de tels schémas si la société percevant les intérêts est établie dans un pays à fiscalité très faible ou si le produit financier perçu en contrepartie de l’emprunt est qualifié de titre de participation (et exonéré). En revanche, il ne permet pas de lutter contre les schémas dans lesquels la société prêteuse est établie dans une juridiction fiscale où l’imposition est égale ou supérieure à 25 % de l’IS français.

En conséquence, le II de larticle 212 du CGI prévoit un dispositif (relativement complexe) limitant la déductibilité par une société des intérêts servis à des sociétés liées dans lhypothèse dune sous-capitalisation de la première société, sous réserve de l’application d’une clause de sauvegarde.

Le dispositif lié à la sous-capitalisation, en vertu du 2 de ce II, ne s’applique cependant pas aux intérêts :

– servant à financer des opérations réalisées par une centrale de trésorerie dans le cadre d’une convention de gestion centralisée de trésorerie ;

– servant à financer l’acquisition de biens donnés en crédit-bail ;

– dus par les établissements de crédit et les sociétés de financement mentionné à l’article L. 511‑1 du code monétaire et financier.

a.   L’appréciation de la sous-capitalisation de la société servant les intérêts

Une présomption de sous-capitalisation de la société qui sert des intérêts à des entreprises liées est prévue lorsque le montant de ces intérêts déductibles en application du I de l’article 212 excède simultanément, au titre du même exercice, trois ratios distincts :

– un ratio d’endettement ;

– un ratio de couverture d’intérêts ;

– un ratio d’intérêts servis par les entreprises liées.

● Le ratio dendettement, prévu au a du 1 du II de l’article 212, repose sur la relation entre les capitaux propres de la société servant les intérêts et le montant moyen des sommes avancées par les entreprises qui lui sont liées.

Dans le détail, ce ratio correspond au montant des intérêts déductibles en application du I de l’article 212, multiplié par le rapport entre, d’une part, une fois et demie le montant des capitaux propres de la société et, d’autre part, le montant moyen des sommes avancées par l’ensemble des sociétés liées. Le montant des capitaux propres est apprécié, à la discrétion de la société concernée, à la date de clôture ou à la date d’ouverture de son exercice.

Concrètement, le dépassement de ce ratio est acquis si le montant moyen des sommes laissées ou mises à disposition de la société par les entreprises liées excède une fois et demie les capitaux propres de la société. En effet, dans une telle hypothèse, le rapport entre une fois et demie les capitaux propres, d’une part, et le montant moyen des avances, d’autre part, sera nécessairement inférieur à l’unité, conduisant à ce que le produit de ce rapport et du montant des intérêts déductibles soit mathématiquement inférieur à ce dernier montant.

Pour l’appréciation de ce ratio, sont pris en compte les emprunts contractés auprès d’entités ou d’établissements non liés, s’ils sont garantis par une entreprise liée.

Illustration de l’appréciation du ratio d’endettement

Une société A établie en France, assujettie à l’IS et disposant de capitaux propres dont le montant est de 4 millions d’euros, bénéficie de la part de la société B, qui lui est liée, d’une avance de 5 millions d’euros au titre de laquelle elle verse des intérêts d’un montant de 200 000 euros.

La société A a également contracté auprès d’un établissement de crédit un emprunt de 4 millions d’euros, dont le remboursement est garanti à hauteur de 2 millions d’euros à travers un cautionnement accordé par la société C qui lui est liée. Les intérêts dus au titre de la première année de remboursement de cet emprunt s’élèvent à 250 000 euros.

Les intérêts servis à B et C, entreprises liées à A, relèvent des dispositions du a du II de l’article 212 du CGI et sont pris en compte selon les modalités suivantes :

– la totalité des intérêts servis à B est retenue, soit 200 000 euros ;

– s’agissant des intérêts versés par A au titre de l’emprunt contracté auprès d’un établissement de crédit, ils sont retenus à raison de la fraction de l’emprunt garanti par le cautionnement de C. L’emprunt portant sur 4 millions d’euros et étant garanti à hauteur de 2 millions d’euros (50 %), les intérêts retenus correspondront à 50 % du montant dû au titre de la première année de remboursement, soit 250 000 × 50 % = 125 000.

Le montant total des intérêts retenus est donc de 200 000 + 125 000 = 325 000 euros.

Le montant moyen des sommes mises à disposition par les sociétés liées est de 5 + 2 = 7 millions d’euros. Le rapport entre une fois et demie le montant des capitaux propres (de 4 millions d’euros) et ce montant moyen est égal à :

(4 × 1,5) / 7 = 6 / 7.

Le produit prévu au a du II de l’article 212 correspond donc à 325 000 × (6 / 7), ce qui correspond à 278 571 euros, montant inférieur à celui des intérêts déductibles en application du I de l’article 212.

L’appréciation du dépassement du ratio aurait également pu directement s’apprécier en constatant que le montant moyen des sommes avancées (7 millions d’euros) excédait une fois et demie celui des capitaux propres (6 millions d’euros).

● Le ratio de couverture dintérêts, prévu au b du 1 du II de l’article 212, est fixé à 25 % du résultat courant avant impôt de la société, majoré :

– du montant des intérêts déductibles en application du I du même article 212 ;

– des dotations aux amortissements prises en compte pour la détermination du résultat courant avant impôt (hors amortissements dérogatoires, pour lesquels la dotation est enregistrée en charge exceptionnelle et ne minore pas ce résultat) ;

– de la quote-part du loyer annuel correspondant au remboursement du capital du bien pris en crédit-bail.

Pour mémoire, le résultat courant avant impôt est un solde intermédiaire de gestion déterminé en application de l’article 532‑7 du plan comptable général (PCG) ([214]).

Illustration de l’appréciation du ratio de couverture d’intérêts

Une société A sert à des sociétés qui lui sont liées des intérêts pour un montant global de 300. Le résultat courant avant impôt de A est de 500. Une dotation aux amortissements de 100 est passée au titre de l’exercice.

Le résultat courant à retenir pour l’appréciation du ratio de couverture d’intérêts est de 500 + 300 + 100 = 900.

Le rapport entre les intérêts servis et le résultat courant majoré est de 300 / 900, soit un tiers.

Ce rapport excède donc les 25 % prévus au b du II de l’article 212 : le ratio de couverture d’intérêts est dépassé.

● Troisième et dernier ratio, le ratio dintérêts servis par des sociétés liées est prévu au c du 1 du II de l’article 212 du CGI.

Ce ratio est dépassé si le montant des intérêts que sert la société à celles qui lui sont liées excède le montant des intérêts qu’elle perçoit de la part de celles-ci.

Dans le cadre de ce ratio, et en application du 3 du II de l’article 212, les intérêts servis par la société concernée en contrepartie d’emprunts dont le remboursement est garanti par une société liée ne sont pas retenus pour l’appréciation de la situation de cette dernière au regard de la sous-capitalisation : ces intérêts sont en effet assimilés à des intérêts servis à une société liée uniquement à l’égard de la société qui en est débitrice.

Illustration de l’appréciation du ratio d’intérêts servis par des entreprises liées

Une société A sert à des sociétés liées des intérêts correspondant à un montant de 600.

Cette société A perçoit parallèlement de la part de sociétés B, C et D qui lui sont liées des intérêts de 700 :

– 300 de la part de B contrepartie d’avances consentie par A ;

– 250 de la part de C en contrepartie d’avances consentie par A ;

– 150 en contrepartie d’une garantie de remboursement par A d’un emprunt contractée par D.

Le montant des intérêts perçus pris en compte pour l’appréciation du ratio prévu au c du II de l’article 212 est de :

300 + 250 = 550 (les 150 correspondant à la fraction du prêt garanti par le cautionnement de A ne sont pas retenus).

Le montant des intérêts servis excédant celui des intérêts perçus pris en compte, le ratio d’intérêts servis par des entreprises liées est dépassé.

b.   La limitation du montant d’intérêts déductible

Si au moins l’un des trois ratios n’est pas dépassé, alors la société pourra déduire l’intégralité des intérêts déductibles en application du I de l’article 212 du CGI.

En revanche, si les trois ratios sont dépassés, la société est présumée sous‑capitalisée.

● Dans une telle hypothèse, la fraction des intérêts déductibles en application du I de l’article 212 qui excède le plus élevé des trois ratios n’est pas déductible du résultat de la société, ainsi que le prévoit l’avant-dernier alinéa du 1 du II de cet article, sauf si cette fraction porte sur un montant inférieur à 150 000 euros.

Illustration de la limitation du montant d’intérêts déductibles

Une société A sert à des sociétés qui lui sont liées des intérêts d’un montant global de 800 en contrepartie d’avances qu’elles lui consentent et qui portent sur un montant global de 10 000.

Ses capitaux propres s’élèvent à 6 000 et son résultat courant avant impôt est de 2 000 (aucune dotation aux amortissements n’est faite au titre de l’exercice, et aucun bien n’est pris en crédit-bail).

Elle perçoit parallèlement de la part de ces sociétés des intérêts pour un montant de 600 (sans s’être portée garante pour le remboursement d’un emprunt).

Le premier ratio (ratio d’endettement) s’élève à :

800 × ((6 000 × 1,5) / 10 000) = 720.

Le deuxième ratio (ratio de couverture d’intérêts) s’élève à :

(2 000 + 800) × 25 % = 700.

Le troisième ratio (ratio d’intérêts servis par les entreprises liées) s’élève à 600.

Le plus élevé des trois ratios est le ratio d’endettement, établi à 720.

Dès lors, la fraction des intérêts qui excède de montant, soit 80 (800 – 720), ne sera pas déductible du résultat de la société A pour la détermination de son assiette imposable à l’IS.

● Le dernier alinéa du 1 du II de l’article 212 prévoit néanmoins un mécanisme de report en avant de la fraction des intérêts non déductible.

Cette fraction peut être déduite au titre de l’exercice suivant, à concurrence de la différence entre le deuxième ratio (ratio de couverture d’intérêts, qui correspond à 25 % du résultat courant avant impôt majoré de certains éléments) calculé au titre de cet exercice suivant et le montant des intérêts déductibles en application du I de l’article 212 au titre du même exercice.

Dans l’hypothèse où la fraction non immédiatement déductible ne pourrait être intégralement déduite au titre de l’exercice suivant, le solde peut l’être, dans les mêmes conditions que celles qui viennent d’être présentées, au titre des exercices ultérieurs, sans limitation dans le temps. Est néanmoins prévue l’application à ce solde d’une décote de 5 % par exercice.

Illustration du report de l’imputation des intérêts non déduits

Au titre d’un exercice N, une société A sert à des sociétés liées des intérêts déductibles en application du I de l’article 212 d’un montant de 1 000. Elle a pu déduire, en application du 1 du II de l’article 212, un montant de 800.

La fraction de 200 non déductible immédiatement est reportable sur les exercices ultérieurs dans les conditions prévues au dernier alinéa du 1 du même II.

Au titre de l’exercice N + 1, le ratio de couverture d’intérêts de la société A est de 800, et le montant des intérêts déductibles en application du I de l’article 212 est de 500.

La différence entre ces deux montants est donc de 800 – 500 = 300.

Cette différence étant supérieure à la fraction reportée, cette dernière peut être intégralement déduite au titre de l’exercice N + 1.

c.   La clause de sauvegarde reposant sur le rapport entre dettes et capitaux propres

Une clause de sauvegarde excluant l’application de la limitation de déductibilité des intérêts d’emprunt en cas de sous-capitalisation figurant au II de l’article 212 est prévue au III du même article.

L’entreprise qui dépasse les trois ratios précédemment mentionnés est présumée sous-capitalisée, mais cette présomption est réfragable : l’entreprise peut apporter la preuve contraire en démontrant que le ratio d’endettement du groupe auquel elle appartient est égal ou supérieur à son propre ratio d’endettement.

Le ratio d’endettement prévu au III de l’article 212 au titre de la clause de sauvegarde ne doit pas être confondu avec le ratio d’endettement prévu au a du 1 du II du même article : les deux ont la même appellation mais ne portent pas intégralement sur les mêmes éléments.

La notion de groupe s’entend ici de l’ensemble des entreprises qui présentent entre elles des liens de contrôle exclusif au sens du II de l’article L. 233‑16 du code de commerce.

Le contrôle au sens de l’article L. 233‑16 du code de commerce

L’article L. 233‑16 du code de commerce définit les notions de contrôle exclusif (à son II) et de contrôle conjoint (à son III).

Le contrôle exclusif exercé par une société sur une autre résulte :

– de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote ;

– de la désignation de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance pendant deux exercices successifs (étant précisé que cette condition est présumée remplie si la société mère disposait au cours des deux exercices de plus de 40 % des droits de vote et qu’aucune autre personne ne détenait une part supérieure) ;

– du droit d’exercer une influence dominante.

Le contrôle conjoint correspond aux hypothèses dans lesquelles les décisions résultent de l’accord des associés, lorsqu’ils exploitent en commun et en nombre limité une entreprise.

● Ainsi que le prévoit le dernier alinéa du III de l’article 212, le ratio d’endettement de l’entreprise, dans le cadre de la clause de sauvegarde, correspond au rapport entre le montant total de ses dettes et celui de ses capitaux propres, définis de manière identique à ceux prévus dans le cadre du ratio d’endettement prévu au a du 1 du II du même article 212.

Il s’agit donc d’un ratio d’endettement global, et non uniquement du ratio d’endettement intragroupe, conduisant à prendre en compte des avances qui ne sont pas visées par le dispositif de sous-capitalisation, qui ne porte que sur les avances faites par les sociétés liées.

● Le ratio d’endettement du groupe, quant à lui, repose sur le rapport entre :

– les dettes de l’ensemble des entreprises du groupe, à l’exception des dettes intragroupes ;

– les capitaux propres cumulés de l’ensemble des entreprises du groupe retraités de certaines opérations intragroupes.

● Il est, par ailleurs, admis que la démonstration, qui permet de montrer que la société n’est pas sous-capitalisée, est réputée réalisée sans que celle-ci doive comparer les ratios d’endettement, si ses capitaux propres sont positifs, alors que ceux du groupe sont négatifs. Dans une telle hypothèse, en effet, elle est nécessairement moins endettée que le groupe ([215]).

d.   Le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation propre aux groupes fiscalement intégrés

Les treizième à dix-huitième alinéas de l’article 223 B du CGI traitent du cas particulier de la déduction des intérêts d’une entreprise sous-capitalisée membre d’un groupe fiscalement intégré ([216]).

Aux termes du treizième alinéa de cet article, les intérêts non déductibles du résultat d’une société membre du groupe en application du 1 du II de l’article 212, et qui ont été retenus pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe, ne peuvent venir en déduction des résultats des exercices ultérieurs de la société membre.

La déduction des intérêts différés ne pourra être faite que sur le résultat d’ensemble de l’exercice au titre duquel ces intérêts ont été différés ou au titre d’exercices ultérieurs. Il est précisé que ne sont concernés par ce dispositif que les intérêts différés depuis l’entrée dans le groupe de la société concernée : les intérêts dont la déduction a été différée au titre d’un exercice antérieur à l’entrée dans le groupe de la société demeurent déductibles du résultat propre de celle-ci.

Les modalités de déduction au niveau du résultat d’ensemble des intérêts différés qui ne peuvent plus être déduits des résultats propres sont définies aux quatorzième à dix-septième alinéas de l’article 223 B. Peut être déduit du résultat d’ensemble la fraction des intérêts différés supérieure à un plafond d’intérêts non déductibles calculé en procédant à la différence entre :

– la somme, d’une part, des intérêts servis par les sociétés du groupe à des sociétés liées qui n’appartiennent pas à l’intégration fiscale et, d’autre part, des intérêts différés « en propre », c’est-à-dire des intérêts dus par les sociétés du groupe au titre d’exercice antérieurs à leur entrée et déduits du résultat de l’exercice dans les conditions de droit commun prévues au dernier alinéa du 1 du II de l’article 212 ;

– et un ratio de couverture d’intérêts déterminé au niveau du groupe.

Pour le calcul de cette différence, le ratio de couverture d’intérêts à retenir correspond à celui prévu au b du 1 du II de l’article 212, adapté à l’intégration fiscale. Alors que, dans le droit commun, ce ratio correspond à 25 % du résultat courant avant impôt majoré de certains éléments, dont les intérêts servis à des entreprises liées, il correspond, dans le cadre d’un groupe fiscalement intégré, à 25 % de la somme des résultats courants avant impôts de chaque société :

– majorés de certains éléments, dont le montant des intérêts servis à des sociétés liées qui n’appartiennent pas au groupe fiscalement intégré ;

– et minorés des dividendes reçus des sociétés membres du groupe.

Seule la fraction des intérêts non déduits qui excède le plafond est déductible du résultat d’ensemble. En d’autres termes, le montant déductible au niveau du groupe correspond à la différence positive entre le montant total des intérêts différés au niveau de l’ensemble des sociétés appartenant au groupe et le plafond précédemment mentionné.

Cela revient à plafonner le montant des intérêts différés au niveau du groupe à celui des intérêts qui, si le groupe constituait une seule entreprise, n’auraient pas été déductibles en vertu du ratio de couverture d’intérêts de droit commun prévu au b du 1 du II de l’article 212.

Illustration du calcul du plafond d’intérêts non déductibles

Un groupe fiscalement intégré a un montant total d’intérêts non déductibles qui lui sont transférés de 400.

Son ratio de couverture d’intérêts est de 300, tandis que le montant des intérêts servis à des sociétés liées hors du groupe est de 550.

Le plafond d’intérêts non déductibles est de 550 – 300 = 250.

La société tête de groupe pourra donc déduire la fraction excédant ce plafond, soit
400 – 250 = 150.

● Le dix-huitième alinéa de l’article 223 B prévoit le report des intérêts non déduits au niveau des sociétés membres et dont la déduction a été transférée au niveau du résultat d’ensemble du groupe, qui n’ont pu être déduits de ce dernier au titre de l’exercice (en application des règles de plafonnement précédemment mentionnées).

Il s’agit d’un mécanisme de report similaire à celui prévu au dernier alinéa du 1 du II de l’article 212 du CGI.

4.   Le plafonnement général de la déductibilité des charges financières nettes

Parallèlement aux dispositifs précédemment étudiés, a été introduit par la loi de finances pour 2013 ([217]) un plafonnement général de la déductibilité des charges financières nettes connu sous l’appellation de « rabot », et prévu :

– à l’article 212 bis du CGI pour les sociétés n’appartenant pas à un groupe fiscalement intégré ;

– à l’article 223 B bis pour celles membres dune intégration fiscale.

a.   Le plafonnement général applicable en dehors d’une intégration fiscale

Aux termes des I et II de l’article 212 bis, les charges financières nettes ne sont intégralement déductibles que si elles sont inférieures à 3 millions deuros. Au-delà, elles sont réintégrées au résultat à hauteur de 25 % de leur montant total : l’entreprise ne pourra donc déduire que 75 % de ces charges.

La notion de charges financières nettes correspond à la différence entre :

– les charges financières supportées par l’entreprise au titre de la rémunération des sommes qui sont lui laissées ou mises à disposition ;

– les produits financiers perçus par l’entreprise au titre de la rémunération des sommes qu’elle a laissées ou mises à disposition.

De façon simplifiée, les charges financières nettes correspondent donc à lexcédent des intérêts servis par rapport aux intérêts perçus.

Les charges financières prises en compte pour le calcul du « rabot » n’incluent pas la rémunération des prestations annexes à la mise à disposition de sommes comme les frais de dossier ou les primes d’assurance.

Les produits financiers s’entendent des intérêts ou sommes assimilées et n’incluent donc pas, entre autres, les gains de change ou les dividendes et revenus distribués, qui, en effet, ne viennent pas rémunérer la mise à disposition d’une somme mais la participation prise dans une entreprise.

Illustration du calcul du « rabot »

Une société A verse au titre des sommes qui lui ont été avancées un montant total d’intérêts de 7 millions d’euros.

● Elle perçoit parallèlement des produits financiers pour un total de 4,5 millions d’euros.

Les charges financières nettes qu’elle supporte sont donc de :

7 – 4,5 = 2,5 millions d’euros.

Le plafond de 3 millions d’euros étant respecté, la société A pourra déduire l’intégralité de ses charges financières nettes.

● Si le même exemple est repris, cette fois avec des produits financiers s’élevant à 3 millions d’euros, les charges financières nettes s’élèvent à : 7 – 3 = 4 millions d’euros.

Le plafond étant dépassé, le « rabot » est applicable : la société A doit réintégrer à son résultat 25 % des charges financières nettes, soit : 4 × 25 % = un million d’euros.

Sont exclues du « rabot » les charges financières supportées dans le cadre de certains contrats de commande publique, s’ils ont été signés à la date de promulgation de la loi de finances pour 2013, soit le 29 décembre 2013. Sont concernées les charges afférentes aux biens acquis ou construits par la société au titre de l’exécution :

– d’une délégation de service public ;

– d’un contrat de concession de travaux publics ;

– d’un contrat de concession de distribution d’électricité et de gaz ;

– d’un contrat de partenariat ;

– d’un bail emphytéotique administratif ou hospitalier.

Sont aussi exclues les charges afférentes aux contrats de financement des stocks de produits dont le cycle de rotation est supérieur à trois ans, lorsqu’est prévue une obligation réglementaire de conservation.

Enfin, sont également exclues les charges supportées par les sociétés dont l’activité est l’acquisition de contrats d’approvisionnement à long terme d’électricité signés ou à signer à compter du 29 décembre 2014.

b.   Le plafonnement général applicable dans une intégration fiscale

L’article 223 B bis du CGI prévoit un dispositif similaire de plafonnement pour les groupes fiscalement intégrés. La logique est la même que celle précédemment mentionnée, cet article étant le miroir de l’article 212 bis.

Des ajustements sont néanmoins prévus pour tenir compte des particularités propres à ces groupes.

Ainsi, les charges financières nettes s’apprécient-elles au niveau du groupe, et non au niveau de chaque société membre, tandis que la réintégration éventuelle de 25 % de ces charges se fait sur le résultat d’ensemble. Dès lors, la détermination par chaque société membre de son résultat propre se fait sans appliquer le « rabot » prévu à l’article 212 bis.

Sont exclues des charges financières celles exclues dans le cadre de l’article 212 bis afférentes aux contrats précédemment mentionnés, à l’exception donc des contrats d’approvisionnement à long terme d’électricité, non mentionnés à l’article 223 B bis.

Illustrations du plafonnement général dans un groupe fiscalement intégré

Les sociétés A, B, C et D font partie du même groupe fiscalement intégré.

● Leurs charges financières nettes respectives s’élèvent à :

– 750 000 euros pour la société A ;

– 700 000 euros pour la société B ;

– 1 250 000 euros pour la société C ;

– 1 500 000 euros pour la société D.

Le total de ces charges financières nettes est donc de 4,2 millions d’euros, excédant le plafond de 3 millions d’euros, alors même que chaque société prise individuellement n’excède pas ce plafond.

La société tête de groupe devra donc réintégrer au résultat d’ensemble une somme de 4,2 × 25 % = 1,05 million d’euros.

● Au titre d’un autre exercice, les mêmes sociétés A, B, C et D enregistrent les charges financières et produits financiers nets suivants :

– charges financières nettes de 7 millions d’euros pour la société A ;

– produits financiers nets de 6 millions d’euros pour la société B ;

– produits financiers nets de 3 millions d’euros pour la société C ;

– charges financières nettes de 4 millions d’euros pour la société D.

Le total des charges financières nettes au niveau du groupe s’élève à :

7 – 6 – 3 + 4 = 2 millions d’euros.

En conséquence, et bien que les charges financières nettes des sociétés A et D excèdent individuellement le plafond, la consolidation au niveau du groupe reste inférieure à ce dernier : aucune réintégration n’est requise.

5.   L’« amendement Charasse »

Introduit par la loi de finances rectificative pour 1988 ([218]) et nommé d’après le ministre chargé du budget qui en est à l’origine, le dispositif dit « amendement Charasse » encadre la déductibilité des charges financières dans le cadre d’opérations de « rachat à soi-même ».

● Prévu au sixième alinéa de l’article 223 B du CGI, il ne s’applique qu’à l’intégration fiscale. Il consiste en la réintégration dans le résultat d’ensemble du groupe d’une fraction des charges financières afférentes à l’acquisition, par une société B appartenant au groupe, des titres d’une société C qui est ou devient membre du même groupe, lorsque cette acquisition par B est faite auprès d’une société A qui la contrôle.

La notion de contrôle par la société A est entendu au sens de l’article L. 233‑16 du code de commerce.

● Le dispositif s’applique également lorsque la société membre du groupe acquiert les titres auprès d’une société intermédiaire ou d’une société étrangère qui sont contrôlées par la même personne.

Il est rappelé que, dans l’intégration fiscale, une société intermédiaire désigne une société établie hors de France dont l’interposition dans la chaîne de détention ne fait pas obstacle à ce que les sociétés détenues par cette société intermédiaire puissent appartenir au groupe – il s’agit de la configuration des groupes « Papillon ». Une société étrangère, dans le cadre de l’intégration fiscale, désigne une société européenne par l’intermédiaire de laquelle une entité mère non résidente détient la société tête de groupe – il s’agit de la configuration des groupes horizontaux).

● Le montant de la fraction à réintégrer est égal au rapport entre le prix d’acquisition des titres et la somme du montant moyen des dettes des sociétés membres du groupe.

Cette réintégration est opérée au titre de l’exercice d’acquisition et des huit exercices suivants.

L’« amendement Charasse » ne s’applique toutefois ni lorsque la cession est réalisée entre sociétés du même groupe, ni au titre de l’exercice de sortie du groupe de la société rachetée, ni au titre de l’exercice au cours duquel la société ayant acquis les titres n’est plus contrôlée par les personnes visées par le dispositif.

6.   Le dispositif d’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation

Introduit par la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 ([219]) à l’initiative du Rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, le paragraphe IX de l’article 209 du CGI ([220]) prévoit, selon des modalités d’application voisines de celles de l’« amendement Charasse », un encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation.

Ce dispositif vise à éviter les schémas d’évitement fiscal abusif dans lesquels une société étrangère utilise une filiale française comme « relai fiscal » pour acquérir des titres, les charges supportées par la filiale pour l’acquisition minorant son résultat et donc l’impôt dû.

● En application du IX de l’article 209 du CGI, une fraction de ces charges est réintégrée au résultat.

Cette fraction correspond forfaitairement au rapport entre le prix d’acquisition des titres et le montant moyen de la dette supportée par la société au cours de l’exercice. Le montant à réintégrer R au titre d’un exercice N est calculé selon la formule suivante :

R = CF(N) × VT / D(N)

où CF(N) correspond aux charges financières de l’exercice N, VT à la valeur d’acquisition des titres et D(N) au montant moyen de la dette au titre de l’exercice N.

Illustration du calcul de la fraction à réintégrer

Une société A a fait l’acquisition de titres pour une valeur de 5 millions d’euros.

Les charges financières supportées au titre de l’exercice N s’élèvent à 600 000 euros, tandis que la dette moyenne au cours de N est de 10 millions d’euros.

La société A réintégrera à son résultat :

600 000 × (5 000 000 / 10 000 000) = 300 000 euros.

● La société acquérant les titres peut toutefois échapper à l’encadrement prévu si elle démontre :

– que la gestion effective des titres est assurée par elle ou par une société qui lui est liée établie en France, dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en matière fiscale ;

– qu’elle, ou une société liée répondant aux conditions précédentes, exerce un contrôle ou une influence sur la société dont les titres ont été acquis.

L’assimilation des sociétés européennes aux sociétés établies en France, pour l’appréciation de la gestion effective des titres et du contrôle sur la société cible, résulte de l’article 38 de la loi de finances pour 2018 ([221]).

Si la société n’apporte pas la preuve requise, la réintégration s’applique à l’exercice au titre duquel la démonstration pour échapper à l’encadrement doit être faite et aux exercices clos jusqu’à la fin de la huitième année suivant celle d’acquisition.

Illustration de l’application du dispositif d’encadrement

Une société A est détenue à 100 % par une société M, qui détient également les sociétés E1 et E2.

Les sociétés A et M sont établies en France, les sociétés E1 et E2 sont établies dans un autre État membre de l’Union européenne.

La société A fait l’acquisition de titres de la société X (société cible).

Pour que le dispositif d’encadrement ne soit pas applicable, la société A doit prouver que la gestion effective des titres est exercée :

– par elle-même ;

– ou par la société M ;

– ou par l’une des sociétés E1 et E2 pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2017.

● Des cas de dispense de réintégration sont néanmoins prévus par les 5 et 6 du IX de l’article 209. Cette dispense s’applique :

– si la valeur des titres acquis n’excède pas un million d’euros ;

– si les acquisitions de titres n’ont pas été financées par un emprunt supporté par la société ou par une société du groupe ;

– si le ratio d’endettement du groupe est supérieur ou égal au ratio d’endettement de la société.

● Le 19 septembre 2018, le Conseil d’État a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité à la Constitution du 1 du IX de l’article 209 du CGI, dans sa rédaction résultant de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011, c’est-à-dire la rédaction d’origine du dispositif ([222]).

La société requérante soutenait que la non-soumission à la réintégration des charges, en ce qu’elle est subordonnée à ce que la gestion effective des titres soit assurée par la société achetant les titres ou par une société qui la contrôle ou qui est contrôlée par cette dernière, méconnaissait le principe d’égalité devant les charges publiques dans la mesure où cette non-soumission ne s’applique pas aux hypothèses dans lesquelles la gestion effective est assurée par une société établie en France autre que celles mentionnées, c’est-à-dire par une société établie en France qui n’est pas contrôlée par des sociétés mère ou sœur de la société ayant acquis les titres.

Dans sa décision du 19 septembre dernier, le Conseil d’État a considéré que ce moyen d’inconstitutionnalité présentait un caractère sérieux ; la QPC ainsi transmise a été enregistrée au secrétariat du Conseil constitutionnel le 20 septembre 2018 sous le numéro 2018‑748 QPC. Le Conseil constitutionnel a fixé la date limite de réception des demandes en intervention le 11 octobre suivant, et sa décision devrait intervenir dans les mois qui viennent, probablement en décembre 2018.

7.   Les règles spécifiques à la surcapitalisation dans le régime de taxation au tonnage

L’article 209‑0 B du CGI permet aux entreprises dont au moins 75 % du chiffre d’affaires provient de l’exploitation de navires armés au commerce, de relever d’un régime d’imposition particulier pour les bénéfices tirés de cette exploitation.

À la place des règles de droit commun en matière d’IS, le régime prévu à cet article repose sur une taxation au tonnage à travers l’application d’un barème défini au II de l’article 209‑0 B et qui est fonction du tonnage de chaque navire, défini en unités du système de jaugeage universel.

Le e du même II prévoit que le résultat déterminé en application de ce barème est majoré lorsque les capitaux propres de l’entreprise excèdent plus de deux fois le montant des dettes de celle-ci.

B.   Les règles de déductibilité des charges financières prévues par la directive « ATAD »

L’importante directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur ([223]), plus connue sous l’acronyme « ATAD » (pour « anti-taxe avoidance directive », soit directive contre l’évasion fiscale), prévoit plusieurs mesures de nature à renforcer les outils nationaux contre l’évasion fiscale, dont une clause anti-abus générale à son article 6, dont la transposition fait l’objet de l’article 48 du présent PLF, et de nouvelles règles d’encadrement de la déductibilité des intérêts d’emprunt à son article 4, que transpose le présent article.

La directive « ATAD » sapplique, en application de son article 1er, à toutes les entreprises soumises à lIS dans un ou plusieurs États membres de l’Union européenne, ce qui inclut les établissements stables d’entités établies en dehors de l’Union, dès lors qu’eux-mêmes sont situés dans un État membre.

  Les initiatives européennes contre lévasion et la fraude fiscales

L’Union européenne, particulièrement depuis la communication de la Commission européenne du 17 juin 2015, a lancé de nombreuses initiatives contre l’évasion et la fraude fiscales :

– la directive « ATAD » du 12 juillet 2016 ;

– la directive « ATAD II » du 29 mai 2017 concernant les dispositifs hybrides associant des pays tiers à l’Union européenne ;

– la directive imposant la déclaration des schémas transfrontières à risque dite « DAC 6 » du 25 mai 2018, qui vient compléter les cinq autres directives « DAC » en matière d’assistance administrative et d’échanges d’informations ;

– la cinquième directive anti-blanchiment du 30 mai 2018 ;

– les propositions de directive portant sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (« ACCIS »), qui ont fait l’objet d’une résolution du Parlement européen le 15 mars 2018 ;

– le paquet sur la fiscalité numérique du 21 mars 2018, reposant sur une taxe sur les revenus tirés de certains services numériques et sur la consécration de l’établissement stable virtuel ;

– la liste commune des juridictions non coopératives adoptée le 5 décembre 2017 et mise à jour depuis, que le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude prévoit de transposer en droit français – ce projet de loi a été adopté dans les mêmes termes par le Sénat et l’Assemblée nationale les 9 et 10 octobre 2018 ;

– la proposition de directive sur la publicité de la déclaration pays par pays, adoptée par le Parlement européen le 4 juillet 2017.

● La directive « ATAD » est spécifiquement orientée contre l’évasion fiscale et transpose plusieurs actions du projet « BEPS ». Ses mesures essentielles sont :

– l’encadrement de la déductibilité des charges financières (article 4) ;

– l’imposition à la sortie pour éviter le transfert de bénéfices vers des paradis fiscaux (article 5) ;

– une clause anti-abus générale (article 6) ;

– des règles sur les sociétés étrangères contrôlées (articles 7 et 8) ;

– la lutte contre les asymétries fiscales (article 9).

Cette directive doit être transposée d’ici 2019, certaines mesures bénéficiant d’un délai pouvant aller jusqu’en 2024.

1.   Une directive mettant en œuvre les recommandations de l’OCDE

L’article 4 de la directive « ATAD » met en œuvre, au sein de l’Union européenne, les conclusions de laction 4 du projet « BEPS » (pour « base erosion and profit shifting », soit « érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices ») de l’OCDE.

● Le G20, en 2012, a chargé l’OCDE de développer un plan d’action, endossé en 2013 par le G20 lors de son sommet de Saint-Pétersbourg et intitulé « BEPS », dont la finalité est de réaligner la localisation des profits des entreprises avec leurs activités et imposer les bénéfices là où ils sont effectivement réalisés.

Quinze actions ont été approuvées lors du sommet du G20 d’Antalya, en Turquie, en novembre 2015. Les travaux du projet « BEPS », conduits à travers un cadre inclusif, associent plus de 100 pays (118 en septembre 2018).

Les quinze actions du projet « BEPS »

Les quinze actions du projet « BEPS » sont présentées ci-dessous. Celles apparaissant en gras sont considérées comme des standards minimums.

– action n° 1 : relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique ;

– action n° 2 : neutraliser les effets des dispositifs hybrides ;

– action n° 3 : concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères contrôlées ;

– action n° 4 : limiter l’érosion de la base d’imposition faisant intervenir les déductions d’intérêts et d’autres frais financiers ;

 action n° 5 : lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance ;

 action n° 6 : empêcher lutilisation abusive des conventions fiscales lorsque les circonstances ne sy prêtent pas ;

– action n° 7 : empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable ;

– actions n° 8 à 10 : aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur ;

– action n° 11 : mesure et mise en œuvre du « BEPS » ;

– action n° 12 : règles de communication obligatoire d’informations ;

 action n° 13 : documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays ;

 action n° 14 : accroître lefficacité des mécanismes de règlement des différends ;

– action n° 15 : convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir le BEPS.

En application de l’action n° 15, a été conclu à Paris le 7 juin 2017 l’« instrument multilatéral » (IM), proposant une méthode inédite de révision des conventions fiscales sans devoir procéder à des négociations fastidieuses, convention par convention. Plus de 1 100 conventions appariées devraient être couvertes par cet instrument, et donc modifiées en conséquence. L’IM couvre les conventions que les parties choisissent de placer sous son égide, y transposant les mesures « BEPS » qu’il contient :

– lutte contre les dispositifs hybrides (action n° 2) ;

– lutte contre l’utilisation abusive des conventions fiscales (action n° 6) ;

– révision de la définition de l’établissement stable (action n° 7) ;

– amélioration de l’efficacité des règlements des différends (action n° 14).

L’autorisation du Parlement à ratifier cette convention a fait l’objet d’une loi promulguée le 12 juillet 2018 ([224]). La France a déposé le 26 septembre dernier auprès de l’OCDE son instrument de ratification, permettant une entrée en vigueur de la Convention à son égard à compter du 1er janvier 2019.

● L’action 4 du projet « BEPS » a trait à la lutte contre les mécanismes dérosion de la base fiscale faisant intervenir des déductions dintérêts et dautres frais financiers. Le transfert de bénéfices à travers le paiement d’intérêts excessifs est en effet, du fait de la mobilité élevée de l’argent, l’un des moyens privilégiés pour minorer artificiellement l’assiette imposable dans un ou plusieurs pays. D’après l’OCDE ([225]), les trois principaux cas de figure sont :

– le recours à des emprunts auprès de parties tierces par des groupes installés dans des pays à fiscalité élevée ;

– l’utilisation de prêts intragroupes assortis d’intérêts bien supérieurs à ceux contractés auprès de tierces parties (majoration excessive des taux) ;

– le recours à l’emprunt pour financer la production d’un revenu exonéré d’impôt (dispositif hybride, qualifié dans un pays d’obligation, dont les intérêts sont déductibles, et dans un autre de participation, dont les produits sont exonérés).

Pour faire face à ces pratiques, l’OCDE recommande de limiter la déductibilité des intérêts d’emprunt sur la base d’un rapport reposant sur l’EBITDA (acronyme anglais signifiant « earnings before interest, taxes, depreciation and amortization » et qui correspond au bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement).

Est ainsi suggérée une fourchette comprise entre 10 % et 30 % de l’EBITDA, assortie des aménagements suivants :

– la mise en place d’un plafond alternatif monétaire, reposant sur une somme fixe ;

– une exclusion du plafond des intérêts servis au titre du financement de projets d’intérêt public, du fait de la réduction des risques d’érosion d’assiette liée à la nature des projets et au lien étroit avec le secteur public ;

– la possibilité de reporter en avant les intérêts non déduits, voire la capacité de déduction non utilisée.

2.   Le plafonnement de la déductibilité des « surcoûts d’emprunt » prévu par la directive

L’article 4 de la directive « ATAD » porte sur une règle de limitation des intérêts (libellé de l’article), qu’il faut entendre comme mettant en place un dispositif de plafonnement des surcoûts d’emprunt déductibles.

a.   La notion de « surcoûts d’emprunt »

Le terme de « surcoûts demprunt » employé dans la directive correspond au montant du dépassement des coûts demprunt déductibles supportés par une entreprise par rapport aux revenus dintérêts imposables et aux autres revenus imposables économiquement équivalents perçus par la même entreprise, ainsi qu’il ressort de la définition donnée au 2 de l’article 2 de la directive.

Ces « surcoûts d’emprunt » résultent donc de la différence entre les charges financières et les produits financiers, et correspondent à la notion française de charges financières nettes prévue aux articles 212 bis et 223 B bis du CGI.

b.   Un plafond de déductibilité fixé à 30 % de l’EBITDA ou 3 millions d’euros

Aux termes du 1 de cet article 4, une entreprise n’est autorisée à déduire ses charges financières nettes du résultat de l’exercice au titre duquel elles sont supportées, qu’à hauteur de 30 % de son bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements, cest-à-dire à 30 % de son EBITDA.

Ce dispositif s’inspire de la « barrière d’intérêts » (« Zinsschranke ») qui existe en Allemagne depuis 2008 et qui correspond précisément au plafonnement de la déductibilité des intérêts nets, soit les intérêts servis minorés des intérêts perçus, à 30 % de l’EBITDA.

● L’EBITDA correspond au résultat opérationnel de l’entreprise avant prise en compte des charges annuelles constatant l’usure, ou l’obsolescence ou la dépréciation d’actifs. Il permet de mesurer le niveau de rentabilité de l’exploitation de l’entreprise et d’identifier la création de richesse réalisée par cette dernière. Un EBITDA positif signifie que l’entreprise est rentable sous l’angle opérationnel (sans pour autant être nécessairement bénéficiaire fiscalement dans la mesure où la politique d’investissement et de financement de l’entreprise n’est pas prise en compte).

Il s’agit d’une notion voisine de celle de l’excédent brut d’exploitation (EBE), qui constitue l’un des soldes intermédiaires de gestion en France.

Les soldes intermédiaires de gestion

Les soldes intermédiaires de gestion (SIG) mettent en valeur différents indicateurs. Les différents SIG sont :

– la marge commerciale, correspondant à la différence entre les ventes de marchandises et le coût d’achat des marchandises vendues ;

– la valeur ajoutée, correspondant à la différence entre la marge commerciale majorée de la production de l’exercice (production vendue majorée ou minorée de la production stockée et majorée de la production immobilisée) et, d’autre part, la consommation de l’exercice en provenance de tiers ;

– l’excédent brut d’exploitation (EBE), qui correspond à la différence entre la valeur ajoutée majorée des subventions d’exploitation et les charges de fonctionnement (loyers, salaires, etc.) ;

– le résultat d’exploitation, qui correspond à la différence entre, d’une part, l’EBE majoré des reprises sur charges, des transferts de charges et d’autres produits et, d’autre part, les dotations aux amortissements et aux provisions majorées d’autres charges ;

– le résultat courant avant impôts, qui correspond au résultat d’exploitation majoré des produits financiers et minoré des charges financières ;

– le résultat exceptionnel, qui correspond à la différence entre les produits exceptionnels et les charges exceptionnelles ;

– et enfin le résultat de l’exercice (ou résultat net), correspondant à la différence entre, d’une part, le résultat courant avant impôt, le cas échéant majoré du résultat exceptionnel et, d’autre part, la participation des salariés et l’impôt sur les bénéfices.

Construction des soldes intermédiaires de gestion
à partir du compte de résultat

Source : Conseil des prélèvements obligatoires.

● Le 2 de l’article 4 définit l’EBITDA au sens du dispositif comme le résultat soumis à l’IS dans l’État membre (c’est-à-dire le résultat avant impôt), majoré des montants ajustés à des fins fiscales correspondant :

– aux surcoûts d’emprunt ;

– à la dépréciation et à l’amortissement.

Le 3 de cet article 4 prévoit un plafond alternatif fixé à 3 millions d’euros. Dès lors, le contribuable peut déduire ses surcoûts d’emprunt dans la limite du plus élevé des deux montants suivants :

– 30 % de l’EBITDA ;

– 3 millions d’euros.

Ces éléments peuvent être appréciés au niveau d’un groupe, tel qu’un groupe fiscalement intégré en France.

Précisons enfin que le plafond de 30 % n’est qu’un maximum : ainsi que l’exposé des motifs de la directive l’indique, « les États membres pourraient abaisser le seuil financier afin de garantir un niveau plus élevé de protection de leurs bases dimposition nationales » ([226]).

3.   Les aménagements et exceptions prévus par la directive

L’article 4 de la directive est relativement souple, en offrant aux États membres la possibilité de réaliser une transposition à géométrie variable d’un État à l’autre à travers les choix qu’il prévoit.

a.   Les entités et opérations exclues du plafonnement

● Certaines entités peuvent être exclues du champ d’application de l’article 4.

En premier lieu, les État membres peuvent exclure de l’encadrement les entités autonomes, qui auront alors la faculté de déduire l’intégralité de leurs surcoûts d’emprunt (b du 3 de l’article 4).

Les entités autonomes sont les entreprises n’appartenant pas à un groupe consolidé à des fins comptables et n’ayant ni entreprise associée, ni établissement stable.

Cette exclusion est motivée par le fait que l’érosion de l’assiette fiscale repose essentiellement sur des relations intragroupes et non sur des comportements d’entité isolées ([227]).

Les sociétés financières, en application du 7 de l’article 4, peuvent également être exclues du dispositif d’encadrement.

● Certains surcoûts d’emprunt peuvent, par ailleurs, être exclus du plafonnement de déductibilité, aux termes du 4 de l’article 4 :

– les surcoûts afférents aux emprunts contractés avant le 17 juin 2016, cette date étant celle de l’accord politique du Conseil de l’Union européenne dans sa formation Affaires économiques et financières sur la proposition de directive ;

– les surcoûts afférents aux emprunts utilisés pour le financement d’un projet d’infrastructures publiques à long terme, dès lors que l’opérateur du projet, les intérêts, les actifs et les gains se trouvent dans l’Union européenne. Sont concernés les projets destinés à fournir, améliorer, exploiter ou conserver un actif considéré comme d’intérêt public.

b.   Les clauses de sauvegarde prévues

Le 5 de l’article 4 prévoit que les États membres, s’ils le souhaitent, peuvent mettre en place des clauses de sauvegarde atténuant l’éventuelle rigueur que serait susceptible d’entraîner l’application du dispositif de plafonnement.

● En vertu du a de ce 5, une entreprise membre d’un groupe consolidé à des fins de comptabilité financière peut déduire l’intégralité de ses surcoûts d’emprunt, indépendamment du respect des plafonds prévus, si elle établit que le ratio entre ses fonds propres et ses actifs est égal ou supérieur au même ratio déterminé au niveau du groupe.

Une marge de souplesse réputant le ratio de l’entreprise égal à celui du groupe si le premier n’est inférieur au second que de deux points de pourcentage.

● Le b du même 5 permet de rehausser le plafond de déduction à travers la possibilité offerte à une entreprise de déduire plus que ce qu’il aurait pu faire en application des règles de droit commun.

Ce plafond majoré est calculé en deux temps :

– un ratio au niveau du groupe est déterminé, correspondant au rapport entre les surcoûts d’emprunt du groupe vis-à-vis de personnes n’y appartenant pas et l’EBITDA du groupe ;

– ce ratio est multiplié par l’EBITDA de l’entreprise, donnant le plafond majoré.

Dès lors, sauf si les surcoûts d’emprunt du groupe dus à l’égard de tiers excèdent l’EBITDA du groupe, l’entreprise peut opérer une déduction majorée.

c.   Les facultés de report offertes

Le 6 de l’article 4 de la directive « ATAD » permet aux États membres de mettre en place trois mécanismes de report alternatifs.

● Le premier consiste en un report en avant, sans limitation temporelle, des surcoûts d’emprunt qui n’ont pu être déduits au titre de l’exercice.

Le deuxième prévoit pour les surcoûts d’emprunt non déduits :

– un report en avant, lui aussi illimité dans le temps ;

– un report en arrière sur trois exercices au plus.

Enfin, le troisième mécanisme prévoit :

– un report en avant illimité dans le temps des surcoûts d’emprunt non déduits ;

– un report en avant, limité à cinq exercices au maximum, de la capacité de déduction inemployée, c’est-à-dire de la différence entre les plafonds de déductibilité applicables et les montants d’imputation réellement utilisés. Par exemple, si les surcoûts d’emprunt d’un exercice N correspondaient à 20 % de l’EBITDA d’une société, cette dernière peut reporter sur les cinq exercices futurs 10 % de cet EBITDA.

● Ces mécanismes de report atténuent considérablement l’une des principales critiques adressées au dispositif, celui de son caractère procyclique.

Le fait que le plafond soit adossé à l’EBITDA conduit, en effet, à permettre aux entreprises dont les résultats sont élevés à pouvoir déduire beaucoup de surcoûts d’emprunt, tandis que celles qui sont moins performantes seront pénalisées par une moindre faculté de déduction.

Pour limiter ces effets, disposer de la faculté de constituer un « stock » de capacité de déduction, lorsque l’EBITDA est fort ou que les surcoûts d’emprunt sont limités, et de celle d’imputer sur des exercices futurs les intérêts non déduits du fait d’un EBITDA trop faible ou de surcoûts trop élevés, constituent des solutions efficaces, d’ailleurs mises en œuvre par l’Allemagne dès 2010 dans le cadre de sa « barrière d’intérêts » ([228]).

4.   La temporalité de la transposition du dispositif prévu par la directive

Aux termes de l’article 11 de la directive « ATAD », la transposition de celle-ci doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2018 pour une application dès janvier 2019.

Néanmoins, le 6 de cet article 11 offre un délai supplémentaire aux États membres qui disposent (au 8 août 2016) de règles ciblées pour prévenir les risques d’érosion des bases imposables et ceux de transfert des bénéfices, si elles sont aussi efficaces que celles prévues par la directive.

De tels États, dont fait manifestement partie la France eu égard aux dispositifs nationaux précédemment décrits, ont jusqu’à la publication d’un accord conclu au niveau de l’OCDE sur une norme minimale au titre de l’action 4 du projet « BEPS », sans que cette date ne puisse dépasser le 1er janvier 2024.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article 13 transpose l’article 4 de la directive « ATAD », renforçant ainsi les outils juridiques du droit français destinés à lutter contre l’évasion fiscale.

A.   La transposition en droit français du plafonnement prévu par la directive « ATAD »

Les nouveaux dispositifs d’encadrement de la déductibilité des charges financières nettes reprennent léquilibre général de larticle 4 de la directive « ATAD » et sont consacrés aux articles 212 bis et 223 B bis du CGI, réécrits à cette occasion. Ils conduisent à la disparition de certains des instruments existants, dont les objectifs sont satisfaits par les nouvelles règles et qui ne pourraient coexister avec ces dernières.

1.   Les nouveaux plafonds de déductibilité des charges financières nettes

Le cœur du présent article réside aux E et G de son I, qui transposent les nouvelles règles européennes de plafonnement des sommes déductibles au regard de l’EBITDA.

Le E du I réécrit larticle 212 bis relatif au « rabot », pour lui substituer un nouveau dispositif correspondant à l’article 4 de la directive « ATAD ». Comme aujourd’hui, cet article ne s’appliquerait qu’aux sociétés qui ne font pas partie d’un groupe fiscalement intégré (les groupes fiscalement intégrés faisant l’objet de l’article 223 B bis).

Aux termes du I de larticle 212 bis réécrit, les charges financières nettes ne seront admises en déduction au titre d’un exercice que dans la limite du montant le plus élevé entre :

– 3 millions d’euros ;

– 30 % de son EBITDA, dont la définition fiscale est donnée au II de l’article.

a.   La définition des charges financières nettes

La définition des charges financières nettes est donnée au III de larticle 212 bis. Elles correspondent la différence positive entre :

– les charges financières déductibles en application du I de l’article 212 du CGI ; le plafonnement éventuel du taux d’intérêt et l’exigence d’une imposition minimale de l’entreprise à qui sont servis les intérêts sont donc pris en compte ;

– les produits financiers imposables et produits équivalents.

● Le 2 de ce III précise ce qu’il faut entendre par « charges financières » et « produits financiers », et dresse la liste de dix rubriques retenues au titre de ces deux notions :

– versements réalisés au titre de prêts participatifs ou d’emprunts obligataires (a du 2 du III) ;

– montants versés au titre de financements alternatifs (b) ;

– intérêts capitalisés qui se trouvent inclus dans le coût d’un actif (c) ;

– montants mesurés par référence à un rendement financier et déterminés à travers la comparaison avec des entreprises similaires qui sont exploitées normalement au sens de l’article 57 du CGI, qui a trait à la rectification du résultat d’une entreprise en cas de manipulation abusive de prix de transfert (d) ;

– intérêts servis au titre d’instruments dérivés ou des contrats de couverture sur les emprunts réalisés (e) ;

– gains et pertes de change qui sont liés à des emprunts, à des prêts et à des instruments liés (f) ;

– frais de garantie d’opérations de financement (g) ;

– frais de dossier liés à la dette (h) ;

– montant des loyers dus au titre d’opérations de crédit-bail, de location avec option d’achat ou de location de biens immobiliers entre entreprises liées, ce montant étant diminué de certains éléments (i) ;

– tous les autres coûts ou produits équivalents à des intérêts (j).

● Cette liste des charges et produits est copieuse, et tout ne paraît pas nécessairement relever du niveau législatif.

À titre de comparaison, si le i correspond à la reprise exacte du dernier alinéa du III de l’article 212 bis dans sa rédaction actuelle, le reste est nouveau : la version actuelle de l’article 212 bis se borne à viser les charges et produits venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition à ou par l’entreprise. Les précisions sur le contenu de ces charges et produits figurent au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), qui constitue la doctrine fiscale opposable ([229]).

Le fait que dix rubriques soient inscrites dans la loi permet d’assurer à cette dernière une certaine précision, ce qui est bienvenu, mais la liste n’est pas limitative puisqu’elle est précédée de l’adverbe « notamment ».

b.   La définition de l’EBITDA dans le cadre du plafonnement proposé

En vertu du II de larticle 212 bis, dans sa rédaction proposée, le calcul de l’EBITDA part du résultat fiscal.

● Il s’agit du résultat fiscal soumis à l’IS :

– au taux normal en vigueur, soit 31 % pour les exercices ouverts à compter de 2019, 28 % pour ceux ouverts à compter de 2020, 26,5 % pour ceux ouverts à compter de 2021 et 25 % pour ceux ouverts à compter de 2022 (deuxième alinéa du I de l’article 219 du CGI) ;

– au taux réduit de 15 % applicable aux 38 120 premiers euros de bénéfice, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 7,63 millions d’euros et dont au moins 75 % du capital est détenu par des personnes physiques ou par des sociétés éligibles à ce taux réduit et qui remplissent elles-mêmes la condition de détention du capital (b du I de l’article 219) ;

– au taux de 28 %, applicable pour les exercices ouverts en 2019 aux 500 000 premiers euros de bénéfice de toutes les entreprises (c du I de l’article 219).

Ce résultat correspond donc au résultat imposable au taux normal, le taux de 28 % prévu au c du I de l’article 219 figurant dans la trajectoire de la baisse du taux normal de l’IS, ou au taux réduit prévu pour certaines PME, en dehors de certains revenus soumis à des taux propres, tels que les plus-values.

Aux termes du dernier alinéa du II, les éventuels déficits ne sont pas pris en compte pour le calcul du résultat : si une société, au titre d’un exercice antérieur, a enregistré un résultat déficitaire, le déficit reportable qu’elle pourra imputer sur son résultat ne sera pas retenu pour l’application de l’article 212 bis. Les déductions et abattements sont en revanche retenus.

● Le résultat fiscal ainsi défini est ensuite, aux fins de calcul de l’EBITDA, majoré de quatre postes :

– les charges financières nettes définies en application du III ;

– les amortissements admis en déduction, nets des reprises imposables, à l’exclusion notamment des amortissements non déductibles et des amortissements différés de façon irrégulière, inclus dans le résultat ;

– les provisions fiscalement déductibles, nettes des reprises imposables ; sont donc concernées les provisions définies au 5° du 1 de l’article 39 du CGI ;

– les gains et pertes imposés aux taux mentionnés au a du I et au IV de l’article 219 du CGI, c’est-à-dire les plus-values et moins-values soumises à un taux d’imposition réduit, qui varie selon l’objet de la plus-value ou de la moins-value.

Le résultat déterminé en application du II correspond donc bien, eu égard aux majorations apportées au résultat fiscal, à l’EBITDA : on part du résultat avant impôt, incluant les plus-values et moins-values, pour y ajouter les charges financières, les amortissements déduits et les provisions déduites.

● Cette définition de l’EBITDA repose sur une approche ascendante : elle part de l’assiette de l’IS et majore cette dernière de différents éléments.

Elle est distincte de la définition fiscale de l’EBE ([230]) qui figurait à l’article 10 du PLF pour 2014 et qui prévoyait, dans sa version initiale, la mise en place d’une contribution sur l’EBE pour les entreprises autres que les PME à travers un nouvel article 223 duodecies du CGI. Dans le cadre de cette contribution – qui n’avait finalement pas été adoptée –, l’EBE correspondait à la différence entre :

– la valeur ajoutée définie à l’article 1586 sexies pour la détermination de l’assiette de la CVAE, hors application du plafonnement lié au chiffre d’affaires prévu au 7 du I de cet article ;

– et la somme des charges de personnel, des impôts et taxes correspondant à la valeur ajoutée, en dehors des impôts sur les bénéfices et des taxes déduites pour déterminer la valeur ajoutée.

La définition proposée au II de larticle 212 bis a le mérite d’être plus lisible et de ne pas directement renvoyer à la valeur ajoutée au sens de la CVAE, qui diffère de la valeur ajoutée au sens comptable.

2.   Une clause de sauvegarde opportune permettant de majorer les charges déductibles

Le dispositif proposé met en œuvre la faculté offerte au 5 de l’article 4 de la directive « ATAD », à savoir la création dune clause de sauvegarde permettant de majorer le plafond de déductibilité et donc le montant des charges financières nettes admises en déduction au titre d’un exercice.

● Cette faculté est prévue au IV de larticle 212 bis dans sa rédaction résultant du présent article. Elle est ouverte à une entreprise membre d’un groupe consolidé, c’est-à-dire un groupe constitué des entreprises françaises et étrangères dont les comptes sont consolidés :

– au sens de l’article L. 233‑18 du code de commerce ; seule l’hypothèse de l’intégration globale étant retenue, sont visés les cas de contrôle exclusif des sociétés du groupe par la société consolidante ;

– au sens de l’article L. 233‑24 du même code, portant sur les sociétés utilisant les normes comptables internationales adoptées par règlement de la Commission européenne.

● Si cette entreprise montre que le ratio entre ses fonds propres et l’ensemble de ses actifs est égal ou supérieur au même ratio déterminé au niveau du groupe consolidé, elle est autorisée à déduire 75 % des charges qui n’ont pas pu être déduites en application du I, en plus des charges financières nettes admises en déduction dans les conditions prévues au même I.

● Par ailleurs, pour l’appréciation du rapport entre le ratio de l’entreprise et celui du groupe, le c du IV prévoit que, si le ratio de l’entreprise est inférieur au plus de deux points de pourcentage au ratio du groupe, il est réputé égal à ce dernier.

Cette mesure de souplesse évite de priver l’entreprise qui manque de très peu de remplir la condition du bénéfice de la clause de sauvegarde, et prémunit le dispositif d’un effet de seuil trop prononcé.

Illustration de l’application de la clause de sauvegarde.

Une société A membre d’un groupe consolidé enregistre au titre d’un exercice des charges financières nettes pour un montant de 6,5 millions d’euros. Son EBITDA est de 15 millions d’euros.

Elle applique le plus élevé des deux plafonds de 3 millions d’euros ou de 30 % de son EBITDA, qui est en l’occurrence ce dernier : 15 × 30 % = 4,5 millions d’euros.

La société est donc admise à déduire 4,5 millions d’euros de charges financières nettes en application du I de l’article 212 bis.

Si son ratio fonds propres/actifs est égal ou supérieur à celui du groupe, elle sera éligible à la clause de sauvegarde et pourra déduire en complément 75 % du solde des charges financières nettes, qui s’élève à 6,5 – 4,5 = 2 millions d’euros, soit une sur-déduction de 2 × 75 % = 1,5 million d’euros.

En tout, la société aura été admise à déduire en application des I et IV de l’article 212 bis un total de 6 millions d’euros sur les 6,5 millions d’euros de charges financières nettes de l’exercice, soit plus de 92 % de ces dernières et un total excédant 43 % de son EBITDA.

3.   Un durcissement fort de l’encadrement en cas de sous-capitalisation

Le V de larticle 212 bis prévoit un plafonnement dérogatoire et abaissé lorsque l’entreprise est sous-capitalisée. La logique n’est pas nouvelle puisque le II de l’article 212 du CGI est précisément fondé dessus.

a.   L’appréciation de la sous-capitalisation

● Aux termes du 1 de ce V, une entreprise, pour l’application de ces dispositions, est en situation de sous-capitalisation si elle a servi aux entreprises qui lui sont liées des intérêts déductibles en application du I de l’article 212 dont le montant excède le produit entre ce même montant et le rapport entre une fois et demie ses fonds propres et le montant moyen des sommes que les entreprises liées lui ont avancées.

Il s’agit de la reprise dans le nouveau dispositif du ratio d’endettement prévu au a du 1 du II de l’article 212 au titre de la sous-capitalisation, mécanisme familier et connu des entreprises.

● Le dispositif proposé reprend également, au 2 du V, les aménagements prévus au 2 du II de cet article 212, qui exclut, pour la détermination du montant des intérêts servis aux entreprises liées à prendre en compte pour le ratio d’endettement, les intérêts :

– servant à financer des opérations réalisées par une centrale de trésorerie dans le cadre d’une convention de gestion centralisée de trésorerie ;

– servant à financer l’acquisition de biens donnés en crédit-bail.

Le c du 2 du V vise également les intérêts dus par les établissements de crédit et les sociétés de financement mentionné à l’article L. 511-1 du code monétaire et financier, là aussi en reprenant les dispositions existantes du 2 du II de l’article 212 du CGI.

Toutefois, la rédaction proposée, qui n’est pas strictement identique à l’actuelle, contient une incohérence. En effet, ne seraient pas inclus dans le calcul du ratio d’endettement « les intérêts dus à raison des sommes afférentes […] aux intérêts dus par les établissements de crédit ou les sociétés de financement ».

La rédaction actuellement en vigueur à l’article 212, quant à elle, précise que « ces dispositions [celles du 1 du II de cet article, incluant le ratio d’endettement] ne sappliquent pas non plus aux intérêts dus par les établissements de crédit et les sociétés de financement ». C’est limpide : ne sont pas pris en compte les intérêts servis par ces établissements.

Il est donc nécessaire de faire évoluer la rédaction, en partant des dispositions existantes, dans un souci d’intelligibilité de la loi.

b.   Des plafonds de déductibilité divisés par trois

Si, en application du V, l’entreprise est sous-capitalisée, le montant des charges financières nettes quelle sera autorisée à déduire en vertu du même V sera limité au plus élevé des deux montants suivants :

– 10 % de son EBITDA ;

– un million d’euros.

La situation de sous-capitalisation conduit donc à l’application de plafonds de déductibilité trois fois moins élevés que ceux prévus dans le droit commun proposé.

c.   L’absence contestable d’une clause de sauvegarde

Le dernier alinéa du 1 du V de larticle 212 bis dans sa rédaction proposée exclut le bénéfice de la clause de sauvegarde prévue au IV du même article si lentreprise est sous-capitalisée au sens de ce 1.

En conséquence, l’entreprise ne pourra déduire 75 % des charges déductibles non admises en déduction même si elle démontre que son ratio fonds propres/actifs est égal ou supérieur à celui du groupe.

Comparaison de l’encadrement applicable en cas de sous-capitalisation
par rapport au droit commun

Une société A enregistre des charges financières nettes pour un montant de 10 millions d’euros. Son EBITDA est, au titre de cet exercice, de 25 millions d’euros.

● Si cette société n’est pas sous-capitalisée au sens du V de l’article 212 bis du CGI, elle pourra déduire ses charges à concurrence de 3 millions d’euros ou de 30 % de son EBITDA. En l’occurrence, ce sera ce second plafond qui sera applicable, étant le plus élevé : il est de 25 × 30 % = 7,5 millions.

La société déduit 7,5 millions d’euros en application du I de l’article 212 bis, ce qui laisse 2,5 millions d’euros non déduits.

Elle démontre ensuite qu’elle satisfait à la condition de ratio posée par la clause de sauvegarde prévue au IV, lui permettant de déduire 75 % de ce qu’elle n’a pu déduire, soit 2,5 × 75 % = 1,875 million d’euros.

En tout, la société A peut déduire 7,5 + 1,875 = 9,375 millions d’euros sur un total de 10 millions d’euros, soit 93,75 %.

● Si la société A est sous-capitalisée au sens du V, les plafonds minorés s’appliquent : un million d’euros ou 10 % de l’EBITDA, ce dernier plafond étant en l’espèce le plus élevé.

La société A peut alors déduire 25 × 10 % = 2,5 millions d’euros.

Elle ne pourra déduire plus, la clause de sauvegarde ne lui étant pas ouverte : le montant des charges financières nettes déduites ne correspond qu’à 25 % du total.

Cette exclusion peut sembler sévère dans la mesure où le dispositif prévoit déjà des plafonds de déductibilité correspondant au tiers de ceux prévus au titre du droit commun, hors sous-capitalisation.

Si le principe dune réduction des plafonds en cas de sous-capitalisation nest pas remis en cause et paraît normal, cumuler ces plafonds réduits et la privation d’une clause de sauvegarde napparaît en revanche pas indispensable et conduit à une « double peine ».

Il s’agit d’ailleurs d’un durcissement très substantiel des dispositions applicables en cas de sous-capitalisation par rapport au droit en vigueur, puisque le III de l’article 212, dans sa rédaction actuelle, prévoit une clause de sauvegarde applicable précisément en cas de sous-capitalisation.

Dans ces conditions, une clause de sauvegarde pourrait être utilement introduite dans le dispositif contre la sous-capitalisation afin d’exclure l’application de ce dernier si l’entreprise prouve que son ratio d’endettement, apprécié ici à partir du rapport entre ses dettes et ses fonds propres, n’excède pas le ratio équivalent du groupe consolidé auquel elle appartient. Une clause miroir devrait également être introduite dans les dispositions relatives à l’intégration fiscale.

4.   Le report des charges non déduites et de la capacité de déduction non utilisée

Le VI de la nouvelle rédaction de larticle 212 bis du CGI prévoit deux mécanismes de report en avant :

– un report en avant illimité dans le temps des charges financières nettes qui n’ont pas été admises en déduction au titre d’un exercice ;

– un report en avant, pour cinq exercices, de la capacité de déduction inemployée au titre d’un exercice.

Il s’agit de la consécration en droit français de la faculté offerte par le c du 6 de l’article 4 de la directive « ATAD », et qui a recueilli l’adhésion de 59 % des entreprises qui ont participé à la consultation réalisée au printemps en vue de la préparation de la transposition de cet article.

Ainsi qu’il a été vu lors de l’analyse du contenu de la directive, ces possibilités de reports atténuent substantiellement le caractère procyclique du rapport à l’EBITDA :

– le report des charges financières, qui est au demeurant déjà prévu dans son principe par le droit en vigueur au dernier alinéa du 1 du II de l’article 212, permet d’imputer des charges non déduites sur de meilleurs exercices futurs, à l’image des reports de déficits ;

– le report de la capacité de déduction inemployée conduit à ce qu’un bon exercice permette de constituer un stock de capacité de déduction qui facilitera la déduction des charges lors d’un exercice ultérieur et compensera l’éventuelle insuffisance de capacité de déduction de cet exercice.

● Le report en avant des charges non déduites, illimité dans le temps, est plafonné dans son montant : ces charges ne sont admises en déduction que dans la limite de la différence entre :

– d’une part, le plafond de déductibilité applicable, c’est-à-dire 30 % de l’EBITDA ou 3 millions d’euros dans le droit commun, 10 % de l’EBITDA ou un million d’euros en cas de sous-capitalisation ;

– d’autre part, le montant des charges financières nettes de l’exercice d’imputation.

Si les charges de l’exercice égalent ou excèdent le plafond, les charges reportées ne pourront être imputées – si elles l’excèdent, cela augmentera les charges en report de déduction.

L’absence de prise en compte de la majoration de déduction permise par la clause de sauvegarde est logique : cette clause permet de déduire 75 % des charges non admises en déduction au titre du droit commun, conduisant nécessairement à ce qu’au titre de l’exercice, des charges nettes restent non déductibles. Dès lors, l’imputation de charges antérieures n’est pas possible.

Le caractère illimité dans le temps du report des charges permet toutefois à l’entreprise de ne pas être privée de la possibilité de déduction.

● La capacité de déduction inemployée correspond à la différence positive entre :

– le plafond de déductibilité applicable (celui de droit commun ou celui prévu en cas de sous-capitalisation) ;

– le montant des charges admises en déduction au titre de l’exercice en application des règles de plafonnement normales (droit commun ou sous-capitalisation), de la clause de sauvegarde et de l’imputation des charges reportées en avant.

Si le plafond de déductibilité de l’exercice est supérieur à la totalité des charges admises en déduction, l’excédent pourra être reporté en avant pour être utilisé au titre des cinq exercices qui suivent afin de renforcer la capacité de déduction de ces exercices.

Il est toutefois précisé que cette capacité de déduction inemployée reportée en avant ne peut servir à l’imputation des charges reportées en avant.

Illustration du report en avant des charges non déduites
et de la capacité de déduction inemployée

Une société A non sous-capitalisée au sens du V de l’article 212 bis a pu déduire au titre d’un exercice N, au cours duquel son EBIDTA était de 20 millions d’euros, un montant de charges financières nettes de 9 millions d’euros sur un total de 10 millions :

– 6 millions en application du plafond de droit commun (30 % de 20 millions d’euros) ;

– 3 millions d’euros au titre de la clause de sauvegarde prévue au IV, à savoir 75 % des charges restantes : (10 – 6) × 75 % = 3 millions d’euros.

Il reste donc un million d’euros de charges financières nettes en report.

Au titre de l’exercice N + 1, l’EBITDA est de 30 millions d’euros et les charges financières nettes s’élèvent à 9 millions d’euros (la société n’est toujours pas sous-capitalisée) :

– la totalité des charges de l’exercice peut être déduites (30 × 30 % = 9 millions d’euros de charges déductibles) ;

– en revanche, les charges en report ne peuvent être imputées au titre de cet exercice N + 1, la différence entre le plafond et les charges de l’exercice étant nulle.

Au titre de l’exercice N + 2, l’EBITDA est de 30 millions d’euros et les charges financières nettes s’élèvent à 6 millions d’euros (la société n’est toujours pas sous‑capitalisée) :

– la société peut déduire la totalité des charges de l’exercice ;

– la différence entre le plafond de l’exercice et les charges de ce dernier est positive à hauteur de 3 millions d’euros (9 – 6), permettant d’imputer la totalité des charges en report (un million d’euros).

Il reste à la société une capacité de déduction inemployée de 2 millions d’euros (3 – 1), qu’elle pourra utiliser pour faciliter la déduction des charges au titre d’exercices futurs.

5.   L’absence d’exclusion de certains emprunts ou de certaines entités

La directive « ATAD » ouvre la possibilité aux États membres dexclure certains emprunts ou entités du plafonnement de la déductibilité des charges financières nettes, qui sont pour mémoire :

– les sociétés financières ;

– les entités autonomes ;

– les emprunts contractés avant le 17 juin 2016 ;

– les emprunts finançant un projet d’infrastructures publiques.

Le dispositif proposé au présent article ne retient aucune de ces hypothèses dexclusion.

● L’exclusion des sociétés financières était envisagée par la directive au motif que les spécificités de ce secteur supposaient une approche particulière. Néanmoins, aucune norme commune en la matière n’existe en l’état, les discussions aux niveaux européen et international se révélant encore peu concluantes. Par ailleurs, l’exposé des motifs de la directive précise expressément qu’il est « généralement admis que les entreprises financières, à savoir les institutions financières et les compagnies dassurance, devraient aussi être soumises à des limitations de la déductibilité des intérêts » ([231]).

Enfin, ces sociétés ne sont pas, à l’heure actuelle, exclues des dispositifs d’encadrement de la déductibilité des charges financières en vigueur en droit français. Une forte majorité (67 %) d’entreprises ayant répondu à la consultation lancée au printemps par le Gouvernement a d’ailleurs considéré que les entreprises financières devraient être incluses dans le champ du dispositif proposé.

● L’exclusion des emprunts contractés avant laccord politique du Conseil de lUnion européenne du 17 juin 2016, motivée par le maintien des droits acquis, n’a en revanche été souhaitée que par une faible majorité des entreprises consultées (52 %). Par ailleurs, cette exclusion repose également sur l’idée de faciliter la transition vers les nouvelles règles. Or, la France disposant déjà de règles complètes (et complexes), parfois proches dans leur esprit de celles de la directive, une telle facilitation ne semble pas impérative.

Cependant, le droit français actuel permet d’exclure du « rabot » prévu aux articles 212 bis et 223 B bis du CGI certains emprunts existants avant son entrée en vigueur, lorsqu’ils sont afférents à des contrats de commande publique précisément énumérés.

Or, la directive prévoit, ainsi qu’il a été vu, la possibilité d’exclure les emprunts relatifs aux projets d’infrastructures publiques présentant un intérêt public.

Dans ces conditions, il n’apparaît pas anormal de faire application de cette souplesse offerte par la directive et d’exclure du champ dapplication des nouvelles dispositions les charges afférentes à des contrats de commande publique, tels que définis au V de l’article 212 bis dans sa rédaction actuelle.

Un encadrement temporel pourrait être introduit, bien que la directive ne l’impose pas pour ces emprunts si les emprunts, par parallélisme avec le droit actuellement en vigueur : la date de promulgation de la loi de finances pourrait ainsi être retenue.

● Enfin, l’exclusion des entités autonomes paraît a priori assez censée. Comme l’indique l’exposé sommaire de la directive « ATAD » :

« Étant donné que lérosion de la base dimposition et le transfert de bénéfices interviennent en principe sous forme de paiements dintérêts excessifs entre des entités qui sont des entreprises associées, il est approprié et nécessaire de prévoir léventuelle exclusion des entités autonomes du champ dapplication de la règle de limitation des déductions dintérêts compte tenu du risque limité dévasion fiscale. » ([232])

Dès lors, l’exclusion des entités autonomes du champ d’application du nouveau dispositif pourrait se révéler tentante. Néanmoins, il s’agirait d’une évolution substantielle par rapport au droit existant, qui prévoit l’application du « rabot » à toutes les entreprises.

● D’une manière générale, il semble opportun de ne pas pénaliser à l’excès certaines situations, comme y invitait d’ailleurs les recommandations de la mission d’information relative à l’évasion fiscale internationale des entreprises ([233]).

6.   Le dispositif prévu pour l’intégration fiscale : un miroir du dispositif hors groupes intégrés ajusté des spécificités propres à ces derniers

Le G du I du présent article transpose l’article 4 de la directive « ATAD » pour les groupes fiscalement intégrés, en réécrivant à cet effet l’article 223 B bis du CGI.

Il s’agit d’une modification en miroir de celle prévue au E du même I, qui réécrit l’article 212 bis selon les modalités qui viennent d’être présentées. La structure de la nouvelle rédaction de l’article 223 B bis reprend d’ailleurs celle proposée pour l’article 212 bis :

– le I définit les plafonds de droit commun ;

– le II définit l’EBITDA ;

– le III définit les charges financières nettes ;

– le IV porte sur la clause de sauvegarde ;

– le V porte sur les règles applicables en cas de sous-capitalisation ;

– le VI porte sur les règles de report des charges et de la capacité de déduction inemployée ;

– le VII renvoie à un décret le soin de préciser les obligations déclaratives des entreprises.

Il est donc renvoyé aux développements qui précèdent pour l’étude générale des règles applicables en vertu du dispositif proposé, et seules les spécificités liées à l’intégration fiscale seront abordées ci-après.

a.   Les ajustements propres aux groupes fiscalement intégrés

● Les éléments à prendre en compte pour calculer les charges déductibles s’apprécient au niveau du groupe.

Ainsi :

– les charges financières nettes du groupe correspondent à la somme algébrique des charges financières nettes et des produits financiers nets de chacune des sociétés membres du groupe ;

– l’EBITDA part du résultat d’ensemble du groupe, qui se trouve majoré des charges financières nettes, de la somme algébrique des amortissements et provisions admis en déduction du résultat de chaque société et de la somme algébrique des plus-values et moins-values imposées à un taux réduit.

● Les plafonds de déductibilité (3 millions d’euros ou 30 % de l’EBITDA, ou un million d’euros et 10 % de l’EBITDA en cas de sous-capitalisation) s’apprécient aussi au niveau du groupe.

Il y a donc consolidation des charges financières nettes et des gains financiers nets des sociétés membres, ce qui permet à un groupe de ne pas excéder le plafond de déductibilité, alors même que certaines des sociétés membres les dépasseraient ; il s’agit d’un effet similaire à celui présenté lors de l’étude du « rabot » prévu à l’actuel article 223 B bis.

● Pour l’application de la clause de sauvegarde, qui permet de déduire 75 % des charges non admises en déduction au titre de l’application du plafond, les ratios à prendre en compte sont :

– le ratio fonds propres/actifs du groupe fiscalement intégré ;

– le ratio fonds/propres actifs du groupe consolidé auquel les sociétés du groupe appartiennent, qui est plus large que le groupe fiscalement intégré, puisqu’il peut inclure des sociétés françaises non membres de l’intégration fiscale ainsi que des sociétés étrangères.

La clause s’applique si le premier ratio est égal ou supérieur au second, avec la même souplesse consistant à réputer le premier ratio égal au second s’il ne lui est inférieur que de deux points de pourcentage au plus.

 Pour lapplication de lencadrement renforcé en cas de souscapitalisation, les éléments retenus pour calculer le ratio sont appréciés au niveau du groupe, et les opérations intragroupes sont neutralisées :

– les intérêts servis retenus sont ceux servis par les entreprises du groupe à des entreprises liées qui n’en sont pas membres ;

– les fonds propres retenus sont déterminés au niveau du groupe ;

– les sommes avancées aux entreprises membres du groupe s’entendent de celles avancées par les entreprises liées qui n’appartiennent pas au groupe.

● Les règles de report sont les mêmes que celles applicables en dehors de l’intégration fiscale, sous réserve des adaptations propres aux groupes fiscalement intégrés.

● L’incohérence rédactionnelle frappant l’exclusion de certains intérêts dans le cadre de l’article 212 bis (alinéas 47 à 50 du présent article) se retrouve dans le dispositif propre aux groupes fiscalement intégrés (alinéas 79 à 82 du présent article), et devra faire l’objet de la même correction que celle précédemment évoquée.

7.   Comparaison du nouveau dispositif par rapport au « rabot »

Le nouveau dispositif n’aura pas d’impact pour les sociétés ou les groupes dont les charges financières nettes sont inférieures à 3 millions d’euros : la déductibilité totale actuellement prévue sera maintenue, sauf en cas de sous‑capitalisation.

En revanche, si les charges excèdent ce plafond de 3 millions d’euros, le nouveau dispositif devrait se montrer plus généreux pour les entreprises si leur EBITDA est assez élevé et/ou si elles sont éligibles à la clause de sauvegarde, ainsi que l’illustrent les exemples suivants.

Illustrations des effets du nouveau dispositif par rapport au « rabot »

● Une société A non sous-capitalisée dont l’EBITDA est de 30 millions d’euros enregistre des charges financières nettes pour un montant de 7 millions d’euros.

Dans le cadre du « rabot », elle devait réintégrer 25 % de ce montant et ne pouvait donc déduire que 5,25 millions d’euros.

Dans le cadre du nouveau plafonnement, elle peut déduire jusqu’à 30 % de son EBITDA, soit 30 × 30 % = 9.

Le plafond étant supérieur à ses charges, ces dernières pourront être intégralement déduites, et la société A pourra utiliser les 2 millions d’euros de capacité de déduction inemployée pendant les cinq exercices suivants.

● Une société B non sous-capitalisée dont l’EBITDA est de 15 millions d’euros enregistre des charges financières nettes pour un montant de 7 millions d’euros.

Dans le cadre du « rabot », elle ne peut déduire que 5,25 millions d’euros.

Dans le cadre du nouveau plafonnement, elle peut déduire au titre du droit commun 15 × 30 % = 4,5 millions d’euros.

Si elle est éligible à la clause de sauvegarde, elle pourra déduire en plus 75 % des 2,5 millions d’euros initialement non admis en déduction, soit un montant supplémentaire de 1,875 million d’euros.

En tout, elle aura déduit 6,375 millions d’euros, soit 91 % de ses charges financières nettes, contre 5,25 millions d’euros et 75 % des charges financières nettes si le « rabot » s’était appliqué.

8.   Les ajustements de conséquence liés aux nouvelles règles proposées

Les nouvelles règles encadrant la déductibilité des charges financières nettes ont un effet sur certains des dispositifs en vigueur, supposant d’en supprimer certains et de prévoir d’importantes coordinations de conséquence.

a.   L’inévitable disparition du « rabot »

● La transposition de l’article 4 de la directive « ATAD » entraîne la disparition du « rabot », qui était à l’évidence incompatible avec les nouvelles règles puisqu’il prévoit pour les mêmes charges financières nettes des règles de déduction distinctes de celles proposées.

La réécriture des articles 212 bis et 223 B bis témoigne d’ailleurs de cette disparition, le « rabot » étant écrasé par le nouveau dispositif.

b.   L’abrogation des règles actuelles de sous-capitalisation

Le D du I du présent article abroge les II et III de l’article 212 du CGI, relatifs aux règles applicables en cas de sous-capitalisation et à la clause de sauvegarde afférente.

Le I de cet article 212, relatif à l’encadrement de la déductibilité des intérêts en fonction du taux appliqué et de l’imposition de l’entreprise avançant les sommes, de même que le 3° du 1 de l’article 39, qui encadre le taux applicable aux intérêts servis aux associés, sont en revanche maintenus.

● Le 1 du II de l’article 212 coexisterait difficilement avec le nouveau dispositif, qui prévoit des règles de sous-capitalisation propres rendant ce II redondant.

Il faut, à cet égard, souligner que le ratio dendettement prévu au V des nouvelles rédactions des articles 212 bis et 223 B bis correspond au ratio dendettement prévu au a du 1 du II de l’article 212 du CGI.

Par ailleurs, le ratio de couverture d’intérêts actuellement prévu au b du même 1, qui repose sur le résultat courant avant impôt majoré des intérêts et des amortissements, entre autres éléments, peut être rapproché du plafonnement reposant sur l’EBITDA.

Enfin, les règles de report des intérêts non admis en déduction actuellement en vigueur seraient difficiles à maintenir au regard des nouvelles règles prévues pour les charges financières nettes.

● Le 1 du II étant abrogé, le 2 du même II et le III doivent également l’être en conséquence :

– le 2 du II excluant l’application du 1 dans certaines hypothèses, il n’aura plus d’objet ;

– le III correspondant à une clause de sauvegarde liée au II, il sera également privé d’objet.

● En tout état de cause, l’abrogation des II et III de l’article 212 permet d’aboutir à une simplification bienvenue des règles d’encadrement de la déductibilité des charges financières qui sont actuellement difficilement lisibles.

● D’autres coordinations de conséquence sont réalisées :

– le A du I du présent article abroge le 8° de l’article 112 du CGI, qui fait référence à la fraction d’intérêts non déductible en application du 1 du II de l’article 212 ;

– les a et b du B du I du présent article modifient le II de l’article 209 du CGI relatif au transfert des déficits et intérêts en report en cas de fusion ou d’absorption :

– le  du D du I du présent article introduit un III bis nouveau à l’article 212, prévoyant que les intérêts en report en application des règles actuelles et qui n’auraient pas été imputés à la clôture du dernier exercice ouvert avant le 1er janvier 2019, c’est-à-dire avant l’application des nouvelles règles, seront imputés dans les conditions prévues par ces dernières s’agissant des charges financières nettes et de la capacité de déduction inemployées en report en vertu du VI de l’article 212 bis du CGI.

c.   Les coordinations propres à l’intégration fiscale

● Le F du I du présent article écrase les treizième à dix-huitième alinéas de l’article 223 B, qui portait sur la déduction des intérêts non admis en déduction en application des règles de sous-capitalisation actuelles prévues au II de l’article 212 et qui, du fait de l’abrogation de ce II, sont caduques.

Ces alinéas sont remplacés par un unique alinéa portant sur les intérêts non déductibles immédiatement du résultat d’ensemble en report de déduction en application des règles actuelles, et qui n’auraient pu être imputés avant l’application des nouvelles règles, soit à la clôture du dernier exercice ouvert avant le 1er janvier 2019.

Le nouvel alinéa, qui correspond dans son principe au nouveau III bis de l’article 212 introduit par le 2° du D du I du présent article, prévoit que ces intérêts en report en vertu des règles actuelles obéiront aux nouvelles règles de report et d’imputation des charges financières nettes prévues au VI de l’article 223 B bis dans sa rédaction proposée.

● Le İ du I du présent article tire les conséquences des modifications apportées par le F, en actualisant les références figurant à l’article 223 Q portant sur les obligations déclaratives de la société tête de groupe.

● Le J du même I tire lui aussi les conséquences de la modification apportée à l’article 223 B et des nouvelles règles prévues au VI de l’article 223 B bis en cas de cessation du groupe, et réécrit à cet effet le dernier alinéa de l’article 223 S du CGI.

Actuellement, les intérêts qui n’ont pu être déduits du résultat d’ensemble et qui sont encore reportables à l’expiration de la période d’intégration fiscale sont imputables par la société qui était tête de groupe ; c’est elle qui était redevable de l’IS dû par le groupe.

Le même principe est retenu dans le cadre du nouveau régime : les charges et la capacité de déduction inemployée en report et qui sont encore reportables à l’expiration de la période d’intégration fiscale sont utilisables par la société anciennement tête de groupe.

● Le H du I du présent article modifie l’article 223 I du CGI relatif au régime des déficits subis par une société avant son entrée dans un groupe fiscalement intégré, afin de tirer les conséquences des possibilités de report en avant des charges non déduites et de la capacité de déduction inemployée.

À cet effet, le  de ce H complète le 1 de cet article 223 I par un nouveau c, qui précise que les charges financières nettes non déduites et la capacité de déduction inemployée qui n’ont pas été utilisées par une société au titre d’exercice antérieur à son entrée dans le groupe sont figées :

– elles ne peuvent être utilisées pendant l’appartenance au groupe ;

– en revanche, elles sont « récupérées » une fois la société sortie du groupe.

Le délai de cinq exercices prévu pour le report de la capacité de déduction inemployée est suspendu pendant la durée d’appartenance au groupe. Le fait que le terme employé soit « suspendu » et non « interrompu » revêt une importance :

– la suspension consiste à reprendre le délai là où il s’était arrêté ;

– l’interruption conduit à faire repartir de zéro le délai.

Le 2° du même H modifie le 6 du même article 223 I relatif au transfert des déficits et charges financières en report dans le cadre d’absorption ou de scission :

– le a de ce 2 remplace la référence aux intérêts non déduits en application des règles actuelles prévues l’article 223 B, devenue caduque, par la référence aux charges reportées et à la capacité de déduction inemployée reportée prévues au VI de l’article 223 B bis ;

– en conséquence, les b et c du 2 substituent aux termes actuels d’intérêts et d’intérêts transférés les termes de charges financières nettes non déduites et de capacité de déduction inemployée, et ajustent également une référence légistique.

d.   L’abrogation de dispositifs à la portée limitée et poursuivant des objectifs similaires aux nouvelles règles d’encadrement

● Le  du B du I du présent article abroge le IX de l’article 209 du CGI correspondant au dispositif d’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation précédemment présenté.

L’évaluation préalable du présent article indique qu’en plus de poursuivre des objectifs similaires aux nouvelles règles de plafonnement, ce dispositif revêt une portée très limitée.

● Le C du I du présent article abroge le e du II de l’article 209‑0 B du CGI, qui prévoit des règles particulières dans le cadre du régime de taxation au tonnage, lorsque l’entreprise est surcapitalisée.

Ce dispositif, précédemment présenté, est jugé comme remplissant un objectif similaire à ceux poursuivis par les nouvelles règles introduites par le présent article. Au demeurant, son efficacité n’est pas particulièrement établie.

9.   L’entrée en vigueur du dispositif en 2019

● Aux termes du II du présent article, le I de ce dernier s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

Les règles actuelles de sous-capitalisation et de « rabot » ne seront donc plus applicables aux sociétés ouvrant leur exercice à compter de cette date et seront remplacées par les nouveaux dispositifs de plafonnement de la déductibilité des charges financières nettes.

● Si, ainsi qu’il a été vu, l’article 11 de la directive « ATAD » prévoit la possibilité d’une transposition au 1er janvier 2024, le Gouvernement juge préférable de ne pas retarder cette transposition.

Différer l’application des nouvelles règles, alors qu’elles devront en tout état de cause finir par être transposées, aurait en effet présenté plusieurs inconvénients :

– cela aurait retardé la simplification des règles d’encadrement de la déductibilité des charges financières à laquelle procède le présent article et qui est tout à fait opportune ;

– cela aurait repoussé dans le temps la mise en œuvre de règles jugées pertinentes et performantes par l’OCDE et l’Union européenne pour lutter contre l’évasion fiscale.

En outre, il paraît préférable de lier la transposition de la directive avec la réforme de l’intégration fiscale à laquelle procède l’article 12 du présent PLF, par souci de cohérence et pour éviter une instabilité trop grande des règles. Sans cela, en effet, les groupes fiscalement intégrés devraient s’adapter aux nouvelles règles de l’article 12 du présent PLF, puis se réformer une seconde fois au titre des règles transposant la directive.

La consultation lancée auprès des entreprises montre d’ailleurs qu’une majorité d’entre elles est favorable à une application dès 2019.

B.   L’impact budgétaire et économique

L’impact budgétaire des nouvelles règles d’encadrement de la déductibilité des charges financières fait l’objet d’informations lacunaires. En revanche, l’impact économique devrait être positif pour les entreprises et le fonctionnement de l’économie française.

1.   Une mesure partiellement non chiffrée dont l’impact au titre de la première année est estimé en l’état à un coût de 200 millions d’euros

● Lestimation de limpact budgétaire du présent article est très incomplète :

– seul le remplacement du « rabot » par les nouveaux dispositifs reposant sur 30 % de l’EBITDA ou un montant forfaitaire fixé à 3 millions d’euros fait l’objet d’un chiffrage partiel ;

– ne sont incluses ni les modifications apportées aux règles liées à la sous-capitalisation, ni la clause de sauvegarde, ni l’abrogation de certains dispositifs ;

– le chiffrage proposé ne porte que sur la première année d’application du dispositif, soit 2019.

Cet impact consisterait en une diminution des recettes de l’IS de 200 millions deuros au titre des exercices ouverts en 2019.

● D’un point de vue budgétaire, et bien qu’aucun élément de chiffrage ne figure dans l’évaluation préalable du présent article, il est possible de calculer l’impact pour l’État en 2019 en tenant compte des règles liées au « cinquième acompte » de l’IS.

D’après l’évaluation préalable de l’article 12, le coût supporté au titre d’un exercice en raison du « cinquième acompte » est de 60 % du coût total.

Dès lors, sur les 200 millions deuros induits par le dispositif proposé, les recettes de lexercice budgétaire 2019 de lÉtat seraient grevées à hauteur de 120 millions deuros.

a.   Une limitation du chiffrage à 2019 regrettable

Il n’est apparemment pas possible de chiffrer l’impact au titre des autres exercices du fait de l’impossibilité de simuler les reports de charges et de capacités de déduction inemployées.

Un tel constat est regrettable et peut paraître surprenant : l’hypothèse d’un report dans le temps assorti d’un plafonnement d’imputation n’est pas une nouveauté introduite par le dispositif proposé et se retrouve notamment :

– dans le report en avant des déficits, illimité dans le temps, plafonné dans son montant et prévoyant une majoration du plafonnement dans certains cas ;

– dans le report des intérêts non immédiatement admis en déduction, incluant l’hypothèse d’une imputation particulière lors de la cessation d’une intégration fiscale.

Par ailleurs, l’absence d’estimation de l’impact des règles de sous‑capitalisation et de la clause de sauvegarde peut sembler étonnante, sauf à considérer que les données relatives aux ratios d’endettement et de fonds propres/actifs des entreprises ne sont pas disponibles.

b.   Une estimation partielle apparemment due à une ventilation insuffisamment précise des données des liasses fiscales

La principale source des lacunes de l’estimation budgétaire semble provenir de l’impossibilité d’isoler, dans les liasses fiscales, certains des éléments modifiés par le présent article.

Ainsi, ces liasses ne prévoient qu’une unique case pour les charges financières à réintégrer au résultat imposable :

– au titre du 3° du 1 de l’article 39 du CGI, encadrant les intérêts servis aux associés ;

– au titre de l’article 212 du CGI.

Ce ciblage large est regrettable dans la mesure où ces dispositifs, s’ils partagent le même objectif, n’ont pas le même périmètre ni les mêmes modalités d’application.

Un meilleur calibrage des données que les entreprises doivent indiquer, limitant l’agrégation d’éléments ayant des fondements juridiques distincts pour disposer d’un requêtage plus fin, apparaît indispensable.

En tout état de cause, cette estimation lacunaire commande la réalisation de nouvelles estimations dès 2020.

2.   Un renforcement des règles contre l’évasion fiscale

La mise en œuvre des recommandations faite par l’OCDE dans le cadre de l’action 4 du projet « BEPS » et reprises par l’Union européenne à l’article 4 de la directive « ATAD » va renforcer les moyens juridiques à la disposition des États, en l’occurrence de la France, pour lutter contre l’évasion fiscale.

Le présent article illustre d’ailleurs la réalité et le caractère concret et effectif des actions conduites aux niveaux européen et international contre l’évasion fiscale.

L’Union européenne agit pour contrer les pratiques fiscales dommageables, ayant depuis 2015 présenté une série d’initiatives ambitieuses dont la directive « ATAD » n’est qu’un élément. L’application, dès 2019, des règles prévues à l’article 4 de cette directive montre que la France tient son rang contre l’évasion fiscale et est cohérente avec la position de notre pays sur les scènes européenne et internationale.

3.   Une simplification des règles applicables aux entreprises

La substitution des nouvelles règles au « rabot » et aux dispositifs complexes en matière de sous-capitalisation, associée à l’abrogation de certaines mesures à l’efficacité incertaine mais à la complexité assurée, va simplifier la vie des entreprises et alléger leurs charges administratives.

Les nouveaux plafonnements, qui allient fermeté, d’une part, au regard des plafonds et du dispositif prévu en cas de sous-capitalisation, et souplesse, d’autre part, compte tenu de la clause de sauvegarde, assurent un équilibre entre :

– un encadrement qui permet de lutter efficacement contre les pratiques abusives de certaines entreprises ;

– la possibilité de ne pas être pénalisé par cet encadrement, lorsque l’application de ce dernier ne se justifie pas pleinement.

Par ailleurs, la charge des entreprises devrait également être allégée sur le plan fiscal, comme en témoigne l’impact budgétaire résultant des nouveaux mécanismes de plafonnement. Cet impact n’intégrant pas les effets de la clause de sauvegarde, l’allégement devrait, pour celles qui y seront éligibles, être substantiellement accru.

Enfin, le plafond reposant sur l’EBITDA, c’est-à-dire sur la rentabilité opérationnelle de l’entreprise, est économiquement pertinent et paraît moins arbitraire que le « rabot », qui supposait, au-delà d’un plafond fixe, une réintégration forfaitaire des charges.

*

*     *

La commission examine lamendement I-CF1441 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Cet amendement apporte une clarification sur les éléments à retenir pour déterminer le résultat avant impôts, intérêts, dépréciations et amortissements – EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization). En effet, dans la directive ATAD (Anti-Tax Avoidance Directive) sur la lutte contre l’évasion fiscale, seules les provisions pour dépréciation sont retenues. L’amendement apporte donc la précision requise sur ce point.

La commission adopte lamendement I-CF1441 (amendement I-2348).

Puis elle examine lamendement I-CF435 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Permettez-moi une petite intervention sur l’ensemble de l’article 13, après quoi je ferai preuve d’une grande concision dans la défense de ma série d’amendements.

Cet article a pour vocation de transposer l’article 4 de la directive ATAD ; il prévoit notamment de plafonner la déduction des charges financières nettes à 30 % du résultat avant impôts, intérêts provisions et amortissements, dit EBITDA, ou à 3 millions d’euros si ce montant est supérieur.

Il va bien au-delà, cependant, du cadre posé par la directive, en prévoyant un second mécanisme de limitation de la déductibilité, qui cible notamment les groupes financiers en interne, via des financements intra-groupe. Il s’agit donc d’une sur-transposition, ce qui peut paraître contradictoire avec les objectifs du Gouvernement, qui vient de déposer au Parlement un projet de loi portant suppression des sur-transpositions de directives européennes.

J’ai été alertée sur ce risque dans le cas présent. Rappelons que la France est le seul État au sein de l’Union européenne à ajouter un mécanisme à cette directive. Ce mécanisme a pour conséquence immédiate l’exclusion du dispositif de la directive des groupes qui disposent de filiales sur notre territoire, mais dont le siège social est situé hors de France, quoique dans l’Union européenne.

Ne sommes-nous pas en train de créer un risque de discrimination entre les groupes européens, qui serait contraire à l’esprit de la directive ? Du fait de cet article, les filiales de groupes français basées dans un autre État membre vont bénéficier du régime général de la directive, plus favorable que le système français actuel, tandis que les filiales françaises de groupes dont le siège est hors de France subiront un régime dérogatoire moins favorable que le droit français existant.

Nous sommes donc en train de créer une discrimination fiscale de nature à porter un préjudice à la compétitivité de la France et à nuire aux investissements directs étrangers. Examinons ces sujets avec toute l’attention nécessaire, compte tenu des risques contentieux. Je rappelle de nouveau le contentieux du précompte, qui va tout de même coûter de 4 à 5 milliards d’euros à la France. Nous avons connu par ailleurs la censure de la taxe de 3 % sur les dividendes, jugée inconstitutionnelle en 2017.

L’ensemble de mes amendements soulève, en résumé, la question de savoir si nous n’exposons pas l’État à un nouveau risque juridique pour non-respect du droit européen.

M. le Rapporteur général. Le dispositif est, certes, extrêmement complexe, mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas d’ambiguïté en ce qui concerne votre amendement I-CF435. La mention des produits financiers à l’alinéa 25 est nécessaire dans la mesure où sont énumérés, ensuite, à la fois des charges financières et des produits financiers. C’est la différence positive des deux qui dégage les charges financières nettes, que la directive appelle des « surcoûts d’emprunt ».

Pour preuve que la liste prévue au III inclut des produits financiers, les éléments de cette liste correspondent aux intérêts et assimilés afférents à des sommes avancées à l’entreprise, donc les charges, ou avancées par l’entreprise, donc les produits.

Je vous invite donc à retirer l’amendement, qui me paraît satisfait. Le ministre pourra sans doute vous confirmer cette analyse en séance publique.

Lamendement I-CF435 est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques I-CF430 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1319 de M. Charles de Courson, ainsi que lamendement I-CF434 de Mme Véronique Louwagie.

M. Charles de Courson. Y a-t-il ou n’y a-t-il pas sur-transposition ? Je me suis rapproché de spécialistes, qui m’ont dit que oui, dans un certain nombre de cas. Il s’agit notamment de la question des plus-values et moins-values de change.

Mme Louwagie et moi-même proposons donc d’exclure du champ d’application de l’article ces plus-values et moins-values, que la directive, d’après les spécialistes consultés, n’impose pas de faire figurer dans cet article. Alors, n’en rajoutons pas !

M. le Rapporteur général. Je reconnais bien volontiers qu’en l’état du droit, les pertes de change ne font pas partie des charges financières prévues et prises en compte pour l’application du « rabot » de l’article 212 bis du CGI dans sa rédaction actuelle, la doctrine fiscale l’excluant expressément.

En revanche, si vous considérez l’article 2 de la directive ATAD, elle vise tout aussi expressément, parmi les charges et produits financiers, les gains et pertes de change relatifs à des emprunts et instruments liés à des financements.

Je crains bien, par conséquent, que nous n’ayons pas beaucoup de marge de manœuvre en la matière. Avis défavorable.

Mme Valérie Rabault. J’aimerais savoir quel était l’impact des modifications proposées dans les amendements portant sur les sociétés de concessions autoroutières ?

M. le Rapporteur général. Cette question est prise en compte dans des amendements ultérieurs, madame Rabault.

La commission rejette successivement les amendements identiques ICF430 et ICF1319, ainsi que lamendement I-CF434.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF1442 du Rapporteur général, I-CF427 de Mme Véronique Louwagie et I-CF717 de M. Charles de Courson.

M. le Rapporteur général. La directive ATAD offre la possibilité, au 4 de son article 4, de ne pas inclure dans le périmètre des charges financières faisant l’objet d’une déductibilité encadrée les intérêts afférents à des projets d’infrastructures publiques de long terme, comme le prévoit également l’OCDE. Mon amendement introduit cette exception pour les intérêts afférents aux marchés et concessions de travaux, aux marchés de partenariat et aux baux emphytéotiques administratifs. Seraient également concernés les contrats toujours en cours d’exécution et conclus sous l’empire d’anciennes dispositions, comme les contrats de partenariat prévus par l’ordonnance du 17 juin 2004 ou les baux emphytéotiques hospitaliers abrogés par l’ordonnance du 23 juillet 2015.

Les amendements de Mme Louwagie et de M. de Courson visent le même objectif que le mien et reposent rigoureusement sur la même logique. Je ne peux donc qu’y être favorable dans leur principe. Néanmoins, l’amendement de Mme Louwagie fait référence à d’anciennes dispositions qui, pour la plupart, ont été abrogées par ordonnance en 2015 et 2016. Quant à celui de M. de Courson, très voisin du mien, je crois y déceler quelques éléments qui ne me paraissent pas optimaux : il ne vise pas les baux emphytéotiques administratifs, ce qui est sans doute un oubli ; il renvoie aux délégations de service public de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, ce qui me paraît trop large. Il me semble important de rester dans le champ des dérogations autorisées par la directive ATAD.

J’inviterai donc mes deux collègues à se rallier à mon amendement.

Mme Véronique Louwagie. J’en suis d’accord.

M. Charles de Courson. Je rappelle à nos collègues que lorsque nous avons abordé les premières dispositions concernant le plafonnement, on a introduit une exception pour tous les contrats de concession qui contiennent des clauses de neutralité fiscale. Toute modification du droit fiscal se répercute ainsi sur le concessionnaire qui doit payer davantage. Il faut donc trouver une solution. Cela dit, je vais retirer mon amendement au profit de celui de M. le Rapporteur général.

M. Gilles Carrez. L’amendement du Rapporteur général me pose un problème car il inclut les contrats de concession autoroutière.

J’aimerais en deux mots vous rappeler ce qu’il s’est passé sous la précédente législature. La loi de finances pour 2013 a établi un plafonnement de la déductibilité des intérêts, à 85 % la première année puis à 75 % l’année suivante avec une franchise fixée à 3 millions d’euros. Le texte du Gouvernement ne comportait pas d’exceptions à l’origine. Une série d’amendements, guidés par certaines forces qui animent ce pays, ont été déposés pour proposer plusieurs dérogations. Il y a eu un sympathique amendement pour les stocks à rotation longue, notamment ceux de champagne, cher à notre collègue Charles de Courson, que nous avons accepté. Il y a eu d’autres amendements visant les concessions autoroutières ou le tunnel sous la Manche, justifiés par des partenariats public-privé destinés à construire des cantines, des hôpitaux ou à mener des opérations d’assainissement, que nous avons eux aussi adoptés.

Avec Christian Eckert, alors Rapporteur général, puis avec Valérie Rabault, qui lui a succédé, nous avons tenté de revenir sur ces exonérations que nous ne considérions pas comme normales car ces sociétés autoroutières distribuaient déjà des dividendes élevés et avaient des marges importantes. Nous avons demandé en 2012 à la Cour des comptes un rapport qui a été éloquent et nous avons en 2013 saisi l’Autorité de la concurrence qui a, elle aussi, publié un rapport.

Nous n’avons pas atteint notre objectif, car le Gouvernement nous a objecté que nous ne pouvions faire un sort particulier aux autoroutes au sein des concessions et délégations de service public.

Les sociétés autoroutières ont été bien plus intelligentes que l’État : elles ont négocié des clauses d’« iso-fiscalité » en vertu desquelles elles peuvent demander des compensations si jamais la redevance domaniale ou telle taxe est modifiée.

L’article 13 rebat complètement les cartes. Au lieu d’instaurer un plafonnement par rapport à la valeur absolue des frais financiers, il fixe un plafond par rapport à l’EBITDA. Je sais bien que les dérogations sont possibles d’après la directive. Est-ce pour autant opportun d’en créer ?

M. le Rapporteur général. Ce n’est pas parce que l’État a mal négocié par le passé ses contrats avec les concessions autoroutières que tout le monde doit en pâtir, y compris les collectivités qui ont des contrats de concession ou qui ont noué des partenariats public-privé. Le fond du problème, et vous l’avez-vous-même relevé, c’est qu’on ne peut pas faire un sort particulier aux concessions autoroutières dans la mesure où cela constituerait une rupture d’égalité.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Rapporteur général, j’aimerais que vous nous indiquiez combien votre amendement rapporte aux concessions autoroutières : 50 millions d’euros ? 100 millions ?

M. le Rapporteur général. Actuellement, les sociétés autoroutières sont hors champ.

Mme Valérie Rabault. Je vous suis quand vous dites que ce n’est pas parce que l’État a mal négocié que certains doivent payer les pots cassés. Mais vous ne pouvez pas nous demander de voter un amendement sans nous fournir de chiffres, alors que nous savons qu’il va profiter aux sociétés autoroutières qui ont déjà bénéficié d’exonérations pour la suppression de la déductibilité des charges financières – en même temps que les électro-intensifs et les producteurs de champagne.

Pour dire les choses autrement, quel manque à gagner représente votre amendement pour l’État ?

M. le Rapporteur général. Il n’y a pas d’aggravation, donc il n’y a pas de coût.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, soyons clairs...

M. le président Éric Woerth. Nous n’allons pas refaire le débat de 2012 !

M. Charles de Courson. Les clauses de neutralité fiscale permettent aux sociétés d’autoroute d’augmenter les droits de péage.

S’agissant des stocks à rotation lente, les dispositions avaient des conséquences bien pires pour le cognac que pour le champagne. Des entreprises en excédent pouvaient se retrouver en déficit fiscal.

Les amendements I-CF427 et I-CF717 sont retirés.

La commission adopte lamendement I-CF1442 (amendement I-2357).

Elle est ensuite saisie de lamendement I-CF420 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit d’un amendement de repli, que je retire également.

Lamendement I-CF420 est retiré.

La commission en vient à lamendement I-CF715 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Maintenir le secteur financier dans le champ de la directive, comme le propose l’article 13, nécessitera de mener des travaux d’adaptation réglementaires longs et totalement inutiles tant pour le secteur bancaire que pour l’administration fiscale. Nous proposons donc de l’exclure du dispositif.

M. le Rapporteur général. Le secteur financier, a priori, n’a pas à être exclu du plafonnement, puisque les banques n’ont en principe pas de charges financières nettes. Même si elles sont théoriquement concernées, elles ne le sont pas dans la réalité. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Charles de Courson. Votre thèse est que les banques sont exclues du champ du fait du différentiel entre produits et intérêts. Cela renvoie à l’amendement précédent : si vous nous confirmez que les produits financiers sont déduits, cela implique que les intérêts le sont aussi. Autrement dit, cela ne concernerait que quelques banques déficitaires qui pourraient se retrouver dans la situation de devoir payer l’impôt sur les sociétés.

Cela étant, je suis prêt à retirer mon amendement.

Lamendement I-CF715 est retiré.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement I-CF424 de Mme Véronique Louwagie.

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement I-CF415 de Mme Véronique Louwagie, les amendements identiques I-CF418 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1301 de M. Charles de Courson, les amendements identiques I-CF416 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1274 de M. Charles de Courson, ainsi que lamendement ICF1443 du Rapporteur général.

Mme Véronique Louwagie. Mes amendements ont pour but de parvenir à une transposition équilibrée de la directive, car il y a un risque de sur-transposition.

M. Charles de Courson. Mme Louwagie a présenté rapidement ses amendements et je ne m’étendrai pas sur la défense de l’amendement I-CF1301. J’aimerais appeler l’attention de la commission sur le problème suivant.

Les entreprises françaises sont en moyenne sous-capitalisées par rapport à leurs voisines allemandes ou belges. L’application de la directive européenne risque de les pénaliser un peu plus puisqu’elles ont plus de charges d’intérêt. Le plafonnement pourra avoir pour conséquence que des entreprises en déficit devront s’acquitter de l’impôt sur les sociétés puisque les charges financières ont été écrêtées.

Il s’agit d’un amendement de protection des intérêts de nos entreprises.

M. le Rapporteur général. J’ai déposé un peu plus loin un amendement protecteur pour les entreprises sous-capitalisées et je vous invite à retirer le vôtre, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Mon amendement I-CF1274 a trait à un autre problème. Au sein d’un groupe, la société mère peut avoir des fonds propres très importants alors que certaines de ses filiales sont sous-capitalisées. Avec la rédaction actuelle de l’article 13, certaines entreprises appartenant à un groupe seront surtaxées alors que, s’il s’agissait d’une entreprise unique, elles ne le seraient pas. Il convient de conserver la possibilité pour une entreprise de démontrer qu’elle n’est pas sous-capitalisée parce qu’elle appartient à un groupe dont les comptes consolidés montrent que le niveau des fonds propres est élevé. Nous proposons donc une mesure de protection des filiales ou sous-filiales des groupes.

M. le Rapporteur général. Mon amendement I-CF1443 vise le même objectif que les deux précédents : ne pas exclure de la clause de sauvegarde prévue par le dispositif les entreprises qui tombent sous le coup de l’encadrement renforcé en cas de sous‑capitalisation.

Vos deux amendements identiques, Madame Louwagie, Monsieur de Courson, transposent la clause de sauvegarde applicable dans le droit commun aux hypothèses de sous‑capitalisation, c’est-à-dire qu’elle repose sur un ratio entre fonds propres et total des actifs.

Je ne suis pas sûr que cela soit pertinent. En effet, le dispositif de sous-capitalisation joue si les intérêts dus par l’entreprise excèdent une fois et demie ses fonds propres. Dès lors, dans une telle situation, il y a de fortes chances que le ratio fonds propres sur actifs soit assez faible, les fonds propres n’étant pas très élevés.

L’amendement que je vous propose repose, quant à lui, sur un ratio d’endettement qui correspond au rapport entre les dettes et les fonds propres. Il s’agit d’un dispositif qui correspond à l’actuelle clause de sauvegarde en cas de sous-capitalisation prévue au III de l’article 212 du CGI. Il me semble que cette clause aura plus souvent la chance de pouvoir s’appliquer.

En conséquence, je vous invite à retirer vos amendements.

Mme Véronique Louwagie. J’aimerais que le Rapporteur général réponde à ma question sur les risques de sur-transposition.

M. le Rapporteur général. La directive prévoit la possibilité d’un durcissement en cas de sous-capitalisation. Dans mes amendements, j’ai proposé que nous puissions bénéficier des clauses dérogatoires tout en faisant en sorte que les mesures relatives à la sous‑capitalisation soient les plus favorables possibles à nos entreprises. C’est donc tout l’inverse d’une sur-transposition.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, pour les comptes consolidés et donc les groupes intégrés, il est facile d’appliquer le ratio dettes sur fonds propres. Mais qu’en est-il des groupes non intégrés ? C’est tout le problème.

M. le Rapporteur général. La clause de sauvegarde s’applique de la même manière, même si le périmètre change.

M. Charles de Courson. J’accepte de retirer mon amendement I-CF1301 tout comme l’amendement I-CF1274.

Mme Véronique Louwagie. Pour ma part, je maintiens mon amendement I‑CF416 et je retire les autres.

Les amendements I-CF415, I-CF418, I-CF1301 et I-CF1274 sont retirés.

La commission rejette lamendement I-CF416.

Elle adopte lamendement I-CF1443 (amendement I-2358).

Puis elle adopte larticle 13 modifié.

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Article 14
Réforme du régime dimposition
des produits de cession ou concession de brevets

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article met le régime préférentiel d’imposition des produits de cession ou de concession de certains actifs incorporels, dont les brevets, avec les lignes directrices de l’OCDE et de l’Union européenne : il consacre en droit français l’approche « nexus », qui lie le bénéfice d’un avantage fiscal lié à un actif incorporel aux dépenses effectivement engagées pour le développement de l’actif par l’entreprise qui le perçoit.

Le nouveau régime, prévu à l’article 238 du code général des impôts que rétablit le présent article (et à l’article 223 H également rétabli pour les groupes fiscalement intégrés), impose à un taux réduit de 15 % les revenus tirés de la cession, de la concession ou de la sous-concession de certains actifs incorporels :

– les brevets, les certificats d’obtention végétale et certains procédés de fabrication industriels, déjà éligibles au régime actuel, sont maintenus dans le nouveau dispositif :

– les logiciels protégés par le droit d’auteur bénéficieront également du régime ;

– en revanche, les inventions brevetables non brevetées, en l’état du dispositif, n’y seront plus éligibles.

Le principe de l’approche « nexus » reprise par le dispositif proposé consiste :

– à déterminer le résultat net de l’opération en minorant les revenus perçus au titre d’un exercice des dépenses de recherche engagées pendant la même période (pour la première année, sont également retenues les dépenses antérieures) :

– à appliquer à ce résultat net, pour calculer l’assiette imposable au taux réduit, le « ratio nexus », rapport entre les dépenses de recherche directement engagées par l’entreprise et les dépenses de recherche totales liées à l’actif.

Le nouveau régime, à la différence de l’actuel, est optionnel. L’option est exercée actif par actif ou en faisant masse de plusieurs actifs.

Le taux de 15 % s’applique à l’impôt sur les sociétés (IS) et à l’impôt sur le revenu (IR) : il est identique au taux réduit actuel pour l’IS, mais plus élevé que celui applicable aujourd’hui pour l’IR (12,8 %).

Non chiffré quant à son impact, ce nouveau dispositif s’appliquera aux exercices ouverts à compter de 2019.

Dernières modifications législatives intervenues

Dans le cadre de l’action 5 du projet « BEPS », l’OCDE a évalué plusieurs régimes fiscaux préférentiels et a jugé le régime français dommageable, constat réitéré le 9 mai 2018.

Le 5 décembre 2017, l’Union européenne a porté le même constat.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté huit amendements de fond, dont quatre à l’initiative du Rapporteur général :

– un amendement du Rapporteur général auquel se sont ralliés les auteurs d’amendements voisins prévoit de ramener le taux d’imposition de 15 % à 10 %, ce nouveau niveau étant également étendu aux inventeurs personnes physiques ;

– un amendement du Rapporteur général, auquel s’est rallié le président Éric Woerth, inclut dans le champ des actifs éligibles les inventions brevetables non brevetées ;

– quatre amendements identiques déposés par des membres des groupes Les Républicains, La République En Marche, Mouvement Démocrates et Apparentés et UDI‑Agir et Indépendants suppriment la limitation de l’application du régime préférentiel aux seuls logiciels n’ayant pas dégagé de revenus avant 2019, afin d’élargir les actifs éligibles ;

– deux amendements du Rapporteur général apportent d’utiles précisions s’agissant de la nouvelle obligation documentaire, notamment en limitant dans un souci de proportionnalité l’assiette de l’amende applicable en cas de manquement.

I.   L’état du droit

Les produits tirés de la cession ou de la concession de certains actifs incorporels font l’objet, en France, d’une imposition réduite à l’impôt sur le revenu (IR) ou à l’IS. Ce régime est jugé dommageable par l’OCDE et l’Union européenne, ce qui suppose de le faire évoluer.

A.   Le régime d’imposition à taux réduit des produits tirés de la cession ou concession d’actifs incorporels

Les revenus tirés de certains actifs incorporels bénéficient du régime fiscal des plus-values à long terme, qui se traduit par une imposition à un taux réduit :

– 12,8 % dans le cadre de lIR, à la place du barème progressif ;

– 15 % dans le cadre lIS, à la place du taux normal.

Il s’agit du régime prévu – notamment – au 1 de l’article 39 terdecies du CGI et qui est plus connu sous la simple appellation de « 39 terdecies ».

1.   Présentation générale du régime : une imposition séparée à taux réduit

Le régime préférentiel applicable aux produits tirés de la cession ou de la concession de certains actifs incorporels résulte de la combinaison de nombreuses dispositions.

● En application de ce régime, le résultat imposable à ce titre est soustrait des bénéfices réalisés pour être imposé distinctement.

Cette déduction extra-comptable est prévue :

– pour l’IR, à la seconde phrase du premier alinéa du 4 de l’article 158 du CGI ;

– pour l’IS, au a du I de l’article 219.

Le taux applicable à ce résultat déduit extra-comptablement est réduit par rapport aux règles de droit commun, ce qui constitue l’avantage fiscal du régime.

Dans le cadre de l’IR, ce taux est forfaitairement fixé à 12,8 % et s’applique à la place du barème progressif, dont le taux marginal est de 45 %.

Cette imposition au taux de 12,8 % résulte de l’article 39 quindecies du CGI, combiné aux articles 39 terdecies pour les actifs qui relèvent de son champ et 93 quater s’agissant des logiciels exploités par un inventeur personne physique.

● Dans le cadre de l’IS, l’application du régime préférentiel résulte du dernier alinéa du a quater du I de l’article 219 du CGI qui, par exception, rend applicable le régime des plus-values de long terme aux produits tirés des actifs mentionnés à l’article 39 terdecies, et de l’article 238 bis G qui étend le régime préférentiel aux certificats d’obtention végétale.

En application du a du I de l’article 219, le taux réduit d’imposition est fixé à 15 %, à la place du taux normal applicable (soit 31 % en 2019, 28 % en 2020, 26,5 % en 2021 et 25 % à compter de 2022).

Illustration de l’imposition à taux réduit dans le cadre du régime préférentiel

Une société A assujettie à l’IS enregistre, au titre d’un exercice ouvert en 2020, des bénéfices d’un montant de 200, dont 30 provenant de la concession d’une licence d’exploitation d’un actif breveté.

L’IS dû au titre de cet exercice se calcule ainsi :

[30 × 15 % = 4,5] + [(200 – 30) × 28 % = 47,6] = 52,1.

L’IS dû s’élève donc à 52,1.

Si la totalité du résultat avait été imposé au taux normal, l’IS aurait été de 56.

2.   Les actifs incorporels éligibles au régime d’imposition à taux réduit

Le régime des plus-values à long terme s’applique aux revenus tirés d’actifs incorporels, qu’il s’agisse d’une plus-value de cession ou du résultat net d’une concession. Les actifs éligibles à ce régime sont :

– les brevets (1 de l’article 39 terdecies) ;

– les inventions brevetables (1 de l’article 39 terdecies) ;

– les perfectionnements apportés aux brevets et aux inventions brevetables (1 de l’article 39 terdecies) ;

– les procédés de fabrication industriels qui sont l’accessoire indispensable d’un brevet ou d’une invention brevetable (1 de l’article 39 terdecies) ;

– les certificats dobtention végétale (article 238 bis G) ;

– les logiciels originaux, seulement pour les personnes physiques (I de l’article 93 quater).

a.   Les brevets

Le 1 de l’article 39 terdecies mentionne, parmi les actifs dont les produits relèvent du régime des plus-values à long terme, les brevets. L’absence de précisions supplémentaires n’est pas gênante dans la mesure où cette notion est très clairement définie en droit français. Cette relative imprécision conduit également à ce que le régime s’applique à certains brevets étrangers.

Un brevet d’invention, en application de l’article L. 611‑2 du code de la propriété intellectuelle, est un titre de propriété industrielle protégeant une invention, délivré pour une durée de vingt ans à compter du dépôt de la demande. Délivré par le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), il confère, en vertu de l’article L. 611‑1 du même code, un droit exclusif d’exploitation à son titulaire (et ses ayants droit).

Le dossier de demande d’un brevet, la délivrance d’un brevet et la transmission des droits attachés à un brevet font l’objet d’une diffusion légale prévue à l’article L. 612‑21 dudit code :

– mention au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI) ;

– mise à la disposition du public du texte intégral ;

– distribution du support informatique des éléments concernés.

Sont également éligibles les brevets délivrés dans un pays étranger s’ils l’ont été dans le cadre de la procédure du brevet européen, ou s’ils concernent une invention qui a également fait l’objet de la délivrance d’un brevet français.

Enfin, pour ouvrir droit au régime préférentiel d’imposition, les brevets doivent être valides, ce qui exclut :

– les brevets tombés dans le domaine public (à l’échéance de la période de protection, soit vingt ans) ;

– les brevets déclarés nuls ;

– les brevets atteints de déchéance pour défaut de paiement des redevances annuelles prévues à l’article L. 611‑19 du code de la propriété intellectuelle.

La modernisation des titres de propriété intellectuelle entreprise par le PACTE

Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), qui se décline en plusieurs dispositifs (projet de loi dédié, dispositions fiscales dans le présent PLF, mesures réglementaires) consacre l’ambition du Gouvernement et de la majorité d’assurer aux entreprises françaises, notamment aux PME, une croissance accrue et durable.

L’un des nombreux volets du PACTE porte sur la propriété intellectuelle, afin de veiller à ce que l’innovation des entreprises se déroule dans les conditions de sécurité juridique maximale. Trois de ces mesures paraissent mériter un éclairage particulier :

– le renforcement du certificat d’utilité, titre de propriété intellectuelle plus souple que le brevet et actuellement limité à six ans ; cette durée passerait à dix ans, avec possibilité de convertir ce certificat en demande de brevet ;

– l’amélioration de la procédure de demande provisoire de brevet en offrant la faculté à une entreprise de compléter son dossier dans un délai d’un an à compter du dépôt de la demande (alors qu’actuellement, tout nouvel élément déposé après la demande provisoire n’est pas admis, seuls les éléments figurant dans le dossier initialement déposés étant retenus) ;

– la création d’une nouvelle procédure d’opposition à un brevet, pour contester la nouveauté d’un brevet devant l’INPI (et non le juge), afin de garantir plus facilement aux réels inventeurs le respect de leurs droits légitimes.

b.   Les inventions brevetables

Les inventions brevetables (aux conditions desquelles doivent également répondre, pour bénéficier du régime préférentiel d’imposition, les inventions couvertes par un brevet étranger mais qui nont pas fait lobjet de la délivrance dun brevet français), sont définies par référence à la notion de brevetabilité qui est donnée aux articles L. 61110 à L. 61119 du code de la propriété intellectuelle.

L’introduction des inventions brevetables au 1 de l’article 39 terdecies du CGI résulte de l’article 100 de la loi de finances pour 1992 ([234]), la référence au droit de la propriété intellectuelle et, plus spécialement, à la notion de brevetabilité ayant été dès l’origine l’intention du législateur dans un souci de précision et de sécurité juridique maximales.

Une invention est considérée comme brevetable si elle remplit trois conditions cumulatives :

– elle est nouvelle ;

– elle implique une activité inventive ;

– elle est susceptible d’application industrielle.

Linvention brevetable doit donc être nouvelle, non évidente et utile.

Au risque d’une tautologie, l’invention brevetable doit être une invention, ce qui a pour effet d’exclure certains éléments, tels que les théories scientifiques, les méthodes mathématiques, les créations esthétiques ou encore les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles (ainsi que le prévoit le 2° de l’article L. 611‑10 du code de la propriété intellectuelle).

● La nouveauté d’une invention est définie à l’article L. 611‑11 du code de la propriété intellectuelle.

Une invention est nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique, ce dernier correspondant à ce qui est accessible au public avant la date de dépôt d’une demande de brevet ou, si aucune demande de brevet n’a été déposée, à la date de la cession des droits ou de la période d’imposition des redevances dans le cadre d’une concession. Il serait, en effet, étrange d’exiger impérativement le dépôt d’une demande de brevet pour apprécier la nouveauté d’une invention brevetable qui, pour des raisons qui regardent la personne concernée, ne fait pas l’objet d’une telle demande à dessein.

La divulgation de l’invention crée ce qui est appelé une « antériorité destructrice » de la nouveauté. Encore faut-il, pour être destructrice de la nouveauté, que la divulgation porte sur la totalité des moyens caractéristiques de l’invention et non seulement sur une partie d’entre eux.

Les inventions brevetables non brevetées étant par hypothèse gardées secrètes, leur nouveauté suppose l’absence d’antériorité objective appréciée à l’aune des indices suivants :

– l’invention a été mise au point dans le cadre de travaux de recherche et développement précis et dont la réalité peut être démontrée par l’entreprise à travers un dossier technique complet, faisant notamment état de l’objectif poursuivi, des résultats réalisés et des moyens humains et matériels mis en œuvre ;

– l’invention est novatrice par son objet ou par l’amélioration qu’elle apporte, et est susceptible de conférer à l’entreprise un avantage concurrentiel ;

– l’invention n’a pas fait l’objet d’une divulgation de la part de l’entreprise.

● Le caractère non évident de l’invention, c’est-à-dire le fait qu’elle implique une activité inventive, est défini à l’article L. 611‑14 du code de la propriété intellectuelle, qui vise les inventions qui ne découlent pas, pour un homme du métier, d’une manière évidente de l’état de la technique.

L’homme de métier, au sens de l’article L. 611‑14, est un praticien normalement qualifié et au fait des connaissances générales communes dans la technique, qui a accès à l’état de la technique et a la possibilité de réaliser des expériences et travaux courants.

L’appréciation du caractère inventif de l’activité qui a conduit à l’invention résulte d’un faisceau d’indices, dont :

– la durée et l’ampleur des travaux de recherche ayant débouché sur l’invention ;

– le dépassement de préjugés résultant de l’état de la technique de l’époque ;

– l’existence d’un perfectionnement ou d’un progrès technique.

● Enfin, le troisième critère de l’invention brevetable réside dans les perspectives d’application industrielle de celle-ci. Au sens de l’article L. 611‑15 du code de la propriété intellectuelle, l’application l’industrielle vise tout genre d’industrie, notamment l’agriculture.

● Certains éléments, bien que pouvant, le cas échéant, satisfaire aux trois critères prévus, sont exclus de la qualité d’inventions brevetables par la loi (articles L. 611‑16 à L. 611‑19 du code de la propriété intellectuelle).

Peuvent être mentionnés pour mémoire :

– les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique (en revanche, les produits utilisés pour mettre en œuvre ces méthodes peuvent être des inventions brevetables) ;

– les inventions dont l’exploitation serait contraire aux bonnes mœurs, à l’ordre public ou à la dignité de la personne humaine ;

– le corps humain ;

– les races animales et les variétés végétales.

● L’inclusion des inventions brevetables dans la liste des actifs éligibles au régime préférentiel d’imposition, voulue par le législateur à travers la loi de finances pour 1992 précitée et non remise en cause depuis, résulte de considérations objectives.

D’une part, certaines entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, ne sont pas forcément familières des règles et procédures en matière de brevets, et peuvent ainsi réaliser des inventions sans pour autant les breveter.

D’autre part, lobtention dun brevet a un coût : outre les frais afférents à la constitution des dossiers, le titulaire d’un brevet doit verser les redevances annuelles prévues à l’article L. 611‑19 du code de la propriété intellectuelle.

Enfin, et surtout, faire breveter une invention confère certes des droits exclusifs pour l’exploitation de l’actif concerné, mais cela a également pour effet de rendre linvention publique.

Or, dans un monde ouvert au sein duquel l’information circule d’une façon sans précédent et où l’espionnage industriel n’est pas une fiction, conserver le secret dune invention peut, pour une entreprise (tout particulièrement une entreprise multinationale) se révéler être un élément déterminant de sa stratégie économique et commerciale.

Ce point avait d’ailleurs été très clairement identifié par les députés et le ministre chargé du budget lors de l’examen du PLF pour 1992 précité.

Philippe Auberger, député de l’Yonne, relevait ainsi que les entreprises considéraient, « à tort ou à raison, mais cest un sentiment assez largement partagé, que le brevet contribuera plus à la diffusion de leurs idées quà leur protection. » ([235])

Le ministre délégué au budget d’alors, M. Michel Charasse, pour préciser les motivations de l’article 76 du PLF pour 1992 qui intégrait les inventions brevetables, soulignait que « les critères légaux de brevetabilité ont une portée étendue et que le dispositif du Gouvernement est réaliste dès lors quil tient compte des cas, fréquents, dans lesquels les industriels ne souhaitent pas breveter une invention pour des raisons de secret » ([236]).

Le fait que les inventions brevetables non brevetées puissent bénéficier du régime d’imposition à taux réduit des plus-values de long terme permet donc aux entreprises d’avoir droit aux avantages assis sur des actifs répondant à certaines conditions (de façon légitime dans la mesure où leurs actifs satisfont nécessairement ces dernières, sans quoi ils seraient exclus du champ du régime), tout en pouvant préserver leurs intérêts économiques face à une concurrence accrue qui ne s’arrête pas toujours aux considérations de propriété intellectuelle.

c.   Les perfectionnements apportés

L’article 126 de la loi de finances pour 2011 ([237]) a étendu l’application du régime préférentiel aux perfectionnements apportés aux brevets et inventions brevetables.

Le perfectionnement d’un brevet ou d’une invention brevetable consiste en une amélioration apportée à l’élément : il peut être brevetable par lui-même. Le perfectionnement peut s’appuyer sur la même idée de base de l’invention à laquelle il se rattache (il est alors dit « dépendant » et ne peut, si l’invention a été brevetée, être librement exploitée sans autorisation) ou mettre en œuvre un principe différent (il n’est alors pas couvert par le brevet s’il y en a un).

d.   Les procédés de fabrication industriels

Le deuxième alinéa du 1 de l’article 39 terdecies du CGI inclut dans le champ du régime fiscal préférentiel les procédés de fabrication industriels, sous réserve qu’ils répondent à certaines caractéristiques.

● En premier lieu, le procédé doit résulter d’opérations de recherche, définies à l’article 49 septies F de l’annexe III du CGI, pris pour l’application de l’article 244 quater B du même code relatif au crédit d’impôt recherche mais qui s’applique également pour l’article 39 terdecies.

Sont visées :

– les activités de recherche appliquées qui permettent d’identifier les applications d’opérations de recherche fondamentale ou de trouver des solutions nouvelles permettant l’atteinte d’objectifs prédéfinis ;

– les opérations de développement expérimental réalisées pour réunir les informations nécessaires à la fourniture des éléments techniques des décisions pour produire ou améliorer substantiellement des produits.

● En deuxième lieu, le procédé doit être l’accessoire indispensable de l’exploitation du brevet ou de l’invention brevetable. Le caractère indispensable est acquis si, en l’absence du procédé, l’invention serait :

– techniquement difficile à mettre en œuvre ;

– qualitativement différente ;

– ou non viable économiquement.

● Enfin, en troisième lieu, le procédé de fabrication industriel doit, pour prétendre à l’application du régime préférentiel, être cédé ou concédé en même temps que le brevet ou l’invention brevetable auquel il se rattache. Cette condition est logique dans la mesure où ce procédé doit revêtir un caractère accessoire indispensable.

e.   Les certificats d’obtention végétale

Les certificats d’obtention végétale relèvent du régime préférentiel en application de l’article 238 bis G du CGI.

Il s’agit d’un titre de protection concernant toute variété nouvelle découverte ou créée d’un genre ou d’une espèce de plante. Alors que les brevets sont délivrés par l’INPI, les certificats d’obtention végétale le sont par l’Instance nationale des obtentions végétales (INOV).

Un tel certificat permet à l’obtenteur qui en est titulaire de percevoir une redevance de la part de toute personne qui se servirait de son matériel pour le commercialiser – l’obtenteur est la personne qui a sélectionné la nouvelle variété protégée. En revanche, le certificat ne fait pas obstacle à la libre utilisation de la variété protégée pour en sélectionner une nouvelle et la commercialiser, si elle est suffisamment distincte de la première.

f.   Les logiciels originaux

Les logiciels originaux ne sont éligibles au régime préférentiel que pour les personnes physiques.

En effet, le deuxième alinéa du I de l’article 93 quater du CGI (cet article prévoyant l’application des articles 39 duodecies et suivants à certains revenus) vise les produits tirés de la cession d’un logiciel original par son auteur, si ce dernier est une personne physique.

Les personnes morales, donc les entreprises, ne peuvent ainsi prétendre à l’application du régime au titre d’un tel actif.

3.   Les modalités de détermination du résultat imposable au taux réduit

Le résultat imposable au taux réduit est déterminé différemment selon qu’il résulte d’une cession, d’une concession ou d’une sous-concession.

a.   La détermination de la plus-value de cession

Dans le cadre d’une cession de l’élément d’actif de propriété intellectuelle, la plus-value correspond à la différence positive entre le prix de vente et la valeur d’origine de l’actif, c’est-à-dire la valeur nette comptable qui figure à l’actif du bilan.

● Par exception, la plus-value est égale au prix de cession si l’actif vendu a été mis au point par l’entreprise cédante et si les dépenses de recherche afférentes ont été déduites du résultat imposable en application de l’article 236 du CGI.

Ainsi, les dépenses de recherche n’entrent pas dans la composition du résultat net soumis au taux réduit dans le cadre du régime préférentiel, évitant « tout effet pervers sur la capacité de recherche des entreprises », ainsi que l’indiquait M. Michel Charasse lors de l’examen à l’Assemblée nationale du PLF pour 1992 ([238]).

● Par ailleurs, dans le cadre de contrats globaux portant sur la cession de plusieurs éléments dont seuls certains sont éligibles au régime préférentiel, deux hypothèses doivent être distinguées :

– s’il est possible de distinguer le prix de cession de chaque élément, ne sera retenu que le prix des éléments éligibles ;

– si, en revanche, le contrat ne permet pas d’opérer une telle distinction, l’entreprise doit ventiler le prix global figurant au contrat sur la base de critères objectifs.

● Le régime ne s’applique toutefois pas à certaines hypothèses, en vertu des 1° et 2° du 1 de l’article 39 terdecies du CGI :

– si l’actif ne présente pas le caractère d’éléments de l’actif immobilisé ;

– s’il a été acquis à titre onéreux depuis moins de deux ans ;

– si la cession intervient entre deux sociétés liées au sens du 12 de l’article 39 du CGI.

La notion d’entreprises liées au sens du 12 de l’article 39 du CGI

Le droit fiscal renvoie fréquemment à la notion d’« entreprises liées au sens du 12 de larticle 39 » du CGI. Tel est notamment le cas en matière d’encadrement de la déductibilité des charges financières et dans le cadre du régime préférentiel des actifs incorporels.

En vertu de ces dispositions, deux entreprises sont liées si :

– la première détient directement ou indirectement la majorité du capital social de la seconde ou, à défaut d’une telle détention, exerce dans les faits le pouvoir de décision au sein de la seconde ; il s’agit d’une relation mère-fille ;

– ces deux entreprises sont placées sous le contrôle d’une même tierce entreprise, ce contrôle étant acquis en cas de détention majoritaire du capital social ou de l’exercice en fait du pouvoir de décision ; il s’agit d’une relation de sociétés sœurs.

b.   La détermination du résultat net de la concession ou de la sous‑concession

● Le produit imposable au taux réduit dans le cadre d’une concession d’une licence d’exploitation d’un actif incorporel éligible est appelé « résultat net », et correspond à la différence positive entre :

– les redevances perçues par l’entreprise en contrepartie de la concession de la licence d’exploitation ;

– les dépenses relatives à la gestion de la concession.

Les dépenses déduites des redevances ne doivent pas être confondues avec les dépenses de recherche ; il s’agit de frais de gestion, tels que :

– les dépenses pour rechercher un licencié, incluant les honoraires des conseils spécialisés ;

– les dépenses exposées dans le cadre de la négociation de la licence, incluant les frais de personnels et de déplacement ;

– les frais afférents à la conclusion de la licence ; frais de dossiers, de reproduction et de publication du contrat, de traduction, etc.) ;

– les coûts directement liés à la gestion proprement dite de la licence, incluant notamment la redevance due à l’INPI.

Les dépenses de recherche ne sont donc pas déduites des redevances perçues et ne viennent pas minorer le résultat net de la concession.

● Si la concession est réalisée entre des entreprises liées au sens du 12 de l’article 39 du CGI, un encadrement particulier est prévu.

Dans une telle hypothèse, en effet, la déduction du résultat de l’entreprise concessionnaire des redevances qu’elle verse à l’entreprise liée concédante est plafonnée : elle ne peut se faire que dans la limite du rapport entre le taux réduit d’IS de 15 % applicable au titre du régime préférentiel et le taux normal de l’IS mentionné au deuxième alinéa du I de l’article 219 du CGI.

Le tableau suivant précise ce rapport sur la période 2018-2022, compte tenu de la trajectoire de baisse du taux normal mentionné au deuxième alinéa du I de l’article 219.

évolution du rapport entre le taux réduit et le taux normal d’is
(2018-2022)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Taux normal (en %)

33 1/3

31

28

26,5

25

Rapport taux réduit/taux normal

15 / (33 1/3)

15 / 31

15 / 28

15 / 26,5

15 / 25

Rapport taux réduit/taux normal (décimal)

0,45

0,48

0,54

0,57

0,60

Source : commission des finances.

Cet encadrement est motivé par le souci d’éviter que les redevances soient imposées à un taux réduit dans le chef de la société concédante, mais déduites au taux normal dans le chef de la société concessionnaire, une telle asymétrie conduisant pour des sociétés liées à disposer d’un double avantage fiscal au titre de la même opération.

Le schéma suivant illustre l’application du 12 de l’article 39, pour des redevances versées en 2019.

Encadrement de la déductibilité des redevances
en cas de concessions entre entreprises liées

(redevances versées en 2019)

Source : commission des finances.

La seconde phrase du premier alinéa du 12 de l’article 39 prévoit une clause de sauvegarde excluant l’application de l’encadrement s’il est démontré qu’il n’y a eu aucun abus. Pour ce faire, la société concessionnaire apporte la preuve que la concession :

– crée pour elle une plus-value sur la période d’exploitation de la licence ;

– est réelle et ne peut être vue comme constitutive d’un montage artificiel destiné à contourner la loi fiscale française.

● Les produits de la sous-concession dune licence d’exploitation d’un actif éligible au régime préférentiel d’imposition ne peuvent, en principe, prétendre à l’application de ce régime, ainsi qu’en dispose le dixième alinéa du 1 de l’article 39 terdecies.

Néanmoins, une clause de sauvegarde est prévue au même dixième alinéa et ouvre droit au bénéfice du régime si :

– la société sous-concédante est la première à bénéficier du régime préférentiel, c’est-à-dire que la personne concédante n’en a pas déjà bénéficié ;

– la société sous-concédante apporte la même démonstration vis-à-vis de la sous-concession que celle exigée en cas de concession entre entreprises liées (valeur ajoutée créée et absence de montage artificiel destiné à contourner la loi).

Toujours dans le cadre d’une sous-concession, le 12 bis de l’article 39 du CGI prévoit un autre dispositif d’encadrement portant sur la déductibilité par la société sous-concédante des redevances qu’elle doit à la société concédante ; ces redevances ne sont imputables que sur le résultat net de la société sous-concédante imposable au taux réduit. Il y a une « tunnellisation » des redevances dues.

Si ces redevances dues excèdent le résultat net imposable au taux réduit (constitué des redevances perçues minorées des dépenses de gestion), l’excédent n’est déductible du résultat imposable (au taux normal) que dans la limite du rapport entre le taux réduit et le taux normal (soit, pour 2019, 15/31).

Le schéma suivant synthétise les modalités d’application du régime préférentiel aux sous-concessions.

Application du régime préférentiel à une sous-concession

(redevances versées en 2019)

Source : commission des finances.

4.   Une dépense fiscale au coût très irrégulier

Le dispositif actuel a un impact budgétaire important puisqu’il entraîne une moindre recette fiscale de plusieurs centaines de millions d’euros.

Sa principale caractéristique est cependant sa forte volatilité, surtout si le coût est comparé au nombre de bénéficiaire, ainsi que l’illustrent le tableau et le graphique ci-après, portant sur la dépense fiscale n° 320139 intitulée « Taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant de produits de cessions et de concessions de brevets ».

Évolution du « régime des brevets »

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p.)

Coût
(en millions deuros)

705

630

400

250

186

663

356

Bénéficiaires

150

200

300

300

ND

ND

ND

Source : Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances pour 2014, 2015, 216, 2017, 2018 et 2019, tome II, Dépenses fiscales.

Il ressort de ces données que le coût de la dépense fiscale est très variable : après une diminution relativement constante entre 2012 et 2016, le coût s’est substantiellement accru en 2017, les prévisions faites au titre de l’exercice budgétaire attestant d’une nouvelle diminution.

5.   Un régime préférentiel qui s’inscrit dans le cadre d’une plus large politique fiscale de soutien à la recherche

Le régime préférentiel d’imposition des produits tirés d’actifs incorporels n’est pas le seul avantage fiscal destiné à soutenir les activités de recherche réalisées par les entreprises. Seront mentionnés ici pour mémoire deux dispositifs fiscaux qui visent le même objectif : le crédit d’impôt recherche (CIR) et le dispositif de soutien aux « Jeunes entreprises innovantes » (JEI).

a.   Le CIR

Le crédit d’impôt recherche, consacré à l’article 244 quater B du CGI, est un outil fiscal permettant de favoriser les activités de recherche et développement des entreprises.

Il consiste en un avantage fiscal correspondant à 30 % du montant des dépenses de recherche engagées par l’entreprise (pour la fraction des dépenses éligibles supérieure à 100 millions d’euros, le taux est de 5 %, tandis que le taux de 30 % est majoré à 50 % pour les exploitations situées en outre-mer).

Les dépenses éligibles sont nombreuses ; peuvent être mentionnées :

– les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et aux techniciens ;

– les dotations aux amortissements d’immobilisations affectées aux opérations de recherche ;

– certains frais afférents aux brevets ;

– les dépenses liées à la veille technologique ;

– les sommes correspondant à la rémunération de travaux de recherche confiés à des organismes publics ou agréés.

Les dépenses de sous-traitance auprès de certains organismes sont par ailleurs prises en compte dans l’assiette éligible au CIR pour 200 % de leur montant, afin de favoriser le développement des associations entre recherche publique et recherche privée. Il en va de même des rémunérations versées aux jeunes docteurs.

En 2017, le CIR a coûté 6,3 milliards d’euros, faisant de lui la première dépense fiscale dont les entreprises bénéficient (hors crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE).

b.   Le dispositif de soutien aux JEI

Moins connu que le CIR, le dispositif de soutien aux JEI est prévu aux articles 44 sexies‑0 A et 44 sexies A du CGI.

Il consiste en des exonérations fiscales (impôt sur les bénéfices et impôts locaux) et sociales au profit de PME créées depuis moins de huit ans et qui répondent à certaines conditions liées à leur caractère innovant : avoir au moins 15 % de leurs dépenses déductibles éligibles au CIR ou être détenues au moins à hauteur de 10 % par des étudiants ou des personnes affectées à des activités d’enseignement et de recherche.

Ce dispositif a fait partie des 83 outils fiscaux d’incitation à l’innovation issus de 31 pays qu’a étudiés la Commission européenne en 2014 (États membres de l’Union européenne mais aussi Canada, Israël, Japon ou encore États-Unis d’Amérique).

Les conclusions de cette étude sont éloquentes : le dispositif de soutien aux JEI a été jugé comme le meilleur instrument fiscal de soutien à la recherche et a fini en première place du classement ([239]).

B.   Un régime jugé fiscalement dommageable par l’OCDE et l’Union européenne

Le régime fiscal applicable aux revenus tirés dactifs incorporels qui vient d’être présenté a été jugé dommageable par lOCDE, puis lUnion européenne, au motif qu’il ne lie pas le bénéfice de l’avantage fiscal aux dépenses de recherche effectivement engagées.

1.   Le projet « BEPS » de l’OCDE

Pour lutter contre les phénomènes d’érosion des bases d’imposition et de transfert des bénéfices entre juridictions fiscales ([240]), qui conduisent à loger artificiellement des gains là où ils seront peu ou pas imposés et à priver des pays d’une assiette fiscale légitime, le G20, en 2012, a chargé l’OCDE de développer un plan d’action dont la finalité est de réaligner la localisation des profits des entreprises avec leurs activités et imposer les bénéfices là où ils sont effectivement réalisés.

Endossé par le G20 en 2013 lors de son sommet de Saint-Pétersbourg, ce plan d’actions est intitulé « BEPS », (pour « base erosion and profit shifting », soit « érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices »).

a.   Présentation générale du projet « BEPS »

Le projet « BEPS » comporte quinze actions approuvées lors du sommet du G20 d’Antalya, en Turquie, en novembre 2015. Les travaux du projet « BEPS », conduits à travers un cadre inclusif, associent plus de 100 pays : en septembre 2018, en étaient membres 118 juridictions fiscales, parmi lesquelles de nombreux pays en voie de développement.

Quatre des actions du projet « BEPS » constituent des standards minimums et sont jugées impératives pour l’ensemble des juridictions fiscales (action 5, 6, 13 et 14). Elles apparaissent soulignées et en gras dans le tableau ci‑dessous, qui présente l’ensemble des quinze actions « BEPS ».

les quinze actions du projet « BEPS »

Numéro de laction

Intitulé de laction

Synthèse de laction

1

Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique

L’action 1 identifie les principales difficultés posées par l’économie numérique pour l’application des règles fiscales internationales existantes et élabore des solutions détaillées pour les résoudre, en adoptant une démarche globale et en tenant compte à la fois de la fiscalité directe et indirecte.

2

Neutraliser les effets des dispositifs hybrides

L’action 2 prévoit l’élaboration de dispositions conventionnelles types et de recommandations relatives à la conception de règles nationales visant à neutraliser les effets d’instruments et d’entités hybrides (double non‑imposition, double déduction, report à long terme).

3

Concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères contrôlées

L’action 3 émet des recommandations pour renforcer les règles fiscales des entreprises étrangères contrôlées (SEC).

4

Limiter l’érosion de la base d’imposition faisant intervenir les déductions d’intérêts et autres frais financiers

L’action 4 élabore des recommandations concernant des pratiques exemplaires pour la conception de règles visant à empêcher l’érosion de la base d’imposition par l’utilisation de paiements d’intérêts, par exemple le recours à l’emprunt auprès d’une partie liée ou d’une tierce partie en vue de réaliser des déductions excessives d’intérêts ou de financer la production d’un revenu exonéré ou différé.

5

Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance

L’action 5 refond les travaux relatifs aux pratiques fiscales dommageables en donnant la priorité à l’amélioration de la transparence, notamment par le biais de l’échange spontané obligatoire de renseignements sur les décisions relatives à des régimes préférentiels, ainsi qu’au moyen de l’exigence d’une activité substantielle préalablement à l’instauration de tout régime préférentiel.

6

Empêcher loctroi des avantages des conventions fiscales lorsquil est inapproprié daccorder ces avantages

L’action 6 élabore des dispositions conventionnelles types et des recommandations visant à concevoir des règles nationales qui empêchent que les avantages prévus par les conventions puissent être accordés lorsque cela n’est pas justifié.

7

Empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable

L’action 7 appelle à une révision de la définition d’établissement stable, afin d’empêcher le recours à certaines stratégies d’évasion fiscale qui sont actuellement utilisées pour contourner la définition existante, telle l’utilisation des « accords de commissionnaire ».

8, 9 et 10

Aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur

Les actions 8 à 10 proposent une révision des principes qui s’assurent que les règles en matière de prix de transfert aboutissent à des calculs selon lesquels les bénéfices opérationnels sont attribués aux activités économiques qui les ont générés, ce qui inclut les actifs difficiles à évaluer comme les risques et le capital ainsi que les autres transactions à haut risque.

11

Mesurer et suivre les données relatives au BEPS

L’action 11 établit des méthodologies pour collecter et analyser les données sur le BEPS ainsi que d’autres sur les actions pour lutter contre celui-ci. Elle développe des recommandations en ce qui concerne les indicateurs de l’échelle et de l’impact économique du BEPS. Elle s’assure également que des outils de mise en œuvre et d’évaluation de l’efficacité et de l’impact économique des actions pour lutter contre le BEPS soient disponibles.

12

Règles de communication obligatoire d’information

L’action 12 souligne l’intérêt des outils conçus pour améliorer le flux de renseignements sur les risques fiscaux transmis aux administrations et aux responsables de la politique fiscale, et préconise d’élaborer des recommandations concernant la définition d’un régime de communication obligatoire d’informations applicable à des transactions, dispositifs ou structures de nature agressive ou abusive, en tenant compte des coûts administratifs encourus par les autorités fiscales et les entreprises et en se référant à l’expérience du nombre croissant de pays ayant adopté de telles règles.

13

Documentation des prix de transfert et déclarations pays par pays

L’action 13 contient des normes révisées de documentation des prix de transfert ainsi qu’un formulaire de déclaration pays par pays du chiffre d’affaires, des impôts acquittés et de certaines mesures de l’activité économique.

14

Accroître lefficacité des mécanismes de règlement des différends

L’action 14 élabore des solutions pour lever les obstacles qui empêchent les pays de régler les différends relatifs aux conventions en recourant à la procédure amiable, notamment le fait que la plupart des conventions ne prévoient pas de clause d’arbitrage et que le recours à la procédure amiable et à l’arbitrage peut être refusé dans certains cas.

15

Élaboration d’un instrument multilatéral pour modifier les conventions fiscales bilatérales

L’action 15 prévoit l’analyse des questions de droit fiscal et de droit international public que pose l’élaboration d’un instrument multilatéral qui permettrait aux pays qui le souhaitent de mettre en œuvre les mesures résultant des travaux sur BEPS. Cet instrument a été signé le 7 juin 2017 à Paris.

Source : commission des finances ; OCDE.

b.   L’action 5 du projet « BEPS » : identifier les régimes fiscaux dommageables pour les faire évoluer

Dans le cadre de l’action 5 du projet « BEPS », l’OCDE a prévu l’exigence d’une activité substantielle pour qu’une entreprise puisse prétendre au bénéfice d’un avantage fiscal.

Cette exigence vise à réaligner l’imposition des bénéfices avec les activités qui en sont à l’origine, supposant que l’entreprise ait réalisé elle-même les principales activités génératrices de revenus requises pour la production du revenu couvert par un régime préférentiel.

L’OCDE a également mis en avant la nécessité d’une transparence des procédures conduisant au bénéfice d’un régime préférentiel, qui permet de vérifier que les revenus concernés y sont bien éligibles. L’opacité qui, dans certains pays, peut entourer l’octroi de rescrits, tels que les accords préalables en matière de prix de transfert, doit être levée, ce qui suppose notamment un échange d’informations entre administrations fiscales.

Enfin, au-delà des recommandations et lignes directrices, l’action 5 a conduit à une évaluation d’un très grand nombre de régimes préférentiels : 197 en mai 2018. Ces travaux consacrés aux régimes dommageables ne sont pas inédits dans leur principe, l’OCDE ayant produit un rapport sur le sujet dès 1998 ([241]). En revanche, ils sont sans précédents par leur ampleur et leurs conséquences.

2.   La position de l’OCDE en matière de régimes préférentiels touchant des actifs incorporels : le respect de l’approche « nexus »

L’imposition des actifs incorporels présentent deux enjeux majeurs :

– ils occupent une place centrale dans les stratégies économiques des entreprises et constituent une source de revenu importante ;

– aisément délocalisables compte tenu de leur nature immatérielle, ils peuvent être exploités à des fins d’évasion fiscale.

Pour préserver l’importance économique de ces actifs tout en contrant les schémas abusifs consistant, pour une entreprise, à percevoir les fruits d’un régime préférentiel au titre d’un revenu pour le développement duquel elle n’a pas engagé de dépenses, l’OCDE, dans le cadre de l’action 5 du projet « BEPS », a mis en place une approche originale appelée « nexus » (le « lien »).

L’approche « nexus » suppose, pour qu’une entreprise bénéficie d’un régime préférentiel d’imposition des revenus tirés d’actifs incorporels, qu’elle ait engagé elle-même les dépenses ayant conduit au développement des actifs en question. Le « nexus » est donc un lien entre dépenses engagées, actifs détenus et imposition des gains quils procurent.

a.   Les actifs éligibles à l’approche « nexus »

Dans le rapport final de l’action 5 du projet « BEPS », l’OCDE énumère de façon limitative les actifs éligibles à un régime fiscal préférentiel touchant la propriété intellectuelle sans que cela ne constitue une pratique dommageable.

Trois catégories dactifs sont concernées :

– les brevets au sens large, incluant les brevets en tant que tels, mais aussi d’autres titres de propriété intellectuelle, tels que les certificats d’obtention végétale et les certificats complémentaires de protection, qui étendent le droit exclusif de certains brevets lorsqu’ils portent sur des actifs pour lesquels la recherche est généralement plus longue (comme les produits pharmaceutiques) ;

– les logiciels protégés par le droit dauteur forment la deuxième catégorie d’actifs et sont considérés par l’OCDE comme équivalents aux brevets dans la mesure où ils sont nouveaux, non évidents et utiles ;

– la troisième catégorie dactifs vise les actifs qui, sans entrer dans les deux premières catégories, possèdent les caractéristiques dun brevet : nouveauté, non-évidence, utilité. Ils doivent également être certifiés par un organisme gouvernemental de façon transparente, et ne sont éligibles à l’approche « nexus » qu’au profit des entreprises qui remplissent les deux conditions suivantes :

Les marques commerciales et, plus généralement, les actifs à caractère commercial sont exclus de l’approche « nexus ».

b.   La détermination du résultat imposable dans le cadre de l’approche « nexus »

Pour déterminer le résultat imposable aux conditions préférentielles du régime fiscal qui respecte lapproche « nexus », une démarche en deux temps est nécessaire :

– déterminer le résultat tiré de lactif incorporel ;

– appliquer à ce résultat le « ratio nexus » pour déterminer l’assiette éligible.

i.   La détermination du résultat tiré de l’actif incorporel

Dans l’approche « nexus », le résultat auquel le « ratio nexus » sera appliqué ne correspond pas au revenu brut total que l’entreprise retire de l’actif.

Pour l’OCDE, en effet, si ce revenu brut total était retenu, l’entreprise pourrait bénéficier d’un avantage fiscal trop élevé au regard de la réalité de son implication dans le développement de l’actif.

Le revenu à prendre en compte correspond donc au revenu brut tiré de l’actif au titre d’un exercice, minoré des dépenses de recherche et développement imputables à l’actif en cause engagées sur la même période ([242]).

Illustration du calcul du résultat tiré de l’actif dans l’approche « nexus »

Une société A, au titre d’un exercice N, a engagé un montant de 100 au titre de dépenses afférentes à un actif incorporel dont la licence d’exploitation a été concédée.

Cette concession rapporte au cours de l’exercice N des redevances d’un montant de 700.

Le résultat tiré de l’actif incorporel, dans le cadre de l’approche « nexus », correspond à la différence entre le montant des redevances et celui des dépenses, soit :

700 – 100 = 600.

ii.   Le calcul du « ratio nexus » et son application au résultat tiré de l’actif

Le « ratio nexus » repose sur la distinction entre les notions de « dépenses éligibles » et « dépenses totales » et correspond au rapport entre elles, les premières étant au numérateur et les secondes au dénominateur.

● Les dépenses éligibles correspondent aux dépenses de recherche :

– directement engagées par l’entreprise (dépenses A) ;

– externalisées auprès d’autres entreprises, quel que soit leur lieu d’établissement, dès lors qu’elles ne sont pas liées avec l’entreprise (dépenses B).

Les dépenses totales correspondent ;

– aux dépenses éligibles (dépenses A et B) ;

– aux dépenses externalisées auprès d’entreprises liées (dépenses C) ;

– aux coûts d’acquisition (dépenses D).

Ce « ratio nexus » s’écrit donc :

Lintérêt du « ratio nexus » est quil permet de subordonner le bénéfice dun avantage fiscal à linvestissement de lentreprise dans lactif qui a généré les revenus touchés par lavantage fiscal : plus les dépenses de recherche engagées directement par l’entreprise sont importantes au regard des dépenses totales, plus le ratio est élevé et proche de l’unité.

● En outre, l’OCDE prévoit la possibilité de majorer de 30 % le montant des dépenses éligibles (et donc le numérateur du ratio), sans que cela ne conduise à excéder les dépenses totales : en d’autres termes, la majoration ne peut aboutir à ce que le « ratio nexus » soit supérieur à l’unité.

L’objectif de cette mesure de souplesse est d’éviter de pénaliser excessivement les entreprises qui engageraient des coûts d’acquisition élevés ou qui externaliseraient de façon importante les dépenses de recherche auprès d’entreprises liées.

Illustrations du calcul du « ratio nexus »

● Une société X enregistre les dépenses suivantes au titre d’un actif incorporel :

– 150 de dépenses directement engagées par X (poste A) ;

– 30 de dépenses externalisées auprès d’entreprises non liées (poste B) ;

– 50 de dépenses externalisées auprès d’entreprises liées (poste C) ;

– 10 de coûts d’acquisition (poste D).

Les dépenses éligibles A et B s’élèvent à 150 + 30 = 180.

Les dépenses totales A, B, C et D s’élèvent à 180 + 50 + 10 = 240.

Le « ratio nexus » brut est donc de 180 / 240 = 0,75, soit 75 %.

En appliquant la majoration de 30 % des dépenses éligibles, le ratio s’établit à (30 % × 180 + 180) / 240 = (54 + 180) / 240 = 234 / 240 = 0,975, soit 97,5 %.

Grâce à la majoration, le ratio est passé de 75 % à près de 100 %.

● Si le même exemple est repris, mais cette fois avec 100 de dépenses externalisées auprès d’entreprises non liées (poste B), le ratio brut serait de 250 / 310 = 0,81, soit 81 %.

La majoration conduirait à un ratio de (250 × 30 % + 250) / 310, soit (75 + 250) / 310, soit 325 / 310.

Le ratio étant supérieur à 100 %, il serait retenu dans cette limite fixé à un.

● Une fois le « ratio nexus » calculé, il est appliqué au résultat éligible, déterminé dans les conditions précédemment décrites.

Ainsi, pour une société dont le résultat tiré de l’actif est de 600 et qui a, pour cet actif, un « ratio nexus » de 80 %, l’assiette susceptible de bénéficier de l’avantage fiscal sera de 80 % × 600 = 480.

iii.   Le suivi des revenus tirés des actifs et des dépenses de recherche

Au titre de l’approche « nexus », l’OCDE prévoit un suivi des revenus tirés des actifs et des dépenses engagés, surtout lorsqu’une entreprise dispose d’une pluralité d’actifs : cela est destiné à lutter contre la manipulation artificielle du montant affiché des dépenses engagées aux fins de maximiser l’assiette éligible à l’avantage fiscal.

En principe, le suivi se fait actif par actif.

Toutefois, si un tel suivi individuel se révélait impossible à mettre en œuvre, le suivi peut porter sur les produits au développement desquels un ou plusieurs actifs ont concouru. Le « ratio nexus » portera alors sur le revenu total tiré des produits en cause (revenu déterminé dans les conditions précédemment décrites).

En somme, la granularité du suivi est adaptée à la réalité des opérations.

Enfin, une documentation particulière doit pouvoir être fournie par l’entreprise pour justifier ses choix de suivi et donner tous les renseignements utiles sur les dépenses et les actifs.

c.   L’endossement par l’Union européenne de la position de l’OCDE

Les recommandations de l’OCDE faites dans le cadre du projet « BEPS » ont trouvé un large écho auprès de l’Union européenne, qui a multiplié, notamment à partir de 2015 et une importante communication de la Commission européenne ([243]), les initiatives ambitieuses pour renforcer la lutte contre l’évasion fiscale et améliorer la justice fiscale.

● La directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur ([244]), plus connue sous l’acronyme anglophone « ATAD » (pour « anti-taxe avoidance directive », soit directive contre l’évasion fiscale), met ainsi en œuvre plusieurs actions du projet « BEPS » :

– action 2 visant les dispositifs hybrides, à travers son article 9 ([245]) ;

– action 3 sur le régime des sociétés étrangères contrôlées, à travers son article 8 ;

– action 4 encadrant la déductibilité des charges financières, à travers son article 4 ([246]) ;

– actions 5 et 6 contre les pratiques fiscales dommageables dénuées de substance et l’utilisation abusive des normes, à travers son article 6 ([247]).

● Les directives « DAC » (pour « directive on administrative cooperation », soit « directive sur la coopération administrative), au nombre de six depuis mai 2018, s’inscrivent dans le cadre des actions 12 et 13 du projet « BEPS » sur l’échange d’informations et certaines documentations (celle relative au prix de transfert et la déclaration pays par pays). Peuvent notamment être mentionnées ;

– la directive « DAC 2 » sur l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers ([248]) ;

– les directives « DAC 3 » et « DAC 4 » sur les échanges des rescrits fiscaux relatifs aux prix de transfert et des déclarations pays par pays ([249]) ;

– la récente directive « DAC 6 » du 25 mai 2018 sur la déclaration des montages transfrontières à risque et leur échange entre administrations ([250]).

● Le groupe « Code de conduite (fiscalité des entreprises) », créé par le Conseil de l’Union européenne le 9 mars 1998, préconise depuis novembre 2014 l’application de l’approche « nexus » en matière d’imposition préférentielle des revenus tirés de la cession ou de la concession d’actifs incorporels.

3.   La qualification du régime préférentiel français de régime fiscal dommageable et sa nécessaire évolution

Lors de l’examen des régimes fiscaux identifiés comme susceptibles d’être dommageables au regard des critères posés à l’action 5 du projet « BEPS », l’OCDE a considéré que le régime français d’imposition des revenus tirés d’actifs incorporels était dommageable ([251]), supposant de le faire évoluer.

a.   Le caractère dommageable du régime français

● Le rapport de l’OCDE du 4 décembre 2017 présentant l’état de l’examen de la situation de plusieurs pays a conclu au caractère dommageable du régime français d’imposition des revenus tirés d’actifs incorporels.

Ce caractère dommageable repose, pour l’essentiel, sur l’absence d’application de l’approche « nexus ».

Par ailleurs, et dans une moindre mesure par rapport à l’absence d’approche « nexus », l’OCDE conteste l’application du régime français aux inventions brevetables non brevetées dans la mesure où les exigences de transparence requise par l’OCDE et les échanges d’information sur les entreprises concernées font défaut.

● L’Union européenne, plus exactement le groupe « Code de conduite (fiscalité des entreprises) » a également jugé le régime français dommageable au motif qu’il ne respecte pas l’approche « nexus » ([252]).

b.   La suppression programmée des régimes incompatibles avec l’approche « nexus »

Pour l’OCDE, tout régime fiscal ne respectant pas l’approche « nexus » doit évoluer pour ne plus être dommageable.

● Pour les régimes de juridictions membres du Forum sur les pratiques fiscales dommageables qui ont été pré-identifiés dans le rapport final précité de l’action 5 publié en 2015, l’OCDE définit une clause de sauvegarde :

– aucun nouveau contribuable ne peut bénéficier d’un régime jugé dommageable après le 30 juin 2016 ;

– le maintien des droits acquis est permis pendant une période maximale de cinq ans, soit jusqu’au 30 juin 2021 au plus tard.

Toutefois, pour que cette clause soit applicable, il faut que le régime dommageable ait fait l’objet d’une correction suffisamment tôt, c’est-à-dire avant juillet 2016.

L’OCDE prévoit aussi des mesures particulières au titre de la transition entre ancien et nouveau régime :

– pour le calcul du « ratio nexus », la prise en compte des dépenses antérieures peut être limitée à trois ans, c’est-à-dire au premier exercice de mise en œuvre du nouveau régime et aux deux précédents ;

– l’entreprise, dans le cadre de cette période transitoire, peut faire masse des actifs, sans être obligée de réaliser un suivi fin par actif ou familles de produits ([253]).

● De nombreux pays ont déjà tiré les conséquences de l’approche « nexus » et ont fait évoluer en conséquence leur législation nationale. Peuvent être mentionnés à titre d’exemple :

– dès 2015, l’Italie a introduit une exonération partielle des revenus tirés de l’exploitation d’actifs incorporels qui s’inscrit dans le cadre préconisé par l’OCDE à travers l’application aux revenus d’un ratio reposant sur le rapport entre les dépenses de recherche liés à l’actif et la totalité des dépenses de production de l’actif. Une nouvelle évolution apportée récemment a conduit le régime italien à ne plus être considéré comme dommageable par l’Union européenne ;

– en 2016, le Luxembourg a supprimé son régime préférentiel (dès le 1er juillet 2016 pour les nouveaux entrants, à compter de 2021 au titre des actifs antérieurs au 1er juillet 2016) ;

– l’Espagne, également en 2016, a réformé son régime en prévoyant un ratio assis sur la participation effective de l’entreprise au développement des actifs ;

– toujours en 2016, l’Irlande a mis en place un régime fiscal préférentiel prévoyant un taux d’imposition de 6,25 % (soit la moitié du taux normal de l’IS irlandais), dans le cadre duquel le revenu éligible à ce taux réduit est calculé en prenant en compte les dépenses de recherche engagées en Irlande et le total des dépenses de recherche ;

– les Pays‑Bas, en 2017, ont réformé le régime fiscal applicable pour limiter la part des revenus éligibles au taux réduit de 5 % lorsque les travaux de recherche et développement sont réalisés par des entreprises liées.

Plus généralement, le rapport d’étape précité publié le 16 octobre 2017 montre que 93 des 99 régimes fiscaux supposant une correction ont évolué de façon positive ([254]).

Pour M. Pascal Saint‑Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, « [les] juridictions concernées travaillent déjà à la suppression des pratiques fiscales dommageables dans leurs régimes préférentiels. Concrètement, près de 95 % des régimes qui appelaient une action corrective ont déjà été modifiés, ou sont en train de lêtre » ([255]).

● Compte tenu du caractère dommageable du régime français, ce dernier doit évoluer, afin d’être en adéquation avec les lignes posées par l’OCDE et ne plus être propice à des abus et des schémas d’évasion fiscale.

Le Conseil des prélèvements obligatoires appelait d’ailleurs dès 2016 à une réforme de ce régime pour que la France se conforme à l’approche « nexus » ([256]).

c.   L’appréciation parfois surprenante des régimes dommageables par l’OCDE

Dans le cadre de l’action 5 du projet « BEPS », de nombreux régimes fiscaux ont été évalués par l’OCDE, de façon poussée.

● Un tel travail est opportun, et même nécessaire. Néanmoins, certaines des conclusions tirées de cette évaluation peuvent apparaître étonnantes, ainsi qu’en témoigne la carte ci-après, qui fait état de l’appréciation portée sur les régimes fiscaux étudiés : seule la France est marquée du sceau de l’iniquité fiscale ; la Turquie et l’Italie sont identifiées comme abritant chacune un régime partiellement dommageable, qui n’est plus en vigueur depuis 2017 dans les deux cas ; la Jordanie, au titre de son régime des zones franches, a un régime potentiellement dommageable.

 


Régimes fiscaux dommageables selon l’action 5 du projet « BEPS » de l’OCDE

Légende : vert ; régime non dommageable. Orange : régime potentiellement dommageable. Rouge : régime dommageable.

Source : OCDE.


—  1  —

Le tableau suivant, en lien avec la carte qui précède, dresse la liste des pays jugés par l’OCDE comme dépourvus de régime dommageable mais figurant sur l’une des listes européennes des juridictions non coopératives (liste noire ou liste grise, qui est composée des juridictions sous surveillance) au motif qu’elles appliquent des règles fiscales dommageables (les régimes offshore étant une sous-catégorie de telles règles) ([257]).

Juridictions évaluées par l’Union européennes
et dépourvues de régimes fiscaux dommageables SELON l’OCDE

Juridiction

Liste européenne

Motif dinscription

Andorre

Grise

Pratiques dommageables

Barbade

Grise (retrait de la liste noire en janvier 2018)

Pratiques dommageables

Bermudes

Grise

Régime offshore

Botswana (1)

Grise

Pratiques dommageables

Îles Caïmans

Grise

Régime offshore

Corée du Sud

Grise (retrait de la liste noire en janvier 2018)

Pratiques dommageables

Curaçao

Grise

Pratiques dommageables

Hong Kong

Grise

Pratiques dommageables

Jersey

Grise

Régime offshore

Jordanie

Grise

Pratiques dommageables

Liechtenstein

Grise

Pratiques dommageables

Macao

Grise (retrait de la liste noire en janvier 2018)

Pratiques dommageables

Malaisie

Grise

Pratiques dommageables

Île de Man

Grise

Régime offshore

Île Maurice

Grise

Pratiques dommageables

Panama (1)

Grise (retrait de la liste noire en janvier 2018)

Pratiques dommageables

Saint-Marin

Grise

Pratiques dommageables

Seychelles

Grise

Pratiques dommageables

Îles Turques-et-Caïques

Grise

Régime offshore

Trinité-et-Tobago (2)

Noire

Pratiques dommageables

Uruguay

Grise

Pratiques dommageables

Îles Vierges britanniques

Grise

Régime offshore
Pratiques dommageables

(1) Figure sur la liste française des États et territoires non coopératifs.

(2) Figure sur la liste noire de l’OCDE.

Source : OCDE, Conseil de l’Union européenne.

À l’exception de la Jordanie, qui détient un régime potentiellement dommageable selon l’OCDE, toutes les juridictions identifiées par l’Union européenne comme appliquant des pratiques dommageables, notamment des régimes offshore, sont considérées par l’OCDE comme dépourvues de régimes dommageables.

Pourtant, parmi celles figurant dans le tableau qui précède, nombreuses sont les juridictions réputées pour leur extrême bienveillance fiscale. Rappelons à titre d’exemple que les Bermudes ont rendu possible les montages abusifs du type « double irlandais » (« double Irish »), et que cinq des juridictions mentionnées se trouvaient inscrites sur la première liste européenne du 5 décembre 2017 au titre de manquement à l’équité fiscale : il ne reste désormais que Trinité-et-Tobago, qui figure par ailleurs sur la « liste » noire de l’OCDE – qui ne compte qu’une seule juridiction.

Le blanc-seing donné à l’île Maurice peut d’ailleurs surprendre compte tenu de sa régulière citation devant les commissions parlementaires par M. Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE ([258]).

Plus généralement, ce tableau montre qu’un grand nombre de pays tolérés par l’OCDE sont considérés par l’Union européenne comme abritant des régimes dommageables. S’ils sont sur la liste grise européenne, c’est qu’ils se sont engagés à faire évoluer leurs règles – ce dont il faut se féliciter –, mais il n’en reste pas moins surprenant que l’appréciation portée en 2018 par l’Union européenne diffère autant de celle réalisée par l’OCDE en 2017 et 2018.

D’autres pays pourraient être mentionnés, tels que Malte. Rappelons en effet que, malgré le taux affiché d’IS de 35 %, Malte n’impose qu’à un taux de 5 % les bénéfices des entreprises étrangères qui y sont implantées, si ces bénéfices sont réalisés à l’étranger.

Cela répond à la définition d’un régime offshore, notion considérée par l’Union européenne comme suffisamment dommageable pour en faire un critère propre dans l’appréciation des juridictions non coopératives. Le Gouvernement et le législateur français perçoivent également les régimes offshore comme constitutif du manquement le plus grave à l’équité fiscale, dans la mesure où, dans le cadre de l’intégration en droit français de la liste européenne des juridictions fiscales non coopératives, il est prévu que seules celles y figurant au motif qu’elles appliquent un régime offshore se voient appliquer la totalité des contre-mesures françaises ([259]).

● La dernière mise à jour parue de l’évaluation des régimes fiscaux au titre de l’action 5 du projet « BEPS », en date du 9 mai 2018, n’est pas de nature à dissiper la légitime circonspection qui peut naître de la présentation des éléments précités ([260]).

Certains régimes semblent en effet bénéficier d’une évaluation plutôt bienveillante :

– le régime fiscal applicable aux plateformes commerciales du Chili est jugé « potentiellement mais pas effectivement dommageable » ;

– il en va de même pour la Géorgie s’agissant de son régime des sociétés de financement international et de celui des sociétés spécialisées dans les technologies de l’information ;

– les Seychelles sont considérées comme ayant un régime applicable aux activités d’assurances revêtant un caractère potentiellement mais pas effectivement dommageable, du fait de son cantonnement ;

– pour la Chine, le taux réduit applicable aux entreprises de hautes et nouvelles technologies « nest pas techniquement compatible avec lapproche du lien » mais a été considéré comme équivalent du fait de ses caractéristiques et de « la volonté de la Chine de fournir des informations complémentaires » ([261]).

● Ces comparaisons et précisions n’ont naturellement pas pour objet ni pour effet de jeter l’opprobre sur tel ou tel pays, surtout si ces pays font évoluer leurs régimes nationaux dans le sens d’une meilleure justice fiscale. Là est le but principal : plutôt que de vouer aux Gémonies les pays qui se livrent à des pratiques fiscales dommageables, mieux vaut voir ces dernières s’éteindre.

Il n’en reste pas moins certain que le premier coup dœil à la carte de lOCDE et une étude plus approfondie de son contenu ne laissent pas détonner ; pour l’OCDE, en l’état, un seul pays aurait des pratiques fiscales dommageables avérées : la France, au titre de son régime fiscal des incorporels.

En faisant ce constat, le Rapporteur général nentend en aucun cas remettre en cause la pertinence de lapproche « nexus » ni le caractère potentiellement dommageable du régime français actuel. Ce dernier, cela a été dit, peut conduire à octroyer un avantage fiscal sans que l’entreprise qui en bénéficie ait participé au développement de l’actif permettant l’avantage considéré.

Lapproche « nexus » est pertinente, et sa mise en œuvre en France, à laquelle procède le présent article, est opportune et bienvenue.

Le constat fait vise en réalité à montrer qu’il semble exister un hiatus quelque peu déconcertant entre la réalité ressentie par la plupart des observateurs et constatée par l’Union européenne, et l’appréciation portée par l’OCDE.

En conséquence, et ainsi qu’il sera vu, il ne paraît pas impossible ni absurde de faire évoluer sur certains points le dispositif proposé, sans pour autant en modifier léquilibre général reposant sur lapproche « nexus » qui, répétons-le, est tout à fait pertinente.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article met le régime fiscal des actifs incorporels en conformité avec les recommandations de lOCDE et de l’Union européenne, en retenant l’approche « nexus ».

L’évolution est bienvenue et alignera la pratique fiscale française avec les ambitions de notre pays dans la lutte contre l’évasion fiscale. Elle doit toutefois être faite en préservant les intérêts économiques de la France.

A.   La mise en conformité avec les préconisations de l’OCDE : la consécration en droit français de l’approche « nexus »

Le cœur du dispositif réside dans le 15° du I du présent article, qui rétablit larticle 238 du CGI. Cet article 238 définit le régime d’imposition des produits tirés de la cession, de la concession et de la sous-concession de certains actifs incorporels, dont la liste est différente de celle en vigueur. L’article 223 H du CGI est lui aussi rétabli : il s’agit d’un miroir de l’article 238 pour les groupes fiscalement intégrés.

D’une manière générale, les principaux aspects du nouveau régime proposé sont :

– son caractère optionnel et non plus automatique ;

– lintégration de lapproche « nexus », conduisant à la fois à modifier le résultat à prendre en compte et à appliquer à ce dernier le « ratio nexus » pour déterminer l’assiette imposable au taux réduit ;

– la modification du périmètre des actifs éligibles.

1.   Un régime optionnel portant sur tout ou partie des actifs

● Ainsi qu’il ressort du premier alinéa du I de larticle 238 rétabli du CGI, le nouveau régime préférentiel est optionnel : « Les entreprises (…) peuvent (…). »

Ce caractère optionnel est expressément consacré au V de cet article 238, qui précise les modalités d’exercice de l’option : cette dernière doit être réalisée au moment du dépôt de la déclaration de résultat de l’entreprise au titre de l’exercice pour lequel elle est censée s’appliquer.

Ainsi, pour une entreprise assujettie à l’IS et dont l’exercice coïncide avec l’année civile, l’option au titre d’un exercice N doit être faite au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai N + 1 (en application de l’article 223 du CGI).

● L’option pour l’application du régime préférentiel, dans sa nouvelle version, peut porter, au choix de l’entreprise :

– sur un actif ;

– sur plusieurs actifs qui concourent à la production du même bien ou service ;

– sur plusieurs actifs qui concourent à la production d’une famille de biens ou services.

Si le choix ne porte pas sur un actif, il doit être justifié : l’entreprise doit démontrer qu’il lui est impossible de réaliser un suivi :

– par actif, si elle a choisi d’opter pour plusieurs actifs concourant à la production du même bien ou service ;

– par bien ou service, si elle a choisi d’opter pour plusieurs actifs concourant à la production d’une famille de biens ou services.

Il est rappelé que cette obligation de suivi et les modalités de ce dernier sont prévues dans le rapport final de l’action 5 du projet « BEPS », ainsi qu’il a été vu à l’occasion de la présentation de cette dernière.

L’option n’est pas irrévocable : l’entreprise peut décider de ne plus l’exercer au titre d’un exercice ultérieur. Dans une telle hypothèse, toutefois, le bénéfice du régime préférentiel est définitivement perdu pour l’actif concerné, ainsi qu’il ressort du second alinéa du V de larticle 238 rétabli.

● Au titre de la transition entre le régime actuel et le régime proposé, et comme le permet l’approche « nexus », une dérogation au suivi actif par actif ou famille de produits par famille de produits est prévue au  du III du présent article.

Cette dérogation consiste à permettre aux entreprises qui le souhaiteraient, pour les exercices ouverts en 2019 et en 2020, de ne retenir que les dépenses afférentes à chacun de ces exercices et aux deux précédents :

– pour 2019, seront concernés les exercices 2017, 2018 et 2019 ;

– pour 2020, seront concernés les exercices 2018, 2019 et 2020.

Par ailleurs, ces dépenses seraient appréciées globalement, et non actif par actif ou famille par famille.

Cette souplesse assure une entrée dans le nouveau régime sans heurts, en évitant d’imposer dès les premières années d’application du dispositif une charge administrative trop lourde, et en laissant aux entreprises le temps de se familiariser avec l’approche « nexus » et ses modalités.

2.   Les actifs éligibles au nouveau régime préférentiel

L’article 238 rétabli dresse, à son I, les actifs dont les produits de cession ou de concession peuvent être imposés au titre du régime préférentiel. Sont concernés ;

– les brevets (1° du I) ;

– les certificats d’obtention végétale (2° du I) ;

– les logiciels protégés par le droit d’auteur (3° du I) ;

– les procédés de fabrication qui constituent l’accessoire d’une opération de recherche, sont l’accessoire indispensable de l’exploitation d’une invention brevetée et font l’objet d’une licence d’exploitation unique avec celle-ci ( du I).

a.   Le maintien dans le champ d’application du régime des brevets, procédés de fabrication et certificats d’obtention végétale

Les brevets et procédés de fabrication étaient déjà mentionnés au 1 de l’article 39 terdecies du CGI.

S’agissant des certificats d’obtention végétale, ils étaient également éligibles au régime préférentiel en vertu de l’article 238 bis G du même code. Dans la mesure où ces certificats se trouvent désormais expressément mentionnés à l’article précisant le régime d’imposition préférentiel, le maintien de cet article 238 bis G ne se justifie plus. Le 16° du I du présent article l’abroge donc en conséquence.

Les certificats d’utilité devraient également être inclus dans le périmètre du 1° du I de l’article 238 rétabli, dès lors que les conditions de brevetabilité sont remplies. Il s’agit en effet d’un titre de propriété intellectuelle, dont la valorisation est d’ailleurs souhaitée par le Gouvernement dans le cadre du PACTE.

b.   L’extension opportune du régime aux logiciels originaux

L’inclusion des logiciels est une nouveauté opportune qui se doit d’être saluée, et qui correspond aux recommandations faites par la mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale relative à l’évasion fiscale internationale des entreprises : la proposition 4 de cette mission suggérait en effet d’inclure les logiciels dans le champ du nouveau régime ([262]).

Dans le cadre du régime actuel, ils n’étaient pas éligibles au régime préférentiel pour les entreprises : seuls les inventeurs personnes physiques, en vertu de l’article 93 quater du CGI, pouvaient prétendre à l’application de ce régime au titre des produits de cession des droits de leurs logiciels originaux (conduisant à une imposition séparée au taux de 12,8 % en application de l’article 39 quindecies et du 4 de l’article 158 du CGI, ainsi qu’il a été vu).

Les logiciels concernés doivent répondre à deux conditions pour que les revenus qu’ils dégagent bénéficient du régime préférentiel :

– être protégés par le droit d’auteur, ce qui est cohérent avec l’économie du régime qui est de réserver son application aux inventions nouvelles, utiles et non évidentes. Il s’agit d’ailleurs d’une condition posée par l’OCDE ;

– ne pas avoir généré de revenu avant le 1er janvier 2019. Cette frontière temporelle vise à éviter tout effet d’aubaine consistant, pour une entreprise, à bénéficier du taux réduit au titre d’un logiciel qu’elle a déjà développé et commercialisé alors que le taux réduit n’était pas applicable.

c.   L’exclusion regrettable des inventions brevetables non brevetées

Parallèlement à l’inclusion dans le champ du nouveau régime préférentiel des logiciels protégés par le droit d’auteur, le dispositif proposé procède à l’exclusion des inventions brevetables qui ne sont pas brevetées.

Ces inventions, ainsi qu’il a été vu, sont dans le champ du régime actuel. Leur exclusion vise à reprendre les lignes fixées par l’OCDE qui subordonnent leur prise en compte à la mise en œuvre d’un dispositif de traçabilité transparent et à leur cantonnement aux seules entreprises dont le chiffre d’affaires mondial du groupe auquel elles appartiennent n’excède pas 50 millions d’euros.

i.   Une exclusion difficilement justifiable au regard de l’encadrement strict de la notion d’inventions brevetables et des capacités étendues de contrôle de l’administration

Cette exclusion ne paraît pas évidente. En effet, et comme cela a été longuement établi à l’occasion de la présentation du régime actuellement en vigueur, les inventions brevetables non brevetées correspondent à une notion strictement définie par la loi à travers de nombreux articles du code de la propriété intellectuelle.

Pas moins de huit pages du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) précisent par ailleurs cette notion, fournissant de nombreux exemples pour chacune des conditions auxquelles les inventions, pour être considérées comme brevetables, doivent répondre, ainsi que des illustrations des inventions qui ne relèvent pas de cette catégorie. L’accent est également mis sur les modalités de contrôle dont l’administration fiscale dispose pour apprécier, au titre de ces inventions, leur caractère brevetable et donc leur éligibilité au régime préférentiel en vigueur.

L’administration, pour s’assurer que l’invention est bien brevetable, peut solliciter de la part de l’entreprise la production de documents complets sur les travaux de recherche effectués et sur l’absence de divulgation de l’invention.

Elle peut en outre, en vertu de l’article L. 103 A du livre des procédures fiscales (LPF), solliciter l’assistance d’un expert pour l’appuyer dans le cadre de ces vérifications.

Ces dispositions ne sont pas remises en cause par le dispositif proposé qui, au demeurant, sera de nature à accentuer les capacités de contrôle de l’administration. En effet, et ainsi qu’il sera vu, le présent article introduit une nouvelle obligation documentaire à la charge des entreprises qui devront, notamment, contenir « une liste et une description détaillées de chacun des actifs » ([263]).

ii.   Une exclusion inopportune d’un point de vue économique

Le fait, pour une entreprise, de ne pas breveter une invention qu’elle a mise au point répond soit à des considérations de charge administrative et financière (procédure parfois complexe, redevances annuelles dues à l’INPI), soit – et tel est généralement le cas s’agissant des multinationales – à des considérations de stratégie économique.

Cela a été dit, la réalité de la vie des affaires, la concurrence accrue dans un contexte d’économie mondialisée et la facilité et la rapidité de circulation des informations peuvent conduire une entreprise à vouloir conserver vis‑à‑vis de ses concurrentes le secret d’une innovation qu’elle juge déterminante.

Les brevets offrent certes une protection juridique face à l’exploitation abusive d’une invention, mais ils n’empêchent pas, dans les faits, les contrefaçons ou le pillage intellectuel et économique par des concurrents peu scrupuleux du respect des règles.

Il serait donc cohérent avec la réalité économique d’inclure dans le champ du nouveau régime les inventions brevetables qui n’ont pas fait l’objet d’une demande de brevet et qui ne sont pas brevetées.

iii.   L’inclusion des inventions brevetables non brevetées ne conduirait pas à rendre le régime effectivement dommageable

Il ne s’agit en effet nullement de méconnaître les recommandations de l’OCDE et de l’Union européenne tendant à accroître l’équité fiscale et à subordonner le bénéfice d’avantages fiscaux à des activités substantielles. La mise en œuvre de ces recommandations est non seulement opportune, mais également nécessaire, et c’est précisément ce à quoi le présent article s’emploie à travers la transposition en droit français de l’approche « nexus » qui, répétons-le, est bienvenue et présente une pertinence difficilement contestable.

● En revanche, inclure les inventions brevetables non brevetées ne paraît pas conduire à faire du régime français une pratique dommageable au sens de l’action 5 du projet « BEPS » :

– la notion est précisément et rigoureusement définie, ne laissant aucune place à l’arbitraire ou n’étant pas propice aux abus ;

– les moyens de contrôle sont clairs et étendus, excluant tout risque d’opacité, conformément aux exigences de l’OCDE en matière de traçabilité transparente ;

– l’approche « nexus » serait bien évidemment appliquée aux revenus dégagés par de tels actifs, dans le plus pur respect des lignes fixées par l’OCDE et reprises par l’Union européenne.

Dès lors, les risques d’octroyer indûment un avantage fiscal au titre d’un actif de propriété intellectuelle, alors que l’entreprise n’a pas participé au développement de l’actif (ou d’octroyer cet avantage sans tenir compte du degré de participation de ladite entreprise) disparaissent : la mise en œuvre de l’approche « nexus » prémunit le régime contre tout danger à cet égard.

● Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les règles de l’OCDE n’ont pas de valeur normative obligatoire, mais relèvent du « droit mou ». En posant ce constat, le Rapporteur général n’appelle en aucun cas, bien évidemment, à faire fi des lignes posées par l’organisation internationale, bien au contraire et ainsi qu’en témoigne le soutien appuyé à la consécration de l’approche « nexus ».

Ce constat a simplement pour objectif de montrer que la seule réaction possible qui pourrait toucher la France serait d’ordre politique, et non juridique.

Or, il serait pour le moins étonnant que l’OCDE dénonce la France ou émette des critiques à son égard sous l’angle des pratiques dommageables alors que, répétons-le, rien dans l’inclusion des inventions brevetables non brevetées ne serait constitutif d’une pratique dommageable susceptible de conduire à attraire artificiellement en France des bénéfices et à éroder l’assiette fiscale d’une autre juridiction.

La finalité de l’action 5 et son esprit doivent être pris en compte, et seraient parfaitement respectés avec l’inclusion de ces inventions.

● Notons en outre que, dans son évaluation des régimes fiscaux préférentiels, l’OCDE qualifie plusieurs régimes de « potentiellement mais pas effectivement dommageable[s] » (plusieurs illustrations ont été fournies précédemment), et donne son blanc-seing au régime chinois d’imposition des entreprises de hautes et nouvelles technologies au motif que ce dernier, bien que ne mettant pas en œuvre l’approche « nexus », y serait équivalent et que la Chine aurait manifesté la volonté de fournir des informations complémentaires.

Dans de telles conditions, comment imaginer raisonnablement que le régime français tel que proposé par le présent article, même s’il incluait des inventions brevetables non brevetées, puisse être vu comme dommageable ? Il ne serait pas seulement « équivalent » à l’approche « nexus », mais lui serait conforme, et serait dépourvu d’effectivité dommageable.

● Enfin, la volonté de la France de lutter avec la plus grande fermeté contre les pratiques fiscales dommageables, qu’elles soient mises en œuvre par les contribuables ou qu’elles émanent de certaines juridictions fiscales, ne saurait être remise en cause un seul instant.

La France est à la pointe du combat mondial contre l’évasion et la fraude fiscales, ce que traduit sans ambiguïté sa législation nationale et ses initiatives européennes et internationales. Son rôle moteur dans les négociations européennes, son activité prononcée au titre des travaux de l’OCDE, récemment démontrée par la Convention multilatérale signée à Paris le 7 juin 2017, sont autant d’éléments qui témoignent sans réserve possible de l’ambition française d’une plus grande justice fiscale mondiale.

Il serait donc pour le moins surprenant que la simple inclusion des inventions brevetables non brevetées assortie de toutes les garanties et précautions requises soit susceptible de conduire la France au ban des nations vertueuses fiscalement.

iv.   L’éventuelle création d’une nouvelle procédure de « brevet non public »

Si le Rapporteur général considère que les inventions brevetables non brevetées doivent pouvoir être éligibles au nouveau régime préférentiel, il est conscient des difficultés politiques potentielles qu’une méconnaissance de la lettre des recommandations de l’OCDE pourrait entraîner – bien que l’esprit de ces recommandations, lui, ne serait pas violé et que l’inclusion de ces actifs ne serait pas dommageable, comme il a été vu.

Aussi, une solution consensuelle, satisfaisant à la fois les exigences de l’OCDE et la nécessaire préservation des intérêts français, pourrait consister en la création dune nouvelle procédure de brevet, sans la publicité actuellement prévue.

Cette procédure offrirait les mêmes garanties que celle qui existe actuellement mais, et là serait tout l’intérêt, elle ne déboucherait pas sur la publicité de l’invention pour garantir le secret de celle-ci vis-à-vis des concurrents.

d.   Les opérations éligibles au nouveau régime préférentiel

Si une lecture rapide de l’article 238 rétabli peut sembler cantonner le nouveau dispositif aux seules concessions, il n’en est rien.

Le I de cet article 238 porte certes uniquement sur la concession de la licence d’exploitation d’un tel actif, mais les VI et VII dudit article étendent expressément son champ aux sous-concessions et aux cessions.

Aux termes du VI de larticle 238, l’imposition du résultat d’une sous‑concession est éligible au régime préférentiel, selon les mêmes modalités que celles prévues pour une concession. Une différence logique doit toutefois être relevée : le résultat de la sous-concession doit être diminué des redevances versées par l’entreprise sous-concédante à l’entreprise concédante.

À défaut de précisions contraires, l’application du régime préférentiel aux sous-concessions ne serait plus subordonnée à l’absence de bénéfice dudit régime par l’entreprise initialement concédante (à la différence du droit en vigueur).

Le VII de larticle 238, quant à lui, prévoit l’application du nouveau régime à la plus-value tirée de la cession d’un actif éligible, sous réserve que les deux conditions suivantes soient remplies :

– l’actif ne doit pas avoir été acquis depuis moins de deux ans ;

– l’entreprise cédante ne doit pas avoir de lien de dépendance avec l’entreprise cessionnaire au sens du 12 de l’article 39 du CGI.

Ces conditions n’ont rien d’inédit : elles figurent actuellement aux 1° et 2° du 1 de l’article 39 terdecies du CGI.

3.   La consécration de l’approche « nexus » : les nouvelles modalités de détermination de l’assiette imposable

Principale nouveauté et essence même du dispositif proposé, les II et III de larticle 238 rétabli consacrent en droit français l’approche « nexus » de l’OCDE, qui repose sur l’approche en deux temps présentée lors de l’étude des recommandations de l’OCDE : d’abord, déterminer le résultat net ; ensuite, lui appliquer le « ratio nexus ».

a.   La détermination du résultat net

● Le résultat net, c’est-à-dire celui auquel le « ratio nexus » sera appliqué pour aboutir à l’assiette imposable au titre du régime préférentiel, est défini au  du II de larticle 238 rétabli.

Il correspond, au titre d’un exercice N, à la différence entre :

– les revenus tirés des actifs éligibles au régime préférentiel au cours de l’exercice N ;

– et les dépenses de recherche et développement directement liées aux actifs considérés qui ont été engagées au cours de l’exercice N. Ces dépenses peuvent avoir été engagées directement par l’entreprise, ou indirectement à travers des entreprises liées.

Rappelons que ces revenus et dépenses doivent être appréciés, selon les configurations, actif par actif ou de façon plus globale, produit ou famille de produits par produit ou famille de produits.

Illustration du calcul du résultat net au titre d’un exercice N

Au cours d’un exercice N, une société A assujettie à l’IS et qui a concédé une licence d’exploitation d’un brevet dont elle est titulaire tire, au titre de cette concession, des redevances d’un montant de 200.

Lors du même exercice, cette société A et les sociétés qui lui sont liées engagent, au titre du brevet concerné, des dépenses de 40.

Le résultat net, tel que défini au II de l’article 238 rétabli, correspond donc à la différence entre 200 et 40 : il est de 160.

● Le même 1° du II de l’article 238 prévoit des règles particulières pour la détermination du résultat net pris en compte pour le premier exercice au titre duquel ce résultat net est calculé (le terme de « revenu net » est ici utilisé : il serait sans doute préférable, par souci de cohérence sémantique, de lui substituer celui de « résultat net » employé dans le reste du dispositif proposé).

Au titre de ce premier exercice, est réalisée la « capture », c’est-à-dire la prise en compte des dépenses antérieurement engagées et directement liées à la création, l’acquisition et le développement de l’actif.

Cette « capture » conduit donc à minorer les revenus tirés de l’actif de façon potentiellement substantielle, dans la mesure où toutes les dépenses de recherche et développement ayant conduit à ce que l’actif existe peuvent être prises en compte.

Ces deux points, à savoir la minoration des revenus perçus par les dépenses de recherche engagées, d’une part, et la « capture » des dépenses antérieurement réalisées, d’autre part, constituent une différence substantielle avec le régime actuel. Dans le cadre de ce dernier, en effet, les dépenses de recherche ne sont pas déduites des revenus tirés de l’actif : seuls les frais de gestion le sont.

Cette différence résulte directement de l’approche « nexus » de l’OCDE, qui précise que le « revenu global » à prendre en compte n’est pas le revenu brut tiré de l’actif, mais bien le revenu minoré des dépenses de recherche.

Le dispositif proposé comporte une très importante précision : la « capture » réalisée au titre du premier exercice est temporellement limitée aux exercices ouverts à compter de la date de loption pour le régime préférentiel. En conséquence, si toutes les dépenses de recherche et de développement sont réalisées avant cette option, elles ne seront pas prises en compte pour la détermination du résultat net du premier exercice au titre duquel un revenu est dégagé.

Illustration de la « capture » et de la détermination ultérieure du résultat net

Une société A développe un actif de propriété intellectuelle au cours des exercices N à N + 4, engageant à cet effet des dépenses pour un montant total de 500.

Elle exerce l’option prévue au V de l’article 238 rétabli au titre de l’exercice N + 5, au cours duquel elle engage des dépenses de 100.

L’actif génère ses premiers revenus de 300 au cours de l’exercice N + 6, qui a également vu la société A dépenser en lien direct avec ledit actif des dépenses de 70.

Pour déterminer le résultat net de l’exercice N + 6 éligible au régime préférentiel, la société A devra soustraire de ses revenus de 300 un total de 100 (dépenses engagées en N + 5) et 60 (dépenses engagées en N + 6), soit 160.

Le résultat net s’établit donc à 140.

Au titre de l’exercice suivant N + 7, l’actif dégage un revenu de 350 pour des dépenses directement liées de 70.

Le résultat net au titre de cet exercice sera donc de 350 – 70 = 280 (seules les dépenses de l’exercice sont retenues).

S’il peut paraître regrettable que, pour déterminer le résultat net, les revenus soient diminués des dépenses de recherche – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui –, il semble nécessaire de rappeler que lesdites dépenses viennent également en déduction pour la détermination du résultat imposable global de l’entreprise. Ces dépenses diminuent donc l’assiette imposable au taux normal, ce qui réduit la charge fiscale due par l’entreprise.

Par ailleurs, ces dépenses de recherche sont également prises en compte pour le calcul de l’assiette du CIR : plus elles sont élevées, plus cette assiette sera importante et plus le CIR portera sur un montant conséquent.

Dès lors, l’apparent désavantage induit par le dispositif proposé doit être relativisé.

● La rédaction proposée paraît contenir une imprécision : la limite temporelle de la « capture » est définie comme « les exercices ouverts à compter de la date à laquelle loption […] est exercée », les dépenses réalisées antérieurement ne pouvant être prises en compte.

Or, ainsi qu’il a été vu, cette option est exercée au moment du dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice au titre duquel le régime s’appliquera, et est donc nécessairement postérieure au dit exercice (d’un peu plus de quatre mois s’il coïncide avec l’année civile, d’un peu plus de trois mois sinon).

Dès lors, les « exercices ouverts à compter de la date à laquelle loption pour le présent régime est exercée » n’incluent, en toute rigueur, ni l’exercice au titre duquel elle est exercée ni le suivant. En l’état de la rédaction du dispositif, pour une option exercée au titre d’un exercice N, la « capture » serait limitée aux dépenses engagées à partir de l’exercice N + 2, premier exercice ouvert à compter de la date de cette option.

Il s’agit toutefois d’une lecture littérale du dispositif. Il est probable – et particulièrement souhaitable dans un souci d’intelligibilité – que, dans le cadre de son application par l’administration, une souplesse correspondant à l’intention manifeste du Gouvernement et du législateur prolongera la « capture » jusqu’à l’exercice concerné par l’option.

● Indépendamment de ces considérations, il est indéniable que le moment d’exercice de l’option revêtira un caractère stratégique pour l’entreprise.

Exercée trop tôt, elle risque de voir son résultat net substantiellement amputée de dépenses de recherche encore conséquentes.

Exercée plus tardivement, elle bénéficiera d’une assiette élargie, le résultat net étant alors minoré de moindres dépenses.

Une entreprise pourrait ainsi juger économiquement et fiscalement pertinent d’opter pour le régime préférentiel bien après que son actif eut généré des revenus, pour limiter le plus possible les effets de la « capture », quitte à acquitter un montant d’impôt plus élevé du fait de l’application du taux normal à ces revenus antérieurs à l’option.

Les trois exemples qui suivent illustrent ces différentes configurations. Ils reposent tous sur l’hypothèse d’une entreprise qui engage des dépenses pour le développement d’un actif au cours d’un exercice N, cet actif commençant à générer des revenus à partir de l’exercice N + 2.

Exemple 1 : option exercée avant que lactif ne génère de revenu

L’entreprise opte au titre de l’exercice N + 1. Les revenus débutant en N + 2, la « capture » embrassera les dépenses de recherche et développement engagées en N + 1 et en N + 2.

Le schéma ci-après décrit ces modalités.

Source : commission des finances.

Exemple 2 : option exercée après que lactif génère des revenus

Dans cette hypothèse, l’entreprise exerce son option pour le régime préférentiel au titre de l’exercice N + 3, période à laquelle l’actif a déjà généré des revenus.

La « capture » se limite donc aux dépenses engagées au cours de l’exercice N + 3. Il s’agit selon toute vraisemblance de dépenses de perfectionnement et d’amélioration.

Les revenus perçus en N + 2, soit avant l’option, sont imposés au taux normal et non au taux réduit.

Ces modalités sont illustrées dans le schéma suivant.

Source : commission des finances.

Exemple 3 : option exercée au titre de lexercice de première génération de revenus

Ici, l’entreprise exerce l’option pour le régime préférentiel au titre de l’exercice au cours duquel les premiers revenus sont générés, soit N + 2.

La « capture » se limite aux dépenses engagées en N + 2.

Au titre de l’exercice N + 3, seules les dépenses engagées pendant cet exercice seront prises en compte pour la détermination du résultat net, la « capture » ne s’appliquant que pour le premier calcul de ce résultat, et non pour les suivants.

Le schéma ci-après illustre cela.

Source : commission des finances.

● Ces précisions apportées, il y a lieu de souligner ce qui pourrait apparaître comme un biais dans le dispositif proposé.

Chaque option ne porte que sur un actif déterminé ou une famille de biens ou services, et la « capture » est inévitablement associée au dit actif ou à ladite famille, tandis que les dépenses ultérieurement prises en compte sont celles de perfectionnement.

En conséquence, il suffirait à une entreprise qui a déjà développé un actif X d’engager des dépenses, non pour perfectionner ledit actif X, mais pour développer un actif Y voisin (voire dérivé) de X mais distinct de ce dernier, et pour lequel elle exerce l’option pour le régime relativement tardivement pour réduire au maximum les éléments minorant ses revenus.

À l’inverse, une entreprise qui ne dispose d’un actif breveté qui ne peut être dissocié ou diversifié à travers un brevet distinct – ce qui peut être le cas par exemple d’une molécule ou d’un algorithme – ne pourra bénéficier de la souplesse précédemment décrite et verra les revenus perçus au titre de chaque exercice amplement minorés des dépenses de recherche liées au perfectionnement et à l’entretien de l’actif en cause.

Pour le dire autrement, les secteurs dans lesquels les actifs éligibles peuvent être multipliés du fait de la diversité des produits seront vraisemblablement avantagés par rapport à ceux qui s’appuient, pour des raisons objectives et inévitables, sur un ou quelques actifs immuables.

● Enfin, le  du II de larticle 238 rétabli prévoit que, si le résultat net déterminé en application du 1° du même II est négatif, ce déficit est imputable sur les résultats nets des exercices futurs.

Aucune limite temporelle n’est posée, en revanche est prévue une « tunnellisation » de ces reports déficitaires : ils ne peuvent s’imputer que sur le résultat net tiré de l’actif ou de la famille de biens ou services concerné (en fonction de l’objet de l’option, selon qu’elle ait été exercée sur un actif individuel ou une famille de biens ou services – cf. supra).

Si ce dispositif apparaît de prime abord logique, il pourrait être vu comme susceptible de pénaliser les entreprises qui engagent d’importantes dépenses de recherche, non seulement du fait de la « capture » des dépenses antérieures, mais aussi du fait des dépenses courantes (telles celles de perfectionnement). En effet, le résultat négatif peut certes résulter de contre-performances économiques de l’actif, mais est également susceptible de trouver sa source dans un volume de dépenses de recherche important.

Dans une telle hypothèse, une entreprise pourrait ainsi voir son résultat net systématiquement annulé par les dépenses engagées et les reports de déficits, limitant voire éliminant l’assiette imposable au taux réduit – et élargissant de fait celle imposable au taux normal.

Toutefois, il est rappelé que ces dépenses sont déductibles du résultat imposé au taux normal : plus elles sont élevées, moins celui-ci est important.

b.   La détermination du résultat imposable : le calcul du « ratio nexus »
et son application au résultat net

Une fois le résultat net déterminé en application du II de l’article 238 rétabli selon les règles qui viennent d’être décrites, il reste, pour aboutir à l’assiette imposable au taux réduit, à lui appliquer le « ratio nexus », calculé conformément au III du même article.

Le calcul du « ratio nexus » prévu par le dispositif proposé obéit aux lignes de l’OCDE précédemment décrites. Il correspond en effet au rapport entre :

– d’une part, au numérateur, les dépenses éligibles, c’est-à-dire la somme ;

– d’autre part, au dénominateur, les dépenses totales c’est-à-dire la somme ;

La notion de « dépenses directement engagées par l’entreprise » correspondra pour l’essentiel aux dépenses réalisées par l’entreprise elle-même en France.

Les coûts relatifs aux terrains et aux bâtiments (coûts d’achat ou loyers) ainsi qu’aux emprunts (intérêts) ne sont pas retenus pour le calcul du « ratio nexus ». Cette exclusion est logique dans le cadre de l’approche « nexus » de l’OCDE : leur prise en compte pourrait conduire à majorer artificiellement le numérateur et donc le ratio, alors même que l’entreprise aurait externalisé l’intégralité de ses dépenses auprès d’entreprises liées ou n’auraient engagé aucune autre dépense que l’acquisition directe de l’actif.

● Le dernier alinéa du III de larticle 238 rétabli prévoit la majoration du numérateur autorisée par l’OCDE, c’est-à-dire la majoration de 30 % des dépenses éligibles, sans que son application ne puisse conduire à ce que le ratio soit supérieur à 100 %.

Le  du même III précise que les dépenses à prendre en compte pour le calcul du « ratio nexus » sont non seulement les dépenses engagées au cours de l’exercice au titre duquel le résultat net est calculé, mais aussi celles engagées antérieurement.

Cela permet de toujours tenir compte de l’exigence du lien entre bénéfice de l’avantage fiscal et engagement direct des dépenses. Sans une telle précision, en effet, une entreprise qui aurait externalisé auprès d’entreprises liées l’intégralité des dépenses de recherche pour le développement de l’actif mais qui, par la suite, réaliserait elle-même les dépenses courantes, bénéficierait d’un avantage indu : son « ratio nexus » ne refléterait pas la réalité de son engagement dans la création de l’actif. 

Ces considérations expliquent également l’absence de bornage temporel des dépenses retenues pour le calcul du ratio, c’est-à-dire l’absence de limitation de la prise en compte des dépenses aux seules dépenses à compter de l’option. Si un tel bornage était prévu, il serait propice à des pratiques d’optimisation abusives consistant à n’exercer l’option qu’une fois réalisées toutes les dépenses externalisées auprès d’entreprises liées, conduisant à un gonflement artificiel du ratio.

Le second alinéa du 2° du III prévoit toutefois une souplesse liée à l’entrée en vigueur du nouveau dispositif : si l’entreprise le souhaite, elle peut décider de ne tenir compte, pour le calcul du « ratio nexus », que des dépenses antérieures réalisées à partir des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, c’est-à-dire des dépenses engagées sous l’empire du nouveau dispositif.

Cette mesure de souplesse est bienvenue en ce qu’elle évite de pénaliser à l’excès des entreprises qui auraient externalisé auprès d’entreprises liées un important volume de dépenses de recherche avant l’application des nouvelles règles, à une époque où de telles pratiques ne venaient pas diminuer l’avantage fiscal attendu.

Elle prémunit ainsi le dispositif de tout effet rétroactif qui pourrait se révéler dommageable pour certaines entreprises.

Par ailleurs, cette souplesse ne paraît pas être de nature à inciter des comportements prédateurs : il semble en effet peu probable, eu égard à la réalité du fonctionnement économique des entreprises, que certaines d’entre elles décident sciemment de concentrer au maximum les dépenses externalisées auprès d’entreprises liées dans les trois derniers mois de l’année 2018.

Ce bornage temporel, toutefois, ne sera effectif qu’à compter de 2021, en application du  du III du présent article et en raison de l’exigence de l’OCDE d’une prise en compte des dépenses antérieures portant sur au moins trois exercices.

Illustrations du calcul du « ratio nexus »

NB : par souci de simplification, lentrée en vigueur à compter de 2021 de la limitation à 2019 du retour en arrière nest pas prise en compte ; cela aurait alourdi lexemple au détriment de sa lisibilité.

Une société A, pour le développement d’un actif, engage les dépenses suivantes en 2018 :

– 200 directement elle-même ;

– 100 auprès d’entreprises non liées ;

– 200 auprès d’entreprises liées.

En 2019, elle engage les dépenses suivantes :

– 250 directement elle-même ;

– 100 auprès d’entreprises non liées ;

– 150 auprès d’entreprises liées.

Cette société A exerce l’option au titre de l’exercice 2019, ayant tiré cette année-là de la concession de la licence d’exploitation de l’actif concerné un résultat net de 500.

● Le « ratio nexus » de droit commun correspond au rapport entre le total des dépenses éligibles et le total des dépenses totales.

Pour 2018 :

– les dépenses éligibles s’élèvent à 200 + 100 = 300.

– les dépenses totales s’élèvent à 300 + 200 = 500.

Pour 2019 :

– les dépenses éligibles s’élèvent à 250 + 100 = 350 ;

– les dépenses totales s’élèvent à 350 + 150 = 500.

Le « ratio nexus » de droit commun correspond donc à :

(dépenses éligibles 2018 + dépenses éligibles 2019) / (dépenses totales 2018 + dépenses totales 2019),

soit : (300 + 350) / (500 + 500) = 650 / 1000 = 65 %.

En appliquant la majoration du numérateur de 30 %, ce ratio sera de :

(650 + 650 × 30 %) / 1000 = (650 + 195) / 1000 = 845 / 1000 = 84,5 %.

● Si la société A décide d’opter pour la mesure de souplesse excluant les dépenses antérieures à 2019, le « ratio nexus » sera de :

350 / 500 = 70 %.

Avec majoration du numérateur, ce ratio sera de :

(350 + 350 × 30 %) / 500 = (350 + 105) / 500 = 455 / 500 = 91 %.

Dans cet exemple, la société A a tout intérêt à choisir la mesure de souplesse.

● Une précision est apportée par le 10° du I du présent article s’agissant du calcul du « ratio nexus » lorsque sont concernées des opérations de fusion ou assimilées qui relèvent du régime spécial des fusions.

Dans une telle hypothèse, et en vertu du nouveau II ter introduit à larticle 209 du CGI par ce 10°, les dépenses engagées par la société absorbée ou apporteuse qui servent au calcul du « ratio nexus » sont prises en compte par la société absorbante ou bénéficiant de l’apport au titre des exercices ultérieurs.

De manière analogue, et toujours en vertu du même II ter nouveau, si la société absorbée ou apporteuse a enregistré un résultat net négatif, ce dernier peut être imputé par la société absorbante ou bénéficiant de l’apport sur les résultats nets ultérieurs tirés des mêmes actifs.

● Une fois le « ratio nexus » calculé, il est appliqué au résultat net déterminé dans les conditions prévues au II de l’article 238 rétabli.

En reprenant l’exemple précédent, où un résultat net de 500 est constaté où le « ratio nexus » est de 91 %, l’assiette imposable au titre du régime préférentiel est de 500 × 91 % = 455.

c.   Les règles particulières à l’intégration fiscale

Le présent article prévoit naturellement l’application du nouveau régime préférentiel aux groupes fiscalement intégré ([264]).

À cet effet, le 14° du I du présent article rétablit larticle 223 H du CGI.

● L’économie générale du dispositif qui vient d’être présenté est reprise dans le cadre de l’intégration fiscale. Seules les spécificités propres à cette dernière seront ici présentées :

– l’option pour le régime préférentiel est exercée par la société tête de groupe (ce qui est logique dans la mesure où elle est seule redevable de l’IS) (1 du I de larticle 223 H rétabli) ;

– le régime porte sur le résultat net d’ensemble du groupe, qui est calculé en faisant la somme algébrique des résultats nets de chacune des sociétés appartenant au groupe fiscalement intégré (2 du même I) ;

– si le résultat net d’ensemble est négatif, son imputation obéit aux mêmes règles de « tunnellisation », à la condition que les actifs soient détenus ou sous-concédés par une société membre du groupe (3 dudit I) ;

– le « ratio nexus » inclut, au numérateur, les dépenses directement engagées par les sociétés membres du groupe et celles externalisées auprès d’entreprises dépourvues de lien de dépendance avec une société membre dudit groupe et, au dénominateur, l’ensemble des dépenses engagées par les sociétés membres du groupe, directement ou indirectement. La différence est donc dans l’appréciation des liens de dépendance, qui sont ici entendus vis à vis du groupe (il est logique que les liens de dépendance intragroupes ne soient pas retenus pour le calcul du numérateur) (4 dudit I) ;

– seules les dépenses afférentes à la période pendant laquelle les actifs sont détenus ou sous-concédés par une société membre du groupe et engagées par une société membre du groupe sont prises en compte pour le calcul du « ratio nexus » (4 dudit I).

● Si, antérieurement à son entrée dans le groupe, une société a enregistré un résultat net négatif, ce dernier n’est pas imputable sur le résultat d’ensemble réalisé ultérieurement par le groupe, en application du II de larticle 223 H rétabli.

Par ailleurs, toujours en vertu du même II, lorsqu’une société qui détient des actifs éligibles entre dans le groupe, la valeur vénale de ces actifs est, dans le cadre de l’approche « nexus », considérée comme une dépense d’acquisition. Cette dernière est donc retenue :

– pour la détermination du résultat net d’ensemble, qu’elle viendra minorer ;

– pour le calcul du « ratio nexus », au dénominateur duquel elle sera intégrée.

● Enfin, le III de cet article 223 H rétabli porte sur le traitement des sorties du groupe.

Son premier alinéa plafonne l’imputation d’un résultat négatif constaté par une société membre du groupe. Ce résultat négatif ne peut être imputé, une fois la société sortie du groupe, que dans la limite de l’éventuel résultat négatif constaté avant son entrée dans le groupe.

Illustration du plafonnement de l’imputation des résultats négatifs
d’une société membre d’un groupe fiscalement intégré

Une société A est membre du groupe fiscalement intégré X.

Avant son entrée dans le groupe, la société A a, au titre du régime préférentiel, enregistré un résultat net négatif de – 300.

Pendant son appartenance au groupe, elle enregistre un résultat négatif de – 400.

Une fois sortie du groupe, elle sera autorisée à imputer ce résultat négatif, dans la limite de celui enregistré avant son entrée, c’est-à-dire 300.

Le second alinéa de ce III a trait au « ratio nexus » d’une société sortie du groupe. Les dépenses qu’elle a engagées pendant son appartenance au groupe ne sont pas retenues si elles ont été prises en compte par la société tête de groupe pour déterminer l’assiette imposable au titre du régime préférentiel.

En revanche, la société anciennement membre du groupe peut, pour le calcul de son ratio, prendre en compte les dépenses qu’elle avait engagées avant son entrée dans le groupe, le cas échéant, en limitant la remontée dans le temps à 2019, comme le prévoit le second alinéa du 2° du III de l’article 238 auquel le second alinéa du III de l’article 223 H renvoie.

4.   Une imposition séparée à l’IR et à l’IS au taux réduit de 15 %

L’assiette imposable au titre du nouveau régime préférentiel fait l’objet d’une imposition séparée, au taux de 15 %.

a.   Un taux de 15 % applicable à l’IS et à l’IR

Ces modalités résultent de la combinaison du I de larticle 238 rétabli et du a du I de larticle 219, dans sa rédaction résultant du présent article, auquel renvoie l’article 238.

● En ce qui concerne les entreprises à l’IS, le a du 11° du I du présent article supprime les deux premiers alinéas du a du I de l’article 219 du CGI (qui fixe les différents taux de l’IS), pour y substituer un unique alinéa qui :

– prévoit que l’assiette imposable dans le cadre du nouveau régime défini à l’article 238 fait l’objet d’une imposition séparée au taux de 15 % ;

– simplifie la rédaction en supprimant une référence devenue caduque aux exercices ouverts avant 2005.

Cette imposition séparée est, s’agissant des groupes fiscalement intégrés, expressément introduite par le 13° du I du présent article qui complète d’un nouvel alinéa l’article 223 C du CGI (qui porte sur l’imposition du résultat d’ensemble d’un tel groupe).

Ce nouvel alinéa prévoit que le résultat net d’ensemble bénéficiaire déterminé conformément aux dispositions de l’article 223 H est soustrait du résultat d’ensemble du groupe pour être imposé séparément au taux prévu au premier alinéa du a du I de l’article 219, soit 15 %.

● En ce qui concerne les entreprises à lIR, le taux applicable sera également de 15 %, alors quil est actuellement de 12,8 % en vertu de l’article 39 quindecies du CGI.

Bien que cet article 39 quindecies ne fasse l’objet d’aucune modification directe de la part du présent article, les modifications apportées à l’article 158, qui détermine les règles d’imposition des plus-values de long terme, entraînent l’application du taux de 15 % pour l’IR :

– il est en effet renvoyé à l’article 238 ;

– cet article renvoie lui-même, s’agissant du taux applicable, à l’article 219 qui prévoit le taux de 15 %.

L’imposition séparée du résultat éligible résulte également de l’article 158.

● Il est précisé à toutes fins utiles que, s’agissant des inventeurs personnes physiques, le taux réduit reste bien celui de 12,8 % : seules les entreprises assujetties à l’IR se verront appliquer le nouveau taux.

b.   L’opportunité d’abaisser le taux proposé à 10 %

Le dispositif proposé ne modifie pas le taux applicable dans le cadre du régime préférentiel d’imposition des revenus tirés de certains actifs incorporels, le maintenant à 15 %.

● Ce maintien peut sembler contestable dans la mesure où l’assiette imposable dans le cadre du régime préférentiel va, quant à elle, diminuer du fait, d’une part, de la minoration du résultat net des dépenses de recherche engagées, d’autre part, de l’application du « ratio nexus ».

Cette réduction d’assiette n’est pas intégralement compensée par l’inclusion des logiciels protégés par le droit d’auteur (surtout si, comme le prévoit le dispositif proposé, les inventions brevetables non brevetées restent en dehors du champ d’application du nouveau régime).

Dans ces conditions, le maintien de l’attractivité de la France, auquel appelait la mission d’information précitée sur l’évasion fiscale internationale des entreprises dans le cadre de sa proposition n° 4, pourrait être compromis.

Par ailleurs, il est étonnant qu’une mise en conformité avec une approche internationale qui ne modifie pas le taux d’imposition des entreprises à l’IS se traduise, pour celles assujetties à l’IR, par une hausse de 2,2 points de leur taux d’imposition. Les entreprises à l’IR sont rarement de puissantes multinationales, et alourdir leur charge fiscale ne paraît pas être une mesure opportune.

En conséquence, il paraît possible, et souhaitable, dabaisser le taux réduit dimposition de 15 % à 10 %.

● Un tel niveau de taux ne serait pas fiscalement dommageable, et devrait avoir des conséquences limitées sur les finances publiques :

– le rétrécissement de l’assiette due à l’approche « nexus », malgré l’inclusion des logiciels et un taux à 10 %, pourrait se traduire par un gain net pour l’État par rapport à la situation actuelle (à cet égard, le Rapporteur général ne peut que regretter les insuffisances manifestes de l’évaluation préalable, qui ne contient aucun chiffrage, même approximatif) ;

– le fait que l’approche « nexus » soit appliqué – ce qui encore une fois est une opportunité – limite, sinon élimine, les pratiques fiscales dommageables ; en liant le bénéfice du taux réduit au volume de dépenses de recherche directement engagées, le nouveau régime, quel que soit son taux, ne bénéficiera pleinement qu’aux entreprises qui réalisent effectivement des activités de recherche ;

– l’OCDE ne considère pas le taux comme étant en lui-même dommageable (position qui peut au demeurant paraître contestable lorsque le taux normal d’imposition est extrêmement faible, comme c’est le cas en Irlande – 12,5 % – ou en Hongrie – 9 %).

● Cet abaissement du taux à 10 % pourrait enfin être étendu aux inventeurs personnes physiques, dont le taux actuel de 12,8 % n’est pas modifié par le dispositif proposé. Une telle mesure reposerait sur un légitime souci d’harmonisation et de simplification, mais aussi sur des considérations d’équité : il n’est pas évident de traiter distinctement l’imposition des mêmes actifs dans le cadre de l’IR.

5.   La création d’une nouvelle obligation documentaire assortie d’une sanction

Le II du présent article introduit dans le LPF un nouvel article L. 13 BA qui complète le 2° de la section I du chapitre Ier du titre II de la première partie de ce livre, relatif aux vérifications de comptabilité.

● Ce nouvel article met à la charge des entreprises relevant du nouveau régime préférentiel une nouvelle obligation documentaire destinée à assurer la traçabilité et la transparence du régime. Doivent ainsi figurer dans la documentation :

– la description des activités de recherche et de développement de l’entreprise qui concède les licences d’exploitation d’un actif éligible ;

– les informations nécessaires pour apprécier les modalités selon lesquelles le résultat net, le « ratio nexus » et l’identification des actifs ou familles de biens ou services ont été déterminés ;

– une description détaillée des actifs éligibles concédés ;

– une présentation complémentaire du « ratio nexus » pour chacun des actifs ou familles de biens ou services ;

– une présentation de la méthode retenue pour répartir entre actifs et groupes d’actifs les frais.

Cette documentation doit être tenue à la disposition de ladministration à la date d’engagement d’une vérification de comptabilité, à l’image de ce qui est prévu en matière de documentation en matière de prix de transfert en vertu de l’article L. 13 AA du LPF.

Si elle n’est pas mise à disposition à la date prévue, ou ne l’est qu’en partie, l’administration adresse une mise en demeure pour que, dans un délai de trente jours, la documentation soit produite ou complétée (la mise en demeure précisant, le cas échéant, les documents faisant défaut).

Cette mise en demeure précise également les sanctions encourues par l’entreprise si cette dernière ne s’y plie pas, sanctions prévues à l’article 1740‑0 C du CGI, nouvel article qu’introduit le 18° du I du présent article.

● En vertu de cet article 1740‑0 C, la méconnaissance de la mise en demeure entraîne l’application d’une amende dont le montant correspond à 5 % des revenus imposés selon le régime préférentiel prévu à l’article 238 rétabli.

À titre de comparaison, l’amende prévue à l’article 1735 ter du CGI en cas de non-respect de la mise en demeure adressée face à une insuffisance de la documentation en matière de prix de transfert est égale au plus élevé des deux montants suivants, sans pouvoir être inférieure à 10 000 euros :

– 0,5 % des transactions concernées par les documents non mis à disposition ;

– 5 % des rectifications réalisées sur le fondement de l’article 57 du CGI (manipulation abusive de prix de transfert) afférentes aux transactions omises.

Ici, aucun plancher n’est prévu, mais cela ne paraît pas nécessaire :

– le montant de l’amende, 5 % des revenus imposés dans le cadre du régime préférentiel, paraît suffisamment dissuasif ;

– l’amende applicable au titre de la documentation en matière de prix de transfert concerne les entreprises assujetties à une telle obligation documentaire, c’est-à-dire celles dont le chiffre d’affaires excède 400 millions d’euros ; il s’agit donc d’entreprises à la taille conséquente, alors que le régime préférentiel des actifs incorporels peut indistinctement concerner des grandes entreprises et des PME.

En revanche, le champ dapplication de lamende pourrait gagner à être précisé et réduit dans un souci de proportionnalité.

En l’état de la rédaction du nouvel article 1740‑0 C du CGI, l’assiette de l’amende est constituée de la totalité des revenus imposés au titre du régime préférentiel.

En conséquence, il suffit qu’un document portant sur un actif fasse défaut pour que l’entreprise doive verser une amende de 5 % de l’ensemble des revenus liés aux actifs, qui peuvent être très nombreux et pour lesquels, à part le premier actif mentionné, toute la documentation requise a été fournie.

Même si, dans le cadre de l’application de la loi fiscale, l’administration pourra se montrer souple, il semble préférable d’inscrire dans la loi que l’assiette de l’amende est cantonnée aux seuls revenus afférents aux actifs concernés par les documents ou compléments qui n’ont pas été mis à la disposition de l’administration. L’amende serait directement liée au manquement et proportionnée à ce dernier, et la mention expresse dans la loi ôterait toute ambiguïté sur ce point.

Une autre modification, cette fois sur le champ de la documentation ellemême, semble également pouvoir être apportée.

L’article L. 13 BA ne vise expressément que les concessions de licence d’exploitation d’actifs, au moins s’agissant des informations relatives à la description générale des activités de recherche et à celle des actifs.

Là encore, il s’agit sans doute d’un raccourci rédactionnel que les commentaires de la doctrine fiscale étofferont. Néanmoins, ici aussi, autant préciser clairement et directement les choses dans la loi, en visant sans ambiguïté les cessions et aux sous-concessions.

6.   Les modifications de conséquence résultant du nouveau dispositif

L’introduction en droit français des nouvelles règles d’imposition des actifs incorporels à travers le rétablissement des articles 238 et 223 H du CGI entraîne d’importantes conséquences sur le droit actuellement en vigueur, nombreux étant les dispositifs qui sont incompatibles avec ces articles ou qui supposent des modifications de coordination.

● En premier lieu, et de façon inévitable, le 1 de l’article 39 terdecies du CGI doit être abrogé du fait de son incompatibilité manifeste avec les nouvelles règles : c’est ce à quoi s’emploie le a du 2° du I du présent article.

● Cette abrogation entraîne de nombreuses modifications de conséquence. Certaines ont déjà été abordées (notamment s’agissant de la modification apportée au a du I de l’article 219 relatif au taux d’imposition applicable), les autres sont présentées ci-après :

– le b du 11° du I du présent article supprime le dernier alinéa du a quater du I de larticle 219, qui renvoyait au 1 de larticle 39 terdecies sagissant des plus-values imposables à l’IS ;

– le b du 2° du I du présent article modifie le 1 ter de l’article 39 terdecies pour substituer à la référence au 1 de cet article celle du régime des plus-values à long terme ;

– le  du I du présent article supprime le premier alinéa du 12 de l’article 39 et abroge le 12 bis du même article ; ils faisaient directement référence au 1 de l’article 39 terdecies, étant relatifs à certaines de ses modalités d’application entre entreprises liées (la définition des entreprises liées au sens du 12 de cet article demeure dans la mesure où elle figure aux deuxième à dernier alinéas dudit 12, qui ne sont pas supprimés) ;

– les 4°, 9°, 12° et 17° du I du présent article tirent également les conséquences de l’abrogation du 1 de l’article 39 terdecies du CGI, substituant à la référence à ce 1 celle des articles 39 duodecies et suivants et, s’agissant du 17° qui est spécifique à l’IS, celle du régime défini à l’article 238 rétabli ;

– le  du I du présent article abroge le 8° de l’article 93 du CGI, qui fait directement référence au 1 de l’article 39 terdecies ;

– les  et 8° du même I tirent les conséquences de la suppression du premier alinéa du 12 de l’article 39 du CGI.

● Enfin, le  du I du présent article modifie l’article 93 quater s’agissant de l’imposition des revenus tirés par les inventeurs personnes physiques d’actifs incorporels, afin d’y apporter les coordinations résultant de l’abrogation du 1 de l’article 39 terdecies : le nouveau dispositif renvoie désormais aux actifs mentionnés à l’article 238.

Ce renvoi est limité aux brevets, certificats d’obtention végétale et procédés de fabrication industriels.

Les logiciels, en effet, étaient déjà éligibles au régime préférentiel pour les personnes physiques, il serait donc incohérent de renvoyer à l’article 238 en ce qui les concerne dans la mesure où n’y sont mentionnés que les logiciels n’ayant pas généré de revenu avant 2019.

Par ailleurs, les inventions brevetables sont également dans le champ du dispositif concernant les inventeurs personnes physiques, à la différence des entreprises.

7.   L’entrée en vigueur du nouveau régime

● Le  du III du présent article rend le nouveau régime précédemment décrit applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

● Le  du même III prévoit la mesure de souplesse déjà présentée pour la détermination du résultat net et le calcul du « ratio nexus », consistant pour les deux premiers exercices d’existence du dispositif, à permettre aux entreprises de prendre en compte les dépenses de l’exercice en cours et des deux précédents et à faire masse d’elles, sans exiger de suivi fin des actifs.

Ainsi qu’il a été vu, cette mesure assure une entrée en douceur dans le nouveau dispositif, en offrant aux entreprises le temps de se familiariser avec les règles de suivi des actifs.

● Enfin, le  du III du présent article ne rend applicable le 2° du III de l’article 238 rétabli qu’aux exercices ouverts à compter de 2021.

Il s’agit, ici aussi, d’une mesure déjà présentée et qui vise à assurer qu’au moins trois exercices seront pris en compte.

● L’introduction d’une « clause de grand-père » maintenant l’application du régime actuel, pour les actifs qui en bénéficient déjà, jusqu’en 2021, ne paraît pas conforme à la position de l’OCDE. Ainsi qu’il a été vu, un tel maintien n’est, pour l’OCDE, ouvert qu’au titre des régimes qui ont été modifiés suffisamment tôt, en 2016.

B.   un impact budgétaire et économique non évalué

L’impact du nouveau régime préférentiel est peu précisé : à l’exception de considérations relativement vagues, aucune information concrète n’est fournie.

1.   Une absence d’évaluation étonnante et regrettable

Alors que le régime préférentiel est une dépense fiscale qui, actuellement, porte sur un coût important, et que des modifications substantielles sont apportées à ses règles d’assiette, il est regrettable qu’aucun chiffre ne vienne étayer la réforme proposée, alors que le bien fondé et l’économie générale de cette dernière sont reconnus et opportuns.

D’une manière générale, dans la mesure où l’assiette est réduite alors que le taux reste inchangé (voire augmente pour les entreprises à l’IR), l’impact budgétaire devrait être positif pour l’État.

Néanmoins, au-delà de ce constat lapidaire, l’absence d’éléments tangibles d’évaluation est regrettable pour trois séries de considération :

– l’impact budgétaire inconnu n’est jamais satisfaisant pour une commission permanente parlementaire chargée des finances, ni même pour quiconque s’intéresse au sujet ;

– l’absence totale de chiffre et d’évaluation ne permet pas de mesurer les effets du dispositif proposé sur l’équilibre budgétaire (parle-t-on d’un gain de 100 millions d’euros ? de 300 millions d’euros ?) ;

– cette absence d’évaluation ne permet pas non plus d’appréhender correctement les conséquences de la réforme pour les entreprises et l’attractivité de la France.

Au moins pour ce dernier point (mais en réalité pour les trois points), des documents précis et des évaluations complètes auraient été souhaitables, et à défaut de telles productions fines, des estimations même larges se seraient révélées bienvenues.

Les actifs incorporels sont au cœur des enjeux de compétitivité et d’attractivité, de même que le maintien en France des activités de recherche et de développement, indispensables pour le progrès.

Alors que l’évaluation des politiques publiques fait l’objet d’une attention toute particulière du Parlement et que la majorité a impulsé, suivie en cela par l’ensemble des groupes politiques, des travaux importants pour améliorer l’information de l’Assemblée et les conditions de travail des députés, il est pour le moins déconcertant qu’aucune analyse économique n’accompagne le dispositif proposé.

Cet étonnement est exacerbé par le fait que la réforme du régime préférentiel a fait l’objet d’une consultation importante au printemps, initiative beaucoup trop rare qu’il faut mettre au crédit du Gouvernement et dont on ne peut que se réjouir, mais qui a probablement permis aux administrations compétentes de collecter des données exploitables en vue de simulations et d’évaluations.

2.   Un impact économique variable en fonction de l’acceptation ou du rejet des modifications suggérées

Prise globalement, la réforme proposée est indéniablement positive dans la mesure où elle met fin à un régime fiscal susceptible de donner lieu à des abus et renforce la crédibilité de la position française dans les négociations européennes et internationales dédiées à la lutte contre l’évasion fiscale.

a.   Une amélioration bienvenue de l’équité fiscale qui ne devrait pas tarir le volume des dépenses de recherche en France

Le dispositif proposé renforce la justice fiscale en éliminant des opportunités dommageables : il ne peut donc qu’être bienvenu.

Dans le détail, l’ampleur de l’impact sur l’économie française peut paraître ambivalent, surtout si les pistes d’évolution suggérées dans le présent commentaire ne sont pas retenues (inclusion des inventions brevetables non brevetées – ou à défaut création d’une nouvelle procédure de brevet sans publication – et baisse du taux).

L’inclusion dans le périmètre du nouveau régime des logiciels protégés est à l’évidence une initiative heureuse de la part du Gouvernement.

Les modalités de détermination du résultat imposable, quant à elles, seront certes susceptibles de réduire l’assiette éligible au taux réduit, mais cela n’est pas nécessairement synonyme d’attrition de la recherche en France.

En effet, et cela a déjà été dit, les dépenses de recherche engagées par les entreprises, si elles pourront minorer le résultat net imposable au taux réduit, auront également les effets suivants :

– elles seront déduites du résultat imposable au taux normal ;

– elles viendront augmenter le « ratio nexus » si elles sont directement engagées par l’entreprise ;

– et, sous réserve de remplir les conditions prévues à l’article 244 quater B du CGI, elles seront incluses dans l’assiette du CIR.

L’impact négatif que pourrait avoir le nouveau dispositif sur la localisation en France de la recherche paraît donc devoir être relativisé. En outre, rappelons que la majoration de 30 % des dépenses éligibles retenues pour le calcul du « ratio nexus » atténue substantiellement les éventuels effets négatifs que ce ratio peut avoir sur l’assiette, ainsi que l’exemple précédemment fourni l’a démontré.

b.   La nécessaire attention à porter sur la compétitivité des entreprises françaises dans le contexte d’une réforme fiscale américaine sans précédent

● Le maintien d’un taux de 15 % parallèlement à une assiette diminuée n’est pas de nature à rassurer les entreprises et pourrait faire perdre de la compétitivité et de l’attractivité.

De la même manière, l’exclusion pour l’instant prévue des inventions brevetables non brevetées, alors qu’il a été abondamment démontré que la prise en compte de telles inventions ne serait pas dommageable au regard de la finalité de l’action 5 du projet « BEPS », risque de fragiliser la position de certaines entreprises françaises :

– soit elles préféreront conserver le secret de leur invention, et elles se trouveront alors imposées au taux normal au lieu de bénéficier du taux réduit ;

– soit elles feront breveter leur invention pour bénéficier du taux réduit, mais si le secret avait été gardé jusque-là, c’était vraisemblablement pour des motifs sérieux.

● Enfin, il ne semble pas inutile de rappeler que, en matière d’imposition des revenus tirés d’actifs incorporels, la réforme fiscale américaine signée par le président Trump le 22 décembre 2017 ([265]) a mis en place un dispositif redoutablement efficace pour renforcer l’attractivité américaine au détriment des autres pays ([266]) :

– dans le cadre de la « BEAT » (pour « base erosion anti-abuse tax », soit « taxe contre l’érosion de la base fiscale »), le revenu imposable des sociétés américaines est majoré de certains montants, dont les redevances de propriété intellectuelle versées à des entreprises étrangères ;

– en vertu de la mesure « FDII » (pour « foreign derived intangible income », soit « revenu étranger tiré d’actif incorporel »), les profits tirés d’actifs incorporels localisés aux États-Unis qui ont contribué à des exportations sont imposées à un taux d’IS réduit (13,125 % contre 21 %) ;

– au titre de la mesure « GILTI » (pour « global intangible low taxed income », soit « revenu mondial à faible taux d’imposition tiré d’actif incorporel »), dont l’acronyme est évocateur, les revenus issus d’actifs incorporels détenus par des filiales étrangères font l’objet aux États-Unis d’une taxation forfaitaire s’ils sont jugés insuffisamment imposés localement, ce qui conduit à alourdir la charge fiscale des sociétés américaines.

L’économie générale de ces trois mesures n’a qu’un seul objectif : maximiser l’attractivité du territoire américain en incitant à la localisation d’actifs incorporels aux États-Unis à travers des dispositifs incitatifs (« FDII ») ou coercitifs impliquant une imposition alourdie si les actifs sont à l’étranger (« GILTI » et « BEAT »).

Face à une telle concurrence, la France ne doit pas se montrer naïve.

Ne pas faire preuve de naïveté ne signifie évidemment pas avoir recours à des pratiques dommageables et manquer aux engagements pris : cela veut simplement dire que, dans le respect des engagements internationaux et en adéquation avec la position et l’ambition de la France, les règles fiscales nationales ne doivent pas compromettre l’attractivité nationale et la compétitivité des entreprises françaises, sauf à risquer d’aller à l’encontre des intérêts du pays.

*

*     *

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement I-CF682 de Mme Véronique Louwagie, tendant à supprimer larticle 14.

Elle est ensuite saisie de lamendement I-CF829 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le présent amendement consiste à supprimer la taxation à taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets. Ce dispositif fiscal dérogatoire prévoit une taxation au taux de 15 % au lieu du taux normal de 33,33 %.

Plusieurs travaux et rapports récents ont mis en lumière l’urgente nécessité de revoir le niveau de taxation actuellement fixé et le cadre fiscal applicable.

Certes, le projet de loi propose d’adopter une approche visant à lier davantage l’application du présent dispositif à la réalisation d’investissements de recherche et développement sur le territoire national. Toutefois, l’étude d’impact ne répond pas complètement aux interrogations en suspens.

M. le Rapporteur général. Je vous conseille de retirer cet amendement. L’abrogation de l’article 39 terdecies du CGI entraînerait la suppression de dispositions relatives aux plus-values en cas de décès de l’exploitant ou encore au régime des sociétés de capital-risque, qui n’ont aucun rapport avec le régime des brevets.

Lamendement I-CF829 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1444 du Rapporteur général et I-CF441 de Mme Véronique Louwagie ainsi que les amendements identiques I-CF564 du président Éric Woerth, I-CF1163 de Mme Amélie de Montchalin, ICF1368 de M. Jean-Noël Barrot et I-CF1245 de Mme Bénédicte Peyrol.

M. le Rapporteur général. Ces amendements, en discussion commune, visent tous à réduire le taux d’imposition. Le taux prévu par le Gouvernement est le même que celui actuellement en vigueur pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, soit 15 %, et il est plus élevé pour les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu puisqu’il passerait de 12,8 % à 15 %.

Pour assurer une compensation partielle des effets de la réduction d’assiette induite par l’approche « nexus » de l’OCDE, il me semble opportun de réduire le taux, en l’amenant à 10 %, et ce dès 2019. Cela aura pour effet de garantir la compétitivité des entreprises françaises et de la France dans un domaine aussi essentiel et sensible que celui des actifs incorporels. Cela permettra en outre d’harmoniser le régime pour l’ensemble des entreprises, qu’elles soient à l’IS ou à l’impôt sur le revenu (IR).

Les amendements de nos collègues envisagent diverses modalités.

La baisse progressive proposée par Mme Peyrol, si elle est assurément plus douce pour les finances publiques, me semble présenter un risque lié à la compétitivité : le taux de 10 % ne serait atteint que dans trois ans, ce qui est une longue période alors que la concurrence internationale s’exacerbe et que les innovations se multiplient à un rythme rapide.

Je rappelle que la réforme ne fera aucun « gagnant » par rapport à la situation actuelle. En baissant le taux à 10 %, nous cherchons à réduire le nombre des perdants, ce qui n’implique nullement qu’il y aura des gagnants. En l’absence d’une baisse du taux, certaines pertes risquent d’être très lourdes.

Le taux moyen dans l’Union européenne se situe autour de 8 %. À assiette égale, conserver un taux de 15 % va avoir un effet potentiellement désastreux. Les brevets risquent d’être déposés ailleurs qu’en France.

Aller jusqu’à 5 %, comme le propose Mme Louwagie, me semble en revanche excessif. Les contacts que nous avons eus avec le monde des entreprises ont fait ressortir que si certaines souhaitaient voir le taux baisser jusqu’à 5 % – qui les blâmera d’essayer –, elles s’accommoderaient pour la plupart d’un taux fixé à 10 %.

Mon amendement propose également d’étendre le taux de 10 % aux inventeurs personnes physiques, pour lesquels le taux actuel est le même que pour les entreprises à l’IR, soit 12,8 % : cela me paraît plus simple et cohérent, dans un souci d’harmonisation, et aussi plus équitable puisque les mêmes actifs sont concernés.

Je suggère donc le retrait des autres amendements au bénéfice de celui que je vous présente, et qui me semble le plus raisonnable.

Mme Véronique Louwagie. Je suis heureuse de constater que nombre d’entre nous s’accordent pour dire qu’un taux de 15 % est trop élevé. Mon amendement propose de réduire le taux d’imposition à 5 %, mais le réduire à 10 % serait déjà bien.

M. le président Éric Woerth. Je présenterai, si vous le voulez bien, mon amendement I-CF564 ainsi que quatre autres amendements que j’ai déposés avec certains de mes collègues sur cet article, et qui viendront en discussion tout à l’heure.

L’évolution du régime français des brevets a été rendue nécessaire par le plan « BEPS » (Base Erosion and Profit Shifting) de l’OCDE sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Je comprends que le Gouvernement veuille s’y conformer, car il y a d’autres points à négocier comme la fiscalité des GAFA, mais j’ai du mal à suivre sa logique.

La force de la France est d’avoir réussi à mettre en œuvre une politique fiscale attractive en matière d’innovation et de recherche à travers le crédit d’impôt recherche ou le régime des brevets. J’estime que le Gouvernement peut résister bien plus qu’il ne le fait actuellement et pour tout dire, sa mollesse m’étonne.

L’amendement I-CF564 propose d’abaisser de 15 % à 10 % le taux réduit applicable aux revenus de la propriété intellectuelle.

L’amendement I-CF563 tend à rétablir les inventions brevetables non brevetées dans le champ d’application du taux réduit. Les entreprises ont en effet besoin de confidentialité.

L’amendement I-CF560 propose de maintenir le système actuel de déductibilité des dépenses de recherche et de développement. Pourquoi considérer que ces dépenses viendraient s’imputer sur la base inférieure de l’impôt sur les sociétés plutôt que sur celle du taux normal ? L’avantage de la fiscalité réduite en serait amoindri. L’imputabilité de ces dépenses est au cœur de la question de la fiscalité des brevets.

L’amendement I-CF559, compte tenu de la complexité de certaines méthodes de calcul du ratio dit « nexus » de l’OCDE, c’est-à-dire actif par actif, offre aux entreprises la possibilité de choisir celle qui leur convient le mieux.

L’amendement I-CF561, enfin, tend à repousser d’un an la date d’application du nouveau régime fiscal des brevets, afin de pouvoir continuer à discuter avec les instances européennes.

J’insiste, en conclusion, sur le fait que les entreprises sont, à juste titre, très inquiètes des modifications du régime fiscal des brevets.

Mme Amélie de Montchalin. Ce n’est pas sous l’angle budgétaire qu’il faut aborder ces questions, mais en ayant à l’esprit la capacité de la France à garder des emplois qualifiés. La recherche et les brevets ne sont pas des concepts éthérés qui flotteraient au-dessus des entreprises. L’innovation et la recherche ont partie liée avec l’industrie. Si nous voulons réindustrialiser notre pays, ce qui constitue l’un des grands axes de notre politique économique, il faut s’appuyer sur la compétitivité prix mais aussi sur la compétitivité hors‑prix. Notre régime fiscal de l’innovation doit donc être largement favorable aux entreprises. Une baisse du taux d’imposition des brevets nous semble aller en ce sens.

Je vais retirer l’amendement I-CF1163 au profit de l’amendement plus complet du Rapporteur général, au nom du groupe La République en Marche, qui a beaucoup travaillé, dans le cadre notamment de l’examen du projet de loi PACTE, sur tous les dispositifs de soutien à l’innovation. Je pense qu’il y a là une avancée importante.

M. Jean-Noël Barrot. Nous retirons également notre amendement au profit de celui du Rapporteur général.

Mme Bénédicte Peyrol. Je retirerai aussi mon amendement. Je tiens à saluer cette réforme dont nous parlons depuis des années.

Point notable, elle conduira à faire entrer dans l’assiette du régime préférentiel les logiciels, ce qui répond à une demande des entreprises innovantes – Mme de Montchalin vient d’expliquer l’importance de l’innovation pour l’industrie.

Enfin, je constate que l’étude d’impact ne comporte pas d’évaluation de ce dispositif. Pourquoi ne comporte-t-elle pas de données chiffrées alors qu’elles existent ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Vous nous demandez encore une fois de voter une disposition sans que nous connaissions son coût. Il y a parfois des approximations surprenantes. Hier soir, c’était « haro sur les outre-mer » ; aujourd’hui c’est « tout pour la finance ».

M. le président Éric Woerth. Nous parlons ici de brevets, de recherche, d’innovation, et non de finance, monsieur Dufrègne.

M. le Rapporteur général. Je le répète, cette réforme ne fera pas de « gagnants ». Je ne peux laisser croire que nous ferions des cadeaux à je ne sais quel secteur ou à je ne sais quelles entreprises.

Le problème du chiffrage en matière d’innovation et de brevets, c’est qu’il y a des variations considérables d’une année à l’autre. Pour les années pour lesquelles nous disposons de chiffres, cela peut aller de 350 à 660 millions d’euros.

Il est important en outre que nous puissions, en matière de taux, nous remettre dans le giron européen. J’aime les convergences européennes, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué.

M. le président Éric Woerth. Madame Louwagie, vous ralliez-vous à l’amendement de M. le Rapporteur général ?

Mme Véronique Louwagie. Oui, monsieur le président.

M. le président Éric Woerth. Eh bien, je vais faire de même.

Les amendements I-CF441, I-CF564, I-CF1163, I-CF1368 et I-CF1245 sont retirés.

La commission adopte lamendement I-CF1444 (amendement I-2363).

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF1445 du Rapporteur général et I-CF563 du président Éric Woerth.

M. le Rapporteur général. Mon amendement, tout comme le vôtre, monsieur le président, a trait aux inventions brevetables non brevetées qui obéissent à une définition fixée dans le code de la propriété intellectuelle et déclinée à travers une dizaine de pages dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP).

Votre amendement vise les perfectionnements apportés mais ce point me semble satisfait s’agissant des perfectionnements brevetables en eux-mêmes ou dépendants du brevet. Mon amendement me paraît plus précis car il renvoie aux dispositions législatives définissant les inventions brevetables. Je vous invite donc à vous y rallier.

Son adoption serait l’occasion d’avoir un débat capital en séance avec le Gouvernement, notamment à propos de la création d’une procédure de brevet secret qui répondrait aux exigences de l’OCDE tout en assurant la préservation des intérêts économiques français.

M. le président Éric Woerth. J’estime, monsieur le Rapporteur général, que c’est vous qui devriez vous rallier à mon amendement... Il rétablit les inventions brevetables non brevetées dans le champ d’application du taux réduit et introduit un élément supplémentaire en abordant la question des perfectionnements. Mais si ce point est satisfait, je me rallie volontiers à votre amendement.

Lamendement I-CF563 est retiré.

La commission adopte lamendement I-CF1445 (amendement I-2366).

Elle est saisie des amendements identiques I-CF439 de Mme Véronique Louwagie, ICF1165 de Mme Amélie de Montchalin, I-CF1178 de M. Jean-Noël Barrot et I-CF1387 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. Si l’inclusion des logiciels dans le régime de faveur est une mesure bienvenue sur le principe, son intérêt est considérablement réduit car elle est limitée aux seuls logiciels qui n’ont pas généré de revenus avant le 1er janvier 2019. Notre amendement vise à supprimer cette condition.

M. Charles de Courson. J’ajouterai un argument : les logiciels n’étant pas stables, il risque d’y avoir des contentieux sans fin pour savoir s’il s’agit d’un logiciel nouveau ou d’un logiciel dérivé.

Suivant lavis favorable du Rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques (amendement I-2382).

Elle en vient aux amendements identiques I-CF438 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1383 de M. Charles de Courson.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable à ces amendements, contraires à l’approche « nexus » de l’OCDE.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, une question reste en suspens : les investissements destinés à améliorer l’invention les années suivant le dépôt du brevet sont-ils compris dans l’assiette ? Par souci de simplification, nous proposions dans notre amendement une évaluation forfaitaire de 10 % de l’ensemble des dépenses de recherche et développement. Cela dit, s’il n’est pas conforme à l’approche de l’OCDE, j’accepte de le retirer.

Mme Bénédicte Peyrol. Il me paraît important que nous ayons un débat sur ce sujet en séance. Il faudrait demander au ministre de préciser dans le BOFiP les modalités de suivi des coûts. Cela répondrait à une grande attente des entreprises, qui ont besoin d’avoir une position ferme de l’administration afin d’échapper à toute insécurité juridique. La solution forfaitaire ne me paraît pas la plus adéquate.

Lamendement I-CF1383 est retiré.

La commission rejette lamendement I-CF438.

Elle examine lamendement I-CF560 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. La modification du calcul proposée par le plan BEPS minore l’assiette du taux réduit, ce qui rend moins intéressant le nouveau régime par rapport au régime actuel. Notre amendement tend à limiter cette minoration.

M. le Rapporteur général. Même argument que précédemment : cette disposition est contraire à l’approche « nexus » de l’OCDE.

M. le président Éric Woerth. Je conteste précisément l’approche « nexus » en matière de calcul de l’assiette. Le Gouvernement n’a pas à plier lorsqu’il s’agit d’un enjeu fondamental de l’attractivité de notre pays. Il n’y a aucune sanction à redouter. Nous ne nous situons pas dans un cadre réglementaire européen et ne sommes pas obligés de tout accepter de l’OCDE – ou alors, c’est que nous avons mal négocié. Je maintiens donc mon amendement.

La commission rejette lamendement I-CF560.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF1211 de M. Éric Bothorel et I-CF1037 de M. Patrick Hetzel.

M. Éric Bothorel. Le présent amendement vise à appliquer la méthode « nexus » de l’OCDE, mais sans aller plus loin afin de ne pas créer de distorsion fiscale entre pays européens. En effet, au regard de la spécificité de la recherche et développement dans le secteur des éditeurs de logiciels, il est très complexe voire impossible de rattacher précisément le revenu d’un composant logiciel individualisé d’une année donnée avec les dépenses de développements antérieures.

Cette distinction est d’autant plus impossible que les logiciels font l’objet de modifications permanentes. Cette spécificité sera encore plus prégnante dans le cadre des développements de solutions « cloud ».

C’est pourquoi il est préférable de limiter l’imputation des revenus bruts aux seules dépenses consacrées à l’amélioration et au perfectionnement des actifs produisant un revenu taxable au cours du même exercice uniquement.

M. Patrick Hetzel. Je propose de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 51. Tel que ce dernier est rédigé, il impose en effet d’imputer les dépenses de recherche fondamentale, y compris celles qui auraient été réalisées au cours des années précédentes, dès lors qu’elles ont été effectuées après l’option par l’entreprise pour le régime de faveur. C’est un recul par rapport au régime en vigueur.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable aux deux amendements. L’approche « nexus » de l’OCDE n’est pas respectée. Je précise au passage que la « capture » des dépenses engagées au titre des années antérieures s’arrête à l’année au titre de laquelle l’option pour le régime est exercée, et que cette « capture » ne joue que la première année.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1211 et ICF1037.

Elle en vient à lamendement I-CF559 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Le présent amendement concerne les contraintes administratives très importantes, très lourdes même, quasi kafkaïennes, qui s’imposent aux entreprises. Je propose que ces dernières aient le choix de la méthode du calcul du revenu net : soit, distinctement, brevet par brevet, soit en faisant masse des actifs qui concourent à la production d’un même bien ou service, soit par famille de biens ou services.

M. le Rapporteur général. Le suivi actif par actif ou, si c’est impossible, par groupe d’actifs, est une exigence de l’OCDE qui figure clairement dans le rapport final de l’action 5 du projet BEPS. L’article 14 prévoit toutefois une mesure transitoire permettant, pour les deux premières années d’application du nouveau dispositif, de retenir les dépenses de trois exercices non pas en faisant un suivi précis, mais en faisant masse de tous les actifs. Cette possibilité est d’ailleurs clairement illustrée par l’annexe A du rapport final de l’action 5 du projet BEPS. Je vous suggère de retirer votre amendement.

M. le président Éric Woerth. Il faut aller plus loin que les deux premières années. Le mode de calcul envisagé ne passerait pas l’épreuve de la loi PACTE, tant il est d’une complexité hallucinante. Je ne retire donc pas mon amendement.

La commission rejette lamendement I-CF559.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1446 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Il est question ici de l’amende infligée en cas de manquement à la nouvelle obligation documentaire. Quand on demande des documents sur une vingtaine d’actifs, la sanction ne doit porter que sur les revenus générés par les actifs sur lesquels il y a eu un manquement à cette obligation, non sur l’intégralité des revenus concernés. Or, selon le texte tel qu’il est rédigé, si une obligation documentaire sur les vingt demandées n’est pas renseignée correctement ou ne convient pas, on infligera une amende assiste sur l’intégralité des sommes, ce qui n’est pas raisonnable. Le présent amendement vise par conséquent à ce que soit respectée une exigence de proportionnalité et, même si la doctrine l’aurait précisée, je préfère que cette exigence figure dans la loi – ce qui du reste évitera quelques contentieux.

La commission adopte lamendement I-CF1446 (amendement I-2407).

Elle en vient à lamendement I-CF1447 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. L’obligation documentaire est bienvenue, mais elle ne vise que les concessions de licences d’exploitation et non les cessions d’actifs. Or, il me semble important que ces dernières fassent l’objet d’une action documentaire au même titre. Là encore, la doctrine l’explicitera sans doute, mais je préfère que la loi le précise afin d’éviter des contentieux et des jurisprudences, et dans un souci de clarté.

Mme Marie-Christine Dalloz. Après avoir adopté tout à l’heure en séance le projet de loi PACTE, je ne comprends pas qu’on introduise autant de contraintes sous couvert d’anticiper la doctrine. J’entends bien que c’est toujours pour protéger tout le monde mais, en matière de complexité administrative, on est en train de construire des usines à gaz.

La commission adopte lamendement I-CF1447 (amendement I-2413).

Elle examine ensuite lamendement I-CF561 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Le présent amendement propose de repousser d’un an l’application du dispositif prévu par l’article 14. Au moment où la croissance fléchit et où les besoins d’innovation sont très importants, compte tenu de la complexité du dispositif et pour aller dans le même sens que le ministre qui, en octobre 2017, estimait qu’il ne fallait pas supprimer de manière sèche un avantage fiscal applicable à l’innovation et aux brevets – atout d’attractivité et de compétitivité considérable pour les entreprises françaises –, je considère, j’y insiste, que nous devons nous redonner une année avant de tenter d’appliquer ce régime.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bonne initiative !

M. le Rapporteur général. En toute rigueur, il aurait fallu réformer le régime en 2016. Nous le faisons en 2018 pour 2019. Il ne me paraîtrait guère responsable d’en décaler encore l’application. De plus, quand, sur le plan international, nous restons, sur ce point, le pays qui « traîne », cela ne nous facilite pas les choses dès lors qu’il s’agit, par exemple, de négocier sur la taxation des GAFA.

Mme Véronique Louwagie. Si je suis bien le Rapporteur général, le régime en question aurait dû être réformé en 2016. Au demeurant, l’État prend le temps de mettre en place un certain nombre de dispositifs sans laisser le même temps aux entreprises. Nous sommes ainsi en octobre et nous allons leur imposer un nouveau dispositif dès le 1er janvier prochain. Or un peu de cohérence s’impose : on ne peut pas faire supporter les carences de l’État aux entreprises.

M. le président Éric Woerth. D’autres pays défendent leurs intérêts fondamentaux très vigoureusement...

Mme Marie-Christine Dalloz. Et autrement mieux que nous !

M. le président Éric Woerth. Il est évident qu’il faut faire converger le dispositif français vers le dispositif « nexus » mais nous ne sommes pas obligés de tout accepter. Même la négociation sur les GAFA peut être totalement déconnectée de cela – ce n’est pas le même sujet.

Mme Bénédicte Peyrol. Ce dispositif est sur la table, si j’ose dire, depuis plusieurs années et les entreprises y sont donc préparées. J’étais moi-même en entreprise avant d’être élue et nous nous demandions déjà, il y a deux ans, de quelle manière nous allions pouvoir traiter la question. Le report à 2020 ne se justifie pas.

La commission rejette lamendement I-CF561.

Puis elle adopte larticle 14 modifié.

*

*     *

Article 15
Modification des règles de calcul des acomptes dimpôt sur les sociétés (« 5e acompte »)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie les modalités particulières de calcul du quatrième et dernier acompte d’impôt sur les sociétés (IS) dû par les entreprises dont le chiffre d’affaires est d’au moins 250 millions d’euros en vertu du mécanisme dit du « cinquième acompte ».

Cet acompte, à la différence des autres, n’est pas assis sur les résultats du dernier exercice clos, mais sur l’IS estimé dû au titre de l’exercice en cours : il correspond à la différence entre une fraction de l’IS estimé et les trois acomptes déjà versés, la fraction étant variable en fonction du chiffre d’affaires.

L’article, uniquement pour les exercices ouverts en 2019, augmente la fraction d’IS estimé à retenir de la façon suivante :

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 millions d’euros et un milliard d’euros, la fraction passe de 80 % à 95 % ;

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre un milliard d’euros et 5 milliards d’euros, la fraction passe de 90 % à 98 %.

La fraction applicable aux entreprises dont le chiffre d’affaires excède 5 milliards d’euros n’est pas modifiée et reste fixée à 98 %.

La mesure devrait dégager un gain budgétaire de 1,5 milliard d’euros en 2019. En raison de son caractère ponctuel, et à défaut d’une pérennisation, elle conduira à une perte équivalente en 2020.

Dernières modifications législatives intervenues

La fraction d’IS estimé retenue a été augmentée de façon pérenne par l’article 12 de la loi de finances pour 2017.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   Le « cinquième acompte », une règle particulière de paiement de l’is pour les plus grandes entreprises

1.   Le régime de droit commun du paiement de l’IS

À la différence de l’impôt sur le revenu, du moins jusqu’à la mise en œuvre du prélèvement à la source, l’IS dû par une entreprise au titre d’un exercice est acquitté au cours de cet exercice au moyen de quatre acomptes trimestriels, en application de l’article 1668 du CGI. Le paiement du solde intervient au cours de l’exercice suivant.

a.   Calendrier de paiement de l’IS

Le versement de chacun des acomptes doit intervenir, au plus tard, les 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre de chaque année.

Une fois l’exercice clos et en application de l’article 223 du CGI, une déclaration de résultat doit être déposée dans les trois mois qui suivent la clôture ou, si l’exercice est clos le 31 décembre ou qu’aucun exercice n’a été clos pendant l’année, au plus tard le deuxième jour ouvré qui suit le 1er mai de l’année suivante.

Le règlement du solde, quant à lui, doit être réalisé au plus tard le 15 du quatrième mois suivant la clôture de l’exercice. Par exception, pour les entreprises dont l’exercice est clos le 31 décembre ou qui n’ont clos aucun exercice en cours d’année, le paiement du solde doit intervenir au plus tard le 15 mai de l’année suivante.

Les deux tableaux ci-après dressent la synthèse du calendrier du paiement des acomptes et du solde de l’IS en fonction des dates de clôture de l’exercice, en application de l’article 360 bis de l’annexe III du CGI.

calendrier du versement des acomptes d’is

Date de clôture de lexercice comprise entre

1er acompte

2e acompte

3e acompte

4e acompte

Le 20 novembre et le 19 février inclus

15 mars

15 juin

15 septembre

15 décembre

Le 20 février et le 19 mai inclus

15 juin

15 septembre

15 décembre

15 mars

Le 20 mai et le 19 août inclus

15 septembre

15 décembre

15 mars

15 juin

Le 20 août et le 19 novembre inclus

15 décembre

15 mars

15 juin

15 septembre

 

chronique détaillée du paiement de l’is
en fonction de la date de clôture de l’exercice

Clôture
de lexercice

1er acompte

2e acompte

3e acompte

4e acompte

Versement du solde

31 janvier

15 mars

15 juin

15 septembre

15 décembre

15 mai

28 février

15 juin

15 septembre

15 décembre

15 mars

15 juin

31 mars

15 juin

15 septembre

15 décembre

15 mars

15 juillet

30 avril

15 juin

15 septembre

15 décembre

15 mars

15 août

31 mai

15 septembre

15 décembre

15 mars

15 juin

15 septembre

30 juin

15 septembre

15 décembre

15 mars

15 juin

15 octobre

31 juillet

15 septembre

15 décembre

15 mars

15 juin

15 novembre

31 août

15 décembre

15 mars

15 juin

15 septembre

15 décembre

30 septembre

15 décembre

15 mars

15 juin

15 septembre

15 janvier

31 octobre

15 décembre

15 mars

15 juin

15 septembre

15 février

30 novembre

15 mars

15 juin

15 septembre

15 décembre

15 mars

31 décembre

15 mars

15 juin

15 septembre

15 décembre

15 mai

b.   Calcul des acomptes et paiement du solde

Les acomptes sont calculés à partir des résultats du dernier exercice clos, le montant retenu s’entendant avant imputation des crédits d’impôts – à l’exception des réductions et crédits d’impôt reportables qui n’ont pu être totalement imputés au titre du précédent exercice.

Lors du paiement du premier acompte, les résultats de l’exercice précédent ne sont pas encore connus du fait du décalage temporel entre la clôture de l’exercice et le dépôt de la déclaration de résultat.

En conséquence, le premier acompte dû au titre d’un exercice N est assis sur les résultats de l’exercice N – 2.

Lors du paiement du deuxième acompte, en revanche, les résultats de l’exercice N – 1 sont connus : l’acompte est donc assis sur ceux-ci. Une régularisation du premier acompte est réalisée à cette occasion lorsque les résultats de l’exercice N – 2 diffèrent de ceux de l’exercice N – 1.

Les troisième et quatrième acomptes sont, en revanche, calculés normalement, sur la base des résultats de l’exercice N – 1 et sans régularisation.

Selon la même logique qui conduit à régulariser le montant du premier acompte lors du règlement du second, l’IS dû au titre d’un exercice N est payé à travers les acomptes fait l’objet d’une régularisation lors du solde, en N + 1, une fois les résultats de N connus.

Illustration du calcul des acomptes d’IS

Par hypothèse, tous les exercices de l’exemple sont ouverts à compter du 1er janvier 2022 : le taux normal est de 25 %. Les exercices coïncident avec l’année civile.

Une société assujettie à l’IS enregistre, au titre d’un exercice N – 2, un bénéfice de 500 intégralement imposé au taux normal de 25 %. L’IS dû au titre de N – 2 est de 125, soit un montant unitaire d’acompte de 31,25.

Au titre de l’exercice N – 1, elle réalise un bénéfice de 600. L’IS dû est de 150, soit un montant unitaire d’acompte de 37,5.

Le paiement du premier acompte dû au titre de l’exercice N intervient au plus tard le 15 mars N ; il est assis sur les résultats N – 2 et s’élève donc à 31,25.

Le paiement du deuxième acompte intervient au plus tard le 15 juin N, et est assis sur les résultats N – 1, la déclaration de résultat ayant été déposé début mai. Son montant propre est de 37,5 mais doit également tenir compte de la régularisation du premier acompte, dont le montant est inférieur de 6,25 par rapport au montant réellement dû.

La société verse donc lors du paiement du deuxième acompte un total de 37,5 + 6,25 = 43,75.

Au plus tard 15 septembre et 15 décembre, les troisième et quatrième acomptes seront payés, portant chacun sur un montant de 37,5.

En tout, l’IS acquitté en N au titre de cet exercice est de 150.

Les résultats finaux de l’exercice N s’élèvent à 700, l’IS dû est donc de 175.

Lors du solde, la société réglera la différence entre ce montant dû et les acomptes, à savoir 25.

Si les résultats de N avaient été inférieurs à ceux de N – 1, sur lesquels les acomptes étaient assis, la société se serait vu rembourser la différence.

2.   La spécificité du « cinquième acompte »

Des règles particulières sont prévues aux ab et c du 1 de l’article 1668 du CGI pour le calcul du dernier acompte d’IS dû par les plus grandes entreprises.

En raison de ces particularités, qui dérogent au droit commun, ce dernier acompte est appelé par commodité « cinquième acompte », permettant de le distinguer du quatrième acompte classique.

Il ne s’agit toutefois pas d’un réel cinquième acompte qui s’ajouterait aux quatre précédents, mais bien du quatrième et dernier acompte.

Le « cinquième acompte », qui a été créé par la loi de finances rectificative pour 2005 ([267]) et a évolué depuis, ne concerne que les entreprises dont le chiffre d’affaires réalisé au cours du dernier exercice clos est égal ou supérieur à 250 millions d’euros.

a.   Les modalités de calcul du « cinquième acompte »

Contrairement aux acomptes de droit commun, dont le montant est calculé à partir de l’IS dû au titre de l’exercice précédent, le « cinquième acompte » est calculé à partir de l’IS dû au titre de l’exercice en cours, supposant de la part de l’entreprise d’estimer cet IS.

Ce « cinquième acompte » correspond à la différence entre, d’une part, une fraction de l’IS estimé dû au titre de l’exercice en cours et, d’autre part, la somme des trois acomptes déjà versés au cours de cet exercice.

Sa formule de calcul pour un exercice N est donc la suivante :

où F(IS N) correspond à la fraction de l’IS estimé dû au titre de N à retenir, et A1, A2 et A3 les trois premiers acomptes versés en N.

La fraction d’IS estimé à prendre en compte varie en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise, trois tranches étant prévues :

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 millions et un milliard d’euros et en application du a du 1 de l’article 1668, cette fraction est de 80 % de l’impôt estimé ;

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre un et 5 milliards d’euros et en application du b du même 1, cette fraction est de 90 % de l’impôt estimé ;

– pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 milliards d’euros et en application du c dudit 1, cette fraction est de 98 % de l’impôt estimé.

Le chiffre d’affaires à retenir est celui qui se rattache aux bénéfices imposés en France, et non le chiffre d’affaires mondial.

Le tableau suivant illustre, selon la tranche de chiffre d’affaires, la fraction d’IS estimé à prendre en compte.

fraction d’is estimé à retenir dans le cadre du « cinquième acompte »

Chiffre daffaires de lexercice précédent
(en euros)

Fraction dIS estimé à retenir

Entre 250 millions et un milliard

80 %

Entre un milliard et 5 milliards

90 %

Supérieur à 5 milliards

98 %

 

Illustration du calcul du « cinquième acompte »

Une société a réalisé au cours d’un exercice N ouvert après le 31 décembre 2021 un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros et un bénéfice de 200 millions d’euros.

L’IS dû au titre de N est de 50 millions d’euros.

Pour le paiement de l’IS dû au titre de l’exercice N + 1, les trois premiers acomptes portent sur un montant total de 37,5 millions d’euros ((50 / 4) × 3).

Compte tenu du chiffre d’affaires réalisé en N, la société est soumise au régime du « cinquième acompte » et relève de la deuxième tranche : la fraction d’IS estimé à prendre en compte est de 90 %.

Cette société estime que l’IS dû au titre de N + 1 s’élève à 60 millions d’euros.

Le « cinquième acompte » correspondra donc à :

(90 % × 60) – 37,5 = 54 – 37,5 = 16,5 millions d’euros.

Ce « cinquième acompte » est donc supérieur de 4 millions d’euros au montant qui aurait été dû si le régime n’était pas applicable.

Contrairement aux apparences, le « cinquième acompte » na pas pour effet daugmenter lIS dû au titre dun exercice : l’augmentation des montants versés au cours de l’exercice au titre des acomptes conduira à une diminution équivalente du montant dû lors du solde. Au final, l’entreprise acquitte le même montant d’IS.

Le « cinquième acompte » conduit donc à accroître la contemporanéité du paiement de l’IS en permettant le versement d’une partie du solde dès le dernier acompte, sans attendre le dépôt de la déclaration de résultat.

En plus d’atténuer d’éventuelles régularisations importantes auxquelles les entreprises peuvent faire face au moment du solde, le dispositif peut être également vu comme permettant à l’État de reprendre une partie de l’avantage de trésorerie qu’il consent actuellement aux entreprises à travers les acomptes trimestriels.

Illustration du « cinquième acompte » et de la compensation lors du solde

Les données de l’exemple précédent sont reprises.

La société a versé un « cinquième acompte » de 16,5 millions d’euros, portant le montant total des quatre acomptes à 54 millions d’euros.

L’estimation de l’IS à 60 millions d’euros se révèle exacte : lors du solde, la société versera la différence entre ce montant et ceux versés au titre des acomptes, soit 6 millions d’euros (60 – 54).

Si le « cinquième acompte » ne s’était pas appliqué, la société aurait versé au titre des acomptes trimestriels 50 millions d’euros.

Lors du solde, elle aurait dû acquitter 10 millions d’euros, soit 4 millions d’euros de plus que dans le cadre du « cinquième acompte ».

b.   Sanctions applicables en cas de sous-estimation manifeste

● Des pénalités sont prévues à l’article 1731 A du CGI dans l’hypothèse où l’entreprise, pour le calcul et le paiement du « cinquième acompte », a manifestement sous-estimé l’IS dû au titre de l’exercice en cours.

Le tableau suivant présente les modalités d’appréciation du caractère manifestement sous-estimé.

Appréciation du caractère manifeste de la sous‑estimation de l’IS dans le cadre du « cinquième acompte »

Chiffre daffaires
(en euros)

Fraction dIS estimé (A)

Fraction dIS
finalement dû (B)

Ampleur minimale
de la différence B  A

Entre 250 millions et un milliard

80 %

80 %

20 %
> 2 millions d’euros

Entre un milliard et 5 milliards

90 %

90 %

20 %
> 8 millions d’euros

Supérieur à 5 milliards

98 %

98 %

20 %
> 8 millions d’euros

Source : commission des finances.

Les pénalités correspondent au taux de l’intérêt de retard (2,4 % par an) et à une majoration de 5 %, et s’appliquent à la différence entre la fraction d’IS finalement dû et la fraction d’IS estimé retenue, si elle excède les seuils indiqués dans le tableau.

Cependant, les hypothèses de sous-estimation manifeste sont réduites, dans la mesure où l’entreprise n’évalue pas le bénéfice qu’elle va dégager sur l’exercice, et donc l’IS qui sera dû à ce titre, à partir de calculs à l’aveugle : elle se fonde sur des données solides.

En application des articles L. 232‑2 et R. 232‑2 du code de commerce, en effet, les sociétés commerciales dont le chiffre d’affaires est d’au moins 18 millions d’euros et qui emploient au moins trois cents salariés sont tenus d’établir un compte de résultat prévisionnel au plus tard le quatrième mois du second semestre de l’exercice, soit avant la date limite de paiement du dernier acompte.

Or, l’article 1731 A du CGI exclut l’application des pénalités si l’estimation a été faite à partir de ce compte de résultat prévisionnel.

Compte tenu des seuils d’assujettissement au « cinquième acompte », les sociétés commerciales assujetties seront concernées par cette obligation et bénéficieront donc de la dispense de pénalités associée.

c.   L’application du « cinquième acompte » suppose une hausse du bénéfice d’un exercice à l’autre

Le mécanisme du « cinquième acompte » reposant sur la différence entre une fraction du montant d’IS estimé et les trois acomptes déjà versés, il faut que la fraction de l’IS estimé soit supérieure à ces trois acomptes, et donc au montant unitaire d’un acompte.

Les acomptes de droit commun correspondant au quart de l’IS calculé sur le bénéfice de l’exercice précédent, il faut donc que le bénéfice estimé sur lequel est assise la fraction dIS estimé ait crû dune certaine proportion dun exercice à lautre, cette proportion variant en fonction de la tranche de chiffre d’affaires.

Le tableau suivant montre l’ampleur de la progression du bénéfice nécessaire pour que le « cinquième acompte » s’applique.

modalités d’application du « cinquième acompte »

Chiffre daffaires
(en euros)

Fraction de lIS estimé
au titre de N

Augmentation minimale du bénéfice N par rapport à N  1

Entre 250 millions et un milliard 

80 %

25,00 %

Entre un et 5 milliards

90 %

11,11 %

Supérieur à 5 milliards

98 %

2,04 %

Source : commission des finances.

Si l’entreprise estime que son bénéfice n’aura pas suffisamment augmenté, elle est dispensée des règles particulières du « cinquième acompte ».

d.   Un régime souvent modifié dans le sens d’un accroissement de la fraction d’IS estimé retenue

Constitué de deux tranches de chiffre d’affaires supérieures à un milliard d’euros lors de sa création en 2005, le « cinquième acompte » a depuis fait l’objet de nombreuses modifications consistant à ajouter des tranches et à majorer les fractions de l’IS estimé retenue.

La dernière modification résulte de l’article 12 de la loi de finances pour 2017 ([268]), qui a fait passer la fraction de chacune des tranches de 75 %, 85 % et 95 % à, respectivement, 80 %, 90 % et 98 %.

Le tableau suivant illustre cette évolution.

Évolution des modes de calcul du « cinquième acompte »

Chiffre daffaires N  1

(en euros)

Fraction de limpôt estimé au titre de lexercice N à retenir

LFR 2005

LFR 2006

LFI 2013

LFI 2017

Entre 250 et 500 millions

75 %

80 %

Entre 500 millions et un milliard

2/3

75 %

80 %

Entre un et 5 milliards

2/3

80 %

85 %

90 %

Supérieur à 5 milliards

80 %

90 %

95 %

98 %

Source : commission des finances.

B.   l’impératif de réduction des déficits dans un contexte international troublÉ suppose un accroissement des recettes en 2019

Les perspectives de croissance à 1,7 % du PIB associées à l’impératif de maintenir le déficit public sous le plafond de 3 % du PIB au titre de l’année 2019 supposent de dégager pour cet exercice budgétaire de nouvelles recettes, sauf à compromettre les engagements de la France vis-à-vis de l’Union européenne et la crédibilité de la position française à l’égard de ses partenaires.

1.   Des perspectives de croissance crédibles dans un contexte international extrêmement tendu et incertain

L’infléchissement de la croissance mondiale en 2018 par rapport à l’année 2017 a eu mécaniquement pour effet de réduire les prévisions nationales, nombre de facteurs à l’origine de cet infléchissement étant exogènes à la France :

– le climat des affaires s’est replié par rapport à 2017 ;

– après avoir diminué en 2017, notamment au premier semestre, les prix du pétrole (Brent) ont entamé une hausse qui, par capillarité, a touché de nombreux secteurs économiques ;

– les incertitudes commerciales et économiques se sont considérablement accrues, ainsi qu’en témoignent les importantes tensions entre les États‑Unis d’Amérique, la Chine et l’Union européenne et la mise en place de droits à l’importation en guise de mesure de rétorsion.

Pour 2019, les perspectives internationales sont grevées par les déséquilibres financiers constatés notamment en Chine, ou les difficultés rencontrées par plusieurs pays, tels que la Turquie avec sa livre. L’incertitude de la conclusion du Brexit et la poursuite probable des tensions commerciales internationales ne sont pas pour apaiser la situation et favoriser la croissance mondiale.

Ces éléments, tout particulièrement la crise de certaines devises et les tensions commerciales sino-américaines, ont d’ailleurs conduit le FMI à abaisser, lundi 8 octobre 2018, ses prévisions de croissance mondiale pour les années 2018 et 2019 (+ 3,7 %) par rapport aux prévisions faites en avril dernier (+ 3,9 %) ([269]).

Le Gouvernement a donc prévu des hypothèses de croissance crédibles qui tiennent compte de ces facteurs, et a fixé la croissance en 2018 et 2019 à 1,7 %.

Si, comme certains ont pu le faire remarquer, il s’agit de prévisions inférieures à celles figurant dans le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril 2018, ces hypothèses de croissance correspondent à celles fixées l’année dernière dans la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([270]).

Le caractère vraisemblable des perspectives de croissance que fait le Gouvernement dans le présent PLF a d’ailleurs été souligné par le Haut Conseil des finances publiques, qui relevait également que les hypothèses retenues au titre de la demande des ménages et des entreprises étaient plausibles ([271]).

2.   Des recettes supplémentaires garantissant le respect des engagements européens de la France

Si les prévisions gouvernementales devraient permettre de respecter les engagements européens, certains éléments vont néanmoins être de nature à accroître le déficit public, comme le « coût double » dû à la transformation du CICE en allégements de charges sociales.

Cette transformation va se traduire, en 2019, par le cumul des créances de CICE du millésime 2018 – et des reports de créances des précédents millésimes – avec les allégements de charges, immédiats, pour un montant total de l’ordre de 40 milliards d’euros.

Ce soutien inédit aux entreprises et à l’emploi va peser sur les finances publiques.

La transformation du CICE en allégements de charge va aussi se traduire par un « effet retour » d’IS : les charges sociales étant déductibles du résultat fiscal, si elles sont réduites, l’assiette imposable s’accroît, conduisant à une augmentation de l’IS dû – toute chose égale par ailleurs, puisqu’au final les entreprises vont voir leur charge fiscale substantiellement réduite, l’« effet retour » ne compensant que très partiellement les avantages consentis par le Gouvernement pour renforcer la compétitivité des entreprises et favoriser l’emploi.

Cet « effet retour » est estimé à environ 5 milliards d’euros par le Gouvernement, mais concerne l’assiette des exercices ouverts à compter de 2019. Or, ainsi qu’il a été vu, les acomptes qui seront versés en 2019 seront assis sur le résultat 2018, qui n’intègre pas d’« effet retour » d’IS.

Seul le mécanisme du « cinquième acompte » va permettre de capter dès 2019 une partie des recettes supplémentaires dues à cet « effet retour ».

Dès lors, pour augmenter les recettes en 2019 sans alourdir la charge fiscale finale des entreprises au titre de leur exercice ouvert en 2019, une hausse du « cinquième acompte », c’est-à-dire une augmentation de la fraction d’IS estimé à retenir pour calculer cet acompte, est le moyen le plus approprié.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article prévoit une augmentation ponctuelle de la fraction de l’IS estimé à retenir pour le calcul du « cinquième acompte », conduisant à dégager un gain budgétaire estimé à 1,5 milliard d’euros en 2019.

A.   L’augmentation de la part d’impôt estimé à prendre en compte dans le cadre du « cinquième acompte »

Le I du présent article met en place, pour les exercices ouverts en 2019, une dérogation ponctuelle aux dispositions figurant à l’article 1668 du CGI relatives au « cinquième acompte », en augmentant la fraction de lIS estimé que l’entreprise doit retenir pour calculer le « cinquième acompte ».

1.   Une mesure limitée à 2019 et concernant les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 millions d’euros et 5 milliards d’euros

● Le dispositif proposé ne modifie la fraction d’IS estimé à retenir que pour les deux premières tranches du barème, c’est-à-dire les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 millions d’euros et 5 milliards d’euros. Il ne concerne que les exercices ouverts en 2019.

Concrètement, il majore la fraction d’IS estimé de quinze points pour la première tranche, qui passe de 80 % à 95 % de l’IS estimé, et de huit points pour la deuxième tranche, qui atteint le niveau de l’actuelle troisième tranche en passant de 90 % à 98 % de l’IS estimé.

Le tableau suivant présente les détails de la mesure et compare celle-ci au droit actuel.

modifications entraînées par le nouveau régime du « cinquième acompte »

 

Droit actuel

Droit proposé pour 2019

Chiffre daffaires
(en euros)

Fraction
de l’IS estimé

Croissance minimale du bénéfice

Fraction
de l’IS estimé

Croissance minimale du bénéfice

Entre 250 millions et un milliard 

80 %

25,00 %

95 %

5,26 %

Entre un et 5 milliards

90 %

11,11 %

98 %

2,04 %

Supérieur à 5 milliards

98 %

2,04 %

98 %

2,04 %

La dernière tranche du barème n’est pas concernée par le dispositif proposé.

Source : commission des finances.

Il ressort de ce tableau qu’au-delà de la hausse de la fraction d’IS estimé à retenir, qui constitue l’essence du dispositif proposé, le présent article a pour effet, précisément en raison de cette hausse, de réduire l’ampleur de la croissance du bénéfice d’un exercice à l’autre nécessaire à l’application du « cinquième acompte ».

Seule la fraction d’IS estimé est modifiée : les modalités de calcul des acomptes ou d’appréciations des conditions d’assujettissement, notamment celles tenant au chiffre d’affaires ne sont pas concernées.

Ainsi, le dispositif ne touche que les entreprises déjà éligibles au « cinquième acompte ».

● Le II du présent article tire les conséquences de la hausse de la fraction d’IS estimé à retenir s’agissant du volet portant sur les pénalités en cas de sous‑estimation manifeste.

Il ajuste donc en conséquence les éléments retenus dans le calcul de la sous‑estimation, qui correspondent aux fractions d’IS estimé.

La dispense de sanction prévue lorsque l’estimation a été faite à partir du compte de résultat consacré à l’article L. 232‑2 du code de commerce n’est pas expressément mentionnée. Néanmoins, cela ne devrait pas avoir de conséquence négative pour les entreprises dans la mesure où la première phrase du II du présent article prévoit bien que l’article 1731 A s’applique aux sommes dues.

Or, cet article, s’il consacre le principe des pénalités dans le cadre du « cinquième acompte », prévoit également la dispense précitée, qui sera dès lors applicable dans le cadre du dispositif proposé pour 2019.

2.   Une hausse qui ne présente pas de difficulté juridique et qui n’alourdira pas la charge fiscale finale des entreprises

La hausse de la fraction d’IS estimé à retenir, bien qu’augmentant provisoirement la charge des entreprises – avant de se traduire par une réduction de celle‑ci l’année suivante par un jeu de vases communicants –, ne pose pas de difficultés juridiques.

D’une part, le fait que, en fonction de la date des exercices, certaines entreprises devront estimer l’IS dû avant la fin dudit exercice, est tout à fait normal : tel est déjà le cas dans le droit en vigueur, et le compte de résultat prévisionnel précédant de deux mois la clôture, il est antérieur au dernier acompte et permet une estimation fiable.

D’autre part, et surtout, le Conseil constitutionnel a déjà eu à se prononcer sur le « cinquième acompte » lors de son examen de la loi de finances pour 2017 précitée ([272]).

Le dispositif alors prévu avait été contesté sous l’angle de la méconnaissance du principe d’égalité devant l’impôt, les auteurs des saisines parlementaires jugeant qu’en portant jusqu’à 98 % la fraction de l’IS estimé à retenir, les capacités contributives des entreprises seraient méconnues.

Le Conseil constitutionnel a écarté ce moyen, soulignant d’ailleurs expressément qu’était sans incidence le fait que l’estimation devait être faite avant la clôture.

A également été écarté le moyen reposant sur le principe de nécessité des délits et des peines, attaquant le dispositif sous l’angle des majorations : celles-ci ont été jugées suffisamment cadrées, ne sanctionnant que les manquements caractérisés.

Dès lors, le dispositif proposé, qui s’inscrit dans un cadre voisin et se contente d’élever la fraction d’IS estimé et d’ajuster en conséquence les éléments d’appréciation des sous-estimations manifestes, ne devrait faire l’objet d’aucune contestation susceptible de prospérer.

B.   L’impact budgétaire et économique : un gain suivi d’une perte sauf en cas de pérennisation

Le caractère ponctuel du dispositif, limité à 2019, va augmenter les recettes d’IS cette année‑là mais réduire celles de l’année suivante, sauf si le dispositif est pérennisé

1.   Un gain de 1,5 milliard d’euros en 2019 suivi d’une perte équivalente en 2020

● Le dispositif proposé conduira à l’enregistrement d’un gain de 1,5 milliard deuros en 2019 et à une perte de recettes dun même montant lannée suivante, comme l’illustre le tableau ci-après.

chronique de l’impact budgétaire de la mesure « cinquième acompte »

(en milliards d’euros)

2019

2020

2021

2022

+ 1,5

– 1,5

0

0

Source : évaluation préalable.

Le gain en 2018 et la perte équivalente en 2020 sont inévitables du fait du caractère ponctuel des modifications proposées.

Lorsque le relèvement de la fraction d’IS estimé à retenir est pérennisé, le gain constaté au titre de la première année est neutralisé par la suite dans la mesure où, la deuxième année, le gain tiré de la perception d’un plus grand « cinquième acompte » qu’avant est compensé par un solde plus faible.

En revanche, si le dispositif est ponctuel, il y a bien un gain en première année, mais la baisse corrélative du solde l’année suivante n’est pas compensée par une hausse des sommes perçues cette même année du fait de la mesure « cinquième acompte ».

Enfin, à compter de la troisième année, l’effet de la mesure s’annule.

2.   Une pérennisation de la mesure opportune au regard des prévisions touchant l’ajustement structurel

● Dans son avis précité, le Haut Conseil des finances publiques a souligné que l’augmentation de la fraction de l’IS estimé à retenir n’a pas été prise en compte en opération ponctuelle et temporaire. De ce fait, l’impact de cette mesure a contribué à améliorer l’ajustement structurel à hauteur de 0,1 point de PIB, pour établir cet ajustement à 0,3 % du PIB.

Le Haut Conseil invitait ainsi implicitement à pérenniser la mesure ou à modifier les prévisions ([273]).

Le ministre de l’économie et des finances, M. Bruno Le Maire, lors de son audition par la commission des finances de l’Assemblée nationale pour la présentation du présent PLF, a fait état de cet avis et de son souci de s’y conformer ([274]).

Une modification des prévisions serait particulièrement délicate pour la crédibilité de la France dans la mesure où, comme l’indiquait le ministre, ces prévisions correspondent aux chiffres présenté et défendu par lui devant la Commission européenne.

Le ministre a donc annoncé que les entreprises allaient être consultées, afin que la pérennisation de la mesure puisse se faire dans les meilleures conditions possibles.

● Si cette mesure devait se pérenniser, les entreprises ne verraient toujours pas leur charge fiscale alourdie : ce quelles paieront en plus au titre de lacompte, elles le récupéreront par un solde inférieur lexercice suivant.

Au demeurant, il semble important de souligner que la mesure ne va pas toucher des entreprises qui ne sont pas déjà familières avec le mécanisme du « cinquième acompte », cette option ayant été expressément écartée par le Gouvernement, ainsi qu’il ressort de l’évaluation préalable.

Le dispositif pourrait en revanche augmenter le nombre d’entreprises qui seront effectivement assujetties au « cinquième acompte ». Les tranches de chiffre d’affaires ne sont pas modifiées, mais la hausse de la fraction de l’IS estimé à retenir s’accompagne d’une réduction de l’ampleur de la variation du bénéfice.

Or, plus cette ampleur est faible, plus elle est facilement dépassée : un plus grand nombre d’entreprises pourrait donc être concernées.

Néanmoins, il s’agira nécessairement d’entreprises dont le chiffre d’affaires est au moins égal à 250 millions d’euros, c’est-à-dire des entreprises concernées par le compte de résultat prévisionnel et familières avec le « cinquième acompte », même dans l’hypothèse d’une absence d’assujettissement effectif : leur éligibilité théorique au dispositif suppose un minimum de connaissance des mécanismes de celui‑ci.

*

*     *

La commission examine les amendements de suppression I-CF44 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF442 de Mme Véronique Louwagie, I-CF1142 de Mme Valérie Rabault, ICF1191 de Mme Valérie Lacroute et I-CF1390 de M. Charles de Courson.

Mme Émilie Bonnivard. La volonté du Gouvernement, explicitée dans l’exposé des motifs de l’article 15, est d’accroître l’effort contributif des plus grandes entreprises au titre du dernier acompte d’impôt sur les sociétés « afin de respecter les objectifs fixés en matière de déficit public en 2019 sans alourdir la charge fiscale définitive des entreprises ».

Cet effort demandé aux entreprises a pour – seul ? – but de respecter les objectifs fixés en matière de déficit public, c’est-à-dire de donner l’illusion, à la fin de 2019, que le déficit public est inférieur à ce qu’il est réellement. En un mot, sans l’effort contributif des entreprises, le déficit public dépasserait les prévisions fixées. Il s’agit donc d’un moyen, pour le Gouvernement, de camoufler le déficit public réel. Lorsqu’on veut le réduire de manière durable, d’autres méthodes doivent être proposées, notamment la baisse des dépenses publiques.

Enfin, la mesure évoquée ne risque pas de rassurer les principaux acteurs économiques concernés établis en France quant à la politique fiscale globale menée par le Gouvernement. Elle donne la sensation aux grandes entreprises de devoir prendre en charge le déficit public de la France et témoigne d’une véritable incohérence : alors que le taux d’impôt sur les sociétés baisse, l’effort contributif demandé aux grandes entreprises augmente.

Nous proposons donc la suppression de l’article.

Mme Véronique Louwagie. Le Gouvernement se lance ici dans une fuite en avant. C’est néanmoins peut-être la dernière fois car, une fois que nous serons parvenus à un taux de 98 % pour le cinquième acompte d’IS versé par les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 5 milliards d’euros, il paraîtra difficile d’augmenter de nouveau ce taux de 8 points.

M. Jean-Louis Bricout. L’article 15 consiste à demander aux entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros, de payer en avance le cinquième acompte d’impôt sur les sociétés. La recette escomptée est tout de même de 1,5 milliard d’euros. Le Haut Conseil des finances publiques souligne que le Gouvernement, qui n’a d’ailleurs pas respecté le volet préventif du pacte de stabilité – la réduction du déficit structurel devait être de l’ordre de 0,5 point alors que, selon le PLF, elle ne sera que de 0,3 point –, n’a pas comptabilisé cette opération comme étant ponctuelle alors que son effet est bel et bien temporaire : il est limité à l’année 2019. Je ne voudrais pas vous voir vous engouffrer dans une forme d’insincérité budgétaire. Il faudrait en outre assumer vos décisions et les niveaux de déficit qu’elles entraînent. Autrement dit, il faudrait éviter, avec ce cinquième acompte, que vous ne vous lanciez dans la cavalerie budgétaire. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer l’article.

Mme Valérie Lacroute. La mesure proposée est purement comptable permet au Gouvernement de dégager 1,5 milliard d’euros au détriment de la trésorerie des grandes entreprises. Or ces entreprises souffrent depuis plusieurs années du manque de stabilité fiscale, une stabilité qu’il est plus que nécessaire de rétablir. L’amendement vise donc à supprimer l’augmentation du cinquième acompte d’IS pour les grandes entreprises qui n’ont pas à supporter d’une telle manière le « bouclage » budgétaire imposé par l’État.

M. Charles de Courson. Un point de l’article 15 n’a pas été suffisamment mis en relief : le dispositif qu’il prévoit est totalement ponctuel puisque, si l’on s’en tient à la rédaction de l’article, après 2020, on reviendra à la situation antérieure – même si personne n’y croit. L’étude d’impact prévoit d’ailleurs une augmentation des recettes de 1,5 milliard d’euros en 2019 et une baisse des recettes de 1,5 milliard d’euros en 2020. Autant vous dire que le ministre qui sera alors chargé des finances cherchera à pérenniser le dispositif. D’où l’analyse du Haut Conseil, selon lequel il s’agit bien d’une mesure ponctuelle et non structurelle. Je pense que c’est une très mauvaise politique car on pourrait continuer et faire des acomptes à 120 % pour anticiper l’IS de 2020 en 2019. Or, à un moment donné, il faut arrêter : on ne peut pas gérer les finances publiques ainsi.

M. le président Éric Woerth. Le ministre a indiqué devant la commission que cette mesure n’était pas ponctuelle mais permanente, cela en réponse, d’ailleurs, à l’avis du Haut Conseil des finances publiques.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas ce que dit le texte !

M. le président Éric Woerth. En effet, mais les commentaires du ministre ont été assez clairs compte tenu des remarques du Haut Conseil des finances publiques.

M. le Rapporteur général. Les difficultés techniques n’existent pas : les sociétés commerciales qui relèvent du cinquième acompte sont dans l’obligation de tenir un compte de résultat prévisionnel au cours du quatrième mois du second semestre. Elles savent donc bien quel est le résultat prévisionnel de l’exercice, ce qui, je le répète, élimine toute difficulté d’estimation.

Au-delà, je ne veux pas faire de polémique à une heure aussi tardive mais, depuis 2005, toutes les majorités successives ont créé, augmenté et élargi le cinquième acompte. Aussi y a-t-il une certaine hypocrisie à avancer aujourd’hui qu’il est inadmissible de le modifier.

M. Gilles Carrez. Je confirme les propos du Rapporteur général.

M. le président Éric Woerth. Il y a tout de même une contradiction à augmenter le montant du cinquième acompte tout en diminuant le taux de l’IS.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !

M. Julien Aubert. Vous avez raison, monsieur le Rapporteur général. Il n’en reste pas moins que l’on est ici victime de cette course à la performance qui touche l’administration : quand on veut absolument respecter l’indicateur, qu’importent les moyens pourvu qu’on ait l’ivresse d’y parvenir. Ici, l’objectif est que le déficit ne dépasse pas un certain niveau et donc, via le prélèvement à la source, on rapatrie 3,8 milliards d’euros et, de l’autre côté, on rapatrie des ressources de 2020 sur 2019. Aussi, bon an mal an, quitte à malmener la notion d’acompte, on va rapatrier 5 milliards d’euros, ce qui permettra de passer l’année, et le Gouvernement suivant verra bien s’il doit vendre les derniers bijoux de famille ou gratter ici ou là.

Le problème, au fond, c’est la contemporanéité des mesures prises. Je l’avais dit l’an dernier : dès lors que la TVA sera corrélée à l’activité de l’année, l’impôt sur le revenu corrélé aux revenus de l’année et, pour les entreprises, l’impôt sur les sociétés corrélé aux revenus de l’année, les trois grandes recettes de l’État seront liées à la conjoncture. Aussi, en cas de retournement de conjoncture, le choc sur les recettes fiscales se mesurera-t-il en dizaines de milliards d’euros – et l’État sera bien dégarni pour assurer ses dépenses. C’était en effet tout l’intérêt de la ventilation : quand les recettes de la TVA baissaient, les recettes de l’impôt sur le revenu, elles, résistaient... On met ici tous les œufs dans le même panier, si bien qu’on a intérêt à ce que 2020 ne soit pas une année de retournement de cycle car on le regrettera amèrement.

M. Jean-Louis Bricout. Je souhaite savoir ce qu’il en est exactement : la mesure envisagée est-elle ponctuelle ou non ? Si elle est ponctuelle, elle est supportable grâce, en particulier, à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en réduction de charges qui améliorera la trésorerie des entreprises ; si elle est permanente au contraire, cette trésorerie s’en trouvera sérieusement affectée.

M. le président Éric Woerth. Nous venons de le préciser, monsieur Bricout : le dispositif est ponctuel aux termes du PLF, mais probablement amené à être permanent puisque, devant la commission des finances, le ministre a confirmé qu’il souhaitait prolonger cette mesure dans les années à venir.

M. Gilles Carrez. Exactement.

M. Charles de Courson. La stratégie fiscale du Gouvernement devient illisible. On ne peut pas baisser l’impôt sur les sociétés à raison de 2,4 milliards d’euros pour 2019, tout en augmentant le cinquième acompte à hauteur de 1,5 milliard d’euros, sans oublier la création de dernière minute d’une taxe sur le gazole censée rapporter 1 milliard d’euros. Je le répète : c’est illisible.

La commission rejette les amendements identiques I-CF44, I-CF442, ICF1142, ICF1191 et I-CF1390.

Elle adopte ensuite larticle 15 sans modification.

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*     *

Article 16
Adaptation de lexonération partielle de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) en faveur des entreprises (« pactes Dutreil »)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à une rénovation du dispositif des « pactes Dutreil » applicable aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG), qui permet d’exonérer à 75 % la transmission d’entreprise sous réserve du respect d’un engagement de conservation.

Cette rénovation, annoncée lors de la présentation en conseil des ministres du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (loi « PACTE ») le 18 juin 2018, consiste pour l’essentiel à apporter au dispositif les trois ajustements suivants :

– il sera mis fin aux charges déclaratives annuelles pesant sur les parties au pacte, au stade de l’engagement collectif ou au stade de l’engagement individuel, au profit d’une transmission sur demande de l’administration ;

– lorsque l’engagement collectif de deux ans pèse sur les héritiers ou les donataires, une cession ou une donation à un autre associé de l’engagement initial n’entraînera qu’une remise en cause partielle de l’exonération (limitée aux titres cédés) ;

– le projet d’article prévoit enfin un assouplissement des conditions dans lesquelles l’exonération n’est pas remise en cause en cas d’apport de titres à une société holding.

Dernières modifications législatives intervenues

Depuis sa création en 2003, le dispositif a fait l’objet de nombreuses modifications, permettant notamment de porter l’exonération de 50 à 75 % et de préciser les cas dans lesquels la restructuration du capital de la société transmise, souvent nécessaire à l’occasion de la transmission, ne remet pas en cause l’exonération.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté quatre amendements à cet article :

– un amendement du Rapporteur général abaissant les seuils de détention de l’entreprise transmise requis pour bénéficier du dispositif ;

– deux amendements identiques du Rapporteur général et de Mme Amélie de Montchalin(LaREM), aménageant le dispositif dit du « réputé acquis » en cas de détention indirecte ;

– un amendement de Mme Amélie de Montchalin permettant de conserver le bénéfice fiscal du pacte en cas d’offre publique d’échange, qu’un sous-amendement du Rapporteur général a permis de limiter aux cas où ces offres publiques d’échange sont préalables à une fusion ou une scission.

I.   L’État du droit

Les pactes dits « Dutreil », du nom du ministre qui les a promus dans le cadre de la loi pour l’initiative économique ([275]) peuvent potentiellement désigner deux dispositifs connexes :

– un régime d’exonération de 75 % de droits de transmission à titre gratuit (donation ou succession) des titres d’une entreprise faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée totale de six ans (articles 787 B et 787 C du CGI, créé par l’article 43 de cette loi) ;

– un régime d’exonération de 75 % de l’ISF pesant sur la détention de parts de sociétés, lorsqu’ils font l’objet d’un même engagement collectif de conservation (article 885 I bis du CGI, créé par l’article 47 de cette même loi).

Le second de ces deux dispositifs a été abrogé, par la loi de finances pour 2018 ([276]), à compter du 1er janvier 2018, dans le cadre de la création de l’IFI qui l’a rendu inutile.

Il continuera toutefois à produire ses effets potentiellement pendant les six années suivant son abrogation, notamment à l’égard des redevables qui, liés par un tel pacte avant son abrogation, devront continuer à se plier aux obligations déclaratives, sauf à risquer un redressement sur un impôt qui, par ailleurs, n’existe plus.

Compte tenu de cette suppression, les pactes Dutreil désignent aujourd’hui pour l’essentiel le dispositif applicable au titre des droits de transmission à titre gratuit, qui se décompose lui-même en deux volets :

– celui applicable au titre des transmissions des parts de sociétés, prévu par l’article 787 B du CGI, fait l’objet des modifications prévues par le présent article ;

– celui applicable au titre des transmissions d’entreprises individuelles, prévu par l’article 787 C du CGI, n’est pas modifié par le présent article. D’une manière générale, il ne l’a été qu’à quatre reprises depuis sa création.

A.   Le dispositif du pacte Dutreil

1.   Une première exonération prévue en loi de finances pour 2000 pour les seuls droits de succession

Contrairement au pacte Dutreil applicable à l’ISF créé en 2003, celui prévu à compter de cette date dans le domaine des droits de mutation à titre gratuit ne l’a pas été ex nihilo.

Le dispositif censuré en 1996

Initialement, un premier dispositif a été prévu par l’article 9 du PLF pour 1996, sous la forme d’une exonération de DMTG, à hauteur de 50 % et dans la limite de 100 millions de francs pour chacun des bénéficiaires, des biens professionnels au sens de l’ISF, à condition que le donateur ait exercé son activité dans l’entreprise pendant cinq ans au moment de la transmission et que la donation porte sur la pleine propriété de plus de 50 % des titres.

Les bénéficiaires devaient prendre l’engagement de conserver les parts pendant cinq ans au moins suivant la donation.

Le Conseil constitutionnel a censuré l’intégralité du dispositif (1), en jugeant qu’en prévoyant un abattement de 50 % au profit des bénéficiaires à la seule condition de conserver les titres pendant cinq ans, « sans exiger deux quils exercent de fonction dirigeante au sein de lentreprise », le dispositif entraînait une rupture caractérisée de l’égalité entre les contribuables.

(1)    Conseil constitutionnel, décision° 95-369 DC du 28 décembre 1995, Loi de finances pour 1996.

Ultérieurement, l’article 11 de la loi de finances pour 2000 ([277]) a prévu un dispositif de réduction de 50 % des DMTG pour la transmission de sociétés et pour celle d’entreprises individuelles, respectivement codifiés aux articles 789 A et 789 B du CGI.

Inséré lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale à l’initiative de sa commission des finances, le Rapporteur général a alors indiqué, lors de sa présentation en séance publique, qu’il s’agissait de favoriser la continuité de lactionnariat de lentreprise au stade où, du fait du décès du dirigeant, elle est particulièrement vulnérable.

Le dispositif initialement présenté prévoyait un engagement de conservation de seize ans minimum, soit huit ans au moins avant le décès du dirigeant et huit ans après ce décès, délai qui a ensuite été ramené à dix ans au cours du débat (deux fois cinq ans).

L’article 5 de la loi de finances pour 2001 ([278]) a ensuite modifié ces délais, pour les fixer à deux ans au moins avant le décès du dirigeant et six ans après.

Le dispositif issu des lois de finances pour 2000 et 2001

Les entreprises potentiellement concernées étaient celles ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des holdings ayant une activité strictement financière (sauf à ce qu’elles soient des holdings « animatrices » de leurs groupes de sociétés, c’est-à-dire assurant la gestion d’un portefeuille de participations, participant activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et assurant, au niveau interne, certaines fonctions).

Pour les entreprises sous forme sociétaire, le bénéfice de la réduction des droits d’enregistrement était conditionné par l’existence d’un engagement collectif de conservation  réunissant au moins deux associés regroupant :

– 25% des droits sociaux, pour une entreprise cotée ;

– 34% des parts ou actions pour une entreprise non cotée.

L’originalité de ces engagements de conservation tenaient à l’époque au fait qu’ils engageaient les héritiers ou légataires de chaque signataire du pacte : l’exonération des droits d’enregistrement n’était acquise qu’en cas d’engagement, dans la déclaration de succession, de conserver les titres pendant six ans après le décès, l’un des signataires devant occuper une fonction de direction dans l’entreprise pendant cinq ans.

Pour être opposable à l’administration, l’engagement collectif de conservation devait être enregistré auprès d’une trésorerie publique, cette formalité n’étant soumise à aucun droit ou taxe.

Enfin, pour ouvrir droit à la réduction de DMTG sur les parts incluses dans l’engagement, celui-ci devait avoir deux ans d’existence lors du décès de son signataire.

Si l’entreprise n’était pas constituée sous forme sociétaire, la même réduction de droits d’enregistrement s’appliquait à la transmission des biens meubles et immeubles, corporels (matériel d’exploitation, outillage, marchandises...) ou incorporels (clientèle, enseigne ou nom commercial, droit au bail, marques et brevets...) affectés à l’exploitation de l’entreprise. La mutation devait impérativement porter sur l’ensemble de ces biens.

Le non-respect de l’engagement individuel des héritiers, donataires ou légataires de conserver les parts de société ou l’entreprise transmise au jour du décès ou le non-respect de la condition liée à l’exercice d’une fonction dirigeante au sein de la société ou à l’exploitation effective de l’entreprise individuelle entraînait la déchéance du régime de faveur.

La remise en cause du régime entraîne, pour les héritiers, donataires ou légataires :

– l’exigibilité de la réduction de droit d’enregistrement dont ils avaient bénéficié lors du règlement de la succession ;

– le paiement des intérêts de retard au taux de 0,75 % par mois, en application de l’article 1727 du CGI ;

– l’application d’un droit supplémentaire égal à 20 % de la réduction consentie en cas de manquement survenant au cours des deux premières années suivant la date de l’engagement, à 10 % pour la troisième ou la quatrième année et à 5 % pour la cinquième ou la sixième année.

2.   L’extension du dispositif aux donations par la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique

Compte tenu du dispositif préexistant, le pacte Dutreil tel qu’on le connaît aujourd’hui a été présenté, lors de son examen dans le cadre du projet de loi pour l’initiative économique, comme une extension de celui issu de la loi de 2000 aux donations en pleine propriété, les autres conditions, tenant aux modalités et à la durée de la conservation des titres, ayant été conservées.

De ce fait, les arguments avancés à l’appui de cette extension n’étaient plus centrés sur la vulnérabilité des entreprises lors du décès du dirigeant, mais sur le nombre important de chefs d’entreprise ayant atteint un certain âge du fait du baby-boom – selon le Rapporteur général de la commission des finances du Sénat, un tiers d’entre eux ayant plus de cinquante ans à la date d’examen du dispositif.

L’objectif poursuivi par cette extension était donc davantage de pousser les dirigeants d’entreprise à envisager sa transmission anticipée, tout en assurant une certaine stabilité de l’actionnariat lors de cette opération.

a.   Le dispositif initial de 2003

Applicable à compter du 1er janvier 2004, le nouveau pacte Dutreil prévoit une exonération (initialement de 50 %) de la valeur des titres sous réserve du respect de nombreuses conditions largement reprises du dispositif préexistant :

– les titres doivent avoir fait l’objet d’un engagement collectif de conservation dau moins deux ans au jour de la transmission, pris par le défunt ou le donateur pour lui est ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés (en pratique, au moins un autre associé) ; cet engagement collectif peut éventuellement être poursuivi par les héritiers ou les donataires, si telle est la volonté des signataires initiaux formalisée dans l’acte initial ;

– l’engagement collectif de conservation doit être suivi d’un engagement individuel de conservation, pris par les héritiers, donataires ou légataires dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, d’une durée initialement fixée à six ans à compter de lexpiration de lengagement collectif ; le non-respect de l’engagement individuel de conservation entraîne la remise en cause de l’exonération pour la seule personne qui a cédé ses titres, tandis que le non-respect de l’engagement collectif, par l’un des signataires initiaux ou par les bénéficiaires du pacte, entraîne la remise en cause complète de l’exonération ;

– cet engagement collectif doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote pour les sociétés cotées, et sur au moins 34 % pour les sociétés non cotées.

Le texte prévoit explicitement que ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de l’engagement collectif de conservation ; toutefois, les associés initiaux à l’engagement peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations portant sur les titres soumis à engagement.

Afin de tenir compte de la jurisprudence constitutionnelle mentionnée précédemment, le dispositif prévoit que l’un des associés ou l’un des héritiers ou donataires doit exercer, pendant la durée de l’engagement collectif de deux ans et pendant les trois années qui suivent la transmission, son activité professionnelle principale.

Compte tenu du nombre important de conditions à respecter pour pouvoir bénéficier d’un avantage fiscal lui-même très conséquent, le dispositif repose sur des obligations déclaratives particulièrement lourdes :

– la déclaration de succession ou l’acte de donation doivent être appuyés par une attestation émanant de la société dont les parts font l’objet de l’engagement collectif certifiant que le délai de conservation de deux ans et les ratios de conservation ont été respectés ;

– à compter de la transmission et jusqu’à l’expiration de l’engagement collectif de conservation, la société doit en outre adresser, avant le 31 mars de chaque année, une attestation certifiant que les conditions prévues ci-dessus étaient remplies au 31 décembre précédent ;

– la partie législative du CGI est muette s’agissant des obligations déclaratives pesant sur les bénéficiaires du pacte ; l’article 294 quater de l’annexe II de ce même code prévoit toutefois que ces bénéficiaires doivent remettre, avant le 31 mars de chaque année, l’ensemble des pièces permettant de vérifier le respect de l’engagement individuel de conservation.

b.   Les assouplissements ultérieurs du dispositif

Depuis la mise en place initiale du dispositif de 2003, les pactes Dutreil ont fait l’objet d’ajustements réguliers, permettant d’englober certaines situations particulières non appréhendées initialement selon des modalités qui pourraient tendre à la casuistique.

L’article 28 de la loi du 2 août 2005 ([279]) a d’abord porté à 75 % lexonération résultant du pacte Dutreil. Il a, en outre, précisé que le pacte est applicable en cas de donation avec réserve d’usufruit à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient statutairement limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices (afin que le pacte Dutreil s’accompagne réellement d’une transmission opérationnelle de l’entreprise).

L’article 21 de la loi de finances rectificative pour 2005 ([280]) a ajouté une dérogation permettant de conserver le bénéfice de l’exonération en cas de non-respect de l’engagement individuel de conservation.

Celle-ci prévoit qu’en cas de non-respect de cette condition par suite d’un apport de titres dune société opérationnelle à une société holding, dont l’unique objet est de gérer la participation dans la société dont les titres font l’objet du pacte, l’exonération n’est pas remise en cause si la holding est détenue en totalité par des personnes bénéficiaires de la même exonération et si la holding conserve les titres jusqu’au même terme.

L’article 57 de la loi de finances rectificative pour 2006 ([281]) a prévu que l’engagement collectif est réputé acquis lorsque les parts sont détenues depuis deux ans et dépassent les seuils mentionnés précédemment, et si le détenteur exerce depuis plus de deux ans dans la société concernée son activité principale ou une fonction de direction.

Il prévoit, ensuite, que le bénéfice de l’exonération n’est pas remis en cause, en cas de non-respect de l’engagement collectif de conservation de deux ans, à la suite d’une fusion ou dune scission de lentreprise, dune augmentation de capital si les titres reçus en contrepartie de ces opérations de restructuration sont conservés jusqu’au même terme. Elle n’est pas non plus remise en cause en cas dannulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.

Il prévoit, enfin, que l’exonération n’est pas remise en cause, en cas de non-respect de l’engagement individuel de conservation, en cas de fusion ou de scission (sous les mêmes conditions) ou en cas d’annulation de titres ou de liquidation judiciaire.

L’article 15 de la loi de finances pour 2008 ([282]) précise qu’en cas de transmission par décès n’ayant pas été précédée d’un engagement collectif de conservation, un ou des héritiers, donataires ou légataires peuvent conclure un tel engagement dans les six mois suivant ce décès.

La durée de lengagement individuel de conservation a, par ailleurs, été réduite de six à quatre ans. Le délai pendant lequel l’un des associés, héritiers ou donataires doit occuper une fonction de direction dans la société transmise a en outre été ramené de cinq à trois ans (pour une entrée en vigueur à compter du 26 septembre 2007).

L’article 31 de la loi de finances rectificative pour 2007 ([283]) a, quasiment au même moment, précisé que l’exonération n’est pas remise en cause, en cas de non-respect de l’engagement individuel de conservation de quatre ans du fait d’une nouvelle donation, lorsque les donataires sont les descendants du donateur et reprennent à leur compte cet engagement de conservation (pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2008).

L’article 8 de la première loi de finances rectificative pour 2011 ([284]) a rendu le dispositif du pacte Dutreil cumulable avec l’exonération de 50 % des droits de transmission en cas de donation d’une société opérationnelle en pleine propriété (prévue par ce même article) lorsque le donataire a moins de soixante-dix ans au moment de la donation. Les conséquences pratiques de cette possibilité de cumul sont explicitées concrètement ci-dessous.

B.   les pactes dutreil appellent une nouvelle modernisation

Une certaine modernisation du dispositif des pactes Dutreil a été appelée de leurs vœux par les auteurs de plusieurs rapports récents, voire par des amendements présentés dans le cadre de l’examen de projets de loi successifs.

1.   Les préconisations résultant de certains rapports récents

a.   Le rapport de Mme Fanny Dombre-Coste de juillet 2015

La mission confiée par le Gouvernement à Mme Fanny Dombre-Coste, députée de l’Hérault, concernant les moyens de favoriser la transmission d’entreprise en France ([285]) a posé un diagnostic très mitigé du dispositif « Dutreil » :

– seul 20 % des cédants potentiels déclareraient le connaître ;

– le dispositif serait trop complexe pour les dirigeants de PME ;

– les dirigeants d’entreprise seraient, plus généralement, insuffisamment informés sur les problématiques liées à la cession d’entreprise.

Sans entrer dans le détail des dispositifs fiscaux, l’auteure du rapport préconise une amélioration de la sensibilisation et de la connaissance statistique des dirigeants concernés, une meilleure formation et un renforcement de l’offre territoriale de financement de la reprise.

b.   Le rapport « Carré-Caresche » de septembre 2015

Ce rapport d’information initié par la commission des finances de l’Assemblée nationale, consacré à l’investissement productif long terme ([286]), contient également une analyse sur les faiblesses françaises dans le domaine de la transmission des entreprises, au terme de laquelle les auteurs du rapport appelaient à « lever les rigidités liées à la mise en œuvre du pacte Dutreil ».

Même si la stabilité globale du dispositif est analysée comme fondamentale pour offrir aux bénéficiaires une certaine visibilité, certains points de blocage et des obligations déclaratives parfois inutilement lourdes sont soulignées :

– les dispositions figeant les participations en cas de sociétés interposées mériteraient d’être supprimées ;

Extrait du rapport d’information de MM. Olivier Carré et Christophe Caresche sur l’investissement productif de long terme

Actuellement, le bénéfice du pacte Dutreil, dans son volet applicable à la transmission, est entouré de nombreuses conditions destinées à assurer la sécurité juridique du dispositif :

– l’engagement doit porter sur 20 % des droits financiers et des droits de votes lorsque les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, dans les autres cas, sur 34 % de ces droits ;

– ces pourcentages doivent être respectés tout au long de l’engagement, les associés pouvant effectuer entre eux des cessions ou admettre un nouvel associé à condition que l’engagement soit reconduit pour deux ans au minimum ;

– l’engagement collectif doit être enregistré devant notaire pour être opposable à l’administration.

Un dispositif particulier est prévu dans l’hypothèse où la société dont les titres font l’objet d’une transmission possède des participations dans une autre entreprise ou lorsque son capital est lui-même détenu par une autre société :

– dans le cas où le capital de la société à transmettre est détenu par une autre société holding, les titres correspondant entrent dans le calcul des ratios mentionnés précédemment si la société est elle-même partie à l’engagement collectif de conservation ;

– dans ce cas, la valeur des titres transmis fait l’objet d’une exonération à hauteur de la participation ayant fait l’objet de l’engagement collectif de conservation ;

– l’exonération s’applique également lorsque la société détenue par le redevable possède des participations dans une société qui détient elle-même les titres de la société dont les titres font l’objet de l’engagement collectif de conservation. L’exonération est alors applicable à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l’objet de l’engagement.

Le dernier alinéa du b de l’article 787 B prévoit enfin que le bénéfice de ces dispositions n’est applicable qu’à condition que les participations soient inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif, sauf dans le cas où la participation dans la société soumise à engagement collectif augmenterait.

Cette dernière précision conduit à l’évidence à figer la fluidité des participations et devrait donc être supprimée.

– les auteurs du rapport appellent par ailleurs à un allégement des formalités déclaratives ;

Extrait du rapport d’information de MM. Olivier Carré et Christophe Caresche sur l’investissement productif de long terme

Actuellement, le e de l’article 787 B du CGI prévoit deux obligations déclaratives pour le bénéfice du pacte Dutreil (dans son volet relatif aux droits de transmission) :

– en premier lieu, l’acte de succession ou de donation doivent être appuyé par une attestation de la société que les conditions relatives au pacte Dutreil sont vérifiées ;

– en second lieu, depuis la transmission jusqu’à l’expiration de l’engagement collectif de conservation, la société faisant l’objet de l’engagement doit adresser avant le 31 mars de chaque année une attestation certifiant que les conditions permettant de bénéficier du pacte Dutreil sont remplies au 31 décembre de chaque année.

La liste précise des documents à fournir est détaillée par l’article 294 bis de l’annexe II du CGI. L’article 294 quater du même code précise quels sont les actes à fournir par les personnes bénéficiaires du pacte pendant les quatre années du pacte, avant le 31 décembre de chaque année.

Dans la mise en œuvre de ces dispositions, il ressort des auditions que l’administration fiscale a fait preuve d’une certaine intransigeance ; le manque ou l’oubli d’un document pendant l’ensemble des six années entraîne l’impossibilité de bénéficier du régime dérogatoire du pacte Dutreil.

Cette position étant difficilement acceptable, un amendement a été adopté dans le projet de loi « Macron » afin de distinguer :

– le délai de deux ans pendant lequel l’engagement collectif est applicable ; dans cet intervalle, la société aurait été tenue d’adresser une attestation certifiant que les conditions permettant de bénéficier du régime du pacte Dutreil uniquement sur demande de l’administration ;

– pendant les quatre années suivantes, pendant lesquelles l’engagement de conservation des titres pèse sur les héritiers ou donataires, il était prévu que ces personnes doivent également produire une telle attestation sur demande de l’administration.

Ce dispositif, qui a ensuite été supprimé à l’Assemblée nationale, reprend l’une des propositions du rapport sur la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal des entreprises, dit « rapport Mandon » remis au Gouvernement le 2 juillet 2013.

La mission considère que cette proposition doit être reprise au plus vite.

– les auteurs du rapport appelaient par ailleurs à un assouplissement des conditions d’applicabilité du pacte Dutreil en cas d’apports de titres, le maintien de l’exonération devant être ouvert y compris pendant la durée de l’engagement collectif de conservation ;

Extrait du rapport d’information de MM. Olivier Carré et Christophe Caresche sur l’investissement productif de long terme

Actuellement le f de l’article 787 B du code prévoit que le régime du pacte Dutreil reste applicable dans deux cas alors que la condition relative à la durée de détention n’a pas été respectée :

– quand les donataires ne respectent pas le délai de quatre ans du fait d’un apport partiellement rémunéré par la prise en charge d’une soulte consécutive à un partage ;

– quand les donataires ne respectent pas le délai de quatre ans du fait d’un apport de titres d’une société ayant une activité industrielle, commerciale ou artisanale à une société dont l’objet unique est la gestion de son propre patrimoine constitué exclusivement de participations dans des sociétés du même groupe que la société dont les parts ont été transférées et ayant une activité soit similaire soit connexe et complémentaire.

En termes plus simples, ces dispositions maintiennent le dispositif du pacte Dutreil lorsque l’héritier ou le donataire décide de transmettre ses titres à une holding.

Dans ces deux cas, l’exonération reste applicable si :

– la société bénéficiaire de l’apport est détenue en totalité par les personnes bénéficiant de l’exonération ;

– la société bénéficiaire de l’apport prend l’engagement de conserver les titres jusqu’à la fin du délai de quatre ans ;

– les héritiers ou donataires doivent conserver les titres reçus en contrepartie de l’apport jusqu’au même terme.

Dans le dispositif actuellement en application, ces dispositions ne sont applicables que dans le délai de quatre ans qui suit celui de deux ans durant lequel l’engagement collectif est applicable.

La mission recommande de rendre applicables ces dispositions dès la signature de l’engagement collectif, c’est-à-dire y compris durant les deux premières années.

c.   Les consultations menées dans le cadre de l’élaboration de la loi « PACTE »

La rénovation du dispositif du pacte Dutreil a été annoncée lors de la présentation du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (ci-après « projet de loi PACTE ») en conseil des ministres le 18 juin 2018 ; les mesures fiscales liées à ce plan d’action ont été renvoyées au présent PLF.

Sur le site internet du ministère de l’économie et des finances, une présentation des dix mesures emblématiques du plan d’action indique que « le pacte Dutreil sera rénové pour les transmissions à titre gratuit. Les transmissions dentreprise aux salariés et le financement de la reprise des petites entreprises seront facilités » ([287]).

La consultation publique sur ces thématiques ont permis de mettre en avant deux propositions :

– la première, visant à « assouplir le pacte Dutreil concernant la facilitation des transmissions familiales », repose sur l’idée de substituer au critère de maintien des fonctions de direction au sein de l’entreprise éligible un autre critère tel qu’un engagement de conservation des titres et de développement de l’entreprise. Une telle proposition, bien qu’ayant reçu un avis favorable par 84 % des 594 votants, risque d’être inconstitutionnelle, compte tenu de la décision de 1996 rappelée précédemment ;

– la seconde, visant à faciliter la reprise des entreprises par ses salariés, fait l’objet de l’article 49 du présent PLF.

2.   Des amendements récurrents sur le dispositif du pacte Dutreil

Compte tenu de ces diagnostics, des amendements ont dernièrement été régulièrement présentés pour assouplir le dispositif ; ces amendements ont dans l’ensemble été repoussés à la demande du Gouvernement souvent en raison de leur coût putatif, parfois dans l’attente d’un travail plus global sur le sujet.

a.   Les amendements adoptés par le Sénat dans le cadre de la loi pour la croissance et l’activité

Dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ([288]), le Sénat a inséré plusieurs articles visant à assouplir le dispositif du pacte Dutreil. Ces articles ([289]) prévoyaient les mesures suivantes :

– la suppression de l’alinéa de l’article 787 B du CGI prévoyant que les participations doivent être inchangées à chaque niveau d’interposition pendant la durée de l’engagement collectif ;

– la présomption d’application du pacte Dutreil dans certains cas de sociétés interposées ;

– l’allégement des formalités déclaratives liées au pacte Dutreil, les documents à transmettre à l’administration devant l’être sur sa demande, pendant le délai de l’engagement collectif de conservation ou pendant l’engagement individuel.

b.   Les amendements présentés dans le cadre de la loi de finances pour 2018

Dans le cadre de l’examen du PLF pour 2018, un amendement de l’opposition ([290]) a porté sur les obligations déclaratives liées au pacte Dutreil ou, plus précisément, sur les conséquences que peut avoir l’oubli, par le redevable, d’un document nécessaire au bénéfice de l’exonération.

En l’état, l’article 1840 G ter du CGI prévoit que, pour l’ensemble des exonérations ou réductions de droits d’enregistrement conditionnées par le respect d’un engagement ou la production d’une justification, le non-respect de l’engagement ou le défaut de production de la justification entraîne l’obligation de payer les droits dont la mutation a été exonérée, majorés de l’intérêt de retard.

Compte tenu de la complexité du dispositif et du nombre de pièces à fournir, en l’état du droit chaque année, il a pu arriver que certains redevables (le plus souvent leur conseil) oublient l’une de ces pièces, ce qui peut conduire à une remise en cause totale de l’exonération depuis son début. Il est évident que les sommes exigibles sont alors considérables et peuvent même, dans certains cas, fragiliser l’entreprise.

Afin d’éviter une telle perspective, les amendements déposés dans le cadre de l’examen du PLF pour 2018 tendaient à prévoir que le défaut de production d’une pièce justificative ne remet pas en cause l’exonération, si le contribuable produit la pièce manquante dans un délai d’un mois suivant la mise en demeure.

Une même version de cet amendement, présenté au stade de la séance publique, permettait de viser plus spécifiquement le pacte Dutreil, alors que l’amendement présenté en commission s’appliquait potentiellement à l’ensemble des dispositifs d’exonération de droits d’enregistrement.

Ce second amendement, accepté par la commission lors de sa réunion tenue au titre de l’article 88 du Règlement, a été rejeté en séance, le Gouvernement avançant l’argument selon lequel l’amendement pouvait être compris comme une autorisation généralisée de non-respect de production des justificatifs, introduisant une obligation de demande de l’administration.

Le Gouvernement s’est ensuite engagé à faire travailler le directeur général des finances publiques sur ce sujet et à transmettre sa réponse aux auteurs de l’amendement, au Rapporteur général et au président de la commission des finances, ce qui n’a pas été le cas à ce jour.

c.   La proposition de loi sénatoriale en faveur de la transmission d’entreprises

Le Sénat a en outre examiné une proposition de loi visant à moderniser la transmission d’entreprise ([291]) lors de sa séance publique du 7 juin 2018.

S’agissant du pacte Dutreil, l’article 8 de cette proposition de loi met en place une exonération renforcée de 90 % en cas d’engagement de conservation de huit ans.

En outre, cet article prévoit plusieurs ajustements du dispositif :

– une extension du champ d’application de l’engagement collectif « réputé acquis » aux sociétés interposées ;

– un assouplissement des conséquences en cas de cession de titres couverts par un engagement à un tiers non signataire ;

– un assouplissement de l’engagement individuel ;

– un assouplissement de la condition tenant à l’exercice d’une fonction de direction ;

– un assouplissement des obligations déclaratives ;

– un assouplissement du régime applicable aux holdings.

3.   L’effort budgétaire en faveur de la transmission d’entreprise est conséquent

Le tableau ci-dessous retrace l’impact budgétaire des principaux dispositifs en faveur de la transmission d’entreprise prévu par le CGI, tel qu’il est chiffré dans le fascicule Évaluations des voies et moyens annexé à chaque loi de finances.

Impact budgétaire des dispositifs fiscaux
en faveur de la transmission d’entreprise

(en millions d’euros)

Dispositif

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Pacte Dutreil (787 B et C du CGI)

500

500

500

500

500

500

500

500

Réduction de 50 % des droits de mutation en cas de donation en pleine propriété des parts ou actions d’une société opérationnelle lorsque le donateur a moins de soixante-dix ans (790 du CGI)

nc

nc

nc

nc

nc

nc

nc

nc

Abattement de 300 000 euros sur la valeur du fonds ou de la clientèle d’une entreprise individuelle en cas de donation aux salariés (790 A du CGI)

2

2

3

2

2

1

1

1

Source : fascicules Évaluations des voies et moyens annexés aux projets de loi de finances 2014 à 2018.

À côté du dispositif du pacte Dutreil, le principal dispositif fiscal en faveur de la transmission d’entreprises, cumulable est celui prévu par l’article 790 du CGI, dont il peut paraître très surprenant qu’il ne fasse l’objet d’aucun chiffrage dans les fascicules des Évaluations des voies et moyens.

La réduction des droits de transmission en cas de donation d’une société
avant les soixante-dix ans du donateur

Entre 1976 et 2011, l’article 790 du CGI prévoyait un dispositif, modifié à de très nombreuses reprises, destiné à réduire les droits de transmission à acquitter en fonction de l’âge du donateur :

– circonscrit aux donations-partages, le dispositif applicable entre 1976 et 1986 prévoyait une réduction de 25 % si le donateur avait moins de soixante-cinq ans et de 15 % entre soixante-cinq et soixante-quinze ans ;

– à compter de 1996, le dispositif a été étendu à l’ensemble des donations ; les taux de réduction ont été portés à 35 % avant soixante-cinq ans et 25 % entre soixante-cinq et soixante-quinze ans pour les donations-partages et respectivement 25 % et 15 % pour les autres donations ;

– à compter de 1999, la distinction des taux en fonction de la nature de la donation a été supprimé, au profit d’un taux unique de 50 % avant soixante-cinq ans et de 30 % entre soixante-cinq et soixante-quinze ans ;

– à compter de 2004, les taux ont à nouveau été distingués suivant qu’il s’agit d’une donation en pleine propriété (50 % avant soixante-dix ans et 30 % ensuite) ou en nue-propriété (35 % avant soixante-dix ans et 10 % entre soixante-dix et quatre-vingts ans), tandis que la loi de finances pour 2006 a porté les limites d’âge applicables à cette réduction respectivement à soixante-dix et quatre-vingts ans.

Le projet de première loi de finances rectificative pour 2011, tel que déposé par le Gouvernement, prévoyait une abrogation pure et simple de ce dispositif ; le rendement budgétaire de cette mesure a été à 130 millions d’euros en 2011 et 290 millions d’euros à compter de 2012 (pour 25 000 bénéficiaires connus).

Le Rapporteur général a toutefois rappelé qu’il avait été conçu dès l’origine pour faciliter la transmission des entreprises ; il a donc rappelé que, malgré la mise en place des pactes Dutreil, cette suppression aurait conduit à alourdir parfois considérablement le coût de cette transmission. Il a donc été à l’origine d’une rédaction de substitution permettant de maintenir le bénéfice de l’article 790 du CGI dans les seuls cas de donations en pleine propriété.

Devenu l’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011 précitée, ce dispositif prévoit donc le maintien d’une réduction de 50 % sur les donations en pleine propriété de parts de sociétés opérationnelles.

Les règles de cumul entre le dispositif du pacte Dutreil et celui de l’article 790 du CGI ont donc évolué de la manière suivante :

– lors de la création des pactes Dutreil en 2003, les deux dispositifs ont été entièrement cumulables en l’absence de mention spéciale dans le nouvel article 787 B du CGI ;

– l’article 28 de la loi du 2 août 2005 précitée, tout en augmentant à 75 % l’exonération résultant des pactes Dutreil et en l’étendant aux donations avec réserve d’usufruit, a exclu le cumul des deux dispositifs pour les seuls cas de donation avec réserve d’usufruit ;

– l’article 8 de la première loi de finances rectificative pour 2011 précitée a recentré le dispositif de l’article 790 du CGI sur les seules donations en pleine propriété, tout en supprimant le non-cumul avec les pactes Dutreil ; ce changement de logique aboutit au même résultat que précédemment, à savoir que les deux dispositifs ne sont cumulables qu’en cas de donation en pleine propriété.

Exemple de combinaison de lapplication du dispositif « Dutreil »
et de celui de larticle 790 du CGI

Le 15 avril 2017, M. X âgé de soixante-neuf ans, signataire d’un engagement collectif de conservation sur l’ensemble des titres qu’il détient dans la société Z qui réunit les conditions énumérées à l’article 787 B du CGI, consent à son fils les donations suivante :

a) la nue-propriété des titres de la société Z dont la valeur en pleine propriété est de 2 millions d’euros, soit une valeur en nue-propriété de 1,2 million d’euros en vertu des dispositions de l’article 669 du CGI ;

b) la pleine propriété des titres de la société Y, holding interposée signataire de l’engagement collectif de conservation susmentionné, pour une valeur totale de 1,5 million d’euros, étant précisé que la proportion de la valeur réelle de l’actif brut de la société Y correspondant à sa participation dans la société Z est de 2/3 ;

Dès lors, la liquidation des droits s’effectue comme suit :

a) Nue-propriété des titres de la société Z :

– valeur de la nue-propriété des titres de la société Z donnés : 1,2 million d’euros ;

– montant de la donation après exonération partielle de 75 % : 300 000 euros ;

– masse taxable : 200 000 euros (après abattement personnel de 100 000 euros) ;

– montant des droits à payer : (8 072 euros × 5 %) + (4 037 euros × 10 %) + (3 823 euros × 15 %) + (184 068 euros × 20 %) = 38 195 euros ;

b) Pleine propriété des titres de la société Y :

– s’agissant de la donation des titres de la société Y, seule la valeur des titres de la société interposée retenue à proportion de la valeur réelle de son actif brut correspondant à sa participation dans la société Z ayant fait l’objet de l’engagement collectif de conservation est éligible au bénéfice du dispositif « Dutreil » soit 1,5 million d’euros × 2/3 = 1 million d’euros ;

– montant de la donation après exonération partielle de 75 %: 250 000 euros ;

– montant des droits à payer avant réduction d’impôt : 250 000 euros × 20 % = 50 000 euros (les tranches à 5 %, 10 % et 15 % ont été utilisées lors de la donation des titres de la société Z) ;

 cette quotité de droits (droits correspondant à la valeur des titres de la société Y représentative de sa participation dans la société Z ayant fait lobjet de lengagement collectif de conservation) bénéficie de la réduction dimpôt de 50 % prévue à larticle 790 du CGI : 25 000 euros.

Ainsi, le montant total des droits à payer par le fils de M. X s’élève à : 38 195 euros (donation des titres de la société Z) + 25 000 euros (donation des titres de la société Y) = 63 195 euros.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article procède à une rénovation bienvenue du dispositif du pacte Dutreil, sans en proposer véritablement une réforme de grande ampleur dont l’impact budgétaire risquerait, par ailleurs, d’être important.

Au titre des ajustements les plus conséquents, il faut mentionner :

– la suppression de l’obligation de fournir annuellement une attestation permettant de contrôler le respect des engagements liés au pacte Dutreil – au stade de l’engagement individuel – au profit d’une transmission au début et à la fin du pacte ou, pendant sa durée, sur demande de l’administration ;

– l’élargissement des possibilités de cession ou donation des titres soumis au pacte Dutreil pendant la phase de l’engagement collectif de conservation, à condition que la cession soit opérée au profit d’un autre associé de l’engagement collectif de conservation ;

– l’élargissement des possibilités d’apport de titres à une société holding au cours de l’engagement de conservation.

A.   L’allégement des obligations déclaratives

Les alinéas 10 à 13 du présent article procèdent à un allégement opportun des obligations déclaratives pesant sur les bénéficiaires d’un pacte Dutreil (héritiers, donataires ou légataires).

Actuellement, le CGI prévoit qu’à compter de la transmission et jusqu’à l’expiration de l’engagement collectif de conservation de deux ans, la société doit adresser avant le 31 mars de chaque année une attestation certifiant que les conditions tenant au respect du pacte sont remplies au 31 décembre de chaque année (dernier alinéa du e de l’article 787 B du CGI).

Si la loi ne fixe pas directement les obligations déclaratives des bénéficiaires du pacte au stade de l’engagement de conservation individuel, l’article 294 quater de l’annexe II du CGI prévoit qu’ils doivent également, à ce stade, adresser avant le 31 mars de chaque année une attestation certifiant que les obligations résultant de l’engagement individuel de conservation sont bien respectées au 31 décembre précédent.

Le présent article procède à la réécriture des obligations déclaratives annuelles, qu’elles pèsent sur les parties à l’engagement collectif de conservation de deux ans ou sur les personnes liées à l’engagement individuel de quatre ans.

L’alinéa 11 prévoit que l’héritier, le donataire ou le légataire adresse à l’administration, uniquement si elle en fait la demande et dans un délai de trois mois à compter de cette demande, une attestation fournie par la société dont les parts sont soumises au pacte Dutreil selon laquelle les conditions permettant de bénéficier de l’exonération sont remplies.

Cette mesure, qui d’une certaine manière inverse la charge de la preuve
– du moins crée au profit du bénéficiaire du pacte une présomption administrative de bénéfice du dispositif sauf à ce que l’administration lui demande de justifier du respect des conditions – est une avancée majeure tant pour le redevable (qui n’aura pas à constituer annuellement un volumineux dossier) que pour l’administration (qui n’aura pas la charge systématique de suivre ces mêmes dossiers).

Il est évident que la mesure ne produira pleinement ses effets que dans l’hypothèse où l’administration fiscale en fait une application résolue : c’est bien à elle qu’il revient en définitive de ne pas, dans les premiers temps, demander trop systématiquement les documents qui étaient transmis obligatoirement auparavant.

En l’état de la rédaction du CGI, il y a lieu de penser que cet allégement des obligations déclaratives sera également valable dans le cadre du dispositif de l’article 787 C de ce code – c’est-à-dire du pacte Dutreil spécifiquement prévu pour la transmission des entreprises individuelles.

L’alinéa 12 prévoit toutefois que, dans un délai de trois mois suivant le terme de l’engagement individuel de conservation, le bénéficiaire adresse en tout état de cause une attestation à l’administration, que la société lui transmet, certifiant que l’ensemble des conditions tenant à l’engagement collectif puis à l’engagement individuel ont été respectées.

Il ressort donc des alinéas 11 et 12 que la charge déclarative supportée par les bénéficiaires du pacte Dutreil sera en réalité reportée à l’année d’expiration du pacte, en une seule fois alors qu’elle est actuellement annuelle.

Lalinéa 13 précise, par ailleurs, qu’en cas de détention indirecte des parts soumises au pacte Dutreil, chaque société composant la chaîne de participation doit fournir aux personnes soumis à ces engagements le respect, à son niveau, des obligations résultant du pacte. Le dispositif ne prévoyant pas de sanction à cette obligation, on peut penser que la perspective d’une remise en cause de l’exonération suffit à ce que la société se conforme à cette obligation.

B.   Un maintien de l’exonération en cas de cession ou donation à un autre associé de l’engagement collectif

Les alinéas 14 et 15 ajoutent à la liste actuelle de l’article 787 B du CGI un cas dans lequel l’exonération liée au pacte Dutreil n’est pas remise en cause, au stade de l’engagement collectif de conservation de deux ans minimum.

Actuellement, le e bis de cet article prévoit que le non-respect de l’engagement collectif par l’un des signataires n’entraîne pas la remise en cause de l’exonération lorsque les titres détenus par les autres signataires suffisent à atteindre les seuils de détention prévus et ne modifient pas leur participation et lorsque le cessionnaire s’associe à l’engagement collectif à raison des titres cédés.

En plus de ce cas, le présent article prévoit qu’en cas de non-respect de l’engagement collectif – lorsque cet engagement collectif pèse spécifiquement sur les héritiers, les donataires ou les légataires des associés initiaux –, l’exonération liée au pacte Dutreil n’est remise en cause qu’à hauteur des titres transmis lorsque cette transmission résulte d’une cession ou d’une donation à un autre associé de l’engagement collectif initial.

C.   Un élargissement des conditions de maintien de l’exonération en cas d’apport des titres

Actuellement, le f de l’article 787 B du CGI prévoit, uniquement au stade de l’engagement individuel de conservation, que l’exonération demeure acquise en cas d’apport (pur et simple ou partiellement rémunéré par la prise en charge d’une soulte dans le cas d’un partage) des titres d’une société opérationnelle soumise au pacte à une société dont lobjet unique est la gestion de son propre patrimoine ‑ donc typiquement une société holding  constitué exclusivement de participations du même groupe ayant une activité similaire ou connexe et complémentaire à celle de la société dont les titres sont apportés, si les conditions suivantes sont respectées :

– la société holding bénéficiaire de l’apport est détenue en totalité par les personnes physiques bénéficiaires de l’exonération. Le donateur peut toutefois détenir une participation directe dans le capital de cette société, sans que cette participation puisse être majoritaire. Cette société doit alors être dirigée directement par une ou plusieurs personnes physiques bénéficiaires de l’exonération ;

– la société bénéficiaire de l’apport prend l’engagement de conserver les titres jusqu’au terme de l’engagement individuel ;

– les héritiers, donataires ou légataires sont associés de la société bénéficiaire de l’apport et doivent conserver les titres perçus en contrepartie de l’apport jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation.

Les alinéas 16 à 21 du présent article procèdent à une réécriture de ce cas de non-remise en cause de l’exonération liée à un pacte Dutreil.

En premier lieu, la rédaction proposée élargit cette possibilité en cas d’apport à une société holding pendant lengagement collectif de conservation, alors que le droit en vigueur le limite aux apports réalisés pendant l’engagement individuel.

La condition tenant au fait que la société holding doit avoir pour objet unique la gestion de participations du même groupe est également assouplie : le texte proposé prévoit que l’actif brut de la holding devra être composé à plus de 50 % de participations dans la société dont les titres sont soumis au pacte, jusqu’au terme des engagements de conservation collectifs et individuel.

La condition tenant au fait que la société holding doit être en totalité détenue par des personnes physiques bénéficiaires de l’exonération est également assouplie : le texte proposé prévoit que 75 % du capital de la société holding doivent, après lapport, être détenus par les personnes soumises à lengagement collectif ou lengagement individuel (ce qui peut éventuellement inclure une personne morale).

L’alinéa 21 prévoit enfin que ce cas de non-remise en cause de l’exonération s’applique, sous les mêmes conditions, à l’apport de titres d’une société possédant directement une participation dans la société dont les titres font l’objet de l’engagement de conservation. Dans ce cas, la valeur réelle de l’actif brut de la société holding bénéficiaire de l’apport doit être composée à plus de 50 % des participations indirectes dans la société soumises aux obligations de conservation résultant de l’engagement collectif ou de l’engagement individuel.

D.   Une clarification portant sur le caractère figé des participations au stade de l’engagement individuel

Actuellement, le b de l’article 787 B du CGI prévoit que l’exonération s’applique également lorsque la société détenue par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts font l’objet de l’engagement collectif de conservation. Toutefois, les participations doivent rester inchangées à chaque niveau d’interposition.

Les alinéas 8 et 9 étendent cette disposition au stade de l’engagement individuel.

E.   Entrée en vigueur

L’alinéa 22 prévoit que les dispositions du présent article s’appliquent à compter du 1er janvier 2019.

Il découle de cette rédaction que ces nouvelles dispositions pourront s’appliquer aux pactes « Dutreil » en cours.

Le Gouvernent n’a pas chiffré les éventuelles conséquences budgétaires de cet article.

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*     *

La commission examine les amendements de suppression I-CF775 de M. Fabien Roussel et I-CF1317 de Mme Sabine Rubin.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le présent amendement vise à supprimer l’article 16, qui propose divers assouplissements du dispositif dit « pactes Dutreil », à savoir une exonération des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) dans le cadre d’une transmission d’entreprise. Cumulé à l’abattement général de 100 000 euros réservé aux donations, il constitue une opportunité remarquable pour réduire les droits de succession dont profite un petit nombre pour un coût non négligeable pour les finances publiques.

Mme Sabine Rubin. Je rappelle que les transmissions d’entreprises se font à 80 % à un tiers, donc à 20 % seulement à des membres de la famille. En outre, les transmissions familiales d’entreprises sont globalement néfastes pour l’économie – et ce n’est pas moi qui l’affirme mais la direction générale du Trésor. Puisqu’il prévoit l’assouplissement des dispositifs fiscaux dans le cadre du pacte Dutreil, nous demandons la suppression de l’article 16. Je suis par ailleurs surprise car aucune information n’est donnée sur le coût de ce nouveau dispositif, ni dans les évaluations préalables ni dans les évaluations des voies et moyens.

M. le Rapporteur général. Ces amendements de suppression reflètent un positionnement politique... L’impact budgétaire du dispositif Dutreil est certes important, mais il n’a pas vocation à alléger les impôts des plus riches : il prévoit en effet, en contrepartie de son bénéfice, de nombreuses contraintes liées à la stabilité du capital, à la direction de l’entreprise... Le pacte Dutreil a pour objet que la transmission se fasse dans de bonnes conditions mais il ne concerne pas que la transmission familiale, il vise toutes sortes de transmissions. Si certains préfèrent que leur entreprise soit rachetée par une autre, étrangère, et qui s’emploiera à ce que cette transmission ne se fasse pas au détriment du patrimoine entrepreneurial français, dont acte. Avis défavorable.

Mme Olivia Gregoire. Je souhaite compléter les propos du Rapporteur général. Le pacte Dutreil est tout sauf une facilité pour les riches. C’est accessoirement un dispositif qui devrait permettre, dans les dix années à venir, d’essayer de préserver environ 1,6 million d’emplois puisque près de 1,5 million d’emplois devraient être concernés par une transmission. La France est de loin le pays dont le taux de transmission est le plus faible puisqu’on transmet moins de 15 % de PME et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) alors que ce taux est de 54 % en Allemagne.

Le dispositif Dutreil est très complexe et instable. Si les ETI familiales et les grandes PME le connaissent bien, ce n’est pas du tout le cas des très petites entreprises et des autres PME d’autant que ces dernières n’ont pas accès aux professionnels du droit qui permettent de l’appliquer. En outre, la complexité des montages juridiques entraîne une grande insécurité juridique.

Les amendements défendus par la majorité devraient être examinés avec attention parce qu’ils cherchent à stabiliser et à simplifier un dispositif indispensable pour nos entreprises.

Mme Sabine Rubin. Ce sont en effet, Mme Gregoire vient de le rappeler, les grosses entreprises familiales qui peuvent jouer de tous ces dispositifs, du fait des facilités dont elles jouissent pour en être bien informées. Mais quitte à parler de transmission, nous préférons, pour notre part, qu’elle s’effectue au bénéfice des salariés.

M. Jean-Paul Mattei. Le pacte Dutreil existe depuis de nombreuses années et a évolué. Mme Rubin vient d’évoquer la transmission d’une entreprise à ses salariés : précisément, elle représente 60 % de taxation avec des avantages selon le contexte, mais qui ne vont pas très loin. Or on peut, dans le cas d’une transmission aux salariés, utiliser le pacte Dutreil même s’il faut certainement modifier des règles du droit civil. Reste que cet outil peut assurer la pérennité d’une entreprise. Dans l’évolution actuelle de la conception de l’entreprise, on verra de plus en plus de transmissions aux salariés – et ce peut être un commerce, pas forcément une grande entreprise. C’est pourquoi je suis tenté de dire : enfin ! L’article 16, même s’il est perfectible, sécurise en effet cet outil. Enfin nous parvenons à obtenir une simplification destinée à mettre un terme à l’insécurité juridique. J’ai moi-même déposé des amendements visant à améliorer le pacte Dutreil. Reste, je le répète, que c’est un outil merveilleux de transmission et qui permet de conforter les entreprises familiales.

M. Gilles Carrez. J’ai l’exemple du patron d’un grand laboratoire pharmaceutique français, mort subitement, dans les années 1990, d’un accident de la route provoqué par une crise cardiaque. Il se trouve que ses successeurs ont été incapables de payer les droits de succession, si bien que le laboratoire est passé sous contrôle étranger. Dans la foulée, Didier Migaud, alors Rapporteur général de la commission des finances, a mis en place ce qu’on a appelé les « pactes Migaud‑Gattaz », mais qui ne portaient que sur les droits en cas de succession. Dans le cadre de la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi « Dutreil », dont j’ai été le rapporteur, nous avons étendu ce dispositif aux donations, puis aux donations avec démembrement. Mais nous nous sommes heurtés, au fil du temps, à un problème de respiration de ces pactes, si je puis dire. Aussi, puisqu’il vise à y remédier, le présent article va tout à fait dans le bon sens.

Nous avons adopté la même démarche à propos de l’ISF, qui posait de gros problèmes. Nous avons donc tout intérêt, pour le développement de nos PME familiales, à adopter l’article. Alors qu’on se plaint, en France, de ne pas avoir assez d’ETI familiales, en supprimant les obstacles fiscaux liés d’une part à l’ISF et d’autre part aux transmissions, nous sauvegardons l’emploi et nous permettons à des entreprises de rester sous contrôle français, sous le contrôle de familles françaises. Au passage, ces entreprises familiales ont une vision de beaucoup plus long terme que les entreprises qui passent sous le contrôle de fonds d’investissement – nous avons donc tout intérêt à développer ce type d’entreprises.

M. Charles de Courson. Voulons-nous qu’il y ait encore un capitalisme familial dans ce pays ? Ce n’est pas compliqué. : si vous voulez le détruire, votez pour la suppression de l’article, si vous voulez le conserver, votez l’article.

M. le président Éric Woerth. Il faut évidemment assouplir le dispositif Dutreil pour le rendre plus efficace.

La commission rejette les amendements identiques I-CF775 et I-CF1317.

Suivant lavis du Rapporteur général, elle rejette lamendement I-CF757 de M. Jean-Paul Dufrègne.

Elle examine ensuite lamendement ICF767 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Je propose de porter de 75 % à 90 % l’abattement prévu par le pacte Dutreil. On a évoqué tout à l’heure les droits de succession et de donation. Il faut savoir qu’en ligne directe, ils peuvent atteindre 45 %. Ne pouvons-nous donc instaurer un abattement optimisé contre l’engagement d’une prolongation de la détention des titres de la société transmise ? Cela permettrait de fixer le capital familial, d’obliger les bénéficiaires des titres à assurer la continuité de l’entreprise beaucoup plus longtemps.

M. le Rapporteur général. Cet amendement omet que le cumul est possible entre le dispositif Dutreil et la réduction de 50 % des droits de mutation à titre gratuit en cas de transmission d’une société en pleine propriété. Or l’adoption de votre proposition pourrait aboutir à une exonération totale. Aussi cette disposition pourrait risquer d’être censurée par le Conseil constitutionnel. Je vous suggère par conséquent de retirer votre amendement.

M. Jean-Paul Mattei. Il ne faut pas oublier, monsieur le Rapporteur général, qu’il y a une condition d’âge. Les DMTG s’appliquent, en cas de donation consentie, avant quatre‑vingts ans et, dans le cas contraire, on ne peut bénéficier de l’abattement optimisé de 50 %.

La commission rejette lamendement ICF767.

Puis elle étudie, en discussion commune, aux amendements I-CF1453 du Rapporteur général et I-CF1170 de Mme Amélie de Montchalin.

M. le Rapporteur général. Mon amendement vise à abaisser les seuils de détention de l’entreprise transmise, requis pour bénéficier du pacte Dutreil aux droits de transmission. Actuellement, il est prévu que l’engagement de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote pour les entreprises cotées et à 34 % pour les entreprises non cotées.

Afin de faciliter la transmission d’entreprises en France, conformément aux objectifs arrêtés dans le cadre du projet de loi PACTE, le présent amendement vise à abaisser ces seuils de détention respectivement à 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour les sociétés cotées et 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les sociétés non cotées.

Mme Olivia Gregoire. Notre amendement va dans le même sens que celui que vient de présenter le Rapporteur général. Il s’agit de moderniser le pacte Dutreil en l’adaptant aux nouvelles réalités économiques qui régissent la vie des entreprises, notamment en prenant en compte les droits de vote double, tout en respectant l’objet du dispositif : assurer la pérennité d’une activité opérationnelle sous le contrôle d’un noyau dur d’actionnaires.

La commission adopte lamendement I-CF1453 (amendement I-2482).

En conséquence, lamendement I-CF1170 tombe.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF1450 du Rapporteur général et ICF1173 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Olivia Gregoire. Le présent amendement propose lui aussi de moderniser le dispositif « réputé acquis » du pacte Dutreil. Ce dernier permet au redevable qui n’a pas conclu d’engagement collectif de conservation sur les titres qu’il transmet de faire bénéficier ses héritiers ou donateurs dans le cadre de ce dispositif. Plusieurs conditions sont d’ores et déjà requises : les actions transmises doivent être détenues depuis au moins deux ans ; les seuils minimums de détention classique doivent être respectés ; une fonction de direction doit être exercée. Le dispositif en vigueur constitue déjà une souplesse pour les redevables qui, par méconnaissance ou imprévoyance, n’ont pas organisé à temps leur transmission ; ils ne bénéficient toutefois pas aux individus qui détiendraient les titres concernés via une holding, alors même que le « Dutreil classique » leur est ouvert. Pour mettre fin à cette situation et pour tenir compte de ce mode de plus en plus fréquent de détention des entreprises, nous envisageons de faire bénéficier ces individus du dispositif « réputé acquis » dans les mêmes conditions que celles que je viens de mentionner.

La commission adopte les amendements identiques I-CF1450 et I-CF1173 (amendement I-2486).

Elle en vient à lamendement I-CF768 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Enfin la holding active va pouvoir détenir des titres mais dans la limite de 50 %, ce qui est contraire à l’évolution des choses. La holding qui va détenir ces titres dans le cadre d’un pacte Dutreil peut en effet être amenée à prendre d’autres participations, à se développer, c’est pourquoi il est dommage de fixer une telle limite.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement I-CF768.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1060 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Le présent amendement vise à supprimer l’obligation d’exercer son activité principale au sein d’une société par l’un des héritiers. Les générations se suivent mais ne se ressemblent pas, nous le savons, et certains héritiers exercent d’autres métiers. Et ils souhaitent parfois conserver le capital mais donner la direction de leur entreprise à des salariés.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel en 1996.

Lamendement I-CF1060 est retiré.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF769 et I-CF770 de M. Jean-Paul Mattei.

Elle en vient à lamendement I-CF1166 de Mme Amélie de Montchalin, qui fait lobjet du sous-amendement I-CF1455 du Rapporteur général.

M. Alexandre Holroyd. Le présent amendement vise à introduire les offres publiques d’échange dans la liste des exonérations partielles d’opérations neutralisées dans le cadre du pacte Dutreil.

M. le Rapporteur général. Le sous-amendement vise à limiter le maintien du pacte Dutreil en cas d’OPE au cas bien particulier d’une OPE préalable à une fusion ou une scission.

La commission adopte le sous-amendement I-CF1455, puis lamendement I-CF1166 ainsi sous-amendé (amendement I-2497).

Elle examine ensuite lamendement I-CF1061 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Nous souhaitons supprimer la limitation des droits de vote du donateur usufruitier, limitation qui le cantonne au seul droit de voter l’affectation des bénéfices en cas de donation de la nue-propriété avec réserve d’usufruit. Il paraît important de donner la possibilité au donateur de se réserver, en tant qu’usufruitier, un droit de vote plus élargi afin d’accompagner, si besoin, la transition telle que prévue par l’article 1844 du code civil.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Lors d’une transmission, le chef d’entreprise ne reste pas dans l’entreprise concernée, faute de quoi le pacte Dutreil lui-même est sans objet.

La commission rejette lamendement I-CF1061.

Elle aborde ensuite lamendement I-CF45 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Le présent amendement vise à renforcer le pacte Dutreil afin de préserver la pérennité et le renouvellement de l’hôtellerie familiale et indépendante. Cette dernière activité continue de chuter dans les zones à forte densité touristique et saisonnière. Les chiffres démontrent en effet la très grande fragilité de cette filière, alors que l’hôtellerie a contribué à l’effort touristique des territoires où elle est implantée. Les causes de cette disparition sont multiples : manque de rentabilité, en particulier à cause de la forte saisonnalité, rétrécissement des périodes d’exploitation, rentabilité affaiblie au cours des dernières années par des investissements obligatoires liés aux mises aux normes, trésoreries exsangues, difficultés d’accès au crédit, vieillissement de la population des exploitants, difficulté à trouver des repreneurs... Le poids que représentent les droits de mutation constitue un frein à la reprise des entreprises hôtelières. Il s’agit donc de relever de 75 % à 90 % l’exonération des droits de mutation afin de répondre à la situation spécifique de la reprise de l’hôtellerie familiale et indépendante.

Cet avantage aurait une contrepartie : le repreneur devrait investir 60 % des droits normalement dus dans des travaux de remise aux normes de l’hôtel.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Le dispositif proposé est très sectorisé et son articulation est quelque peu baroque. J’en comprends bien l’idée mais il ne peut être adopté en l’état.

La commission rejette lamendement I-CF45.

Elle examine ensuite lamendement I-CF341 de M. Nicolas Forissier.

Mme Véronique Louwagie. Dans le même esprit que l’amendement précédemment défendu par M. Mattei, il s’agit ici d’instaurer un « pacte Dutreil plus » prévoyant un abattement sur les droits de succession et de donation allant jusqu’à 90 % assorti d’un engagement de conserver les titres pendant dix ans.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement I-CF341.

Elle en vient à lamendement I-CF1062 de Mme Frédérique Lardet.

Mme Frédérique Lardet. Nous souhaitons préciser que les sociétés unipersonnelles peuvent, au même titre que les entreprises individuelles, bénéficier du pacte Dutreil. En effet, à ce jour, l’assimilation des sociétés unipersonnelles aux entreprises individuelles ne résulte que d’une doctrine administrative, laquelle n’apporte aucune sécurité juridique aux donateurs lorsqu’ils ont créé seuls leur société par actions simplifiée unipersonnelle ou leur entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et qu’ils souhaitent en transmettre tout ou partie du capital. Nous souhaitons donc rectifier cet oubli.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Cet amendement conduit à mélanger deux régimes et, franchement, il n’améliorerait pas la situation des sociétés unipersonnelles.

La commission rejette lamendement I-CF1062.

Puis elle adopte larticle 16 modifié.

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Après l’article 16

La commission examine lamendement I-CF765 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Nous souhaitons modifier l’article 151 octies du CGI. Quand on apporte une entreprise individuelle à une société, on bénéficie d’un report d’imposition des plus-values. Seulement, le montant de la plus-value considéré tient compte de la valeur du bien apporté alors que la valeur de ce dernier peut avoir baissé au moment de la cession. Je rappelle que l’article 41 du CGI, en matière de donation, exonère de taxation de cette plus‑value au bout de cinq ans d’exploitation. Il faut étendre ce régime aux apports.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement I-CF765.

Puis elle examine lamendement ICF1125 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement vise à revenir sur le taux de 30 % de la flat tax. Aujourd’hui, ces 30 % se partagent entre 12,8 % de fiscalité et 17,2 % de prélèvements sociaux. Le but de notre amendement est de faire passer le taux de 12,8 % à 14 %, c’est-à-dire au niveau de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

M. le Rapporteur général. Sur les amendements qui cherchent à refaire le débat que nous avons eu l’an dernier sur le prélèvement forfaitaire unique (PFU) et l’impôt sur la fortune immobilière, je me contenterai de donner un avis défavorable.

La commission rejette lamendement ICF1125.

Elle en vient à lamendement ICF1343 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Sarah El Haïry. Cet amendement vise à permettre de transférer les épargnes des fonds en euros vers des plans d’épargne retraite gérés par la même société d’assurance, pour faire suite à la loi PACTE.

M. le Rapporteur général. La loi PACTE n’étant pas été définitivement votée, avis défavorable. Le Gouvernement pourra prendre, par la suite, ce type de mesures par ordonnance.

Lamendement ICF1343 est retiré.

La commission est saisie de lamendement I-CF905 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Il s’agit de faire en sorte que le taux forfaitaire de l’impôt sur le revenu réduit à 5 % dans le cadre d’un mécanisme de solidarité soit applicable sur la partie des revenus de l’épargne donnée à une association, comme sur la partie des revenus de l’épargne conservée par les épargnants. L’idée est d’ouvrir de nouveaux canaux, afin de faciliter la circulation des flux vers toutes les structures d’intérêt général.

M. le Rapporteur général. Cette mesure imposerait une différence de traitement manifeste. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement I-CF905.

Puis elle examine lamendement I-CF1451 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. L’amendement vise à appliquer le régime du PFU aux revenus issus des transferts en euros des crypto-actifs, afin de clarifier leur fiscalité.

M. le Rapporteur général. Pour être franc, votre amendement me plaît plutôt. Mais, dans la mesure où nous examinons la première partie du PLF, il impliquerait un effet rétroactif. Je serais très heureux que vous le déposiez en seconde partie.

M. Gilles Carrez. Comment les crypto-actifs sont-ils imposés ? Dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ?

M. le président Éric Woerth. C’est très ambigu.

M. le Rapporteur général. Le Conseil d’État a jugé que les unités de « bitcoin » ont le caractère de biens meubles incorporels.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement s’appliquant dès 2019, pourquoi relèverait-il de la seconde partie ?

M. le Rapporteur général. Dans la mesure où il s’appliquerait aux cessions réalisées en 2018, il créerait un effet d’aubaine problématique.

M. Jean-Louis Bricout. Avant d’envisager un élargissement, avez-vous une idée de ce que va coûter réellement la flat tax pour 2018 ?

M. le président Éric Woerth. Pour éviter tout effet d’aubaine, je retire mon amendement, que je redéposerai en seconde partie.

Lamendement I-CF1451 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques ICF502 de M. Nicolas Forissier et ICF603 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin. Notre amendement vise à faire la promotion du plan d’épargne en actions investi dans de petites et moyennes entreprises (PEA‑PME) et à le rendre plus efficace en exonérant d’impôt sur les plus-values, pour une durée déterminée, à savoir l’année 2018, les cessions de titres ou parts de fonds communs de placement ou de sociétés d’investissement à capital variable, dès lors que leurs produits seraient intégralement réinvestis dans un PEA‑PME, dans la limite d’un plafond de 75 000 euros.

L’amendement fait écho à tout le travail que nous menons depuis presque un an autour du grand rendez-vous de l’investissement productif, en essayant de faire la promotion du PEA‑PME, qui est sous-exploité et sous-collecté, ainsi que de l’attractivité de la place de Paris, dans le contexte post-Brexit à venir.

M. le Rapporteur général. Nous n’irons pas au-delà des mesures structurelles incluses dans le projet de loi PACTE. Vous me pardonnerez donc d’émettre un avis défavorable...

La commission rejette les amendements identiques.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF354 et ICF355 de M. Nicolas Forissier.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit, dans ces deux amendements, d’aider les entreprises à poursuivre leur développement et d’encourager le financement en fonds propres, directement et indirectement, via les fonds communs de placement à risque ou sociétés de capital-risque, dans deux catégories d’entreprises créatrices de valeur et d’emploi, les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI).

M. Joël Giraud, Rapporteur général. Je vous invite volontiers à retirer vos amendements, dans la mesure où ces dispositions sont prévues par le Gouvernement en seconde partie du PLF. Vous pourriez les redéposer, ce qui éviterait l’effet d’aubaine sur l’année en cours.

Les amendements sont successivement retirés.

La commission est ensuite saisie de lamendement ICF1180 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Amélie de Montchalin. Je vous propose, par cet amendement, d’essayer d’enclencher la pompe de réallocation de l’épargne des Français. Dans le cas de la vente de parts de capital mobilier, notamment de grandes entreprises, l’argent réinvesti dans les fonds propres de PME, d’ETI et de start-up permet de faire gagner un sursis d’impôt et de n’en payer que sur la plus-value nette ou la potentielle moins-value, liée à des investissements plus risqués dans les fonds propres de nos PME, réalisées au terme du réinvestissement. Il s’agit de prendre de l’argent dans de grandes entreprises pour le réinvestir dans des petites. Mon collègue Laurent Saint-Martin a d’ailleurs défendu une idée assez proche dans son amendement I‑CF603, afin de favoriser le réinvestissement dans le plan d’épargne en actions PEA-PME. Ces amendements s’inscrivent dans la suite du travail que nous menons depuis le 22 janvier et le Grand rendez-vous de l’investissement productif, ainsi que de tout ce que nous avons présenté collectivement lors de l’examen du projet de loi PACTE.

M. le Rapporteur général. Si ce mécanisme est intelligent, se pose néanmoins la question de son coût fiscal. Je vous propose de rester ouverts et d’en discuter en séance. Mais je pense que ce débat aurait plutôt sa place en seconde partie, pour éviter de créer des effets d’aubaine sur les cessions déjà effectuées.

Mme Amélie de Montchalin. Monsieur le Rapporteur général, je suis très sensible à votre argument et retire mon amendement pour le redéposer en séance, voire en seconde partie.

Lamendement est retiré.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements ICF531 de Mme Véronique Louwagie et ICF22 de M. Marc Le Fur.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements ICF433 et ICF431 du président Éric Woerth, ainsi que les amendements ICF359 et ICF353 de M. Nicolas Forissier.

M. le président Éric Woerth. L’amendement a trait au financement des très jeunes entreprises et s’inspire d’un mécanisme existant au Royaume-Uni. J’avais déjà déposé, l’année dernière, cet amendement qui vise à stimuler le dispositif IR-PME, en portant son taux à 50 % au lieu des 18 % actuels, lorsque l’investissement concerne des entreprises de moins de trois ans. Contrairement aux ambitions initiales, la loi PACTE s’est peu penchée sur le financement des entreprises. Or les dispositifs doivent être complétés. Mon amendement I‑CF431 s’inscrit dans le même esprit.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I‑CF359 propose de soutenir l’investissement dans les PME, par le biais du dispositif IR-PME. Nos entreprises rencontrent de vrais problèmes de financement de leur recherche. Un tel dispositif serait innovant pour les PME et viendrait soutenir leur dynamique.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I‑CF353 va dans le même sens que celui que vient de présenter ma collègue. Il vise à modifier les taux et les seuils du dispositif IR-PME pour suppléer la suppression de l’ISF-PME, laquelle nuit à nos entreprises, qui ont besoin de fonds pour soutenir leur développement et aider leur fonctionnement.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable sur ces quatre amendements. Je vous rappelle ce que j’ai dit hier : compte tenu de la notification à la Commission européenne et de l’attente de son retour, il me semble que ce n’est pas le moment de faire évoluer le dispositif.

Mme Amélie de Montchalin. Nous présenterons en seconde partie un amendement, auquel sera associé le Rapporteur général, sur la reconduction du taux bonifié à 25 % du dispositif IR-PME, dit « Madelin », tel que nous l’avions proposé l’année dernière. La Commission européenne n’a toujours pas répondu en effet, malgré de nombreux courriers, dont le Rapporteur général est d’ailleurs témoin.

Aujourd’hui, France Invest a rendu un rapport, avec d’excellents chiffres sur le financement des PME, start-up et ETI françaises : près de 6,5 milliards d’euros ont été introduits dans leurs fonds propres au premier semestre, soit autant qu’en 2017, qui avait déjà établi un record. Cela montre que la réforme de la fiscalité du capital, notamment la suppression de l’ISF-PME, n’a pas du tout ralenti le financement de nos entreprises, bien au contraire. Les montants levés sont également très bons. Je serais ravie d’échanger sur tous ces sujets avec ceux qui le souhaiteraient. Ce très bon rapport confirme la cohérence de notre action.

La commission rejette successivement ces amendements.

Puis elle en vient à lexamen de lamendement ICF529 de M. Nicolas Forissier.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement vise à moderniser, par le biais d’un dispositif incitatif, la transmission d’entreprise, en prolongeant jusqu’en 2022 la réduction de l’impôt sur le revenu égale à 25 % du montant des intérêts contractés pour reprendre une entreprise.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

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Article additionnel après l’article 16
Relèvement de lobligation de distribution des sociétés dinvestissements immobiliers cotés (SIIC)

Elle examine ensuite lamendement ICF1346 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Sarah El Haïry. Cet amendement, qui fait suite à un rapport de l’IGF, vise à obliger les sociétés d’investissement immobilier cotées à distribuer 70 % des revenus de plus-values.

M. le Rapporteur général. Avis de sagesse.

La commission adopte lamendement ICF1346 (amendement I-2498).

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Après l’article 16

Elle en vient à lamendement ICF360 de M. Nicolas Forissier.

Mme Véronique Louwagie. Nicolas Forissier avait déposé cet amendement lors de l’examen du projet de loi PACTE, afin d’aider la transmission des entreprises, en permettant notamment au chef d’entreprise cédant son fonds de commerce ou son entreprise de rester pendant les deux années consécutives à la vente, pour accompagner le repreneur. C’est une vraie question du quotidien, que l’on nous soumet régulièrement. Le dispositif que nous vous proposons permet d’assurer juridiquement une procédure relativement commune dans la vraie vie.

M. le Rapporteur général. Rejeté en PACTE, rejeté en PLF l’an passé ! Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Lors de l’examen du projet de loi PACTE, il nous avait été suggéré de revenir sur ce sujet en PLF...

M. le Rapporteur général. Je maintiens mon avis défavorable et vous propose de présenter votre amendement en séance, s’il y a eu un engagement du ministre en ce sens, quand bien même il ne me l’a pas transmis.

M. Jean-Paul Mattei. On nous avait promis d’examiner le volet fiscal de la loi PACTE en loi de finances. Mais nous nous rendons compte qu’il y a certains blocages, ce qui me semble dommage pour cette mesure.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement ICF361 de M. Nicolas Forissier.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement vise, sans rien coûter, à clarifier les exonérations fiscales dans le cadre de transmissions d’entreprises, afin d’éviter des contentieux fiscaux.

M. le Rapporteur général. Je ne crois pas qu’il apporte de réelle clarification. La passation de pouvoir doit être franche, au risque de brouiller toutes les conditions de la transmission. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements ICF533 de M. Nicolas Forissier et ICF175 de M. Michel Vialay.

Mme Véronique Louwagie. Nous vous proposons d’instaurer un taux unique pour les droits d’enregistrement s’appliquant aux cessions de parts sociales des sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL), entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) et sociétés en nom collectif (SNC) et aux cessions des actions des sociétés anonymes (SA) et sociétés par actions simplifiée (SAS). Il existe aujourd’hui deux taux différents : 3 % pour les parts sociales et 0,1 % pour les actions. Or les entreprises sont dites identiques et ont une même vie, voire des activités similaires.

M. Michel Vialay. Du fait de l’allongement de la durée de la vie, on hérite de plus en plus tard. Cet amendement vise à favoriser un saut générationnel, pour que la transmission soit utile. La mesure bénéficierait tout autant à l’héritier qu’à l’économie du pays, puisqu’une personne âgée est un peu moins encline à investir qu’à consommer. Par ailleurs, nous savons tous que l’État est assez prédateur de patrimoine dans les droits de succession. C’est pourquoi nous proposons d’augmenter le plafond des abattements pour passer à 150 000 euros par enfant et petit-enfant, et à diminuer le délai dans lequel les donations peuvent se faire, en le faisant passer de quinze à dix ans. Cette perspective permettra de favoriser une logique d’argent actif.

M. le Rapporteur général. S’agissant du premier amendement, dans la mesure où il faut éviter un effet d’évaporation, la différenciation des taux se justifie. Avis défavorable. Quant au second, il revient à généraliser
– généreusement – l’élargissement de tous les abattements existant dans le domaine des droits de succession et de donation. Avis défavorable également.

M. le président Éric Woerth. C’est pourtant ce qui se passait il y a encore dix ans ! Soit on veut que les donations circulent, soit on ne le veut pas.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle en vient à lexamen de lamendement ICF3 de M. Marc Le Fur.

M. Arnaud Viala. Cet amendement a trait à la transmission des entreprises. Il vise à revenir à des dispositions qui existaient avant la loi de finances rectificative du 16 août 2012. Elles avaient été mises en place par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ». Le 1° de l’amendement propose de porter l’abattement fiscal pour les donations ou successions en ligne directe entre parent et enfant de 100 000 à 160 000 euros. Le 2° prévoit, pour sa part, que cet abattement sera applicable tous les dix ans, au lieu de quinze ans. Le 3° prévoit en outre de porter de quinze ans à dix ans la possibilité de donations prévues à l’article 790 du CGI. Enfin, les 4° et 5° rétablissent la revalorisation annuelle des barèmes applicables pour les droits de succession et de donation supprimée par le précédent gouvernement. Il s’agit de faciliter le processus de transmission des entreprises.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement ICF1323 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry Cet amendement vise à créer une véritable école de la philanthropie républicaine, pour faciliter la transmission intergénérationnelle et le don, à destination des jeunes actifs. Nous proposons ainsi une exonération des droits de mutation à titre gratuit sur la donation des parts de capital en faveur de jeunes actifs, dans la limite d’âge de trente ans, lorsqu’une donation temporaire de l’usufruit desdites parts est faite, pendant au moins dix ans, à une fondation ou à une association reconnue d’utilité publique. C’est intergénérationnel, philanthropique et en faveur de l’intérêt général.

M. le Rapporteur général. Malgré une très belle sémantique, avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement ICF522 de M. Nicolas Forissier.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement vise à encourager les dirigeants à anticiper davantage la transmission de leur entreprise et propose un abattement majoré sur les droits liquidés. Il s’agit de modifier l’article 790 du CGI, relatif aux abattements fiscaux applicables en cas de donation, qui prévoit une réduction de 50 % sur les droits liquidés, en portant l’abattement à 60 %.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques ICF104 de M. Vincent Descœur, ICF167 de Mme Lise Magnier, ICF211 de Mme MarieChristine Dalloz, I-CF249 de M. Raphaël Schellenberger et ICF937 de M. Benoit Simian, les amendements identiques ICF100 de M. Jean-Pierre Vigier, ICF119 de M. Marc Le Fur, ICF164 de Mme Véronique Louwagie, ICF168 de Mme Lise Magnier, ICF216 de Mme Marie-Christine Dalloz, ICF417 de M. Nicolas Forissier et ICF448 de M. Thibault Bazin, ainsi que lamendement ICF825 de M. Charles de Courson.

M. Arnaud Viala. L’amendement vise à faciliter la transmission familiale des exploitations agricoles, en allégeant, par une série de dispositions, la fiscalité des donations et successions, lorsque les héritiers s’engagent à ne pas vendre les biens reçus et à les laisser affectés à l’exploitation familiale pendant une durée longue d’au moins dix-huit ans – durée qui constitue un garde-fou. Cet amendement est absolument indispensable, pour garantir la transmission des exploitations et, partant, la survie du système familial de notre agriculture.

Mme Lise Magnier. Le ministre de l’agriculture et celui de l’économie et des finances ont mené des travaux sur la fiscalité agricole, qui ont donné lieu à quelques transcriptions dans ce PLF. Malheureusement, la transmission de nos exploitations agricoles et viticoles en est la grande absente. Or, il est urgent de se pencher sur cette question. On nous a parlé d’une loi sur le foncier, qui apparemment ne verra jamais le jour.

Mme Marie-Christine Dalloz. En France, nous avons un problème de transmission des exploitations agricoles et viticoles. Pour endiguer ce phénomène, nous proposons des exonérations en matière de droits de mutation sur une durée de détention de dix-huit ans. Cette durée très longue n’existe nulle part ailleurs et serait un signe fort en faveur des transmissions.

M. Benoit Simian. Quand on est député du Médoc, on ne peut qu’abonder en ce sens, pour protéger les propriétés familiales. Face aux investisseurs qui arrivent sur nos terres, c’est un peu le pot de terre contre le pot de fer. Il faut aider l’agriculture familiale.

M. le Rapporteur général. Je comprends bien votre intention. Mais vous proposez un régime dérogatoire pour une seule catégorie de personnes, qui risque de se heurter au principe constitutionnel d’égalité. Avis défavorable, non sans rappeler – vous l’avez d’ailleurs tous entendu – que le Premier ministre a annoncé qu’il convenait de relever de 100 000 à 300 000 euros le plafond au-delà duquel l’exonération de 75 % tombait à 50 % pour les baux ruraux à long terme et les parts de groupement foncier agricole. Je précise que cette annonce se traduira par un amendement.

M. Julien Aubert. Monsieur le Rapporteur général, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, en dix ans, 25 % des exploitations agricoles ont disparu. C’était, très majoritairement, des exploitations familiales, qui n’ont pas réussi à gérer leur succession. Si j’entends votre argument constitutionnel, je vous propose d’arrêter la guerre préventive et de voter cet amendement pour voir quelle sera la jurisprudence du Conseil constitutionnel, étant donné que le dispositif est ciblé à dessein.

M. Raphaël Schellenberger. Monsieur le Rapporteur général, considérer que les agriculteurs ne sont rien d’autre qu’une catégorie sociale particulière à qui il convient d’accorder des avantages relève d’une piètre vision du rôle que peut avoir la France dans la défense d’une agriculture moderne, de proximité et à taille humaine. Il n’est pas possible de vouloir protéger nos filières agricoles et assurer une production suffisante sur notre territoire, tout en faisant tout pour que ce soit des investisseurs étrangers qui viennent acquérir progressivement nos terres et nos vignobles. Bien sûr, les montants sont parfois élevés, parce que, dans certains espaces – le vignoble alsacien, par exemple –, la contrainte est telle que la valeur intrinsèque des terrains a beaucoup augmenté et pèse fiscalement sur ces exploitations, qui ne sont pas des outils de profit, mais de travail, qu’il faut protéger, notamment du risque de voir des fonds d’investissement étrangers, chinois par exemple, s’accaparer nos terrains agricoles.

M. Arnaud Viala. Je trouve également dommage de brandir l’argument de la possible inconstitutionnalité de ces dispositions, d’autant que nous en sommes déjà à notre troisième ou quatrième tentative. Pour mémoire, lors de la discussion du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (« EGALIM »), on nous avait promis des dispositions sur la transmission du foncier et une loi sur le foncier. Or elles n’arrivent pas. C’est commettre une grave erreur de ne pas prendre de décision favorable à la transmission de nos exploitations agricoles.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Rapporteur général, on ne peut pas dire que l’on doit donner à l’agriculture les moyens de se développer et rester les bras ballants face à un tel sujet. Dans la Beauce, depuis dix ans, les surfaces en vente ont été multipliées. Dans l’Indre, 1 200 hectares ont été achetés par les Chinois, et 1 500 hectares dans le Cher. Le prix du foncier est en effet devenu inabordable, ce qui empêche les transmissions familiales de se faire. Vous ne pouvez pas balayer ces amendements ainsi ! Pour quelles raisons écartez-vous d’un revers de main nos dispositifs de transmission ? L’activité agricole est l’un des fleurons économiques de notre pays. Ne rien faire, c’est commettre une faute autant en termes d’aménagement du territoire que de transmission du patrimoine. Quel signal envoie-t-on à la jeunesse, quand on voit qu’il n’y a eu, dans mon département, que quarante-sept installations en 2017 ? Réfléchissez-y !

M. Marc Le Fur. Monsieur le Rapporteur général, votre argument ne tient pas. Alors que l’aléa existe dans plusieurs catégories professionnelles, l’article 18 est consacré au seul aléa agricole. Cela signifie bien qu’il est possible de créer des dispositions fiscales spécifiques à l’agriculture, comme nous vous le proposons. Par ailleurs, la transmission a changé de nature pour deux raisons. D’une part, il existe désormais de très gros investissements, qui la rendent très difficile, puisque le cédant doit les valoriser. D’autre part, la transmission n’est plus simplement familiale : elle est aussi le fait de transactions, en quelque sorte, ce qui lui confère une nouvelle dimension.

Mme Lise Magnier. Lors de l’examen du projet de loi EGALIM, le Premier ministre et le ministre de l’agriculture ont pris des engagements : il serait bon que le Gouvernement tienne ses promesses.

M. Benoit Simian. Au cours du débat sur le texte EGALIM, on nous a renvoyés au PLF, et maintenant on nous dit qu’il faut réfléchir ! Élu du Bordelais, je pense qu’il est urgent d’adresser un signal aux petites propriétés familiales.

M. le Rapporteur général. Si j’ai évoqué des difficultés constitutionnelles, c’est qu’il peut y avoir un risque de rupture d’égalité au détriment d’autres professions dans le milieu rural.

Par ailleurs, le dispositif ne prévoit pas que les héritiers devront diriger l’exploitation après la donation, ce qui pour le coup, est clairement anticonstitutionnel puisque le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur ce sujet en 1996.

Je rappelle en outre quune disposition applicable à lISF en faveur des biens ruraux donnés à bail à long terme dune durée de dixhuit ans a été reprise pour lIFI.

Ainsi que je lai indiqué, je respecterai la parole du Gouvernement en la matière puisquun amendement relevant les seuils de 100 000 à 300 000 euros dans les conditions que jai indiquées a été déposé à la suite de lannonce quil a faite.

Pour ces raisons mon avis est défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF167, ICF211 et ICF937.

Elle rejette ensuite les amendements identiques I-CF100, I-CF119, ICF164, ICF168, I-CF216, I-CF417 et I-CF448.

Enfin, elle rejette lamendement I-CF825.

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Article additionnel après l’article 16
Relèvement de lexonération partielle de droits de transmission sur certaines exploitations agricoles

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1463 du Rapporteur général, I-CF99 de Jean-Pierre Vigier, ainsi que les amendements identiques I-CF120 de M. Marc Le Fur, ICF138 de M. Jean-Yves Bony, I-CF152 de Mme Lise Magnier, I-CF163 de Mme Véronique Louwagie, I-CF214 de Mme MarieChristine Dalloz, I-CF237 de M. Vincent Descoeur, ICF413 de M. Nicolas Forissier, I-CF447 de M. Thibault Bazin et I-CF1051 de Mme Valérie Lacroute.

M. le Rapporteur général. Le Gouvernement s’est engagé à relever de 100 000 à 300 000 euros le seuil au-delà duquel l’exonération de 75 % tombe à 50 % pour les baux ruraux à long terme et les parts de groupements fonciers agricoles. Cet amendement traduit cet engagement.

M. Marc Le Fur. Nous allons assister à un départ massif d’exploitants dans les années à venir. Il convient de s’y préparer ; d’où la nécessité de réduire les droits de mutation à titre gratuit sur l’exploitation agricole au bénéfice du repreneur sous condition de poursuite d’exploitation directe et de conservation des biens dans le cadre familial pendant dix-huit ans.

Mme Véronique Louwagie. Je rappelle que cet amendement correspond à des propos tenus par le Premier ministre et le ministre de l’économie et des finances lors de la remise des travaux menés dans le cadre de la réforme de la fiscalité agricole.

Il s’agit de réévaluer les montants en deçà desquels des biens loués par bail à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial sont exonérés de droits de mutation.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je rappelle que ces seuils sont très anciens, et que le montant de 101 897 euros n’est pas suffisant ; c’est pourquoi cet amendement propose de le relever à 300 000 euros.

M. Vincent Descoeur. Comme l’a dit notre collègue, ces seuils n’ont pas été réévalués et sont en totale inadéquation avec le prix du foncier agricole. Toutefois, j’ai compris à la lecture de l’amendement du Rapporteur général que mon amendement serait peut‑être satisfait.

Mme Émilie Bonnivard. Il faut préciser que 60 % des exploitants agricoles ont plus de 55 ans ; aussi l’enjeu est-il d’aujourd’hui pour demain.

Mme Valérie Lacroute. Le Premier ministre s’était engagé à tripler le plafond ; c’est pourquoi nous proposons 300 000 euros.

M. le Rapporteur général. Les engagements du Gouvernement sont repris dans mon amendement I-CF1463, qui fait passer le taux de réduction d’impôt de 50 % à 75 % entre 100 000 et 300 000 euros de terre agricole transmise.

Malheureusement, les amendements que vous présentez comportent des dispositions relatives à l’ISF, ce qui ne correspond pas aux engagements du Gouvernement. Je vous propose donc d’adopter mon amendement, qui reprend exactement les engagements du Gouvernement, et de rejeter celui que vous ont adressé certains groupes de pression et que j’ai moi aussi reçus.

En conséquence, j’émets un avis défavorable sur tous les autres amendements.

M. le président Éric Woerth. Il n’y a évidemment aucun groupe de pression dans ce domaine...

Mme Lise Magnier. Je remercie M. le Rapporteur général d’avoir déposé cet amendement, et retire le mien au profit du sien.

M. le Rapporteur général. Je vous propose de tous cosigner mon amendement.

M. le président Éric Woerth. L’amendement I-CF1463 du Rapporteur général, qui, semble-t-il, est conforme aux engagements du Gouvernement, sera donc présenté comme cosigné par vous tous.

Les amendements identiques I-CF99, I-CF120, I-CF152, I-CF163, ICF214, ICF237, ICF413, ICF447 et I-CF1051 sont retirés.

La commission adopte lamendement I-CF1463 (amendement I-2500).

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Article additionnel après l’article 16
Mise en cohérence des catégories dorganismes dintérêt général ouvrant droit à certains avantages fiscaux

La commission en vient ensuite à lamendement I-CF1322 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Cet amendement s’inscrit dans la continuité du travail que je mène sur la philanthropie et le don. Il propose d’élargir l’exonération des droits de mutation à titre gratuit des dons et legs consentis aux fonds de dotation, et de l’ouvrir lorsque le don ou le legs est en faveur d’une association ou d’une fondation reconnue d’utilité publique.

M. le Rapporteur général. Sagesse.

La commission adopte lamendement I-CF1322 (amendement I-2499).

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Après l’article 16

Elle examine ensuite, en discussion commune, lamendement I-CF419 du président Éric Woerth, ainsi que les amendements identiques I-CF294 de M. Patrick Hetzel, I-CF593 de M. Julien Aubert et ICF618 de Mme Émilie Bonnivard.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement propose la suppression de l’IFI, qui est un impôt inexplicable. Allez jusqu’au bout de vos convictions.

M. Julien Aubert. L’ISF a toujours été un impôt stupide, dans le sens où son taux de collecte était élevé pour un produit qui était faible. L’an dernier, vous avez accompli une partie du travail, mais en taxant les propriétaires, on s’en prend systématiquement au capital qui est immobile. Or nous considérons que la propriété est une valeur qu’il faut développer, et qu’il faut encourager une France de propriétaires.

C’est pourquoi, comme vous l’avez fait pour la TH, je vous propose d’aller jusqu’au bout de votre logique pour établir de la justice fiscale.

Mme Émilie Bonnivard. Tous les territoires ne sont pas égaux, et l’IFI pénalise les personnes héritant de propriétés immobilières se trouvant dans des zones où le foncier et l’immobilier sont chers ou ont pris de la valeur depuis l’acquisition initiale, sans pour autant que les redevables concernés puissent être considérés comme étant particulièrement aisés. Tel est par exemple le cas de la valorisation du foncier dans certaines zones touristiques littorales, de montagne ou à Paris.

M. le Rapporteur général. Avec une certaine constance au regard de l’IFI, je suis défavorable à ces amendements.

M. Julien Aubert. Monsieur le Rapporteur général, pourquoi la suppression de la TH est-elle présentée comme logique alors que l’on ne va pas jusqu’au bout pour l’IFI ?

M. le Rapporteur général. Nous n’allons pas refaire le débat sur l’IFI !

M. le président Éric Woerth. Lorsque la majorité s’apercevra qu’elle se trompe, elle ira jusqu’au bout et supprimera aussi cet impôt.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements ICF1123 et ICF1124 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I-CF1123 vise à supprimer la flat tax, que nous considérons particulièrement injuste, puisque, quels que soient les revenus déclarés, le prélèvement est identique. Pour être juste, un impôt doit être progressif et assis sur une assiette très large. En l’occurrence, il ne porte que sur les revenus du capital.

L’amendement I-CF1124 propose le rétablissement de l’ISF. Le budget pour l’année 2018 a été marqué par une politique de l’offre très accentuée, notamment par l’institution de la flat tax et la suppression de l’ISF. Nous souhaitons pour notre part rééquilibrer la politique de l’offre et de la demande.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable au rétablissement de l’ISF et à la suppression du prélèvement forfaitaire unique.

M. Éric Coquerel. Nous soutenons cette démarche : nous avions déposé un amendement allant dans le même sens, qui, pour des raisons que j’ignore, a été déclaré irrecevable.

L’an dernier, la majorité a exonéré d’imposition les plus riches revenus du capital pour des montants de plusieurs milliards d’euros en supprimant l’ISF et en instituant la flat tax. À l’époque, des économistes ont sonné l’alarme, soulignant que cela irait au-delà de vos prévisions à 1,5 milliard d’euros, puisque la flat tax entraînerait un transfert des revenus d’honoraires ou de salaires de cadres supérieurs vers les dividendes. C’est exactement ce qui est en train de se passer : je vous renvoie à l’article publié par Les Échos il y a quelques jours.

C’est bien compréhensible : lorsque vous êtes chef d’entreprise ou que vous avez la possibilité de décider de la répartition de vos revenus parce que vous réalisez suffisamment de bénéfices, vous les placez là ou l’avantage fiscal est le plus grand.

Avec cette espèce de bouclier pour le capital qu’est la flat tax, vous avez créé une injustice. Mais la mesure, en outre, coûtera de plus en plus cher à l’État dans les années à venir, comme cela s’est produit en Finlande, aux États-Unis et dans d’autres pays où cette expérience a été tentée. C’est une très mauvaise idée et ce sera une très mauvaise affaire !

M. le président Éric Woerth. Votre amendement, monsieur Coquerel, a été déclaré irrecevable parce qu’il supprimait un article de la loi de finances pour 2018 qui a été codifié dans le CGI, et partant, n’existe plus.

La commission rejette successivement ces amendements.

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Article additionnel après l’article 16
Mise en cohérence des « pactes Dutreil-ISF » avec la réforme des « pactes Dutreil-transmission »

Elle se saisit ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF1454 du Rapporteur général et I-CF722 de M. Charles de Courson.

M. le Rapporteur général. Cet amendement a le même objet que le suivant de M. de Courson. Il propose de tirer les conséquences en matière d’ISF, abrogé depuis le 1er janvier 2018, de l’aménagement du dispositif « Dutreil transmission » opéré par l’article 16 du présent PLF.

En conséquence, le présent amendement prévoit de mettre en cohérence l’allégement des obligations déclaratives prévu par l’article 16 pour les pactes Dutreil-transmission avec les obligations déclaratives qui restent à courir pour les pactes Dutreil-ISF.

Dans la mesure où l’amendement de Charles de Courson procède de la même logique, mais que le mien est plus complet, je proposerais à notre collègue de se rallier la rédaction que j’ai présentée.

M. Charles de Courson. L’idée est exactement la même. Mon amendement vise, à titre transitoire, à permettre aux signataires d’un engagement de conservation en matière d’ISF encore en cours au 1er janvier 2019 et venant à son terme entre cette date et le 31 décembre 2020, d’apporter les titres sur lesquels porte leur engagement dans les conditions prévues au f de l’article 787 B du CGI.

C’est un amendement de coordination que je peux tout à fait retirer au profit de celui du Rapporteur général.

M. Jean-Paul Mattei. Cela signifierait qu’il n’y aurait plus d’obligation pour la période transitoire. Nous avons eu ce débat au sujet du problème de la transmission pour les situations antérieures. Les obligations déclaratives sont-elles maintenues ?

M. le Rapporteur général. Si l’administration les demande, il faudra les fournir.

M. Jean-Paul Mattei. Le régime simplifié du nouveau texte s’appliquera donc aux pactes Dutreil-ISF antérieurs.

Lamendement I-CF722 est retiré.

La commission adopte lamendement I-CF1454 (amendement I-2501).

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Après l’article 16

La commission examine les amendements identiques I-CF296 de M. Patrick Hetzel et I-CF619 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Thibault Bazin. Cet amendement a pour objet de soustraire la résidence principale du contribuable du calcul de l’impôt sur la fortune immobilière.

M. le Rapporteur général. Cette disposition a déjà été proposée l’an dernier ; j’y suis toujours défavorable.

M. le président Éric Woerth. C’est un très bon amendement.

Mme Amélie de Montchalin. L’IFI est un impôt qui conserve tout ce qu’il y avait dans l’ISF pour la partie immobilière, ce qui inclut la résidence principale. Un abattement très important permet de conserver un patrimoine brut d’1,7 million d’euros pour un patrimoine net imposable d’1,3 million d’euros.

Ces amendements devraient être intitulés « Suppression de l’IFI ». Je comprends que certains souhaiteraient limiter l’imposition aux résidences secondaires, locatives ou au patrimoine immobilier constitué à titre d’investissement. Mais telle n’était pas notre démarche. En France, l’immobilier se porte très bien, et il n’est pas question de donner un coup de pouce fiscal à l’immobilier des particuliers.

M. le président Éric Woerth. Donner un coup de pouce fiscal ou fiscaliser le capital, ce n’est vraiment pas la même chose, madame de Montchalin. Mais nous ne serons jamais d’accord sur ce point.

M. Thibault Bazin. Je suis surpris par la présentation de notre collègue Amélie de Montchalin : on ne peut pas placer la résidence principale sur le même plan que d’autres actifs immobiliers. On peut hériter d’une maison de famille, qui est notre propre maison et tant mieux si elle a une belle valeur, mais on ne peut la considérer comme constituant du capital pouvant être valorisé.

Cette conception est profondément injuste. Il faudrait distinguer la résidence principale de la résidence secondaire, ce que vous faites d’ailleurs pour la TH. Soyez cohérents ! L’immobilier constitue le patrimoine commun des Français, et il faut le valoriser.

M. Fabien Di Filippo. S’il y a un abattement, c’est bien qu’il y a un problème de justice par rapport à la valeur de la résidence principale. Mettez-vous à la place de petits retraités qui ont acheté leur maison il y a très longtemps et qui ont vu celle-ci, du fait de sa localisation, prendre parfois une valeur considérable. Ce n’est pas pour autant que, sans la vendre, ils auront les moyens de s’acquitter de cet impôt ; ils ne sont pas pour autant des gens fortunés.

M. Julien Aubert. La question est de savoir si l’IFI doit porter sur des stocks ou sur des flux. L’argent est comme l’eau, qui peut se présenter sous forme solide ou gazeuse. Je ne comprends pas que vous considériez qu’il ne faut pas taxer l’eau lorsqu’elle est sous forme gazeuse – sous forme de valeur mobilière par exemple –, mais qu’elle doit l’être lorsqu’elle est solidifiée dans un patrimoine.

C’est profondément illogique : soit vous considérez qu’il est antiéconomique de taxer un patrimoine et vous allez jusqu’au bout, soit vous estimez que c’est logique et vous taxez tout le monde.

M. le président Éric Woerth. Je propose que nous arrêtions là le débat. L’opposition de droite considère en tout cas qu’il s’agit d’une profonde erreur. Il est en effet incroyable de pouvoir acheter des actions asiatiques sans pratiquement aucune taxe mais d’être taxé sur de l’immobilier français.

La commission rejette ces amendements.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques I-CF238 de M. Christophe Blanchet et I-CF1349 de M. Jean-Noël Barrot.

M. le Rapporteur général. Ces amendements procèdent d’une bonne idée – Charles de Courson avait présenté une mesure similaire l’année dernière. Ils proposent une exonération d’IFI pour les biens immobiliers qui seraient mis à disposition d’associations d’accueil de personnes défavorisées reconnues d’utilité publique. L’idée est généreuse mais pose un problème de verrou juridique : comment l’administration pourra-t-elle contrôler cette mise à disposition et éviter d’éventuels abus ?

Bercy considère que cette mise à disposition est aujourd’hui possible sous la forme d’une cession d’usufruit, fût-elle temporaire : concrètement, le redevable cède l’usufruit de son bien immobilier pendant un temps donné et c’est alors l’usufruitier qui est imposable en totalité à l’IFI.

Cette formalité est probablement trop lourde pour des personnes de bonne volonté qui n’ont pas forcément un conseil juridique près d’eux. Il faudrait trouver une rédaction qui permette de caler l’exonération sur un dispositif clair. Nous pourrions y revenir à l’occasion de la séance publique. On pourrait évoquer aussi le cas des personnes handicapées.

M. Jean-Paul Mattei. Le prêt à usage ou commodat est un outil plus simple encore.

Les amendements identiques sont retirés.

Puis, suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement I-CF1338 M. Jean-Noël Barrot.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques I-CF594 de M. Julien Aubert, ICF801 de M. Charles de Courson et I-CF951 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Julien Aubert. Mon amendement vise à réduire une distorsion concernant le champ de l’exonération de l’IFI en défaveur de l’investissement immobilier professionnel.

M. Charles de Courson. L’amendement I-CF801 a pour objet de lutter contre une inégalité créée par la loi de finances pour 2018 concernant l’assiette de l’IFI. En effet, le secteur immobilier professionnel est un vecteur de croissance, un générateur direct et indirect d’emploi. Il est donc nécessaire d’étendre, dans les mêmes conditions, l’exonération actuellement applicable aux détenteurs d’actions de SIIC aux détenteurs de fonds immobiliers.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit, non pas de supprimer l’IFI, mais de revenir sur la notion de fonds immobilier, qu’il soit professionnel ou non. Ce qui, dans l’esprit des recommandations de Mme de Montchalin, me paraît avoir du sens.

M. le Rapporteur général. Dans le cadre du débat portant sur l’IFI une mesure a été ajoutée pour l’ensemble des organismes de placements collectifs (OPC). Codifiée à l’article 972 bis du CGI, elle prévoit que les parts d’OPC ne sont pas retenues dans l’assiette de l’IFI lorsque le redevable détient moins de 10 % de l’OPC et que celui-ci est composé à moins de 20 % de biens immobiliers.

Cette mesure me semble être plus favorable que celle que vous présentez. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer ces amendements, à défaut j’émettrai un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Vous nous dites, monsieur le Rapporteur général, que ces amendements sont satisfaits, mais je ne le crois pas. Je me suis rapproché des meilleures sources, qui m’ont confirmé que les fonds immobiliers sont inclus dans l’assiette de l’imposition, ce qui n’est pas le cas des SIIC.

M. le Rapporteur général. L’interprétation dont je dispose est contraire à la vôtre. Dans ces conditions, je vous propose de déposer à nouveau ces amendements pour la séance publique afin d’obtenir la réponse du ministre.

Les amendements identiques sont retirés.

La commission examine lamendement I-CF284 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Il s’agit de sortir la résidence principale de l’assiette de l’IFI. Il n’y a pas de raison en effet de la taxer alors que l’on épargne des fonds de pension par exemple. En outre, elle ne rapporte pas d’argent.

Enfin, il est temps d’envoyer un signal positif à l’immobilier. En effet, l’extinction des dispositions de la loi « Pinel » dans une large partie du territoire national, la fin du prêt à taux zéro, la fin de l’AP accession et l’IFI, qui porte sur la résidence principale, constituent une succession de mauvaises nouvelles pour le secteur. Les gens ne s’y trompent pas, il suffit d’interroger les maires pour constater que le nombre des permis de construire est en déclin. L’activité est encore soutenue aujourd’hui, mais les prévisions sont très inquiétantes.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement I-CF1339 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Sarah El Haïry. Cet amendement de précision vise simplement à remplacer la notion d’objectif « principalement fiscal », plutôt floue, par celle d’objectif « exclusivement fiscal ». Cette clarification permettra en effet d’éviter les abus de droit.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement I-CF602 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin. Cet amendement vise les bénéficiaires d’une rente perçue en réparation de dommages corporels au titre d’une pension militaire d’invalidité (PMI) qui pouvait être déduite de l’ISF. L’idée est de rétablir cette possibilité avec l’IFI au motif qu’un bénéficiaire d’une PMI n’a pas à être taxé sur un bien financé à l’aide de la rente en question, perçue au titre de la reconnaissance nationale.

M. le Rapporteur général. Les pensions militaires d’invalidité ne me semblent pas relever de l’assiette de l’IFI, sauf à avoir fait l’objet d’un placement sous forme immobilière par le redevable, auquel cas il n’est pas forcément opportun de distinguer entre les militaires et les autres redevables.

En outre, le corps de l’amendement poursuit un objectif beaucoup plus large encore puisqu’il englobe l’ensemble des dommages corporels liés à un accident ou à une maladie. Encore une fois, les rentes et indemnités en tant que telles ne figurent pas dans l’assiette de l’IFI – sauf à ce qu’elles aient permis de constituer un capital immobilier, auquel cas elles méritent d’y figurer comme pour tout autre redevable. Je vous invite donc à retirer cet amendement qui me semble présenter plusieurs problèmes.

M. Charles de Courson. Je confirme les propos du Rapporteur général : toutes les capitalisations qui sortent sous forme de rentes sont exclues de l’assiette.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas l’objet de l’amendement !

M. Charles de Courson. Bien sûr que si !

M. Laurent Saint-Martin. J’accepte de retirer l’amendement à condition que nous examinions d’ici à la séance publique la situation précise de ces bénéficiaires.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement I-CF1248 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Nous avons tous bien compris le sens du passage de l’ISF à l’IFI...

M. le président Éric Woerth. Ah non, pas tous !

M. Éric Alauzet. En effet ! M. Aubert semble ne l’avoir pas tout à fait compris, lui qui parle d’état solide ou liquide. La distinction doit plutôt se faire entre mobile et immobile : le but était de se mettre à l’abri de la mobilité de certains capitaux ; quant aux capitaux immobiles, nous ne risquions pas grand-chose.

Le problème tient néanmoins au fait qu’une partie du patrimoine immobile n’était pas soumis à l’ISF et se retrouve désormais soumis à l’IFI – je pense en particulier aux propriétés forestières. Hier, leurs propriétaires n’étaient pas soumis à l’ISF ; ils sont aujourd’hui soumis à l’IFI. Cela entraîne plusieurs conséquences négatives. La première concerne la préservation de l’environnement : cette situation favorise la cessibilité de ces biens qui ont perdu en rentabilité – laquelle était déjà faible –, ce qui nuit à la préservation de l’environnement en suscitant une pression, même si les bois et forêts ne sont pas a priori destinés à une urbanisation immédiate. Autre conséquence : le modeste complément de revenus que touchaient ainsi certains des paysans à la retraite s’amenuise.

Il me semble donc opportun de sortir du champ de l’IFI ce qui n’entrait pas dans celui de l’ISF.

M. le Rapporteur général. Je ne comprends pas votre exposé, monsieur Alauzet. Le régime propre aux bois et forêts existant dans le cadre de l’ISF a été transposé tel quel dans celui de l’IFI, sous la forme inchangée d’une exonération des biens professionnels et d’une exonération à 75 % pour les bois et forêts gérés durablement. Je vous invite à consulter l’article 976 du CGI, qui correspond précisément à votre amendement. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Il n’y a aucune modification du dispositif entre l’ISF et l’IFI, monsieur Alauzet. Le problème est le suivant : s’il s’agit d’un exploitant forestier, le bien est professionnel – comme ce serait le cas pour un exploitant agricole –, d’où l’exonération. Cependant, la quasi-totalité des propriétaires forestiers ne sont pas des exploitants. Ils sont donc assujettis à l’impôt. M. Alauzet soulève un véritable problème !

M. Éric Alauzet. Soit, j’approfondirai ce sujet d’ici à la séance ; en attendant, je retire l’amendement.

M. Julien Aubert. C’est un amendement gazeux, pour ne pas dire fumeux !

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF106 de M. Vincent Descoeur, I-CF159 de Mme Lise Magnier, I-CF209 de Mme Marie-Christine Dalloz, ICF250 de M. Raphaël Schellenberger, I-CF595 de M. Julien Aubert et I-CF998 de M. Gilles Lurton.

M. Vincent Descoeur. L’amendement I-CF106 vise à accorder une exonération totale d’IFI aux propriétaires qui affectent durablement leurs terres à des exploitations agricoles. L’exonération partielle des biens ruraux loués à long terme ne constitue plus une réponse suffisante dès lors qu’elle débouche sur une imposition partielle, alors que le patrimoine mobilier est désormais exonéré totalement.

M. Raphaël Schellenberger. Au fond, ces amendements obéissent à la même logique que celui de M. Alauzet : un bien immobilier n’est pas forcément immobile, notamment lorsqu’il s’agit d’outils de production agricole, que ce soit un bien forestier ou viticole, une grande culture ou un élevage. Un bien agricole est un outil de production.

Cela étant, la réalité économique est ainsi faite que certains biens agricoles, sous la pression des prix du foncier, ont pris une valeur telle que les transactions ne sont pas forcément évidentes et qu’il faut envisager d’autres systèmes. Il faut tenir compte d’une autre réalité : pour bon nombre d’agriculteurs qui ne peuvent prétendre à des retraites bien structurées, la mise en location, en bail à long terme, de leur propriété agricole constitue le fond de leur retraite. Or, ces personnes sont pénalisées par l’instauration d’un IFI qui, en l’occurrence, ne s’applique pas à un bien immobile mais à un bien de production.

M. Julien Aubert. L’amendement I-CF595 est le même que celui de M. Alauzet, mais mieux écrit : il vise en effet les propriétaires de biens ruraux, qui sont pénalisés par l’IFI. En outre, il est très important pour la filière bois dont la logique économique ne favorise pas les investissements de long terme – d’où la condition de durée de bail d’au moins dix-huit ans dans l’amendement, afin de produire le bois à partir duquel sera fabriqué le papier sur lequel sont imprimés les titres de valeurs mobilières que vous exonérez ! Il me semble donc logique de soutenir cette proposition.

M. le Rapporteur général. Ces amendements visent à porter de 75 % à 100 % l’exonération d’IFI dont bénéficient déjà les biens immobiliers loués dans le cadre d’un bail rural à long terme de dix-huit ans au moins. Je vous rappelle que vous avez tous souhaité cosigner un amendement finalement adopté concernant le relèvement des seuils, de 100 000 à 300 000 euros. Il ne me semble donc pas juste d’estimer que l’exonération de 75 % serait insuffisante.

En outre, le relèvement de ce taux à 100 % bénéficierait considérablement à quelques grands propriétaires terriens et ne concernerait guère les personnes plus fragiles sur le plan économique. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. L’important dans la fiscalité, c’est la fiscalité relative de l’épargne. Jusqu’à l’année dernière, l’ISF prévoyait un système favorable pour les baux à long terme comme pour les forêts. Ce système conserve ses avantages en comparaison des investissements immobiliers, mais il est défavorable en regard de la masse des investissements mobiliers. Or, la question que se posent les épargnants consiste à déterminer comment utiliser leur argent au mieux. Ils risquent de se désintéresser des investissements forestiers et des baux à long terme, contrairement à la logique qui avait prévalu lorsque nous avions souhaité donner un modeste avantage à ces baux et à la forêt.

La commission rejette ces amendements identiques.

Elle passe aux amendements identiques I-CF392 de la commission du développement durable, I-CF488 de M. Nicolas Forissier, I-CF683 de M. Marc Le Fur et I-CF745 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Les amendements visent à supprimer l’IFI sur le foncier non bâti pour favoriser la lutte contre l’artificialisation des sols. Le foncier rural, dont le rendement est faible, bénéficiait d’un taux d’ISF inférieur aux autres biens, mais ces taux particuliers ont disparu avec l’instauration de l’IFI alors qu’ils se justifiaient par la faible rentabilité et la faible liquidité de ces biens. Nous proposons donc de sortir le foncier rural du champ de l’IFI, ce qui présenterait un coût très limité pour les finances publiques : moins de 10 millions d’euros de recettes seraient « perdues » mais, en réalité, gagnées en faveur de la préservation des terres agricoles.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement vise à supprimer l’IFI sur le foncier non bâti afin d’en favoriser la rentabilité et l’attractivité tout en préservant les terres agricoles qui peuvent être détruites ou artificialisées dans un but économique.

M. Marc Le Fur. On ne cesse de nous parler de lutte contre l’artificialisation des sols ; nous avons là l’occasion de donner un signal. Il existe des propriétaires qui ont le mérite de conserver un patrimoine agricole de terres naturelles ou de marais. Or, ces investissements sont désormais plus imposés que d’autres types d’investissements. Nous vous proposons donc de les exclure du champ de l’IFI.

M. le Rapporteur général. Sans rouvrir le débat que nous avons déjà eu l’an dernier sur l’IFI et le foncier non bâti, je rappellerai quelques éléments. Tout d’abord, les terres agricoles sont exonérées de l’IFI dès lors qu’elles constituent un bien professionnel du redevable affecté à une entreprise agricole. Ensuite, les dispositifs spéciaux d’exonération à 75 % en faveur des baux à long terme et des bois et forêts ont été maintenus.

M. Marc Le Fur. Relativement aux autres !

M. le Rapporteur général. D’autre part, la réforme de l’IFI s’est mécaniquement traduite par une baisse de l’impôt sur la fortune pesant sur le foncier non bâti lorsque le redevable possède également des valeurs mobilières.

J’ai le sentiment que nous confondons le foncier rural et le foncier non bâti. Le foncier non bâti demeure un élément de patrimoine immobilier au même titre qu’un appartement ou une maison de campagne. Je ne vois donc pas pour quelle raison il faudrait l’exonérer, dès lors que des garanties ont été prises en faveur du monde agricole et que les exonérations concernent les baux ruraux. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements identiques.

Elle examine ensuite lamendement I-CF301 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. S’il est un bien rural qui est très valorisé dans le discours mais très défavorisé en matière fiscale, ce sont les espaces naturels et les zones humides. Il existe de modestes avantages en faveur de la forêt et des terres exploitées mais les espaces naturels qui, a priori, sont les plus pertinents sur le plan écologique, sont imposés au taux de 100 % sans abattement. Je propose donc de tenir compte de l’effort à consentir en faveur de ce type de biens en les exonérant.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. Si cet amendement n’est pas adopté, alors il faut cesser les discours écologistes sur les zones humides !

La commission rejette lamendement.

Elle passe aux amendements identiques I-CF199 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1341 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement vise à relever de 50 000 à 100 000 euros le plafond actuel de déduction des dons au titre de l’IFI.

Mme Sarah El Haïry. L’assiette de l’IFI a été réduite mais, dans le même temps, les tuyaux n’ont pas été élargis. Cela se traduit par une baisse des dons qui n’est pas encore pleinement évaluée. L’augmentation de la possibilité de donner de 50 000 à 100 000 euros permettrait de générer davantage de dons. L’amendement I-CF1341, dans le prolongement du précédent, s’inscrit donc dans le cadre de nos travaux relatifs à la philanthropie.

M. le Rapporteur général. Je comprends le but généreux de ces amendements : certes, la réforme de l’IFI a produit des effets sur les dons déductibles, mais il faudrait que le Gouvernement nous communique les chiffres relatifs à la campagne de 2018. Vous pourriez à cette fin redéposer ces amendements en séance pour que nous puissions prendre connaissance de ces chiffres importants.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. le Rapporteur général. Lorsque nous aurons ces chiffres, nous déterminerons la voie à suivre. En tout état de cause, je suis défavorable au doublement de la niche – même si le chien a grossi. Je souhaite avoir les chiffres pour savoir de quoi nous parlons.

M. Charles de Courson. Nous avons déjà les chiffres qui proviennent des grandes associations bénéficiaires : les dons ont chuté de moitié environ, d’après leurs déclarations.

M. le Rapporteur général. De même que l’on compare les nombres de manifestants selon la police et selon les organisateurs, j’aimerais connaître les chiffres du Gouvernement.

M. Charles de Courson. Vous les aurez, mais avec un an de décalage !

M. le président Éric Woerth. Les chiffres qui remontent du terrain sont en effet ceux que vous citez, monsieur de Courson, mais ce ne sont pas des statistiques.

M. Charles de Courson. En réalité, monsieur le Rapporteur général, il faudrait relever les plafonds de l’impôt sur le revenu et de l’IFI en appliquant des taux cohérents. Le taux d’IFI s’établit à 50 %, celui d’impôt sur le revenu à 66 % voire 75 % pour la niche « Coluche » ; il faut harmoniser tout cela !

La commission rejette ces amendements identiques.

Elle examine, en discussion commune, lamendement I-CF295 de M. Patrick Hetzel ainsi que les amendements I-CF356 et I-CF358 de M. Nicolas Forissier.

Mme Véronique Louwagie. Les amendements I-CF356 et I-CF358 visent à créer un IFI-TPME sur le modèle de l’ISF-PME et de l’IR-PME.

M. le président Éric Woerth. C’est un débat naturel que là encore, nous avons déjà eu l’an passé.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF897 de Mme Sarah El Haïry et ICF1023 de M. Dominique Potier.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement vise à instaurer une réduction de l’IFI liée à l’investissement au capital des entreprises solidaires d’utilité sociale exerçant exclusivement des activités de logement très social. L’idée est simple : il s’agit de maintenir une réduction de l’IFI pour les investissements en capital à l’image de l’ISF-PME, et de traiter de manière identique le don et les investissements dans les entreprises très sociales, sur le modèle de la finance solidaire.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement a déjà été défendu lors de l’examen du projet de loi PACTE. Il nous avait alors été indiqué que le véhicule législatif n’était pas adapté et qu’il valait mieux le défendre lors de l’examen du PLF, ce que nous faisons. Je rappelle que le développement de la finance solidaire correspond à un engagement du président de la République.

M. le Rapporteur général. La Commission européenne se penche actuellement sur le périmètre de ce dispositif qui ne lui avait jamais été notifié. Elle porte une grande attention à l’économie sociale et solidaire en général – il s’agit pour elle d’une spécialité française. En attendant de connaître son point de vue, je ne souhaite pas que nous modifiions quoi que ce soit dans le dispositif existant, car nous serions alors contraints de notifier à nouveau à l’Union européenne. Je rappelle que le mécanisme n’a pas encore été mis en œuvre en raison, précisément, de l’absence de notification initiale, au lancement du dispositif « Madelin ». J’émets donc un avis défavorable pour ce motif, et non pour celui que vous évoquez, madame Battistel. Étant donné la question de la notification à Bruxelles, je crois même qu’il serait de mauvais effet de maintenir ces amendements.

Lamendement I-CF897 est retiré.

La commission rejette lamendement I-CF1023.

Elle passe à lamendement I-CF1449 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Le présent amendement a pour objet de réintroduire dans le nouvel IFI le mécanisme de plafonnement du plafonnement prévu à l’ISF entre 1996 et 2011. Ce mécanisme anti-abus permettait d’éviter que le plafonnement de l’ISF ne soit utilisé dans le cadre de montages fiscaux pour annuler ou réduire excessivement le montant de cet impôt.

Dans le cadre des réformes de l’ISF menées en 2011 et 2012, l’allégement du barème s’est traduit par la suppression du plafonnement et du plafonnement du plafonnement. Si le plafonnement lui-même a été restauré en janvier 2013, il n’a pas été assorti de ce mécanisme anti-abus.

L’article 7 de la loi de finances pour 2017 a prévu un mécanisme destiné à réintégrer dans les revenus pris en compte au titre du plafonnement les revenus capitalisés dans une société contrôlée par le redevable, mais il est totalement inefficace. Je vous propose donc de supprimer ce mécanisme au profit d’un retour au plafonnement du plafonnement – qui fonctionne bien – en le transposant à l’IFI. Nous disposerons ainsi d’un véritable mécanisme anti-abus.

M. Charles de Courson. Je dois être le dernier survivant... Nous avons déjà connu le plafonnement du plafonnement sous Alain Juppé ; ce fut une catastrophe et M. Juppé l’a regretté. Dès l’année suivante, il a essayé de le supprimer mais d’autres – ne parlons pas des morts – l’en ont empêché.

Cette mesure fera resurgir le problème de l’époque : les gens vont « se tirer ». C’est aussi simple que cela. Tous les technocrates ont la brillante idée d’imposer une règle, à laquelle chacun s’adapte, puis de surimposer une nouvelle règle – le plafonnement du plafonnement – suite à quoi c’est « ciao les bambis » ! Nous avons fait cette expérience douloureuse il y a plus de vingt ans ; ne reproduisons pas l’erreur.

M. le président Éric Woerth. Je partage l’opinion de M. de Courson : cet épisode est de triste mémoire.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement I-CF351 de M. Nicolas Forissier.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à échelonner l’impôt sur les plus‑values de cession en cas de crédit-vendeur. En l’état, même avec un crédit-vendeur, l’impôt est dû sur les plus-values de cession alors que le vendeur ne dispose pas de la trésorerie. Cet amendement s’inscrit dans la continuité du projet de loi PACTE.

M. le Rapporteur général. La réforme de ce dispositif correspond en effet à l’un des engagements pris à l’occasion du projet de loi PACTE. Elle est prévue à l’article 50 de la seconde partie du PLF, afin d’éviter tout effet d’aubaine. Je vous invite donc à retirer l’amendement, quitte à le redéposer en séance si vous souhaitez obtenir une réponse du Gouvernement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement I-CF782 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Cet amendement vise à mettre le régime d’imposition des plus‑values immobilières en faveur des opérations de logements en cohérence avec les choix opérés par ailleurs pour les outils de soutien à l’augmentation d’offre de logements, en particulier le dispositif « Pinel » et le prêt à taux zéro. Pour ce faire, je propose d’élargir l’abattement exceptionnel sur les plus-values de cession immobilière en zone B1.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement I-CF1388 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal. Cet amendement vise à étendre aux zones B1 le dispositif d’abattement fiscal – que nous avons adopté l’an dernier pour faciliter la libération de terrains à bâtir – afin d’encourager la construction de logements sociaux. Les zones A bis et A, visées par l’abattement fiscal, ne concernent que Paris, la Côte d’Azur et la région lyonnaise, mais d’autres grandes agglomérations ont besoin de ce coup de pouce. Compte tenu des objectifs de la stratégie de logement du Gouvernement et de la loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) que nous venons d’adopter, ce dispositif me semble mériter d’être élargi aux zones B1.

M. le Rapporteur général. Je vous propose d’établir en séance un dialogue avec le Gouvernement. En toute franchise, cette mesure me semble risquer de produire un effet d’aubaine fiscale pour certains propriétaires de terrains constructibles. Pour éviter un avis défavorable, je préférerais que vous retiriez l’amendement afin de le présenter en séance face au ministre.

Lamendement est retiré.

*

*     *

Article 17
Mise en place dune révocabilité possible
en cas de passage à limpôt sur les sociétés (IS)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article ouvre aux entreprises pouvant opter pour un assujettissement à l’impôt sur les sociétés (IS) la possibilité de renoncer à cette option dans un délai de cinq ans à compter de celle-ci.

À cet effet, sont modifiés les articles 239 et 1655 sexies du CGI, le premier définissant le régime général d’option pour l’IS et le second portant sur la situation particulière des entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL) qui optent pour une assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL).

Le dispositif s’appliquera dès 2019 et pourra également bénéficier aux entreprises qui ont déjà opté pour l’IS il y a cinq ans au maximum.

Son impact budgétaire ne peut être chiffré. En revanche, la souplesse qu’il introduit facilitera la gestion des entreprises et améliorera l’adaptation des règles fiscales aux spécificités de chaque exploitation.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 15 de la première loi de finances rectificative pour 2011 a réformé le dispositif d’assimilation d’une EIRL à une EURL, en rendant l’assimilation optionnelle mais en lui associant un assujettissement automatique et définitif à l’IS.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

Certaines entreprises relevant du régime des sociétés de personnes peuvent opter pour le régime des sociétés de capitaux et donc leur assujettissement à l’IS. Le caractère irrévocable de cette option présente néanmoins de sérieux inconvénients.

A.   Les entreprises assujetties à l’IS de plein droit ou sur option

Les entreprises, de manière générale, relèvent de deux régimes fiscaux : celui des sociétés de capitaux, entraînant l’assujettissement à l’IS, et celui des sociétés de personnes, conduisant à l’application des règles de l’impôt sur le revenu (IR).

1.   L’imposition des entreprises à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés

Une entreprise assujettie à l’IS est imposée en son nom propre, et non en celui de ses associés.

Lorsqu’une entreprise relève du régime des sociétés de personnes, en revanche, l’imposition n’est pas faite en son nom propre mais, en vertu de la translucidité fiscale, au nom de ses associés. Chaque associé est ainsi imposé à raison de la part du résultat imposable qui correspond à ses droits dans l’entreprise :

– si les associés sont des personnes physiques ou des personnes morales relevant de l’IR, les bénéfices seront imposés à l’IR ;

– si les associés sont des personnes morales soumises à l’IS, les bénéfices seront imposés à l’IS.

● Le tableau suivant illustre, par catégorie d’entreprises et pour l’année 2016, la situation des entreprises au regard de leur assujettissement ou non à l’IS.

Proportion des entreprises à l’IS par catégorie d’entreprises (2016)

Catégorie

Nombre

Assujetties à lIS

% assujetties à lIS

MIC

3 189 933

1 246 932

39,1 %

PME (hors MIC)

223 299

169 937

76,1 %

ETI

8 774

5 938

67,7 %

GE

319

319

100,00 %

Total

3 422 325

1 423 126

41,6 %

NB :  MIC : « micro-entreprises », regroupant dans les systèmes d’information de la DGFiP les très petites entreprises et les petites entreprises ; PME : petites et moyennes entreprises ; ETI : entreprises de taille intermédiaire ; GE : grandes entreprises.

Source : direction générale des finances publiques (DGFiP).

Il ressort de ces données que moins de la moitié des entreprises (41,6 %) sont assujetties à l’IS, les autres relevant de l’IR et voient leurs bénéfices imposés dans le chef de leurs associés.

D’une manière générale, la tendance est un assujettissement croissant à mesure que la taille des entreprises augmente.

2.   L’assujettissement de plein droit ou sur option à l’IS

a.   L’assujettissement de plein droit des sociétés de capitaux et assimilées

● Aux termes de l’article 206 du CGI, relèvent de plein droit de l’IS les sociétés de capitaux et les sociétés assimilées, c’est-à-dire :

– les sociétés anonymes (SA) ;

– les sociétés par actions simplifiées (SAS) ;

– les sociétés à responsabilité limitée (SARL) ;

– les sociétés d’exercice libéral (SEL, SELARL) ;

– les sociétés en commandite par actions (SCA).

● Les sociétés civiles qui, par leur forme, ne sont pas des sociétés de capitaux ou assimilées mais qui se livrent à une exploitation de nature industrielle ou commerciale sont également assujetties de plein droit à l’IS en vertu du 2 du même article 206.

Certaines exceptions sont toutefois prévues à l’article 239 ter du CGI à l’égard des sociétés dont l’activité porte sur la construction d’immeubles en vue de leur vente.

● À l’inverse, en application de l’article 239 bis AB, certaines sociétés de capitaux créées depuis moins de cinq ans peuvent opter pour le régime des sociétés de personnes pour une durée de cinq ans.

b.   L’assujettissement optionnel des sociétés de personnes et assimilées

● En application du 3 du même article 206 et de l’article 239 du CGI, l’assujettissement à l’IS est également ouvert, sur option, à certaines personnes morales qui relèvent en principe du régime des sociétés de personnes :

– sociétés civiles mentionnées au 1° de l’article 8 du CGI, c’est-à-dire aux sociétés qui ne sont pas assujetties à l’IS de plein droit en vertu du 2 de l’article 206 :

– sociétés en participation ;

– sociétés en nom collectif (SNC) ;

– sociétés en commandite simple (SCS) ;

– entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) ;

– exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) ;

– sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) ;

– sociétés civiles professionnelles (SCP) constituées pour l’exercice en commun de la profession de leurs membres ;

– certains groupements (groupements d’intérêts publics, groupements de coopération constitués en matière sanitaire et médico-sociale).

● Les entreprises individuelles à responsabilité (EIRL) font l’objet de règles particulières. Ces EIRL relèvent en principe du régime fiscal de droit commun des entreprises individuelles, et sont donc assujetties à l’IR : c’est l’entrepreneur qui est directement imposé en son nom sur les résultats de l’exploitation.

L’article 1655 sexies du CGI permet à l’entrepreneur d’opter pour l’assimilation de son EIRL à une EURL ou une EARL, sauf s’il relève d’un régime micro-fiscal : il doit être imposé au réel.

Ainsi qu’il a été vu, les EURL et EARL relèvent de plein droit du régime des sociétés de personnes et donc de l’IR, l’assujettissement à l’IS n’étant qu’optionnel. Pourtant, en application du 2 de l’article 1655 sexies, l’EIRL optant pour l’assimilation à l’EURL ou l’EARL est automatiquement et irrévocablement assujettie à l’IS.

Cette asymétrie résulte de l’article 15 de la première loi de finances rectificative pour 2011 ([292]), qui a rendu optionnelle l’assimilation à une EURL. Cette souplesse s’est accompagnée d’une irrévocabilité de l’option et d’un assujettissement automatique et définitif à l’IS.

● En application des articles 201 et 202 et de l’article 202 ter du CGI, l’option pour l’IS est assimilée à une cessation d’entreprise, entraînant une imposition immédiate des bénéfices qui n’ont pas encore été imposés.

c.   L’irrévocabilité de l’option pour l’IS

● L’article 239 du CGI précise les modalités selon lesquelles les personnes mentionnées au 3 de l’article 206 peuvent, si elles le souhaitent, opter pour l’IS.

Cette option doit être notifiée à l’administration fiscale avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel elle s’applique. Ainsi, une entreprise dont l’exercice s’ouvre en juin doit exercer cette option avant la fin du mois d’août.

L’option n’est toutefois pas ouverte :

– aux sociétés immobilières de copropriété ;

– aux sociétés de personnes résultant de la transformation de sociétés de capitaux, lorsque cette transformation est intervenue il y a moins de quinze ans et que l’option prévue au premier alinéa du 1 de l’article 239 n’avait alors pas été exercée.

● La principale caractéristique de cette option, outre naturellement ses effets quant à l’assujettissement à l’IS, est d’être irrévocable : une entreprise qui a opté pour le régime des sociétés de capitaux, et donc pour l’IS, ne peut plus revenir en arrière.

Une seule exception, très limitée, permet de renoncer à l’option. Cette hypothèse de renonciation, prévue au 3 de l’article 206, concerne les sociétés de personnes :

– dont l’option pour le régime des sociétés de capitaux est intervenue avant 1981 ;

– et qui sont formées entre parents.

B.   Les contraintes liées à l’irrévocabilité de l’option pour l’IS

En raison de la différence de règles fiscales applicables entre les régimes, le caractère irrévocable de l’option pour l’IS peut se révéler dissuasif ou pénalisant, en fonction des situations de chaque entreprise.

1.   Les importantes différences entre les régimes d’imposition

L’assujettissement à l’IS ou à l’IR est une question essentielle dans la stratégie de création et de développement d’une entreprise, compte tenu de la différence des règles applicables et des effets de celles-ci. Le tableau suivant illustre les principaux aspects de chacun des régimes.

principaux ÉlÉments de comparaison entre l’is et l’ir

Éléments du régime

Régime des sociétés de capitaux
(IS)

Régime des sociétés de personnes (IR)

Redevable de l’impôt sur les bénéfices

Entreprise

Associés (entrepreneur si entreprise individuelle)

Taux applicable

Taux forfaitaire
(25 % à compter de 2022) (1)

Barème progressif de l’IR
(taux marginal de 45 %)

Imputation des déficits

Report illimité en avant
Report en arrière sur un exercice

Imputation sur le revenu global
Report possible sur six ans

Imposition des bénéfices réinvestis

Non

Oui

Double imposition des bénéfices distribués

Oui
(dans le chef de l’entreprise, puis des associés, après application d’un abattement)

Non
(déjà intégralement imposés)

Déductibilité de la rémunération du dirigeant et des associés

Oui

Non

(1) Des taux réduits sont prévus sur certaines opérations. Un taux réduit de 15 % est applicable aux 38 120 premiers euros de bénéfice des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros et répondant à certaines conditions de détention de leur capital.

 

Les conséquences fiscales de l’un ou l’autre des régimes sont très différentes, et il n’y a pas de règles générales permettant de conclure à la pertinence accrue d’un régime sur l’autre.

Néanmoins, certaines tendances peuvent être dégagées :

– lorsque le bénéfice est élevé ou qu’est prévue sa forte croissance, l’IS peut se révéler plus intéressant en raison de son taux forfaitaire – et des taux réduits éventuels – qu’une imposition au barème de l’IR ;

– en matière de déficits, l’IR semble présenter un avantage dans la mesure où les déficits seront imputables sur le revenu global du foyer fiscal de l’associé ou de l’entrepreneur, réduisant l’assiette soumise à imposition ;

– le constat précédent perd néanmoins de son acuité si le foyer fiscal ne dispose pas ou peu d’autres revenus que ceux tirés de l’exploitation de l’entreprise. En outre, si d’importants déficits sont constatés, les règles de report applicables dans le cadre de l’IS peuvent être plus intéressantes ;

– le fait que, dans le cadre de l’IS, l’imposition des bénéfices sociaux mis en réserve n’interviennent qu’au moment de la distribution des réserves, constitue un important avantage du régime des sociétés de capitaux.

2.   Une irrévocabilité de l’option qui peut pénaliser certaines entreprises

En raison des différences précédemment évoquées et des situations dans lesquelles, toute chose égale par ailleurs, l’un ou l’autre des deux régimes pourrait se révéler plus intéressant, le caractère irrévocable de l’option pour l’IS est une contrainte forte.

Si le régime choisi se révélait inadapté à l’entreprise, cette dernière ne pourrait pas faire machine arrière et continuerait à subir les conséquences de son choix.

À titre d’exemple, une société de personnes anticipant une forte croissance de son bénéfice décide d’opter pour l’IS, le taux forfaitaire applicable étant plus intéressant que le barème. Si le niveau de bénéfice ne correspond finalement pas aux prévisions et qu’il reste faible, l’IS peut augmenter la charge fiscale de l’entreprise, là où le barème de l’IR aurait pu conduire à l’application d’un taux moins élevé.

L’irrévocabilité peut également dissuader des entreprises qui souhaiteraient opter pour l’IS, mais qui craignent des conséquences dommageables si ce régime se révélait inapproprié à leur situation.

Si les choix faits relèvent de la seule responsabilité des associés ou de l’entrepreneur, toutes les conséquences de l’option peuvent ne pas être connues lorsqu’elle est exercée, notamment en raison d’une mauvaise information ou d’une modification de la conjoncture économique.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article introduit un « droit au remords » qui permet aux entreprises ayant opté pour l’IS de renoncer à cette option dans les cinq ans qui suivent, leur offrant ainsi une souplesse bienvenue.

A.   L’introduction opportune d’une révocabilité encadrée de l’option pour l’IS

La possibilité de renoncer à l’option pour l’IS, en dehors de l’exception historique très limitée précédemment évoquée, est consacrée et fait l’objet d’un encadrement équilibré.

1.   La révocabilité de l’option dans les cinq ans de son exercice

La consécration du caractère révocable de loption pour lIS résulte du  du présent article :

– son a supprime la dernière phrase du deuxième alinéa du 1 de l’article 239 du CGI, qui dispose expressément que l’option est irrévocable ;

– son b précise les modalités selon lesquelles la renonciation à l’option peut intervenir.

● La possibilité de renoncer à l’option est encadrée dans le temps : elle est limitée à cinq exercices, incluant celui au titre duquel l’option a été exercée.

La renonciation doit être notifiée à l’administration avant la fin du mois qui précède la date limite du paiement du premier acompte d’IS du cinquième exercice qui suit celui au titre duquel l’option avait été exercée.

Si cette condition n’est pas respectée, l’entreprise perd son droit à renonciation et demeurera assujettie à l’IS.

dates limites de la renonciation
d’une option exercée au titre d’un exercice N

Date de clôture de lexercice comprise entre

Date limite de paiement du premier acompte dIS de lexercice N + 5

Date avant laquelle la renonciation doit être notifiée

Le 20 novembre et le 19 février inclus

15 mars

28 février (1)

Le 20 février et le 19 mai inclus

15 juin

31 mai

Le 20 mai et le 19 août inclus

15 septembre

31 août

Le 20 août et le 19 novembre inclus

15 décembre

30 novembre

(1) 29 février pour les années bissextiles.

Ainsi, en supposant que tous les exercices coïncident avec l’année civile, si l’option a été exercée au titre d’un exercice N, la renonciation devra intervenir avant le 28 février N + 5.

● La renonciation peut naturellement intervenir plus tôt au cours de l’un des exercices courant pendant la période couverte par le droit à renonciation.

Une telle renonciation anticipée obéit aux mêmes modalités que la dernière renonciation possible : elle doit être faite avant la fin du mois précédant la date limite de paiement du premier acompte au titre duquel elle s’applique.

● Enfin, la renonciation est définitive : une fois exercée, l’entreprise ne pourra plus opter de nouveau pour l’IS.

2.   L’ajustement du régime applicable aux EIRL assimilées à des EURL

La révocabilité de l’option pour l’IS doit également pouvoir bénéficier aux EIRL assujetties à cet impôt en application de l’article 1655 sexies du CGI, c’est-à-dire aux EIRL ayant opté pour une assimilation à une EURL.

Le  du présent article modifie en conséquence cet article 1655 sexies afin de préciser quune telle EIRL peut renoncer à loption pour lIS, dans les conditions qui viennent d’être présentées.

Précision importante, cette renonciation ne porte que sur l’IS, et non sur l’ensemble de l’option : l’EIRL restera assimilée à une EURL, et l’irrévocabilité de cette assimilation est maintenue.

Le dispositif proposé, en réalité, aménage les conséquences fiscales actuellement automatiques et définitives de l’option pour l’assimilation en dissociant ses deux aspects.

Il s’agit d’une modification bienvenue, qui met fin à la situation étrange qui prévaut actuellement et dans laquelle les EIRL assimilées à des EURL sont définitivement assujetties à l’IS alors que les EURL relèvent en principe du régime des sociétés de personnes.

3.   L’entrée en vigueur du dispositif

À défaut de précision sur des modalités particulières d’entrée en vigueur, le présent article s’appliquerait à compter du lendemain de la publication de la loi de finances pour 2019.

Dès lors, en plus de valoir pour le futur, le dispositif permettra aux entreprises ayant déjà, à cette date, exercé leur option pour lIS, dy renoncer sous réserve de respecter la limite temporelle des cinq ans.

À titre d’exemple, pour les entreprises dont l’exercice coïncide avec l’année civile, le dispositif pourra s’appliquer à toutes les options faites au titre des exercices 2014 ou suivants.

B.   Une mesure non chiffrable mais économiquement pertinente

● L’impact budgétaire de la consécration d’une révocabilité encadrée de l’option pour l’IS est impossible à simuler efficacement dans la mesure où il dépend d’un nombre de facteurs extrêmement variés :

– nombre d’entreprises qui renonceront à leur option ;

– nombre d’entreprises qui exerceront l’option alors qu’elles en étaient jusque-là dissuadées ;

– effet de l’option sur les recettes fiscales, qui dépend là aussi d’éléments divers et est fonction de la situation individuelle de chaque entreprise.

● En revanche, l’impact positif pour les entreprises paraît acquis, et la souplesse induite par la possibilité de révoquer l’option pour l’IS est opportune.

Le dispositif offre une plus grande adaptabilité des règles fiscales à la réalité économique de chaque entreprise, évitant autant que faire se peut d’en pénaliser certaines tout en offrant à celles qui souhaiteraient opter pour l’IS un filet de sécurité inexistant jusque-là.

Le nombre d’entreprises concernées n’est pas indiqué, mais il est potentiellement très élevé. L’évaluation préalable ne mentionne que les entreprises créées depuis moins de cinq ans, qui ne seront pas les seules à bénéficier du dispositif. Le tableau suivant fait état de ce nombre et, parmi les entreprises concernées, celles qui ont opté pour l’IS.

entreprises créées depuis moins de cinq ans éligibles à l’option pour l’is

Catégorie

Nombre dentreprises créées depuis moins de cinq ans

Nombre dentreprises créées depuis moins de cinq ans
ayant opté pour lIS

SNC

16 738

2 288

Sociétés civiles mentionnées au 1° de l’article 8 du CGI

ND

1 852

SARL dont l’associé unique est une personne physique

86 696

79 475

EARL

ND

321

Source : évaluation préalable.

● Les modalités de renonciation à l’option sont, en outre, tout à fait pertinentes en ce qu’elles concilient souplesse et encadrement ; elles paraissent au demeurant préférables aux solutions alternatives envisageables :

– une renonciation sans condition permettrait d’opter de nouveau présenterait le risque d’incessants allers et retours entre les régimes et pourrait encourager des mécanismes d’optimisation abusive ;

– une renonciation encadrée mais limitée aux cinq premiers exercices de l’entreprise aurait manqué son objectif en obligeant à une prise de décision relativement rapide, alors que les premiers exercices ne sont pas toujours révélateurs du futur économique d’une entreprise.

Avec le dispositif proposé, les entreprises pourront attendre le bon moment pour exercer leur option, tout en disposant d’un « droit au remords ».

● Ce dispositif peut être rapproché des règles applicables dans le cadre des régimes micro-fiscaux, les contribuables qui en relèvent pouvant opter pour une imposition au réel sans que cette option soit irrévocable.

Le présent article s’inscrit donc dans le cadre plus général de la politique engagée par le Gouvernement de soutien à toutes les entreprises, y compris les plus petites, à travers la fourniture d’un cadre juridique adapté et non rigide.

*

*     *

La commission examine l’amendement I-CF198 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 17 est intéressant car il prévoit la possibilité d’une révocabilité de l’option pour l’impôt sur les sociétés ; en cela, il répond à une demande du monde économique. En revanche, il fixe un certain nombre de conditions qui sont selon moi des blocages. Il ouvre en effet la possibilité aux sociétés et aux groupements soumis à l’impôt sur le revenu qui optent pour le régime des sociétés de capitaux de renoncer à cette option, mais cette renonciation est irrévocable. Or, dans la longue vie d’une entreprise, il peut se produire des changements d’associés ou d’actionnaires. Pénaliser l’entreprise en raison d’un choix fait à un moment donné par des personnes qui l’ont quittée revient à la mettre en difficulté. Je considère donc que le fait de ne pas pouvoir revenir à un régime fiscal différent une fois telle ou telle option choisie constitue un blocage aux entreprises. Certaines sociétés seront même contraintes à la dissolution et à la liquidation pour recréer une autre société. Je comprends qu’il soit nécessaire de bloquer le dispositif pour éviter les effets d’aubaine, mais je considère que le dispositif proposé va bien au-delà.

M. le Rapporteur général. L’article 17 instaure un « droit au remords » – appelons‑le comme cela. Or, la mesure que vous proposez s’apparente à un va-et-vient, d’où une illisibilité pour l’administration. Je crains en outre qu’il n’en résulte des comportements d’optimisation abusifs. Avis défavorable pour ce motif, entre autres.

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement I-CF74 de Mme Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je défends cet amendement dans le même esprit que le précédent.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 17 sans modification.

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*     *

 


Article 18
Réforme des aides fiscales en faveur de la gestion des risques
et de linvestissement agricoles

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de l’inadaptation et des insuffisances de la déduction pour aléas (DPA) et de la déduction pour investissement (DPI), en les supprimant et les remplaçant par une nouvelle déduction pour épargne de précaution, la DEP.

La DEP permet à un exploitant agricole imposé au réel de déduire de son bénéfice des sommes qui pourront être utilisées au titre de l’activité professionnelle au cours des dix années suivantes.

L’exploitant doit inscrire sur un compte dédié un somme comprise entre 50 % et 100 % de la déduction pratiquée. Cette condition d’épargne monétaire peut être partiellement satisfaite à concurrence des coûts d’acquisition ou de production de certains stocks.

À la différence de la DPA et de la DPI, les hypothèses d’utilisation de la DEP sont extrêmement variées et souples, laissant l’exploitant responsable de l’opportunité de son utilisation.

Les déductions sont plafonnées selon un barème progressif en fonction du bénéfice, allant de 27 000 euros à 41 400 euros (contre 27 000 euros au titre du plafond commun actuel pour la DPA et la DPI).

Le dispositif proposé, dont le coût est estimé en rythme de croisière à 26 millions d’euros par an, est applicable aux exercices ouverts entre 2019 et 2022 (une clause de grand-père étant prévue pour les DPA et DPI en cours).

Dernières modifications législatives intervenues

La DPA, introduite à compter de 2002, a récemment été modifiée par la loi de finances rectificative pour 2015, qui a assoupli les règles encadrant la constitution de l’épargne professionnelle, la définition de l’aléa économique et les modalités de réintégration des déductions utilisées.

La DPI, créée par la loi de finances pour 1987, a été substantiellement modifiée par l’article 27 de la dernière loi de finances rectificative pour 2012, qui a exclu de son champ l’acquisition ou la création d’immobilisations amortissables. L’article 34 de la loi de finances rectificative pour 2013 a aligné sur la DPA les modalités de réintégration d’une DPI non utilisée conformément à son objet.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative des membres du groupe La République En Marche, et avec l’avis favorable du Rapporteur général, ont été adoptés deux amendements identiques qui assouplissent l’assimilation des stocks à l’épargne monétaire obligatoire en prévoyant que cette assimilation puisse être intégrale.

Par ailleurs, à l’initiative de députés membres des groupes Les Républicains et UDI, Agir et Indépendants et malgré l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission a supprimé l’encadrement du plafond global de déduction pour les groupements agricoles qui reposait sur une prise en compte du nombre d’associés dans la limite de quatre.

I.   L’état du droit

Parmi les nombreux instruments fiscaux propres aux activités agricoles, existent des dispositifs particuliers de déduction, destinés à permettre aux exploitants d’assurer la meilleure gestion possible de leur exploitation. Ces outils, toutefois, ont montré leurs limites.

A.   Les déductions pour aléas et investissement

Les dispositifs fiscaux agricoles pour faire face aux aléas et développer l’investissement des exploitations se déclinent essentiellement en deux volets : la déduction pour aléas (DPA) et la déduction pour investissement (DPI).

1.   La déduction pour aléas (DPA)

Créée par la loi de finances pour 2002 ([293]) et consacrée à l’article 72 D bis du CGI, la DPA est un outil fiscal destiné à accompagner les exploitants agricoles pour faire face à la volatilité des revenus agricoles et aux aléas que leur exploitation est susceptible de connaître. Elle incite ces exploitants, par le levier de la fiscalité, à constituer une épargne de précaution qui sera ensuite utilisée en cas de besoin.

De façon très schématique, la DPA consiste pour un exploitant à déduire de son bénéfice un montant qui sera ensuite rapporté au résultat dun exercice ultérieur en cas de survenance dun aléa, cette déduction étant assortie d’une obligation de constitution d’une épargne professionnelle affectée inscrite sur un compte dédié.

a.   Les exploitants éligibles à la DPA

Seuls les exploitants agricoles assujettis à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie des bénéfices agricoles (BA) et soumis à un régime réel d’imposition (normal ou simplifié) sont éligibles à la DPA : les exploitations assujetties à l’impôt sur les sociétés et les exploitants relevant du régime micro-fiscal applicable aux BA (« micro-BA ») en sont exclus.

Le régime « micro-BA »

Le régime « micro‑BA » est un régime d’imposition des bénéfices agricoles prévu à l’article 64 bis du CGI, qui a succédé à compter du 1er janvier 2016 à l’ancien forfait agricole.

Applicable, sauf option contraire, aux exploitants agricoles dont les recettes sont inférieures à 82 800 euros hors taxes, il consiste à déterminer le revenu imposable de façon forfaitaire.

L’assiette du « micro‑BA » correspond à la moyenne des recettes de l’année d’imposition et des deux années précédentes, à laquelle est appliqué un abattement de 87 % (cet abattement ne pouvant être inférieur à 305 euros).

En conséquence, ne sont imposés que 13 % de la moyenne triennale des recettes.

L’abattement forfaitaire de 87 % est censé représenter les différentes charges et postes déductibles du résultat.

L’article 72 quater du CGI exclut en outre du bénéfice de la DPA (et de la DPI) les exploitants titulaires de revenus provenant de la vente de biomasse sèche, de la production d’énergie à partir de produits majoritairement issus de l’activité agricole ou de la mise à disposition de droits au paiement de base, lorsque ces exploitants n’exercent aucune des activités suivantes :

– exploitation de biens ruraux ;

– production forestière ;

– exploitation de champignonnières ;

– exploitations avicoles, apicoles, piscicoles, ostréicoles et mytilicoles ;

– invention d’une nouvelle variété végétale (activité d’obtenteur) ;

– préparation et entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation en dehors du spectacle.

Si les revenus tirés de la vente de biomasse, de la production d’énergie ou de la mise à disposition de droits au paiement de base sont, en vertu de l’article 63 du CGI, considérés comme relevant de la catégorie des BA, ils n’ont cependant qu’un lien assez ténu avec l’activité agricole proprement dite : les premiers relèvent plutôt d’une activité industrielle tandis que les seconds s’inscrivent dans une logique financière. Dès lors, l’exclusion de la DPA est cohérente.

b.   La constitution obligatoire et encadrée d’une épargne professionnelle sur un compte dédié

● Aux termes du deuxième alinéa de l’article 72 D bis du CGI, l’exercice de la DPA par un exploitant agricole suppose préalablement que ce dernier ait inscrit sur un compte daffectation ouvert auprès dun établissement de crédit une somme dun montant compris entre 50 % et 100 % de la déduction qu’il réalise.

Cette condition d’inscription est strictement encadrée dans le temps : elle doit intervenir au plus tard à la date de dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice au titre duquel la déduction est faite.

Cette somme, qui constitue une épargne de précaution, est inscrite à l’actif du bilan de l’exploitation. En tant que somme monétaire inscrite sur un compte bancaire, cette épargne produit des intérêts qui, ainsi que le prévoit l’article 72 D bis du CGI, sont exonérés d’impôt s’ils sont capitalisés dans le compte d’affectation où la somme est inscrite. En revanche, s’ils ne font pas l’objet d’une telle capitalisation, les intérêts rémunérant l’épargne sont imposables (en principe, dans la catégorie des BA, mais il est admis par la doctrine fiscale qu’ils puissent faire l’objet d’une imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers si l’exploitant le souhaite).

Le compte daffectation est un compte spécifique : l’exploitant ne peut utiliser son compte ordinaire. En effet, le III de l’article 72 D bis prévoit que le compte sur lequel sont inscrites les sommes liées aux déductions pratiquées doit exclusivement retracer les opérations effectuées dans le cadre de la DPA.

L’épargne libre, c’est-à-dire le montant de la déduction excédant l’épargne professionnelle constituée, ne peut être placée sur ce compte dédié.

Illustration de l’obligation d’inscription sur un compte dédié

Au titre d’un exercice N, un exploitant agricole déduit une somme de 12 000 euros au titre de la DPA.

Il doit inscrire, au plus tard lors du dépôt de la déclaration de l’exercice N et sur un compte d’affectation dédié ouvert auprès d’un établissement de crédit, une somme comprise entre 6 000 et 12 000 euros.

● Le troisième alinéa du 1 du I de l’article 72 D bis du CGI prévoit une mesure de souplesse vis-à-vis de la condition d’inscription au compte d’affectation : si la valeur du stock de fourrages destiné à être consommé par des animaux de l’exploitation s’est accrue par rapport à la valeur moyenne du stock calculée sur les trois exercices précédents, l’exploitant est dispensé d’épargne à hauteur de l’accroissement de cette valeur des stocks.

Toutefois, si l’exploitant vend ensuite ces stocks, le produit de cette vente doit être inscrit au compte d’affectation, dans la limite du montant ayant été dispensé d’inscription lors de la constitution du stock de précaution (c’est-à-dire dans la limite de l’accroissement de la valeur des stocks ayant conduit à cette dispense d’épargne). Si la cession de ces stocks est partielle, il est admis que l’obligation de reconstitution de l’épargne soit limitée à la part du volume de stock de précaution vendue par rapport au stock initial.

Illustration de la mesure de souplesse liée aux stocks

Au titre d’un exercice N, un exploitant agricole pratique une DPA d’un montant de 15 000 euros.

Il est censé inscrire sur le compte d’affectation dédié une somme comprise entre 7 500 et 15 000 euros.

Au titre du même exercice, un accroissement de la valeur du stock de fourrages pour les animaux de l’exploitation par rapport aux trois exercices précédents est constaté à hauteur de 4 000 euros.

En application du troisième alinéa du 1 du I de l’article 72 D bis du CGI, l’exploitant est partiellement dispensée d’épargne, et n’est tenu qu’à l’inscription d’une somme comprise entre 3 500 et 11 000 euros.

Au cours d’un exercice N + 2, l’exploitant cède la moitié de son stock de précaution pour un montant de 5 000 euros.

Il devra donc inscrire sur le compte d’affectation au titre de la reconstitution de son épargne obligatoire une somme de 50 % × 4 000 = 2 000 euros (prise en compte de la part du stock vendue par rapport au stock initial, soit la moitié, et application du plafond reposant sur l’accroissement de valeur du stock).

● La dernière phrase du deuxième alinéa du 1 du I de l’article 72 D bis prévoit que le montant cumulé de l’épargne de précaution et des intérêts capitalisés exonérés d’impôt ne peut être inférieur de plus de la moitié du montant des déductions faites et non rapportées, ni excéder ce montant.

Dès lors, si l’épargne professionnelle inscrite sur le compte dédié excède le montant des déductions non encore rapportées, la fraction excédentaire constitue une épargne libre que l’exploitant doit retirer du compte.

Inversement, si l’épargne professionnelle est inférieure à 50 % des déductions non encore rapportées, la fraction des déductions excédant le double du montant de l’épargne est rapportée au résultat et fait l’objet d’une majoration correspondant au produit de cette fraction par le taux de l’intérêt de retard (0,20 % par mois).

Illustration du lien entre déduction pratiquée et somme inscrite sur le compte

Un exploitant agricole pratique au titre d’un exercice N une DPA d’un montant de 10 000 euros. Il inscrit sur le compte d’affectation dédié une somme de 5 000 euros (par simplification, il n’est pas tenu compte des intérêts).

En N + 1, il utilise la DPA pour régler ses primes et cotisations d’assurance conformément aux hypothèses prévues, qui s’élèvent à 2 500 euros.

La DPA restant à rapporter est de 10 000 – 2 500 = 7 500. L’épargne constituée sur le compte d’affectation demeurant comprise entre 50 % et 100 % des sommes déduites non rapportées, l’exploitant n’est pas obligé d’effectuer un prélèvement depuis ce compte.

En N + 4, l’exploitant utilise la DPA pour le même règlement, pour un montant de 3 000 euros.

La DPA restant à rapporter est de 7 500 – 3 000 = 4 500.

Ce montant est inférieur à celui de l’épargne constituée inscrite sur le compte (5 000 euros) : l’exploitant doit prélever une somme minimum de 500 euros depuis ce compte pour que la condition d’encadrement de l’épargne professionnelle soit remplie.

c.   Les hypothèses d’utilisation de la DPA

Les sommes déduites par l’exploitant dans le cadre de la DPA de même que les intérêts capitalisés exonérés d’IR peuvent être utilisés pour faire face aux aléas pendant lun des sept exercices qui suit celui au titre duquel la déduction est pratiquée.

Les cas d’ouverture de la DPA sont très strictement et limitativement définis par le 2 du I de l’article 72 D bis : seules cinq hypothèses sont prévues, correspondant à quatre situations : aléa assuré, aléa non assuré, aléa économique et absence d’aléa.

i.   L’utilisation de la DPA en cas de survenance d’un aléa assuré

En application du c du 2, un exploitant peut utiliser la DPA au titre de l’exercice de survenance d’un incendie, d’un dommage aux cultures ou de perte du bétail, pour autant que l’incident soit couvert par un contrat dassurance.

ii.   L’utilisation de la DPA en cas de survenance d’un aléa non assuré

● Aux termes du a du 2, la DPA est ouverte pour l’acquisition de fourrages destinés à être consommés par les animaux de lexploitation, cette acquisition devant intervenir dans les six mois qui précèdent ou qui suivent la reconnaissance officielle du caractère de calamité agricole sur le canton où l’exploitation se situe ou sur l’un ou plusieurs des cantons limitrophes à celui-ci.

La notion de calamité agricole est définie à l’article L. 361‑5 du code rural et de la pêche maritime, et correspond aux dommages résultant de risques non assurables d’importance exceptionnelle dus à des variations anormales d’intensité d’un agent naturel climatique, et face auxquels les moyens techniques habituels se sont révélés insuffisants ou inadaptés.

Le caractère de calamité agricole est arrêté par le ministre chargé de l’agriculture, sur proposition du préfet de département après avis du Comité national de gestion des risques en agriculture. La reconnaissance d’une telle calamité permet aux exploitants de solliciter une indemnisation des productions et biens non assurables.

Dans une telle hypothèse, le montant de DPA pouvant être utilisé est limité à celui des achats de fourrages rendus nécessaires par la calamité agricole survenue, l’exploitant devant être en mesure de justifier le montant de ces achats au regard du préjudice qu’il a subi.

● La DPA peut également être utilisée pour faire face à un aléa non assuré dorigine climatique (telles une tempête ou de fortes chutes de grêle, si l’exploitant n’est pas assuré), naturelle (catastrophe naturelle) ou sanitaire (maladie touchant le cheptel ou les plantations, etc.), ainsi que le prévoit le d du 2.

Il faut toutefois que l’aléa soit reconnu par ladministration. Cette condition prémunit tout usage abusif de la DPA au titre d’événements qui ne relèvent pas réellement de la qualification d’aléas (elle peut d’ailleurs être lue en lien avec les sanctions accompagnant une utilisation de la DPA en dehors des cas prévus).

La liste des aléas en question est fixée au I de l’article 38 sexdecies J de l’annexe III du CGI.

iii.   L’utilisation de la DPA en cas de survenance d’un aléa économique

Le e du 2 du I de l’article 72 D bis prévoit la possibilité dutiliser la DPA pour faire face à un aléa économique, apprécié par rapport à l’ampleur de la variation de la valeur ajoutée de l’exercice par rapport aux précédents.

L’aléa économique au titre d’un exercice N est constaté dans deux situations :

– la valeur ajoutée de l’exercice N a baissé de plus de 10 % par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des trois exercices précédents N – 1, N – 2 et
N – 3 ;

– ou la valeur ajoutée de l’exercice N a baissé de plus de 15 % par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des exercices N – 2, N – 3 et N – 4.

La notion de valeur ajoutée, dans le cadre de la DPA, correspond à la différence positive entre :

– la somme des ventes, des variations d’inventaires, de la production immobilisée et autoconsommée et des indemnités et subventions d’exploitation ;

– et la somme des coûts d’achats des produits vendus et des consommations provenant de tiers.

Appréciation de l’aléa économique

La valeur ajoutée constatée au titre de plusieurs exercices consécutifs d’un exploitant agricole est la suivante :

N – 4 : 34 000 euros ;

N – 3 : 26 000 euros ;

N – 2 : 24 000 euros ;

N – 1 : 25 000 euros ;

N : 23 500 euros.

L’exploitant souhaiterait pouvoir faire une DPA pour survenance d’aléa économique au titre de l’exercice N.

La moyenne des valeurs ajourées des trois exercices précédents (N – 1 à N – 3) est de 25 000 euros. La baisse de la valeur ajoutée de N par rapport à cette moyenne est de 6 %, soit moins que le seuil de 10 % requis au titre de la première situation.

La moyenne des valeurs ajoutées des exercices N – 2 à N – 4, en revanche, s’établit à 28 000 euros. La baisse de la valeur ajoutée de N par rapport à cette moyenne étant de 16,1 %, soit plus que le seuil de 15 % requis au titre de la seconde situation, la DPA sera possible à raison d’un aléa économique.

La DPA utilisée pour faire face à un aléa économique est plafonnée au plus élevé des deux montants suivants :

– le montant de la baisse de la valeur ajoutée ;

– 50 % du montant cumulé des DPA et des intérêts capitalisés non encore utilisés à la date de clôture de l’exercice qui a précédé celui de la survenance de l’aléa.

iv.   L’utilisation de la DPA en l’absence d’aléa

La DPA peut être utilisée par un exploitant en l’absence de tout aléa, ce qui à première vue peut sembler contre-intuitif.

En réalité, il n’y a là rien de paradoxal dans la mesure où est visé le règlement de primes et de cotisations dassurance de dommages aux biens ou d’assurance pour perte d’exploitation.

Dans cette hypothèse, le montant susceptible d’être utilisé au titre de la DPA est plafonné à celui des cotisations et primes. L’exploitant peut librement prélever les sommes requises pour payer les primes sur l’épargne constituée (inscrite sur le compte d’affectation dédiée) ou sur l’épargne libre (c’est-à-dire la fraction de déduction non inscrite sur le compte d’affectation).

d.   La réintégration des sommes déduites au résultat de l’exploitation

Le 3 du I de l’article 72 D bis porte sur la réintégration des sommes déduites au résultat de l’exploitation. Trois cas de figure sont prévus :

– les sommes ont été utilisées conformément aux hypothèses prévues ;

– les sommes n’ont pas été utilisées durant la période de sept exercices ;

– les sommes ont été mal utilisées.

Un quatrième cas, distinct des précédents dans sa logique, porte sur la réintégration d’une fraction des sommes déduites au titre de la condition d’encadrement de l’épargne professionnelle constituée inscrite sur le compte d’affectation.

i.   La réintégration des sommes utilisées conformément aux hypothèses prévues

Les sommes utilisées dans le cadre de la DPA sont rapportées au résultat de lexercice au cours duquel elles lont été ou, au choix de lexploitant, au résultat de lexercice suivant.

Cette souplesse permet d’éviter autant que faire se peut un alourdissement excessif du résultat imposable et donc une charge fiscale que l’exploitant pourrait avoir du mal à supporter : en choisissant l’exercice de réintégration parmi les deux offerts, il peut piloter plus facilement son résultat et donc le montant d’IR dû.

Par ailleurs, l’article 72 D bis n’imposant nulle part que les sommes déduites doivent être rapportées dans leur ordre chronologique de déduction, l’exploitant est libre de déterminer cet ordre (sous réserve de ne pas dépasser pour chacune des sommes déduites la limite temporelle des sept exercices suivant celui de la déduction).

Lorsquune somme déduite est rapportée au résultat de lexploitation, elle est réintégrée extra-comptablement au résultat de l’exercice considéré et majore le bénéfice imposable de ce dernier. Elle n’est pas constitutive d’un revenu exceptionnel au sens de l’article 75‑0 A du CGI (qui permet un lissage pluriannuel de tels revenus).

Du fait de cette réintégration extracomptable, la DPA, à l’exception des intérêts capitalisés exonérés d’IR, n’entraîne pas une perte définitive de recettes pour l’État : il s’agit d’une perte de trésorerie, l’État récupérant lors de la réintégration les recettes qu’il n’avait pas perçues au moment de la déduction.

ii.   La réintégration des sommes non utilisées

● Si les sommes déduites du bénéfice d’une exploitation au titre d’un exercice N ne sont pas utilisées au cours de lun des sept exercices suivants, elles doivent être réintégrées au résultat du dernier de ces sept exercices (N + 7).

Elles sont par ailleurs majorées d’un montant correspondant à l’application à ces sommes du taux de lintérêt légal en vigueur à la date de clôture de l’exercice de réintégration.

Cette majoration vise, non à pénaliser l’exploitant, mais à compenser la perte de trésorerie pour les recettes de l’État due à la déduction pratiquée, alors que celle-ci n’est pas utilisée. Elle tend aussi à prémunir le dispositif contre d’éventuelles pratiques abusives consistant à déduire des sommes sans avoir l’intention de les utiliser, à des fins purement fiscales.

Illustration de la réintégration d’une DPA non utilisée

Un exploitant pratique au titre d’un exercice N une DPA d’un montant de 20 000 euros.

Cette somme n’est pas utilisée au cours des sept exercices suivants N + 1 à N + 7 : elle doit donc être réintégrée au résultat de l’exercice N + 7.

Par hypothèse, le taux de l’intérêt légal à la clôture de l’exercice N + 7 est de 0,5 %.

La majoration sera de 20 000 × 0,5 % × 7 = 700 euros.

● Deux situations particulières de défaut d’utilisation de la DPA ne conduisent pas nécessairement à la réintégration assortie d’intérêts au taux légal : l’apport d’une exploitation à une société civile agricole et la transmission à titre gratuit de l’exploitation.

En vertu du II de l’article 72 D bis du CGI, si l’exploitant qui réalise l’apport ou la transmission a, au titre d’un exercice précédant l’opération, pratiqué une DPA, celle-ci pourra être reprise par la société bénéficiaire de l’apport ou par les bénéficiaires de la transmission, sous réserve d’un engagement de leur part d’utiliser les sommes déposées sur le compte d’affectation au cours de l’un des sept exercices suivants celui au titre duquel elles ont été déduites.

Si un tel engagement est pris, l’opération n’est pas assimilée à une cessation d’activité pour l’application du I de l’article 72 D bis (et donc des règles de réintégration).

iii.   La réintégration des sommes utilisées hors des hypothèses prévues

L’utilisation par un exploitant des sommes déduites en dehors des cas expressément mentionnés au 2 du I de l’article 72 D bis a pour conséquence la réintégration de ces sommes au résultat de l’exercice au cours duquel elles ont été utilisées.

Une majoration est également prévue, plus sévère que celle applicable à l’absence d’utilisation : le taux retenu n’est pas celui de l’intérêt légal, mais celui de lintérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI, soit 2,4 % par an.

iv.   La réintégration d’une fraction des sommes déduites en cas de méconnaissance de l’encadrement de l’épargne inscrite

Ainsi qu’il a été vu, l’épargne professionnelle inscrite sur le compte d’affectation dédié ne peut être inférieure à 50 % du montant total des déductions non encore rapportées, ni supérieure à ce montant total.

Lorsqu’elle est supérieure, l’exploitant effectue un prélèvement depuis le compte.

En revanche, si elle se révèle inférieure de plus de la moitié aux sommes déduites non encore rapportées, la fraction de ces sommes excédant le double du montant de l’épargne inscrite fait l’objet d’une réintégration au résultat de l’exercice où cette situation est constatée.

Une majoration reposant sur l’application du taux de l’intérêt de retard est prévue.

2.   La déduction pour investissement (DPI)

Plus ancienne que la DPA, la DPI a été créée par la loi de finances pour 1987 ([294]) et codifiée à l’article 72 D du CGI.

Les exploitants susceptibles den bénéficier sont les mêmes que ceux éligibles à la DPA : exploitants assujettis à l’IR selon un régime réel d’imposition, en dehors de ceux mentionnés à l’article 72 D quater du CGI.

● Ce dispositif permet à un exploitant de pratiquer une déduction devant être utilisée au cours des cinq exercices qui suivent celui au titre duquel elle est réalisée, pour procéder :

– à l’acquisition ou la production de stocks de produits ou animaux dont le cycle de rotation est supérieur à une année (ce qui est notamment le cas des bovins ou du vin) ;

– à l’acquisition de parts sociales de sociétés coopératives agricoles (SCA).

● Si la DPI est utilisée pour acquérir des parts sociales, elle est rapportée au résultat des dix exercices suivant celui de lopération, par fractions égales.

Il est néanmoins prévu que le retrait de l’exploitant de la SCA ou la cession par lui des parts ainsi acquises a pour effet de réintégrer immédiatement dans le résultat la fraction de DPI non encore rapportée.

Illustration de la réintégration d’une DPI
utilisée pour l’acquisition de parts sociales

Un exploitant agricole pratique au titre d’un exercice N une DPI d’un montant de 20 000 euros pour faire l’acquisition de parts sociales d’une SCA.

L’acquisition des parts est réalisée au cours de l’exercice N + 3.

La DPI sera ensuite réintégrée au cours des exercices N + 4 à N + 13, à raison de 2 000 euros par exercice.

Si, au cours de l’exercice N + 10, l’exploitant cède les parts de la SCA, la fraction de la DPI qui n’a pas déjà été rapportée doit être réintégrée au résultat de cet exercice.

Cette fraction s’élève à 20 000 – (2 000 × 6) = 8 000 euros.

● La DPI utilisée pour lacquisition ou la production de stocks, en revanche, na pas à être réintégrée au résultat, sous réserve naturellement qu’elle soit effectivement utilisée à cette fin.

La bonne utilisation de la DPI sera acquise s’il est constaté, au plus tard à la date de clôture du cinquième exercice qui suit celui au cours duquel la DPI a été pratiquée, une variation positive de la valeur des stocks.

● Une utilisation de la DPI non conforme à son objet entraîne sa réintégration au résultat, dans des conditions différentes de celles prévues dans des hypothèses similaires dans le cadre de la DPA : cette réintégration n’est pas immédiate mais porte sur le résultat du cinquième exercice qui suit la déduction.

Toutefois, au choix de l’exploitant, la réintégration peut porter sur le résultat d’un exercice antérieur à ce cinquième exercice s’il est inférieur de 40 % à la moyenne des résultats des trois exercices précédents.

Une majoration reposant sur l’application du taux de l’intérêt de retard est également prévue.

● Enfin, en application des II et III de l’article 72 D du CGI et selon un mécanisme similaire à celui présenté dans le cadre de la DPA, l’apport ou la transmission à titre gratuit de l’exploitation n’est pas assimilé à une cessation d’activité pour l’application des règles de réintégration, sous réserve que le bénéficiaire de l’apport ou de la transmission s’engage à utiliser la DPI dans les cinq exercices qui suivent la réalisation de cette dernière (la différence avec la DPA porte sur la période d’utilisation).

● La DPI, par le passé, a conduit à la constatation de nombreux abus et surinvestissements, liés à un champ d’utilisation plus large que celui actuellement prévu.

Jusquen 2012, en effet, les exploitants pouvaient utiliser la DPI non seulement pour acquérir ou produire des stocks ou acheter des parts sociales, mais aussi pour l’acquisition et la création dimmobilisations amortissables nécessaires à l’activité de l’exploitation.

Or, certains exploitants procédaient à des acquisitions d’immobilisations grâce à la DPI, pour les revendre ensuite et bénéficier sur la plus-value dégagée d’une exonération en application de l’article 151 septies du CGI.

L’exonération des plus-values réalisées par une exploitation agricole
prévue par l’article 151 septies du CGI

En application du II de l’article 151 septies du CGI, les plus-values de cession réalisées dans le cadre de certaines activités sont exonérées en tout ou partie d’IR.

Pour les activités agricoles, l’exonération est totale si les recettes annuelles de l’exploitation n’excèdent pas 250 000 euros.

Si les recettes sont supérieures à ce montant et inférieures à 350 000 euros, lexonération est partielle : le montant exonéré est déterminé par le rapport entre, dune part, la différence entre 350 000 euros et les recettes effectives et, d’autre part, 100 000 euros.

Le III du même article prévoit que l’exonération prévue au II s’applique également à la cession de matériels agricoles ou forestiers.

En plus de conduire à un cumul d’avantages fiscaux (DPI et exonération), ces comportements transformaient la DPI en une subvention exonérée.

Par ailleurs, au-delà de l’association entre la DPI et l’exonération des plus‑values, l’instrument avait conduit certains exploitants à investir de façon excessive, au détriment d’une stratégie d’investissement cohérente et répondant aux besoins réels de l’exploitation.

Pour mettre un terme aux abus, le législateur, à travers la troisième loi de finances rectificative pour 2012 ([295]), a exclu du champ de la DPI l’acquisition ou la création des immobilisations amortissables.

3.   Le plafonnement commun de la DPA et de la DPI

En application de l’article 72 D ter du CGI, la DPA et la DPI sont plafonnées dans leur montant, ce plafond étant commun aux deux déductions.

En réalité, deux types de plafond sont prévus :

– un plafond autorisé par période de douze mois ;

– un plafond pluriannuel des déductions.

Pour chacun de ces plafonds, il faut distinguer selon que les déductions sont faites par un exploitant individuel ou par un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) ou une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL).

a.   Le plafond annuel

Le plafond autorisé par période de douze mois est fixé à 27 000 euros, dans la limite du bénéfice de l’exploitation : la DPI et la DPA ne peuvent conduire à constater un déficit.

Ce plafond est apprécié après application des abattements prévus au titre de l’article 44 quaterdecies du CGI, relatif aux zones franches d’activités en outre‑mer, et de l’article 73 B du même code, relatif à l’abattement dont bénéficient les jeunes agriculteurs lors de leur installation.

Par ailleurs, si l’exercice est inférieur à douze mois, une proratisation du plafond est faite ; à titre d’exemple, si l’exercice dure neuf mois, le plafond sera de 27 000 × (9 / 12) = 20 250 euros.

L’exploitant peut, dans la limite du plafond, ventiler comme il l’entend la DPA et la DPI : il peut ainsi décider de ne pratiquer qu’une DPA à hauteur de 27 000 euros, ou de pratiquer une DPA à hauteur de 13 000 euros et une DPI à hauteur de 14 000 euros, etc.

● La DPA peut faire lobjet dun complément – toujours dans la limite du bénéfice – à hauteur de 500 euros par salariés équivalent temps plein, sous réserve que le résultat de l’exercice au titre duquel le complément est réalisé est supérieur de 20 % ou plus à la moyenne des résultats des trois exercices précédents.

Les salariés à temps partiel ne sont pas exclus du complément, mais sont retenus au prorata de leur durée de travail annuelle.

Illustration du calcul du complément de DPA

Un exploitant emploie six salariés : trois à temps plein (1 607 heures par an), trois à temps partiels qui effectuent respectivement 804 heures, 1 200 heures et 900 heures.

Pour déterminer le nombre de salariés équivalent temps plein à retenir pour le calcul du complément, la durée de travail de chacun doit être rapportée à 1 607 (si cette durée est supérieure à 1 607 heures par an, le rapport est ramené à 1).

Le calcul est donc :

1 + 1 + 1 [les trois salariés à temps plein] + (804 / 1607) + (1 200 / 1 607) + (900 / 1607),

soit : 3 + 0,5 + 0,75 + 0,56 = 4,81.

Le résultat est arrondi à l’unité la plus proche, soit 5.

Le complément de DPA pourra donc s’élever à 5 × 500 = 2 500 euros (la limite du bénéfice étant toujours applicable).

● Lorsque la DPA est pratiquée par un GAEC ou une EARL, le plafond de 27 000 euros et multiplié par le nombre dassociés, dans la limite de quatre (pour les GAEC, seuls les associés participant effectivement à l’exploitation agricole sont retenus). Le produit ainsi obtenu ne peut toutefois excéder le bénéfice.

Illustration du calcul du plafond pour les GAEC et les EARL

Un GAEC comptant trois associés participant effectivement à l’exploitation pratique une DPA au titre d’un exercice N. Le plafond qui sera applicable sera de 27 000 × 3 = 81 000 euros.

Un autre GAEC comptant six associés participant effectivement à l’exploitation pratique une DPA et une DPI au titre d’un exercice N. Le plafond commun aux deux déductions sera de 27000 × 4 = 108 000 euros.

Enfin, un troisième GAEC comptant quatre associés participant effectivement à l’exploitation et qui a réalisé un bénéfice de 60 000 euros pratique une DPA. Le bénéfice étant inférieur au plafond théorique (108 000 euros), la DPA sera plafonnée à 60 000 euros au titre de cet exercice.

b.   Le plafond pluriannuel

Un plafond pluriannuel tenant compte des déductions pratiquées et non encore rapportées au résultat de l’exploitation est également prévu aux deux derniers alinéas du I de l’article 72 D ter.

Il est obtenu en faisant la différence entre une somme de 150 000 euros et le montant total des déductions non encore rapportées.

Pour les GAEC et les EARL, la somme de 150 000 euros est multipliée par le nombre dassociés, dans la limite de quatre : cette somme peut donc aller jusqu’à 600 000 euros.

Illustrations de l’application du plafond pluriannuel

●Un exploitant individuel réalise au titre d’un exercice N un bénéfice de 45 000 euros.

Il a, au titre des cinq exercices antérieurs, pratiqué cinq DPA, chacune de 27 000 euros. Aucune n’a encore été rapportée au résultat ; leur montant cumulé est donc de 27 000 × 5 = 135 000 euros.

Au titre de l’exercice N, la DPA autorisée est plafonnée à la différence entre 150 000 euros et 135 000 euros, soit 15 000 euros.

●Une EARL comptant sept associés réalise un bénéfice de 150 000 euros au titre d’un exercice N.

Au titre des précédents exercices, l’EARL a pratiqué plusieurs DPA pour un total de 200 000 euros, aucune n’ayant encore été rapportée.

Au titre de l’exercice N, l’EARL peut pratiquer une DPA qui sera plafonnée à la plus faible des limites suivantes :

– plafond lié au bénéfice : 150 000 euros ;

– plafond annuel de déduction : 27 000 × 4 = 108 000 euros ;

- plafond pluriannuel, correspondant à la différence entre 600 000 euros et 200 000 euros, soit 400 000 euros.

La DPA ne pourra donc excéder 108 000 euros, c’est-à-dire le plafond annuel de déduction.

●UN GAEC comptant quatre associés participant effectivement à l’exploitation a pratiqué des DPA non encore rapportées pour un total de 510 000 euros.

Son bénéfice de l’exercice N est de 77 000 euros.

Au titre de cet exercice N, le GAEC peut pratiquer une DPA plafonné au plus faible des montants suivants :

– plafond lié au bénéfice : 77 000 euros ;

– plafond annuel de déduction : 108 000 euros ;

– plafond pluriannuel, correspondant à la différence entre 600 000 euros et 510 000 euros, soit 90 000 euros.

La DPA autorisée au titre de N ne pourra excéder 77 000 euros, c’est-à-dire le bénéfice de l’exercice.

B.   La DPA et la DPI : des outils trop rigides justifiant une réforme ambitieuse

Malgré leur caractère sensé et l’intérêt évident qu’elles présentent, la DPA et la DPI ont manqué les objectifs qu’elles devaient atteindre, appelant à la mise en œuvre d’un nouveau dispositif mieux calibré.

1.   Les données statistiques de l’utilisation de la DPA et de la DPI

Le tableau suivant dresse le bilan statistique de l’utilisation des DPA et DPI sur la période 2012-2017.

données statistiques sur la dpa et la dpi (2012-2017)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

DPA

Bénéficiaires

2 500

5 800

11 400

6 900

5 000

5 700

Coût
(en millions deuros)

6

16

39

19

13

15

Montant moyen par bénéficiaire
(en euros)

2 400

2 759

3 421

2 754

2 600

2 632

DPI

Bénéficiaires

122 000

114 000

62 800

47 900

40 800

41 300

Coût
(en millions deuros)

230

250

150

100

78

87

Montant moyen par bénéficiaire
(en euros)

1 885

2 193

2 389

2 088

1 912

2 107

Coût total
(en millions deuros)

236

266

189

119

91

102

Source : Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances pour 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, tome II : Dépenses fiscales.

Le nombre des bénéficiaires de la DPI n’a pas cessé de décroître sur la période considérée, avec une chute particulièrement brutale entre 2013 et 2014 (sans doute due aux premiers effets de l’exclusion des immobilisations amortissables du champ de la mesure).

Le nombre des bénéficiaires de la DPA, en revanche, a connu une progression plus erratique, ascendante dans un premier temps jusqu’à atteindre un pic relativement haut en 2014 avant de décroître.

S’agissant du coût de chaque dispositif, la progression suit, assez logiquement, celle du nombre de bénéficiaires.

Les deux graphiques suivants illustrent ces progressions pour la période 2012-2017.

Source : commission des finances.

Source : commission des finances.

Enfin, si le coût de la DPI a toujours était très largement supérieur à celui de la DPA dans la mesure où les exploitants ont beaucoup plus eu recours à la première qu’à la seconde, le montant moyen par bénéficiaire est, sur la période étudiée, systématiquement plus élevé dans le cadre de la DPA, comme l’illustre le graphique ci-après.

Source : commission des finances.

2.   La DPA et la DPI ne permettent pas d’accompagner suffisamment efficacement les exploitants

● La DPA, trop rigide dans ses conditions administratives de mise en œuvre et trop limitée dans ses hypothèses d’utilisation, ne permet pas aux exploitants de faire utilement et efficacement face aux risques et aléas inhérents à l’activité agricole.

La complexité du dispositif, qui transparaît des développements précédents consacrés à la présentation de celui-ci, n’a en outre pas joué en sa faveur.

Ainsi, et malgré les nombreux assouplissements qui ont été apportés à la DPA au fil du temps (ouverture des hypothèses d’utilisation, condition de constitution de l’épargne moins rigide, suppression de l’exigence de souscrire à une assurance, etc.), la DPA n’a pas rencontré son public (toutes ces modifications successives n’ont au demeurant pas amélioré la lisibilité du droit).

● La DPI, plus simple et plus souple, a connu un plus grand succès que sa petite sœur, mais son intérêt concret s’est estompé à compter de la réforme faite en 2012, excluant les immobilisations amortissables du champ de l’instrument.

Cette limitation, justifiée par les abus qui avaient été constatés, a néanmoins privé les exploitants agricoles d’un levier utile pour moderniser leur équipement et investir durablement.

● Enfin, les règles de plafonnement actuel limitent la capacité de réaction des grandes exploitations.

Les autres dispositifs fiscaux destinés à atténuer la volatilité des revenus agricoles

La DPA et la DPI ne sont pas les seuls instruments fiscaux permettant aux exploitants de tenir compte de la volatilité des revenus. Peuvent également être mentionnés :

– l’étalement pluriannuel des revenus exceptionnels, prévu à l’article 75‑0 A du CGI, consistant à rattacher un revenu exceptionnel au résultat de l’exercice de sa réalisation et des six exercices suivants, chacune des sept fractions étant égales ;

– la détermination du revenu imposable selon le système de la moyenne triennale, prévu à l’article 75‑0 B du CGI : le revenu imposable est égal à la moyenne des bénéfices de l’exercice en cours et des deux exercices précédents (ce mécanisme est très utile en cas de chute des revenus, dans la mesure où il réduit le revenu imposable, ou en cas de forte variation du bénéfice d’une année sur l’autre, pour lisser l’impôt dû).

Par ailleurs, en application de l’article 75 du CGI, les revenus que l’exploitation tire d’activités accessoires et qui ne relèvent pas de la catégorie des BA peuvent être retenus pour la détermination du BA si la moyenne des recettes accessoires dégagées au titre des trois années précédentes n’est pas supérieure :

– à 50 % de la moyenne des recettes tirées de l’activité agricole au titre de la même période ;

– ni à 100 000 euros.

3.   Une réforme qui concrétise les engagements pris l’année dernière et qui s’inscrit dans un cadre ambitieux

Lors de l’examen en première lecture du PLF pour 2018, plusieurs de nos collègues avaient déposé des amendements tendant à assouplir la DPA, notamment en ouvrant un peu les hypothèses d’utilisation et en augmentant le plafond des déductions.

Les débats que ces amendements ont fait naître ont permis au ministre de l’économie et des finances d’annoncer une réforme d’ampleur de la fiscalité agricole : « Je ne crois pas quil faille rafistoler la DPA. Au contraire, il faut repenser la fiscalité agricole en totalité (…). Je vous propose, dans lannée 2018, en associant tous les syndicats agricoles que jai déjà sollicités, de refonder la fiscalité agricole en totalité, et non petit bout par petit bout. » ([296])

Cette concertation a eu lieu, comme annoncé, au cours du premier semestre 2018 sous l’égide du ministère de l’économie et des finances et du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Les travaux ainsi conduits ont débouché sur le dispositif proposé qui, ainsi qu’il sera vu, satisfait non seulement les espoirs qu’il suscitait, mais va même au-delà.

Ce dispositif s’inscrit par ailleurs dans un cadre plus vaste d’une réforme de la fiscalité agricole d’ampleur, à travers notamment :

– la révocabilité encadrée de l’option pour l’assujettissement à l’IS, permettant notamment aux exploitants agricoles de revenir à l’IR s’ils le souhaitent ;

– le ciblage de l’abattement prévu pour l’installation des jeunes agriculteurs à ceux en ayant le plus besoin, dans un souci de justice et de rationalisation ;

– la meilleure prise en compte des activités accessoires réalisées par certaines exploitations, en évitant une absence de remise en cause d’exonérations d’impôts fonciers locaux.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article tire les conséquences du constat dressé sur la DPA et la DPI en supprimant ces dernières pour les remplacer par un nouvel outil plus performant et qui traduit la volonté du Gouvernement de responsabiliser les exploitants agricoles et de leur faire confiance, conformément à l’engagement pris lors de l’examen du PLF pour 2018.

A.   Une réforme ambitieuse pour une gestion des exploitations agricoles améliorée et responsabilisée

Le  du I du présent article rétabli l’article 73 du CGI, abrogé en 2006, pour y intégrer la nouvelle déduction pour épargne de précaution, la DEP, qui se substitue à la DPA et à la DPI.

De façon très schématique – les détails seront présentés dans les développements qui suivent –, la DEP est une « super-DPA » intégrant des éléments de la DPI : elle est considérablement assouplie dans tous ses aspects et permettra aux exploitants d’utiliser cet outil de façon relativement aisée et, surtout, en fonction de leurs besoins réels, laissés à leur libre appréciation.

À titre liminaire, les exploitants susceptibles de bénéficier de la DEP sont les mêmes que ceux pouvant prétendre aux DPA et DPI. Ils doivent :

– être assujettis à l’IR ;

– relever d’un régime réel d’imposition (réel normal ou réel simplifié) ;

– et, en vertu du IV de l’article 73 rétabli, ne pas percevoir de revenus agricoles tirés de la vente de biomasse, de la production dénergie ou de la mise à disposition de droits au paiement de base sils nexercent aucune des activités agricoles mentionnées aux premier à quatrième alinéas de larticle 63 du CGI : il sagit de la même exclusion que celle figurant actuellement à larticle 72 D quater.

Par ailleurs, et ainsi que le prévoit le V de l’article 73 rétabli, le bénéfice de la nouvelle DEP est subordonné au respect du règlement européen du 18 décembre 2013 relatif aux aides de minimis en matière agricole ([297]), qui prévoit notamment à son article 3 que le montant total des aides ne doit pas excéder, par contribuable et pour trois exercices fiscaux, 15 000 euros.

1.   Des conditions d’épargne professionnelle inspirées de celles de la DPA mais assouplies

Le II de larticle 73 rétabli prévoit que, pour pratiquer une DEP, un exploitant doit inscrire sur un compte courant une somme comprise entre 50 % et 100 % de la déduction pratiquée, constituant l’épargne professionnelle. Cette épargne professionnelle constituée ne peut jamais excéder le montant des déductions non encore rapportées ni leur être inférieure de plus de moitié.

a.   L’inscription d’une épargne professionnelle sur un compte dédié

Cette condition d’inscription sur un compte bancaire d’une épargne professionnelle est similaire à celle prévue dans le cadre de la DPA, similarité qui se retrouve également dans les modalités de l’inscription :

– elle doit intervenir au plus tard au moment du dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice au titre duquel la DEP est pratiquée ;

– elle doit être faite sur un compte courant dont l’objet est exclusivement de retracer les opérations réalisées au titre de la DEP (précision apportée à l’avant-dernier alinéa du 1 du II de l’article 73 rétabli).

b.   L’assimilation partielle à l’épargne monétaire des coûts afférents à certains stocks

Similarité ne signifie cependant pas identité, et les conditions prévues au titre de la DEP sont plus souples que celles de la DPA.

● En effet, pour tenir compte le plus possible de la diversité des situations des exploitations agricoles, lépargne professionnelle exigée na pas nécessairement à être intégralement monétaire.

Les deuxième à quatrième alinéas du 1 du II de l’article 73 rétabli prévoient en effet que certains coûts engagés par l’exploitant au cours de l’exercice au titre duquel la DEP est pratiquée sont assimilés à de l’épargne monétaire.

Ces coûts font écho à l’une des deux hypothèses d’utilisation de la DPI actuelle et à l’un des cas d’utilisation de la DPA, dans la mesure où sont concernés :

– les coûts dacquisition ou de production de stocks de fourrage destiné à être consommé par les animaux de l’exploitation ;

– les coûts dacquisition ou de production de stocks de produits ou danimaux à rotation lente (supérieure à un an).

La condition d’inscription d’une épargne professionnelle est réputée satisfaite à concurrence de ces coûts, sans toutefois que ces derniers ne puissent être pris en compte pour plus de la moitié de cette épargne professionnelle.

Autrement dit, la substitution de l’épargne constituée des coûts des stocks à l’épargne monétaire n’est que partielle, limitée à 50 %.

Cette limitation s’applique non seulement au titre de chaque déduction, mais aussi de façon pluriannuelle et globale, le troisième alinéa du 1 du II de l’article 73 disposant que le montant cumulé des coûts des stocks ne peut dépasser le montant cumulé de l’épargne inscrite sur le compte dédié.

Illustration de l’assimilation à l’épargne monétaire des coûts afférents aux stocks

Un exploitant pratique au titre d’un exercice N une DEP d’un montant de 16 000 euros. Au cours du même exercice, il a acheté une vache pour un montant de 2 500 euros et des stocks de fourrage destiné à être consommé par les animaux de son exploitation pour un montant de 2 000 euros.

En vertu du 1 du II de l’article 73 rétabli, il est en principe tenu d’inscrire sur un compte dédié une somme comprise entre 8 000 et 16 000 euros au titre de l’épargne professionnelle constituée.

Toutefois, il peut décider d’assimiler à cette épargne les coûts qu’il a engagés pour acheter les stocks précédemment mentionnés, à savoir la vache et le fourrage.

La valeur totale de ces stocks est de 4 500 euros. L’assimilation ne peut excéder 50 % de l’épargne professionnelle totale :

– si l’exploitant veut que cette dernière soit de 8 000 euros (le minimum prévu), l’assimilation sera limitée à hauteur de 4 000 euros, et les 4 000 euros restant devront être monétaires ;

– s’il souhaite que l’épargne soit de 10 000 euros, la totalité des stocks pourra être prise en considération, n’imposant à inscrire sur le compte que 5 500 euros.

● Si les stocks dont les coûts d’acquisition ont été pris en compte pour l’appréciation de la condition liée à l’épargne constituée font l’objet d’une vente, une quote-part du produit de cette vente est inscrite sur le compte d’affectation dédié. Cette quote-part correspond à la différence entre, d’une part, la moitié des sommes déduites et non encore rapportée et, d’autre part, l’épargne professionnelle totale minorée des coûts liés aux stocks vendus.

De façon plus simplifiée, cette obligation en cas de vente des stocks peut se résumer ainsi :

– cette vente conduit à faire disparaître de l’épargne professionnelle les coûts d’acquisition qui avaient été pris en compte ;

– si elle a pour effet de faire passer cette épargne professionnelle sous la barre des 50 % des déductions non rapportées, alors l’exploitant devra utiliser le produit de la vente pour rééquilibrer l’épargne professionnelle en abondant le compte à concurrence de l’écart entre le niveau de l’épargne et le seuil de 50 %.

Illustration des effets de la vente du stock dont les coûts d’acquisition
ont été retenus pour le calcul de l’épargne professionnelle

● Un exploitant a pratiqué, au titre d’un exercice N, une DEP pour un montant de 50 000 euros.

Pour la satisfaction de la condition d’épargne professionnelle, il inscrit 26 000 euros sur le compte dédié et assimile à l’épargne monétaire un montant de 8 000 euros correspondant aux coûts de stocks acquis en N.

Au cours de l’exercice N + 2, l’exploitant vend les stocks qu’il avait acquis en N pour un montant de 14 000 euros.

L’épargne professionnelle est réduite à hauteur des coûts de ces stocks, soit 8 000 euros, et s’établit à 26 000 euros.

L’exigence de ce que l’épargne reste au moins égale à 50 % des déductions non rapportées est ici satisfaite (ce seuil est en l’espèce fixé à 25 000 euros), dispensant d’inscrire une quote-part de la vente sur le compte.

● Un exploitant pratique en N une DEP pour un montant de 30 000 euros, l’épargne professionnelle se déclinant :

– en l’inscription d’une somme de 10 000 euros sur le compte dédié ;

– en l’assimilation à l’épargne monétaire d’un montant de 5 000 euros correspondant aux coûts d’acquisition de stocks engagés en N.

En N + 1, ces stocks sont vendus à un prix de 7 000 euros.

L’épargne professionnelle est réduite à 10 000 euros, à moins de 50 % des déductions non rapportées.

L’exploitant doit donc inscrire sur le compte dédié une quote-part de la vente, calculée comme suit :

(50 × 30 000) – (15 000 – 5 000)

= 15 000 – 10 000

= 5 000 euros.

Les 2 000 euros qui restent de la vente peuvent être librement employés.

c.   L’opportunité d’un assouplissement accru à travers une assimilation intégrale des coûts afférents aux stocks à l’épargne monétaire

La limitation à 50 % du total de l’épargne professionnelle des coûts liés aux stocks assimilés à l’épargne monétaire se comprend : elle tend à garantir à l’exploitant un montant minimal de trésorerie pour qu’il puisse, en cas de besoin, y puiser.

Néanmoins, un tel encadrement pourrait pénaliser certains exploitants et alourdir à leur égard le fonctionnement, voire le principe du recours à ce nouvel instrument qu’est la DEP, à rebours de l’intention ayant conduit à proposer celle‑ci.

Par ailleurs, et ainsi qu’il sera vu en détail plus loin, la DEP repose avant tout sur l’idée de responsabilisation de l’exploitant, sur le fait que c’est l’exploitant qui, mieux que quiconque, est en mesure d’apprécier ce dont il a besoin pour le bien de son exploitation, sans que des carcans, trop nombreux dans la DPA actuelle, ne viennent bloquer sa capacité d’action.

Dès lors, il semble légitime dassouplir lassimilation des coûts liés aux stocks à lépargne monétaire, en rendant possible une assimilation supérieure à 50 % de lépargne totale et pouvant aller jusqu’à l’intégralité de cette dernière.

2.   Les conditions d’utilisation de la DEP : un assouplissement extrême témoignant de la responsabilisation des exploitants agricoles

Ainsi qu’il a été vu, la DPI ne pouvait être utilisée que dans deux conditions, tandis que la DPA était impossible à mettre en œuvre en dehors des cinq hypothèses limitativement prévues et très fortement encadrées, qu’il s’agisse de l’exigence de reconnaissance administrative de certains aléas ou d’une définition stricte des aléas économiques.

Tirant les conséquences de ce constat et des difficultés concrètes de mise en œuvre par les exploitants de ces outils, le dispositif proposé permet, de façon inédite et très ambitieuse, une utilisation extrêmement large de la DEP : il s’agit peu ou prou de toutes les hypothèses que lexploitant jugera bonnes.

Cette ouverture totale de la DEP résulte du 2 du II de larticle 73 rétabli, qui prévoit que les sommes déduites peuvent être utilisées « pour faire face à des dépenses nécessitées par lactivité professionnelle ». La DEP doit être utilisée au cours des dix exercices qui suivent celui au titre duquel elle a été pratique, marquant là aussi une nouvelle amélioration par rapport à la DPA (limitée à sept ans) et à la DPI (limitée à cinq ans).

● L’exigence de lien avec l’activité professionnelle fera obstacle à ce que la DEP soit utilisée pour l’achat d’une voiture particulière qui n’est pas utilisée à titre professionnel ou pour l’acquisition de meubles destinés à agrémenter le domicile privé de l’exploitant (pour ne prendre que ces deux exemples évidents).

Néanmoins, en dehors de ces hypothèses extra-professionnelles, toutes les dépenses peuvent permettre l’utilisation de la DEP.

De façon très concrète, par rapport aux DPI et DPA, cela signifie que la DEP pourra être utilisée :

– au titre de n’importe quel événement que l’exploitant jugera constitutif d’un aléa, sans exiger une quelconque reconnaissance officielle de la part de l’administration : ainsi, en cas de chute de grêle ou de précipitations habituelles pour la saison mais qui ont endommagé l’exploitation, la DEP sera mobilisable ;

– si la valeur ajoutée diminue, même selon une proportion faible et inférieure aux hypothèses actuelle de la DPA ;

– pour faire l’acquisition de tout instrument utile à l’exploitation, comme de nouveaux outils ;

– pour réaliser des investissements, tels que l’achat d’une nouvelle machine agricole, la réalisation de travaux de réfection de bâtiments ou la construction ou l’acquisition d’étables, de silos, de hangars, de greniers, de cuves, etc.

La liste n’est naturellement pas exhaustive, les hypothèses d’utilisation de la nouvelle DEP étant extrêmement variées.

● Toutefois, afin déviter des abus et le cumul davantages fiscaux, et en vertu de la même philosophie qui avait conduit à exclure du champ de la DPI les investissements portant sur des immobilisations amortissables, le dispositif proposé prévoit au 4 du II de larticle 73 rétabli une mesure anti-abus.

L’exonération des plus-values prévues à l’article 151 septies du CGI ne sera en effet pas applicable à la cession de matériels roulants que l’exploitant aura acquis au cours d’un exercice au titre duquel la DEP a été rapportée, si cette cession intervient dans les deux ans suivant l’acquisition.

Sans un tel garde-fou, le risque est qu’un exploitant pratique une DEP pour acquérir par la suite du matériel roulant (tel qu’un tracteur), qu’il vendra ensuite dans les deux ans et bénéficiera sur la plus-value tirée de la vente d’une exonération fiscale.

Le fait de limiter la mesure anti-abus à deux années cantonne son champ aux plus-values de court terme définies à l’article 39 duodecies du CGI. Il est en effet raisonnable de considérer que la cession d’un bien acquis depuis plus de deux ans n’est pas motivée par des raisons fiscales.

● Il peut exister des situations dans lesquelles l’utilisation de la DEP pour l’acquisition de matériel roulant et la vente subséquente dans les deux ans dudit matériel relèvent d’une gestion normale de l’exploitation.

Dans de telles hypothèses, l’exclusion de l’exonération des plus‑values ne se justifierait donc pas.

Néanmoins, introduire une clause de sauvegarde spécifique ne paraît pas nécessaire :

– l’application modérée de la loi fiscale et l’interprétation plus douce qu’en fait la doctrine (au bénéfice des contribuables) suffiront à apprécier de façon pragmatique la mesure d’exclusion de l’exonération et, éventuellement, à l’écarter dans des hypothèses légitimes ;

– une telle clause n’irait pas dans le sens d’une meilleure lisibilité du dispositif qui, bien que plus simple et clair que les actuelles DPA et DPI, revêt néanmoins une certaine complexité.

3.   Des plafonds désormais progressifs et relevés

Si l’élargissement conséquent de la DEP par rapport aux DPA et DPI est l’un des traits saillants du dispositif proposé, le niveau des plafonds en constitue indéniablement un autre.

Rappelons que, dans le cadre de la DPA et de la DPI, le plafond commun aux deux outils est de 27 000 euros par période de douze mois.

● Au titre de la nouvelle DEP, et conformément au I de l’article 73 rétabli, le plafond est progressif en fonction de limportance du bénéfice. Il s’agit d’une mesure opportune, le plafonnement actuellement en vigueur pouvant pénaliser les exploitations réalisant des bénéfices élevés. Désormais, ce plafond ira de 27 000 euros à 41 400 euros, sans naturellement que le montant de la déduction puisse excéder celui du bénéfice.

La distinction entre plafond annuel et plafond pluriannuel qui existe actuellement est maintenu.

Les nouveaux plafonds figurant au 1 du I de l’article 73 rétabli sont présentés dans le tableau ci-après, pour chaque tranche de bénéfice.

barème du plafond annuel individuel
de la déduction pour épargne de précaution

(en euros)

Bénéfice (B)

Plafond

Plafond maximal

Différence avec le plafond actuel de 27 000 euros

B < 27 000

100 % B

27 000

0

27 000  B < 50 000

27 000 + 30 % (B – 27 000)

33 900

+ 6 900

50 000  B < 75 000

33 900 + 20 % (B – 50 000)

38 900

+ 11 900

75 000  B < 100 000

38 900 + 10 % (B – 75 000)

41 400

+ 14 400

100 000  B

41 400

41 400

+ 14 400

Source : commission des finances, d’après le projet de loi.

Il ressort de ce barème que le nouveau plafond sera :

– égal au plafond actuel si le bénéfice est inférieur ou égal à 27 000 euros ;

– systématiquement supérieur au plafond actuel au-delà.

Pour les exploitations réalisant un bénéfice élevé, le plafond proposé pourra correspondre à plus de 150 % du plafond actuel.

Illustration du calcul du nouveau plafond

Un exploitant réalise au titre d’un exercice N un bénéfice de 40 000 euros.

Il décide de pratiquer au titre de cet exercice une DEP.

Le plafond applicable sera de :

27 000 + 30 % × (40000-27000),

soit 27 000 + 30 % × 13 000,

soit 27 000 + 3 900 = 30 900 euros.

● La multiplication du plafond par le nombre dassociés dun GAEC ou dune EARL, dans la limite de quatre, est également prévue. Le tableau suivant fait état du plafond maximal pour de telles structures, en fonction de la tranche de bénéfice.

barème du plafond annuel de la déduction pour épargne de précaution
applicable aux gaec et aux earl

(en euros)

Bénéfice (B)

Plafond maximal individuel

Plafond maximal pour les GAEC et les EARL

Différence avec le plafond actuel de 108 000 euros

B < 27 000

27 000

108 000

0

27 000  B < 50 000

33 900

135 600

+ 27 600

50 000  B < 75 000

38 900

155 600

+ 47 600

75 000  B < 100 000

41 400

165 600

+ 57 600

100 000  B

41 400

165 600

+ 57 600

Source : commission des finances, d’après le projet de loi.

● Le 2 du I de larticle 73 rétabli reprend le plafond pluriannuel tenant compte des déductions non encore rapportées actuellement en vigueur :

– pour les exploitants individuels, une déduction ne peut être supérieure à la différence positive entre 150 000 euros et le montant des DEP non encore rapportées ;

– pour les GAEC et les EARL, la même règle s’applique, la somme de 150 000 euros étant multipliée par le nombre d’associés dans la limite de quatre.

 Enfin, le 3 du même I précise, de façon similaire à ce que fait lactuel article 72 D ter, que le plafond de DEP est apprécié, sagissant du bénéfice, après application des articles :

– 44 duodecies, relatif aux avantages fiscaux dans les bassins d’emplois à redynamiser ;

– 44 terdecies, relatif aux avantages fiscaux dans les zones de restructuration de la défense ;

– 44 quaterdecies, relatif aux avantages fiscaux dans les zones franches d’activité en outre-mer ;

– et 73 B, relatif à l’abattement dont bénéficient les jeunes agriculteurs.

4.   La réintégration de la DEP

● Lorsque la DEP est utilisée au cours de l’un des dix exercices suivant celui au titre duquel elle a été pratiquée, elle est réintégrée, de la même manière que l’actuelle DPA, c’est-à-dire au résultat de l’exercice d’utilisation ou du suivant (en vertu du 2 du II de larticle 73 rétabli).

● Si elle nest pas utilisée, la réintégration porte sur le résultat du dixième exercice suivant celui au titre duquel la DEP a été pratiquée, sans toutefois être assortie dune majoration reposant sur le taux d’intérêt légal : cette majoration, actuellement prévue dans le cadre de la DPA et de la DPI, n’est pas mentionnée au 3 du II de larticle 73 rétabli.

Là encore, il s’agit d’une souplesse qui évite de pénaliser des exploitants qui, alors qu’ils pensaient pouvoir avoir besoin de la DEP, n’en ont finalement pas fait usage.

● Le dernier alinéa du même 3 traite des situations dans lesquelles l’épargne professionnelle est inférieure à 50 % des déductions non encore rapportées.

Dans un tel cas de figure, et à l’image de ce qui est prévu au titre de la DPA actuelle, la fraction des DEP non encore rapportées excédant le double de l’épargne professionnelle est immédiatement rapportée au résultat de l’exercice et est assortie d’une majoration assise sur le taux de l’intérêt de retard (soit 0,20 % par mois et 2,4 % par an).

● Différence importante – et logique – avec la DPA et la DPI, il ny a pas, dans le cadre de la DEP, de sanction en cas de mauvaise utilisation de la DEP pratiquée.

Cette différence est due à lextrême variété des hypothèses dutilisation, qui ne font plus l’objet de l’encadrement rigide qui prévaut actuellement pour la DPA et la DPI.

D’aucuns pourraient considérer que si les hypothèses d’utilisation de la DEP sont particulièrement larges et riches, elles ne sont pas pour autant infinies, s’arrêtant aux usages extra-professionnels.

Toutefois, prévoir expressément une réintégration immédiate assortie d’une majoration en cas d’utilisation d’une DEP à des fins purement personnelles et dénuées de tout lien avec l’activité professionnelle paraît excessif et inutilement lourd : dans une telle situation, les contrôles de droit commun que l’administration réalise suffiront à établir si la DEP a été correctement utilisée.

● Enfin, le III de larticle 73 rétabli reprend l’économie générale des dispositions prévues au titre de la DPA en cas d’apport d’une exploitation individuelle à une société civile agricole ou de transmission à titre gratuit d’une telle exploitation.

Ces opérations, pour l’application des règles relatives à la réintégration d’une DEP non encore rapportée, ne sont pas assimilées à des cessations d’activité si leurs bénéficiaires s’engagent à utiliser cette DEP au cours de l’un des dix exercices qui suivent celui au titre duquel elle a été pratiquée.

5.   La suppression de la DPA et de la DPI et les coordinations de conséquence

La création de la DEP rend la coexistence de ce nouveau dispositif avec la DPA et la DPI inutile, voire impossible : la DEP va au-delà de ces deux instruments, et conduit inévitablement à leur disparition.

● En conséquence, le  du I du présent article procède à l’abrogation dans le CGI :

– de l’article 72 D, relatif à la DPI ;

– de l’article 72 D bis, relatif à la DPA ;

– de l’article 72 D ter, relatif au plafond commun à la DPA et à la DPI ;

– de l’article 72 D quater, excluant certains exploitants du champ de la DPA et de la DPI.

Le même 4° abroge le 4° de l’article 71 du CGI qui renvoyait à l’article 72 D ter.

● Par ailleurs, les références aux dispositions relatives à la DPA et à la DPI sont actualisées pour renvoyer à la nouvelle DEP :

– le  du I du présent article modifie à cet effet le II de l’article 73 E du CGI ;

– le  du même I modifie l’article 75 du CGI ;

– le II du présent article modifie l’article L. 731‑15 du code rural et de la pêche maritime.

6.   L’entrée en vigueur de la nouvelle DEP

● Le  du III du présent article prévoit l’entrée en vigueur de la nouvelle DEP pour les exercices clos du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022.

Cette application provisoire ne doit pas surprendre ni laisser penser que la DEP n’a qu’une vocation temporaire : il s’agit simplement de la traduction par le Gouvernement de l’exigence posée à l’article 20 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([298]).

En effet, aux termes du II de cet article 20, toute création (ou extension) de dépense fiscale intervenant à compter de 2018 n’est applicable que pour une période de quatre ans.

Ce dispositif permet d’évaluer l’efficacité de la dépense fiscale considérée avant d’en décider l’éventuelle reconduction.

● Le  du III du présent article assure une transition souple entre les DPA et DPI et la DEP.

Il prévoit que les DPA et DPI qui n’auraient pas encore été rapportées à la clôture du dernier exercice clos avant le 1er janvier 2019 continuent à obéir aux dispositions qui les régissent actuellement.

À titre d’exemple, un exploitant qui a pratiqué une DPA au titre d’un exercice ouvert en 2016 pourra, s’il ne l’a pas déjà rapportée, l’utiliser dans les hypothèses prévues à l’article 72 D bis jusqu’en 2023 et aura la possibilité de rapporter cette DPA jusqu’en 2024 (si elle est utilisée au titre de l’exercice 2023).

Cette précision évite que les DPA et DPI non encore rapportées se trouvent immédiatement réintégrées dès 2019, pouvant considérablement alourdir de façon imprévue et potentiellement dommageable la charge fiscale des exploitants agricoles.

B.   L’impact budgétaire et économique

Le coût du dispositif proposé est estimé à 26 millions deuros par an (hors effets liés à la mise en œuvre du prélèvement à la source), la nouvelle DEP portant sur un coût annuel propre estimé à 128 millions d’euros.

Ces montants doivent être mis en relation avec l’impact positif qu’aura la DEP sur les exploitations agricoles.

1.   Un coût de 26 millions d’euros par an en rythme de croisière et un impact irrégulier du fait de la mise en œuvre du prélèvement à la source

La création de la nouvelle DEP devrait, d’après les estimations faites par le Gouvernement, conduire à un coût annuel de 26 millions d’euros par an en rythme de croisière. Le tableau suivant illustre la chronique budgétaire de la création de la DEP sur la période d’application du dispositif (2019-2022).

Impact budgétaire de la création
de la déduction pour épargne de précaution

(2019-2022)

(en millions d’euros)

2019

2020

2021

2022

Non chiffré

– 34,67

– 43,33

– 26

Source : commission des finances, à partir de l’évaluation préalable.

L’apparence irrégulière de cette chronique ne doit pas remettre en cause l’estimation d’un coût de 26 millions d’euros par an : ces irrégularités sont dues à la mise en place, au 1er janvier 2019, du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (PAS).

Dans le cadre du PAS, les exploitants agricoles, imposés dans la catégorie des BA, relèveront du dispositif de l’acompte contemporain, consistant en douze versements mensuels (ou quatre versements trimestriels, sur option de l’exploitant) assis sur les derniers revenus imposables connus, à savoir :

– les revenus de l’année N – 2 entre janvier et août N ;

– les revenus de l’année N – 1 entre septembre et décembre N.

En conséquence, les acomptes dus au titre de 2019 et 2020 seront assis :

– pour 2019, sur les revenus perçus en 2017 et 2018 ;

– pour 2020, sur les revenus perçus en 2018 et 2019.

● Pour l’année 2019, la DEP ne sera donc pas intégrée aux acomptes. En revanche, le PAS permettant aux contribuables de moduler leurs acomptes pour tenir compte de la réalité des revenus perçus pendant l’année et d’ajuster en conséquence le montant d’IR dû, un impact dès l’année 2019 est possible – d’où le placement du présent article en première partie du PLF.

Il n’est toutefois pas possible pour l’administration de simuler l’impact que ces modulations auront.

Ces considérations expliquent l’absence de chiffrage au titre de l’année 2019.

● Pour l’année 2020, les huit premiers acomptes (janvier-août) seront assis sur les revenus 2018, n’intégrant donc pas la DEP (hors modulation, mais les réserves qui viennent d’être mentionnées s’appliquent également ici).

Les quatre derniers acomptes dus, entre septembre et décembre 2020, intégreront en revanche la DEP, conduisant à grever les recettes d’IR en 2020 d’un tiers (4 /12) du coût annuel induit par la DEP, soit 26 / 3 = 8,67 millions d’euros.

Par ailleurs, toujours en 2020, s’imputera le solde de l’IR 2019, qui tiendra inévitablement compte de la nouvelle DEP pour la totalité de son montant, soit 26 millions d’euros.

En conséquence, l’impact de la mesure en 2020 sera de 8,67 + 26 = 34,67 millions d’euros (que l’évaluation préalable du présent article arrondit à 35 millions d’euros).

● Pour l’année 2021, les acomptes seront assis sur les revenus 2019 et 2020 :

– les huit premiers acomptes seront assis sur les revenus 2019 : l’impact de la DEP à cet égard sera de 26 × (8 / 12) = 17,33 millions d’euros ;

– les quatre derniers acomptes seront assis sur les revenus 2020 : l’impact de la DEP à cet égard sera de 26 × (4 / 12) = 8,67 millions d’euros.

À ces montants devra s’ajouter le solde de l’IR 2020, qui intégrera le « solde » du coût de la DEP 2020, soit 26 millions d’euros minorés des montants correspondant aux quatre derniers acomptes payés en 2021, c’est-à-dire une somme de 26 – 8,67 = 17,33 millions d’euros.

Le montant cumulé de l’impact de la DEP en 2020 est donc de 17,33 + 8,67 + 17,33 = 43,33 millions d’euros (que l’évaluation préalable arrondit à 43 millions d’euros).

● Enfin, au titre de l’année 2022, l’effet irrégulier de l’impact budgétaire dû au prélèvement à la source disparaîtra :

– les acomptes étant assis sur les revenus 2020 et 2021, ils intégreront tous la DEP ;

– le solde de l’IR 2021 ne sera pas majoré de montants de DEP non pris en compte au titre des acomptes versés en 2021.

Le coût en 2022 sera donc le coût estimé par le Gouvernement en rythme de croisière, c’est-à-dire 26 millions d’euros.

Il s’agira également du coût annuel à compter des années suivantes si la DEP est prorogée au delà de 2022 (sur la base des estimations du Gouvernement).

Le tableau suivant dresse la synthèse des développements précédents en illustrant, en fonction des acomptes et du solde d’IR, l’impact budgétaire de la création de la DEP sur la période 2019-2022.

Détail de l’impact budgétaire de la création de la DEP
au regard des modalités d’application du prélèvement à la source

(2019-2022)

(en millions d’euros)

Année

2019

2020

2021

2022

Impact acomptes
N – 2 (8/12)

Non chiffré

0,00

– 17,33

– 17,33

Impact acomptes
N – 1 (4/12)

Non chiffré

– 8,67

– 8,67

– 8,67

Solde N – 1

Non chiffré

– 26,00

– 17,33

– 0,00

Total

Non chiffré

– 34,67

– 45,33

– 26,00

NB 1 : les termes « acomptes N – 2 » et « acomptes N – 1 » visent les acomptes assis sur les revenus perçus, respectivement, en N – 2 et en N – 1. La fraction associée correspond au nombre d’acomptes correspondants rapporté au nombre total d’acomptes.

NB 2 : Il n’est pas tenu compte des possibilités de modulation.

Source : commission des finances, d’après l’évaluation préalable.

● Le coût de 26 millions d’euros par an pourrait au demeurant être dépassé, compte tenu des modalités d’évaluation (il ne s’agit ici nullement de critiquer ces modalités, qui étaient les seules possibles compte tenu de l’information disponible).

L’évaluation préalable indique que ce montant est une estimation majorante dans la mesure où elle repose sur une application du plafond maximal de la DEP s’agissant des contribuables qui, en 2016, saturaient le plafond de la DPA et de la DPI.

Néanmoins, l’estimation – et c’est tout à fait normal – ne tient pas compte de l’incidence qu’auront sur le recours à la DEP les très grands assouplissements apportés aux hypothèses d’utilisation de cet instrument par rapport à la DPA et à la DPI.

Dans la mesure où la DEP n’est plus cantonnée à des hypothèses limitativement énumérées et strictement encadrées, il est possible, voire probable, qu’un nombre accru d’exploitants ait recours à ce nouvel outil (hypothèse d’ailleurs expressément indiquée dans l’évaluation préalable), cette circonstance étant de nature à augmenter l’impact budgétaire de la DEP.

2.   Une mesure efficace de soutien aux exploitants agricoles d’un coût propre estimé à 128 millions d’euros par an

Le coût annuel de 26 millions d’euros ne correspond pas au coût propre de la dépense fiscale constituée par la DEP : il s’agit de l’impact sur les finances publiques du dispositif proposé, qui cumule création de la DEP et suppression de la DPA et de la DPI.

Dès lors, si ce dispositif conduit à un coût net, c’est que le coût propre de la DEP excède la somme des coûts des DPA et DPI.

Dans la mesure où, d’après les documents budgétaires annexés au présent PLF, la DPA et la DPI ont eu un coût au titre de l’année 2017 de, respectivement, 15 millions d’euros et 87 millions d’euros, le fait que la création de la DEP conduise à un coût de 26 millions d’euros permet d’estimer le coût propre de ce nouvel outil à 15 + 87 + 26 = 128 millions d’euros, ainsi que l’illustre le tableau suivant.

coût de la nouvelle dep

(en millions d’euros)

Mesure

Coût estimé

DPA

15

DPI

87

Création de la DEP et disparition de la DPA et de la DPI

26

Total (coût propre de la DEP)

128

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires annexés au présent PLF.

3.   L’impact économique : un instrument calibré pour appuyer au mieux les exploitants agricoles

En ce qu’elle est beaucoup moins complexe et cantonnée que la DPA et la DPI, la DEP devrait attirer à elles un plus grand nombre d’exploitants agricoles que les deux précédents outils.

Cela se traduira par une meilleure gestion des exploitations agricoles, qui disposeront d’un instrument fiscal adapté à leurs besoins et permettant aux exploitants de faire face aux dépenses rendues nécessaires par leur activité.

La résilience des exploitations face aux risques et aux aléas de toute nature sera renforcée, réduisant ainsi les conséquences dommageables de ces risques et aléas et améliorant du même coup la pérennité et la viabilité des exploitations ainsi que la situation des exploitants.

Par ailleurs, la possibilité d’utiliser la DEP pour procéder à des investissements et renouveler l’équipement de l’exploitation, notamment aux fins de la moderniser, permettra aux exploitants d’améliorer leur exploitation et d’être plus compétitifs.

Le dispositif proposé aura donc un impact positif important pour le monde agricole, traduisant les engagements du Gouvernement et de la majorité en faveur de ce secteur.

*

*     *

La commission examine lamendement I-CF1065 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet article relatif à la déduction pour épargne de précaution va dans le bon sens, mais je propose d’ajouter une nouvelle tranche au barème des déductions afin d’adapter le dispositif en fonction de la taille des entreprises.

M. le Rapporteur général. Cet amendement risque de produire des effets de seuil très élevés et je ne suis pas certain qu’il soit opportun de faire exploser les plafonds. Le Gouvernement propose déjà un plafond correspondant à 150 % du maximum actuel ; je crois qu’il faut s’y tenir. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

La commission examine les amendements identiques I-CF123 de M. Marc Le Fur, ICF150 de Mme Lise Magnier, I-CF160 de Mme Véronique Louwagie, ICF213 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF234 de M. Vincent Descoeur, ICF319 de M. Pierre Cordier, I-CF444 de M. Thibault Bazin, I-CF503 de Mme Émilie Bonnivard et I-CF1042 de Mme Valérie Lacroute.

M. Marc Le Fur. L’article 18, très intéressant, est attendu et bien rédigé pour l’essentiel. Mes amendements se situent donc à la marge mais devraient pouvoir être adoptés car ils s’inscrivent dans la logique que l’article.

L’article instaure la transparence pour les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) : autrement dit, le nombre de plafonds est multiplié par le nombre d’associés participant au groupement. Curieusement, ce nombre est plafonné à quatre. De ce fait, on oublie les GAEC qui sont plus conséquents. Il existe en effet des exploitations qui rassemblent trois familles, soit six associés. Objectivement, déplafonner le nombre d’associés ne coûterait pas cher : moins de 2 % des GAEC en activité comptent cinq associés ou plus. Je vous propose donc de respecter la transparence dans toute sa logique en supprimant le plafond de quatre associés. Le nombre de personnes concernées serait peu élevé, mais la mesure serait très importante pour eux.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement a déjà été déposé l’an dernier ; je constate que l’idée fait son chemin.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF213 est identique. Avec les regroupements, l’agriculture connaît une profonde évolution qui tient pour l’essentiel à la mécanisation agricole. Pour être compétitifs, les exploitants se rassemblent dans le cadre de GAEC et dépassent parfois le seuil de quatre associés ; l’argument de M. Le Fur est donc très juste.

M. le Rapporteur général. La suppression de la limite fixée peut conduire à une multiplication par dix des plafonds. Le plafond annuel serait de 414 000 euros, le plafond pluriannuel de 1,5 million d’euros. C’est colossal et pas forcément opportun.

Quant à la limite de quatre associés pour un GAEC, puis-je respectueusement vous faire observer, cher collègue Le Fur, que la mission d’information que vous aviez conduite avec François André avait expressément conclu à la nécessité de ne pas aller au-delà ?

Je suis donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. Marc Le Fur. Je l’ai dit, l’article 18 est un très bon article. Il s’agit simplement de le « ciseler » un peu. Ces amendements identiques n’augmentent pas les avantages par personne. Simplement, il peut arriver que trois couples, trois familles travaillent ensemble sur une même exploitation. Ce n’est pas fréquent mais cela existe ; le coût de ce que je propose est réduit.

M. Jean-Paul Mattei. Je soutiens ces amendements, qui correspondent à une réalité : le regroupement des exploitations agricoles. L’outil GAEC, très spécifique, est très utile, et je regrette l’existence de cette limite que les amendements identiques visent précisément à supprimer.

Mme Émilie Bonnivard. En Savoie, 336 GAEC regroupent 791 associés. Seuls dix‑sept GAEC ont quatre associés et trois en comptent cinq. Les conséquences de ces amendements seraient donc minimes.

M. Hervé Pellois. Comment se dire favorable à l’agriculture de groupe tout en approuvant cette limitation à quatre associés ? J’avais moi-même envie de déposer un amendement identique à ceux qui viennent d’être défendus. Ce ne sont que 6 % des GAEC qui comptent plus de quatre associés, les plafonds ne seront donc qu’exceptionnellement atteints. Et pourquoi les associés des GAEC ne bénéficieraient-ils pas des mêmes conditions que les exploitants individuels ? Il n’y a pas de raison, d’autant que nous voulons précisément encourager les regroupements.

M. le président Éric Woerth. Déplafonner le plafonnement serait effectivement judicieux.

M. Éric Coquerel. Pour notre groupe, l’article 18 est un bon article, et ces amendements identiques vont dans le bon sens. Nous les voterons donc.

La commission adopte les amendements identiques I-CF123, ICF150, ICF160, ICF213, I-CF234, ICF319, I-CF444, I-CF503 et I-CF1042 (amendement I2502).

Elle se saisit ensuite de lamendement I-CF898 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à inciter les propriétaires fonciers à conserver leurs biens immobiliers, principalement lorsqu’ils sont durablement affectés à des exploitations agricoles et viticoles. Il a donc pour objet d’accorder une exonération totale d’IFI aux propriétaires qui affectent durablement leurs terres à des exploitations agricoles, par un bail à long terme d’au moins dix-huit ans.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF124 de M. Marc Le Fur, I-CF133 de M. Jean-Yves Bony, I-CF158 de Mme Véronique Louwagie, ICF169 de Mme Lise Magnier, I-CF212 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF233 de M. Vincent Descoeur, I-CF317 de M. Pierre Cordier, I-CF443 de M. Thibault Bazin, I-CF495 de Mme Émilie Bonnivard et I-CF1041 de Mme Valérie Lacroute, ainsi que lamendement ICF194 de Mme Émilie Bonnivard et lamendement I-CF170 de Mme Lise Magnier.

M. Marc Le Fur. Je le répète, c’est un excellent article que cet article 18 du texte gouvernemental, qu’il ne s’agit que d’améliorer à la marge. Le maximum pluriannuel est fixé à 150 000 euros.

Nous proposons que le plafonnement global de la déduction pour épargne de précaution soit fixé à 150 000 euros ou à une année de chiffre d’affaires. Certaines exploitations ont un chiffre d’affaires élevé, mais des revenus modestes, voire très faibles – c’est la singularité de l’agriculture.

M. le président Éric Woerth. Cela semble judicieux.

M. Jean-Louis Masson. L’excellent amendement I-CF133 de M. Jean‑Yves Bony vise également à porter le plafonnement global de la déduction pour épargne de précaution à une année de chiffre d’affaires.

Mme Valérie Lacroute. J’ajouterai simplement une considération sur les effets des aléas climatiques. Voyez les inondations de 2016, la morose année 2017 et la sécheresse de l’année 2018 : il est important de permettre aux agriculteurs de disposer de cette épargne de précaution et de relever le plafonnement global de la déduction.

M. le Rapporteur général. Je crains que cette série d’amendements ne procède d’une confusion quant à la portée des plafonds des alinéas 11 et 12.

La nouvelle déduction pour épargne de précaution (DEP) est plafonnée à un montant fixe annuel. Par ailleurs, un plafond global pluriannuel est prévu pour encadrer le montant total de l’ensemble des déductions. C’est ce plafond que les amendements identiques ont pour objet de modifier. Ce plafond correspond à la différence entre 150 000 euros et le total des déductions non encore rapportées au résultat. Par exemple, si vous avez fait cinq déductions de 25 000 euros chacune, soit 125 000 euros au total, et qu’elles n’ont pas été rapportées, une éventuelle sixième déduction sera limitée à la différence entre 150 000 et 125 000 euros soit 25 000 euros, alors même que le plafond annuel peut être supérieur.

Les amendements visent à ajouter un plafond alternatif égal au chiffre d’affaires annuel moyen sur trois ans : c’est colossal ! Je rappelle à titre de comparaison que, dans le régime du micro-bénéfice agricole, on estime que le bénéfice correspond à 13 % du chiffre d’affaires. L’exploitant pourra donc déduire des sommes qui peuvent dépasser son bénéfice de dix fois, voire plus.

L’application de votre plafond pourra conduire à faire des déductions aboutissant à des déficits. Cela ne saurait être accepté, à moins de vouloir transformer l’outil en mécanisme officiel d’optimisation. Je ne suis en tout état de cause pas certain que vos amendements soient opérationnels puisque le plafond annuel ne peut jamais dépasser le bénéfice.

Je suis donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. Marc Le Fur. Certaines années, les exploitations agricoles sont déficitaires. C’est précisément pour cela que ce mécanisme est imaginé. On peut faire de mauvaises récoltes, on peut faire de mauvaises ventes d’animaux. L’article vise à répondre à ces situations, et nous ne faisons que l’adapter à la marge.

M. le président Éric Woerth. Il y a d’ailleurs eu une succession de mauvaises années.

La commission rejette les amendements identiques I-CF124, I-CF133, I-CF158, ICF169, I-CF212, I-CF233, I-CF317, I-CF443, I-CF495 et I-CF1041.

Puis elle rejette successivement les amendements I-CF194 et I-CF170.

Elle se saisit ensuite de lamendement I-CF617 de M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. L’expression « compte bancaire » semble préférable aux mots « compte courant » qui n’ont pas de définition légale. Procéder à la substitution de la première expression à la seconde permettra en outre de mieux distinguer l’épargne constituée sur un compte bancaire de l’épargne constituée des sommes inscrites au crédit du compte courant des associés coopérateurs.

Cette interprétation est cohérente avec d’autres articles du CGI, où figurent les mots « compte bancaire » et non les mots « compte courant ».

M. le Rapporteur général. Sur le principe, pourquoi pas, cher collègue, mais quitte à changer l’appellation, autant retenir celle plus claire de « compte d’affectation » qui figure déjà à l’article 72 D bis du CGI relatif à la déduction pour aléas.

En outre, votre amendement procède, sans doute de façon involontaire, à une substitution qui n’est pas souhaitable, portant sur la mention « compte courant d’associé » de l’alinéa 19 – un compte courant d’associé, c’est quelque chose de spécifique et concret.

Je ne suis pas défavorable à l’idée de changer les termes, mais je vous invite plutôt à déposer en vue de la séance un amendement qui retiendrait la formule « compte d’affectation ».

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF1168 de Mme Amélie de Montchalin et I-CF815 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Tout le monde en convient : l’article 18, issu des travaux du groupe de travail sur la fiscalité agricole, marque une avancée. Nous avons beaucoup travaillé pour permettre une « épargne-stocks ». Simplement, le système nous paraît encore trop compliqué. Il s’agit donc de le simplifier et de vraiment permettre à l’agriculteur de choisir entre épargner en numéraire et épargner en stock, sans être obligé, pour épargner en stock, d’épargner aussi en numéraire. C’est permettre un choix responsable de nos agriculteurs et viticulteurs pour faire face aux aléas et conserver leurs clients.

Suivant lavis favorable du Rapporteur général, la commission adopte les amendements I-CF1168 et I-CF815 (amendement I-2503).

Puis elle adopte larticle 18 modifié.

*

*     *

Après l’article 18

La commission se saisit de lamendement I-CF616 de M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. Les mesures en faveur de la transmission et de l’installation des jeunes agriculteurs se concentrent uniquement sur le dispositif dit « pacte Dutreil » et le crédit vendeur. Nous proposons d’inciter les propriétaires à louer leurs terres à de jeunes agriculteurs en favorisant l’installation au moyen d’un contrat long et renouvelable et d’assurer, ainsi, au jeune agriculteur la pérennité de l’usage du foncier. Alors que la superficie moyenne louée par propriétaire est de 7 hectares et que le fermage moyen est de 160 euros, l’incidence de cette disposition sur le budget de l’État est relativement limitée.

Cette mesure en faveur de la création et de la reprise d’exploitations agricoles favoriserait le renouvellement des générations indispensable à l’équilibre économique, social et environnemental de nos territoires.

M. le Rapporteur général. Outre le fait qu’existent déjà des mesures en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs, ce dispositif présente deux problèmes. Tout d’abord, il s’appliquerait aux baux en cours. Cela entraînerait un effet d’aubaine qui ne me semble pas souhaitable : tous les bailleurs qui louent déjà à un jeune agriculteur en bénéficieraient. Ensuite, cette exonération peut avoir un effet pervers. Moi-même, je suis élu d’un territoire où ce ne sont pas forcément des jeunes agriculteurs, au sens fiscal, qui s’installent ; ce sont aussi des personnes qui se reconvertissent, après avoir suivi des formations. Le risque d’un effet d’éviction à leur égard ne me semble pas souhaitable.

Lamendement est retiré.

La commission en vient à lamendement I-CF678 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Bien souvent, les propriétaires hésitent à louer à des jeunes agriculteurs. C’est tellement plus facile de louer à un agriculteur en place pour un agrandissement ! L’installation des jeunes agriculteurs (JA) est aujourd’hui un véritable défi. Il faut – un peu – encourager les bailleurs. Par ailleurs, monsieur le Rapporteur général, j’ai bien entendu votre argument, mais la catégorie des JA est tout de même large : on est JA jusqu’à l’âge de 40 ans ! Cela donne une certaine marge – il peut y avoir des vocations tardives, comme on disait autrefois. Quoi qu’il en soit, saisissons la seule occasion que nous offre ce PLF de donner un petit coup de pouce aux JA.

M. le Rapporteur général. En première partie, cet amendement s’appliquerait aux baux en cours. Cet effet d’aubaine pose problème. Par ailleurs, la déduction proposée est inscrite dans la liste des charges déductibles du revenu foncier. Or un abattement fiscal n’est pas une charge de propriété déductible.

Je vous invite donc au retrait de cet amendement.

M. Marc Le Fur. Je comprends tout à fait votre seconde objection, monsieur le Rapporteur général, et nous essaierons de récrire cet amendement. En revanche, quant à la première, j’ai du mal à vous suivre : nous n’allons pas appliquer aux nouveaux baux une règle fiscale qui ne s’appliquerait pas aux anciens, ce serait une injustice.

Lamendement est retiré.

La commission examine en discussion commune les amendements identiques ICF268 de Mme Lise Magnier, I-CF282 de M. Marc Le Fur, I-CF311 de M. Vincent Descoeur, I-CF429 de M. Nicolas Forissier, I-CF927 de Mme Marie-Christine Dalloz, ICF1167 de Mme Amélie de Montchalin et ICF1358 de M. Mohamed Laqhila, ainsi que les amendements identiques ICF630 de Mme Véronique Louwagie et I-CF738 de M. Vincent Descoeur.

M. Philippe Vigier. L’amendement I-CF268 vise à assurer un meilleur traitement fiscal aux petites entreprises de proximité soumises, comme vous le savez, à l’impôt sur le revenu. À bénéfice égal, le chef d’entreprise individuelle doit s’acquitter des charges sociales, payer l’impôt sur le revenu sur l’intégralité du bénéfice et les gérants majoritaires qui, juridiquement, sont des travailleurs indépendants sont les seuls à pouvoir déterminer l’assiette de leurs cotisations. L’inégalité de traitement qui en résulte doit, me semble-t-il, être prise en compte pour qu’ils soient mieux protégés.

Par cet amendement, nous proposons un mécanisme de suspension de taxation d’une partie des bénéfices dans l’entreprise individuelle via un compte d’attente.

M. Vincent Descoeur. Le mécanisme de suspension de la taxation d’une partie des bénéfices est important parce qu’il permet de réduire des inégalités de traitement résultant du statut choisi par l’entrepreneur.

Mme Amélie de Montchalin. J’ajoute simplement qu’il faudra envisager un point avec beaucoup de précautions : faut-il un plafond en valeur ou en pourcentage ?

Mme Sarah El Haïry. Nous avons pensé fixer le plafond à 40 % des résultats fiscaux de l’exercice.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF630 s’inscrit dans le même esprit. Il s’agit de créer un compte d’attente pour permettre à ces entrepreneurs de disposer d’une trésorerie.

M. le Rapporteur général. Ces amendements ont déjà été examinés, et repoussés lors de l’examen du PLF pour 2018. Je suis tout à fait d’accord pour soutenir les exploitants individuels, mais soustraire, sans aucun encadrement, 40 % du bénéfice... Pardonnez-moi, mais cela me paraît « lunaire » !

Je rappelle d’ailleurs les propos tenus par Bruno Le Maire l’an dernier : cela « relèverait de loptimisation fiscale la plus caractérisée. La mesure est très généreuse de votre part, mais un peu dangereuse pour les finances publiques. »

Le coût de la mesure, au-delà du principe, risque en effet d’être très élevé. Les entreprises sans salarié sont les plus nombreuses : imaginez l’impact sur les recettes fiscales si 40 % de l’assiette associée à cette population disparaissaient !

Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Mme Amélie de Montchalin. Voilà qui me ramène aux deux précautions que j’évoquais, qui ne figurent pas, à ce stade, dans l’amendement que j’ai proposé.

Il pourrait cependant être intéressant de réfléchir à un déploiement plus large, au profit de toutes petites entreprises, de ce qui a été fait pour les agriculteurs avec l’épargne de précaution. Je ne prétends pas du tout qu’il faille adopter ces amendements en l’état, mais il faut réfléchir à de nouveaux mécanismes pour les petits artisans, indépendants et commerçants. Il s’agit non pas de passer en force mais de s’interroger sur les possibilités envisageables pour des activités soumises à une cyclicité qui se prête mal aux prévisions.

M. le président Éric Woerth. Quelles sont ces entreprises de proximité que vous visez ?

Mme Amélie de Montchalin. Je pense à tous les commerces de proximité, les indépendants, les artisans, dont l’activité est soumise à une forme de saisonnalité ou est difficile à prévoir, mais je retire mon amendement.

M. le Rapporteur général. L’article 17 permet aux personnes concernées d’opter plus facilement pour l’impôt sur les sociétés, en créant un « droit au remords » à travers la possibilité de renoncer à cette option.

M. le président Éric Woerth. Avec un aller-retour possible.

M. le Rapporteur général. Oui, un seul aller-retour.

Mme Émilie Cariou. Mes chers collègues, je vous invite à raison garder. Le Rapporteur général a exprimé la voix de la sagesse.

Non seulement ces amendements heurtent considérablement le principe de l’annualité de l’impôt, mais ils créent une niche dont on ne peut, en l’état, soupçonner l’impact. Les entreprises individuelles, ce ne sont pas que des petits commerçants : il y a aussi toutes les professions libérales et les personnes soumises aux bénéfices non commerciaux.

Ces amendements ne sont absolument pas raisonnables. Ce que nous avons obtenu pour les agriculteurs, tout de même au terme d’un long combat, est lié aux forts aléas auxquels ils sont soumis : aléas des cours, aléas climatiques...

Quand les résultats s’améliorent, généralement, il est plus intéressant de passer à l’impôt sur les sociétés. Revenons aux règles de l’impôt. Sinon, tout le monde rêve de ne jamais payer l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson. Le problème, mes chers collègues, est la discrimination entre l’entreprise individuelle et l’entreprise sous forme sociétaire. Si vous faites une petite société, le bénéfice que vous laissez dans l’entreprise est imposé à 15 %, dans la limite de 38 120 euros de bénéfice, puis à 25 %, au-delà, et on ne vous demande rien. Et, pour le reste, vous êtes imposable. Le problème, c’est qu’on ne peut pas le faire dans une entreprise individuelle. La solution serait de faire une réserve d’autofinancement, constituée par la partie du bénéfice que l’entrepreneur individuel laisse dans l’entreprise, taxée à 15 %, pour répondre à l’objection de notre rapporteur, de procéder de manière symétrique à ce qui se passe avec les petites sociétés. C’est cela, la bonne solution. Voulons-nous maintenir une discrimination croissante ?

Mme Émilie Cariou. Ce n’est pas une discrimination.

M. Charles de Courson. Si, c’en est une. Selon que vous êtes en entreprise individuelle ou en société, les bénéfices que vous laissez dans l’entreprise sont taxés à l’impôt sur le revenu ou ne sont pas taxés.

Mme Véronique Louwagie. Amélie de Montchalin évoquait cette épargne de précaution créée pour les agriculteurs, mais il y a une grande différence entre les agriculteurs et les autres catégories professionnelles que sont les artisans, commerçants, industriels ou professions libérales. Aujourd’hui, nous avons une vraie difficulté avec les agriculteurs : les méthodes de comptabilisation et d’évaluation des stocks ne sont pas du tout les mêmes dans les régimes à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu. D’ailleurs, le Gouvernement est en train de réfléchir à une harmonisation du droit comptable qui y remédierait.

M. Jean-Paul Mattei. Il existe des outils, chers collègues : l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) peut opter pour l’impôt sur les sociétés. L’entrepreneur en EIRL peut opter pour la transparence fiscale ou passer à l’IS, et l’article 17 de ce PLF permet un aller-retour.

Lamendement I-CF1167 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques I-CF268, I-CF282, ICF311, ICF429, I-CF927 et I-CF1358, puis les amendements identiques ICF630 et I-CF738.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF976 et I-CF967 de M. Dominique Potier.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit par ces amendements d’encadrer les rémunérations au sein de l’entreprise sur la base d’un écart-type. Cet encadrement permettrait que la rémunération la plus élevée ne soit, par exemple, pas plus de vingt fois supérieure à la rémunération la plus faible.

Nous utilisons pour ce faire l’impôt sur les sociétés comme outil. Les charges de personnel étant déductibles des bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés, il est proposé de restreindre les charges de personnel déductibles aux seules rémunérations dont le montant est inférieur au plafond déterminé par l’application de l’écart-type que j’ai évoqué.

Ainsi, l’entreprise pourra continuer à rémunérer certains salariés au-dessus de ce plafond, mais elle ne pourra plus déduire les rémunérations et cotisations sociales afférentes de son bénéfice imposable pour la fraction qui lui sera supérieure. Elle aura donc un intérêt économique à augmenter les rémunérations des plus faibles pour accroître le plafond de déductibilité ou à maîtriser les rémunérations les plus élevées.

Sans édicter d’interdiction, nous réduisons un avantage important.

M. le Rapporteur général. L’impôt ne sert pas à encadrer les rémunérations : les auteurs de ces amendements se trompent de véhicule législatif.

Les écarts de rémunération au sein des entreprises ont été largement abordés dans le cadre de l’examen du projet de loi PACTE, et des engagements ont été pris par le Gouvernement lorsque nous avons examiné l’article 62 ter. Je propose que nous en restions là. Je suis défavorable à ces amendements.

M. Éric Coquerel. C’est une bonne blague, monsieur le Rapporteur général !

Si j’ai bien compris, l’impôt sert quand même, dans certains cas, à favoriser les revenus du capital, au motif, pas seulement financier, que, si nous les favorisons, cela servira à toutes les sociétés, aux « investissements de demain » et aux « emplois d’après-demain ». Votre argument n’est pas pertinent. De même, l’objectif de la fiscalité écologique n’est pas purement fiscal.

Pour ma part, je défends ces amendements. C’est une proposition de repli aux yeux de notre groupe, puisque nous voulons, nous, interdire d’aller au-delà d’un écart de rémunération de 1 à 20, rapport recommandé par la Confédération européenne des syndicats. La première vertu en serait de réduire des inégalités des salaires qui explosent. La seconde est que pour augmenter les revenus les plus élevés, il faut augmenter les revenus les plus bas.

Je soutiens donc ces amendements, même si, se contentant de modifier les règles fiscales, ils ne vont pas aussi loin que je le souhaiterais.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques I-CF137 de M. Jean-Yves Bony, I-CF162 de Mme Véronique Louwagie, I-CF219 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF236 de M. Vincent Descoeur, I-CF320 de M. Pierre Cordier, I-CF411 de M. Nicolas Forissier, I-CF446 de M. Thibault Bazin, I-CF697 de Mme Lise Magnier, ICF819 de M. Charles de Courson et I-CF991 de M. Jean-Paul Dufrègne, ainsi que lamendement I-CF1050 de Mme Valérie Lacroute.

M. Jean-Louis Masson. Il est proposé, pour les exploitations agricoles, que les annuités d’amortissement puissent faire l’objet d’un report car le cycle économique est désormais pluriannuel et de forte amplitude.

M. Vincent Descoeur. Une nouvelle fois, il s’agit de l’irrégularité des revenus agricoles, qui connaissent et connaîtront des variations toujours plus fortes. Il est indispensable que les annuités d’amortissement puissent faire l’objet d’un report, comme, aujourd’hui, les annuités d’emprunt.

M. Charles de Courson. Par l’amendement I-CF819, je propose un outil complémentaire à l’article 18, qui permet une bonne adaptation à la situation, avec une modulation des amortissements.

Mme Valérie Lacroute. Avec l’amendement I-CF1050, je propose un outil de gestion économique dynamique de l’exploitation pour faire face à des aléas climatiques de plus en plus importants.

M. le Rapporteur général. Le dispositif de l’article 18 relatif à la DEP est le plus généreux qui ait jamais été mis en place en la matière. Laissons le vivre et ne lui adjoignons pas des outils complémentaires qui risqueraient de nuire à sa lisibilité ! Avis défavorable à cette série d’amendements.

M. Julien Aubert. Je ne comprends pas la position du Rapporteur général. Tout à l’heure, il ne voulait pas exonérer la protection des espaces naturels et des zones humides. Maintenant, il nous explique que lorsqu’il y a des aléas climatiques, il ne faudrait pas améliorer le dispositif en permettant un recalage des annuités d’amortissement pour les exploitations agricoles. Inutile après de plaider contre le réchauffement climatique en constatant tous les jours les modifications du climat et leur impact sur l’agriculture ! Ce n’est pas parce que le dispositif du projet de loi est généreux que vous ne pouvez pas en adopter un deuxième – ce qui vous permettra d’ailleurs de comparer leur efficacité et de voir si, dans un ou deux ans, il faut les maintenir couplés ou si l’un des deux est mieux appréhendé par les exploitants agricoles. L’un et l’autre ne sont pas en concurrence. En rejetant nos amendements, vous êtes en orthogonalité avec les objectifs de lutte contre le changement climatique que vous vous êtes vous-mêmes fixés.

M. Fabien Di Filippo. La question est non pas de savoir si les amendements présentés vont dans le sens du dispositif que vous avez prévu, mais s’ils sont à la hauteur des difficultés que rencontrent aujourd’hui nos agriculteurs. Cet été, meurtrier pour beaucoup d’éleveurs et de cultivateurs du fait de la sécheresse, a montré que nos exploitations agricoles sont dans une précarité extrême. Cela mérite que l’on sécurise davantage leur situation face à des aléas qui, de toute façon, vont aller en s’amplifiant.

M. le président Éric Woerth. M. Di Filippo a raison. L’article 18 améliore il est vrai beaucoup la situation par rapport à l’année dernière, mais on peut toujours faire mieux.

M. le Rapporteur général. Je rappelle que la déduction possible au titre de la DEP est de 41 400 euros par an et que ses cas d’utilisation sont quasiment illimités. Avec une telle générosité, je ne vois pas l’intérêt du mécanisme que vous proposez.

La commission rejette les amendements identiques I-CF137, I-CF162, I-CF219, ICF236, I-CF320, I-CF411, I-CF446, I-CF697, ICF819 et I-CF991, puis lamendement ICF1050.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF1115 de M. Boris Vallaud, I-CF1118 et I-CF1119 de Mme Valérie Rabault et I-CF931 de M. Emmanuel Maquet.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I-CF1115, déposé par le groupe Socialistes et apparentés, a trois objets. Premièrement, en cas de reprise frauduleuse au terme de laquelle les engagements présentés dans le plan de cession d’une entreprise n’auraient pas été respectés, le juge pourrait reprendre tous les avantages fiscaux accordés et en demander le remboursement. Deuxièmement, nous proposons la création d’un dispositif de suramortissement en faveur des reprises d’entreprises, visant notamment les PME. Troisièmement, nous proposons la réévaluation du plafond d’exonération de l’IS dans le cadre de la cession totale ou partielle d’une PME appartenant à une branche d’activité se caractérisant par une forte exposition à la concurrence.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF1118 rétablit pour quatre ans un dispositif auquel il a été mis fin l’année dernière dans le cadre de la loi de finances pour 2018. Or ce dispositif de suramortissement avait très bien fonctionné.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF1119 est un amendement de repli ayant le même objet que le précédent mais pour deux ans au lieu de quatre.

M. le Rapporteur général. Le Gouvernement a analysé les effets de ce suramortissement et considéré qu’il convenait de le réintroduire mais avec un périmètre ciblé à des secteurs et à des acteurs ayant besoin d’une impulsion, comme les PME, les robots et la transformation numérique. Je souhaite que nous en restions là. Je rappelle que le coût du dispositif précédent avait été évalué à 2,5 milliards d’euros sur cinq ans. Avis défavorable.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle en vient à lamendement I-CF1021 de M. Saïd Ahamada.

M. Saïd Ahamada. Cet amendement vise à inciter les compagnies maritimes, via un suramortissement fiscal, à acquérir des navires fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL), à l’hydrogène ou à l’aide d’une alimentation électrique à quai. Il s’agit de la transcription d’une mesure que le Gouvernement avait annoncée lors du Comité interministériel de la mer (CIMer) de novembre dernier. L’État s’était alors engagé à soutenir la transition énergétique vers le GNL. Cela avait été rappelé lors des assises de l’économie de la mer par le Premier ministre, qui avait demandé au ministre de l’économie d’étudier la révision des modalités d’amortissement des investissements concernant l’achat de nouveaux navires ou de modes de propulsion. Lors de l’examen de la proposition de résolution que j’avais présentée à l’Assemblée nationale et qui a été votée à l’unanimité, j’avais aussi rappelé l’importance de mettre en place un dispositif de suramortissement.

J’ai veillé à éviter les effets d’aubaine en fixant un taux de 30 %. La durée est limitée à six ans à compter du 1er janvier 2019 et on favorise la compétitivité de la flotte française puisque deux critères sont retenus : la durée d’escale et la durée de navigation dans la zone économique exclusive française.

M. le Rapporteur général. Il s’agit effectivement des suites de la résolution qui avait été adoptée. Cela étant, l’amendement réserve le bénéfice de l’avantage fiscal aux navires immatriculés en France ou dans l’Union européenne à la condition que les temps d’escale en France ou de navigation dans les eaux françaises représentent 30 %. Cette limitation va poser des problèmes aux navires français qui peuvent être imposés en France quand ils sont dans des eaux étrangères, et aux navires immatriculés à l’étranger qui réalisent des liaisons de port étranger à port étranger. Cet amendement risque d’être contre-productif car il se cantonne à des hypothèses géographiques et non pas à des hypothèses liées aux navires propres. Je vous demanderai de bien vouloir le retirer amendement pour pouvoir en améliorer le champ et en rediscuter en séance.

M. Saïd Ahamada. J’accepte de le retirer. Je vous précise cependant, monsieur le Rapporteur général, que cet amendement a été rédigé avec les services du Gouvernement.

Lamendement I-CF1021 est retiré.

La commission aborde lamendement I-CF838 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Il est dommage que l’amendement précédent ait été retiré car j’aurais voté pour.

L’amendement I-CF838 vise à faire baisser de façon très significative le plafond maximal en-deçà duquel il est possible de bénéficier du statut d’auto‑entrepreneur. En effet, l’année dernière, vous avez augmenté considérablement ce plafond. Depuis le 1er janvier 2018, il est de 170 000 euros pour les activités d’achat et de vente de marchandises et de 70 000 euros pour la prestation de services. Nous proposons de ramener respectivement ces deux seuils à leurs niveaux de 2017, soit 91 000 euros et 35 200 euros. Je précise que les plus prospères des personnes qui ont recours à ce statut ne sont que 5 % à dépasser les 32 100 euros.

Nous avons déposé cet amendement pour trois raisons. Tout d’abord parce que, sous prétexte de lutter contre le travail au noir, vous introduisez en réalité une concurrence déloyale pour les artisans et prestataires de services qui, eux, sont obligés de remplir des contraintes administratives et sont soumis à une fiscalité bien supérieure. Par ailleurs, vous ouvrez la voie pour les jeunes travailleurs en France à un monde « ubérisé ». Enfin, la faiblesse des cotisations et des impôts qui caractérise ce statut remet en cause le modèle social français.

M. le Rapporteur général. Ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen du PLF pour 2018. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF155 de Mme Lise Magnier, ICF165 de Mme Véronique Louwagie, I-CF217 de Mme MarieChristine Dalloz, I-CF245 de M. Vincent Descoeur, I-CF322 de M. Pierre Cordier, I-CF1057 de Mme Valérie Lacroute et I-CF1326 de M. JeanNoël Barrot.

Mme Lise Magnier. Avec cet amendement, il s’agit de mettre en cohérence les définitions juridique et fiscale de l’activité agricole. En effet, la référence à l’activité agricole telle qu’elle est définie par le code rural et de la pêche maritime permettrait d’éviter la confusion existant aujourd’hui entre une activité juridiquement agricole et une activité appréhendée fiscalement au titre des bénéfices agricoles.

Mme Marie-Christine Dalloz. Parmi les critères cités dans mon amendement, j’ai oublié les revenus tirés à titre accessoire du déneigement.

Mme Valérie Lacroute. Avec cet amendement, nous proposons une harmonisation des définitions juridique et fiscale de l’activité agricole afin de faciliter la diversification dans les exploitations. Il s’agit de faire en sorte que les activités accessoires soient considérées également au sens de la législation fiscale comme des activités agricoles et soient imposées en conséquence.

M. le Rapporteur général. Peut-être avez-vous en mémoire un amendement du groupe Les Républicains, adopté l’an dernier et qui a permis d’augmenter le plafond des activités accessoires non agricoles pour renforcer la pluriactivité. En l’état du droit, si pas plus d’un tiers du total des recettes de l’exploitation ne sont concernées, elles sont considérées comme accessoires et soumises au régime des bénéfices agricoles. La première partie de vos amendements est donc parfaitement satisfaite.

En revanche, le renvoi, dans la seconde partie de l’amendement, à la notion d’activité agricole définie dans le code rural et, par ricochet, à l’article L. 722-20 du même code, conduit à inclure dans la catégorie des bénéfices tirés d’activités agricoles les revenus des gens de maison d’exploitants agricoles, des enseignants dans un établissement agricole, des salariés des mutuelles agricoles ou encore des administrateurs des groupements mutualistes. Ce n’était sans doute pas l’intention des auteurs des amendements, mais cela pose problème. Je vous invite donc à retirer ces amendements sans quoi j’y serai défavorable.

Mme Lise Magnier. Je remercie le Rapporteur général de ses explications. Mon amendement étant satisfait, je le retire.

Mme Sarah El Haïry. Moi aussi.

Les amendements I-CF155 et I-CF1326 sont retirés.

La commission rejette les amendements identiques I-CF165, I-CF217, ICF245, ICF322 et I-CF1057.

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Article additionnel après l’article 18
Appréciation des plafonds de pluriactivité des groupements agricoles dexploitation en commun (GAEC) au niveau du groupement

Suivant lavis favorable du Rapporteur général, la commission adopte lamendement I-CF629 de Mme Véronique Louwagie (amendement I-2504).

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Article additionnel après l’article 18
Dispositif optionnel de blocage de la valeur des stocks à rotation lente

La commission examine ensuite les amendements identiques I-CF730 de M. Hervé Pellois et I-CF1181 de Mme Amélie de Montchalin.

M. Hervé Pellois. L’amendement propose de rétablir un dispositif optionnel de blocage de la valeur des stocks à rotation lente. Pour tenir compte des aléas – climatiques notamment – auxquels sont confrontés les exploitants agricoles, la loi fiscale prévoit des mécanismes optionnels qui ont pour objet de répartir l’assiette imposable d’une année sur plusieurs exercices afin de limiter les effets de la progressivité de l’impôt sur le revenu.

Le patrimoine de certaines exploitations agricoles se caractérise par des stocks au cycle parfois très long, comme les bovins, les pépinières, les vins et les spiritueux, dont la révision annuelle du prix de revient peut conduire à des variations de stock augmentant significativement le résultat imposable sans pour autant pouvoir bénéficier du régime d’étalement et de lissage des revenus agricoles exceptionnels.

Les exploitants disposant de stocks à rotation lente pouvaient utiliser jusqu’ici la déduction pour investissement (DPI) que l’on vient de supprimer. Ils pourront certes bénéficier de la nouvelle déduction pour épargne de précaution qui permet d’affecter une quote-part de l’épargne aux coûts d’acquisition et de production de ces stocks mais pour répondre plus spécifiquement aux difficultés liées à la valorisation des stocks à rotation lente, il est proposé de mettre en place un dispositif ad hoc de blocage de la valeur des stocks. En pratique, la mesure ne produit d’effet qu’à l’égard de stocks dont le cycle de rotation est au moins égal à deux ans et permet, pour les exercices suivant celui du blocage, de ne pas prendre en compte dans la valorisation des stocks les charges de production.

Mme Amélie de Montchalin. L’amendement I-CF1181 est défendu au nom du groupe La République en Marche, comme vient de le faire M. Pellois.

M. le Rapporteur général. Avis favorable.

La commission adopte les amendements identiques I-CF730 et I-CF1181 (amendement I2505).

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Après l’article 18

Elle étudie les amendements identiques I-CF105 de M. Vincent Descoeur et I-CF251 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Vincent Descoeur. Il s’agit de renforcer encore la capacité des entreprises agricoles et viticoles à se constituer une réserve de gestion des risques qui soit suffisante pour faire face aux aléas climatiques. C’est pourquoi cet amendement propose que ces entreprises puissent déduire une provision inscrite en comptabilité dont le plafond est déterminé en fonction du résultat d’exploitation, un montant égal à au moins 40 % de la déduction devant être mis en épargne financière.

M. le Rapporteur général. Vous n’avez pas tenu compte de l’article 18, qui abroge les dispositions que vous souhaitez modifier. Pour cette seule raison, ces amendements ne sauraient être adoptés. Je vous invite à les retirer.

La commission rejette ces amendements.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF161 de Mme Véronique Louwagie, ICF218 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF235 de M. Vincent Descoeur, I-CF318 de M. Pierre Cordier, I-CF408 de M. Nicolas Forissier, I-CF445 de M. Thibault Bazin et ICF1045 de Mme Valérie Lacroute.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement propose de substituer une DPI qui a disparu des écrans-radars.

M. Vincent Descoeur. L’amendement propose de remettre en place le dispositif de blocage de la valeur des stocks présents sur l’exploitation et dont la durée de vie est supérieure à un an.

Mme Valérie Lacroute. Lobjectif de lamendement est déviter que les exploitants ne paient limpôt à chaque clôture dexercice en raison dune prise de valeur des stocks alors même quils ne disposent daucune trésorerie, faute de vente.

M. le Rapporteur général. Nous avons adopté deux amendements, I‑CF730 et I‑CF1181, qui satisfont les amendements que vous avez déposés. Je vous invite donc à les retirer.

M. le président Éric Woerth. Retirez-vous vos amendements ?

M. Vincent Descœur. Oui. Mais je ferai remarquer au Rapporteur général que nous avons déposé nos amendements avant que les deux qu’il a cités ne soient votés. Nous ne pouvions présager ce vote.

Les amendements identiques I-CF161, I-CF218, I-CF235, I-CF318, ICF408, I-CF445 et ICF1045 sont retirés.

La commission étudie, en discussion commune, les amendements I-CF465 de M. Lionel Causse et I-CF247 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF247 vise à revenir sur un amendement que j’avais déposé l’année passée et qui avait été adopté : il conduisait à modifier les seuils pour prendre en compte les activités accessoires aux activités agricoles et qui pouvaient leur être rattachées. Ces seuils étaient passés de 50 000 à 100 000 euros et de 30 à 50 %. Or cela pose des difficultés aux entreprises de travaux agricoles qui se trouvent être concurrencées par des exploitants agricoles réalisant un grand nombre de travaux agricoles. Je propose donc de revenir aux seuils antérieurs pour les activités générées par des prestations de travaux agricoles. Il s’agit de distinguer deux situations, selon que les recettes accessoires proviennent de travaux agricoles ou pas.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable sur ces deux amendements. L’an dernier, nous avions attiré votre attention sur les problèmes que soulevait votre amendement au regard de la concurrence, il a été adopté. Maintenant, pourquoi traiter les activités de travaux agricoles différemment des autres activités accessoires ? Pourquoi ne pas en faire autant pour l’hébergement et la fourniture de repas ?

La commission rejette successivement les amendements.

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Article additionnel après l’article 18
Extension de la dispense dobligation de reboisement aux créations et reprises dexploitations agricoles en zones agricoles et naturelles

Elle en vient à la discussion commune des amendements I-CF179 de M. Jean-François Eliaou et I-CF1462 du Rapporteur général.

M. Jean-François Eliaou. Les autorisations de défrichement sont subordonnées à des travaux de reboisement ou au versement d’une indemnité équivalente qui alimente le Fonds stratégique de la forêt. Or les travaux de reboisement sont, la plupart du temps, impossibles à réaliser, ce qui a rendu systématique le principe de compensation financière du défrichement. La déprise des surfaces agricoles, souvent choisie en raison du coût de l’indemnité de compensation ou du reboisement, est un problème majeur pour l’avenir des exploitations. Cela a trois conséquences : le fractionnement du parcellaire, la perte directe de surface exploitable et un risque écologique et d’incendie, surtout dans les régions du Sud. En revanche, le défrichement de petites surfaces permet un regroupement parcellaire indispensable à l’optimisation des conditions de travail des agriculteurs et évite ainsi de nouveaux abandons de terres. Il permet également la conservation de milieux ouverts permettant de lutter efficacement contre les risques d’incendie. Enfin et surtout, il permet l’installation de jeunes agriculteurs sur ces terrains reconquis.

Cet amendement vise donc à exonérer les agriculteurs du paiement de cette indemnité compensatoire selon certaines conditions, notamment celle de maintenir un écosystème dynamique au moyen de plantations de haies vives.

M. le Rapporteur général. À la demande de mon collègue, nous avons travaillé sur ce sujet qui avait attiré notre attention lors de l’acte II de la « loi montagne ». Les dispositions relatives à cette loi font en effet sortir les terrains situés en zone de montagne de cette logique d’autorisation assortie d’une sanction en cas de déboisement. Pour que le dispositif soit encadré juridiquement, mon amendement élargit cette dispense aux hypothèses de création ou de reprise d’exploitation dans les zones agricoles ou naturelles des plans locaux d’urbanisme, quel que soit le secteur concerné. Je n’ai pas repris votre disposition sur les haies vives car elle n’a pas beaucoup de sens en montagne, mais je crois qu’elle n’en a guère non plus dans les grands espaces agricoles du Sud de la France. Je propose que tous les signataires de votre amendement se rallient au mien.

M. Jean-François Eliaou. Cet amendement ne sera-t-il pas applicable qu’à la montagne ?

M. le Rapporteur général. Non. Nous proposons une extension du dispositif existant en zone de montagne. L’amendement permet, en dehors des zones de montagne, de bénéficier de la dispense précitée.

M. Jean-François Eliaou. J’accepte votre proposition.

Lamendement I-CF179 est retiré.

La commission adopte lamendement I-CF1462 (amendement I-2506).

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Article additionnel après l’article 18
Dispense du paiement de lindemnité compensatoire au défrichement pour les travaux de défense des forêts contre lincendie

La commission examine lamendement I-CF1314 de Mme Sereine Mauborgne.

Mme Sereine Mauborgne. Il s’agit d’aller dans le sens de l’amendement de M. le Rapporteur général et d’instaurer une exonération d’indemnité compensatoire de défrichement, notamment en cas d’élargissement des pistes de défense des forêts contre l’incendie (DFCI). En effet, dans le Var, nous avons été touchés par de gros incendies et avons besoin des coupures agricoles qui sont difficiles à entretenir pour les établissements publics de coopération intercommunale.

M. le Rapporteur général. Avis favorable.

La commission adopte lamendement (amendement I-2507).

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Après l’article 18

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement lamendement I-CF653 de M. Marc Le Fur, et les amendements identiques ICF266 de Mme Lise Magnier et I-CF422 de M. Nicolas Forissier.

La commission étudie lamendement I-CF861 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à lutter efficacement contre les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Il renforce ainsi le contrôle effectué sur les entreprises non-résidentes ayant une activité économique numérique importante sur le territoire national. Les GAFA sont un problème pour la France mais aussi pour tous les pays de lUnion européenne : lUnion aurait ainsi perdu 5,4 milliards deuros de revenus fiscaux de Google et de Facebook entre 2013 et 2015.

Nous proposons un principe simple : si une entreprise numérique a une activité suffisamment importante en France, les revenus tirés de son activité française doivent être déclarés au fisc français. J’espère que vous ne me répondrez pas qu’il faut attendre la mise en place d’un système européen. D’une part, parce que les traités européens imposent qu’une réforme fiscale soit adoptée à l’unanimité, on pourra donc attendre très longtemps. D’autre part, parce que sur ce sujet extrêmement grave, la France doit montrer l’exemple. Nul doute qu’elle sera suivie après par les autres pays.

M. le Rapporteur général. Je voudrais tout d’abord vous remercier car vous aviez déjà déposé cet amendement et je vous avais invité à le réécrire pour qu’il soit opérant, ce que vous avez fait. Cette proposition est voisine de celle qu’avait faite le président Woerth l’an dernier et qui s’inspirait de la proposition de directive européenne du 21 mars 2018.

Je reste favorable à l’établissement stable virtuel mais pas tout à fait selon les modalités que vous proposez. Il y a eu depuis un rapport très documenté de notre collègue Bénédicte Peyrol sur l’évasion fiscale internationale des entreprises, duquel il ressort que la consécration unilatérale en droit français de l’établissement stable virtuel ne devrait être proposée qu’en cas d’échec ou d’enlisement des négociations européennes, et qu’elle interviendrait en tout état de cause dans le PLF 2020.

Se pose cependant un problème de neutralisation par les conventions fiscales. L’absence d’accord entre États membres est une difficulté mais, pour lancer un signal politique en 2020, on peut faire en sorte que même s’il y a neutralisation, il y ait un vote du Parlement. Je vous propose d’en rester à ce que propose Bénédicte Peyrol dans son rapport.

M. Éric Coquerel. J’entends avec satisfaction ce que vous dites, monsieur le Rapporteur général. Je maintiens mon amendement en espérant qu’il sera voté en 2020.

Mme Bénédicte Peyrol. Je confirme ce que dit le Rapporteur général. Si les négociations sur la taxe européenne n’aboutissent pas d’ici à la fin de l’année 2019, je prends l’engagement de travailler à la définition de l’établissement stable. Je propose de revoir la rédaction de cet amendement l’année prochaine si les négociations n’ont pas abouti.

La commission rejette lamendement I-CF861.

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Article additionnel après l’article 18
Extension du dispositif du mécénat aux festivals audiovisuels

Elle est saisie de lamendement I-CF1452 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement vise à étendre aux festivals qui diffusent des séries audiovisuelles le champ d’application de la loi sur le mécénat, qui permet de bénéficier d’avantages fiscaux mais qui ne s’applique pas aux séries : les œuvres doivent impérativement présenter un caractère dramatique, lyrique, musical, chorégraphique, cinématographique ou de cirque. Alors que les téléspectateurs regardent de plus en plus de séries, les festivals de séries ne bénéficient pas des mêmes avantages ni des mêmes possibilités de financement par la loi sur le mécénat que les autres festivals. Je vous propose d’adapter le droit à notre temps.

M. le Rapporteur général. Je trouve votre préoccupation légitime. Cependant, ne devriez-vous pas viser les « œuvres » audiovisuelles et non seulement les séries ?

M. le président Éric Woerth. Je suis d’accord pour rectifier cet amendement afin de couvrir toutes les évolutions qui viendront au fil du temps.

La commission adopte lamendement I-CF1452 rectifié (amendement I2508).

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Après l’article 18

La commission en vient à la discussion commune des amendements ICF1432 de M. Éric Coquerel et I-CF659 de M. Fabien Roussel.

M. Éric Coquerel. Comme chacun le sait, la baisse de la taxation sur le capital mobilier obère le budget de l’État de 5 milliards d’euros par an. Au lieu de toujours faire porter l’effort national sur les mêmes, c’est-à-dire ceux qui produisent les richesses de ce pays – retraités, étudiants, salariés, chômeurs –, l’amendement I-CF1432 propose la mise en place d’une surtaxe exceptionnelle sur les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 1 milliard d’euros. Cela compensera le manque à gagner.

M. Fabien Roussel. Une taxe de 3 % sur les dividendes avait été mise en place par le précédent gouvernement Hollande. Elle avait été invalidée par le Conseil constitutionnel, après recours des grandes entreprises qui contestaient cette mesure et saisine de la Cour de justice de l’Union européenne. C’était pourtant une belle initiative qui permettait notamment de taxer les dividendes versés par les plus grandes entreprises.

Le Gouvernement a dû rembourser les entreprises concernées. Pour ce faire, l’année dernière, vous nous avez fait voter une contribution exceptionnelle, payée par les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros. Elle a rapporté 5 milliards d’euros. Quelle aubaine ! L’amendement I‑CF659 propose de pérenniser cette mesure au moins pendant trois ans, afin que ces grandes entreprises contribuent à l’effort collectif et à la transition écologique.

M. le Rapporteur général. Le contentieux relatif à la contribution de 3 % compromettait l’équilibre de nos finances publiques. Une surtaxe exceptionnelle a donc été votée pour rester sous les 3 % de déficit. Nous allons en rester là car c’était une mesure à caractère ponctuel.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF907 et ICF1324 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Mes deux amendements portent sur les activités accessoires des associations, qui risquent d’être soumises à l’IS, alors même que les associations sont des organisations à but non lucratif. Le plafond – chiffré – de la franchise n’ayant pas été revu depuis 2001, il est toujours de 62 250 euros. Cela pose problème pour les associations nationales, qui atteignent extrêmement vite ce plafond.

Je propose d’augmenter ce plafond à 72 000 euros afin de prendre en compte l’inflation, tout en prévoyant une variante pour répondre à la problématique des structures nationales, de 3 % du total de leurs ressources dans l’amendement I-CF907 – variante audacieuse – ou 1 % de ces mêmes ressources dans l’amendement I-CF1324 – variante plus raisonnable.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas opposé par principe à l’évolution proposée, d’autant que le niveau de base du plafond est le même depuis 2001 et que les ajustements de ce dispositif ont été marginaux. Je vous invite néanmoins à retirer les amendements dans la mesure où il conviendrait également d’articuler votre position avec le plafond de la franchise de TVA, qui est aligné sur celui de la franchise d’IS.

Je vous précise, si vous voulez tirer les conséquences de cette observation en vue de la séance, que le plafond de franchise de TVA est fixé au b du 1° du 7 de l’article 261 du CGI. Je serai alors prêt à donner un avis favorable.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient aux amendements identiques I-CF1022 de M. Michel Castellani et I-CF1082 de M. Paul-André Colombani.

M. Michel Castellani. Après le 1 bis de l’article 206 du CGI, l’amendement propose d’insérer un alinéa ainsi rédigé : « Ne sont pas passibles de limpôt sur les sociétés les installations de production dhydroélectricité exploitées par des collectivités territoriales situées dans des zones non interconnectées. » Ces zones non interconnectées possèdent des handicaps physiques – taille, démographie, insularité – qui rendent la production d’électricité beaucoup plus onéreuse, ne serait-ce que pour des raisons d’économies d’échelle.

Le prélèvement de l’IS vient limiter l’efficacité du cadre territorial de compensation. La mesure vise à inciter les collectivités qui le souhaitent à investir dans une énergie propre. Le dispositif proposé ne contrevient pas au principe d’égalité devant l’impôt puisque la Constitution n’interdit pas de traiter de façon différente des situations différentes. Il n’est pas non plus contraire au droit de l’Union européenne, dont l’un des objectifs vise au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale.

M. Paul-André Colombani. L’amendement propose une exonération d’IS pour les centrales hydroélectriques des zones non interconnectées ne bénéficiant pas de zone franche d’activité, comme la Corse. Il m’a été suggéré par le maire d’une commune de montagne – Cozzano – qui a financé et construit une centrale hydroélectrique grâce à son petit budget communal. Sa centrale communale étant désormais assujettie à l’IS, il se rend compte que cet investissement n’est pas intéressant, d’autant qu’il ne peut plus réaliser d’autres investissements pour sa commune.

C’est une aberration au moment où l’on veut promouvoir la transition énergétique. En conclusion, il est toujours aussi rentable de produire de l’électricité au fioul en Corse... Or, plus on produit de l’électricité au fioul, plus on génère des surcoûts de production qui sont compensés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) grâce à la contribution au service public de l’électricité (CSPE). L’État perd donc beaucoup d’argent. À l’inverse, la petite hydroélectricité est le mode de production d’électricité le moins générateur de surcoûts. Chaque microcentrale hydraulique fait économiser de fortes sommes de CSPE à la CRE, tout en rapportant peu aux collectivités qui font pourtant l’effort de cette convergence.

M. le Rapporteur général. Aux termes du 6° du 1 de l’article 207 du CGI, les collectivités territoriales sont exonérées d’IS. Vos amendements visant les collectivités, ils me semblent donc satisfaits. À l’inverse, si l’activité est assurée par une régie mais qu’elle pourrait l’être par un délégataire privé, la jurisprudence du Conseil d’État exclut l’exonération : il y aurait rupture d’égalité et atteinte à la concurrence. Dans le premier cas, vos amendements sont donc déjà satisfaits ; dans le second cas, ils ne peuvent être adoptés.

M. François Pupponi. Dans certains cas atypiques, l’administration fiscale applique l’IS.

M. le président Éric Woerth. Pas à une collectivité locale ?

M. François Pupponi. Mais si... C’est le cas pour certaines communes.

M. le président Éric Woerth. Il faut poser cette question au ministre.

M. le Rapporteur général. Je vous serai reconnaissant de bien vouloir me transmettre tous les cas de régies soumises à l’impôt sur les sociétés. Je saisirai personnellement le ministre.

La commission rejette les amendements.

Elle passe à lamendement I-CF906 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Cette proposition a été remise au Premier ministre par le mouvement associatif. L’amendement vise à supprimer le lien d’automaticité entre les trois impôts – TVA, IS, CET. En effet, la soumission automatique à l’IS – et surtout à la CET – d’organismes à but non lucratif dont les activités sont susceptibles d’être soumises à la TVA, pèse considérablement sur le coût des services qu’ils rendent. À l’inverse, dans certains cas, l’exonération de TVA induite par leur non‑lucrativité les prive de la possibilité de déduire la TVA acquittée sur leurs achats.

M. le Rapporteur général. Je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement, par cohérence avec le retrait des amendements I-CF907 et I-CF1324. En effet, votre amendement vise seulement le 5° bis de l’article 207 du CGI, alors qu’une modification est également nécessaire au 1° du 7 de l’article 261 du CGI.

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF826 de M. Thibault Bazin et I-CF1151 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. Les bailleurs, qui doivent supporter la baisse brutale des aides personnalisées au logement suite au dernier PLF, sont par ailleurs contraints de se regrouper depuis le vote de la loi ELAN. Or les déficits fiscaux des structures absorbées ne pourront être transférés à la structure absorbante si on ne modifie pas le CGI : l’article 209 doit être clarifié afin de ne pas exclure les transferts d’éventuels déficits fiscaux en cas de fusion entre organismes HLM, de nature dans certains cas à freiner la réalisation de ces opérations. C’est l’objet de l’amendement I-CF826.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF1151 est identique.

M. le Rapporteur général. Lors d’une opération de fusion, les déficits et intérêts non déduits en report sont transférés à la société bénéficiaire de l’apport, sous réserve d’obtenir un agrément. Cet agrément ne peut être délivré si les déficits proviennent de la gestion d’un patrimoine immobilier, comme vous l’avez rappelé.

Votre amendement entend supprimer cette limite pour permettre aux organismes HLM de transférer leurs déficits en cas de fusion. Je vous rappelle qu’aux termes du CGI, ces organismes sont exonérés d’IS pour leur activité relevant du service d’intérêt général qui leur incombe. Cette exonération est conséquente : 1,18 milliard d’euros par an. Je ne suis pas certain qu’il soit indispensable d’y ajouter des facilités de transfert de déficits en cas de fusion... Au demeurant, du fait de l’exonération, l’absence de transfert de déficit est fiscalement neutre si l’office HLM est dans le champ de l’exonération.

Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer vos amendements.

M. Thibault Bazin. Nous vous expliquons que le changement de modèle du logement social entraîne des difficultés d’autofinancement et d’investissement et vous nous répondez que la modification que nous proposons n’est pas envisageable car le CGI ne l’envisage pas : c’est bien le problème ! C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour une telle modification.

M. le Rapporteur général. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit !

M. François Pupponi. Pour bénéficier du report de déficit, il faut un agrément. C’est bien le problème : l’agrément est impossible pour les sociétés immobilières, contrairement aux autres organismes. L’État voulant rapprocher les sociétés immobilières du logement social, nous proposons de déroger à cette exception de non-agrément pour les sociétés immobilières HLM.

M. François Jolivet. Je ne comprends pas le fond de vos amendements. Pourquoi parlez-vous du projet de loi ELAN ? Ce dernier ne vise que les sociétés coopératives d’HLM. Le régime de fusion existant n’a pas changé.

Par ailleurs, les déficits fiscaux ne peuvent être que de deux natures : liés aux commerces que détiennent les organismes HLM – c’est une activité extrêmement faible – et à certains logements libres qui sont dans l’assiette taxable. Cher collègue, pourriez-vous m’expliquer comment on obtient un déficit fiscal avec une activité de propriétaire bailleur, de commerce ou de logements dits libres, non soumis aux règles de la mission économique d’intérêt général ?

M. François Pupponi. Dans certains quartiers, la quasi-totalité des commerces appartenant aux bailleurs sont vides. Cette activité économique entraîne donc un déficit, les charges étant supérieures aux recettes.

M. le président Éric Woerth. Je ne suis pas sûr que nous trouvions la solution ce soir...

M. François Pupponi. Il faut écouter les bailleurs ! Ils nous ont tous signalé ce vide juridique.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle en vient à lamendement I-CF860 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet « amendement McDo » est important. Il parlera à beaucoup de salariés de McDonald’s, qui sont de plus en plus nombreux à se mobiliser, à Marseille, à Paris, contre un système d’affaiblissement des bénéfices de certaines des filiales de l’entreprise, au profit d’autres filiales, afin de lui permettre d’échapper à l’impôt sur les sociétés en France et de contourner nos lois sociales. Avec le système des franchises, McDonald’s devient finalement un simple loueur de surfaces. Les salariés se retrouvent ainsi avec des droits différents en fonction des filiales où ils travaillent. L’entreprise n’est pas imposée comme elle devrait l’être. Nous devons combattre cet artifice.

Nous proposons donc que le fisc français puisse s’intéresser au ratio entre le chiffre d’affaires français et le chiffre d’affaires mondial d’entreprises comme McDonald’s et puisse le comparer au ratio entre le bénéfice français et le bénéfice mondial. Si ces ratios sont manifestement décorrélés, l’administration fiscale pourrait recalculer les bénéfices réels de l’entreprise en France. Par exemple, si une entreprise réalise 10 % de son chiffre d’affaires mondial en France, il faudrait qu’elle déclare environ 10 % de ses bénéfices mondiaux en France. Cette solution s’inspire de la proposition de l’économiste Gabriel Zucman.

Après la malbouffe, Mc Donald’s développe la « malexploitation » et la magouille fiscale : cela devient insupportable !

M. le Rapporteur général. Votre dispositif serait totalement neutralisé par les conventions fiscales, ce qui le rendrait inapplicable. Par ailleurs, vous retenez pour le chiffre d’affaires celui des entreprises contrôlées, mais si ces entreprises ont déjà payé leur juste part d’IS, pourquoi les prendre en compte dans le calcul de l’IS de leur société mère ? Ce dispositif de double imposition pose problème.

Enfin, la mission d’information de notre collègue Bénédicte Peyrol avait étudié une piste similaire, bien que reposant sur une logique assez distincte pour éviter sa neutralisation par les conventions. Cette piste avait été expressément écartée car le système était trop complexe et la question de la double imposition restait toujours posée. Mon avis sera donc défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle passe à lamendement I-CF784 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. Depuis 2018, et jusqu’en décembre 2020, les entreprises soumises à l’IS bénéficient d’une taxation à taux réduit de la plus‑value réalisée lorsqu’elles cèdent des terrains ou des locaux destinés à la construction de logements dans les seules zones A et A bis. Il serait opportun de réintégrer la zone B1 dans ce dispositif car les grandes métropoles régionales connaissent, elles aussi, de fortes tensions en termes de foncier et de logements. Cela permettrait en outre d’assurer la cohérence entre le soutien de l’offre et celui de la demande, la majorité ayant choisi de maintenir le prêt à taux zéro et le dispositif « Pinel » dans ces zones B1.

M. le Rapporteur général. Vous souhaitez revenir sur le resserrement adopté lors de la précédente loi de finances. Je n’y suis pas favorable.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à la discussion commune des amendements I-CF505 de M. Éric Woerth et I-CF774 de M. Fabien Roussel.

M. le président Éric Woerth. L’amendement I-CF505 vise à neutraliser le double effet du CICE : son passage de 7 à 6 points l’année dernière, d’une part, et la hausse de l’IS liée à l’augmentation du résultat des entreprises du fait des allégements de cotisations sociales, d’autre part.

Nous avons donc recalculé la trajectoire de l’IS pour neutraliser cet effet, afin que les entreprises ne soient pas pénalisées par votre décision de transformation du CICE en baisse de charges sociales. Je suis sûr que cet amendement rencontrera la sagesse du rapporteur.

M. le Rapporteur général. Une telle sagesse poserait problème car elle nous coûterait 7 milliards d’euros ! Bien que diminué en cette fin de journée, je reste attentif aux chiffres... Mon avis sera donc défavorable.

M. le président Éric Woerth. Votre avis n’était pas positif sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; il pourrait l’être pour cet amendement.

M. le Rapporteur général. Mais mon avis a été favorable sur les œuvres audiovisuelles, monsieur le président !

M. Fabien Roussel. Contrairement à vous, monsieur le président, nous proposons de maintenir le taux d’impôt sur les sociétés à 33 %. Nous ne souhaitons pas entrer dans la guerre fiscale qui se joue actuellement en Europe et dans le monde : c’est à celui qui baissera le plus son taux d’imposition sur les sociétés ! À ce jeu-là, d’ailleurs, en Europe, le Brexit et le Royaume-Uni gagneront et nous y perdrons tous.

En outre, le maintien d’un taux d’IS à 33 % est bon pour le budget de l’État.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est complètement orthogonal à la trajectoire de baisse du taux d’impôt sur les sociétés, engagée par la précédente majorité et qui est poursuivie et accentuée par l’actuelle. Mon avis est donc défavorable.

M. le président Éric Woerth. La trajectoire pourrait être accentuée si vous votiez l’amendement I-CF505 !

M. Fabien Roussel. Avons-nous connaissance du coût de cette baisse de l’IS pour l’État, selon la taille des entreprises et leur chiffre d’affaires ?

Mme Bénédicte Peyrol. Je vous rappelle que nous avons commandé des études économiques. L’une d’entre elle concerne l’IS. Vous y trouverez tous les chiffres, par secteur d’activité et par région, et tous les éléments sur lesquels vous vous interrogez. Je vous invite à la lire, elle est très instructive.

M. le président Éric Woerth. Toutes ces études ont été transmises aux commissaires.

M. le Rapporteur général. M. Roussel pourra aussi utilement lire mon rapport d’information de juillet 2018 sur l’application des mesures fiscales. Toutes ces données y figurent.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine lamendement I-CF647 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. À nouveau, nous souhaitons abonder le budget de l’État et trouver des recettes pour nos retraités et nos services publics. Notre amendement revient sur l’exonération d’IS pour les plus-values encaissées par des personnes physiques ou morales, et spécialement les holdings, en cas de vente de leurs filiales ou titres de participation détenus depuis plus de deux ans, dispositif également appelé « niche Copé ».

Depuis 2004, cette niche a coûté près de 70 milliards d’euros au budget de l’État ! Et ce montant augmente tous les ans. Ces chiffres mériteraient que l’on s’attache à vérifier l’utilité du dispositif. C’est pourquoi nous vous proposons de le supprimer dans un premier temps, afin de retrouver des marges de manœuvre budgétaires.

M. le président Éric Woerth. Cela n’aurait qu’une conséquence : entraîner le départ des holdings.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement.

Mme Émilie Cariou. Monsieur le président, cela fait deux fois que vous utilisez cet argument. J’ai le regret de vous dire que plusieurs rapports du Conseil des prélèvements obligatoires soulignent que l’instauration de la niche Copé n’a permis aucune relocalisation de holding financière ou familiale. Avant le vote de cette disposition, les plus-values étaient taxées à 19 % et cela n’avait aucune conséquence – jamais on a observé de fuites massives de holdings. De même, lorsque cette niche a été instaurée, il n’y a eu aucune relocalisation massive.

M. le président Éric Woerth. C’est une opinion...

Mme Émilie Cariou. Non, ce sont des faits.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient à la discussion commune des amendements I-CF1113 et ICF1114 de Mme Valérie Rabault.

Mme Christine Pires Beaune. Sans remettre en cause la nouvelle trajectoire de baisse de l’IS votée à l’article 84 de la loi de finances pour 2018, l’amendement I-CF1113 vise à avantager les PME en relevant le plafond du chiffre d’affaires sous lequel une entreprise peut prétendre à un taux à 15 % et à en élargir l’assiette. L’amendement I‑CF1114, de repli, ne relève que le plafond, sans élargissement de l’assiette.

M. le Rapporteur général. Le débat a déjà eu lieu lors de l’examen du PLF pour 2018. Le ministre l’avait rappelé en séance publique, le coût serait de 1,5 milliard d’euros pour le premier amendement et de 200 millions pour le second. C’est beaucoup... Mon avis sera donc défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle passe à lamendement I-CF840 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à annuler la baisse de l’impôt sur les sociétés prévue dans les prochaines années pour les grandes entreprises et, à l’inverse, à baisser dès 2019 l’IS pour les plus petites entreprises. Le taux serait de 15 % pour la part des bénéfices inférieurs à 38 120 euros. Nous baisserions le taux de 28 % à 25 % pour les bénéfices entre 38 120 et 75 000 euros. Nous gèlerions le taux à 28 % pour les bénéfices entre 75 000 et 500 000 euros et à 33,3 % au-delà.

Pourquoi ? Nous ne comprenons pas la logique de cette baisse de 33 à 25 % en 2022 pour toutes les entreprises. Vous employez à tort l’argument du dumping fiscal de nos voisins, qui expliquerait cette nécessité de baisser l’impôt. En outre, si les taux nominaux d’IS ont baissé au sein de l’Union européenne, l’IS brut, quant à lui, ne représente que 2,2 % du PIB français, alors qu’au sein des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, la moyenne se situe à 2,5 % et que vingt-deux pays présentent un ratio d’IS sur PIB supérieur à celui de la France.

Notre amendement rapporterait en outre 25 milliards d’euros à l’État entre 2019 et 2022, puis 10 milliards à partir de 2022.

Enfin, il améliorerait également l’égalité entre PME et grandes entreprises. En effet, à coups d’optimisation et de conseils de leurs avocats, les très grosses entreprises paient depuis longtemps moins de 33 % d’impôt sur les sociétés, ce qui n’est pas le cas des PME.

M. le Rapporteur général. C’est totalement orthogonal à ce qu’a prévu le Gouvernement. Mon avis sera donc défavorable.

M. Éric Coquerel. C’est encore une fois « orthogonal » ! Dans l’Hexagone, on doit faire en sorte que les grandes entreprises paient l’impôt !

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques I-CF785 de Mme Lise Magnier et I-CF834 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Lise Magnier. Le taux normal d’IS va progressivement diminuer, de 33,33 à 25 %. Il serait cohérent d’aligner le taux réduit d’impôt sur les sociétés applicable aux cessions immobilières sur cette trajectoire. C’est ce que propose l’amendement.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement va dans le même sens. Si nous avons agi sur la trajectoire du taux normal, il faut appliquer la même trajectoire au taux réduit. Dans le cas contraire, l’écart ne sera plus significatif et ce taux réduit ne présentera plus d’intérêt.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques.

Elle en vient à lamendement I-CF347 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Cet amendement s’inscrit dans la logique de simplification de la transmission des entreprises, dont nous avons déjà parlé, et de suppression des freins financiers à la transmission. Il prévoit la diminution de quinze à cinq du nombre minimum de salariés-repreneurs nécessaires pour bénéficier du crédit d’impôt en faveur des sociétés reprises en interne.

M. le Rapporteur général. Mon avis sera défavorable, mais je ne suis pas opposé par principe au fait d’élargir ce dispositif peu coûteux aux reprises par cinq salariés. Pour autant, il me semble que le système devrait rester collégial, car c’est un gage de réussite du projet de reprise. Je vous propose de retirer l’amendement, mais je suis ouvert à une discussion avec le Gouvernement sur ce sujet en séance.

Lamendement est retiré.

*

*     *

Article additionnel après l’article 18
Création dun plancher dérogatoire et dun plafond aux versements déductibles au titre de la réduction dimpôt sur les sociétés « mécénat »

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1456 du Rapporteur général et I-CF1320 de Mme Sarah El Haïry, les amendements identiques ICF264 de M. Jean-Pierre Vigier, I-CF285 de M. Marc Le Fur, I-CF384 de M. Nicolas Forissier et I-CF939 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que les amendements I-CF753 de M. Matthieu Orphelin et I-CF903 de M. Cédric Roussel.

M. le Rapporteur général. De nombreux amendements ont été déposés sur la dépense fiscale liée au mécénat. Celui que je vous propose a pour objet douvrir la discussion avec le Gouvernement pour que nous aboutissions en séance.

Aujourd’hui, les montants versés sont pris en compte dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires, c’est-à-dire 0,5 %. Cette limite peut être bloquante pour les PME qui désirent donner plus, sans toutefois avoir un chiffre d’affaires élevé. C’est la raison pour laquelle je propose un plancher alternatif de 10 000 euros, qui pourrait être retenu lorsqu’il est supérieur au montant correspondant à 0,5 % du chiffre d’affaires.

En outre, pour éviter un effet d’aubaine pour les grands groupes qui, à l’autre bout de la chaîne, peuvent imputer des montants très importants, je vous propose un second plafond de versement maximum de 10 millions d’euros.

Je souhaite trouver avec vous un compromis qui permette de faire appel au Gouvernement sur ce sujet qui me semble extrêmement important, et qui fait l’objet d’un grand nombre d’amendements déposés par des députés issus de tous les groupes. Si vous pouviez vous rallier à cette proposition, j’en serai extrêmement reconnaissant.

Cet amendement est cosigné avec Gilles Carrez, qui a également travaillé sur ce sujet.

Mme Sarah El Haïry. Le sujet est extrêmement important dans nos territoires, où les premiers donateurs sont les TPE et PME. Si une entreprise réalise un chiffre d’affaires d’un million, la limite de 0,5 % représente à peine 5 000 euros, alors que les entreprises sont volontaires et souhaitent participer.

Créer cette franchise permettra de fluidifier les possibilités de mécénat dans nos territoires. Cela touche le patrimoine, la culture, les projets d’utilité sociale. C’est un amendement de bon sens, nous l’avions déjà évoqué l’année dernière lors de la discussion du PLF, mais il fallait le travailler davantage. C’est un tournant dans la vision de la philanthropie et du mécénat français.

M. le président Éric Woerth. Est-ce que les sommes retenues correspondent aux réalités économiques ?

Mme Perrine Goulet. Je ne comprends pas la tournure de la phrase à propos du plancher de 10 000 euros.

Je vous alerte aussi sur le plafond de 10 millions d’euros : dans le domaine de la culture, certaines entreprises donnent plus que cette somme.

M. le Rapporteur général. Comme je l’ai dit, je souhaite un amendement d’appel, commun à l’ensemble des groupes, pour que nous puissions aboutir en séance à un dispositif raisonnable.

Vous avez raison, pour certains grands projets culturels, nous pouvons peut-être changer la donne. Cela étant, des sommes trop importantes peuvent emporter des effets excessifs.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit de sommes comprises entre 10 000 euros et 10 millions.

M. Nicolas Forissier. Je propose, avec l’amendement I-CF384, de porter le plafond à 10 pour mille du chiffre d’affaires au lieu de 5 pour mille. La logique est la même, l’idée est de permettre aux petites entreprises de participer plus efficacement.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF939 s’inscrit également dans cette logique, mais je n’ai pas prévu de plancher ou de plafond. Je pense que l’amendement du Rapporteur général est plus équilibré, du fait de ces garde-fous. Il faut veiller à laisser ce plafond à 10 millions pour ne pas trop ouvrir la vanne.

M. Éric Alauzet. L’amendement I-CF753 porte sur le secteur spécifique de l’agroalimentaire et des dons en nature aux œuvres caritatives. S’y ajoute une problématique spécifique : si l’on veut que les choses fonctionnent dans ces secteurs, il faut supprimer le bénéfice lié à la dispense de régularisation sur la TVA sur les marchandises jetées. Sinon il est plus intéressant de jeter les aliments que de les donner aux associations.

M. Cédric Roussel. L’amendement I-CF903 va dans le même sens, peut-être de manière plus simple – mais les choses simples sont parfois les meilleures. Les TPE et PME jouent un rôle très important dans nos territoires. L’élargissement des possibilités du mécénat serait bénéfique au développement du sport local. Cet élément est très important pour tous ceux qui sont attentifs au financement de l’économie du sport. Il n’y a jamais trop de mécènes.

Mme Amélie de Montchalin. Je remercie le Rapporteur général, car la rédaction qu’il propose reprend de nombreux amendements en autorisant les TPE et PME à donner 10 000 euros, même si le seuil de 5 pour mille aboutit à un chiffre inférieur.

En vue de la séance, il faudrait peut-être apporter une précision quant au plafond. Pour une grande fondation d’utilité publique dont l’objet n’est pas commercial ou lié à une entreprise, on pourrait prévoir que ce plafond ne s’applique pas.

Vous le savez, je suis rapporteure spéciale du budget de la recherche : les entreprises dont les chiffres d’affaires sont importants devraient pouvoir donner au-delà de la limite de 5 pour mille à de grandes fondations de recherche médicale. Il en existe de plusieurs types. Cette précision pourrait être intéressante.

M. le président Éric Woerth. La question est de savoir si le seuil de 10 millions d’euros a un sens ou pas. Certes, c’est un coût pour les finances publiques. Mais certaines entreprises participent largement au développement culturel. Le coût fiscal a-t-il explosé ces dernières années ?

M. le Rapporteur général. La réponse est clairement : oui.

Je vous propose de modifier aussi l’exposé des motifs, si vous acceptez que nous nous réunissions autour d’un amendement que tout le monde signerait. J’inclurais alors les remarques de chacun à cet exposé des motifs afin de les présenter dans l’hémicycle, de manière à invoquer les bémols ou les ouvertures qui peuvent être faites, qu’il s’agisse des propos d’Éric Alauzet, d’Amélie de Montchalin ou du président Woerth. Nous aurions ainsi un cadre pour débattre en séance avec le Gouvernement.

Démontrons que la volonté unanime de la commission des finances est d’aboutir à un dispositif qui tourne, qui soit plus favorable aux PME, sans être abusif. Je tiens à ce dernier terme même si je comprends les remarques faites à l’instant sur les fondations.

M. le président Éric Woerth. C’est peut-être un système abusif, mais beaucoup de choses n’auraient pas été réalisées si cette disposition avait été rédigée ainsi. Un rapport de la Cour des comptes en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances doit être remis d’ici à la fin du mois d’octobre, sur le mécénat et ses conditions d’utilisation.

Je vois bien que des abus sont possibles, mais ce n’est pas forcément le cas. La France peut être gagnante à ce qu’un certain nombre d’œuvres ou d’initiatives très coûteuses soient menées à bien, ce qui n’aurait pas eu lieu sans le dispositif que nous connaissons.

M. le Rapporteur général. Je propose donc à tous ceux qui ont présenté un amendement à ce sujet de se rallier au mien. Je présenterai très honnêtement, dans l’exposé des motifs mais aussi oralement en séance, les questions qui se posent et vos observations.

Les amendements I-CF1320, I-CF264, I-CF285, I-CF384, I-CF939, ICF753 et ICF903 sont retirés.

La commission adopte lamendement I-CF1456 (amendement I-2511).

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Article additionnel après l’article 18
Assouplissement de la réduction dimpôt « mécénat » en direction des sociétés publiques locales

La commission en vient aux amendements identiques I-CF142 de Mme Lise Magnier, I-CF248 rectifié de M. Bertrand Bouyx et I-CF1321 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Lise Magnier. Pour accompagner la politique culturelle de nos territoires, portée par les collectivités, je vous propose de faire bénéficier du régime fiscal du mécénat les sociétés publiques locales qui agissent dans le domaine culturel.

M. Bertrand Bouyx. La situation est aujourd’hui paradoxale : des communes qui ont des biens culturels peuvent faire bénéficier les mécènes d’un rescrit fiscal, mais si les équipements passent sous le régime de sociétés publiques locales, ce n’est plus possible.

Cette situation défavorise les partenariats public-privé. Ne pas permettre à ces mécènes d’intervenir dans les mêmes conditions constitue une perte de chance pour nos territoires. Cela a d’ailleurs entraîné l’arrêt de projets dans certains territoires.

Mme Sarah El Haïry. Aujourd’hui, les collectivités peuvent se tourner vers des fonds de dotation, mais ils sont extrêmement lourds à monter, alors qu’en élargissant simplement la possibilité du mécénat, nous pourrions continuer à financer, sur notre territoire, le domaine culturel.

M. le Rapporteur général. À titre personnel, je ne peux qu’être favorable à ce type d’assouplissement, car les collectivités locales n’ont pas besoin de l’État pour porter un intérêt général dans le domaine culturel, au niveau local.

Vous proposez d’élargir ce mécanisme à toute activité culturelle faisant l’objet d’une délégation de service public.

Ces amendements semblent de bon sens, mais je n’ai pas eu d’échange avec le Gouvernement sur ce dispositif. Je rends donc un avis de sagesse, pour qu’ils soient discutés en séance dans de bonnes conditions.

Mme Amélie de Montchalin. Cette question me tient particulièrement à cœur. Je pense notamment au plateau de Saclay, et à des domaines qui ne sont pas forcément culturels. Ainsi, sur des problématiques de développement économique, d’insertion sociale ou d’animation des territoires, des projets pourraient être animés par des groupes qui réunissent des collectivités locales et des grandes entreprises, mais aussi des associations. Les grandes, et les petites, entreprises pourraient souhaiter financer une partie des activités.

L’avis de sagesse du Rapporteur général est extrêmement important pour que nous puissions avancer sur le domaine culturel, mais je pense qu’un travail plus large sur les fonds de dotation est nécessaire pour que sur un territoire donné, les acteurs économiques, associatifs et publics puissent travailler ensemble.

Aujourd’hui, si une collectivité apporte en nature des locaux ou paie un agent public dans un fonds de dotation, il est absolument interdit qu’un seul centime d’argent privé abonde cette structure. Cette complexité et ce manque de souplesse appellent des innovations. Cet amendement est un premier pas, nous devons mener une réflexion plus large.

La commission adopte les amendements identiques I-CF142, I-CF248 rectifié et I-CF1321 (amendement I-2509).

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Après l’article 18

La commission est saisie de lamendement I-CF719 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Cet amendement prévoit un plafond, mais uniquement pour les associations à but sportif.

De plus, le taux de la réduction d’impôt serait porté de 60 % à 80 % quand le don est à destination du sport féminin, ou du sport en situation de handicap.

M. le Rapporteur général. L’idée d’avoir un montant plancher de 5 000 euros, plutôt qu’un pourcentage du chiffre d’affaires, est certainement intéressante, notamment pour les PME.

S’agissant du taux renforcé, je crains que la contrainte budgétaire ne constitue un élément bloquant : il s’agit déjà d’une niche qui tangente le milliard d’euros.

Quant à savoir si le sport mérite un traitement plus avantageux que l’art, l’éducation ou l’humanitaire, c’est à chacun de trouver la réponse.

C’est l’ensemble du dispositif fiscal qui mérite d’être revisité, tant pour les PME que les grandes entreprises qui peuvent en tirer une aubaine fiscale. Je suis défavorable à cet amendement, mais je vous invite à le déposer pour que nous puissions en débattre en séance.

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF263 de M. JeanPierre Vigier et I-CF382 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. La logique est identique : il s’agit de faire sauter le plafond de déductibilité.

M. le Rapporteur général. Plutôt que d’entrer dans une logique sectorielle, peut-être faudrait-il avoir une vision d’ensemble de cette niche. En l’état, on ne voit pas pourquoi l’entretien des monuments historiques serait plus important que l’éducation des personnes défavorisées ou les projets humanitaires.

Avis défavorable, il faut revoir ces systèmes de manière plus complète.

M. Nicolas Forissier. Nous sommes d’accord, monsieur le Rapporteur général.

Les amendements sont retirés.

La commission en vient à lamendement I-CF986 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement tend à supprimer l’une des niches fiscales les plus scandaleuses actuellement : le crédit d’impôt recherche. Rien n’a été modifié depuis les attendus de la Cour des comptes dans son rapport de 2013 sur sa prétendue attractivité fiscale hors de nos frontières. En revanche, son coût pour les finances publiques augmente chaque année.

C’est d’ailleurs ce qu’a noté le Rapporteur général de la commission des finances, un certain Joël Giraud, en juillet 2018 : le coût du dispositif était de 6,27 milliards en 2017, soit 560 millions de plus que ce qui était inscrit dans le budget et les prévisions pour 2018 – 5,8 milliards – risquent d’être dépassées.

Bref, il faut en finir avec ce dispositif qui est loin de servir à la recherche en France. Orientons les sommes que le crédit d’impôt fait perdre à l’État sur l’enseignement supérieur et la recherche, la recherche et le développement public, au lieu de continuer à favoriser ce type de niches fiscales qui ne servent que les intérêts des entreprises qui les utilisent.

Mme Amélie de Montchalin. Au titre de mon rapport spécial sur le budget de la recherche, je ne peux pas laisser passer les propos de M. Coquerel.

Si nous voulions dépenser autant que l’Allemagne, il nous manque 10 milliards d’euros pour la recherche publique, et 30 milliards pour la recherche privée. Il y a un vrai besoin de financement de la recherche publique et un énorme besoin pour la recherche privée. Si nous avions ces 30 milliards de plus et que nous gardions le même dispositif, le crédit impôt recherche augmenterait. Aujourd’hui, le défi c’est de faire en sorte que chaque euro mobilisé, que ce soit par un crédit d’impôt ou par les budgets publics, arrive à générer plus d’innovations, plus de brevets, plus de compétitivité.

Oui, monsieur Coquerel, les montants augmentent. Un certain nombre de travaux d’évaluation ont été commandés, notamment par France Stratégie qui va pouvoir rendre un diagnostic assez clair sur les bénéfices en termes d’attractivité, de localisation d’emplois et de recherche. Nous pourrons alors avoir un débat éclairé. Mais nous ne devons pas oublier qu’en France, aujourd’hui, si nous voulons dépenser autant que l’Allemagne, il nous manque 10 milliards d’argent public et 30 milliards d’argent privé.

M. Éric Coquerel. Je ne suis pas d’accord avec cette vision. On a cassé la recherche publique, au profit de sommes qui partent en fumée. Souvent, en effet, cet argent bénéficie à des entreprises qui font d’énormes bénéfices et qui, à l’instar de Sanofi, licencient. Il n’y a aucun fléchage. L’exposé sommaire de mon amendement montre que la mesure n’atteint pas l’objectif initialement fixé.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement I-CF644 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Le crédit d’impôt recherche représente une dépense fiscale de 6,2 milliards d’euros pour 2019, ce qui n’est pas négligeable.

Nous considérons que ce dispositif peut être utile s’il est plafonné. C’est la raison pour laquelle nous proposons de plafonner les dépenses pouvant bénéficier du crédit d’impôt recherche à hauteur de 100 millions d’euros.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

La commission en vient à lamendement I-CF723 de Mme Perrine Goulet.

Mme Perrine Goulet. Cet amendement vise à créer un crédit d’impôt « activité physique ou sportive » au bénéfice des entreprises de moins de 250 salariés, car nous savons que le sport est bénéfique pour la qualité du travail et la santé.

Ce crédit d’impôt est du même type que celui qui existe pour les crèches, mais il serait limité à 300 euros par salarié pour les entreprises de moins de 250 salariés.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement I-CF1121 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. En France, on compte beaucoup de PME mais peu d’ETI. Depuis quelques années, nous cherchons à faire grandir ces PME pour les accompagner vers l’exportation, sans beaucoup de succès.

Il existait un crédit d’impôt pour les dépenses de prospection commerciale indispensables à cet égard. Malheureusement, il a été supprimé dans la loi de finances pour 2018. Cet amendement propose de le rétablir.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

La commission en vient à lamendement I-CF56 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. Cet amendement vise à faciliter le développement du télétravail, qui répond aux attentes de salariés de plus en plus nombreux, mais aussi à des enjeux de mobilité et d’aménagement du territoire.

L’amendement propose de mettre en place un crédit d’impôt « télétravail », sur le modèle du crédit d’impôt « nouvelles technologies » qui avait fonctionné de 2005 à 2007. Ce crédit d’impôt constituerait une aide pour financer les dépenses d’équipement consenties par les entreprises, notamment de matériels et logiciels.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, mais redéposez cet amendement en séance pour que nous puissions débattre du télétravail.

Mme Amélie de Montchalin. Avec Mme Dalloz, nous avons reprécisé hier qu’un fonds de 110 millions d’euros venait d’être créé pour financer, dans les petites zones rurales, des lieux destinés à accueillir ceux qui « télétravaillent ».

M. Vincent Descoeur. C’est un fonds pour les tiers-lieux, pour les télécentres. C’est une excellente chose, mais il est important d’inciter aussi les entreprises à développer le télétravail. Je parle d’expérience, venant d’un département qui a développé un réseau de télécentres. D’où l’intérêt de créer un crédit d’impôt.

La commission rejette lamendement.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements ICF479 et ICF469 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. À la suite des États généraux de l’alimentation, ces amendements soutenus par de nombreux députés portent sur les entreprises agricoles qui bénéficient du label « exploitation de haute valeur environnementale » (HVE), reconnu par le ministère de l’agriculture.

Nous souhaitons valoriser les exploitations HVE, même si elles ne pratiquent pas l’agriculture biologique. Il n’y a pas lieu en effet d’opposer HVE et agriculture biologique : la HVE oblige à des pratiques vertueuses qui répondent à un cahier des charges précis.

Il est proposé d’allouer un crédit d’impôt aux exploitations HVE, moins important que celui qui est accordé aux exploitations en agriculture biologique – à hauteur de 1 000 euros – en prévoyant un encadrement pour éviter le double bénéfice quand ces exploitations basculent en bio. Il s’agit d’amendements d’appel. Il est important en effet aujourd’hui de reconnaître la qualité de bon nombre d’agriculteurs, sans qu’ils soient nécessairement en agriculture bio.

M. le Rapporteur général. S’agissant d’amendements d’appel, j’en demande le retrait afin que le débat puisse avoir lieu en séance avec le ministre. Il serait bien que le ministre de l’agriculture soit également présent au banc.

Les amendements sont retirés.

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Article additionnel après l’article 18
Modalités dimposition des entreprises exploitant des satellites géostationnaires

La commission en vient à lamendement I-CF876 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est cosigné par M. Gilles Carrez et le président Woerth.

Il modernise le droit fiscal en intégrant une technologie qui n’existait pas lors de l’établissement des règles d’assiette : le satellite géostationnaire.

Il faut harmoniser les règles applicables à la navigation aérienne, maritime et, ici, spatiale, et de définir en fonction des spécificités des satellites, notamment de leur automatisation et de leur autonomie, s’ils constituent ou non une entreprise exploitée en France.

Ainsi, les satellites autonomes en orbite géostationnaire et dont la position et les fréquences ont été attribuées par l’Union internationale des télécommunications, s’ils ne supposent pas d’intervention humaine particulière une fois en position, ne seraient pas des entreprises exploitées en France.

Il s’agit de faire en sorte que nous ayons un régime fiscal pour des entreprises comme Eutelsat. Il est réclamé depuis un certain temps et constitue une condition du maintien dans notre pays de tels organismes. Nous y travaillons depuis un moment avec Gilles Carrez, qui avait d’ailleurs commencé à y réfléchir avec ma prédécesseure. Nous avons enfin abouti avec le Gouvernement.

La commission adopte lamendement (amendement I-2510).

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Après l’article 18

La commission examine lamendement I-CF841 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. L’un des scandales auquel nous assistons depuis plusieurs dizaines d’années est le renforcement d’une noblesse d’argent. La part du patrimoine hérité dans le patrimoine total est passée de 45 % en 1970 à 70 % actuellement. Cette explosion de la part héritée renforce les inégalités de fait depuis la naissance. Aujourd’hui, 0,01 % des plus riches détiennent un patrimoine de plus de 33 millions d’euros.

Nous proposons donc de rendre le barème de notre impôt sur l’héritage plus progressif en rajoutant des tranches pour arriver au taux de 100 % pour la très petite part des Français qui touchent des héritages supérieurs à 33 millions d’euros.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, ce taux est considéré confiscatoire par le Conseil constitutionnel.

M. Éric Coquerel. J’attendais une autre réponse sur ce vrai souci. J’ai cru comprendre qu’une réflexion avait été lancée sur les successions. Mais il semble qu’elle ait été abandonnée. Le fait qu’en France, les inégalités dès la naissance soient de plus en plus flagrantes pose problème. Ces inégalités sont dues notamment à la faible imposition de la transmission. Certes, c’est confiscatoire mais nous assistons à une explosion d’inégalités.

La commission rejette lamendement.

La commission en vient à lamendement I-CF1164 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Je ne boude pas mon plaisir de vous présenter le dernier amendement de notre réunion, à cette heure tardive !

Vous avez décidé de faire fromage et dessert avec le CICE en 2019 : deux fois 20 milliards, une fois pour le CICE et une fois pour les baisses de cotisations sociales patronales. Cumuler les deux dispositifs, c’est gonflé !

Pour notre part, nous considérons que c’est orthogonal avec une véritable politique de justice sociale... Nous vous proposons donc de ne garder qu’un seul des deux dispositifs.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

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Article 19
Suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation (TICPE)
sur le gazole non routier

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article est destiné à supprimer les régimes fiscaux spécifiques de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) du gazole non routier.

Le gazole non routier (GNR) est un mélange d’hydrocarbures d’origine minérale ou de synthèse utilisé pour le fonctionnement des moteurs qui ne sont pas destinés à la propulsion de véhicules sur les routes, sauf pour les entreprises du secteur ferroviaire et agricole ; il est « sous conditions d’emploi ». Sa justification originelle était de valoriser la mécanisation du secteur agricole et des travaux publics ; elle favorise désormais la compétitivité de ces secteurs.

Les produits concernés sont le gazole, les gaz de pétrole liquéfié (GPL) et les émulsions d’eau dans le gazole.

Le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur gazole non routier est, en 2018, la neuvième dépense fiscale la plus coûteuse, d’un montant de 1 965 millions d’euros. Peu vertueuse sur le plan environnemental, elle conduit la TICPE à ne couvrir qu’imparfaitement la consommation de carburants et les externalités induites en matière d’émission de CO2.

Cet article organise également la mise en place d’un tarif réduit directement applicable à la mise en consommation du produit pour les agriculteurs, qui bénéficient actuellement du tarif réduit sur le GNR, mais également d’une procédure de remboursement de la différence entre le tarif du GNR et un tarif spécifique fixé à 3,86 euros par hectolitre. Ce tarif réduit directement applicable, fixé à 3,86 euros, est destiné à simplifier les démarches des agriculteurs et à leur éviter des avances de trésorerie en matière d’achat de gazole. En conséquence, la procédure de remboursement du différentiel est supprimée.

Les entreprises ferroviaires continueront à bénéficier de l’actuel tarif réduit, mais au moyen d’une nouvelle procédure de remboursement.

Le présent article possède une incidence budgétaire positive d’environ un milliard d’euros, constituée par le solde entre la suppression du GNR et la mise en place d’un tatif direct spécifique pour le gazole agricole.

Dernières modifications législatives intervenues

Le régime fiscal privilégié du gazole sous condition d’emploi a été instauré par la loi n° 669-923 du 14 décembre 1966 portant modification de diverses dispositions du code des douanes. Si son système n’a pas fondamentalement évolué, le dispositif voit son assiette et ses taux régulièrement actualisés. La dernière modification date de la loi de finances pour 2018.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article n’a pas été adopté par la commission.

I.   L’État du droit

A.   une dépense fiscale de près de 2 milliards d’euros destinée à favoriser la compétitivité de certains secteurs économiques

1.   La taxe intérieure de consommation applicable aux produits énergétiques

Les taxes intérieures de consommation (TIC) sont des droits d’accises sur les produits énergétiques qui consistent à appliquer un tarif aux quantités de produits énergétiques mises à la consommation. La première d’entre elles par son montant, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), constitue aussi l’imposition principale des carburants tels que le gazole ou les essences.

La TICPE s’applique aux quantités de produits pétroliers ou assimilés lorsqu’ils sont destinés à être utilisés comme carburants pour moteur ou combustibles de chauffage. Son recouvrement auprès des compagnies pétrolières et des distributeurs est confié à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Elle est exigible dès la mise à la consommation des produits, conformément à la directive relative au régime général d’accise ([299]), et couvre tant les importations que la fabrication de produits pétroliers. Pour les produits déjà mis à la consommation dans un autre État membre de l’Union européenne, la taxe est exigible lors de leur réception en France. Le barème de la taxe est fixé aux tableaux B et C du 1 de l’article 265 du code des douanes, qui détaillent le niveau du tarif appliqué pour chaque produit pétrolier concerné.

principaux tarifs de TICPE

(en euros)

Produit

Indice

Unité

Tarifs 2018

Supercarburant (SP 95-E 5 et SP 98)

11

hl

68,29

Supercarburant (SP 95-E 10)

11 ter

hl

66,29

Gazole (diesel)

22

hl

59,40

Gazole non routier (GNR)

20

Hl

18,82

Propane et butane (GPL)

30 ter et 31 ter

100 kg

33,13

Gaz naturel carburant (GNV)

36

100 m3

5,80

Source : article 265 du code des douanes.

Les tarifs de la TICPE incluent une composante fixe et, depuis la loi de finances pour 2014 ([300]), une composante carbone dite « contribution
climat-énergie » (CCE) ou « taxe carbone ». La composante carbone, qui ne prend ni la forme d’une taxe séparée, ni d’une composante identifiable au sein de chaque tarif de TIC applicable à chaque produit, est destinée à favoriser la lutte contre le réchauffement climatique en limitant les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Elle est calculée, pour chaque produit, en fonction du contenu carbone standardisé émis lors de l’utilisation d’un produit énergétique et de la valeur de la tonne de carbone.

trajectoire de la composante carbone pour la période 2018-2022

 (en euros par tonne de dioxyde de carbone)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Contribution climat-énergie

44,6

55

65,4

75,8

86,2

Source : article 9 de la loi de finances pour 2018.

Si la TICPE constitue l’imposition principale des carburants tels que le gazole ou les essences, elle est toutefois plus favorable au gazole routier qu’à l’essence, puisque le tarif applicable en 2018 au gazole est de 59,40 centimes d’euro par litre tandis que celui applicable à l’essence SP 95 est de 68,29 centimes d’euro par litre. En outre, le gazole non routier obéit à des tarifs spécifiques.

2.   Le gazole non routier

Les agriculteurs, comme le secteur des travaux publics, bénéficient depuis la loi du 14 décembre 1966 d’une intervention économique pour réduire leurs dépenses de carburant ([301]). Ceci s’est traduit par l’application d’un taux réduit de TICPE sur leurs achats de carburants. Mise en place, à l’origine, pour aider à la mécanisation des secteurs concernés – notamment l’agriculture –, cette réduction a été maintenue, afin de soutenir leur compétitivité par une baisse des coûts de production.

Les secteurs qui sont éligibles à la consommation du gazole non routier (GNR) paient directement lors de l’achat de leur carburant un tarif de consommation de 18,82 euros par hectolitre (soit 18,82 centimes par litre), contre 59,40 euros par hectolitre pour le gazole routier, en 2018.

a.   Le critère de la nature des produits

Le GNR est un mélange d’hydrocarbures d’origine minérale ou de synthèse destiné à des moteurs ou engins cités dans l’arrêté du 10 novembre 2011 ([302]). Il s’agit du gazole visé à l’indice 20 du tableau B du 1° de l’article 265 du code des douanes.

trajectoire tarifaire du gnr pour la période 2018-2022

(en euros par hectolitre)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Tarif

18,82

21,58

24,34

27,09

29,85

Source : article 265 du code des douanes.

b.   Le critère d’utilisation des produits

Il est utilisé pour le fonctionnement des moteurs qui ne sont pas destinés à la propulsion de véhicules sur les routes, sauf pour les entreprises du secteur ferroviaire et agricole ; il est « sous conditions d’emploi ». Il en est ainsi des moteurs stationnaires dans les entreprises, des installations et machines utilisées dans la construction, les travaux publics ou le génie civil.

Ainsi, le gazole sous conditions d’emploi peut être utilisé en bénéficiant d’un taux réduit de TIC pour l’alimentation des moteurs :

– fixes, y compris les moteurs au banc : il s’agit, par exemple, des moteurs placés sur fondation dans des ateliers ou des usines, et qui sont destinés à actionner des engins de travail par l’intermédiaire d’une courroie ;

– autres que de propulsions, montés sur des machines ou appareils qu’ils ont pour fonction d’actionner : il s’agit, par exemple, des pompes, compresseurs, générateurs ou d’autres appareils de forage, de manutention ou de travaux publics qui possèdent un moteur qui peut être distingué du moteur de propulsion ;

– de propulsion, mais seulement pour l’alimentation de véhicules et engin visés par arrêté ([303]), comme les tracteurs de type agricole ou forestiers.

3.   Le régime spécial relatif aux agriculteurs

Les exploitants agricoles bénéficient d’un remboursement partiel de la TICPE pour ce qui concerne le GNR, le fioul lourd, le gaz de pétrole liquéfié et le gaz naturel qu’ils achètent ([304]).

Les bénéficiaires de la mesure sont les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricoles participant à la mise en valeur d’une exploitation ou d’une entreprise agricole à titre individuel ou dans un cadre sociétaire, affiliés à l’assurance maladie, invalidité et maternité des personnes non salariées des professions agricoles en application de l’article L. 722-10 du code rural et de la pêche maritime ou affiliés au régime social des marins au titre de la conchyliculture, les personnes morales ayant une activité agricole au sens des articles L. 722-1 à L. 722-23 du même code et les coopératives d’utilisation en commun de matériel agricole (CUMA) dont le matériel est utilisé dans les exploitations agricoles en vue de la réalisation de travaux définis aux articles L. 722-2 et L. 722-3, ainsi que les personnes redevables de la cotisation de solidarité mentionnées à l’article L. 731-23. Ils sont environ 200 000 à bénéficier de la mesure.

Le montant des remboursements pour les quantités acquises à compter de 2014 est égal à la différence entre la TICPE applicable aux produits considérés et les montants de tarifs agricoles suivants : 3,86 euros par hectolitre pour le gazole non routier ; 1,85 euro par tonne pour le fioul lourd ; 0,910 euro pour 100 kilogrammes nets de gaz de pétrole liquéfié ; 0,119 euro pour 1 000 kilowattheures pour le gaz naturel.

Mécanisme du remboursement de TICPE du GNR utilisé par les agriculteurs

Les agriculteurs s’approvisionnent directement en GNR à la pompe, puis remplissent un formulaire de remboursement partiel de TIC sur les volumes de GNR utilisés dans le cadre de leurs activités.

En 2018, le remboursement est équivalent à la différence entre le tarif de TICPE de 18,82 euros/hl et le tarif du gazole agricole de 3,86 euros/hl, soit 14,96 euros/hl.

Le prix de vente moyen de GNR en France, au premier semestre 2018, est de
0,906 euros/l ([305]).

Ainsi, le remboursement de TICPE sur le GNR représente, en moyenne, 14,96 centimes par litre, soit 16,51 % du prix à la pompe.

(1)    Comité professionnel du pétrole, Bulletin mensuel, n° 678, juin 2018.

Le montant de cette dépense fiscale est évalué à 247 millions deuros en 2018, en augmentation de + 61,44 % par rapport à 2016 ([306]).

B.   un dispositif en contradiction avec les objectifs de réduction de la consommation de carburant et de transition énergétique

La loi de finances pour 2018 ([307]) constitue la dernière modification des tarifs de la TICPE, via un rehaussement de la trajectoire de la contribution climat-énergie qui avait été créée par la loi de finances pour 2014 ([308]). Elle vise notamment à rapprocher la fiscalité du diesel et celle de l’essence, alors que la France connaît encore un taux de diésélisation de son parc automobile important, à hauteur de 55 %.

Aussi, la subsistance de la dépense fiscale sur le GNR apparaît en contrariété avec les objectifs affichés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de neutralité carbone à horizon 2050 du Plan climat, encore rappelé dans la feuille de route 2018 du ministère de la transition écologique et solidaire ([309]).

1.   Le tarif réduit de TICPE sur le GNR est une dépense fiscale coûteuse et néfaste pour l’environnement

Dans son rapport consacré à l’efficience des dépenses fiscales au développement durable ([310]), la Cour des comptes soulignait que, « concernant les transports, les incohérences sont nombreuses, avec une fiscalité largement défavorable au développement durable, malgré certaines évolutions récentes, et des dispositifs, comme le bonus-malus, qui ont donné lieu à dimportants effets daubaine. Les dispositions de détaxe du carburant restent largement orientées vers le soutien aux secteurs économiques concernés, au détriment de leur impact sur lenvironnement ». La Cour évaluait le total des dépenses fiscales défavorables à l’environnement à 13 milliards d’euros pour l’année 2015.

En 2018, la dépense fiscale sur le taux réduit de TICPE sur le GNR sous condition demploi, repris à lindice 20 du tableau B de larticle 265 du code des douanes, constitue la neuvième plus importante dépense fiscale française, dun montant de 1,96 milliard deuros ([311]).

Selon l’évaluation préalable du présent article, les usages non agricoles des carburants concernent pour 37 % le secteur du bâtiment et des travaux publics, pour 6 % le transport ferroviaire non électrifié et pour 57 % une utilisation diffuse dans les secteurs de l’industrie, notamment l’industrie extractive, du commerce et du transport.

L’exonération, totale ou partielle, de taxes sur les carburants est admise en droit européen « en raison dune harmonisation insuffisante au niveau communautaire, des risques de perte de compétitivité au niveau international ou de considérations sociales » ([312]). Ces exonérations visent souvent un secteur donné – comme l’agriculture ou la pêche – avec pour objectif le maintien de la compétitivité. Les mesures fiscales de soutien sectoriel par détaxe de carburant portaient en 2014 sur 33 % des émissions françaises de CO2 par combustion d’énergie fossile, avec un taux de soutien moyen de 64 euros par tonne de CO2.

Ainsi, la taxation et les dépenses fiscales portant sur l’énergie sont plus modulées selon le soutien recherché à certains secteurs économiques nationaux qu’en fonction des externalités négatives liées à la pollution et l’impact climatique. Si la détaxe ou la réduction de taxe d’un carburant est compatible avec les règles européennes portant sur les aides d’État, elle induit un biais de comportement en affichant un coût de l’énergie plus faible, ce qui correspond, économiquement, à une distorsion des prix relatifs.

La préservation de la compétitivité des secteurs de l’agriculture et des travaux publics a commandé l’intervention étatique qui a fait le choix, dès 1966, de réduire le montant des dépenses de carburants des acteurs de ces secteurs. Pour autant, limportance de cette dépense fiscale heurte frontalement les engagements écologiques de la France contemporaine.

Plus précisément, le tarif réduit de TICPE sur le GNR est incohérent avec le rapprochement, à horizon 2021, de la fiscalité du gazole et de lessence adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2018.

2.   La double dépense fiscale au profit des agriculteurs

Le cumul des deux dépenses fiscales – taux réduit agricole et remboursement partiel – en faveur des agriculteurs conduit à une sous-tarification de la consommation de GNR au regard de ses effets environnementaux, en particulier l’effet de serre.

Le taux réel de TICPE actuellement acquittée par les agriculteurs, de 3,86 centimes par litre correspond à une taxe carbone très éloignée de la « valeur tutélaire du carbone », de 44,6 euros la tonne en 2018. En effet, lors de sa combustion, un litre de gazole rejette 2,67 kg de CO2 ([313]). Ainsi, la combustion de 374,53 litres de gazole aboutit au rejet d’une tonne de CO2. Pourtant, du fait du tarif réduit touchant au GNR et à son remboursement partiel au profit des agriculteurs, ceux-ci nacquittent quune taxe carbone implicite égale à 14,45 euros la tonne ([314]).

Pour rappel, cette valeur désigne le prix de la tonne de CO2 fixé par l’État au regard de ses engagements dans la lutte contre le réchauffement et notamment l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050, issu du Plan climat. Cette valeur est d’ailleurs amenée à évoluer, conformément à la lettre de mission du Premier ministre adressée, le 22 février 2018, à France Stratégie, afin que soit réunie une commission chargée de la réviser.

Pour autant, la fragilité du secteur agricole national implique de ne supprimer les aides dont il bénéficie qu’avec la plus grande prudence. Aussi le Gouvernement n’a-t-il pas fait le choix de la suppression de cette double dépense fiscale, compte tenu de la situation particulière du secteur ; de double, l’aide est néanmoins simplifiée.

En effet, dès 2011, le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales soulevait que « la coexistence de deux dépenses fiscales sur la TICPE pour le secteur agricole, lune passant par loctroi direct dun tarif réduit à la pompe, lautre par un remboursement complémentaire à partir de ce tarif réduit, pose plusieurs difficultés. Tout dabord, dun point de vue environnemental, le dispositif décourage doublement ladaptation des exploitations à un profil de production plus écologique et vient contredire lobjectif de réduction des émissions polluantes sous-tendant les dispositions du Grenelle de lEnvironnement. Dautre part, un même objectif de soutien à la rentabilité agricole est réalisé à partir de deux outils fiscaux, ce qui engendre nécessairement des doublons dans les coûts de gestion administrative » ([315]).

Aussi, la procédure de remboursement est supprimée au profit de la mise en place d’une tarification agricole directe.

II.   Le dispositif proposé

A.   une suppression du gazole non routier, mais un maintien de tarifs spécifiques de ticpe à destination des agriculteurs et du transport ferroviaire

1.   Le tarif réduit de TICPE sur le GNR est supprimé

Le présent article supprime l’indice 20 du tableau B de l’article 265 du code des douanes à compter du 1er janvier 2021.

Ainsi, l’ensemble des secteurs concernés par l’utilisation de GNR – à l’exception notable du secteur agricole – ne pourront plus bénéficier du tarif réduit de TICPE sur le gazole à partir de cette date, et seront soumis aux taux de TICPE du gazole de droit commun de l’indice 22 du tableau B de l’article 265 du code des douanes.

TRAJECTOIRE DE RAPPROCHEMENT ENTRE LES TARIFS DE TICPE SUR LE GNR
ET SUR LE GAZOLE A PARTIR DE 2021

(en euros par hectolitre)

Source : commission des finances.

2.   La procédure de remboursement de différentiel sur déclaration des agriculteurs est remplacée par un tarif direct avantageux à leur profit

La procédure de remboursement, en dépit de sa dématérialisation, nécessite actuellement la compilation et la vérification de l’ensemble des factures d’achat, ce qui constitue une charge administrative significative.

Surtout, du fait de son annualité, elle conduit les exploitants agricoles à devoir consentir une avance de trésorerie égale à la différence de fiscalité entre le GNR et le gazole à usage agricole au moment de l’achat du carburant. Cette avance ne sera ensuite remboursée que l’année suivant l’achat.

Cet effet de trésorerie représente, selon l’évaluation préalable, 300 millions d’euros en 2018. Cette avance est en outre amenée à croître, du fait de la hausse de la TICPE actée dans dernière trajectoire carbone définie par la loi de finances pour 2018, qui concerne le GNR mais non le gazole à usage agricole.

COMPARAISON DE LAVANCE DE TRÉSORERIE CONSENTIE EN MATIÈRE DE TICPE
PAR LES AGRICULTEURS À LA MISE EN PLACE DUN TARIF DIRECT AGRICOLE

Source : commission des finances.

3.   La mise en place d’un taux réduit de TICPE sur remboursement pour le carburant des véhicules affectés au transport ferroviaire

Le présent article créé un nouvel article 265 octies A du code des douanes, destiné à compenser la suppression du GNR pour les entreprises ferroviaires.

Ainsi, de telles entreprises pourront bénéficier d’un mécanisme de remboursement d’une fraction de la TICPE entre le gazole identifié à l’indice 22 du tableau B de l’article 265 du code des douanes et les montants en euros par hectolitres suivants.

trajectoire du taux réduit de ticpe sur remboursement
pour le transport ferroviaire

(euros par hectolitres)

2019

2020

2021

2022

21,58

24,34

27,09

29,85

Source : présent article.

Ce mécanisme de remboursement est analogue à celui qui existe actuellement pour les entreprises agricoles, quoiqu’à un montant inférieur ; il doit être précisé par décret.

B.   L’impact budgétaire et Économique attendu

1.   Un gain pour les finances publiques

Selon lévaluation préalable transmise par le Gouvernement, la mesure constitue un gain net de 980 millions deuros pour le budget général de lÉtat.

Cette somme est constituée par le solde obtenu entre la suppression de la dépense fiscale de 1 960 millions d’euros du GNR et la mise en place du nouveau tarif direct agricole.

Gain budgétaire de la mesure POUR l’ÉTAT

(en millions d’euros)

2019

2020

2021

2022

+ 980

+ 810

+ 900

+ 1040

Source : évaluation préalable du présent article.

Cette suppression permet de dégager des ressources pour la mise en place du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), qui comprend des mesures d’aides que le Gouvernement souhaite mieux ciblées. Elle s’inscrit dans le cadre de la rationalisation des aides fiscales en faveur des entreprises.

2.   Un coût pour le secteur de la construction

La création d’une dépense fiscale en faveur du secteur agricole et des travaux publics avait pour objectif de compenser le poids relativement plus élevé de la consommation d’énergie dans ces secteurs. Ces secteurs sont toujours les bénéficiaires le plus importants du taux réduit de TICPE sur le GNR.

En 2015, le secteur de la construction a consommé 3,7 mégatonnes-équivalent-pétrole (Mtep) d’énergie, soit 2,5 % de la consommation finale d’énergie en France. La facture énergétique s’élève à 4,1 milliards d’euros. Les produits pétroliers représentent 89 % de l’énergie consommée, dont 61 % pour le gazole routier et 22 % pour le gazole non routier.  Les produits pétroliers sont presque les seules énergies consommées dans les travaux publics ; le GNR constitue 43 % de la consommation d’énergie en la matière. Cette énergie représente 97 % de l’énergie consommée sur les chantiers ([316]).

Néanmoins, l’évaluation préalable de l’article évalue la consommation intermédiaire en produits raffinés à 0,8 % de la valeur totale de la production de ce secteur.

3.   Une évolution favorable au secteur agricole

En 2016, la consommation énergétique des exploitations agricoles a été estimée à 3,54 Mtep. Les charges directes en énergie se sont élevées à 9 700 euros en moyenne par exploitation. De manière significative, le GNR a été à l’origine de 54 % de la facture énergétique des exploitations ; cette part a dépassé 70 % dans les grandes cultures ainsi que chez les éleveurs de bovins ([317]).

Avec la mise en place d’un tarif direct agricole, le secteur devrait bénéficier, à partir de 2019, d’un gain de trésorerie pérenne. L’impact net sur la période 2019-2022 en faveur du secteur est estimé à 470 millions deuros par l’évaluation préalable.

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*     *

La commission est saisie des amendements de suppression I-CF62 de M. Patrick Hetzel, I-CF221 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF459 de Mme Véronique Louwagie, ICF711 de M. Jean-Louis Masson et I-CF949 de M. Marc Le Fur.

M. Thibault Bazin. L’article 19 est un des articles qui fait le plus polémique de ce PLF puisqu’il prévoit la suppression du taux réduit de la TICPE sur le gazole non routier (GNR), notamment pour les entreprises de travaux publics.

Vous n’êtes pas sans savoir que le marché est tendu et qu’un certain nombre de chantiers sont déjà engagés avec les collectivités. Une telle mesure ferait passer le litre de gazole de 1 euro à 1,50 euro dès le 1er janvier 2019 et les entreprises pourraient voir leur marge baisser de près de 60 %, dans un secteur qui se caractérise déjà par un très faible taux de marge nette : 2 %. Nous vous proposons donc de supprimer cet article qui déstabiliserait profondément ce secteur économique, en particulier les PME du bâtiment et des travaux publics, dans nos territoires.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement a le même objet. La suppression du taux réduit de TICPE sur le GNR aurait des conséquences importantes, va lourdement impacter le secteur du bâtiment et des travaux publics qui s’en trouvera grandement fragilisé.

Mme Véronique Louwagie. Cet article met à la charge du monde économique, de l’industrie, des travaux publics, une augmentation brutale et soudaine, alors que ces secteurs se relèvent à peine d’une crise importante et que la reprise dans le bâtiment est plus faible qu’annoncée. Qui plus est, cette mesure n’a fait l’objet d’aucune concertation sérieuse avec les secteurs concernés. D’où mon amendement de suppression.

M. Jean-Louis Masson. Mes collègues ont déjà excellemment défendu l’amendement. Cette mesure fiscale risque d’entraîner une baisse significative du volume d’investissements des collectivités locales dans les infrastructures si cette hausse est répercutée sur les prix.

M. Marc Le Fur. Mon amendement répond au même souci. Je me suis renseigné auprès d’une entreprise de ma circonscription, qui salarie un peu moins de 300 personnes dans le secteur des carrières et des travaux publics : elle estime que cette mesure pourrait lui coûter 3 millions d’euros.

L’article 19 entraînera des difficultés pour ce secteur et un surcoût pour leurs clients, collectivités et entreprises du bâtiment, au moment même où les travaux d’infrastructures, notamment routières, commencent à décliner.

M. Joël Giraud, Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. Cela mériterait quelques arguments...

M. le Rapporteur général. Je vous renvoie à mon rapport.

La commission adopte les amendements de suppression I-CF62, I-CF221, I-CF459, ICF711 et I-CF949 (amendement I-2512).

En conséquence, larticle 19 est supprimé et tous les amendements sy rapportant tombent.

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*     *

Après l’article 19

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF367 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF615 de M. Thibault Bazin et I-CF655 de Mme Véronique Louwagie, lamendement I-CF1106 de Mme Christine Pires Beaune ainsi que les amendements identiques I-CF116 de M. Vincent Descoeur, I-CF569 de Mme Véronique Louwagie, I-CF614 de M. Thibault Bazin et I-CF754 de M. Matthieu Orphelin.

M. Thibault Bazin. La loi de transition énergétique a fixé des objectifs précis et ambitieux, dont la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre et la réduction de 50 % de la consommation d’énergie finale.

Les associations de collectivités – AMF, Assemblée des communautés de France, France Urbaine, Régions de France – et plusieurs organisations non gouvernementales proposent de doter les EPCI et les régions d’une partie des recettes générées par l’augmentation de la fiscalité sur le carbone, ce qui leur permettrait de financer leurs actions en faveur de la transition énergétique. Ce juste retour des recettes dans les territoires viendrait contrebalancer la hausse de la fiscalité punitive adoptée hier. Tel est l’objet de mon amendement I-CF615.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I-CF655 a été excellemment défendu par mon collègue Thibault Bazin.

Mme Christine Pires Beaune. Sur le modèle de « l’eau paie l’eau », l’amendement I-CF1106 prévoit que la TICPE revient pour partie aux collectivités qui ont adopté un plan climat-air-énergie ou un schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie.

M. Thibault Bazin. Dans le même esprit, nous proposons par l’amendement I‑CF614 de créer des contrats territoriaux « bas carbone », ce qui permettrait de financer l’ingénierie nécessaire pour déclencher les investissements.

M. le Rapporteur général. J’émets un avis défavorable sur la première série d’amendements identiques.

L’amendement I-CF1106 est intéressant et je sais que le Gouvernement réfléchit à un dispositif similaire à celui proposé par Mme Pires Beaune. Je suggère donc son retrait afin qu’un dialogue puisse s’engager avec le Gouvernement, sur un sujet qu’il souhaite lui-même aborder.

Mme Christine Pires Beaune. J’accepte de le retirer. Nous le redéposerons en séance.

M. le Rapporteur général. Il en va de même pour la seconde série d’amendements identiques : je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer pour les déposer à nouveau en séance, afin d’y travailler avec le Gouvernement.

Mme Bénédicte Peyrol. Je souhaite rappeler qu’une part non négligeable de la TICPE est déjà affectée aux régions pour financer l’apprentissage et aux départements pour financer le revenu de solidarité active (RSA). Par ailleurs, plus de 7 milliards sont affectés au compte d’affectation spéciale Transition énergétique. Nos discussions en séance publique permettront de clarifier ce que nous souhaitons faire, mais il ne faut pas laisser croire qu’aucune part de TICPE n’est affectée aux collectivités.

De plus, la contribution climat énergie (CCE) n’est qu’une composante de la TICPE. Le rendement de la contribution, en 2017, est de l’ordre de 2,6 milliards sur un total de 11 milliards de recettes. À vouloir affecter la fiscalité environnementale au financement de la transition écologique, on peut perdre à ce jeu, car sa part dans la TICPE n’est pas aussi importante que ce l’on peut imaginer.

La commission rejette les amendements identiques I-CF367, ICF615 et ICF655.

Lamendement I-CF1106 est retiré.

Les amendements identiques I-CF116, I-CF569, I-CF614 et I-CF754 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF660 M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF691 de M. Vincent Descoeur.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous avons le sentiment que le Gouvernement instrumentalise l’écologie à des fins budgétaires. Dans un contexte de remontée des prix du pétrole, la hausse programmée sur cinq ans du diesel, comme des autres carburants, pèse très lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages, notamment ceux qui, dans les zones rurales, sont obligés d’utiliser leur véhicule. L’augmentation des taxes d’ici à 2022 représentera un coût supplémentaire de 240 euros par an – jusqu’à 370 euros pour ceux qui parcourent plus de 20 000 kilomètres. En conséquence, nous proposons par l’amendement I-CF660 une baisse de la fiscalité applicable aux particuliers.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. La hausse de la TICPE a été conçue comme un signal prix, à un moment où les cours étaient relativement bas. Maintenant qu’ils ont remonté, le signal n’est plus donné par la fiscalité, mais par le coût de la matière première elle-même : le diesel à la pompe a dépassé 1,50 euro et l’essence 1,65 euro. Il va falloir se poser un certain nombre de questions.

M. Jean-Louis Bricout. La fiscalité écologique, par le fait qu’elle est indirecte et sans lien avec le revenu des contribuables, porte un coup assez sévère au pouvoir d’achat des plus fragiles. Son impact est beaucoup plus fort et vient s’ajouter à l’inflation, qui grève déjà la part importante de leur budget consacrée à l’énergie. La fiscalité écologique vient se heurter au mur des réalités sociales : il faudra se poser la question de son acceptabilité, et tendre à l’amoindrir ou à mieux la redistribuer en direction de ceux qui n’ont pas les moyens.

M. Jean-Paul Dufrègne. C’est un amendement d’alarme. On ne peut pas raisonner de la même manière quand le baril de pétrole est à 30 dollars et lorsqu’il atteint les 80 dollars. Les conséquences sont terribles et cette question ne peut être traitée en ajoutant systématiquement des taxes aux taxes.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine les amendements I-CF707, I-CF708, I-CF704 et, en discussion commune, les amendements I-CF790 et I-CF793 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’amendement I-CF707 vise à instaurer une fiscalité adaptée pour le fioul domestique contenant 10 % d’ester méthylique d’acide gras, dit F10. Il prévoit de créer une nouvelle ligne fiscale à l’article 265 du code des douanes, et de lui appliquer une TICPE diminuée de 5 centimes d’euros par litre par rapport à celle appliquée au fioul standard, ces 5 centimes correspondant à l’avantage énergétique des 10 %.

Cette mesure va dans le sens de la transition énergétique puisque le F10 est un nouveau type de fioul ayant vocation à anticiper la réduction de la teneur en soufre de 1 000 PPM à 50 PPM à l’horizon 2024 et qu’il contribuera à réduire les émissions de CO2 et de polluants atmosphériques. Par ailleurs, elle permettra d’accompagner dans la transition énergétique les ménages les plus modestes, encore dépendants du chauffage au fioul, tout en préservant leur pouvoir d’achat.

Dans la même logique, l’amendement I-CF708 vise à instaurer une fiscalité adaptée pour le fioul domestique contenant 30 % d’ester méthylique d’acide gras, dit F30.

Répondant aux mêmes objectifs, l’amendement I-CF704 a pour objet d’appliquer au carburant B10 une TICPE réduite.

L’amendement I-CF790 vise à figer le tarif de la TICPE du GPL, qui est en fait un carburant de transition.

Enfin, dans la loi de finances pour 2018, nous avions supprimé à mon initiative l’exemption de TICPE du butane/propane utilisé comme combustible. L’objectif de la mesure était de fixer, comme pour les autres énergies, un tarif fondé sur la CCE, mais avec une application progressive sur cinq ans pour lisser les effets. Toutefois, la valeur 2022, qui devait correspondre à 100 % de la CCE appliquée au butane/propane, a été établie à 33,13 euros/100 kg, alors qu’elle devait être de 25,73 euros/100 kg. C’est un loupé, que je vous propose de corriger grâce à l’adoption de l’amendement I-CF793.

M. le Rapporteur général. Monsieur de Courson, je vous invite à retirer ces amendements afin qu’une discussion avec le Gouvernement puisse avoir lieu sur ce sujet : on ne touche au tableau B de l’article 265 du code des douanes que d’une main tremblante... Je ne suis pas opposé à l’adaptation de la fiscalité, mais je souhaiterais connaître l’impact chiffré qu’auraient de telles mesures ainsi que leurs effets sur les filières françaises de production.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de lamendement I-CF661 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Les dispositions fiscales s’appliquant au secteur aérien posent légitimement de nombreuses questions au regard de l’impact de cette activité sur l’environnement. Il y a lieu d’adapter notre législation fiscale aux urgences environnementales et de favoriser les modes de transport vertueux, comme le transport public ferré de voyageurs. Nous proposons donc de supprimer l’exonération de TICPE pour l’ensemble des vols intérieurs proposés par les compagnies aériennes.

M. le Rapporteur général. Pensez un instant aux vols intérieurs à destination de l’outre-mer, qui sont à 100 % sous pavillon français... Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF388 de la commission du développement durable et I-CF1327 de M. Bruno Millienne.

Mme Lauriane Rossi, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de laménagement du territoire. L’amendement vise à favoriser la collecte et la valorisation des huiles alimentaires usagées en les exonérant de TICPE. Seules les huiles végétales pures bénéficient d’une exonération totale, sur le fondement de l’article 265 ter du code des douanes, lorsqu’elles sont utilisées comme carburant agricole par les exploitants qui produisent les plantes nécessaires à leur fabrication, pour les transports en commun de personnes ou pour l’avitaillement des navires de pêche. En ne considérant plus les huiles alimentaires usagées comme des déchets, mais comme des combustibles, cette mesure peut contribuer à l’émergence d’une filière.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement de M. Bruno Millienne va exactement dans le même sens. Les huiles alimentaires usagées utilisées à des fins énergétiques pourraient ainsi ne plus être déversées dans les réseaux d’assainissement, ce qui améliorera la gestion des déchets et la qualité de l’eau. Par ailleurs, leur valorisation permettrait de réduire les émissions de CO2 par rapport à d’autres procédés de production de chaleur. Il nous semble justifié qu’elles bénéficient de cette exonération, au même titre que d’autres huiles.

M. le Rapporteur général. Je ne méconnais pas l’utilité et l’intérêt environnemental des huiles alimentaires usagées, mais je ne suis pas certain que l’exonération totale de TICPE soit la bonne solution. Je vous invite à retirer ces amendements et à les redéposer en séance, de façon à pouvoir discuter de ce sujet avec le Gouvernement.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de lamendement I-CF705 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Les exploitants de taxis, les transporteurs routiers de marchandises et les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs peuvent obtenir le remboursement d’une fraction de la TICPE applicable au gazole standard de l’indice 22.

Cet amendement de cohérence vise à étendre ce dispositif au B10, afin de favoriser ce carburant contenant jusqu’à 10 % de biodiesel produit à partir de colza. Jusqu’à présent, il n’en bénéficie pas alors qu’il permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

M. le Rapporteur général. Même si, à titre personnel, je ne suis pas fermé à un tel amendement, je vous invite à le retirer pour une nouvelle discussion en séance.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement I-CF662 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cet amendement d’appel me permet d’insister sur le fait que des mesures d’incitation pour une transition plus douce et plus acceptée sont sans doute possibles. Le présent amendement vise à supprimer le remboursement partiel de la TICPE sur le diesel en faveur des poids lourds de 7,5 tonnes et plus, dans la perspective d’une mise en place des aides à l’investissement pour des poids lourds moins émetteurs.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Puis, elle examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF89 de Mme Véronique Louwagie et I-CF232 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que lamendement ICF952 de Mme Aude Bono-Vandorme.

Mme Véronique Louwagie. Les entreprises grandes consommatrices d’énergie bénéficient d’un taux réduit de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN). Toutefois, la rédaction actuelle prive du bénéfice de ce taux réduit certaines entreprises de secteurs d’activité de niche, comme celles des légumes déshydratés, car elles ne correspondent pas aux critères. Il vous est proposé à travers l’amendement I-CF89 de geler le taux de TICGN à son niveau actuel afin de préserver la soutenabilité économique de ces entreprises.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF232 est défendu, avec les mêmes arguments.

M. François Jolivet. Le législateur doit s’emparer de ce sujet qui concerne le maintien d’activités liées à la diversification de la production agricole. Les entreprises du secteur des légumes déshydratés, dont l’une se trouve dans la circonscription de Mme Bono‑Vandorme, co-auteure de l’amendement I‑CF952, emploient 500 salariés et ont passé des contrats avec 500 agriculteurs, mais la progressivité de la TICGN fait qu’elles ont des seuils de rentabilité très faible.

À la différence des précédents, l’amendement vise à exonérer de la majoration progressive de TICGN mise en œuvre depuis 2014 au titre de la taxe carbone toutes les entreprises pour lesquelles les TIC représentent plus de 0,5 % de la valeur ajoutée, en retenant le tarif qui leur était applicable à la date du 31 décembre 2014, majoré de 0,33 euro par mégawattheure en pouvoir calorifique supérieur.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas favorable à l’idée de créer une nouvelle niche pour quatre entreprises...

M. François Jolivet. Et mille emplois !

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine lamendement I-CF1367 de M. Bruno Millienne.

M. Jean-Noël Barrot. Cet amendement d’appel vise à proposer la suppression de l’exonération de TICPE pour les livraisons de fioul lourd d’une teneur en soufre supérieure à 1 %, utilisé dans les installations de cogénération équipées de dispositifs de désulfuration des fumées. La suppression de cette exonération très ciblée serait à même de faire évoluer des pratiques qui ont des effets très lourds sur la biodiversité.

M. le Rapporteur général. Comme cet amendement vise à appeler l’attention du Gouvernement sur ce sujet, je vous invite à le retirer et à le déposer en séance.

M. Jean-Noël Barrot. C’est ce que nous allons faire.

Lamendement est retiré.

La commission est saisie de lamendement I-CF938 de M. Benoit Simian.

M. Benoit Simian. En tant que rapporteur spécial pour les Infrastructures et services de transports, je vous propose un amendement visant à exonérer les exploitants de chemins de fer touristiques de la taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC), afin de défendre le patrimoine ferroviaire français. Aujourd’hui, lorsque les associations de cheminots font circuler des trains historiques – il ne reste plus guère de locomotives à vapeur en France –, elles sont fortement pénalisées par l’application de la TICC. Même si je suis convaincu que l’hydrogène sera le charbon du XXIe siècle, je pense qu’il convient de faire un geste pour soutenir ces associations – avec une mesure dont le coût sera, en tout état de cause, inférieur à 100 000 euros.

M. le Rapporteur général. Si je partage l’intérêt de notre collègue pour la préservation de notre patrimoine ferroviaire ancien, j’estime que la mesure proposée constitue un mauvais signal politique en ce qu’elle vise à préserver une niche fiscale. Si je reconnais que celle-ci coûte moins cher que la suppression du GNR, j’y suis néanmoins défavorable.

M. Benoit Simian. Les Suisses, eux, appliquent cette mesure !

La commission rejette lamendement.

Elle examine les amendements identiques I-CF412 de Mme Véronique Louwagie et ICF498 de M. Marc Le Fur.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement vise à étendre, dans l’article 266 quinquies C du code des douanes, le taux réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité aux installations électro-intensives exploitées par des coopératives agricoles ou des exploitations agricoles.

M. le Rapporteur général. Cet amendement a été déposé si souvent qu’il en est devenu un marronnier... Pour ma part, j’y suis toujours défavorable.

M. le président Éric Woerth. Qu’avez-vous donc contre les marronniers, monsieur le Rapporteur général ? Je vais fonder une amicale...

M. Patrick Hetzel. Cet amendement n’est pas qu’un marronnier : il se rapporte à un sujet extrêmement important en termes de compétitivité pour les entreprises agricoles françaises, et je trouve dommage qu’on le balaie d’un revers de main.

La commission rejette les amendements identiques.

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Article additionnel après l’article 19
Prorogation et élargissement des conditions aux fins de bénéficier de la déduction exceptionnelle en faveur des véhicules lourds

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements ICF1437 du Rapporteur général, I-CF1179 de Mme Amélie de Montchalin, ICF591 de M. Julien Aubert, I-CF706 de M. Charles de Courson, I-CF395 de la commission du développement durable, ICF942 de M. Benoit Simian, I-CF718 du président Éric Woerth et I-CF222 rectifié de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. le Rapporteur général. L’amendement I-CF1437 a pour objectif d’encourager l’investissement des entreprises, notamment de transport routier, dans des solutions de mobilité plus respectueuses de l’environnement et de la qualité de l’air.

Pour cela, il est proposé, d’une part, de proroger jusqu’au 31 décembre 2021 le dispositif de la déduction exceptionnelle en faveur des véhicules lourds fonctionnant au gaz naturel et au biométhane ainsi que ceux qui utilisent le carburant ED95, afin de ne pas interrompre la dynamique de développement de la filière du transport routier et de permettre aux entreprises du secteur d’anticiper au mieux leurs décisions d’investissement ; d’autre part, d’élargir son champ d’application à des véhicules de même catégorie, mais fonctionnant à partir d’énergies propres, non visées par les dispositions actuelles – notamment les véhicules équipés d’une motorisation électrique ou à pile à hydrogène.

M. Damien Pichereau. Avec l’amendement I-CF395, la commission du développement durable propose d’assortir le dispositif de suramortissement de 40 % existant pour l’acquisition de véhicules lourds d’une mesure de suramortissement de 20 % pour l’acquisition de véhicules utilitaires légers dont le poids est supérieur à 2,6 tonnes, lorsqu’ils sont motorisés au gaz naturel et à l’électricité par batterie ou à pile à combustible.

Ce levier permettra ainsi d’accompagner les objectifs ambitieux de décarbonation des transports, comme je le préconise dans mon rapport issu de la mission gouvernementale sur l’exploitation des véhicules utilitaires légers – ces véhicules jouant un rôle essentiel pour le dernier kilomètre de livraison.

Les professionnels estiment que les véhicules motorisés au gaz ou à l’électricité sont encore trop chers pour permettre d’envisager un remplacement du parc. De leur côté, les constructeurs font valoir que, pour que les prix d’achat de ces véhicules diminuent, il faut qu’ils se vendent en plus grande quantité, afin d’amortir les coûts de recherche et développement.

Je fais donc appel à votre bienveillance, monsieur le Rapporteur général, et suis tout à fait disposé à sous-amender votre propre amendement afin de cumuler le dispositif de prorogation qu’il contient et le dispositif de suramortissement de l’amendement.

M. Benoit Simian. Je suis tout à fait d’accord avec ce que viennent de dire M. le Rapporteur général et notre collègue de la commission du développement durable et, considérant que l’objectif consistant à étendre le champ de l’incitation fiscale aux véhicules utilitaires électriques et à hydrogène constitue un encouragement évident à la mobilité zéro émission, je me rallie à l’amendement de M. le Rapporteur général et je retire mon amendement I-CF942, qui poursuivait le même objectif.

M. le président Éric Woerth. J’ai moi-même déposé un amendement I‑CF718, mais je me rallierai à celui de M. le Rapporteur général, dont le champ d’application est plus large. Pour ce qui est du véhicule électrique, il existe un contrat de filière avec les constructeurs, dans lequel les utilitaires sont inclus. Dans un contexte où l’industrie automobile doit relever de multiples défis, et alors que sa survie comporte des enjeux essentiels aux territoires français et européens en termes d’emplois et d’investissement, il est important de respecter ce contrat de filière.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le cadre de la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie, il avait été fixé l’objectif de 40 000 poids lourds roulant au gaz naturel pour véhicules (GNV) ou au bioGNV. Pour atteindre cet objectif ambitieux, il convient de maintenir le dispositif de suramortissement et de le prolonger, comme le prévoient l’amendement de M. le Rapporteur général et notre amendement I-CF222 rectifié.

M. le Rapporteur général. J’invite nos collègues ayant présenté les amendements I‑CF1179, I-CF591, I-CF706, I-CF395, I-CF942, I-CF718 et I‑CF222 rectifié à retirer leurs amendements et à se rallier à mon amendement I‑CF1437, qu’ils pourront cosigner. Pour ce qui est de l’amendement I-CF1179, je précise à Mme de Montchalin qu’il n’est pas identique au mien s’agissant de la date d’entrée en vigueur. Par ailleurs, je suggère à M. Pichereau de retirer l’amendement I-CF395 de la commission du développement durable, dont l’objet est différent du mien – la question spécifique des véhicules utilitaires légers pourra être évoquée en séance ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin. Je vous félicite pour votre perspicacité, monsieur le Rapporteur général, et je retire mon amendement pour me rallier au vôtre.

M. Damien Pichereau. Pour ma part, je maintiens l’amendement I‑CF395.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas défavorable à votre amendement, monsieur le Rapporteur général, mais j’appelle votre attention sur le fait que, contrairement à notre amendement I-CF706, le vôtre ne concerne pas les véhicules qui utilisent du carburant B100. Pourriez-vous rectifier votre amendement afin d’en tenir compte et d’aboutir ainsi à un dispositif complet et cohérent ?

M. le Rapporteur général. Ne disposant pas d’éléments d’information suffisamment précis au sujet du B100 et de son coût, je vous invite à sous‑amender mon amendement en séance publique, cher collègue.

M. Charles de Courson. Je retire mon amendement et je présenterai en séance publique un sous-amendement à l’amendement du Rapporteur général.

Mme Véronique Louwagie. Je retire l’amendement I-CF591.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je retire l’amendement I-CF222 rectifié.

Les amendements I-CF1179, I-CF591, I-CF706, I-CF942, I-CF718 et ICF222 rectifié sont retirés.

La commission adopte lamendement I-CF1437 (amendement I-2513).

En conséquence, lamendement I-CF395 tombe.

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Après l’article 19

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF394 de la commission du développement durable, ainsi que I-CF748 et ICF747 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Ce matin, le baril de pétrole affichait un cours de 83 dollars. Or, la transition écologique et l’acceptabilité de la trajectoire carbone ne se posent pas dans les mêmes conditions selon que le pétrole affiche un tel niveau de prix ou qu’il est deux fois moins élevé, comme c’était le cas il y a un an – je vous invite à prendre connaissance de l’article très instructif que Christian de Perthuis et Boris Solier viennent de publier à ce sujet dans La Tribune.

Avec ces trois amendements, il vous est proposé un mécanisme innovant ayant pour objectif de maintenir notre fiscalité incitative et notre trajectoire carbone en renforçant, durant les années où le pétrole est cher, les dispositifs d’accompagnement des ménages – notamment l’aide à l’achat d’un véhicule électrique et les mécanismes redistributifs tels que le chèque énergie –, et plus particulièrement ceux situés en zone rurale ou qui touchent un revenu inférieur au revenu médian.

Je vous invite à voter en faveur de l’amendement I-CF747, qui présente une rédaction plus solide que les deux autres.

Si nous avons effectivement augmenté la fiscalité écologique sur les carburants, ce que nous assumons, la hausse de 4 à 7 centimes par litre ne représente qu’une petite partie de la hausse globale ; mais les Français ne voient que les 30 centimes de plus par litre à la pompe, dont 22 centimes sont dus à l’augmentation du prix du baril.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui, nous l’avions bien dit !

M. le Rapporteur général. Si ces amendements posent des principes intéressants, leur rédaction me semble devoir être affinée. J’invite donc leurs auteurs à les retirer pour les redéposer en séance publique, afin qu’un dialogue puisse s’établir avec le Gouvernement sur le sujet extrêmement important auquel ils se rapportent.

M. Vincent Descoeur. Si les mesures d’accompagnement proposées ne sont pas sans intérêt, je veux insister que le fait que ce qui met aujourd’hui à mal le budget de nos concitoyens, c’est le prix à la pompe et le prix du litre de fioul. La trajectoire n’ayant ni anticipé, ni intégré l’évolution du prix du baril, nous devons mettre en place des mesures de correction urgentes et, durant les périodes où le prix du baril explose, être capables de renoncer à une hausse de la fiscalité.

À défaut, certains de nos concitoyens se trouveront demain dans l’incapacité de faire le plein de leur véhicule. On parle d’un prix moyen des carburants, mais il ne faut pas perdre de vue que ce prix atteint parfois des niveaux extrêmes, notamment en zone rurale – dans une commune rurale du Cantal, le litre de diesel a récemment dépassé 1,70 euro à la pompe ! Pour ce qui est du fioul, son prix flirte avec 1 euro le litre, au point que des gens vont renoncer à remplir leur cuve... Nous devons être conscients du fait que nos compatriotes sont confrontés à d’importantes difficultés, et prendre les mesures d’urgence qui s’imposent afin de les soulager.

M. le président Éric Woerth. À une certaine époque, un système de taxe flottante a constitué une forme de réponse à la fluctuation des prix des carburants.

M. Charles de Courson. Effectivement, on appelait cela la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)...

M. le président Éric Woerth. Vous faites de l’archéologie fiscale, cher collègue ! La TIPP a été remplacée par la TICPE en 2011.

M. Charles de Courson. Qu’on l’appelle TIPP ou TICPE flottante, convenez que ce mécanisme n’a pas été un franc succès...

M. le président Éric Woerth. C’est exact, il a même été supprimé.

M. Éric Alauzet. Si nous maîtrisons l’une des deux composantes dont est constitué le prix final de l’énergie, en contrôlant le niveau des taxes incitatives comme des mesures de compensation dans le cadre de la trajectoire carbone, il en va tout autrement du cours des carburants, qui dépendant des marchés mondiaux.

Or, c’est ce prix final que voit le consommateur, et c’est donc de lui que dépend l’acceptabilité de la trajectoire carbone et de la transition écologique. Cela nous conduit à la question de l’affectation des contributions carbone : doivent-elles aller à l’environnement, à l’économie ou au social ? En fait, elles doivent aller aux trois, selon des proportions variant en fonction des arbitrages qu’exigent les circonstances. Au début, ces contributions ont été affectées au CICE, donc vers l’économie – c’est également le choix qu’ont fait les Suédois. Aujourd’hui, même ceux d’entre nous qui ont des convictions écologiques conviennent que tout ne peut pas aller aux projets environnementaux : une part de la collecte doit être consacrée à la restitution sociale, selon des modalités restant à déterminer. Si la question ne peut être tranchée aujourd’hui, elle est cruciale et nécessite que nous l’étudiions dans les semaines qui viennent, au cours des débats budgétaires que nous allons avoir.

M. Gilles Carrez. Ce sujet déjà ancien a commencé à être traité il y a une quinzaine d’années avec la mise en place de la TIPP flottante, mais ce dispositif n’a jamais vraiment fonctionné. À l’époque, nous avions étudié d’autres dispositifs, notamment celui consistant à déclencher des mesures de compensation dès que le prix du baril excédait un certain seuil. Cette piste, aujourd’hui reprise par Matthieu Orphelin, avait été rapidement abandonnée en raison du fait qu’elle constituait une rupture d’égalité : en effet, on ne peut lier des mesures de soutien ponctuelles à l’évolution, par nature volatile, du prix du baril. Le Gouvernement s’était donc rabattu sur une mesure générale dite de TIPP flottante, qui ne présentait pas cet inconvénient.

Lorsque le prix du baril augmente, la TIPP – ou désormais la TICPE – collectée, assise forfaitairement sur le volume consommé, a tendance à diminuer. Dans le même contexte, la TVA, qui est une taxe ad valorem, procure des recettes supplémentaires à l’État. L’idée était de recycler ces recettes supplémentaires de TVA en baisses de TIPP ; mais dans la pratique, cela n’a pas fonctionné.

En tout état de cause, nous devons bien être conscients du fait que le dispositif proposé par Matthieu Orphelin avait déjà été exclu, car il ne fonctionnait pas non plus.

Mme Amélie de Montchalin. Pour ma part, j’estime que la façon la plus efficace de faire face aux enjeux très importants dont il est ici question consiste à poursuivre la mise en œuvre des mesures visant à assurer la transition écologique, qu’il s’agisse de la prime à la conversion des automobiles ou du chèque énergie.

Pour ce qui est de la prime à la conversion des automobiles, elle présente deux aspects frappants. Premièrement, son succès va bien au-delà des attentes : elle concerne déjà plus de 250 000 véhicules, 70 % des conversions se font au profit de ménages non imposables et 90 % se font hors Île-de-France : ce sont donc bien les ménages les plus exposés à la hausse du prix des carburants qui bénéficient des mesures mises en place pour les aider.

Deuxièmement, comme des articles de presse grand public l’ont souligné, la voiture électrique commence à avoir un coût de revient inférieur à la voiture à moteur thermique classique. Il semble donc que, plutôt que de persister à vouloir appliquer des dispositifs ayant montré leur inefficacité, nous aurions intérêt à travailler à l’amélioration des systèmes d’aide à la transition. Le débat en séance publique devra nous permettre de déterminer, parmi ces mécanismes, lesquels doivent être renforcés, et dans quelle mesure, quand le cours du pétrole augmente.

Surtout, nous devons prendre conscience du fait que les dispositifs mis en place en 2018 affichent des résultats qui dépassent nos attentes, et méritent donc d’être renforcés – étant précisé que notre objectif n’est pas de nature monétaire : il s’agit avant tout de permettre une transition, et nous devons nous doter des moyens nécessaires pour cela.

M. le président Éric Woerth. Je note que la majorité prend enfin conscience des problèmes d’acceptabilité que pose l’augmentation des taxes censée permettre la trajectoire carbone écologique...

Mme Amélie de Montchalin. Cela ne nous est pas tombé dessus ce matin, monsieur Woerth : nous en avons pris conscience depuis longtemps. J’en veux pour preuve que, dès le PLF 2018, nous avions déjà beaucoup renforcé tous les dispositifs de conversion, qu’il s’agisse du chèque énergie ou des mesures concernant les automobiles. Aujourd’hui, constatant que les mécanismes mis en application l’année dernière fonctionnent beaucoup mieux qu’on ne s’y attendait, nous devons encore les renforcer, et nous assurer qu’il n’existe pas de freins budgétaires à la transition.

Mme Christine Pires Beaune. Je veux insister sur les difficultés rencontrées par les habitants de certains territoires qui n’ont aucune alternative à la voiture. Je ne vais pas faire la liste de tous les métiers, mais pour les aides-soignantes à domicile ou les aides ménagères, par exemple, un plein coûte aujourd’hui 15 à 20 euros de plus que l’année dernière – je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que cela représente dans le budget de ces personnes !

Il y a quelques années, on avait mis en place la TIPP flottante. Aujourd’hui, je pense que nous pourrions réfléchir à une TICPE flottante visant la cible que je viens d’évoquer, celle des personnes contraintes d’utiliser leur voiture en l’absence de transports en commun et de toute autre solution alternative.

En matière automobile, je pense que si le choix du tout diesel qui a été fait il y a quelques dizaines d’années s’est révélé être une monstrueuse erreur industrielle, le pari actuel du tout électrique en est une autre : cela va nous conduire à devenir totalement dépendants de la Chine dans ce domaine, car ce pays est l’un des seuls à posséder les matières premières indispensables au fonctionnement de la motorisation électrique...

M. Gilles Carrez. Comme cela a été le cas avec les panneaux solaires !

Mme Christine Pires Beaune. Effectivement, la Chine est le premier fabricant mondial de panneaux solaires. Cela doit nous amener à réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour éviter de reproduire la même erreur en matière de véhicules électriques – notamment, à mon sens, à favoriser le développement des véhicules hybrides, en particulier des véhicules hybrides rechargeables.

M. Jean-Paul Dufrègne. On ne peut faire l’économie du débat sur l’acceptabilité de la trajectoire carbone ; de ce point de vue, les propositions de Matthieu Orphelin ont le mérite d’exister. Pour ma part, j’estime qu’elles pourraient être financées par une taxe spéciale sur les dividendes versés par les compagnies pétrolières à leurs actionnaires – je vois que j’ai lâché le gros mot, et que certains en ont déjà la chair de poule... Que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, c’est un fait : ces compagnies s’engraissent sur le dos des Français, qui doivent travailler dur pour faire un plein de carburant tandis que d’autres fument tranquillement leur gros cigare !

Mme Valérie Rabault. Je veux revenir un instant sur les chiffres, au sujet desquels je suis en désaccord avec Matthieu Orphelin.

Pour un ménage de deux parents et deux enfants qui se chauffent au fioul domestique et utilisent un seul véhicule diesel – et on en a souvent deux dans les territoires ruraux –, la hausse des taxes a représenté l’an dernier une somme de 150 euros, auxquels il faut ajouter 30 euros de TVA. Selon la trajectoire que vous avez votée, et sans même tenir compte de la hausse à craindre du cours du baril, la hausse atteindra encore 130 euros – plus 26 euros de TVA – en 2019. Rien qu’en deux ans, ce ménage aura dû s’acquitter de 180 euros de taxes supplémentaires – hors TVA et hors hausse du cours du baril.

M. Éric Alauzet. Je ne sais pas d’où vous sortez ces chiffres ! Et ces taxes ont été mises en place durant le mandat précédent !

Mme Valérie Rabault. Jai été rapporteure générale de la commission des finances, et jai consulté toutes les simulations depuis 2012... Jassume les taxes mises en place au cours des années où jétais dans la majorité, mais reconnaissez que celles qui sont appliquées depuis lannée dernière, sont hors normes ! Je vais mettre à votre disposition un tableau faisant apparaître tous les chiffres depuis 2012 : vous pourrez vous confronter à la vérité sonnante et trébuchante des chiffres.

En 2022, avec la trajectoire que vous avez votée et pour le même ménage, une cuve de fioul de 2 200 litres par an et vingt pleins de 50 litres par an vont coûter 580 euros supplémentaires par rapport à 2017 ! Vous rendez-vous compte de l’ampleur de la baisse de pouvoir d’achat liée à la seule hausse des taxes – à laquelle il faut rajouter 20 % de TVA ? L’an dernier a été émise l’idée d’un chèque énergie destiné à compenser une partie de cette hausse, mais, à mon sens, ce dispositif n’est pas à la hauteur de la réduction du pouvoir d’achat subie par nos compatriotes, d’une ampleur inédite à ce jour. Jamais on n’avait assisté à telle une amputation du pouvoir d’achat.

Je conclurai en soulignant que seuls 3,7 milliards d’euros provenant des recettes supplémentaires procurées par la hausse de la fiscalité énergétique sont affectés à la transition énergétique.

M. le président Éric Woerth. Effectivement, la plus grande partie va au budget général, mais nous avons déjà eu l’occasion de dire tout cela.

Mme Véronique Louwagie. Je me réjouis que la majorité prenne enfin conscience de l’incidence de l’augmentation de la fiscalité énergétique sur le pouvoir d’achat des Français, qui représente un vrai problème – mieux vaut tard que jamais !

Si l’on ne peut qu’être d’accord avec les principes évoqués par Mme de Montchalin, notamment quant à la nécessité d’accompagner la transition, il n’en demeure pas moins nécessaire d’apporter rapidement une réponse aux Français, qui subissent une importante diminution de leur pouvoir d’achat en raison des orientations économiques décidées par la majorité. Les chiffres de Valérie Rabault sont éloquents : 580 euros de perte sur une année, c’est énorme, et je ne suis pas sûre que la baisse de la TH promise par le Gouvernement compense cette perte !

L’année dernière, nous vous avons alertés à maintes reprises sur cette situation : nous avons été plusieurs à appeler votre attention sur le fait que les mesures prises étaient insuffisamment anticipées et manquaient de discernement. Il est dommage que vous ayez mis si longtemps à prendre conscience de la réalité du problème, et j’espère que vous ne tarderez pas trop à apporter une vraie réponse aux Français en matière de pouvoir d’achat.

M. Matthieu Orphelin. Premièrement, ce que je propose ne revient pas à réactiver le mécanisme de la TIPP flottante : mon dispositif est plus simple.

Deuxièmement, vous pouvez toujours prendre des postures...

M. Patrick Hetzel. Elle est de votre côté, la posture !

M. Matthieu Orphelin. ... mais vous savez très bien que personne ne maîtrise les cours du pétrole ; or c’est précisément sur ces 22 centimes par litre que portent nos amendements, et non sur les 3 à 7 centimes que représente la fiscalité énergétique.

À chacune de mes propositions, il m’a été répondu que nous en débattrions en séance publique. Je veux bien le croire, mais j’espère surtout que les débats permettront d’aboutir à un renforcement des dispositifs d’accompagnement de la transition mis en place par l’État – chèque énergie, aide à la conversion des véhicules, etc. –, car il est nécessaire de trouver des solutions. Que l’on débatte, oui, mais pour aboutir.

M. François Pupponi. La majorité a fait le choix de prendre des mesures fiscales destinées à décourager les Français d’utiliser des véhicules diesel, afin de favoriser la transition écologique. Moi qui ai cette particularité d’être tout à la fois élu de banlieue et originaire d’un village de montagne, je ne comprends pas comment vous comptez que les habitants qui roulent au diesel et payent cher leur plein puissent vendre leur voiture diesel pourrie – on a la voiture qu’on peut – pour racheter une voiture électrique, alors même qu’on ne trouve pas une seule borne électrique dans les villages de montagne !

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Matthieu Orphelin. Je retire les amendements que j’ai présentés, en espérant que les débats en séance déboucheront sur de vraies solutions.

Les amendements I-CF394, ICF748 et I-CF747 sont retirés.

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Article 20
Mise en conformité du régime de TVA des services à la personne

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article est destiné à réviser le périmètre de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont bénéficient les associations pour les services à la personne.

En l’état du droit, les associations dont la gestion est désintéressée, et qui rendent des services à la personne, sont systématiquement exonérées de TVA lorsqu’elles disposent d’un agrément. Cette exonération résulte des dispositions combinées des 1° bis et 1° ter du 7 de l’article 261 du CGI, quelle que soit la situation du bénéficiaire de ces services.

Or, l’article 132 de la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA (dite « directive TVA ») ne permet d’exonérer que les services étroitement liés à l’aide et à la sécurité sociale, ainsi qu’à la protection de l’enfance et de la jeunesse. Aussi, la Commission européenne a engagé contre la France une procédure précontentieuse le 2 juin 2014, au motif que le dispositif français possède un champ d’application qui excéderait ce que permet l’article 132 de la directive TVA.

Le présent article met en conformité la législation nationale avec le droit de l’Union européenne, afin d’éviter tout contentieux futur.

La modification du 1° ter du 7 de l’article 261 du précité resserre le périmètre de l’exonération de la TVA en instaurant une triple limitation. Ainsi, l’exonération n’est possible que lorsque trois caractéristiques sont cumulativement réunies :

– un service bénéficiant soit du taux réduit de 5,5 % en application de l’article 278-0 bis du CGI soit du taux réduit de 10 % en application de l’article 279 du même code ;

– une association agréée en application de l’article L. 7232-1 du code du travail ou autorisée en application de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles, et dont la gestion est désintéressée ;

– un bénéficiaire en situation de fragilité ou de dépendance, c’est-à-dire les enfants de moins de trois ans, les mineurs et les majeurs de moins de vingt et un ans relevant du service de l’aide sociale à l’enfance, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les personnes atteintes d’une pathologie chronique et les familles fragiles économiquement.

Certains services, comme la livraison de courses, le petit bricolage, les travaux ménagers, les cours à domicile ou la garde d’enfants ne pourront plus être exonérés de TVA si la situation du bénéficiaire ne correspond pas à une situation de fragilité ou de dépendance, et ce même s’ils sont réalisés par une association agréée dont la gestion est désintéressée.

Les prix de ces services vont donc augmenter pour les consommateurs finaux, pour qui la TVA n’est pas récupérable. Le taux de TVA dépendra de l’opération en cause. L’article 86 de l’annexe III du CGI fournit une liste de services à la personne imposés aux taux réduits de 5,5 % et 10 %.

En outre, cette disposition va constituer une charge de travail supplémentaire pour le prestataire de services, qui devra désormais collecter la TVA.

Le gain budgétaire attendu est de 62 millions d’euros pour l’année 2019.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’État du droit

Le secteur des services à la personne (SAP) assure une palette de
vingt-six activités très large, allant de la garde d’enfants aux petits travaux de jardinage en passant par l’accompagnement au quotidien d’une personne handicapée ou âgée. Le secteur emploie 1,5 million de salariés et possède un important potentiel de développement lié au maintien d’une natalité dynamique et au vieillissement de la population.

Le développement des SAP a été encouragé ces dernières années, notamment par le renforcement de dispositions sociales et fiscales favorables, par un soutien financier important au secteur de l’aide à domicile aux personnes fragiles, ainsi que par l’adoption de la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) en décembre 2015 ([318]). Celle-ci a simplifié le régime juridique des organismes de services à la personne (OSP) intervenant comme prestataires de services, afin d’assurer une meilleure structuration de l’offre de SAP en réponse aux besoins des différents publics fragiles.

Les services à la personne sont exercés soit par une entreprise (sous la forme d’une société ou d’une entreprise individuelle), soit par une association ou encore un organisme public. La direction générale des entreprises (DGE) évalue au 1er janvier 2018 à 27 892 le nombre d’organismes de services à la personne, dont 5 540 associations, 21 060 entreprises et 1 290 organismes publics.

A.   une exonération des services à la personne réalisés par des associations agrées ou autorisées, dont la gestion est désintéressée

L’article 256 du CGI soumet à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. Certaines opérations, listées à l’article 261 du CGI, sont néanmoins exonérées. Il en est ainsi des opérations des organismes d’utilité générale, selon le 7 de l’article 261 du CGI.

Le 1° ter du 7 de l’article 261 du CGI, issu de la loi du 31 décembre 1991 relative à la formation professionnelle et à l’emploi ([319]), a ouvert le droit, pour les associations bénéficiant d’une autorisation de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles, du régime applicable aux associations d’intérêt général sans but lucratif et à gestion désintéressée en matière d’exonération de TVA.

Ainsi, des organismes réputés sans but lucratif, mais qui ne satisfont pas à certains des critères de non-lucrativité peuvent néanmoins cependant bénéficier d’une exonération particulière, sous réserve d’affecter leurs excédents exclusivement à la réalisation de leur objet.

Le caractère désintéressé de la gestion de l’association s’établit au regard de trois critères cumulatifs :

– les dirigeants agissent à titre bénévole et ne possède aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation ;

– les dirigeants ne bénéficient d’aucune contrepartie en termes de revenus, de services ou de jouissance d’un bien ;

– les membres de l’association ne peuvent pas se partager le patrimoine de celle-ci.

Relèvent du régime de l’autorisation, en application des articles L. 313-1 et D. 312-6-2 du code de l’action sociale et des familles, les prestations de services aux personnes physiques réalisées auprès des personnes âgées et des personnes handicapées ou atteintes de pathologies chronique. L’autorisation est accordée aux associations pour une durée de quinze ans.

Relèvent du régime de l’agrément, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement ([320]), les activités de services à la personne de l’article L. 7231-1 du code du travail et énumérées à l’article D. 7231-1 du même code, exercées par les associations autorisées. Ces activités sont les suivantes :

– la garde d’enfants de moins de trois ans à domicile ;

– l’accompagnement des enfants de moins de trois ans dans leurs déplacements ;

– l’assistance dans les actes quotidiens de la vie aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques, la prestation de conduite du véhicule de ces personnes et l’accompagnement dans leurs déplacements en dehors de leur domicile lorsque ces prestations sont réalisées par les associations dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l’article L. 7236-6 du code du travail.

L’agrément, préfectoral, est accordé aux associations dans les conditions de l’article R. 7232-4 du code du travail.

B.   un dispositif d’exonération trop large qui expose la France à une condamnation européenne

Le 2 juin 2014, la Commission européenne a officiellement demandé de soumettre à la TVA certains services à la personne réalisés par les associations qui ne constituent pas, selon elle, des activités pouvant être exonérées au sens de la législation de l’Union européenne. Cette demande a pris la forme d’un avis motivé, deuxième étape de la procédure d’infraction.

L’article 132 de la directive TVA du 28 novembre 2006 ([321]) permet aux États membres d’exonérer de TVA certaines activités d’intérêt général, tels que :

– les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liés à l’aide et à la sécurité sociales ;

– les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liés à la protection de l’enfance et de la jeunesse.

Pour la Commission européenne, la France applique un taux de TVA réduit sur les « services à la personne », catégorie plus large qui vise notamment les travaux de jardinage, les cours à domicile – distincts du soutien scolaire –, l’assistance informatique ou les services de maintenance. À ce titre, l’application d’une telle exonération, qui s’applique indépendamment de la situation du bénéficiaire, serait contraire au droit européen.

Aussi, les modifications apportées au 1° ter du 7 de l’article 261 du CGI visent à éviter une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, dont les effets pourraient déstabiliser le secteur des associations de services à la personne.

II.   le dispositif proposé

A.   une exonÉration dÉsormais liée à la situation du bénéficiaire du service

La disposition vise à resserrer le périmètre de l’exonération de TVA en faveur des services à la personne rendus par certaines associations, afin de se mettre en conformité avec les dispositions de la directive TVA, et de recentrer l’exonération de la TVA sur les prestations qui visent à apporter une aide destinée à combler des besoins essentiels d’un public en situation de fragilité ou de dépendance.

Ce faisant, le 1° ter du 7 de l’article 261 du CGI modifié instaure une triple limitation :

 autour de certains services à la personne : ne sont concernés que les services bénéficiant soit du taux réduit de 5,5 % en application de larticle 278-0 bis du CGI, soit du taux réduit de 10 % en application de l’article 279 du même code ;

– une association agréée en application de l’article L. 7232-1 du code du travail ou autorisée en application de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles, dont la gestion est désintéressée ;

– un bénéficiaire en situation de fragilité ou de dépendance, c’est-à-dire les enfants de moins de trois ans, les mineurs et les majeurs de moins de vingt et un ans relevant du service de l’aide sociale à l’enfance, les personnes atteintes d’une pathologie chronique et les familles fragiles économiquement.

B.   L’impact budgétaire et Économique attendu

La direction générale du Trésor (DGT) estime que « le montant des dépenses fiscales et des niches sociales en faveur de ce secteur a été évalué à environ 6,4 milliards deuros en 2014 » et qu’en intégrant « les aides directes versées notamment par les conseils départementaux ainsi que les mesures générales de réduction du coût du travail, le coût brut de laction publique en matière de services à la personne sélèverait in fine à un peu moins de 11,5 milliards deuros » ([322]).

En 2018, lexonération de TVA des services rendus aux personnes physiques par les associations agréées représente une dépense fiscale estimée à 572 millions deuros, au lieu de 550 millions deuros en 2017 ([323]).

Le resserrement de cette exonération de TVA doit aboutir, selon lévaluation préalable du dispositif, à un gain budgétaire de 62 millions deuros pour 2019.

La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail estime que le nombre d’associations agissant comme prestataires de SAP s’élevait en 2016 à 5 540 organismes sur un total de 26 700 OSP prestataires, ce qui représente 19,9 % des OSP.

Les heures rémunérées en prestataire par ces associations représentaient en 2016 près de 206 millions dheures, en diminution de – 1,1 % par rapport à 2015, sur un total de 379 millions d’heures pour l’ensemble des OSP prestataires.

Les heures rémunérées en mode prestataire aux associations sont pour 66,1 % des heures daide aux personnes âgées et/ou handicapées, 34 % des heures daides de la vie quotidienne et 1,6 % de la garde denfants. Les organismes prestataires emploient près de 420 000 intervenants en 2016 ([324]).

Le recentrage de l’exonération de TVA des services à la personne réalisé par les associations va concerner les activités de garde d’enfant et d’accompagnement, l’entretien de la maison, l’enseignement, le petit jardinage et le bricolage, la préparation de repas, l’assistance informatique et administrative et les livraisons diverses.

Ces activités, qui correspondent à 33,9 % des heures dintervention prestataires réalisées par les associations en 2016, ne pourront plus être exonérées quà laune de la situation du bénéficiaire, même si elles sont effectuées par des associations agréées dont la gestion est désintéressée.

Pour autant, l’évaluation préalable du présent article souligne que l’impact de la disposition envisagée doit être nuancé au regard de l’allégement des charges et des aides directes – dont celles versées aux familles pour la garde d’enfants, mais également celles versées aux personnes âgées – ainsi que des avantages fiscaux dont bénéficie le secteur des services à la personne, notamment le récent dispositif de crédit d’impôt de taxe sur les salaires de l’article 231 A du CGI.

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La commission adopte larticle 20 sans modification.

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Article 21
Transposition partielle de la directive sur le régime de TVA
du commerce électronique

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à transposer les dispositions de la directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017, applicables au 1er janvier 2019. Ces dispositions visent à modifier le lieu d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les règles en matière de facturation des prestations de télécommunications, des services de radiodiffusion et de télévision ainsi que des services fournis par voie électronique au profit de non-assujettis.

En l’état du droit, ces prestations sont taxables dans l’État membre de leur consommation, dès le premier euro de chiffre d’affaires réalisé par le prestataire. S’il existe un régime de mini-guichet qui permet au prestataire de pouvoir s’enregistrer et collecter la TVA en un point d’accès unique, les règles actuelles peuvent apparaître complexes pour les petites entreprises, au premier rang desquelles figurent celles qui bénéficient du régime de la franchise en base de TVA dans leur État d’établissement. La complexité des obligations en matière de TVA est identifiée comme l’un des principaux freins au développement du commerce électronique transfrontière.

Aussi, la transposition partielle de la directive 2017/2455 vise, dans un objectif de simplification, à assurer la taxation des prestations de télécommunications, des services de radiodiffusion et de télévision ainsi que des services fournis par voie électronique dans le pays d’établissement du prestataire lorsqu’elles sont inférieures à un seuil de 10 000 euros annuel. S’il le souhaite, le prestataire pourra néanmoins décider que ces opérations seront imposables dans l’État membre où réside le non-assujetti dès le premier euro, en formulant une option à ce titre pour une durée minimale de deux ans.

À cette fin, l’article 259 D du CGI est modifié.

L’opérateur qui se prévaudra d’un régime particulier prévu aux articles 298 sexdecies F et G du CGI sera soumis aux seules règles de facturation françaises, quand bien même le lieu d’imposition de ces prestations ne serait pas situé en France. Actuellement, de tels assujettis doivent se conformer aux règles de facturation des États membres dans lesquels ils rendent des prestations de télécommunications, des services de radiodiffusion et de télévision ainsi que des services fournis par voie électronique.

À cette fin, les articles 289-0 et 298 sexdecies F sont modifiés.

Les coûts et bénéfices ne sont pas chiffrés mais la mesure devrait se traduire par un allégement des charges administratives des petites entreprises qui fournissent des prestations de service électroniques aux consommateurs finaux, notamment celles qui relèvent du régime de franchise en base de TVA.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 259 D du CGI a été modifié par l’article 102 de la loi de finances pour 2010, afin d’imposer en France certaines prestations de service lorsqu’elles sont effectuées en faveur de non-assujettis qui y sont établis.

L’article 289-0 du CGI a été créé par l’article 62 de la dernière loi de finances rectificative pour 2012, afin d’admettre, dans certaines situations, que les règles de facturation prévues à l’article 289 du CGI s’appliquent alors même que le lieu d’imposition des opérations n’est pas situé en France.

L’article 298 sexdecies F du CGI a été modifié par l’article 102 de la loi de finances pour 2010, afin d’étendre le bénéfice de cet article, à compter du 1er janvier 2015, aux prestations de télécommunications ainsi qu’aux services de radiodifusion et de télévision.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’État du droit

A.   une tva sur les prestations de télécommunication, de services de radiodiffusion et de télévision ainsi que sur les services fournis par voie électronique au profit des non-assujettis due dans l’État membre de consommation

La règle générale en matière de champ d’application territorial de la TVA sur les prestations de service est définie par l’article 259 du CGI. Ainsi, le lieu des prestations de service est situé en France si :

– le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu’il a en France le siège de son activité économique, un établissement stable ou, à défaut, sa résidence habituelle ;

– le preneur est une personne non assujettie mais le prestataire a établi en France le siège de son activité économique – sauf lorsqu’il dispose d’un établissement stable non situé en France et à partir duquel les services sont fournis –, qu’il y dispose d’un établissement stable à partir duquel les services sont fournis ou, enfin, qu’il y possède sa résidence habituelle.

Par dérogation, l’article 259 B du CGI dispose que le lieu des prestations de certaines prestations de services est réputé ne pas se situer en France lorsqu’elles sont fournies à une personne non assujettie qui n’est pas établie ou n’a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre de l’Union européenne. Les prestations de télécommunications, les services de radiodiffusion et de télévision ainsi que les services fournis par voie électronique dont la liste est fixée par décret, font partie de cette nomenclature dérogatoire.

Par prestation de télécommunication visée au 10° de l’article 259 B du CGI, il convient d’entendre la transmission, l’émission ou la réception de signes, signaux, écrits, images et sons ou toute autre forme d’intelligence par câble, radio, fibre optique ou tout autre signal électromécanique.

Toute transmission de sons ou d’images, à l’exception des images consistant essentiellement en des lettres, des chiffres ou des images fixes, accessibles en temps réel et de manière simultanée et identique par l’ensemble du public, constitue un service de radiodiffusion ou de télévision, pour l’application du 11° de l’article 259 B du CGI.

Les services électroniques visés au 12° de l’article 259 du CGI, dont une liste non exhaustive est fixée à l’article 98 C de l’annexe III du même code, doivent satisfaire à deux critères cumulatifs :

– ils doivent être fournis par voie d’internet ou de réseaux électroniques, qu’ils soient privés ou publics ;

– la nature de la prestation de services doit dépendre fortement de la technologie utilisée, c’est-à-dire que le service doit être largement automatisé et être impossible à assurer en l’absence de réseau informatique.

Aux termes de larticle 259 D du CGI, issu de larticle 56 de la directive TVA ([325]), le lieu des prestations de services mentionnées aux 10°, 11° et 12° de larticle 259 B du même code est réputé situé en France, lorsquelles sont effectuées en faveur de personnes non assujetties qui sont établies, ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France.

Cet article constitue une exception à l’article 259 B du CGI, selon lequel le lieu d’établissement du prestataire commande le lieu d’imposition, en matière de preneur non assujetti.

tableau récapitulatif du lieu d’imposition des services fournis par voie Électronique À des personnes non-assujetties Établies ou domiciliÉes
en france

 

Lieu détablissement du prestataire

Lieu détablissement du preneur non assujetti

Lieu de collecte

Lieu de taxation

Application combinée des articles 259, 259 B et 259 D du CGI

France

France

France

France

Autre État membre

France

Autre État membre

Pays tiers

Pays tiers

Pays tiers

Autre État membre

France

Autre État membre

France

Pays tiers

France

France

France (*)

(*) Exception de larticle 259 C du CGI.

Source : commission des finances.

Tout assujetti non établi dans l’Union européenne qui fournit des prestations de services mentionnées à l’article 259 D du CGI à une personne non assujettie établie, elle, dans un État membre, peut se prévaloir d’un régime spécial de facturation, exposé à larticle 298 sexdecies F du même code.

Ainsi, les règles de facturation applicables sont celles de lÉtat membre de leur consommation, en lespèce la France.

En l’état actuel du droit, un tel assujetti est considéré comme n’étant pas établi dans le territoire de l’Union européenne si :

– il n’a pas établi le siège de son activité économique ou ne dispose pas d’établissement stable sur le territoire de l’Union européenne ;

– il n’est pas tenu d’être identifié à la TVA à d’autres fins.

Tout assujetti qui a établi en France le siège de son activité économique ou qui y dispose d’un établissement stable, et qui fournit des prestations de services mentionnés à l’article 259 D du CGI à des personnes non assujetties dans un État membre autre que la France dans lequel sont consommés ces services, peut également se prévaloir, s’il n’est pas établi dans le pays de consommation, du même régime particulier de déclaration et de paiement, conformément à larticle 298 sexdecies G du même code.

Un régime, particulier mais facultatif, de mini-guichet électronique, hébergé par l’État membre d’établissement du prestataire, permet de à ce dernier de pouvoir s’enregistrer et collecter la TVA en un point d’accès unique, de manière trimestrielle et par voie électronique : il a été mis en place, en France, par l’arrêté du 14 janvier 2015 ([326]).

Cette déclaration, ainsi que le montant de TVA versé, sont ensuite transmis par l’État membre d’identification aux États membres de consommation correspondants via un réseau de communication sécurisé. La déclaration de TVA via le mini-guichet unique vient en complément de la déclaration que l’assujetti dépose auprès de son État membre en vertu de ses obligations nationales en matière de TVA.

B.   des règles actuelles complexes et dÉfavorables au commerce intracommunautaire réalisé par voie Électronique

Les règles actuelles sont sources de complexité pour les petites entreprises, et singulièrement pour celles qui bénéficient du régime de la franchise en base de TVA mais devant, de fait, accomplir des obligations déclaratives.

Conscients de cette complexité, les ministres de l’économie et des finances des États membres de l’Union européenne ont adopté, le 5 décembre 2017, un projet de directive et deux projets de règlements d’exécution ([327]).

L’introduction de ce paquet TVA « e-commerce » est destiné à faciliter les échanges transfrontaliers, lutter contre la fraude à la TVA et garantir une concurrence équitable pour les entreprises de l’UE, notamment dans un contexte de croissance exponentielle du commerce électronique.

Ainsi, la directive 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017
apporte certaines modifications, applicables, pour certaines, dès le 1er janvier 2019.

Se proposant d’alléger la charge qui pèse sur les microentreprises établies dans un État membre fournissant occasionnellement ce type de services dans d’autres États membres, la directive introduit un seuil de niveau communautaire jusqu’auquel ces opérations restent soumises à la TVA dans leur État membre d’établissement : ce seuil est de 10 000 euros.

Afin de réduire les charges pensant sur ces entreprises, les règles relatives à la facturation seront désormais celles applicables dans l’État membre d’identification du fournisseur ou du prestataire qui se prévaut de régimes particuliers.

II.   le Dispositif proposé

A.   une transposition qui simplifie le régime de la tva pour les petites entreprises réalisant des ventes en ligne

Le présent article vise à transposer les dispositions de la directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017, applicables au 1er janvier 2019.

Cette transposition, qui est une exigence tant européenne ([328]) que constitutionnelle ([329]), permet à la législation fiscale française de se mettre en conformité avec le droit européen.

Ainsi, le présent article modifie l’article 259 D du CGI, afin de localiser en France le lieu des prestations de services mentionnées aux 10°, 11° et 12° de larticle, lorsquelles sont effectuées dune part en faveur de personnes non assujetties qui sont établies en France et dautre part par un prestataire établi en France en faveur dun preneur non assujetti établi dans un autre État de lUnion européenne, lorsque la valeur totale de ces prestations na pas excédé, pendant lannée civile précédente, le seuil de 10 000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée.

Symétriquement, un tel lieu est réputé n’être pas situé en France lorsqu’elles sont effectuées par un prestataire qui est établi dans un autre État membre de l’Union européenne en faveur de personnes non assujetties qui sont établies en France, lorsque la valeur totale de ces prestations n’a pas excédé, pendant l’année civile précédente, le seuil de 10 000 euros hors TVA.

Un prestataire pourra opter pour que le lieu de ces prestations effectuées en faveur de personnes non assujetties se situe dans l’État membre de consommation ; cette option couvre une période de deux ans.

tableau récapitulatif du lieu d’imposition des services fournis
par voie Électronique À des personnes non-assujetties Établies
ou domiciliÉes en France après modification

 

Lieu détablissement du prestataire

Lieu détablissement du preneur non assujetti

Lieu de taxation

Application combinée des articles 259, 259 B et 259 D nouveau du CGI

France

France

France

Autre État membre

France (si la valeur totale des prestations servies par le prestataire n’a pas excédé 10 000 euros HT au cours de l’année écoulée ou en cours)

Pays tiers

Non imposable en France

Autre État membre

France

Autre État membre (si la valeur totale des prestations servies par le prestataire n’a pas excédé 10 000 euros HT au cours de l’année écoulée ou en cours)

Pays tiers

France

France

(*) Exception de larticle 259 C du CGI.

Source : commission des finances

Corrélativement, les règles de facturation des articles 289-0 et 298 sexdecies F du CGI sont modifiées, dans le même esprit de simplification.

Ainsi, un opérateur qui se prévaudra d’un régime particulier des articles 298 sexdecies F ou G du CGI, et sera identifié à cette fin auprès du portail de l’administration fiscale française, sera soumis aux seules règles de facturation françaises, même si le lieu dimposition de ces prestations nest pas situé en France.

B.   L’impact économique et budgétaire

L’objectif de cet article est d’alléger la charge administrative pesant sur les entreprises lorsqu’elles souhaitent réaliser des opérations de commerce électronique dans un autre État membre de l’Union européenne. Selon les estimations de la Commission européenne, le coût du respect des obligations en matière de TVA s’élève, en moyenne, à 8 000 euros par an pour chaque État membre dans lequel une entreprise fournit ses biens et services.

Cette modification législative permettra de développer le commerce
intracommunautaire en ligne pour des entreprises qui ne possèdent ni une taille critique ni une expertise suffisante pour réaliser des ventes dans un autre État membre de l’Union, notamment du fait de la complexité des règles touchant à la TVA dans l’Union européenne.

Sont particulièrement visées les entreprises des secteurs des jeux en ligne, de la vente d’application pour smartphones ou tablettes numériques, de la musique, des films ou des logiciels.

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La commission adopte larticle 21 sans modification.

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Article 22
Transposition de la directive sur le régime de TVA des bons

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de transposer en droit interne la directive (UE) 2016/1065 du Conseil du 27 juin 2016 (directive dite « bons ») modifiant la directive 2006/112/CE (directive dite « TVA ») en ce qui concerne le traitement des bons. La directive 2016/1065 poursuit un objectif d’harmonisation des règles de la taxe sur la valeur ajoutée applicables aux bons dans les différents États membres de l’Union européenne ; elle doit être transposée en droit interne au plus au plus tard le 31 décembre 2018.

En l’état du droit français, il n’existe aucun dispositif juridique portant spécifiquement sur le traitement de la TVA sur les bons ; seul le rescrit n° 2007/31, qui n’a qu’une valeur juridique relative, précise les dispositions qui leur sont applicables.

La transposition de la directive « bons » doit permettre de clarifier le régime de TVA applicable aux bons, afin de rendre plus sûr le cadre juridique dans lequel évoluent les entreprises. De même, une telle harmonisation européenne se propose d’éliminer les distorsions de concurrence ainsi que les risques d’évasion fiscale entraînés par l’hétérogénéité des réglementations en vigueur.

La transposition implique la création d’un nouvel article 256 ter du CGI, qui définit les bons à usages unique et multiples, et précise les modalités de leur soumission à la TVA.

Pour la première fois défini en droit interne, le bon est un instrument qui est assorti d’une obligation de l’accepter comme contrepartie totale ou partielle d’une livraison de bien ou d’une prestation de services et pour lequel le bien à livrer ou les services à prester, mais également l’identité des fournisseurs ou prestataires potentiels, sont indiqués soit sur l’instrument même, soit dans la documentation correspondante.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’État du droit

A.   le Dispositif en vigueur

Les principes directeurs régissant la TVA sont encadrés par le droit européen, principalement par la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (dite directive « TVA ») ([330]). Pour autant, cette directive ne traite ni de la problématique des bons, ni de celles des instruments équivalents comme les coffrets-cadeaux, les chèques-cadeaux ou le prépaiement. De fait, jusqu’à l’adoption de la directive 2016/1065 du Conseil du 27 juin 2016 (directive dite « bons »), le traitement de la TVA des bons n’était pas précisé.

Létat du droit national ne prévoit aucune disposition particulière sagissant du traitement des bons.

Seul le rescrit 2007/31 du 18 septembre 2007 de l’administration fiscale a apporté une ébauche de réponse doctrinale s’agissant du point de savoir si la commercialisation des coffrets cadeaux – équivalents à la définition des bons donnée par la nouvelle directive 2016/1065 du 27 juin 2016 – est soumise à la TVA ([331]). L’administration fiscale a considéré que l’incertitude, au moment de la vente du coffret, sur les identités du bénéficiaire et du prestataire chargé de réaliser la prestation, ne permettait pas d’inclure dans le champ de la TVA les sommes versées par les acquéreurs de coffrets cadeaux, de même que les sommes conservées par la société émettrice au titre des chèques périmés ou échangés.

Pour autant, le rescrit fiscal de l’article L. 80 A du CGI ne constitue qu’une prise de position formelle sur la situation de fait d’un contribuable. Une telle de position ne possède qu’un effet relatif : la garantie ainsi offerte ne peut s’appliquer qu’au cas particulier exposé dans la demande, et ne vaut que pour le contribuable concerné. Un contribuable ne saurait opposer à l’administration fiscale la réponse apportée à un autre.

Aussi, la législation fiscale en vigueur ne permet d’appréhender que les instruments pour lesquels les modalités de taxation – territorialité, assiette, taux, exigibilité – sont connues avec certitude à leur émission. De tels instruments sont régis par le droit commun.

B.   les incertitudes juridiques qui entourent le traitement fiscal des bons ont rendu nécessaire une évolution du cadre européen en la matière

Le flou juridique qui entoure le traitement des bons a rendu nécessaire une évolution de leur appréhension fiscale.

Dans une proposition du 10 mai 2012, la Commission européenne a proposé d’harmoniser les règles concernant le régime de TVA applicables aux bons, afin de garantir un régime fiscal uniforme dans l’ensemble des États membres ([332]). Cette proposition a été partiellement adoptée à travers la directive 2016/1065/UE du 27 juin 2016 modifiant la directive TVA.

Pour autant, seuls les bons pouvant être échangés contre des biens et des services sont concernés par les règles édictées par cette directive, à l’exclusion des bons de réduction, qui permettent à leur détenteur de bénéficier d’une remise à l’achat d’un bien ou d’un service sans incorporer, pour autant, le droit à recevoir ledit bien ou service. De même, les services de paiement qui peuvent présenter certaines des caractéristiques des bons, dont le rôle premier est de servir de moyen de paiement, ne sont pas non plus concernés par la directive du 27 juin 2016.

La directive pose une définition générale des bons au nouvel article 30 bis de la directive TVA. Ainsi, est un bon un instrument qui est assorti d’une obligation de l’accepter comme contrepartie totale ou partielle d’une livraison de bien ou d’une prestation de services et pour lequel le bien à livrer ou les services à prester, mais également l’identité des fournisseurs ou prestataires potentiels, sont indiqués soit sur l’instrument même, soit dans la documentation correspondante.

Les bons font désormais l’objet d’une classification selon leur fonctionnalité et la possibilité de déterminer avec certitude le prélèvement de la TVA soit au moment de leur émission, soit à celui de la réalisation de l’opération sous-jacente.

Ainsi, il convient de distinguer :

– le bon à usage unique (« BUU ») pour lequel le lieu de la livraison ou de la prestation à laquelle le bon se rapporte et la TVA due à ces biens ou services sont connus au moment de l’émission du bon ;

– le bon à usages multiples (« BUM »), qui donne droit à recevoir des biens ou services pour lesquels le lieu de la taxation et le taux de la TVA – ou l’un de ses éléments seulement – ne sont pas déterminés avec suffisamment de précisions pour calculer la TVA lorsque le bon est émis.

La vente dun bon à usage unique, par lémetteur, est considérée comme une livraison du bien ou du service auquel le bon se rapporte. Dans ces conditions, la vente dun bon emporte la taxation immédiate, comme si lopération sous-jacente était réalisée.

Si l’émetteur du bon est différent de l’opérateur qui doit réaliser l’opération sous-jacente, ce dernier est réputé avoir effectué l’opération au profit de l’émetteur du bon.

Lorsque l’émetteur ou le distributeur vend le bon à usage unique au nom et pour le compte d’autrui, il agit comme un intermédiaire transparent à la vente et seule sa rémunération distincte – au titre de ce service – doit être taxée. En revanche, l’opération sous-jacente reste immédiatement taxable au niveau de l’opérateur pour le compte duquel le bon a été cédé.

La vente dun bon à usages multiples est une opération non taxable. Seule l’opération sous-jacente sera taxée au moment de sa réalisation, au niveau du prestataire qui reçoit le bon. La base d’imposition est déterminée par la contrepartie payée en échange du bon ou, en l’absence de cette information, par la valeur monétaire indiquée sur le bon ou dans la documentation correspondante, diminuée du montant de la TVA sur les livraisons ou services effectués.

II.   le Dispositif proposé

A.   une transposition fidèle au droit européen

Le présent article insère, après l’article 256 bis du CGI, un article 256 ter. Il reprend strictement les dispositions de la directive 2016/1065 du Conseil du 27 juin 2016 précitée, qui doit être transposée par les États membres avant le 31 décembre 2018.

Ainsi, cet article apporte une définition du bon à usage unique et, négativement, du bon à usages multiples. Ce dernier n’est pas soumis à la TVA.

B.   une évolution positive mais qui ne corrige pas l’ensemble des incertitudes qui entourent la taxation des bons

Cet article doit permettre de clarifier le régime de la TVA applicables aux bons et, ce faisant, offrir aux entreprises un traitement uniforme et sûr au sein d’une Union européenne à la sécurité juridique accrue.

Si cette évolution législative va dans le bon sens, certaines incertitudes demeurent.

D’abord, le présent article ne comporte – à l’instar de la directive – aucune disposition particulière sur le régime TVA des bons de réduction. Or, ce traitement repose essentiellement sur une architecture prétorienne, peu favorable à la sécurité juridique ([333]). Cette jurisprudence n’apporte plus que de manière imparfaite les réponses sur le traitement de tels instruments, dans un contexte d’évolution des schémas de diffusion des bons, et notamment leur internationalisation.

Surtout, tant la directive que le présent article excluent la question du traitement TVA des bons à usages multiples non utilisés par le consommateur final, et dont le prix est conservé par le vendeur. Ce régime de taxation demeure donc incertain.

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La commission adopte larticle 22 sans modification.

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Après l’article 22

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements ICF916 et ICF917 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. L’amendement I-CF916 vise à introduire une tarification différenciée des usages de l’eau, selon qu’ils sont liés à la satisfaction de besoins universels, d’un usage administratif ou d’un usage industriel et commercial. Nous considérons en effet qu’en fonction des usages de l’eau, les taux de TVA qui s’y appliquent doivent être différents, et nous proposons d’exonérer de TVA tout usage domestique de l’eau.

L’amendement de repli I-CF917 prévoit que l’exonération de TVA serait limitée aux 14,6 mètres cubes d’eau nécessaires par an pour toute personne physique – et encore sommes‑nous en dessous des normes édictées par l’Organisation mondiale de la santé en la matière.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable à ces deux amendements.

Mme Sabine Rubin. Peut-on savoir pourquoi, monsieur le Rapporteur général ?

M. le Rapporteur général. Je comprends la finalité politique de ces amendements, mais j’y suis défavorable.

Mme Sabine Rubin. C’est sûr, nous ne faisons pas ici que de la comptabilité, mais aussi un peu de politique !

La commission rejette successivement les amendements I-CF916 et ICF917.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1122 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit d’une question très technique. Dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain, lorsqu’un bailleur détruit un immeuble pour le reconstruire sur site, il bénéficie d’une TVA à 5,5 % pour la destruction. Cependant, le règlement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a changé : désormais, quand on détruit du logement social dans un quartier, on ne peut plus le reconstruire dans le même quartier. Les textes n’ont pas évolué et, quand le bailleur social détruit un immeuble à la demande de l’ANRU et ne reconstruit pas sur site, il est taxé à 20 % pour la démolition. Mon amendement I-CF1122 vise à remédier à cette situation, qui pénalise le projet de rénovation urbaine voulu par le Gouvernement dans le cadre de l’ANRU 2.

M. le Rapporteur général. Cet amendement, déjà présenté dans le cadre de la loi ELAN, a été rejeté au motif qu’il apparaît contraire à l’objectif gouvernemental de piloter plus finement les dépenses de logement de l’État. En outre, je ne suis pas favorable à la création d’une nouvelle dépense fiscale.

M. François Pupponi. Ce n’est pas du tout le motif qui m’a été opposé ! Lors des débats sur le projet de loi ELAN, le Gouvernement m’a répondu que mon amendement était de nature budgétaire, et qu’il convenait donc de le déposer dans le cadre de l’examen du PLF ! Mais je n’insiste pas, je vois que vous n’avez pas envie de me fournir une vraie réponse...

La commission rejette lamendement.

Elle est saisie de lamendement I-CF950 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. L’amendement vise à redonner des moyens aux associations de protection civile, qui contribuent pleinement à la protection civile et dont les interventions n’ont fait que se multiplier au cours des dernières années, notamment en raison des attentats meurtriers qui ont frappé notre pays. Ces associations ont besoin de moyens, car l’évolution de leur matériel, notamment de leur parc de véhicules, comprenant des ambulances de seconde main, nécessite de fréquentes réparations pour passer le contrôle technique. Naguère, certains d’entre nous les aidaient au moyen au moyen de crédits provenant de la réserve parlementaire, mais ce n’est plus possible. Dans le cadre de la campagne électorale pour l’élection présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à ce que ces associations puissent disposer de plus de moyens pour remplir leurs missions.

M. le président Éric Woerth. Nous avons le droit tous les ans à la même litanie d’amendements relatifs à la TVA. Je vous suggère d’aller à l’essentiel sur ces amendements dont, pour la plupart, nous avons déjà débattu à maintes reprises. À défaut, nous allons passer deux heures là-dessus, ce qui ne me paraît pas vraiment nécessaire...

M. Gilles Lurton. Mon amendement porte sur un sujet important, monsieur le président !

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement. En effet, les achats et les réparations de matériel utilisé par les associations de secourisme bénéficient déjà d’un taux réduit de TVA.

La commission rejette lamendement.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF1424 et I-CF1425 de M. Philippe Vigier ainsi que lamendement I-CF638 de M. Fabien Roussel.

M. Charles de Courson. Les amendements I-CF1424 et I-CF1425 visent à augmenter le pouvoir d’achat, en baissant la contribution sociale généralisée et en augmentant le taux de TVA. C’est une TVA sociale à rebours, si je puis dire...

M. Fabien Roussel. Certaines choses ont besoin d’être dites : la TVA est l’impôt le plus injuste qui existe. Alors qu’elle représente déjà plus de la moitié des recettes nettes du budget, vous voulez encore l’augmenter ! Eh bien nous, nous voulons la diminuer. Au travers de l’amendement I-CF638, nous proposons de ramener son taux normal à 19 %. Et permettez‑moi de vous rappeler, puisqu’on y fait si souvent référence à l’Allemagne, que c’est celui qui est en vigueur en Allemagne.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF922 de M. JeanClaude Leclabart et I-CF1332 de M. Bruno Millienne.

M. Didier Martin. L’amendement vise à créer un taux réduit de TVA pour un secteur fragile qui est susceptible de créer de l’emploi dans tout le territoire. Cette mesure contribuerait à développer l’économie circulaire dont on parle beaucoup, tout en amenant des emplois de proximité, une augmentation du chiffre d’affaires et une réduction des déchets, puisqu’il s’agit de réparer plutôt que de remplacer.

M. Jean-Noël Barrot. C’est un amendement d’appel, dans le but d’encourager à une réflexion sur la TVA à taux réduit pour le reconditionnement, et pour le recyclage en général.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable à l’amendement. Ce dispositif n’est pas conforme à la directive TVA.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF736 de M. Vincent Descoeur, I-CF1384 de M. Didier Martin, I-CF974 de M. Éric Coquerel et ICF1208 de M. Éric Bothorel.

M. Vincent Descoeur. L’amendement I-CF736 a pour objet de fixer un taux de TVA réduit pour des activités de proximité qui contribuent à allonger la durée de vie des produits.

Mme Sabine Rubin. L’objectif est de lutter contre l’obsolescence programmée. Plutôt que de taxer les gestionnaires de déchets et les citoyens, envahis par ces objets devenus obsolètes, nous proposons par l’amendement I‑CF974 d’instaurer un taux de TVA réduit sur toutes les activités de réparation de produits lorsqu’elles ont pour but d’en allonger la durée de vie.

M. Éric Bothorel. L’amendement I-CF1208 participe du même esprit. Qui plus est, cette mesure profiterait à une filière qui est en cours de structuration au plus près des territoires. Si vous voulez faire un lien avec une des ambitions du Gouvernement, je dirai que ces activités de recyclage et de reconditionnement contribuent à soutenir l’inclusion numérique : abaisser le coût de l’accès au numérique au bénéfice de ceux qui en sont privés ne peut que l’accélérer.

M. le Rapporteur général. Même si je comprends parfaitement l’argumentation, notamment lorsqu’il s’agit d’économie circulaire, ces amendements sont hors du champ de la directive TVA. Ils ne peuvent être adoptés. Avis défavorable.

Lamendement I-CF1208 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements I-CF736, ICF1384 et ICF974.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF526 de Mme Véronique Louwagie, I-CF545 de Mme Lise Magnier, I-CF547 de M. Vincent Descoeur, I-CF798 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF960 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement, que vous avez déjà vu ici, propose d’appliquer le taux de TVA réduit de 5,5 % au bois présentant un taux d’humidité inférieur à 20 %. C’est vraiment ce qu’on peut appeler un marronnier...

M. Vincent Descoeur. Par cet amendement, il s’agit en fait d’accompagner la filière professionnelle, parce que le bois de moindre qualité, plus humide, nuit au bon fonctionnement des appareils et produit davantage de particules fines. D’où un intérêt supplémentaire.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le chauffage au bois est une énergie renouvelable à faible coût qui représente, pour de nombreux ménages français, une opportunité de réduire leur facture énergétique.

Mme Marie-Christine Dalloz. La part d’activité officielle, autrement dit soumise à TVA, de la filière bois de chauffage en France n’est que de 15 % : le taux de TVA actuel est en effet si dissuasif que 85 % du marché est complètement informel. C’est une perte de recettes ! En laissant un taux élevé, on se prive de base d’imposition. Travaillons plutôt sur une base large, avec un taux plus faible, de manière à obtenir une recette importante.

M. le Rapporteur général. Merci à Véronique Louwagie pour son humour sur le marronnier du bois de chauffage... Comme le marronnier ne donne pas un bois de chauffage satisfaisant, mais aussi pour d’autres raisons, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette ensuite lamendement I-CF847 de Mme Sabine Rubin.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1086 de Mme Barbara Bessot Ballot.

Mme Cendra Motin. Il s’agit de rétablir un taux de TVA normale sur les bouchées au chocolat qui, en portions individuelles, coûtent cher, relèvent un peu de la junk food et polluent, du fait de l’usage d’emballages individuels.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement I-CF666 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Cet amendement propose d’appliquer aux couches pour nourrissons le taux de TVA appliqué aux produits de première nécessité. Cette mesure serait bénéfique pour le pouvoir d’achat des ménages, en particulier des moins aisés, pour qui le budget couches s’avère être particulièrement lourd chaque mois.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement I-CF461 de Mme Pascale Fontenel-Personne.

M. Xavier Paluszkiewicz. Cet amendement vise également à baisser de 20,5 % à 5,5 % le taux de TVA sur les produits de protection contre l’incontinence. C’est véritablement un produit de première nécessité. Il est important de souligner que, dans les maisons de retraite, l’accès à ces produits est contingenté pour des raisons budgétaires, et que la France est l’un des rares pays de l’Union européenne à ne pas rembourser ces produits ou à ne pas leur appliquer un taux de TVA réduit.

La loi de finances pour 2016 avait déjà instauré ce taux de TVA réduit pour les tampons et les serviettes hygiéniques. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que le dispositif puisse être décliné sur ce produit également.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

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*     *

Article additionnel après l’article 22
Pérennisation du taux réduit de 5,5 % sur les auto-tests VIH

La commission examine ensuite lamendement I-CF641 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. Défendu !

M. le Rapporteur général. Votre amendement gagnerait à être défendu de manière plus soutenue, car il vise à pérenniser une dérogation appliquée chaque année sur les autotests du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Je suis favorable à cette pérennisation.

La commission adopte lamendement I-CF641 (amendement I-2514).

M. le président Éric Woerth. Voilà qui devait vous inviter, monsieur Dufrègne, à changer de tactique de défense de vos amendements !

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Après l’article 22

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF555 de M. Vincent Descoeur, ainsi que les amendements identiques I-CF640 de M. Jean-Paul Dufrègne et ICF966 de M. Éric Coquerel.

M. Vincent Descoeur. L’amendement I-CF555 vise à revenir à un taux de TVA de 5,5 % au lieu de 10 % pour les transports collectifs de voyageurs, afin d’encourager les collectivités à investir dans les transports en commun et à mener des politiques de mobilité incitant les citoyens à davantage utiliser les transports en commun. Cet amendement est une réponse à l’augmentation de la fiscalité des carburants que nous venons d’aborder.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I-CF640 vise à appliquer aux transports publics de voyageurs, notamment les transports publics urbains, le taux dévolu aux produits de première nécessité, en considération du rôle social essentiel qui est le leur et de leur contribution à la réalisation des objectifs de transition énergétique. Il s’agit là d’une mesure de justice sociale et fiscale auprès des ménages français, notamment ceux qui sont lourdement impactés par la hausse de la fiscalité des carburants. Plutôt que d’user de mesures punitives et injustes à l’égard du grand nombre, il y a lieu d’accompagner nos concitoyens dans cette transition vers un autre modèle de vie.

M. le Rapporteur général. Nous allons bientôt examiner la loi d’orientation des mobilités, où nous débattrons des transports publics de voyageurs du quotidien. En tout état de cause, je suis défavorable à toute modification d’ici là dans ce secteur.

La commission rejette successivement lamendement I-CF555 puis les amendements identiques I-CF640 et ICF966.

Elle examine ensuite lamendement I-CF694 de M. François Jolivet.

M. François Jolivet. Il s’agit d’un amendement d’appel. Avant de le retirer, je voulais m’exprimer sur le sujet.

Notre pays a plusieurs taux de TVA parfaitement distincts. La TVA réduite à 5,5 % peine à être justifiée par l’ensemble des personnes et des institutions chargées de faire des rapports d’évaluation à ce sujet. Par ailleurs, il semblerait qu’en Europe, une TVA avoisinant les 10 % va devenir de règle dans l’immobilier. L’année dernière déjà, nous l’avons fait passer à 10 % pour les organismes HLM. Parallèlement s’applique le dispositif du crédit d’impôt pour la transition énergétique. Du coup, les mêmes travaux peuvent bénéficier de crédits d’impôt et de taux de TVA réduits.

Or, lorsqu’on se penche sur ce qu’on appelle le cinquième risque, c’est-à-dire le risque de la dépendance, il apparaît que des travaux peuvent participer à la « liquéfaction du patrimoine », c’est-à-dire donner la possibilité à des personnes d’un certain âge, de pouvoir devenir locataires de leurs biens pour satisfaire aux besoins de leur maintien à domicile et au développement de services autour d’elles. Pour ce faire, il faudra sans doute que leur logement soit de bonne qualité et qu’ils aient une valeur pour ceux qui le leur achètent.

Je vous propose de travailler à des outils qui permettent de maintenir des logements en l’état à travers d’autres dispositifs qu’un simple taux de TVA réduit qui, pour cause d’une réunion de commission des finances peu fréquentée ou d’un hémicycle plus ou moins plein, pourrait sauter du jour au lendemain, sans qu’on ait vraiment traité le sujet du maintien en l’état du logement.

M. le Rapporteur général. Puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel, je vais demander son retrait, de façon que cette position puisse être exprimée en séance et débattue avec le ministre.

Lamendement est retiré.

La commission examine ensuite les amendements identiques I-CF827 de M. Thibault Bazin et I-CF1131 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. La loi de finances rectificative pour 2016 a soumis les opérations d’accession sociale à la propriété, réalisées dans le cadre du bail réel solidaire (BRS), au taux réduit de TVA de 5,5 %.

L’accession sociale à la propriété doit être soutenue. Or elle est mise à mal depuis les dernières mesures du Gouvernement sur l’aide à l’accession. Aujourd’hui, le taux de TVA réduit rend solvables les candidats à l’accession.

C’est pourquoi je m’inscris complètement en faux contre les propos de M. Jolivet, qui propose de faire payer 9 000 euros en plus de TVA à un candidat à l’accession, ce qui représente quasiment 50 euros de remboursement par mois pendant vingt-cinq ans ! Ce serait tout de même catastrophique...

L’amendement I-CF827 vise à préciser notre CGI, afin que les organismes de foncier solidaire (OFS) puissent bénéficier du taux réduit et, à leur tour, en faire bénéficier les ménages à qui ils vendent des droits sur le bâti.

M. François Pupponi. Je ne vais pas même essayer de défendre mon amendement I‑CF1131, tant il me semble difficile de tenter de faire comprendre quelque chose de simple à des gens qui ne veulent rien entendre...

Mais je voudrais poser une question au Rapporteur général. Admet-il ou pas qu’une TVA perçue à 5,5 % sur une opération qui se fait rapporte plus que zéro ? À ses yeux, un amendement qui permet de ramener de l’argent à l’État, c’est une dépense fiscale ! Moi, j’ai plutôt le sentiment qu’une TVA qu’on perçoit rapporte plus qu’une TVA qu’on ne perçoit pas. En évoquant l’augmentation des dépenses fiscales, vous dites le contraire. J’en suis abasourdi. Entre une opération de démolition à 5,5 % de TVA qui se fait et une opération à 20 % de TVA qui ne se fait pas, je préfère toucher 5,5 % que pas de recette du tout !

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Gilles Carrez. C’est un débat éternel. Mais, pour aller dans le sens de ce que dit François Pupponi, je voudrais prendre un exemple : on s’était beaucoup interrogé, il y a quelques années, sur une TVA à 5,5 % sur les opérations de démolition dans le périmètre des zones franches urbaines. Eh bien, je peux témoigner que, dans ma circonscription, ça a marché ! Avec une TVA à taux normal, je peux vous assurer que ces opérations ne se seraient pas faites.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1130 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’objet de cet amendement est d’appliquer le taux de TVA de 5,5 % pour les bailleurs qui construisent du logement intermédiaire afin d’entamer une simplification au sein des QPV. La Fédération des promoteurs immobiliers indique que les QPV représentent désormais 30 % de son chiffre d’affaires en QPV alors qu’elle n’y réalisait aucune opération auparavant. Bercy est le seul à n’avoir pas compris que ces opérations en QPV, ou quartiers prioritaires de la ville, pouvaient rapporter à l’État !

M. le président Éric Woerth. Pouvez-vous nous redire ce que sont ces QPV ?

M. François Pupponi. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville…

Mme Amélie de Montchalin. Manifestement, il n’y en a pas à Chantilly !

M. le président Éric Woerth. Je vous le confirme. Mais je viendrai alors vous rendre visite.

M. Gilles Carrez. Notre commission avait fait bloc sur ce sujet, et a gagné face à Bercy. Nous ne demandons pas d’appliquer le taux de 5,5 %, mais dans des cas très ponctuels, assortis de conditions très restrictives.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette également lamendement I-CF1133 de M. François Pupponi.

Elle examine ensuite lamendement I-CF848 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Il s’agit d’appliquer un taux relevé de TVA de 33 % sur un certain nombre de biens ou de services de luxe.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Je vous signale qu’en droit européen, et donc en droit français, le taux maximal de TVA est de 25 %.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF828 de M. Thibault Bazin et ICF1134 de M. François Pupponi.

M. Thibault Bazin. En écho à ce qu’a dit notre collègue Gilles Carrez, je souligne à mon tour que le taux réduit zoné a permis d’introduire de la mixité là où il n’y en avait pas. Ainsi, les OFS bénéficient du taux réduit lorsqu’ils achètent un terrain à bâtir ou des logements déjà construits pour les affecter à un BRS pendant un délai défini. Or, dans un immeuble, un des logements peut changer d’affectation : cela ne devrait pas remettre en cause le bénéfice du taux réduit pour le reste des logements. C’est pourquoi l’amendement propose d’appliquer une modulation au pro rata temporis lorsque le logement change d’affectation par la suite.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1363 de M. Max Mathiasin.

M. Max Mathiasin. Cet amendement a pour objet de demander l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée concernant les locations de bateaux de plaisance de courte durée effectuées au départ de la Guadeloupe ou de la Martinique. Nos pays subissent la concurrence des pays voisins de l’archipel de la Caraïbe, où le droit n’est pas le même que le droit français ou européen. Pour faire échec à cette concurrence, je vous propose de mieux accompagner le développement du yachting au départ des Antilles françaises.

M. le Rapporteur général. Comme je vous l’ai dit hier, il faut vérifier la compatibilité avec le droit européen. Je vous invite donc au retrait de l’amendement et à son nouveau dépôt en séance, une fois que cette formalité aura été effectuée. À défaut, je rendrai un avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement I-CF855 rectifié de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Il s’agit tout simplement de renforcer les sanctions pour ceux qui commettent des abus de droit et de rendre l’optimisation fiscale dissuasive. Nous avons évoqué ce sujet lors du projet de loi sur la fraude. Il s’agit tout simplement de renforcer le taux des sanctions.

M. le Rapporteur général. Cet amendement a déjà été rejeté lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude.

La commission rejette lamendement puis, suivant lavis défavorable du Rapporteur général, lamendement I-CF1152 de M. François Pupponi.

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*     *


II. ‑ Ressources affectées

A.  Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 23
Fixation pour 2019 de la dotation globale de fonctionnement (DGF)
et des variables dajustement

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article :

– fixe, comme chaque année en loi de finances, le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à 26 953 millions d’euros pour 2019 (au lieu de 26 960 millions d’euros pour 2018), soit un niveau stable compte tenu des effets de périmètre (recentralisation de compétences sanitaires ou sociales exercées au niveau départemental, neutralisation du fonds d’aide au relogement d’urgence
– FARU). Pour rappel, les régions bénéficient en 2019 comme en 2018 d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en lieu et place de leur DGF, pour un montant de 4 287 millions d’euros (au lieu de 4 122 millions d’euros en 2018, soit + 165 millions d’euros) ;

– régularise la décision du 26 mars 2018 du ministre de l’action et des comptes publics de ne pas mettre en œuvre le mécanisme de minoration de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre en 2018 (environ 107 millions d’euros) ; la minoration est toutefois maintenue pour les communes qui n’étaient pas éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) en 2018 (environ 15 millions d’euros) ;

– détermine, comme chaque année en loi de finances, le périmètre des variables d’ajustement pour 2019 (restreint comme en 2018 aux seules dotations de compensation créées à la suite de la réforme de la taxe professionnelle) ainsi que les montants de minoration nécessaires pour respecter le plafond de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022. Il s’agit principalement de gager la hausse des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) pour 144 millions d’euros de minoration ;

– modifie, dans un souci d’équité, les modalités de répartition entre collectivités territoriales des minorations des variables d’ajustement pour 2019 qui seront désormais réparties au prorata des recettes réelles de fonctionnement (RRF) de leurs bénéficiaires, et non plus en proportion du montant de la dotation de l’année précédente ;

– enfin, supprime la base légale de la dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle (DUCSTP), dont le montant est nul depuis la loi de finances pour 2018.


Dernières modifications législatives intervenues

Les lois de finances pour 2011 et pour 2017 ont progressivement élargi le périmètre des variables d’ajustement aux dotations de compensation issues de la réforme de la taxe professionnelle (à l’exception de la DCRTP du bloc communal).

La loi de finances pour 2017 a fixé le montant de la DGF pour 2017 à 30 860 millions d’euros. Elle a aussi prévu l’affectation aux régions, à compter de 2018, d’une fraction du produit de la TVA.

La loi de finances pour 2018 a figé les taux de minoration appliqués aux allocations compensatrices (figés aux taux 2017) et élargi le périmètre des variables d’ajustement à la DCRTP des communes et des EPCI. Elle a enfin fixé le montant de la DGF pour 2018 à 26 960 millions d’euros.

La LPFP pour les années 2018 à 2022 a fixé un plafond annuel des concours financiers de l’État, un objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales (+ 1,2 %), ainsi que le cadre juridique des contrats de maîtrise des dépenses locales.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission des finances a adopté un amendement supprimant la minoration de la DCRTP des communes. L’amendement augmente ainsi de 15 millions d’euros le montant du prélèvement sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales en 2018 et tire les conséquences nécessaires sur le calcul des variables d’ajustement appliquées en 2019.

I.   L’État du droit

L’ensemble des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales représentent 104,81 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2018 ([334]). Ils se composent principalement de trois sous-ensembles :

– les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales (48,24 milliards d’euros) ainsi que le produit des amendes de police reversé aux collectivités (517 millions d’euros) et le financement du fonds emprunts structuré (184 millions d’euros), pour un total de 48,94 milliards d’euros (46,7 %) ;

– les dégrèvements d’impôts locaux, les subventions spécifiques versées par les ministères et celles pour travaux divers d’intérêt local pour 17,98 milliards d’euros (17,2 %) ;

– la fiscalité transférée pour 37,88 milliards d’euros (36,1 %).

Les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales comprennent l’ensemble des prélèvements sur recettes (PSR) bénéficiant aux collectivités territoriales (40,33 milliards d’euros), les crédits budgétaires de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) (3,79 milliards d’euros) ainsi que l’attribution d’une part de TVA aux régions (4,12 milliards d’euros) ([335]).

Dans ce cadre, le présent article détermine, comme chaque année en loi de finances et en lien avec l’article 28 du présent PLF ([336]), d’une part, le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 2019 et, d’autre part, les périmètres et les taux de minoration des variables d’ajustement pour 2019, tout en modifiant les règles de répartition de ces minorations entre les collectivités territoriales. Il procède enfin à une modification des variables d’ajustement pour 2018 en supprimant la minoration de dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) applicable aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

A.   La dotation globale de fonctionnement au sein des concours financiers de l’État aux collectivités TERRITORIALES

La DGF constitue le principal concours financier que l’État verse en faveur des collectivités territoriales : 26,96 milliards d’euros en 2018 sur un total de 48,24 milliards d’euros (55,9 %). Elle est attribuée aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et aux départements. Depuis le 1er janvier 2018, les régions bénéficient d’une fraction nationale des recettes de TVA en substitution des montants qu’elles percevaient autrefois au titre de la DGF.

La DGF vise à compenser les charges supportées par les collectivités, à contribuer à leur fonctionnement et à corriger certaines inégalités de richesses entre les territoires : elle est globale et libre d’emploi. Jusqu’en 2009, elle évoluait chaque année en fonction de l’évolution des prix à la consommation des ménages et du produit intérieur brut. En 2010, la DGF a évolué du seul taux prévisionnel d’évolution des prix à la consommation. Depuis 2011, l’article L. 1613‑1 du CGCT dispose que « le montant de la dotation globale de fonctionnement est fixé chaque année par la loi de finances ».

1.   Un montant global de la DGF de 26 960 millions d’euros en 2018

La DGF est un prélèvement sur recettes (PSR) au profit des collectivités territoriales : il ne s’agit pas d’une dépense, mais d’une diminution des recettes de l’État. Les PSR sont définis par l’article 6 de la LOLF qui dispose qu’un « montant déterminé de recettes de lÉtat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales (…) en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements dimpôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de lÉtat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte » ([337]).

La DGF est également le plus important des PSR de l’État au profit des collectivités territoriales, parmi lesquels :

– la DGF (26,96 milliards d’euros) ;

– le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) (5,61 milliards d’euros) ;

– la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale (2,08 milliards d’euros) ;

– la DCRTP (2,94 milliards d’euros) ;

– et divers autres PSR pour un montant total de 2,74 milliards d’euros.

Le montant des PSR est fixé chaque année en loi de finances : en 2018, l’article 43 de la loi de finances pour 2018 fixe le montant total des PSR à 40 347 millions d’euros, puis précise le montant de chacun d’entre eux ([338]).

Composition des concours financiers de l’État en faveur des collectivités territoriales en 2018

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018.

La répartition de la DGF entre les différentes catégories de collectivités territoriales, qui était stable depuis 2005, a évolué en 2018 du fait de la substitution de la DGF des régions par l’affectation d’une fraction de TVA : la loi de finances pour 2017 ([339]) a affecté aux régions, au département de Mayotte, aux collectivités de Corse, de Martinique et de Guyane, à compter de 2018, une fraction du produit budgétaire de la TVA de 4 122 millions d’euros. Le produit transféré correspond à la somme de la DGF 2017 des régions (3 935 millions d’euros), d’une partie de la dotation globale de décentralisation (DGD) de Corse (90 millions d’euros de la mission RCT) et de la dynamique de la TVA.

Le bloc communal reçoit désormais 68 % du montant total de la DGF (18 340 millions d’euros) et les départements 32 % (8 609 millions d’euros). La DGF perçue par le bloc communal est répartie entre les intercommunalités (6 525 millions d’euros) et les communes (11 795 millions d’euros).

RÉpartition de la DGF entre les différents niveaux de collectivités

2017

2018

Source : données Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018 ; réalisation commission des finances.

La DGF de chaque catégorie de collectivités territoriales est composée d’une dotation forfaitaire, destinée à alimenter les ressources des collectivités territoriales. Elle est éventuellement majorée, pour les collectivités les moins favorisées en matière de potentiel fiscal, par une ou plusieurs dotations de péréquation réparties en fonction de critères de ressources et de charges. Dans le cadre de la DGF des communes et des EPCI, cette deuxième composante correspond à la dotation d’aménagement composée elle-même de quatre fractions : la dotation d’intercommunalité (DI), la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation nationale de péréquation (DNP). Les départements reçoivent, en plus de la dotation forfaitaire, la dotation de compensation, la dotation de péréquation urbaine (DPU), et la dotation de fonctionnement minimale (DFM).

Au total, la DGF est composée de dix dotations (quatre pour les communes, deux pour les EPCI et quatre pour les départements), ces dernières étant elles-mêmes déclinées en plusieurs parts ou fractions, réparties en fonction d’une quarantaine de critères. Pour chacune des sous-composantes, l’éligibilité des collectivités et la répartition des crédits sont fonction de critères différents : par exemple, près de onze critères de ressources et dix-neuf critères de charges sont utilisés pour calculer la DGF des communes. Les modalités concrètes de répartition sont définies aux articles L. 1613‑1 à L. 1613‑5‑1 (dispositions générales) ; L. 2334‑1 à L. 2334‑23 (DGF des communes) ; L. 3334‑1 à L. 3334‑7‑1 (DGF des départements) et L. 5211‑28 à L. 5211‑35‑2 (DGF des EPCI) du CGCT. Elles sont précisées par de nombreuses notes d’information annuelles de la direction générale des collectivités locales (DGCL).

De ce fait, les montants individuels de la DGF évoluent chaque année pour tenir compte de la réalité de la situation économique ou démographique de chaque commune : c’est la condition d’une répartition équitable des concours financiers de l’État. Aussi, la DGF individuelle de chaque collectivité varie en fonction de critères objectifs (potentiel fiscal, ressources et charges de la collectivité, population, etc.) qui évoluent eux-mêmes chaque année en fonction de la situation financière, économique et sociale de la collectivité.

Évolution des composantes de la DGF de 2012 À 2018

(en millions d’euros)

Dotation

LFI 2012

LFI 2013

LFI 2014

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI
2018

DGF des communes

16 544

16 504

15 834

14 468

12 445

11 730

11 795

dont dotation forfaitaire (DF)

13 518

13 270

12 492

10 819

8 498

7 423

7 288

dont dotation de solidarité urbaine (DSU)

1 370

1 491

1 550

1 730

1 911

2 091

2 201

dont dotation de solidarité rurale (DSR)

892

969

1 008

1 125

1 242

1 422

1 512

dont dotation nationale de péréquation (DNP)

764

774

784

794

794

794

794

DGF des EPCI

7 139

7 257

7 168

6 546

6 739

6 590

6 525

dont dotation dintercommunalité (DI)

2 627

2 702

2 540

1 998

1 569

1 470

1 496

dont dotation de compensation

4 512

4 555

4 628

4 548

5 171

5 120

5 029

DGF des départements

12 252

12 258

11 813

10 751

9 694

8 607

8 609

dont dotation forfaitaire (DF)

8 025

8 014

7 560

6 485

5 410

4 335

4 330

dont dotation de compensation

2 834

2 831

2 830

2 823

2 822

2 788

2 787

dont dotation de péréquation urbaine (DPU)

616

623

626

633

640

653

657

dont dotation de fonctionnement minimale (DFM)

777

790

797

809

823

830

836

DGF des régions

5 449

5 459

5 274

4 824

4 381

3 935

dont dotation forfaitaire (DF)

5 265

5 265

5 081

4 631

4 188

3 742

dont dotation de péréquation

183

193

193

193

193

193

Note : les dotations soulignées sont des dotations de péréquation.

Source : données Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018 ; réalisation commission des finances.

 


Architecture de la DGF en 2018 (26 960 M€)

Source : données direction générale des collectivités locales (DGCL) ; réalisation commission des finances.

 


—  1  —

2.   Une part croissante de la DGF consacrée à la péréquation

Depuis 2012, il est observé une hausse sensible de l’effort en faveur de la péréquation dans un contexte de diminution de la DGF : la part de la DGF consacrée à la péréquation (toutes catégories de collectivités confondues) est passée de 6,8 milliards d’euros en 2010 à 7,7 milliards d’euros en 2018 (+ 13 %). Ainsi, en 2018, les dotations de péréquation des communes augmentent de 200 millions d’euros : elles atteignent un niveau historique de 2 201 millions d’euros pour la DSU et de 1 512 millions d’euros pour la DSR. Avec la DNP, elles représentent un bloc de près de 4 507 millions d’euros, en hausse de + 4,6 % en 2018 par rapport à 2017 et de + 48,9 % par rapport à 2012, dans un contexte de baisse de la DGF des communes (– 16,7 % en 2018 par rapport à 2012).

Évolution des dotations forfaitaires et de péréquation de 2012 À 2018

(en millions d’euros)

Note : les dotations forfaitaires retenues pour le présent graphique sont les dotations forfaitaires des communes, des départements et des régions, ainsi que les dotations de compensation des EPCI et des départements. L’année 2018 a été recalculée à périmètre constant (en tenant compte du basculement de la DGF des régions vers une fraction de TVA).

Source : données DGCL ; réalisation commission des finances.

Le financement de la hausse de la péréquation est principalement assuré par une diminution des dotations forfaitaires ou de la dotation de compensation des EPCI dont les critères de répartition ne prennent pas en compte le potentiel financier ni le niveau de richesse des communes.

Ainsi, la dotation forfaitaire de la DGF des communes fait l’objet en 2018, comme chaque année, d’un écrêtement interne pour financer le renforcement des dotations de péréquation en faveur des communes les plus fragiles, mais également les augmentations spontanées des dotations. En effet, certaines composantes de la DGF progressent automatiquement : c’est le cas du recensement de la population et des mouvements de périmètre, à savoir des adhésions de communes à des EPCI ou des fusions d’EPCI. Pour financer ces facteurs de progression, l’écrêtement de la dotation forfaitaire est modulé en fonction du potentiel fiscal des communes. Il ne s’agit toutefois pas du seul outil de maîtrise de l’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales : la minoration des variables d’ajustement permet également de dégager les marges de manœuvre financière nécessaires.

B.   La minoration des allocations compensatrices et des dotations de compensation des exonÉrations de fiscalitÉ directe locale

Les variables d’ajustement sont composées d’allocations, versées par PSR, visant à compenser des exonérations d’impositions directes locales (IDL) ou résultant de la réforme de la fiscalité directe locale réalisée dans le cadre de la loi de finances pour 2010 (réforme de la taxe professionnelle). Chaque année, afin de respecter la trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, les variables d’ajustement sont minorées en loi de finances d’un montant cible. En 2018, l’assiette des variables d’ajustement s’est ainsi élevée à 3,8 milliards d’euros.

1.   Les différentes modalités de compensation des allégements
de fiscalité locale

Les compensations d’exonérations locales, composantes des variables d’ajustement, sont des allocations annuelles prenant la forme de PSR et sont versées par l’État aux collectivités territoriales pour compenser les pertes de recettes fiscales résultant des exonérations et allégements de bases ou de taux décidés par voie législative. Le mécanisme de compensation est alors défini par la loi selon des modalités propres à chaque dispositif : aucune exigence constitutionnelle n’impose une compensation intégrale ou partielle de ces exonérations. À l’inverse, les dégrèvements, qui ne constituent pas une composante des variables d’ajustement, sont des prises en charge par l’État de tout ou partie de la contribution due par les contribuables aux collectivités territoriales sur les crédits budgétaires du programme Remboursements et dégrèvements dimpôts locaux (l’État se substitue au contribuable pour le paiement de l’impôt).

Dans la loi de finances pour 2018, les dégrèvements et compensations d’exonérations représentent 20 908 millions d’euros, et ils se décomposent de la façon suivante :

– les dégrèvements de fiscalité locale (15 026 millions d’euros) du programme Remboursements et dégrèvements dimpôts locaux de la mission Remboursements et dégrèvements ;

– les compensations d’exonérations locales (5 882 millions d’euros) qui regroupent :

● les allocations compensatrices d’exonération d’impôts locaux (2 079 millions d’euros) qui sont regroupées au sein du PSR Compensation dexonérations relatives à la fiscalité locale ; elles compensent, en partie ou en totalité, des mesures d’exonérations spécifiques d’IDL ;

● les dotations de compensation issues de la réforme de la taxe professionnelle (3 803 millions d’euros) qui prennent la forme de plusieurs PSR : la DCRTP, la dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle (DUCSTP), la dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de la taxe professionnelle (FDPTP) et la dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (DTCE ou dot 2).

Les dotations de compensations sont principalement issues de la réforme de la fiscalité locale et de la suppression de la taxe professionnelle (TP) à compter de 2010. La DUCSTP regroupe en une dotation les anciens dispositifs de compensations de TP perçues en 2010 par les communes et les EPCI à fiscalité propre. La DTCE comprend certaines allocations compensatrices régionales et départementales historiques. La dotation aux FDPTP alimente les FDPTP autrefois financés par la TP pour un montant égal à la somme des versements effectués en 2009 aux communes, EPCI et agglomérations nouvelles. Enfin, la DCRTP vise à compenser pour chaque catégorie de collectivités les principaux effets de la réforme de la TP.

RÉpartition des dÉgrèvements et compensations d’exonÉration

2017

2018

Source : données Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018 ; réalisation commission des finances.

Au contraire des dotations de compensation qui reflètent les équilibres financiers de la réforme de la TP de 2010, les allocations compensatrices de fiscalité locale varient d’une année à l’autre. En effet, dans la majorité des cas, le calcul de la compensation – dont les modalités sont fixées au cas par cas dans la loi – prend en compte l’évolution des bases fiscales en excluant toutefois la dynamique de taux, dont l’évolution demeure à la main de la collectivité. Le plus souvent, la compensation est versée en année N + 1, en prenant en compte les bases de l’année précédente, et en appliquant le taux d’imposition d’une année de référence (par exemple 1991 pour la compensation de l’exonération de TH). En 2018, les allocations compensatrices d’exonérations liées à la TH représentaient 81 % du total des allocations compensatrices.

RÉpartition par impÔt local des allocations compensatrices

(en millions d’euros)

Note : taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ; taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) ; taxe d’habitation (TH) ; contribution économique territoriale (CET).

Source : annexe au PLF pour 2018, Transferts financiers de lÉtat aux collectivités territoriales.

2.   La minoration des variables d’ajustement pour respecter l’enveloppe normée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

Afin de respecter le plafond des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales fixé par la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([340]), une partie des compensations d’exonérations est minorée par l’application d’un coefficient de minoration. Certaines allocations compensatrices et dotations de compensations sont ainsi soumises à une minoration définie en loi de finances : ce périmètre correspond aux « variables d’ajustement ». C’est la loi de finances pour 2008 ([341]) qui a mis en place ce mécanisme de maîtrise des concours financiers de l’État en prévoyant que l’évolution à la hausse de certaines dotations était compensée par la baisse corrélative d’une partie des allocations compensatrices (les variables d’ajustement).

Par la suite, le nombre de ces variables a été progressivement étendu ou modifié de manière à répartir équitablement l’effort de stabilisation des concours financiers :

– la loi de finances pour 2011 a élargi le périmètre des variables d’ajustement à certaines dotations figées issues de la réforme de la taxe professionnelle (DUCSTP et une partie de la dot 2([342]) ;

– la loi de finances pour 2017 a poursuivi cet élargissement à d’autres dotations de compensation (le restant de la dot 2, DCRTP des régions et des départements et FDPTP) ([343]) ;

– la loi de finances pour 2018 a sorti les allocations compensatrices du champ des variables d’ajustement (celles-ci sont figées au taux de minoration de 2017 ; aucun taux de minoration supplémentaire n’est appliqué en 2018 et 2019) et a élargi le périmètre des variables d’ajustement à la DCRTP des communes et des EPCI, afin de faire contribuer davantage cet échelon territorial à la neutralisation de la hausse tendancielle de l’enveloppe ([344]).

Toutefois, par un courrier daté du 26 mars 2018 et adressé aux préfectures, le ministre de l’action et des comptes publics a indiqué que « le mécanisme de minoration de la DCRTP des EPCI à fiscalité propre ne sera pas mis en œuvre en 2018 » et que « les montants de DCRTP qui leur seront notifiés (…) correspondront à ceux versés en 2017 ». Cette annonce a été confirmée dans une note d’information de la DGCL datée du même jour ([345]). En effet, le niveau important de la minoration qui avait été adopté en loi de finances pour 2018, couplé avec la concentration de la minoration sur moins de 500 EPCI, conduisait à des pertes de dotations parfois très substantielles. Le Rapporteur général se réjouit d’une telle décision, mais souligne qu’elle nécessite une modification législative : en l’état du droit, la DCRTP des EPCI subit en 2018 une minoration de 107 millions d’euros.

Le pÉrimÈtre des variables d’ajustement et les taux de minoration en 2018

(en millions d’euros)

Périmètre 2018 des variables dajustement

Montant 2017

Valeur cible 2018

Montant de minoration 2018

Taux de minoration 2018

Dotations de compensation

DUCSTP

51

0

– 51

 100 %

Dot 2 départements

437

436

– 1

 0,3 %

Dot 2 régions

100

94

– 5

 6,4 %

Dotation aux FDPTP

389

333

– 56

 14 %

DCRTP bloc communal *

1 175

1 038

– 137

 12 %

DCRTP départements

1 307

1 303

– 4

 0,3 %

DCRTP régions

618

579

– 39

 6,3 %

Somme des variables minorées

3 783

 293

(*) Aucune « minoration ne sapplique aux communes éligibles en 2018 à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale » (article 41 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018).

Source : commission des finances.

Dans ce cadre, la loi de finances doit définir chaque année le périmètre et le montant cible des variables d’ajustement, de telle sorte que le taux de minoration conduise à neutraliser les hausses de crédits.

C.   Le dispositif proposÉ

Comme chaque année en loi de finances, il est nécessaire de fixer le montant de la DGF et d’établir le périmètre et le montant cible des variables d’ajustement : le rejet du présent article aurait pour conséquence théorique l’absence de DGF pour les collectivités territoriales en 2019 ainsi que le rétablissement de certaines dotations de compensation à un niveau sans minoration, ce qui rendrait impossible le respect du principe de neutralité d’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

D.   La fixation du montant de la DGF et du pÉrimÈtre des variables d’ajustement

1.   Un montant global de DGF de 26 953 millions d’euros pour 2019

Le montant global de la DGF doit être arrêté par la loi de finances en tenant compte des évolutions de périmètre par rapport au montant réparti en 2018 : le I du présent article fixe le montant de la DGF pour 2019 à 26 953 millions d’euros. Le montant de la DGF pour 2019 est stable à périmètre constant, car il doit être tenu compte des mouvements suivants :

– une baisse de 0,4 million d’euros de la dotation de compensation des départements pour tenir compte de la recentralisation par le département des Deux-Sèvres de l’exercice des compétences en matière de vaccination et de dépistage du cancer. En effet, la mise en œuvre de la recentralisation sanitaire prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ([346]) implique que les départements qui renoncent à l’exercice de compétences sanitaires voient leur dotation de compensation réduite d’un montant égal au droit à compensation établi sur la base de l’exploitation des comptes administratifs des départements de 1983, actualisé en valeur 2005 ([347]). En 2017, trois départements avaient choisi de centraliser leurs compétences sanitaires entraînant une minoration de DGF de 1,6 million d’euros ;

– une baisse de 5,8 millions d’euros de la dotation forfaitaire des départements pour tenir compte de la recentralisation par le département de Mayotte de l’exercice des compétences en matière de financement et d’attribution du RSA ;

– enfin, une baisse d’un million d’euros en raison de la non-reconduction en 2019 du versement exceptionnel opéré en 2018 au fonds d’aide au relogement d’urgence (FARU) par un prélèvement sur la DGF.

Passage de la DGF pour 2018 À la DGF pour 2019

(en euros)

Facteurs dévolution du montant de la DGF

Impacts sur le montant de la DGF

Montant de la DGF pour 2018

26 960 322 000

 Recentralisation des compétences sanitaires départementales

– 430 000

 Recentralisation de la compétence RSA de Mayotte

– 5 844 000

 Non-reconduction du FARU

– 1 000 000

Montant de la DGF pour 2019

26 953 048 000

Source : évaluation préalable du présent article.

Ainsi, la diminution de la DGF observée entre 2018 et 2019 est entièrement imputable à des mesures de périmètre propres à certains départements et n’a donc aucun impact financier pour l’ensemble des collectivités, indépendamment des règles de répartition interne des différentes enveloppes de la DGF. Sur ce point, l’évaluation préalable du présent article indique que les progressions des dotations de péréquation en 2019 des communes (+ 180 millions d’euros dont + 90 millions d’euros pour la DSU et le montant pour la DSR) et des départements (+ 10 millions d’euros) sont financées par écrêtement interne des dotations forfaitaires des communes et des départements et de la dotation de compensation des EPCI, et non par minoration des variables d’ajustement.

Enfin, les régions bénéficient en 2019 comme en 2018 d’une fraction de TVA en lieu et place de leur DGF, pour un montant de 4 287 millions d’euros (contre 4 122 millions d’euros en 2018, soit + 165 millions d’euros). Elle bénéficie ainsi pleinement de la dynamique de la TVA.

2.   La régularisation de la suppression en 2018 de la minoration de la DCRTP des EPCI

Le II du présent article revient sur la minoration de la DCRTP des EPCI prévue par la loi de finances pour 2018 et non mise en œuvre. Il fixe le nouveau montant de la DCRTP du bloc communal pour 2018 à 1 145 millions d’euros contre 1 038 millions d’euros initialement, et précise que seule la dotation due aux EPCI au titre de 2018 n’est pas minorée. La suppression de la minoration de la DCRTP des EPCI en 2018 conduit à rehausser de 107 millions d’euros le montant du PSR de l’État au profit des collectivités territoriales. Le montant de DCRTP pour 2018 ainsi révisé sert par la suite de référence pour déterminer le montant des minorations effectuées en 2019.

En revanche, la minoration de 15 millions d’euros pour les communes est maintenue. Il est rappelé que cette minoration ne concerne pas les communes éligibles en 2018 à la DSU (soit une « moindre minoration » d’environ 15 millions d’euros sur les 30 millions d’euros initialement envisagés en l’absence d’exonération). Dans ce cadre, le Rapporteur général estime que, dans un souci d’égalité de traitement entre les communes et les EPCI, les communes ne devraient pas subir une minoration de leur DCRTP en 2018. Le coût de la suppression de la minoration serait minime par rapport à l’effort budgétaire déjà consenti pour les EPCI, de l’ordre de 15 millions d’euros.

3.   La détermination du périmètre des variables d’ajustement et des taux de minoration pour 2019

Comme chaque année depuis 2008, les variables d’ajustement doivent être adaptées au regard de l’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. La minoration des variables d’ajustement permet de neutraliser en partie les évolutions à la hausse de certains des concours financiers de l’État au bénéfice des collectivités territoriales en 2019 par rapport à la trajectoire fixée par la LPFP pour les années 2018 à 2022. Il s’agit pour cette année principalement de gager la hausse des crédits de la mission RCT.

Besoin de financement couvert par la minoration des variables d’ajustement

(en millions d’euros)

Facteurs dévolution du besoin de financement

Impacts sur le besoin de financement

Évolution de la mission RCT

144

dont dotation exceptionnelle de soutien à la collectivité de Saint-Martin

+ 50

dont majoration de la dotation globale déquipement (DGE)

+ 84

dont majoration de la dotation générale de décentralisation (DGD)

+ 8

dont dotation calamités publiques

+ 2

Évolution des compensations d’exonération

0

Somme du besoin de financement

+ 144

Source : évaluation préalable du présent article.

S’agissant de la mission RCT, le besoin de financement résulte pour 144 millions d’euros de l’octroi d’une dotation exceptionnelle de soutien à la collectivité de Saint-Martin (50 millions d’euros), la majoration des crédits de la dotation globale d’équipement (DGE) des départements (84 millions d’euros), celle de la dotation générale de décentralisation (DGD) en lien avec l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques (8 millions d’euros) ainsi que certaines autres évolutions tendancielles.

L’évolution des compensations d’exonération de fiscalité locale (en particulier des allocations compensatrices) est de 120 millions d’euros en 2019. Cette augmentation résulte pour 100 millions d’euros de la compensation des pertes de recettes liées à l’exonération de CFE, adoptée en loi de finances pour 2018, pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 5 000 euros, et pour 17 millions d’euros de l’abattement dégressif des valeurs locatives appliquées à Mayotte, mis en place par la seconde loi de finances rectificatives pour 2017 ([348]).

Enfin, on peut noter que l’augmentation du FCTVA (+ 37 millions d’euros) n’est pas gagée par une minoration des variables d’ajustement. Elle est prise en compte dans le plafond de l’enveloppe normée fixé à 5,71 milliards d’euros en 2019 par la LPFP pour les années 2018 à 2022.

Dans ces conditions, le B du III du présent article détermine le périmètre ainsi que les montants des variables d’ajustement. Le périmètre retenu en 2019 est identique à celui de l’année précédente, à la double exception suivante :

– la DUCSTP n’est plus intégrée dans le périmètre des variables d’ajustement puisque le montant de la dotation a été porté à zéro à la suite des minorations successives et de l’intégration en 2018 du reliquat dans la DCRTP du bloc communal (pour 40 millions d’euros). Le A du III tire d’ailleurs les conséquences de cette disparition en supprimant la base légale de la dotation ;

– la DCRTP du bloc intercommunal est intégrée dans le périmètre des variables d’ajustement : même si la minoration n’a finalement pas été mise en œuvre en 2018, elle devrait être effective pour la première fois en 2019, mais sur un montant de moindre ampleur.

Il est rappelé que, pour la seconde année consécutive, les allocations compensatrices de fiscalité locale ne sont plus dans le périmètre des variables d’ajustement, le taux de minoration appliqué étant toujours figé au taux 2017.

Le pÉrimÈtre des variables d’ajustement et les taux de minoration en 2019

(en millions d’euros)

Périmètre 2018 des variables dajustement

Montant 2018

Valeur cible 2019

Montant de minoration 2019

Taux de minoration 2019

Dotations de compensation

Dot 2 départements

436,0

421,0

– 15

– 3,4 %

Dot 2 régions

93,7

78,7

– 15

– 16,0 %

Dotation aux FDPTP

333,4

284,3

– 49

– 14,7 %

DCRTP bloc communal

1 159,8 *

1 144,8

– 15

– 1,3 %

DCRTP départements

1 303,4

1 278,4

– 25

– 1,9 %

DCRTP régions

578,8

553,8

– 25

– 4,3 %

Somme des variables minorées

3 761,0

 144

 3,7 %

(*) Aucune minoration n’a été finalement mise en œuvre en 2018 concernant la DCRTP des EPCI ; le PSR de la DCRTP pour 2018 doit en cohérence être augmenté de 107 millions d’euros.

Source : commission des finances.

La minoration des variables d’ajustement entraîne une diminution de 144 millions d’euros des PSR de l’État au bénéfice des collectivités territoriales, contre pour rappel près de 293 millions d’euros en 2018 (hors non-minoration de la DCRTP des EPCI) et 784 millions d’euros en 2017. Toutefois, les hausses de péréquation horizontale étaient à l’époque pour moitié compensées par les variables d’ajustement, alors qu’elles sont aujourd’hui financées par écrêtement interne de la DGF.

4.   La définition d’une règle générale de répartition de la minoration entre collectivités territoriales en fonction des recettes réelles de fonctionnement

Le IV du présent article modifie les modalités de répartition entre collectivités territoriales des minorations des variables d’ajustement pour 2019 : ces dernières seront désormais réparties au prorata des recettes réelles de fonctionnement (RRF) de leurs bénéficiaires.

En 2018, seule la minoration de la DCRTP des communes était répartie en fonction des RRF. La minoration des autres dotations de compensation était effectuée proportionnellement au montant de la dotation de l’année passée, sans tenir compte des ressources de la collectivité. Le Rapporteur général estime que le dispositif proposé est plus juste et équitable pour les collectivités. Il souligne néanmoins qu’aucun plafond d’évolution n’est actuellement prévu pour l’application du dispositif de minoration. À titre de comparaison, le dispositif d’écrêtement interne de la dotation forfaitaire des communes est limité à 1 % des RRF.

E.   L’impact budgÉtaire et Économique

Depuis 2011, le montant de la DGF est fixé chaque année par la loi de finances. Ce montant avait été gelé en 2013, puis diminué de 1,5 milliard d’euros en 2014. Ensuite, il a été soumis à la contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques (CRFP) qui a eu pour conséquence une diminution significative de la DGF pour les années 2015, 2016 et 2017. En cela, l’engagement du président de la République de maintenir constant le niveau de la DGF sur le quinquennat constitue une rupture majeure, qui n’est toutefois pas sans contreparties.

1.   Une stabilité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales dans le cadre d’un dispositif plus global de contractualisation financière

Dans le cadre des objectifs d’évolution de la dépense publique, le montant de la DGF diminue progressivement depuis plusieurs années : depuis 2012, la DGF a diminué de près de 25 % à périmètre constant. La baisse observée en 2018 est en réalité liée à une modification du périmètre de la dotation : l’enveloppe allouée aux régions (3 935 millions d’euros) a été remplacée à compter de 2018 par l’affectation d’une fraction de TVA.

Évolution du montant de la DGF de 2011 À 2019

(en millions d’euros)

Années

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Montant de la DGF

41 390

41 505

40 121

36 607

33 222

30 860

26 960 *

26 953 *

Taux d’évolution annuel (n – 1)

+ 0,3 %

– 3,3 %

– 8,8 %

– 9,2 %

– 7,1 %

– 12,6 %

=

Taux d’évolution cumulée (2012)

+ 0,3 %

– 3,1 %

– 11,6 %

– 19,7 %

– 25,4 %

– 34,9 %

– 34,9 %

(*) Les DGF 2018 et 2019 sont stables par rapport à 2017 à périmètre constant dans la mesure où la DGF des régions a été remplacée en 2018 par l’affectation d’une fraction de TVA (4 122 millions d’euros au total dont 3 935 millions au titre de la DGF des régions en 2018).

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018 ; commission des finances.

Le montant de la DGF est fixé à 26 953 millions d’euros en loi de finances pour 2019, contre 26 960 millions d’euros en loi de finances pour 2018 et 30 860 millions d’euros en loi de finances pour 2017. Elle représente en 2019 près de 55 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

Composition des concours financiers de l’État
en faveur des collectivitÉs territoriales en 2019

Source : commission des finances.

En dépit de cette évolution, le montant des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, hors FCTVA et hors TVA des régions, s’établit à 38,25 milliards d’euros, et demeure supérieur de 120 millions d’euros au plafond prévu par la LPFP pour les années 2018 à 2022 (38,14 milliards d’euros). Ce dépassement correspond au choix du Gouvernement de ne pas gager par une minoration des variables d’ajustement certaines hausses des concours financiers non prévues par la LPFP, en particulier la compensation de l’exonération de CFE pour les entreprises de faible chiffre d’affaires prévue par la loi de finances pour 2018 (évaluée à 100 millions d’euros).

Programmation des concours financiers de l’État
aux collectivitÉs territoriales

(en milliards d’euros)

Années

2018

2019

2020

2021

2022

Total des concours financiers de lÉtat aux collectivités territoriales

48,11

(48,13)

48,09

(48,19)

48,43

48,49

48,49

dont fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

5,61

(5,61)

5,71

(5,65)

5,95

5,88

5,74

dont taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions

4,12

(4,12)

4,23

(4,29)

4,36

4,5

4,66

dont autres concours

38,37

(38,39) (*)

38,14

(38,25)

38,12

38,1

38,1

Note : les concours financiers de l’enveloppe « normée » regroupent les PSR établis au profit des collectivités territoriales, les crédits du budget général relevant de la mission RCT, ainsi que le produit de l’affectation de la TVA aux régions. Les montants entre parenthèses indiquent les montants inscrits en loi de finances initiale.

(*) La différence de 20 millions d’euros en 2018 résulte de l’adoption en cours de lecture de l’exonération de minoration de DCRTP des communes éligibles à la DSU, mesure initialement évaluée à 20 millions d’euros (contre 15 millions d’euros en exécution 2018).

Source : loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Aussi l’enveloppe des concours financiers de l’État est-elle globalement stable entre 2018 et 2019, conformément à l’article 16 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([349]) : elle augmente légèrement de près de 60 millions d’euros en crédits de paiement (CP) et à périmètre courant (et de 70 millions d’euros en CP à périmètre constant). Il s’agit d’une rupture par rapport aux années précédentes pendant lesquelles la DGF avait fait l’objet d’une diminution au titre de la contribution au redressement des finances publiques de 9,3 milliards d’euros. En contrepartie, l’article 13 de la loi de programmation susmentionnée ([350]) dispose que « les collectivités territoriales contribuent à leffort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique, selon des modalités à lélaboration desquelles elles sont associées » et impose un « objectif national dévolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre » correspondant « à un taux de croissance annuel de 1,2 % appliqué à une base de dépenses réelles de fonctionnement en 2017, en valeur et à périmètre constant » (soit un effort de 13 milliards d’euros sur l’ensemble du quinquennat par rapport à l’augmentation tendancielle).

L’article 29 de la LPFP ([351]) définit à cette fin une démarche innovante et partenariale sur la base d’une contractualisation financière entre l’État et 322 collectivités territoriales, ayant pour objet d’organiser leur contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public. L’objectif de hausse maîtrisée de 1,2 % par an des dépenses réelles de fonctionnement sur la période 2018-2020 est modulé par collectivité territoriale pour tenir compte de leur situation particulière (évolution de la population, constructions de logements, évolution passée des dépenses, etc.). Ces modulations peuvent conduire à faire varier le taux entre 0,75 % et 1,65 %. Les contrats devaient être conclus au plus tard à la fin du premier semestre 2018 entre le représentant de l’État et les régions, les départements, ainsi que les communes et les EPCI à fiscalité propre dont les dépenses réelles de fonctionnement au titre de l’année 2016 sont supérieures à 60 millions d’euros. Des collectivités et groupements n’entrant pas dans le champ pouvaient également signer les contrats à titre volontaire.

Au 1er juillet 2018, 229 collectivités ont accepté la signature d’un contrat de maîtrise des dépenses locales (71 %) permettant une hausse maîtrisée des dépenses de fonctionnement des collectivités. Sur les 93 collectivités territoriales ayant refusé le dispositif, 52 collectivités sont des départements et 25 collectivités des communes. Celles-ci sont toujours associées à l’effort de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, mais les objectifs n’ont pas fait l’objet d’une négociation et sont notifiés par arrêté préfectoral. De plus, le taux de reprise financière en cas de non-respect des objectifs notifiés sera de 100 % de l’écart entre le niveau d’exécution des dépenses et le niveau contractuel du plafond, au lieu de 75 % de l’écart en cas de contractualisation, dans la limite de 2 % des RRF dans les deux cas. Ainsi, toutes les collectivités participeront à l’effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement, qu’elle fasse ou non l’objet d’une contractualisation.

Situation des contrats de maÎtrise des dÉpenses locales AU 1er juillet 2018

(nombre de collectivités)

Catégories de collectivités

Nombre de contrats signés

Nombre de collectivités ayant refusé un contrat

Proportion des collectivités ayant signé un contrat

Régions

9

8

53 %

Métropoles

20

1

95 %

Départements

45

52

46 %

EPCI

35

7

83 %

Communes

120

25

83 %

Total

229

93

71 %

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018.

À ces chiffres, s’ajoutent 17 collectivités volontaires que la loi n’avait pas expressément ciblées, mais qui ont souhaité conclure un contrat de maîtrise de leurs dépenses. L’évaluation du dispositif – en particulier l’impact sur l’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités – doit se faire au cours du printemps 2019 en vue de l’élaboration du PLF pour 2020. Le Gouvernement estime que l’objectif moyen d’évolution des contrats est actuellement à 1,21 % sur une assiette de 115,1 milliards d’euros. Parmi les collectivités signataires, 93 collectivités ont vu leur taux modulé à la hausse et 52 collectivités à la baisse.

Ainsi, le dispositif de contractualisation limite l’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités locales à 1,2 % par an en valeur. Dans les faits, ces dernières ne devraient progresser que de + 0,9 % en 2018 (contre + 1,5 % en 2017) pour s’établir à 183,9 milliards d’euros. La principale raison de cette maîtrise des dépenses de fonctionnement serait le net ralentissement des frais de personnel (+ 1,0 % après + 2,7 % en 2017) du fait principalement des mesures mises en œuvre par l’État (gel du point d’indice et report du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations »). En revanche, le niveau de l’inflation (+ 1,8 %) et les effets induits de la reprise des dépenses d’investissement des collectivités (+ 7,0 % en 2018) entraîneraient une hausse des dépenses d’achats des collectivités (+ 1,7 %) ([352]).

2.   Les minorations des allocations compensatrices impliquent les collectivités territoriales dans le financement d’exonérations nationales d’impositions locales

Du fait de l’application depuis plusieurs années du mécanisme des variables d’ajustement, les compensations des exonérations de fiscalité locale, sous la forme de dotations de compensation ou d’allocations compensatrices, ont diminué d’un milliard d’euros depuis 2012 (soit – 14 %). Cela conduit à diminuer progressivement les taux de compensation des allégements de fiscalité locale, ces derniers étant désormais majoritairement à la charge des collectivités territoriales. Les compensations d’exonérations (allocations et dotations) versées par l’État ont été fixées en loi de finances initiale à 5 862 millions d’euros en 2018 (dont 2 079 millions d’euros d’allocations compensatrices et 3 783 millions d’euros de dotations de compensation) et à 5 961 millions d’euros en 2019 (dont 2 200 millions d’euros d’allocations compensatrices et 3 761 millions d’euros de dotations de compensation).

Évolution et rÉpartition des compensations d’exonÉrations de 2012 À 2019

(en millions d’euros)

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018 ; commission des finances.

Entre 2012 et 2016, du fait de la concentration du périmètre des variables d’ajustement sur les seules allocations compensatrices, le poids des compensations utilisées comme variables d’ajustement dans le total des compensations est passé de 18 % à 7 %. À partir de 2017, l’intégration progressive des dotations de compensation dans les variables d’ajustement fait augmenter sensiblement ce poids (64 % en 2019). En effet, depuis 2018, la loi de finances prévoit que les allocations compensatrices soumises à minoration en 2017 voient leur taux de compensation figé. Désormais, les variables d’ajustement sont exclusivement composées des dotations de compensation.

Évolution des compensations d’exonÉrations minorÉes et non minorÉes

(en millions d’euros)

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018 ; commission des finances.

Sur la période 2012 à 2019, les dotations de compensation ont diminué de 26,5 %, soit une diminution de 1,35 milliard d’euros. Inversement, si le montant des allocations compensatrices est en légère hausse sur la même période, le taux de compensation est en nette diminution pour atteindre en 2016 environ 40 % de la perte de recette engendrée par les mesures d’exonérations de fiscalité locale. Ainsi, environ 60 % de ces allégements sont financés directement par les collectivités territoriales.

Taux de compensation des mesures d’exonÉrations lÉgislatives
par les allocations compensatrices en 2016 

(en pourcentage)

Catégories de collectivités

Taxe dhabitation

Taxe sur le foncier bâti

Taxe sur le foncier non bâti

Cotisation foncière des entreprises

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Total

Communes

55 %

17 %

70 %

29 %

43 %

43 %

EPCI à fiscalité propre

37 %

9 %

26 %

29 %

70 %

34 %

Départements

17 %

75 %

20 %

Régions

73 %

73 %

Total

49 %

16 %

63 %

29 %

73 %

39 %

Note : le taux de compensation est le rapport entre l’allocation compensatrice versée et le montant exonéré.

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018.

Les communes et leurs groupements sont les principaux bénéficiaires des allocations compensatrices (94,5 %), suivis par les départements (5,1 %) et les régions (0,4 %) ([353]). De ce fait, la baisse du taux de compensation est plus marquée pour les communes dont la population dispose d’un revenu moyen faible (la proportion de ménages exonérés étant plus importante) ou pour les communes dont le tissu économique ciblé par des mesures d’exonérations est important.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, lamendement I-CF833 de M. Fabien Roussel, lamendement I-CF1417 de Mme Bénédicte Taurine, lamendement ICF807 de M. Jean-Paul Dufrègne, les amendements I-CF1099 et I-CF1100 de Mme Christine Pires Beaune, lamendement I-CF1135 de M. François Pupponi, les amendements identiques I-CF476 de Mme Véronique Louwagie, I-CF585 de M. Vincent Descoeur et I-CF835 de M. Charles de Courson, ainsi que lamendement I-CF1101 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Fabien Roussel. L’amendement I-CF833 vise à garantir aux collectivités territoriales un niveau de DGF davantage conforme à leurs besoins et à leurs attentes. Un récent rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales a pointé que cette baisse uniforme de dotation avait beaucoup plus touché certaines collectivités, notamment les plus petites d’entre elles, et qu’il fallait sans doute songer à modifier cette trajectoire.

M. Éric Coquerel. En 2018, la DGF accordée aux collectivités territoriales était de 26,96 milliards d’euros, montant reconduit dans ce projet de loi. Si on regarde l’inflation et l’augmentation de la population, cela représente en réalité une baisse de 467 millions d’euros, soit une diminution de 1,7 % dans un contexte global de diminution de 3,9 milliards d’euros entre 2017 de 2018. Il n’est plus supportable de transférer ainsi l’austérité sur les collectivités territoriales. Notre amendement I-CF1417 permettrait de remettre la DGF au niveau de ce qu’elle devrait être, en tenant compte de l’inflation et de l’accroissement de la population.

M. Jean-Paul Dufrègne. L’amendement I-CF807 a le même objet : il faut prendre en compte la question de l’inflation, qui repart, pour fixer le montant de la DGF des collectivités. C’est absolument nécessaire, faute de quoi leur capacité à investir sera à nouveau érodée.

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement I-CF1099 vise effectivement à recalculer le montant de la DGF en tenant compte de l’inflation. On nous soutient qu’il n’y a pas de baisse de l’enveloppe globale... C’est pourtant bien le cas : avec une inflation à 1,6 %, il y aura une baisse de l’enveloppe, y compris de l’enveloppe globale.

L’amendement I-CF1100 porte quant à lui sur la partie péréquatrice de la DGF, c’est-à-dire sur la dotation de solidarité urbaine (DSU) et sur la dotation de solidarité rurale (DSR). L’objectif est de continuer à augmenter la péréquation, comme le recommande d’ailleurs la Cour des comptes, au moins pour la DSU et la DSR. Il vous est proposé de la porter au montant qui figurait déjà dans la loi de 2016 et de 2017 : 180 millions d’euros pour la DSU et 180 millions d’euros pour la DSR.

M. François Pupponi. L’amendement I-CF1135 est de repli. L’année dernière, on en était à 110 millions d’euros d’augmentation de la DSU ; cette année, on retombe à 90 millions d’euros. On ne retrouve donc pas cette année l’effort consenti l’an dernier pour les quartiers.

Mme Véronique Louwagie. À travers l’amendement I-CF476, il vous est proposé d’accompagner les baisses importantes de dotations des communes. Nous constatons notamment qu’un certain nombre de baisses sont dues à la recomposition des territoires intercommunaux intervenue en 2017, de sorte que 3 600 communes ont connu des diminutions de dotations de péréquation supérieures à 1 % de leurs recettes réelles de fonctionnement. Cette diminution dépasse même 5 % des recettes réelles de fonctionnement pour plus de 1 200 communes.

L’idée est d’accompagner cette baisse par un lissage, en proposant d’augmenter l’enveloppe de la DGF de 55,4 millions d’euros. Cette augmentation serait financée par un fléchage des prélèvements sur les douzièmes de fiscalité opérés au titre de la contribution au redressement des finances publiques, qui viendrait abonder la DGF.

M. François Pupponi. L’évolution de l’année dernière ne concernait que la DSU. Mais la logique suivie durant des années voulait que ce soient à la fois la DSU et la DSR qui augmentent parallèlement.

M. Vincent Descoeur. Mon amendement I-CF585 répond aux besoins nés de la diminution constatée pour de nombreuses communes. Dans le cas présent, il s’agit bien de la DSR, mais aussi de la dotation nationale de péréquation. Car la diminution constatée est la conséquence de la loi « NOTRe », qui a eu pour résultat la recomposition des territoires intercommunaux.

M. Charles de Courson. Nous avons fait une erreur l’année dernière : nous ne nous sommes pas rendu compte que, dans un montant globalement stabilisé, se cachaient d’énormes écarts liés aux restructurations des intercommunalités. Des centaines de communes – pas moins de 3 600 me semble-t-il – ont perdu purement et simplement leur DSR, brutalement, alors que rien n’avait changé pour elles. Or on n’a prévu aucun mécanisme de lissage.

Mon amendement I-CF835 se veut un appel du pied au Gouvernement, pour qu’il mette en place un système de lissage. Grosso modo, cela représente 60 millions d’euros. Si on prend les seules communes pour lesquelles la perte de la DSR a entraîné une perte de dotations supérieure à 5 % de leurs recettes de fonctionnement, pas moins de 1 200 communes sont concernées. Il faudrait se concentrer sur elles.

Il ne s’agit que d’un appel du pied ; il restera ensuite à voir comment cela pourrait être refinancé, par redéploiement ou autre. Car la DSR est en forte hausse, et continue à augmenter, et d’autres communes en ont largement bénéficié. Un redéploiement au sein de l’enveloppe de la DSR me semble donc possible ; c’est d’ailleurs le souhait de l’AMF, qui demande depuis l’année dernière de mettre en place un fonds de lissage.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement de repli I-CF1101 vise à augmenter l’enveloppe de la DGF de 40 millions d’euros, afin de porter la péréquation de 90 millions d’euros à 110 millions d’euros, aussi bien sur la DSU que sur la DSR.

M. le Rapporteur général. L’engagement du Gouvernement porte sur la stabilité en valeur des concours financiers, comme l’a rappelé Christine Pires Beaune. Je ferai observer que, pour la deuxième année consécutive, cet engagement a été tenu, après plusieurs années de contribution au redressement des finances publiques (CRFP) qui avaient conduit à une diminution de plus de 9 milliards d’euros de la DGF.

Je ferai remarquer à M. Pupponi que les fortes hausses de la DSU les années précédentes étaient précisément dues à l’existence de la CRFP et au fait que certains territoires se retrouvaient extrêmement fragilisés. Autrement dit, toutes choses étant égales par ailleurs, nous ne sommes quand même plus dans les mêmes conditions.

S’agissant de l’amendement de M. de Courson, je suis sensible à ce qu’il dit sur les communes qui ont subi de fortes pertes de ressources, sous le double effet de l’intercommunalité et de la modification des règles de plafonnement de l’écrêtement interne. C’est un phénomène qui est, je vous l’avoue, difficilement rattrapable. Reste que votre amendement, comme tous les autres, propose une augmentation de la DGF ; restons plutôt sur la stabilité en valeur et réfléchissons plutôt à la question de savoir si on peut trouver, en seconde partie de la loi de finances, un amendement de péréquation et de lissage dans le cadre du pacte de stabilité des concours financiers aux collectivités locales. J’émets donc un avis défavorable sur tous ces amendements.

M. Jean-René Cazeneuve. Les collectivités territoriales connaissent une dynamique très forte de leurs recettes propres en 2018, et on projette à peu près la même chose en 2019. Leurs ressources de fonctionnement vont donc augmenter plus rapidement que leurs dépenses de fonctionnement en 2018. Je ne vois donc pas l’urgence qu’il y aurait à indexer en valeur la DGF.

Même s’il s’agit d’un sujet de seconde partie de la loi de finances, il faut réfléchir au lissage et à l’impact, d’une année sur l’autre, des variations de la DGF. Il y a eu des excès en 2018. Mais je voudrais quand même rappeler que nous n’avons absolument pas changé les règles de la DSR. Si, par exemple, elle est tombée pour un certain nombre de communes, en raison du regroupement intercommunal, ce n’est pas de notre fait, mais seulement une conséquence de ce qui avait été fait avant. Je crois aussi qu’il serait juste de trouver un système pour que cela ne se reproduise pas, mais dans le cadre de la seconde partie de la loi de finances.

La DSU, quant à elle, continue d’augmenter : elle ne recule pas par rapport à l’année dernière. Nous continuons de l’abonder à hauteur de 90 millions d’euros, en suivant à peu près le même rythme que précédemment. Autrement dit, nous continuons à favoriser la péréquation vers les quartiers défavorisés.

M. Éric Coquerel. Je voudrais réagir aux réponses du Rapporteur général. Faites‑vous mieux que les autres ? Peut-être, mais on peut difficilement ne pas tenir compte de ce qui a été fait précédemment. Le montant de la DGF est passé de 40 à 26,9 milliards d’euros entre 2008 et 2018. Par ailleurs, la stabilité en valeur signifie une baisse de fait des crédits, en raison de l’inflation et de l’augmentation de la population, qui sera de 0,4 %. Il faut aussi regarder ce qui se cache derrière les chiffres : certaines collectivités territoriales, notamment celles qui ont les quartiers les plus défavorisés, se trouvent dans des situations insupportables. On n’en est plus à se demander si l’on pourrait réduire des crédits au motif que de l’argent serait jeté par les fenêtres : des services essentiels ne sont plus rendus à la population, dans un contexte où la suppression des contrats aidés a eu un effet absolument négatif. Enfin, l’État se défausse parfois sur les collectivités territoriales via des transferts de compétences. Combien de mairies qui veulent essayer de garder un commissariat de police sont ainsi appelées à financer des opérations de construction ou, au moins, de rénovation, alors que cela ne devrait pas être leur rôle ? Si l’on ne suit pas l’inflation et la hausse de la population, on mettra les collectivités territoriales encore plus en difficulté.

Mme Christine Pires Beaune. Il faut faire attention quand on raisonne au niveau national : cette année encore, il y aura des communes qui vont perdre de la DGF. Il est vrai que les recettes sont dynamiques, mais pas pour tout le monde : la péréquation vise aussi à compenser ce phénomène.

M. Éric Alauzet. M. Coquerel nous invite à considérer la situation de manière pluriannuelle, en regardant aussi les budgets antérieurs, mais il faut vraiment tout prendre en compte – ce n’est pas toujours facile, car il y a beaucoup de paramètres. Il y a eu 10 milliards d’euros de réduction des dotations pour les collectivités territoriales, c’est vrai. Le bloc communal – communes et intercommunalités – a subi une baisse de 6,5 milliards d’euros ; mais parallèlement, il y a eu presque 2 milliards d’euros d’apports de l’État dans le cadre de différents dispositifs : la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) sont considérablement montées en puissance et sont maintenues.

Mme Véronique Louwagie. On peut entendre l’idée qu’il y ait une augmentation générale des recettes des collectivités territoriales et une stabilité des dotations, mais nos amendements ne visent qu’à remédier aux disparités. La situation de certaines communes est catastrophique : pour 1 200 d’entre elles, la réduction des dotations de péréquation représente plus de 5 % des recettes réelles de fonctionnement. C’est énorme et imprévisible : cela vous arrive en quelques mois, sans que l’on ait pu anticiper. Il faut trouver un mécanisme de lissage afin de répondre aux difficultés.

M. Jean-Louis Bricout. Comme M. Alauzet l’a souligné, il y a eu une forme de compensation de la baisse des dotations sous la précédente législature, en particulier grâce à un soutien à l’investissement des collectivités territoriales avec la création de la DSIL. M. Coquerel l’a dit : les collectivités sont affectées par le niveau actuel de l’inflation, elles doivent réaliser des dépenses supplémentaires, notamment liées au problème des carburants, et elles subissent l’évolution des emplois aidés, de même que certaines mesures écologiques
– l’application du « zéro phyto » dans les petites communes conduit à des besoins accrus en ressources humaines, par exemple pour désherber. Tout cela représente des charges supplémentaires. On voit bien qu’il y a un besoin de péréquation car il reste des inégalités flagrantes, souvent du fait de la localisation des activités économiques. C’est pourquoi nos amendements visent à augmenter la péréquation.

M. Gilles Carrez. Je voudrais profiter de ce débat sur les collectivités territoriales pour poser une question très précise. On vient d’apprendre que plusieurs milliers de communes ont augmenté le taux de leur TH en 2018 ; certains maires ont d’ailleurs agi de manière un peu cynique, en se disant que cette évolution ne se verrait pas compte tenu de la réduction d’un tiers de la taxe pour une partie substantielle de la population. Or le dégrèvement est calculé sur les taux de 2017. J’aimerais savoir ce que va devenir cette fraction de TH sur laquelle le dégrèvement ne porte pas. Toutes choses étant égales par ailleurs, il y aura en 2020 un résidu de TH lié à cette augmentation des taux. J’ai déjà posé cette question l’année dernière, mais elle est évidemment restée sans réponse. A-t-on eu des éclaircissements depuis ?

M. le président Éric Woerth. Mais oui : les contribuables paieront une TH correspondant à l’écart entre l’augmentation de la taxe et le dégrèvement.

M. le Rapporteur général. Christine Pires Beaune et Véronique Louwagie ont co‑animé une mission d’information sur la DGF, et je fais partie de ceux qui souhaitaient que les conclusions de cette mission aient une traduction dans un texte législatif. Nous avons manqué l’occasion qui était offerte par ce travail approfondi et bien mené, mais une autre se présentera à la faveur du projet de loi relatif au financement des collectivités territoriales qui est annoncé pour le début de l’année prochaine, et nous ne repartirons pas du néant. Je comprends le désarroi de certaines collectivités territoriales qui perdent de la population et n’ont pas de « socle » de DGF, si je puis dire, mais aussi le désarroi qui existe lorsque la solidarité ne fonctionne pas au sein des intercommunalités. Nous pourrons revenir sur ces sujets, comme vous l’aviez très bien fait dans le cadre de cette précédente mission d’information.

M. le président Éric Woerth. Il y avait aussi la question de M. Carrez.

M. le Rapporteur général. Ce qui s’est passé n’est pas une bonne solution, à mon avis. Certains acteurs ne se comportent pas très bien dans cette affaire. Nous examinerons cette question de plus près à l’occasion de la disparition totale de la TH. Certains comportements ne sont pas acceptables.

M. le président Éric Woerth. Il y aura une part résiduelle, qui représentera une vraie TH au bout de dix ans...

Mme Christine Pires Beaune. J’avais compris que le texte du premier semestre prochain serait consacré à la fiscalité locale. Voulez-vous dire qu’il ira plus loin et englobera aussi la question des dotations ?

M. le Rapporteur général. Il est annoncé comme devant porter sur la fiscalité locale mais, s’agissant des collectivités territoriales, je vois mal comment le périmètre pourrait ne pas être global. C’est en tout cas mon opinion en tant que Rapporteur général.

La commission rejette successivement les amendements I-CF833, ICF1417, ICF807, I-CF1099, I-CF1100, I-CF1135, puis les amendements identiques I-CF476, ICF585 et I-CF835, et enfin lamendement I-CF1101.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF1448 du Rapporteur général, I-CF1398 de Mme Bénédicte Taurine, I-CF1097 de Mme Christine Pires Beaune, I-CF141 de Mme Émilie Bonnivard, les amendements identiques I-CF806 de M. Michel Castellani et I-CF1137 de Mme Valérie Rabault, les amendements identiques ICF837 de M. Charles de Courson et I-CF1098 de Mme Christine Pires Beaune, ainsi que lamendement ICF478 de Mme Véronique Louwagie.

M. le Rapporteur général. Je vous propose par mon amendement I‑CF1448 de traiter un problème survenu l’an dernier, en ce qui concerne la DCRTP du bloc communal, qui a fait l’objet d’une minoration. Les ministres de l’économie, des finances et de l’intérieur ont adressé une lettre pour « geler » cette minoration dans les EPCI à fiscalité propre, et nous avons adopté en parallèle un amendement visant à exclure certaines communes de cette minoration, notamment celles concernées par la DSU. Mais certaines communes, dont la plupart appartiennent à des EPCI sans fiscalité propre, se sont trouvées dans une situation difficile à la suite du manque de solidarité de leur intercommunalité. Les communes concernées, qui sont peu nombreuses, correspondent à des bassins industriels isolés. Afin que toutes les collectivités soient remises à niveau avant que l’on rebatte les cartes, l’année prochaine, je vous propose d’adopter une non-minoration supplémentaire de 15 millions d’euros, étant rappelé que la minoration prévue par la loi de finances pour 2018 dans les EPCI à fiscalité propre s’élevait déjà à 107 millions d’euros : cela permettra d’éviter qu’il y ait des perdants dans cette affaire. Voilà ce que je vous propose pour traiter un problème que j’avais déjà soulevé en séance l’année dernière.

M. François Pupponi. Je voudrais simplement demander au Rapporteur général si cela concerne bien les variables d’ajustement en 2019.

M. Éric Coquerel. L’amendement I-CF1398 vise à ce que le mécanisme de minoration des dotations de compensation liées à la suppression de la fiscalité locale n’affecte en aucun cas les budgets des collectivités territoriales. Il faut rappeler que la DCRTP n’est rien d’autre qu’un dédommagement versé par l’État à raison de la suppression de la taxe professionnelle. Les montants sont très logiquement dus et ne devraient pas servir de variables d’ajustement. Nous souhaitons prioriser les collectivités les plus proches des citoyens et dont les responsables sont directement élus, c’est-à-dire les communes et les départements, et nous demandons que l’on tienne compte de l’augmentation de la population et de l’inflation.

Mme Christine Pires Beaune. Notre amendement I-CF1097 tend à annuler 149 millions d’euros de variables d’ajustement. Ce montant doit notamment servir à alimenter le fonds destiné à Saint-Martin, à hauteur de 50 millions d’euros : le président de la République avait annoncé que l’État s’engageait à verser une aide exceptionnelle, et vous la faites payer par les collectivités territoriales ! Vous demandez aussi d’étendre les horaires d’ouverture des bibliothèques, mais ce sont les collectivités qui devront financer elles-mêmes cette mesure ! Dans le cas des DCRTP, vous reprenez une dotation créée dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle...

M. Gilles Carrez. Exactement !

Mme Christine Pires Beaune. ... et versée à certaines régions qui avaient été lésées par la réforme de la taxe professionnelle, mais pas aux autres. L’Occitanie est ainsi le premier bénéficiaire de ce dispositif, alors que l’Île-de-France n’est pas concernée puisqu’elle ne percevait rien au titre de la DCRTP, n’ayant pas eu à souffrir de la réforme de la taxe professionnelle. Et du coup, l’Île-de-France n’est pas ponctionnée, ce qui est purement scandaleux. Et après ça, vous voulez rétablir la confiance entre l’État et les collectivités territoriales ? Permettez-moi de vous dire que c’est mal parti avec de telles dispositions.

Mme Émilie Bonnivard. Mon amendement I-CF141 s’inscrit dans la continuité du précédent. Comme Christine Pires Beaune vient de le dire, vous enlevez des dotations à des collectivités qui étaient déjà perdantes du fait de la réforme de la taxe professionnelle : ce mécanisme est totalement injuste et contraire à la péréquation. Le législateur s’était engagé à ce qu’aucune collectivité ne perde des ressources dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, mais les dotations de compensation font partie des variables d’ajustement et sont réduites d’année en année. Vous demandez un effort à des collectivités qui sont déjà perdantes alors que les gagnantes ne sont pas mises à contribution.

M. Michel Castellani. Mon amendement I-CF806 concerne également la DCRTP pour les régions. Le montant de cette dotation, qui a été créée pour les perdants de la réforme, a vocation à rester figé. Alors que des amputations extrêmement importantes ont déjà eu lieu en 2017 et 2018, le Gouvernement prévoit une baisse supplémentaire de 25 millions d’euros. Je vous propose de revenir au montant prévu pour 2018.

M. Jean-Louis Bricout. Mon groupe a déposé un amendement identique I-CF1137 qui maintiendra à 578 millions d’euros le montant de la DCRTP versée aux régions. Elle a déjà baissé de 8,4 % en 2017 puis de 6,3 % l’année dernière, ce qui représente respectivement des pertes de recettes de 56 et 38 millions d’euros. L’introduction de la DCRTP dans les variables d’ajustement est une mesure injuste, inégalitaire et donc inacceptable : cette dotation devait servir de compensation pour les régions qui étaient perdantes dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle.

M. Charles de Courson. L’amendement I-CF837 concerne également la minoration de la DCRTP.

Mme Christine Pires Beaune. Le I-CF1098 est un amendement de repli sur le même sujet.

Mme Véronique Louwagie. Il est profondément scandaleux, comme Christine Pires Beaune l’a dit, que la dotation de 50 millions d’euros prévue en faveur de Saint-Martin soit financée, en fin de compte, par les collectivités territoriales dans le cadre des variables d’ajustement. Ce même mécanisme servira à financer une partie des crédits prévus, au niveau des départements, pour apurer les restes à charge résultant de la gestion des exercices antérieurs. L’amendement I-CF478 permettra de sortir la DCRTP du périmètre des variables d’ajustement.

M. le président Éric Woerth. Cela me semble juste, en effet.

M. le Rapporteur général. Je précise, en réponse à François Pupponi, que mon amendement concerne effectivement les variables d’ajustement en 2019.

M. Gilles Carrez. Je trouve inacceptable d’utiliser la DCRTP en tant que variable d’ajustement.

De quoi s’agit-il ? La taxe professionnelle a été remplacée par la CFE et par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, mais il a également fallu injecter d’autres ressources, notamment via la TH et la taxe sur les surfaces commerciales, car on n’arrivait pas aux montants antérieurs. Pour les cas où cela ne suffisait toujours pas, on a aussi créé une dotation, dans le strict respect de la réforme constitutionnelle de 2003 et de la loi organique de 2004. Le constat est que l’on ne peut plus remplacer de la fiscalité locale par des dotations, car on sait ce qu’elles deviennent ensuite. Tout le monde s’était engagé sur ce principe à l’époque ; or le voilà totalement nié aujourd’hui. La DCRTP ne correspond qu’à une ancienne fiscalité locale – et du reste pas si ancienne, puisqu’elle date de la réforme de la taxe professionnelle, c’est-à-dire de 2010. La situation actuelle est peut-être acceptable sur le plan constitutionnel, mais elle ne respecte absolument pas les engagements souscrits. Au regard de ce type de comportement de la part de l’État, je vous mets en garde sur ce qui se passera avec la TH : il y aura exactement les mêmes problèmes. Et en plus, c’est là-dessus qu’on finance les 50 millions d’euros pour Saint-Martin... C’est totalement inacceptable.

M. François Pupponi. Je rappelle aussi que les variables d’ajustement devaient normalement servir à compenser les exonérations décidées par le Gouvernement et le Parlement. On était à 90 % de compensation il y a quelques années ; on va tomber à 7 ou 8 % les communes les plus pauvres, où il y a le plus d’exonérations, perdent des recettes fiscales. Vous expliquez que la DGF est maintenue, mais vous oubliez toujours les baisses : il y a une perte de compensation par l’État de ce qui est dû aux collectivités territoriales en raison de décisions qui ne dépendent pas d’elles. Quand on touche aux variables d’ajustement comme vous le faites, on prend aux plus pauvres pour donner à d’autres alors que c’est l’État qui devrait payer. Pourquoi faut-il que les communes les plus pauvres financent ce que des intercommunalités pas forcément démunies ont perdu ?

Mme Christine Pires Beaune. Il est profondément inique de toucher aux DCRTP, comme Gilles Carrez l’a souligné. Certaines régions sont très fortement touchées par cette ponction : l’Occitanie, les Hauts-de-France, la Normandie, la Nouvelle-Aquitaine, le Grand Est et Provence-Alpes-Côte d’Azur, alors que les régions Centre-Val de Loire, Pays de la Loire et Île-de-France ne sont pas concernées. Il suffit de regarder à quels territoires on va demander un effort, et quels autres sont laissés tranquilles, pour comprendre que cette mesure est totalement inique. Qui plus est, elle revient sur l’engagement, pris lors de la réforme de la taxe professionnelle, de ne pas toucher aux DCRTP. Je rejoins aussi ce que Gilles Carrez a dit sur la TH : vous fragilisez le dégrèvement. On commence par dire que l’évolution est pérenne, puis on revient dessus cinq ou dix ans plus tard.

M. Jean-René Cazeneuve. N’allez pas nous reprocher, madame Pires Beaune, ce qui a été décidé sous la législature précédente.

Mme Christine Pires Beaune. Je l’avais dénoncé avec la même vigueur !

M. Jean-René Cazeneuve. C’est pourtant bien à ce moment-là que la minoration de la DCRTP a été instaurée !

Mme Christine Pires Beaune. Nous l’avons votée, mais M. Ferrand, M. Alauzet et M. Dussopt aussi : s’il fallait faire une liste, elle serait longue !

M. Jean-René Cazeneuve. Permettez-moi aussi de souligner que le montant est deux fois moins important que l’année dernière.

M. Charles de Courson. Est-il raisonnable de prélever 194 millions d’euros
– 40 millions sur les régions, 40 millions sur les départements et le solde, de mémoire, sur le bloc communal – pour financer les mesures suivantes : 50 millions d’euros pour Saint-Martin, alors que cela relève de la solidarité nationale, 84 millions d’euros pour les départements au titre des charges résiduelles résultant de la gestion des exercices antérieurs, des crédits pour les bibliothèques, car l’État a décidé d’élargir leurs horaires d’ouverture – je ne sais pas comment il peut le faire, car ce n’est pas lui qui les fixe, mais ceux qui n’ont pas de bibliothèques vont payer pour ceux à qui on impose d’étendre les horaires – et enfin 2 millions d’euros dans le cadre de la dotation « calamités publiques » ? On marche sur la tête ! Tout cela n’est pas acceptable. Enfin, permettez-moi de rappeler qu’il y a dans votre groupe trente députés « recyclés » qui ont voté l’évolution dont nous parlons. Pour ma part, j’avais voté contre.

Mme Véronique Louwagie. Moi aussi.

M. Patrick Hetzel. Ce qui est très choquant, c’est d’entendre le président de la République prendre des décisions pour lesquelles on pourrait se placer dans une logique de solidarité nationale, comme Charles de Courson l’a dit, et de vous voir ensuite faire les poches des autres collectivités territoriales. C’est une aberration incroyable !

M. Jean-René Cazeneuve. C’est de la solidarité.

M. Patrick Hetzel. Justement non, car la solidarité devrait concerner tous les départements, ce qui n’est pas le cas. En réalité, le président de la République accentue les inégalités.

M. Gilles Carrez. On a été obligé d’injecter de la DCRTP dans des territoires qui étaient plutôt industriels et où résidaient des populations pauvres : ils perdaient beaucoup de taxe professionnelle sans que l’on puisse compenser cette évolution par des transferts de fiscalité économique car elle n’est pas très élevée. En utilisant la DCRTP pour financer, notamment, les 50 millions d’euros destinés à Saint-Martin, on ne fera payer que certains territoires pauvres alors que l’Île-de-France, par exemple, n’est aucunement sollicitée. C’est une très mauvaise solution.

M. le président Éric Woerth. Cela fera l’objet d’un vrai débat en séance.

La commission adopte lamendement ICF1448 (amendement I-2515).

En conséquence, les amendements I-CF1398, I-CF1097, I-CF141, ICF806, ICF1137, I-CF837, I-CF1098 et I-CF478 tombent.

La commission examine ensuite, en discussion commune, lamendement ICF140 de Mme Émilie Bonnivard, ainsi que les amendements identiques ICF482 de Mme Véronique Louwagie et I-CF873 de M. Charles de Courson.

Mme Émilie Bonnivard. Je crois que nous devons réfléchir au pouvoir de Bercy et y résister. Nous sommes dépassés par l’administration : je pense honnêtement que le Parlement et le ministre n’accepteraient pas les décisions de Bercy si la question leur était posée au préalable.

Mon amendement I-CF140 concerne les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), dont les montants ont été réduits de 8 % en 2017 et de 14 % en 2018 : ils sont passés de 423 à 333 millions d’euros entre 2016 et 2018. Ces fonds de péréquation sont attribués par les départements aux secteurs qui ont perdu de la taxe professionnelle. En Savoie, par exemple, un certain nombre de communes bénéficient du FDPTP, qui constitue une part importante de leurs ressources. La méthode à suivre ne consiste absolument pas à réduire les fonds allant aux plus défavorisés.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF482 a le même objet que celui défendu, excellemment, par Émilie Bonnivard. La dotation de 50 millions d’euros pour Saint‑Martin sera ainsi financée par le budget de l’État. C’est ce que veut la logique.

M. Raphaël Schellenberger. Et la solidarité nationale !

M. Charles de Courson. Mon amendement I-CF873 a le même objet. J’ajoute un commentaire, car tout le monde ne connaît pas l’usine à gaz que constituaient autrefois les FDPTP : les départements assuraient une répartition selon un système d’écrêtement du produit de la taxe professionnelle versée par les « établissements exceptionnels ». Les montants allaient à des fonds dont la loi imposait qu’ils bénéficient aux communes défavorisées.

Quand on ampute de 49 millions d’euros les FDPTP, comme le Gouvernement propose de le faire, on pompe les pauvres, ce qui est inacceptable.

M. le président Éric Woerth. Nous avons déjà eu ce débat.

M. Charles de Courson. Je me demande quand même ce qu’en pense le Rapporteur général : on sait qu’il a une petite sensibilité à ces questions.

M. le Rapporteur général. L’effort demandé dans le cadre de la minoration des FDPTP a été réparti entre les différentes catégories de collectivités territoriales : avec l’amendement que nous venons de voter, 45 millions d’euros pour les régions, le même montant pour les départements, et 69 millions pour le bloc communal. Il n’y a pas de raison de sortir une catégorie de la liste. Néanmoins, je partage totalement l’idée qu’il faudra essayer de s’y prendre un peu différemment lorsque nous examinerons les questions de financement des collectivités territoriales au premier trimestre de l’année prochaine – j’espère, en tout cas, que ce sera durant cette période. Je comprends, en effet, ce qui a été dit, notamment en ce qui concerne Saint-Martin. Cela peut conduire à quelques interrogations – et c’est le moins que l’on puisse dire. Néanmoins, je suis défavorable à ces amendements.

M. François Pupponi. Est-il possible de connaître les conséquences de l’article 23 sur ce point ? Pour 2018, on sait quelles sont les communes concernées, autrement dit qui va perdre.

M. le Rapporteur général. Je n’ai pas les simulations, mais je les ai demandées.

M. Gilles Carrez. Nous nous battons depuis vingt ans contre Bercy à propos de ces fonds départementaux. Il faut dire qu’ils présentent un immense inconvénient aux yeux de l’administration centrale : ils sont gérés par des élus. Bercy n’en veut pas, mais nous avons toujours su résister. Les modalités de répartition sont assez différentes selon les départements. Au-delà du cas de la Seine-Maritime que j’ai plus particulièrement en tête et où il y a un FDPTP important, j’ai toujours recueilli des avis positifs sur ces fonds lors des réunions auxquelles j’ai participé dans les départements au titre de l’AMF. C’est un des rares endroits de liberté et de décentralisation qui existent, mais on assiste, là aussi, à un mouvement de recentralisation : tout ce que font les élus locaux est considéré avec défiance.

La commission rejette lamendement I-CF140, puis les amendements identiques ICF482 et I-CF873.

Elle adopte ensuite larticle 23 modifié.

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*     *

Après l’article 23

La commission examine lamendement I-CF1112 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Nous proposons de transformer l’exonération de la CFE minimum en dégrèvement afin d’assurer aux collectivités territoriales une compensation intégrale de la perte de recettes. Les mesures concernant la DCRTP en disent long sur la nécessité de notre amendement.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement I-CF1366 de M. Richard Ramos.

M. Jean-Paul Mattei. Nous avons déposé un amendement d’appel visant à créer un mécanisme de compensation financière pour les collectivités territoriales ayant mis en place une part incitative de taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

M. le Rapporteur général. Comme c’est un amendement d’appel, le mieux serait de le retirer pour le redéposer en séance : cela vous permettra d’avoir un échange avec le Gouvernement.

Lamendement est retiré.

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Article 24
Compensation des transferts de compétences aux régions
par attribution dune part du produit de la taxe intérieure
de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article actualise les modalités de détermination de la fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) transférée aux régions en compensation de charges nouvelles résultant de la quatrième année universitaire de mise en place du nouveau diplôme de masseur-kinésithérapeute sous format « Licence-Master-Doctorat » (LMD).

Le financement de la formation des masseurs-kinésithérapeutes, sanctionnée par un diplôme d’État, relève des régions. Toutefois, l’article L. 4383‑1 du code de la santé publique précise que « lÉtat fixe les conditions daccès aux formations des professionnels » en question et « détermine les programmes de formation, lorganisation des études, les modalités dévaluation des étudiants ou élèves ». Aussi, les règles relatives au diplôme et au cursus des masseurs-kinésithérapeutes relèvent toujours de l’État, et leur modification conduit potentiellement à une compensation financière. En effet, l’article L. 1614‑2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par lÉtat, par voie réglementaire, des règles relatives à lexercice des compétences transférées est compensée ».

Dans ce contexte, un arrêté du 2 septembre 2015 ([354]) a procédé à un alignement des formations de masseurs-kinésithérapeutes sur le régime dit LMD. La réforme a modifié les conditions d’accès aux études de masseurs-kinésithérapeutes ainsi que le contenu des programmes, mais a allongé la période d’étude en établissement de formation de trois à quatre années. C’est cet allongement, mis en place lors de la rentrée 2015, qui fait l’objet par le présent article d’une compensation pour les régions, afin de couvrir les charges nouvelles résultant de la quatrième année universitaire de mise en place du nouveau diplôme de masseur-kinésithérapeute sous format LMD.

Il se traduit par un transfert supplémentaire de ressources fiscales de l’État vers les collectivités territoriales de 4,21 millions d’euros en 2019. Pour ce faire, le présent article prévoit un ajustement des tarifs concernant les fractions de TICPE sur les carburants affectées aux régions et issues de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a transféré le financement de la formation des masseurs-kinésithérapeutes aux régions, et a rappelé l’exigence d’une compensation financière des transferts de compétences par l’attribution d’impositions de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances.

La loi de finances pour 2006 compense les charges des régions, pour l’ensemble des transferts de compétences intervenus lors de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, par le biais de l’affectation d’une fraction des recettes de TICPE sur les carburants.

L’arrêté de 2015 relatif au diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute procède à un alignement des formations de masseurs-kinésithérapeutes sur le régime dit LMD.

La loi de finances pour 2017 actualise la fraction de TICPE affectée aux régions pour compenser la mise en place de la réforme et les charges nouvelles résultant de la deuxième année universitaire du nouveau diplôme (3 188 029 euros).

La loi de finances pour 2018 actualise la fraction de TICPE affectée aux régions pour compenser les charges nouvelles résultant de la troisième année universitaire du nouveau diplôme (2 079 768 euros).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

(1)    Arrêté du 2 septembre 2015 relatif au diplôme dÉtat de masseur-kinésithérapeute (lien).

I.   L’État du droit

A.   Le droit des collectivitÉs territoriales À compensation en cas de transfert de compÉtences

Le droit des collectivités territoriales à compensation en cas de transfert de compétences est souvent mis en œuvre par le transfert d’une fraction de fiscalité, et plus particulièrement d’une fraction du produit de la TICPE. Aussi les mesures réglementaires prises par l’État afin de mettre en place un nouveau diplôme de masseur-kinésithérapeute sous format « Licence-Master-Doctorat » (LMD) doivent-elles faire l’objet d’une compensation intégrale à la date du transfert.

1.   Les transferts de compétences vers les collectivités territoriales doivent faire l’objet d’une compensation

L’article 72-2 de la Constitution pose le principe selon lequel les transferts de compétences vers les collectivités territoriales doivent s’accompagner des ressources consacrées par l’État à l’exercice des compétences transférées : « Tout transfert de compétences entre lÉtat et les collectivités territoriales saccompagne de lattribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence daugmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Ainsi, il résulte du présent article et des décisions du Conseil constitutionnel que, « lorsquil transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par lÉtat, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert » et qu’il appartient « à lÉtat de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui quil consacrait à lexercice de cette compétence avant son transfert » ([355]).

L’article L. 1614‑1 du CGCT précise que les ressources transférées « assurent la compensation intégrale des charges transférées » et doivent permettre l’exercice normal des compétences transférées. Par ailleurs, l’article L. 1614‑1‑1 du CGCT dispose que « toute création ou extension de compétence ayant pour conséquence daugmenter les charges des collectivités territoriales est accompagnée des ressources nécessaires déterminées par la loi ». Il revient donc à la loi de déterminer les ressources affectées en compensation aux collectivités territoriales, qui peuvent prendre la forme soit de dotations, soit de fiscalité affectée.

Enfin, l’article L. 1614‑2 du CGCT dispose que « toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par lÉtat, par voie réglementaire, des règles relatives à lexercice des compétences transférées est compensée ».

2.   Une compensation souvent mise en œuvre par un transfert de fraction du produit de la TICPE

Le produit de certains impôts est transféré partiellement par l’État aux collectivités territoriales, essentiellement pour compenser des transferts de compétences. La fiscalité transférée se compose de cinq taxes et des frais de gestion pour un total de 37,1 milliards d’euros en 2019 et de 36,4 milliards d’euros en 2018.

FiscalitÉ transfÉrÉe par l’État aux collectivitÉs territoriales

(en millions d’euros)

Fiscalité transférée

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

PLF 2019

Droit départemental d’enregistrement et taxe de publicité foncière

8 422

9 735

10 908

11 328

Taxe sur les certificats d’immatriculation

2 140

2 174

2 244

2 300

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

10 750

10 951

10 956

10 912

Taxe sur les conventions d’assurance

7 025

7 054

7 317

7 400

Taxe sur les surfaces commerciales

753

771

772

790

Frais de gestion

4 032

4 173

4 185

4 324

Total

33 122

34 858

36 382

37 054

Source : commission des finances.

RÉpartition pour 2019 par imposition de la FISCALITÉ TRANSFÉRÉE PAR L’ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

(en pourcentage)

Source : commission des finances.

L’essentiel des transferts de fiscalité en 2019 a été effectué au titre de la compensation de transferts de compétences, soit environ 29,5 milliards d’euros sur les 37,1 milliards d’euros de fiscalité transférée. Le restant – soit environ 7,5 milliards d’euros – a été transféré en compensation de la réforme de la taxe professionnelle intervenue en 2010. La TICPE transférée en 2019 représente 10,9 milliards d’euros, soit près d’un tiers du montant total de la fiscalité transférée par l’État aux collectivités territoriales.

Les modalités de calculs de la quote-part de TICPE revenant aux collectivités territoriales sont déterminées par diverses dispositions législatives contenues dans plusieurs lois de finances, chacune couvrant un transfert de compétences particulier.

Les diffÉrentes fractions de TICPE transfÉrÉes
aux collectivitÉs territoriales en 2018

(en millions d’euros)

Fondement juridique du transfert

Fraction de TICPE transférée

Montant LFI 2018

Montant PLF 2019

Article 39 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012

Départementalisation de Mayotte

77

62

Article 40 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014

Renforcement du financement de l’apprentissage

154

160

X de l’article 38 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016

Prime de recrutement d’un apprenti supplémentaire

96

99

I de l’article 38 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016

MAPTAM et NOTRe 

59

60

Article 29 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

Prime d’apprentissage

230

237

Article 40 de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006

Acte II de la décentralisation – loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales – part régionale

3 490

3 524

Article 52 de la loi n° 2004-1484 de finances pour 2005

Acte II de la décentralisation – loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales – part départementale

679

679

Article 59 de la loi n° 2003-1311 de finances pour 2004 et article 51 de la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009 et

Financement du RMI/RSA – loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière RMI et loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion

5 862

5 782

Article 40 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014

Réforme de la formation professionnelle

309

309

Total de la TICPE transférée aux collectivités territoriales

10 956

10 912

Source : M. Joël Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2018, Tome II, Assemblée nationale, XVe législature, n° 273, 12 octobre 2017 (lien) ; direction du budget.

B.   Un ajustement de la compensation accordÉe aux rÉgions au titre de la rÉforme de la formation des masseurs-kinÉsithÉrapeutes

Le financement de la formation des masseurs-kinésithérapeutes, sanctionnée par un diplôme d’État, relève des régions. L’article 73 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ([356]), codifié aux articles L. 4383‑1 à L. 4383‑6 du code de la santé publique, dispose que « la région est compétente pour attribuer des aides aux élèves et étudiants inscrits dans les instituts et écoles de formation » de la profession de masseur-kinésithérapeute, qu’elle « a la charge du fonctionnement et de léquipement » de ces établissements lorsqu’ils sont publics, et qu’elle « peut participer au financement du fonctionnement et de léquipement de ces établissements lorsquils sont privés ».

Dans la mesure où cette formation incombait autrefois à l’État, il s’agit d’un transfert de compétences faisant l’objet d’une compensation par l’État. L’article 119 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales précitée dispose que « les transferts de compétences à titre définitif inscrits dans la présente loi et ayant pour conséquence daccroître les charges des collectivités territoriales ou de leurs groupements ouvrent droit à une compensation financière ». Le même article précise que « la compensation financière des transferts de compétences sopère, à titre principal, par lattribution dimpositions de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances ». Cet article pose ainsi le principe de la compensation aux régions du transfert de la compétence de la formation des masseurs-kinésithérapeutes, et précise que cette compensation doit, à titre principal, prendre la forme d’une fiscalité affectée.

À cette fin, la loi de finances pour 2006 ([357]) procède à la compensation des régions, pour l’ensemble des transferts de compétences de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, par le biais de l’affectation d’une fraction de recettes de TICPE. Toutefois, si le financement des établissements de formation des masseurs-kinésithérapeutes est désormais une compétence des régions, l’article L. 4383‑1 du code de la santé publique précise que « lÉtat fixe les conditions daccès aux formations des professionnels » en question et « détermine les programmes de formation, lorganisation des études, les modalités dévaluation des étudiants ou élèves ». Aussi, les règles relatives au diplôme et au cursus des masseurs-kinésithérapeutes relèvent toujours de l’État, et leur modification conduit potentiellement à une compensation financière. En effet, pour rappel, l’article L. 1614‑2 du CGCT dispose que « toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par lÉtat, par voie réglementaire, des règles relatives à lexercice des compétences transférées est compensée ».

Dans ce contexte, un arrêté du 2 septembre 2015 ([358]) a procédé à un alignement des formations de masseurs-kinésithérapeutes sur le régime dit « Licence-Master-Doctorat ». La réforme a modifié les conditions d’accès aux études de masseurs-kinésithérapeutes ainsi que le contenu des programmes, mais a en particulier allongé la période d’étude en établissement de formation de trois à quatre années. C’est cet allongement de la formation, mis en place lors de la rentrée 2015, qui fait l’objet par le présent article d’une compensation pour les régions, afin de couvrir les charges nouvelles résultant de la quatrième année universitaire de mise en place du nouveau diplôme de masseur-kinésithérapeute sous format LMD.

En effet, les charges afférentes aux années précédentes résultant de la mise en place du nouveau diplôme de masseur-kinésithérapeute ont déjà fait l’objet de compensations au cours des derniers projets de loi de finances pour un montant total de 5,3 millions d’euros.

RÉcapitulatif des ajustements effectuÉS en loi de finances afin de compenser le nouveau cursus de masseur-kinÉsithÉrapeute

(en euros)

Loi de finances

Motif de compensation évoqué

Montant

Article 34 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Mise en place de la réforme licence-master-doctorat (LMD) dans les formations de masseur-kinésithérapeute

1 325 033

Charges nouvelles résultant de la deuxième année universitaire de mise en place du nouveau diplôme de masseur-kinésithérapeute sous format LMD

1 862 996

Article 42 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

Charges nouvelles résultant de la troisième année universitaire de mise en place du nouveau diplôme de masseur-kinésithérapeute sous format LMD

2 079 768

Total des compensations de charges

5 267 797

Source : commission des finances.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Une actualisation des fractions de TICPE sur les carburants affectÉes aux rÉgions

Le présent article procède à l’actualisation de l’une des fractions de TICPE affectée aux régions, afin de tenir compte de l’extension d’une compétence transférée au titre de la formation des masseurs-kinésithérapeutes. Dans ce cadre, pour assurer une compensation des charges nouvelles résultant de la quatrième année universitaire de mise en place du nouveau diplôme de masseur-kinésithérapeute sous format LMD, il convient de modifier l’article 40 de la loi de finances pour 2006 ([359]) affectant des fractions de TICPE sur les carburants à chaque région au titre de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

L’article 40 de la loi précitée dispose que le montant de la compensation est déterminé, pour chaque région et pour la collectivité territoriale de Corse, par l’affectation d’une fraction de TICPE appliquée aux quantités de carburants vendues aux consommateurs sur le territoire de la région et de la collectivité territoriale de Corse. Le présent article propose que les fractions de tarifs de TICPE, exprimées en euros par hectolitre, soient désormais fixées de la manière suivante :

Fractions de tarifs de TICPE affectÉES aux rÉgions

en compensation des transferts de compétences de la loi libertés et responsabilités locales

(en euros par hectolitre)

Région

Gazole

Supercarburant sans plomb

Auvergne-Rhône-Alpes

4,90

6,95 (+ 0,02)

Bourgogne-Franche-Comté

5,04 (+ 0,01)

7,14 (+ 0,01)

Bretagne

5,18 (+ 0,01)

7,32

Centre-Val de Loire

4,66 (+ 0,01)

6,59

Corse

9,85

13,92

Grand Est

6,25

8,85

Hauts-de-France

6,86 (+ 0,01)

9,71 (+ 0,02)

Île-de-France

12,72 (+ 0,01)

17,98 (+ 0,01)

Normandie

5,54 (+ 0,01)

7,84

Nouvelle-Aquitaine

5,32 (+ 0,01)

7,51

Occitanie

4,99 (+ 0,01)

7,05

Pays de la Loire

4,36 (+ 0,01)

6,16 (– 0,01)

Provence-Alpes-Côte d’Azur

4,31 (+ 0,01)

6,09 (+ 0,01)

Note : les nombres entre parenthèses indiquent le montant de hausse ou de baisse par rapport au droit existant en euros par hectolitre.

Source : dispositif du présent article.

Du fait de l’inexistence de la TICPE dans les régions d’outre-mer, les transferts de compétences à ces régions sont compensés par une majoration à due concurrence de leur dotation globale de décentralisation (DGD), comme le prévoit le II de l’article 40 de la loi de finances pour 2016 : « Pour les régions doutre-mer, la compensation financière des transferts de compétences [de la loi relative aux libertés et responsabilités locales] est attribuée (…) sous forme de dotation générale de décentralisation. » Les régions d’outre-mer ne sont donc pas concernées par le présent article.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

L’affectation de recettes de TICPE de l’État aux régions au titre de la compensation, pour les régions, de la réforme de la formation des masseurs-kinésithérapeutes, conduira à une perte de recettes de 4 217 679 euros pour l’État et à une hausse des ressources des régions d’un montant équivalent.

MontantS de TICPE affectÉS aux rÉgions
en compensation des transferts aux régions de la formation
des masseurs-kinésithérapeutes

(en euros)

Région

Montant de TICPE affectée

Auvergne-Rhône-Alpes

442 189

Bourgogne-Franche-Comté

209 035

Bretagne

186 523

Centre-Val de Loire

144 716

Corse

Grand Est

323 200

Hauts-de-France

453 445

Île-de-France

1 032 310

Normandie

258 881

Nouvelle-Aquitaine

384 303

Occitanie

257 274

Pays de la Loire

209 035

Provence-Alpes-Côte d’Azur

316 768

Source : direction du budget.

Dans tous les cas, il s’agit bien d’une fraction de TICPE aux régions, et à aucun moment d’une augmentation de la TICPE des régions. La fiscalité énergétique pour les ménages et les professionnels n’est pas modifiée par le présent article : son impact économique est donc nul.

Enfin, l’évaluation préalable précise que les montants de compensation accordés aux régions ont été contrôlés par la commission consultative sur l’évaluation des charges du 10 janvier 2017. Le coût de la quatrième année de formation du nouveau diplôme, objet de la compensation proposée par le présent article, a ainsi été calculé au prorata des élèves en formation et du pourcentage de participation financière des régions au financement des instituts de formation des masseurs-kinésithérapeutes (IFMK). L’ajustement proposé par le présent article porterait l’ensemble des compensations de la réforme du diplôme de masseur-kinésithérapeute à 9 485 476 euros.

Enfin, la DGD est majorée de 64 318 euros pour les régions d’outre-mer, portant le total de la compensation inscrite à 144 650 euros.

*

*     *

La commission adopte larticle 24 sans modification.

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*     *

Article 25
Modernisation du mécanisme de compensation de perte de ressources
de contribution économique territoriale (CET) et création dun fonds
de compensation horizontale pour laccompagnement à la fermeture
des centrales de production délectricité dorigine nucléaire et thermique

Résumé du dispositif et effets principaux

Les collectivités territoriales bénéficient depuis la suppression de la taxe professionnelle (TP) d’un mécanisme de compensation de perte de produit résultant d’une baisse importante de base imposable d’une année sur l’autre de cotisation foncière des entreprises (CFE), et entraînant elle-même une perte importante de produit de contribution économique territoriale (CET) au regard de leurs recettes fiscales. La compensation est versée durant trois années de manière dégressive : 90 % de la perte de produit l’année suivant celle de la constatation de la perte ; 75 % de la compensation versée l’année précédente ; et 50 % de la compensation versée la première année. Toutefois, les communes et EPCI situés dans les cantons dans lesquels l’État anime une politique de conversion industrielle et dont la liste est fixée par décret peuvent bénéficier d’une compensation sur cinq années de manière dégressive : 90 % la première année, 80 % la deuxième, 60 % la troisième, 40 % la quatrième et 20 % la cinquième. La compensation est versée l’année suivant la constatation de la perte de produit.

Dans le contexte d’accélération de la transition énergétique, et de la fermeture programmée de quatre centrales thermiques à charbon à l’horizon 2022 et de la centrale nucléaire de Fessenheim à l’horizon fin 2019, le présent article propose :

– de moderniser le dispositif de compensation sur cinq années de perte de produit de CET en remplaçant la notion de « canton où lÉtat mène une politique industrielle » par celle d’une collectivité territoriale constatant une « perte exceptionnelle de produit » au regard de leurs autres recettes fiscales ;

– d’atténuer la perte de recettes fiscales par les collectivités territoriales l’année de la fermeture d’une activité économique en assurant la simultanéité du versement de la compensation avec la constatation de la perte de recettes fiscales ;

– de tirer les conséquences de la loi de finances pour 2016 qui a transféré 25 points de CVAE des départements vers les régions, entraînant une modification des règles de répartition de la compensation de CET aux niveaux régional et départemental ;

– d’élargir le dispositif de compensation de perte de produit de CET à la perte de produit des composantes de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) des collectivités territoriales : ce dispositif permettrait d’atténuer les pertes de recettes liées à l’IFER « centrales nucléaires et thermiques » des collectivités ;

– de créer un fonds de compensation au sein du bloc communal, alimenté par les communes et leurs établissements par un prélèvement annuel de 2 % du produit de l’IFER des installations de production d’électricité d’origine thermique à flamme ou nucléaire, et destiné à accroître la compensation perçue par les communes et les EPCI confrontés à la fermeture totale ou partielle d’une centrale nucléaire ou thermique sur leur territoire (2,4 millions d’euros par an de prélèvement sur l’IFER « centrales nucléaires et thermiques » à la charge des collectivités).

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de 1986 portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales institue la notion de « canton où lÉtat mène une politique industrielle ».

La loi de finances pour 2010 et la dernière loi de finances rectificative pour 2011 créent le mécanisme de compensation des pertes de ressources de CET, en remplacement du mécanisme de compensation des pertes de base de TP, sous la forme d’un prélèvement sur recettes (PSR). L’objectif du mécanisme est d’atténuer pour les collectivités territoriales les pertes importantes de recettes de fiscalité professionnelle qui résultent de la fermeture d’une activité économique.

La loi de finances pour 2016 précise que la première année de compensation est définie comme l’année qui suit celle pour laquelle une perte de produit est constatée.

I.   L’État du droit

Les collectivités territoriales bénéficient d’un mécanisme de compensation de perte de ressources de CET. Si le dispositif actuel permet d’atténuer les pertes importantes de recettes de fiscalité professionnelle qui pouvaient résulter pour les collectivités territoriales de la fermeture d’une activité économique, ce dernier doit être davantage renforcé dans le contexte de la fermeture programmée de plusieurs centrales thermiques et nucléaires.

A.   L’existence d’un mécanisme de compensation par l’État des pertes importantes de ressources de contribution Économique territoriale

Le mécanisme de compensation de perte de ressources de CET est un dispositif initialement mis en place pour la taxe professionnelle (TP) sous la forme d’un mécanisme de compensation de perte de base de la TP. Il a par la suite fait l’objet d’une transformation lors de la création de la CET par la loi de finances pour 2010 ([360]). Pour rappel, la CET est elle-même composée de deux nouvelles impositions : la CFE, assise sur les valeurs locatives foncières des locaux des entreprises ; la CVAE, assise sur leur valeur ajoutée.

1.   Le dispositif de compensation de perte de base de la taxe professionnelle

Le mécanisme de compensation de perte de ressources de CET, autrefois intitulé mécanisme de compensation de perte de base de la taxe professionnelle, a été créé par la loi de finances pour 2004 ([361]) sous la forme d’un prélèvement sur recettes (PSR), pour les pertes importantes de base des communes et des EPCI à fiscalité propre. L’objectif du mécanisme était d’atténuer pour les collectivités territoriales les pertes importantes de recettes de fiscalité professionnelle qui pouvaient résulter du départ ou de la fermeture d’une activité économique.

La compensation était versée de manière dégressive sur trois ans (90 % du montant de la perte la première année, 75 % du montant versé la première année la deuxième année, et 50 % de ce même montant la dernière année). Toutefois, la compensation était dès l’origine prolongée et renforcée sur cinq ans dans les cantons où l’État avait entrepris d’animer une politique de conversion industrielle dont la liste est fixée par décret ([362]) (90 % du montant de la perte la première année, 80 % du montant versé la première année la deuxième année, et 60 % de ce même montant la troisième année, 40 % la quatrième année et 20 % la dernière année).

Par la suite, la loi de finances rectificative pour 2006 ([363]) a complété le dispositif en permettant de verser une compensation aux départements et aux régions qui enregistrent, d’une année à l’autre, une perte importante de base de la TP (60 % du montant de la perte la première année, 40 % du montant versé la première année la deuxième année, et 20 % de ce même montant la dernière année).

Enfin, le mécanisme mis en place par la loi de finances pour 2004 ([364]) incluait également un dispositif de compensation aux communes et aux EPCI à fiscalité propre qui enregistrent, d’une année à l’autre, une perte importante de redevance communale des mines (article 1519 du CGI). Les conditions d’éligibilité des communes et des EPCI, ainsi que les taux de compensation étaient alors identiques à ceux prévus pour les pertes de base de TP. Il s’agissait dans le cas présent de faire face aux pertes importantes de redevance que pouvaient subir certaines communes subissant la fermeture d’un concessionnaire de mines.

2.   Un nouveau dispositif qui conserve l’architecture de la compensation pour perte de base de TP

La suppression de la TP, à laquelle s’est substituée la CET, a automatiquement entraîné la remise en cause de la compensation de perte de base de TP qui lui était associée. Dans ce contexte, la loi de finances pour 2010 a prévu la mise en extinction progressive du dispositif : la compensation de perte de base de TP des collectivités territoriales a été supprimée à compter du 1er janvier 2010 ; les compensations en cours de versement étaient maintenues jusqu’à leur extinction ([365]). Parallèlement, l’article 78 de la loi de finances pour 2010 a prévu qu’à compter de 2012, le dispositif de compensation de perte de base de TP serait remplacé par un dispositif de compensation de perte de ressources de CET identique.

C’est la dernière loi de finances rectificative pour 2011 ([366]) qui a définitivement mis en place un tel dispositif en créant :

– à compter de 2012, un PSR rénové au I à III du 3 de l’article 78 de la loi de finances pour 2010 ([367]), permettant de verser aux communes et aux EPCI à fiscalité propre, aux départements et aux régions une compensation à raison des pertes de CET et de redevance communale des mines ;

– entre 2010 et 2011, un PSR de transition au IV du 3 du même article, permettant de verser une compensation aux communes et aux EPCI à fiscalité propre qui enregistraient pour ces deux années une perte de base de CFE.

a.   Règles d’éligibilité à la compensation pour perte de ressources de CET et modalités de calcul de la compensation

L’article 78 de la loi de finances pour 2010 et le décret du 28 décembre 2012 relatif aux modalités de compensation des pertes de ressources de CET et de ressources de redevance des mines subies par les collectivités territoriales et les EPCI fixent le cadre du dispositif encore en vigueur.

Les collectivités éligibles depuis 2012 à la compensation sont :

– les communes et les EPCI à fiscalité propre qui enregistrent « dune année sur lautre une perte importante de base de CFE et une perte importante, au regard de leurs recettes fiscales, de produit de CET afférent aux entreprises à lorigine de la perte de base de CFE ». Cette condition cumulative permet de couvrir à la fois les pertes de CFE et de CVAE présentant un lien avec la perte de base de CFE initiale ;

– les départements et les régions qui comprennent « sur leur territoire au moins une commune ou un EPCI doté dune fiscalité propre qui bénéficie de la compensation précédente, sous réserve quils enregistrent la même année, par rapport à lannée précédente, une perte importante, au regard de leurs recettes fiscales, de produit de CVAE afférent aux entreprises situées sur le territoire de ces communes ou EPCI et à lorigine de la perte de base de CFE ».

Il est précisé que la perte de base ou de produit résultant d’une modification de la carte intercommunale ou encore du régime fiscal d’une commune ou d’un EPCI ne sont pas prises en compte pour apprécier la perte de ressources de CET.

De même, la perte de base ou de produit consécutive à la prise en charge de tout ou partie de la fraction de la cotisation minimum de CFE ne donne pas lieu à compensation. En effet, la dernière loi de finances rectificative pour 2012 ([368]) ainsi que la loi de finances pour 2014 ([369]) permettent aux communes et aux EPCI de prendre en charge, en lieu et place des redevables, tout ou partie de la fraction de la cotisation minimum de CFE due au titre de 2012 et de 2013. Il s’agit d’une cotisation forfaitaire minimum de CFE qui est établie à partir d’une base forfaitaire dont le montant est fixé par délibération de la commune ou de l’EPCI lorsque la valeur locative est très faible. Ce montant est compris dans une fourchette qui varie en fonction du chiffre d’affaires ou des recettes de l’entreprise.

Enfin, le décret du 28 décembre 2012 a précisé la notion de « perte importante » qui permet de déterminer l’éligibilité d’une collectivité :

– pour les communes et les EPCI à fiscalité propre, la perte de base de CFE doit se traduire « par une diminution du produit de cet impôt supérieure ou égale à 10 % par rapport à celui de lannée précédente » et la perte de produit de CET (soit la somme de la perte de produit de CVAE et de CFE) doit être, l’année de constatation de la perte ou l’année qui suit, « supérieure ou égale à 2 % des impositions » perçues par la collectivité, majorées ou minorées des ressources perçues ou prélevées au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ;

– pour les départements et les régions, la perte de produit de CVAE, au titre des établissements à l’origine de la perte de ressources compensée pour la commune ou l’établissement public, doit être supérieure à 2 % des impositions perçues par la collectivité, majorées ou minorées des ressources perçues ou prélevées au titre du FNGIR.

La compensation versée aux communes et aux EPCI à fiscalité propre est assise sur le montant de la perte de produit de CET. Aussi la compensation prévue est-elle assise :

– pour les communes et les EPCI à fiscalité propre sur le montant de la perte de produit de CET déduction faite, le cas échéant, de la perte de produit résultant de la prise en charge, par la commune ou l’EPCI, de tout ou partie de la fraction de la cotisation minimum de CFE ;

– pour les départements sur le montant de la perte de produit de CVAE des entreprises constatée la même année par les communes et les EPCI situés sur leur territoire et ayant ouvert droit à compensation, multiplié par un rapport égal à 48,5 sur 26,5 ; ce rapport correspond à la répartition de la CVAE applicable en 2012 entre ces deux échelons, à savoir 48,5 % pour le département et 26,5 % pour l’échelon communal ;

– pour les régions sur le montant de la perte de produit de CVAE constatée la même année par les communes et les EPCI situés sur leur territoire et ayant ouvert droit à compensation, multiplié par un rapport égal à 25 sur 26,5 ; ce rapport correspond à la répartition de la CVAE applicable en 2012 entre ces deux échelons, à savoir 25 % pour la région et 26,5 % pour l’échelon communal.

Il n’est ainsi pas prévu par le dispositif de compenser les départements et les régions de la perte de ressources de CFE dans la mesure où cette imposition est intégralement affectée à l’échelon communal.

Une fois l’assiette de la compensation déterminée, le montant de celle-ci est égal : la première année, à 90 % de la perte de produit ; la deuxième année, à 75 % de la compensation reçue l’année précédente ; et la troisième année, à 50 % de la compensation reçue la première année. Les collectivités bénéficient ainsi d’une aide dégressive sur trois années.

La durée de compensation est portée à cinq ans pour les communes et les EPCI à fiscalité propre situés dans les cantons où l’État anime une politique de conversion industrielle et dont la liste est fixée par décret. Dans ce cas, les taux de la compensation sont fixés à 90 % la première année, 80 % la deuxième année, 60 % la troisième année, 40 % la quatrième année et 20 % la cinquième année. Contrairement aux cas précédents, il semble que la base de référence soit chaque année la perte de produit, et non pas la compensation reçue la première année.

Enfin, la loi de finances pour 2016 ([370]) a précisé que la première année est définie comme l’année qui suit celle pour laquelle une perte de produit est constatée. La compensation de perte de produit de CET est ainsi versée à compter de cette même année. Il s’agissait alors de mettre en cohérence le calendrier légal avec le calendrier effectif de versement de la compensation.

B.   Règles d’éligibilité à la compensation pour perte de redevances des mines et modalités de calcul de la compensation

La loi de finances pour 2010 institue également, à compter de 2012, un PSR de l’État permettant de verser une compensation aux communes et aux EPCI « qui enregistrent une perte importante de redevance communale des mines », au regard de leurs recettes fiscales. Dans ce cadre, le décret du 28 décembre 2012 qualifie de « perte importante » une perte de ressources de redevance des mines représentant au moins 2 % des impositions de la collectivité, majorées ou minorées des ressources perçues ou prélevées au titre du FNGIR.

Il est également précisé que les pertes de produit résultant d’une modification de la carte intercommunale ou encore du régime fiscal d’une commune ou d’un EPCI ne sont pas prises en compte pour apprécier la perte de redevance.

Enfin, les modalités de calcul de la compensation sont identiques à celles applicables à la CET : la première année, 90 % de la perte de produit ; la deuxième année, 75 % de la compensation reçue l’année précédente ; et la troisième année, 50 % de la compensation reçue la première année.

En 2018, le montant de la compensation au titre de la CET était de 18,4 millions d’euros, pour 297 collectivités bénéficiaires, et celle au titre de la redevance des mines était de 1 million d’euros pour 25 collectivités bénéficiaires.

montant de la compensation CET et redevance des mines de 2013 À 2018

(en millions d’euros)

Compensation

2014

2015

2016

2017

2018

Montant de la compensation CET

14,7

70,4

58,7

43,4

18,4

Nombre de bénéficiaires de la compensation CET

444

1 100

412

343

297

Montant de la compensation RDM

0,4

0,8

1,0

0,8

1,0

Nombre de bénéficiaires de la compensation RDM

17

22

30

24

25

Montant total du PSR

15,1

71,2

59,7

44,2

19,4

RDM : redevances des mines.

Source : direction générale des collectivités territoriales.

C.   La nécessité d’accompagner davantage les collectivitÉs territoriales aux consÉquences fiscales de la fermeture de centrales nucléaire ou thermique

Le dispositif de compensation de perte de ressources de CET permet de couvrir une partie de la perte fiscale des collectivités territoriales lors de la fermeture d’une centrale nucléaire ou thermique. Néanmoins, le dispositif actuel est insuffisant pour accompagner les collectivités territoriales devant faire face à une telle situation.

1.   Un dispositif qui doit être modernisé afin de tenir compte de plusieurs difficultés identifiées depuis 2012

Le cadre juridique actuel ne permet pas de répondre à plusieurs difficultés identifiées depuis la création du mécanisme :

– la notion de « cantons où lÉtat mène une politique de conversion industrielle » est devenue obsolète : le décret fixant la liste des cantons éligibles ([371]) est pris sur la base de l’article 5 de la loi de 1986 portant dispositions diverses relatives aux collectivités locales ([372]). Or, cette notion n’est plus utilisée aujourd’hui et ne fait l’objet d’aucune définition juridique précise au-delà de la liste nominative arrêtée par décret ; il pourrait ainsi être envisagé une approche plus équitable afin de cibler davantage les collectivités faisant face à des pertes de recettes d’une ampleur exceptionnelle ;

– le décalage d’une année entre la perte de produit et le versement de la compensation pèse sur les finances des collectivités territoriales concernées : il serait préférable d’atténuer la perte de recettes fiscales par le versement concomitant de la compensation ;

– le calcul de l’assiette de la compensation de CET pour les régions et les départements ne tient pas compte des nouvelles règles de répartition de la CVAE : il est nécessaire de tirer les conséquences des dispositions de la loi de finances pour 2016 qui a transféré 25 points de CVAE des départements vers les régions ([373]) ;

– enfin, il convient de nettoyer le dispositif des dispositions transitoires mises en place entre 2010 et 2011 lors de la suppression de la TP, ainsi que de celles faisant référence à des dispositifs qui ne sont plus en vigueur, telles que la prise en charge par les collectivités territoriales, en lieu et place des redevables, de tout ou partie de la fraction de la cotisation minimum de CFE due au titre de 2012 et de 2013.

2.   Un dispositif de compensation de perte de ressources qui n’inclut pas les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux

L’article 1635-0 quinquies du CGI institue, principalement au profit du bloc communal, une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER). Il existe neuf composantes au sein de l’IFER, chacune de ces composantes correspondant à une catégorie de biens :

– sur les éoliennes et hydroliennes (article 1519 D du CGI) ;

– sur les installations de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique à flamme (article 1519 D du CGI) ;

– sur les centrales de production d’électricité d’origine photovoltaïque ou hydraulique (article 1519 F du CGI) ;

– sur les transformateurs électriques (article 1519 G du CGI) ;

– sur les stations radioélectriques (article 1519 H du CGI) ;

– sur les installations gazières et sur les canalisations de transport de gaz naturel, d’autres hydrocarbures et de produits chimiques (article 1519 HA du CGI) ;

– sur le matériel ferroviaire roulant utilisé sur le réseau ferré national pour les opérations de transport de voyageurs (1599 quater A du CGI) ;

– sur certains matériels roulants utilisés sur les lignes de transport en commun de voyageurs en Île-de-France (1599 quater A bis du CGI) ;

– et sur les répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre et certains équipements de commutation téléphonique (article 1599 quater B du CGI).

La perte de produit d’IFER ne fait l’objet d’aucune compensation. Pourtant, dès la création du dispositif de compensation de perte de ressources de CET, la question de l’intégration des pertes d’IFER avait été posée par le législateur. Comme le soulignait le Rapporteur général de l’époque, « on peut noter que le nouveau dispositif nétait pas destiné, dès lorigine, à compenser les pertes dIFER, ce qui aurait pu être une possibilité dans la mesure où ces IFER font partie des impositions qui sont venues remplacer la taxe professionnelle ». Et il ajoute qu’« à titre dexemple, les communes perçoivent actuellement la moitié de lIFER pesant sur les entreprises de production délectricité dorigine nucléaire, dont il nest pas aberrant dimaginer la fermeture compte tenu des débats actuels » ([374]). Ces propos sont, près de sept ans plus tard, toujours d’actualité dans la perspective de la fermeture de la centrale nucléaire de production d’électricité (CNPE) de Fessenheim.

La situation actuelle est d’autant plus critiquable que l’ensemble des composantes de l’IFER représente en 2017 près de 1,53 milliard d’euros. Il est ainsi nécessaire d’étendre le mécanisme de compensation à toutes les composantes de la fiscalité locale professionnelle issues de la suppression de la TP. Une telle extension est d’autant plus nécessaire que la fiscalité relative à l’IFER « centrales nucléaires et thermiques » représente pas moins de 122 millions d’euros en 2017 pour les 51 collectivités bénéficiaires du bloc communal (et 245 millions d’euros pour l’ensemble des collectivités).

PRODUIT DES DIFFÉRENTES COMPOSANTES DE L’IFER DE 2013 À 2017

(en euros)

Composantes de lIFER

2014

2015

2016

2017

Éoliennes

56 347 839

63 663 498

68 709 854

78 396 735

Hydroliennes

83 280

86 518

108 412

167 702

Centrales de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique à flamme

258 525 280

246 451 110

246 914 460

244 548 864

Centrales de production d’électricité d’origine photovoltaïque

15 817 070

19 602 658

25 602 766

29 915 393

Centrales de production d’électricité d’origine hydraulique

73 655 864

74 381 329

74 976 282

75 682 018

Transformateurs électriques

174 189 256

177 709 632

180 042 842

183 751 846

Stations radioélectriques

173 190 579

187 988 184

196 392 822

213 618 701

Installations gazières et sur les canalisations de transport de gaz naturel, d’autres hydrocarbures et de produits chimiques

40 676 477

41 028 757

41 669 947

42 169 729

Matériels ferroviaires roulants utilisés sur le réseau ferré national pour les opérations de transport de voyageurs

256 400 358

257 129 947

261 918 949

262 649 560

Matériels roulants utilisés sur les lignes de transport en commun de voyageurs en Île-de-France

71 115 472

Répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre et certains équipements de commutation téléphonique

398 240 032

399 439 550

397 573 766

395 697 485

Source : direction générale des collectivités locales.

3.   Un dispositif qui doit accompagner davantage la fermeture annoncée des centrales thermiques à flamme et la réduction de la part de la production d’électricité d’origine nucléaire

Le parc des centrales thermiques à flamme et des centrales nucléaires est constitué des technologies suivantes :

– centrales nucléaires à eau pressurisée (63,1 gigawatts – GW) ;

– centrales à cycle combinée gaz (6,2 GW) ;

– centrales à charbon (3 GW) ;

– centrales au fioul (2,5 GW, en cours de fermeture) ;

– turbines à combustion alimentées au fioul ou au gaz (1,9 GW) ;

– autres moyens de production thermique décentralisée (6 GW) ([375]).

Durant les dernières années, l’évolution du parc thermique à combustible fossile a été marquée par la fermeture de nombreuses centrales à charbon pour se mettre en conformité avec les normes environnementales sur les émissions atmosphériques (la capacité installée représentait encore 7 GW début 2013). Désormais, le parc de centrales à charbon compte cinq unités de 600 MW, réparties sur quatre sites (Le Havre, Cordemais, Saint-Avold-Carling, Gardanne), pour une capacité de production de 3 GW.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit de poursuivre cette dynamique en se préparant à la perspective d’un arrêt de la production d’électricité à partir de charbon à l’horizon 2023. Toutefois, le président de la République s’est engagé à respecter cet objectif d’ici la fin du quinquennat, soit 2022. Les turbines à vapeur alimentées au fioul, dont la capacité installée s’élevait à 5 GW début 2015, vont également cesser leur exploitation dans les prochaines années. En revanche, les centrales à cycles combinés gaz sont des centrales récentes, mises en service principalement entre 2008 et 2012. Du fait notamment de leur rendement élevé, elles émettent moitié moins de dioxyde de carbone qu’une centrale thermique classique.

De plus, depuis l’adoption de la loi relative à la transition énergétique ([376]), l’article L. 311‑5‑5 du code de l’énergie dispose que l’autorisation d’exploitation de toute nouvelle installation de production d’électricité « ne peut être délivrée lorsquelle aurait pour effet de porter la capacité totale autorisée de production délectricité dorigine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts ». Celle-ci étant actuellement de 63,13 GW, la mise en service théorique du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville de 1,6 GW à l’horizon fin 2019 conduirait à l’abrogation par décret de l’autorisation d’exploiter de réacteurs d’une capacité identique. C’est le site de Fessenheim – plus ancienne centrale nucléaire de France en activité – qui a été choisi pour respecter le plafond production. Une nouvelle PPE doit bientôt prévoir avec précision l’évolution du parc nucléaire pour les prochaines années, au-delà du cas spécifique de la CNPE de Fessenheim, afin de diminuer la part du nucléaire dans la production électrique française.

La fermeture d’une partie de ces centrales entraînera, pour de nombreuses collectivités, une diminution importante de leurs recettes fiscales, notamment en matière de CET et d’IFER. Pour répondre à cette situation, ainsi qu’aux conséquences sociales et économiques de telles fermetures, une mission interministérielle a été créée par le Gouvernement, afin de mettre en place avec l’ensemble des parties prenantes, les salariés, les acteurs de la formation professionnelle et les territoires concernés, des mesures permettant d’anticiper la mutation de la filière charbon et nucléaire, dans le contexte de la transition énergétique. Ces sites devraient également faire l’objet de contrats de transition écologique, déjà expérimenté sur près de 20 territoires en 2018.

L’État ne peut néanmoins être le seul contributeur. Par conséquent, au-delà du renforcement du mécanisme de perte de produit de CET, la création d’un fonds de compensation horizontale pourrait permettre d’accroître la compensation perçue par les communes et les EPCI confrontés à la fermeture d’une centrale. Il s’agit ainsi, par une forme de péréquation entre collectivités, de faire participer celles qui aujourd’hui bénéficient d’un surplus de fiscalité du fait de la présence d’une centrale sur leur territoire, au financement d’un dispositif de soutien pour celles devant faire face à la fermeture d’une centrale.

L’IFER sur les installations de production d’électricité d’origine nucléaire
ou thermique à flamme

L’article 1519 E du CGI soumet les installations de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique à flamme à l’IFER. Les installations imposées sont celles dont la puissance électrique installée est supérieure ou égale à 50 mégawatts, ce qui inclut par définition l’ensemble des centrales à charbon ou nucléaires encore en activité.

Une installation est imposée chaque année à l’IFER à compter du 1er janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle intervient la date de premier couplage au réseau électrique et jusqu’à la mise à l’arrêt définitif de l’installation.

Le tarif de l’IFER est fixé au 1er janvier 2018 à 3 115 euros par mégawatt de puissance électrique installée.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article modernise et étend à l’IFER le mécanisme de compensation des collectivités territoriales en cas de perte de ressources de CET. Il crée parallèlement un nouveau fonds de compensation entre collectivités pour l’IFER sur les installations de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique à flamme. L’ensemble de ces mesures visent à accompagner les collectivités territoriales qui feront face à la fermeture d’une centrale de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique. Le coût de la mesure est estimé à près de 7,3 millions d’euros à l’horizon 2020.

A.   Un renforcement de la compensation des pertes de ressources Économiques ainsi que la création d’un fonds de compensation entre collectivités

Le I du présent article modifie le 3 de l’article 78 de la loi de finances pour 2010 ([377]) qui a institué le mécanisme de compensation de perte de ressources de la CET à la suite de la suppression de la TP. Le III crée ensuite un fonds spécifique de compensation entre collectivités territoriales pour l’IFER applicable aux centrales de production d’électricité nucléaire ou thermique à flamme.

1.   Une modernisation et un renforcement du mécanisme de compensation de perte de ressources de CET

Le présent article effectue en premier lieu plusieurs modifications de dispositions devenues sans objet ou nécessitant une coordination législative :

– le A du I ainsi que le  du B du I du présent article suppriment du mécanisme de compensation de perte de ressources de CET le dispositif qui prévoyait d’exclure du montant de la compensation les pertes de base ou de produit consécutives à la prise en charge par les collectivités territoriales de tout ou partie de la fraction de la cotisation minimum de CFE. En effet, cette exclusion n’a plus lieu d’être dans la mesure où les collectivités territoriales ne pouvaient décider d’une telle prise en charge que pour la cotisation minimum de CFE due au titre de 2012 ([378]) et de 2013 ([379]) ;

– le  et  du B du I modifient les règles le calcul de l’assiette de la compensation de CET pour les régions et les départements afin de prendre en compte des nouvelles règles de répartition de la CVAE appliquées depuis 2016 : la loi de finances pour 2016 a en effet transféré 25 points de CVAE des départements vers les régions ([380]), portant la part régionale à 50 %, la part départementale à 23,5 % et conservant la part communale à 26,5 % ;

– le D du I abroge le mécanisme de compensation temporaire mis en place pour 2010 et 2011 à la suite de la suppression de la TP.

Il est également proposé par le présent article un renforcement du dispositif de compensation, en particulier sur les deux points suivants :

– le  du B du I supprime la notion de « cantons où lÉtat mène une politique de conversion industrielle » du dispositif de compensation renforcée sur cinq ans pour la remplacer par celle de collectivités territoriales et d’EPCI qui « constatent une perte exceptionnelle de produit (…) au regard de leurs autres recettes fiscales ». Il précise que les taux de compensation à partir de la seconde année s’appliquent sur le montant versé la première année, et non plus sur la perte initiale de produit (soit un alignement avec les autres dispositifs), tout en conservant les taux de compensation actuels. L’évaluation préalable précise la notion de perte exceptionnelle : « Les critères proposés dans le décret seront (...) [une] perte supérieure à 30 % par rapport à lannée précédente, représentant plus de 10 % des recettes fiscales. » Il s’agit ainsi de passer d’une logique géographique (liste de cantons éligibles indépendamment de l’ampleur et de la durée de la perte de ressources) à une logique plus équitable fonction de l’ampleur de la perte de ressources ;

– le II met en place une mesure transitoire afin d’assurer la continuité du versement des compensations pour les collectivités bénéficiant actuellement de la compensation dégressive sur cinq ans. Il précise ainsi que les communes et les EPCI à fiscalité propre précédemment éligibles « en raison de leur appartenance à un canton dans lequel lÉtat anime une politique de conversion industrielle bénéficient du versement des compensations restant dues » ;

– enfin, le  du B du I rend, à compter de 2020, l’année de constatation de la perte de recettes concomitante avec l’année de versement des compensations en disposant que « la première année [de versement des compensations] est définie comme lannée au cours de laquelle une perte de produit calculée (…) est constatée ».

2.   L’extension du mécanisme de compensation de perte de ressources aux IFER

Le C du I du présent article étend, à compter de 2019, le mécanisme de compensation à l’IFER. Le dispositif proposé est similaire à ce qui existe pour la CET et pour la redevance des mines, à savoir qu’il met en place une compensation pour l’ensemble des collectivités territoriales ou EPCI qui constatent une perte importante de produit de l’IFER au regard de leurs autres recettes fiscales. L’évaluation préalable du présent article précise la notion de perte importante : « Les critères proposés dans le décret seront (...) [une] perte supérieure à 10 % par rapport à lannée précédente, représentant plus de 2 % des recettes fiscales. »

Il est précisé que les pertes de produit résultant d’une modification de la carte intercommunale ou encore du régime fiscal d’une commune ou d’un EPCI ne sont pas prises en compte pour apprécier la perte de ressources d’IFER.

Le montant de la compensation est identique à celui de la CET : la première année, 90 % de la perte de produit ; la deuxième année, 75 % de la compensation reçue l’année précédente ; et la troisième année, 50 % de la compensation reçue la première année. Les collectivités bénéficient ainsi d’une aide dégressive sur trois années.

La durée de la compensation est également portée à cinq ans pour les collectivités territoriales et les EPCI qui constatent une perte exceptionnelle de produit au regard de leurs autres recettes fiscales. Dans ce cas, les taux de la compensation sont fixés à 90 % de la perte la première année, 80 % la deuxième année du montant versé la première année, 60 % la troisième année, 40 % la quatrième année et 20 % la cinquième année. Selon les informations transmises au Rapporteur général, les critères proposés dans le décret seront pour l’application de la compensation prolongée seront une perte supérieure à 25 % de l’IFER par rapport à l’année précédente, représentant plus de 5 % ou 10 % des recettes fiscales.

Enfin, comme pour la CET, il est précisé qu’à compter de 2020, « la première année [de versement des compensations] est définie comme lannée au cours de laquelle une perte de produit calculée (…) est constatée ». Il s’agit ainsi de compenser toutes les pertes d’IFER subies par les collectivités au même titre et selon les mêmes modalités que les pertes de CET.

Le Rapporteur général se félicite de l’extension du mécanisme de compensation de perte de ressources aux différentes composantes de l’IFER, ainsi qu’à l’ensemble des collectivités territoriales, dans la mesure où cette imposition peut représenter une part significative des recettes de certaines collectivités.

RÉPARTITION DU PRODUIT DE L’IFER ENTRE niveaux de COLLECTIVITÉS EN 2017

(en millions d’euros)

Composantes de lIFER

Communes

EPCI

Départements

Régions

Éoliennes et hydroliennes

3,4

51,6

23,6

Centrales de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique à flamme

30,8

91,4

122,3

Centrales de production d’électricité d’origine photovoltaïque ou hydraulique

12,3

40,5

52,8

Transformateurs électriques

15,3

168,3

 

Stations radioélectriques

11,4

131,0

71,2

Installations gazières et sur les canalisations de transport de gaz naturel, d’autres hydrocarbures et de produits chimiques

2,5

28,2

11,3

Matériels ferroviaires roulants utilisés sur le réseau ferré national pour les opérations de transport de voyageurs

262,6

Répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre et certains équipements de commutation téléphonique

395,7

Total

75,7

511

281

658,3

Note : lIFER matériels roulants utilisés sur les lignes de transport en commun de voyageurs en Île-de-France est affectée à la Société du Grand Paris pour un montant de 71,1 millions deuros.

Source : direction générale des collectivités locales.

3.   La création d’un fonds de compensation entre collectivités territoriales pour l’IFER des centrales thermiques et nucléaires

Le A du III du présent article crée un fonds de compensation des pertes de ressources d’IFER applicable aux installations de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique à flamme subies par les communes et les EPCI en raison de la fermeture totale ou partielle d’une centrale nucléaire ou thermique sur leur territoire. Le B du III précise que le fonds sera alimenté par un prélèvement de 2 % sur le produit de l’IFER « centrales nucléaires et thermiques » des communes et EPCI à fiscalité propre. L’évaluation préalable de l’article estime que « le niveau de prélèvement ne remet pas en cause léquilibre financier des contributeurs et représente, en moyenne, moins de 0,5 % par an de leurs recettes fiscales ».

Le C du III énonce les modalités de répartition du fonds applicables seulement à compter de 2020 : sont éligibles les communes et les EPCI qui ont constaté d’une année sur l’autre une perte de ressources de l’IFER « centrales nucléaires et thermiques » consécutive à la fermeture totale ou partielle d’une centrale ET qui bénéficient des compensations au titre de la perte de ressource de CET et d’IFER. Il s’agit d’une triple condition : perte d’IFER « centrales nucléaires et thermiques » à la suite de la fermeture d’une centrale, éligibilité à la compensation de CET et à celle de l’IFER dans toutes ses composantes. Il est également précisé que la distribution des ressources prélevées ne pourra avoir lieu qu’à compter de 2020. La durée de la compensation est fixée à dix ans de manière dégressive :

– le montant de la compensation est fixé de la manière suivante les trois premières années :

[perte initiale de CET + perte initiale IFER « centrales nucléaires et thermiques »] – [compensation de perte de ressources CET + compensation de perte de ressources IFER]

– à compter de la quatrième année, le montant de la compensation versé correspond au montant versé la troisième année, réduit d’un huitième par an pendant sept ans.

Le fonds de compensation permet ainsi de compléter l’effort financier de l’État réalisé au titre des mécanismes de pertes de ressources de CET et d’IFER, en comblant pendant les trois premières années l’écart entre les pertes de recettes initiales de CET et d’IFER « centrales nucléaires et thermiques » et les compensations déjà versées au titre des mécanismes de compensation CET et IFER (soit une compensation intégrale pendant trois ans).

Enfin, le D du III prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du fonds. L’évaluation préalable du présent article dispose que ce décret « précisera, en particulier, les modalités de répartition du fonds pour les bénéficiaires et laffectation des sommes prélevées par ledit fonds, ainsi que les modalités de répartition en cas dinsuffisance des prélèvements ».

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

Concernant la modernisation et l’extension du mécanisme de compensation de perte de ressources de CET et d’IFER, l’évaluation préalable de l’article a effectué une simulation sur la base des données de l’exercice budgétaire 2017. Cette dernière indique que :

– la suppression de la disposition spécifique pour les communes et les EPCI appartenant à un canton de conversion industrielle permettrait de réaliser une économie de 0,5 million d’euros par an ;

– le coût de l’extension de la compensation sur cinq ans pour les pertes exceptionnelles serait nul pour l’État en 2019 et dépendra du calendrier des fermetures éventuelles de centrales ou d’entreprises dont l’impact sur les finances des collectivités d’implantation est exceptionnel ;

– l’extension de la compensation à l’IFER aurait un coût de 300 000 euros par an à compter de 2020 ;

– la concomitance entre la constatation de la perte et le versement de la compensation aurait des conséquences globalement nulles à long terme pour les finances publiques ; toutefois, elle aura des conséquences importantes pendant les six premières années (du fait des reliquats de compensation du régime antérieur et de la mise en place du nouveau système). Ce surcoût ponctuel est estimé à 7 millions d’euros en 2020, à 5 millions d’euros en 2021 et à 3 millions d’euros en 2022. Entre 2023 et 2025, le nouveau système représentera une économie de même montant par rapport au régime antérieur, soit 7 millions d’euros en 2023, 5 millions d’euros en 2024 et 3 millions d’euros en 2025.

En l’état, l’anticipation des bénéficiaires potentiels et du coût budgétaire des dispositifs de compensation sont, par construction, difficiles car elle repose sur un rythme de fermeture de centrales qui n’est que partiellement connu aujourd’hui.

coût de la concomitance à compter de 2020

(en millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Perte subie au titre de lexercice (moyenne 2015-2017 des nouveaux entrants)

7,75

7,75

7,75

7,75

 

Compensation versée

(sans concomitance)

6,98

5,23

3,49

6,98

5,23

3,49

6,98

5,23

3,49

6,98

5,23

3,49

TOTAL

6,98

12,21

15,70

15,70

8,72

3,49

Compensation versée

(avec concomitance)

6,98

5,23

3,49

6,98

5,23

3,49

6,98

5,23

3,49

6,98

5,23

3,49

TOTAL

13,96

17,45

19,19

8,72

3,49

Coût supplémentaire du PSR

+ 6,98

+ 5,23

+ 3,49

 6,98

 5,23

 3,49

Source : direction générale des collectivités territoriales.

Concernant la création du fonds de compensation entre collectivités pour l’accompagnement à la fermeture des centrales de production d’électricité d’origine nucléaire et thermique, le prélèvement annuel serait de 2,4 millions d’euros par an. En effet, l’IFER « centrales nucléaires et thermiques » était perçu par 51 communes et EPCI pour un montant total de 122 millions d’euros en 2017. La contribution moyenne serait de 47 951 euros. Le coût pour les collectivités territoriales est globalement neutre puisque les montants prélevés sont reversés pour compenser d’autres collectivités.

L’évaluation préalable du présent article précise que « plusieurs simulations ont été réalisées, sur la base de calendriers différents, pour sassurer quun prélèvement annuel de 2 % permette de verser aux communes et aux EPCI éligibles une compensation sur dix ans dans les conditions prévues par le projet darticle ».

La mise en place de ce dispositif est d’autant plus nécessaire que l’IFER « centrales nucléaires et thermiques » est particulièrement concentré sur quelques communes : il représentait 31 millions d’euros pour 7 communes et 92 millions d’euros pour 40 EPCI en 2017, soit respectivement une moyenne par bénéficiaire de 4,4 millions d’euros et de 2,3 millions d’euros.

RÉPARTITION DE L’IFER centrales nucléaires et thermiques EN 2017

(en millions d’euros)

Collectivité

Communes

EPCI

Départements

Régions

Montant du produit par catégorie

30,7

91,5

122,3

Nombre de bénéficiaires par catégorie

7

40

33

Montant moyen du produit par catégorie

4,4

2,3

3,7

Source : direction générale des collectivités locales.

Enfin, le dispositif est un élément important de l’acceptabilité sociale et économique de la mise en œuvre des mesures de transition énergétique, à savoir la fermeture des centrales thermiques et nucléaires. La combinaison des deux dispositifs permettra de compenser intégralement les collectivités perdantes pendant les trois premières années, puis de manière dégressive les années suivantes. La dégressivité est ainsi plus importante pour les communes ou EPCI subissant une perte exceptionnelle de ressources par rapport à une perte importante.

EXEMPLEs DE PRISE EN CHARGE PAR LES DISPOSITIFS DE COMPENSATION
ET PAR LE FONDS de compensation D’UNE PERTE DE RESSOURCE
du bloc communal à LA SUITE D’UNE FERMETURE DE CENTRALE

Cas n° 1 d’une perte initiale importante de ressources

 

Cas n° 2 d’une perte initiale exceptionnelle de ressources

Note : les cas ci-dessus prennent pour hypothèses une éligibilité de la commune ou de l’EPCI aux deux dispositifs de compensation CET et IFER, ainsi qu’au fonds de compensation horizontale pour l’accompagnement à la fermeture des centrales de production d’électricité d’origine nucléaire et thermique. Il est également supposé que la commune ou l’EPCI ne bénéficie que de la composante « centrales électriques nucléaires ou thermiques » de l’IFER.

Source : commission des finances.

*

*     *

La commission est saisie des deux amendements identiques I-CF485 de Mme Véronique Louwagie et I-CF875 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF485 propose de rendre éligibles aux mesures de solidarité financière les territoires qui ont connu des fermetures de centrale en 2016 et non seulement à compter de 2017.

M. Charles de Courson. Même argumentaire pour l’amendement I‑CF875.

M. le Rapporteur général. Je tiens à rappeler que les collectivités en question ont bénéficié d’un soutien financier ou économique. Elles étaient et sont encore pour certaines d’entre elles éligibles au mécanisme dit de compensation de perte de produit de CET tel qu’il existe aujourd’hui. En outre, l’État a pu accompagner certaines fermetures au cas par cas. Vos amendements sont par ailleurs très complexes à mettre en œuvre par l’administration fiscale. Pour que les choses soient plus claires, je vous invite à avoir un échange avec le ministre en séance.

M. Raphaël Schellenberger. La première phrase de l’exposé des motifs de l’article 25 comporte au moins trois approximations qui me font penser que les propositions de nos collègues sont tout à fait cohérentes. On lie le mécanisme de cet article à la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Or c’est un article à portée générale, qui s’intéresse à des questions de fiscalité qu’il faudra se poser au sujet de la transition énergétique et des conséquences pour un territoire de la disparition d’une centrale de production d’électricité ; ce n’est pas directement lié à Fessenheim. Il faut que les choses soient bien claires : il y a certes un problème à Fessenheim mais cet article ne s’intéresse pas qu’à Fessenheim. Pourquoi la transition engagée devrait faire les frais d’une réflexion qui enfin a commencé grâce à la mobilisation des élus de ce territoire ?

Ensuite, pour Fessenheim plus précisément, le mécanisme va coûter quelque 30 millions d’euros sur dix ans. Ce n’est pas une compensation pour le territoire mais simplement un mécanisme de lissage de la disparition progressive d’un impôt. Ces 30 millions d’euros, cela correspond à ce que le territoire de Fessenheim devra continuer à payer au titre du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) parce qu’il a accueilli une installation de production d’électricité. Cela signifie que ce qui sera donné au territoire par le biais de cet article 25 sur une période de dix ans lui sera repris sur la même période au titre du FNGIR. On est très loin de régler les problèmes de fiscalité pour le territoire de Fessenheim.

M. le Rapporteur général. Si j’ai demandé que le débat vienne dans l’hémicycle, c’est justement parce que je pense qu’un certain nombre de choses doivent être précisées par le ministre. Il ne s’agit pas seulement de Fessenheim, mais de toutes les installations susceptibles de fermer, qu’elles soient nucléaires ou thermiques.

Mme Christine Pires Beaune. Ce qui arrive aujourd’hui sur ce territoire se passe ailleurs aussi depuis qu’a été instauré le FNGIR. Dès lors qu’il se produit une catastrophe économique sur un territoire et que des fonds sont gelés, cela finit par poser problème. Il faut donc faire très attention aux fonds que l’on cristallise au moment où l’on introduit une réforme parce que l’on peut se retrouver dans des situations difficiles des années plus tard. C’est un argument de plus pour une réforme véritablement en profondeur de notre système de dotations.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1194 de M. Anthony Cellier.

M. Adrien Morenas. Cet amendement vise à ouvrir le dispositif de compensation pour perte de produit d’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) aux EPCI qui bénéficient pour l’exercice 2019 de la compensation de CET et qui ont constaté sur les trois derniers exercices une perte importante de produit d’IFER.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable pour les mêmes raisons. Je vous invite à avoir le débat en séance avec le ministre.

La commission rejette cet amendement.

Elle adopte ensuite larticle 25 sans modification.

*

*     *

Après l’article 25

La commission est saisie de lamendement I-CF255 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Cet amendement vise à faire de la fiscalité, notamment sur le territoire de Fessenheim, un outil d’intéressement de l’État à la redynamisation économique du territoire. Comme l’indiquait Mme Pires Beaune, lorsqu’on met en place des compensations figées dans le temps – tant en année n, puis tant en année n+1, puis tant en année n+2 –, l’État sait combien cela va lui coûter, mais n’est en rien intéressé à ce qui va se passer sur le territoire. Mon amendement propose donc une compensation dynamique, avec une courbe évidemment à la baisse, mais un montant effectif de compensation qui sera fonction de la redynamisation économique du territoire. Plus l’ensemble des acteurs, y compris l’État, s’intéresseront à redynamiser le territoire de Fessenheim, moins l’État aura à compenser financièrement. Cela me semble une proposition plus intelligente pour que l’ensemble des acteurs autour de la table travaillent à la reconversion du site.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, essentiellement du fait que votre proposition est limitée à la seule fermeture de Fessenheim, ce qui serait une rupture d’égalité vis-à-vis des autres sites.

M. Raphaël Schellenberger. Si ce n’est que cela, je peux l’élargir d’ici à la séance.

M. le Rapporteur général. Je préfère en effet que vous ayez le débat en séance, et de manière moins autocentrée...

Lamendement est retiré.

*

*     *


Article 26
Neutralisation du montant de FCTVA versé sur la part de TVA
affectée aux régions

Résumé du dispositif et effets principaux

Depuis le 1er janvier 2018, les régions sont affectataires d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Par ailleurs, elles bénéficient d’un remboursement de la TVA acquittée sur leurs dépenses d’investissement dans le cadre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Les attributions au titre de ce dernier sont déterminées en appliquant aux dépenses réelles d’investissement un taux de compensation forfaitaire qui s’applique quel que soit le taux de TVA ayant grevé les opérations éligibles. Ce dernier est fixé depuis le 1er janvier 2015 à 16,404 %.

En effet, le taux de compensation forfaitaire du FCTVA est égal au taux normal de la TVA (soit 20 %) diminué d’un taux de réfaction forfaitaire, afin d’exclure du remboursement de la TVA le montant correspondant à la contribution de la France au budget de l’Union européenne assise sur la TVA.

En l’état du droit, les régions perçoivent :

– un remboursement au titre du FCTVA de la TVA qu’elles acquittent sur leurs dépenses d’investissement et encaissée en amont par l’État, minoré de la réfaction forfaitaire au titre de l’Union européenne ;

– une fraction du produit national de TVA, incluant dans son assiette de calcul le montant de TVA déjà remboursé à l’ensemble des collectivités territoriales au titre du FCTVA.

Le présent article vise à neutraliser, sur la fraction de la TVA affectée aux régions, le montant de TVA reversé aux collectivités territoriales par le FCTVA qui n’a pas été véritablement perçu par l’État puisque préalablement affecté aux régions. À cet effet, il est proposé d’instituer un second mécanisme de réfaction analogue à celui opéré pour tenir compte du versement par la France d’une partie de la TVA au budget de l’Union européenne.

Le montant de la réfaction est calculé chaque année en effectuant la différence entre :

– le produit de TVA remboursé au titre du FCTVA, calculé en appliquant au montant des dépenses éligibles de l’année précédente le taux forfaitaire de compensation de 16,404 % ;

– le produit obtenu par application aux mêmes dépenses d’un taux forfaitaire de 16,084 % prenant en compte le taux de réfaction nécessaire pour neutraliser, dans la fraction de TVA affectée aux régions, le remboursement FCTVA déjà réalisé aux collectivités territoriales.

Le montant de la réfaction vient ensuite minorer la fraction de la TVA affectée aux régions. Puis, la fraction de TVA ainsi minorée est répartie selon les règles de droit commun, c’est-à-dire proportionnellement aux dotations 2017 perçues par les régions. Ainsi, le dispositif proposé n’impute pas la réfaction au taux forfaitaire du FCTVA (comme c’est le cas pour la réfaction au titre de l’Union européenne), dans la mesure où une telle réfaction s’appliquerait à l’ensemble des collectivités territoriales éligibles au FCTVA, alors que seules les régions bénéficient de la fraction de TVA.

Le gain de la mesure pour l’État (et corrélativement le coût pour les régions) est estimé à 14 millions d’euros en 2019 et à 111 millions d’euros à l’horizon 2022. Le coût de la mesure doit monter en puissance du fait des règles de versement du FCTVA : seules 13 % des dépenses d’investissement éligibles au FCTVA donnent lieu à un versement par l’État l’année même de leur réalisation, 61 % en année N + 1 et 25 % en année N + 2.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 1994, actualisée par la loi de finances pour 2015, a fixé le taux de compensation forfaitaire du FCTVA au taux normal de la TVA diminué d’une réfaction forfaitaire, afin d’exclure du remboursement de la TVA le montant correspondant à la contribution de la France au budget de l’Union européenne assise sur la TVA.

La loi de finances pour 2017, modifiée par la loi de finances pour 2018, a affecté aux régions, à compter de 2018, une fraction du produit budgétaire de la TVA, nette des remboursements et restitutions (à l’exception du FCTVA qui est juridiquement un soutien à l’investissement des collectivités).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Les rÉgions bÉnÉficient d’une fraction de TVA et d’un remboursement de TVA par le biais de deux dispositifs distincts

Depuis le 1er janvier 2018, les régions sont désormais affectataires d’une fraction du produit de la TVA. Par ailleurs, elles bénéficient d’un remboursement de la TVA acquittée sur leurs dépenses d’investissement dans le cadre du FCTVA. Ces deux dispositifs sont, en première analyse, distincts l’un de l’autre.

1.   L’affectation d’une fraction de TVA aux régions en lieu et place de la dotation globale de fonctionnement à compter de 2018

La loi de finances pour 2017 ([381]), modifiée par la loi de finances pour 2018 ([382]), a affecté aux régions, à compter de 2018, une fraction du produit budgétaire de la TVA, net des remboursements et restitutions. La fraction globale de TVA affectée est établie en appliquant au produit net de TVA un taux défini par le ratio entre :

– la somme de la DGF des régions notifiée en 2017 et de la dotation générale de décentralisation (DGD) notifiée en 2017 à la collectivité territoriale de Corse (après déduction de la dotation de continuité territoriale) ;

– le produit net de la TVA encaissé en 2017.

Calcul du ratio de TVA affectÉe

(en millions d’euros)

Ratio

Composantes

Montant

Numérateur

DGF 2017 des régions

3 935

DGD 2017 collectivité territoriale de Corse *

90

Dénominateur

Recettes nettes de TVA 2017

164 058

 

2,45 %

(*) Hors concours individualisé dénommé dotation de continuité territoriale (187 millions d’euros).

Source : direction du budget.

Une fois la fraction globale de TVA déterminée, celle-ci est répartie entre chaque région proportionnellement à la DGF notifiée en 2017 (ou proportionnellement à la somme de la DGF et de la DGD notifiées en 2017 pour la collectivité territoriale de Corse).

RÉpartition de la fraction de TVA entre les différentes régions

(en euros)

Régions

Somme des dotations 2017

Part de la fraction de TVA

Auvergne-Rhône-Alpes

560 744 146

13,9 %

Bourgogne-Franche-Comté

223 381 141

5,5 %

Bretagne

184 617 656

4,6 %

Centre-Val de Loire

180 547 703

4,5 %

Corse

108 140 289

2,7 %

Grand Est

420 873 151

10,5 %

Guadeloupe

8 307 908

0,2 %

Guyane

3 318 818

0,1 %

Hauts-de-France

430 465 859

10,7 %

Île-de-France

477 148 956

11,9 %

La Réunion

14 864 816

0,4 %

Martinique

14 885 602

0,4 %

Mayotte

804 000

0,0 %

Normandie

191 692 303

4,8 %

Nouvelle-Aquitaine

382 693 433

9,5 %

Occitanie

340 082 873

8,4 %

Pays de la Loire

186 131 128

4,6 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

296 333 042

7,4 %

Source : commission des finances.

Un mécanisme de dotation minimale est également mis en place, afin de garantir pour chaque région et pour la collectivité territoriale de Corse un niveau de TVA affectée pour l’année considérée qui ne pourra représenter un montant inférieur à la somme des dotations notifiées en 2017 à la collectivité territoriale : la différence éventuelle fait l’objet d’une attribution à due concurrence d’une part du produit de la TVA revenant à l’État.

Ce mécanisme de dotation minimale ne sera pas activé en 2019, dans la mesure où la fraction de TVA affectée aux régions est estimée en loi de finances à 4 122 millions d’euros en 2018 et à 4 287 millions d’euros en 2019. Les régions bénéficient ainsi pleinement de la dynamique de croissance de la TVA.

RÉpartition de la fraction de TVA entre les différentes régions

(en millions d’euros)

Régions

Part de la fraction de TVA

Montant de fraction de TVA 2019

Auvergne-Rhône-Alpes

13,9 %

597

Bourgogne-Franche-Comté

5,5 %

238

Bretagne

4,6 %

197

Centre-Val de Loire

4,5 %

192

Corse

2,7 %

115

Grand Est

10,5 %

448

Guadeloupe

0,2 %

9

Guyane

0,1 %

4

Hauts-de-France

10,7 %

458

Île-de-France

11,9 %

508

La Réunion

0,4 %

16

Martinique

0,4 %

16

Mayotte

0,0 %

1

Normandie

4,8 %

204

Nouvelle-Aquitaine

9,5 %

408

Occitanie

8,4 %

362

Pays de la Loire

4,6 %

198

Provence-Alpes-Côte d’Azur

7,4 %

316

Total

100 %

4 287

Source : estimations commission des finances.

2.   Le remboursement d’une partie de la TVA des dépenses d’investissement des régions par le FCTVA

Le FCTVA est un dispositif de soutien à l’investissement local, assis sur la TVA supportée lors de dépenses d’investissement. Il s’agit d’un prélèvement sur recettes (PSR) qui permet de compenser la TVA acquittée par les collectivités territoriales sur leurs dépenses d’investissement et encaissée par l’État en amont. En effet, la TVA supportée en amont des achats ou des investissements n’est pas déductible ou récupérable dès lors que l’acteur économique qui la supporte n’est pas assujetti à la TVA, ce qui est la situation des collectivités territoriales pour leurs activités administratives.

Dans ce contexte, l’article L. 1615‑1 du CGCT dispose que le FCTVA est destiné à « permettre progressivement le remboursement intégral de la TVA acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur les dépenses réelles dinvestissement ainsi que sur leurs dépenses dentretien des bâtiments publics et de la voirie ». Dans les faits, afin de permettre la conformité du dispositif avec le droit de l’Union européenne ([383]), le FCTVA n’est pas juridiquement un remboursement de TVA, mais une subvention d’aide à l’investissement des collectivités territoriales dont le taux et le montant se rapprochent de la TVA supportée en amont par les collectivités.

L’article L. 1615‑5 du CGCT précise que « les sommes versées pour le remboursement de la TVA acquittée sur leurs dépenses réelles dinvestissement par le FCTVA sont inscrites à la section dinvestissement du budget de la collectivité ». L’article L. 1615‑6 dispose que les « attributions au FCTVA sont déterminées en appliquant aux dépenses réelles dinvestissement (…) un taux de compensation forfaitaire » qui s’applique quel que soit le taux de TVA ayant grevé les opérations d’investissement. Ce dernier est fixé depuis le 1er janvier 2015 à 16,404 %.

En effet, depuis la loi de finances pour 1994 ([384]) puis la loi de finances pour 2015 ([385]), le taux de compensation forfaitaire du FCTVA est égal au taux normal de la TVA (soit 20 %) diminué d’un taux de réfaction forfaitaire afin d’exclure du remboursement de la TVA le montant correspondant à la contribution de la France au budget de l’Union européenne assise sur la TVA. Ainsi, le taux de FCTVA est calculé pour les dépenses réalisées à partir du 1er janvier 2015 selon la formule suivante :

16,667 % – 0,263 % = 16,404 % ([386])

Ainsi, pour un investissement hors taxes de 100 euros réalisé au taux normal de 20 %, la dépense réelle d’investissement est de 120 euros. Sur cette dépense réelle est appliqué le taux de FCTVA à 16,404 %, ce qui donne un droit au FCTVA de 19,7 euros. L’écart de 0,3 euro entre la TVA acquittée par la collectivité (20 euros) et la compensation du FCTVA (19,7 euros) qui lui est versée sert à couvrir la part de la TVA reversée par la France au budget de l’Union européenne.

Calcul du taux de réfaction de la participation de la France
au budget de l’Union européenne

Le calcul du taux de réfaction a été effectué sur la base des données de l’année 2013 (données les plus récentes lors de l’examen du texte). En 2013, la ressource TVA versée par la France au budget de l’Union européenne s’élevait à 2,9 milliards d’euros et la base harmonisée de TVA à 655,6 milliards d’euros, soit un taux d’appel de 0,31 %.

Le calcul de la réfaction dit « en dedans » est le suivant :

19,6 % / (1 + 19,6 %) – (19,6 % – 0,31 %) / (1 + 19,6 %)

Source : M. Albéric de Montgolfier, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2015, tome II, Sénat, session ordinaire de 2014-2015, n° 108, 20 novembre 2014.

Enfin, il est rappelé qu’à compter du 1er janvier 2019, les attributions du FCTVA seront déterminées dans le cadre d’une procédure de traitement automatisée des données budgétaires et comptables. Ce sujet fera l’objet d’un traitement spécifique lors de l’examen de la seconde partie de la loi de finances pour 2019 ([387]).

La LPFP pour les années 2018 à 2022 prévoit un montant de FCTVA de 5,71 milliards d’euros en 2019 et de 5,74 milliards d’euros en 2022 ([388]). Dans la mesure où il s’agit d’une forme de remboursement de la TVA acquittée par les collectivités, le montant du FCTVA varie en fonction du cycle des investissements locaux ainsi que de la situation économique générale.

Programmation des concours financiers de lÉtat
aux collectivitÉs territoriales

(en milliards deuros)

Concours

2018

2019

2020

2021

2022

Total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

dont fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

5,61

5,71

5,95

5,88

5,74

Note : les concours financiers de l’enveloppe « normée » regroupent les PSR établis au profit des collectivités territoriales, les crédits du budget général relevant de la mission Relations avec les collectivités territoriales, ainsi que le produit de l’affectation de la TVA aux régions.

Source : loi  2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le présent PLF a fixé le montant du PSR du FCTVA à 5 649 millions d’euros pour 2019 ([389]), au lieu de 5 612 millions d’euros pour 2018, soit une légère hausse de 0,7 %.

Évolution du FCTVA de 2012 À 2019

(en millions d’euros)

Loi de finances initiale

2013

2014

2015

2016

2017

2018

PLF 2019

Montant du FCTVA

5 627

5 769

5 961

6 047

5 524

5 612

5 649

Source : lois de finances initiales et présent PLF.

B.   Une situation oÙ les rÉgions perçoivent une fraction de TVA dont elles sont par ailleurs remboursÉes par le FCTVA

En l’état du droit, il existe une situation dans laquelle les régions perçoivent :

– un remboursement au titre du FCTVA de la TVA qu’elles acquittent sur leurs dépenses d’investissement et encaissée en amont par l’État, minoré d’une réfaction forfaitaire pour tenir compte du montant de la part de TVA versée par la France au budget de l’Union européenne ;

– une fraction du produit national de TVA, incluant dans son assiette de calcul le montant de TVA déjà remboursé à l’ensemble des collectivités territoriales au titre du FCTVA.

Le taux forfaitaire de compensation du FCTVA ne prend pas en compte cette situation qui résulte de l’affectation d’une fraction de TVA aux régions depuis le 1er janvier 2018. De ce fait, l’État verse, au bénéfice des régions, une part de la TVA qu’il n’a pas perçue, puisque déjà reversée au titre du FCTVA. Il est donc nécessaire de procéder à une réfaction du taux de FCTVA, analogue dans son principe à celle mise en œuvre pour tenir compte du transfert d’une part de la TVA à l’Union européenne, dont seules les régions s’acquitteraient.

II.   Le dispositif proposÉ

Le présent article vise à neutraliser, sur la fraction de la TVA affectée aux régions, le montant de TVA reversé aux collectivités territoriales par le FCTVA qui n’a pas été véritablement perçu par l’État puisque préalablement affecté aux régions. À cet effet, il est proposé d’instituer un second mécanisme de réfaction analogue à celui opéré pour tenir compte du versement par la France d’une partie de la TVA au budget de l’Union européenne. Le gain de la mesure pour l’État (et corrélativement le coût pour les régions) est estimé à 14 millions d’euros en 2019 et à 111 millions d’euros à l’horizon 2022.

A.   La mise en place d’un mÉcanisme de rÉfaction sur la part de TVA affectÉE aux rÉgions

Il est proposé d’insérer un III bis à l’article 149 de la loi de finances pour 2017 ([390]), qui précise que la fraction de TVA affectée aux régions est minorée chaque année d’un montant correspondant à la différence entre :

– le produit de TVA remboursé au titre du FCTVA, calculé en appliquant au montant des dépenses éligibles de l’année précédente le taux forfaitaire de compensation de 16,404 % ;

– le produit obtenu par application aux mêmes dépenses d’un taux forfaitaire de 16,084 % prenant en compte le taux de réfaction nécessaire pour neutraliser, dans la fraction de TVA affectée aux régions, le remboursement FCTVA déjà réalisé aux collectivités territoriales.

Le montant de la réfaction vient ensuite minorer la fraction de la TVA affectée aux régions. Puis, la fraction de TVA ainsi minorée est répartie selon les règles de droit commun, c’est-à-dire proportionnellement aux dotations 2017 perçues par les régions. Ainsi, le dispositif proposé n’impute pas la réfaction au taux forfaitaire du FCTVA (comme c’est le cas pour la réfaction au titre de l’Union européenne), dans la mesure où une telle réfaction s’appliquerait à l’ensemble des collectivités territoriales éligibles au FCTVA, alors que seules les régions bénéficient de la fraction de TVA.

Le taux de 16,084 % proposé pour le calcul de la réfaction applicable aux régions est obtenu en diminuant le taux forfaitaire de 16,404 % du montant de la réfaction au titre de la part de TVA versée chaque année aux régions sur le montant de FCTVA. Par cohérence avec la réfaction opérée pour tenir compte de la contribution française à l’Union européenne, ce taux a été obtenu en rapportant le montant de TVA des régions en 2017 (4,025 millions d’euros) à la base harmonisée de TVA en 2017.

Le dispositif s’applique uniquement pour les régions et à compter du 1er janvier 2019. Les dépenses éligibles prises en compte chaque année sont évaluées sur la base des attributions perçues l’année précédente par les bénéficiaires du FCTVA.

 

 


Neutralisation du montant de FCTVA versé sur la part de TVA affectée aux régions

 

Source : commission des finances.

 


—  1  —

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

En 2019, la mesure devrait représenter une économie de 14 millions d’euros pour le budget de l’État et une moindre recette d’un montant équivalent pour les régions. Le coût de la mesure pour les régions (et donc le gain pour l’État) montera fortement en puissance du fait, d’une part, de l’augmentation programmée du montant global du FCTVA du fait de l’évolution des dépenses d’investissements des régions et, d’autre part, des règles propres de versement du FCTVA. En effet, seules 13 % des dépenses d’investissement éligibles au FCTVA donnent lieu à un versement par l’État l’année même de leur réalisation, 62 % en année N + 1 et 25 % en année N + 2.

Évolution du coÛt budgÉtaire de la mesure

(en millions d’euros)

Administrations publiques concernées

2019

2020

2021

2022

État

– 14

– 82

– 115

– 111

Régions

+ 14

+ 82

+ 115

+ 111

Source : évaluation préalable du présent article.

ModalitÉS de calcul du coÛt budgétaire en 2019

(en millions d’euros)

Montant des dépenses éligibles au FCTVA

34 436

Montant du taux forfaitaire de 16,404 %

5 649

Montant du taux forfaitaire de 16,084 %

5 539

Coût de la réfaction en 2019 (*)

14

(*) Le coût de la réfaction en 2019 représente environ 13 % du coût de la réfaction totale de 110 millions d’euros puisque la mesure n’entre en vigueur qu’à compter de 2019 (règles de versement du FCTVA).

Source : commission des finances.

Ainsi, la fraction de TVA affectée aux régions en 2019 sera minorée de 14 millions d’euros pour tenir compte de la part déjà reversée par le FCTVA. Puis, la fraction de TVA ainsi minorée sera répartie selon les règles de droit commun, c’est-à-dire proportionnellement aux dotations 2017 perçues par les régions.

La réfaction proposée n’aura en réalité que peu d’impact sur la dynamique de la fraction de TVA dont bénéficient actuellement les régions. En effet, les régions profitent pleinement depuis 2018 de la dynamique de la TVA : alors que le montant des dotations aux régions était de 4 025 millions d’euros en 2017, les régions ont reçu 4 122 millions d’euros en 2018 et devraient bénéficier de 4 287 millions d’euros en 2019, soit une hausse de 262 millions d’euros entre 2017 et 2019 (+ 6,5 %), réfaction incluse.

De plus, les premiers éléments de l’exécution 2018 font apparaître une dynamique de la TVA supérieure aux prévisions initiales inscrites dans la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([391]). Les régions bénéficieraient ainsi de 4 170 millions d’euros en 2018 (au lieu de 4 122 millions d’euros), soit une hausse de 48 millions d’euros par rapport aux prévisions (alors que la réfaction envisagée pour 2019 n’est que de 14 millions d’euros). Cette meilleure dynamique devrait se poursuivre au cours des prochaines années, atténuant mécaniquement les effets de la réfaction dont le montant ne dépend pas de la dynamique de la TVA mais de celle des investissements locaux.

Les règles de versement du FCTVA

Le versement du FCTVA aux collectivités territoriales s’effectue selon trois régimes d’attribution distincts assis sur l’année de réalisation effective de la dépense éligible :

– versement en année N + 2, deux années après la réalisation de la dépense : régime de droit commun pour les collectivités ne pouvant bénéficier des dérogations raccourcissant les délais de versement ;

– versement en année N + 1, l’année suivant la réalisation de la dépense : ce régime de versement représente une dérogation au droit commun au titre d’une participation au plan de relance de l’économie. Sont concernées : les collectivités (autres que les communautés de communes et communautés d’agglomération) qui se sont engagées en 2009 et 2010 à accroître leurs dépenses d’investissement dans le cadre du dispositif de versement accéléré du FCTVA et qui ont respecté leurs engagements ; les communes membres d’EPCI appliquant le régime prévu à l’article L. 5211‑28‑2 du CGCT (mise en commun de la DGF) ;

– versement en année N, l’année même de la réalisation de la dépense : pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communes nouvelles, les métropoles issues d’une communauté d’agglomération et les établissements publics territoriaux.

Source : annexe au PLF pour 2018, Transferts financiers de lÉtat aux collectivités territoriales.

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La commission examine les amendements de suppression I-CF370 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF811 de M. Michel Castellani et I-CF1104 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Émilie Bonnivard. Nous avons là encore l’illustration que Bercy n’a pas vraiment supporté le transfert d’une fiscalité dynamique aux régions et cherche à revenir, par un dispositif un peu « sioux », sur ce transfert.

Avec l’article 26, le Gouvernement souhaite en effet revenir sur la dynamique de la fraction de TVA allouée aux régions, dont le principe a été voté par le Parlement en 2017. La disposition pourrait représenter, au terme de sa montée en charge en 2021, une moindre recette de près de 100 millions pour l’ensemble des régions. Ce nouveau mécanisme réduirait ainsi considérablement la dynamique de la TVA, estimée à 117 millions en 2019.

Il serait de nature à amputer une ressource indispensable aux régions pour faire face à leurs compétences nouvelles en matière de transports, de formation professionnelle et de transition énergétique. Il est néfaste car il contrevient au « contrat » passé entre l’État et les régions lors de la mise en place de l’attribution d’une fraction de TVA, il entre en contradiction d’une des justifications de la contractualisation financière, à savoir la stabilité des ressources, et il confond une ressource fiscale pérenne, la TVA, avec une mesure de compensation de dépenses spécifiques, le FCTVA.

Enfin, ce nouveau dispositif s’ajoute à la suppression en 2018 du fonds de soutien au développement économique, qui a amputé les ressources des régions de 450 millions d’euros.

C’est pourquoi notre amendement I-CF370 propose la suppression de l’article 26.

M. Michel Castellani. Notre amendement I-CF811 vise également à supprimer l’article 26. La disposition pourrait représenter, au terme de sa montée en charge, une moindre recette de près de 100 millions d’euros pour les régions, alors que c’est là une ressource indispensable au financement des politiques publiques dont elles ont la charge. Cette disposition contrevient au « contrat » passé entre l’État et les régions, et confond une ressource fiscale pérenne, la TVA, avec une mesure de compensation spécifique. Enfin, ce nouveau dispositif vient s’ajouter à la suppression du fonds de soutien au développement économique.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF1104 a le même objet : Mme Bonnivard a excellemment exposé les raisons justifiant de supprimer cet article. Le fait que des amendements de suppression aient été déposés par tous les groupes devrait nous interroger. Quand ils ont proposé cette mesure l’an dernier aux régions, Bercy avait déjà fait le lien avec le FCTVA, mais ce lien ne se justifie pas.

M. le Rapporteur général. Sur le plan technique, il ne s’agit pas d’une confusion entre recette fiscale et mesure de compensation puisque la réfaction proposée vise à neutraliser le montant de TVA qui n’a pas été véritablement perçu par l’État, pour avoir été préalablement reversé aux régions par le biais du FCTVA. L’État verse donc actuellement deux fois le montant proposé, une fois au titre du FCTVA et une autre fois au titre de la fraction de TVA. Bercy aurait certes pu s’en apercevoir plus tôt ; toujours est-il que, sur le plan technique, cette mesure est justifiée. Avis défavorable.

M. François Pupponi. Vous ne pouvez pas dire cela, monsieur le Rapporteur général ! Le FCTVA, c’est de l’argent reversé par l’État à partir d’investissements. Il y a quelques années, l’État en outre a prévu d’accorder une recette dynamique aux régions : la TVA. Ce sont deux choses différentes, et tout le monde savait qu’il y avait à la fois l’investissement avec le FCTVA et la TVA pour le fonctionnement. C’était conçu comme cela. Aujourd’hui, le Gouvernement reprend ce qui avait été promis.

M. le président Éric Woerth. C’est assez vrai.

La commission rejette ces amendements.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette ensuite successivement les amendements en discussion commune I-CF1153 et I-CF1155 de M. François Pupponi.

Puis elle adopte larticle 26 sans modification.

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Après l’article 26

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements ICF463 et ICF492 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. L’amendement I-CF463 vise à faire bénéficier les établissements publics de santé, en particulier les hôpitaux, du FCTVA sur les investissements réalisés, et le second amendement, I-CF492, fait de même pour les établissements de services sociaux et médico-sociaux. L’idée est de profiter de la dynamique souhaitée par le Gouvernement en matière d’investissement hospitalier, avec une enveloppe de 400 millions d’euros à partir de 2019 jusqu’en 2022, et donc de récupérer la TVA en 2020 comme cela se fait dans les collectivités locales et d’autres structures publiques, afin de lancer une dynamique pluriannuelle d’investissement.

M. le Rapporteur général. L’objectif est louable, mais les amendements sont un peu trop coûteux pour les finances publiques. Le chef de l’État s’est déjà engagé à dédier 920 millions d’euros supplémentaires sur la période 2019-2022 à l’investissement hospitalier, dans le cadre du plan santé 2022, l’investissement hospitalier étant de 4 milliards d’euros en 2017. Vos propositions représentent potentiellement un surcoût de 700 millions par an. En outre, plus la porosité est grande entre les finances de l’État et celles de la sécurité sociale, plus les choses se compliquent, même si je conviens que la démarcation est parfois difficile, à telle enseigne que nous demandons des discussions communes. Avis défavorable, même si l’intention est très louable.

La commission rejette ces amendements.

M. Éric Coquerel. Monsieur le président, la limite du dépôt d’amendements pour la séance est prévue ce soir à 17 heures. Nous ne voyons pas comment il est possible de s’organiser dès lors que nous débattons encore en commission. Cela le sera d’autant moins pour les groupes qui bénéficient de moins de moyens humains. Notre groupe souhaite par conséquent que vous interveniez auprès du président de l’Assemblée pour reculer cette limite.

M. le président Éric Woerth. Je ne sais pas si cela servirait à grand-chose. En revanche, nous pouvons essayer d’évoquer un changement du Règlement en Conférence des présidents. J’observe simplement que plus de 1 300 amendements ont déjà été déposés à cet instant et qu’il nous reste encore plusieurs heures pour le faire.

M. Éric Coquerel. Je ne suis pas d’accord, ou alors la commission ne sert à rien. Certains amendements peuvent s’ajouter, ou inversement disparaître, en fonction du débat en commission.

M. le président Éric Woerth. Il faut également tenir compte de l’examen des amendements par nos services. Il y a un moment où cela devient impossible.

M. Éric Coquerel. Il n’était pas prévu que nous terminions aussi tard aujourd’hui. En l’occurrence, vous remarquerez que ce n’est pas notre groupe qui a déposé le plus d’amendements. Un tel système ne peut qu’inciter les groupes à déposer, avant même le débat en commission, le maximum d’amendements. Je trouve dommage que vous ne partagiez pas cette idée.

M. le président Éric Woerth. Je partage l’idée que les délais sont toujours trop courts pour tout le monde. C’est une vieille tradition dans ce Parlement, qui ne s’améliore pas. Les conditions de travail sont mauvaises, je ne peux que le constater.

La commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF810 et ICF1003 rectifié de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Depuis le 1er janvier 2018, l’ensemble des régions ainsi que la collectivité de Corse et les collectivités uniques de Guyane et de Martinique bénéficient de l’attribution d’une fraction de TVA en substitution de la DGF.

Le présent amendement vise à compléter la rédaction de l’article 149 de la loi de finances pour 2017 en introduisant au sein de l’assiette de TVA allouée aux régions la part de la DGF des départements perçue par la collectivité de Corse et les collectivités uniques de Martinique et de Guyane. La fraction de TVA doit couvrir au moins la somme qui était dévolue aux départements ; c’est une justice territoriale minimale. Tel est l’objet de l’amendement I‑CF810.

Pour ce qui est de l’amendement I-CF1003 rectifié, depuis 1er janvier 2018, il n’existe plus qu’une seule collectivité en Corse. Par conséquent, il convient d’intégrer dans la fraction de TVA la part de DGF des ex-départements. C’est également une question de justice territoriale.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Michel Castellani. Il ne suffit pas de dire « avis défavorable », monsieur le Rapporteur général !

M. le Rapporteur général. Cet amendement a déjà été déposé l’an dernier.

M. Michel Castellani. Bien sûr qu’il a été déposé l’an dernier ! C’est évident.

La commission rejette ces amendements.

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Article 27
Recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) en Guyane et à Mayotte

Résumé du dispositif et effets principaux

Le revenu de solidarité active (RSA) a été mis en place en France métropolitaine par la loi de 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion ([392]), par la fusion du revenu minimum d’insertion (RMI), de l’allocation pour parent isolé (API) et des dispositifs d’intéressement à la reprise d’activité qui leur étaient associés. Il a été ensuite étendu aux départements d’outre-mer (DOM), à l’exception du Département de Mayotte, par ordonnance du 24 juin 2010 ([393]). Enfin, l’ordonnance du 24 novembre 2011 étend et adapte le RSA au Département de Mayotte ([394]).

Le RSA s’adresse aux personnes âgées d’au moins vingt-cinq ans, ou sans condition d’âge pour les personnes assumant la charge d’au moins un enfant né ou à naître. Depuis le 1er septembre 2010, les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant travaillé au moins deux années au cours des trois dernières années peuvent également en bénéficier.

Le RSA, sous conditions, peut être majoré (« RSA majoré »). Cette majoration est accordée temporairement, sans condition d’âge, à un parent isolé assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ou à une femme enceinte isolée. La majoration est accordée jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant le plus jeune ou pour douze mois en l’absence d’enfant de moins de trois ans.

Le bénéficiaire doit également être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés et aux étrangers titulaires d’une carte de résident, ainsi qu’aux étrangers ayant droit au RSA majoré et respectant des conditions de régularité du séjour.

Le RSA a été étendu dans les conditions de droit commun à la collectivité territoriale de Guyane. S’agissant du Département de Mayotte, il a été déployé avec plusieurs adaptations concernant ses conditions d’éligibilité et son montant :

– le bénéficiaire doit être français ou titulaire, depuis au moins quinze ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler en vertu des dispositions de l’ordonnance du 26 avril 2000 ([395]) ;

– le RSA majoré et le RSA jeune ne sont pas applicables ;

– le montant forfaitaire ainsi que le forfait logement sont inférieurs de moitié de ceux applicables en métropole et dans les autres DOM.

La décentralisation du RMI en 2004 et la création du RSA en 2009 ont conduit à transférer la décision d’attribution de la prestation ainsi que son financement aux départements, qui étaient déjà responsables du volet insertion. Les caisses d’allocations familiales (CAF) ont conservé la gestion de l’allocation et se sont vu déléguer, dans une partie des départements, la compétence de décision dans l’attribution des droits au nom du président du conseil départemental. L’État assure le financement du RSA jeune.

Au titre du droit à compensation par l’État, les départements se sont vu affecter :

– plusieurs fractions de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ;

– le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI), dont une fraction de 40 % couvre les restes à charge respectifs des départements en matière de RSA ;

– le dispositif de compensation péréquée (DCP) dont une fraction de 70 % couvre les restes à charge des allocations individuelles de solidarité (AIS).

Aussi le présent article propose-t-il :

– de recentraliser vers l’État le financement des dépenses relatives au RSA, l’attribution de la prestation, l’instruction des demandes et l’orientation des bénéficiaires. La collectivité concernée conserve ses compétences en matière d’insertion professionnelle et sociale ;

– d’affirmer un droit à compensation pour l’État : « Le transfert à lÉtat de la compétence en matière dattribution [du RSA] et dorientation de ses bénéficiaires, ainsi que le transfert de la charge du financement de cette allocation saccompagnent de lattribution à lÉtat de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte » ;

– de définir les règles de calcul du montant à compenser « égal à la moyenne sur la période de 2016 à 2018 des dépenses relatives » au RSA ;

– de reprendre les financements historiques et les ressources d’accompagnement au titre des dépenses du RSA pour la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte à partir du 1er janvier 2019 ;

– de solder les dépenses non couvertes par la reprise des financements historiques : pour la collectivité territoriale de Guyane, par la reprise du versement de l’annuité 2019 afférent à la dotation exceptionnelle du plan d’urgence pour la Guyane destinée au financement du RSA ; pour le Département de Mayotte, par une réfaction sur la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ;

– d’allonger, pour la collectivité territoriale de Guyane, la durée de résidence préalable pour les étrangers de cinq à quinze ans, et d’introduire une condition similaire, d’une durée de cinq ans, pour bénéficier du RSA majoré ;

– enfin, de codifier à droit constant dans le code général des collectivités territoriales le DCP et de modifier les modalités de comptabilisation des contrats aidés dans le calcul de la troisième part du FMDI.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2004 a affecté une fraction de TICPE aux départements métropolitains, afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RMI.

La loi de finances pour 2006 a institué le FMDI sous la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État au profit des départements.

La loi de finances pour 2009 a affecté une fraction de TICPE aux départements métropolitains, afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RSA.

La loi de décembre 2010 relative au Département de Mayotte a rendu effective la départementalisation de Mayotte à compter de 2011.

La loi de juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique a procédé à la fusion du département et de la région de Guyane.

La loi de finances pour 2011 a affecté une fraction de TICPE aux DOM et à Saint-Pierre et Miquelon afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RSA.

La loi de finances pour 2012 a affecté une fraction de TICPE au Département de Mayotte, afin de compenser la charge des compétences transférées relatives au RSA.

La loi de finances pour 2014 a créé le DCP permettant d’affecter les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) aux dépenses restées à la charge des départements en matière d’AIS.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

Le RSA a été mis en place en France métropolitaine par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion ([396]), par la fusion du revenu minimum d’insertion (RMI), de l’allocation pour parent isolé (API) et des dispositifs d’intéressement à la reprise d’activité qui leur étaient associés. Il a été étendu aux départements d’outre-mer (DOM), à l’exception du Département de Mayotte, par ordonnance du 24 juin 2010 ([397]). Enfin, l’ordonnance du 24 novembre 2011 étend et adapte le RSA au Département de Mayotte ([398]). Chacun de ces transferts de compétences de l’État vers les départements s’est accompagné de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par l’État au moment du transfert. Toutefois, du fait de la dégradation de la conjoncture économique et d’un contexte démographique, socioéconomique et géographique particulier, certains territoires ultra-marins ne sont plus en mesure d’exercer leurs compétences en matière d’instruction et de financement du RSA.

A.   L’attribution et le financement du revenu de solidaritÉ active en Guyane et À Mayotte

Au 31 décembre 2016, 1,86 million de foyers bénéficiaient du RSA en France. Avec les conjoints et les enfants à charge, 3,83 millions de personnes sont couvertes par le RSA, soit 5,7 % de la population française. Le RSA est devenu la première dépense sociale des départements, celle-ci s’établissant en 2016 à 10,64 milliards d’euros.

1.   Les règles d’attribution du revenu de solidarité active en Guyane et à Mayotte

L’article L. 262‑2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) dispose que « toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au RSA » qui « porte les ressources du foyer au niveau du montant forfaitaire » fixé par décret. Le RSA est ainsi une prestation qui correspond à la différence entre, d’une part, un montant forfaitaire déterminé par décret et fixé en fonction de la composition du foyer et du nombre d’enfants à charge et, d’autre part, l’intégralité des ressources du foyer. Il est procédé au réexamen du montant de l’allocation tous les six mois (article L. 262‑21 du code général des collectivités territoriales
– CGCT).

Le RSA s’adresse aux personnes âgées d’au moins vingt-cinq ans, ou sans condition d’âge pour les personnes assumant la charge d’au moins un enfant né ou à naître. Le bénéficiaire ne peut pas être élève, étudiant ou stagiaire, ou encore en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité (article L. 262‑4 du CASF). Depuis le 1er septembre 2010, les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant travaillé au moins deux années au cours des trois dernières années peuvent également en bénéficier (article L. 262‑7‑1 du CASF).

Le bénéficiaire doit être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés et aux étrangers titulaires d’une carte de résident, ainsi qu’aux étrangers ayant droit au RSA majoré et respectant des conditions de régularité du séjour. Elle ne s’applique pas non plus aux ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Ces derniers doivent néanmoins avoir résidé en France durant les trois mois précédant la demande (article L. 262‑6 du CASF).

L’allocation peut dans certaines conditions être majorée (RSA majoré). Cette majoration est accordée temporairement, sans condition d’âge, à un parent isolé assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ou à une femme enceinte isolée. La majoration est accordée jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant le plus jeune ou pour douze mois en l’absence d’enfant de moins de trois ans (article L. 262‑9 du CASF).

Le montant forfaitaire servant de base de calcul au RSA est fixé par décret et fait l’objet d’une revalorisation au 1er avril de chaque année (article L. 262‑3 du CASF). Au 1er avril 2018, le montant forfaitaire pour une personne seule et sans enfant est de 550,93 euros, et de 826,40 euros pour un couple sans enfant. En cas de majoration pour isolement, il est de 943,29 euros pour une personne avec un enfant ([399]). Un forfait logement (de 66,11 euros mensuels pour une personne seule, 132,22 euros pour un foyer de deux personnes, 163,63 euros pour un foyer de trois personnes ou plus) est déduit de l’allocation si le bénéficiaire est logé gratuitement, s’il est propriétaire sans remboursement d’emprunt ou s’il reçoit une aide au logement.

Montants forfaitaires du RSA au 1er avril 2018

(en euros)

Nombre denfants
ou de personnes à charge

Personne
vivant seule

Personne
vivant en couple

0

550,93

826,40

1

826,40

991,68

2

991,68

1 156,96

Par enfant ou personne en plus

220,37

220,37

Source : caisses d’allocations familiales (CAF).

Le RSA est attribué par le département dans lequel le demandeur réside ou a élu domicile. Le département peut déléguer l’exercice des compétences d’instruction et d’attribution de l’allocation aux caisses d’allocations familiales (CAF) (article L. 262‑13 du CASF). Ces dernières sont en effet responsables du service du RSA (article L. 262‑16 du CASF).

Le RSA n’est pas seulement un dispositif d’incitation financière, il s’agit également d’un dispositif d’insertion professionnelle ou sociale. Si le bénéficiaire (allocataire ou conjoint) du RSA est sans emploi ou si ses revenus d’activité professionnelle au cours des trois derniers mois sont inférieurs à 500 euros par mois en moyenne, il est soumis aux droits et devoirs, c’est-à-dire à des obligations de démarches d’insertion en échange d’un accompagnement destiné à l’aider dans ces démarches (article L. 262‑28 du CASF). Il fait en premier lieu l’objet d’une orientation par le département vers un organisme chargé de l’accompagner en vue d’une meilleure insertion professionnelle ou sociale. Cet accompagnement permet d’établir un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), lorsqu’il est orienté vers Pôle emploi (article L. 262‑33 du CASF), ou un contrat d’engagements réciproques (CER), lorsqu’il est orienté vers un autre organisme d’insertion professionnelle ou sociale (article L. 262‑34 du CASF). Le non-respect des engagements du bénéficiaire peut alors entraîner l’arrêt du versement du RSA et la radiation de la liste des bénéficiaires (articles L. 262‑37 et L. 262‑38 du CASF).

Le RSA a été étendu dans les conditions de droit commun à la collectivité territoriale de Guyane ([400]) ainsi qu’à l’ensemble des DOM en 2010, à l’exception du Département de Mayotte qui n’avait pas encore à cette date d’existence juridique. S’agissant de ce dernier, le RSA y a été déployé à compter de 2012 ([401]) avec plusieurs adaptations concernant les conditions d’éligibilité et le montant forfaitaire :

– le bénéficiaire doit être français ou titulaire, depuis au moins quinze ans au lieu de cinq, d’un titre de séjour autorisant à travailler en vertu des dispositions de l’ordonnance du 26 avril 2000 ([402]) ;

– le RSA majoré et le RSA jeune ne sont pas applicables ;

– le montant forfaitaire ainsi que le forfait logement sont inférieurs de moitié de ceux applicables en métropole et dans les autres DOM ;

– le dépôt de la demande et l’instruction du RSA sont assurés pour le compte du département par la caisse gestionnaire du régime des prestations familiales à Mayotte, c’est-à-dire la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) ; celle-ci assure également le service de l’allocation en l’absence d’une caisse d’allocations familiales.

Montants forfaitaires du RSA au 1er avril 2018 applicables
À Mayotte

(en euros)

Nombre denfants
ou de personnes à charge

Personne
vivant seule

Personne
vivant en couple

0

275,47

413,21

1

413,21

495,85

2

495,85

578,49

Par enfant ou personne en plus

110,17

110,17

Source : caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM).

2.   Le financement du revenu de solidarité active par l’État et les départements

L’article L. 262‑24 du CASF dispose que « le revenu de solidarité active est financé par les départements. » Par exception, l’État finance l’extension du RSA aux personnes de moins de vingt-cinq ans ayant exercé par le passé une activité professionnelle, dit « RSA jeune ». À cette fin, une convention est signée entre le département et les CAF (article L. 262‑25 du CASF). Le RSA est ainsi la première dépense sociale des départements, celle-ci s’établissant en 2016 à 10,64 milliards d’euros, soit près de 60 % de l’ensemble des dépenses en matière d’allocations individuelles de solidarité (AIS) des départements.

Évolution des dépenses au titre du RSA par les dÉpartements

(en millions d’euros)

Prestations

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Évolution 2011/2016

RSA

7 772

8 118

8 850

9 667

10 313

10 638

+ 36,9 %

Total AIS (*)

14 275

14 881

15 743

16 740

17 537

18 133

+ 27,0 %

(*) Allocations individuelles de solidarité, c’est-à-dire le RSA, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).

Source : MM. Dominique Bur et Alain Richard, Rapport sur le financement des allocations individuelles de solidarité, Mission finances locales, avril 2018.

Pour autant, les départements ont bénéficié, lors de la décentralisation du RMI en 2004 et la création du RSA en 2009, d’une compensation de la part de l’État. En effet, l’article 72-2 de la Constitution pose le principe selon lequel les transferts de compétences vers les collectivités territoriales doivent s’accompagner des ressources consacrées par l’État à l’exercice des compétences transférées : « Tout transfert de compétences entre lÉtat et les collectivités territoriales saccompagne de lattribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence daugmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Ainsi, il résulte de cet article et des décisions du Conseil constitutionnel que, « lorsquil transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par lÉtat, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert » et qu’il appartient « à lÉtat de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui quil consacrait à lexercice de cette compétence avant son transfert » ([403]).

Dans ce contexte, au titre du droit à compensation par l’État, les départements se sont vu affecter :

– plusieurs fractions de TICPE sur les carburants pour un montant total de 5 861 milliards d’euros ;

– un fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) pour un montant de 500 millions d’euros dont une fraction de 40 % couvre les restes à charge des départements en matière de RSA ;

– un dispositif de compensation péréquée (DCP) pour un montant de 959 millions d’euros dont une fraction de 70 % couvre les restes à charge des allocations individuelles de solidarité (AIS).

Les départements bénéficient ainsi de trois fractions de TICPE sur les carburants au titre du financement du RMI et du RSA :

– une première fraction au titre du financement du RMI : la fraction est calculée de sorte que le tarif appliqué aux quantités de carburants vendues sur l’ensemble du territoire conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées par l’État en 2003 au titre de l’allocation de RMI. Le tarif appliqué pour calculer la fraction s’élève à 13,02 euros par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et 8,67 euros par hectolitre s’agissant du gazole. Chaque département reçoit ensuite un pourcentage de cette fraction fixé en loi de finances ([404]) ;

– une deuxième fraction au titre du financement du RSA : la fraction est calculée de sorte que le tarif appliqué aux quantités de carburants vendues sur l’ensemble du territoire conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées en 2010 par l’État au titre de l’allocation de RSA en métropole et exécutées en 2011 par l’État au titre de l’allocation de RSA dans les départements d’outre-mer à l’exception de Mayotte. Le tarif appliqué pour calculer la fraction s’élève à 2,346 euros par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et à 1,660 euros par hectolitre s’agissant du gazole. Chaque département reçoit ensuite un pourcentage de cette fraction fixé en loi de finances ([405]) ;

– une troisième fraction au titre du financement du RSA pour le Département de Mayotte : la fraction est calculée de sorte que le tarif appliqué aux quantités de carburants vendues sur l’ensemble du territoire conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées en 2014 par l’État au titre de l’allocation de RSA. Le tarif appliqué pour calculer la fraction s’élève à 0,119 euro par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et à 0,077 euro par hectolitre s’agissant du gazole ([406]).

Les départements bénéficient également du FMDI (article L. 3331‑16‑2 du CGCT) institué sous la forme d’un prélèvement sur les recettes (PSR) de l’État de 500 millions d’euros par an. Une part de 40 % du fonds est attribuée au titre de la compensation du RSA en fonction des restes à charge (RAC) des départements. La deuxième et la troisième part du fonds, de 30 % chacune, financent respectivement de la péréquation en fonction d’un indice synthétique de charges et de l’insertion au titre des contrats de travail aidés cofinancés par les départements.

Enfin, les départements bénéficient d’un DCP, créé en 2015 pour soutenir les départements face à la hausse de leurs dépenses sociales, et alimenté par les frais de gestion de la TFPB perçus par l’État ([407]). Une première part (70 %) est attribuée au titre de la compensation, qui tient compte du montant des dépenses restées à la charge des départements en matière d’AIS, après déduction des dotations de compensation. Une seconde part (30 %) est attribuée au titre de la péréquation, répartie sur la base de critères de ressources et de charges, tels que le revenu et le nombre d’allocataires d’AIS rapportés au nombre d’habitants.

B.   La situation Économique et sociale particuliÈre de la Guyane et de Mayotte

Ces compensations, dites historiques, conduisent l’État à attribuer aux départements des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert. La dynamique de la charge incombe depuis la date du transfert aux départements, qui doivent en assurer le financement par leurs propres ressources. Toutefois, les départements observent, depuis plusieurs années, une très forte progression des dépenses liées au RSA du fait de la dégradation de la conjoncture économique, mais également pour certains territoires ultra-marins, d’un contexte démographique, socioéconomique et géographique particulièrement défavorable. Aussi semble-t-il que la Guyane et Mayotte ne soient aujourd’hui plus en mesure d’exercer leurs compétences en matière d’instruction et de financement du RSA.

1.   Un contexte démographique, socioéconomique et géographique conduisant à un recours significatif au RSA

Les départements de la Guyane et de Mayotte font face à une croissance dynamique des dépenses relatives au RSA qui s’explique, notamment, par leur contexte démographique, socioéconomique et géographique. Ce contexte se caractérise, principalement ([408]) :

– par un accroissement démographique élevé, supérieur à celui constaté en métropole : le taux de croissance de la population était de 3,8 % en 2017 à Mayotte et de 2,6 % en Guyane au lieu de 0,46 % en France ;

– par une population comparativement très jeune : les moins de vingt ans représentent 42,3 % de la population guyanaise et 54,5 % de la population mahoraise, au lieu de 24 % en métropole ;

– par un taux de chômage élevé de 25,9 % à Mayotte et de 22 % en Guyane et une absence de débouchés professionnels rendant difficile l’insertion par le travail et contribuant à accroître le phénomène de précarité : or, il est établi l’existence d’un coefficient de corrélation de 0,84 en France métropolitaine entre la part d’allocataires du RSA dans la population d’un département et le taux de chômage ([409]). Une telle corrélation peut probablement être élargie aux départements d’outre-mer ;

– un niveau de développement plus faible qu’en métropole : le PIB par habitant est de 8 980 euros par habitant en 2015 à Mayotte et de 15 813 euros par habitant en Guyane au lieu de 32 967 euros par habitant en France. Avec un indicateur de développement humain (IDH) estimé à 0,637 en 2005 (dernière année calculée), Mayotte se situe ainsi au 107e rang mondial. L’île se classe dans la catégorie des pays ou régions à développement humain moyen, alors que la Guyane était la même année au 73e rang mondial avec un indice de 0,740. La France est à titre de comparaison au 23e rang mondial en 2015, soit un IDH de 0,897 ;

– et enfin, une forte pression migratoire : la part des étrangers résidant à Mayotte est estimée à 40 % de la population. L’île demeure ainsi le département français où la proportion d’étrangers dans la population est la plus importante, devant la Guyane où elle s’élève à 35 %. L’immigration illégale sur ces deux territoires demeure également particulièrement préoccupante.

Enfin, s’agissant de la Guyane, la situation financière dégradée de la collectivité a justifié la mise en œuvre de plusieurs mesures d’aide, par le biais notamment de l’Accord de Guyane du 21 avril 2017 pour un montant de 1,086 milliard d’euros ([410]). L’accord prévoit, notamment, une avance de trésorerie de 4,5 millions d’euros, la transformation d’un prêt de 53 millions d’euros en subvention exceptionnelle, le versement d’une aide exceptionnelle de 150 millions d’euros sur trois ans, afin de financer une part des dépenses de RSA, ainsi que la compensation en 2017 et 2018, par le biais d’un PSR de l’État, du transfert aux communes guyanaises d’une part de la recette d’octroi de mer de la collectivité. De la même manière, la Cour des comptes a, à plusieurs reprises, souligné la « situation financière délicate » du Département de Mayotte, sans qu’aucune « stratégie réelle de redressement des comptes » ait été mise en place ([411]).

2.   Un financement historique par l’État des dépenses du RSA ne permettant plus aux départements de faire face aux restes à charge

Il résulte de la situation décrite précédemment que le taux de croissance du nombre de bénéficiaires du RSA est bien plus élevé à Mayotte et en Guyane qu’en métropole ainsi que dans les autres DOM. Selon l’évaluation préalable du présent article, entre décembre 2012 et décembre 2017, le nombre de foyers bénéficiaires en Guyane est passé de 17 435 bénéficiaires à 22 118 (soit un taux d’évolution de + 26,9 %), tandis qu’à Mayotte, le nombre de foyers bénéficiaires est passé de 2 551 à 5 467 (soit + 114 %).

La situation des bénéficiaires du RSA est la suivante dans les deux départements ([412]) :

– dans la collectivité territoriale de Guyane, les bénéficiaires du RSA représentent ainsi 8 % de la population totale de la Guyane et 26,6 % de la population active âgée de quinze ans à soixante-quatre ans. Presque l’intégralité des bénéficiaires, soit 92,6 % des bénéficiaires du RSA vivent seuls et 40 % ont entre vingt-cinq à trente-neuf ans ;

– dans le Département de Mayotte, le nombre de foyers bénéficiaires a crû rapidement depuis la mise en place du RSA au 1er janvier 2012, principalement en raison du fort taux de chômage. Cependant, depuis 2016, ce nombre chute en raison de la suspension des droits de plus de 1 000 dossiers déposés (1 212 foyers en 2017 et 1 635 foyers en 2016). Les familles monoparentales représentent la majorité des bénéficiaires du RSA et totalisent 59,4 % des allocataires – alors que le RSA majoré n’est pas applicable à Mayotte. La moitié des allocataires du RSA ont un âge compris entre trente ans et quarante-neuf ans (50,4 %) – alors que le RSA jeune n’est pas applicable à Mayotte.

L’évaluation préalable du présent article estime ainsi que le caractère inflationniste des dépenses relatives au RSA dans ces deux territoires aboutit à des RAC insoutenables pour les collectivités qui financent le dispositif :

– en Guyane, le RAC représentait plus de 45,4 millions d’euros en 2016, les recettes de compensation ne couvrant que 68,6 % de la dépense de la collectivité : la Guyane est ainsi le département où le RAC du RSA par habitant est le plus élevé (185 euros) ;

– à Mayotte, le RAC est moins élevé mais son montant est très dynamique (+ 66 % entre 2015 et 2016 pour 42,5 euros par habitant en 2016).

Enfin, depuis plusieurs années, certains départements n’inscrivent pas la totalité des dépenses prévisionnelles de RSA, faute de pouvoir équilibrer leur budget initial. En conséquence, au 15 janvier 2018, 17 départements avaient une dette envers les CAF au titre du RSA estimée à 409 millions d’euros. Cette dette s’élevait pour la seule collectivité territoriale de Guyane à 158 millions d’euros ([413]), malgré la signature d’un protocole d’apurement de la dette entre la collectivité territoriale de Guyane et la CAF de Guyane le 8 décembre 2017.

II.   Le dispositif proposÉ

Dans ce contexte, le président de la République a annoncé lors des assises des outre-mer en octobre 2017, la recentralisation du RSA pour la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte : « Jai dit hier ce que je voulais faire pour la Guyane en la matière : renforcer les moyens, passer à quinze ans le droit dobtenir le RSA, le verser non plus en prestations monétaires mais en cartes prépayées pour quil soit dépensé ici ; une reprise de son financement par lÉtat (…). Cest cette stratégie que je veux adopter pour Mayotte. Vous avez déjà le délai de quinze ans pour le RSA, je veux que nous en reprenions totalement le contrôle ; cest une charge que vous ne pouvez pas aujourdhui porter. » ([414]) Le présent article met en œuvre cette stratégie pour la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte.

A.   La recentralisation du RSA en Guyane et À Mayotte

Le présent article contient plusieurs mesures relatives à la mise en œuvre de la recentralisation et aux conditions d’éligibilité du RSA, et aux modalités de financement par les collectivités concernées de l’exercice de la compétence par l’État.

1.   Le transfert de l’exercice de la compétence de la collectivité territoriale de Guyane et du Département de Mayotte vers l’État

Le I du présent article créé au sein du livre V du CASF relatif aux dispositions particulières applicables à certains territoires, un nouvel article L. 522‑19 mettant en place un droit dérogatoire pour l’application des dispositions législatives relatives à l’allocation de RSA dans la collectivité territoriale de Guyane. Ce nouvel article permet le transfert de l’ensemble des compétences relatives au RSA de la collectivité territoriale de Guyane vers l’État, et dispose en particulier :

– au  que le RSA est désormais attribué pour le compte de l’État, et non du département, par la CAF au demandeur qui réside dans le ressort de la collectivité territoriale de Guyane ou y a élu domicile ;

– au  que l’instruction administrative de la demande est désormais assurée par la CAF ;

– au 10° que « le revenu de solidarité active est financé par lÉtat » et que « les frais de gestion supplémentaires exposés par la CAF de Guyane, au titre des nouvelles compétences qui lui sont déléguées (…) sont financés par lÉtat » ;

– au 13° que l’orientation du bénéficiaire vers un organisme d’insertion professionnelle ou sociale est assurée par la CAF et non le président du conseil départemental ;

– les autres dispositions de l’article effectuent les coordinations nécessaires pour adapter les procédures de contrôle et d’échanges d’information, de recours et de récupération, de lutte contre la fraude, tout en substituant à la dénomination « département » celle de « collectivité territoriale de Guyane ».

Le II du présent article effectue des modifications semblables à l’article L. 542‑6 du CASF qui a institué un droit dérogatoire pour l’application du RSA à Mayotte. Il est ainsi prévu :

– au  du II que le RSA est désormais attribué pour le compte de l’État, et non du département, par la CSSM au demandeur qui réside dans le ressort du Département de Mayotte ou y a élu domicile ;

– au  du II que la demande est déposée auprès de la CSSM, qui assurait déjà la charge de l’instruction administrative de la demande pour le compte du département, et qui l’assurera désormais pour le compte de l’État ;

– au  du II que « les frais de gestion supplémentaires exposés par la caisse gestionnaire du régime des prestations familiales à Mayotte, au titre des nouvelles compétences qui lui sont déléguées (…) sont financés par lÉtat » ;

– au 10° du II que l’orientation du bénéficiaire vers un organisme d’insertion professionnelle ou sociale est assurée par la CSSM et non le président du conseil départemental ;

– les autres dispositions du II effectuent les coordinations nécessaires pour adapter les procédures de contrôle et d’échanges d’information, de recours et de récupération, et de lutte contre la fraude.

Ainsi, il est proposé dans les deux cas de recentraliser vers l’État – c’est-à-dire soit vers la CAF de Guyane, soit vers CSSM – l’attribution de la prestation, l’instruction des demandes, le financement des allocations et l’orientation des bénéficiaires. Le service public de l’emploi (dont Pôle emploi) et la collectivité concernée conservent leurs compétences en matière d’insertion professionnelle et sociale.

Le IV du présent article dispose que les modifications effectuées concernant le RSA entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2019 et qu’elles sont applicables à tout nouveau bénéficiaire à partir de cette date. Afin d’assurer la garantie des droits ainsi que la continuité du traitement des recours exercés par certains bénéficiaires, il est toutefois précisé :

– au  du IV que les personnes bénéficiant du RSA majoré en Guyane avant l’entrée en vigueur des nouvelles conditions d’éligibilité conservent le bénéfice de ce droit jusqu’à l’expiration de ce dernier. Les nouvelles règles s’appliquent ainsi uniquement aux nouvelles situations d’isolement nées à compter du 1er janvier 2019 ;

– au  du IV que les personnes étrangères qui ont bénéficié du RSA en Guyane avant l’entrée en vigueur des nouvelles conditions d’éligibilité et qui ont été radiées à compter du 1er septembre 2018 de la liste des bénéficiaires pour dépassement de ressources ne se voient pas imposer les nouvelles conditions d’éligibilité pour toute demande effectuée avant le 31 décembre 2020 ;

– au  et  du IV que les indus, rappels et recours ne sont instruits par la CAF de Guyane ou la CSSM que lorsque le fait générateur ou le recours exercé par le bénéficiaire est postérieur au 1er janvier 2019. Les collectivités concernées assument les conséquences financières des décisions rendues pour ceux dont le fait générateur ou le recours exercé est antérieur à cette date.

2.   La modification des conditions d’éligibilité au RSA pour les étrangers en Guyane

Le  du nouvel article L. 522‑19 du CASF créé par le I du présent article modifie les conditions d’éligibilité au RSA pour les personnes étrangères vivant dans la collectivité territoriale de Guyane. Il est ainsi proposé :

– au a) d’allonger la durée préalable de détention d’un titre de séjour autorisant à travailler pour les étrangers de cinq à quinze ans ;

– au b) d’introduire une condition similaire d’une durée de cinq ans pour bénéficier du RSA majoré (c’est-à-dire lorsque le demandeur est dans une situation d’isolement avec au moins un enfant à charge) qui est actuellement ouvert sur la seule condition de la régularité du séjour en France.

Une modification similaire n’est pas nécessaire pour le Département de Mayotte puisque la condition de détention préalable d’un titre de séjour est déjà de quinze ans, et que le RSA majoré n’est pas applicable dans ce département.

3.   La définition des modalités de calcul du montant à compenser à l’État

Le V du présent article affirme le principe d’un droit à compensation pour l’État : « Le transfert à lÉtat de la compétence en matière dattribution [du RSA] (…) et dorientation de ses bénéficiaires, ainsi que le transfert de la charge du financement de cette allocation saccompagnent de lattribution à lÉtat de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte. »

Le VI définit les règles de calcul du montant à compenser ainsi que les conditions d’un ajustement ultérieur. Le montant du droit à compensation pour l’État est ainsi égal « à la moyenne sur la période de 2016 à 2018 des dépenses relatives à lallocation [de RSA] (…) exposées par les collectivités territoriales incluant la valorisation financière des emplois exprimés en équivalent temps plein travaillé non transférés à lÉtat affectés à lattribution de lallocation ».

Néanmoins, en raison de l’absence de données fiables dans l’immédiat pour l’année 2018, il est prévu que pour l’année 2019, un « montant prévisionnel du droit à compensation pour lÉtat est calculé ». Ce dernier est égal à la moyenne des dépenses évoquées précédemment mais sur la période de 2015 à 2017. Il est précisé que le montant définitif du droit à compensation sera arrêté ultérieurement une fois les données de l’année 2018 connues et fiabilisées.

Par parallélisme, le X et le XI précisent que certaines dispositions de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA, en particulier celles relatives au principe d’une compensation par l’État des charges transférées aux collectivités territoriales et aux modalités de calcul de cette compensation, ne sont plus applicables à compter du 1er janvier 2019 à la collectivité territoriale de Guyane ainsi qu’au Département de Mayotte ([415]).

4.   Le financement par les collectivités concernées de l’exercice de la compétence par l’État

Le VII du présent article dispose, qu’à compter du 1er janvier 2019, l’État cesse le versement à la collectivité territoriale de Guyane et au Département de Mayotte des compensations historiques et des ressources d’accompagnement au titre de la compensation du transfert du RMI et de la généralisation du RSA, c’est-à-dire des fractions du produit de la TICPE, des versements réalisés au titre du FMDI et du DCP.

À cette fin :

– le XII modifie l’article L. 3334‑16‑2 du CGCT, afin que la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte ne soient plus éligibles, à compter du 1er janvier 2019, au FMDI. En conséquence, le FMDI diminue du montant total des crédits attribués à ces deux collectivités en 2018. Il est également procédé à une modification des modalités de comptabilisation des contrats aidés dans le calcul de la troisième part du FMDI, afin de sécuriser la collecte des données ;

– le XIII procède à la codification à droit constant du DCP au sein du CGCT, créé par la loi de finances pour 2014 ([416]), en précisant toutefois que la collectivité territoriale de Guyane ne pourra plus en bénéficier à compter du 1er janvier 2019 (le Département de Mayotte n’étant pas éligible au dispositif). La part est alors reversée à l’État ;

– le A du XIV dispose que la collectivité territoriale de Guyane n’est plus éligible à la fraction de TICPE sur les carburants au titre du financement du RMI ([417]) : le tarif appliqué pour calculer la fraction diminue de 13 centimes d’euro par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et de 10 centimes d’euro par hectolitre s’agissant du gazole. Le pourcentage de chaque département est ensuite adapté pour tenir compte de la suppression de celui de la Guyane ;

– le B du XIV dispose que la collectivité territoriale de Guyane n’est plus éligible à la fraction de TICPE sur les carburants au titre du financement du RSA ([418]) : le tarif appliqué pour calculer la fraction diminue de 7 centimes d’euro par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et de 5 centimes d’euro par hectolitre s’agissant du gazole. Le pourcentage de chaque département est ensuite adapté pour tenir compte de la suppression de celui de la Guyane ;

– le C du XIV modifie la fraction de TICPE sur les carburants au titre du financement du RSA pour le Département de Mayotte : les dépenses exécutées au titre du RSA dans le Département de Mayotte ne sont plus prises en compte pour le calcul de la fraction. Le tarif appliqué pour calculer la fraction diminue de 4 centimes d’euro par hectolitre s’agissant des supercarburants sans plomb et de 3 centimes d’euro par hectolitre s’agissant du gazole ([419]).

Afin d’assurer une compensation intégrale, il est prévu de solder les dépenses non couvertes par la reprise des financements historiques et des ressources d’accompagnement :

– pour la collectivité territoriale de Guyane, le VIII dispose qu’il n’est pas procédé au versement prévu en 2019 au titre de la dotation exceptionnelle du plan d’urgence pour la Guyane destinée au financement du RSA et mentionnée par l’Accord de Guyane du 21 avril 2017. Ce dernier dispose en effet que « le Gouvernement portera la part de la collectivité territoriale de Guyane dans le fonds de compensation du RSA à 50 millions deuros en 2017 et le maintiendra à un niveau équivalent en 2018 et 2019, pour un total de 150 millions deuros » ([420]) ;

– pour le Département de Mayotte, le IX dispose qu’il est procédé à une réfaction sur la dotation forfaitaire de la DGF perçue en 2019. Il est ajouté qu’un ajustement définitif du montant de la réfaction sera effectué sur la dotation perçue en 2020.

Enfin, le III du présent article précise qu’il n’est plus tenu compte, dans la détermination de l’éligibilité à la première section du fonds d’appui aux politiques d’insertion au bénéfice des départements, des dépenses d’allocation du RSA ([421]). Les crédits de ce fonds sont attribués chaque année aux départements ayant conclu avec l’État une convention d’appui aux politiques d’insertion. Cette convention définit pour une durée de trois ans les priorités en matière de lutte contre la pauvreté, d’insertion sociale et professionnelle et de développement social. Il est doté au titre de 2017 seulement de 50 millions d’euros prélevés à titre exceptionnel sur les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Le fonds comporte une première section de 10 % pour les quinze départements faisant face aux dépenses d’AIS les plus importantes par rapport à leurs dépenses de fonctionnement et une seconde section de 90 % pour les départements signataires d’une convention d’appui aux politiques d’insertion au prorata de leurs dépenses de RSA.

B.   L’impact BudgÉtaire et Économique

Le transfert des compétences en matière d’attribution, d’instruction des demandes, de financement des allocations et d’orientation des bénéficiaires du RSA de la Guyane et de Mayotte s’accompagne ainsi de l’attribution à l’État de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice par les deux collectivités.

L’évaluation préalable de l’article précise que le transfert à l’État de la compétence du RSA pour la collectivité de Guyane et le Département de Mayotte a pour effet d’augmenter les dépenses de l’État à hauteur respectivement de 142 millions d’euros et de 22,7 millions d’euros au titre des dépenses de guichet en 2019, et de 0,6 million d’euros et de 0,1 million d’euros au titre des dépenses de personnel. Ces montants résultent d’une estimation, pour la seule année 2019, qui correspond à la moyenne annuelle des dépenses du RSA constatées entre 2015 et 2017, en tenant compte de la valorisation financière des emplois à temps plein non transférés à l’État chargés de la gestion du RSA constatée en 2017 pour la Guyane et estimée en 2017 pour le Département de Mayotte. La mesure induit mécaniquement une diminution des dépenses des collectivités concernées d’un montant équivalent.

De manière à financer ces dépenses, le présent article procède à la reprise des financements historiques et des ressources d’accompagnement au titre des dépenses du RSA pour la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte, ainsi qu’à plusieurs mesures complémentaires (reprise sur la dotation forfaitaire du Département de Mayotte et sur le dernier versement de soutien au financement du RSA dans le cadre de l’Accord de Guyane).

Il convient également de noter que la réforme emporte des incidences budgétaires au regard des moindres dépenses constatées compte tenu des nouvelles conditions d’éligibilité du RSA en Guyane : l’évaluation préalable de l’économie induite par ces mesures est estimée à 1,7 million d’euros en 2019 et à 2,8 millions d’euros en 2020 (dont 2,1 millions d’euros au titre de l’allongement de cinq à quinze ans de la condition de durée de détention d’un titre de séjour autorisant à travailler pour être éligible au RSA et de 0,7 million d’euros au titre de la majoration de zéro à cinq ans de la condition de durée de détention d’un titre de séjour autorisant à travailler pour être éligible au RSA majoré).

Ainsi, sur le périmètre des PSR à destination des collectivités territoriales, à compter du 1er janvier 2019, l’État cesse le versement à la collectivité territoriale de Guyane et au Département de Mayotte des ressources allouées au titre du FMDI. Afin d’assurer la compensation intégrale des charges transférées par le Département de Mayotte, il est en outre procédé à une réfaction de la dotation forfaitaire de la DGF du département. Ces mouvements donnent lieu à une diminution du montant des PSR à destination des collectivités territoriales de 14 millions d’euros (8,1 millions d’euros au titre du FMDI et 5,8 millions d’euros au titre de la DGF).

La recentralisation du RSA de la Guyane et de Mayotte conduit parallèlement à majorer les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances de 124,6 millions d’euros.

Enfin, il est rappelé que l’État reprend à sa charge le coût de l’évolution spontanée de la dépense.

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La commission est saisie de lamendement I-CF1129 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Le code de l’action sociale et des familles définit les conditions d’éligibilité au RSA. En recentralisant le RSA dans les seules collectivités de Guyane et de Mayotte, le Gouvernement en profite pour modifier les conditions d’éligibilité au RSA pour ces territoires. Rien ne justifie de traiter différemment les bénéficiaires du RSA, financé par la solidarité nationale. Cet amendement propose donc de ne pas modifier les critères d’éligibilité pour ces territoires.

M. le Rapporteur général. C’est un engagement du président de la République, que nous entendons respecter. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement I-CF1400 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. À la suite de difficultés des collectivités à faire face au coût du versement du RSA, l’État a souhaité confier par délégation la totalité de la gestion aux caisses d’allocations familiales en lieu et place des collectivités. C’est quelque chose de positif. Ce qui ne l’est pas, c’est la rupture de l’égalité républicaine vis-à-vis de la Guyane, où l’on exigerait non plus cinq, mais quinze ans de détention d’un titre de séjour pour être bénéficiaire du RSA. Non seulement cela revient à pointer une responsabilité des étrangers, ce qui rappelle des politiques menées en Italie ou proposées par certains partis d’extrême droite en France, mais le fait d’instaurer une différence selon des régions nous heurte profondément. Nous y sommes opposés. Cet amendement répond à une tribune signée par AIDES, la CIMADE, le COMEDE, la FASTI, le GISTI, la Ligue des droits de l’homme, la section de Cayenne de la LDH et Médecins du Monde.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette lamendement.

Elle adopte ensuite larticle 27 sans modification.

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Article 28
Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de lÉtat
au profit des collectivités territoriales

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article évalue, comme chaque année en loi de finances initiale, le montant des prélèvements sur recettes (PSR) au profit des collectivités territoriales. Pour 2019, ces derniers sont évalués à 40,47 milliards d’euros, soit une légère hausse de + 0,3 % par rapport à l’année précédente (+ 124 millions d’euros).

Au sein des PSR, il convient en particulier de noter :

– une stabilité de la DGF des départements et du bloc communal, hors des effets de périmètre ;

– une augmentation de 121 millions d’euros des compensations d’exonération de fiscalité locale Cette augmentation résulte pour 100 millions d’euros de la compensation des pertes de recettes liées à l’exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE), adoptée en loi de finances pour 2018, pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 5 000 euros, et pour 17 millions d’euros de l’abattement dégressif des valeurs locatives appliquées à Mayotte, mis en place par la seconde loi de finances rectificatives pour 2017 ;

– une minoration de 145 millions d’euros de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), la dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (DTCE ou dot²) et la dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle (FDPTP) (variables d’ajustement).

Dernières modifications législatives intervenues

Le montant des PSR est fixé chaque année en loi de finances conformément aux articles 6 et 34 de la LOLF. En 2018, le montant des PSR avait été fixé à 40,35 milliards d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

L’évaluation des prélèvements sur recettes (PSR) de l’État aux collectivités territoriales résulte des dispositions de la LOLF : « Un montant déterminé de recettes de lÉtat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements dimpôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de lÉtat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte. » ([422]) Leur montant doit être fixé chaque année en loi de finances, comme le précise l’article 34 de la LOLF qui dispose que « la loi de finances de lannée (…) évalue chacun des prélèvements » sur recettes.

A.   LEs PSR reprÉSENTENT prÈS de la moitiÉ des transferts financiers de l’État aux collectivitÉs territoriales

L’ensemble des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales représentent 111,45 milliards d’euros dans le présent PLF. Ils se composent principalement de trois sous-ensembles :

– les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales (48,65 milliards d’euros) ainsi que le produit des amendes de police reversé aux collectivités (478 millions d’euros), pour un total de 49,12 milliards d’euros ;

– les dégrèvements d’impôts locaux, les subventions spécifiques versées par les ministères et celles pour travaux divers d’intérêt local pour 23,56 milliards d’euros ;

– la fiscalité transférée pour 38,76 milliards d’euros (36,1 %).

Les concours financiers de lÉtat aux collectivités territoriales comprennent lensemble des PSR bénéficiant aux collectivités territoriales (40,47 milliards deuros), les crédits budgétaires de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) (3,89 milliards deuros), ainsi que lattribution dune part de TVA aux régions (4,29 milliards deuros) ([423]).

Les PSR représentent ainsi près de 40 % de l’ensemble des transferts financiers de l’État, et la quasi-totalité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

Les transferts financiers de l’État aux collectivitÉs territoriales

(en millions d’euros)

Nature des transferts financiers de lÉtat

LFI 2017

LFI 2018

PLF 2019

Concours financiers de l’État (*)

49,65

48,78

49,12

 dont PSR

44,37

40,35

40,47

 dont RCT

4,42

3,79

3,89

Fiscalité transférée

36,35

38,01

38,76

Subventions des ministères

3,37

2,95

3,71

Contrepartie de dégrèvements législatifs

11,18

15,03

19,86

Total

100,55

104,77

111,45

(*) Incluant le produit des amendes de police reversé aux collectivités et le financement du fonds emprunts structurés, et depuis 2018, la fraction de TVA transférée aux régions.

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018.

Dans ce cadre, le présent article détermine, comme chaque année en loi de finances, le montant de chaque PSR de l’État bénéficiant aux collectivités territoriales. Il existe actuellement 20 PSR au profit des collectivités territoriales, dont les principaux d’entre eux sont :

– la DGF qui compense les charges supportées par les départements, les communes et leurs groupements, contribue à leur fonctionnement et corrige certaines inégalités de richesses entre les territoires ;

– le FCTVA qui compense de manière forfaitaire la TVA supportée par les collectivités territoriales sur leurs dépenses d’investissement ;

 la compensation dexonérations relatives à la fiscalité locale qui compense le coût, pour les collectivités territoriales, des allégements de fiscalité locale ;

– le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) qui accompagne les départements dans leur politique de retour à l’emploi au bénéfice des publics en difficulté après le transfert du RMI, puis la mise en place du RSA ;

– la dotation départementale d’équipement des collèges (DDEC) qui est attribuée aux départements pour les investissements relatifs aux collèges ;

– la dotation régionale d’équipement scolaire (DRES) qui est attribuée aux régions pour les investissements relatifs aux lycées ou aux établissements de niveau équivalent ;

– la DCRTP qui compense pour chaque catégorie de collectivités les principaux effets de la réforme de la taxe professionnelle ;

– ou encore, la dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (DTCE ou dot 2) qui comprend certaines allocations compensatrices régionales et départementales historiques.

B.   Les PSR font l’objet d’un plafonnement par la loi de programmation des finances publiques pour les annÉes 2018 À 2022

Les différents montants des concours financiers de l’État doivent être mis en relation avec l’article 16 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([424]) qui fixe plusieurs plafonds, exprimés en milliards d’euros courants :

– un plafond du FCTVA : il s’agit toutefois d’un PSR par nature peu pilotable, car elle prend la forme d’un remboursement de TVA forfaitaire sur les dépenses d’investissement des collectivités territoriales ;

– un plafond la TVA affectée aux régions : le montant affecté n’est également pas pilotable et varie en fonction du niveau des recettes de TVA ;

– enfin, un plafond pour les autres concours financiers de l’État, qui comprend les autres PSR au profit des collectivités territoriales ainsi que les crédits du budget général de la mission RCT. Il s’agit de l’essentiel de la dépense pilotable pour l’État, notamment par les variables d’ajustement ([425]) ou les ajustements budgétaires de la mission RCT.

Programmation des concours financiers de l’État
aux collectivitÉs territoriales

(en milliards d’euros)

Concours

2018

2019

2020

2021

2022

Total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

dont fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

5,61

5,71

5,95

5,88

5,74

dont taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions

4,12

4,23

4,36

4,5

4,66

dont autres concours

38,37

38,14

38,12

38,1

38,1

Note : les concours financiers de l’enveloppe « normée » regroupent les PSR établis au profit des collectivités territoriales, les crédits du budget général relevant de la mission RCT, ainsi que le produit de l’affectation de la TVA aux régions.

Source : loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Un montant des PSR au profit des collectivitÉs territoriales ÉvaluÉ en lÉgÈre hausse À 40,47 milliards d’euros pour 2019

Le présent article évalue, comme chaque année en loi de finances initiale, le montant des PSR au profit des collectivités territoriales.

Pour 2019, ces derniers sont évalués à 40 470 360 000 euros, au lieu de 40 346 562 000 euros en 2018, soit une légère hausse de + 0,3 %.

ÉVOLUTION DU MONTANT DES PSR

(en milliards d’euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

55,58

55,69

54,17

50,73

47,30

44,37

40,35

40,47

Source : lois de finances initiales et présent PLF.

Le montant global des PSR est ensuite réparti entre une vingtaine de PSR de la manière suivante :

ÉVOLUTION DU MONTANT DES PSR en 2019

(en milliers d’euros)

Prélèvements sur recettes (PSR)

Montant

LFI 2018

Montant

PLF 2019

Évolution

2018/2019

Dotation globale de fonctionnement (DGF)

26 960 322

26 953 048

– 7 274

Dotation spéciale pour le logement des instituteurs (DSI)

12 728

11 028

– 1 700

Dotation de compensation des pertes de bases de la taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements

73 500

73 500

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

5 612 000

5 648 866

+ 36 866

Compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale

2 078 572

2 199 548

+ 120 976

Dotation élu local

65 006

65 006

PSR au profit de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse

40 976

40 976

Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI)

500 000

491 877

– 8 123

Dotation départementale d’équipement des collèges (DDEC)

326 317

326 317

Dotation régionale d’équipement scolaire (DRES)

661 186

661 186

Dotation globale de construction et d’équipement scolaire (DGCES)

2 686

2 686

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP)

2 940 363

2 976 964

+ 36 601

Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (dot²)

529 683

499 683

– 30 000

Dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle (DUCSTP)

0

0

Dotation de compensation de la réforme de la taxe sur les logements vacants

4 000

4 000

Dotation de compensation liée au processus de départementalisation de Mayotte

99 000

107 000

+ 8 000

Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires

6 822

6 822

Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle (FDPTP)

333 401

284 278

– 49 123

Compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport

82 000

90 575

+ 8 575

Dotation au profit de la collectivité territoriale de Guyane

18 000

27 000

+ 9 000

Total

40 346 562

40 470 360

+ 123 798

Source : article 43 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018 et présent article.

B.   LEs principales Évolutions DEs montants des PSR en 2019 et leur articulation avec les autres dispositions du prÉsent projet de loi de finances

Au total, le montant des PSR au profit des collectivités territoriales est en hausse de près de 124 millions d’euros en 2019 par rapport à la loi de finances pour 2018. Cette hausse résulte des évolutions suivantes :

– une stabilité de la DGF des départements et du bloc communal, en dehors des effets de périmètre d’un montant de – 7,3 millions d’euros (recentralisation des compétences sanitaires départementales du département des Deux-Sèvres, recentralisation de la compétence RSA de Mayotte, et non-reconduction de la dotation exceptionnelle du fonds d’aide au relogement d’urgence). Le montant global de la DGF est également fixé par l’article 23 du présent PLF ([426]) ;

– une diminution de – 1,7 million d’euros de la dotation spéciale pour le logement des instituteurs pour tenir compte des départs en retraite et de l’intégration progressive des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles ;

– une hausse de + 36,9 millions d’euros du FCTVA en raison de la poursuite prévisible de la reprise de l’investissement local en lien notamment avec le cycle électoral. En effet, la reprise des investissements amorcée en 2017 (+ 6,8 %) et en 2018 (+ 7,0 %) se confirmerait en 2019 ([427]) ;

– une augmentation de + 121 millions d’euros des compensations d’exonération de fiscalité locale du fait de la montée en charge de certaines mesures décidées en 2018, comme l’exonération de CFE pour les entreprises réalisant un très faible chiffre d’affaires (120 millions d’euros), sans faire l’objet d’une mesure de minoration comme variable d’ajustement par l’article 23 du présent projet de loi, ou encore l’abattement des valeurs locatives à Mayotte (17 millions d’euros) ;

– une diminution de – 8,1 millions d’euros du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) pour tenir compte de la recentralisation du RSA en Guyane et à Mayotte, prévue par l’article 27 du présent projet de loi ([428]) ;

– une hausse de + 8 millions d’euros de la compensation versée à Mayotte et de 9 millions d’euros de la dotation au profit de la collectivité territoriale de Guyane pour tenir compte de la suppression de leur part d’octroi de mer, prévue par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer ([429]) ;

– une hausse de + 8,6 millions d’euros de la compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport (VT), en raison de la dynamique du versement transport ;

 enfin, la DCRTP, la DTCE et la dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle (FDPTP) font lobjet dune minoration de  145 millions deuros afin de neutraliser sur lenveloppe des concours financiers de lÉtat aux collectivités territoriales certaines évolutions par rapport aux plafonds fixés par la LPFP pour les années 2018 à 2022. Ces minorations sont mises en œuvre par larticle 23 du présent PLF.

*

*     *

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques ICF1102 de Mme Christine Pires Beaune et I-CF1156 de M. François Pupponi, ainsi que des amendements I-CF1157 et I-CF1136 de M. François Pupponi et I-CF1103 de Mme Christine Pires Beaune.

M. le Rapporteur général. Ce sont des amendements de conséquence de ce qui n’a pas été voté tout à l’heure. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite larticle 28 sans modification.

*

*     *

Après l’article 28

La commission est saisie en discussion commune des amendements ICF1184 de Mme Amélie de Montchalin et I-CF1389 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Nathalie Sarles. La taxe d’aménagement concerne aujourd’hui uniquement les communes et EPCI dotés d’un PLU ou d’une carte communale. C’est un outil qui peut néanmoins être intéressant pour compenser l’artificialisation des sols entraînée par certains aménagements. Nous proposons par l’amendement I-CF1389 que cette taxe puisse être étendue sans délibération à des communes qui ne disposent pas de PLU ou de carte communale, que les installations pour la production d’énergies alternatives comme l’éolien et le solaire soient exonérées, et que les parkings, dont on sait qu’ils sont revêtus de matériaux qui imperméabilisent les sols, voient quant à eux leur taxe majorée.

M. le Rapporteur général. J’y suis favorable mais en seconde partie du PLF, pour éviter des effets d’aubaine, et avec tout de même un bémol important : l’affectation d’une part qui est la moitié du produit de la taxe d’aménagement à l’État ne me semble pas une bonne chose pour les collectivités qui n’ont pas encore mis en place un document d’urbanisme. Il me paraît plus logique de laisser à ces collectivités le bénéfice de la recette fiscale pour qu’elles puissent justement financer les études préalables à ces documents. Moyennant cette réserve importante, je donnerai un avis favorable à ces amendements en seconde partie, si vous voulez bien les retirer et les retravailler.

Les amendements sont retirés.

*

*     *

 


B.  Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 29
Mesures relatives à lajustement des ressources affectées
à des organismes chargés de missions de service public

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet de faire participer les opérateurs de l’État et les organismes chargés de missions de service public bénéficiant de fiscalité affectée à l’objectif de réduction de la dépense publique dans la richesse nationale.

Ainsi, il fixe des plafonds à l’affectation d’impositions de toute nature aux organismes bénéficiaires, afin de garantir une adéquation entre le niveau de ces ressources et les missions de service public qui leur sont confiées. Les ressources fiscales excédant le plafond sont reversées au budget général de l’État, selon un mécanisme dit d’écrêtement.

Le présent article permet :

– d’ajuster à la hausse ou à la baisse les plafonds individuels d’affectation de taxes prévus au I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 pour un reversement net au budget général de l’État accru de 16 millions d’euros à périmètre constant (A du I de l’article) ;

– d’intégrer cinq taxes affectées au périmètre du plafonnement d’affectation, portant ainsi les ressources fiscales plafonnées à un montant global de 9,3 milliards d’euros au lieu de 3 milliards d’euros en loi de finances pour 2012 (A du I) ;

– de préciser les modalités d’application du plafond global de ressources des agences de l’eau (B du I) ;

– de supprimer l’affectation de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques à France Télévisions (II) ;

– de supprimer l’affectation de la taxe pour frais de contrôle perçues au profit de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) (III) ;

– de supprimer l’affectation de la taxe sur les transactions financières (TTF) à l’Agence française de développement (IV).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative du Rapporteur général, la commission des finances a adopté un amendement visant à instaurer un socle de financement pour les chambres de commerce et d’industrie, dont le périmètre comprend au moins 80 % de communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR).

Un amendement adopté à l’initiative de M. Benoit Simian (LaREM), avec l’avis favorable du Rapporteur général, vise à maintenir la taxe pour frais de contrôle versée par les entreprises de transport public routier de personnes assurant des services réguliers interurbains communément affecté à l’ARAFER.

Un amendement a été adopté à l’initiative de Mme Stella Dupont (LaREM), avec l’avis favorable du Rapporteur général, visant à ajuster le taux de la taxe additionnelle sur la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE) au niveau du plafond d’affectation aux chambres de commerce et d’industrie.

I.   l’état du droit

A.   La fiscalité affectée à des tiers, une dérogation au principe d’universalité budgétaire

L’affectation d’une recette à une dépense ou à un organisme particulier apparaît comme une dérogation au principe d’universalité budgétaire, selon lequel les recettes perçues par l’État ont vocation à couvrir l’ensemble de ses dépenses.

Cette dérogation est prévue à l’article 2 de la LOLF ([430]), aux termes duquel « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers quà raison des missions de service public confiées à lui ». L’article 36 de la LOLF précise que « laffectation, totale ou partielle, à une autre personne morale dune ressource établie au profit de lÉtat ne peut résulter que dune disposition de loi de finances ».

Le Conseil constitutionnel a rappelé que l’affectation de ces recettes est soumise à une triple condition, visant à garantir le contrôle effectif du législateur :

 « que la perception de ces impositions soit autorisée par la loi de finances de lannée ;

 « que, lorsque limposition concernée a été établie au profit de lÉtat, ce soit une loi de finances qui procède à cette affectation ;

 « et quenfin le projet de loi de finances de lannée soit accompagné dune annexe explicative concernant la liste et lévaluation de ces impositions » ([431]).

B.   L’accroissement dynamique de la fiscalité affectée

1.   Le « développement intense » de la fiscalité affectée

En 2013, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a dressé le constat d’un « développement intense » de la fiscalité affectée ([432]). Il relevait que celle-ci avait crû de 25 % entre 2007 et 2012, soit une croissance plus dynamique que l’évolution des crédits budgétaires alloués à l’ensemble des opérateurs sur la même période (+ 13 %). Par ailleurs, il soulignait que les dépenses des opérateurs financés par affectation de ressources fiscales avaient également crû plus rapidement (+ 4,5 %) entre 2007 et 2012 que les dépenses budgétaires de l’État (+ 1,2 %) ([433]).

Cette dynamique illustrait la volonté de contourner les différentes normes d’évolution de la dépense applicables aux crédits budgétaires (normes « zéro volume » et « zéro valeur » par exemple) non applicables à la fiscalité affectée.

Toutefois, un nouveau rapport du CPO souligne que les recettes des taxes affectées n’ont que faiblement augmenté entre 2011 et 2017 ([434]). Elles n’ont progressé que de 4,1 % sur cette période, au lieu de 27,6 % entre 2007 et 2011 et de 13,8 % pour l’ensemble des prélèvements obligatoires sur la période 2011-2017. Cela résulte de la mise en œuvre de mesures d’encadrement exposées infra.

2.   Le niveau élevé de la fiscalité affectée

Ainsi, le produit des impositions affectées à des personnes morales autres que l’État représente 276 milliards d’euros en 2019, dont la majorité bénéficie aux régimes de la sécurité sociale (197 milliards d’euros) et au secteur local (53 milliards d’euros).

montant des taxes affectées aux secteurs sociaux et locaux

(en millions deuros)

Description

Exécution 2013

Exécution 2014

Exécution 2015

Exécution 2016

Exécution 2017

Prévision 2018

Prévision 2019

Secteur social

152 945

156 794

171 362

173 767

178 515

200 779

197 218

Secteur local

54 504

55 649

56 144

50 749

52 261

52 582

52 656

Communes

5 101

6 565

5 866

6 513

6 981

7 070

7 145

Groupements de collectivités à fiscalité propre

6 041

6 079

6 285

5 932

4 793

4 863

4 991

Départements

21 350

21 673

22 662

24 810

26 639

26 564

26 575

Régions

6 412

7 132

7 602

7 522

8 063

8 331

8 354

Collectivités territoriales de Corse

101

104

104

109

109

113

116

Collectivités territoriales de l’outre-mer

1 797

1 928

1 949

1 524

1 550

1 593

1643

Organismes consulaires

1 910

1 810

1 591

1 460

1 460

1 310

1 210

Environnement

2 152

2 175

2088

2 207

2 187

2 255

2 133

Apprentissage

763

782

Urbanisme

305

Équipement

1 341

Établissement public local

523

489

479

483

489

Logement et construction

204

Transports

7 027

7 401

7 474

183

Total

207 449

212 443

227 506

224 516

230 776

253 361

249 874

Source : Gouvernement.

Les ressources affectées ne relevant ni de la sécurité sociale ni des collectivités territoriales représentent 26 milliards d’euros en 2019, soit moins de 10 % du montant total des taxes affectées, dont 12 milliards d’euros aux organismes d’administration centrale.

montant des taxes affectées, en dehors des secteurs sociaux et locaux

(en millions deuros)

Organismes dadministration centrale

15 616

18 089

12 910

13 082

14 798

13 332

12 321

Opérateurs de l’État

5 251

5 144

6 609

4 893

5 581

5 402

4 910

Autres

10 365

12 945

6 301

8 189

9 217

7 930

7 411

Divers

19 671

20 016

21 757

11 861

13 395

13 758

14 093

Secteur de l’emploi et de la formation professionnelle

10 592

10 236

10 862

7 493

9 495

9 671

9 996

Secteur de l’industrie, de la recherche, du commerce et de l’artisanat

574

6 248

578

554

205

210

199

Secteur de l’équipement, du logement, des transports et de l’urbanisme

3 083

3 270

3 267

3 285

3 357

3 468

3 576

Secteur agricole

17

20

5

Secteur de l’environnement

5 354

197

6 866

209

3

140

140

Logement et construction

133

133

116

116

116

Divers

51

45

46

187

219

153

66

Total

35 287

38 105

34 667

24 943

28 193

27 090

26 414

Source : Gouvernement.

En dépit de son niveau élevé, la fiscalité affectée fait désormais l’objet d’un encadrement, qui s’est renforcé au cours des années récentes.

C.   L’encadrement progressif de la fiscalité affectée

1.   Le plafonnement de taxes affectées à compter de 2012

Compte tenu de la dynamique de la fiscalité affectée, il est apparu nécessaire d’encadrer son évolution à double titre :

– pour faire participer les bénéficiaires de ces ressources à l’effort de maîtrise de la dépense publique ;

– et prévoir un niveau de leur financement cohérent avec leurs missions de service public.

Ainsi, l’article 46 de la loi de finances pour 2012 a introduit un plafonnement de certaines taxes affectées à des opérateurs de l’État ou à des organismes chargés d’une mission de service public ([435]). Ce dispositif d’encadrement budgétaire vise à :

− renforcer le suivi et le contrôle par le Parlement des ressources fiscales affectées aux opérateurs, conformément aux principes budgétaires d’annualité (autorisation annuelle du Parlement) et d’universalité (interdiction d’affecter une ressource à un tiers), qui sont les garants du contrôle parlementaire sur l’emploi des ressources de l’État ;

− ajuster les ressources des opérateurs aux besoins qui leur sont nécessaires pour assurer leurs missions de service public ;

− maîtriser le niveau de la dépense de certains opérateurs de l’État par la régulation de leurs ressources affectées de manière à les inciter à dépenser moins et assurer leur contribution à l’effort de redressement des comptes publics.

Le fonctionnement de ce plafonnement permanent repose sur les dispositions suivantes :

− les affectations de ressources sont autorisées dans la limite d’un plafond soumis annuellement au Parlement. Au-delà de ce plafond, les ressources sont écrêtées au profit du budget général de l’État ;

− les plafonds sont mentionnés par ressource affectée, avec mention de la personne affectataire, et le niveau du plafond en milliers d’euros, dans un tableau unique, prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

2.   L’élargissement progressif du périmètre du plafonnement

En 2012, le législateur a prévu trois types d’exemptions au plafonnement des taxes affectées :

− fondées sur la nature du destinataire de la taxe. Par principe, ont ainsi été exclues du plafonnement toutes les taxes affectées aux administrations de sécurité sociale, aux collectivités territoriales et à leurs établissements et les organismes paritaires ou assimilés ;

− fondées sur la nature de la taxe. Ont été exclues les affectations correspondant à des redevances pour service rendu ou appliquant une logique de péréquation au sein d’un secteur économique ;

− et des organismes pour lesquels la taxe affectée s’accompagne déjà d’un mécanisme indirect de plafonnement, via une subvention d’équilibre portée par le budget général.

Néanmoins, le périmètre du plafonnement des taxes affectées s’est sensiblement élargi depuis sa mise en place en 2012. Le mécanisme du plafonnement recouvrait quarante-cinq taxes ou recettes affectées en 2012, pour un produit global des taxes soumises au plafonnement de 3 milliards d’euros. En 2019, le plafonnement devrait recouvrir 86 taxes ou recettes affectées, représentant un produit global de 9,3 milliards d’euros.

évolution du nombre et du montant des taxes affectées plafonnées

Années

Nombre de taxes plafonnées*

Produit global des taxes plafonnées**

(en millions deuros)

Montant de lécrêtement au profit du budget général de lÉtat

(en millions deuros)

2012

46

3 013

136,2

2013

57

5 206

218

2014

59

5 573

296

2015

80

7 914

391

2016

85

9 228

452

2017

89

9 972

621

2018

91

9 080

933

2019

86

9 311

1 001

* Par convention, le nombre de taxes plafonnées est égal au nombre de lignes figurant à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

** Par convention, le produit global des taxes plafonnées est égal à la somme des plafonds prévus à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

Source : Gouvernement.

Toutefois, la portée du plafonnement reste limitée en termes de périmètre. Le produit des taxes affectées plafonnées s’élève à 9,3 milliards d’euros sur 26,4 milliards d’euros de taxes affectées hors secteurs social et local. En 2019, le nombre de taxes affectées non plafonnées s’élèvera encore à 76, hors collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale et organismes de sécurité sociale.

3.   Un renforcement de l’encadrement des taxes affectées plafonnées en loi de programmation des finances publiques

a.   L’intégration des taxes affectées plafonnées dans les normes de dépenses de l’État

Le développement des taxes affectées résulte en grande partie d’une démarche de contournement des normes budgétaires, mises en place à partir de 2004. Celles-ci visaient à maîtriser l’évolution de la dépense et ont ainsi introduit une différence de traitement entre les opérateurs financés par subventions de charges de service public, c’est-à-dire par crédits budgétaires (sous norme) et ceux financés par taxes affectées (hors norme).

Selon le Conseil des prélèvements obligatoires ([436]), ce cadre budgétaire nouveau a introduit un « biais important puisque lÉtat était incité à financer par taxes affectées des dépenses nouvelles, sans effet visible sur la norme de dépenses ».

La loi de finances pour 2008 a amoindri cette différence de contrainte en incluant les nouvelles affectations de taxes sous la norme de dépenses dite « zéro valeur » ([437]), visant à une stabilisation en valeur de la dépense. Depuis 2012, l’ensemble des taxes affectées plafonnées sont incluses dans le périmètre de la norme de dépenses « zéro valeur », que celles-ci soient nouvelles ou existantes ([438]). Cela a eu pour effet de supprimer toute différence de traitement entre un financement par crédits budgétaires et un financement par ressources affectées plafonnées du point de vue des normes de dépenses.

Cette intégration des taxes affectées plafonnées dans le champ des normes de dépenses de l’État a été confirmée par la LPFP de 2014 ([439]). L’article 9 de LPFP pour les années 2018 à 2022 a adopté une conception identique, incluant les taxes affectées plafonnées au sein des normes de dépenses ([440]).

b.   Les conditions de recours aux taxes affectées et le principe de leur plafonnement sont désormais posés

La LPFP de 2014 ([441]) a soumis le recours à la fiscalité affectée au respect de lun des trois critères, qui ont été repris par la LPFP de 2018 ([442]) :

– la ressource « résulte dun service rendu par laffectataire à un usager et son montant doit pouvoir sapprécier sur des bases objectives » (« quasi-redevance ») ;

– elle « finance, au sein dun secteur dactivité ou dune profession, des actions dintérêt commun » (« prélèvement sectoriel ») ;

– elle « finance des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières » (« contribution assurantielle »).

Par ailleurs, la LPFP de 2014 a posé le principe général de plafonnement des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale, à compter du 1er janvier 2016. Ce principe général de plafonnement a été repris à l’article 18 de LPFP pour les années 2018 à 2022. Les affectations de fiscalité dérogeant à ce principe doivent être justifiées au sein du tome I de l’annexe au PLF Évaluations des voies et moyens.

Ces deux principes d’encadrement des taxes affectées apparaissent désormais comme fondamentaux.

c.   La loi de programmation des finances publiques de 2018 a abandonné des mesures d’encadrement qui n’étaient pas appliquées, et a instauré une nouvelle règle

Les lois de programmation des finances publiques de 2012 et de 2014 avaient également fixé des trajectoires de réduction annuelle du produit des affectations de taxes sous plafond ([443]). Toutefois, cette trajectoire n’a pas toujours été respectée en loi de finances.

différence entre lobjectif et la réduction annuelle

des plafonds des taxes affectées

(en millions deuros courants)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

Objectif de réduction annuelle

– 191

– 265

– 283

– 135

– 86

Réduction effective annuelle

– 190

–211

– 280

+ 70

+ 393

Source : Gouvernement.

Ainsi, la LPFP pour les années 2018 à 2022 n’a pas prévu d’objectif de réduction annuelle de la somme des plafonds des taxes affectées. Cela a traduit la volonté du Gouvernement de piloter les plafonds plus en fonction de leur adéquation avec les missions de service public dévolues aux organismes bénéficiaires qu’en termes de recettes supplémentaires à reverser au budget général de l’État.

En outre, la LPFP de 2014 avait prévu deux autres mesures d’encadrement des taxes affectées :

– une règle d’affectation ou de réaffectation au budget général de l’État des taxes affectées qui n’auraient pas fait l’objet d’un plafonnement à compter du 1er janvier 2017 ;

– et une règle de substitution, prévoyant que toute nouvelle affectation doit s’accompagner, dans le champ ministériel concerné, de la suppression d’une ou de plusieurs impositions affectées d’un rendement équivalent.

Compte tenu de la non-application de ces deux règles, la LPFP de 2018 les a abandonnées.

Toutefois, elle a instauré un nouveau principe selon lequel le plafond arrêté en loi de finances initiale ne saurait être supérieur de plus de 5 % au rendement attendu de la taxe. Il s’agit de permettre au Parlement d’appréhender, à travers le niveau du plafond, les ressources affectées dont bénéficie l’opérateur. Il s’agit également de lier étroitement les niveaux de plafonds et de ressources affectées, afin de garantir que les diminutions de plafonds correspondent à une baisse effective de dépenses.

Au total, le CPO relève que les mesures d’encadrement ont eu un effet positif sur la dynamique des dépenses. Ainsi, les dépenses des opérateurs de l’État affectataires de taxes sont devenues moins dynamiques que celles des opérateurs non affectataires entre 2012 et 2017. Les dépenses de personnel des affectataires ont par exemple augmenté de 1,6 % au lieu de 6,2 % pour les non-affectataires. Les dépenses d’intervention des affectataires ont diminué de 27,4 % contre une baisse de 5,9 % pour les non affectataires. Les dépenses d’investissement des affectataires ont diminué de 45,8 % entre 2014 et 2017, contre une augmentation de 185,8 % pour les non affectataires. En revanche, les dépenses de fonctionnement des affectataires ont progressé de 23,5 %, tandis que celles des non affectataires n’ont augmenté que de 19,1 % ([444]).

En outre, le CPO souligne que les charges et les produits des opérateurs affectataires de taxes avec un plafond dit mordant (générant un reversement du produit de la taxe au budget général de l’État) ont diminué sur la période 2012-2017 (– 23,3 % et – 26,3 %), tandis qu’ils ont progressé pour les opérateurs dont le plafond n’était pas mordant (+ 21,0 % et + 1,5 %) ([445]).

II.   le droit proposÉ

A.   l’intÉgration de cinq taxes dans le champ du plafonnement

Le présent article vise à intégrer cinq taxes au plafonnement prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012, à compter du 1er janvier 2019.

Nouveaux plafonnements de taxes affectÉes

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2019 proposé

Article 1001 du CGI

Action Logement Services (ALS)

140 000

Article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

420 000

Article L. 3512-19 du code de la santé publique

ANSES

2 000

Article L. 3513-12 du code de la santé publique

ANSES

8 000

Article L. 841-5 du code de l’éducation

Contribution à la vie étudiante (CVEC)

95 000

Source : présent PLF.

1.   Le plafonnement de la taxe affectée à Action Logement Services

L’article 6 du projet de loi PACTE, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, prévoit le relèvement du seuil de la participation de l’employeur à l’effort de construction de vingt à cinquante salariés. Les employeurs concernés sont assujettis à une taxe de 0,45 % de leur masse salariale.

L’étude d’impact du projet de loi estime que le relèvement du seuil diminuera les ressources d’Action Logement Services à hauteur de 280 millions d’euros en 2019 et de 290 millions d’euros en 2020.

Le du II de l’article 52 du présent PLF prévoit de compenser cette perte de recettes via l’affectation d’une fraction du produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, prévue à l’article 1001 du CGI. Il prévoit un plafond à l’affectation de ladite taxe à Action Logement Services.

Le présent article fixe le niveau du plafond d’affectation de ladite taxe à hauteur de 140 millions d’euros.

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, la différence de montant entre la perte de recettes indiquée dans l’étude d’impact du projet de loi PACTE et le niveau d’affectation du présent article découle « dune erreur de plume imputable au fait quil était initialement prévu une entrée en vigueur plus précoce de la loi » PACTE. En séance, le Gouvernement devra préciser cet élément afin de garantir le niveau de ressources de financement d’Action Logement Services.

2.   Le plafonnement des ressources affectées à l’Agence nationale de l’habitat

L’article 43 de la loi de finances pour 2013 a affecté à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) le produit de la vente d’actifs carbone et le produit de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre, dans la limite de 550 millions d’euros par an ([446]).

Or, le Gouvernement précise que ces recettes nont jamais atteint un tel niveau.

Pour 2018, le budget d’intervention de l’ANAH est de 799,2 millions d’euros. Les ressources de financement de l’opérateur s’élèvent à 579,6 millions d’euros et sont issues :

– de la vente aux enchères des quotas carbone, représentant 336,7 millions d’euros ;

– d’une subvention du budget général en provenance du ministère de la Cohésion des territoires, à hauteur de 110 millions d’euros ;

– de la contribution des fournisseurs d’énergie au programme « Habiter mieux » en contrepartie de la délivrance de certificats d’économies d’énergie (CEE), représentant 58,1 millions d’euros ;

– des reversements de subventions et autres produits divers à hauteur de 33,7 millions d’euros, dont le solde de crédits non engagés du fonds d’aide à la rénovation thermique (FART), pour un montant estimé de 30 millions d’euros ;

– de la taxe sur les logements vacants, pour 21 millions d’euros (dont le présent article relève le plafond d’affectation à 61 millions d’euros pour l’exercice 2019) ;

– et de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, pour 20 millions d’euros.

Le présent article a pour objet d’intégrer cette affectation de ressources à l’ANAH au sein du champ du plafonnement. Ainsi, le VI du présent article substitue au plafond de 550 millions d’euros prévu à l’article 43 de la loi de finances pour 2013 une référence au plafond prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Par ailleurs, le I du présent article fixe le nouveau plafond d’affectation à 420 millions d’euros. Le tome I de l’annexe au PLF Évaluations des voies et moyens indique que le rendement prévisionnel des recettes issues de la mise aux enchères des « quotas carbone » s’élèvera à 525,6 millions d’euros en 2019, soit un reversement de 105,6 millions d’euros au budget général de l’État ([447]). Selon les éléments transmis au Rapporteur général, cette recette est très volatile en raison des évolutions du cours du quota, ce qui soumet la prévision à d’importants aléas.

3.   Le plafonnement des taxes affectées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

Transposant la directive européenne du 3 avril 2014 ([448]), l’ordonnance du 22 décembre 2016 ([449]) a instauré le versement à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) :

– d’un droit pour la réception, le stockage, le traitement, l’analyse et la publication des informations acquitté par le fabricant ou l’importateur de produits de tabac (taxe sur les produits de tabac) ;

– et d’un droit pour la réception, le stockage, le traitement, l’analyse des informations acquitté par le fabricant et l’importateur de produits de vapotage contenant de la nicotine (taxe sur les produits de vapotage).

Ces droits visent à couvrir les frais engagés par l’ANSES dans le cadre de sa mission de gestion et de contrôle des déclarations de la composition des produits mis sur le marché par les fabricants et les importateurs de produits de tabac ou de produits de vapotage.

Le présent article intègre l’affectation de ces deux taxes dans le champ du plafonnement, en instaurant un plafond de 2 millions d’euros pour la première, et un plafond de 8 millions d’euros pour la seconde. Le tome I de l’annexe au PLF Évaluations des voies et moyens indique que le rendement prévisionnel de la première s’élèverait à 1,4 million d’euros et celui de la seconde à 7,4 millions d’euros. Par conséquent, les plafonds des deux taxes ne devraient donner lieu à aucun reversement au budget général de l’État en 2019.

Par ailleurs, le Rapporteur général souligne que le principe du plafonnement de l’affectation de ces deux taxes n’est pas introduit aux articles L. 3512-19 et L. 3513-12 du code de la santé publique.

4.   La taxe affectée à la Contribution à la vie étudiante

La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a instauré une contribution dite à la vie étudiante, destinée à favoriser l’accueil et l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants et à conforter les actions de prévention et d’éducation à la santé qui leur sont destinées ([450]). Cette contribution se substitue à la cotisation de sécurité sociale étudiante, au droit de médecine préventive, à la fraction des droits d’inscription allouée au fonds de solidarité pour le développement des initiatives étudiantes, ainsi qu’aux cotisations facultatives instaurées par les établissements afin de bénéficier des activités sportives et culturelles.

Aux termes de l’article L. 841-5 du code de l’éducation, « la contribution est due chaque année par les étudiants lors de leur inscription à une formation initiale dans un établissement denseignement supérieur ». Le montant annuel de la contribution a été fixé à 90 euros, avec une indexation chaque année sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, constaté l’année précédente. La contribution est acquittée auprès du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Le produit de la contribution, évalué à 95 millions d’euros, est affecté auxdits établissements d’enseignement supérieur et aux CROUS.

Le présent article prévoit d’intégrer cette nouvelle contribution acquittée pour la première fois à l’occasion de la rentrée universitaire 2018 au sein du champ du plafonnement des taxes affectées. Toutefois, la rédaction du présent article interroge quant à la dénomination de la personne affectataire, qui est désignée comme « contribution à la vie étudiante ». Or, ce sont les établissements d’enseignement supérieur et les CROUS qui sont affectataires de cette contribution. Il pourrait être utile de faire référence aux « organismes mentionnés au I de larticle L. 841-5 du code de léducation », afin d’être plus précis dans la colonne de la personne affectataire à l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Un amendement a été adopté en commission des finances, afin d’apporter cette précision rédactionnelle.

Toutefois, le Rapporteur général souligne que le principe du plafonnement de l’affectation n’est pas introduit à l’article L. 841-5 du code de l’éducation.

5.   Un ajustement technique concernant le changement de dénomination de l’affectataire

Enfin, le présent article procède à une actualisation de dénomination d’un organisme affectataire, en substituant à l’appellation « Institut national de prévention et d’éducation pour la santé » les termes « Agence nationale de santé publique ». Cette nouvelle agence s’est en effet substituée à des organismes publics existants, dont l’INPES, devenant ainsi nouveau bénéficiaire de leurs ressources affectées.

Lors de la création de nouvelle agence, l’ordonnance du 14 avril 2016 avait procédé au changement de dénomination à l’article L. 137-24 du code de la sécurité sociale ([451]), concernant l’affectation des prélèvements sur les jeux, concours et paris. Cependant, le changement de dénomination de l’affectataire n’avait pas été réalisé à l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Le présent article répare cette omission.

B.   une baisse nette globale de 16 millions d’euros du plafonnement des taxes affectées

1.   Les diminutions significatives de plafond

En neutralisation les mesures de périmètre, les baisses de plafonds sélèvent à 289 millions deuros au titre de lannée 2019.

baisses de plafond de taxes affectées

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2018

Plafond proposé 2019

Baisse

III bis du présent article

Agences de l’eau

2 280 000

2 105 000

– 175 000

Article 235 ter ZD du CGI

Agence française de développement (AFD)

270 000

Rebudgétisation

b du III de l’article 158 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011

Agence nationale des fréquences

2 850

Suppression

a du III de l’article 158 de la loi de finances pour 2011

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

2 000

Suppression

Article 1609 C du CGI

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Guadeloupe

1 515

1 415

– 100

Article 1609 D du CGI

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Martinique

1 515

1 415

– 100

Article 1609 sextricies du CGI

ARAFER

1 100

0

– 1 100

F de l’article 71 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003

Centre d’étude et de recherche de l’industrie du béton (CERIB) ; Centre technique de matériaux naturels de construction (CTMNC)

14 000

12 120

– 1 880

Premier alinéa de l’article 1609 novovicies du CGI

CNDS

73 844

71 844

– 2 000

a de l’article 1609 undecies du CGI

Centre national du livre (CNL)

5 300

Suppression

b de l’article 1609 undecies du CGI

CNL

29 400

Suppression

II de l’article 1600 du CGI

Chambres de commerce et d’industrie

549 000

449 000

– 100 000

D de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003

Comité de développement et de promotion de l’habillement (DEFI)

10 000

9 381

– 619

A de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003

Comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (CODIFAB) ; Institut technologique filière cellulose, bois, ameublement (FCBA) ; Centre technique des industries mécaniques (CETIM)

13 300

12 477

– 823

I de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003

Centre technique industriel de la plasturgie et des composites

6 500

6 098

– 402

E de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003

Centres techniques industriels de la mécanique (CETIM, Centre technique des industries mécaniques et du décolletage, Centre technique industriel de la construction métallique, Centre technique des industries aérauliques et thermiques, Institut de soudure)

70 050

65 713

– 4 337

bis de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003

Centre technique de l’industrie des papiers, cartons et celluloses

3 100

2 607

– 493

B de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003

Comité professionnel de développement cuir, chaussure, maroquinerie (CTC)

13 250

12 430

– 820

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Lorraine

25 275

24 000

Redéploiements entre EPF

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Normandie

14 970

14 250

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes

30 769

30 430

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d’Azur

56 500

55 880

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier d’Île-de-France

192 747

190 634

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier d’Occitanie

33 000

32 640

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Bretagne

21 648

21 400

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Vendée

9 890

9 400

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais

74 725

70 990

Article 75 de la loi de finances rectificative pour 2003

FranceAgriMer

3 977

Suppression

Article 1619 du CGI

FranceAgriMer

17 500

Article 1606 du CGI

FranceAgriMer

650

C de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003

Comité professionnel de développement de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie et des arts de la table (Francéclat)

13 500

12 477

– 1 023

Article 302 bis KH du CGI

France Télévisions

86 400

Rebudgétisation

G de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003

Institut des corps gras

709

666

– 43

Article L. 4316-3 du code des transports

Voies navigables de France (VNF)

127 800

127 500

– 300

Total

32

4 043 534

3 227 337

 289 040

Source : présent PLF.

a.   Les chambres de commerce et d’industrie (une baisse de 100 millions d’euros en 2019 et en 2020)

Le présent article vise à abaisser le plafond d’affectation de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE) aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) de 549 millions d’euros en 2018 à 449 millions d’euros, soit une baisse de 100 millions d’euros, représentant 36 %.

Les CCI sont affectataires de deux taxes, sous plafond :

– la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE), visée au 2 du III de l’article 1600 du CGI ;

– et la TA-CFE, visée au II de l’article 1600 du CGI.

En 2017, les deux taxes affectées représentent 31 % des produits des CCI, soit 890 millions d’euros ([452]) sur 2,8 milliards d’euros ([453]).

Entre 2013 et 2018, les ressources fiscales affectées aux CCI ont diminué de 592 millions d’euros, soit une baisse de 76 %.

Évolution des plafonds de taxes affectées aux CCI

(en milliers d’euros)

Ressource affectée

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises

549 000

549 000

549 000

549 000

549 000

549 000

Taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

819 000

719 000

506 117

376 117

376 117

226 117

Total

1 368 000

1 268 000

1 055 117

925 117

925 117

775 117

Source : article 46 de la loi de finances pour 2012.

L’évolution des ressources affectées aux CCI doit être nuancée, dans la mesure où celles-ci avaient progressé de 18 % entre 2002 et 2007, puis de 20 % entre 2007 et 2012. En 2002, les ressources s’établissaient à 977 millions d’euros, soit quasiment le même niveau qu’en 2017.

Toutefois, le législateur avait également procédé pendant cette période à des prélèvements sur les ressources des CCI, à hauteur de 670 millions d’euros au titre des lois de finances pour 2014 et 2015.

prélèvements sur les ressources des CCI

Fondement législatif

Montant du prélèvement

Entité bénéficiant du prélèvement

LFI 2014

170 millions d’euros

Budget général

LFI 2015

500 millions d’euros

Budget général

Source : lois de finances initiales pour 2014 et pour 2015.

Pour l’année 2014, le prélèvement prévu a été opéré sur les ressources de la TA-CFE affectée au fonds de financement des CCI de région. Ce prélèvement n’a été appliqué qu’aux chambres régionales comprenant plus d’une chambre de commerce et d’industrie territoriale dans leur circonscription.

Pour l’année 2015, le prélèvement a été opéré sur les mêmes ressources. Toutefois, un prélèvement d’un même montant a été réalisé à titre de compensation, au profit du fonds de financement des CCI de région sur le fonds de roulement des CCI disposant plus de 120 jours de fonds de roulement.

La loi de finances pour 2018 a abaissé de 150 millions deuros laffectation de TA-CVAE aux CCI. Cependant, lors de la présentation et de la discussion du PLF pour 2018, les membres du Gouvernement avaient clairement indiqué que la baisse d’affectation de taxes pour les CCI aurait pour contrepartie une stabilité de l’affectation au cours des autres exercices du quinquennat. En première lecture à l’Assemblée nationale, le ministre de l’action et des comptes publics avait indiqué : « On leur propose, une seule fois pour tout le quinquennat  cest écrit dans le projet de loi de finances et je le redis ici  de fournir une partie de la contribution à leffort public » ([454]). Dans les évaluations préalables des articles du PLF pour 2018, il était précisé que « la diminution du plafond de la taxe additionnelle à la CVAE affectée aux chambres de commerce et dindustrie vise à conclure la trajectoire deffort entamée en 2015 » ([455]).

Or, le 28 mai dernier lors du comité exécutif du Conseil national de l’industrie, le Gouvernement a annoncé une nouvelle diminution des ressources fiscales affectées aux CCI à hauteur de 100 millions deuros en 2019. Le 21 juin, le journal Le Figaro a annoncé que le Gouvernement envisageait de diminuer les ressources fiscales affectées aux CCI à hauteur de 100 millions d’euros par an pendant la durée du quinquennat, soit 400 millions deuros entre 2019 et 2022. Lors de l’assemblée générale extraordinaire de CCI France et des questions au Gouvernement le 10 juillet 2018, le ministre de l’économie et des finances a confirmé la baisse de 400 millions d’euros de ressources affectées aux CCI, soit 100 millions d’euros par an à compter de 2019 ([456]).

Cette décision intervient après la publication d’un rapport procédant à une revue des missions et des scénarios d’évolutions des CCI et des chambres de métiers et de l’artisanat a également été menée par l’IGF, le conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies et le contrôle général économique et financier ([457]). Celui-ci a proposé a minima un recentrage des missions financées par les taxes pour frais de chambre (TFC) sur l’appui aux entreprises et la représentation. Il a également recommandé des mesures de rationalisation sur les deux réseaux et une réforme de leur organisation et de leur gouvernance.

En conséquence, le présent article prévoit une nouvelle baisse d’affectation de ressources aux CCI. Le présent article modifie le tableau de l’article 46 de la loi de finances pour 2012, en abaissant le plafond d’affectation de la TA-CFE de 200 millions d’euros. Toutefois, le V du présent article précise que le plafond d’affectation de la TA-CFE sera abaissé de seulement 100 millions deuros à 449 millions deuros en 2019. Ainsi, la baisse de 100 millions deuros supplémentaires, avec un plafond à 349 millions deuros applicable en 2020 est déjà inscrite dans le présent article.

Conformément au troisième alinéa du 1 du II de l’article 1600 du CGI, « les chambres de commerce et dindustrie de région et la chambre de commerce et dindustrie de Mayotte votent chaque année le taux de la TA-CFE applicable dans leur circonscription ». Ce taux ne pouvant être supérieur au taux de l’année précédente.

Selon l’évaluation préalable du présent article, la baisse de plafond de 400 millions d’euros prévue de 2019 à 2022 vise à assurer :

– « la réduction simultanée des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises » ;

– « la mise en œuvre de la réforme des CCI qui implique notamment un réexamen des missions des CCI, le renforcement de la tête de réseau et ladaptation de leur organisation territoriale ».

Compte tenu des modalités de fixation du taux de la TA-CFE, le Gouvernement anticipe que les CCI régionales et celle de Mayotte abaisseront le taux de ladite taxe en cohérence avec la diminution du plafond d’affectation. Ainsi, la baisse du plafond d’affectation se traduirait en une baisse de la fiscalité des entreprises.

Parallèlement à la volonté du Gouvernement, un travail parlementaire d’examen des missions et du financement des CCI a été engagé par nos collègues Stella Dupont et Valérie Oppelt, qui ont publié en juillet dernier un rapport d’information sur les CCI ([458]). Celui-ci a procédé à une revue des missions des CCI, a encouragé à la poursuite de la rationalisation du réseau et à moderniser leur financement. Il a notamment relevé que les principales ressources des CCI proviennent de leurs activités marchandes (38 % en 2017), de la taxe pour frais de chambre (31 %) et de la taxe d’apprentissage à laquelle s’ajoutent diverses subventions reçues (16 %). Il a considéré qu’« à court terme, une nouvelle baisse de TFC paraît contre-productive » et qu’une « baisse de 400 millions deuros sur quatre ans paraît également ambitieuse » ([459]).

La discussion du projet de loi PACTE est l’occasion d’une réforme des CCI ([460]). Les missions des CCI seraient redéfinies, notamment celles qui ont vocation à être financées par la taxe pour frais de chambre, par le biais d’un contrat d’objectifs et de performance, qui serait négocié et signé entre l’État et CCI France, d’ici la fin de l’année. Celui-ci serait décliné dans des conventions d’objectifs et de moyens, signées au début de l’année 2019 entre l’État, CCI France et chaque CCI de région. Cette contractualisation permettrait de définir précisément quelles missions sont financées par la taxe pour frais de chambre. Parallèlement, le réseau serait réorganisé avec le renforcement du rôle de CCI France comme pilote, interlocuteur privilégié de l’État et garant des résultats et des performances du réseau. Cette réforme serait mise progressivement en place en 2019 et en 2020. À terme, l’ensemble de la taxe pour frais de chambre serait affectée à CCI France qui serait chargée, avec les CCI de région, d’en répartir le produit en fonction des termes de la contractualisation et de veiller à la performance du réseau.

Compte tenu de lensemble de ces éléments, le Rapporteur général souhaite préserver la capacité dintervention des CCI situées en zones rurales, dont la situation financière est la plus fragile. Ainsi, il préconise la détermination d’un socle de financement pour ces CCI.

b.   FranceAgriMer : la substitution de crédits budgétaires à la baisse de ressources fiscales affectées à hauteur de 22 millions d’euros

Le présent article tire les conséquences de la suppression de plusieurs taxes à faible rendement affectées à FranceAgriMer à l’article 9 du présent PLF :

– la taxe sur les produits de la pêche maritime, prévue à l’article 75 de la loi de finances rectificative pour 2003, abrogée au soixantième alinéa dudit article ;

– la taxe sur les bois et plants de vigne, prévue à l’article 1606 du CGI, abrogée au dixième alinéa dudit article ;

– et la taxe due par les exploitants agricoles producteurs de céréales, prévue à l’article 1619 du CGI, abrogée au quatorzième alinéa dudit article.

Rendement de trois taxes affectées à franceagrimer

(en millions d’euros)

Taxes affectées à FranceAgriMer

2018

Taxe sur les produits de la pêche maritime

5,7

Taxe sur les bois et plants de vigne

0,65

Taxe due par les exploitants agricoles producteurs de céréales

17,5

Source : annexe au PLF pour 2018, Évaluations des voies et moyens, tome I.

Ainsi, le présent article supprime par coordination avec l’article 9 du présent PLF les références à ces taxes et les plafonds d’affectation de ces taxes à FranceAgriMer au sein de l’article 46 de la loi de finances pour 2012. L’annexe budgétaire relative à la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales indique que la subvention pour charges de service public de l’opérateur intègre une enveloppe de 16,6 millions d’euros au titre de la compensation de la suppression de la taxe due par les exploitants agricoles producteurs de céréales pour l’exercice 2019 ([461]). Toutefois, il n’est pas fait mention de la compensation de la suppression des taxes sur les produits de la pêche maritime et sur les bois et plants de vigne.

Par ailleurs, il pourrait être pertinent de s’interroger sur le maintien de deux autres taxes affectées à FranceAgriMer, qui ne rapportent respectivement que 2 millions d’euros :

– les certificats sanitaires et phytosanitaires, prévus à l’article L. 236-2 du code rural et de la pêche maritime ;

– et la participation financière dite « Expadon », du nom de la plateforme dématérialisée dédiée aux téléprocédures et gérée par FranceAgriMer.

c.   Le Centre national du livre (CNL) : la substitution de crédits budgétaires à la baisse de ressources fiscales affectées à hauteur de 34,7 millions d’euros

L’article 9 du présent PLF prévoit également la suppression de deux taxes affectées au Centre national du livre (CNL) :

– la taxe sur l’édition des ouvrages de librairie, prévue au a de l’article 1609 undecies du CGI ;

– et la taxe sur les appareils de reproduction ou d’impression, prévue au b du même article.

Le rendement prévisionnel des deux taxes s’élève respectivement à 3,9 millions d’euros et à 25,4 millions d’euros au titre de l’exercice 2018, pour des plafonds d’affectation fixés à 5,3 millions d’euros et 29,4 millions d’euros.

La perte de recettes fiscales pour le CNL sera compensée à due concurrence par des crédits budgétaires et compte tenu de la redéfinition du périmètre des missions de l’établissement pour 2019. Cela vise à sécuriser le financement du CNL afin de faire face « aux aléas économiques et juridiques que connaissent les taxes qui lui sont aujourdhui affectées, et ce à un niveau lui permettant de couvrir ses dépenses de fonctionnement comme dinvestissement courant » ([462]).

d.   Les ajustements de plafonds des taxes affectées aux centres techniques industriels (CTI) et aux comités professionnels de développement économique (CPDE)

Le présent PLF prévoit la baisse de huit plafonds de taxes affectées à des CTI ou CPDE, pour un montant moyen de 1,16 million d’euros et une diminution globale de 10,4 millions d’euros. Cela vise à faire participer ces centres et comités à l’effort de maîtrise de la dépense publique et à ajuster leurs niveaux de ressources à leurs besoins.

Toutefois, ces baisses peuvent apparaître difficilement compréhensibles pour les professionnels assujettis, qui souhaitent participer au financement d’actions de mutualisation et de promotion de leur secteur d’activité. Par définition, ces ressources de financement n’ont pas pour objet de financer le budget général de l’État.

Ainsi, le CPO préconise une transformation des taxes affectées en contributions volontaires obligatoires (CVO) pour les CTI et les CPDE ([463]). Le Rapporteur général ne peut que souscrire à cette proposition, qui aurait pour avantage dinciter la profession à sorganiser directement sans intervention de lÉtat. Il semble en effet plus pertinent de permettre aux professionnels de définir collectivement leurs besoins et les actions à mener et de déterminer leurs modalités de financement.

2.   Les hausses de plafond significatives

Hors mesures de périmètre, le présent article vise à augmenter les plafonds de huit taxes affectées à sept bénéficiaires, pour un montant de 273 millions deuros.

Hausses de plafond de taxes affectées

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2018

Plafond

2019 proposé

Hausse

Article 302 bis ZB du CGI

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

476 800

528 300

51 500

III de l’article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

Agence de financement des infrastructures de transport de France

1 028 164

1 205 815

177 651

Article 232 du CGI

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

21 000

61 000

40 000

Articles L. 621-5-3 et L. 621-5-4 du code monétaire et financier

Autorité des marchés financiers (AMF)

94 000

96 500

2 500

Article L. 1261-20 du code des transports

Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER)

8 300

8 800

500

H de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003

Centre technique des industries de la fonderie

5 000

5 441

441

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine

25 500

35 000

Redéploiements entre EPF

Article 1609 B du CGI

Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte

400

800

Total

7

1 659 164

1 941 656

272 592

Source : présent PLF.

a.   L’augmentation de plafond significative en faveur de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

L’AFITF bénéficie d’une double augmentation de plafonds d’affectation :

– de la taxe due par les concessionnaires d’autoroutes, dite taxe d’aménagement du territoire (TAT), à hauteur de 51,5 millions d’euros ;

– et de la TICPE, à hauteur de 177,65 millions d’euros.

Le présent article prévoit une augmentation de 229 millions d’euros des taxes affectées à l’AFITF en 2019, pour un total d’affectation de 1,73 milliard d’euros. Cette hausse est d’autant plus significative que la somme des affectations de taxes à l’AFITF avait déjà progressé de 199 millions d’euros entre 2017 et 2018. Entre 2017 et 2019, le niveau des taxes affectées à l’AFITF aura donc crû de 428 millions d’euros, soit une hausse de 33 %.

Le produit de la TAT est affecté :

– au CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs, dans la limite d’un montant fixé en loi de finances, en baisse de 117,2 millions d’euros en 2019 ([464]) ;

– à l’AFITF, dans la limite du plafond prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012, fixé à 528 millions d’euros en 2019.

La hausse de financement de l’AFITF illustre la volonté claire du Gouvernement de répondre aux besoins de dépenses de l’organisme. Le budget initial 2018 de l’AFITF s’élevait à 2,77 milliards d’euros en crédits de paiement, dont le financement du secteur ferroviaire (1,1 milliard d’euros), du secteur routier (942 millions d’euros), ou des transports collectifs en agglomération (273 millions d’euros).

Les ressources de l’AFITF seront utilisées au financement de projets de régénération routière, de mise en sécurité de tunnel, d’aménagements de sécurité, de gestion de trafic et d’aménagements d’aires de service et de repos ([465]).

b.   L’augmentation de plafond en faveur de l’ANAH

Le présent article prévoit d’accroître les ressources de l’ANAH issues de la taxe annuelle sur les logements vacants de 40 millions d’euros, soit une augmentation de 21 à 61 millions d’euros.

Il s’agit de respecter l’objectif de réduction du nombre de logements considérés comme des passoires thermiques, en garantissant le financement de 75 000 rénovations thermiques par an par l’ANAH. En 2019, le rendement prévisionnel de la taxe sur les logements vacants s’élève à 94 millions d’euros. Le relèvement du plafond d’affectation à l’ANAH entraîne une perte de recettes à due concurrence pour le budget général de l’État. Toutefois, le reversement au budget général s’élèvera à 33 millions d’euros au titre de l’année 2019.

c.   L’augmentation de plafond en faveur de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER)

Compte tenu de la croissance de leurs activités, l’AMF et l’ARAFER bénéficient d’une augmentation du niveau de leurs ressources affectées, à hauteur respectivement de 2,5 millions d’euros et de 500 000 euros.

L’AMF est notamment confrontée à un élargissement du champ de ces missions, notamment du fait des innovations financières (fintech, blockchain et crypto-actifs). L’article 26 du projet de loi PACTE confie par exemple à l’AMF une nouvelle compétence de délivrance d’un visa optionnel aux offres au public de jetons (Initial Coin Offering – ICO).

S’agissant de l’ARAFER, l’augmentation de l’affectation de la taxe doit être mis en regard de la suppression prévue par le A du III présent article de la taxe pour frais de contrôle sur les activités de transport public routier de personnes ([466]), dont le produit est affecté à l’ARAFER, dans la limite du plafond fixé à l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Le B du III du présent article procède à une mesure de coordination visant à supprimer la référence à la taxe parmi les ressources financières de l’ARAFER. Selon l’évaluation préalable de l’article, la suppression de cette taxe entraînerait une perte de recettes pour l’ARAFER de 0,2 million d’euros, eu égard au rendement de la taxe inférieur au plafond fixé à 1,1 million d’euros. Ainsi, le présent article prévoit au total une hausse du niveau des taxes affectées à l’ARAFER d’environ 0,3 million d’euros (+ 0,5 million d’euros – 0,2 million d’euros).

d.   L’augmentation de plafond en faveur du Centre technique des industries de la fonderie

Le présent PLF prévoit une augmentation de l’affectation de taxe au Centre technique des industries de la fonderie, à hauteur de 441 000 euros. Il s’agit de poursuivre le mouvement enclenché en 2016 de basculement du financement par crédits budgétaires vers le financement par taxe affectée.

e.   L’augmentation de plafond en faveur de deux établissements publics fonciers

Enfin, le présent article prévoit l’augmentation des ressources affectées en faveur de deux établissements publics fonciers (EPF) :

– celui de Nouvelle-Aquitaine, à hauteur de 9,5 millions d’euros ;

– et celui de Mayotte, à hauteur de 400 000 euros.

Ces hausses résultent des redéploiements de ressources affectées entre les différents EPF, compte tenu de leurs besoins opérationnels et de la montée en puissance de celui installé à Mayotte. Ainsi, les ressources des neuf autres EPF affectataires sont réduites à due concurrence au sein du présent article, soit un montant de 9,9 millions d’euros.

3.   Les plafonds stabilisés

Le présent article maintient à un niveau stable 50 plafonds de taxes affectées par rapport à la loi de finances pour 2018.

stabilité du plafond de 50 taxes affectées

(en milliers deuros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond

III bis du présent article

Agences de l’eau

2 105 000

Article 706-163 du code de procédure pénale

Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)

6 306

1° de l’article L. 342-21 du code de la construction et de l’habitation

Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

6 450

2° de l’article L. 342-21 du code de la construction et de l’habitation

ANCOLS

11 334

V de l’article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

65 000

I de l’article L. 5141-8 du code de la santé publique

ANSES

4 000

II de l’article L. 5141-8 du code de la santé publique

ANSES

4 500

Article 130 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007

ANSES

15 000

III de l’article 134 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2008

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

11 250

Article 1628 ter du CGI

ANTS

7 000

Article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (I de l’article 953 du CGI)

ANTS

126 060

Article 46 de la loi de finances pour 2007 (IV et V de l’article 953 du CGI et article L. 311-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

ANTS

14 490

VI de l’article 135 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009

ANTS

36 200

Article 1605 nonies du CGI

Agence de services
et de paiement (ASP)

12 000

Article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

6 300

Article L. 341-6 du code forestier

ASP

2 000

Article L. 612-20 du code monétaire et financier

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

195 000

Article 1609 septtricies du CGI

ARAFER

2 600

Article 77 de la loi de finances rectificative pour 2003

Association pour le soutien du théâtre privé

8 000

Article 1609 nonies G du CGI

Fonds national d’aide au logement

45 000

Article 224 du code des douanes

Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

38 500

Article 1609 tricies du CGI

Centre national pour le développement du sport (CNDS)

34 600

Article 59 de la loi de finances pour 2000

CNDS

25 000

Article 76 de la loi de finances rectificative pour 2003

Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV)

50 000

Article 1604 du CGI

Chambres d’agriculture

292 000

2 du III de l’article 1600 du CGI

Chambres de commerce et d’industrie

226 117

Article 1601 du CGI et article 3 de la loi n° 48-977 du 16 juin 1948 relative à la taxe pour frais de chambre de métiers applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

Chambres de métiers et de l’artisanat

203 149

Article L. 6331-50 du code du travail

Chambres de métiers et de l’artisanat

39 869

Article 72 de la loi de finances rectificative pour 2003

Centre technique de la conservation des produits agricoles

2 900

Article 1609 B du CGI

Établissement public foncier et d’aménagement de Guyane

3 500

Article L. 2221-6 du code des transports

Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF)

10 200

II de l’article L. 561-3 du code de l’environnement

Fonds de prévention des risques naturels et majeurs

137 000

Article 1635 bis A du CGI

Fonds national de gestion des risques en agriculture

60 000

1° du A du XI de l’article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Fonds national d’aide au logement

116 100

I de l’article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005

Fonds de solidarité pour le développement (FSD)

528 000

VI de l’article 302 bis K du CGI

FSD

210 000

Article L. 236-2 du code rural et de la pêche maritime

FranceAgriMer

2 000

Articles L. 236-2-2 et L. 251-17-2 du code rural et de la pêche maritime

FranceAgriMer

2 000

Article L. 821-5 du code de commerce

Haut Conseil du commissariat aux comptes

19 400

Article L. 642-13 du code rural et de la pêche maritime

Institut national de l’origine et de la qualité (INAO)

7 500

Article L. 137-24 du code de la sécurité sociale

Agence nationale de santé publique

5 000

Article 96 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

62 500

Article L. 423-27 du code de l’environnement

Office national de la chasse et de la faune sauvage

67 620

2° du A du XI de l’article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Société du Grand Paris (SGP)

395 000

Article 1609 G du CGI

SGP

117 000

Article 1599 quater A bis du CGI

SGP

67 000

Article 1609 quatervicies A du CGI

Personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes

55 000

Article L. 2333-57 du code général des collectivités territoriales

Organismes mentionnés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure

1 000

Article 224 du code des douanes

Organismes mentionnés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure

4 000

Article 238 du code des douanes

Organismes mentionnés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure

4 000

Total

50 taxes

2 608 541

Source : présent PLF.

C.   les autres mesures proposÉes

1.   Les modalités d’application du plafond global des ressources des agences de l’eau

Le B du I du présent article modifie les modalités d’application du plafond global des ressources des agences de l’eau.

Pour rappel, le PLF pour 2018 avait prévu d’abaisser le plafond global des ressources des agences de l’eau de 2,3 milliards d’euros à 2,1 milliards d’euros, pour un rendement prévisionnel de 2,28 milliards d’euros. Lors de la discussion en première lecture, l’Assemblée nationale a adopté un amendement déposé par le Gouvernement prévoyant :

– que, par dérogation au plafond fixé au I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 (2,1 milliards d’euros), le plafond d’affectation serait fixé à 2,28 milliards d’euros pour l’exercice 2018 ;

– cependant, qu’un prélèvement de 200 millions d’euros sur les ressources accumulées des agences de l’eau serait opéré en 2018 ([467]).

Le présent article tient compte du nouveau plafond d’affectation fixé à 2,1 milliards d’euros et précise les conditions d’application de celui-ci, dans la mesure où il pourrait trouver à s’appliquer pour la première fois en 2019. Il prévoit une nouvelle rédaction du III bis de l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Il mentionne la référence législative des ressources des agences de l’eau, soit l’article L. 213-10 du code de l’environnement.

L’article 75 du présent PLF pérennise le prélèvement annuel sur le produit de la redevance des agences de l’eau au profit de l’Agence française pour la biodiversité (AFB), à hauteur de 41 millions d’euros. Ce prélèvement annuel devait être effectué entre 2012 et 2018. Le deuxième alinéa de l’article 75 du projet de loi supprime toute borne temporelle à ce prélèvement. Dès lors, le présent article prévoit que le plafonnement des ressources des agences de l’eau s’applique hormis la part de ces ressources destinée à financer l’AFB.

Le 1° du nouveau III bis de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 indique que le montant du plafond applicable à chaque agence de l’eau sera défini par arrêté conjoint des ministres chargés de l’écologie et du budget. Cependant, il fixe un ancrage législatif, représenté par une part du plafond global applicable à chaque agence.

part du plafond global applicable à chaque agence de l’eau

Personne affectataire

Part du plafond global

Agence de l’eau Adour-Garonne

13,59 %

Agence de l’eau Artois-Picardie

6,41 %

Agence de l’eau Loire-Bretagne

16,63 %

Agence de l’eau Rhin-Meuse

7,36 %

Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse

24,56 %

Agence de l’eau Seine-Normandie

31,45 %

Source : présent PLF.

L’arrêté ministériel définira un montant de ressources par agence, qui ne pourra pas être supérieur ou inférieur de 4 % au montant de ressources résultant de l’application de la part du plafond global prévue par le tableau ci-dessus.

Le présent article précise que les recettes perçues par chaque agence excédant leur plafond individuel devront être reversées au budget général de l’État. Enfin, le présent article indique que si la somme des recettes perçues par l’ensemble des agences est inférieure au plafond global, alors le reversement de chaque agence ayant dépassé son plafond individuel est réduit, « au prorata des dépassements réalisés par chaque agence, de lécart entre la somme des recettes perçues après soustraction des montants susmentionnés et le plafond » global. Cette dernière disposition instaure un mécanisme de rappel en cas de dépassement de plafonds individuels par certaines agences et de ressources inférieures aux plafonds individuels pour d’autres agences. Dès lors, le reversement au budget général est réduit pour les agences de l’eau, dont les ressources excèdent le plafond individuel.

Ces éléments s’inscrivent dans le contexte de la conclusion de la première séquence des Assises de l’eau le 29 août dernier, lors de laquelle le Premier ministre s’est exprimé en faveur d’une solidarité territoriale accrue. Il s’est notamment engagé à aider les zones les moins favorisées, en particulier rurales, via près de 2 milliards d’euros d’aides – soit une enveloppe en hausse de plus de 50 % – versées par les agences de l’eau durant la période 2019-2024, pour le renouvellement des réseaux des zones les moins favorisées avec des taux d’aides qui pourront s’élever jusqu’à 70 % ([468]). Le Rapporteur général ne peut que souscrire à cette nouvelle orientation donnée aux agences de leau et à la solidarité territoriale accrue.

2.   La suppression de l’affectation de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques à France Télévisions

Le A du II du présent article vise à supprimer l’affectation d’une fraction de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) à France Télévisions. Le  du B du II tire les conséquences de la suppression de cette affectation de TOCE en supprimant la référence à cette ressource au sein du compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public. Le du B et le C du II suppriment par coordination les dispositions relatives aux frais d’assiette et de recouvrement prélevés par l’État sur ladite fraction de TOCE.

Instituée par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ([469]), la TOCE visait à compenser le coût pour l’État de la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes de France Télévisions. Aux termes de l’article 302 bis KH du CGI, les opérateurs de communications électroniques, fournissant un service en France et ayant fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), sont soumis à cette taxe assise sur le montant des abonnements et autres sommes acquittées par les usagers à ces opérateurs en rémunération des services de communications électroniques qu’ils fournissent ([470]). La taxe est calculée en appliquant un taux de 1,3 % à la fraction de l’assiette excédant 5 millions d’euros.

La loi de finances pour 2016 a instauré l’affectation d’une fraction de la taxe à France Télévisions, à hauteur de 140,5 millions d’euros ([471]). Celle-ci est inscrite en recettes du compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public. Depuis 2017, l’affectation de la fraction de TOCE à France Télévisions est plafonnée à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 et le surplus de recettes est reversé au budget général de l’État.

rendement et affectation de la toce

(en millions deuros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Rendement de la TOCE

181

251

258

180

254

213

201

306

263,7

266,4

272,4

Affectation à France Télévisions

140,5

166,1

86,4

0

Reversement au budget général

181

251

258

180

254

213

201

165,5

97,6

180

272,4

Source : Gouvernement.

La loi de finances pour 2018 a abaissé de façon significative le niveau d’affectation de TOCE à France Télévisions à 86,4 millions, soit 85,5 millions deuros nets des frais dassiette et de recouvrement ([472]). Le présent PLF prévoit de supprimer totalement cette affectation, l’ensemble des recettes de la taxe seront reversées au budget général de l’État.

En revanche, le Gouvernement précise que la perte de recettes de France Télévisions sera limitée par la dynamique positive de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), dont les recettes, par un effet d’assiette, progresseront de 50,5 millions d’euros en 2019. Les crédits alloués aux sociétés audiovisuelles publiques via le compte de concours financiers seront en baisse de 35 millions d’euros en 2019 (+ 50,5 millions d’euros – 85,5 millions d’euros). Après une répartition de l’effort entre les différents bénéficiaires du compte, les ressources de France Télévisions seront en diminution de 24,79 millions deuros en 2019.

3.   La suppression de l’affectation d’une fraction du produit de la taxe sur les transactions financières à l’Agence française de développement

Le IV du présent article supprime laffectation dune fraction du produit de la taxe sur les transactions financières à lAgence française de développement (AFD), qui s’élève sous plafond à 270 millions d’euros. Celle-ci résulte de l’article 43 de la loi de finances pour 2016 ([473]), qui avait procédé à une affectation du quart du produit de la taxe sur les transactions financières à l’AFD, soit environ 270 millions d’euros. L’article 36 de la loi de finances pour 2017 a procédé au plafonnement de l’affectation à hauteur de 270 millions d’euros et intégré le principe de cette affectation de la taxe sur les transactions financières à l’AFD à l’article 235 ter ZD du CGI ([474]).

Le Gouvernement souhaite accroître la lisibilité des circuits de financement de l’aide publique au développement en concentrant l’intégralité de l’affectation de la taxe sur les transactions financières au Fonds de solidarité pour le développement (FSD). Dans son rapport remis au Premier ministre en août dernier ([475]), M. Hervé Berville a fait le constat d’un dispositif de financement « rendu encore moins intelligible par la hausse des dépenses extrabudgétaires » et a souligné que « la complexité de cette architecture budgétaire limite fortement les capacités de contrôle du Parlement » ([476]).

Par conséquent, la fraction du produit de la taxe sur les transactions financières affectée à l’AFD serait réintégrée au sein du budget général de l’État pour financer directement l’aide publique au développement. Ainsi, les crédits de la mission Aide publique au développement sont relevés à ce titre à hauteur de 270 millions d’euros, dont :

– 80 millions d’euros pour le programme 110 Aide économique et financière au développement¤;

– et 190 millions d’euros pour le programme 209 Solidarité à légard des pays en développement.

Le changement d’architecture financière de l’aide publique au développement a déjà été tenté lors des deux derniers projets de loi de finances pour 2017 et pour 2018. Ces deux textes prévoyaient un transfert de la fraction du produit de la taxe sur les transactions financières de l’AFD vers le FSD. Par deux fois, l’Assemblée nationale a rejeté cette modification du schéma de financement de l’aide publique au développement, en souhaitant conserver un financement via l’AFD. Si le présent article ne vise plus à transférer cette fraction du produit de la taxe sur les transactions financières au FSD, il poursuit la logique d’une suppression de l’affectation à l’AFD.

*

*     *

La commission examine lamendement I-CF1459 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’un amendement d’appel à l’adresse du Gouvernement pour tenter d’éclaircir le sujet des taxes affectées. Il existe un rapport récent du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur le sujet. Ces taxes contreviennent au principe d’universalité budgétaire. Ce n’est pas tellement ce qui me choque – pourquoi ne pas affecter certaines taxes si c’est utile et dès lors que l’on revient dessus quand l’affectation n’a plus d’intérêt ? –, mais c’est aussi une affaire de plafonnement. Aujourd’hui, une bonne partie de ce qui est collecté dans le cadre des taxes affectées est reversée non pas aux organismes auxquels cela devait être affecté mais au budget général. Cela représente plus de 1 milliard d’euros. C’est une forme de fiscalité déguisée du budget général et je ne pense pas que ce soit une bonne chose. C’était une bonne mesure à l’origine et, comme souvent, elle est devenue discutable avec le temps.

J’aimerais que le Gouvernement nous en dise un peu plus sur sa stratégie dans ce domaine. On ne peut pas avoir une taxe censée financer l’audiovisuel public, qui a besoin d’argent, et en même temps couper l’audiovisuel public... On n’y comprend plus rien entre les ressources budgétaires directes et indirectes. Cela nécessite une clarification de la part du Gouvernement.

M. le Rapporteur général. J’ai compris que c’était un amendement d’appel.

M. le président Éric Woerth. D’appel au secours !

M. le Rapporteur général. L’idéal serait que vous le retiriez pour le déposer en séance et avoir l’avis du Gouvernement. Si tel n’était pas le cas, je serais contraint d’y donner un avis défavorable.

Je trouve comme vous qu’il y a un problème, mais je pense qu’il faut que le dialogue ait lieu avec le ministre pour identifier les taxes où nous pourrions envisager des baisses de taux concomitantes à la baisse de plafond.

M. Laurent Saint-Martin. Je souscris en partie à ce que vous dites, monsieur le président, et il sera intéressant d’avoir une vraie discussion avec le Gouvernement en séance. Deux questions se posent : celle de savoir si la taxe affectée est bien affectée à son bénéficiaire ou au contraire va au budget général, comme évoqué hier sur la sécurité privée, et celle des plafonds et de leur juste niveau.

Lamendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF176 de M. Vincent Descoeur, I-CF571 de Mme Véronique Louwagie, I-CF1258 de M. Éric Alauzet et I-CF1333 de M. Bruno Millienne.

M. Vincent Descoeur. L’amendement propose le doublement du fonds chaleur, conformément à l’engagement du président de la République, afin d’améliorer le niveau de soutien apporté aux projets de réseaux de chaleur renouvelable et de s’assurer ainsi d’un niveau de rentabilité suffisant pour attirer les investisseurs.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement vise à apporter de la sécurité aux dispositifs mis en place et ne pas mettre en difficulté les filières qui s’organisent sur la base de fonds qui leur sont affectés, en particulier dans le secteur de la chaleur renouvelable.

M. Éric Alauzet. Nous sommes dans des contradictions : nous avons des objectifs élevés de part d’énergies renouvelables, il faudrait multiplier par cinq la quantité d’énergie renouvelable de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid entre 2012 et 2030, mais la moitié des projets n’aboutissent pas. Il existe un problème d’attractivité et de financement de ces projets. Mon amendement rejoint donc la proposition de mes collègues.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement tend simplement, pour être claire et concise, à augmenter le budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

M. le Rapporteur général. Permettez-moi d’être surpris : nous avons supprimé l’an dernier toute affectation de taxe à l’ADEME pour justement obtenir un meilleur financement, notamment en termes de trésorerie, via une budgétisation. Il ne me semble pas opportun d’en venir à un financement de l’ADEME par taxe affectée. Avis défavorable.

Lamendement I-CF1258 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques I-CF176, I-CF571 et ICF1333.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF126 de M. Vincent Descoeur et ICF548 de Mme Véronique Louwagie.

M. Vincent Descoeur. L’amendement vise à remettre en cause la ponction de l’État sur les agences de l’eau après son décalage d’un an obtenu à l’occasion de la loi de finances pour 2018, et ce afin d’éviter que ces agences soient contraintes de renoncer à des projets indispensables pour les territoires.

M. le Rapporteur général. La situation n’est pas du tout celle de l’an dernier, où nous avons eu un long débat en séance à l’initiative de la présidente de la commission du développement durable et de moi-même concernant les missions des agences de l’eau. Le présent PLF ne prévoit pas de modification du plafond d’affectation. En revanche, il prévoit des modalités de fixation des plafonds individuels par agence, et ce à la demande du collège des présidents des agences de l’eau. Les modalités de répartition des contributions des agences de l’eau à l’Agence française pour la biodiversité font l’objet de l’article 75. Nous avons dans ce cadre demandé une très grande solidarité entre les bassins et c’est ce que prévoit le présent dispositif.

Je signale d’ailleurs qu’aux Assises de l’eau, en présence du Premier ministre, dans ma circonscription, le président de l’agence Rhône-Méditerranée-Corse (RMC), le député Les Républicains Martial Saddier, a remercié le Premier ministre pour ces dispositions, ainsi que votre serviteur au passage, et a fait voter à l’unanimité le budget de l’agence de l’eau RMC. Je crois très honnêtement que le Gouvernement a fait beaucoup sur le sujet ; son action a du reste été saluée par des membres éminents du groupe Les Républicains. J’ai d’ailleurs conduit un travail conjoint avec Martial Saddier. Il me semblerait opportun que ces amendements soient retirés, pour ne pas être en complète contradiction avec le travail qui a été mené.

M. Vincent Descoeur. Tout en saluant le travail de Martial Saddier, je maintiens que le principe de la ponction posera des difficultés.

La commission rejette les amendements identiques.

La commission examine, en discussion commune, lamendement I-CF994 de M. Éric Coquerel, les amendements identiques I-CF127 de M. Vincent Descoeur, I-CF554 de Mme Véronique Louwagie et I-CF1105 de Mme Christine Pires Beaune, les amendements identiques I-CF457 de M. Yannick Haury et ICF1373 de M. Olivier Gaillard, ainsi que lamendement I-CF997 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Il s’agit de restaurer le plafond annuel des ressources des agences de l’eau à hauteur de ce qu’il était avant son abaissement l’an dernier. Cet abaissement n’a pas été sans conséquence sur l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), en butte à de grandes difficultés sur lesquelles je reviendrai dans mon rapport spécial mais qui sont liées notamment à la suppression d’équivalents temps plein (ETP) et à la perte de recettes de 21 millions d’euros qu’il ne peut récupérer du fait de la baisse du plafond. Ce serait pour les agences de l’eau une mesure indolore.

Sachant que le Gouvernement prône un renforcement du dialogue et de la coopération avec les fédérations de chasse, on peut craindre un retour à la situation antérieure dans laquelle c’étaient ces fédérations qui faisaient la police pour réguler leurs activités, et non l’ONCFS.

C’est la raison pour laquelle nous demandons le maintien du budget de l’Office à la hauteur qui convient.

M. Vincent Descoeur. Nous souhaitons que les agences de l’eau retrouvent les moyens dont elles disposaient pour leur dixième programme.

M. Benoit Simian. Nous devons travailler à une fusion de l’ensemble des forces que représentent l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONCFS et les personnels de garde, pour mettre en place une véritable police de la ruralité. Or cela ne nécessite pas plus de moyens mais un effort de concertation. Nous retirons donc notre amendement I-CF1373.

Lamendement I-CF1373 est retiré.

M. le Rapporteur général. Compte tenu de ce que j’ai dit tout à l’heure et du compromis auquel nous avons abouti, je donnerai un avis défavorable à toutes les demandes d’augmentation ou de relèvement des plafonds d’affectation aux agences de l’eau.

M. Éric Coquerel. Il ne s’agit pas d’augmenter le budget des agences de l’eau mais de maintenir un budget. Concrètement, si l’ONCFS ne récupère par ses 21 millions, il ne pourra plus accomplir certaines de ses missions et ce, quelles que soient les fusions que vous imaginez, a fortiori si la réduction de ses ETP se poursuit. La solution que nous proposons est indolore, y compris pour les agences de l’eau, mais si vous m’en proposez une autre, je suis preneur. Sinon, l’ONCFS n’arrivera pas à boucler son budget.

La commission rejette successivement lamendement I-CF994, les amendements identiques I-CF127, I-CF554 et I-CF1105, ainsi que les amendements identiques I-CF457 et I-CF1373 et lamendement I-CF997.

Puis elle examine lamendement I-CF794 de M. Mohamed Laqhila.

Mme Sarah El Haïry. Cet amendement vise à relever le plafonnement de la taxe affectée à Action Logement Services, suite à la convention signée entre l’État et cet organisme en mai 2018.

M. le Rapporteur général. Nous avons interrogé le Gouvernement sur cet écart de 140 millions d’euros sur lequel revient votre amendement. Il nous a été répondu que le montant de 280 millions d’euros qui apparaît dans l’étude d’impact du projet de loi PACTE au titre de l’année 2019 découle d’une erreur de plume imputable au fait qu’il était initialement prévu une entrée en vigueur plus précoce de la loi.

En d’autres termes, la loi PACTE devant être promulguée mi-2019, la perte de recettes sera deux fois moindre pour Actions Logement Services.

Je vous invite donc à retirer votre amendement et à interroger le Gouvernement en séance.

Lamendement I-CE794 est retiré.

La commission en vient à lexamen de lamendement I-CF102 de Mme Sophie Panonacle.

M. Benoit Simian. Dans la plus grande forêt d’Europe, la forêt des Landes, comme dans les autres forêts, les autorisations de défrichement sont soumises, ce qui est heureux, à des obligations de reboisement ou de boisement, à moins que la filière ne choisisse de s’acquitter d’une indemnité versée au Fonds stratégique de la forêt et du bois, afin de financer un certain nombre de projets nécessaires à la valorisation de la forêt. Cet amendement porte le plafond de ces indemnités à 5 millions d’euros.

M. le Rapporteur général. Votre amendement présente un problème de rédaction, car il ne vise pas la bonne ligne du tableau de l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

Je vous propose donc de retirer votre amendement pour le réécrire et en discuter en séance avec le ministre.

Lamendement I-CF102 est retiré.

La commission examine, en discussion commune les amendements ICF928 de M. Benoit Simian et I-CF46 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Benoit Simian. L’amendement I-CF928, cosigné par Anne-Laure Cattelot, rapporteure spéciale pour les Infrastructures et services de transports, vise à maintenir la taxe pour frais de contrôle versée par les entreprises assurant les liaisons interurbaines par autocar à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). Il s’agit de ne pas faire supporter au secteur ferroviaire la totalité des frais de régulation.

Mme Émilie Bonnivard. Dans l’exposé des motifs de l’article 9 du PLF, il est indiqué que la taxe pour frais de contrôle sur les activités de transports publics routiers de personnes perçue au profit de l’ARAFER sera supprimée par l’article 29 dudit PLF.

Si l’objectif est bien de supprimer la taxe pour frais de contrôle sur les activités de transports publics routiers de personnes perçue au profit de l’ARAFER, pourquoi ne pas simplement prévoir la suppression du texte introduisant cette taxe ? N’est-il pas plus clair de proposer, comme le fait mon amendement I-CF46, la suppression de l’article 1609 sextricies du CGI ?

M. le Rapporteur général. Je rejoins ce qui vient d’être dit sur l’absence de logique de ces dispositions. J’inviterai donc Mme Bonnivard à retirer son amendement au profit du précédent, plus complet, auquel je donne un avis favorable.

Lamendement I-CF46 est retiré.

La commission adopte lamendement I-CF928 (amendement I-2516).

Puis elle est saisie de lamendement I-CF877 de M. Xavier Roseren.

M. Xavier Roseren. L’article 29 prévoit la diminution des plafonds de la taxe affectée aux centres techniques industriels (CTI) et aux comités professionnels de développement économique (CPDE).

Ces organismes professionnels ont conscience qu’ils doivent participer à la baisse des prélèvements obligatoires engagée par le Gouvernement ; cependant la diminution des plafonds me semble en l’espèce prématurée pour deux raisons : premièrement, les CTI et les CPDE participent activement à la politique industrielle de la France et renforcent, de ce fait, sa compétitivité ; deuxièmement, une mission a été confiée à notre collègue Anne-Laure Cattelot sur les plateformes d’accélération des technologies de l’industrie du futur. Il serait donc préférable d’attendre ses conclusions.

M. le Rapporteur général. Le rapport du CPO est très clair sur ce point. Il préconise la transformation des taxes affectées aux CTI et aux CPDE en contributions volontaires obligatoires, sachant que c’est au secteur concerné qu’il appartient de juger s’il a besoin de centres techniques. Ce dispositif de taxes affectées doit donc être réformé. Dans l’attente, je suis défavorable à cet amendement.

M. Xavier Roseren. Je vais retirer cet amendement et j’en défendrai plus loin un autre proposant de baisser les taux.

Lamendement I-CF877 est retiré.

La commission examine, en discussion commune les amendements ICF1224 et ICF1230 de M. Régis Juanico.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I-CF1224 vise à relever les plafonds des trois taxes affectées au Centre national pour le développement du sport (CNDS) : le prélèvement principal de 1,8 % sur les jeux de loterie prélèvements, le prélèvement de 1,8 % sur les mises des paris sportifs et la taxe dite « Buffet ».

Après une diminution de 136 millions d’euros dans la loi de finances pour 2018, le CNDS voit cette année son budget amputé de 2 millions d’euros. Cela a de fortes répercussions sur le sport amateur, dont les subventions ont connu une baisse de 30 % ; quant au programme 219, il est amputé de 70 millions sur deux ans. Tout ceci alors que se dessine la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

L’amendement I-CF1230 est un amendement de repli, qui propose de relever de 60 millions d’euros le plafond des taxes affectées.

M. le Rapporteur général. Il me semble qu’il serait préférable que vous retiriez ces amendements et que vous les redéposiez en séance, pour avoir un dialogue avec la ministre sur le financement de la future agence vouée à se substituer au CNDS.

Les amendements sont retirés.

La commission est saisie de lamendement I-CF346 de Mme MarieGeorge Buffet.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il s’agit d’un amendement de repli permettant de conserver le plafonnement actuel de la taxe sur les jeux de loterie, qui est de 73 millions d’euros pour l’exercice 2018.

Le budget du sport est réduit à portion congrue, subissant une nouvelle baisse de 6 % cette année, décision incompréhensible alors que les Jeux olympiques de Paris approchent. De plus, la nouvelle gouvernance du sport suscite beaucoup d’interrogations, et le flou entourant le financement de la future agence du sport au détriment des crédits fléchés sur le CNDS, amené à disparaître courant 2019, a provoqué une protestation sans précédent des acteurs et actrices du monde sportif français, d’autant que le CNDS a fait ses preuves en accompagnement le développement territorial du sport – toutes les collectivités territoriales sont unanimes à le reconnaître.

M. le Rapporteur général. Je ferai la même remarque que précédemment, qui s’applique à tous les amendements concernant le CNDS : il est préférable qu’ils soient retirés et qu’un dialogue soit noué avec la ministre, pour préciser les intentions du Gouvernement.

M. Éric Coquerel. Si lon ne sait pas ce que le Gouvernement veut faire, on sait en tout cas ce quil a fait, en diminuant dès lan dernier le budget du CNDS, ce qui est un paradoxe alors que nous allons accueillir les Jeux olympiques et que lon veut promouvoir le sport dans notre pays ! Cette baisse du budget des sports témoigne en réalité dun abandon du sport par les pouvoirs publics, ce que confirment les importantes réductions de personnels annoncées au ministère, devant lequel une intersyndicale a dailleurs organisé une manifestation ce matin même.

La commission rejette lamendement.

Suivant lavis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite lamendement ICF1225 de M. Régis Juanico.

Puis elle est saisie de lamendement I-CF1226 de M. Régis Juanico.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement de repli propose de relever le plafond de la taxe « Buffet » affectée au CNDS.

La commission rejette lamendement.

Elle en vient ensuite à lamendement I-CF530 rectifié de Mme Stéphanie Do.

M. le Rapporteur général. Cet amendement de Mme Do vient corriger très opportunément une erreur rédactionnelle.

La commission adopte lamendement I-CF530 rectifié (amendement I2518).

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF31 de Mme Lise Magnier, I-CF47 de M. Vincent Descoeur, I-CF93 de Mme Véronique Louwagie, ICF228 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF632 de M. Jean-Paul Dufrègne, I-CF1066 de Mme Valérie Lacroute et I-CF1111 de Mme Christine Pires Beaune, ainsi que les amendements identiques I-CF297 de M. Patrick Hetzel et I-CF620 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF31 concerne les ressources affectées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI). Il serait bien que la parole du Gouvernement soit de temps en temps respectée : le ministre de l’action et des comptes publics s’était engagé à ce qu’il y ait un seul coup de rabot sur la taxe affectée aux CCI sur toute la durée du quinquennat. J’exhorte donc la majorité à faire en sorte que les ministres tiennent leur parole.

M. Vincent Descoeur. Notre amendement I-CF47 propose de supprimer les alinéas 26 et 68, conformément aux engagements pris par le Gouvernement l’an dernier devant les parlementaires. Il s’agit de protéger les CCI les plus fragiles de la baisse de ressources annoncée, qui pourrait leur être fatale.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I-CF93 tend simplement à faire respecter un engagement pris l’année dernière, puisque nous avions déjà abordé le sujet. Il faut savoir ce que l’on veut faire avec les CCI : on ne peut pas, tous les ans, raboter ainsi leurs ressources. Il faut une politique claire, et le Gouvernement doit absolument s’exprimer sur ce sujet.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mon amendement I-CF228 a le même objet. Au-delà du fait que, cette année encore, le PLF remet en cause le fonctionnement des CCI, j’ai été très surprise par les propos du ministre de l’économie et des finances lors de nos débats sur la loi PACTE. Si on leur enlève des missions et qu’on ne reconnaît plus leur rôle d’animateurs territoriaux, il me semble que c’est la pérennité même de ces structures qui est en jeu.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cette nouvelle baisse des ressources fiscales affectées au réseau des CCI pour 2019 et 2020 n’est pas acceptable. Elle va peser très lourdement sur le dynamisme économique de nos territoires, où les CCI apportent une plus-value, notamment dans l’accompagnement des entreprises et des chefs d’entreprise. Tout cela va donc à rebours des besoins exprimés par la population et par l’ensemble des acteurs économiques. D’où mon amendement I-CF632.

Mme Valérie Lacroute. Mon amendement I-CF1066 va dans le même sens. Le Gouvernement s’était en effet engagé l’année dernière à mettre un terme à cette baisse qui, depuis 2013, ponctionne les ressources des CCI.

J’ai, de mon côté, présidé une mission sur la réorganisation et l’avenir des CCI, dont les deux co-rapporteures, Stella Dupont et Valérie Oppelt, qui ont fait un travail exceptionnel en un temps record, ont présenté quatorze propositions permettant aux CCI de réduire leurs coûts de fonctionnement et de rationaliser leur organisation. Je trouve donc regrettable que ce rapport, qui propose des solutions très pragmatiques, soit finalement balayé d’un revers de main au profit de cette nouvelle réduction de leurs moyens que le ministre impose aux CCI, sans prendre en compte le travail que nous avons réalisé.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement I-CF1111 a le même objet. Si j’ai bien compris, on parle d’une baisse de 100 millions d’euros pour 2019, mais sur l’ensemble du quinquennat, cette baisse atteindra 400 millions d’euros, ce qui est énorme. Cela implique très certainement des mutualisations ou la régionalisation des CCI, ce qui signifie la fin de leur rôle de proximité, qu’il s’agisse de l’animation des territoires au travers du Fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce ou du soutien aux petites entreprises. Des plans de licenciement sont d’ores et déjà annoncés dans les CCI des Hauts‑de‑France, bref, on est en train de saboter le réseau des CCI, au lieu de réfléchir à les mutualiser avec d’autres réseaux, comme celui des chambres des métiers.

Mme Émilie Bonnivard. En transférant la compétence économique aux régions, la loi « NOTRe » a contribué à affaiblir les dispositifs d’accompagnement locaux aux entreprises. Si l’on diminue en plus les moyens des CCI, je me demande ce qu’il va rester dans nos territoires comme outils d’accompagnement à la création, à la reprise et au développement des entreprises, notamment dans les territoires les plus ruraux, car on sait bien que ce sont les petites CCI implantées dans les territoires les plus éloignés qui seront les plus touchées.

M. le Rapporteur général. Selon moi, il y a trois sujets de discussion à aborder avec le Gouvernement.

Le premier porte sur la manière de garantir aux CCI hyper-rurales un socle de financement qui ne puisse être remis en cause. J’avais été à l’origine d’un mécanisme de péréquation allant dans ce sens mais qui n’a pas fonctionné. Je vais donc déposer un amendement qui reprend les préconisations du rapport de Stella Dupont et Valérie Oppelt. Il propose de nouveau un mécanisme de péréquation, qui ne sera plus géré cette fois-ci par CCI France mais directement par le ministère de l’économie et des finances, de manière à éviter toute tentation de favoritisme de la part des interprofessions.

Le deuxième point que nous devons aborder est la façon de procéder pour que la phase de transformation des CCI qui a été enclenchée ait un effet dès 2019. Cette question a été abordée par Stella Dupont, Valérie Oppelt et Valérie Lacroute. Des amendements ont été déposés visant à lisser les efforts demandés. Il me semble que c’est en présence du ministre que nous devrons en discuter, de manière qu’il nous dise ce qu’il entend faire des CCI et la façon dont il envisage d’accompagner leur transformation.

Le troisième point enfin concerne la manière de faire en sorte que la baisse de plafond donne bien lieu à une baisse de fiscalité pour les entreprises. Là encore, notre collègue Stella Dupont apporte un début de réponse via un amendement I-CF1002 que j’ai d’ailleurs cosigné.

C’est la raison pour laquelle je donnerai un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Les amendements sont successivement rejetés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques ICF149 de Mme Lise Magnier et I-CF1070 de Mme Valérie Lacroute, ainsi que lamendement I-CF1428 de Mme Stella Dupont.

Mme Valérie Lacroute. Lamendement I-CF1070 est de repli. Le rapport que nous avons rendu contient un certain nombre de propositions concrètes qui devraient permettre aux CCI, si elles étaient mises en œuvre dès 2019, de réaliser des économies non négligeables. Je préconise donc de suspendre pour cette année la baisse des ressources qui leur sont affectées et de geler la taxe afin de permettre à ces CCI, dont certaines ont été obligées de demander à lÉtat un moratoire pour le paiement de plusieurs licenciements, de poursuivre leur réorganisation. Il sera temps de faire le point à la fin de lannée, et denvisager, le cas échéant, une baisse des ressources  mais moindre  en 2020. Pour lheure, il faut leur laisser du temps.

Mme Stella Dupont. Le projet de loi PACTE, qui vient d’être adopté en première lecture, engage une réforme approfondie du réseau des CCI. Cet amendement vise à tenir compte des conséquences de la loi, qui ne sera promulguée qu’au printemps 2019 et dont certaines dispositions auront une incidence certaine sur les CCI. Nous avons besoin de précisions de la part du Gouvernement sur la mise en œuvre de cette réforme.

En ce qui concerne les 100 millions d’euros d’économies prévus à ce jour dans le PLF pour 2019, ils demeurent un objectif très ambitieux, puisque les CCI n’ont pas toutes les clefs en main. Nous avons notamment besoin de réponses sur le financement de la caisse mutuelle d’assurance chômage des CCI ou sur la possibilité qui leur sera donnée de négocier le statut de leurs collaborateurs.

En attendant d’avoir les éclaircissements nous permettant de nous assurer que les objectifs du PLF sont atteignables, nous proposons par l’amendement I‑CF1428 de limiter la baisse du plafond à 50 millions d’euros.

M. le Rapporteur général. Si ces amendements ne sont pas retirés pour être redéposés en séance et discutés en présence du ministre, j’émettrai un avis défavorable.

Lamendement I-CF1428 est retiré.

La commission rejette les amendements I-CF149 et I-CF1070.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF61 de M. Sylvain Maillard et I-CF244 de la commission des affaires économiques.

Mme Cécile Rilhac. L’amendement I-CF61 propose de supprimer le plafonnement qui pèse injustement sur les contributions formation des chefs d’entreprise immatriculés au répertoire des métiers, collectées par les chambres de métiers et de l’artisanat, au titre des conseils de la formation. Il s’agit du seul fonds de formation faisant l’objet d’un plafonnement. En 2018, près de 5 millions d’euros sont ainsi écrêtés et reversés au budget de l’État : un produit de plus de 44 millions d’euros.

Le tableau du tome I de l’annexe Évaluations des voies et moyens du PLF 2018 indiquait par erreur une prévision du produit attribué aux conseils de la formation pour 2018 à hauteur de 39,89 millions, laissant croire à l’absence d’écrêtement.

L’objectif de cet amendement est de sanctuariser l’intégralité de l’effort contributif des artisans à leur formation et d’assurer la pérennité de la ressource qui finance les droits des artisans, en cohérence avec l’extension du compte personnel de formation aux artisans.

Il convient de rappeler que ces fonds de formation ne sont pas liés au financement des chambres de métiers et de l’artisanat. Les fonds des conseils de la formation sont en effet gérés par les chambres de métiers et de l’artisanat sur un compte séparé, avec un budget à part, sous contrôle d’un commissaire du gouvernement et d’un agent comptable. Les excédents financiers éventuels sont reversés chaque année au Trésor public.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques. L’objectif de notre amendement I-CF244, adopté par la commission des affaires économiques, est de sanctuariser l’intégralité de l’effort contributif des artisans à leur formation. L’an dernier, plusieurs amendements visant à supprimer le plafond du fonds pour les conseils de la formation ont été rejetés ; il est donc proposé non pas de supprimer mais d’augmenter ce plafond au montant du produit réel, c’est-à-dire 45 millions d’euros environ, et de ne pas laisser 5 millions d’euros non affectés à la formation des artisans.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable sur l’amendement I-CF61. Quant à l’amendement I-CF244, je souhaiterais qu’il soit retiré pour que nous puissions en débattre avec le ministre lors de l’examen en séance publique.

M. le rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques. Cet amendement ayant été adopté par la commission des affaires économiques, je ne peux le retirer.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission en vient à lexamen des amendements identiques I-CF298 de M. Patrick Hetzel, I-CF466 de Mme Véronique Louwagie et I-CF781 de M. Stéphane Demilly.

Mme Véronique Louwagie. L’alinéa 27 de l’article 29 tend à baisser le plafond de ressources du Comité de promotion et de développement économique de l’habillement. Nous proposons, par l’amendement I-CF466, de supprimer cet alinéa afin de ne pas déstabiliser une filière française d’excellence, qui accomplit un travail important, notamment en matière d’exportation.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, comme sur tous les amendements ayant trait aux CTI.

M. le président Éric Woerth. Il faut, me semble-t-il, que nous travaillions à stabiliser la situation des CTI, car la question revient chaque année.

La commission rejette les amendements.

Suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette ensuite lamendement I-CF373 de M. Nicolas Forissier.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF92 de Mme Véronique Louwagie, I-CF224 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF377 de M. Nicolas Forissier, ICF795 de M. Charles de Courson, I-CF959 de M. Denis Masséglia et I-CF1259 de M. Éric Alauzet.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement vise à maintenir le plafond de la taxe affectée au CTI de la filière française du cuir.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est fondamental que nous menions, comme vous l’avez suggéré, monsieur le président, un travail d’ensemble sur les CTI, car on est en train de mettre à mal de nombreuses filières sans en mesurer les conséquences.

M. le président Éric Woerth. Il faut d’abord déterminer si le CTI est utile à la filière – c’est à celle-ci de se prononcer –, puis, si tel est le cas, stabiliser ses ressources.

M. Denis Masséglia. Dans le rapport d’information sur la diplomatie économique que j’ai remis il y a deux semaines, je préconise – c’est même ma première proposition – d’analyser l’impact sur le commerce extérieur de toutes les mesures de compétitivité de portée générale. La filière du cuir, je le rappelle, a triplé ses exportations au cours des vingt dernières années et son chiffre d’affaires approche 12 milliards d’euros. Il importe donc que nous continuions à développer et à protéger ce type de filières, qui créeront 10 000 emplois au cours des dix prochaines années dans la région Grand Ouest.

M. Éric Alauzet. Nous avons besoin d’une véritable clarification sur la question des CTI. Quel est le modèle ? Il nous faut tout remettre à plat, car nous discutons de ce sujet chaque année, et nous n’y voyons pas clair.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, comme sur tous les amendements concernant les CTI...

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle est saisie des amendements identiques I-CF91 de Mme Véronique Louwagie, I-CF225 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF380 de M. Nicolas Forissier et ICF796 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement est de repli par rapport au précédent : il s’agit ici, non plus de maintenir le plafond de la taxe affectée, mais de proposer une solution intermédiaire qui assure à la filière française du cuir un niveau de ressources suffisant.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis, suivant lavis défavorable du Rapporteur général, elle rejette lamendement ICF375 de M. Nicolas Forissier.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF378 de M. Nicolas Forissier et I-CF878 de M. Xavier Roseren.

M. Xavier Roseren. La diminution des différents plafonds des taxes affectées doit faire l’objet d’une réflexion au cas par cas, et non d’une analyse globale. Surtout, elle doit s’accompagner d’une réduction des taux afin de diminuer les charges productives.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

Lamendement I-CF878 est retiré.

La commission rejette lamendement I-CF378.

Lamendement I-CF880 de M. Xavier Roseren est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques I-CF87 de Mme Annie Genevard, I-CF755 de M. Nicolas Forissier et I-CF882 de M. Xavier Roseren.

Mme Véronique Louwagie. La diminution de plus de 1 million d’euros du plafond des ressources affectées au Comité professionnel de développement économique au service des secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l’orfèvrerie risque d’affecter fortement la filière. C’est pourquoi nous vous proposons, par notre amendement, de supprimer l’alinéa 48 de l’article 29. De telles mesures doivent être prises avec beaucoup de précautions, car elles peuvent avoir un impact important sur les filières.

M. le Rapporteur général. Défavorable ; je n’ai pas été très sensible à Francéclat...

Lamendement I-CF878 est retiré.

La commission rejette les amendements identiques I-CF87 et I-CF755.

Lamendement I-CF884 de M. Xavier Roseren est retiré.

La commission est saisie de lamendement I-CF1192 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. Par cet amendement, nous proposons de relever le plafond de la contribution affectée à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

M. le Rapporteur général. Demande de retrait : le plafond est au niveau du rendement.

Mme Émilie Cariou. Je maintiens l’amendement. La discussion se prolongera, bien entendu, lors de l’examen de la seconde partie.

La commission rejette lamendement.

Puis elle examine lamendement I-CF605 de M. Laurent Saint-Martin.

M. Laurent Saint-Martin. Cet amendement, cosigné par certaines de mes collègues dont la circonscription comprend un aéroport, tend à déplafonner la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). Cette mesure s’inscrit dans la perspective de l’introduction, dans le projet de loi d’orientation des mobilités, d’un droit de délaissement au profit des personnes qui habitent au bord des aéroports. Le déplafonnement proposé est en effet nécessaire pour que le fonds alimenté par la TNSA puisse prendre en charge le rachat des biens immobiliers concernés.

M. le Rapporteur général. Le plafond de la TNSA est très loin d’être atteint. Je vous suggère donc de retirer l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Laurent Saint-Martin. Les besoins liés à l’application du droit de délaissement seront bien supérieurs au plafond – mais nous en reparlerons en séance publique. Je retire l’amendement.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement I-CF820 de Mme Christine Hennion.

M. Xavier Roseren. Cet amendement a pour objet de diminuer le taux de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques. Pour rappel, cette taxe a été créée en 2009 pour pallier la baisse des ressources résultant de la suppression partielle de la publicité sur les antennes de France Télévisions. En 2016, son taux a été majoré de 44 %, pour atteindre 1,3 % du chiffre d’affaires. Par cet amendement, nous proposons de ramener ce taux à 0,9 % du chiffre d’affaires, suite à la réforme de l’audiovisuel public.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette lamendement.

Puis elle est saisie de lamendement I-CF634 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 67 de l’article 29, qui tend lui-même à supprimer la part de la taxe sur les transactions financières affectée à l’Agence française de développement. Une telle mesure fragiliserait en effet l’aide au développement en la rendant davantage tributaire des ressources allouées par le budget général de l’État. Je rappelle que le président de la République s’est engagé à mener une action déterminée et résolue en faveur de l’augmentation de l’aide publique au développement d’ici à 2022.

M. le Rapporteur général. Je vous invite à retirer votre amendement, mon cher collègue. En effet, les engagements ont été tenus. Les 270 millions d’euros concernés ont bien été réintégrés, nous l’avons vérifié, au sein du budget général pour l’aide publique au développement. Nous pourrons poursuivre cette discussion en séance publique, mais on vous fera sans doute la même réponse.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite lamendement I-CF1002 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Cet amendement, que j’ai annoncé tout à l’heure, définit le socle mis en place pour sécuriser les besoins de financement des CCI hyper-rurales, c’est-à-dire celles dont le périmètre comprend au moins 80 % de communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR), soit 27 CCI sur 101.

M. Jean-René Cazeneuve. Une mission est actuellement chargée de redéfinir les ZRR. Je ne suis donc pas certain qu’il soit opportun de retenir un tel critère.

La commission adopte lamendement I-CF1002 (amendement I-2519).

Puis elle est saisie de lamendement I-CF48 de M. Vincent Descœur.

M. Vincent Descœur. Cet amendement a pour objet de protéger les CCI rurales.

M. le président Éric Woerth. Il me semble satisfait par l’adoption de l’amendement du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. En effet.

M. Vincent Descœur. Je n’en suis pas certain. En tout état de cause, l’amendement du Rapporteur général mérite d’être discuté en séance publique ; il faut que nous sachions quels seront les effets du dispositif proposé.

M. le Rapporteur général. Défavorable.

Mme Valérie Lacroute. Monsieur le Rapporteur général, si j’ai bien compris, votre amendement aura pour conséquence d’amplifier la baisse des recettes affectées à l’ensemble des CCI, puisqu’il s’agit de ponctionner un peu plus leur budget pour allouer 19 millions à CCI France. Mais pourquoi une telle somme ? Comment sera-t-elle répartie ? Par ailleurs, je comprends que l’on souhaite donner un coup de pouce aux CCI rurales, mais n’oublions pas que l’intervention des CCI est également nécessaire dans les QPV pour y favoriser la création et la transmission d’entreprises.

Mme Stella Dupont. Nous sommes nombreux à être mobilisés sur la question des CCI et à veiller à ce que l’équilibre entre les territoires soit respecté et à ce que la solidarité territoriale permette aux plus petites et aux plus rurales d’entre elles de continuer à fonctionner. Mais, en attendant les évolutions liées à la réforme de la loi PACTE, nous avons besoin que le Gouvernement nous fournisse les simulations concernant les amendements des uns et des autres pour que nous puissions prendre position en toute connaissance de cause.

M. Christophe Jerretie. Des CCI comme celles du Gers, de la Meuse ou de la Corrèze sont totalement exclues du dispositif. Cela signifie que, pour elles, c’est terminé : si elles ne bénéficient pas de ces sommes, elles peuvent mettre la clef sous la porte. Depuis 2010, elles dégraissent et vendent tous leurs biens ! En tout état de cause, Bruno Le Maire devra clarifier les choses, car il ne tient pas le même discours devant les CCI et devant les députés.

Mme Valérie Lacroute. Je suis tout à fait d’accord avec M. Jerretie : le ministre doit être clair sur la trajectoire. Faut-il rappeler que certaines CCI ne parviennent même pas à financer le licenciement de leurs personnels ? Là, on continue de les précipiter dans le mur. Il faut que le ministre soit clair sur ses intentions et qu’il assume ses décisions.

M. le Rapporteur général. Je tiens à préciser que les CCI qui viennent d’être citées figurent parmi les CCI hyper-rurales ; elles remplissent les critères.

M. Christophe Jerretie. Non !

M. le Rapporteur général. Si : j’ai le tableau sous les yeux ! Je vais d’ailleurs le communiquer à tous les membres de la commission des finances, pour être le plus transparent possible. En revanche, je ne dispose pas de la simulation, qui est renvoyée à un arrêté ministériel – comme je l’ai indiqué, nous souhaitons éviter la mainmise de CCI France.

M. le président Éric Woerth. Nous aurons cette discussion en séance publique. Mais, depuis des années, le débat sur les CCI n’est pas clair. Ce n’est pas le propre de cette majorité : c’était également vrai sous les deux précédentes. Chaque gouvernement a entrepris sa réforme, si bien qu’on réforme tous les ans et que personne ne sait où vont les CCI. Cela en dit long sur l’incapacité à réformer en profondeur.

La commission rejette lamendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF49 de M. Vincent Descœur et I-CF229 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Vincent Descœur. L’amendement tend à inscrire le principe de péréquation dans la loi pour garantir que chaque département dispose d’un établissement de plein exercice.

J’ai entendu les explications du Rapporteur général, mais nous ne disposons d’aucun tableau et nous n’avons aucune visibilité sur les recettes dont pourront bénéficier les CCI dites rurales. Compte tenu de l’engagement pris par le ministre lors de l’examen du projet de loi PACTE de garantir la péréquation, je trouve regrettable que nous ne puissions pas discuter d’un amendement qui comporte suffisamment de précisions.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle tout de même que les CCI non rurales– celle de Paris notamment – financent beaucoup de formations, par exemple, ce qui soulève également des difficultés considérables. Il faudra trouver d’autres modes de financement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Au-delà de ce que dit Vincent Descœur, avec qui je suis d’accord, prenons l’exemple du Jura. En raison de son industrialisation, ce département, pourtant très rural, ne figure pas parmi les territoires très ruraux. Cela soulève d’énormes difficultés. Il faut fixer des critères objectifs qui permettent d’assurer la pérennité d’une CCI dans chaque département. C’est ce que propose mon amendement I-CF229.

M. le Rapporteur général. L’amendement que j’ai déposé est valable pour une année, en attendant que nous fassions ce travail global. Il est indispensable si nous voulons éviter que certaines CCI hyper-rurales ne mettent la clef sous la porte. Je demande donc à M. Descœur et à Mme Dalloz de retirer leurs amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Vincent Descœur. Monsieur le président, sans doute les CCI urbaines rencontrent-elles d’autres types de difficultés, mais les CCI rurales n’ont pas la possibilité d’offrir de nouvelles prestations en échange de services. Il est donc important d’organiser la péréquation et de savoir si elle est mise en œuvre par le ministère ou par CCI France.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie de lamendement I-CF1429 de Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont. Par cet amendement, nous proposons que le plafond du taux de prélèvement des contributeurs à la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises soit réduit à due concurrence de la baisse du plafond d’affectation de cette même taxe aux CCI, de façon que cette baisse bénéficie également aux entreprises.

Suivant lavis favorable du Rapporteur général, la commission adopte lamendement I-CF1429 (amendement I-2491).

Puis elle examine lamendement I-CF538 rectifié de Mme Stéphanie Do.

M. le Rapporteur général. Une fois de plus, cet amendement de cohérence rédactionnelle de Mme Stéphanie Do vient utilement remédier à un oubli.

La commission adopte lamendement I-CF538 rectifié (amendement I2537).

Puis elle adopte larticle 29 modifié.

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Après l’article 29

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF1016 et ICF1019 de M. Saïd Ahamada.

M. Saïd Ahamada. Ces deux amendements ont trait au droit annuel de francisation et de navigation (DAFN). Le premier tend, d’une part, à supprimer l’abattement pour vétusté dont bénéficient les navires anciens et, d’autre part, à exonérer du paiement de ce droit les navires électriques. Le second est un amendement de repli, puisqu’il vise uniquement à exonérer les navires électriques du paiement du DAFN.

M. Laurent Saint-Martin, suppléant M. Joël Giraud, Rapporteur général. Des travaux gouvernementaux sont en cours pour moderniser le DAFN et lutter contre l’érosion de son rendement. Il me semble donc prudent d’en attendre les résultats. C’est pourquoi je vous suggère de retirer vos amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette successivement ces amendements.

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Article additionnel après l’article 29
Gel de labattement pour vétusté du droit de francisation et de navigation

La commission en vient ensuite à lexamen, en discussion commune, des amendements identiques I-CF1017 de M. Saïd Ahamada, I-CF1143 de Mme Valérie Rabault et I-CF1361 de M. Jimmy Pahun, ainsi que des amendements identiques  ICF1018 de M. Saïd Ahamada et I-CF1362 de M. Jimmy Pahun.

M. Saïd Ahamada. Les amendements I-CF1017 et I-CF1018 sont de repli. Le premier vise à figer la population de bateaux dont la détention donne droit à un abattement pour vétusté ; le second tend à geler le dispositif en attendant les résultats des travaux du Gouvernement sur le projet de réforme du DAFN.

Mme Christine Pires Beaune. Une partie des recettes du Conservatoire du littoral provient du DAFN. Or, le produit de cette taxe diminue régulièrement en raison d’un dispositif d’abattement calculé en fonction de la vétusté des navires – dispositif au demeurant contre-incitatif dans la mesure où l’abattement est d’autant plus important que le bateau est vétuste. Par l’amendement I-CF1143, nous proposons donc de supprimer cet abattement, uniquement pour l’avenir : ceux qui en bénéficient actuellement ne sont pas concernés.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement I-CF1361 a pour objet de rendre la fiscalité plus incitative et d’encourager les propriétaires de bateaux à renouveler leur matériel pour qu’ils soient moins polluants. Quant à l’amendement I-CF1362, il vise à décaler d’un an l’entrée dans chacune des tranches d’âge ouvrant droit à l’abattement.

M. le Rapporteur général suppléant. Avis favorable aux amendements I‑CF1017, I-CF1143 et I-CF1361, qui visent à geler les catégories d’abattement pour vétusté.

La commission adopte les amendements I-CF1017, I-CF1143 et ICF1361 (amendement I-2520).

En conséquence, les amendements I-CF1018 et I-CF1362 tombent.

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Après l’article 29

La commission est saisie de lamendement I-CF896 de M. Xavier Roseren.

M. Xavier Roseren. L’article 29 du PLF pour 2019 vise à diminuer les plafonds de la taxe fiscale affectée aux CTI, afin de les faire participer à la trajectoire de réduction des prélèvements obligatoires. Toutefois, cette baisse ne s’accompagne pas d’une diminution des taux de la taxe, de sorte qu’aucune baisse fiscale ne sera répercutée sur les entreprises, les sommes prélevées au-delà du plafond – 22 millions en 2019 – étant reversées au budget général de l’État. Nous proposons donc, par cet amendement, de baisser les taux de la taxe fiscale affectée aux CTI et aux CPDE, afin de diminuer les charges productives de nos industries.

M. le Rapporteur général suppléant. Je comprends lesprit de cet amendement et jen loue même la finalité, mais vous ne proposez de baisser que deux des trois taux de la taxe, en faisant limpasse sur le taux de la taxe pour les matériels et consommables de soudage. Je vous suggère donc de retirer lamendement et de le redéposer en séance en proposant une diminution des trois taux.

M. Xavier Roseren. On doit inclure davantage d’organisations professionnelles. Si la commission adoptait cet amendement, ce serait un élément rassurant... Néanmoins, je peux le retirer.

M. le Rapporteur général suppléant. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

Lamendement est retiré.

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C.  Dispositions relatives aux budgets annexes
et aux comptes spéciaux

Article 30
Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes
et comptes spéciaux existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Comme chaque année, le présent article confirme pour l’année suivante, en l’espèce 2019, les affectations résultant des budgets annexes et de comptes spéciaux ouverts antérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent PLF.

Dernières modifications législatives intervenues

Article 47 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Le principe d’universalité budgétaire impose l’exigence de non-affectation qui conduit à présenter les recettes et les dépenses de façon autonome sans affecter aucune de celles-ci à l’une quelconque de celles-là.

Toutefois, par exception à ce principe, l’article 16 de la LOLF ([477]) dispose : « Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, dun budget annexe ou dun compte spécial. »

Par ailleurs, le 3° du I de l’article 34 de la même loi organique prévoit que « la loi de finances de lannée comporte toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget général de lÉtat ».

En conséquence, l’objet du présent article est de confirmer, pour 2019, les affectations résultant de budgets annexes et de comptes spéciaux créés par les lois de finances antérieures.

Les budgets annexes et les différentes catégories de comptes spéciaux

Les budgets annexes et les comptes spéciaux constituent des exceptions au principe de non-affectation du budget, c’est-à-dire à l’interdiction d’affecter une recette à une dépense. Ils retracent ainsi certaines recettes et certaines dépenses du budget.

Les règles de création des budgets annexes sont prévues par l’article 18 de la LOLF. Ils peuvent être créés pour retracer les seules opérations des services de l’État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances.

Les différentes catégories de comptes spéciaux sont définies par les articles 19 à 24 de la LOLF.

Les comptes daffectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. En cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.

Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux présente un caractère limitatif.

Les comptes dopérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Ils sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Ainsi, sont reconduits pour 2019 :

– deux budgets annexes avec, au total, des ressources et des charges de 2,3 milliards d’euros ;

– onze CAS avec, au total, des ressources de 82,9 milliards et des charges de 81,3 milliards d’euros ;

– six comptes de concours financiers avec, au total, des ressources de 126,3 milliards et des charges de 127,3 milliards d’euros ;

– dix comptes de commerce avec, au total, des autorisations de découvert de 19,9 milliards d’euros (dont 19,2 milliards pour la seule gestion de la dette et de la trésorerie de l’État) ;

– et trois comptes d’opérations monétaires avec, au total, des autorisations de découvert de 250 millions d’euros, pour le compte Pertes et bénéfices de change.

Cette confirmation doit s’entendre sous réserve des dispositions particulières qui pourraient être contenues dans la loi de finances issue du présent PLF. En l’espèce, l’article 34 du présent PLF prévoit l’actualisation du compte de commerce Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels darmement complexes. Il modifie la dénomination du compte en Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés et procède à un certain nombre d’évolutions, telles que le recentrage du bénéfice des avances remboursables et l’élargissement des recettes, exposées dans le commentaire dudit article (cf. infra).

Aucune création ou suppression de budget annexe ou de compte spécial n’est prévue par le présent PLF.

Solde des budgets annexes

(en millions d’euros)

Budgets

2018

(LFI)

2019

(PLF)

Contrôle et exploitation aériens

Ressources

2 127

2 115

Charges

2 132

2 121

Solde

– 4

– 6

Publications officielles et information administrative

Ressources

186

178

Charges

173

166

Solde

+ 13

+ 12

Solde de lensemble des budgets annexes

+ 8

+ 6

Source : présent PLF.

Solde des comptes spéciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2018

(LFI)

2019

(PLF)

Comptes d’affectation spéciale

Recettes

77 662

82 851

Charges

75 581

81 335

Solde

+ 2 080

+ 1 517

Comptes de concours financiers

Recettes

128 225

126 251

Charges

129 392

127 253

Solde

– 1 167

– 1 002

Solde des comptes de commerce

+ 45

+ 46

Solde des comptes d’opérations monétaires

+ 62

+ 79

Solde de lensemble des comptes spéciaux

+ 1 021

+ 639

Source : présent PLF.

autorisation des découverts des comptes spéciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2018

(LFI)

2019

(PLF)

Comptes de commerce

19 880,8

19 860,8

Comptes d’opérations monétaires

250,0

250

Source : présent PLF.

Liste des budgets annexes du plf 2019

Contrôle et exploitation aériens

Publications officielles et informations administratives

Liste des comptes d’affectation spéciale du plf 2019

Aide à l’acquisition de véhicules propres

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Développement agricole et rural

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Participation de la France au désendettement de la Grèce

Participations financières de l’État

Pensions

Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Transition énergétique

Liste des comptes de concours financiers du plf 2019

Accords monétaires internationaux

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Avances à l’audiovisuel public

Avances aux collectivités territoriales

Prêts à des États étrangers

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Liste des comptes de commerce du plf 2019

Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires

Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire

Couverture des risques financiers de l’État

Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État

Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État

Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés

Opérations commerciales des domaines

Régie industrielle des établissements pénitentiaires

Renouvellement des concessions hydrauliques

Soutien financier au commerce extérieur

Liste des comptes d’opérations monétaires du plf 2019

Émission des monnaies métalliques

Opérations avec le Fonds monétaire international

Pertes et bénéfices de change

*

*     *

La commission adopte larticle 30 sans modification.

*

*     *


Article 31
Modification du produit affecté au compte daffectation spéciale Contrôle
de la circulation et du stationnement routiers et financement du fonds destiné
à la prise en charge des accidentés de la route

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie les règles relatives aux recettes du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers en relevant de 32,1 millions d’euros le plafond de recettes affectées issues du produit des amendes forfaitaires provenant des radars automatisés routiers.

Il institue également une affectation de recettes – issues du produit de ces mêmes amendes – de 26 millions d’euros au bénéfice du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP).

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 48 de la loi de finances pour 2018 a relevé de 58,85 millions d’euros le plafond de recettes affectées au CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers issues du produit des amendes forfaitaires provenant des radars automatisés routiers.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le I du présent article porte de 477,85 à 509,95 millions d’euros le plafond de recettes du compte CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers – ci-après CAS Radar – au titre des amendes forfaitaires issues du système de contrôle-sanction automatisé (les radars automatisés routiers), soit une hausse de 32,1 millions d’euros.

Parallèlement, il affecte ce surplus de recettes à la première section du CAS – la section Contrôle automatisé –, en augmentant son plafond de recettes du même montant, soit 32,1 millions d’euros, pour le porter à 339,95 millions d’euros au lieu de 307,85 millions d’euros précédemment.

Plafond de recettes par section du CAS Radar en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques
de contrôle et sanction

(en millions d’euros)

Évolution juridique

Plafond de recettes global

 

(A= B +C)

 

 

 

 

Plafond de recettes de la 1ère section Contrôle automatisé

(B)

Plafond de recettes de la 2e section Circulation et stationnement routiers

(C)

État du droit

477,85

307,85

170

Droit proposé

509,95

339,95

170

Variation

+ 32,1

+ 32,1

0

Source : présent article.

Le II du présent article prévoit une affectation de recettes – issues des amendes forfaitaires en provenance des radars automatisés routiers – de 26 millions d’euros au bénéfice du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP).

Le présent article relève du domaine exclusif des lois de finances (articles 19, 21 et 34 de la loi organique relative aux lois de finances ([478])).

I.   l’État du droit

A.   Le fonctionnement du cas Radar

Le CAS Radar a été créé par l’article 49 de la loi de finances pour 2006 dans le but d’affecter une partie du produit des amendes de la circulation à des actions de sécurité routière ([479]).

Exécution budgétaire du CAS Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers depuis sa création

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Résultat

Amendes forfaitaires du

système

de contrôle-sanction automatisé

autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la police de la circulation

Total

Dépenses de sécurité routière

(programmes 751, 752, 753 et 754)

Contribution

au dés-

endettement

(programme 755)

Total

2006

140,0

0

140,0

84,0

0

84,0

56,0

2007

140,0

0

140,0

109,6

0

109,6

30,4

2008

194,0

0

194,0

157,1

0

157,1

36,9

2009

212,1

0

212,1

180,1

0

180,1

31,9

2010

212,1

0

212,1

200,3

0

200,3

11,7

2011

358,0

942,9

1 300,9

321,7

362,2

683,9

617,0

2012

352,0

944,1

1 296,1

916,8

458,6

1 375,4

 79,3

2013

409,0

973,9

1 382,9

868,5

446,6

1 315,1

67,8

2014

409,0

907,0

1 316,0

918,1

414,8

1 332,9

 16,9

2015

409,0

919,7

1 328,7

874,5

411,1

1 285,6

43,1

2016

409,0

1 012,4

1 421,4

901,5

440,5

1 342,0

79,4

2017

419,0

1 108,7

1 527,7

923,5

438,8

1 362,3

165,4

2006-2017

3 663,2

6 808,7

10 471,9

6 455,7

2 972,6

9 428,3

1 043,6

Source : lois de règlement du budget des années 2006 à 2017.

Le solde créditeur reporté du CAS Radar, tel qu’il résulte de la loi de règlement du budget de l’exercice 2017 ([480]), s’élève à 1,04 milliard d’euros.

Ce solde reporté devrait rester stable en 2018.

prévision budgétaire actualisée du CAS Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers pour 2018*

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Résultat

Amendes forfaitaires du système de contrôle-sanction automatisé

Autres amendes de la police de la circulation

Total

Dépenses de sécurité routière

(programmes 751, 753 et 754)

Contribution au désendettement

(programme 755)

Total

478

859

1337

851

487

1337

0

* Les données présentées sont celles de la loi de finances initiale pour 2018 et ne tiennent pas compte des dernières remontées comptables en raison de la volatilité infra annuelle des recettes.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

Les recettes et les dépenses du CAS Radar sont ventilées au sein de deux sections, l’une dénommée Contrôle automatisé, l’autre Circulation et stationnement routiers.

La première section finance l’installation et l’entretien des radars ainsi que la gestion du système de permis à points. La seconde participe au financement de la généralisation du procès-verbal électronique et d’opérations visant à améliorer la sécurité routière. Elle contribue également au désendettement de l’État via un programme spécifique dont les dépenses sont reversées au budget général.

Le tableau qui suit récapitule les recettes et les dépenses sur chacune des sections du CAS Radar telles qu’elles ont été constatées en 2017 et telles qu’elles sont prévues pour 2018.

Ventilation des recettes et des dÉpenses au sein des deux sections
du Compte d’affectation spÉciale Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers

(en millions d’euros)

Année

Recettes / Programmes budgétaires du CAS

1ère section

Contrôle automatisé

2e section

Circulation et stationnement routiers

2017

(loi de règlement)

Recettes Amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction

249

170

Recettes Autres amendes de la police de la circulation

– 

1 108,7

Total des recettes 2017 par section

249

1 278,7

programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière

227,8

programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

26,2

programme 754 Contribution à léquipement des collectivités territoriales pour lamélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

669,5

programme 755 Contribution au désendettement

438,8

Total des dépenses 2017 par section

227,8

1 134,6

2018

Prévision actualisée

Recettes Amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction 

307,8

170

Recettes Autres amendes de la police de la circulation

859,3

Total des recettes 2018 par section

307,8

1 029,3

programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière

307,8

programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

26,2

programme 754 Contribution à léquipement des collectivités territoriales pour lamélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

516,6

programme 755 Contribution au désendettement

486,6

Total des dépenses 2018 par section

307,8

1 029,3

Source : rapports annuels de performances et réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

1.   Les recettes du CAS Radar

En recettes, le CAS Radar est alimenté par une fraction du produit des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatisés de contrôle-sanction (les radars automatisés routiers), ainsi que par une fraction non plafonnée du produit des autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la police de la circulation.

Le tableau qui suit récapitule les règles de ventilation des recettes du CAS Radar.

Ventilation des recettes au sein des deux sections
du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Recettes du CAS

Recettes 1ère section

Contrôle automatisé

Recettes 2e section

Circulation et stationnement routiers

Amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction 

307,85 millions d’euros

170 millions d’euros

Autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la police de la circulation 

Totalité sous déduction d’une fraction de 45 millions d’euros attribuée au budget général

Source : article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

a.   Le produit des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction

Le produit des amendes forfaitaires issues des radars automatisés est affecté au CAS Radar dans la limite de 477,85 millions d’euros.

Ce plafond de recettes était à l’origine de 140 millions d’euros, avant d’être porté à 194 millions d’euros en 2008, 212,1 millions d’euros en 2009, 358 millions d’euros en 2011, 352 millions d’euros en 2012, 409 millions d’euros en 2013, 419 millions d’euros en 2017, puis 477,85 millions d’euros en 2018.

Actuellement, la fraction de recettes issues des amendes forfaitaires issues des radars automatisés est ventilée à hauteur de 307,85 millions d’euros au sein de la première section Contrôle automatisé, et à hauteur de 170 millions d’euros au sein de la deuxième section Circulation et stationnement routiers.

Le solde de ce produit est affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Il s’ensuit que les relèvements successifs du plafond de recettes affectées au CAS Radar est censé pénaliser l’AFITF. Toutefois, la dynamique du produit des amendes issues des radars automatisés est telle qu’en pratique, le solde revenant à l’AFITF n’a cessé de progresser au cours des dernières années.

Affectation des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction

(en millions deuros)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018*

 

2019

(PLF)

 

Rendement total

579,3

611,7

642,2

736,0

824,5

927,8

1 036,0

CAS Radar 1ère section

239,0

239,0

239,0

239,0

249,0

307,8

340,0

CAS Radar 2e section

170,0

170,0

170,0

170,0

170,0

170,0

170,0

Sous-total CAS RADAR

409,0

409,0

409,0

409,0

419,0

477,8

510,0

AFITF

170,3

202,7

233,2

333,0

405,5

450,0

500,0

* prévision actualisée.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

b.   Le produit des autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées
de la police de la circulation

Le produit des autres amendes de la police de la circulation, minoré d’une fraction de 45 millions d’euros revenant au budget général de l’État, est affecté au CAS Radar.

Affectation des autres amendes forfaitaires et des amendes forfaitaires majorées de la police de la circulation

(en millions d’euros)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018(2)

2019

(PLF)

Rendement total

1 018,9

952,0

964,7

1 057,4

1 153,7

904,3 (3)

831,7(3)

CAS Radar 2e section

973,9

907,0

919,7

1 012,4

1 108,7

859,3

786,7

Fonds emprunts toxiques

FIPD (1)

45

45

45

Budget général

45

45

45

45

(1) Fonds interministériel de la prévention de la délinquance.

(2) prévision actualisée.

(3) La baisse du rendement s’explique par la décentralisation et la dépénalisation du stationnement payant et la mise en place d’un forfait post-stationnement en remplacement des amendes.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

2.   Les dépenses du CAS Radar

a.   La répartition des dépenses par programme et par section

Le CAS Radar prend en charge des dépenses afférentes à la politique de sécurité routière, réparties sur trois programmes budgétaires, et contribue au désendettement de l’État au titre d’un quatrième programme budgétaire.

La première section Contrôle automatisé comprend un seul programme budgétaire, le programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière, qui finance l’installation et l’entretien des radars et la gestion du système de permis à points.

La deuxième section Circulation et stationnement routiers comprend les trois autres programmes. Deux contribuent à la politique de sécurité routière : le programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers, qui porte des crédits destinés à la généralisation du procès-verbal électronique aux collectivités locales, et le programme 754 Contribution à léquipement des collectivités territoriales pour lamélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières, qui participe au financement d’opérations destinées à rendre plus sûrs la circulation et les transports en commun.

Enfin, les dépenses du programme 755 Contribution au désendettement de lÉtat sont affectées au budget général de l’État en recettes non fiscales.

b.   Des dépenses majoritairement consacrées à la sécurité routière

La création du CAS Radar reposait sur la volonté de faciliter la compréhension de la politique de sanction aux infractions au code de la route. En substance, les recettes en provenance des amendes de la circulation, et en particulier des radars routiers, devaient prioritairement être affectées à des dépenses en vue de renforcer la sécurité routière. Dans les faits, moins de 62 % des recettes du CAS Radar ont été affectées à des actions de sécurité routière et environ 38 % ont servi à améliorer le solde budgétaire de l’État.

Utilisation des recettes du CAS Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers depuis sa création

Recettes et dépenses

Recettes

Dépenses

de sécurité routière

Contribution

au désendettement

de lÉtat

Solde

reporté

En millions deuros

10 471,9

6 455,7

2 972,6

1 043,4

En % des recettes

100

61,7

28,4

10,0

Source : calculs commission des finances sur la base des rapports annuels de performances annexés aux lois de règlement du budget des années 2006 à 2017.

B.   Le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP)

Le FMESPP a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ([481]). Les missions et le champ d’intervention du fonds sont définis par le décret n° 2013-1217 du 23 décembre 2013.

Il a pour objet le financement d’opérations d’investissements immobiliers et mobiliers, d’acquisitions d’équipements matériels lourds, d’opérations concourant au développement des systèmes d’information et des opérations concourant à la réorganisation de l’offre de soins.

Il joue à ce titre un rôle de levier dans la modernisation de l’offre de soins par le caractère ponctuel des financements qu’il apporte ([482]).

Il est financé par une participation des régimes obligatoires d’assurance maladie, dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale. La gestion comptable est assurée par la Caisse des dépôts et consignations.

Le I de l’article 73 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([483]) a fixé le montant de la participation des régimes obligatoires d’assurance maladie à 448,7 millions d’euros.

Depuis 2012, le FMESPP s’est recentré sur le financement de dépenses d’investissement des établissements de santé. Ces financements recouvrent principalement des opérations d’investissements immobiliers, essentiellement dans le cadre du Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins (COPERMO), et matériels, tels que le développement et la modernisation des systèmes d’information.

D’autres financements sont néanmoins à signaler, parmi lesquels :

– ma montée en charge du financement du programme SI SAMU piloté par l’ASIP Santé dont l’objectif est de doter les SAMU d’un système d’information national capable de répondre aux urgences quotidiennes et à une crise sanitaire grave ;

– et la subvention de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), qui concerne les missions de conception des modalités de financement des activités de soins des établissements de santé et de conduite des expérimentations.

En outre, depuis le 1er janvier 2014, la rémunération de tous les établissements participant aux études nationales de coûts est également assurée par l’ATIH et financée via le FMESPP.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

C.   Le renforcement de la prévention et de lutte contre l’insécurité routière

1.   État des lieux de l’insécurité routière en France

Il ressort du dernier rapport de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière ([484]) que, malgré une baisse du nombre de personnes tuées en 2017 (3 684 décès au lieu de 3 738 en 2016), le nombre de blessés repart fortement à la hausse avec 76 840 personnes blessées, au lieu de 75 830 en 2016. L’essentiel de la mortalité routière se concentre sur des routes hors agglomération et hors autoroute (2 156 décès). La vitesse excessive ou inadaptée est la première cause d’accidents mortels selon les forces de l’ordre (citée dans 30 % des cas).

Toujours selon ce rapport, en 2017, le coût des accidents corporels s’établirait à 39,7 milliards dont :

− 11,3 milliards d’euros au titre de la mortalité ;

− 23,1 milliards d’euros au titre des hospitalisations ;

− 4 milliards d’euros pour les victimes légères ;

− et 1,2 milliard d’euros pour les dégâts matériels.

2.    Conclusions du comité interministériel de la sécurité routière (CISR)

Le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) fixe les grandes orientations de la politique du gouvernement et les actions prioritaires.

a.   Le CISR du 2 octobre 2015

Le CISR du 2 octobre 2015 a fixé comme objectif de réduire la mortalité routière à moins de 2 000 personnes tuées sur les routes de métropole à l’horizon 2020. À ce titre, il a notamment conclu à la nécessité de renforcer les contrôles automatisés de la vitesse par une modernisation des radars et une externalisation de la conduite des véhicules dotés de systèmes de contrôle embarqués.

Cette nouvelle stratégie radars repose sur les mesures principales suivantes :

– porter le parc de radars à 4 700 équipements d’ici fin 2018 ;

– multiplier par quatre le nombre des zones sécurisées par des dispositifs de contrôle automatisé, en installant notamment des radars « leurres » (il s’agit de créer des zones de contrôle de la vitesse, toujours signalées par un panneau, au sein desquelles des radars seront susceptibles d’être ou non présents) ;

– augmenter, au sein du parc, la proportion des radars autonomes déplaçables ;

– externaliser la conduite des véhicules radars afin d’augmenter le temps d’utilisation quotidien effectif de ces dispositifs qui, inférieur à deux heures par jour auparavant, doit ainsi atteindre six heures dans un premier temps, puis huit heures en cible.

Selon l’étude d’impact, en 2018, « plus de 100 équipements de ce type devraient être fonctionnels ; à termes, près de 400 véhicules seront conduits à lannée » par des prestataires avec des radars embarqués.

La mise en œuvre de ces décisions nécessite de nouveaux moyens pour les programmes budgétaires du CAS Radar.

Ces nouveaux moyens doivent permettre de financer le déploiement des nouveaux dispositifs de contrôle, qu’il s’agisse des radars discriminants, des radars mobiles de nouvelle génération et des véhicules dans lesquels ils sont installés, ou de radars déplaçables. La modernisation du parc est notamment assurée par la mise en double-face de radars discriminants qui se poursuit en 2019 pour atteindre 600 équipements, selon les renseignements recueillis par le Rapporteur général auprès du Gouvernement. Ce sont également 200 cabines leurres multifonctions qui seront déployées en 2019 en remplacement des radars feux rouges.

L’externalisation de la conduite des voitures radars sera en vigueur dans quatre régions d’ici la fin de l’année 2018. Pour 2019, il est prévu que trois régions supplémentaires en soient bénéficiaires.

b.   Le CISR du 9 janvier 2018

Par ailleurs, le CISR du 9 janvier 2018 a retenu dix-huit mesures fortes pour mieux prévenir et lutter contre l’insécurité routière dont :

– la baisse de la vitesse maximale sur les routes à double sens sans séparateur central situées hors agglomération ; cette mesure a été mise en œuvre à compter du 1er juillet 2018 par un décret du 15 juin 2018 ([485]) ;

– et la création un fonds d’investissement pour la modernisation des structures sanitaires et médicosociales destinées à la prise en charge des accidentés de la route.

Ce fonds doit être doté de l’intégralité du surplus des recettes perçues par l’État lié à l’abaissement de la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central situées hors agglomération. Ce surplus de recettes est estimé à 26 millions d’euros par le Gouvernement, avec une hypothèse d’un doublement du nombre d’infractions enregistrées par les 620 radars fixes et 160 radars mobiles situés sur les routes concernées.

La mise en œuvre de cette dernière mesure nécessite de prévoir dans la loi une affectation partielle des recettes issues des amendes de la circulation à un tel fonds.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   L’affectation au cas radar de 32,1 millions d’euros supplémentaires provenant des amendes forfaitaires des radars automatisés routiers

Le I du présent article modifie les dispositions relatives aux recettes du CAS Radar.

Le dispositif proposé consiste à augmenter de 32,1 millions d’euros les recettes de la section Contrôle automatisé du CAS Radar en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction.

Pour ne pas affecter la section Circulation et stationnement routiers, il est également prévu de relever de 32,1 millions d’euros le plafond global de recettes en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction.

Le plafond global est ainsi relevé à 509,95 millions deuros au lieu de 477,85 millions deuros en létat du droit tandis que le plafond de la première section passe de 307,85 à 339,95 millions deuros. Le plafond de la seconde section est maintenu à 170 millions deuros.

Plafond de recettes par section du CAS Radar en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques
de contrôle et sanction

(en millions d’euros)

Évolution juridique

Plafond de recettes en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction (A= B +C)

Plafond de la 1ère section Contrôle automatisé (B)

Plafond de la 2e section Circulation et stationnement routiers (C)

État du droit

477,85

307,85

170

Droit proposé

509,95

339,95

170

Source : présent article.

Le relèvement du plafond de recettes a pour objet de permettre la mise en œuvre des décisions du CISR du 2 octobre 2015.

Le solde reporté du CAS Radar est pourtant de 1,04 milliard d’euros au 31 décembre 2017 et permettait donc largement de faire face à une dépense supplémentaire de 32,1 millions pour moderniser et externaliser certains radars. Le solde reporté correspond, en effet, à environ 32 années des besoins de financement auxquels le présent article répond.

Toutefois, comme l’an dernier, par souci de lisibilité et de transparence, le Gouvernement souhaite que la section Contrôle automatisé du CAS Radar soit votée à l’équilibre, voire en excédent, indépendamment du solde créditeur reporté. Selon lui, cela permet d’assurer la cohérence entre, d’une part, la fraction du produit des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction affectée à cette section et, d’autre part, les dépenses qui sont inscrites sur les programmes de cette section.

prévision budgétaire du CAS Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers pour 2019

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Résultat

Amendes forfaitaires du système de contrôle-sanction automatisé

Autres amendes de la police de la circulation

Total

Dépenses de sécurité routière

(programmes 751, 753 et 754)

Contribution au désendettement

(programme 755)

Total

510

787

1297

844

452

1297

0

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

Par ailleurs, le présent PLF prévoit d’affecter 339,95 millions d’euros de crédits de paiement au programme 751, soit le montant des recettes de la première section.

La deuxième section est également équilibrée. En recettes, outre les 170 millions d’euros en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction, elle doit percevoir 786,7 millions du produit d’autres amendes la police de la circulation, soit au total 956,7 millions d’euros. En dépenses, les crédits de paiement affectés à des programmes de sécurité routière s’élèvent à 504,26 millions d’euros. Le solde, soit 452,44 millions d’euros, est affecté au désendettement de l’État sous forme de recettes non fiscales du budget général.

Ventilation pour 2019 des recettes et des dépenses au sein des deux sections du CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

(en millions d’euros)

Recettes / Programmes budgétaires du CAS

1ère section

Contrôle automatisé

2e section

Circulation et stationnement routiers

Recettes Amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction 

339,95

170

Recettes Autres amendes de la police de la circulation

– 

786,70

Total des recettes 2019 par section

339,95

956,70

programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière

339,95

programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

26,20

programme 754 Contribution à léquipement des collectivités territoriales pour lamélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

478,07

programme 755 Contribution au désendettement

452,44

Total des dépenses 2019 par section

339,95

956,70

Source : présent PLF et réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

B.   Une affectation de 26 millions deuros au bénéfice du fonds destiné à la prise en charge des accidentés de la route

Le II du présent article prévoit une affectation d’une fraction de recettes issues des amendes forfaitaires en provenance des radars automatisés pour permettre la mise en œuvre des décisions du CISR du 9 janvier 2018.

La fraction de recettes affectée est de 26 millions d’euros, soit le montant estimé du surplus de recettes qui devrait résulter de l’abaissement de la vitesse maximale sur les routes hors agglomération ne disposant pas d’un séparateur central.

Toutefois, le présent article affecte ces recettes au FMESPP et non à un nouveau fonds dédié à l’investissement pour la modernisation des structures sanitaires et médicosociales destinées à la prise en charge des accidentés de la route.

La création d’un nouveau fonds n’est plus jugé nécessaire dans la mesure où le FMESPP a pour objet de financer des investissements qui peuvent améliorer la prise en charge des accidentés de la route.

C.   Limpact sur lAgence de financement des infrastructures de transport de France

En première approche, le relèvement du plafond de recettes du CAS et l’affectation au FMESPP d’une fraction des amendes forfaitaires issues des radars automatisés routiers pourrait pénaliser l’AFITF.

En effet, cette dernière perçoit le solde du produit des amendes forfaitaires des radars automatisés. À recettes et droit constants, la fraction des amendes revenant à l’AFITF devrait diminuer de 58,1 millions d’euros pour 2019 (32,1 millions d’euros au titre du relèvement du plafond de recettes du CAS Radar et 26 millions d’euros au titre de l’affectation au FMESPP).

Dans l’exposé général du présent PLF, le Gouvernement indique cependant que le budget de l’AFITF sera en augmentation de 100 millions d’euros en 2018 et de 150 millions d’euros en 2019 par rapport à 2017 pour permettre l’entretien et de la régénération du réseau routier national non concédé et du réseau fluvial.

Il est notamment à prévoir que la « dynamique des recettes du contrôle automatisé » devrait compenser cette diminution et permettre le maintien des moyens budgétaires alloués à l’AFITF.

Ainsi il est prévu que l’AFITF bénéficie à ce titre d’une recette de 500 millions d’euros en 2019 au lieu de 450 millions d’euros en 2018.

Le produit des amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la circulation, d’un montant global de 1,87 milliard d’euros, devrait ainsi faire l’objet des affectations suivantes pour 2019 :

– 500 millions d’euros pour l’AFITF ;

– 1,3 milliard d’euros pour le CAS Radar dont 339,95 millions d’euros pour la première section (au lieu de 307,85 millions d’euros en l’état du droit) et 956,7 millions d’euros pour la deuxième section ;

– et 45 millions d’euros pour le budget général.

Affectation du produit des amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la police de la circulation pour 2019

(en millions d’euros)

Produit global des amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la circulation

 

1 868

 

Amendes forfaitaires des radars automatisés

Autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées

 

1 036

 

832

 

AFITF

CAS Radar

1ère section

CAS Radar

2e section

Budget général

500

339,95

170

786,70

45

956,70

 

Total CAS Radar

 

1296,65

 

Source : projet annuel de performances et réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

*

*     *

La commission examine lamendement I-CF1039 de M. Benoit Simian.

M. Benoit Simian. Les recettes de radars étant très dynamiques – nous le savons tous pour en faire parfois les frais –, cet amendement vise à en affecter une part, à hauteur de 30 millions d’euros, au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Il s’agit de développer les transports du quotidien et d’honorer les contrats de plan État-régions. C’est un amendement de bon sens.

M. le président Éric Woerth. Puisque nous parlons de radars, je vous informe que nous sommes à plus de 80 amendements à l’heure !

M. le Rapporteur général suppléant. Je comprends l’objet de votre amendement, mais les ressources de l’AFITF sont préservées. Je ne vois donc pas la nécessité d’un tel transfert. Aussi vais-je vous suggérer de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Benoit Simian. Je le maintiens, car je rêve que le transport paie le transport...

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 31 sans modification.

*

*     *

Article 32
Modification des recettes des comptes daffectation spéciale Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs et Transition énergétique

Résumé du dispositif et effets principaux

Le I du présent article porte de 141,2 à 117,2 millions d’euros le montant de la fraction de la taxe d’aménagement du territoire affectée au CAS Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs (ci-après « CAS TET »).

Le II du présent article porte de 7 166 317 223 euros à 7 246 400 000 euros le montant de la fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée au CAS Transition énergétique (CAS TE).

Dernières modifications législatives intervenues

Concernant le CAS TET

L’article 49 de la loi de finances pour 2018 a porté de 42 à 141,2 millions d’euros le montant de la fraction de la taxe d’aménagement du territoire affectée au CAS TET.

Concernant le CAS TE

L’article 50 de la loi de finances pour 2018 a modifié le fonctionnement du CAS TE.

Il a affecté en recettes :

– une fraction de 7 166 317 223 euros du produit de la TICPE ;

– une fraction d’un million d’euros du produit de la taxe intérieure de consommation sur les houilles, les lignites et les cokes (TICC) ;

– et les revenus, nets de frais, tirés de la mise aux enchères des garanties d’origine.

Il a élargi les dépenses :

– aux dépenses relatives à la préparation et la mise en œuvre des procédures de mise en concurrence concernant l’implantation d’installations produisant de l’électricité à partir d’une source d’énergie renouvelable ;

– et aux versements au profit des gestionnaires des réseaux publics d’électricité pour des projets d’interconnexion et pour un montant maximum cumulé de 42 millions d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement présenté par le Rapporteur général prévoyant que les compensations prises en charge par le CAS TET soient versées « après service fait ». Autrement dit, par cet amendement, la commission a rappelé que les compensations de l’État pour l’exploitation des TET n’ont pas vocation à être versées à la SNCF lorsque les trains n’ont pas circulé.


I.   Le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs

A.   l’état du droit

1.   Le fonctionnement du compte

Depuis 2011, SNCF Mobilités exploite les trains d’équilibre du territoire (TET) en contrepartie du versement d’une compensation.

Les trains déquilibre du territoire

Les trains d’équilibre du territoire (TET) sont exploités par la SNCF en contrepartie d’une compensation versée par les pouvoirs publics. L’État est l’autorité organisatrice des TET.

Les TET assurent un service de grandes lignes rapide entre les principales villes françaises non reliées par la grande vitesse. Ils permettent également le désenclavement des territoires sur des liaisons interrégionales province-province. Enfin, ils participent à l’amélioration des déplacements pendulaires dans le grand bassin parisien. Il s’agit de trains de moyenne et de longue distance qui assurent des missions d’intérêt national.

Depuis le 2 janvier 2012, l’ensemble de ces lignes sont exploitées sous la dénomination « Intercités », ce qui a conduit à la disparition des marques « Corail », « Téoz » et « Lunéa ».

Le CAS Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs (ci-après « CAS TET ») a été créé par l’article 65 de la loi de finances pour 2011 ([486]), afin de permettre le paiement de la compensation due à la SNCF pour l’exploitation des TET.

Le CAS fonctionne de la manière suivante :

– en recettes, il est alimenté par une fraction du produit de la taxe d’aménagement du territoire (TAT), par le produit de la contribution de solidarité territoriale (CST) et par le produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) ;

– en dépenses, il supporte la contribution versée par l’État visant à compenser le déficit d’exploitation des TET.

a.   Les recettes du CAS TET

i.   La taxe d’aménagement du territoire

La TAT a été instituée par la loi de finances pour 1995 ([487]). Elle est codifiée à l’article 302 bis ZB du CGI.

Cette taxe est due par les concessionnaires d’autoroutes à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers. Le tarif de la taxe est fixé à 7,32 euros par 1 000 kilomètres parcourus.

Le produit de la taxe est affecté :

– à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) dans la limite d’un plafond de 476,8 millions d’euros (article 46 de la loi de finances pour 2012 ([488])) ;

– et au CAS TET dans la limite d’un plafond fixé à 141,2 millions depuis 2018 d’euros ([489]).

L’objectif de la TAT est de faire contribuer les usagers des autoroutes au financement des modes alternatifs de transport.

Affectation du produit de la taxe daménagement du territoire depuis 2012

(en millions deuros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

prévision

Rendement total TAT

575,7

578,6

595,3

610,8

631,1

645,3

618,0

Affectation budget général

0,0

0,0

0,0

30,8

32,1

32,3*

0,0

Affectation CAS TET

35,0

35,0

19,0

19,0

84,0

92

141,2

Affectation AFITF

535,2

538,2

570,5

555,4

509,9

515,8

472

Frais DGFIP

5,4

5,4

5,8

5,6

5,2

5,2

4,8

* en 2017 le solde de TAT qui devait revenir au profit du budget général (32,3 M€) n’a en réalité été comptabilisé que début 2018.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

Il est à noter que des frais de recouvrement de 1 % sont appliqués par la DGFIP et viennent réduire les montants effectifs perçus par l’AFITF par rapport au plafond voté en loi de finances. Les montants indiqués pour l’AFITF sont nets de ces frais dans le tableau ci-dessus, il convient donc de les ajouter pour obtenir le rendement total de la TAT.

ii.   La contribution de solidarité territoriale

La CST a été instituée, en même temps que le CAS TET, par l’article 65 de la loi de finances pour 2011 précité. Son régime est codifié à l’article 302 bis ZC du CGI.

La taxe est due par les entreprises de transport ferroviaire. Elle est assise sur le montant total – hors TVA et déduction faite des contributions versées par l’État en compensation des tarifs sociaux et conventionnés – du chiffre d’affaires afférent aux opérations situées dans le champ d’application de la TVA réalisée au titre des prestations de transport ferroviaire de voyageurs, et des prestations commerciales qui leur sont directement liées, effectuées entre deux gares du réseau ferré national.

Le taux de la taxe, compris entre 1,5 % et 5 %, est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement des transports, de l’économie et du budget ([490]).

Évolution du taux de la contribution de solidarité
territoriale depuis 2011

Année

Taux

2011

2,279 %

2012

2,888 %

2013

1,905 %

2014

1,944 %

2015

1,994212 %

2016

2,06805 %

2017

0,943 %

2018

0,34213 %

Source : arrêtés fixant le taux de la contribution de solidarité territoriale du 13 avril 2011, du 17 septembre 2012, du 28 juin 2013, du 22 octobre 2014, du 31 août 2015, du 30 décembre 2016, du 29 décembre 2017 et du 28 août 2018.

En pratique, pour obtenir le montant adopté en loi de finances, le taux de la taxe est fixé en fonction de l’assiette déclarée.

Dans le cadre de la réforme du financement des TET, l’État s’est engagé à diminuer le niveau de la CST. Son rendement devrait être de 40 millions d’euros au titre de l’année 2017 et de 16 millions d’euros à partir de 2018. La baisse de la CST permet d’alléger la fiscalité pesant sur l’activité TGV de la SNCF puisque celle-ci reste, à ce jour et sur ce segment de son activité, en situation de monopole.

produit de la contribution de solidarité territoriale
depuis sa création en 2011

(en millions deuros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Rendement

105,8

135

90

90,1

90,1

0*

90

56

Pour lannée 2016, larrêté na été publié que le 31 décembre au Journal officiel si bien que la perception du produit a été décalée à lexercice 2017. Le rendement de la taxe, qui était de 90,1 millions deuros en 2015, a donc été nul en 2016.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

iii.   La taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF)

La TREF a également été instituée par l’article 65 de la loi de finances pour 2011. Elle est codifiée à l’article 235 ter ZF du CGI.

Elle n’est due que par les entreprises de transport ferroviaire qui sont redevables de la CST sur une assiette d’un montant supérieur à 300 millions d’euros. Cette taxe ne concerne aujourd’hui que la SNCF. Le seuil de 300 millions d’euros a été prévu dans la perspective de l’ouverture à la concurrence pour protéger, le moment venu ou le cas échéant, les nouveaux entrants.

La taxe est assise sur le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés. Le taux de la taxe, compris entre 5 % et 25 %, est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement des transports, de l’économie et du budget ([491]). Le montant de la taxe est actuellement plafonné à 226 millions d’euros.

Évolution du taux et du plafond de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires depuis 2011

Année

Taux
(en %)

Plafond de la TREF

(en millions deuros)

2011

13

75

2012

24,5

155

2013

30,65

200

2014

30,65

200

2015

12,68

200

2016

9,613

226

2017

13,9971

226

2018

11,39852

226

Source : arrêtés fixant le taux de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires du 29 juillet 2011, du 17 septembre 2012, du 28 juin 2013, du 22 octobre 2014, du 31 août 2015, du 30 décembre 2016, du 30 décembre 2017 et du 28 août 2018.

En pratique, pour obtenir le montant voté en loi de finances, le taux de la taxe est fixé en fonction de l’assiette déclarée.

Le rendement de la TREF a toujours atteint le plafond fixé, sauf en 2014 et 2016.

produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires
depuis sa création en 2011

(en millions deuros)

Année

2011

2012

2013 (1)

2014

2015

2016 (2)

2017

2018

Rendement

75,0

155,0

200,0

0,0

400,0

0

226

452

(1) Au titre de lexercice fiscal 2013, le résultat imposable à limpôt sur les sociétés de la SNCF était, en effet, déficitaire. Pour faire face à cette situation et garantir léquilibre du compte, une taxe additionnelle à la TREF, pour la seule année 2014, dun montant de 200 millions deuros a été créée et perçue début 2015.

(2) Au titre de lexercice 2016, larrêté fixant le taux na été publié que le 31 décembre au Journal officiel si bien que la perception du produit a été décalée à lexercice 2017

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

b.   Les dépenses du CAS TET

Les dépenses prises en charge par le CAS TET sont :

– les contributions liées à l’exploitation des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l’État (programme 785 Exploitation des services nationaux de transport conventionnés) ;

– les contributions liées au matériel roulant des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l’État (programme 786 Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés) ;

– et les dépenses relatives aux enquêtes de satisfaction sur la qualité de service et aux frais d’études et de missions de conseil juridique, financier ou technique directement liés à l’exercice par l’État de ses responsabilités d’autorité organisatrice des services nationaux de transport conventionnés de voyageurs (crédits répartis, selon leur objet, sur les programmes 785 et 786).

c.   Exécution budgétaire depuis la création du compte

Au 31 décembre 2017, le solde du compte tel que reporté par la loi de règlement s’élevait à 97,3 millions d’euros.

ExÉcution budgÉtaire du CAS TET depuis sa création

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Résultat

Fraction TAT

CST

TREF

Total

2011

35

105,8

75

215,8

175,0

40,8

2012

35

135

155

325,0

325,0

0

2013

35

90

200

325,0

312,0

13,0

2014

19

90,1

0

109,1

114,0

 4,9

2015

19

90,1

400

509,1

532,6

 23,6

2016

84

0

0

84,0

19,4*

64,6

2017

92

90

226

408,0

400,6

+ 7,4

2011-2017

319

601

1 056

1 976,0

1 478,1

97,3

* Le faible montant des dépenses en 2016 sexplique par le fait que le paiement des compensations était suspendu à la signature dune nouvelle convention dexploitation.

Source : lois de règlement du budget des années 2011 à 2016.

En loi de finances initiale, les recettes et les dépenses du CAS TET ont été prévues à léquilibre à 383,2 millions deuros Les prévisions actualisées font apparaître un résultat déficitaire de 91 millions deuros, ce qui sexplique par le fait que lintégralité de lannuité de compensation pour 2017 de la convention avec SNCF Mobilités a été décaissée en 2018, alors quune partie des recettes (correspondant à la TAT) a été encaissée dès 2017.

Prévision dexécution du CAS Services nationaux de transport conventionnÉs de voyageurs pour 2018

Année

 

Recettes

Dépenses

 

Résultat

 

Fraction TAT

CST

TREF

total

2018

141,2

56

452

649,2

740,2

– 91*

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

Mais l’effort financier fourni par l’État en faveur des TET ne se limite pas à cet aspect. Outre sa participation à des dépenses d’investissement en vue du renouvellement du matériel roulant, l’État prend également en charge la redevance d’accès au réseau à SNCF Réseau pour l’activité TET, pour un montant de 0,53 milliard d’euros par an environ ([492]).

Les dépenses acquittées par l’État au titre de l’exploitation des TET, hors investissement, approchent donc le milliard d’euros par an.

2.   Le besoin de financement du compte pour 2019

Le montant prévisionnel de la compensation est de 359,2 millions pour 2019 dont :

– 270 millions d’euros comme compensation conventionnelle versée à SNCF Mobilités pour l’exploitation des TET, au lieu de 308,5 millions d’euros en 2018 ;

– 88,2 millions d’euros, au lieu de 73,2 millions d’euros en 2018, comme contributions versées par l’État aux régions au titre de sa participation aux coûts d’exploitation des services nationaux de transports de voyageurs conventionnés par les régions à compter de 2017 ;

– et 1 million d’euros, au lieu de 1,5 million d’euros en 2018, pour le financement des études de l’autorité organisatrice.

Il s’ensuit que le besoin de financement du CAS TET est en baisse par rapport à 2018 de 24 millions d’euros. La baisse s’explique notamment pour les efforts de redimensionnement de l’offre de TET et par la reprise du conventionnement de certains TET par les régions.

a.   Le redimensionnement de l’offre de TET

Une commission, composée de parlementaires, d’élus locaux et d’experts a été instituée fin 2014 pour réfléchir à l’avenir des TET et proposer des axes d’amélioration. Présidée par notre ancien collègue Philippe Duron, cette commission, a rendu son rapport le 26 mai 2015 ([493]).

À la suite de la remise du rapport de la commission « TET d’avenir », le Gouvernement a présenté une feuille de route « pour un nouvel avenir des trains déquilibre du territoire » le 7 juillet 2015 ([494]), qui a notamment pour objet de limiter la progression du coût des TET par une adaptation de l’offre aux nouveaux besoins de mobilité.

C’est dans le cadre de cette feuille de route qu’a été mis en œuvre le « déconventionnement » de plusieurs lignes de nuit. L’offre de nuit est ainsi recentrée sur deux lignes d’aménagement du territoire jugées indispensables en raison de l’absence d’une offre alternative suffisante pour les territoires concernés. Les autres lignes de nuit ne seront plus financées par l’État.

Ainsi, l’offre de nuit sur les TET correspond aux deux lignes Paris-Briançon, et Paris-Rodez / Latour de Carol.

En revanche, l’État reste l’autorité organisatrice des lignes de longue distance structurantes au niveau national, à savoir les trois lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille. Dans cette perspective, chacune de ces lignes fera l’objet d’un schéma directeur sous l’égide d’un préfet coordonnateur.

Seront également maintenues sous son autorité au titre de l’aménagement du territoire les trois lignes Nantes-Bordeaux, Toulouse-Hendaye et Nantes-Lyon.

Dans le cadre de sa feuille de route, lÉtat a prévu de continuer à investir pour renouveler le matériel roulant TET sur les lignes dont lÉtat reste autorité organisatrice de manière pérenne comme sur les lignes devant être reprises par les régions.

LÉtat a, dans le cadre de cette réforme, décidé dapporter via lAFITF un soutien très important au renouvellement des matériels roulants des lignes TET. Dans la continuité de la convention de financement de 34 rames neuves Alstom conclue en 2013, pour un montant de 510 millions deuros, une seconde convention de financement de 30 rames neuves Alstom, pour un montant de 362 millions deuros, a ainsi été conclue en 2017.

Un appel doffres spécifique au matériel roulant des lignes TET structurantes (Paris-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille) a en outre été lancé fin 2016. Les résultats devraient être connus à lautomne 2019.

LÉtat sest également engagé, au travers de protocoles conclus avec les régions en 2016 et 2017, à financer le renouvellement du matériel roulant des lignes TET reprises par les Régions, soit à travers la fourniture de rames Alstom neuves acquises via les conventions précédemment citées (10 rames Alstom Régiolis pour la région Hauts-de-France, 3 rames Alstom Régiolis pour la région Centre-Val de Loire, 3 rames Alstom Coradia Liner pour la région Occitanie et 19 rames Coradia Liner pour la région Grand Est), soit à travers des contributions financières, laissant le choix aux régions du matériel le mieux adapté.

Une convention de financement de 40 rames, dun montant de 720 millions deuros, a été conclue à cet effet en novembre 2016 entre lÉtat, lAFITF et la Région Normandie. Des conventions similaires sont en cours de conclusion avec les régions Hauts-de-France (dun montant de 250 millions deuros pour lachat de 19 rames) et Centre-Val de Loire (dun montant de 480 millions deuros pour lachat de 32 rames).

État des lieux des lignes de trains déquilibre du territoire

Ligne de jour

Nombre dallers-retours (AR) par jour

Nombre annuel de voyageurs par km (2016)

Devenir

Paris-Caen-Cherbourg/Trouville-Deauville

6,5 AR Paris-Caen

7 AR Paris-Cherbourg

3 AR Paris-Trouville-Deauville

867 385 091

Lignes reprises par Normandie le 1er janvier 2020

Paris-Évreux-Serquigny

1 AR Paris-Évreux

0,5 AR Paris-Serquigny

5 681 408

Paris-Rouen-Le Havre

11 AR Paris-Rouen

13 AR Paris-Le Havre

713 436 716

Paris-Granville

5 AR Paris-Granville

173 644 792

Caen-Le Mans-Tours

2 AR Caen-Tours

35 700 023

Paris-Amiens-Boulogne

9 AR Paris-Amiens

5 AR Paris-Boulogne

291 247 584

Lignes reprises par Hauts-de-France le 1er janvier 2019

Paris-Saint-Quentin-Maubeuge/Cambrai

5 AR Paris-Saint-Quentin

5 AR Paris-Maubeuge

1 AR Paris-Cambrai

226 776 204

Paris-Nevers

6 AR Paris-Nevers en mixité avec TER

90 631 961

Lignes reprises par Centre-Val de Loire le 1er janvier 2018

Paris-Bourges-Montluçon

2 AR Paris-Bourges

2 AR Paris-Montluçon

145 543 445

Paris-Orléans-Tours

13 Paris-Orléans

4 AR Paris-Tours

433 498 401

Paris-Troyes-Belfort

9 AR Paris-Troyes

4 AR Paris-Belfort

254 392 259

Ligne reprise par Grand-Est le 1er janvier 2018

Clermont-Ferrand-Nîmes

1 AR Clermont-Ferrand-Nîmes

9 182 166

Ligne reprise par Occitanie le 1er janvier 2018

Bordeaux-Lyon

1 AR Bordeaux-Limoges

2 AR / sem. Bordeaux-Ussel

2 AR / sem. Clermont-Ferrand-Lyon

20 527 192

Bordeaux-Limoges et Bordeaux-Ussel reprises par Nouvelle-Aquitaine au 1er janvier 2018

Nantes-Bordeaux

3 AR Nantes-Bordeaux

-1 AR Bordeaux-La Rochelle

137 744 402

Nantes-Bordeaux : périmètre TET ;

Bordeaux-La Rochelle repris par Nouvelle-Aquitaine le 1er janvier 2018

Paris-Clermont-Ferrand

8 AR Paris-Clermont-Ferrand

540 508 420

Périmètre TET de lÉtat

Paris-Limoges-Toulouse

5 AR Paris-Brive

2 AR Paris-Cahors

3 AR Paris-Toulouse

849 543 332

Bordeaux-Marseille-Nice

5 AR Bordeaux-Marseille

1 AR Bordeaux-Nice

689 491 063

Nantes-Tours-Lyon

2 AR Tours-Lyon prolongés Nantes en PH

83 514 928

Toulouse-Hendaye

3 AR Toulouse-Bayonne

1 AR Toulouse-Hendaye

62 717 567

Clermont-Ferrand-Béziers

1 AR Clermont-Ferrand-Béziers

8 518 632

Périmètre TET de lÉtat, cogéré avec Occitanie en 2017 et 2018.

Décision attendue sur le transfert sur route de cette desserte à partir de 2019

 

Lignes de nuit

Nombre dallers-retours (AR) par jour

Nombre annuel de voyageurs par km (2016)

Devenir

Paris-Briançon/Nice

1 AR Paris-Briançon

1 AR Paris-Nice

243 190 436

Desserte Paris-Nice supprimée en 2018

Paris-Rodez/Latour-de-Carol/Cerbère

1 AR Paris-Rodez

1 AR Paris-Latour-de-Carol

2 AR / sem. Paris-Cerbère

nd

Desserte Paris-cerbère cofinancée par Occitanie jusquen juin 2019. Décision attendue sur la poursuite de cette desserte.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

b.   La reprise du conventionnement de certains TET par les régions

La précédente convention relative à l’exploitation des TET a été conclue entre l’État et la SNCF le 13 décembre 2010. La nouvelle convention, conclue le 27 février 2017, tient compte des préconisations du rapport « Duron » et de la feuille de route du Gouvernement de 2015.

Six accords entre l’État et les régions ont été conclus dans le cadre de la feuille route. Ils prévoient la reprise progressive par les régions de certaines lignes de TET. En contrepartie, il est prévu que l’État verse une participation aux régions.

Après les reprises de plusieurs lignes TET en 2017 et 2018 par les régions Grand Est (Hirson-Metz, Reims-Dijon et Paris-Troyes-Belfort), Centre-Val de Loire (Paris-Montargis-Cosne-Nevers, Paris-Orléans-Tours, Paris-Bourges-Montluçon), Nouvelle Aquitaine (Bordeaux-Ussel, Bordeaux-Limoges et Bordeaux-La Rochelle) et Occitanie (Clermont-Ferrand-Nîmes), l’année 2019 sera marquée par la reprise des lignes Paris-Amiens-Boulogne et Paris-Saint-Quentin-Maubeuge/Cambrai par la région Hauts-de-France au 1er janvier.

Selon les renseignements recueillis par le Rapporteur général auprès du Gouvernement, les compensations prévues pour 2019 sélèvent à 88,2 millions deuros en faveur des régions Grand Est (13 millions deuros), Centre-Val de Loire (49 millions deuros), Nouvelle Aquitaine (6,7 millions deuros), Occitanie (4,5 millions deuros) et Hauts-de-France (15 millions deuros).

Ces contributions sont issues de négociations qui ont notamment tenu compte du déficit actuel des lignes TET reprises par les régions, de la date de ces reprises et du niveau des contributions au titre du matériel roulant négocié dans le même cadre.

B.   le dispositif proposé

Le dispositif proposé permet d’ajuster les recettes du CAS TET au montant des dépenses prévues.

Le I du présent article prévoit de baisser de 24 millions d’euros le produit de la TAT affecté au CAS TET. Le produit de la TAT affecté au CAS TET serait ainsi porté de 141,2 à 117,2 millions d’euros.

Équilibre du CAS Services nationaux de transport conventionnÉs
de voyageurs prÉvu pour 2019

(en millions deuros)

Évolution juridique

Recettes

Dépenses

Résultat

Fraction TAT

CST

TREF

total

2019 état du droit

141,2

16

226

383,2

359,2

24,0

2019 droit proposé

117,2

16

226

359,2

359,2

0

Source : présent PLF.

Il ne remet pas en cause la poursuite des engagements pris par l’État sur la fiscalité applicable au secteur du transport ferroviaire. La CST sera ainsi maintenu à un niveau de 16 millions d’euros en 2019.

La baisse des recettes affectées au CAS TET de 24 millions d’euros permet en contrepartie d’accroître celles du budget général du même montant.

II.   Le compte d’affectation spéciale Transition énergétique

Le Gouvernement n’a pas répondu au questionnaire du Rapporteur général relatif aux modifications apportées par le présent article sur le compte d’affectation spéciale Transition énergétique. Les développements qui suivent s’appuient sur les informations contenues dans les documents budgétaires.

A.   L’état du droit

Le CAS Transition énergétique a été créé par l’article 5 de la loi de finances rectificative pour 2015 ([495]).

1.   Le fonctionnement du compte

ExÉcution budgÉtaire du CAS TE depuis sa création

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Résultat

Fraction TICPE

Fraction

TICFE

Fraction

TICC

Fraction TICGN

Total

2016

4 209,4

24,4

4 233,8

3 936,3

+ 297,5

2017

6 119,7

1,2

6 120,9

6 388,6

+ 29,8

a.   Les recettes du CAS Transition énergétique

En 2016, les recettes du CAS Transition énergétique étaient constituées par une fraction de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN).

La loi de finances pour 2017 ([496]) a supprimé les quotes-parts de TICFE et de TICGN affectées au CAS Transition énergétique au motif que la Commission européenne contestait le lien d’affectation entre les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et leur financement. Dans le même temps, et pour maintenir le niveau de recettes du compte, elle lui a affecté une quote-part du rendement de la TICPE égale à 39,75 % de la part revenant à l’État, ainsi qu’une quote-part du rendement de la TICC à hauteur de 9,09 % de son rendement global.

La loi de finances pour 2018 ([497]) a institué un nouveau mode de fixation des recettes en substituant un montant au pourcentage de la TICC et de la TICPE affecté au CAS Transition énergétique. L’argument avancé pour justifier cette substitution était de pouvoir s’affranchir des aléas de prévisions de rendement de ces taxes.

La fraction de la TICPE affectée au CAS Transition énergétique a ainsi été fixée à 7,166 milliards d’euros au lieu de 39,75 % de la part de l’État dans le rendement global de cet impôt.

De même, la fraction du produit de la TICC affectée au CAS Transition énergétique a été fixée à 1 million d’euros au lieu de 9,09 % de son rendement en l’état du droit.

L’avantage est que le niveau de recettes est calibré pour permettre une couverture des dépenses. Mais ce compte ne bénéficie plus du dynamisme des taxes affectées en lien avec la montée en puissance de la trajectoire carbone.

i.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

La TICPE est régie par les articles 265 et suivants du code des douanes. Elle frappe essentiellement les produits pétroliers.

Son produit est partagé entre l’État, les départements, les régions et l’AFITF. Pour 2018, la part affectée au CAS Transition énergétique est de 7 166 317 223 euros.

Affectation de la TICPE 2017-2019

(en milliards d’euros)

Année

2017

exécution

2018

Prévision d’exécution

2019

Prévision

État budget général

11,1

13,3

17,0

État Cas Transition énergétique

6,1

7,2

7,2

Sous-total État

17,2

20,5

24,2

Départements

6,0

5,9

5,9

Régions (hors part Grenelle)

5,0

5,2

5,2

Régions part Grenelle

0,6

0,6

0,6

Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF)

1,1

1,0

1,2

Total

30,5

33,8

37,7

Source : présent PLF, annexe Évaluations des voies et moyen, tome I.

ii.   La taxe intérieure de consommation sur les houilles, les lignites, et les cokes

La TICC est régie par l’article 266 quinquies B du code des douanes. La taxe est due par le fournisseur de charbon à usage combustible, lors de la livraison au consommateur final.

Son tarif doit évoluer au cours des prochaines années au rythme de la trajectoire carbone prévue par l’article 16 de la loi de finances pour 2018 précitée. Des exonérations et des tarifs réduits sont prévus.

Tarif de la TICC par mégawattheure

(en euros)

2018

2019

2020

2021

2022

14,62

18,02

21,43

24,84

28,25

Source : article 266 quinquies B du code des douanes.

Le rendement de cet impôt est assez faible. Il est intégralement affecté à l’État. La part devant revenir au CAS Transition énergétique en 2018 est de 1 million d’euros de son rendement global, le solde étant affecté au budget général. Son rendement global est évalué à environ 15 millions d’euros dans les annexes au présent projet de loi de finances.

b.   Les dépenses du CAS Transition énergétique

Le CAS Transition énergétique a été créé pour prendre en charge les dépenses de soutien aux énergies renouvelables (programme 764 Soutien à la transition énergétique) et le remboursement à Électricité de France (EDF) du déficit de compensation de ses obligations de service public constaté au cours des années antérieures, ainsi que divers autres engagements financiers (programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique).

i.   Le programme 764 Soutien à la transition énergétique

Les crédits de ce programme ont vocation à financer les compensations versées aux fournisseurs dénergie au titre de charges de service public afférentes au soutien aux énergies renouvelables. Ces dépenses sont donc des dépenses contraintes puisqu’il s’agit de compensations des obligations de rachat de l’énergie produite.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([498]) a créé un nouveau dispositif de soutien aux énergies renouvelables fondé sur la possibilité de vendre directement sur le marché lélectricité produite tout en bénéficiant du versement dune prime, appelée « complément de rémunération ». Les coûts qui résultent du versement de ce « complément de rémunération » font lobjet dune compensation via le programme 764.

ii.   Le programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique

Entre 2009 et 2015, les recettes issues de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) n’ont pas couvert les charges et il en résulte un déficit de compensation, supporté uniquement par EDF.

Les crédits du programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique sont destinés principalement à rembourser la dette de l’État à l’égard d’EDF au titre du déficit de compensation des charges de service public de l’électricité. Le déficit accumulé depuis 2002 s’élève, avec les frais de portage financier, à un montant de 5,8 milliards d’euros.

2.   Le besoin de financement du compte pour 2019

En l’état du droit, les recettes prévisibles sont de 7 199,3 millions d’euros et sont inférieures d’environ 80 millions d’euros au montant des dépenses prévisibles.

Prévisions de recettes du CAS TE pour 2019 en l’état du droit

(en millions d’euros)

Catégorie de recettes

Prévision

Fraction de TICPE

7 166,3

Fraction de TICC

1,0

Mise aux enchères des garanties d’origine

32,0

Total

7 199,3

Source : présent PLF.

Les dépenses pour 2019 sont, en effet, prévues à 7 279,4 millions d’euros.

Prévisions de dépenses sur le CAS TE pour 2019

(en millions d’euros)

Catégorie de dépenses

Prévision

Dispositif de soutien aux énergies renouvelables

5 429,8

Annuité de remboursement de la dette à EDF

1 839,0

Études préalables aux lancements d’appel d’offres

9,2

Versements au profit de gestionnaire de réseaux

1,4

Total

7 279,4

Source : exposé des motifs du présent article.

La dynamique des dépenses provient essentiellement des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables mais aussi de l’augmentation des annuités de remboursement de la dette de l’État à l’égard d’EDF.

a.   Les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables

Par délibération en date du 12 juillet 2018 ([499]), la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a évalué pour 2019 les charges de service public de l’énergie, au titre des dispositifs relevant du CAS TE à 5 429,8 millions d’euros.

Coût des dispositifs de soutien aux Énergies
renouvelables relEvant du CAS TE

(en millions d’euros)

2017

2018

2019

4 613,9

5 106,9

5 429,8

Source : Commission de régulation de l’énergie.

Le coût total des charges de service public de lénergie a plus que doublé depuis 2011, en ce compris les dispositifs sociaux pris en charge par le budget général de l’État.

Soutien aux énergies renouvelables depuis 2009 au titre des charges
de service public de l’électricité et du gaz

(en millions d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Électricité

3 569,2

4 830,1 

5 265,7

6 037,0

6 609,1

6 667,0

6 838,8

7 357,3

7 655,2

Gaz

20,4

32,0

50,1

82,9

102,9

129,2

125,6

101,4

132,8

total

3 589,5

4 862,1

5 315,8

6 119,9

6 712,0

6 796,2

6 964,3

7 458,7

7 788,0

Source : Commission de régulation de l’énergie, annexe 7 à la délibération du 12 juillet 2018 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2017.

b.   La progression des engagements financiers

L’échéancier de remboursement de la dette de l’État à l’égard d’EDF au titre du déficit de compensation a été fixé par un arrêté du 13 mai 2016.

Échéancier prÉvisionnel de remboursement À EDF
du dÉficit de compensation

(en millions d’euros)

Année

Déficit de compensation

restant dû au 31 décembre

Remboursement par le CAS TE

2015

5 772

0

2016

5 579

194

2017

4 351

1 228

2018

2 730

1 622

2019

891

1 839

2020

0

891

Total

5 772

Source : arrêté du 13 mai 2016 pris en application de l’article R. 121-31 du code de l’énergie.

Selon cet échéancier, l’annuité de remboursement doit s’élever en 2019 à 1,839 milliard d’euros.

B.   le dispositif proposÉ

Le II du présent article porte de 7 166 317 223 euros à 7 246 400 000 euros le montant de la fraction de TICPE affectée au CAS TE, soit une hausse d’environ 80 millions d’euros.

Ainsi le montant des recettes et des dépenses prévisibles seraient à l’équilibre pour 2019.

Équilibre du CAS TE pour 2019

(en millions d’euros)

Fraction de TICPE

7 246,4

 

Dispositif de soutien aux énergies renouvelables

5 429,8

Fraction de TICC

1,0

Annuité de remboursement de la dette à EDF

1 839,0

Enchères des garanties d’origine

32,0

Études préalables aux lancements d’appel d’offre

9,2

Versements au profit de gestionnaire de réseaux

1,4

Total

7 279,4

Total

7 279,4

Source : exposé des motifs du présent article.

Le dispositif proposé permet de garantir l’équilibre du CAS TE pour 2019 dont la majeure partie des dépenses sont des dépenses contraintes résultant de la délibération du 12 juillet 2018 de la CRE.

La hausse des recettes affectées au CAS TE de 80 millions d’euros diminue en contrepartie celles du budget général du même montant.

*

*     *

La commission examine lamendement I-CF1433 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général suppléant. Il est proposé, par cet amendement, d’exclure des dépenses du CAS dit Trains déquilibre du territoire (TET) les compensations versées à la SNCF lorsque les trains n’ont pas circulé.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça, c’est sûr !

La commission adopte lamendement I-CF1433 (amendement I-2521).

Elle est ensuite saisie de lamendement I-CF969 de Mme Sabine Rubin.

M. Éric Coquerel. Il s’agit d’un amendement vertueux : il vise, d’une part, à augmenter de 500 millions d’euros la contribution versée par l’État aux régions pour les réseaux ferrés, les lignes Intercités et le transport ferroviaire de marchandises et, d’autre part, à compenser cette augmentation par un relèvement de la fraction du produit de la taxe due par les sociétés d’autoroutes, dont chacun sait qu’elles ont été largement gagnantes lors de la privatisation, laquelle s’est effectuée dans des conditions que la plupart d’entre nous ont critiquées. Il serait logique que les sociétés d’autoroutes financent des moyens de transport plus écologiques.

M. le Rapporteur général suppléant. La difficulté vient du fait que vous ne proposez pas d’augmenter la taxe pour affecter aux régions 500 millions d’euros supplémentaires, de sorte que votre amendement aurait pour conséquence de diminuer les ressources de l’AFITF. Comme je l’ai dit à M. Simian, je ne peux pas être favorable à un amendement qui déshabille l’AFITF pour habiller le CAS TET.

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 32 modifié.

*

*     *

Article 33
Modification du barème du malus automobile
(compte daffection spéciale Aides à lacquisition de véhicules propres)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article induit une augmentation des recettes fiscales de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules (« malus automobile ») de 31 millions d’euros pour 2019. Les recettes de la taxe sont affectées au compte CAS Aides à lacquisition de véhicules propres. Le rendement total de la taxe, estimé à 388 millions d’euros en loi de finances pour 2018, doit finalement s’élever à 539 millions d’euros.

La taxe est due à l’occasion de la délivrance du certificat d’immatriculation d’un véhicule automobile neuf. En 2017, 366 347 véhicules ont été taxés, soit 17,61 % des immatriculations de l’année.

L’article 1011 bis du CGI prévoit qu’à l’occasion de la première immatriculation d’un véhicule de tourisme en France soit perçue une taxe dont le tarif est fonction des taux d’émission de dioxyde de carbone (CO2). Le barème actuel du malus comprend, pour les véhicules  ayant fait l’objet d’une réception selon les règles de l’Union européenne, 67 tranches progressives d’un gramme chacune allant de l’exonération pour les véhicules émettant moins de 120 grammes de CO2 ou moins, à 10 500 euros pour les véhicules émettant 185 grammes de CO2 ou plus.

Le présent article modifie le barème en vue, d’une part, de l’adapter tant aux évolutions de comportement à l’achat des consommateurs qu’aux évolutions technologiques des industriels et, d’autre part, de maintenir l’équilibre financier du CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres. Il met en œuvre, à partir du 1er janvier 2019 :

– un abaissement du seuil d’application du malus à 117 grammes d’émission de dioxyde de carbone par kilomètre (120 g CO2/km actuellement) ;

– une modification en conséquence du barème en maintenant une progressivité de 70 tranches allant 50 euros pour les véhicules émettant 117 g CO2/km  à 10 500 euros pour les véhicules émettant 185 g CO2/km.

Le nouveau barème de malus proposé pour 2019 permet de dégager un surcroît de recettes de 31 millions d’euros par rapport au tendenciel de recettes à barème inchangé.

Ce niveau de recettes doit permettre de financer la prime à la conversion prévue dans le Plan climat.

Un ajustement du dispositif, de niveau réglementaire, sera réalisé par le Gouvernement en matière de bonus aux véhicules électriques et de prime à la conversion.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 45 de la loi de finances pour 2017 a augmenté les tarifs du malus automobile, tout en renforçant la progressivité du barème afin de limiter les effets de seuils et les comportements d’optimisation des industriels (passage de 11 à 66 tranches).

Le décret du 30 décembre 2016 relatif aux aides à l’achat ou à la location des véhicules peu polluants a modifié les conditions d’attribution ainsi que le montant et les modalités de versement des aides à l’acquisition et à la location des véhicules peu polluants.

Le décret du 16 février 2017 relatif aux aides à l’achat ou à la location des véhicules peu polluants a institué une aide à l’achat d’un cycle de pédalage assisté neuf d’un montant maximal de 200 euros.

L’article 36 de la loi de finances pour 2018 a augmenté les tarifs du malus automobile tout en adaptant le barème (passage de 66 à 67 tranches).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’État du droit

A.   Le dispositif en vigueur

1.   Le malus automobile

L’article 1011 bis du CGI définit une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules prévue à l’article 1599 quindecies du même code à raison de leurs émissions de dioxydes de carbone, dénommée « malus automobile ».

À l’occasion de la délivrance du premier certificat d’immatriculation d’un véhicule de tourisme en France, est perçue une taxe dont le tarif est fonction, soit du nombre de grammes de CO2 émis par kilomètre (g CO2/km) pour les véhicules qui ont fait l’objet d’une réception communautaire, soit de la puissance fiscale pour les véhicules qui n’ont pas fait l’objet d’une telle réception. Elle n’est pas due pour les véhicules spécialement aménagés pour les personnes handicapées ou acquis par des personnes titulaires de la carte « mobilité inclusion » portant la mention invalidité ou comptant dans leur foyer fiscal un enfant invalide.

Le premier barème de la taxe comprend, pour les véhicules ayant fait l’objet d’une réception communautaire, 67 tranches progressives d’un gramme chacune allant de l’exonération pour les véhicules émettant 119 g CO2/km ou moins à 10 500 euros pour les véhicules émettant 185 g CO2/km ou plus. La réception communautaire désigne l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques communautaires, au sens de la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur ([500]).

Pour les autres véhicules faisant l’objet d’une première immatriculation en France, le barème de la taxe est également progressif mais dépend de la puissance fiscale exprimée en chevaux-vapeur (CV) du véhicule. Il s’agit généralement de véhicules ayant fait l’objet d’une réception nationale ou à titre isolé tels que les véhicules importés du marché américain ou asiatique. Or, ces véhicules ne contiennent pas nécessairement les informations sur les émissions de CO2 par kilomètre. Pour ces derniers, le barème est composé de 6 tranches allant de 3 000 euros pour les véhicules de 6 à 7 CV à 10 500 euros pour les véhicules de plus de 16 CV.

Le CGI précise que certaines situations peuvent conduire à un abattement ou un remboursement partiel de la taxe acquittée sur un véhicule ayant fait l’objet d’une réception communautaire :

– les véhicules équipés pour fonctionner au moyen du superéthanol E 85 bénéficient d’un abattement de 40 % de la taxe additionnelle, sauf si les émissions de dioxydes de carbone du véhicule concerné sont supérieures à 250 g CO2/km ;

– les véhicules immatriculés pour la première fois en France, mais auparavant immatriculé à l’étranger, peuvent bénéficier d’un abattement d’un dixième par année entamée depuis la date de l’immatriculation délivrée initialement à l’étranger ;

– les familles nombreuses peuvent demander à bénéficier dun remboursement partiel du malus acquitté dès lors que le foyer compte au moins trois enfants à charge. Le taux démission de dioxydes de carbone du véhicule est diminué de 20 g CO2/km par enfant à charge, pour un seul véhicule de cinq places assises et plus par foyer.

Enfin, le malus automobile est recouvré selon les mêmes règles et dans les mêmes conditions que la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules : soit directement par l’administration, soit par les professionnels du commerce de l’automobile. Elle est affectée au CAS Aides à lacquisition de véhicules propres, minorée du paiement à l’État des frais d’assiette et de recouvrement de 2 % du montant de la taxe.

En raison des progrès techniques régulièrement accomplis par les constructeurs automobiles pour réduire les émissions des véhicules, les barèmes de la taxe ont dû régulièrement être durcis depuis 2008 – année durant laquelle le barème du malus ne débutait qu’à 160 g CO2/km, et le malus maximal de 2 600 euros n’était applicable qu’au-delà de 250 g CO2/km. En particulier, l’article 45 de la loi de finances pour 2017 ([501]) a augmenté les tarifs du malus automobile tout en renforçant la progressivité du barème afin de limiter les effets de seuils et les comportements d’optimisation des industriels (passage de 11 à 66 tranches). La dernière modification du barème, par l’article 51 de la loi de finances pour 2018 ([502]) a augmenté les tarifs du malus automobile et acté un passage de 66 à 67 tranches.

Évolution du barÈme de taux dÉmission de CO2

(en grammes par kilomètre)

Tranche

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2016

2017

2018

Première tranche

160

155

150

140

135

130

126

120

Dernière tranche

250

250

250

250

200

200

191

185

Tarif de la taxe pour la dernière tranche (en euros)

2 600

2 600

2 600

3 600

6 000

8 000

10 000

10 500

Source : article 1011 bis du CGI.

Le malus automobile est conçu pour être le contrepoids fiscal des aides versées par le CAS Aides à lacquisition de véhicules propres, à savoir le bonus automobile et la prime de conversion. Dans la mesure où ces dispositifs de soutien ne sont pas fiscaux mais budgétaires, ils ne sont pas régis par le CGI mais par des actes réglementaires codifiés aux articles D. 251‑1 à D. 251‑13 du code de l’énergie.

2.   Le bonus automobile

Le bonus automobile prend la forme d’une aide versée par l’Agence de services et de paiement (ASP) aux bénéficiaires. Elle peut aussi être versée au vendeur ou loueur de véhicules, qui, dans ce cas, en impute le montant sur la facture d’acquisition ou de location du véhicule. Le décret du 30 décembre 2016 relatif aux aides à l’achat ou à la location des véhicules peu polluants ([503]) a modifié les conditions d’attribution ainsi que le montant et les modalités de versement des aides à l’acquisition et à la location des véhicules peu polluants. L’aide atteint au maximum 6 000 euros pour un véhicule entièrement électrique.

Le bonus automobile peut être complété par une prime à la conversion dont l’objectif est de favoriser le retrait des véhicules diesel les plus polluants. Elle permet actuellement de recevoir une aide allant jusqu’à 2 500 euros, lorsque l’acquisition d’un véhicule neuf électrique s’accompagne de la restitution d’un véhicule diesel destiné à la destruction. La prime de conversion peut se cumuler avec le bonus écologique pour atteindre le montant maximum de 8 500 euros pour un véhicule électrique.

Enfin, les personnes non imposables peuvent bénéficier d’une prime à la conversion « thermique » pour l’achat d’un véhicule neuf (ou d’un véhicule d’occasion) moins polluant et roulant à l’essence, s’il s’accompagne de la mise au rebut d’un véhicule diesel ayant fait l’objet d’une première immatriculation avant le 1er janvier 2006. L’aide s’élève à 2 000 euros pour l’achat d’un véhicule émettant moins de 130 g CO2/km qui dispose d’une vignette Crit’Air 1 ou Crit’Air 2.

B.   Un dispositif qui doit évoluer pour demeurer incitatif

Le barème du malus automobile doit, du fait des progrès technologiques et de la baisse des émissions moyennes des véhicules neufs, être régulièrement mis à jour, afin que les recettes dégagées puissent continuer à financer les bonus et les primes de conversion accordés par l’État aux acquéreurs de véhicules propres. Le dispositif du bonus-malus permet en effet de favoriser l’achat de véhicules neufs émettant moins de CO2, d’inciter au retrait de véhicules polluants et de stimuler l’innovation technologique des constructeurs de voitures.

L’efficacité du dispositif peut être évaluée par la moyenne des émissions de CO2 des véhicules neufs vendus en France qui est passée de 149 g/km à la fin de l’année 2007 à 111 g/km à la fin de l’année 2017.

Évolution des Émissions moyennes de CO2 des vÉhicules neufs

(en grammes par kilomètre)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

149

140

133

130

127

124

117

114

111

110

111

Source : Agence de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME).

L’analyse des tendances linéaires des courbes d’évolution des émissions moyennes de CO2 avant et après la mise en place du dispositif de bonus-malus démontre l’efficacité de ce dernier pour orienter la demande et l’offre vers des véhicules moins émetteurs de CO2. Le coefficient de réduction des émissions moyennes de CO2 est 1,5 fois plus fort depuis la mise en œuvre de la mesure : au cours des dix dernières années, les émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs ont diminué de 38 g CO2/km, alors qu’au cours de la période 2007-1997, elles avaient diminué de seulement 26 g CO2/km.

La moyenne démission de 111 g CO2/km est une bonne performance au niveau européen puisque la moyenne des États de lUnion européenne en 2017 sétablit à 119 g CO2/km.

Cette performance s’inscrit pleinement dans l’objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne à l’horizon 2030 par rapport aux niveaux de 1990, engagement pris dans le cadre des accords de Paris et qui suppose de poursuivre les efforts de réduction dans le secteur des transports. Elle s’inscrit également dans les objectifs du règlement européen du 23 avril 2009 sur la réduction des émissions de CO2 des voitures neuves ([504]), qui établit des normes de performance d’émission pour les voitures de tourisme à 95 g CO2/km à l’horizon 2020.

Le vote par le Parlement européen, le 3 octobre 2018, d’une résolution législative fixant à 40 % la réduction de CO2 des voitures particulières d’ici 2030, constitue une incitation supplémentaire adressée aux constructeurs automobiles. Ce projet législatif comprend également l’objectif d’une part de marché de véhicules électriques et à faibles émissions à 20 % du marché des voitures et camionnettes nouvelles d’ici 2025 et 35 % d’ici 2030.

Or, la moyenne démission stagne depuis trois ans. Cela s’explique par une augmentation des ventes des véhicules essence, plus émetteurs de CO2 que les véhicules diesel, mais également par l’essor des ventes de véhicules « tout-terrain », ou « SUV ». Aussi, lobjectif européen de 95 % des ventes de véhicules neufs ne devant pas dépasser 95 g CO2/km en 2020, puis 100 % en 2021, justifie un durcissement du barème du malus automobile.

Émissions moyennes de co2 des véhicules neufs en 2017
dans l’union européenne

(en grammes par kilomètres)

État / Année

2013

2014

2015

2016

2017

Portugal

114

111

106

106

105

Danemark

114

110

106

107

107

Pays-Bas

114

108

101

106

108

Grèce

118

108

106

118

109

France

117

114

111

110

111

Irlande

120

117

114

112

112

Italie

122

119

115

114

112

Espagne

124

120

115

114

115

Belgique

124

122

118

116

116

Finlande

133

128

123

121

118

Royaume-Uni

128

125

121

120

121

Autriche

133

129

124

121

121

Suède

137

132

126

124

122

Luxembourg

134

131

127

127

127

Allemagne

136

132

128

126

127

Moyenne

127

122

119

118

119

Source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

D’une manière générale, les constructeurs automobiles français s’adaptent depuis 2008 au dispositif du bonus-malus, en proposant une offre toujours plus performante sur le plan des émissions de CO2, que ce soit grâce à l’amélioration des véhicules fonctionnant avec un moteur thermique ou au développement de véhicules hybrides ou entièrement électriques.

En 2017, le taux moyen d’émissions de CO2 pour les véhicules neufs vendus en France s’élevait à 107 g CO2/km pour le groupe PSA, 107 g pour Renault, 117 g pour le groupe Ford et 122 g pour le groupe Fiat. La moyenne des constructeurs s’établissait à 111 g CO2/km. Les récents développements autour de l’affaire du « dieselgate » ont toutefois nuancé cette situation et posé la question des niveaux réels de pollution des véhicules en l’état actuel des technologies et des conditions d’essais imposées lors de l’homologation par les entités de contrôle.

Selon lévaluation préalable, les émissions de CO2 sétablissent à 114 g/km en août 2018 ; elles devraient sensiblement augmenter au second semestre 2018.

En effet, depuis le 1er septembre 2018, la nouvelle procédure dessai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers, la norme « WLTP » (« Worldwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure ») a remplacé lancienne norme « NEDC » (« New European Driving Cycle ») qui sous-estimait les émissions réelles. Le nouveau protocole WLTP, basé sur des cycles de roulage plus réalistes, aboutit à une réévaluation des mesures d’émission calculées.

Enfin, le dispositif a également un effet positif sur les immatriculations de voitures particulières neuves écologiquement vertueuses, en France : les immatriculations de voitures électriques neuves ont augmenté de 283,6 % entre 2013 et 2017, celles de voitures hybrides de 244,6 % sur la même période.

Évolution des immatriculations de voitures particuliÈres neuves Électriques et hybrides depuis 2007

Source : service de lobservation et des statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire.

II.   le dispositif proposé

A.   un élargissement du barème du malus, qui se durcit par ailleurs

1.   La révision du barème du malus

Le présent article modifie l’article 1011 bis du CGI, afin de durcir le barème du malus applicable aux véhicules automobiles. Il s’agit, d’une part, d’adapter le barème tant aux évolutions de comportement à l’achat des consommateurs qu’aux évolutions technologiques des industriels, d’autre part, de maintenir l’équilibre financier du CAS Aides à lacquisition de véhicules propres. Il met en œuvre, à partir du 1er janvier 2019 :

– un abaissement du seuil dapplication du malus à 117 g CO2/km pour les véhicules ayant fait l’objet d’une réception communautaire (120 g actuellement) ce qui conduit à étendre le malus aux véhicules émettant de 117 à 119 g CO2/km ;

– une modification en conséquence de lensemble des tranches du barème en maintenant une progressivité des tarifs applicables sur 70 tranches dun gramme chacune (au lieu de 67 tranches actuellement) allant de lexonération pour les véhicules émettant 116 g CO2/km ou moins, à 10 500 euros pour les véhicules émettant 185 g CO2/km ou plus.

Les modifications envisagées permettent de dégager 31 millions deuros de recettes supplémentaires affectées au CAS Aides à lacquisition de véhicules propres, afin de financer, notamment, la prime à la conversion.

Les recettes totales du CAS s’établissent ainsi à 570 millions d’euros en 2019, soit un accroissement de 31 millions d’euros par rapport au tendanciel à barème inchangé. Laugmentation des dépenses du CAS prévue en 2019, de 182 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 (+ 49,21 %), notamment du fait du grand succès rencontré par la prime à la conversion ouverte aux véhicules doccasion, est ainsi financée par la hausse limitée en valeur du barème du malus et par l’élargissement de l’assiette de taxation.

2.   Le surcroît de recettes du CAS Aides à lacquisition de véhicules propres doit financer l’important succès de la prime à la conversion

Un recentrage des bonus de niveau réglementaire doit venir compléter le présent article, afin d’adapter la réglementation relative aux aides du bonus sur le soutien aux véhicules les moins émetteurs de CO2 et à la prime de conversion des véhicules polluants. En effet, le nouveau barème de malus proposé pour 2019 permet d’équilibrer budgétairement le CAS Aides à lacquisition de véhicules propres, afin notamment de financier par ce compte la prime à la conversion du programme présidentiel au profit des ménages aux revenus modestes, tout en recentrant le bonus vers les véhicules les moins émetteurs de CO2.

Mise en place au 1er avril 2015, la prime à la conversion a été substantiellement élargie au 1er janvier 2018, conformément aux objectifs du Plan climat. Depuis lors, le dispositif prévu à larticle D. 251-1 du code de lenvironnement, qui organise la mise au rebut des véhicules essence immatriculés avant le 1er janvier 1997 ou diesel immatriculés avant le 1er janvier 2006 si le ménage est non imposable – le 1er janvier 2001 dans les autres cas –, permet d’obtenir une prime à la conversion pour l’achat d’un véhicule Crit’air 0, 1 ou 2, même doccasion, émettant moins de 130 g CO2/km.

Le présent PLF tient compte, au sein des crédits budgétaires du CAS Aides à lacquisition de véhicules propres, du succès rencontré par la prime à la conversion après son ouverture aux véhicules d’occasion.

En 2018, la prime à la conversion bénéficiera à plus de 250 000 ménages.

En 2019, l’amélioration de la performance écologique de la prime doit permettre de conserver un rythme soutenu de demandes, néanmoins compatible avec l’objectif de 500 000 conversions sur la durée du quinquennat. Ainsi, selon le projet annuel de performances du CAS Aides à lacquisition de véhicules propres, les caractéristiques des véhicules éligibles à l’achat seront révisées en fonction des résultats atteints au terme des premiers mois de mise en œuvre de ce dispositif rénové ([505]).

Pour autant, ce sont 306 millions deuros qui doivent être investis en la matière pour lannée 2019, en augmentation de 166,09 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

Le renouvellement du parc automobile ancien est en effet un levier essentiel pour améliorer la qualité de l’air et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le niveau des aides pour les véhicules électriques reste inchangé en 2019 par rapport à 2018, tout en introduisant une limitation de l’octroi du bonus aux véhicules de moins de 60 000 euros, afin de garantir une aide incitative pour le financement de véhicules dont la performance écologique n’est pas remise en cause par la taille de la batterie.

Le barème sera le suivant :

– jusqu’à 6 000 euros pour l’acquisition d’une voiture ou d’une camionnette électrique (véhicule émettant moins de 20 g CO2/km) dont le prix est inférieur à 60 000 euros ;

– jusqu’à 900 euros pour l’acquisition d’un véhicule à deux ou trois roues ou un quadricycle à moteur électrique ayant une puissance maximale nette supérieure ou égale à 3 kilowatts (kW) ;

– jusqu’à 100 euros pour l’acquisition d’un vélo à assistance électrique ou d’un véhicule à deux ou trois roues ou un quadricycle à moteur électrique ayant une puissance maximale nette strictement inférieure à 3 kW.

Les documents budgétaires estiment que 90 % de la dépense devrait concerner l’achat d’un véhicule électrique.

B.   L’impact économique et budgétaire

Le durcissement progressif du malus comme le renforcement du bonus automobile permettent de stimuler la construction de voitures vers des évolutions technologiques qui constituent des gisements de croissance à long terme et favorisent à la fois notre indépendance énergétique et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

La nouvelle procédure d’essai mondiale harmonisée « WLTP » est une incitation forte en direction de la filière automobile, qui devra produire des moteurs se conformant aux nouvelles normes afin d’éviter que les consommateurs ne se détournent de modèles trop « malussés ». Cette incitation concerne tout particulièrement la filière automobile française, dont 80 % des effectifs consacrés à la recherche sont situés sur le territoire national.

Sur le plan budgétaire, le dispositif du bonus-malus, comme on l’a vu supra, a longtemps été déficitaire, en raison d’une orientation des comportements vers des véhicules peu polluants supérieure aux prévisions.

Depuis 2014 et le renforcement régulier du dispositif du bonus et du malus, les recettes sont désormais régulièrement supérieures aux aides versées. Aussi, au cours de l’exécution 2017, les dépenses ont été inférieures aux prévisions : seuls 32 000 véhicules électriques ont été immatriculés en 2017, soit
9 000 de moins que prévu pour l’élaboration des prévisions de dépenses.

A contrario, la prévision de dépense concernant les vélos à assistance électrique s’est avérée sous-estimée : plus de 181 000 aides ont été versées sur 240 470 dossiers instruits, alors que 100 000 demandes éligibles avaient été retenues en prévision initiale.

Il est aussi constaté un écart important entre les dépenses de primes à la conversion prévues et réalisées, en raison du faible nombre de véhicules bénéficiaires avant l’ouverture de la prime aux véhicules d’occasion par la loi de finances pour 2019. Le CAS était ainsi bénéficiaire en 2017 de près de 57 millions d’euros ([506]).

Toutefois, la situation budgétaire du compte demeure fragile à long terme, puisque le rendement du malus a naturellement tendance à s’éroder au cours des années. Cet état de fait s’appréhende avec une particulière acuité pour l’année 2019 qui voit, pour la première fois, le budget alloué aux primes à la conversion excéder celui prévu pour le bonus automobile traditionnel.

*

*     *

La commission est saisie des amendements de suppression I-CF76 de Mme Véronique Louwagie et I-CF230 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie. Les automobilistes sont de plus en plus lourdement mis à contribution et certains ménages éprouvent des difficultés pour acquérir un véhicule, compte tenu de l’investissement que cela exige. En outre, les règles du contrôle technique connaissent un durcissement.

Dans ces conditions, notre amendement propose de conserver le barème du malus automobile de l’année précédente afin d’éviter que 58 millions d’euros de plus ne soient réclamés à nos concitoyens.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous considérons effectivement qu’il importe d’en rester au barème précédent, qui avait déjà un certain impact sur les automobilistes.

M. le Rapporteur général suppléant. Avis défavorable à la suppression de l’article 33.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques I-CF77 de Mme Véronique Louwagie et I-CF231 de Mme Marie-Christine Dalloz, ainsi que les amendements identiques I-CF720 de M. Éric Woerth et I-CF941 de M. Benoit Simian.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement I-CF77 est un amendement de repli dont le but est d’exonérer les véhicules dont les émissions de dioxyde de carbone sont inférieures ou égales à 119 g/km, taux du barème de l’année dernière, contre 116 g/km, taux du barème du présent PLF.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF231 a le même objet. Tous les dispositifs de verdissement mettent à contribution les ménages de notre pays. Je crains qu’à force d’être taxés de la sorte, les contribuables ne se crispent sur l’écologie, ce qui va à l’encontre du but recherché.

M. le président Éric Woerth. Un nouveau protocole de test a été mis en place depuis le 1er septembre 2018 pour les homologations de véhicules particuliers neufs qui sont désormais évalués dans des conditions qui s’approchent de l’usage normal. Il conduit à enregistrer des valeurs d’émission de CO2 supérieures en moyenne de 6 % aux mesures effectuées selon l’ancien protocole.

En signant un contrat stratégique de filière, le Gouvernement s’était engagé à éviter d’alourdir le malus afin de neutraliser les effets de cette modification d’un point de vue fiscal. Or il n’en a rien été, ce qui engendre un surcoût pour les automobilistes de 360 millions d’euros puisque les prévisions de recettes au titre du malus figurant dans le PLF passent de 570 millions d’euros pour 2018 à 930 millions pour 2019.

Mon amendement vise à neutraliser l’effet de hausse mécanique engendré par le passage d’un test à un autre et donc à éviter de faire peser un impôt de plus sur la filière automobile.

M. Benoit Simian. Mon amendement I-CF941 a le même objet : il s’agit de s’assurer que les engagements pris dans le contrat stratégique de filière sont respectés. Notre amendement propose une nouvelle grille de malus tenant compte du changement de protocole d’homologation.

M. le Rapporteur général suppléant. Avis défavorable : d’une part, toute modification du barème affecterait l’équilibre du CAS ; d’autre part, le barème de malus du présent PLF est fondé sur les anciennes valeurs, qui sont calculées à partir du protocole précédent.

M. le président Éric Woerth. Cela coûte juste 360 millions de plus aux acheteurs de véhicules, à modèle équivalent... Un changement de grille s’impose pour neutraliser l’effet mécanique engendré par le nouveau protocole. L’industrie automobile, qui traverse une période extrêmement difficile de transformation, ne doit pas en supporter les conséquences.

M. le Rapporteur général suppléant. Je le répète, ce ne sera pas le cas : les malus sont calculés à partir des anciennes valeurs, tout simplement parce que l’administration fiscale ne sait pas le faire avec les nouvelles valeurs.

M. Benoit Simian. C’est ce qui est annoncé dans le contrat stratégique de filière, mais j’estime qu’il y a lieu d’éclaircir ce point.

La commission rejette successivement les deux séries damendements identiques.

Elle est saisie de lamendement I-CF1260 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Les véhicules diesel rejettent moins de dioxyde de carbone et bénéficient donc à puissance équivalente d’un avantage par rapport aux véhicules à essence d’autant qu’aucun barème ne prend en compte les émissions d’oxydes d’azote (NOx). Notre amendement vise à neutraliser cet avantage carbone en majorant les émissions prises en compte pour déterminer le malus dont ils font l’objet.

M. le Rapporteur général suppléant. Nous avions déjà eu cette discussion l’année dernière et notre avis reste défavorable. Le malus taxe les émissions de CO2 des voitures neuves et il n’est pas certain que la distinction entre le type de motorisation soit suffisante pour justifier une différence de traitement.

M. Éric Alauzet. Nous devons approfondir la question car il y a une lacune dans notre législation. Nous savons quels effets néfastes ont les moteurs diesel sur la santé, en particulier sur les vaisseaux et les coronaires. Le barème ne peut pas en rester au seul dioxyde de carbone, il doit aussi prendre en compte le NOx. La santé aussi, c’est important...

La commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 33 sans modification.

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Article additionnel après l’article 33
Assujettissement des véhicules à double cabine équipés dune plateforme arrière au malus automobile

La commission examine, en discussion commune, lamendement I-CF971 de M. Éric Coquerel, I-CF397 de la commission du développement durable et ICF749 de M. Matthieu Orphelin.

M. Éric Coquerel. Nous avons repris un amendement adopté par la commission du développement durable, saisie pour avis.

L’article 1011 bis du CGI institue un bonus-malus sur les véhicules polluants. Cette taxe est due pour les véhicules de tourisme définis à l’article 1010 du CGI. Les pick-up devraient appartenir la catégorie N1. Cependant, une instruction administrative en date du 7 octobre 2015 précise que si le véhicule est équipé d’une plateforme arrière ne transportant pas les voyageurs et les marchandises dans un compartiment unique, il n’est pas soumis à la taxe sur les véhicules de société et qu’il est exempté de malus écologique – alors même que les autres véhicules apparentés de type 4×4 y sont soumis ! Nous proposons de corriger cette anomalie.

M. Éric Alauzet. Notre amendement I-CF749, dans le même esprit, vise à élargir l’assiette de taxation du bonus-malus à certains pick-up double cabine comprenant quatre places aujourd’hui exonérés de malus. Il n’est pas question de pénaliser ici les pick-up professionnels utilitaires, mais d’enrayer cet engouement pour les pick-up familiaux.

M. le Rapporteur général suppléant. Nous sommes favorables sur le principe à ces deux amendements car on ne saurait laisser perdurer cette niche fiscale qui constitue un effet d’aubaine. Nous avons toutefois une préférence pour l’amendement I-CF791.

La commission adopte les amendements I-CF791 et I-CF397 (amendement I-2522).

En conséquence, lamendement I-CF749 tombe.

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Article 34
Actualisation du compte de commerce
Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article actualise les règles relatives au compte de commerce Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels darmement complexe.

Il recentre le dispositif des avances remboursables retracées en dépenses par ce compte sur les matériels de guerre et matériels assimilés et sur les entreprises ayant leur siège social et leurs unités de production en France.

Il substitue, en conséquence, à l’intitulé du compte l’intitulé suivant : Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés.

Il élargit le champ des recettes du compte à « toute autre recette perçue au titre » des avances remboursables, ce qui permet d’y inclure des redevances versées par les entreprises bénéficiaires des avances.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 90 de la loi de finances pour 1968 a ajouté la livraison des « matériels darmement complexes » dans le champ des opérations éligibles aux avances remboursables. Il a, en conséquence, réintitulé le compte Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels darmement complexe.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commisison a adopté cet article sans modification.

I.   l’État du droit

A.   Le fonctionnement du compte de commerce Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d’armement complexe

Les comptes de commerce

Les comptes de commerce sont définis par l’article 22 de la LOLF. Ils constituent, avec les autres comptes spéciaux et les budgets annexes, des exceptions au principe de non-affectation du budget, c’est-à-dire à l’interdiction d’affecter une recette à une dépense. Ils retracent ainsi certaines recettes et certaines dépenses du budget.

Ils retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux présente un caractère limitatif.

Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, il est interdit d’exécuter, au titre de ces comptes, des opérations d’investissement financier, de prêts ou d’avances, ainsi que des opérations d’emprunt.

1.   Un compte de commerce ancien qui permet l’octroi d’avances remboursables aux entreprises du secteur de la défense

L’article 5 de la loi de finances rectificative pour 1963 ([507]) prévoyait dans sa version initiale « quen vue de faciliter la présentation en temps utile de matériels aéronautiques, le Gouvernement est autorisé à passer, pour le lancement de telles opérations, des contrats accordant des avances remboursables au fur et à mesure des ventes ».

L’article 20 de la loi de finances rectificative pour 1964 ([508]) a créé un compte de commerce intitulé Lancement de certains matériels aéronautiques qui retrace, en dépenses, le montant des avances remboursables, et en recettes, les remboursements en capital ainsi que les intérêts perçus sur ces avances.

L’article 90 de la loi de finances pour 1968 ([509]) a ajouté la livraison des « matériels darmement complexes » dans le champ des opérations éligibles aux avances remboursables. Depuis lors, le mécanisme d’avances remboursables est communément appelé « procédure de larticle 90 ». Le même article a complété l’intitulé du compte pour tenir compte de l’élargissement de son champ. Il a ainsi intitulé le compte Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels darmement complexe.

L’article 41 de la loi de finances rectificative pour 1997 ([510]) a confié à la société Natexis la gestion des avances remboursables.

Sur le plan réglementaire, ces dispositions sont mises en œuvre par un décret du 12 novembre 1964 ([511]).

Ce décret prévoit que la liste des matériels éligibles aux avances remboursables est arrêtée par décision conjointe du ministre de l’économie et des finances, du ministre chargé de la défense nationale et du ministre chargé de l’aviation civile, après avis d’une commission qui comprend :

– un représentant du Premier ministre, en qualité de président ;

– deux représentants du ministre chargé de la défense nationale ;

– deux représentants du ministre de l’économie et des finances ;

– deux représentants du ministre chargé de l’aviation civile ;

– et, à titre d’expert, le président du comité consultatif national pour l’expansion de l’industrie aéronautique ou son représentant.

La liste des matériels éligibles est contenue dans l’arrêté du 27 juin 2012 relatif à la liste des matériels de guerre et matériels assimilés soumis à une autorisation préalable d’exportation et des produits liés à la défense soumis à une autorisation préalable de transfert.

2.   Un partage des risques entre l’État et les entreprises bénéficiaires des avances

Le compte de commerce Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels darmement complexe est un dispositif de soutien à la production de matériels de défense nationale. Selon l’évaluation préalable du présent article, il repose « sur une logique de partage des risques entre lÉtat et les entreprises concernées ».

Selon les renseignements recueillis par le Rapporteur général, dans les faits, les avances remboursables accordées dans le cadre du compte de commerce au cours des cinq dernières années ne l’ont été qu’à des entreprises ayant leur siège social en France au titre de matériels faisant l’objet d’une industrialisation sur le territoire national. Toutefois, certaines de ces entreprises étaient des filiales de sociétés étrangères.

Il est précisé que « le remboursement des sommes prêtées est exigible le 30 avril de chaque année en fonction des ventes » et que « les avances accordées sont assorties dun taux dintérêt [et] dune redevance permettant à lÉtat dêtre intéressé au chiffre daffaires réalisé, sur une période limitée à 15 ans ».

Exécution budgétaire du compte de commerce Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels darmement complexe

(en millions d’euros)

Année

Recettes

Dépenses

Résultat

2012

8,4

5,3

+ 3,1

2013

8,8

9,1

– 0,3

2014

8,2

2,5

+ 5,7

2015

9,2

3,7

+ 5,5

2016

7,9

1,1

+ 6,8

2017

8,1

6,3

+ 1,8

Source : lois de règlement du budget et d’approbation des comptes.

En 2018, il est prévu en loi de finances initiale 10,5 millions d’euros de recettes pour 8,1 millions d’euros de dépenses. Les dernières prévisions actualisées sont de l’ordre de 7 millions d’euros en dépenses et 10 millions d’euros en recettes pour 2018.

L’existence de ce compte de commerce présente un réel avantage pour le secteur de la défense par rapport à un simple compte de concours financiers, catégorie de compte spécial qui porte habituellement les avances et les prêts. En effet, les intérêts ne peuvent pas être affectés sur un compte de concours financiers – ils sont reversés au budget général –, alors qu’ils peuvent l’être sur un compte de commerce. En 2017, les recettes du compte étaient constituées à 60 % par des intérêts, à 35 % par des retours en capital, et à 5 % par des redevances. Les redevances sont prélevées sur les ventes de matériels ayant fait l’objet d’une avance remboursable, et qui continuent à être exportés une fois l’intégralité du principal remboursé par l’entreprise bénéficiaire.

Le solde reporté du compte en loi de règlement était de 95 millions d’euros au 31 décembre 2017. À noter que ce compte ne dispose pas d’une autorisation de découvert contrairement aux autres comptes de commerce. Un tel découvert n’apparaît pas nécessaire le compte étant en mesure de s’autofinancer.

Le stock d’avances remboursables accordées s’élève quant à lui à 80,67 millions d’euros au 31 décembre 2017 pour une quarantaine d’entreprises bénéficiaires.

Selon l’annexe spécifique aux comptes de commerce du PLF pour 2018, « lorientation actuelle est de favoriser les PME/PMI sur les marchés export ». Selon les renseignements recueillis par le Rapporteur général auprès du Gouvernement, les avances octroyées aux PME/PMI peuvent couvrir 60 % de l’assiette des travaux éligibles à l’avance au lieu de 50 % pour les autres entreprises.

B.   Un compte qui nécessite une actualisation des dispositions législatives le régissant

Le compte de commerce Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels darmement complexe est ancien. Plusieurs évolutions sont intervenues depuis sa création mais ne se sont pas traduites par une modification des règles législatives le régissant.

Ainsi, depuis 1982, le compte ne perçoit plus aucun crédit en provenance du budget général selon l’étude d’impact et selon la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 de la Cour des comptes. Il est autofinancé par les remboursements d’avances et les intérêts versés.

De même, depuis 2003, les matériels aéronautiques civils ne sont plus éligibles au dispositif des avances remboursables. Il s’ensuit que l’intitulé du compte ne retranscrit plus fidèlement le champ des opérations qu’il retrace.

Par ailleurs, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne a prohibé les aides d’État « qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » (article 107), à l’exception notamment des aides qu’un État membre « estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce darmes, de munitions et de matériel de guerre » (article 346).

Ces évolutions juridiques et budgétaires nécessitent une actualisation des règles législatives du compte de commerce.

II.   le dispositif proposÉ

A.   Une actualisation du compte de commerce et des rÈgles relatives aux avances remboursables

Les règles législatives du compte de commerce n’ont pas fait l’objet de modification depuis 1968.

Le présent article procède à une actualisation.

1.   Un recentrage des avances remboursables sur les matériels de guerre et assimilés et sur les entreprises françaises

Le I du présent article modifie l’article 5 de la loi de finances rectificative pour 1963.

Le 1° du I modifie le champ des opérations éligibles aux avances remboursables.

Il retire du champ d’application les matériels aéronautiques pour ne laisser que les « matériels de guerre et matériels assimilés ».

La notion de matériel assimilé est une notion officielle associée aux matériels de guerre, et dont le périmètre est précisé dans l’arrêté du 27 juin 2012 précité. La liste des matériels éligibles ne sera pas modifiée selon les renseignements recueillis par le Rapporteur général auprès du Gouvernement.

Par ailleurs, il subordonne la délivrance de telles avances remboursables à deux conditions.

En premier lieu, elle doit être « nécessaire à la protection des intérêts essentiels de [la] sécurité » du pays. Cette mention garantit la conformité du dispositif à l’article 346 précité du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

En second lieu, elle doit bénéficier « à des entreprises ayant leur siège social et les unités de production des matériels concernés en France ».

Le 2° du I supprime une disposition caduque relative à l’inscription des dépenses relatives aux avances remboursables.

2.   Une modification de l’intitulé du compte

Le II modifie l’article 20 de la loi de finances rectificative pour 1964.

Le 1° du II intitule le compte Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés. Autrement dit, la mention des matériels aéronautiques disparaît de l’intitulé, afin de tenir compte du recentrage des avances remboursables sur les matériels de guerre et assimilés. Par ailleurs, il introduit la notion de « matériels assimilés » aux matériels de guerre dans l’intitulé du compte de commerce.

Le 2° du II a une portée purement rédactionnelle.

Le 3° du II élargit le champ des recettes du compte à « toute autre recette perçue au titre » des avances remboursables. Selon l’exposé des motifs du présent article, cet élargissement permet d’inclure les redevances dues par les entreprises bénéficiaires des avances.

B.   un Élargissement des recettes qui aligne le droit sur la pratique

L’élargissement des recettes du compte de commerce aux redevances versées par les entreprises bénéficiaires n’aura en pratique aucune conséquence sur les recettes du budget général de l’État.

Selon l’évaluation préalable annexée au présent PLF, les redevances versées qui relèveront désormais du compte de commerce, s’élèvent à environ 400 000 euros.

Toutefois, cette somme correspond déjà aux redevances versées durant l’année 2017 sur le compte, soit 5 % du total des recettes de l’année 2017.

Autrement dit, le dispositif proposé aligne le droit sur la pratique budgétaire. Le Gouvernement a confirmé expressément au Rapporteur général que la « modification législative proposée vise prioritairement à accorder la rédaction des textes à la pratique des opérations du compte de commerce », et non à accroître de façon substantielle les recettes dudit compte. Le budget général ne subira pas une perte de recettes.

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*     *

La commission adopte larticle 34 sans modification.

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*     *

Article 35
Stabilisation du tarif de la contribution à laudiovisuel public (CAP), actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources
de laudiovisuel public (compte de concours financiers
Avances à laudiovisuel public)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article gèle le tarif de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) – la « redevance télé » – à son niveau de 2018, soit 139 euros en métropole, alors que l’application du dispositif de revalorisation automatique en fonction de l’indice des prix à la consommation aurait dû conduire à une revalorisation de 2 euros en 2019.

Malgré ce gel, le produit total de la CAP versé sur le compte de concours financiers devrait augmenter de + 50,5 millions d’euros ; compte tenu de la suppression de l’affectation d’une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) à France Télévisions par ailleurs prévue par l’article 29 du présent PLF, pour un montant de 85,5 millions d’euros, le présent article se traduira donc par un effort de 35 millions d’euros demandé au secteur audiovisuel.

Le présent article ajuste en conséquence les montants du compte de concours financiers, qui mettent en évidence une baisse importante du montant pris en charge par l’État au titre des dégrèvements de CAP ; cette baisse s’explique pour l’essentiel par un certain retour à la normale du montant résultant des exonérations pour motifs sociaux.

Dernières modifications législatives intervenues

Le tarif de la CAP ou l’équilibre du compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public font l’objet d’un ajustement annuel dans chaque loi de finances depuis 2008.

Le gel de ce tarif est toutefois inédit depuis la mise en place du mécanisme d’indexation automatique en 2009.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Qu’elle soit automatique ou exceptionnelle, la revalorisation du tarif de la CAP (ex-redevance télé) appelle, dans chaque PLF depuis 2008, un ajustement du produit correspondant versé au compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public. Cet ajustement est également nécessaire dans l’hypothèse rare où, comme cette année, ce tarif est exceptionnellement gelé, dans la mesure où l’évolution de l’assiette de cet impôt entraîne par ailleurs une modification de son produit global.

Étant donné que ce compte de concours financiers retrace également les autres ressources destinées à ce secteur – notamment, depuis 2016, une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électronique (TOCE) dont l’affectation à France Télévisions doit être supprimée par l’article 29 du présent PLF – lajustement du tarif de la CAP constitue en réalité le point dentrée fiscal à une analyse globale de lévolution des moyens consacrés à laudiovisuel public.

Avant d’entrer dans le détail de l’examen du présent article, il n’est donc pas inutile, en préambule, de synthétiser cet impact budgétaire, résultant des articles 29 et 35 du présent PLF.

Évolution du financement de l’audiovisuel public (2019/2018)

(en millions d’euros)

Opérateur

Variation de l’affectation de CAP

Variation de l’affectation de TOCE

Total

France Télévisions

+ 60,7

– 85,5

 24,9

ARTE

– 2

 2

Radio France

– 4,1

 4,1

France Média Monde

– 1,6

 1,6

TV5 Monde

– 1,2

 1,2

Institut national de l’audiovisuel (INA)

– 1,2

 1,2

Total

+ 50,5

– 85,5

 35

Source : documents budgétaires (état D et exposé des motifs de l’article 35) et réponses de la direction du budget.

Au total, le présent PLF implique donc un effort budgétaire de l’audiovisuel public de 35 millions d’euros, après un effort de 36,5 millions d’euros en 2018.

Les tableaux ci-dessous présentent le détail de la ventilation de cet effort dans les deux parties du compte de concours financiers Avances à laudiovisuel public.

Les recettes du compte de concours financiers

(en millions d’euros)

Type de recettes

2018

2019

Évolution 2019/2018

CAP

3 214,7

3 307,6

+ 92,9

Dégrèvements de CAP

594,7

552

– 42,7

Total CAP

3 809,4

3 859,6

+ 50,5

TOCE

85,5

– 85,5

Total

3 894,5

3 859,6

 35

Source : loi de finances pour 2018 et présent PLF.

les dotations brutes versÉes À partir du compte de concours financiers

(en millions d’euros)

Opérateur

2018

2019

Évolution 2019/2018

France Télévisions

2 567,9

2 543,1

– 24,9

ARTE

285,4

283,3

– 2

Radio France

608,8

604,7

– 4,1

France Médias Monde

263,1

261,5

– 1,6

Institut national de l’audiovisuel (INA)

90,4

89,2

– 1,2

TV5 Monde

78,9

77,7

– 1,2

Total

3 894,6

3 859,6

 35

Source : état D des projets de finances 2018 et 2019.

Le montant des dotations brutes versées à partir du compte de concours financiers ne correspondent pas aux dotations nettes effectivement perçues par les opérateurs, dans la mesure où sont prélevés entre-temps certains frais d’assiette ou taxes détaillés ci-après.

Le tableau ci-dessous synthétise donc l’évolution de ces dotations effectives nettes des opérateurs de l’audiovisuel public (hors soutien à la production radiophonique locale).

L’Évolution des dotations nettes des opÉrateurs de l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Opérateur

2018

2019

Évolution 2019/2018

France Télévisions

2 516,9

2 490,8

– 24,9

ARTE

279,5

277,5

– 2

Radio France

596,3

592,3

– 4,1

France Médias Monde

257,8

256,2

– 1,6

Institut national de l’audiovisuel (INA)

88,6

87,4

– 1,2

TV5 Monde

77,4

76,2

– 1,2

Total

3 816,5

3 780,2

 35

Source : états D des projets de finances 2018 et 2019, réponses de la direction du budget.

I.   L’État du droit

A.   un fonctionnement insatisfaisant du compte de concours financiers

1.   Des principes clairs fixés dans la LOLF et la loi de finances pour 2006

L’article 19 de la LOLF ([512]) a créé la catégorie des comptes de concours financiers, en supprimant par ailleurs, à compter du 1er janvier 2006, celles des comptes d’avances et des comptes de prêts.

Ces comptes, dont la LOLF prévoit expressément qu’ils sont dotés de crédits limitatifs, ont pour avantage de permettre la réalisation d’avances, la plupart du temps au bénéfice de personnes publiques, avec un taux d’intérêt bonifié aligné sur celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance.

Le compte de concours financiers pour l’audiovisuel public

En application de ces dispositions, l’article 46 de la loi de finances pour 2006 (1) a prévu la création d’un compte de concours financiers destiné à retracer les avances à l’audiovisuel public.

Ce compte retrace :

– en dépenses, le montant des avances accordées à certaines personnes publiques intervenant dans le domaine audiovisuel : France Télévisions, Radio France, de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ARTE-France et de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) (2) ; depuis 2015, TV5 Monde bénéficie également de ces avances ;

– en recettes, d’une part, les remboursements d’avances correspondant au produit de la CAP, déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances, et, d’autre part, le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par le budget général de l’État. Depuis 2016, une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électronique (TOCE) y est également versée.

(1) Loi  2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

(2) La Chaîne parlementaire est exclue du bénéfice du compte de concours financiers.

La clarté de la présentation du compte de concours financiers a toutefois été limitée dès l’origine par un double mécanisme de garantie faisant intervenir à titre subsidiaire des crédits budgétaires.

En effet, l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2006 ([513]) a d’abord prévu que la prise en charge des dégrèvements de redevance audiovisuelle par le budget général de lÉtat serait soumise à un plancher.

En outre, ce même article 46 a prévu la fixation en loi de finances initiale d’un produit minimal de CAP ; s’il s’avérait que le produit réel de cette taxe est en dessous de la prévision, la différence serait comblée par le budget général de l’État.

2.   Une pratique qui tourne le dos aux principes de la LOLF et de la loi
de finances pour 2006

L’analyse de ce compte de concours financiers par la Cour des comptes, dans ses différentes notes annuelles d’exécution budgétaire, laisse perplexe sur le respect des dispositions de la LOLF et de l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2006 précitée.

La Cour décrit, en effet, un compte de concours financiers fonctionnant de façon relativement virtuelle, avec des jeux d’écritures en recettes comme en dépenses permettant d’arrêter des chiffres qui s’équilibrent entre eux mais ne sont pas suivis des versements correspondants.

S’agissant d’abord des recettes du compte, la Cour des comptes indique que les remboursements en principe opérés par les bénéficiaires des avances « ne sont en aucune manière des remboursements réels par les organismes audiovisuels publics, mais un simple jeu décritures conduisant à alimenter le compte par deux flux » que sont, d’une part, le produit de la CAP et, d’autre part, le remboursement des dégrèvements.

S’agissant par ailleurs des dépenses ordonnées à partir du compte de concours financiers, la Cour note que les avances ne sont pas considérées comme telles par les organismes bénéficiaires, puisque « les organismes publics ninscrivent pas dans leurs comptes une dette financière qui serait la contrepartie de lavance consentie par lÉtat ». De ce fait, « lopération ne se solde, en cours dannée, par aucun versement dintérêt qui aurait vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ni, en fin dannée, par aucun remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers ».

En synthèse, « le recours à un compte de concours financiers ne répond pas à la définition donnée par larticle 24 de la LOLF. Il crée une distorsion de traitement avec la comptabilité générale, difficile à expliquer, et permet dexonérer les avances à laudiovisuel de toute discipline budgétaire puisque les dépenses faites sur ce compte (...) échappent à la norme de dépense ».

B.   Les recettes du compte de concours financiers

Le compte de concours financiers est actuellement alimenté, à titre principal, par le produit de la CAP et, à titre accessoire, par les dégrèvements de CAP décidés par lÉtat ainsi que les éventuels remboursements dus à une erreur de perception.

Depuis 2016, il est également abondé par une partie du produit de la TOCE, cette affectation étant supprimée par l’article 29 du présent PLF.

1.   La contribution à l’audiovisuel public (CAP)

Le régime de la CAP due par les particuliers se distingue de celui applicable aux personnes physiques à titre professionnel et aux personnes morales, tandis que son tarif est différent entre la métropole (139 euros) et l’outre-mer (89 euros).

a.   La contribution à l’audiovisuel public des particuliers

Sont concernées, en premier lieu, pour l’imposition des particuliers, les personnes physiques imposables à la TH au titre d’un local meublé affecté à l’habitation et détenant, au 1er janvier de l’année, un téléviseur à usage privatif, quel que soit son état de fonctionnement ou l’effectivité d’une connexion permettant d’avoir accès aux chaînes de l’audiovisuel public.

L’article 1605 bis du CGI définit, par un renvoi aux dispositifs applicables à la TH, les catégories de personnes dégrevées de cette contribution.

b.   Le régime applicable aux redevables professionnels

La CAP est également due par toutes les personnes physiques autres que celles imposables à la TH et par les personnes morales.

Sont exonérées de ce volet de la CAP les personnes morales de droit public pour leurs activités non assujetties à la TVA, les associations caritatives hébergeant des personnes en situation d’exclusion, les établissements sociaux et médico-sociaux, les établissements de santé et les associations socioculturelles et sportives des établissements pénitentiaires.

Le tarif applicable est le même que celui en vigueur pour les particuliers. Il s’applique toutefois à chaque point de vision, avec un abattement de 30 % à partir du troisième et de 35 % à partir du trente-et-unième. Il est, en outre, multiplié par quatre pour les débits de boissons à consommer sur place.

c.   L’augmentation tendancielle des recettes nettes de CAP et les modalités de détermination du montant effectivement versé aux opérateurs

Le produit de la CAP a augmenté de manière tendancielle ces dernières années.

LE PRODUIT DE LA CAP EFFECTIVEMENT VERSÉ APRÈS IMPÔTS

(en millions d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

3 058,9

3 155,9

3 223,2

3 376,8

3 478

3 591,4

3 651,7

3 688,7

3 730,7

3 780,2

Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

Les chiffres présentés dans le tableau ci-dessus retracent les montants effectivement versés aux organismes publics, toutes taxes acquittées.

Ce montant net résulte de l’addition des recettes brutes de CAP et du montant correspondant aux remboursements et dégrèvements de CAP opérés à partir des crédits de la mission budgétaire Médias, livre et industries culturelles. Sont déduits les frais d’assiette et de recouvrement, des coûts de trésorerie, ainsi que la TVA au taux de 2,1 % pesant spécifiquement sur les subventions versées à partir de ce compte en application de l’article 257 du CGI.

Évolution du montant de la contribution
à l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Ressources

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Encaissements bruts de redevance

2 986,2

3 072,2

3 181,3

3 140,1

3 203

3 314,8

3 337,8

Frais d’assiette et de recouvrement

28,2

28,4

28,6

28,8

29,0

29,3

29,5

Coûts de trésorerie

0,5

0,5

0

0

0

0

0,7

Encaissements nets de redevance

2 957,5

3 043,3

3 152,7

3 111,3

3 174

3 285,6

3 307,6

Compensation pour dégrèvement

490,2

507,8

514,1

617,1

592,2

523,5

552,0

Dotations aux organismes publics (TTC)

3 447,7

3 551,1

3 666,8

3 728,3

3 766,2

3 809,1

3 859,6

Dotations aux organismes publics (HT)

3 376,8

3 478,0

3 591,4

3 651,7

3 688,7

3 730,7

3 780,2

Source : direction du budget.

L’augmentation du produit de la CAP résulte pour l’essentiel de l’augmentation régulière du tarif de cette contribution.

Cette augmentation a concerné à la fois la métropole et l’outre-mer. Elle résulte à la fois de la revalorisation automatique en fonction de l’inflation et d’augmentations complémentaires décidées par le Gouvernement à échéances régulières.

Les augmentations successives de la CAP

(en euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Métropole

118

121

123

125

131

133

136

137

138

139

139

Outre-mer

75

78

79

80

84

85

86

87

88

89

89

Montant qui résulterait uniquement de l’indexation sur l’inflation

118

119

121

123

125

127

128

129

130

131

133

Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

2.   Les dégrèvements de CAP décidés par l’État

Le compte de concours financiers est, par ailleurs, alimenté par un montant correspondant aux dégrèvements et remboursements de CAP décidés par l’État ; ce montant, budgété à l’action 12 du programme 200 Remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat, rattaché à la mission Remboursements et dégrèvements.

Ces dégrèvements correspondent, en premier lieu, au dispositif dit « de maintien des droits acquis » appliqué à compter de 2005, prévu par le 3° de l’article 1605 bis du CGI à destination des personnes qui étaient exonérées de la redevance audiovisuelle au 31 décembre 2004.

Ce dispositif, prévu par l’article 41 de la loi de finances pour 2005 ([514]), était destiné à accompagner une réforme en profondeur de l’ancienne taxe parafiscale pour la transformer en imposition de toute nature, conformément au nouveau cadre posé par la LOLF.

Cette réforme s’est traduite par un rapprochement des conditions d’exonération de la CAP et de celles, plus restrictives, applicables pour la TH ; en effet, l’exonération de redevance audiovisuelle était ouverte aux personnes de plus de soixante-cinq ans n’ayant pas été imposées sur le revenu au titre de l’avant-dernière année ou de l’ISF au titre de la même année.

À compter de 2016, le montant des restitutions opérées au titre du maintien des droits acquis a, de surcroît, été impacté par la mise en œuvre de larticle 75 de la loi de finances pour 2016 ([515]), qui vise, d’une part, à protéger les droits acquis des contribuables ayant bénéficié du maintien de leurs exonérations d’impôts locaux en 2014 et, d’autre part, à améliorer la situation des contribuables aux revenus modestes au regard de l’imposition locale.

Les effets des mesures de lissage des impôts locaux de 2014 et 2015
sur le paiement de la CAP

L’article 28 de la première loi de finances rectificative pour 2014 (1) a maintenu l’exonération de taxe d’habitation en 2014, pour les contribuables de plus de soixante ans, ainsi que pour les veufs et veuves, qui étaient exonérés en 2013 à raison de leur niveau de revenu fiscal de référence (RFR), en application du 2° du I de l’article 1414 du CGI. Cet article a également prévu le maintien du dégrèvement de la CAP en 2014, pour ces mêmes contribuables.

Le maintien de l’exonération de taxe d’habitation et de CAP a bénéficié en 2014 à 662 000 redevables. Toutefois, la mesure prévue par l’article 28 précité n’ayant qu’un caractère temporaire, à l’automne 2015, un certain nombre de contribuables âgés se sont trouvés assujettis à la taxe d’habitation et à la CAP, alors qu’ils en étaient exonérés jusqu’alors.

Afin de remédier à cette situation, l’article 75 de la loi de finances pour 2016 précitée a permis la mise en place de ce qu’il est désormais convenu d’appeler une « clause de grand-père » en deux volets :

– le premier volet permet de maintenir les droits acquis des personnes exonérées en 2013, en pérennisant les effets de l’exonération prévue par l’article 28 précité lorsqu’elles ont perdu le bénéfice de l’exonération du fait de la fiscalisation des majorations de pension et de la réforme de la demi-part « vieux parents ». À cet effet, les seuils du RFR conditionnant l’exonération de la taxe d’habitation ont été réhaussés pour ces seuls redevables ;

– le second volet, qui concerne l’ensemble des contribuables, vise à lisser les effets de seuil lors de l’entrée dans l’imposition locale grâce à la mise en place d’un dispositif « en sifflet ». En effet, lorsqu’un contribuable perd son exonération de taxe d’habitation, de taxe foncière et de CAP, les montants d’imposition à acquitter du fait de cette perte peuvent être considérables, souvent supérieurs à la hausse de revenu ayant généré cette perte.

L’article 75 permet donc aux contribuables ayant perdu le bénéfice de l’exonération de taxe d’habitation prévue en faveur des personnes aux revenus modestes de plus de soixante ans, veufs ou veuves, ou titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de conserver pendant deux ans le bénéfice de cette exonération, à laquelle est associé le dégrèvement de CAP. Il en est de même pour les contribuables bénéficiant de l’exonération de taxe foncière prévue en faveur des personnes aux revenus modestes de plus de soixante-quinze ans ou titulaires de l’AAH.

À l’issue de cette période de deux ans, la valeur locative utilisée pour établir la taxe foncière et la taxe d’habitation est réduite de deux tiers l’année suivante et d’un tiers l’année d’après. Ce dernier dispositif est toutefois sans impact sur le paiement de la CAP, dont la personne redevient redevable pour l’intégralité de son montant.

(1)    Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

Outre ce dispositif de maintien des droits acquis, le montant des dégrèvements versés au compte de concours financiers résulte par ailleurs à titre principal du dispositif en vigueur, qui permet d’exonérer ou de dégrever les personnes visées précédemment en raison de leur situation actuelle et non de leur situation passée.

Le plancher de revenus en deçà duquel est opéré le dégrèvement est défini par renvoi au dispositif du RFR, soit :

– 10 686 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 2 853 euros pour chaque demi-part supplémentaire ;

– pour les personnes bénéficiant du dispositif mis en place en 2014 et 2015, 13 553 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 2 856 euros pour chaque demi-part supplémentaire.

En pratique, une personne seule commencera donc à payer chaque mois, pour l’accès à l’ensemble des chaînes de l’audiovisuel public, une contribution fixe de 11 euros, alors que son revenu mensuel de référence avoisine les 900 euros (et 1 130 euros pour les bénéficiaires du dispositif mis en place en 2014 et 2015). Dans le cas d’un couple, le revenu de référence sera de 1 130 euros également.

3.   La taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE)

Depuis l’entrée en vigueur de l’article 48 de la loi de finances pour 2016 ([516]), le compte de concours financier est également alimenté par une partie du produit de la TOCE.

Cette taxe a été créée par l’article 33 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, dans le cadre d’une modification plus générale du financement de l’audiovisuel public impliquant, notamment, la suppression de la publicité après 20 heures sur France Télévisions et la restructuration de l’audiovisuel extérieur de la France.

Afin de compenser le surcoût budgétaire lié à cette suppression, cette loi a prévu la création de deux taxes, dont le produit vient abonder le budget général de l’État :

– la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision, codifiée à l’article 302 bis KG du CGI, par ailleurs réformée par l’article 10 du présent PLF ;

– la TOCE.

Cette seconde taxe pèse sur les services de communications électroniques, c’est-à-dire sur toute prestation qui, au moins à titre principal, permet l’émission, la transmission ou la réception de signes, de signaux, d’écrits, d’images ou de sons, par voie électromagnétique. Cette définition exclut les services de télévision, de radios et de médias audiovisuels à la demande.

Elle est due par les opérateurs de communications électroniques tels que définis par l’article L. 32 du code des postes et communications électroniques, qui ont fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électronique (ARCEP). La taxe est due à raison des services fournis en France, ce qui n’exclut pas les opérateurs dont le siège est installé à l’étranger.

Elle pèse sur le montant, hors TVA, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers auprès de ces opérateurs en rémunération des services de communications électroniques qu’ils fournissent.

Le taux de la taxe a été relevé par l’article 48 précité de 0,9 à 1,3 %.

PRODUITS DES TAXES SUR LA PUBLICITÉ ET SUR LES SERVICES FOURNIS
PAR LES OPÉRATEURS DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

(en millions d’euros)

Taxe

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Taxe sur la publicité

13

14

15,3

15,3

15

14,4

14,4

(1)

TOCE

179,7

253,9

212,7

201

295

264,0

266,4

272,4

Total

192,7

267,9

228

228

310

278,4

280,8

272,4

(1)   Cette taxe fait l’objet d’une refonte dans le cadre de l’article 10 du présent PLF.

Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

La part du produit de la TOCE affectée au financement de l’audiovisuel public a enregistré une augmentation croissante entre 2015 et 2017, mais le présent PLF tend à inverser cette tendance.

le PRODUIT de la toce affecté à l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Ressource

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Produit total

179,7

253,9

212,7

201

295

264,0

266,4

272,4

Part affectée à laudiovisuel public

139,1

165

85,5

Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

4.   La fin du financement par les crédits budgétaires

Le financement de l’audiovisuel public par des crédits budgétaires, rendu en grande partie nécessaire par la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes du groupe France Télévisions en 2008, a progressivement été mis en extinction depuis 2011.

Il a été remplacé par des augmentations de la CAP au-delà de la seule revalorisation en fonction de l’inflation, ainsi qu’une affectation croissante du produit de la TOCE.

Les ressources de l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Ressources

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Crédits budgétaires

642,6

622

426

283,2

189,6

0

0

0

Taxes affectées nettes

3 155,9

3 223,2

3 377,2

3 478,6

3 591,4

3 790,7

3 853,1

3 816,3

3 780,2

 dont CAP

3 155,9

3 223,2

3 377,2

3 478,6

3 591,4

3 651,6

3 688,7

3 730,7

3 780,2

 dont TOCE

139,1

164,4

85,5

0

Recettes publicitaires et produits divers (1)

554,7

508,7

463,8

450,1

465,6

470,4

460

460

460

Total

4 353

4 354

4 267

4 212

4 247

4 261,1

4 313,1

4 276,3

4 240,2

TOCE : taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.

(1) Ces recettes ne comprennent pas la contribution publique des gouvernements partenaires reçue par TV5 Monde.

Source : réponses au questionnaire budgétaire, documents budgétaires.

Le tableau ci-dessous présente une synthèse des mesures adoptées depuis 2012 qui ont permis de faire évoluer le financement de l’audiovisuel public dans le sens d’une simplification et d’un recentrage sur la CAP.

Mesures législatives récentes dans le domaine du financement
de l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Article de loi

Mesures adoptées

Impact budgétaire prévu

Art. 54 de la LFI 2013

– Augmentation de la CAP de 4 euros

– Produit supplémentaire de CAP d’environ 100 millions d’euros

Art. 44 de la LFI 2015

– Augmentation de la CAP de 3 euros (deux euros à titre exceptionnel et un euro à titre automatique)

– Possibilité de financer TV5 Monde par le biais du compte Audiovisuel public

– Produit supplémentaire de CAP de 76 millions d’euros

– Suppression de la subvention à TV5 Monde de 76,2 millions d’euros

– Garantie de financement actualisée à hauteur de 126 millions d’euros (49,8 + 76,2)

Art. 48 de la LFI 2016 et budget Médias, livre et industries culturelles

– Augmentation automatique de la CAP dun euro

 

– Taux de la TOCE relevé de 0,9 à 1,3 %

– Affectation du produit de la TOCE à France Télévisions à hauteur de 140,5 millions d’euros

– Suppression de la dotation budgétaire de 40,5 millions d’euros à France Télévisions

– Produit supplémentaire de CAP de 64,7 millions d’euros

Art. 37 de la LFI 2017

– Augmentation automatique de la CAP d’un euro

– Augmentation globale des moyens affectés à l’audiovisuel public de 63 millions d’euros

– Ce montant est financé à hauteur de 37 millions d’euros par la revalorisation automatique de la CAP et la dynamique de son assiette

– Il est par ailleurs financé à hauteur de 26 millions d’euros par un accroissement de la part du produit de la TOCE affectée à France Télévisions

Art. 53 de la LFI 2018

– Augmentation automatique de la CAP d’un euro

– Augmentation de 43 millions d’euros de la CAP

– Baisse de 79,66 millions d’euros de la TOCE affectée à France Télévisions

– Donc baisse globale de 36,5 millions d’euros des moyens de l’audiovisuel public

LFI : loi de finances initiale.

TOCE : taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.

Source : commission des finances.

C.   Les DÉpenses financÉes À partir du compte d’affectation spÉcialE

Le compte de concours financiers permet d’opérer des versements aux entreprises de l’audiovisuel public listées dans le tableau ci-dessous, qui retrace par ailleurs les montants nets des dotations qui leur ont été versées.

Pour une vision complète, les montants de subventions versées sans transiter par ce compte ont été rappelés, sachant que ce mode de financement a désormais été supprimé.

les ressources publiques nettes de l’audiovisuel public par bÉnÉficiaire

(en millions d’euros)

Opérateurs

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

France Télévisions

CAP

2 253,4

2 382,3

2 320,6

2 370,7

2 383,3

2 431,3

2 490,8

TOCE

139,1

164,4

85,5

Subvention

248,8

103,6

160,4

0,0

0,0

0,0

TOTAL

2 502,2

2 485,9

2 481,0

2 509,8

2 547,7

2 516,9

2 490,8

ARTE France

CAP

262,6

260,5

261,8

264,3

274,3

279,5

277,5

Subvention

0,0

0,0

Radio France

CAP

605,5

600,4

601,8

606,8

612,3

596,3

592,3

Subvention

0,0

0,0

 Expression radiophonique locale

Subvention

29

29

29,1

29,0

30,9

30,8

30,8

 

France Médias Monde

CAP

165,8

165,9

242

244,0

251,5

257,8

256,2

Subvention

148,2

74,4

0

0,0

0,0

INA

CAP

89,9

69,5

89

89,0

89,0

88,6

87,4

Subvention

0,0

0,0

TV5 Monde

CAP

76,1

76,9

78,4

77,4

76,2

Subvention

76,2

0,0

0,0

TOTAL

CAP

3 377,2

3 478,6

3 591,4

3 651,7

3 688,7

3 730,7

3 780,2

TOCE

139,1

164,4

85,5

Subvention

426

283,2

189,6

29,0

30,9

30,8

30,8

 

TOTAL GÉNÉRAL

3 803,2

3 761,8

3 781

3 819,8

3 884,0

3 847,0

3811

 

Source : projets annuels de performances et rapports annuels de performances 2013 à 2016 ; réponses au questionnaire du Rapporteur général.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   le gel du tarif de la cap

1.   Une non-revalorisation exceptionnelle

En l’absence de disposition spécifique dans le présent PLF, le tarif de la CAP actuellement fixé par l’article 1605 du CGI – soit 139 euros en métropole et 89 euros pour les départements d’outre-mer – aurait dû être indexé selon les modalités prévues par le dernier alinéa de ce même article.

Celui-ci prévoit en effet que le montant précité « est indexé chaque année sur lindice des prix à la consommation hors tabac, tel quil est prévu dans le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour lannée considérée. Il est arrondi à leuro le plus proche ».

Compte tenu d’une hypothèse d’augmentation de cet indice des prix de 1,3 % retenue par le présent projet de loi finances, la revalorisation devrait être de 1,807 euro, chiffre qui aurait été arrondi à 2 euros.

Le I du présent article prévoit que, par dérogation à l’article 1605 précité, le montant de la CAP ne sera pas indexé en 2019.

Comme cela a été rappelé dans un tableau précédent, une telle non‑revalorisation n’a jamais été opérée depuis la création en 2009 du mécanisme d’indexation automatique en fonction de l’inflation, ce qui peut être interprété comme une participation – fût-elle limitée si l’on se place du point de vue du contribuable – du secteur audiovisuel au soutien du pouvoir d’achat des Français.

2.   Malgré ce gel, le produit de la CAP augmente de 50,5 millions d’euros

Malgré ce gel, le produit global de la CAP augmente de 50,5 millions d’euros, ce qui résulte mécaniquement de l’accroissement de la population française partiellement compensé par le moindre équipement tendanciel des Français en téléviseurs.

Cette augmentation du produit de la CAP sera intégralement fléchée vers France Télévisions, qui bénéficiera même d’une augmentation de son produit de CAP au détriment des autres opérateurs.

Cet effort des autres opérateurs de l’audiovisuel en faveur de France Télévisions vise à contrebalancer l’effort qui lui sera par ailleurs demandé, en application de l’article 29 du présent PLF, par la suppression du reliquat de produit de la TOCE encore affecté à l’audiovisuel public.

Évolution du financement de l’audiovisuel public (2019/2018)

(en millions d’euros)

Opérateur

Variation de l’affectation
de CAP

Variation de l’affectation
de TOCE

Total

France Télévisions

+ 60,7

– 85,5

– 24,9

ARTE

– 2

– 2

Radio France

– 4,1

– 4,1

France Média Monde

– 1,6

– 1,6

TV5 Monde

– 1,2

– 1,2

Institut national de l’audiovisuel (INA)

– 1,2

– 1,2

Total

+ 50,5

– 85,5

– 35

Source : documents budgétaires (état D et exposé des motifs de l’article 35) et réponses de la direction du budget.

Au total, le présent PLF implique un effort de l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public de 35 millions d’euros, après un effort de 36,5 millions d’euros demandé l’année dernière.

Cet effort est d’ailleurs assez équitablement réparti entre les opérateurs
– et relativement limité si l’on le rapporte aux montants nets perçus en 2018.

L’effort demandé aux opérateurs de l’audiovisuel public

Opérateur

Évolution 2019/2018
(en millions deuros)

Évolution 2019/2018
(en pourcentage des dotations nettes versées à partir du compte de concours financiers)

France Télévisions

– 24,9

– 1,03 %

ARTE

– 2

– 0,71 %

Radio France

– 4,1

– 0,67 %

France Média Monde

– 1,6

– 0,62 %

TV5 Monde

– 1,2

– 1,35 %

Institut national de l’audiovisuel (INA)

– 1,2

– 1,55 %

Total

– 35

– 0,94 %

Source : calculs commission des finances.

B.   L’ajustement du compte de concours financiers

1.   Les prévisions de recettes de la CAP en 2017

Le 2°du II° présent article, tirant les conséquences de l’évolution du produit de la CAP, augmente de 3 214,7 à 3 307,6 millions d’euros le plancher de recettes garanties de cette taxe, soit une hausse de 92,9 millions deuros.

Le plancher de produit de la cap en loi de finances initiale

(en millions d’euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2 652

2 764

2 903,6

3 028,8

3 149,8

3 214,5

3 202,8

3 214,7

3 307,6

Source : réponses aux questionnaires budgétaires.

Ce chiffre de + 92,9 millions d’euros représente en réalité le produit théorique de CAP avant application prise en charge par l’État des dégrèvements détaillés ci-dessous. Le montant de cette prise en charge devant baisser de 42,7 millions d’euros cette année, le solde du produit de CAP versé sur le compte est de bien + 50,5 millions d’euros.

2.   La baisse sensible des dégrèvements de CAP

Le 1° du II du présent article abaisse en outre de 594,4 à 552 millions d’euros le plancher garanti de ressources à verser au compte de concours financiers au titre des remboursements et dégrèvements d’impôts pris en charge par l’État, soit une baisse de – 42,7 millions d’euros.

Le plafond de remboursement des dégrèvements de cap fixé
en loi de finances initiale

(en millions d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

561,8

569,8

526,4

544,1

527,3

517

513,8

563,3

594,4

552

Source : réponses aux questionnaires budgétaires.

Cette forte baisse résulte de l’atténuation progressive de l’impact budgétaire du dispositif de maintien des droits acquis de 2005, mais aussi d’un certain retour à la normale du montant résultant des exonérations pour motifs sociaux, qui a enregistré une hausse importante entre 2016 et 2018.

Le tableau ci-dessous détaille les montants effectivement versés au titre de ces dégrèvements, ce qui permet de déduire l’écart par rapport aux prévisions mentionnées ci-dessus.

Détail des montants effectivement versÉs
au titre des dégrèvements de CAP

(en millions d’euros)

Dégrèvement

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste

446,1

462,7

510,9

439,8

563,3

583

578,5

540

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste au titre des droits acquis

52,8

39,3

29,1

47

20,6

17

15,9

12

Total

498,9

502

539,9

486,7

583,9

600

594,4

552

Source : direction du budget.

*

*     *

La commission examine lamendement de suppression I-CF1401 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Nous proposons de supprimer l’article 35 qui désindexe le montant de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) de l’inflation et qui limite les avances à l’audiovisuel public. Ces dispositions s’insèrent dans le mouvement plus général de réduction des budgets voulue par le chef de l’État dans sa politique de transformation de l’audiovisuel public. Il est ainsi question d’une fusion entre Radio France et France Télévisions et de la suppression de chaînes comme France Ô, regardée bien au-delà de l’outre-mer.

M. le Rapporteur général suppléant. Avis défavorable. Avant de modifier la CAP, mieux vaut attendre que la réflexion sur l’avenir de l’audiovisuel public ait pris tout son essor.

La commission rejette lamendement.

Elle adopte larticle 35 sans modification.

*

*     *


D.  Autres dispositions

Article 36
Relations financières entre lÉtat et la sécurité sociale

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à :

– augmenter la fraction de taxe sur la valeur ajoutée brute affectée à la sécurité sociale, à hauteur de 26,36 %, dont 23,49 points de pourcentage affectés à la branche maladie, maternité, invalidité et décès du régime général et 2,87 points de pourcentage affectés à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), représentant au total 46,8 milliards d’euros ;

– et à instaurer une minoration de l’affectation de la fraction de TVA en faveur de la branche maladie, maternité, invalidité et décès, à hauteur de 1,5 milliard d’euros en 2020, 3,5 milliards d’euros en 2021 et 5 milliards d’euros par an à compter de 2022.

Dernières modifications législatives intervenues

– Chaque année, une fraction de TVA est affectée à la sécurité sociale pour compenser les exonérations ou baisses de recettes de celle-ci (principe de compensation intégrale des pertes de recettes de la sécurité sociale par l’État – article L. 131-7 du code de la sécurité sociale).

– Depuis la dernière loi de finances rectificative pour 2012, ce mécanisme de compensation passe par l’affectation d’une part de TVA nette à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés – CNAMTS (5,88 % en 2013, 7,85 % en 2014, 7,10 % en 2015, 7,19 % en 2016 et 7,03 % en 2017). En 2018, la loi de finances a affecté une fraction de 5,59 % à l’ACOSS et 0,34 % à la CNAMTS.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Le présent article a pour objet d’ajuster les flux financiers entre l’État et la sécurité sociale. Il tient compte de dispositions contenues en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) qui déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale.

I.   la baisse significative de recettes de la sÉcuritÉ sociale en 2019, en raison de mesures adoptées en 2018

La LFSS pour 2018 a prévu différentes mesures qui auront leur plein effet ou entreront en vigueur en 2019 ([517]).

perte de recettes de la sécurité sociale

(en milliards d’euros)

Mouvements en recettes

Impact sur le solde sécurité sociale

Effet en année pleine de la baisse des cotisations d’assurance chômage

– 4,1

Baisse de 6 points des cotisations d’assurance maladie

– 22,6

Extension des allégements généraux

– 0,9

dont réduction dégressive des cotisations au titre des régimes de retraite complémentaire

 5,1

dont impact sur l’Unédic

 0,9

Total

 27,6

Source : évaluation préalable de l’article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

A.   L’exonération de cotisations salariales chômage

L’article 8 de la LFSS pour 2018 a prévu une exonération en deux temps du paiement des contributions d’assurance chômage pour les salariés du secteur privé :

– au 1er janvier 2018, exonération de 1,45 point de la contribution salariale d’assurance chômage ;

– au 1er octobre 2018, exonération supplémentaire de 0,95 point de la contribution salariale d’assurance chômage.

L’exonération totale de la contribution salariale d’assurance chômage établie à 2,40 % s’applique depuis le 1er octobre 2018. Le taux des contributions d’assurance chômage est fixé par la convention relative à l’assurance chômage. Aux termes de la convention du 14 avril 2017, le taux des contributions à la charge des salariés s’élève à 2,40 % ([518]).

Selon l’évaluation préalable du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, la mesure d’exonération devait entraîner une perte de recettes de 9,9 milliards d’euros pour l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unédic) au titre de l’exercice 2018. En 2019, cette mesure aura son plein effet et entraînera une perte de recettes supplémentaire évaluée à 4,1 milliards d’euros ([519]). Toutefois, il est à noter que la mesure de compensation prévue à l’article 55 de la loi de finances pour 2018 n’était pas pérenne ([520]). L’article prévoyait l’affectation en 2018 d’une fraction égale à 5,59 % du produit de la TVA brute budgétaire à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), au titre de ses missions de prise en charge des pertes de recettes de l’Unédic.

B.   Les allégements de cotisations patronales en compensation de la suppression du CICE

Aux termes de l’article 86 de la loi de finances pour 2018 ([521]), à compter du 1er janvier 2019, le CICE et le crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS) seront supprimés. L’article 9 de la LFSS pour 2018 a prévu différentes mesures d’allégements des cotisations patronales :

– un allégement de 6 points sur la cotisation patronale d’assurance maladie jusqu’à 2,5 SMIC, applicable à compter du 1er janvier 2019, visant à compenser la suppression du CICE et représentant une perte de recettes de 22,6 milliards d’euros ;

 une réduction dégressive lorsqu’elles sont assises sur des salaires inférieurs à 1,6 SMIC, de 4,75 % des cotisations patronales au titre des régimes de retraite complémentaire AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres), ARRCO (Association des régimes de retraite complémentaire) et de 1,2 % de la cotisation AGFF (Association pour la gestion du fonds de financement de l’AGIRC et de l’ARRCO) avec une exonération totale au niveau du SMIC, à compter du 1er janvier 2019, représentant une perte de recettes de 5,1 milliards d’euros ([522])  ;

– et une exonération totale des 4,05 % de cotisations patronales d’assurance chômage au niveau du SMIC et dégressive jusqu’aux salaires inférieurs à 1,6 SMIC, à compter des rémunérations dues au titre d’octobre 2019, en vertu de l’article 8 du PLFSS pour 2019, représentant une perte de recettes de 0,9 milliard d’euros. Cela représentera une perte de recettes de 3,5 milliards d’euros en année pleine, soit en 2020.

Toutefois, la « bascule » du CICE en allégements de cotisations sociales aura un impact budgétaire significatif en 2019, dans la mesure où les entreprises éligibles continueront à bénéficier du CICE acquis au titre des exercices antérieurs, notamment 2018, et bénéficieront des nouveaux allégements mis en place. Ce « coût double » sera supporté par l’État, qui compensera ces mesures concomitantes générant des pertes de recettes massives pour les organismes de sécurité sociale.

II.   les mesures des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2019, affectant le solde de la sÉcuritÉ sociale

A.   Les transferts de recettes des prélèvements sociaux vers l’État

Le présent article tire les conséquences des dispositions du PLFSS pour 2019, qui visent à transférer le produit de certains prélèvements sociaux vers le budget général de l’État, générant une perte de recettes pour la sécurité sociale, évaluée à 7,4 milliards d’euros.

transferts de recettes vers l’état

(en millions d’euros)

Transferts de recettes

Impact sur le solde sécurité sociale

Transfert des prélèvements sociaux sur le capital

– 7 359

Source : évaluation préalable du présent article.

Lors de son arrêt De Ruyter du 26 février 2015, la CJUE a remis en cause la faculté de soumettre à des prélèvements affectés à des régimes de sécurité sociale les revenus du capital perçus par des personnes rattachées à un régime de sécurité sociale d’un autre pays membre de l’Union européenne, en raison de l’affectation de ces prélèvements au financement de prestations contributives ([523]).

La LFSS pour 2016 a affecté le produit des contributions sociales sur les revenus du capital au financement exclusif de prestations sociales non contributives, principalement à une partie des dépenses du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ou à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ([524]). Les contributions sociales visées étaient la CSG, la CRDS, le prélèvement social, la contribution additionnelle au prélèvement social et le prélèvement de solidarité.

Néanmoins, le Gouvernement indique que la nouvelle affectation reste contestée. La LFSS pour 2018 a transféré le produit du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital du FSV à l’État, soit 2,6 milliards d’euros ([525]). L’article 19 du PLFSS pour 2019 poursuit ce mouvement et prévoit de transférer à l’État le produit des prélèvements sociaux sur le capital, à l’exception de la CSG et de la CRDS. Ce transfert vise également à simplifier les relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Ainsi, seront désormais affectés à l’État :

– le prélèvement social de 4,5 %, représentant 5,9 milliards d’euros ;

– et la contribution additionnelle au prélèvement social de 0,3 %, représentant 393 millions d’euros.

Par ailleurs, l’article précité prévoit de transférer 0,7 point du taux de la CSG applicable aux revenus du capital vers le prélèvement social, en relevant son taux à due concurrence soit 5,2 %. Les deux contributions ayant la même assiette, le changement de taux serait neutre pour les contribuables et pour les finances publiques. Par ailleurs, le taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et du capital serait fixé à 9,2 % et serait ainsi aligné sur le taux de la CSG applicable aux revenus d’activité. Enfin, les prélèvements sociaux réaffectés seraient fusionnés. Ainsi, le taux du futur prélèvement unique sera de 7,5 %, soit la somme des taux de la contribution additionnelle (0,3 %), du prélèvement social (4,5 %), du prélèvement de solidarité affecté à l’État depuis 2018 (2 %) et du 0,7 point de CSG précité.

Selon l’évaluation préalable du présent article, le rendement des prélèvements sociaux sur le capital transférés en 2019 vers l’État s’élèverait à 7,4 milliards d’euros (le transfert de 0,7 point du taux de la CSG applicable aux revenus du capital vers le prélèvement social représenterait environ un milliard d’euros).

Le Rapporteur général s’interroge sur la pertinence du maintien d’une exception pour la CSG et la CRDS, qui restent affectées au financement de la sécurité sociale. Du point de vue du droit de l’Union européenne, cette exception pourrait être de nouveau contestée.

B.   la refonte des dispositifs d’exonÉrations ciblÉES

refonte des dispositifs d’exonÉrations ciblÉES

(en millions d’euros)

Perte de recettes

Impact sur le solde sécurité sociale

Refonte des dispositifs d’exonérations ciblées

– 1 215

Source : évaluation préalable du présent article.

Compte tenu du remplacement du CICE et du CITS par une réduction uniforme des cotisations d’assurance maladie et un renforcement des allégements généraux, l’article 8 du PLFSS prévoit la refonte des dispositifs d’exonérations ciblées et spécifiques. En effet, la bascule CICE en allégements généraux a pour effet de rendre certains dispositifs d’exonérations ciblées et spécifiques moins favorables que les allégements généraux.

Ainsi, il est prévu la suppression ou le recentrage des dispositifs suivants :

– dispositif relatif aux travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE) ;

– exonérations relatives au secteur de l’apprentissage ;

– exonérations relatives aux contrats aidés dans le secteur privé ;

– et dispositifs relatifs à l’insertion par l’activité économique (associations d’insertion, ateliers et chantiers d’insertion, contrats professionnels).

Le Gouvernement prévoit également la modification des dispositifs suivants :

– barèmes applicables en outre-mer ;

– exonérations relatives aux services à la personne auprès de publics fragiles ;

– et taux de cotisations dans les régimes spéciaux.

La bascule des populations bénéficiaires dans le champ des allégements généraux entraînera de nouvelles pertes de recettes pour la sécurité sociale évaluées à 1,2 milliard d’euros, qui seront compensées par l’État.

La compensation de l’État ne concernera que le coût de la bascule des personnes bénéficiaires dans le champ des allégements généraux pour ceux qui étaient éligibles à des dispositifs compensés par l’État à la sécurité sociale jusqu’en 2018. En revanche, l’État ne compensera pas le coût de la bascule de personnes qui étaient éligibles à des dispositifs non compensés, tels que les contrats aidés du secteur privé.

C.   les transferts divers entre l’État et la sÉCURITÉ SOCIALE

1.   Les mesures de transfert de dépenses vers l’État

Mesures ayant un impact sur le solde de la sécurité sociale

(en millions d’euros)

Mesures

Impact sécurité sociale

Mesures de transfert de dépenses

16

Transfert des compétences des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) aux tribunaux de grande instance (TGI) – dépenses de fonctionnement

9

Transfert des emplois dans le cadre du transfert du contentieux des TASS vers les TGI

2

Service public d’information en santé (SPIS) (sante.fr)

2

Transfert vers l’État du dispositif de médiation dans le cadre de la qualité de vie au travail en milieu hospitalier

3

Note de lecture : les impacts négatifs sont illustrés par le signe négatif, tandis que les impacts positifs sont représentés par les chiffres positifs qui correspondent soit à une baisse de dépenses, soit à une augmentation de recettes pour la sécurité sociale.

Source : évaluation préalable du présent article.

Le présent article tire les conséquences de l’affectation à l’État de plusieurs dépenses, financées par la sécurité sociale. Celles-ci seront inscrites au sein du budget général de l’État :

– au titre du financement du dispositif de médiation dans le cadre de la qualité de vie au travail en milieu hospitalier, sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ;

– au titre du financement du service public d’information en santé (SPIS), sur la mission Santé ;

– au titre du transfert du contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) vers les tribunaux de grande instance (TGI), sur la mission Justice.

Au total, elles représentent 16 millions d’euros de transferts de charge entre la sécurité sociale et l’État.

2.   Les mesures de transferts en dépenses et en recettes

Mesures ayant un impact sur le solde de la sécurité sociale

(en millions d’euros)

Mesures

Impact sécurité sociale

Mesures PLF/PLFSS 2019

 14

Affectation du produit des amendes cannabis à un fonds de lutte contre les addictions

– 10

Compensation des mesures « seuils sociaux » du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) à Action Logement

– 40

Fonds de transformation des débitants de tabac

36

Note de lecture : les impacts négatifs sont illustrés par le signe négatif, tandis que les impacts positifs sont représentés par les chiffres positifs qui correspondent soit à une baisse de dépenses, soit à une augmentation de recettes pour la sécurité sociale.

Source : évaluation préalable du présent article.

L’article 38 du PLFSS prévoit la création d’un fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives. Ce fonds sera doté de ressources correspondant au produit des amendes forfaitaires sanctionnant la consommation de cannabis, qui correspondent donc à un financement par l’État dudit fonds.

L’article 6 du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) modifie les dispositions en matière de seuils d’effectifs. Ces modifications ont pour effet de diminuer les ressources d’Action Logement Services. L’article 52 du présent projet de loi de finances prévoit d’affecter une fraction du produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) à Action Logement Services, afin de compenser la perte de recettes. Aux termes de l’article 29 du présent projet de loi de finances, l’affectation du produit est plafonnée à hauteur de 140 millions d’euros. L’évaluation préalable du présent article mentionne un impact pour la sécurité sociale de 40 millions d’euros. Selon les éléments transmis au Rapporteur général, le produit de la TSCA affecté à Action Logement Services provient :

– pour 100 millions d’euros du rendement 2019 de la mesure de suppression de l’exonération de TSCA sur les contrats d’assurance en cas de décès souscrits en garantie du remboursement d’un prêt (assurance emprunteur), prévue à l’article 52 du présent PLF ;

– et pour 40 millions d’euros d’une fraction de la part de TSCA affectée à la sécurité sociale (b du 6° de l’article 1001 du CGI).

C’est ce dernier montant de 40 millions d’euros qui figure dans l’évaluation préalable du présent article.

Enfin, l’article 64 du présent projet de loi de finances prévoit une rationalisation et une simplification de la fiscalité du tabac. Il vise notamment à augmenter en 2019 et en 2020 les tarifs du droit de licence pour garantir une partie du financement du fonds de transformation des débitants de tabac par les industriels. À ce titre, cela devrait générer un surcroît de recettes pour les organismes de sécurité sociale estimé à 61 millions d’euros par l’évaluation préalable de l’article 64. L’évaluation du présent article mentionne un impact pour la sécurité sociale de 36 millions d’euros. Selon les éléments transmis au Rapporteur général, la hausse de recettes évaluée à 61 millions d’euros en 2019 dans l’évaluation préalable relative à l’article 64 du présent PLF est l’agrégat de deux sous-mesures :

– l’augmentation du droit de licence afin de participer au financement du fonds de transformation des buralistes ;

– et l’anticipation d’un mois (d’avril à mars) des hausses des droits de consommation prévues à l’article 17 de la LFSS pour 2018, afin de simplifier le processus d’homologation des prix du tabac.

La mesure d’anticipation de la date d’entrée en vigueur de la hausse des droits de consommation est sans incidence sur les relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Par conséquent, il n’y a pas lieu de prévoir un mécanisme de reversement des recettes nouvelles générées spécifiquement par cette mesure. En revanche, la recette dégagée par la hausse du droit de licence (+ 36 millions d’euros) est affectée à la sécurité sociale. Elle est donc prise en compte en minoration de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale.

D.   LA non-compensation de pertes de recettes de la sÉcuritÉ sociale

1.   Les préconisations du rapport sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale

L’article 27 de la programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a prévu que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, avant la fin du premier trimestre 2018 ([526]). Celui-ci devait préciser les modalités concrètes de participation de la sécurité sociale au redressement des finances publiques, même en situation d’excédent. Dans ce cadre, le Gouvernement a confié à MM. Charpy et Dubertret une mission préparatoire de réflexion sur ce thème. Le 8 octobre dernier, le rapport a été remis au Parlement.

L’évaluation préalable du PLFSS pour 2019 indique que les conclusions du rapport du Gouvernement « conduisent à envisager une évolution des pratiques concernant les transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale. Compte tenu du retour à l’équilibre des comptes sociaux et alors que le budget de l’État enregistre encore des déficits significatifs, il est prévu que les nouvelles pertes de recettes de la sécurité sociale ne donnent plus lieu par principe à une compensation systématique ».

Ainsi, le PLFSS pour 2019 prévoit d’ores et déjà un certain nombre d’exceptions au principe de compensation prévu à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Conformément à l’article 1er de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), les exceptions à l’obligation de compensation ne peuvent être votées qu’en LFSS ([527]).

Par ailleurs, l’évaluation préalable de l’article 19 du PLFSS précise que la révision constitutionnelle et l’évolution du cadre organique devraient fixer « de nouveaux principes pour encadrer les relations financières entre l’État et la sécurité sociale ».

2.   Les mesures non compensées à compter de 2019

Le PLFSS pour 2019 prévoit que les mesures suivantes ne seront pas compensées à la sécurité sociale :

– les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires à compter du 1er septembre 2019, prévues à l’article 7 du PLFSS, représentant 643 millions d’euros en 2019 ;

– la suppression du forfait social pour certaines catégories de revenus prévue à l’article 57 du projet de loi PACTE, représentant 593 millions d’euros en 2019 ;

– la suppression de la taxe sur les farines, prévue à l’article 9 du présent projet de loi de finances dans le cadre de la suppression de taxes à faible rendement, représentant 60 millions d’euros en 2019 ;

– la mesure d’atténuation du franchissement du seuil d’assujettissement au taux plein de la CSG sur les revenus de remplacement, prévue par l’article 11 du PLFSS, représentant 340 millions d’euros en 2019 ;

– et l’application aux salariés des régimes spéciaux des réductions de taux de cotisation d’assurance maladie et d’allocations familiales réservées aux employeurs assujettis aux cotisations d’assurance chômage, prévue par l’article 8 du PLFSS, représentant 393 millions d’euros.

Au total, ces mesures représentent une perte de recettes de 2 milliards d’euros en 2019 pour la sécurité sociale, qui ne seront pas compensées par l’État.

mesures non compensÉes à la sÉcuritÉ sociale

(en millions d’euros)

Transferts de recettes

Impact sur le solde sécurité sociale

Exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires

– 643

Suppression du forfait social

– 593

Suppression de la taxe sur les farines

– 60

Mesure d’atténuation du franchissement du seuil d’assujettissement au taux plein de CSG

– 340

Application aux salariés des régimes spéciaux des réductions de taux de cotisation d’assurance maladie et d’allocations familiales

– 393

Total

 2 029

Source : évaluation préalable du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

III.   l’augmentation significative de la fraction de TVA affectÉe à la sÉcuritÉ sociale

Compte tenu de l’impact significatif des différentes mesures exposées supra, le présent article relève de façon substantielle la fraction de la TVA affectée aux organismes de sécurité sociale.

fraction de tva affectÉE AUX ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

(en %)

Année

Affectataire

Fraction

Taux

2013

Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés – CNAMTS

TVA nette

5,88

2014

CNAMTS

TVA brute budgétaire

7,85

2015

CNAMTS

TVA brute budgétaire

7,10

2016

CNAMTS

TVA brute budgétaire

7,19

2017

CNAMTS

TVA brute budgétaire

7,03

2018

CNAMTS

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

TVA brute budgétaire

0,34

5,59

2019

CNAMTS

ACOSS

TVA brute budgétaire

26,36

(23,49)

(2,87)

Source : commission des finances.

Le du I du présent article prévoit à l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale qu’une fraction de 26,36 % de la TVA brute budgétaire, représentant 46,8 milliards d’euros est affectée :

– d’une part, à la branche maladie, maternité, invalidité et décès du régime général de la sécurité sociale, à hauteur de 23,49 points de pourcentage, représentant 41,7 milliards d’euros, dont 17,56 points au titre de la TVA nouvelle affectée en 2019 (31,2 milliards d’euros) et 5,93 points au titre de la fraction déjà attribuée à la sécurité sociale en 2018, correspondant à la somme de deux fractions de TVA indiquée dans le tableau ci-dessus (10,5 milliards d’euros en 2019) ;

– d’autre part, à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), à hauteur de 2,87 points de pourcentage, représentant 5,1 milliards d’euros.

L’impact sur le solde de l’État correspond à une dégradation de 36,3 milliards d’euros pour l’année 2019, compte tenu de la nouvelle affectation de TVA pour 2019 (31,2 milliards d’euros) et de la fraction de TVA affectée à l’ACOSS (5,1 milliards d’euros).

Par ailleurs, l’article instaure une minoration à l’affectation de la fraction de TVA en faveur de la branche maladie, maternité, invalidité et décès, à hauteur de 1,5 milliard d’euros en 2020, 3,5 milliards d’euros en 2021 et 5 milliards d’euros par à compter de 2022.

Le du I modifie la mission de l’ACOSS au titre de laquelle elle percevra la fraction de TVA visée ci-dessus. Celle-ci devra compenser la perte de cotisations sociales résultant pour les régimes de retraite complémentaire du dispositif de réduction dégressive des cotisations à la charge de l’employeur.

Par coordination, le du I modifie la rédaction de la fraction de la TVA parmi les recettes de la branche maladie, maternité, invalidité, décès du régime général de la sécurité sociale, celle-ci était fixé à 0,34 % du produit de la TVA brute budgétaire. Il renvoie à l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale la détermination de la fraction de TVA affectée. Par ailleurs, le III du présent article abroge l’article 116 de la loi de finances pour 2018 ([528]), qui fixait une fraction de la TVA affectée à l’ACOSS.

Le II du présent article prévoit l’affectation d’une fraction du produit de la TVA revenant à l’État à hauteur de 168 millions d’euros au titre de l’exercice 2019 aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale pour le financement des dispositifs d’exonération en faveur :

– des personnes employées par les associations intermédiaires, visées à l’article L. 241-11 du code de la sécurité sociale ;

– des apprentis, visés à l’article L. 6243-2 du code du travail ;

– des titulaires de contrats de professionnalisation, prévus aux articles L. 6325-16 et L. 6325-17 du code du travail ;

– des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi, visés à l’article L. 741-16 et L. 741-5 du code rural et de la pêche maritime ;

– des embauches réalisées en contrat à durée déterminée au sein d’ateliers et chantiers d’insertion, prévues à l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ([529]).

Le IV du présent article prévoit une entrée en vigueur retardée au 1er février 2019 pour le I du présent article, tandis que les II et III entrent en vigueur le 1er janvier 2019. Le III prévoit l’abrogation d’une disposition fixant une fraction de la TVA affectée à l’ACOSS, tandis que le I du présent article définit une nouvelle fraction de la TVA affectée à l’ACOSS. A priori, ces deux dispositions pourraient sembler incompatibles et nécessiter une date d’entrée en vigueur identique. Toutefois, le décalage d’un mois de l’entrée en vigueur de ces deux dispositions résulte des différences de normes comptables applicables aux lois de finances et aux LFSS. Les lois de finances sont établies selon une comptabilité de caisse et les LFSS selon une comptabilité générale.

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, les dates d’entrée en vigueur de ces dispositions diffèrent afin de tenir compte des enjeux liés aux modalités de comptabilisation de la TVA dans les deux comptabilités. Pour mémoire, la TVA encaissée lors du mois M découle de la période d’affaire, au sens de la réalisation de la matière imposable, du mois M – 1. Ainsi, selon les principes des droits constatés les recettes de la TVA versées à la sécurité sociale en janvier N, qui constituent une dépense pour l’État – en comptabilité budgétaire – au titre de ce même mois, sont rattachées en produit à l’exercice N – 1 dans les comptes de la sécurité sociale (par l’enregistrement d’un produit à recevoir, puisque se rapportant à la période d’affaire de décembre N – 1). Il a ainsi été prévu dans le présent article :

– de supprimer le versement de janvier pour l’ACOSS : le maintien d’une affectation de TVA à l’ACOSS en janvier 2019 selon les conditions prévues antérieurement, aurait conduit à sur-financer le dispositif de compensation Unédic au titre de 2018 et donc à générer un mois de produit de TVA en plus pour la sécurité sociale en 2018. Afin d’éviter cet effet, le III du présent article prévoit que l’article 116 de la loi de finances pour 2018 est abrogé à compter du 1er janvier 2019. Au 1er janvier, la fraction de TVA est donc réduite à due concurrence en loi de finances initiale, ce qui neutralise en pratique le versement de janvier qui est afférent aux faits générateurs de décembre ;

– et de maintenir pour la CNAMTS une TVA réduite à la seule micro fraction (0,34 %) en janvier 2019. Celle-ci sera rattachée aux comptes 2018 pour la sécurité sociale (produit à recevoir) afin d’avoir un exercice 2018 complet de TVA – à taux constant – pour la CNAMTS.

Mesures ayant un impact sur le solde de la sécurité sociale

(en millions d’euros)

Mesures

Impact sécurité sociale

Pertes de recettes de la sécurité sociale en 2019 au titre de la bascule allégements généraux / CICE

 23 406

dont impact sur l’AGIRC-ARRCO

 5 110

dont impact sur l’Unédic

 938

Refonte des dispositifs d’exonérations ciblées

 1 215

Effet année pleine de la bascule CSG/cotisations sociales

 4 145

Mesures PLF/PLFSS 2019

 14

Affectation du produit des amendements cannabis à un fonds de lutte contre les addictions

– 10

Compensation des mesures « seuils sociaux » du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) à Action Logement

– 40

Fonds de transformation des débitants de tabac

36

Mesures de transfert de dépenses

16

Transfert des compétences des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) aux tribunaux de grande instance (TGI) – dépenses de fonctionnement

9

Transfert des emplois dans le cadre du transfert du contentieux des TASS vers les TGI

2

Service public d’information en santé (SPIS) (sante.fr)

2

Transfert vers l’État du dispositif de médiation dans le cadre de la qualité de vie au travail en milieu hospitalier

3

Transfert des prélèvements sociaux sur le capital à l’État

 7 359

Ajustement de la fraction de TVA correspondant à l’impact des mesures ci-dessus sur le solde de la sécurité sociale

 36 305

Note de lecture : les impacts négatifs sont illustrés par le signe négatif, tandis que les impacts positifs sont représentés par les chiffres positifs qui correspondent soit à une baisse de dépenses, soit à une augmentation de recettes pour la sécurité sociale.

Source : évaluation préalable du présent article.

Évolution de l’impact des relations financières
entre l’état et la sécurité sociale

(en milliards d’euros)

Exercice

2013

2014

2015

2016

2017

2018

PLF 2019

Impact État

1

0,9

6,3

5,3

2,7

– 4,3

36,305

Impact sécurité sociale

– 1

– 3

– 1,2

– 3,0

NB : (–) moindre dépense ou hausse de recettes, (+) augmentation des dépenses ou baisse de recettes.

Source : Gouvernement.

*

*     *

La commission adopte larticle 36 sans modification.

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*     *

Article 37
Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de lÉtat au titre
de la participation de la France au budget de lUnion européenne

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article évalue le prélèvement sur les recettes de l’État pour 2019 au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne à 21,515 milliards d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne (PSRUE) est prévu par l’article 6 de la LOLF. Il correspond à la majeure partie de la contribution annuelle de la France au budget de lUnion européenne (UE).

Le présent article évalue à 21,515 milliards d’euros le montant prévisionnel, pour 2019, du PSRUE, en hausse de 0,9 milliard d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2018 et de 5,1 milliards d’euros par rapport au versement effectué en 2017.

exÉcution et PrÉvision de prÉlÈvement sur les recettes
en faveur de lUnion europÉenne

(en milliards deuros)

2017

Exécution

2018

Prévision actualisée

2019

Prévision

16,4

20,6

21,5

Source : annexe au présent PLF Évaluations des voies et moyens, tome I.

Le PSRUE est bien une dépense au sens de la comptabilité nationale même sil est traité budgétairement comme une moindre recette. Dailleurs, en 2008, les prélèvements sur recettes, dont celui au profit de lUnion européenne, ont été intégrés dans la norme de dépense. De même, le II de larticle 9 de la LPFP pour les années 2018 à 2022 ([530]) intègre les prélèvements sur recettes dans « lobjectif de dépenses totales de lÉtat ».

Le PSRUE représente, en 2019, environ 5,5 % des dépenses nettes de l’État. Seules trois missions du budget général ont des crédits de paiement supérieurs : Défense, Enseignement scolaire et Recherche et enseignement supérieur.

I.   le budget de l’union européenne pour 2019

Le budget européen pour 2019 est le sixième du cadre financier pluriannuel portant sur 2014-2020. Ce cadre pluriannuel prévoit un plafond global de dépenses de 1 026 milliards d’euros sur sept ans.

Cadre financier pluriannuel 2014-2020 (euros courants)

(en millions d’euros courants)

Rubrique

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

1. Croissance intelligente et inclusive

a. Compétitivité pour la croissance et lemploi

16 560

17 666

18 467

19 925

21 239

23 082

25 191

b. Cohésion économique, sociale et territoriale

47 413

49 147

50 837

52 417

54 032

55 670

57 275

2. Croissance durable : ressources naturelles

59 303

59 599

59 909

60 691

60 267

60 344

60 421

3. Sécurité et citoyenneté

2 179

2 246

2 378

2 514

2 656

2 801

2 951

4. L’Europe dans le Monde

8 335

8 749

9 143

9 432

9 825

10 268

10 510

5. Administration

8 721

9 076

9 483

9 918

10 346

10 786

11 254

Total

142 539

144 483

150 217

154 397

158 365

162 952

167 602

1 082 555

Source : Commission européenne.

Le projet de budget présenté par la Commission européenne pour 2019 s’élève à 165,1 milliards d’euros de crédits d’engagement (CE), soit une augmentation de 3 % par rapport à 2018, et 148,7 milliards d’euros de crédits de paiements, soit une hausse de 2,7 % par rapport à 2018. Cette hausse s’explique par la mise en œuvre des programmes structurels et d’investissement de l’UE pour la période 2014-2020 qui atteindront leur vitesse de croisière en 2019, après un démarrage lent au cours des premières années ([531]).

Le montant définitif du budget ne sera toutefois connu qu’à l’issue de la procédure de conciliation entre le Parlement européen et le Conseil.

La procédure budgétaire de lUnion européenne

Le calendrier de la procédure budgétaire européenne comprend cinq étapes.

En premier lieu, la Commission européenne soumet au 1er septembre au plus tard, au Conseil et au Parlement européen, un projet de budget en se fondant sur le règlement du cadre financier pluriannuel en vigueur.

Ensuite, le Conseil adopte une position sur le projet de budget le 1er octobre au plus tard.

Puis, le Parlement dispose de quarante-deux jours pour prendre une position.

En cas de positions divergentes entre le Parlement et le Conseil, un comité de conciliation, est chargé de dégager un accord sur un projet commun, dans les vingt et un jours qui suivent l’adoption de la position du Parlement européen.

Enfin, ce texte commun est soumis à l’approbation du Conseil et du Parlement dans les quatorze jours suivant l’accord.

II.   l’évaluation du prélèvement sur recettes pour 2019

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est évalué en fonction des prévisions de recettes et de dépenses du budget de l’Union européenne pour 2019, ainsi que d’une hypothèse de solde 2018 reporté sur 2019.

Le budget de l’Union européenne pour 2019 n’ayant pas encore été adopté, la prévision de prélèvement sur recettes repose sur une anticipation de l’issue de la procédure budgétaire européenne.

Le système actuel de financement de l’Union européenne repose sur quatre types de ressources :

– les ressources propres traditionnelles (RPT), droits de douane et cotisation sucre, pour les lesquelles les administrations nationales agissent en simples intermédiaires pour la perception des ressources au profit de l’Union européenne ;

Depuis 2010, le reversement des RPT n’est pas traité en prélèvement sur recettes, car la France collecte ces ressources en simple intermédiaire au profit de l’Union européenne.

– la ressource dite « TVA », calculée par l’application d’un taux d’appel uniforme (0,3 %) à une assiette harmonisée ;

– la ressource sur le revenu national brut (RNB), versée par les États membres au prorata de leur RNB dans le RNB total de l’Union européenne pour équilibrer le montant global des dépenses inscrites au budget ;

– les recettes diverses.

Au total, la France contribue à hauteur d’environ 15 % au budget de l’Union européenne.

Le prélèvement sur recettes porte uniquement sur les ressources propres TVA et RNB. L’évaluation pour 2019 du PSRUE a, ainsi, été fixée à 21,515 milliards d’euros sur la base des informations connues à ce jour. Le PSRUE augmenterait ainsi de 0,9 milliard d’euros par rapport à 2018.

Ventilation du prÉlÈvement sur recettes
au profit de lUnion europÉenne pour 2019

(en millions deuros)

Ressource

Montant

Ressource TVA

4 550

dont correction britannique

1 294

Ressource RNB

16 965

Total

21 515

Source : annexe au présent PLF Évaluations des voies et moyens, tome I.

Il est indiqué également, dans l’exposé des motifs du présent article, que la contribution française prend en compte un montant de 13 millions d’euros au titre du financement de la facilité pour les réfugiés en Turquie, conformément au certificat de contribution établissant l’échéancier de paiement envoyé par la France à la Commission européenne le 31 mars 2016.

Le tableau qui suit présente l’évolution depuis 2008 du PSRUE.

PrÉlÈvement sur recettes au profit de lUnion europÉenne
depuis 2008

(en milliards deuros)

Année

Montant

2008

16,6

2009

18,3

2010

17,5

2011

18,2

2012

19,1

2013

22,5

2014

20,3

2015

20,7

2016

19,0

2017

16,4

2018

(prévision actualisée)

20,6

2019

21,5

Prélèvement sur recettes au profit de l’UE « nouveau périmètre » : depuis 2010, les RPT ne sont plus intégrées dans le prélèvement sur recettes.

Source : annexe au PLF pour 2019 sur « les relations financières avec lUnion européenne ».

Impact du Brexit sur le PSRUE

L’impact du Brexit sur le PSRUE des années à venir est très difficile à évaluer. Il dépend en grande partie des résultats des négociations avec le Royaume-Uni sur ses modalités de sortie de l’Union européenne.

En première approche, il peut être anticipé une augmentation du PSRUE dans la mesure où le poids de la France dans le RNB de l’Union européenne augmenterait mécaniquement. Pour autant, les besoins en crédits de l’Union européenne peuvent diminuer avec la sortie d’un État membre important. De même, les RPT peuvent progresser si le Royaume-Uni n’obtient pas un accès libre au marché commun, ce qui diminuerait d’autant les contributions des États membres.

Il est précisé dans l’exposé des motifs du présent article que l’évaluation du PSRUE pour 2019 repose sur « lhypothèse que le Royaume-Uni sacquittera de ses obligations financières, ainsi quil sy est engagé en décembre 2017 ».

*

*     *

La commission adopte larticle 37 sans modification.

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*     *

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 38
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond dautorisation des emplois

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe, pour 2019, le déficit budgétaire de l’État à 98,7 milliards d’euros et évalue son besoin de financement à 227,6 milliards d’euros. Il fixe aussi le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État à 1 964 659 équivalents temps plein travaillé.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’article d’équilibre du présent PLF clôt la première partie. Il ne porte que sur le budget de l’État.

Il tend à garantir qu’il ne sera pas porté atteinte, lors de l’examen des dépenses en seconde partie, aux grandes lignes de l’équilibre préalablement défini. Ainsi, la seconde partie du PLF ne peut être mise en discussion tant que n’a pas été votée et adoptée « la disposition qui arrête en recettes et en dépenses les données générales de léquilibre » ([532]).

Le I du présent article fixe les prévisions de ressources, détaillées à l’état A annexé au PLF, les plafonds de charges, ainsi que l’équilibre général du budget de l’État présenté dans un tableau.

Le II présente le tableau de financement de l’État ainsi que diverses autorisations de recours à l’endettement.

Le III définit le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’État, dont le détail est prévu par l’article 43 du présent PLF.

Le IV arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus du produit des impositions de toute nature établies au profit de l’État. Il prévoit que ces éventuels surplus seraient affectés en totalité à la réduction du déficit budgétaire.

Les chiffres clés de l’article d’équilibre du PLF pour 2019 (arrondi au dixième)

Recettes totales nettes du budget général : 291,4 milliards d’euros

dont recettes fiscales nettes : 278,9 milliards deuros

dont recettes non fiscales : 12,5 milliards deuros

Prélèvements sur recettes : 62 milliards d’euros

Dépenses nettes du budget général : 328,8 milliards d’euros

Solde général : – 98,7 milliards d’euros

dont solde du budget général :  99,4 milliards deuros

dont solde des budgets annexes et comptes spéciaux : + 0,6 milliard deuros

Besoin de financement : 227,6 milliards d’euros

dont amortissement de la dette : 130,2 milliards deuros

dont déficit à financer : 98,7 milliards deuros

dont autres besoins de trésorerie :  1,3 milliard deuros

Plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État : 1 964 659 équivalents temps plein travaillé (ETPT)

I.   Les ressources de l’État

Le 5° de l’article 34 de la LOLF dispose que la première partie de la loi de finances comporte une évaluation de chacune des recettes budgétaires.

Tel est l’objet de l’état A, annexé au PLF, qui évalue le montant des recettes brutes du budget général, des budgets annexes, des CAS et des comptes de concours financiers.

En application du 4° de l’article 34 de la LOLF précitée, l’état A comporte également une évaluation des prélèvements sur recettes.

Ces éléments sont récapitulés dans le tableau d’équilibre général, mentionné par le 7° de l’article 34 de la LOLF, qui fait apparaître séparément les ressources du budget général, celles des budgets annexes et celles des comptes spéciaux.

Le tableau d’équilibre général comporte également, dans la colonne des ressources, une évaluation des remboursements et dégrèvements, afin de faire ressortir le montant net des recettes.

Contrairement aux dépenses, les éléments relatifs aux ressources constituent de simples évaluations et non pas des plafonds à ne pas dépasser. L’autorisation de percevoir les recettes est délivrée par l’article 1er du présent PLF.

Il ressort du tableau d’équilibre que les recettes totales nettes du budget général s’établiraient à 291,4 milliards d’euros et se composeraient de :

– 278,9 milliards d’euros de recettes fiscales nettes (recettes fiscales brutes de 414,6 milliards d’euros sous déduction des remboursements et dégrèvements estimés à 135,7 milliards d’euros) ;

– et 12,5 milliards de recettes non fiscales.

Le montant net des ressources pour le budget général s’établirait à 229,4 milliards d’euros après les prélèvements sur recettes de 62 milliards d’euros, dont 40,5 milliards au profit des collectivités territoriales et 21,5 milliards au profit de l’Union européenne.

Après prise en compte des fonds de concours (5,3 milliards d’euros), le montant net des ressources pour le budget général s’élèverait à 234,8 milliards d’euros.

Les ressources du budget général de l’État

(en millions d’euros)

Recettes fiscales brutes

+ 414 628

À déduire : remboursements et dégrèvements

 135 688

Recettes non fiscales

+ 12 470

Prélèvements sur recettes

 61 985

Fonds de concours

+ 5 337

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

234 761

Source : extraits du tableau d’équilibre de l’article 38 du présent PLF.

A.   Les recettes fiscales nettes

En 2019, les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 278,9 milliards d’euros, en baisse de 14 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2018, et en baisse de 16,7 milliards d’euros par rapport à l’exécution constatée en 2017. Cette forte baisse, commentée en détail dans le tome I du présent rapport, est ponctuelle et a pour explication principale la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales. À partir de 2020, la hausse de l’impôt sur les sociétés permise par la suppression du CICE devrait neutraliser la baisse de la TVA affectée à l’État intervenue pour compenser aux organismes de sécurité sociale les baisses de cotisations.

Les Recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État 2017-2019

(en milliards deuros)

Recettes nettes du budget général de lÉtat

Exécution

2017

Prévision révisée

2018

Prévision

2019

Total

295,6

292,9

278,9

impôt sur le revenu (IR)

73,0

73,1

70,5

impôt sur les sociétés (IS)

35,7

25,7

31,5

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

152,4

157,0

130,3

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

11,1

13,3

17,0

« autres recettes fiscales »

23,4

23,8

29,6

Source : présent PLF, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

B.   Recettes non fiscales

En 2019, le produit des recettes non fiscales diminuerait de 0,9 milliard d’euros par rapport à 2018 pour s’établir à 12,5 milliards.

Selon létat A annexé au PLF, ces recettes non fiscales se décomposeraient en :

– 6,24 milliards d’euros de dividendes et recettes assimilées ;

– 0,66 milliard d’euros de produits du domaine de l’État ;

– 1,31 milliard d’euros de produits de la vente de biens et services ;

– 0,49 milliard d’euros de remboursements et d’intérêts des prêts, d’avances et d’autres immobilisations financières ;

– 1,38 milliard d’euros d’amendes, de sanctions, de pénalités, et de frais de poursuite ;

– et 2,38 milliards d’euros de produits divers.

II.   Les charges et l’Équilibre gÉnÉral de l’État

A.   Le plafond des charges de l’état

Aux termes du 6° du I de l’article 34 de la LOLF, la loi de finances fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe ainsi que les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux.

Contrairement aux recettes, les montants ainsi fixés ne sont pas des évaluations mais des plafonds.

Le détail des plafonds de charges est prévu aux états B (répartition des crédits par mission), C (répartition des crédits par budget annexe) et D (répartition des crédits par CAS et compte de concours financiers) visés respectivement par les articles 39, 40 et 41 du présent PLF.

Le tableau d’équilibre général du présent article mentionne le plafond des charges du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Les dépenses nettes du budget général en crédits de paiement sont, ainsi, plafonnées à 328,8 milliards d’euros hors fonds de concours (soit 464,5 milliards d’euros de dépenses brutes sous déduction des remboursements et dégrèvements).

Dépenses nettes de l’État

À noter que, dans le tableau d’équilibre général, les prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales ne sont pas traités pas comme des charges mais comme des moindres ressources. Si l’on retraite le prélèvement sur recettes comme une dépense, le total des dépenses nettes du budget général de l’État prévu pour 2019 s’élève à 390,8 milliards d’euros.

Avec les fonds de concours, le montant des charges du budget général de l’État ressort à 334,1 milliards d’euros pour 2018.

B.   Le solde gÉnÉral de l’État

Le solde du budget général ressortirait en 2019 à  99,4 milliards compte tenu :

– d’un montant de charges de 334,1 milliards d’euros (328,8 milliards hors fonds de concours) ;

– et d’un montant de ressources de 234,8 milliards d’euros (291,4 milliards de recettes totales nettes, desquelles il convient de déduire les prélèvements sur recettes de 62 milliards d’euros, et d’ajouter les fonds de concours à hauteur de 5,3 milliards d’euros).

Après prise en compte du solde des budgets annexes (6 millions d’euros), et des comptes spéciaux (0,6 milliard d’euros), le déficit budgétaire de l’État est estimé à 98,7 milliards d’euros pour 2019.

III.   Le besoin et les ressources de financement de l’État

Aux termes du 8° du I de larticle 34 de la LOLF précitée, larticle déquilibre « comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de lÉtat » et « évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à léquilibre financier, présentées dans un tableau de financement ».

A.   Le tableau de financement

Le du II du présent article comporte un tableau de financement avec les ressources et les charges de trésorerie de l’État qui concourent à la réalisation de son équilibre financier.

Le besoin de financement pour 2019 est prévu à 227,6 milliards d’euros. Il se décompose ainsi :

– 130,2 milliards au titre de l’amortissement de la dette (remboursement du capital) ;

– 98,7 milliards au titre du déficit budgétaire ;

– et – 1,3 milliard au titre d’autres besoins de trésorerie ; ce montant est exceptionnellement négatif et correspond, selon l’exposé des motifs du présent article, au solde net des décaissements au titre des programmes d’investissements d’avenir de 2010 et 2014 et l’annulation de certaines opérations budgétaires comme la charge d’indexation du capital de titres indexés.

Il est prévu de nouvelles émissions de dette à hauteur de 195 milliards d’euros pour couvrir la majeure partie de ce besoin de financement, soit le même montant que celui prévu par la loi de finances pour 2018 ([533]). Il est également prévu une hausse exceptionnelle des emprunts de court de terme de 15 milliards d’euros dont l’objet est de faire face au besoin de financement ponctuel entraîné par la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales.

Le solde du besoin de financement est couvert par :

– la variation des dépôts des correspondants (11 milliards d’euros), dont l’essentiel provient de l’affectation du produit de cessions de participations au Fonds pour l’innovation de rupture ;

– la variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France (1,1 milliard d’euros) :

– des ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement (2 milliards d’euros) ;

– ainsi que par d’autres ressources (3,5 milliards d’euros) constituées par des primes nettes à l’émission (3 milliards d’euros) et un supplément d’indexation reçu à la réémission de titres indexés (0,5 milliard d’euros).

B.   Les autorisations traditionnelles relatives aux emprunts et À la trésorerie

Le du II du présent article a pour objet d’accorder au ministre des finances une autorisation globale pour conclure toutes les opérations nécessaires au financement de l’État et à la gestion de sa trésorerie pour l’année 2019.

Par ailleurs, suite à la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) et, à l’instar de ce qui est autorisé pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF), le ministre chargé des finances est également autorisé à effectuer des opérations de trésorerie avec le MES.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES)
et le Fonds européen de stabilité financière (FESF)

Le Mécanisme européen de stabilité (MES) est issu du traité signé le 2 février 2012 à Bruxelles, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 2012-324 du 7 mars 2012.

Il a succédé au Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place temporairement lors d’un sommet exceptionnel des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro à Bruxelles le 9 mai 2010 à la suite de la crise des dettes souveraines, pour éviter à la Grèce le défaut de paiement. Le FESF continue néanmoins d’exister jusqu’à l’extinction des programmes irlandais, portugais et grec.

Le MES est une institution monétaire internationale dont tous les États membres dont la monnaie est l’euro seront membres. La France y contribue à hauteur d’environ 20 %.

Il a pour mission de garantir la mobilisation de fonds pour faire face à une éventuelle défaillance d’un de ses membres et éviter la propagation de la crise à toute la zone euro.

Enfin, en application du 9° du I de l’article 34 précité de la LOLF, l’article d’équilibre doit également fixer un plafond de la variation de la dette, qui s’établit, au 3° du II du présent article, à 61,1 milliards d’euros en 2019, au lieu de 79,1 milliards d’euros en 2018.

Ce plafonnement indique la variation nette autorisée, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an, soit de la dette émise sous forme d’obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt annuel (BTAN).

IV.   Le plafond dautorisation des emplois rémunÉrÉs par lÉtat

En application du 6° du I de l’article 34 précité de la LOLF, la première partie de la loi de finances fixe un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Les emplois sont exprimés en « équivalents temps plein travaillé » (ETPT), notion qui permet de comptabiliser les agents au prorata de leur période de présence et de leur quotité de travail par rapport à un temps plein.

À la différence des plafonds de dépenses qui sont ventilés entre le budget général, chaque budget annexe et chaque catégorie de comptes spéciaux, ce plafond recouvre l’ensemble des emplois rémunérés par l’État.

Le III du présent article fixe ce plafond à 1 964 659 ETPT au lieu de 1 960 333 ETPT en loi de finances pour 2018, soit une hausse de 4 326 ETPT.

La hausse du plafond d’emplois doit être relativisée dans la mesure où le schéma d’emplois de l’État prévoit 1 571 suppressions nettes de postes.

Il est, en effet, important de rappeler que ce plafond d’emplois n’a pas vocation à être intégralement consommé, comme cela fut le cas au cours des années précédentes. Ce plafond constitue simplement un stock maximal d’emplois à ne pas dépasser en exécution.

En seconde partie du présent PLF (article 43), les plafonds d’autorisation d’emplois de l’État font l’objet d’une répartition par ministère et par budget annexe, dans la limite du plafond voté en première partie.

Ces plafonds ministériels complètent le dispositif de plafonnement de la masse salariale (crédits du titre 2), conformément au III de l’article 7 de la LOLF aux termes duquel « les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds dautorisation des emplois rémunérés par lÉtat. Ces plafonds sont spécialisés par ministère ».

*

*     *

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF1427 de M. Charles de Courson vise à donner un petit coup de main à la majorité qui a visiblement oublié l’engagement pris par le président de la République de supprimer 50 000 emplois dans la fonction publique d’État. Nous vous proposons donc d’ajouter 8 336 suppressions ou non-renouvellement de postes aux suppressions déjà prévues par le Gouvernement.

M. le président Éric Woerth. Madame Magnier, vous n’êtes pas signataire de l’amendement, vous ne pouviez donc le défendre et je ne peux le mettre aux voix... Mais si M. Saint-Martin veut vous répondre, je lui en laisse le soin.

M. le Rapporteur général suppléant. Je vous remercie de rappeler cet engagement nécessaire.

La commission adopte larticle sans modification.

*

*     *

Puis elle adopte lensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2019, modifiée.

*

*     *

 


([1]) Loi organique n° 2012–1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([2]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([3]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([4]) Banque de France (lien).

([5]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (lien).

([6]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2018-3 du 19 septembre 2018 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2019 (lien).

([7]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, article 23.

([8]) Voir commentaire de l’article 15.

([9]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (lien), et avis n° HCFP-2018-1 du 13 avril 2018 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 (lien).

([10]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([11]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([12]) Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, article 16.

([13]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, article 2.

([14]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 2.

([15]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 2.

([16]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.

([17]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 2.

([18]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 2.

([19]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 2.

([20]) Article 157 bis du CGI.

([21]) a du 5 de l’article 158 du CGI.

([22]) 3° de l’article 83 du CGI.

([23]) Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015, article 7.

([24]) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982, article 12.

([25]) Le montant de cet abattement constitue également le plafond de la déduction du revenu imposable de la pension alimentaire versée à un enfant majeur (2° du II de l’article 156 du CGI). Celui-ci est ainsi également relevé.

([26]) Loi  2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.

([27]) Loi  2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 2.

([28]) Loi  2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 2.

([29]) Aux termes du 1 du III du même article 204 H, le taux par défaut est appliqué lorsque « lannée dont les revenus ont servi de base de calcul du taux est antérieure à lantépénultième année par rapport à lannée de prélèvement ».

([30]) Conformément au 3 de l’article 197 du CGI.

 

([32]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 60.

([33]) Loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, article 10.

([34]) Ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017 relative au décalage d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

([35]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 9.

([36]) Pour de plus amples détails, voir Joël Giraud, Rapport fait au nom de la commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017, Assemblée nationale, XVe législature n° 432, 29 novembre 2017.

([37]) Voir notamment IGF, Audit sur les conditions de mise en œuvre du prélèvement à la source, septembre 2017.

([38]) Conformément à l’article 1663 C du CGI.

([39]) La notion de revenus exceptionnels a été précisée dans une instruction publiée au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) en date du 4 juillet 2018, BOI-IR-PAS-50-10-20-20180704.

([40]) Évaluation préalable.

([41]) Joël Giraud et Mme Cendra Motin, Rapport fait au nom de la commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire sur lapplication des mesures fiscales, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1172, 18 juillet 2018.

([42]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 60.

([43]) Conformément à l’article 204 K du CGI.

([44]) Selon les informations figurant dans l’évaluation préalable.

([45]) L’article dispose que les prélèvements sont opérés à l’initiative de l’administration fiscale sur un compte ouvert par le contribuable.

([46]) Au sens de l’article 163-0 A du CGI.

[47] Évaluation préalable, page 21.

([48]) Avait notamment été évoquée la possibilité d’exonérer ces contribuables du paiement de l’impôt au titre de l’année 2019. Cette piste, abandonnée, aurait sans doute méconnu le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt.

([49]) Expression usuelle qui figure dans les Évaluations des voies et moyens annexées à chaque projet de loi de finances.

([50]) Mayotte est devenue un département le 31 mars 2011. La réduction d’impôt visée au 3 du I de l’article y est pleinement applicable depuis que l’ordonnance n° 2013-837 du 19 septembre 2013 en a étendu l’application (article 3).

([51]) Loi n° 60-1368 du 21 décembre 1960 fixant les conditions d’application dans les DOM des dispositions de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 instituant un impôt annuel unique sur les revenus des personnes physiques, article 3.

([52]) Loi n° 80-30 du 18 janvier 1980 de finances pour 1980, article 79.

([53]) Loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 de finances rectificative pour 1991.

([54]) Loi n° 93-2352 du 30 décembre 1993 de finances pour 1994, article 197.

([55]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 28.

([56]) Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011, annexe 4-1-1.

([57]) Le 3 du I de l’article 197 du CGI s’applique à compter de l’imposition des revenus de 2013.

([58]) Rapport sur l’évaluation des dépenses fiscales et sociales spécifiques à l’outre-mer réalisé dans le cadre de l’évaluation de l’ensemble des dépenses fiscales et sociales précitée.

([59]) Rapport sur l’égalité réelle en outre-mer remis au Premier ministre en mars 2016.

([60]) Disposition permettant l’allégement de l’imposition pour les contribuables dont les revenus n’excèdent pas certains seuils de RFR.

([61]) En particulier dans les articles 9 à 11.

([62]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 31.

([63]) Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM).

([64]) Projet de loi de finances pour 2018, mission Outre-mer.

([65]) Cour de justice de lUnion européenne (CJUE), 19 octobre 2017, Solar Electric Martinique, affaire  C-303/16.

([66]) IGA-IGF, mission d’audit et de modernisation, Rapport sur la TVA perçue non récupérable, juillet 2007.

([67]) Ministère des outre-mer, Livre bleu des outre-mer, remis au président de la République le 28 juin 2018 (lien).

([68]) Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), La taxe sur la valeur ajoutée et les finances publiques, rapport particulier n° 6, juillet 2015.

([69]) Article 296 du CGI.

([70]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([71]) Loi n° 2017‑1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 17.

([72]) Loi n° 2009‑594 du 27 mai pour le développement économique des outre-mer.

([73]) Ordonnance n° 2013‑837 du 19 septembre 2013 relative à l’adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d’autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte.

([74]) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

([75]) Décret n° 78‑690 du 23 juin 1978 portant création d’une zone spéciale d’action rurale dans le département de La Réunion.

([76]) Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union.

([77]) Loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.

([78]) Loi n° 96‑987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, annexe.

([79]) Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

([80]) Loi n° 96‑987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville.

([81]) Loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2917 de finances pour 2018, article 27.

([82]) Revues de dépenses 2016, Les zones franches dactivité doutremer, juin 2016.

([83]) Livre bleu des outre-mer 2018, point 24, pages 39-40.

([84]) Loi n° 2009‑594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, IV de l’article 6 pour la TFPB et VII de l’article 5 pour la CFE.

([85]) Loi n° 2018‑32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([86]) Loi  2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM).

([87]) Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 57.

([88]) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, article 46.

([89]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 97.

([90]) Ibid.

([91]) Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, article 53.

([92]) Conseil d’État, 31 mars 2014, Lille Métropole contre Auchan, n° 368111 (lien).

([93]) Conseil d’État, 19 mars 2018, SAS Cora, n° 402946 (lien).

([94]) Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 57.

([95]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 70.

([96]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, CITEXIA, Bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2016, janvier 2018 (lien).

([97]) Ministère de la transition écologique et solidaire, Feuille de route pour une économie circulaire, 50 mesures pour une économie 100 % circulaire, avril 2018 (lien).

([98]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, CITEXIA, Bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2016, janvier 2018 (lien).

([99]) Mission d’évaluation de politique publique, La gestion des déchets par les collectivités territoriales, décembre 2014 (lien).

([100]) Règlement CE n° 1013/2006 du Parlement et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.

([101]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([102]) Projet de loi de finances pour 2018, Évaluations des voies et moyens, tome I.

([103]) Article L. 131-5-1 du code de l’environnement.

([104]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([105]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Étude comparative de la taxation de lélimination des déchets en Europe, mars 2017 (lien).

([106]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([107]) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Étude comparative de la taxation de lélimination des déchets en Europe, précité.

([108]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, article 52.

([109]) Directive n° 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets.

([110]) Ministre de la transition écologique et solidaire, Feuille de route économie circulaire (FREC), avril 2018.

([111]) ADEME, Déchets, chiffres-clés, 2017.

([112]) ADEME, Déchets, chiffres clés, 2017.

([113]) Inspection générale des finances, Les taxes à faible rendement, février 2014 (lien).

([114]) Loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer.

([115]) Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

([116]) Règlement n°  236/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 sur la vente à découvert et certains aspects d’échange sur risque de crédit.

([117]) Loi n°  2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003.

([118]) Loi n°  2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux de hasard en ligne.

([119]) Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

([120]) Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

([121]) Directive européenne n° 68-193 du 9 avril 1968 concernant la commercialisation des matériels de multiplication végétative de la vigne.

([122]) Loi n° 68-1172 du 27 décembre 1968 de finances pour 1969.

([123]) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

([124]) Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([125]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([126]) Loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 de finances pour 1976.

([127]) Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

([128]) Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

([129]) Loi n° 62-873 du 31 juillet 1962 portant loi de finances rectificative pour l’année 1962

([130]) M. Razzy Hammadi, Rapport dinformation sur la taxation des produits agroalimentaires, XIVe législature, n° 3868, 22 juin 2016 (lien).

([131]) Loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003.

([132]) Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

([133]) Loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991.

([134]) Tribunal des conflits, 26 mai 2003, Association syndicale autorisée pour lirrigation et la défense des eaux entre Rhône-Roubion et la route nationale 102 c/ VNF, n° C3347.

([135]) CJUE, 12 décembre 2011, ACEA SpA / Iride, affaire C-319/09.

([136]) Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), 23 avril 1991, Klaus Höfner, affaire C-41/90.

([137]) Cour administrative d’appel de Paris, 25 mars 2013, décision n° 11PA05087.

([138]) Conseil d’État, 21 octobre 2015, VNF c/ Sté Climespace, décision n° 368755.

([139]) Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (« LOTI »).

([140]) Loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

([141]) Inspection générale des finances, Les taxes à faible rendement, février 2014, précité.

([142]) Cour des comptes, 8 décembre 2017, référé n° 2017-3372 (lien).

([143]) M. Razzy Hammadi, rapport précité (lien).

([144]) Banque Mondiale, Doing Business, édition 2018 (lien).

([145]) Inspection générale des finances, rapport précité.

([146]) CPO, Lampleur du recours aux taxes affectées, mars 2013 (lien).

([147]) Article L. 251-17-2 du code rural et de la pêche maritime.

([148]) Article L. 236-2-2 du code rural et de la pêche maritime.

([149]) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982.

([150]) Loi n° 85-1403 du 30 décembre 1985 de finances pour 1986.

([151]) Loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

([152]) Loi n° 2002-1575 du 31 décembre 2002 de finances pour 2003.

([153]) Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

([154]) Loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision.

([155]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-620 QPC du 30 mars 2017, Société EDI-TV [Taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision].

([156]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

([157]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, article 31.

([158]) Contribution sociale généralisée (CSG) et contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

([159]) Notamment la taxe d’apprentissage (article 1599 ter A du CGI), la contribution supplémentaire à l’apprentissage (article 1609 quinvicies) et la participation à l’effort de construction (article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitat, article L. 716-2 du code rural et de la pêche maritime).

([160]) Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011, fiche consacrée à la dépense fiscale n° 120137.

([161]) Source : Évaluations des voies et moyens.

([162]) Étude de mai 2017 citée dans l’évaluation préalable du présent article.

([163]) Loi n° 77-1467 du 30 décembre 1977 de finances pour 1978, article 18.

([164]) Loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, article 9.

([165]) Loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, article 2.

([166]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 98.

([167]) Loi n° 60-859 du 13 août 1960 de finances rectificative pour 1960, article 13.

([168]) Loi n° 72-650 du 11 juillet 1972 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, article 4.

([169]) Ordonnance n° 58-882 du 25 septembre 1958 relative à la fiscalité en matière de recherche scientifique et technique, article 2.

([170]) « À lexception des immeubles neufs dont le permis de construire a été délivré avant le 1er janvier 1991 » (1 de l’article 39 quinquies A du CGI).

([171]) 3 de l’article 39 quinquies A du CGI.

([172]) Loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 de finances rectificative pour 2001, article 55.

([173]) Conseil constitutionnel, décision n° 2001-457 DC du 27 décembre 2001, Loi de finances rectificative pour 2001, considérant 23.

([174]) La disposition a été introduite par voie d’amendement « sans relation directe avec aucune des dispositions » du texte à l’Assemblée nationale après l’échec de la commission mixte paritaire.

([175]) Loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.

([176]) Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, article 16 alinéa 2.

([177]) Loi n° 47-1775 précitée, article 19 nonies.

([178]) Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (loi « LODEOM »), article 38.

([179]) Les dispositions de l’article 217 undecies du CGI concernent les investissements productifs et les investissements en faveur du logement social réalisés outre-mer.

([180]) Notamment dans les lois n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, dite « loi Paul », n° 2003-660 du 21 juillet 2003, dite « loi Girardin », loi dite « LODEOM » précitée ou encore n° 2017-256 du 28 février 2017 pour l’égalité réelle outre-mer, dite « LEROM ».

([181]) Date de la promulgation de la loi « LODEOM » précitée.

([182]) L’article exclut toutefois les sociétés en participation.

([183]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 73.

([184]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 110.

([185]) Dans son rapport sur le projet de loi règlement et l’approbation des comptes de l’année 2017, notre collègue Olivier Serva, rapporteur spécial des crédits de l’outre-mer, appelait de ses vœux une clarification de cette disposition qui a « pour effet de prolonger indéfiniment les mécanismes de défiscalisation traditionnelle ».

([186]) Cette condition trouve également à s’appliquer aux investissements réalisés dans le cadre de l’article 217 undecies C du CGI.

([187]) Pour les investissements réalisés dans certaines collectivités d’outre-mer, c’est le régime de l’article 217 duodecies qui s’applique.

([188]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 99.

([189]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 21.

([190]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 99.

([191]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 99.

([192]) L’article s’applique pour les investissements réalisés à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises.

([193]) Évaluations préalables des articles du projet de loi, page 106.

([194]) Évaluations des voies et moyens du présent projet de loi de finances, tome II : Dépenses fiscales.

([195]) Il ne s’agit pas d’une dépense fiscale en tant que telle. Le manque à gagner que le régime induit par rapport à une imposition séparée et individuelle de chaque société est estimé à 16,4 milliards d’euros en 2018 (Évaluations des voies et moyens du projet de loi de finances pour 2019, tome II : Dépenses fiscales).

([196]) CJCE, 27 novembre 2008, Société Papillon, C‑418/07.

([197]) Loi n° 2009‑1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, article 33.

([198]) CJUE, 12 juin 2014, SCA Group Holding BV e.a., C‑39/13.

([199]) Loi n° 2014‑1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, article 63.

([200]) CJUE, 2 septembre 2015, Groupe Steria SCA, C‑386/14.

([201]) Loi n° 2015‑1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, article 40.

([202]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018‑699 QPC du 13 avril 2018, Société Life Sciences Holding France [Application de la quote-part de frais et charges afférentes au produits de participation perçus dune société établie en dehors de lUnion européenne].

([203]) Du nom du ministre chargé du budget à l’origine de l’introduction de la mesure, qui résulte de l’article 13 de la loi n° 88‑1193 du 29 décembre 1988 de finances rectificative pour 1988.

([204])  Conseil constitutionnel, décision n° 2018‑701 QPC du 20 avril 2018, Société Mi Développement 2 [Réintroduction de certaines charges financières dans le résultat densemble dun groupe fiscalement intégré].

([205]) CJUE, 25 février 2010, X Holding, C‑337/08.

([206]) CJUE, 2 septembre 2015, Steria, décision précitée, § 27.

([207]) CJUE, 6 octobre 2015, Finanzamt Linz, C‑66/14.

([208]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016‑571 QPC du 30 septembre 2016, Société Layher SAS [Exonération de la contribution de 3 % sur les montants distribués en faveur des sociétés dun groupe fiscalement intégré].

([209]) Loi n° 2016‑1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([210]) Loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([211]) CPO, Adapter limpôt sur les sociétés à une économie ouverte, décembre 2016, page 125.

([212]) CPO, rapport précité, page 129.

([213]) Loi n° 2013‑1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 22.

([214]) Une présentation plus détaillée des différents soldes intermédiaires de gestion est faite au 2 du B du présent I. (cf. infra).

([215]) Réponse ministérielle à la question écrite n° 67614 de M. Michel Bouvard, publiée le 6 juillet 2010 (Journal officiel Questions Assemblée nationale 6 juillet 2010, page 7596).

([216]) Pour une présentation de l’intégration fiscale, il est renvoyé au commentaire de l’article 12 du présent projet de loi de finances.

([217]) Loi n° 2012‑1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, article 23.

([218]) Loi n° 88‑1193 du 29 décembre 1988 de finances rectificative pour 1988, article 15.

([219]) Article 40 de la loi n° 2011‑1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

([220]) Également connu sous l’appellation d’« amendement Carrez ».

([221]) Loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([222]) Conseil d’État, 19 septembre 2018, Société Zimmer Biomet France Holdings SAS, n° 421688.

([223]) Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

([224]) Loi n° 2018‑604 du 12 juillet 2018 autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

([225]) OCDE (2017), Limiter lérosion de la base dimposition faisant intervenir les déductions dintérêts et dautres frais financier, Action 4, version actualisée 2016 : Cadre inclusif sur le BEPS, projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

([226]) Directive (UE) 2016/1164 précitée, exposé des motifs, § 8.

([227]) Ibid.

([228]) Voir en ce sens M. Albéric de Montgolifier, Rapport fait au nom de la commission des finances sur la proposition de résolution européenne sur les propositions de directives du Conseil COM (2016) 683 final concernant une assiette commune consolidée pour limpôt sur les sociétés et COM (2016) 685 final concernant une assiette commune pour limpôt sur les sociétés, Sénat, session ordinaire de 2016‑2017, n° 527, 21 décembre 2016, pages 13‑14.

([229]) BOI‑IS‑BASE‑35‑40, § 30 à 210.

([230]) Notion française qui se rapproche de l’EBITDA. Voir l’encadré sur les soldes intermédiaires de gestion (SIG) figurant au 2 du B du I du présent commentaire.

([231]) Directive (UE) 2016/1164 précitée, exposé des motifs, § 9.

([232]) Ibid.

([233]) Mme Bénédicte Peyrol, Rapport dinformation sur lévasion fiscale internationale des entreprises, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1236, 12 septembre 2018, page 120. Il s’agit de la recommandation n° 8 du rapport.

([234]) Loi n° 91‑1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992.

([235]) Assemblée nationale, IXe législature, compte rendu des débats, 3e séance du 15 novembre 1991, page 6142.

([236]) Ibid.

([237]) Loi n° 2010‑1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([238]) Assemblée nationale, XIe législature, compte rendu des débats précité.

([239]) Commission européenne, A Study on R&D Tax Incentives, rapport final, 28 novembre 2014.

([240]) Le terme de « juridiction fiscale » désigne, en fiscalité internationale, les États mais aussi les territoires non souverains (tels que les îles Anglo-Normandes ou l’île de Man pour le Royaume-Uni, Curaçao pour les Pays-Bas ou encore le Delaware pour les États‑Unis).

([241]) OCDE, Concurrence fiscale dommageable : un problème mondial, 1998.

([242]) OCDE (2016), Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables en prenant en compte la transparence et la substance, Action 5  Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, page 31.

([243]) Commission européenne, 17 juin 2015, Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil  Un système dimposition des sociétés juste et efficace au sein de lUnion européenne : cinq domaines daction prioritaires, COM(2015) 302 final.

([244]) Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

([245]) Et à travers la directive dite « ATAD II » vis-à-vis des pays tiers (directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers.

([246]) Dont la transposition est réalisée par l’article 13 du présent projet de loi de finances.

([247]) Dont la transposition est réalisée par l’article 48 du présent projet de loi de finances.

([248]) Directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal.

([249]) Directive (UE) 2015/2376 du Conseil du 8 décembre 2015 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal, et directive (UE) 2016/881 du Conseil du 25 mai 2016 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal.

([250]) Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration. L’article 7 quinquies du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude habilite le Gouvernement à transposer cette directive par ordonnance (ce projet de loi a fait l’objet d’une adoption en termes identiques par le Sénat et l’Assemblée nationale les 9 et 10 octobre 2018).

([251]) OCDE, Pratiques fiscales dommageables  Rapport détape de 2017 sur les régimes préférentiels, Cadre inclusif sur le BEPS : Action 5, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, pages 16-17.

([252]) Groupe « Code de conduite (fiscalité des entreprises) », 24 novembre 2017, n° 14784/17 FISC 300 ECOFIN 999, point III, B, § 26.

([253]) Cette faculté est prévu au § 60 du rapport final sur l’action 5 du projet « BEPS » précité (page 36).

([254]) OCDE, rapport d’étape précité.

([255]) Communiqué publié sur le site de l’OCDE à l’occasion de la parution du rapport d’étape sur l’évaluation des régimes préférentiels (lien).

([256]) CPO, Adapter limpôt sur les sociétés à une économie ouverte, décembre 216, page 124.

([257]) Conseil de l’Union européenne, 5 décembre 2017, Liste européenne des juridictions non coopératives à des fins fiscales, 15429/14, FISC 342 ECOFIN 1088. Ces conclusions ont ensuite été actualisées en janvier, en mars, en mai et au début du mois d’octobre 2018.

([258]) Voir ainsi Sénat, session ordinaire de 2017-2018, commission des finances, compte rendu de la réunion du 28 juin 2017, ou encore Assemblée nationale, XVe législature, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, compte rendu n° 14 de la réunion du mercredi 13 septembre 2017.

([259]) Pour une présentation détaillée des listes européennes et françaises des juridictions non coopératives et des contre-mesures applicables, il est renvoyé au commentaire fait par Émilie Cariou de l’article 11 du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude (Émilie Cariou, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1212, 25 juillet 2018, pages 282-315).

([260]) OCDE, Pratiques fiscales dommageables  Rapport détape de 2017 sur les régimes préférentiels  Mise à jour du 9 mai 2018, Cadre inclusif sur le BEPS : Action 5.

([261]) Id., page 2.

([262]) Bénédicte Peyrol, Rapport de la mission dinformation relative à lévasion fiscale internationale des entreprises, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1236, 12 septembre 2018.

([263]) Mention figurant au a du 2° du I du nouvel article L. 13 BA du LPF introduit par le II du présent article (cfinfra).

([264]) Pour une présentation détaillée de l’intégration fiscale, il est renvoyé au commentaire de l’article 12 du présent projet de loi de finances.

([265]) An Act to provide for reconciliation pursuant to titles II and V of the concurrent resolution on the budget for fiscal year 2018.

([266]) Pour une présentation détaillée des dispositifs « BEAT », « FDII » et « GILTI », il est renvoyé au rapport de la mission d’information précitée relative à l’évasion fiscale internationale des entreprises (Bénédicte Peyrol, rapport précité, pages 145‑149).

([267]) Loi n° 2005‑1720 du 30 décembre 205 de finances rectificative pour 2005.

([268]) Loi n° 2016‑1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 12.

([269]) Fonds monétaire international, World Economic Outlook : Challenges to Steady Growth, octobre 2018.

([270]) Loi  201832 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, Annexe, Rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, I, B.

([271]) Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP20183 relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour lannée 2019, pages 5‑6.

([272]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016‑744 DC du 29 décembre 2016, Loi de finances pour 2017.

([273]) Haut Conseil des finances publiques, avis précité, page 12.

([274]) Assemblée nationale, XVe législature, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, lundi 24 septembre 2018, séance de 14h30, compte rendu n° 134 (lien).

([275]) Loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique.

([276]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 28.

([277]) Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

([278]) Loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001.

([279]) Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

([280]) Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

([281]) Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

([282]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([283]) Loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.

([284]) Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2001.

([285]) Mme Fanny Dombre-Coste, Favoriser la transmission dentreprise en France : diagnostic et propositions, 7 juillet 2015.

([286]) MM. Olivier Carré et Christophe Caresche, Rapport dinformation fait au nom de la commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire sur linvestissement productif de long terme, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 3063, 16 septembre 2015.

([287]) Lien.

([288]) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([289]) Article 34 bis AB à AE du texte adopté par le Sénat en première lecture.

([290]) Porté par notre collègue Marc Le Fur en commission, il a ensuite été porté par notre collègue Véronique Louwagie en séance publique.

([291]) M. Claude Nougein, Proposition de loi visant à moderniser la transmission dentreprise, Sénat, session ordinaire de 2017-2018, n° 343, 7 mars 2018 (lien).

([292]) Loi n° 2011‑900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

([293]) Loi n° 2001‑1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002, article 82.

([294]) Loi n° 86‑1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987, article 21.

([295]) Loi n° 2012‑1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, article 27.

([296]) Assemblée nationale, XVe législature, session ordinaire de 2017-2018, compte rendu intégral, deuxième séance du jeudi 19 octobre 2017.

([297]) Règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture.

([298]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([299])  Directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE

 

([300]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([301]) Loi n° 66-923 du 14 décembre 1966 portant modification de diverses dispositions du code des douanes.

([302]) Arrêté du 10 novembre 2011 fixant pour le gazole, les carburéacteurs, les gaz de pétrole liquéfiés et les émulsions d’eau dans du gazole des conditions d’emploi ouvrant droit à l’application du régime fiscal privilégié institué par l’article 265 du code des douanes en matière de taxe intérieure de consommation.

([303]) Ibid.

([304]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([305]) 

([306]) Projet de loi de finances pour 2018, Évaluations des voies et moyens, tome II (lien).

([307]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([308]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([309]) Ministère de la transition écologique et solidaire, Feuille de route 2018 (lien).

([310]) Cour des comptes, Lefficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, septembre 2016 (lien).

([311]) Projet de loi de finances pour 2018, Évaluations des voies et moyens, tome II (lien).

([312]) Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, considérant 28.

([313]) ADEME, Documentation des facteurs démission de la base carbone, 2014 (lien).

([314]) Calculs commission des finances.

([315]) Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011 (lien).

([316]) Commissariat général au développement durable, Les produits pétroliers, principale énergie dans le secteur de la construction, juillet 2017.

([317]) Ministère de l’agriculture, Agreste, Résultats économiques de lagriculture 2016, 2018.

([318]) Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([319]) Loi n° 91-1405 du 31 décembre 1991 relative à la formation professionnelle et à l’emploi.

([320]) Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([321]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA.

([322]) Direction générale du Trésor, « La politique de soutien aux services à la personne », Lettre Trésor-Éco, n° 175, août 2016 (lien).

([323]) Évaluations des voies et des moyens, tome II, annexe au projet de loi de finances pour 2018.

([324]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), « Les services à la personne en 2016 », DARES Résultats, n° 017, avril 2018 (lien).

([325]) Directive 2006/112 CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée.

([326]) Arrêté du 14 janvier 2015 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Moss – mini guichet TVA ».

([327]) Réunion 3582 ECOFIN du 5 décembre 2017 – Adoption d’un projet de directive visant à modifier la directive 2006/112 CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de service et aux ventes à distance de biens.

([328]) Article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

([329]) Conseil constitutionnel, décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans léconomie numérique.

([330]) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([331]) Rescrit n°2007/31 du 18 septembre 2007 (lien).

([332]) Proposition de directive COM (2012) 206/F1 du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le traitement des bons.

([333]) CJCE, 24 octobre 1996, Elida Gibbs, C-317/94.

([334]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([335]) Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018.

([336]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 28 relatif à l’évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales.

([337]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, article 6 (lien).

([338]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 43 (lien).

([339]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 149 (lien).

([340]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([341]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([342]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 51 (lien).

([343]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 33 (lien).

([344]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 41 (lien).

([345]) Direction générale des collectivités locales, note d’information du 26 mars 2018 relative aux informations fiscales utiles à la préparation des budgets primitifs locaux pour 2018, NOR : INTB1806399N (lien).

([346]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

([347]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, article 199‑1 (lien).

([348]) Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, article 64.

([349]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 16 (lien).

([350]) Ibid., article 13 (lien).

([351]) Ibid., article 29 (lien).

([352]) La Banque Postale, Note de conjoncture, Tendances 2018 par niveau de collectivités locales, Les finances locales, septembre 2018 (lien).

([353]) Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), op. cit.

([354]) Arrêté du 2 septembre 2015 relatif au diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute (lien).

([355]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres [Concours de lÉtat au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA] (lien).

([356]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, article 73 (lien).

([357]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, article 40 (lien).

([358]) Arrêté du 2 septembre 2015 relatif au diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute (lien).

([359]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, article 40 (lien).

([360]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, article 2 (lien).

([361]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 53 (lien).

([362]) Liste fixée par le décret n° 86-422 du 12 mars 1986 pris pour l’application de l’article 5 de la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986 portant dispositions diverses relatives aux collectivités locales et modifié par le décret n° 2004-1440 du 23 décembre 2004 pris pour application de l’article 53 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 (lien).

([363]) Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, article 12 (lien).

([364]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 53 (lien).

([365]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, article 77 (lien).

([366]) Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, article 44 (lien).

([367]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, article 78 (lien).

([368]) Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, article 46 (lien).

([369]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 76 (lien).

([370]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 37 (lien).

([371]) Décret n° 86-422 du 12 mars 1986 pris pour l’application de l’article 5 de la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986 portant dispositions diverses relatives aux collectivités locales (lien).

([372]) Loi n° 86-29 du 9 janvier 1986 portant dispositions diverses relatives aux collectivités locales, article 5 (lien).

([373]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 89 (lien).

([374]) M. Gilles Carrez, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 4006, 23 novembre 2011 (lien).

([375]) Ministère de la transition écologique et solidaire.

([376]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 187 (lien).

([377]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, article 78 (lien).

([378]) Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, article 46 (lien).

([379]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 76 (lien).

([380]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 89 (lien).

([381]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 149 (lien).

([382]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, articles 41 et 165 (lien).

([383]) Directive n° 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (lien).

([384]) Loi n° 1993-1352 du 29 décembre 1993 de finances pour 1994, article 53.

([385]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 24 (lien).

([386]) Un taux normal de TVA de 20 % appliqué sur un montant hors taxes d’un investissement équivaut à 16,6 % de son montant toutes taxes comprises. Le taux est ensuite diminué de la part de TVA versée par la France au budget de l’Union européenne.

([387]) Cf. article 80 sur le décalage de la date d’entrée en vigueur de l’automatisation du FCTVA.

([388]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 16 (lien).

([389]) Cf. article 28 sur l’évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales.

([390]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([391]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([392]) Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([393]) Ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 portant extension et adaptation dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([394]) Ordonnance n° 2011-1641 du 24 novembre 2011 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active au Département de Mayotte.

([395]) Ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

([396]) Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([397]) Ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 portant extension et adaptation dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([398]) Ordonnance n° 2011-1641 du 24 novembre 2011 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active au Département de Mayotte.

([399]) Décret n° 2018-324 du 3 mai 2018 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active.

([400]) Ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 portant extension et adaptation dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, article 1er.

([401]) Ordonnance n° 2011-1641 du 24 novembre 2011 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active au Département de Mayotte.

([402]) Ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

([403]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres [Concours de lÉtat au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA].

([404]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 59.

([405]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, article 51.

([406]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 39.

([407]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 42.

([408]) Les données présentées ci-dessous sont extraites des rapports annuels 2017 de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) concernant la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte.

([409]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Minima sociaux et prestations sociales, Le revenu de solidarité active (RSA), fiche n° 19, édition 2018.

([410]) Accord de Guyane du 21 avril 2017, protocole « Pou Lagwiyann dékolé ».

([411]) Cour des comptes, Département de Mayotte, La gestion des ressources humaines, Rapport d’observations définitives, mars 2018 ; Cour des comptes, Département de Mayotte, Loctroi des subventions, Rapport d’observations définitives, juin 2018.

([412]) Les données présentées ci-dessous sont extraites des rapports annuels 2017 de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) concernant la collectivité territoriale de Guyane et le Département de Mayotte.

([413]) MM. Dominique Bur et Alain Richard, Rapport sur le financement des allocations individuelles de solidarité, Mission finances locales, avril 2018.

([414]) Discours du président de la République sur les assises des outre-mer, 29 octobre 2017.

([415]) Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité, articles 4 et 52 ; loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, article 7.

([416]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 42.

([417]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, article 59.

([418]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, article 51.

([419]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 39.

([420]) Accord de Guyane du 21 avril 2017, protocole « Pou Lagwiyann dékolé ».

([421]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 89.

([422]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, article 6.

([423]) Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), les finances des collectivités locales en 2018, état des lieux, juillet 2018.

([424]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 16.

([425]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 23 relatif à la fixation de la dotation globale de fonctionnement et des variables d’ajustement.

([426]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 23 relatif à la fixation de la dotation globale de fonctionnement et des variables d’ajustement.

([427]) La Banque Postale, Note de conjoncture, Tendance 2018 par niveau de collectivités locales, Les finances locales, septembre 2018 (lien).

([428]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 27 relatif à la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) en Guyane et à Mayotte.

([429]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, article 141.

([430]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([431]) Conseil constitutionnel, décision  2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances.

([432]) CPO, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013.

([433]) Rapport précité, pages 64, 65 et 67.

([434]) CPO, Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer, juillet 2018.

([435]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([436]) Rapport précité.

([437]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008. Ce principe a été confirmé et consacré par la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

([438]) Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, article 6.

Élargissement du périmètre de la norme confirmé au sein de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 8.

([439]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 8.

([440]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([441]) Loi de programmation pour les années 2014 à 2019 précitée, article 16.

([442]) Loi de programmation pour les années 2018 à 2022 précitée, article 18.

([443]) Loi de programmation pour les années 2012 à 2017, article 12, puis loi de programmation pour les années 2014 à 2019, article 15.

([444]) Rapport précité, juillet 2018, page 43.

([445]) Rapport précité juillet 2018, page 50.

([446]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([447])  Tome I de l’annexe au projet de loi de finances Évaluations des voies et moyens, page 143.

([448]) Directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes.

([449]) Ordonnance n° 2016-1812 du 22 décembre 2016 relative à la lutte contre le tabagisme et à son adaptation et son extension à certaines collectivités d’outre-mer.

([450]) Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

([451]) Ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique.

([452]) Ce montant est net, c’est-à-dire déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement.

([453]) Mmes Stella Dupont et Valérie Oppelt, Rapport dinformation sur les chambres de commerce et dindustrie, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1189, 24 juillet 2018, page 60.

([454]) Assemblée nationale, 2e séance du 22 octobre 2017, Journal officiel Débats Assemblée nationale, page 3612.

([455]) Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2018, page 162.

([456]) Assemblée nationale, 1ère séance du 10 juillet 2018, Journal officiel Débats Assemblée nationale, page 7098.

([457]) Inspection générale des finances, conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies et contrôle général économique et financier, Revue des missions et scénarios dévolution des chambres de commerce et dindustrie et des chambres de métiers et de lartisanat, mars 2018.

([458]) Mmes Stella Dupont et Valérie Oppelt, rapport précité.

([459]) Rapport précité, page 12.

([460]) Amendement n° 2070 présenté par Mmes Oppelt et Dupont, sur le projet de loi n° 1088 croissance et transformation des entreprises, adopté à l’Assemblée nationale en première lecture.

([461]) Projet annuel de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2019, Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, page 64.

([462])  Projet annuel de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2019, Médias, livre et industries culturelles, page 10.

([463]) Rapport précité, juillet 2018, proposition n° 5.

([464]) Voir infra commentaire de l’article 32 dans le présent rapport général.

([465]) Projet annuel de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2019, Écologie, développement et mobilités durables, page 65.

([466]) Prévue à l’article 1609 sextricies du CGI.

([467]) Amendement n° I-1379, présenté par le Gouvernement sur le projet de loi de finances pour 2018, 21 octobre 2017.

([468]) Discours de M. Édouard Philippe, Premier ministre – Conclusion de la première séquence des assises de l’eau, Chaillol, mercredi 29 août 2018.

([469]) Loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, article 33.

([470]) Sont notamment visés les services téléphoniques sur réseaux fixes, ceux sur réseaux mobiles, les services permettant d’accéder à internet, etc.

([471]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 48.

([472]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 44.

([473]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([474]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([475]) M. Hervé Berville, La modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale, rapport au ministre de l’Europe et des affaires étrangères et au ministre de l’économie et des finances, août 2018.

([476]) Rapport précité, page 38.

([477]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([478]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([479]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([480]) Loi n° 2018-652 du 25 juillet 2018 de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017.

([481]) Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, article 40.

([482]) Voir en ce sens : Inspection générale des finances, Rapport sur les fonds dassurance maladie, juillet 2010 (lien).

([483]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([484]) Observatoire national interministériel de la sécurité routière, La sécurité routière en France, bilan de laccidentalité 2017 (lien).

([485]) Décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées des véhicules (lien).

([486]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([487]) Loi n° 94-1162 du 29 décembre 1994 de finances pour 1995.

([488]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([489]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 49.

([490]) Arrêté codifié à l’article 50 quaterdecies B de l’annexe IV au CGI.

([491]) Arrêté codifié à l’article 23 M bis de l’annexe IV au CGI.

([492]) La redevance d’accès TET est versée à SNCF Réseau par l’État s’est élevée à 521,9 millions d’euros en 2017, et elle est prévue à 527,7 millions d’euros en 2018 et 536,6 millions d’euros en 2019.

([493]) Commission « TET davenir », TET : agir pour l’avenir, rapport remis le 25 mai 2015 au secrétaire dÉtat chargé des transports, de la mer et de la pêche (lien).

([494]) Point d’étape de la mise en œuvre de la feuille de route du 7 juillet 2015 pour un nouvel avenir des trains d’équilibre du territoire (lien).

([495]) Loi n° 2015-1789 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([496]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([497]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

([498]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([499]) Commission de régulation de l’énergie, délibération n° 2018-156 du 12 juillet 2018 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2019 (lien).

([500]) Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre).

([501]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([502]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([503]) Décret n° 2016-1980 du 30 décembre 2016 relatif aux aides à l’achat ou à la location des véhicules peu polluants.

([504]) Règlement européen (CE) n° 443/2009 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 sur la réduction des émissions de CO2 des voitures neuves.

([505]) Projet de loi de finances pour 2019, Projet annuel de performances CAS Aides à lacquisition de véhicules propres.

([506]) Loi de règlement pour 2017, CAS Aides à lacquisition de véhicules propres, rapport annuel de performances (lien).

([507]) Loi n° 63-1293 du 21 décembre 1963 de finances rectificative pour 1963.

([508]) Loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 de finances rectificative pour 1964.

([509]) Loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 de finances pour 1968.

([510]) Loi n° 97-1239 du 29 décembre 1997 de finances rectificative pour 1997.

([511]) Décret n° 64-1123 du 12 novembre 1964 fixant les conditions d’application de l’article 5 de la loi de finances rectificative pour 1963.

([512]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([513]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([514]) Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

([515]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([516]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([517]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([518]) Article 4 de la convention.

([519]) Évaluation préalable du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([520]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([521]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([522]) Il est à noter que les régimes AGIRC et ARRCO fusionnent au 1er janvier 2019 en un seul régime, le régime AGIRC-ARRCO.

([523]) Cour de justice de l’Union européenne, 26 février 2015, Ministère de l’économie et des finances / Gérard de Ruyter, aff. C-623/13,

([524]) Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, article 24.

([525]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 28.

([526]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([527]) Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([528]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([529]) Loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

([530]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([531]) Commission européenne, projet de budget général, juin 2018 (lien).

([532]) Conseil constitutionnel, décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979, Loi de finances pour 1980.

([533]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.