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N° 2683

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 février 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE ([1]) CHARGÉE DEXAMINER LE PROJET DE LOI instituant un système universel de retraite et LE PROJET DE LOI ORGANIQUE relatif au système universel de retraite, SUR LE PROJET DE LOI instituant un système universel de retraite

 

Tome I

avant-propos, auditions et commentaire des articles

 

 

Par MGuillaume GOUFFIER-CHA, Rapporteur général

M. Nicolas TURQUOIS, M. Jacques MAIRE, Mme Corinne VIGNON,
Mme Carole GRANDJEAN et M. Paul CHRISTOPHE,

Rapporteurs

 

 

 

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Voir le numéro :

Assemblée nationale :  2623 rectifié.

 


 

 

La commission spéciale est composée de :

Mme Brigitte Bourguignon, présidente ;

M. Éric Girardin, Mme Célia de Lavergne, M. Boris Vallaud, M. Stéphane Viry, vice-présidents ;

M. Thibault Bazin, Mme Jeanine Dubié, Mme Albane Gaillot, M. Thierry Michels, secrétaires ;

M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général ;

M. Nicolas Turquois, rapporteur sur le titre Ier du projet de loi ordinaire ;

M. Jacques Maire, rapporteur sur le titre II du projet de loi ordinaire ;

Mme Corinne Vignon rapporteure sur le titre III du projet de loi ordinaire ;

Mme Carole Grandjean, rapporteure sur le titre IV du projet de loi ordinaire ;

M. Paul Christophe, rapporteur sur le titre V du projet de loi ordinaire ;

M. Olivier Véran, rapporteur du projet de loi organique ;

Mme Clémentine Autain, M. Didier Baichère, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Marine Brenier, M. Jean-Jacques Bridey, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Gilles Carrez, M. Lionel Causse, M. Jean-René Cazeneuve, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, M. Yves Daniel, M. Pierre Dharréville, M. Julien Dive, M. Jean-Pierre Door, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Bruno Fuchs, M. Fabien Gouttefarde, Mme Florence Granjus, M. Brahim Hammouche, Mme Danièle Hérin, M. Sacha Houlié, M. Régis Juanico, M. Sébastien Jumel, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Constance Le Grip, Mme Marie Lebec, Mme Monique Limon, M. Emmanuel Maquet, M. Jacques Marilossian, M. Jean-Paul Mattei, M. Jean François Mbaye, M. Patrick Mignola, Mme Cendra Motin, Mme Sophie Panonacle, Mme Zivka Park, M. Aurélien Pradié, M. Adrien Quatennens, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Hervé Saulignac, M. Vincent Thiébaut, M. Philippe Vigier et M. Éric Woerth.


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

Auditions organisées par la commission spéciale

1. Audition de M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

2. Table ronde avec les organisations professionnelles demployeurs

3. Table ronde avec les organisations syndicales de salariés

4. Audition de M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil dorientation des retraites, et de M. Didier Blanchet, président du Comité de suivi des retraites

amendements adoptés par la commission SPÉCIALE

commentaire des articles du projet de loi

Titre Ier LES PRINCIPES DU SYSTÈME UNIVERSEL DE RETRAITE

Chapitre Ier  Un système universel commun à tous les assurés

Section 1 Principes généraux

Article 1er Création dun système universel de retraite par répartition

Section 2 Champ dapplication

Articles 2 à 7 Champ dapplication du système universel de retraite

Chapitre II Le droit à une retraite par points

Section 1 Paramètres de calcul des retraites

Articles 8 et 9 Modalités de calcul et dacquisition du point, unité de mesure dun système juste et transparent

Article 10 Linstauration dun coefficient dajustement, associé à un âge déquilibre

Article 11 Une revalorisation dynamique et responsable des pensions de retraite

Section 2 Relations avec les assurés

Article 12 La garantie dun droit à linformation des assurés en matière de retraite

Chapitre III Un système fondé sur une équité contributive

Section 1 Dispositions applicables à lensemble des assurés

Article 13 Cotisations applicables aux salariés et assimilés

Section 2 Dispositions applicables aux salariés et assimilés

Article 14 Dispositions spécifiques aux salariés relatives à lactivité partielle

Article 15 Dispositions relatives à la transition pour les salariés

Article 16 Habilitation à neutraliser certains effets du régime par points pour certaines catégories de salariés

Section 3 Dispositions applicables aux fonctionnaires et aux salariés des anciens régimes spéciaux

Article 17 Dispositions applicables aux fonctionnaires

Article 18 Habilitation à prendre des dispositions transitoires pour les fonctionnaires

Article 19 Habilitation à prendre des dispositions transitoires pour les salariés des régimes spéciaux

Section 4 Dispositions applicables aux travailleurs non-salariés

Article 20 Dispositions relatives aux cotisations des travailleurs non-salariés

Article 21 Habilitation à prendre des dispositions transitoires pour les cotisations et contributions des travailleurs non-salariés

Article 22 Dispositions relatives à lassiette minimale des travailleurs non-salariés

Titre II équité et liberté dans le choix de départ à la retraite

Chapitre Ier Des transitions facilitées entre lactivité et la retraite

Article 23 Âge minimum de départ à la retraite

Article 24 Principe général de cumul entre la retraite et lexercice dune activité professionnelle

Article 25 Retraite progressive

Article 26 Cumul emploi-retraite

Article 27 Assurance volontaire vieillesse, rachat de points et surcotisation pour les personnes exerçant une activité réduite ou à temps partiel

Chapitre II La prise en compte des situations spécifiques

Article 28 Retraite anticipée pour carrière longue

Article 29 Dispositif de retraite anticipée pour les travailleurs en situation de handicap

Article 30 Inaptitude et invalidité

Article 31 Habilitation à légiférer par ordonnance afin de définir les modalités de prise en charge de linvalidité des fonctionnaires et militaires

Chapitre III La reconnaissance de la pénibilité et de la dangerosité de certains métiers

Section 1 Prise en compte des effets de lexposition à des facteurs de risques professionnels

Article 32 Retraite pour incapacité permanente

Article 33 Généralisation du compte personnel de prévention

Article 34 Ordonnance relative à la gestion et au financement du dispositif de retraite pour incapacité permanente et du compte professionnel de prévention

Article 35 Amiante

Section 2 Maintien des départs anticipés pour les fonctions régaliennes

Article 36 Maintien des départs anticipés pour les métiers dangereux régaliens

Article 37 Militaires

Section 3 Transitions en matière dâge douverture des droits

Article 38 Habilitation à légiférer par ordonnance pour déterminer les règles transitoires applicables aux fonctionnaires en catégorie active et renvoi au bureau des assemblées pour la détermination des règles applicables aux fonctionnaires parlementaires

Article 39 Règles transitoires applicables aux assurés des régimes spéciaux

Titre III Un systÈme de retraite À la solidaritÉ renforcÉe

Chapitre Ier Un système qui récompense mieux lactivité et protège contre les interruptions de carrière

Section 1 La garantie dune retraite minimale

Article 40 Retraite minimale

Article 41 Revalorisation des minima de pensions des travailleurs indépendants et exploitants agricoles

Section 2 La prise en compte des interruptions de carrière

Article 42 Attribution de points au titre de périodes dinterruption dactivité

Article 43 Soutien aux aidants

Chapitre II Des droits familiaux modernisés

Article 44 Des droits pour tous les parents, dès le premier enfant

Article 45 Attribution de points aux parents de jeunes enfants ayant des revenus modestes

Chapitre III Des droits conjugaux harmonisés

Article 46 Retraites de réversion

Chapitre IV Un système plus solidaire envers les jeunes générations

Article 47 Garantie minimale de points au titre des périodes dapprentissage, de service civique ou de pratique dun sport de haut niveau

Article 48 Dispositif de rachat assoupli des périodes détudes supérieures et de stages

TITRE IV UNE ORGANISATION ET UNE GOUVERNANCE UNIFIÉES POUR RESPONSABILISER TOUS LES ACTEURS DE LA RETRAITE

Chapitre Ier Une organisation unifiée

Section 1 Création de la Caisse nationale de retraite universelle

Article 49 Création de la Caisse nationale de retraite universelle

Article 50 Acteurs et contenu de la préfiguration du système universel de retraite

Section 2 Une gouvernance prenant en compte la diversité des acteurs de la retraite

Article 51 Création par ordonnance dun conseil de la protection sociale des professionnels libéraux

Article 52 Définition par ordonnance des modalités daffiliation des artistes-auteurs au régime général

Article 53 Création par ordonnance dun établissement chargé de lintégration du service des retraites de lÉtat dans le système universel

Article 54 Conclusion de conventions entre les régimes de retraite actuels et la future Caisse nationale de retraite universelle

Chapitre II Une gouvernance responsabilisant les acteurs

Article 55 Le pilotage financier annuel et pluriannuel du système universel de retraite

Article 56 Instances de suivi et dexpertise du système universel de retraite

Articles 57 Création dune conférence sur léquilibre et le financement des retraites

Chapitre III Un financement simplifié et mutualisé

Section 1 Une intégration financière complète

Article 58 Nouvelle architecture financière du système de retraite

Article 59 Création du Fonds de solidarité vieillesse universel

Section 2 Des réserves garantissant la solidité financière du système

Article 60 Création du Fonds de réserves universel

Titre V Dispositions finales

Chapitre Ier La conservation à 100 % des droits constitués avant lentrée en vigueur du système universel de retraite

Article 61 Habilitation à prendre par ordonnance les mesures relatives à la prise en compte des droits acquis des assurés ayant été affiliés à un ou plusieurs régimes de retraite dans lancien système et ayant vocation à intégrer le système universel

Articles 62 Suppression des affiliations aux régimes de retraite complémentaire obligatoires et aménagement des règles applicables aux personnels navigants

Article 63 Dispositions relatives à lentrée en vigueur du système universel de retraite

Chapitre II Dispositions diverses

Article 64 Habilitation à prendre par ordonnances les mesures de coordination et de correction des dispositions du présent projet de loi, les mesures dadaptation relatives aux fonctionnaires et à loutre-mer

Article 65 Ratification dordonnances en matière dépargne retraite

Annexe liste des textes susceptibles dêtre abrogés ou modifiés à loccasion de lexamen du projet de loi

 


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   AVANT-PROPOS

● « La Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun quen toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de lincertitude du lendemain. [...]

« Envisagée sous cet angle, la Sécurité sociale appelle laménagement dune vaste organisation nationale dentraide obligatoire qui ne peut atteindre sa pleine efficacité que si elle présente un caractère de grande généralité quant aux personnes quelle englobe et quant aux risques quelle couvre. Le but final à atteindre est la réalisation dun plan qui couvre lensemble de la population du pays contre lensemble des facteurs dinsécurité ; un tel résultat ne sobtiendra quau prix de longues années defforts persévérants ».

L’exposé des motifs de l’ordonnance fondatrice du 4 octobre 1945 inscrit lucidement la construction de notre sécurité sociale dans le temps long, indispensable pour étendre et harmoniser la couverture de l’ensemble des assurés.

Le risque vieillesse illustre avec le plus de clarté cette temporalité, au fil des réformes de notre système de retraite conduites année après année. Rares sont les majorités à ne pas avoir porté de projets dans ce domaine. Aux réformes des années 70-80 visant à compléter les étages de la couverture vieillesse ont succédé, à partir des années 90, des réformes orientées vers le redressement des comptes et la prise en compte de nouvelles fragilités sociales, notamment au titre de la pénibilité.

● Cet ensemble de réformes conduites durant un demi-siècle est un héritage en partage, qui a posé les fondations d’un des systèmes de retraite les plus protecteurs et les plus complets au monde.

L’hypothèse d’une « fin de l’histoire » ne saurait pour autant être retenue en matière de retraite. Utiles dans leur principe, les précédentes réformes n’ont ni permis de garantir l’équité entre assurés, ni suffi à corriger les déséquilibres financiers.

Pour la première fois, une réforme systémique des retraites sera menée, conformément à l’engagement de campagne du Président de la République et au projet porté devant les Français par cette majorité lors des élections législatives de 2017.

● La réforme inscrite dans les projets de loi organique et ordinaire est inédite, tant dans son contenu que dans sa méthode.

S’agissant du contenu, l’attachement au système de retraite par répartition se doublera demain d’une ambition d’universalité. La convergence des règles applicables aux différents régimes, bien qu’accélérée depuis 2003, est loin d’être complète. Un sentiment profond d’iniquité en résulte, s’ajoutant à la complexité vécue par des assurés qui sont désormais – dans leur quasi-totalité – polypensionnés. Le projet d’une réforme systémique, seul à même de mettre fin à des différences de traitement suscitant méfiance et incompréhension, est d’ailleurs en germe depuis longtemps.

Fréquemment synthétisé sous la formule « un euro cotisé ouvrira les mêmes droits », le système universel par points viendra corriger les effets d’un système certes solide, mais vecteur de nombreuses iniquités et effets anti-redistributifs. Le cœur de notre système actuel porte en lui-même, via les règles de calcul retenues, une redistribution des carrières heurtées vers les carrières complètes et des bas salaires vers les hauts salaires. S’y ajoutent trente années d’indexation des droits portés au compte sur l’inflation, qui ont-elles-mêmes conduit à valoriser davantage les dernières périodes cotisées – et ont donc bénéficié aux seules trajectoires salariales ascendantes.

Loin de nombreuses idées reçues, le système contributif de demain garantira un niveau de pension plus fidèle aux revenus d’activité cotisés, tout en restant complété par des dispositifs de solidarité protecteurs, venant compenser des interruptions de carrières ou des accidents de la vie.

S’agissant de la méthode, le temps long préconisé par les fondateurs de la sécurité sociale aura guidé les travaux et la réflexion. Les deux années de concertation des partenaires sociaux, doublées de plusieurs séquences de consultations citoyennes, dont le caractère innovant et dynamique a été largement salué, se sont concrétisées par un projet formalisé dans le rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites en juillet 2019. La concertation s’est ensuite poursuivie, sous la double forme de réunions bilatérales et multilatérales, de manière continue jusqu’au dépôt, sur le bureau du Président de l’Assemblée nationale, des projets de loi organique et ordinaire instituant un système universel de retraite.

L’atteinte de l’universalité implique de remettre à plat l’ensemble des acteurs et des règles en vigueur. Redoutable défi technique et légistique, cette réforme constitue surtout une formidable opportunité de construction du système de retraite du XXIe siècle, sans transition précipitée ni rupture de la concertation. Un système qui sera à la fois plus démocratique, plus lisible, plus juste, et plus solide budgétairement.

En quelque sorte, il s’agit de la fin des anciens régimes sans la révolution.

● Quatre principes-clefs irrigueront le nouveau système de retraite par répartition.

Léquité, tout d’abord, se traduira par l’intégration de l’ensemble des assurés nés à compter de 1975 dans le système universel. Au rythme d’une transition organisée, l’harmonisation des différents paramètres – qu’il s’agisse des cotisations versées, de l’âge d’ouverture des droits ou des droits familiaux et conjugaux – mettra fin à la logique actuelle de traitements différenciés ou d’approches statutaires qui appartiennent désormais au passé. L’universalité ne signifie toutefois pas unicité : des dispositifs spécifiques s’appliqueront à certains assurés faisant face à des contraintes ou sujétions objectives, tels que les fonctionnaires exerçant des fonctions régaliennes dangereuses, qui conserveront des possibilités de départs anticipés.

La simplicité, ensuite, sera portée par la nouvelle unité de mesure des droits – le point – et ses modalités de consultation – sur un compte personnel de carrière accessible à tous. La suppression de la distinction entre une retraite de base et une retraite complémentaire limitera le nombre de démarches et mettra fin à une reconstitution des droits trop fréquemment vécue comme un parcours du combattant. Cet objectif de simplicité justifiera également de conserver les interlocuteurs actuels des assurés, en particulier dans certains régimes où des organismes assurent la couverture de l’ensemble des risques. Les professions agricoles, à titre d’exemple, bénéficieront toujours d’un interlocuteur unique – la mutualité sociale agricole – pour l’ensemble des assurances de sécurité sociale.

La solidarité, aussi, garantira l’ouverture de droits davantage adaptés aux nouveaux risques sociaux et aux ruptures dans les parcours de vie. La refonte des pensions de réversion et le renforcement des droits familiaux dès le premier enfant y contribueront activement, dans le cadre d’un Fonds de solidarité vieillesse universel commun à tous les assurés. La garantie d’une retraite minimale à 85 % du SMIC pour une carrière complète traduira également une promesse inscrite dans notre droit depuis dix-sept sans pour autant n’avoir jamais été concrétisée.

La responsabilité financière, enfin, s’appuiera sur la définition d’une règle d’or – consacrée au niveau organique – et sa traduction dans le pilotage annuel et pluriannuel du système de retraite. Confié aux partenaires sociaux, ce pilotage pourra compter sur les projections d’instances renouvelées, avec en premier lieu le Comité d’expertise indépendant des retraites. L’équilibre du système n’est ni une obsession comptable, ni un paramètre optionnel : il est la condition de la pérennité d’un système par répartition, qui doit assurer le versement des pensions quels que soient les chocs démographiques ou financiers. L’anticipation de tels chocs sera d’ailleurs au fondement de l’action du nouveau Fonds de réserves universel.

● Ces quatre principes et leur traduction juridique vont désormais être débattus à l’Assemblée nationale, qui prend le relais des concertations menées avec les partenaires sociaux depuis trente mois.

En ce sens, il est inutile d’opposer démocratie sociale et démocratie parlementaire. Ces deux légitimités se retrouveront d’ailleurs dans la gouvernance du futur système, dès lors que les décisions de la nouvelle Caisse nationale de retraite universelle devront être traduites dans le domaine de loi, protégé par la Constitution comme compétent pour définir les grands principes de la sécurité sociale.

La confiance dans le paritarisme ne fait d’ailleurs l’objet d’aucune ambiguïté : en confiant le conseil d’administration de la future CNRU aux partenaires sociaux, le projet de loi renforce la place des organisations syndicales et patronales dans la définition des principaux paramètres du système de retraite, dans le respect du cadre défini par le législateur.

Le déroulement des débats au Parlement sera l’occasion de confronter les propositions à partir de rédactions concrètes, loin des mauvais procès d’intention, des contre-vérités fantasmagoriques et des affabulations sur le renversement de la répartition qui se répandent par le truchement des réseaux sociaux.

Nul ne peut nier l’attachement unanime, au-delà des étiquettes partisanes, à un système de retraite par répartition. Il est d’ailleurs réaffirmé, en dur, dès l’article 1er du projet de loi ordinaire.

● Le système universel de retraite créé par les deux projets de loi organique et ordinaire entre désormais dans sa phase de concrétisation, succédant à une phase préparatoire ayant permis à chaque député de s’informer et de débattre dans le cadre du vaste ensemble d’auditions menées par le groupe de travail transpartisan, mis en place par la commission des affaires sociales durant trois mois, au printemps 2019. Ce groupe a analysé les conditions et outils de réforme du système de retraite, et a transmis à l’ensemble des groupes parlementaires la totalité de la documentation disponible ([2]).

Les travaux de ce groupe s’ajoutent à l’existence d’une littérature foisonnante, composée des publications du Conseil d’orientation des retraites (COR), des enquêtes de la Cour des comptes, mais aussi des études de chercheurs et, bien entendu, des rapports parlementaires élaborés à l’occasion des réformes précédentes, de propositions de loi et de travaux de contrôle.

À ce titre, il ne serait ni réaliste, ni justifié d’attendre du présent rapport une présentation panoramique de l’ensemble des régimes et outils du système actuel. Il porte le choix de se concentrer sur les principales modifications, leurs conséquences juridiques et, autant que possible, les projections. Les rapporteurs formulent le vœu que les présentations simplifiées, sous la forme de tableaux ou de schémas, faciliteront la lecture de dispositifs singulièrement arides et enchevêtrés.

● Loin de fermer la voie aux discussions ou d’abréger les débats, l’examen à l’Assemblée nationale donnera l’occasion à chacun des 577 représentants de la souveraineté nationale d’exprimer ses attentes, ses propositions et sa conception du système de retraite par répartition.

Cette répartition qui cimente la solidarité entre générations.

Cette répartition qui a porté l’augmentation du niveau de vie des retraités dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Cette répartition qui, reprenant Voltaire dans Olympie, porte « une retraite heureuse [qui] amène au fond des cœurs loubli des ennemis et loubli des malheurs ».

*

*     *

 

 


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   Auditions organisées par la commission spéciale

1.   Audition de M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

La commission spéciale procède à laudition de M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, notre commission spéciale débute ses travaux. Comme il se doit, nous commençons par une discussion générale sur les deux projets de loi qui nous ont été envoyés.

Nous organiserons, demain matin et demain après-midi, deux tables rondes : l’une avec les organisations patronales, l’autre avec les organisations syndicales. Le soir, nous recevrons le président du Conseil d’orientation des retraites et celui du Comité de suivi des retraites.

Nous entendons ce soir M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Je lui souhaite la bienvenue.

Réuni cet après-midi, le bureau de la commission spéciale a décidé que chaque rapporteur disposerait de 3 minutes, puis chaque groupe de 5 minutes. M. le secrétaire d’État répondra à cette première série d’interventions, puis les autres collègues pourront poser leurs questions, pour une durée d’une minute chacun.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Je tiens tout d’abord à vous remercier de votre accueil et de me permettre de vous présenter les projets de loi organique et ordinaire instituant un système universel de retraite, dans le prolongement de leur présentation en Conseil des ministres vendredi dernier. Je tiens aussi à vous dire, en préambule, que je suis très heureux de vous retrouver pour démarrer les travaux de votre commission spéciale, car je sais que le débat que nous allons avoir ensemble sur la mise en œuvre du système universel de retraite est plus qu’attendu – par les Français, bien sûr, mais aussi par vous, mesdames et messieurs les députés, qui êtes la représentation directe de nos concitoyens. Après le temps de la démocratie sociale – même si celui-ci va perdurer – et de la concertation que le Gouvernement a menée depuis deux ans avec les partenaires sociaux et, au-delà, avec les citoyens, nous entrons dans le temps de la démocratie parlementaire, de la discussion sur le fond du projet de réforme.

Conformément à l’engagement pris par le Président de la République devant les Françaises et les Français dans le cadre de son programme, il s’agit de construire la protection sociale du XXIe siècle et de refonder notre système de retraite pour faire en sorte qu’il soit plus juste, plus solide et plus adapté aux transformations du monde du travail de demain. Devant l’ampleur de cette mission qui touche d’abord et avant tout à la refondation de notre pacte social, nul doute que les débats que nous serons amenés à avoir entre nous seront intenses et exigeants. Ils pourront également être vifs, parfois, mais je les souhaite respectueux des positions de chacun et dans l’écoute – je m’y emploierai. C’est, je crois, ce que nous devons à nos concitoyens, avec l’ambition de leur proposer un débat éclairé – c’est également votre volonté, madame la présidente, et celle de tous les membres de cette commission spéciale.

Vous le savez, aucune autre politique publique, sans doute, n’a donné lieu à autant de travaux que la réforme des retraites. En 1991 déjà, dans sa préface au Livre blanc sur les retraites – ouvrage qui a fait date –, Michel Rocard nous disait déjà : « Le contrat entre les générations doit être en permanence réactualisé. » Il nous fixait trois devoirs s’agissant de la retraite, que je veux partager avec vous ce soir : veiller au maintien du pouvoir d’achat des retraités ; préserver les bases de la solidarité entre les générations ; enfin, dans un esprit d’équité, penser à ceux ayant eu les carrières les plus longues sans que celles-ci aient connu d’accélération, pour qui un calcul sur l’ensemble de la carrière est moins pénalisant.

Au fil de ces travaux et des réformes précédentes, les gouvernements successifs et les partenaires sociaux ont eu à prendre des décisions importantes, parfois difficiles, pour contribuer à équilibrer notre système de retraite. Force est de constater qu’en dépit de ces efforts, notre système de retraite reste injuste, complexe, peu lisible et, plus que tout, inadapté à la réalité de notre société, de nos nouveaux modes de vie et de nos parcours professionnels, inadapté aux nouvelles précarités et aux défis de demain.

Parmi les très nombreux défauts du système en vigueur qui justifient la création d’un système universel, on peut ainsi relever, d’abord – sans que ce constat soit exhaustif ou réducteur –, une grande complexité administrative, inhérente à une organisation en deux étages avec quarante‑deux régimes. L’illisibilité du système est induite par des jeux de règles aussi nombreux que le sont les régimes, et compliquée par l’inévitable règle de coordination entre les différents régimes. Personne, sur le fond, ne peut avoir une vision claire et simple de sa retraite tout au long de sa carrière.

La redistribution est en réalité inversée, et le système est injuste pour les plus précaires. Favorable aux carrières longues et ascendantes, comme je le rappelais cet après‑midi dans l’hémicycle, au détriment des carrières courtes et heurtées, le système actuel de retraite creuse les inégalités, notamment entre les femmes et les hommes, en maintenant un niveau de pension inférieur de 42 % en moyenne pour les femmes à celui des hommes, et en conduisant chaque année 20 % d’entre elles, contre 9 % des hommes, à devoir atteindre 67 ans pour partir à la retraite sans décote. Non seulement notre système actuel ne corrige pas les inégalités de parcours et de vie professionnelle, mais souvent il les aggrave lorsque nos concitoyens sont à la retraite. Les taux de rendement sont très différents d’un régime à l’autre : ils peuvent communément varier du simple au double, et sont source d’égoïsme catégoriel, en opposition aux solidarités interprofessionnelles.

L’inadaptation, je le disais en préambule, est de plus en plus profonde au regard de notre modèle social et économique. Construit sur des logiques de statut ou d’appartenance à telle ou telle entreprise, le système peine à suivre les évolutions des parcours professionnels actuels. Les mécanismes de solidarité qu’il promeut, notamment envers les familles, sont en outre concentrés sur les familles de trois enfants, au détriment de toutes les autres, et bénéficie pour un tiers aux hommes, alors que les préjudices de carrière subis affectent avant tout les carrières des femmes. De ce fait, nos concitoyens ont perdu confiance dans le système de retraite, en particulier les jeunes, qui ne croient plus toujours que la solidarité intergénérationnelle jouera aussi pour eux le moment venu.

Vous le voyez, la transformation de notre système de retraite est un véritable enjeu social, un véritable enjeu de démocratie. Il s’agit de moderniser les règles de retraite pour les adapter au monde d’aujourd’hui et de leur donner la plasticité, l’agilité pour les adapter à ce que sera la réalité du monde de demain. Il s’agit également de proposer un cadre commun à tous les Français, de construire un régime à la fois pérenne et solide, qui renforce l’équité entre les générations, protège mieux les plus fragiles, restaure la confiance et redonne la valeur au travail.

Cette refondation doit préserver le cadre auquel sont profondément attachés les Français – celui d’un système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité entre les générations, où les actifs d’aujourd’hui financent par leurs cotisations les retraites d’aujourd’hui, car tenant compte des carrières de chacun, mais aussi en garantissant un niveau élevé de solidarité, afin de renforcer notre cohésion nationale. Avec le projet de système universel, c’est donc un nouveau pacte entre les générations que le Gouvernement entend proposer. Ce projet est porté par l’ambition de justice sociale et fidèle dans son esprit aux valeurs fondatrices du projet conçu par le Conseil national de la Résistance pour l’après-guerre, appelant à « laménagement dune vaste organisation nationale dentraide » qui, pour atteindre sa pleine efficacité, devrait présenter « un caractère de très grande généralité à la fois quant aux personnes quelle englobe et quant aux risques quelle couvre ».

Force est de constater que cette ambition universelle, pourtant clairement affirmée, a reculé sous le poids de chacune des solidarités professionnelles, pour finalement aboutir à la mise en place de nos quarante-deux régimes de retraite, qui, pris individuellement, se révèlent par construction plus vulnérables aux incertitudes du lendemain, car personne ne peut garantir l’avenir de sa profession – qu’il s’agisse de son statut, de son périmètre, de sa démographie prévisible, ou des manières de l’exercer –, ni prévoir ce que seront la croissance économique, l’évolution du monde salarial, l’inflation, les nouvelles formes d’activité, ou encore l’impact sur l’économie des contraintes environnementales et technologiques. De même, le vieillissement rapide de nos sociétés, les fragilités sociales, une anxiété grandissante à l’égard du futur nourrissent les interrogations quant à la solidité de notre protection sociale. Voilà tous les défis auxquels il nous faut répondre. C’est pour cela que nous voulons bâtir un système de répartition plus fort, parce qu’il reposera sur la solidarité de tous ; plus simple, parce que chaque euro gagné comptera et que chaque euro cotisé ouvrira les mêmes droits, quel que soit le statut ; plus juste, parce que les règles seront les mêmes pour tous.

Si un système de retraite ne peut corriger complètement les inégalités qui affectent les parcours professionnels et les parcours de vie, il doit cependant prendre toute sa part à leur résorption. C’est pourquoi le système universel conservera le même niveau de solidarité, pour continuer à éviter que les inégalités entre actifs se reflètent totalement et trop fortement dans les écarts de pension entre retraités, en particulier, comme je le rappelais encore à l’instant, entre les femmes et les hommes.

Avant de présenter ce projet de loi, et parce que le dialogue social est au cœur de son action, le Gouvernement a souhaité mener avec méthode, durant près de deux ans, une concertation particulièrement approfondie avec les partenaires sociaux. À l’issue de ce processus, un premier rapport a été remis le 18 juillet par le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye au Premier ministre, lequel, lors d’un discours prononcé le 12 septembre dernier devant les membres du Conseil économique, social et environnemental, a ouvert un nouveau cycle de discussions portant sur quatre grands thèmes : les mécanismes de solidarité ; les conditions d’ouverture des droits à pension ; les conditions de l’équilibre en 2025 et les modalités de pilotage et de gouvernance du futur système ; les modalités de transition des quarante-deux systèmes existants vers le système universel futur et les garanties pouvant être offertes aux personnes en activité. Ces discussions, je voudrais le rappeler, ont donné lieu à plusieurs centaines d’heures de réunion, que ce soient des réunions bilatérales avec les organisations syndicales – il y en a eu 71 –, ou des réunions bilatérales sectorielles – au nombre de 109. Ces réunions ont d’ailleurs encore vocation à se poursuivre, vous le savez, sous la forme de concertations sectorielles qui permettront notamment de préciser un certain nombre de transitions, afin de garantir que chaque profession entre dans les meilleures conditions dans le système universel de retraite.

En parallèle de la concertation avec les partenaires sociaux, une consultation directe des Français a été lancée par le Président de la République, pour prolonger et amplifier la dynamique de participation citoyenne engagée depuis 2018, et pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de s’informer, d’exprimer leurs attentes, leurs inquiétudes et leurs questions autour d’un nouvel enjeu central : l’élaboration du projet de loi. Deux démarches ont en particulier guidé ce processus de concertation au service du débat public : la mise en place d’une plateforme en ligne, qui a permis de recueillir plus de 60 000 contributions, et l’organisation de nombreux débats dans les territoires avec des membres du Gouvernement venus à la rencontre de nos concitoyens. Ces concertations ont conforté la conviction du Gouvernement qu’il est nécessaire de rassembler les Français autour des trois principes qui forment le cœur du projet de système universel de retraite, sur lesquels je me propose de revenir.

Le premier principe est l’universalité. Celle-ci sera la garantie d’une protection sociale plus forte et plus durable, parce qu’elle ne dépendra plus de la démographie de chaque profession et assurera aussi une plus grande liberté et une meilleure mobilité professionnelle. Le système universel fonctionnera par points, comme c’est d’ailleurs déjà le cas pour de nombreux régimes existants, à commencer par celui des retraites complémentaires des salariés du privé, à savoir l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO). La valeur du point – thème qui a fait l’objet de nombreux échanges – ne pourra pas baisser ; nous l’avons dit et nous l’avons écrit. Elle sera fixée par les partenaires sociaux, sous votre contrôle. Ce système couvrira toutes les personnes ayant une activité professionnelle en France et, à cotisation égale, leur garantira les mêmes droits. C’est bien là tout le sens de l’universalité. La génération 2004, qui aura 18 ans en 2022, sera la première à intégrer le système universel de retraite, qui ne concernera ni les retraités actuels ni les personnes à moins de 17 ans de leur retraite. Le nouveau système régira par ailleurs, pour tous les autres Français, uniquement les années travaillées à partir de 2025.

Le deuxième principe est l’équité et la justice sociale. Pour faire en sorte de marquer toute la solidarité de notre pays vis-à-vis des Français les plus fragiles, le Gouvernement a fait le choix de créer la garantie d’une pension minimale de retraite de 1 000 euros dès 2022 et de 85 % du SMIC net pour une carrière complète à partir de 2025. La reconnaissance du travail est au cœur du système universel de retraite. S’il est normal que la retraite soit le reflet des carrières professionnelles, il est aussi normal de garantir qu’une retraite minimale soit donnée à ceux qui ont travaillé toute leur vie. La revalorisation du minimum de pension du régime général sera un progrès social majeur pour des milliers de Français : le système actuel de retraite conduit à ce que 38 % des femmes et 22 % des hommes perçoivent une pension inférieure à 1 000 euros par mois et garantit un minimum de retraite à seulement 81 % du SMIC pour les salariés et 75 % du SMIC pour les agriculteurs. Pour toutes ces personnes, et pour de très nombreux indépendants, ce sera donc une avancée immense.

Assurer l’équité et la justice sociale, c’est aussi faire en sorte que le bénéfice du minimum de retraite soit accordé à partir de l’âge du taux plein en abaissant l’âge d’annulation de la décote. Ainsi, ceux qui ont durablement travaillé à temps partiel, ceux qui ont connu des carrières heurtées, ne seront plus pénalisés avec le système universel. Comme je le rappelais tout à l’heure en introduction, ce sont souvent des femmes qui sont concernées : chaque année, 80 000 d’entre elles sont obligées d’atteindre 67 ans pour bénéficier de ce mécanisme de solidarité car elles ne comptabilisent pas suffisamment de trimestres travaillés.

L’équité suppose également d’harmoniser les dispositifs de solidarité et de mettre ainsi fin aux inégalités, par exemple en matière de droits familiaux avec la mise en place d’un dispositif unique de majoration en points de 5 % accordée par enfant, dès le premier enfant.

Grâce à des règles plus simples et unifiées, le système universel favorisera, par ailleurs, l’égalité de traitement de tous, puisque chaque euro cotisé conduira à l’acquisition du même nombre de points pour tous, et de valoriser l’ensemble des périodes d’activité, puisque chaque heure travaillée ouvrira des droits. De même, le barème des cotisations de retraite devra, à terme, s’appliquer de manière identique à l’ensemble des assurés, qu’ils soient fonctionnaires ou salariés des régimes spéciaux, et sera similaire à celui que connaissent actuellement les salariés du privé.

Le troisième principe est la responsabilité, en premier lieu celle des acteurs. Elle suppose que, dans le cadre de la trajectoire définie par le Parlement et le Gouvernement, les partenaires sociaux soient pleinement responsables de la détermination des paramètres assurant le bon fonctionnement du régime universel à moyen et long termes. Il s’agit là d’affirmer notre confiance dans la capacité du dialogue social à construire une démarche concertée, essentielle face à l’enjeu que constitue pour nos concitoyens la retraite.

Cette gouvernance renouvelée accorde aussi une place plus importante aux parlementaires.

M. Sébastien Jumel. Avec vingt-neuf ordonnances ?

M. le secrétaire dÉtat. Comme vous le savez, il y a encore très peu de temps, je siégeais parmi vous lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Or, soyons honnêtes : nous savons bien qu’il n’y a pas de comparaison entre les débats qui ont lieu à propos de l’assurance maladie et de la santé et ceux qui portent sur les retraites, aujourd’hui limités au seul régime de base. Demain, les parlementaires que vous êtes auront un véritable droit de regard sur le pilotage du système en lien avec la gouvernance. C’est une évolution importante. Vous aurez également à définir la nature et l’ampleur des dispositifs de solidarité, ce qui constitue là encore un changement très important.

La responsabilité, c’est aussi d’être lucide quant à l’évolution de notre démographie. Fidèle à l’engagement du Président de la République, le Gouvernement ne reviendra pas sur l’âge légal de départ à la retraite, qui sera maintenu à 62 ans. Le Gouvernement souhaite en effet laisser à chacun, en fonction de son parcours, la liberté de choix (Protestations)...

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. S’il vous plaît ! Chacun aura l’occasion de s’exprimer.

M. le secrétaire dÉtat. ...tout en incitant les Français, sans les y forcer, à travailler un peu plus longtemps, et cela dans le but de garantir les pensions et de financer un niveau élevé de solidarité. En effet, le projet de système universel comporte, dans sa construction même, un effet fortement redistributif, et conservera le même niveau de dépenses de solidarité que le système actuel. Nous l’avons dit : le projet de système universel inclut de très nombreux mécanismes de solidarité mieux adaptés à la réalité de notre société et de nos parcours professionnels, mais aussi aux nouvelles précarités, et destinés à éviter que les aléas de la vie professionnelle et personnelle aient un impact trop significatif sur la retraite. C’est tout le sens, notamment, de la mise en place d’une pension minimale, que j’évoquais, dont le niveau est de 85 % du SMIC net pour une carrière complète. C’est aussi le sens de l’harmonisation des dispositifs de solidarité, qui met fin aux inégalités, par exemple en matière de droits familiaux ; de l’indexation des points acquis sur les salaires et non sur l’inflation ; de la prise en compte de la pénibilité des carrières longues – dans les mêmes conditions, d’ailleurs, je le rappelle, que le système actuel – ; de la prise en compte également de certaines spécificités, non plus selon une logique de statut ou en raison de l’appartenance à telle ou telle entreprise, mais selon une logique de métier, car le système universel n’est pas pour autant un système uniforme, ce que nous assumons parfaitement. Enfin, l’harmonisation des régimes de réversion et la protection du conjoint le plus fragile, en lui garantissant 70 % du total des retraites de son couple dès 55 ans et sans condition de ressources, vont aussi dans le sens d’une solidarité renouvelée.

Responsabilité, enfin, à l’égard des jeunes générations, auxquelles il serait irresponsable de demander de payer, en plus de nos retraites, les déficits que nous aurions accumulés parce que nous n’aurions pas voulu payer la totalité des retraites de nos aînés. Le système universel de retraite doit répondre à un objectif de soutenabilité et d’équilibre financier, garantissant sa solidarité, sa solidité, sa stabilité et sa viabilité. À cet effet, la conférence sur l’équilibre et le financement des retraites sera installée par le Premier ministre à la fin de cette semaine, jeudi, et remettra d’ici à la fin du mois d’avril ses propositions pour assurer l’équilibre du système de retraite d’ici à 2027.

Après vous avoir présenté de façon générale les grands principes et la philosophie même du système universel de retraite, je souhaiterais brièvement, et avant de répondre à vos questions, vous présenter plus en détail quelques-uns des dispositifs contenus dans les deux textes que nous allons examiner ensemble.

Le projet de loi organique comprend, comme vous le savez, trois types de mesures. Premièrement, les lois de financement de la sécurité sociale prévoiront l’équilibre du système de retraite par périodes de cinq années glissantes et définiront, le cas échéant, le traitement des déficits accumulés en cas d’écart entre la trajectoire initiale et les réalisations. Deuxièmement, nous avons élargi le champ des lois de financement de la sécurité sociale aux régimes complémentaires, qui en sont aujourd’hui exclus, afin de créer une vision globale des recettes et des dépenses du système de retraite et d’en mesurer globalement les effets – c’est l’objet de l’article 2. Troisièmement, le projet de loi organique ouvre le champ du système universel à des catégories de personnes dont l’affiliation relève de la loi organique, notamment les parlementaires, les membres du Conseil constitutionnel et les magistrats. Tel est l’objet des articles 3, 4 et 5 du projet de loi organique.

Le projet de loi ordinaire, quant à lui, comporte 65 articles. Il est organisé en cinq titres. Le titre Ier précise les grands principes du nouveau système ; c’est ce titre qui construit l’universalité et qui rappelle que le système universel reste un système par répartition. Il détaille son architecture juridique et précise les principaux paramètres en matière de cotisations et d’acquisition et de calcul des droits. Il prévoit la création d’un âge d’équilibre, destiné, comme je vous le disais, à inciter les Français, sans les y contraindre, à travailler un peu plus longtemps, tout en maintenant un haut niveau de pension. C’est également dans ce titre que se trouve l’engagement de revalorisation que nous avons pris envers les enseignants et les enseignants-chercheurs – engagement que je réaffirme ce soir.

Le titre II traite des modalités de départ en retraite. Il fixe à 62 ans l’âge d’ouverture des droits. C’est là que nous retrouvons les questions d’âge, de retraite progressive, de cumul emploi-retraite, de pénibilité et de départ anticipé. Il prévoit aussi les conditions d’ouverture des droits, notamment l’harmonisation des dispositifs de départ anticipé, ainsi que les modalités de transition entre l’activité et la retraite. À cet effet, il garantit la prise en compte des situations spécifiques au regard de l’âge de départ. Ainsi, comme je le rappelais, le dispositif de carrières longues, avec un départ en retraite dès 60 ans, sera maintenu, tout comme le départ anticipé entre 55 et 59 ans – selon les cas – en cas de handicap, et le départ anticipé au taux plein à l’âge légal en cas d’inaptitude.

Le titre III prévoit quant à lui les mesures de solidarité renforcée du système universel de retraite. Il est ainsi prévu, comme vous le savez, d’instaurer un minimum de retraite à 85 % du SMIC net pour une carrière complète, à travers les articles 40 et 41. Il est également prévu la prise en compte des interruptions subies de carrière. Ainsi, les périodes de congé de maternité, de maladie, d’invalidité et de chômage permettront d’acquérir des points qui auront la même valeur que les points travaillés. On trouve également dans le titre III la question des aidants, celle des droits familiaux et de la réversion. Les droits familiaux et la réversion sont, d’ailleurs, profondément modifiés par le texte. S’agissant des enfants, le projet recentre le dispositif sur les préjudices de carrière et organise une meilleure répartition des droits envers toutes les familles. La réversion est remaniée et devient une garantie de niveau de vie pour le conjoint survivant à partir de 55 ans et sans condition de ressources.

J’en viens au titre IV, qui organise la gouvernance du système universel. Il décrit l’architecture organisationnelle et financière du nouveau système et son pilotage, qu’assurera la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), qui sera mise en place dès le mois de décembre. S’y retrouve donc fort logiquement tout ce qui concerne la création de cet établissement public, la gouvernance des différentes professions, l’intégration financière, tout comme la question importante des réserves. C’est le titre IV qui matérialise de profonds changements apportés dans la répartition des pouvoirs de décision, lesquels, dans un cadre défini par le Parlement et le Gouvernement, associeront pleinement les partenaires sociaux. C’est également dans ce titre que se matérialise la possibilité pour les différentes professions de conserver leurs réserves.

J’en termine avec le titre V, qui comporte les dispositions finales et prévoit les modalités d’entrée en vigueur et de transition vers le système universel. Celui-ci garantira à 100 % l’ensemble des droits constitués dans les différents régimes avant son entrée en vigueur. Les modalités précises de calcul de ces droits seront, vous le savez, définies par voie d’ordonnance. L’affiliation aux différents régimes est définitivement supprimée pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975, qui seront alors affiliés au système universel.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je pouvais vous dire en introduction de cette première audition devant votre commission spéciale. Je me tiens maintenant prêt à écouter vos interventions et à répondre à l’ensemble de vos questions.

M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de nous présenter dans le détail le projet de réforme que vous défendez, et qui vise à instaurer un système universel de retraite. Je vous en remercie. Fruit d’une longue concertation, que votre prédécesseur et vous-même avez menée pendant plus de deux ans avec l’ensemble des acteurs concernés, cette réforme a tout de même quelque peu mobilisé contre elle ces dernières semaines et – reconnaissons-le – fait naître un certain nombre de confusions. Aussi, en préambule de mon propos, et avant de partager avec vous certaines questions, j’aimerais rappeler plusieurs éléments qui me paraissent essentiels au moment où nous débutons nos travaux et qui permettent de bien appréhender le projet.

Non, le projet de réforme des retraites dont nous allons débattre ne vise pas à développer la capitalisation. Bien au contraire, il vise même à pérenniser notre système de retraite par répartition, qui repose sur la solidarité intergénérationnelle, en le rendant démocratiquement plus lisible et plus transparent, et en garantissant les mêmes droits à tous nos concitoyens, ce qui n’est pas le cas actuellement. Le projet de réforme dont nous allons discuter ne vise pas non plus à réaliser des économies sur le dos des retraités. Il vise en réalité à renforcer la solidité budgétaire de notre système de retraite et à mettre fin au cycle interminable des réformes paramétriques que nous connaissons depuis trente ans. Enfin, il vise non pas à conforter la position de celles et ceux qui ont le plus, mais bien au contraire à réduire en profondeur les inégalités de notre société en permettant à tous nos concitoyens d’accéder à l’intégralité de leurs droits, et à mettre un terme aux nombreux effets antiredistributifs de notre système.

Cela étant dit, au moment de commencer nos travaux, je tiens à vous poser plusieurs questions, monsieur le secrétaire d’État. Tout d’abord, pouvez-vous nous décrire précisément les projections relatives aux redistributions opérées à partir des salaires les plus élevés vers les plus bas ? J’ai lu, ici ou là, que le nouveau système permettrait de réduire de 25 % les inégalités de pension. Pouvez-vous me confirmer cette prévision ?

Par ailleurs, ne trouvez-vous pas que les dispositifs visant à mieux prendre en compte la pénibilité ou à favoriser l’organisation des fins de carrière sont encore trop complexes, et qu’ils mériteraient d’être facilités et approfondis ? De même, si la meilleure lisibilité du système doit permettre, à terme, de diminuer les inégalités de pension entre les femmes et les hommes, je reste convaincu que nous devons aller plus loin, notamment en encadrant les inégalités que crée le moment de la séparation d’un couple.

En ce qui concerne le suivi de la mise en place de la réforme et la gouvernance du futur système universel de retraite, pouvez-vous nous en dire plus sur la place qu’occupera le Parlement ?

J’aimerais, par ailleurs, vous interroger sur deux autres points majeurs. Le premier concerne la conférence sur l’équilibre et le financement des retraites. Comment les travaux vont-ils se dérouler concrètement, et selon quel calendrier ? Le second concerne l’emploi des seniors. Quelle politique est mise en place pour améliorer l’accès et le maintien dans l’emploi des seniors ? J’aurais d’autres questions à vous poser, mais c’est également le cas des autres rapporteurs, et mes collègues se préparent eux aussi à vous interroger.

Enfin, pour le bon déroulement de nos travaux, je tiens à vous alerter sur un point. Le projet de loi comporte un grand nombre d’habilitations à légiférer par ordonnance. Cela peut se comprendre au regard de la complexité du sujet et des négociations en cours, mais nous vous demanderons, monsieur le secrétaire d’État, d’être aussi précis que possible sur toutes les questions qui seront posées au cours de nos débats quant au périmètre du domaine de l’habilitation, car ces ordonnances seront cruciales, en particulier pour la phase de transition.

M. Nicolas Turquois, rapporteur pour le titre Ier du projet de loi ordinaire. La commission spéciale m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur du titre Ier du projet de loi ordinaire. Celui‑ci pose les fondements de notre futur système de retraite : par répartition, parce que solidaire ; universel, parce qu’impliquant un corps de règles communes à tous les assurés ; équitable, parce qu’un euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous. Il s’agit, à mon sens, d’une chance unique de réaffirmer notre attachement à ce système bâti par les pères fondateurs de la sécurité sociale, tout en corrigeant les effets antiredistributifs qui découlent des règles actuelles de calcul et d’acquisition des droits à retraite, qui ne sont plus adaptées à la vie d’aujourd’hui.

Ces principes sont rappelés dès l’article 1er, qui, j’en suis convaincu, occupera une part importante de nos débats. L’article 1er comporte aussi un engagement fort à l’égard d’une catégorie de fonctionnaires à laquelle nous sommes naturellement tous attachés : les enseignants et les chercheurs. Le renvoi à deux lois de programmation revêt une forte dimension symbolique. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous éclairer précisément sur le calendrier envisagé pour le dépôt et l’application de ces deux textes et les concertations actuellement menées ?

Dans tout système de protection sociale, il y a un plafond de couverture du risque concerné. Ce plafond est actuellement de 3 500 euros par mois pour la sécurité sociale et de 27 000 euros par mois pour les régimes complémentaires. Pour bâtir le système universel, le projet de loi fait un choix équilibré, raisonnable et réfléchi, tant en termes d’équité que de responsabilité financière, qui consiste à fixer le plafond à 10 000 euros par mois pour couvrir complètement 99 % des assurés. Il reste bien sûr un peu moins de 1 % des assurés qui ne percevront pas de retraite correspondant à leurs rémunérations supérieures à 10 000 euros et qui, par conséquent, ne paieront que la fraction solidaire de cotisation au-delà de ce plafond. Pouvez-vous nous indiquer quels gains chiffrés, en matière de redistribution, peuvent être attendus, à terme, d’un tel choix ? Par ailleurs, quelles transitions permettront d’en lisser les effets financiers pas forcément souhaitables à court et moyen termes ?

La réforme que nous défendons conduira aussi à aligner les taux et assiettes de cotisations des salariés et des fonctionnaires, dans un souci d’équité, de lisibilité et de justice. Cette évolution se fera sans désengagement des employeurs publics du financement du système universel. Vous vous y êtes engagé, et l’étude d’impact le rappelle. Les solutions visant à fournir une compensation relèvent plus probablement de textes financiers à venir que de celui que nous examinons. Cela dit, pouvez-vous nous confirmer que les engagements financiers de l’État – notamment – seront maintenus ? Un schéma ou de grandes orientations pourront-ils être mis à la disposition du Parlement pour éclairer nos débats sur ce point ?

Enfin, je souhaite vous poser une question plus spécifique à propos des ouvriers d’État, qui s’inquiètent pour leur statut, s’agissant notamment de ceux qui sont nés après 1975 : pouvez-vous nous rappeler les évolutions attendues pour leur régime d’assurance vieillesse, ainsi que le schéma de convergence qui pourrait leur être appliqué ?

M. Jacques Maire, rapporteur pour le titre II du projet de loi ordinaire. Le titre II est vaste ; je concentrerai donc mes questions sur quatre points qui me semblent importants.

D’abord, le projet de loi fait le choix d’encourager résolument le travail des seniors, dans le prolongement des propositions du rapport Bellon. Je soutiens bien entendu la disposition consistant à accorder des points de retraite aux assurés en cumul emploi-retraite. Elle met fin, effectivement, à l’iniquité d’un système qui conduisait à faire cotiser des retraités sans contrepartie. Cependant, monsieur le secrétaire d’État, le relèvement à 62 ans de l’âge minimal requis pour bénéficier de ce dispositif m’apparaît assez contradictoire, en réalité, avec l’objectif d’encourager des transitions douces vers la retraite. Est-il donc envisageable de faire évoluer la borne d’âge de ce dispositif au cours de la discussion parlementaire ?

Ensuite, la logique d’universalité recherchée par le projet concerne également la question épineuse de la pénibilité. Je suis convaincu du bien-fondé de l’approche retenue, qui individualise la réparation de l’exposition, avec notamment l’extension du champ du compte professionnel de prévention (C2P). Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, la pénibilité est protéiforme. Elle doit être envisagée sous l’angle de la prévention et de la reconversion mais, à mes yeux, seule la réparation doit trouver place dans le projet de loi. Cela dit, je pense que nous n’avons pas encore trouvé de solutions satisfaisantes pour prévenir l’exposition aux quatre facteurs de risques qui ont été exclus du C2P en 2017, à savoir le risque chimique, les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles et les vibrations mécaniques. Pouvez-vous nous présenter, monsieur le secrétaire d’État, les pistes actuellement étudiées par le Gouvernement pour améliorer résolument la prévention et la reconversion, en particulier s’agissant des quatre facteurs de risque ?

Nous savons, par ailleurs, que très peu de branches ont mis en place des référentiels visant à mesurer l’exposition aux facteurs de pénibilité. Comment inciter les branches professionnelles à négocier davantage sur ce sujet crucial ? Autre question importante : ces référentiels pourraient-ils jouer un rôle dans l’alimentation du C2P ? L’article 34 du projet de loi renvoie à une ordonnance le soin de définir les nouvelles modalités de financement de la gestion du C2P. Cette remise à plat ne pourrait-elle pas être l’occasion de responsabiliser davantage les employeurs dont les salariés sont exposés à des risques identifiés et mesurables, en réintroduisant une cotisation directement liée à l’exposition aux facteurs de pénibilité, dans une approche pollueur-payeur ?

Enfin, en ce qui concerne la transition en matière d’âge d’ouverture du droit à retraite, notamment pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux, pouvez-vous rappeler quels droits acquis avant l’entrée en vigueur du nouveau système seront préservés et comment vous envisagez le calendrier des concertations ?

Mme Corinne Vignon, rapporteure pour le titre III du projet de loi. Le titre III constitue le cœur des mesures de solidarité du projet de loi. Garantir à chaque travailleur, quel que soit son parcours, un niveau de vie décent à la retraite : tel est le défi majeur que le système universel souhaite relever.

Garantir une retraite décente, c’est, avec la retraite minimale, offrir aux assurés qui ont travaillé toute leur vie un avantage par rapport aux bénéficiaires du minimum vieillesse. Le mode de calcul de ce dispositif suscite toutefois des interrogations, car introduire une notion de durée dans un système à points ne va pas de soi. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous expliquer pourquoi la prise en compte de la durée est indispensable dans le cadre d’un minimum de retraite contributif ?

Garantir une retraite décente, c’est assurer aux travailleurs indépendants et aux exploitants agricoles à carrière complète une pension minimale de 1 000 euros dès 2022, ainsi que s’y était engagé le Président de la République. Dans la mesure où cette mesure relève du champ réglementaire, pouvez-vous nous assurer que les retraités qui recevront le minimum contributif en 2022 bénéficieront également de cette revalorisation ?

Garantir une retraite décente, c’est tenir compte des périodes de maladie, d’invalidité temporaire ou de maternité. En offrant aux assurés un nombre de points identiques pour une même période d’interruption d’activité, le système universel met fin aux inégalités des régimes actuels. En revanche, il ne décomptera pas les périodes de chômage non indemnisé, contrairement au système actuel. Quelles sont les raisons de ce choix ?

Garantir une retraite décente, c’est corriger, au terme de la carrière, les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a montré que la naissance de chaque enfant entraînait une diminution moyenne de 5 % de la rémunération de la mère ; 5 %, c’est justement le montant de la majoration qui sera accordée pour chaque enfant. Mais en cas de divorce, comment assurer le bon partage des points entre les parents ? La question du divorce est également cruciale dans l’attribution de la pension de réversion : comment le Gouvernement entend-il sécuriser la situation de la première épouse en cas de décès du pensionné ?

Je conclurai avec une citation d’Henri-Frédéric Amiel, qui correspond en tout point à l’objet du titre III : « La solidarité, cest aider chacun à porter le poids de sa vie et à la rendre plus facile ».

Mme Carole Grandjean, rapporteure pour le titre IV du projet de loi ordinaire. Le titre IV, que j’ai l’honneur de rapporter, pose les fondations d’une gouvernance unifiée du système de retraite, où priment la lisibilité du système et la responsabilité des acteurs.

L’architecture du système actuel est d’une complexité redoutable. Les acteurs sont multiples, les règles foisonnent et les régimes se superposent, ce qui constitue autant d’obstacles à la compréhension des règles par les assurés. La reconstitution de leurs droits relève le plus souvent d’un parcours du combattant et alimente le non-recours.

Dans le système futur, la CNRU assurera la couverture de l’ensemble des assurés, quels que soient leur statut ou leur métier. Loin du mauvais procès en étatisation, la gouvernance de cette caisse sera confiée aux partenaires sociaux. Outre le conseil d’administration, l’organisation de la CNRU comprendra une assemblée générale et un conseil citoyen. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous éclairer sur la composition et les missions de ces futures instances, renvoyées à une ordonnance ? Quelle sera, en dehors du rendez-vous traditionnel du PLFSS, la place réservée au Parlement dans cette future gouvernance ?

Ce nouveau système, plus lisible, ne se construira pas sans l’expérience acquise par un grand nombre de caisses de retraite, des interlocuteurs bien identifiés. Des conventions leur permettront de poursuivre leur activité, au-delà de la phase de transition. Je porterai une attention particulière à l’avenir des agents aujourd’hui en poste, notamment les 14 000 agents des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) et les 12 000 agents des institutions de retraite complémentaire. Confirmez-vous que ces acteurs joueront un rôle déterminant dans la mise en place du système universel et qu’ils seront intégrés progressivement, dans des conditions déterminées par concertation ?

Nous croyons à la responsabilité des personnes en charge du pilotage. Le retour à l’équilibre financier n’est ni une option ni une obsession comptable, mais la condition de la pérennité d’un système par répartition auquel nous sommes tous attachés. Le pilotage annuel et pluriannuel de la CNRU, l’inscription d’une règle d’or d’équilibre et la création d’un Fonds de réserves universel sont autant de garanties. Le comité d’expertise indépendant des retraites jouera un rôle central, puisqu’il affinera les prévisions financières et garantira notre bonne information. Il se voit transférer certaines missions du Conseil d’orientation des retraites (COR). Quels sont, dès lors, les motifs qui justifient de maintenir le COR ?

Dès la semaine prochaine, en commission, nous pourrons apporter des clarifications à certaines dispositions du projet de loi, confiants dans les acteurs du paritarisme et fidèles à notre engagement d’équilibre.

M. Paul Christophe, rapporteur pour le titre V du projet de loi ordinaire. Le titre V offre une vision d’ensemble de la réforme systémique, de ses opportunités mais aussi des interrogations légitimes qu’elle soulève. Je m’attacherai à dissiper les inquiétudes qui peuvent émerger à la lecture du texte, faute, parfois, de présentation claire et exhaustive.

À quelques jours de l’examen du texte en commission, quatre sujets me semblent prioritaires. La phase de transition, d’abord, jouera un rôle-clé dans le succès du déploiement du système universel. Elle sera déterminante pour assurer la conversion des droits acquis et valoriser l’ensemble des carrières à hauteur des efforts contributifs des assurés. Nous savons avec le poète Boileau que ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ; aussi, pouvez-vous indiquer clairement, monsieur le secrétaire d’État, quand et comment les droits acquis seront convertis dans le système universel ?

La suppression de l’obligation d’affiliation à un régime de retraite complémentaire est une conséquence logique du nouveau régime, universel, lisible et transparent. Mais au-delà de la phase de transition, le rôle des organismes gestionnaires n’est pas arrêté. Quelles seront les modalités d’intégration de ces régimes complémentaires, en particulier de leurs agents, dans le système universel ? Pouvez-vous expliciter le sort particulier réservé au personnel navigant, qui verra, à titre dérogatoire, son affiliation à un régime complémentaire maintenue ?

La mise en place progressive du système se traduit par des entrées en vigueur différentes, au fil des générations. Il conviendra d’associer le Parlement au suivi des différentes phases d’application de la réforme et de le tenir informé de l’avancement des travaux. Par quel outil, ou structure, envisagez-vous de le faire ?

Enfin, cette réforme réaffirme, sans ambiguïté, le choix d’un système par répartition auquel les Français sont attachés. On ne peut que regretter le mauvais procès et les insinuations mensongères qui laissent penser l’inverse. Dans ce contexte, pourquoi ne pas avoir prévu de déposer un projet de loi distinct de ratification des ordonnances de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE ») ? Cela brouille la clarté du message et ajoute de la complexité à une réforme d’une ampleur inédite.

M. Olivier Véran, rapporteur pour le projet de loi organique. La commission spéciale doit examiner aussi un projet de loi organique. Ambitieux, ce texte est fondé sur trois principes : la responsabilité financière, la transparence vis-à-vis du Parlement et l’exemplarité.

L’institution d’une règle d’or, dont il avait été question sous plusieurs gouvernements et différentes majorités, relève de la responsabilité financière. La plupart des jeunes de ce pays ne croient plus en la pérennité du système de retraite par répartition, persuadés qu’ils sont de l’insoutenabilité du système. Nous devons rétablir cette confiance. Il s’agit, avec pragmatisme, de s’adapter aux différents cycles économiques et de voir plus loin en se projetant non pas à un an, mais à cinq ans. Nous devons garantir à nos concitoyens que leurs ressources, à la retraite, ne baisseront pas. Pouvez-vous confirmer, monsieur le secrétaire d’Etat, qu’elles seront sanctuarisées ? On peut se demander s’il ne faudrait pas faire de même, à terme, pour les autres branches de la sécurité sociale.

Pour voir plus loin encore, l’horizon doit être éclairé. Le Parlement bénéficiera-t-il chaque année, en amont de l’examen du PLFSS, d’une information détaillée sur la trajectoire financière de moyen et long termes ?

Le système par points suscite des inquiétudes que nous devons lever. Le projet de loi ordinaire prévoit déjà que la valeur des points, pas plus que le niveau des retraites, ne pourra baisser. Pour rassurer nos concitoyens, qui veulent davantage de garanties, et démontrer la grande vigilance des parlementaires, qu’ils appartiennent à l’opposition ou à la majorité, nous pourrions faire un geste fort en intégrant dans la loi organique le principe selon lequel le point ne peut voir sa valeur baisser. Une loi ordinaire ne permettrait pas de revenir sur cette disposition, gravée dans le marbre législatif.

Cette réforme a vocation à mettre fin à la succession des lois relatives aux retraites, qui revenaient tous les quatre ans en moyenne, soulevaient des questions et provoquaient des remous – en matière de conflits sociaux, ce texte n’est pas le premier. Pensez-vous que la loi de financement de la sécurité sociale peut devenir l’instrument du pilotage annuel et pérenne de ce pan essentiel de la protection sociale ?

Enfin, les parlementaires entreront de plain-pied dans le nouveau régime puisque le projet de loi organique prévoit leur intégration en 2025, à la moitié du prochain mandat. Nous pourrions proposer qu’ils y entrent dès 2022 : cela permettrait aux parlementaires nés après 1975 – et je peux vous dire que nous sommes nombreux à être fort motivés par cette idée – d’être parmi les premiers Français à intégrer le système de retraite par points et de montrer ainsi l’exemple.

M. Sébastien Jumel. Quelle démagogie !

Mme Monique Limon. Conformément à la promesse du Président de la République, ces deux projets de loi visent à remplacer les quarante-deux régimes de retraite par un système universel plus juste et plus transparent.

Le système actuel présente de nombreux défauts. La multiplicité et la complexité des règles l’ont rendu illisible et personne ne peut se targuer aujourd’hui d’avoir une vision claire de ce que sera sa retraite. Par ailleurs, les réformes successives n’ont fait qu’accroître la défiance des citoyens à son égard.

Il est en outre injuste : la règle de validation des trimestres n’ouvre aucun droit en dessous de 150 heures travaillées, ce qui favorise les carrières longues et ascendantes au détriment des carrières courtes ou hachées, bien souvent le lot des femmes.

Enfin, il est inadapté à l’évolution de la société. Sa rigidité ne correspond pas à l’évolution des parcours professionnels et aux nouvelles formes de salariat. Les mécanismes de solidarité qu’il promeut ne prennent pas en compte les divers modèles familiaux.

Ces textes sont le fruit d’un long travail de concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, mais aussi entre la représentation nationale et les citoyens, au travers de 160 ateliers retraites menés sur l’ensemble du territoire.

Tout en préservant les bases du système de retraite par répartition – la solidarité intergénérationnelle – la refondation du système s’appuie sur trois grands principes, l’universalité, l’équité et la responsabilité.

Il s’agit d’un système de répartition, par points et universel, qui permet à chacun de bénéficier d’une part plus juste de la solidarité nationale. Les 25 % de retraités les plus modestes verront le montant de leur pension augmenter fortement, tandis que l’écart entre les 10 % de retraités les plus riches et les 10 % de retraités les plus pauvres se réduira, passant de 7,1 à 5,1.

Désormais synonymes d’inégalités et d’injustice, les régimes spéciaux prendront fin progressivement, au profit d’un régime de retraite pour tous les Français. Cette universalité garantit une protection sociale plus forte et plus durable, qui ne dépendra plus de la démographie de chaque profession.

Pourvoyeur d’équité sociale, le nouveau système garantira à toute personne ayant accompli une carrière complète de bénéficier d’une retraite d’au moins 1 000 euros. Cette volonté de renforcer la justice et la cohésion sociale conduit à octroyer de nouveaux droits à ceux qui touchent de petites retraites ou qui souffrent des effets de la pénibilité au travail. Les femmes, notamment, verront le niveau de leur retraite progresser de 6 % pour la génération 1980 et de 13 % pour la génération 1990, du fait d’une meilleure prise en compte des carrières hachées.

Préserver l’équilibre budgétaire permettra de pérenniser le système de retraite par répartition cher à nos concitoyens, fondement de notre modèle social. Ce devoir de responsabilité, nous le devons aux générations futures ; cela nous conduira notamment à assurer les règles de transition pour chacun des régimes.

Lors de l’examen du texte, nous demanderons des précisions supplémentaires sur le financement du minimum contributif retraite ou sur les garanties apportées aux enseignants en matière de revalorisation, afin de leur assurer une retraite digne.

Pour bâtir ce projet de loi, le Gouvernement a mené une concertation approfondie avec les partenaires sociaux. Cette concertation se poursuit sur certains sujets tels que la pénibilité, l’aménagement des fins de carrière ou l’emploi des seniors ; nous veillerons à ce que, dans ces domaines, nos travaux, dans le cadre de la discussion du texte, permettent des avancées concrètes.

Cette réforme, qui s’attache aux plus précaires, est solidaire. Les femmes, les artisans, les agriculteurs, les commerçants, étaient les grands oubliés du système ; nous leur apporterons de nouveaux droits sociaux au nom de l’égalité républicaine.

Nous veillerons à ce que cette promesse soit tenue jusqu’au bout. Je pense notamment à l’harmonisation du système de pension de réversion, aux moyens de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes au sein du couple en cas de divorce et de décès, à la prise en compte de la situation des couples pacsés, à une majoration plus élevée des points pour les parents d’enfants porteurs de handicap. Ces mesures doivent constituer un filet de sécurité supplémentaire.

Des mécanismes réalistes et incitatifs doivent faciliter la transition de l’emploi vers la retraite. Nous serons attentifs à ce que le système universel en soit doté.

Cette réforme nous engage envers les jeunes générations. La future gouvernance du système universel devra assurer sa pérennité, et il nous appartiendra, lors des débats, de déterminer quelle sera la place de la représentation nationale dans ce nouveau dispositif.

M. Éric Woerth. Permettez-moi d’exprimer d’abord un regret : la concertation, qui a duré deux ans, n’aura pas servi à grand-chose, sinon à aviver les différences. Vous n’y avez convié que les syndicats, ne pouvant, ou ne voulant y associer les formations politiques – du moins quelques-unes d’entre elles. Or les retraites ne relèvent pas seulement de la démocratie sociale ; c’est aussi question de démocratie politique. Tout cela débouche sur un texte illisible, loin de faire consensus.

Pour commencer, ce texte est incomplet. Il est anormal de distinguer, comme vous le faites, l’organisation de son financement. Les deux vont de pair, l’efficacité sociale et l’efficacité financière sont liées. Vous mettez en avant la dimension redistributive de votre réforme, alors que celle-ci est coûteuse et qu’elle aggrave encore les inégalités avec les générations futures. L’inégalité intergénérationnelle est probablement la pire des injustices et à ce titre, il est inacceptable que vous la renforciez. On ignore comment le texte sera financé. Vous vous trompez de réforme ; vous faites erreur sur la méthode.

Certes, comme toute réforme des retraites, le texte renferme des éléments positifs – aménagement des minimums contributifs, amélioration du cumul emploi-retraite, extinction des régimes spéciaux –, ce dont nous nous félicitons. Mais un système de retraite plus juste est le reflet d’un monde du travail où les inégalités, dans la façon dont on construit sa carrière, n’existent pas. Les réformes doivent porter en premier lieu sur les qualifications, l’employabilité, l’accès à la garde des enfants, toutes choses qui permettent d’éviter les carrières hachées. Aucun de ces sujets n’est abordé dans le présent texte, alors qu’il faudrait commencer par améliorer les carrières elles-mêmes. Le système de retraite français est juste dans le principe et très redistributif, mais il est devenu injuste au fur et à mesure que les solutions, plus inexplicables les unes que les autres, s’empilaient.

Notre vision est différente. D’abord, nous considérons que ce système universel – qui figurait d’ailleurs, vous n’avez pas inventé grand-chose, à l’article 16 de la loi de 2010 – ne devrait concerner que les régimes du privé et du public. La convergence des régimes des salariés du privé et des fonctionnaires constitue déjà une réforme d’ampleur, mais vous avez voulu aller plus loin et englober les professions dotées de caisses autonomes. Quelle idée d’aller gêner ainsi ces professions, sans reconnaître leurs particularités ! Cela a rendu votre réforme opaque.

Nous proposons pour notre part de mettre en place un système universel jusqu’à 1 plafond de sécurité sociale (PASS) ; en parallèle, plusieurs régimes complémentaires seront maintenus tandis que les caisses autonomes perdureront, ce qui permettra de respecter les différents secteurs professionnels.

Par ailleurs, il faut accélérer la fin des régimes spéciaux. Les délais que vous proposez – trente, quarante ou cinquante ans – ne sont pas humainement compréhensibles. Où en serons-nous dans dix mandats présidentiels ? Que valent vos engagements pour cinquante ans ?

Il est indispensable de renforcer l’équité du système. Pour atteindre cet objectif, nous proposons de créer un socle commun de dispositifs, centré sur les droits familiaux et l’accompagnement des aidants.

Pour maintenir l’équilibre financier, il ne fallait pas hésiter à repousser l’âge de la retraite à 65 ans. Vous avez préféré, avec l’âge pivot – au demeurant retiré –, rester dans une demi-mesure. Vous auriez dû faire preuve de courage et de responsabilité en assumant de relever l’âge de départ.

Enfin, notre vision de la pénibilité diffère de la vôtre : nous estimons qu’elle doit être objectivée et qu’il convient d’en faire varier les éléments. Il faut supprimer le volet du C2P qui permet de partir plus tôt à la retraite, pour affecter uniquement le compte à la qualification des personnes et à la reconversion professionnelle, car il est des métiers que l’on ne peut exercer toute sa vie.

Je déplore que vous ayez ainsi raté une belle occasion de faire consensus.

M. Patrick Mignola. Oui, la réforme des retraites est incontestablement difficile, sans doute la réforme la plus difficile qu’une société puisse conduire. Le trouble chez nos concitoyens est grand – nous l’entendons sur le terrain –, parce que chaque Français est concerné. Il s’agit aussi d’une réforme très technique, s’attaquant à un système extraordinairement complexe et, de ce fait, mal connu.

Disons-le : nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, ont perdu confiance dans le système de protection sociale, qui ne leur semble plus s’appuyer sur ses bases, l’équité et la solidité. Force est de reconnaître qu’il n’est plus juste, et plus viable. Cela crée un sourd ressentiment, à même de saper les bases du pacte social. C’est en cela qu’il faut mesurer notre responsabilité.

Le système est devenu injuste : il condamne 100 000 femmes chaque année à travailler jusqu’à 67 ans pour obtenir une retraite digne ; depuis longtemps, il ignore les indépendants, en particulier les agriculteurs et les commerçants.

Il n’est plus adapté à une société où il faudra changer de métier plusieurs fois au cours d’une vie. Il est inimaginable d’imposer de passer d’un régime à l’autre à chaque fois que l’on change de poste. On ne peut plus consacrer 300 milliards d’euros, soit 14 % de la richesse nationale, à un système qui continue de créer des injustices et des retraités pauvres.

Avec l’évolution de la démographie, le système n’est plus viable. Jusqu’à présent, son pilotage était fondé sur l’âge. Des réformes courageuses ont été conduites, mais elles se sont révélées insuffisantes pour réparer les injustices et préserver la pérennité du système. Les Français doivent retrouver confiance dans un système basé sur le pacte entre les générations.

Le groupe du Mouvement Démocrate abordera cette grande réforme de la législature en posant trois préalables : garantir le niveau, actuel et futur, des pensions ; préserver les droits acquis – cela vaut pour la transition que nous devrons décider ensemble pour les régimes spéciaux ; sanctuariser les réserves constituées.

Notre groupe suivra cinq priorités, la gouvernance étant la première d’entre elles. On a beaucoup entendu que les garanties données par un parlement ou un gouvernement, un autre parlement ou un autre gouvernement pouvaient les remettre en cause. Confier la gouvernance à des partenaires sociaux, c’est partager le pouvoir entre la démocratie parlementaire et la démocratie sociale. C’est une garantie supplémentaire que nous donnons aux Français.

Aborder la question de la pénibilité avec courage permettra de rendre variable l’âge d’équilibre, nécessaire à tout système de retraite par points, et de l’adapter à chaque cas individuel, aux mérites, aux efforts, aux difficultés particulières.

Nous croyons à la cellule familiale, elle constitue une autre de nos priorités. La famille a évolué, et tandis que le régime précédent ne reconnaissait que le troisième enfant, il nous faudra mettre l’accent sur le deuxième enfant. Il faut en effet savoir que, pour la pérennité du système, la natalité doit être relancée.

Nous entendons aussi souligner l’importance des fins de carrière, la retraite progressive et la capacité à transmettre. Une économie de compétences comme l’économie française nécessite de mieux aménager la transmission des savoirs. Il est important, aussi bien pour l’économie que pour les individus, qu’un passage de relais s’organise à l’approche de la retraite et que les compétences soient ainsi valorisées.

Enfin, nous voulons mettre en avant les différentes formes d’engagement : celles liées à la grande dépendance et à l’accompagnement par les aidants ; l’engagement bénévole, au long cours, au sein du monde associatif.

C’est à partir de ces cinq priorités que nous pourrons réorganiser un système à même de rassembler les Français et de leur inspirer confiance.

M. Boris Vallaud. Je ne peux tout d’abord que vous exprimer la honte que nous inspirent les conditions dans lesquelles nous allons examiner ces textes, honte vis-à-vis de celles et de ceux qui, souverains, nous ont confié l’exigeant honneur de les représenter.

Alors que le Gouvernement et les administrations de l’État ont travaillé depuis deux ans et demi, que la concertation avec les partenaires sociaux a duré deux ans, vous n’avez accordé à l’Assemblée nationale que quatre jours pour prendre connaissance, pour apprécier la validité et la pertinence de 1 500 pages d’une insigne technicité.

Le Conseil d’État a lui-même relevé la désinvolture du Gouvernement et l’indigence de votre étude d’impact. Nous considérons quant à nous que vous portez atteinte à l’obligation qui vous est faite de bonne information du Parlement. Il est regrettable que ce matin, la Conférence des présidents n’ait pas partagé cette analyse.

Les textes qui nous sont soumis renvoient à vingt-neuf ordonnances mais, il faut également le dire, à plus d’une centaine de décrets portant sur des aspects essentiels du projet, ce qui prive le Parlement de la possibilité de mesurer les conséquences de votre réforme, que vous l’invitez ainsi à voter à l’aveugle.

Comment accepter de légiférer sans savoir selon quelles modalités les droits actuellement constitués seront convertis en points pour les générations nées après 1975 ? Pour celles qui sont nées avant, comment ces droits seront-ils liquidés dans l’ancien système ? Comment financerez-vous cette période de transition ?

Comment accepter que ces textes ne contiennent aucun élément sur les quinze ans de transition entre le système actuel des fonctionnaires et le système futur alors que c’est essentiel ? La réalité, c’est que le Gouvernement nous cache ses intentions !

Comment accepter de nous déterminer sur une étude d’impact qui se fonde sur un âge d’équilibre à 64 ans en 2027 alors que le Premier ministre a provisoirement retiré ce dernier et que les partenaires sociaux sont censés décider de l’avenir de cette mesure ? Soit le Gouvernement se moque d’eux et parie sur le retour de cette mesure d’âge, soit il se moque du Parlement en biaisant le débat car, même sans l’âge pivot à court terme, il faudrait revoir l’étude d’impact de fond en comble.

De la même manière, comment se prononcer sur les droits familiaux et conjugaux dans le futur système de retraite alors même que le Gouvernement vient de confier une mission sur ce sujet à M. Fragonard ? Là encore, soit cette mission est un leurre, soit c’est le débat parlementaire qui est vide de sens.

Comment nous fonder sur une étude d’impact partielle et partiale, étroitement comptable, limitée à la sphère des retraites alors que la réforme aura des effets importants sur le chômage, les salaires, la répartition des revenus, les dépenses publiques au sens large, le PIB ? Tel un petit boutiquier, vous êtes obsédé par le seul équilibre du régime des retraites et vous ne proposez aucune modélisation d’ensemble permettant de mesurer les effets économiques et sociaux globaux de votre réforme. Or, de tels chiffres existent, ils sont à la direction générale du Trésor, et vous avez choisi de ne pas nous les communiquer.

Comment croire à votre sincérité lorsque vous fondez vos extrapolations sur l’hypothèse du prolongement de la réforme de 2014 au lieu de vous saisir des conventions du COR ? Vous usez d’artifices en fondant les projections de rémunération des fonctionnaires sur une augmentation déraisonnable de leurs primes pendant cinquante ans !

Comment croire aux cas-types, qui sont si grossièrement faussés, aussi éhontément truqués ? Tous les cas types proposés sont élaborés à partir d’un âge d’équilibre à 65 ans pour toutes les générations à partir de 1975 alors que votre texte prévoit explicitement que l’âge d’équilibre évoluera avec l’espérance de vie. De ce seul fait, tous vos calculs sont faux.

Tous ou presque tous les cas pratiques témoignant d’une augmentation du taux de remplacement, tout le monde semble gagnant alors même que les dépenses, nous affirme-t-on, n’augmenteront pas par rapport au système actuel. La ficelle est si grosse qu’elle en devient grossière ! Le Conseil d’État l’a d’ailleurs souligné et s’en est ému en notant que le nombre de retraités augmentera alors que la part des retraites dans le produit intérieur brut (PIB) baissera. Tous les cas sont tronqués.

La réforme modifie à la fois le niveau de cotisation et celui de la retraite et l’on peut perdre ou gagner dans les deux cas. Un vrai bilan nécessiterait de prendre en compte l’ensemble de la vie pour mesurer qui gagne et qui perd.

Comment croire à la justice de votre système quand la pénibilité est si mal prise en considération ? La différence d’espérance de vie est de treize ans entre les 5 % de Français les plus pauvres et les 5 % les plus riches. En écartant puis en refusant de réintégrer les quatre critères de pénibilité, vous excluez tous les travailleurs du bâtiment, l’essentiel des travailleurs de l’industrie, les caissières, les égoutiers !

Comment peut-on en arriver à des situations tout à fait singulières où les conditions de départ à la retraite sont plus favorables pour un aiguilleur du ciel que pour une infirmière alors que l’on pourrait imaginer qu’ils ont des responsabilités similaires ?

Comment croire au principe de justice quand vous durcissez les conditions pour bénéficier du dispositif concernant les carrières longues, qu’à partir de 2025 vous rendrez 4 milliards par an de cotisations aux 20 % de Français les plus riches ou que vous durcissez les conditions pour que les chômeurs puissent avoir des droits ?

Enfin, comment croire à la promesse devenue slogan – 1 euro cotisé donnera les mêmes droits à la retraite – alors que ce n’est pas le cas ? Le Conseil d’État vous a d’ailleurs suggéré de rédiger votre texte différemment.

Vous avez certes votre propre sémantique – « c’est universel, pas uniforme » – mais on se croirait dans un sketch de Muriel Robin : « On coupe, mais on garde toute la longueur ».

Nous ne sommes pas prêts à légiférer et vous n’y êtes pas prêts non plus car votre réforme n’est pas aboutie. Elle n’est présentée devant le Parlement ni dans la transparence ni dans la sincérité. Vous nous emmenez dans le mur.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Le groupe UDI, Agir et Indépendants plaide depuis longtemps en faveur d’un régime de retraite par points, lequel doit aller de pair avec une convergence entre public et privé et la suppression des régimes spéciaux. Cela ne surprendra donc personne : vous nous trouverez à vos côtés lorsqu’il s’agira de prendre des mesures courageuses et lucides pour réformer et pérenniser notre modèle social.

Les deux projets de loi que nous allons examiner ces jours-ci témoignent d’un objectif ambitieux, celui d’une refonte de notre système de retraite en vue de l’adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui.

La réalité, l’avis du Conseil d’État le souligne clairement, c’est une grande fragmentation de notre système de retraite. Il est vrai qu’il s’agit d’un héritage de l’histoire dont la légitimité n’est pas contestable mais il en résulte aujourd’hui un système illisible, perçu comme injuste et opaque par nos concitoyens. Les Français ne comprennent plus le maintien des régimes spéciaux de retraite, dont les déséquilibres démographiques et les avantages sont pris en charge par la solidarité nationale.

La multiplication de réformes paramétriques depuis vingt ans a d’ailleurs une conséquence imprévue en entraînant une perte de confiance dans la pérennité du système de retraite, particulièrement chez les jeunes générations. Parce qu’il est un élément essentiel de notre pacte social et qu’il préoccupe chaque Française et chaque Français, il est fondamental de refonder la confiance que nous avons en lui.

À ce titre, nous saluons la création d’une règle d’or qui garantira à la fois le niveau des pensions et l’équilibre du système à l’horizon de cinq ans. La responsabilité face au déficit : telle est la condition de sa crédibilité.

Cette réforme doit favoriser une meilleure protection en luttant davantage contre la précarité, en prenant mieux en compte les carrières hachées mais, aussi, les différentes formes de pénibilité. En particulier, elle doit mieux protéger les femmes alors que les inégalités de pension sont aujourd’hui flagrantes avec les hommes. Elle doit permettre également une meilleure prise en compte des mobilités professionnelles et encourager les prises de risques dans les carrières.

Enfin, elle est l’occasion de réaffirmer le contrat qui lie la société tout entière à l’école et à la communauté enseignante. Depuis trop longtemps, nous avons laissé en jachère la situation de ceux qui éduquent nos enfants alors que c’est l’avenir de notre pays qui est en jeu. Il était donc plus que nécessaire de se saisir de cette question à bras-le-corps. De ce point de vue, nous saluons les engagements du Gouvernement.

À ce stade, nous avons néanmoins quelques interrogations.

Le Parlement examinera ces deux projets de loi de réforme du système des retraites alors qu’une conférence de financement est organisée. Il n’est pas acceptable que la représentation nationale ne soit pas partie prenante du débat en la matière. Seriez-vous donc favorable à ce que le Gouvernement inscrive à l’ordre du jour parlementaire un débat spécifique à ce sujet ?

Par ailleurs, si nous comprenons la nécessité d’en passer par les ordonnances pour mener à bien des réformes très techniques, comme la convergence des régimes, nous considérons que le Parlement devrait être associé à leur rédaction. À tout le moins, il faudra en inscrire davantage dans le « dur » de la loi, comme le demande le Conseil d’État.

Le recul de l’âge effectif de départ à la retraite soulève la question de l’emploi des seniors. Or, nous le savons, leur taux d’emploi, entre 60 et 64 ans, est très faible – 33 % environ. Seriez-vous favorables à une modulation des cotisations en fonction de l’âge afin de favoriser le maintien dans l’emploi ?

La réforme des retraites réduira l’assiette de cotisations et le montant des charges qui pèsent sur les professionnels libéraux, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. En revanche, elle risque d’avoir un effet collatéral : une moindre perception de contribution sociale généralisée (CSG), ce qui constitue donc un nouveau manque à gagner pour la sécurité sociale. Comment l’État compte-t-il le compenser ?

Enfin, notre groupe sera vigilant quant à l’inscription dans la loi du principe du maintien des réserves dans les caisses des régimes autonomes. Il convient en effet de rassurer les professions libérales, qui nous ont beaucoup sollicités à ce sujet ces derniers jours.

M. Philippe Vigier. Le groupe Libertés et Territoires, comme nombre de collègues sur de nombreux bancs, est favorable à une réforme du système de retraite tant les insuffisances dont il souffre sont réelles pour les personnes dont les carrières sont hachées, les femmes, les accidentés de la vie... Nous appelons également de nos vœux l’extinction des régimes spéciaux, de même que l’instauration de cette retraite par points que je défends depuis longtemps, notamment avec mon ami Charles de Courson.

Nous sommes donc favorables à une réforme, il n’en reste pas moins qu’il existe un « déficit de confiance », pour reprendre les mots de Patrick Mignola. Les générations qui arrivent se demandent en effet ce qui va se passer.

Je vous ferai donc part de mon désarroi car si – le secrétaire d’État le sait – je suis résolument favorable à une transformation en profondeur de notre système de retraite, il n’est pas de bonne politique de frustrer le Parlement : deux ans de consultations et nous devons régler les choses en six semaines avec, à la clef, vingt-neuf ordonnances. Lors des questions au Gouvernement, j’ai donc demandé encore une fois cet après-midi au Premier ministre – comme d’autres, dont Paul Christophe – si oui ou non les parlementaires que nous sommes peuvent au moins formuler un avis sur ces vingt-neuf ordonnances. Les groupes politiques ici présents le peuvent ! La réforme n’en serait que plus crédible car elle ne peut pas se faire en opposant les uns aux autres : les expériences des vingt dernières années montrent en effet que beaucoup ont changé de discours. Ce n’est pas médire des différentes réformes, courageuses, qui ont été conduites – notamment avec Éric Woerth – que de constater combien certains se sont largement lavé les mains des paramètres qu’ils avaient fixés.

Si nous voulons avancer et marquer une étape constructive, monsieur le secrétaire d’État, il convient en premier lieu que le Parlement joue pleinement son rôle dans la gouvernance. Il ne suffit pas de fixer une clause de revoyure à cinq ans et de dire que l’on verra alors comment les choses se passent ! Olivier Véran en est lui-même convenu : nous avons un rendez-vous chaque année avec le PLFSS, eh bien, allons-y ! Faisons en sorte que la gouvernance confie plus de responsabilités aux partenaires sociaux et que le Parlement puisse dire son mot ! En tant que représentant du peuple, il pourra s’il le faut corriger le tir. Cela, monsieur le secrétaire d’État, constitue un premier point majeur.

Deuxième point majeur : le financement. Patrick Mignola s’est demandé si oui ou non les réserves seraient touchées : quid des 60 milliards d’euros de l’AGIRC-ARRCO, du Fonds de réserve pour les retraites, des 6 milliards collectés par des professions libérales ? Il faut dire les choses ! Le simulateur sera-t-il accessible à tous ? Avant, après 1985... les nouveaux entrants... Tout doit être dit ! Si tel est le cas, vous lèverez les interrogations, sinon, le doute s’installera. Je me permets d’insister sur ce point car si la gouvernance est assurée mais que la lisibilité et la crédibilité du système sont en cause... Il est en effet toujours possible de raconter tout ce qu’on veut, que les discussions peuvent être très techniques mais, au bout du compte, chacun se demandera quel sera le chiffre inscrit en bas à droite de son bulletin de pension.

Troisième point majeur, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État : la pénibilité. Il n’est pas simplement question de corriger telle ou telle anomalie faisant qu’il n’est plus possible de travailler à 58 ou à 59 ans. Il faut traiter les problèmes en amont, il faut reconnaître que certains métiers méritent une meilleure valorisation des points : on a parlé des aidants, je songe aussi bien sûr aux soignants, aux professionnels du bâtiment et des travaux publics. Bref, il faut répondre globalement.

Vous nous accorderez qu’il y eut de quoi douter lorsque nous avons vu la variabilité des situations : un jour les aiguilleurs du ciel, le lendemain, les personnels navigants, quelques jours avant, ceux de la Comédie-Française... On a envie de dire : « Ne bougez pas, on ne change rien, tout va bien, tout continue ! » Comment voulez-vous que d’autres bénéficiaires de régimes spéciaux comprennent ce message ?

Nous souhaitons que l’on puisse apporter tous les éclairages nécessaires à la résolution de ces questions, monsieur le secrétaire d’État, au cours d’un débat apaisé. Vous vous devez d’apporter à la représentation nationale les éléments que le Conseil d’État vous a enjoint de fournir s’agissant des conséquences financières de la réforme. Dire cela, c’est se diriger vers la construction d’un nouveau système universel par points en permettant, j’en suis persuadé, de corriger un certain nombre d’anomalies.

Un dernier point concernant la retraite progressive des seniors que deux collègues, notamment Jacques Maire, ont bien fait d’évoquer. Pour en bénéficier, l’âge passe de 60 à 62 ans ; de plus, dans notre pays, le taux d’employabilité des « seniors » est faible par rapport à nos voisins alors que c’est le moment propice à la transmission – j’ai d’ailleurs apprécié les propos de Mme Firmin Le Bodo concernant la baisse possible des cotisations. Il y a là un angle particulier, monsieur le secrétaire d’État, un message à faire passer à tous ces seniors qui ont envie de transmettre leur savoir-faire. Encourageons-les et ne créons pas de nouveaux obstacles !

Nous attendons donc des réponses à ces questions-là.

M. Adrien Quatennens. Cette commission spéciale s’installe, monsieur le secrétaire d’État, mais nous ne vous laisserons pas avancer tranquillement.

Après cinquante-quatre jours de grève, vous avez renoncé à convaincre, donc, vous avez décidé de vaincre. Il vous faudra donc nous écraser nous aussi pour atteindre votre objectif, non seulement parce qu’une majorité de Français rejette votre texte mais aussi et surtout parce qu’après avoir pris l’ensemble des Français pour des idiots en racontant des histoires à dormir debout sur la création d’un régime universel ou d’une réforme juste, simple et pour tous – qui ne correspond en rien à la réalité de votre projet de loi – c’est au tour des parlementaires d’être pris pour des idiots ! Vous nous avez ainsi remis mille pages d’une étude d’impact faussée, truquée, trafiquée, pour rendre votre système par points favorable alors qu’il ne l’est pas.

L’article 10 de votre projet de loi dispose clairement que l’âge d’équilibre ou l’âge pivot, appelons-le comme vous voudrez, c’est-à-dire l’âge qu’il faudra atteindre pour bénéficier d’une pension complète, se décalera génération après génération, ce qui a le mérite d’être clair. Votre projet se résume en peu de mots : faire travailler les gens toujours plus longtemps et toujours davantage au-delà de l’espérance de vie en bonne santé. Bon sang, assumez-le alors que, comme par magie, cette disposition disparaît de l’étude d’impact de votre propre projet de loi ! Comme c’est formidable, l’âge d’équilibre est gelé à 65 ans ! Résultats : aucun des vingt-huit cas-types que vous présentez ne correspond à la réalité que vous préparez. Vous obtenez vingt-et-un gagnants sur vingt-huit – formidable réforme ! – alors que si l’on applique les âges d’équilibre que vous envisagez, les perdants sont largement majoritaires.

Ce soir, nous avons donc le sentiment excessivement désagréable, pardonnez-moi l’expression, d’être pris pour des cons. C’est d’ailleurs ce qu’éprouvent tous les Français depuis plusieurs semaines. Sans défendre le statu quo – les gens partent en effet déjà à la retraite trop tard et trop pauvres –, non, il n’y a pas quarante-deux régimes différents mais vingt-trois selon le ministère de la santé et dix-huit selon le COR. Votre prédécesseur a donc dû ajouter autant de régimes qu’il avait oublié de lignes dans sa déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Non, vous ne créez en rien un régime universel, ce que confirme le Conseil d’État, qui n’est pourtant pas un nid d’Insoumis. Nous l’affirmons quant à nous : vous créez un nombre incalculable de régimes spéciaux, autant que de générations, et c’est une véritable usine à gaz.

Non, il n’y a pas péril en la demeure s’agissant d’un potentiel déficit, que vous avez d’ailleurs vous-mêmes aggravé : 8 à 17 milliards, ce n’est rien comparativement aux 330 milliards que représentent les retraites, aux 127 milliards de réserve, aux 42 milliards d’encours bancaires d’un régime spécial dont vous ne parlez jamais, celui des très riches et des retraites chapeaux, ou aux 60 milliards de dividendes versés aux actionnaires du CAC 40 en 2019.

Non, ce n’est pas parce que l’on vit plus longtemps qu’il faut travailler plus longtemps ! C’est d’ailleurs le contraire : c’est notamment parce que l’on travaille moins longtemps que l’on vit plus longtemps et également parce que la productivité a augmenté alors que la richesse produite n’a jamais été aussi mal partagée. Travailler plus longtemps aggrave le chômage. Travailler plus longtemps, c’est la solution de celles et ceux qui, comme vous, refusent l’essentiel : partager les richesses produites.

Non, vous ne sauvez pas le système par répartition : vous encouragez comme jamais la capitalisation. Les assureurs et les banques trépignent d’ailleurs d’impatience en attendant l’application de votre réforme.

Non, les femmes ne sont pas les grandes gagnantes de votre système, c’est même tout le contraire, ce qui explique d’ailleurs leur mobilisation !

Non, la valeur d’acquisition du point n’offre pas la moindre garantie sur le montant des pensions !

Non, vous n’avez pas retiré l’âge pivot, même provisoirement, car il demeure dans le projet de loi !

Non, pour financer notre système de retraite, le fait de devoir travailler toujours plus longtemps n’a rien d’inéluctable !

Non, vous ne respectez pas le programme du candidat Macron, sur lequel vous avez été élu, où il était explicitement écrit que vous ne toucheriez ni à l’âge de départ ni au niveau des pensions : maintenant, vous vous apprêtez à faire les deux !

Vous vous présentez en progressistes mais le sens du progrès, alors que la productivité augmente, ce n’est pas de travailler toujours davantage pour gaver les plus riches. Au contraire, c’est de libérer du temps pour toutes les belles choses auxquelles on est en droit d’aspirer après une vie de labeur. Les Français, monsieur le secrétaire d’État, ont bien compris tout cela.

Vous avez déjà perdu la bataille de l’opinion. Ces projets de loi directement inspirés des directives de Bruxelles ne méritent que d’être retournés à leur expéditeur. La France, cette République sociale, n’a pas envie de danser avec vous le BlackRock and roll.

M. Pierre Dharréville. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne devriez pas être là, et nous non plus. Les conditions ne sont pas réunies en effet pour que ces projets de loi qui cassent le droit de la retraite soient examinés.

Vous avez fait bien des efforts pour préparer le terrain, vous avez pris beaucoup d’élan et vous voici maintenant le nez sur l’obstacle. Vous n’avez pas convaincu : le monde du travail, la France ne veulent pas de votre projet, pour lequel il n’y a pas de majorité.

Chaque fois que vous faites une annonce, on se demande désormais où est l’arnaque. Il aurait certes fallu faire preuve de sens des responsabilités mais il est encore temps de retirer votre projet, vous devriez y réfléchir sérieusement car c’est là l’option la plus raisonnable et la plus respectueuse du mandat qui vous a été confié.

Votre position est d’autant plus intenable qu’après des péripéties illustrant, s’il le fallait, l’existence d’un tropisme en faveur des intérêts des fonds de pension, le Conseil d’État vient de mettre un gros shoot à votre démarche prétendument si vertueuse. Il vous rappelle en effet à l’exigence d’objectivité et de sincérité des travaux et explique ne pas avoir été en mesure de mener sa mission « avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires », jugeant « cette situation dautant plus regrettable que les projets de loi procèdent à une réforme inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système social qui constitue lune des composantes majeures du contrat social ». Le Conseil d’État indique également que le fait « de sen remettre à des ordonnances » – vingt-neuf – « pour la définition déléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité densemble qui est nécessaire à lappréciation des conséquences de la réforme et, partant, de sa constitutionnalité et de sa conventionnalité ». C’est clair : ce travail est bâclé, pas sérieux.

Et voilà que vous voulez appliquer au Parlement le même régime d’exception avec cette procédure précipitée, dans une commission spéciale, pour passer au plus vite à autre chose ! C’est indigne et inacceptable. Vous étiez dans une impasse politique, vous êtes dans une impasse institutionnelle.

En nous faisant légiférer dans ces conditions, vous rendez nos délibérations invalides et votre loi illégitime. En vous jouant des règles de la République, vous l’affaiblissez. Être majoritaire ne vous donne pas tous les droits ! Il serait bon de prendre les prophéties du candidat Emmanuel Macron avec un peu plus de recul, de ne pas mépriser les objections – tout le monde peut penser avoir eu une bonne idée pendant la nuit et se rendre compte, un peu plus modeste, au matin, qu’elle n’est pas si terrible que cela.

Pour un projet qui engage les décennies à venir, une telle précipitation n’est pas la bienvenue. Votre projet de régime « miniversel », c’est tout simplement un grand coup de canon contre la sécurité sociale, c’est une attaque en règle contre le droit à la retraite garanti et solidaire, votre slogan selon lequel un euro cotisé doit donner les mêmes droits n’est pas réellement appliqué, ce qui d’ailleurs n’est ni possible ni souhaitable puisque cela signifierait que chacun et chacune recevrait équivalemment à ce qu’il a versé, ce qui s’oppose directement au principe solidaire fondateur de la sécurité sociale : de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins.

Vous voulez baisser la part des richesses produites consacrée aux retraites, vous continuez à assécher les ressources de la protection sociale solidaire et vous ne réglez aucun des problèmes liés à la pénibilité. Vous voulez baisser le montant des pensions et allonger le temps de travail, y compris au-delà de 65 ans puisque c’est la seule variable d’ajustement qu’il vous reste, or, nous nous situons déjà aujourd’hui à la limite de l’espérance de vie en bonne santé.

En réalité, vous voulez que chacun soit comptable de son sort, vous voulez faire de la place aux logiques individuelles et, in fine, aux logiques de capitalisation. Votre système ne sera donc ni plus simple, ni plus juste, ni plus lisible, ni plus sûr, ni mieux garanti. Plusieurs régimes seront instaurés en fonction de l’année de naissance et de départ et vous êtes incapables d’en dévoiler toutes les conséquences. Respecter le travail, c’est bien autre chose que cela !

Au passage, vous oubliez de parler des salaires, ce qui n’est pas le moindre des problèmes.

Face à cet entêtement ahurissant, quel est notre état d’esprit ? Fort de ce puissant mouvement social, fort des aspirations de ces femmes et de ces hommes, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine est disposé à livrer la bataille parlementaire. Nous avons déposé ce matin une proposition de loi alternative. Autant que nous le pourrons, nous serons à la hauteur des attentes et de ce qui se passe dans le pays car le paradis que vous décrivez n’existe que sur carte postale.

M. le secrétaire dÉtat. Je répondrai à la fois globalement, et plus particulièrement en fonction des titres du projet de loi, notamment lorsqu’il a été question des pensions de réversion, de la gouvernance et du financement. Je vous prie par avance de m’excuser si j’oublie de citer l’un ou l’autre des commissaires.

J’ai bien entendu qu’un certain nombre d’intervenants, dont Boris Vallaud, Pierre Dharréville ou Philippe Vigier, s’inquiètent de la place du Parlement dans l’élaboration de la loi en raison d’un grand nombre d’ordonnances.

J’ai eu l’occasion de le dire, notamment lors des questions au Gouvernement, mais cela vaut la peine d’être répété : nous voulons écouter les partenaires sociaux. Même si on nous en a fait grief, il importe grandement de laisser un espace à la conférence de financement des retraites, donc aux partenaires sociaux, afin qu’ils puissent s’exprimer et proposer une solution de retour à l’équilibre à court terme tout en travaillant sur les équilibres à long terme.

C’est cette dynamique, sur laquelle je reviendrai, qui au fond sera très active au sein du titre IV, relatif à la gouvernance. Nous le voyons bien, il est nécessaire que le Parlement joue son rôle : le président Philippe Vigier en a appelé à un débat mais je crois que nous verrons lors de l’examen du texte que ce sera le cas lors de la discussion du PLFSS ; comme d’autres, il en appelle aussi à l’effectivité des pouvoirs du Parlement tout en acceptant de laisser cette dynamique à la gouvernance et aux partenaires sociaux. C’est précisément cette nouvelle architecture que nous devons penser ensemble.

Je comprends les questions qui se posent car aucune expérimentation n’a encore eu lieu et l’on se demande comment les choses fonctionneront mais c’est précisément pourquoi cette architecture doit être à la fois relativement précise – elle permettra de répondre aux attentes des parlementaires – et relativement souple – elle permettra aux partenaires sociaux de se retrouver dans cet espace que nous voulons leur laisser au sein de cette gouvernance.

Adrien Quatennens mais aussi Éric Woerth ont fait part des doutes nés de la lecture d’une partie de l’avis du Conseil d’État. Posons-nous ensemble quelques instants. Le Conseil d’État est le conseil juridique du Gouvernement. Nous attendons tous que nos conseillers nous fassent progresser, qu’ils ouvrent des perspectives de développement, et non qu’ils nous disent : « C’est très bien, continuez ! ».

Le Conseil d’État a joué son rôle en nous apportant un regard critique, lequel l’a aussi amené à valider dans le cadre de son assemblée générale l’immense majorité de ces deux textes. Il a certes pointé la question de la loi de programmation pluriannuelle, qui a fait l’objet d’un certain nombre de questions de la part des rapporteurs. Celle-ci vise à refonder la rémunération des enseignants et des chercheurs conformément à l’engagement du Gouvernement. Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal, laquelle a déjà bien avancé en la matière, s’y attellent. Le Gouvernement tient en effet à envoyer un message, un signal, à ces populations afin de répondre à une partie des inquiétudes qui se sont fait jour parmi les responsables des groupes, notamment ceux d’opposition. Nous leur disons que cette loi d’orientation pluriannuelle sera effective, qu’il importe de redéfinir la rémunération et la place des enseignants et des chercheurs dans la société. C’est pour cela que nous maintenons ces dispositions dans le texte.

Les concertations s’organisent et les ministres concernés en traduiront les conclusions dans la loi de programmation pluriannuelle. Entendez la volonté du Gouvernement de respecter son engagement à l’endroit des enseignants et des chercheurs ! Je sais que nous serons saisis ensemble, en temps et en heure, de ces lois de programmation qui apporteront un juste retour aux professionnels de ces deux métiers si importants pour l’émancipation et l’éducation de nos jeunes.

M. le rapporteur général Gouffier-Cha m’a interrogé sur le moteur de ce système par répartition et par point. J’entends que l’effet redistributif puisse être contesté, de-ci, de-là, mais il reste intangible sur le fond. Pourquoi ? Parce que le système proposé par le Gouvernement, vous avez eu raison de le rappeler, sera très favorable aux futurs retraités les plus modestes. Vous avez eu également raison de rappeler les chiffres : 25 % des pensions les plus modestes augmenteront de 30 % alors que les 50 % des pensions les plus élevées, grosso modo, resteront au même niveau. C’est là l’essence de cette réforme. Avec cet exemple précis, vous avez pointé du doigt la volonté de solidarité qui nous anime.

Une volonté de solidarité, monsieur Woerth, qui est parfaitement responsable. Je prends acte de votre accord de fond quant à la nécessaire solidarité et à la nécessité de faire des efforts en faveur des pensionnés les plus modestes, d’être attentifs au minimum contributif, au minimum de pension. Je sais que vous connaissez ces sujets mais peut-être vos critiques ont-elles fusé un peu trop rapidement – j’aurais certes souhaité que vous vous attardiez plus longuement sur le versant positif ! Vous dites que ces textes ne contiennent rien en matière de financements mais vous méconnaissez me semble-t-il l’étude d’impact. Peut‑être vous paraît-elle insuffisante mais elle comprend des tableaux indicatifs sur la transition des assiettes et des taux sur une période de quinze ans qui devraient répondre à vos interrogations.

L’évolution globale des recettes du système, madame Grandjean, prévoit que la contribution de l’État évoluera positivement. Notre étude d’impact intègre d’ailleurs une trajectoire des dépenses et des recettes mais aussi un solde qui, en fin de compte, est amélioré. La loi reprend les engagements de l’État, certes au titre de l’employeur de la fonction publique qu’il est mais aussi à celui des dotations versées pour permettre l’équilibre de systèmes déficitaires qui, vous l’avez dit, monsieur le député Woerth, s’éteindront – notamment, les régimes spéciaux.

Plus particulièrement, maintenant, en fonction des titres.

S’agissant du titre Ier, M. le rapporteur Turquois m’a questionné sur les enseignants. Je ne répèterai pas les réponses que je viens de formuler mais je précise que la première revalorisation est déjà sur la table : Jean-Michel Blanquer est à l’œuvre. Plus de 400 millions seront ainsi consacrés en 2021 à une part significative de la revalorisation de la carrière de ces derniers. C’est la première marche de cette loi de programmation pluriannuelle qui vient d’être évoquée.

S’agissant de la question relative aux cotisations au-dessous ou au-dessus de trois plafonds annuels de la sécurité sociale (PASS), je rappelle tout d’abord que, comme Jean-Paul Delevoye l’a dit, la baisse des cotisations se fera dans le temps. Il n’est pas question de prétendre qu’au-delà de 3 PASS, les cotisations cesseront le 1er janvier 2025 : elles diminueront progressivement en vue de leur arrêt. Cette diminution progressive créera des recettes qui, il est vrai, diminueront peu à peu. N’oublions pas toutefois, car c’est cela qui importe, d’avoir un regard dynamique : elles n’appelleront plus de dépenses puisqu’il n’y aura pas de pensions à payer.

Nous faisons le choix, en effet éminemment politique, de trois niveaux de plafonds annuels de la sécurité sociale car il nous permet de couvrir 99 % de la population. J’entends le reproche d’étatisation – je crois avoir compris que M. Woerth préfèrerait un système universel à 1 PASS – mais certains, dans le même temps, nous accusent d’ouvrir la voie à la capitalisation et aux fonds de pensions internationaux qui viendraient se ruer sur notre économie ! Je dois donc me situer au juste milieu – c’est en tout cas la volonté du Gouvernement.

Je souhaitais aborder cette question, monsieur le rapporteur Turquois, parce que vous étiez inquiet : sur le fond, l’État ne se désengage pas. Le texte fait état de tous les engagements... de l’État, notamment s’agissant des taux de cotisation, car lorsque cela sera nécessaire, ce dernier versera les cotisations supplémentaires qui financeront les droits spécifiques liés, par exemple, aux départs anticipés, sujet que nous pouvons évoquer d’ores et déjà car il est lié à celui de la pénibilité.

Le sujet de la pénibilité a été évoqué de façon quasi unanime, avec sans doute plus d’insistance de la part de certains, mais toujours avec conviction. Si la pénibilité fait aujourd’hui l’objet d’une concertation menée par Muriel Pénicaud, le texte comporte déjà des dispositions sur ce thème. Peut-être cela ne satisfait-il pas tous les membres de la commission spéciale, mais il faut le dire clairement : sur les dix critères concernant la pénibilité, quatre ont été basculés dans les accidents du travail et les maladies professionnelles, les six autres demeurant dans le C2P ; sur ces six critères, trois sont liés au rythme de travail et les trois autres à l’environnement de travail. Concernant les rythmes de travail – les horaires de nuit et les horaires alternants –, le Gouvernement s’est déjà engagé sur la voie d’une baisse des seuils afin que les Françaises et les Français soient plus nombreux à bénéficier d’une personnalisation de l’âge d’équilibre, lequel doit refléter le plus possible la carrière.

Cela n’étant sans doute pas suffisant, une autre mesure est prévue : le déplafonnement du C2P. Quand vous êtes exposé à des tâches difficiles dans un métier pénible, 4 points vous sont accordés chaque année. Au bout de vingt ans, vous en avez cumulé 80 et pouvez faire valoir vos deux années de départ anticipé : si vous restez exposé à des tâches pénibles, vos points suivants peuvent avoir peu de valeur, sauf si vous souhaitez bénéficier d’une formation ou d’une réorientation professionnelle.

Outre le déplafonnement du compte, notamment dans le cadre d’expositions multiples, nous souhaitons permettre la réorientation professionnelle. En effet, si nous voulons avoir une ambition collective et une lecture sociale de notre rapport au travail, nous devons donner la possibilité à nos concitoyens exposés à des tâches difficiles de faire autre chose. Ce n’est pas aussi simple que d’en discuter avec vous : il faut construire avec les partenaires sociaux. Les concertations touchant à leur fin, Muriel Pénicaud devrait proposer très rapidement des éléments sur la réorientation professionnelle qui nous permettront d’enrichir le texte. Nous voulons proposer à nos concitoyens exposés à des tâches difficiles de changer de métier, tout en leur assurant une sécurité professionnelle : il ne s’agit pas en effet de suivre une formation de trois jours sur l’environnement informatique mais de réfléchir à un deuxième parcours de vie professionnelle moins exposé à la pénibilité.

C’est un sujet de fond, qui suscite beaucoup d’intérêt et de demandes. Il n’y a toutefois pas de concurrence entre démocratie sociale et démocratie politique : la démocratie sociale a été saisie et nous attendons les retours de la concertation. La démocratie politique pourra ensuite s’en emparer pour inscrire dans le projet de loi les fruits de cette concertation ainsi que du débat parlementaire, car j’ai compris qu’il y avait une volonté importante de progresser sur ce sujet.

Sur le titre II, j’ai déjà largement répondu à vos questions sur la pénibilité, monsieur le rapporteur Jacques Maire. Il y a un point toutefois que je n’ai pas évoqué : la notion de pénibilité ne doit pas être réservée aux salariés du privé. L’essence de ce projet de loi est de considérer que la pénibilité a la même valeur, que l’on travaille dans une entreprise bénéficiant d’un régime spécial, dans une entreprise publique ou dans le privé. Nous avons tous des retours de nos concitoyens sur la nécessité d’une forme d’égalité devant la retraite. Il ne s’agit pas de stigmatiser les uns ou les autres : ce n’est pas, monsieur le député Adrien Quatennens, l’expression d’une jalousie, mais bien d’un désir d’équité. Sur le fond, ce que nous entendons tous, c’est que chacun est prêt à reconnaître qu’il doit y avoir une solidarité nationale mais que tout le monde souhaite que ce sujet soit regardé avec cohérence et équité entre les métiers.

Madame la rapporteure Corinne Vignon, vous avez souhaité revenir sur le minimum contributif. Nous pouvons être très fiers collectivement de proposer un véritable progrès social dans notre pays, à savoir qu’il n’y aura pas de retraite inférieure à 1 000 euros pour tous ceux qui liquideront à partir de 2022. On sait l’importance que cela revêt pour ceux qui ont de toutes petites retraites avec une carrière complète au SMIC. Ce montant évoluera pour atteindre 85 % du SMIC en 2025.

Sur le système cible, qui est le cœur de notre projet, cette règle des 85 % du SMIC s’appliquera en 2037 à une carrière complète. Celle-ci se calculera par mois, sur la base de 50 heures équivalent SMIC travaillées, c’est-à-dire un tiers-temps. La dynamique ainsi créée sera une forme de reconnaissance pour tous ceux à qui l’on impose un temps partiel – ce sont majoritairement des femmes – ou qui, faisant un autre choix d’équilibre de vie, décident de réduire leur activité, pour tous les exploitants agricoles, petits commerçants et petits artisans qui ont bien du mal à équilibrer leur compte d’exploitation en fin d’année, pour tous ceux dont les retraites sont inférieures à 1 000 euros. Appliquer les mêmes règles à tous renforce la communauté nationale : nous gagnons tous à vivre ensemble dans la tolérance, avec une vision commune et un destin partagé.

Madame Carole Grandjean, sur le titre IV concernant la gouvernance, je crois avoir déjà apporté quelques éléments de réponse à M. Philippe Vigier et au président du groupe MoDem, M. Patrick Mignola. Il nous faut être très clairs : la place attribuée aux partenaires sociaux est très significative. Quand j’étais député, j’ai participé à des débats où l’on m’interpellait sur le thème de la gouvernance. Les bases définies dans le rapport Delevoye nous indiquaient déjà la voie à suivre ; nous avons réaffirmé le rôle prépondérant des partenaires sociaux et la nécessaire articulation avec la démocratie politique que vous représentez.

Concernant le COR, instance pour laquelle j’ai une réelle affection car j’y ai siégé plus de deux ans, j’ai conscience qu’il y a été produit de très bonnes choses. Il est nécessaire, dans la période de transition que nous allons vivre, de créer du consensus, comme le COR a su le faire : nous avons tous fini par retenir ses hypothèses médianes, preuve que le COR a réussi dans sa mission. Pendant la période de transition, il aura à travailler sur les perspectives statistiques. Son rôle évoluera sans doute ensuite, lorsqu’il se verra adjoindre un comité indépendant d’experts. Il ne peut pas y avoir de concurrence entre les uns et les autres : le COR se chargera des réflexions plus politiques, comme l’égalité femmes hommes, et laissera aux experts indépendants la responsabilité des perspectives statistiques. Voilà la façon, madame la rapporteure Grandjean, dont je vois la répartition des tâches.

Vous vous interrogiez également sur le conseil d’administration de la CNRU : il devrait être composé paritairement de représentants des salariés et des employeurs. Il s’inspirera sans doute de ce qui se passe aujourd’hui à l’AGIRC-ARRCO. Il y aura en outre une assemblée générale où toutes les populations concernées seront représentées. Le conseil d’administration doit certes être représentatif de l’assemblée générale mais il doit également être capable de prendre des décisions pour avoir une dimension opérationnelle concrète. Avec une trentaine de membres, il pourra tout à la fois être le plus représentatif possible et prendre des décisions rapidement. N’oublions pas que ce conseil d’administration aura un pouvoir de fixation des principaux paramètres contributifs en matière de dépenses et de recettes. L’objet du titre IV est de définir le cadre dans lequel il intervient ; si nous voulons tout écrire à sa place, autant dire que nous ne voulons pas de cette gouvernance !

Le conseil d’administration pourra faire également des propositions sur les paramètres de solidarité qui relèvent de la responsabilité de l’État. Le Fonds de solidarité vieillesse universel sera le principal financeur des dépenses de solidarité. Là encore, l’État assure une place à la démocratie sociale en permettant à la gouvernance de faire des propositions sur les paramètres de solidarité qui, pourtant, relèvent de la responsabilité de l’État.

La trajectoire d’équilibre à cinq ans est importante. Je veux vous rassurer, monsieur Woerth, sur notre volonté d’un système par répartition équilibré, qui devra être solide économiquement pour perdurer. C’est sans doute le sens de vos propos : pour faire de la solidarité, encore faut-il savoir comment la financer. L’âge d’équilibre permet de garantir la survie du système futur en lui assurant d’être équilibré, non pas année par année, car les exigences seraient bien trop fortes pour la gouvernance, mais plutôt sur cinq ans. Cela permettra aussi à la représentation nationale de s’exprimer chaque année sur ce sujet, en l’examinant non pas sous forme de couperet, mais sous une forme dynamique et positive.

M. Paul Christophe, rapporteur sur le titre V, nous interroge sur les transitions. Je serai très transparent avec la représentation nationale : je mène une concertation sur ce sujet dans le cadre d’un mandat que m’a confié le Premier ministre. Il y a plusieurs possibilités en matière de transition : on pourrait imaginer, et c’était plutôt l’option retenue dans le rapport remis le 18 juillet, un système de conversion des droits acquis en points du système universel au moment de l’entrée en vigueur du système universel, c’est-à-dire en 2025. La seconde possibilité consiste en une affiliation successive : les droits constitués jusqu’en 2025 ne seraient pas convertis mais continueraient à vivre dans le système dans lequel ils ont été cotisés. Ceux qui auront deux niveaux de cotisations, l’un dans le système initial, l’autre dans le système universel, se verront verser une seule pension ; mais il y aura bien eu deux liquidations. Cela nous permettra d’avoir un regard précis sur les périodes de fin de carrière, en particulier sur les différents modes de calcul des pensions, fondés sur les six derniers mois ou sur les vingt-cinq meilleures années. Ce sujet, encore en débat, fera partie des éléments qui seront rapidement tranchés et sur lesquels la représentation nationale pourra être saisie avant la fin de l’examen du texte.

Concernant les autres questions, j’ai répondu en partie sur les 3 PASS ; mais vous vouliez évoquer le cas particulier des personnels navigants. L’universalité n’est absolument pas remise en question : comme tout le monde, les personnels navigants relèveront entièrement du système universel de retraites. Ils cotisent aujourd’hui bien au-delà des 28,12 %, bien au-delà de ce que le système universel de retraite leur demandera ; toutefois, ils souhaitent maintenir ce haut niveau de cotisations pour créer, au sein de leur activité professionnelle, une dynamique de redistribution qu’ils se financeront par eux-mêmes.

Les personnels navigants rejoindront-ils le système universel de retraite ? Oui ! Cotiseront-ils au même taux que les autres ? Oui ! Liquideront-ils des pensions comme les autres ? Oui ! Souhaitent-ils créer un système supplémentaire, qu’ils financeront par eux‑mêmes ? Oui ! En tant que membre du Gouvernement, je n’ai aucune opposition à ce que certains financent eux-mêmes un dispositif complémentaire avec des cotisations supplémentaires ; mais encore faut-il nous en faire la proposition et nous en démontrer la viabilité. Il ne s’agit pas de créer des dispositifs qui n’auraient pas de sens compte tenu de la dynamique démographique ou du type de cotisations et de pensions qui seraient versées. Les concertations bilatérales et multilatérales que nous avons menées avec Élisabeth Borne et Jean-Baptiste Djebbari ont permis de constater qu’ils n’avaient pas de branche : puisque l’on ne peut pas les renvoyer à une négociation de branche, cela avait du sens, spécifiquement pour eux, de maintenir cela. La situation des professions libérales est différente car il existe des dispositions spécifiques pour elles. En matière de complémentaire, tout reste donc à mettre sur la table : lorsqu’il y a une demande, nous l’examinons selon les principes que j’ai évoqués tout à l’heure.

Mme Fadila Khattabi. Ma question porte sur l’extension de la pension de réversion pour les couples pacsés. En plus d’être légitime, cette interrogation est aussi pertinente au regard de l’évolution de la société. En France, on dénombre environ 230 000 mariages par an et un peu plus de 190 000 PACS. Le PACS n’est pas le mariage mais constitue néanmoins, dans la majeure partie des cas, un engagement solide de la part de ceux qui en ont fait le choix ; il a surtout été mis en place pour sécuriser les parcours de vie des couples ayant décidé d’opter pour ce type d’union. Or, à l’heure actuelle, lorsque l’un des deux partenaires décède, le partenaire survivant ne dispose d’aucun droit, bien qu’il ait été solidaire tout au long de sa vie. Parce que cette réforme se veut être une réforme d’équité et de justice sociale, elle doit donc répondre aux attentes de nos concitoyens, en écho aux évolutions sociétales. Je souhaiterais savoir dans quelle mesure le Gouvernement pourrait envisager une extension du droit à la réversion pour les couples pacsés, une extension dans les mêmes conditions que celles requises pour les couples mariés.

M. Stéphane Viry. Nous commençons l’examen de ce projet de loi dans un contexte de défiance globale de la société à l’égard du système des retraites et les tergiversations du Gouvernement depuis plusieurs mois posent un problème de légitimité sur la capacité à restaurer la confiance.

Je souhaite vous interpeller sur la question de l’universalité qui, en soi, ne pose pas de difficultés, à la condition qu’elle soit intelligente et adaptée. Avec votre système, vous allez mettre à néant des régimes autonomes, qui ne coûtent rien au contribuable, qui sont financés et gérés avec perspicacité, et qui correspondent à des nécessités professionnelles. Ce faisant, vous allez dénaturer des professions et les mettre en difficulté. Au-delà de l’équilibre des professions, c’est l’existence même de certaines offres de services sur les territoires ruraux qui est remise en cause – je pense notamment aux avocats. Comment pouvez-vous justifier les conséquences collatérales d’une réforme non seulement comptable, mais qui entraîne également des conséquences en termes d’offres de services pour nos concitoyens ?

Mme Catherine Fabre. Les femmes sont les premières victimes des carrières courtes ou hachées, ce qui se traduit notamment par la faiblesse de leurs pensions de retraite. Ce constat est souvent le résultat de choix opérés par le couple : s’arrêter lorsque les enfants sont en bas âge, prendre un emploi à mi-temps pour s’occuper des enfants, ou encore suivre son conjoint dans sa mutation professionnelle. Alors que les choix de carrière se font à deux au sein d’un couple, les femmes sont souvent les seules à en subir les conséquences sur leur retraite, notamment en cas de séparation. C’est pourquoi les droits acquis à la retraite devraient être mieux partagés au sein du couple, comme cela existe déjà en Suisse ou au Canada.

Cette question est d’autant plus cruciale que la France a beaucoup évolué depuis 1945 : aujourd’hui, 45 % des couples mariés divorcent et cette séparation engendre une perte de revenus de 22 % en moyenne pour les femmes, contre 3 % pour les hommes. C’est un vrai facteur de précarisation. À ce jour, aucun dispositif satisfaisant ne permet de réparer ce préjudice. Au moment où nous refondons notre système de retraite pour l’adapter aux défis, il est grand temps de l’inventer ! Monsieur le secrétaire d’État, qu’en pensez-vous ?

M. Thibault Bazin. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais évoquer le volet familial de cette réforme, qui pourrait faire de grands perdants. Plusieurs questions se posent sur les conséquences pour les familles : alors qu’un couple avec trois enfants bénéficie aujourd’hui de 20 % de majoration et que le futur système lui octroiera seulement 17 %, comment pouvez-vous affirmer que l’évolution des majorations de pensions avantagera les familles nombreuses ? Alors que la majoration de durée d’assurance disparaîtra avec votre réforme, comment pouvez-vous assurer que les majorations de pension compenseront pleinement cette disparition pour les mères d’un ou de deux enfants qui se seront arrêtées de travailler pour s’en occuper ? Quand la base de calcul de l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF), aujourd’hui d’un SMIC complet, sera réduite à 60 % dans le futur système, dans quelle mesure pouvez-vous garantir qu’elle sera plus avantageuse ? Votre projet de loi indique que des points seront attribués, qu’une fraction sera fixée par décret : quel flou ! Combien de points, quelle fraction, comment les garantir dans le temps ? Voilà déjà des premières questions qui ne sont pas sans inquiéter légitimement les familles : accepterez-vous d’amender votre projet pour apporter des garanties aux familles d’aujourd’hui et de demain, préservant ainsi les droits familiaux qui font l’honneur de notre pays ?

M. Thierry Michels. La période de transition, indispensable pour passer des quarante-deux régimes actuels au futur système et permettre à chacun d’y prendre sa place avec confiance et sérénité, ne doit surtout pas nous faire oublier que ce projet de loi prévoit des avancées sociales significatives pour les Français, dès le 1er janvier 2022. Je pense notamment à ceux de nos concitoyens qui ont les revenus les plus modestes et qui ne bénéficient pas d’une pension à la hauteur de leur travail et de leurs efforts. Ce sont les perdants silencieux du système actuel. Le projet de loi prévoit qu’une personne ayant effectué une carrière complète au SMIC puisse percevoir dès 2022 une pension de retraite d’au moins 1 000 euros, avec un objectif de 85 % du SMIC en 2025. Voilà une amélioration claire et limpide que chacun peut comprendre et que les personnes concernées pourront directement constater. Dans le même état d’esprit, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, préciser les autres avancées dont nos concitoyens vont pouvoir bénéficier dès 2022 ?

M. Régis Juanico. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué dans votre propos le respect dû aux parlementaires. C’est le troisième débat sur un projet de loi relatif aux retraites auquel je participe, avec d’autres collègues présents ce soir. Sur un texte aussi fondamental, jamais nous n’avons connu des conditions d’examen aussi déplorables et expéditives. En 2010 et 2014, alors que ces textes comportaient moitié moins d’articles que le vôtre, jamais il n’a été fait recours à la procédure accélérée ; jamais nous n’avons eu à examiner en quatre jours un texte de plus de 1 500 pages avec l’étude d’impact ; jamais nous avons eu à déposer des amendements en moins d’une semaine ; jamais nous n’avons eu à nous prononcer à l’aveugle sur un texte à trous qui comprend vingt-neuf ordonnances dessaisissant le Parlement.

Surtout, les conditions d’un débat sincère et éclairé ne sont pas réunies, avec une étude d’impact « ni faite ni à faire », tronquée, qui camoufle les nombreux perdants de votre réforme. Dans les cas-types de l’étude d’impact, les simulations fournies reposent sur un âge d’équilibre à 65 ans, alors que le projet de loi prévoit que l’âge d’équilibre sera amené à évoluer en fonction de l’espérance de vie ; les calculs sont donc faussés. Comptez-vous nous fournir de nouveaux chiffres réactualisés avec les bons paramètres ?

M. Sébastien Jumel. Sur les ronds-points, dans nos villages ruraux, sur les quais, dans les champs, ce qui me frappe, ce sont leurs marques : les dos broyés alors qu’ils sont courageux, les visages sans éclat alors qu’ils sont beaux, au bout du compte, la pénibilité, celle que vous ne voulez pas voir. François Morel l’a dit avec beaucoup d’humour : votre projet, c’est « Tâchons de mourir tôt ! »

Nous refusons de perdre à votre jeu à points, que vous maquillez avec des mots volés : universalité, justice, progrès, sécurité sociale, redistribution ! Ce sont des mots volés pour justifier vos propres turpitudes. C’est une réforme où tout le monde sera perdant : les femmes, les 20 millions de salariés. Ma question est donc simple : comment allez-vous simuler concrètement la prise en compte de la pénibilité dans votre mauvaise réforme ?

M. Éric Girardin. Nous enregistrons dans notre pays plusieurs bonnes nouvelles. Devant une certaine sinistrose ambiante, il serait bon de constater quelques points de réjouissance : une attractivité record de notre pays, avec 4 milliards d’euros de nouveaux investissements étrangers ; une baisse du nombre de chômeurs de 3,3 % sur l’ensemble de 2019, soit 120 700 demandeurs d’emploi en moins en catégorie A ; c’est le plus fort recul depuis la crise de 2008. Autre motif de satisfaction : une hausse du pouvoir d’achat, grâce notamment aux baisses d’impôts et de diverses cotisations. Enfin, les créations d’entreprises ont atteint un niveau historique en 2019 : 815 000 entreprises ont vu le jour l’an dernier, c’est un record.

Ces bonnes nouvelles en appellent d’autres, avec la fin prochaine de notre système de retraite, que vous avez jugé vous-même injuste, illisible, et instable, monsieur le secrétaire d’État, dans vos propos liminaires. Il sera remplacé par un système plus redistributif, qui protégera mieux les Français modestes, un régime plus juste envers les femmes, un système plus protecteur face aux nouvelles formes de précarité. En quoi cette future réforme des retraites amplifiera-t-elle les évolutions positives évoquées à l’instant ?

Mme Clémentine Autain. Je me demande si chacun dans cette salle mesure l’ampleur du décalage entre la tonalité générale de cette commission et l’état réel du pays. Nous discutons sagement mais c’est en réalité un coup de force que le Gouvernement s’apprête à opérer. Ce projet répond à la nécessité de rassembler, dites-vous, monsieur le secrétaire d’État, mais il ne vous a pas échappé que 61 % des Français sont opposés à votre projet. C’est une démarche concertée, dites-vous encore, mais avec qui ? La majorité syndicale exige le retrait et chaque jour de nouveaux secteurs professionnels se mettent en mouvement, des cheminots aux avocats, des infirmières aux rats de l’Opéra, des enseignants aux égoutiers. Même le Conseil d’État a émis sur votre texte l’un des avis les plus sévères de son histoire.

Vous vantez la place laissée aux parlementaires mais nous sommes en procédure accélérée alors que rien ne justifie l’urgence. Vous nous présentez un texte à trous qui sera complété par vingt-neuf ordonnances et une étude d’impact de 1 000 pages qui est un maquillage volontaire de la réalité. Comment pensez-vous que notre pays peut supporter votre bulldozer qui écrase la contestation et les mécanismes de solidarité ?

M. Jacques Marilossian. En tant que membre de la commission de la défense, je veux appeler votre attention sur les règles des pensions militaires. La communauté militaire est très attachée à ce que l’on appelle la pension à jouissance immédiate car celle-ci contribue à la gestion des ressources humaines des armées, manifeste une reconnaissance de la nation pour l’engagement du militaire et représente une compensation sous la forme d’une rémunération différée.

L’article 37 du projet de loi reprend ce principe de jouissance immédiate, car mettre sa vie en danger pour défendre l’ordre public ou la nation implique évidemment une reconnaissance particulière : passer plus de quarante jours en mer ou soixante-dix jours sous la surface constitue bien une contrainte exceptionnelle. Le Conseil d’État précise que rien ne s’oppose à ce que l’ensemble des obligations propres à l’état militaire ainsi que les garanties et les compensations soient intégrées dans le code de la sécurité sociale. Le Conseil d’État a toutefois estimé nécessaire d’insérer dans le code de la défense une nouvelle disposition garantissant la prise en compte de la spécificité de la fonction militaire et vous avez tenu compte de son avis. Mais le Conseil d’État suggère également un élargissement des compétences consultatives du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) aux textes relatifs au régime des pensions des militaires. Le Gouvernement envisage-t-il cet élargissement des compétences du CSFM ?

M. Fabrice Brun. Monsieur le ministre, les Français n’y comprennent plus rien. Pourtant, les questions qu’ils vous posent et qu’ils nous posent sont simples : « Quels sont les effets de la réforme sur ma retraite ? Quand pourrais-je partir et avec quel montant de pension ? »

L’épaisseur de l’étude d’impact n’est en rien un gage de qualité. La meilleure des études d’impact est en effet celle qui éclaire le cotisant, l’actif, le retraité, sur ses droits. Je vous demande donc de créer un simulateur pour que chacun puisse mesurer ce qu’il va gagner ou perdre avec votre réforme. Bien sûr, il ne s’agirait pas de cas-types mais d’un véritable simulateur de retraite individualisé. Il faut répondre à la soif légitime de nos concitoyens de réponses sur mesure. La confiance pourrait être rétablie si chacun savait, en toute connaissance de cause, ce qui sera appliqué pour sa retraite.

Mme Zivka Park. Mes questions portent sur la pénibilité et sur les garanties apportées aux salariés lors d’une reconversion professionnelle. Le traitement de la pénibilité est un enjeu de justice sociale ; nous nous devons de faciliter sa prise en compte et ce projet de loi introduit des avancées majeures en la matière. Dans certaines professions, les salariés ne peuvent plus exercer de tâches pénibles ; à terme, ils ne peuvent plus donc exercer leur métier. Il est impossible que la société leur offre comme unique perspective la poursuite de ces tâches pénibles jusqu’à la retraite. Il est impératif que ces salariés aient des garanties leur permettant d’envisager une reconversion professionnelle lorsque cela est envisageable. De quelles garanties s’agit-il ? De la possibilité de se former et de disposer d’un revenu. Pouvons-nous envisager, a minima pour les salariés ayant exercé des emplois particulièrement pénibles, un rachat gratuit de points au titre du temps de formation nécessaire à une reconversion professionnelle ?

M. Charles de Courson. Dans le secteur public, les agents ayant un faible taux de primes seront pénalisés par le système à points. Aussi, pour compenser la perte en matière de retraite, le projet de loi prévoit de réévaluer le traitement de deux catégories : les enseignants et les chercheurs. Quel serait le coût, pour les finances publiques, de la généralisation de ces réévaluations salariales à l’ensemble des agents des trois fonctions publiques – territoriale, hospitalière et d’État – ayant des taux de primes faibles ou nuls ?

Par ailleurs, le Gouvernement défend l’idée d’un régime universel, intégrant le Premier ministre, les ministres, les membres du Conseil constitutionnel, etc. Seriez-vous favorable à l’affiliation du Président de la République à ce régime universel ?

M. Sébastien Jumel. Excellent !

Mme Jeanine Dubié. Ma question concerne les droits familiaux ; elle complète celle de M. Bazin. Actuellement, deux dispositifs sont à l’œuvre. D’une part, la majoration de la durée d’assurance par la bonification des trimestres : huit trimestres par enfant dans le secteur privé et quatre dans le secteur public ; cela permet aux mères de famille de compléter leur carrière pour bénéficier du taux plein. D’autre part, la majoration de 10 % à partir du troisième enfant pour les deux parents. À l’avenir, la majoration sera de 5 % dès le premier enfant, de 10 % pour le deuxième et de 15 % pour le troisième, mais pour un seul parent. Si les deux parents se partagent la majoration, elle n’excédera donc pas 7,5 %, ce qui correspond à une perte par rapport à la majoration actuelle de 10 % pour trois enfants.

Dans le nouveau système, les mères de famille pourront-elles bénéficier d’un départ anticipé ? Pouvez-vous nous assurer que les mères de trois enfants ne seront pas pénalisées ? Ce serait un comble, étant donné que ce sont les enfants qui assurent la pérennité d’un système de retraite par répartition !

Mme Valérie Rabault. Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas tout compris à vos précédentes explications ; je vous demande donc de me répondre simplement par oui ou par non.

À la page 836 de l’étude d’impact, il est écrit que le nombre de bénéficiaires des pensions de réversion devrait diminuer de 310 000 par rapport à la situation sans réforme : pouvez-vous confirmer ce chiffre, qui est énorme ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous confirmer que tous les Français seront concernés par la réforme ? En effet, durant la phase de transition à partir de 2022, toutes les assiettes et tous les taux changeront.

Pouvez-vous nous indiquer combien d’agriculteurs ne bénéficieront pas un montant de retraite égal à 1 000 euros ? Pour percevoir ce montant, il faut avoir cotisé toute sa vie à hauteur du SMIC : pouvez-vous nous préciser le nombre d’agriculteurs qui ne seront pas concernés par ce montant ?

Enfin, pouvez-vous nous confirmer que dans votre régime, la retraite sera égale au nombre de points multiplié par la valeur du point, moins un malus qui dépendra de l’âge de départ à la retraite et non de la durée de cotisation – ce qui est une première en France ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. La parole est à Mme Caroline Fiat, à laquelle je souhaite un joyeux anniversaire.

Mme Caroline Fiat. Merci madame la présidente. Et je suis née après 1975...

Votre simulateur nous présente Marie, infirmière, née en 2002. Elle a commencé à travailler à 23 ans en 2025 et perçoit un revenu équivalent à 30 000 euros par an tout au long de sa carrière, soit 2 500 euros par mois ; elle prend sa retraite en 2068.

Trois possibilités : vous savez que les infirmières perdront tellement avec votre projet de loi que vous êtes obligés de mentir à propos de leur salaire ; Mme la ministre Agnès Buzyn – et c’est la bonne nouvelle de la soirée – va enfin valoriser les salaires des personnels hospitaliers – toutes les infirmières rêvent de gagner 2 500 euros par mois ; vous misez sur le fait que nous serons au pouvoir en 2025 et que les personnels hospitaliers seront enfin payés à leur juste valeur.

Monsieur le secrétaire d’État, laquelle de ces trois solutions est la bonne ?

M. Vincent Thiébaut. Le réseau des CARSAT, ces organismes privés en charge d’un service public, a su faire preuve de son efficacité et a démontré sa capacité à gérer 90 % des retraites des Français. Vous comptez faire disparaître ce réseau dans sa forme actuelle : qu’en sera-t-il de ses actions en cours, notamment en matière de santé au travail ?

En outre, ce réseau présente l’avantage d’assurer une gouvernance de proximité véritablement paritaire qui répond à des spécificités territoriales. Permettez-moi de m’attarder particulièrement sur la CARSAT Alsace-Moselle : elle a été créée précisément parce qu’elle correspond aux spécificités des trois départements concernés par le droit local. En Alsace-Moselle, la direction du droit local et celle de la CARSAT ne font qu’une.

Pourquoi se priver d’un réseau qui fonctionne ? Pourquoi ne pas l’intégrer totalement à la gestion du système universel de retraite, sachant qu’il couvre déjà 90 % des besoins ?

M. Hervé Saulignac. Monsieur le secrétaire d’État, il y a quelques minutes vous nous avez indiqué que les 25 % de retraites les plus basses augmenteraient de 30 % et que les pensions les plus confortables ne bougeraient pas. À plusieurs reprises dans le débat, vous avez dit qu’il ne fallait pas toucher au niveau des pensions. Enfin, l’étude d’impact précise que le nombre de retraités augmentera considérablement.

Où prenez-vous l’argent pour réaliser un tel miracle ? Je ne comprends pas comment vous pouvez parvenir à un tel résultat, sauf à considérer qu’une catégorie intermédiaire de retraités servirait de variable d’ajustement, ce que je ne peux imaginer.

Mme Laurence Dumont. Je ne reviens pas sur le caractère absolument surréaliste de cette soirée, illustré par le décalage entre le discours du secrétaire d’État et des parlementaires de la majorité, et la colère qui gronde dans le pays contre ce projet de loi que les Français ont justement très bien compris. Je ne reviens pas non plus sur l’abaissement du Parlement, je n’en ai pas le temps.

J’aimerais, moi aussi, que vous me répondiez par oui ou par non, monsieur le secrétaire d’État : si l’âge d’équilibre est fixé à 65 ans, un ouvrier qui commencerait à travailler à 20 ans et qui cotiserait 43 ans pourrait-il perdre 10 % de sa pension, quand un cadre démarrant à 24 ans aurait droit à un bonus de 10 % en travaillant exactement la même durée ?

M. Brahim Hammouche. Le nouveau système universel de retraite a vocation à prendre en compte les interruptions de carrière pour cause médicale ou familiale. Dans le cadre de ce projet de loi, le revenu pris en compte pour l’attribution de points compensant ces interruptions est celui de l’année précédente. Que se passe-t-il si l’année précédente, la personne concernée est au chômage, que celui-ci soit indemnisé ou non ? La non-prise en compte des périodes de chômage non indemnisé avait été évoquée. Avez-vous évalué le nombre de personnes qui seraient concernées par ce cas de figure ?

M. Dominique Da Silva. Vous avez rappelé que les cotisations sur les hauts revenus – au-delà de 3 PASS – ne cesseraient pas en 2025, puisqu’une période de transition prévoit un lissage des assiettes et des taux pendant vingt ans. Or en 2045, des pensions de retraite dépassant 3 PASS continueront à être versées. Comment comptez-vous assurer une juste transition, qui ne serait pas à la charge de l’ensemble des assurés ?

M. Thierry Benoit. À ce stade de la discussion, nous avons le point retraite, permettant de déterminer le montant de la pension, et le point relatif à la notion de pénibilité, qui aide à déterminer l’âge de départ à la retraite dans le cadre des carrières longues. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il serait possible d’imaginer un troisième point, le point tutorat, pour les fins de carrière et les cessations progressives d’activité ? Ce point concernerait les personnes en fin de carrière qui consacrent du temps à former de jeunes travailleurs appelés à leur succéder. Un tel dispositif encouragerait l’apprentissage et l’alternance ; il serait particulièrement intéressant dans les métiers de main-d’œuvre, de l’artisanat et de l’industrie.

M. Julien Dive. Le montant de 1 000 euros est-il un plafond ou un plancher ? À la lecture de l’article 41, je comprends qu’un complément de points de retraite sera créé afin que ceux qui ont une carrière complète ou à taux plein puissent bénéficier d’une retraite de 1 000 euros. Dans l’article est utilisé le terme de « montant minimal » : pour moi, cela correspond à un montant plancher. Mais quand je lis les dispositions instaurées pour arriver au montant de 1 000 euros, je m’aperçois que ce montant est un plafond. Cela devient alors confus et flou, et comme chacun le sait : quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.

Ce montant de 1 000 euros sera effectif à partir du 1er janvier 2022. Quid de ceux qui liquideront leurs droits entre l’adoption de la loi et cette date ? Y aura-t-il des dispositifs d’équité ?

M. le secrétaire dÉtat. S’agissant du texte dans lequel devrait figurer que la valeur du point ne peut pas baisser, j’entends la proposition d’Olivier Véran, auquel je n’ai pas répondu tout à l’heure. Il serait bon de vérifier, d’un point de vue juridique et constitutionnel, s’il serait possible de le préciser dans le projet de loi organique.

La question des régimes autonomes, abordée entre autres par M. Viry, est plus large que le seul régime des avocats auquel il a fait référence. J’ai assisté à plusieurs réunions multilatérales, ou plus techniques, avec des avocats. Comme pour l’ensemble des professions libérales, le montant des charges qu’ils ont à payer sera sécurisé ; leurs inquiétudes concernent en effet la viabilité économique de leur cabinet. L’assiette de la CSG évoluera à leur avantage de manière sensible – c’est vrai aussi pour les agriculteurs et les indépendants – et ce, dès 2022 pour répondre à M. Michels. Elle couvrira tout ou partie de l’augmentation de cotisation, selon les cas que nous avons pu documenter, à savoir 32 000 euros ou plus de 40 000 euros de revenu médian. Le but n’est pas d’augmenter les cotisations des uns pour payer les retraites des autres. Concernant les cas relatifs aux avocats que nous avons pu traiter et transmettre à leurs représentants, on constate une augmentation du montant de la pension comprise entre 10 % et 20 %. Il y a donc une progression relativement limitée des charges – il ne s’agit pas de remettre en question la viabilité économique des cabinets d’avocats, ni même de l’ensemble des professions libérales concernées – et une progression significative des pensions ; soyez rassurés. Je suis disposé à examiner avec vous quelques-uns des cas-types si vous le souhaitez.

S’agissant des régimes autonomes, au sens financier, et quelle que soit la profession, faire le pari de la démographie et de la viabilité à moyen et long termes, avant de déterminer s’il est nécessaire de se rapprocher d’un système universel, ne peut pas être le projet d’une société du vivre ensemble. Cela peut correspondre à des projets très sectoriels, mais pas à un projet collectif et dynamique. Le modèle pourrait être le même que celui qui a été retenu par les pilotes de ligne, bien qu’il ne s’agisse pas d’une profession libérale : créer une redistribution spécifique des plus hauts revenus vers les revenus les plus faibles, pour avoir un minimum de retraite plus important – cela figurait déjà dans le rapport Delevoye. Dès le 18 juillet 2019, nous avions indiqué que nous étions d’accord pour examiner cette possibilité. Il y a tout lieu de trouver des solutions avec les représentants des régimes autonomes. D’autres professions familières du droit, telles que les notaires, sont très au clair quant aux propositions faites.

Madame Fabre, vous m’interrogez sur le partage des droits à la retraite. Nous avons fait le choix du mariage pour la réversion. Nous savons pourtant, comme cela a été rappelé dans l’hémicycle lors des questions au Gouvernement, que de nombreux mariages se soldent par des divorces. La question des droits à la retraite à l’issue de ces divorces est en effet posée, notamment en matière de droits familiaux ou de réversion ; c’est l’objet du rapport demandé à M. Fragonard, attendu pour le 10 février prochain, soit avant l’examen du texte dans l’hémicycle. Serons-nous capables d’intégrer ces dispositions dans le « dur » de la loi, en fonction du contenu du rapport ? Bien sûr. Il alimentera la réflexion de tous les parlementaires.

Monsieur Bazin, vous posez la question des droits familiaux. Je souhaite traiter ce sujet sereinement : les majorations de pension servent à compenser le préjudice de carrière. À titre personnel, je pense avoir été un bon père, me libérant les mercredis pour m’occuper de mes filles, parce que je travaillais les samedis. Mais c’est bien leur mère qui a pris un congé parental à temps partiel et dont la progression de carrière a sans doute été ralentie, quelle que soit la qualité du management et des ressources humaines de son entreprise. Mon expérience est certainement semblable à celle de nombre d’entre vous. La majoration de pension est faite pour compenser le préjudice de carrière, que l’INSEE évalue à 5 % de la rémunération par enfant. La proposition du rapport Delevoye, que nous retrouvons dans le projet de loi, est la réponse à ce préjudice réel qui touche les femmes.

S’agissant de la situation d’un foyer comptant trois enfants, vous avez noté l’augmentation de 2 %, tout en soulignant qu’il n’y avait pas que des familles de trois enfants. Je ne suis pas sûr que les jeunes femmes, aujourd’hui, aient envie d’avoir trois ou quatre enfants ; c’est très bien si c’est le cas, je n’ai pas d’avis personnel sur ce point, mais les statistiques montrent que généralement, elles en ont deux. Le système actuel ne prévoit pas pour ces femmes de compensation du préjudice de carrière sur le niveau de leur pension. Elles bénéficient de majorations de durées d’assurance, dont 20 % ne sont pas utilisés, les carrières des femmes concernées étant complètes. De nos jours, les perspectives des jeunes femmes consistent à construire une carrière professionnelle ; le taux d’activité des femmes, qui continuera à progresser, est de 68 % quand celui des hommes est de 75 %. Elles occupent désormais une place active et professionnelle dans notre société. C’est pour cela qu’il y aura des points de solidarité, notamment dans les situations d’AVPF, ce qui correspond à des attentes évoquées précédemment. Nous devons trouver ensemble la façon de répondre à l’évolution de la société et compenser le préjudice de carrière pour les femmes. Les choix qui peuvent être faits par les uns et par les autres doivent être pris en compte dans le cadre d’une solidarité nationale.

M. Michels m’a interrogé au sujet des avancées prévues en 2022. J’ai parlé de l’assiette de la CSG : le nouveau calcul des charges aboutit à un gain très significatif pour les professions libérales et les indépendants. Le projet de loi rouvre la disposition du cumul emploi-retraite, notamment la possibilité de constituer des droits à partir de 2022 ; il a également élargi, en particulier aux cadres au forfait jours qui en étaient étonnamment exclus, la possibilité d’avoir une retraite progressive. Ce sujet de la retraite progressive est abordé par Olivier Dussopt et Agnès Buzyn dans le cadre d’échanges plus spécifiques à la fonction publique et à la fonction publique hospitalière. En France, ce sujet est peu développé et nous avons tendance à considérer les mesures d’âge de façon défensive : lorsqu’une entreprise est en difficulté, elle propose du travail à temps partiel ou des départs anticipés. Il serait préférable que nous en ayons une approche offensive et dynamique, consistant à construire une progressivité entre les périodes d’activité et les périodes de retraite, pour aboutir à une durabilité au travail.

Monsieur Juanico, comme Boris Vallaud, vous mettez en doute les calculs concernant les cas types qui figurent dans l’étude d’impact – je ne reprendrai pas vos termes, car je les juge excessifs. En réalité – et on peut le vérifier sur internet –, l’âge moyen d’entrée dans la vie active se situe autour de 22 ans. Or, la majorité précédente – et je le dis sans malice, car je crois qu’elle a agi de manière responsable – a décidé, dans le cadre de la « loi Touraine », que la référence collective en matière de durée d’activité devrait atteindre 43 ans en 2035. Les chiffres qui figurent dans l’étude d’impact correspondent simplement à la juxtaposition de ces deux éléments. Dès lors que le système futur doit entrer en vigueur en 2037, nous avons additionné 22 et 43.

Je comprends vos questions, mais cela ne préjuge en rien de l’âge d’équilibre. Celui‑ci, vous avez pu le constater, n’est pas inscrit dans le projet de loi, et pour cause : il sera proposé par la gouvernance. En tout état de cause, il nous paraît raisonnable qu’il soit cohérent avec l’âge moyen de départ à la retraite, qui est actuellement de 63,4 ans. Mais il existe une marge de manœuvre entre 63,4 ans et 65 ans. J’ajoute que cet âge d’équilibre sera dynamique, car il évoluera, et c’est logique, en fonction de l’espérance de vie. Au reste, j’ai cru comprendre que la majorité précédente avait bien prévu que la référence collective, qu’elle avait fixée à une durée d’activité de 43 années, continuerait également d’évoluer en fonction de l’espérance de vie. Elle était en cela fidèle à l’esprit et à la lettre de la loi de 2003, qui prévoit de maintenir un rapport constant d’un tiers-deux tiers entre la durée moyenne d’années passées à la retraite et la durée de cotisation. J’espère, monsieur Juanico, vous avoir convaincu de ma bonne foi et de l’intérêt de cette réforme – mais j’en doute.

Madame Dubié, j’ai évoqué la question des enfants en répondant à M. Bazin.

Madame Rabault, je ne dispose pas de statistiques précises me permettant de vous indiquer le nombre des agriculteurs qui seront en mesure de valider, en 2037, 50 heures au SMIC. Je ne suis pas Mme Irma et je n’ai pas connaissance du modèle économétrique qui me permettrait de vous répondre sur ce point. En revanche, je peux vous indiquer que tous ceux qui parviendront à se rémunérer à hauteur de 50 heures au SMIC par mois – même si, je le sais, les agriculteurs travaillent bien au-delà d’un temps plein – percevront, après 43 années d’activité, 85 % du SMIC. Je rappelle que cette règle s’appliquera également aux salariés précaires, notamment ceux qui sont concernés par le temps partiel subi.

Monsieur Thiébaut, nous ne souhaitons nous priver d’aucun réseau. Si des questions se posent au niveau des CARSAT, nous leur apporterons des éclaircissements. Mais je pense que les réseaux existants perdureront. Des évolutions seront sans doute nécessaires ; elles devront se faire dans la sérénité. Peut-être les sphères de responsabilité évolueront-elles. Cela peut inquiéter, je le comprends. Mais il est de notre responsabilité d’apaiser ces inquiétudes lors de la discussion du texte. En tout état de cause, ces réseaux doivent prendre en compte l’existence d’une caisse de retraite universelle qui aura une responsabilité propre.

Monsieur Girardin, madame Autain, le changement a, certes, quelque chose d’inquiétant, mais le modèle que nous proposons – et cela est démontré à la fois par l’étude d’impact et par les éléments statistiques – servira les plus modestes, les plus vulnérables. Or, je suis convaincu que ceux qui expriment des inquiétudes ont également à cœur que la solidarité s’exerce. Oui, je crois que la construction de ce socle durable et renouvelé de solidarité entre les générations est un élément de la justice sociale dans notre pays.

M. Brun a évoqué la question du simulateur. Il est vrai que nos concitoyens ont besoin d’être rassurés individuellement ; j’en perçois la nécessité dans les questions de la représentation nationale et dans les inquiétudes – excessives, me semble-t-il – que vous avez exprimées, madame Autain. La vision globale que nous défendons pour 2037 doit pouvoir susciter une large adhésion. Néanmoins, il nous faut pouvoir rassurer. À ce propos, je ne crois pas que les plus inquiets soient les plus jeunes. En tout cas, ceux que j’ai rencontrés dans ma circonscription, à Lille ou à Armentières, m’ont dit que, de toute façon, ils ne croyaient pas au système actuel. Ils attendent donc qu’on leur en propose un autre, et celui-ci a intérêt à être convaincant car ils sont exigeants.

En réalité, la question se pose surtout pour ceux qui dépendront en partie du système actuel et en partie du système universel. Mais nous avons besoin, pour leur répondre, de connaître les paramètres définitifs ; ce sera le cas lorsque vous aurez voté le texte. Je souhaite également que la conférence de financement puisse nous apporter ses derniers éclairages sur les ajustements à court terme et sur les perspectives de long terme. Muni de tous ces éléments, je l’ai dit en Conseil des ministres et je le répète bien volontiers devant vous, monsieur Brun – car votre analyse est fine sur ce point –, nous pourrons mettre à disposition de nos concitoyens les mécanismes de simulation individuelle qui les rassureront. Bien entendu, il est plus facile de réaliser une simulation pour une personne qui aura cotisé au régime de base et à l’AGIRC-ARRCO que pour celle qui aura cotisé à trois, quatre ou cinq régimes différents... Mais ces simulations sont indispensables pour que nos concitoyens aient confiance dans la réforme. Je précise, à ce propos, que nous avons d’ores et déjà publié récemment une trentaine de cas‑types supplémentaires et que nous en ajouterons de nouveaux dans les jours qui viennent. Plus ils seront nombreux, plus on se rapprochera des situations individuelles.

Monsieur Benoit, votre question sur les fins de carrière est intéressante, car elle est extrêmement concrète. Il est vrai que nos concitoyens ne comprennent pas très bien la différence entre les points de retraite et les points de pénibilité. De fait, il convient de faire la distinction entre ces deux types de points. Ainsi, la valeur des points de pénibilité n’est pas tout à fait la même que celle des points de retraite et leur rôle est différent : les premiers ne permettent pas de liquider une pension.

Mais, au fond, votre question a trait à un sujet d’innovation sociale : comment dynamiser le tutorat et la fin d’activité ? Ce sujet fait partie des thèmes que vous aborderez lors de la discussion du texte. Cependant, je vous réponds de façon très transparente, il me paraît techniquement difficile d’imaginer que le tutorat donne droit à des points de retraite : je crains que cela n’ajoute à la confusion que vous avez évoquée. Mais je ne veux pas pour autant renvoyer cette question aux discussions de branche. Dans mon entreprise, par exemple, le statut de tuteur était reconnu et valorisé par le versement d’une prime spécifique, mais il n’entrait pas dans un dispositif de fin de carrière. Cela dit, votre propos m’a interpellé. Votre contribution est sur la table.

J’ai sans doute oublié de répondre à un grand nombre de députés...

Monsieur de Courson, vous m’avez interrogé sur les fonctions publiques. Je comprends la lecture que vous faites de la réforme, car je connais vos qualifications en matière de cohérence budgétaire, mais il s’agit également d’une question de parcours professionnel. Ainsi, près des trois quarts des agents de la fonction publique territoriale appartiennent à la catégorie C. Ces agents ont des carrières plates, relativement linéaires, et perçoivent peu de primes. Or, le système par points leur sera très favorable ; ils y gagneront forcément. Puisque j’ai préparé notre échange avec le conseil consultatif des normes, je dispose d’un certain nombre de cas types que je peux partager avec vous, si vous le souhaitez. La situation des enseignants, quant à elle, est différente. L’effort qui sera consenti en faveur de ces derniers se chiffre à 0,3 ou 0,4 point de PIB.

Quant au Président de la République, il a toute sa place dans un système universel. C’est, du reste, non seulement l’esprit de la réforme et la volonté du Président, mais aussi, ai-je cru comprendre, la position qu’il entend défendre en matière d’exemplarité.

Mme Laurence Dumont. Vous n’avez pas répondu à ma question sur l’ouvrier qui commence à travailler à 20 ans...

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Il est inutile que vous reposiez votre question. M. le secrétaire d’État va vous répondre.

M. le secrétaire dÉtat. Madame Dumont, vous avez évoqué la question des carrières longues sous l’angle du statut – cadre ou non-cadre – du salarié, me semble-t-il. Les dispositifs de carrière longue seront maintenus dans le futur système.

Mme Valérie Rabault et Mme Laurence Dumont. Ce n’était pas la question !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. S’il vous plaît !

Mme Valérie Rabault. Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez répondre aux questions que je vous ai posées par oui ou par non !

M. le secrétaire dÉtat. S’agissant des militaires, le Président de la République a été clair.

Mme Laurence Dumont. Ce n’est pas sérieux, madame la présidente !

M. le secrétaire dÉtat. Les militaires risquent leur vie pour défendre l’intégrité de la nation. Il me paraît donc tout à fait légitime de raisonner, en ce qui les concerne, en termes de durée d’activité et de jouissance immédiate. Du reste, les ministres concernés ont déjà rassuré les intéressés. Les militaires seront également, j’y insiste, dans le régime universel mais, compte tenu de leur engagement et de leur exposition au danger, leur durée d’activité est spécifique.

Monsieur Jumel, vous m’avez questionné sur la pénibilité. Les fameux critères posturaux, qui renvoient à la pénibilité physique de certaines tâches – je pense notamment au port répétitif de charges lourdes –, relèvent actuellement de la réparation. Ainsi, le salarié reconnu en incapacité partielle, à hauteur de 10 %, peut partir à 60 ans à taux plein, et ce sera encore le cas demain. Certes, il ne s’agit que d’une réparation, et elle se justifie. Elle est l’expression de la solidarité nationale, et c’est l’honneur de notre pays que de permettre le départ anticipé de ces salariés.

Je crois, pour ma part, compte tenu de la dynamique de points permise par le déplafonnement du C2P, que l’on doit pouvoir proposer à tous ceux qui ont des conditions de travail difficiles, notamment en raison du port répétitif de charges lourdes, une évolution du contenu de leur métier, une évolution professionnelle, tout en sécurisant la transition vers cette autre carrière. Cette construction d’un deuxième temps professionnel est, me semble-t-il, davantage attendue que le recours à la réparation. Pour ma part, je préfère la réorientation professionnelle. Il faut donc s’en donner les moyens et en donner les moyens à celles et ceux qui sont concernés.

Par ailleurs, il est vrai, monsieur Jumel, qu’il y a beaucoup à faire en matière de prévention. Le Fonds national de prévention, qui est actuellement doté d’une centaine de millions d’euros, pourrait sans doute être mieux utilisé. Cela pourrait relever des discussions de branche – je laisse Muriel Pénicaud avancer dans ces derniers jours de concertation. Je crois cependant que nous disposerons, dans ce domaine, de tous les éléments nécessaires avant la discussion en séance publique.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous remercie.

J’indique à ceux d’entre vous qui n’ont pas eu de réponse à leurs questions qu’ils auront d’autres occasions d’interroger M. le secrétaire d’État, car nos discussions vont durer longtemps.

La séance est levée à minuit cinq.

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2.   Table ronde avec les organisations professionnelles d’employeurs

Mercredi 29 janvier 2020

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

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La commission spéciale procède à une table ronde avec les organisations professionnelles demployeurs.

Mme Brigitte Bourguignon, présidente. Nous poursuivons les auditions relatives aux projets de loi qui ont été renvoyés à notre commission spéciale. Les réunions que nous tiendrons ce matin et cet après-midi seront consacrées à deux tables rondes avec les partenaires sociaux. Je leur souhaite, au nom des membres de la commission spéciale, la bienvenue et remercie également les organisations qui ont accepté d’y participer aujourd’hui.

Conformément aux décisions du bureau de la commission spéciale, afin de favoriser nos échanges, chaque organisation disposera d’un temps de parole de 10 minutes. Chaque rapporteur interviendra ensuite pendant trois minutes, puis chaque groupe politique disposera d’un temps de parole de 5 minutes. Après une première série de réponses, les autres collègues pourront poser leurs questions, dans un temps ne pouvant excéder une minute chacun.

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, de nous accueillir. Nous nous réjouissons d’autant plus de dialoguer avec plaisir et sérieux avec les élus de la République que nous n’avons pas eu l’occasion de le faire ces derniers temps. Le moment est important pour faire entendre notre point de vue sur la réforme du système de retraite.

Permettez-moi de rappeler, à titre liminaire, quel est notre système aujourd’hui en vigueur. On tend un peu à l’oublier, notre régime est fondé à près de 99 % sur la répartition. Dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France est le seul pays à afficher un tel pourcentage, l’Allemagne n’étant pas très loin de nous, avec 90 %. D’autres pays ont mis en place un système mixte capitalisation-répartition différent.

Ce système par répartition a pour caractéristique très importante que les actifs cotisent pour financer les pensions des retraités, en espérant que, conformément au contrat social en vigueur depuis 1945, les générations suivantes feront de même à leur tour. Évidemment, la démographie a un impact proportionnel d’autant plus fort que la répartition est importante. Elle n’a pas le même dans un régime par capitalisation, chacun cotisant pour sa propre retraite.

La démographie française est particulière : notre natalité est forte et la croissance de la population, du fait de cette dernière et de l’immigration, est plus importante que dans les autres pays d’Europe, hormis quelques exceptions comme l’Irlande. Cette démographie nous permet aujourd’hui de bénéficier d’un âge de départ à la retraite assez précoce et d’un niveau de pension assez élevé, comparés à ceux qu’offrent les autres pays européens.

Autre élément mal connu dans le débat public, l’âge légal de départ à la retraite, qui a été fixé à 62 ans, masque de très fortes disparités, bien sûr entre les secteurs privé et public, mais aussi entre salariés du secteur privé, c’est-à-dire ceux que nous employons. Aujourd’hui, grosso modo, un tiers de ces salariés liquide sa retraite avant 62 ans en faisant jouer les dispositifs existants – pénibilité, carrière longue, handicap, incapacité de travail ; un autre tiers la liquide entre 64 et 67 ans, en raison de la décote qui s’applique si l’on part à la retraite avant 67 ans en n’ayant pas tous ses trimestres ; les autres, qui représentent 40 %, partent à 63,4 ans. La réalité est donc plus complexe que l’idée que se font les Français du départ à la retraite à l’âge de 62 ans.

Pour notre part, nous n’étions pas demandeurs d’un système universel ; nous étions favorables à un régime à points entendus comme une façon de comptabiliser les années de travail au sein de notre système par répartition. C’est d’ailleurs ainsi que fonctionne, depuis 1947, le régime géré par le groupement d’intérêt économique regroupant l’AGIRC et l’ARRCO. Nous pensions plus sage et plus vertueux de distinguer trois grands régimes. L’un regrouperait la fonction publique et inclurait les régimes spéciaux. Un autre serait dédié aux salariés du secteur privé, que nous aurions cogéré avec nos partenaires syndicaux. Au passage, je rappelle que l’AGIRC-ARRCO est cogéré avec ces mêmes partenaires et qu’il a encore démontré récemment, avec l’accord signé en 2015 et entré en vigueur au 1er janvier 2019, sa capacité de gestion : il est équilibré et dispose de réserves équivalentes à six mois de prestations, soit environ 70 milliards d’euros. Cet accord prévoit d’ailleurs un âge pivot avec une décote temporaire.

Le troisième régime – sans doute le plus difficile à mettre en place, compte tenu des plus fortes disparités – s’appliquerait aux indépendants. Nous pensions que de rapprocher ces trois régimes aurait déjà constitué une réforme importante.

Compte tenu du programme présidentiel et du fait que nous sommes républicains, nous avons néanmoins discuté avec Jean-Paul Delevoye et, plus récemment, avec le Premier ministre en défendant, sans parler de lignes rouges, deux principes de base.

Le premier est l’équilibre financier. Nous ne le défendons pas uniquement par obsession budgétaire, comptable ou paramétrique, mais parce que de son respect dépend la crédibilité du système par répartition. Peut-être avez-vu lu cette étude qui montre que 80 % des moins de 30 ans pensent qu’ils n’auront pas de retraite. Il s’agit donc de ne laisser exister aucun doute sur le financement futur du système, tant à court terme, entre 2022 et 2027, compte tenu du déficit du régime actuel, qu’à moyen terme.

Le second principe que nous défendons est la non-augmentation du coût du travail, ce qui ne vous surprendra pas de la part des employeurs. Ce coût a baissé depuis 2015, année où a été instauré le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), converti depuis en baisse de charges. Depuis cette date, nous avons créé, je le dis avec le sourire, pas loin du million d’emplois qui avait suscité la polémique à l’époque. On peut certes discuter du CICE comme seule cause de cette évolution, étant entendu qu’interviennent toujours, en économie, des facteurs exogènes et conjoncturels. Il n’empêche que la baisse du coût du travail crée de l’emploi et qu’envoyer un signal politique inverse serait extrêmement dommageable à cet égard. Or moins d’emplois, c’est moins de cotisations et donc moins de finances pour les retraites : on rentrerait dans un cycle très défavorable. Nous nous préparons donc à aborder, demain, la conférence de financement dans l’esprit de parvenir à l’équilibre financier sans hausse du coût du travail – ce que dit, d’ailleurs, la lettre du Premier ministre.

Cela signifie que l’essentiel des économies nécessaires passera par une mesure d’âge. Reste à savoir laquelle. J’entends les commentaires de certains syndicats réformistes pour qui l’âge pivot tel qu’il était programmé est une mesure aveugle. Peut-être peut-on travailler à le moduler. En tout cas, fondamentalement, l’essentiel des efforts de financement nécessaires pour apporter de la crédibilité à la réforme et au régime en général doit être apporté par une telle mesure.

Cette mesure d’âge sera probablement moins exigeante que celles qu’ont adoptées nos voisins européens. Ainsi, en raison de sa démographie différente, l’Allemagne envisage actuellement de faire passer l’âge légal – et non optionnel – de 65 à 67 ans.

Si mesure d’âge il y a, les employeurs devront faire un effort en matière d’emploi, non pas des seniors – ce qui ne veut rien dire –, mais des personnes entrant dans la catégorie d’âge de 60 à 65 ans. Notre taux d’emploi de cette catégorie est, en effet, inférieur à la moyenne européenne, contrairement à celui de la catégorie des 55-60 ans, qui est aujourd’hui supérieur, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Nous avons demandé à Mme Pénicaud des statistiques sur le taux d’emploi des 60-65 ans dans le secteur public et dans le secteur privé, mais, attendant toujours sa réponse, nous ne pouvons pas montrer que, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, le privé emploie plus de seniors que le public. Si, donc, nous avons certainement des efforts à faire, nous ne sommes pas les seuls.

J’en termine en indiquant que si nous ne sommes pas parvenus à un accord dans trois mois, nous comptons sur le Gouvernement pour mettre en place une telle mesure d’âge, car elle est indispensable à l’équilibre financier des retraites.

M. François Asselin, président de la Confédération des PME (CPME). Je suis très heureux de pouvoir m’exprimer devant les élus de la République sur un sujet ô combien important.

Depuis le départ, la CPME a toujours considéré qu’il existait, comme l’a relevé Geoffroy Roux de Bézieux, trois grandes catégories d’actifs : les plus de 18 millions de salariés, les près de 6 millions de fonctionnaires et assimilés et les 3 millions de libéraux et indépendants. Je remarque que, selon notre type d’activité, nous n’appréhendons pas tous la retraite de la même façon. Le sujet épidermique de l’âge de départ n’est pas le premier que le travailleur indépendant a en tête lorsqu’il pense à la retraite. C’est pourquoi la CPME a toujours considéré que, si un régime universel était intéressant, il fallait néanmoins conserver les grandes caractéristiques propres à chaque catégorie d’actifs.

Nous étions, pour notre part, favorables à un régime universel plafonné à 40 000 euros de revenus, c’est-à-dire à un plafond annuel de sécurité sociale (PASS), qui concernerait à peu près 75 % des actifs, avec, en parallèle, trois grands régimes complémentaires obligatoires qui seraient gérés selon la même règle d’or que l’AGIRC-ARRCO – interdiction de s’endetter, obligation d’équilibrer, et si jamais il y a dette, l’encadrer par une doctrine pour ne pas mettre la poussière sous le tapis. On s’affranchit ainsi de la garantie de l’État en appliquant le principe de subsidiarité dans son acception la plus noble.

Le pouvoir exécutif a fait un autre choix, celui de porter cette cotisation universelle jusqu’à 120 000 euros, ce qui rebat toutes les cartes. Cette réforme, qui est nécessaire, est peut-être un peu trop ambitieuse en ce qu’elle gomme ces particularités, qui sont réelles.

Il ne peut y avoir de réforme crédible qui ne soit pas équilibrée : dans le cas contraire, nous nous mentirions tous. À l’évidence, la réalité de l’évolution démographique se dresse, tel un mur, devant nous. D’ailleurs, si cette réforme devait ne pas aboutir, la situation nécessiterait que les partenaires sociaux se mettent rapidement autour de la table pour trouver des mesures d’équilibre dans le système actuel. De toute façon, quel que soit le système choisi et qu’on le veuille ou non, il faudra bien trouver le moyen d’atteindre l’équilibre et de faire en sorte que les pensions restent une réalité pour les retraités d’aujourd’hui et de demain.

D’emblée, la CPME a considéré qu’il ne servait à rien de tourner autour du pot : à partir du moment où tous, salariés comme employeurs, nous sommes d’accord qu’il ne faut pas baisser les pensions ni augmenter les cotisations, la France étant déjà le pays d’Europe qui consacre le plus d’argent à son système de retraite, il reste une mesure d’âge. Nous étions plutôt favorables à un report de l’âge légal de la retraite à 63 ans assorti de mesures incitatives plutôt que négatives, pour encourager les actifs à rester plus longtemps dans la vie active.

Pour autant – c’est le patron de petite et moyenne entreprises (PME) qui emploie des menuisiers et des charpentiers qui parle –, il faut reconnaître que lorsque l’on commence à travailler jeune, parfois avant sa majorité, il est tout à fait normal que l’on puisse partir un peu plus tôt à la retraite. Certains métiers également, de beaux métiers, sont physiquement plus exposés que d’autres, qu’il faut pouvoir prendre en considération. Je fais, en l’espèce, allusion à la pénibilité, un terme que je n’aime absolument pas.

M. Régis Juanico. Elle existe pourtant !

M. François Asselin, président de la CPME. Oui, bien sûr, mais il ne faut pas se tromper de combat : il faut lutter contre la pénibilité, mais il ne faut pas tuer le travail.

Nous pensons que l’on pourrait régler à la fois la question des carrières longues et celle des métiers physiquement exposés, en décidant, au niveau interprofessionnel – surtout pas de l’entreprise, qui est incapable de calculer la fréquence et la durée de manutention des charges lourdes ou d’exposition aux vibrations ou décibels –, de l’éligibilité de tel métier au dispositif relatif à la pénibilité. S’il a été pratiqué pendant un certain temps, qu’il faudra définir et qui nécessitera des projections financières, ce métier donnerait droit à un temps supplémentaire de retraite. Comme ils se conjuguent souvent avec une carrière longue, les métiers en question pourraient continuer à bénéficier du dispositif actuel, à savoir partir à la retraite dès 60 ans, si l’âge pivot était fixé à 64 ans.

Telle est la position de la CPME sur la pénibilité. Le dispositif ne peut être crédible que si la cartographie des métiers potentiellement exposés est établie de façon interprofessionnelle, et si le temps supplémentaire de retraite susceptible d’être accordé aux salariés concernés est calculé en fonction de la durée d’activité qu’ils ont eue dans ces métiers.

Pourquoi sommes-nous contre l’augmentation des cotisations ? Celles-ci, vous le savez, sont réglées à 60 % – en tout cas dans le secteur marchand – par les employeurs et à 40 % par les salariés. Dans notre pays, c’est un vrai combat que d’éviter toute dérive du coût du travail. Nous n’évoluons pas tout seuls, il y a une concurrence internationale, et même nationale. Il importe donc de veiller à ce que le coût du travail en France demeure compatible avec celui de nos concurrents : on le sait, au moindre décrochage, c’est immédiatement du chômage.

Augmenter la part salariale reviendrait non seulement à rogner le pouvoir d’achat mais aussi, puisque notre système par répartition fonctionne par la solidarité intergénérationnelle, à refiler aux générations montantes le poids de son financement. Je crains qu’en empruntant cette voie, on n’engendre une guerre des générations : dans trente ou quarante ans, les actifs pourraient trouver injuste d’être fortement ponctionnés pour des retraités qui seraient partis à la retraite beaucoup plus tôt qu’ils ne le pourraient eux-mêmes. Les termes du débat s’en trouveraient alors inversés. Ne reste donc plus, encore, que la mesure d’âge assortie des éléments régulateurs attachés aux carrières longues et aux métiers physiquement exposés.

Nous avons imaginé que ce futur système puisse également encourager les actifs à mettre de l’argent de côté dans un compte épargne bonus qui servirait à convertir des jours de congés payés ou issus d’un dispositif de réduction du temps de travail, des primes ou des heures supplémentaires. Ce compte, qui ne serait, bien entendu, liquidé qu’au moment de la retraite, permettrait d’amortir le coût d’un éventuel malus. Il ne s’agirait pas d’un compte épargne-temps ; il ne jouerait que pour la retraite. Ce dispositif existe d’ailleurs déjà dans certains secteurs d’activité, en lien avec le plan d’épargne pour la retraite collectif ou le plan d’épargne retraite.

Enfin – et je me prépare, en disant cela, à des dîners familiaux un peu compliqués –, il me semble que la solidarité intergénérationnelle sur laquelle est fondé notre régime par répartition demande que l’on remédie au décalage observé entre les actifs et les retraités au regard de l’assujettissement à la contribution sociale généralisée (CSG). Tout le monde doit se voir appliquer le taux de 9,2 %, alors qu’il est de 8,3 % pour certains retraités. Lorsque l’on bénéficie d’une retraite financée par ses contemporains actifs, c’est une éventualité qui paraît normale à envisager. Je conviens toutefois que, politiquement, elle soit difficile à défendre.

M. Alain Griset, président de lUnion des entreprises de proximité (U2P). Nous sommes bien conscients que la réforme des retraites est un sujet complexe qui touche tous les Français. Depuis maintenant dix-huit mois, l’U2P a essayé d’y apporter sa contribution, forte de sa particularité, puisque notre organisation a la chance de regrouper près de 2,8 millions d’entreprises ayant à leur tête des artisans, des commerçants et des professionnels libéraux, chacune de ces catégories présentant des situations extrêmement diverses au regard de la retraite. Nous avons travaillé avec le haut-commissaire à la réforme des retraites et ses collaborateurs en vue de formuler des propositions.

Si beaucoup de nos adhérents, notamment professionnels libéraux, disposent de retraites assez conséquentes, celles que touchent les artisans sont bien souvent très modestes. Nombreux sont ceux qui ont des carrières très longues, ayant commencé à travailler à l’âge de 14 ou 15 ans ; leur situation constituait donc, pour nous, une priorité. Certains professionnels, tels les médecins, entrent, eux, dans la vie active beaucoup plus tard et effectuent donc des carrières très courtes.

Onze caisses différentes gèrent, au sein de régimes autonomes qui ne soulèvent pour l’instant pas de difficultés particulières, la retraite des professionnels libéraux, alors que les artisans commerçants n’en comptent plus qu’une. S’il fallait trouver un avantage au Régime social des indépendants (RSI), qui a occasionné beaucoup de difficultés, ce serait ce regroupement unitaire.

D’une façon générale, comme l’ont dit Geoffroy Roux de Bézieux et François Asselin, nous n’étions pas favorables à un régime universel allant jusqu’à 3 PASS, c’est‑à‑dire 120 000 euros, dans la mesure où seuls 350 000 Français dépassent ce seuil. Cela priverait les indépendants de toute initiative individuelle, à rebours de leur état d’esprit, même s’il est vrai que les revenus de beaucoup de nos adhérents, notamment les artisans, sont inférieurs à 40 000 euros, c’est-à-dire à 1 PASS.

Les cotisations des artisans constituent un sujet particulier, qui a d’ailleurs été repris par le haut-commissaire : d’une part, l’assiette ne leur est aujourd’hui pas du tout favorable ; d’autre part, si le taux devait passer de 24,75 % à 28,12 %, ce serait, pour nous, très problématique. Nous apprécions que le projet de loi envisage une assiette compatible avec la non-augmentation des cotisations compte tenu du relèvement du taux.

Toutefois, certains de nos adhérents qui exercent des professions libérales sont assujettis à des taux supérieurs à 28,12 %. Ils s’interrogent sur les conséquences potentielles de la baisse de leurs cotisations sur le niveau de leur pension, et demandent donc très clairement le maintien d’un régime complémentaire de branche, de façon que ce niveau reste inchangé.

Par ailleurs, nous sommes très intéressés par le minimum de retraite à 1 000 euros, tout en nous interrogeant sur les conditions d’accès à ce niveau de pension. Il se pourrait qu’elles soient votées ici, au Parlement, de telle sorte qu’elles ne seraient applicables qu’à peu de nos adhérents. Nous vous appelons donc à la vigilance sur ce point. Pour le dire de façon très claire, par rapport au minimum vieillesse de 900 euros – pas du tout injustifié – que toucheraient des gens qui auraient peu travaillé, il ne nous paraît pas injuste que ceux qui auraient effectué une carrière complète touchent 1 000 euros. Et encore cette différence nous paraît-elle insuffisante. Nous souhaiterions donc que le minimum de retraite soit porté à hauteur du SMIC, à des conditions d’accès compatibles avec la situation de nos entreprises.

S’agissant de la pénibilité, nous partageons naturellement le point de vue selon lequel la mesure ne doit pas en incomber à nos entreprises. Quand vous êtes artisan dans le bâtiment et que vous employez trois salariés, il vous est impossible de remplir des cases pour distinguer entre les heures pénibles effectuées dans la journée et les autres. C’est impossible à vivre et à mettre en œuvre !

En revanche, nous ne nions pas que certains de nos adhérents méritent, du fait de leur métier, de pouvoir partir plus tôt. Nous sommes même demandeurs d’un élargissement de ce dispositif aux indépendants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Un artisan couvreur monte sur les toits de la même façon que son salarié, et il n’y a pas de raison pour qu’il ne soit pas traité de la même façon – à condition que la pénibilité ne soit pas mesurée par l’entreprise elle-même, car c’est totalement impossible

Il serait anormal que je n’évoque pas les réserves des caisses. Que ce soit chez les professionnels libéraux ou chez les artisans, elles ont été gérées comme il convient, c’est‑à‑dire avec prévoyance. Nous estimons donc tout à fait normal de réaffecter les réserves actuelles aux professions qui les ont constituées. Quant à la gouvernance, à ce stade, il nous a seulement été indiqué que les partenaires sociaux en seraient partie prenante, mais sans que soit bien précisée leur marge de manœuvre.

Je suis naturellement d’accord avec mes homologues : il est inenvisageable, y compris pour les plus jeunes, de bâtir un régime qui ne soit pas équilibré en perspective. Nous l’indiquerons dans le cadre de la conférence de financement, un régime de retraite bâti pour de longues années implique de réfléchir à l’évolution du monde du travail. Aujourd’hui, les retraites sont assises sur le travail, mais les métiers évoluant, nous devrons sans doute nous interroger sur une évolution également du système dans les prochaines années.

Enfin, la valeur du point constitue un élément fondamental du système. Comme nos collègues, nous ne sommes pas favorables à une baisse des pensions. Le système de valorisation du point doit donc garantir à chacun son droit à la retraite et la possibilité de l’évaluer suffisamment tôt sans que les aléas liés à des décisions prises ici ou là puissent la remettre en cause.

M. Robert Verger, président de la commission sociale de la Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA). Le monde agricole a comme particularité d’avoir les retraites les plus petites qui soient servies en France aujourd’hui. Cela explique que nous demandions depuis longtemps une réforme systémique, afin d’aller vers un peu plus d’uniformité, car, à cotisations identiques, ce que touchent les agriculteurs à la retraite est bien loin de qui est observé dans d’autres secteurs.

Au cours de la concertation qui a été menée depuis dix-huit mois, nous avons été entendus sur nombre de points. Nous avons notamment fortement défendu le minimum de retraite à 85 % du SMIC, avec son inscription dans le marbre, et des cotisations minimales correspondant à ce minimum de retraite.

Le Gouvernement s’est engagé à traiter, parallèlement à la réforme et de façon correcte, le cas des retraités actuels. Porter le montant minimal de leur pension également à 85 % du SMIC fait encore partie des sujets de négociation. Ces demandes ne sont pas mirobolantes, il ne s’agit que de revenir à la réalité. Un premier pas avait déjà été fait, à 75 % du SMIC, il s’agit donc aujourd’hui d’arriver à 85 %, sachant qu’une grande partie de nos retraités agricoles ne touche pas plus de 750 euros par mois. Pour des gens qui ont travaillé toute leur vie et nourri la population, c’est un montant ridicule, alors que la retraite moyenne est de 1 390 euros nets par mois. L’engagement d’amener tout le monde à 85 % du SMIC, le monde agricole en a toujours été exclu. Notre objectif, dans le cadre de ce projet de loi, est donc clair : l’équité doit valoir pour tous.

Pour avancer dans ce projet de réforme, nous avons besoin de clarifier le niveau des cotisations des actifs dans le futur système. Je l’ai dit, nous sommes favorables à la réforme et à l’actualisation des cotisations, avec un minimum. Le taux de cotisation va passer de 21,11 % aujourd’hui à 28,12 %. Nous avons négocié la refonte de l’assiette de la CSG, que nous payons, depuis sa mise en place, sur des assiettes « super-brutes », c’est-à-dire que nous cotisons à fonds perdus. Cette réadaptation d’assiette va contribuer à minimiser la hausse de ces cotisations, qui vont être transformées en points retraite, ce qui nous va bien.

Nous avons, cependant, un souci pour la génération des agriculteurs nés jusqu’en 1975 : ils vont faire leur entrée dans le nouveau système de cotisation, mais liquideront leur retraite aux conditions actuelles et ne percevront pas le bénéfice conséquent de cette hausse. En effet, notre système de liquidation obéit à des plafonds qui nous causent quelques inquiétudes, quand bien même nos adhérents vont cotiser pour la solidarité. Nous avons demandé que l’on nous communique des chiffres très précis sur ce point, mais nous sommes encore dans l’impasse. Il importe donc de clarifier l’impact de la réforme pour cette génération.

Nous sommes aussi préoccupés pour les jeunes agriculteurs, qui constituent une autre de nos priorités, puisque notre réseau défend le renouvellement des générations. Ces jeunes bénéficient aujourd’hui d’exonérations de cotisations pour faciliter leur installation : elles ne sauraient être remises en compte dans le futur système.

La retraite à 1 000 euros pour une carrière complète doit également bénéficier aux chefs d’exploitation. Beaucoup d’agriculteurs ont démarré en tant qu’aides familiaux ou salariés agricoles, et nous avons l’impression qu’ils ne seront pas concernés par cette pension plancher. Nous poussons fortement pour que les anciens retraités soient intégrés dans le dispositif, mais nous le faisons aussi pour toute une frange d’agriculteurs qui risquent d’en être exclus, même dans le cadre de la future réforme. Nous parlons bien de carrières complètes, mais de carrières complètes agricoles.

Bien sûr, le cas des conjoints collaborateurs doit également être réglé. Il s’agit d’une catégorie essentiellement féminine, qui s’essouffle, puisque nous en perdons 9 % par an, et qui est assujettie à des cotisations de très faible niveau. Nous demandons que leurs cotisations soient ramenées au niveau des minimums afin qu’elles disposent demain d’une retraite minimale, comme tout le monde. Même si cela implique d’augmenter le niveau de leurs cotisations, nous sommes prêts à le supporter si cela permet de les amener demain au niveau de la pension plancher, dans la mesure où les intéressées ne touchent aujourd’hui que 550 euros par mois. Que fait-on aujourd’hui, avec une somme pareille, alors que l’on a travaillé toute sa vie ?

Un de nos autres soucis est la bonification pour enfants, qui doit être améliorée. Nous nous sommes toujours battus pour qu’elle soit forfaitisée et non calculée au pourcentage. Une bonification de 5 % sur une base de 1 000 euros équivaut à 50 euros, et à 150 euros sur une base de 3 000 euros. Les agriculteurs se trouvent donc encore pénalisés, d’où la demande de forfaitisation des bonifications : un enfant représente les mêmes charges que l’on dispose d’un petit revenu ou d’un gros.

Nous avons noté une avancée sur le cumul emploi-retraite. Compte tenu de la faiblesse du montant des pensions, nombre de retraités agricoles continuent de travailler dans le cadre d’activités saisonnières ou de remplacements. Nous demandons cependant que les choses soient bien clarifiées : de même que le code rural impose à l’agriculteur, pour toucher sa retraite, d’arrêter son activité agricole et de libérer ses terrains, demain, dans le cadre du régime unique de retraite, les mêmes règles devront s’appliquer à toutes les catégories socioprofessionnelles ; on ne peut pas toucher une retraite dans une autre activité. Tout le monde doit être logé à la même enseigne.

S’agissant du compte pénibilité, nous considérons qu’il doit être maintenu tel quel. Je rejoins en cela les représentants des artisans et commerçants. Bien souvent, les agriculteurs travaillent seuls dans leur exploitation. Comment voulez-vous qu’ils enregistrent le temps passé à des tâches pénibles, et comment voulez-vous qu’il n’y ait pas de dérives ? Qui contrôlera ? Comment une machine administrative peut-elle gérer cette question ? Les risques de dérive sont trop importants. Aujourd’hui, les critères tels qu’ils sont appliqués aux employeurs nous conviennent, nous n’en demandons pas l’extension et surtout pas au collège des exploitants agricoles. Puisque nous sommes les seuls garants et gestionnaires de nos exploitations, la gestion nous en reviendra pour nos propres moyens. Très vite, nous nous trouverons face à une usine à gaz insurmontable et incontrôlable.

Pour ce qui est de la gouvernance, nous revendiquons un poste dans la gestion de la future Caisse nationale de retraite. Notre organisme de protection sociale est très présent sur le terrain ; il restera l’interlocuteur du monde agricole, mais pourrait tout à fait élargir son public, compte tenu de son implantation. Nous tenons à conserver le guichet unique du régime agricole, mais nous entendons également participer à la gouvernance de la future Caisse de retraite, le rang de deuxième système de protection sociale en France de notre régime nous donnant toute légitimité pour cela.

M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Au‑delà des questions d’équilibre, nous vous avons peu entendus sur la gouvernance proposée. Quel regard y portez‑vous et quelles évolutions pourraient, selon vous, y être apportées ?

S’agissant des carrières longues, vous avez proposé, monsieur Asselin, de maintenir le dispositif et, éventuellement, de le faire évoluer. Selon vous, quelles formes pourrait prendre cette évolution si l’on envisage ce que pourrait être une carrière longue demain ?

Notre système de retraite ne peut pas réparer toutes les inégalités de la société et du monde du travail. C’est au sein de ce dernier qu’il faut traiter les difficultés. La première d’entre elles, que vous êtes plusieurs à avoir abordée, concerne l’emploi des seniors. Il ne faut pas se le cacher, notre pays n’obtient pas de bons résultats en la matière. D’une manière générale, la France maltraite ses jeunes et ses aînés. Quelle politique pouvons-nous mettre en œuvre pour renforcer l’accès à l’emploi de ces deux catégories et le maintien dans l’emploi de nos aînés, tout en favorisant les constructions progressives de fin de carrière ?

Les inégalités entre les femmes et les hommes doivent aussi être traitées tout au long de la carrière. À cet effet, un index de l’égalité professionnelle a été créé il y a un an. Pouvez-vous nous dire de quelle façon il se met en place ? A-t-il donné de premiers résultats ? Les entreprises qui rencontrent des difficultés pour instaurer des mesures en faveur de l’égalité sont-elles accompagnées ?

Enfin, il existe dans notre pays un mal‑être au travail particulièrement fort. À ce sujet, le Bureau international du travail publie un chiffre éloquent. Ce phénomène est souvent lié au stress, il se traduit par des accidents du travail et des maladies professionnelles. Son coût est évalué à près de 60 milliards d’euros, soit 3 % du produit intérieur brut (PIB). Comment renforcer les politiques de prévention et améliorer les conditions de travail de nos concitoyennes et de nos concitoyens ?

M. Olivier Véran, rapporteur du projet de loi organique. Le projet de loi organique prévoit un cycle quinquennal de régulation de l’équilibre financier du système des retraites. Or on considère traditionnellement que les cycles économiques ont une durée de dix ans. Êtes-vous favorable à la périodisation de cinq ans ou auriez-vous souhaité des paliers décennaux ? Pour vous, la règle d’or, qui contraint le Gouvernement à respecter de manière très régulière l’équilibre financier du système, est-elle un gage de sérieux, ou la percevez-vous comme une contrainte pour le régime ?

L’extension du champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) aux retraites complémentaires va sans doute quelque peu accroître la place de la représentation nationale dans la gestion du système. D’un autre côté, avec la conférence des financeurs, vous aurez un lieu où vous exprimer et formuler des propositions. Globalement, comment jugez-vous la place que vous occupez au sein de la nouvelle organisation ?

Dans vos propos liminaires, vous sembliez regretter qu’on ne laisse pas davantage de place à la capitalisation. J’en fais la remarque pour rappeler que le projet du Gouvernement tend effectivement à conforter le système par répartition au détriment de la capitalisation. Pressentant que le mot « capitalisation » risque de revenir souvent sur le tapis au cours des prochaines semaines, je trouvais intéressant de relever ce constat dressé par les premiers intéressés, qui va plutôt dans notre sens.

Dans le cadre de la conférence des financeurs, aurez-vous des propositions à formuler s’agissant de la participation des employeurs à l’effort qui devra être accompli pour ramener le système à l’équilibre ? Il nous est arrivé ici de débattre, dans le cadre des PLFSS, d’allégements généraux de cotisations, qui ne se sont guère montrés probants sur les gains de productivité pour les entreprises. Sans nullement grever la compétitivité de ces dernières – ce n’est pas notre objectif, surtout en ce moment –, vous semble-t-il envisageable de supprimer ou de redéfinir certains allégements généraux ? Par exemple, nous avons discuté du fameux « bandeau familles » – soit les allégements généraux en faveur des familles au-delà de 2,5 SMIC – qui n’avait pas d’effet positif sur la compétitivité mais engendrait une perte substantielle de cotisations pour le régime de protection sociale. Or notre système aime opérer des bascules entre les branches de la sécurité sociale. Pourrait-on envisager, demain, une participation des employeurs à l’effort de guerre ?

M. Nicolas Turquois, rapporteur du titre Ier du projet de loi ordinaire. Je voudrais vous interroger sur la philosophie de la réforme. Vous auriez souhaité, avez-vous indiqué, une organisation en trois régimes de retraite. Les entreprises relevant de vos organisations nous disent toutes qu’elles ont du mal à recruter les compétences dont elles ont besoin. Ne pensez-vous pas que la réforme, en lissant les statuts – qui ont des conséquences importantes en matière de retraite – facilitera la mobilité professionnelle ? Celle-ci est en effet limitée dans nos territoires, notamment ceux qui sont éloignés des centres urbains.

J’en viens plus spécifiquement au titre Ier, qui contient des mesures essentielles sur les affiliations et les règles de calcul des pensions et des cotisations. Tout système d’assurance sociale est assorti d’un plafond : 40 000 euros pour la sécurité sociale, 330 000 euros pour le régime complémentaire. Il est proposé de plafonner le nouveau système à 120 000 euros par an. Ce choix me semble concilier l’ambition d’universalité – 99 % des salariés étant entièrement couverts – et l’exigence de justice redistributive. Comment jugez‑vous les effets de la réforme au regard des principes d’équité et de bonne gestion ? Quelle transition vous semblerait nécessaire ?

S’agissant des transitions, nombreuses sont celles qu’il faut organiser en matière de cotisations. Si le projet retient comme cible les règles actuellement applicables aux salariés, d’autres catégories professionnelles verront leur taux et leur assiette de cotisations profondément remaniés – les fonctionnaires, bien sûr, mais aussi certains indépendants et des salariés relevant de régimes spéciaux. Avez-vous, en tant qu’employeur, des attentes particulières sur les choix qui seront faits en la matière ? Pour quelles transitions vous paraît-il nécessaire de prévoir un temps assez long ? De manière générale, les modalités de transition vous conviennent-elles ?

Enfin, j’aimerais poser une question aux représentants de la FNSEA sur un sujet qui dépasse le périmètre du titre Ier mais qui m’est cher : le statut futur du conjoint collaborateur. J’ai du mal à percevoir comment son évolution pourrait contribuer au rapprochement des conditions de travail entre hommes et femmes. Je considère qu’il a tendance à maintenir les femmes dans une forme de précarité. Il a contribué, en son temps, à leur fournir une protection sociale ; comment envisagez-vous son avenir ?

M. Jacques Maire, rapporteur du titre II du projet de loi ordinaire. Le taux d’activité des seniors est un sujet essentiel. Des dispositifs existent pour remédier à sa faiblesse, tels le cumul emploi-retraite et la retraite progressive, mais on constate une certaine frilosité dans le recours à cette dernière. Les chiffres ne progressent que lentement. Dès lors, on peut voir un léger paradoxe à ce que le projet de loi relève l’âge minimal de départ en retraite progressive de 60 à 62 ans. De votre point de vue, quels sont les facteurs de blocage ? Que proposeriez-vous concrètement pour dynamiser la retraite progressive ?

J’en viens à un deuxième sujet, tout aussi important : la pénibilité. Là aussi, le projet de loi introduit une réforme d’ampleur, puisqu’il ouvre le dispositif du compte professionnel de prévention (C2P) aux fonctionnaires. Aujourd’hui, le financement de la mesure est assez basique, car il ne relie pas la pénibilité de l’entreprise à son niveau de cotisations. Considérez-vous qu’il serait intéressant d’établir ce lien et d’appliquer un principe « pénible payeur », qui permettrait de dynamiser les engagements en matière de prévention ?

S’agissant des facteurs de risque en l’absence de C2P, les prises de position de M. Asselin et de M. Griset m’ont beaucoup intéressé, qui tiennent au fait que le chef d’entreprise partage, pour une large part, la situation de son salarié, une spécificité que n’a pas mentionnée le MEDEF. Monsieur Roux de Bézieux, quel est le point de vue du MEDEF à ce sujet ? Seriez-vous favorable à un dispositif qui traiterait de façon horizontale, sans contraintes bureaucratiques, sur la base d’accords de branche et de référentiels reconnus, les facteurs de pénibilité, et qui permettrait d’alimenter le C2P ?

Enfin, monsieur Verger, j’ai été étonné d’entendre que vous étiez quelque peu réticent à envisager que l’agriculteur procède à la cession partielle de son exploitation lorsqu’il prend sa préretraite progressive. J’avais le sentiment que la profession manifestait le souhait d’accompagner le renouvellement des exploitations et d’assurer leur transmission en bon état.

Mme Corinne Vignon, rapporteure du titre III du projet de loi ordinaire. Je suis convaincue que le projet de loi permettra de sécuriser la retraite de ceux de nos concitoyens qui ont travaillé toute leur vie ou qui ont connu des interruptions de carrière involontaires – pour cause de chômage, de maladie ou d’invalidité – ou subies, par exemple pour élever un enfant handicapé.

Comment, à votre avis, mieux prendre en compte les périodes d’études ou de stage pour les jeunes ? Le projet de loi prévoit le rachat de périodes de stage ou d’études supérieures dans les mêmes conditions qu’actuellement, mais comment pourrait-on aller plus loin, notamment concernant les stages ? Dans le cas des stages longs, qui donnent lieu à une gratification minimale – qui est de l’ordre de 577 euros mensuels – peut-on imaginer un dispositif qui obligerait l’employeur à cotiser pour le stagiaire, ce qui permettrait à ce dernier d’acquérir des points de retraite ?

Mme Carole Grandjean, rapporteure du titre IV du projet de loi ordinaire. En votre qualité de partenaires sociaux, vous occuperez une place de premier plan au sein du conseil d’administration de la future Caisse nationale de retraite universelle (CNRU). C’est un outil essentiel au pilotage du système universel, qui permettra de valoriser les complémentarités entre démocratie sociale et démocratie parlementaire.

Le choix de la confiance dans le paritarisme ne saurait pour autant laisser de côté le Parlement. Par quels leviers envisagez-vous d’associer et d’informer celui-ci ? Quelle place imaginez-vous pour la démocratie parlementaire dans cette future organisation, sans complexifier ni alourdir les procédures ?

Le fonctionnement concret de la future CNRU est renvoyé à une ordonnance. Selon le modèle traditionnel des établissements publics administratifs, un directeur général et un conseil d’administration exerceront conjointement les responsabilités. Quelle est votre conception de l’articulation entre les missions du directeur général et celles du conseil d’administration ? Quelle place envisagez-vous de confier à la future assemblée générale et au conseil citoyen ?

Quelles sont vos propositions concernant l’élaboration du schéma de transformation ? Certaines priorités de nature à garantir la réussite de la transformation vous paraissent‑elles absentes du projet de loi déposé au Parlement ?

Enfin, le pilotage annuel et pluriannuel du système par la CNRU s’appuiera sur des projections indépendantes et actualisées. Le nouveau comité d’expertise indépendant des retraites jouera, à ce titre, un rôle central pour garantir l’information. Dans ce contexte, comment concevez-vous l’articulation de vos travaux avec ceux du Conseil d’orientation des retraites(COR) ?

Nous aurons l’occasion, dès la semaine prochaine, en commission, d’apporter des clarifications à certaines dispositions du projet de loi, dans le respect de la confiance accordée aux acteurs du paritarisme et de notre engagement d’équilibre.

M. Sébastien Jumel. Sept rapporteurs, c’est insupportable !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Monsieur Jumel, nous avons décidé de cette organisation, hier, en réunion de bureau. Souffrez que les rapporteurs parlent 3 minutes chacun sur leur titre et qu’ils interrogent les organisations patronales et syndicales autant que vous. On ne remet pas en question, en cours de réunion, l’organisation de nos travaux. Les représentants des groupes s’exprimeront après les rapporteurs.

M. Sébastien Jumel. Cette façon de squeezer le débat est inadmissible ! Vous endormez l’Assemblée !

M. Paul Christophe, rapporteur du titre V du projet de loi ordinaire. Messieurs les représentants des organisations patronales, partagez-vous la vision d’ensemble qui inspire la réforme systémique des retraites ? Trouvez-vous ses apports opportuns ? Certaines mesures, comme la conservation à 100 % des droits constitués avant l’entrée en vigueur du système universel, suscitent des interrogations légitimes : les partagez‑vous ?

Trois sujets me paraissent essentiels, à quelques jours de l’examen du projet de loi en commission.

D’abord, la phase de transition jouera un rôle-clé dans le succès du déploiement du système universel de retraite. Cette transition sera déterminante pour assurer la conversion des droits acquis et valoriser l’ensemble des carrières à hauteur des efforts contributifs des assurés. Quelles priorités vous semblent devoir être prises en compte pour assurer le succès de cette conversion ? Par quels outils et leviers comptez-vous être associés à la phase de transition ?

Ensuite, la suppression de l’obligation d’affiliation au régime de retraite complémentaire est une conséquence logique du nouveau régime universel lisible et transparent. Au‑delà de la phase de transition, le rôle des organismes qui gèrent actuellement ces régimes n’est toutefois pas clairement arrêté. Quelles garanties envisagez-vous pour que, demain, l’ensemble des agents qui composent ces régimes complémentaires participent effectivement au système universel ? Comment analysez-vous le sort particulier réservé au personnel navigant, dont l’affiliation à un régime complémentaire sera maintenue, à titre dérogatoire ?

Enfin, le choix d’une pluralité de dates d’entrée en vigueur, énoncé à l’article 63, est la traduction pragmatique de la mise en place progressive du système universel au fil des générations. Il conviendra d’associer les partenaires sociaux et le Parlement à ces différentes échéances et d’assurer une information régulière sur l’avancement des travaux. Quels outils de suivi des phases d’application de la réforme pourrait-on, selon vous, instituer ?

Mme Catherine Fabre. Les partenaires sociaux sont au cœur du projet de loi de la réforme des retraites. Vous avez largement contribué, en effet, à la préparation du projet, en concertation avec le Gouvernement, depuis presque deux ans. Nous notons les progrès que vous avez soulignés, notamment pour les commerçants, les artisans et les agriculteurs, autant de catégories professionnelles fortement sécurisées par la réforme. Nous prenons aussi acte des opportunités que vous avez identifiées et des points de vigilance sur lesquels vous avez insisté.

Votre regard expérimenté nous serait fort utile s’agissant du régime à points proposé et des mécanismes de gouvernance associés. La conférence sur le financement et l’équilibre des retraites, dont vous êtes pleinement partie prenante, s’ouvre demain. Elle a pour objectif d’élaborer des mesures de nature à restaurer l’équilibre financier du système de retraite d’ici à 2027. Avant que vous ne rendiez vos conclusions, d’ici à la fin avril, nous souhaiterions savoir dans quel état d’esprit vous abordez la conférence. Comment envisagez‑vous l’articulation de la prise en compte de la pénibilité des métiers avec le retour à l’équilibre ?

Le projet de loi renvoie à des ordonnances ou à des décrets le soin d’apporter des précisions sur les transitions de chacun des régimes vers le système cible. Le Parlement fixe le cadre, et les parties au dialogue social en spécifieront les modalités. Dans la mesure du possible, au cours des débats parlementaires, nous transformerons certaines habilitations en dispositions légales. Pouvez-vous dresser un bilan d’étape des concertations ? À cet égard, y a-t-il des éléments que vous souhaitez porter à notre connaissance ?

Enfin, je souhaite mettre l’accent sur deux objets d’attention pour le groupe La République en Marche, car ce sont des enjeux majeurs et indissociables de la réforme : la pénibilité et l’emploi des seniors.

S’agissant de la pénibilité, les chiffres montrent une corrélation significative entre, d’une part, les conditions de travail et, d’autre part, le bien-vivre et le bien-vieillir au travail puis à la retraite. Des négociations sont en cours avec la ministre du travail sur tous les volets du dossier : la prévention, la reconversion et la réparation. Nous nous réjouissons de cette ouverture de la concertation. Nous considérons que les entreprises et les organisations patronales ont un rôle majeur à jouer dans la prise en considération de la pénibilité dans les branches et les entreprises. Les sujets sont nombreux : la reconnaissance de la pénibilité, qui suppose l’identification des expositions aux risques ; la prise en considération de la poly‑exposition ; les bonnes pratiques en matière de prévention ; les conséquences de la pénibilité sur les retraites ; le temps de travail ; les dispositifs de reconversion. Si nous entendons la condition d’applicabilité que vous soulignez à l’unisson, nous sommes toutefois convaincus de la nécessité impérieuse d’avancer sur tous ces sujets. Quelles responsabilités estimez-vous devoir assumer dans la prévention de la pénibilité au travail ? Dans quelle mesure êtes-vous prêts à vous engager dans cette direction ?

S’agissant des seniors, on qualifie souvent ainsi des actifs à partir de l’âge de 45 ou 50 ans, c’est-à-dire plus de quinze ans avant leur départ à la retraite. Ils connaissent un des plus faibles taux d’emploi au sein des pays développés. La France peut et doit progresser ; il n’y a pas de fatalité. Il nous faut collectivement reconnaître que les plans seniors dans les entreprises sont peu ambitieux et que les sociétés ne se sont pas encore saisies pleinement du sujet. Alors que s’engage la réforme de notre système de retraite, il est indispensable d’obtenir des résultats en ce domaine. Le Gouvernement s’est fortement impliqué en confiant, à Sophie Bellon une mission et à Muriel Pénicaud l’ouverture de concertations avec vos organisations. Nous soutenons sans réserve cette dynamique. Que pouvez-vous nous en dire ? Quelle est votre ambition en matière d’emploi des seniors ? Dans le cadre de la réforme des retraites, quelles mesures d’incitation ou d’accompagnement pourraient, selon vous, favoriser la retraite progressive ? Nous vous attendons vraiment sur tous ces sujets.

M. Stéphane Viry. Je crois me faire le porte-parole des groupes de la minorité en disant notre regret que ceux-ci ne disposent que de 5 minutes pour s’exprimer, à la suite des interventions des sept rapporteurs. Ces derniers ont leur propre regard et nous le respectons, mais cela donne à réfléchir sur la façon, peut-être un peu hâtive, dont nous avons défini l’organisation de nos travaux hier après-midi, en réunion de bureau. L’exigence de pluralité et l’importance de ce texte justifieraient peut-être, madame la présidente, que l’on revoie certaines dispositions.

M. Sébastien Jumel. Ce serait la moindre des choses !

M. Stéphane Viry. Le sujet essentiel des retraites doit être abordé avec tout l’humanisme qu’il implique. Le troisième ou quatrième temps de vie est une période qui doit être considérée par la collectivité nationale comme un moment important, pendant lequel le respect de la dignité des hommes et des femmes doit être assuré. Le système de retraite n’est pas qu’une question d’arithmétique et de comptabilité, il doit également renforcer le pacte républicain et le contrat social en garantissant l’assentiment de la nation sur le traitement réservé à nos aînés. Cependant, il requiert toute notre vigilance, parce que plus de 300 milliards d’euros sont en jeu, l’équivalent de 14 % à 15 % du PIB.

À l’évidence, le sujet requiert de la confiance. On ne peut pas aborder ce texte ni écrire une nouvelle page de notre histoire sans faire montre de clarté et de responsabilité. La « loi Woerth » du 9 novembre 2010 avait préfiguré nos débats actuels. La question est de savoir si, globalement, on prend le sujet dans le bon sens. Pour notre part, c’est l’équilibre financier du système, la soutenabilité du régime qui importent. On ne pourra pas adresser un message clair aux Français et leur garantir un niveau de pension si on ne s’assure pas que le régime est équilibré et solide.

S’agissant de la mesure d’âge, j’ai cru comprendre que vous êtes tous favorables à ce qu’une décision courageuse soit prise, pour assurer la soutenabilité du système. Ai-je bien compris votre position ?

Les régimes autonomes sont excédentaires, bien gérés et ne demandent rien à personne ; ils ne posent pas de difficultés et ne constituent pas une anormalité au sein de la nation. Que pensez-vous du fait qu’on souhaite les supprimer à marche forcée ?

Vous allez participer à la conférence sur le financement. Êtes-vous d’avis de mobiliser immédiatement, pour respecter l’échéance de 2027, les réserves accumulées grâce aux cotisations des adhérents de ces régimes autonomes et complémentaires ? Ou bien considérez-vous que la conférence ne doit pas traiter de la question des réserves ?

Que vous inspire la relation entre la future CNRU et les autres caisses ? Avez‑vous des propositions à formuler en la matière ? Nourrissez-vous des appréhensions ? Ne craignez-vous pas la nationalisation du système, dès lors que le directeur de la caisse sera désigné par l’État et qu’une série de procédures devront être validées par décret ? Approuvez‑vous cette façon de prendre la main sur la question des retraites, qui renvoie au précédent assez fâcheux de l’assurance chômage ?

L’emploi des seniors est traité dans les articles 24 à 27. Je présume qu’en tant qu’employeurs, vous avez besoin des compétences de vos aînés, qui ont l’expérience du travail en entreprise. Je serai très attentif à vos suggestions en la matière, car ce texte doit nous permettre de progresser.

J’ai cru comprendre que vous étiez favorables à un système de pénibilité universel, mais extrait de l’entreprise, peut-être adossé à un système de santé au travail qui serait revu. Ne serait-ce pas le moment d’accomplir un grand pas sur cette question ?

Pouvez-vous me confirmer que vous êtes d’accord pour limiter le système universel à 1 PASS ?

Enfin, monsieur Griset, vous avez évoqué des mesures incitatives pour rester plus longtemps en activité. Pourriez-vous nous donner quelques pistes ?

M. Patrick Mignola. Je vais m’efforcer de ne pas épuiser mes 5 minutes pour laisser plus de temps de parole à nos collègues des oppositions. Ils ont en effet très envie d’échanger, et je me réjouis que les organisations patronales soient ainsi positivement considérées.

Je ferai deux observations préalables. D’abord, s’agissant du plafond de cotisations, je rejoins le propos d’Olivier Véran : nous avons fait le choix du plafonnement à 3 PASS parce que nous avons retenu l’option de la répartition et non de la capitalisation. Cela étant, les entreprises ont tout leur rôle dans l’amélioration du système de retraite. Nous avons voté, il y a quelques mois, des dispositions en matière d’épargne salariale, d’abondement, d’intéressement, de participation, d’actionnariat salarié. Dans le cadre du régime universel que nous voulons, il restera évidemment toujours possible d’améliorer le niveau futur de la retraite des salariés de vos entreprises.

Ensuite, nous comptons sur vous, puisque la démocratie parlementaire a fait une grande place, dans le texte, à la démocratie sociale. Nous espérons que la conférence sur le financement trouvera une issue positive. En effet, comme vous l’avez tous observé, nous avons besoin d’un système équilibré et solide. Mais c’est aussi la crédibilité de la future gouvernance qui est en jeu : si nous ne savons pas équilibrer le système d’ici à 2027, comment concevoir que les organisations patronales et salariales seront capables d’en assurer le fonctionnement à long terme ? Votre responsabilité dans les semaines qui viennent sera donc éminente.

J’aimerais vous entendre sur l’équilibre du régime à court terme. J’ai bien entendu qu’il ne fallait pas renchérir le coût du travail, mais nous aimerions connaître votre point de vue sur le futur cocktail de mesures concernant les intérêts produits par les réserves, d’éventuelles réaffectations de cotisations, ainsi que la question des âges.

Par ailleurs, comment pouvons-nous moduler l’âge d’équilibre à long terme dans le système cible en fonction de la pénibilité ? Je ne reviens pas sur les excellentes questions de Jacques Maire, qui a évoqué la possibilité d’utiliser un autre système d’organisation et de définition de la pénibilité.

Robert Verger a souligné les difficultés rencontrées par certains retraités, qui perçoivent des pensions indignes. Le texte soumis à notre examen ne traitera évidemment que des nouveaux entrants. Aussi le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés a‑t-il proposé au Premier ministre que, parallèlement à l’examen du projet de loi, une mission parlementaire soit confiée aux rapporteurs généraux des commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat, pour que nous puissions objectiver le débat, définir un calendrier et apporter des réponses avant que la loi soit promulguée.

Enfin, nous avons besoin de vos propositions sur l’emploi des seniors et les retraites progressives, non seulement par considération pour les fins de carrière, mais aussi parce que l’économie française est faite de compétences, qui doivent être protégées et surtout transmises d’une génération à l’autre : c’est fondamental pour la cohésion de nos entreprises et pour y faire vivre le pacte social.

M. Boris Vallaud. Pour aller dans le sens de M. Viry, je suggère que le bureau se réunisse à nouveau pour dresser le bilan du déroulement de nos échanges ce matin.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Il n’y a aucun problème ; je n’ai pas l’habitude de brimer l’opposition au sein de la commission des affaires sociales. Nous réunirons le bureau immédiatement après cette réunion, car je voudrais éviter ce genre de procès d’intention.

M. Boris Vallaud. Merci, madame la présidente.

Nous autres députés avons eu quatre jours pour prendre connaissance de 1 500 pages d’une très grande technicité. Je voudrais savoir dans quelles conditions vous‑mêmes avez eu à connaître de ce texte et quand l’étude d’impact vous a été transmise. Disposez-vous de simulations financières qui vous permettent d’apprécier, entre autres choses, le déroulement de la période de transition ? Avez-vous une idée de l’évolution dans le temps du taux de remplacement et du niveau de vie relatif entre les actifs et les inactifs ? Connaissez-vous les détails de la future gouvernance ? N’entraîne-t-elle pas, à vos yeux, le risque d’une mise en échec du paritarisme ?

L’étude d’impact montre que la part des dépenses de retraite consacrées au minimum contributif demeurera la même avant et après la réforme, jusqu’en 2040. Comment l’expliquez-vous alors que le dispositif est censé, au contraire, monter en puissance ?

La réforme va avoir un impact sur les pensions et les cotisations. Les taux de cotisation des salariés et des employeurs vont être modifiés dans le secteur privé. Avez‑vous dressé un bilan de l’évolution des contributions des employeurs et des salariés par décile, par niveau de salaire, par secteur d’activité économique ? La question vaut aussi pour les indépendants.

Lorsque l’on regarde les insuffisances de notre système de retraite que la réforme prétend résoudre – même si on doute de sa capacité à le faire –, on se dit qu’au fond, on se construit la meilleure des pensions en réalisant la meilleure des carrières. Il y a un lien patent entre la carrière professionnelle et la retraite. À cet égard, plusieurs déterminants me paraissent importants, car on ne peut pas seulement s’inscrire dans une logique de réparation des injustices liées à la vie au travail. Le premier de ces déterminants est le niveau des salaires. Ne faut-il pas s’interroger sur le partage de la valeur ajoutée et la ventilation des salaires dans l’entreprise ? À l’issue du Grand débat consécutif au mouvement des « gilets jaunes », le choix a été fait de ne pas augmenter les salaires et d’accroître le montant de la prime d’activité. Autrement dit, ce n’est pas le travail qui paye, mais la solidarité nationale. Or la prime d’activité ne crée aucun droit à la retraite. Vous voyez ce que cela peut signifier si la politique d’accroissement du pouvoir d’achat doit prendre durablement cette forme.

Deuxième déterminant, les différences de pension entre les femmes et les hommes sont le reflet de leur vie professionnelle et des discriminations dont les femmes ont été victimes sur le plan salarial et du déroulement de leur carrière. Si les femmes et les hommes étaient rémunérés de manière égale, le montant annuel de cotisations serait supérieur de 3 milliards d’euros. Qu’entendez-vous faire pour résoudre ces problèmes ? Je ne crois pas que ce soit à la solidarité nationale, par le biais de nos cotisations, de corriger des discriminations. De la même manière, concernant le déroulement de la carrière professionnelle, que pensez‑vous de l’idée d’instaurer un congé paternité – qu’un certain nombre d’entreprises appliquent déjà de leur propre initiative –, dont les modalités seraient à définir ?

Le troisième déterminant a été abondamment évoqué : la pénibilité et, en corollaire, les carrières longues, l’un et l’autre pouvant être liés. En la matière, la réforme proposée ne constituerait pas vraiment un progrès. S’agissant des carrières longues, les personnes souhaitant partir à 60 ans se verront appliquer une décote de 10 % ; pour bénéficier de la surcote, il faudra travailler au-delà de 64 ans. Quelles sont vos intentions ? Vous avez applaudi à la suppression du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et à sa transformation en C2P, mais l’ensemble des travailleurs du bâtiment en ont été exclus, comme l’essentiel des travailleurs de l’industrie, en particulier chimique, les caissières ou encore les égoutiers. Comment fait-on pour résoudre cette situation tragique, tant sur le plan de la réparation que de la prévention ? De quelle façon impliquer les entreprises, les faire participer au financement de la pénibilité ? Peut-être par une sorte de bonus‑malus.

Le dernier déterminant concerne les carrières hachées, et il est d’autant plus important que les pensions seront calculées sur toute la carrière et plus seulement sur les vingt‑cinq meilleures années. À cet égard, il y a, me semble-t-il, un lien patent entre, d’une part, la réforme de l’assurance chômage consécutive à ce que je qualifierais d’échec prémédité par le Gouvernement du dialogue social, et, d’autre part, le calcul des pensions. Du fait de la réforme de l’assurance chômage, il est plus difficile d’acquérir des droits et d’en conserver le bénéfice ; il y aura donc beaucoup plus de chômeurs non indemnisés, qui, de ce fait, n’accumuleront pas de points. De la même manière, l’âge pivot introduit par la réforme va créer un problème aux seniors, dont le taux d’emploi est faible, même si je ne sous-estime pas les efforts que vous engagez. Les personnes ayant connu une carrière hachée auront à choisir entre l’allocation de solidarité spécifique ou une pension affectée d’une forte décote. De la même façon, les périodes de chômage indemnisé seront prises en compte sur la base de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, et non à partir du dernier salaire, comme c’était le cas jusqu’à présent. On a du mal à concevoir comment, dans ces conditions, le sort des carrières hachées pourrait être amélioré. D’ailleurs, on en a confirmation en passant au crible les cas signalés dans l’étude d’impact ; on constate que tout cela est faux.

Enfin, la conférence sur le financement se fonde sur le rapport du COR. Or celui‑ci indique, à propos du déficit constaté, qu’on ne subit pas un dérapage des dépenses de retraite mais une insuffisance de cotisations, dont une part provient de la réforme de l’assurance chômage, qui entraîne moins de versements de l’UNEDIC à la branche vieillesse. Les exonérations au titre des heures supplémentaires et de la prime exceptionnelle contribuent également à réduire les ressources. Il est difficile d’entrer dans cette discussion si on ne considère pas que, en tant qu’employeur, on a une part de responsabilité dans cette situation. De quelle manière...

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Vous avez épuisé votre temps de parole ainsi que celui de M. Mignola...

M. Philippe Vigier. Chacun ici sait que le système de retraite doit évoluer et s’appuyer sur la confiance, comme vous l’affirmiez, monsieur Roux de Bézieux, en commençant votre propos. Je fais partie de ceux qui veulent que les choses évoluent. En notre qualité de parlementaires, nous essayons, en faisant preuve d’un peu d’exigence, de participer à l’élaboration de cette réforme d’ampleur. Outre les mesures paramétriques, il y a tant d’éléments techniques qu’on peut légitimement demander à être éclairés. Nous ressentons, vous avez dû le percevoir, une certaine frustration, due au fait que le Gouvernement nous demande de l’habiliter à légiférer par ordonnances. D’où ma première question : aurez-vous accès au contenu des ordonnances, parce que nous ne pourrons pas les modifier – c’est ça, le Parlement ! Si l’on veut de la confiance, il est essentiel de savoir ce qu’il y a dans les ordonnances.

S’agissant du financement, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement de renforcer l’étude d’impact. J’imagine que vous portez avec exigence la même demande, car vous ferez partie, demain, des acteurs principaux de la conférence sur le financement. Comme l’a dit Olivier Véran, les parlementaires que nous sommes souhaitent l’application de la règle d’or. Nous débattons du PLFSS, qui représente, avec l’ensemble des branches de la sécurité sociale, 500 milliards d’euros – plus que le budget de l’État ! Il ne serait donc pas illégitime que, chaque année, nous puissions apporter notre contribution, exprimer notre vision des choses sans attendre la clause de revoyure dans cinq ou dix ans. Les choses sont si complexes qu’il peut y avoir des erreurs de conception. Si on doit les corriger, il faut le faire rapidement. Aussi souhaiterions-nous avoir, d’une façon ou d’une autre, un échange sur cet immense chantier. Je suis très heureux que nous puissions d’ores et déjà en débattre avec les organisations patronales ce matin. Dans une démocratie sociale et parlementaire organisée, on devrait, me semble-t-il, avoir ce genre d’échanges au moins une fois par an, pour délibérer de l’état de la France et des grands sujets auxquels nous sommes confrontés.

J’ai bien entendu que les organisations patronales ne sont pas favorables à des mesures de relèvement des cotisations, mais il va bien falloir trouver un compromis avec les syndicats de salariés, dont la préférence irait plutôt à un cocktail de mesures – pour reprendre l’expression de Patrick Mignola – portant à la fois sur les cotisations et sur la durée. L’idée de toucher au Fonds de réserve pour les retraites constitue-t-elle, pour vous, un tabou absolu ou seriez-vous prêts à faire un pas dans cette direction, étant entendu qu’une clause de revoyure poserait une limite de temps de quatre ou cinq ans ?

Les agriculteurs, et Alain Griset l’a également indiqué, s’inquiètent de l’harmonisation des taux de cotisation, compris entre 14 % et 28 %, les agriculteurs étant à 17 %. Quelles garanties avez-vous obtenues dans le temps, et comment les choses vont-elles se passer ? Alain Griset disait tout à l’heure qu’il n’y aurait pas d’augmentation des cotisations, mais simplement une modification de l’assiette. Dans ces conditions, peut-on avoir la certitude que le revenu disponible restera le même, le maintien du niveau des retraites étant un objectif que nous partageons tous ?

Enfin, alors que la réforme prévoyait initialement la suppression de tous les régimes spéciaux, ce qui était une très bonne chose, certains de ces régimes spéciaux se sont déjà vu accorder des dérogations – personnels navigants, aiguilleurs du ciel, certains personnels des centres culturels nationaux. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez et si, selon vous, la justice peut être au rendez-vous dans ces conditions ?

Pour ce qui est de la pénibilité, je suis tout à fait d’accord avec Jacques Maire lorsqu’il qualifie de très mauvais signal le relèvement de 60 ans à 62 ans de l’âge auquel il sera possible de mettre en œuvre une cessation progressive d’activité. De fait, c’est à cet âge‑là que la transmission est la plus efficace, sans compter que ce dispositif constitue un très bon moyen de lutter contre la pénibilité en permettant à un travailleur en fin de carrière d’effectuer moins de tâches répétitives et compliquées, en consacrant 20 % ou 30 % de son temps à la transmission de son savoir – une mission dont les travailleurs concernés s’acquittent avec honneur – à un jeune qui, de son côté, peut ainsi démarrer plus tôt son activité professionnelle.

J’en termine, madame la présidente, en souhaitant que, sur ce texte majeur, un nouveau « round » réunissant tous les participants à cette table ronde puisse se tenir avant que les ordonnances ne soient ratifiées. C’est cela aussi, une démocratie vivante, parlementaire et sociale.

Mme Clémentine Autain. Monsieur Roux de Bézieux, vous avez mis en avant la question de l’équilibre financier du régime. Vous ayant lu attentivement, j’ai retenu cette phrase relevée sous votre plume : « Il y a un problème déquilibre qui nest pas de lépaisseur dun trait. » En 2018, le déficit était de 3,5 milliards d’euros et, selon les projections, il sera de 12 milliards d’euros d’ici à 2025. Or ce montant n’est pas si éloigné de celui des « niches » sociales qui ont permis au patronat de faire des économies sur le dos de la branche vieillesse de l’assurance maladie, grâce aux allégements de cotisations sociales. Ce point a été souligné par la Cour des comptes, qui en chiffre le montant à 10 milliards d’euros – et l’État ne compensant pas le manque à gagner, nous en sommes pour nos frais de 5,2 milliards d’euros, ce qui est assez considérable. En tout état de cause, il y a là bien plus que l’épaisseur d’un trait, où nous pourrions trouver un début de solution dans la recherche de l’équilibre du régime.

Or vous nous dites qu’il n’est pas question de toucher au niveau des cotisations. Pourtant, les hautes rémunérations – celles qui sont supérieures à 10 000 euros mensuels – ne feront plus l’objet de cotisations, ce qui va faire économiser 2 à 3 milliards d’euros de cotisations patronales et donc occasionner un nouveau manque à gagner pour les caisses publiques de retraite. C’est assez ahurissant : alors que cette contre-réforme est censée permettre de parvenir à l’équilibre financier, on commence par creuser un trou !

Vous avez évoqué à plusieurs reprises le coût du travail, un sujet qui nous met particulièrement en colère, parce que le travail, c’est précisément ce qui permet de créer de la richesse : ce n’est donc pas un coût, mais au contraire ce qui permet de produire des richesses. Pour ma part, je voudrais parler d’un coût véritable, celui du capital. Pourquoi ne pas mettre les revenus financiers à contribution ? Sur ce point, je veux vous donner un ordre de grandeur : si on élargissait l’assiette des cotisations aux revenus du capital, avec le même taux de cotisation que pour le travail, soit 28,1 %, ce sont 25,6 milliards d’euros qui pourraient être injectés dans notre système de solidarité au profit des retraités. J’aimerais bien connaître l’avis de chacun d’entre vous – il n’est pas certain que vous ayez tous le même – sur l’hypothèse consistant à créer cette cotisation, qui permettrait que les revenus du capital mettent au pot commun pour pérenniser un système viable, juste et de progrès.

La variable que vous avancez tous est celle de la norme d’âge : à vous entendre, on a l’impression que c’est une fatalité plutôt qu’un choix politique, et qu’il n’existe pas d’autre solution. J’aimerais vous convaincre qu’en réalité, c’est une folie sur le plan social et sur le plan humain. Nous avons une discussion policée dans le cadre de cette table ronde mais, dans les faits, il faut bien avoir conscience de ce que cela signifie de travailler jusqu’à 67 ans. Comme vous le savez sans soute, un ouvrier a aujourd’hui une espérance de vie inférieure de six ans à celle d’un cadre, et je serais curieuse de savoir ce qu’il en est pour les personnes exerçant un métier extrêmement pénible, telles les hôtesses de caisse, les personnes qui portent des charges lourdes ou qui travaillent dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Je remercie M. Griset d’avoir évoqué la question de la pénibilité, car elle est tout à fait fondamentale.

Vous nous dites qu’il n’est pas question de toucher au montant des pensions. Or, si vous repoussez l’âge à partir duquel on peut prendre une retraite à taux plein, que va-t-il se passer pour les gens qui n’en peuvent plus au travail ? Ils vont se résigner à partir avec une retraite qui n’est pas à taux plein : dans les faits, il va donc y avoir une baisse des pensions, c’est évident ! Et pour ceux qui vont s’acharner à continuer de travailler afin d’essayer de vivre dans la dignité, que va-t-il se passer ? La retraite comme antichambre de la mort, est-ce le projet de société que vous nous proposez tranquillement ?

Je voudrais vous convaincre que votre vision des choses est une absurdité sur le plan économique, mais aussi du point de vue des enjeux environnementaux et écologiques. Aujourd’hui, le taux d’emploi des 60-64 ans est de 32 %. Vous nous parlez sans cesse d’un plan pour les seniors, mais on sait qu’il existe un sur-chômage ou des arrêts maladie de longue durée pour les personnes âgées de plus de 50 ans, et encore davantage pour celles âgées de plus de 60 ans. Quelle est cette folie consistant à faire travailler plus longtemps des gens à qui vous n’êtes déjà pas en mesure de donner un emploi ? Je ne comprends pas du tout la logique qui est à l’œuvre, ni en quoi tout cela peut servir l’intérêt des personnes, même celles que vous représentez. C’est une logique économique enfermée dans un cadre contraint, et je vous invite à sortir de ce cadre pour entrevoir le progrès social. En franchissant le mur des réalités, à commencer par celui de la réalité sociale, ce qui se passe aujourd’hui dans la rue pourra ainsi faire son entrée dans cette assemblée.

M. Pierre Dharréville. Nous avons noté que vous n’étiez pas demandeurs de cette réforme – si j’ai bien compris, vous vouliez un peu de changement, mais pas sous cette forme. Je voudrais donc savoir si vous êtes satisfaits de la méthode et de ses résultats, notamment ceux observés dans l’opinion publique, et si vous vous estimez suffisamment informés des conséquences du projet qui est sur la table.

J’aimerais savoir si vous contestez les analyses du COR, qui estime qu’il n’y a pas de péril sur le système de retraite actuel, et si vous croyez à la conférence sur le financement : pensez-vous qu’il puisse en sortir quelque chose ? Êtes-vous favorables au principe de l’âge pivot, dont il faut rappeler qu’il s’appliquera de toute façon pour les générations à partir de 1975 avec le nouveau régime, si celui-ci devait être adopté ? D’une manière générale, comment envisagez-vous les discussions autour de ces questions et des enjeux qu’elles comportent ?

Vous dites qu’il y a une évolution démographique, mais qu’on ne peut pas, on ne doit pas – et surtout, vous ne voulez pas – augmenter les ressources. Finalement, votre position revient à faire payer cette évolution par les salariés ainsi que par les retraités, puisqu’il y a maintenant une proposition consistant à augmenter la CSG. Pour nous, repousser l’âge du départ à la retraite au-delà de 65 ans, c’est une régression sociale insupportable, qui a des conséquences concrètes dans les vies des femmes et des hommes.

Vous dites ne pas vouloir augmenter les cotisations, notamment la contribution patronale, mais seriez-vous disposés à envisager une augmentation des salaires ? Je précise que, quand vous dites ne pas vouloir augmenter votre contribution, celle-ci va en réalité baisser. La masse des exonérations s’élève aujourd’hui à 66 milliards d’euros, et votre contribution diminue régulièrement par le jeu des exonérations successives dans le champ de la protection sociale. N’y a-t-il pas là une forme de non-sens, voire d’excès ?

Ne pourrait-on équilibrer les choses différemment entre les contributions des petites entreprises et celles des grandes ? Je voudrais également vous demander ce qu’est, selon vous, un bon taux de remplacement pour les personnes partant à la retraite. Vous avez évoqué le coût du travail, un point sur lequel nous sommes en désaccord car, pour nous, le travail n’est pas un coût. Nous proposons, en revanche, de mettre à contribution les revenus financiers, ce qui aurait sans doute quelques vertus sur la nature et la construction de notre économie.

Si je comprends bien, vous regrettez la faible part de la capitalisation : à combien voudriez-vous la porter ? Quant à la mutualisation, vous la jugez trop importante. Ce projet de loi crée un régime spécial pour les hauts salaires, mais vous estimez que la part qui leur est faite n’est pas suffisamment belle et que le Gouvernement ne satisfait pas suffisamment les appétits. Quelles sont les perspectives que vous voyez en la matière ?

Je veux également évoquer ce sujet majeur qu’est la pénibilité. Les tableaux de reconnaissance des maladies professionnelles sont bloqués, et il me paraît absolument nécessaire de disposer d’un vrai dispositif de reconnaissance des métiers intégrant la question des retraites – vous avez fait des propositions en ce sens qui me semblent devoir être explorées. Il existe, en tout cas, un lien évident entre la qualité du travail et la retraite – quand je parle de la qualité du travail, cela comprend le contrat de travail – et, de ce point de vue, certaines des mesures qui ont été prises précédemment n’allaient pas dans la bonne direction.

Pour ce qui est des retraites agricoles, il y a une évolution possible, et même nécessaire, en dehors du système par points. Nous avions d’ailleurs déposé à ce sujet une proposition de loi qui a – hélas ! – été stoppée net, mais le projet de loi n’apporte, lui, aucune solution à la question des faibles retraites agricoles.

Si je comprends bien, vous voulez voir plus de seniors au travail, et des seniors plus âgés qu’aujourd’hui. Quelles mesures prévoyez-vous pour vous adapter à cette situation ?

Enfin, j’ai le sentiment que vous avez réagi assez mollement au changement de gouvernance, qui affaiblit à nouveau la démocratie sociale : quels avantages comptez-vous tirer de la nouvelle gestion ?

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. On ne peut que partager la frustration qui a été exprimée, car il est extrêmement difficile de répondre à toutes les questions posées, qui sont très diverses et ont parfois pour conséquence d’élargir le débat – je pense notamment à celles portant sur la fiscalité du capital. Je ne peux donc que vous inviter à venir rencontrer le MEDEF et les autres organisations patronales pour en discuter en dehors de cette salle, quelle que soit votre origine politique. Nous sommes très ouverts à la discussion.

M. Jean-Luc Mélenchon. D’accord, nous allons venir !

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. Monsieur Vallaud, nous n’avons pas été mieux informés que vous : nous n’avons eu l’étude d’impact que vendredi, en même temps que tout le monde. Cela explique, d’ailleurs, que je ne puisse répondre à toutes les questions, car je n’ai pas encore eu le temps de lire les 1 000 pages de ce document.

Certaines des questions qui ont été posées débordent un peu du cadre des retraites, et mériteraient un développement assez long – salaires, égalité hommes-femmes ou fiscalité du capital –, auxquelles je ne vais donc pas répondre. Au sujet des salaires, je me contenterai d’une remarque : selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, les salaires dans le privé – cadres et non-cadres confondus – ont augmenté de 2,1 % en 2019, sans compter la prime qui a été versée. Certes, ce n’est que 2 %, mais la productivité n’a pas augmenté de 2 %, et c’est toujours plus que ce qui a été fait dans la fonction publique ! Sans prétendre à l’exemplarité, et sans nier que certaines entreprises pourraient mieux faire, je constate simplement que l’État employeur nous donne des leçons et des injonctions qu’il ne respecte pas lui-même. Je précise que ce constat est valable quelle que soit la taille de l’entreprise : même si les grandes entreprises ont un peu plus augmenté les salaires, l’écart‑type est globalement très faible.

Pour ce qui est de l’égalité hommes-femmes, nous nous sommes engagés – ce qui n’a pas toujours été une évidence au sein de mon organisation – dans la mise en place d’un index qui, à l’horizon de moins de trois ans maintenant, et pour toutes les tailles d’entreprises jusqu’à cinquante salariés, va sanctionner, sur le fondement du principe « à travail égal, salaire égal », les écarts à poste équivalent entre les hommes et les femmes. Cela a été un combat de conviction interne important, et j’espère qu’à l’horizon 2021 ou 2022, nous aurons réussi à mettre en place une vraie égalité salariale hommes-femmes. Les réactions suscitées sont souvent de surprise – notamment dans les entreprises moyennes –, au moment du calcul de l’index. Cela a donc au moins un mérite, celui de mettre un problème en évidence.

En ce qui concerne la gouvernance, il faut être réaliste et reconnaître que la réforme proposée, qui figurait dans le programme électoral du Président de la République, va consister en une étatisation, une nationalisation du système par rapport à la situation antérieure. On peut toujours se demander si les électeurs ont ou non voté pour cette mesure, mais c’est un autre débat. Nous allons découvrir comment peut fonctionner cette articulation entre démocratie sociale, démocratie parlementaire et État.

Selon notre expérience de la sécurité sociale, ce n’est plus du paritarisme depuis longtemps : nous sommes, au mieux, spectateurs avec un droit de commentaire. Le vrai paritarisme, c’est celui mis en œuvre avec l’AGIRC-ARRCO, qui fonctionne selon le principe très strict de l’interdiction de s’endetter – une sorte de règle d’or implicite – et qui met les seuls partenaires sociaux autour de la table. Je le dis sans triomphalisme, cela a plutôt bien fonctionné puisque nous avons pris des mesures courageuses. Avec ce qui est prévu par le projet de loi, nous avons affaire à un dispositif hybride, dont on ne connaît pas encore tout à fait les tenants et les aboutissants, et qu’il nous revient sans doute de construire ensemble, mesdames, messieurs les députés. En vous disant cela, je ne me trompe pas de sujet et je ne suis pas en train d’affirmer que la démocratie sociale se trouve sur un pied d’égalité avec la démocratie parlementaire – ce n’est pas l’esprit de la République –, mais sans doute y a-t-il des passerelles à construire.

Au passage, je m’inquiète de la tendance à mettre en place des systèmes de tirage au sort de citoyens, qui me semble assez dangereuse. Pour moi, la démocratie représentative consiste avant tout à élire des représentants pour décider et voter des lois – mais je m’écarte de notre sujet.

Nous aurions souhaité une règle d’or annuelle puisque, selon le principe de la répartition, les recettes et les dépenses doivent justement s’équilibrer dans l’année. Le projet prévoit une règle d’or sur cinq ans : c’est le minimum pour nous. Dès lors, il faut qu’il y ait des réserves pour que, durant cette période de cinq ans, on soit en mesure d’absorber les éventuels chocs de conjoncture. Dans le futur régime universel, les salariés et les employeurs du privé arrivent avec 70 milliards d’euros de réserves – selon une répartition respective de 60-40 – et les indépendants avec 45 milliards. Pour ce qui est des fonctionnaires, je serais curieux de savoir combien l’État met au pot, car ce point n’a pas encore été précisé. Ce que je veux dire en creux, vous l’aurez compris, c’est qu’il ne faudrait pas que les réserves des fourmis servent à financer un État plutôt cigale...

La question du financement comprend trois aspects différents, le premier étant celui du financement du régime actuel – en l’occurrence des 12 milliards d’euros de déficit. Le deuxième est le financement des nouvelles mesures, qui sont encore en discussion. En tant que citoyen, je comprends tout à fait qu’il soit inacceptable, pour un agriculteur qui a travaillé toute sa vie, de ne toucher que 700 euros de retraite. Il est logique que, pour remédier aux situations de ce type, on instaure un montant minimum de pension fixé à 1 000 euros, mais cela crée évidemment des dépenses supplémentaires sans cotisations correspondantes.

Le troisième aspect est celui du financement du régime en vitesse de croisière, c’est-à-dire après 2037. À ce sujet, subsiste un très gros non-dit concernant l’État. Aujourd’hui, comme vous le savez, il n’y a pas réellement de cotisation de l’État employeur, mais une cotisation en quelque sorte implicite, estimée à 75 % si on calcule le solde budgétaire par rapport à la masse salariale. Si, en 2037, c’est une cotisation universelle à 28 % qui s’applique, cela va entraîner un énorme manque de ressources pour le système, de l’ordre de 45 milliards d’euros. Comment l’État employeur peut-il garantir qu’il surcotisera de manière régulière, et n’y a-t-il pas un risque de voir, dans la durée, la cotisation universelle payée par les employeurs et les salariés se transformer de 28 % en 29 %, 30 % ou 31 % ? Aujourd’hui, le projet de loi ne comporte aucune garantie sur ce point : le rapport Delevoye évoquait bien une surcotisation, mais on n’en sait pas davantage.

S’agissant des solutions de financement, je commencerai par préciser à Mme Autain que le coût du travail, c’est le coût des cotisations qui pèsent sur le travail, et non celui des salaires, qui créent effectivement de la richesse.

Mme Clémentine Autain. Je visais l’expression elle-même.

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. Je serais ravi d’avoir un débat avec vous sur les allégements, mais ce n’est pas le lieu ni le moment pour le faire. Je dirai simplement que les allégements de charges, au fond, sont comparables aux « niches » fiscales et sociales...

Mme Clémentine Autain. Vous voulez parler des cotisations sociales ? On ne peut pas appeler cela des « charges » : c’est un plaisir de partager la richesse nationale !

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. Si vous voulez... je n’ai pas l’intention de me livrer à une querelle sémantique avec vous.

Ce que je veux dire, c’est que nous ne sommes pas demandeurs des allégements de charges. Le problème, c’est que nous avons le taux de prélèvements obligatoires globaux le plus élevé au monde – c’est un fait... –,

M. Adrien Quatennens. Pareil pour les dividendes ! C’est aussi un fait.

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. ...les niches étant faites pour en diminuer le coût. Supprimer les allégements reviendrait donc, en fait, à augmenter le coût du travail pour les employeurs et pour les salariés, et poserait un problème en termes de compétitivité – mais je sais bien que, sur ce point, nous ne serons jamais d’accord.

Pour ce qui est du cocktail, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, notamment à Laurent Berger, son principal ingrédient est une mesure d’âge, dont on peut discuter. En revanche, toutes les idées consistant à puiser dans les réserves me paraissent extrêmement dangereuses. Tout le schéma de financement repose, en effet, sur un taux de chômage de 7 % et un gain de productivité de 1,3 %, alors même que ces conditions ne sont pas réunies actuellement, et sur lesquelles personne ne peut s’engager, car il est impossible de dire quels seront le taux de chômage et le taux de croissance dans sept, dix, quinze ou vingt ans. Le cocktail est donc, je le répète, essentiellement une mesure d’âge.

Parmi les hypothèses émises, certaines reposent sur l’idée d’un échange de cotisations : on augmente la cotisation retraite en diminuant la cotisation accidents du travail. Ces hypothèses me paraissent baroques. D’abord, elles ne changent rien – c’est le sapeur Camember qui creuse un trou pour en boucher un autre. Surtout, la cotisation accidents du travail est extrêmement vertueuse, en ce qu’elle baisse quand les employeurs font des efforts pour améliorer les conditions de sécurité et réduire ainsi le nombre d’accidents du travail. Ces derniers ont d’ailleurs connu une très forte diminution, même si celle-ci s’est un peu ralentie depuis quelques années. Comme plusieurs de mes homologues, je suis donc très défavorable à cet échange de cotisations, et je considère qu’il serait beaucoup plus cohérent et logique que les excédents de cotisations accidents du travail soient utilisés pour la prévention de la pénibilité. C’est l’un des sujets dont nous discutons avec Mme Pénicaud.

En ce qui concerne les seniors, il est évident que si nous pouvions employer plus de monde partout, nous le ferions. Nous sommes d’ailleurs au-dessus de la moyenne européenne pour la tranche d’âge 55-60 ans, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans – des progrès ont été faits, qu’il convient de saluer même s’ils restent insuffisants. Force est de constater qu’il y a aujourd’hui un problème spécifique pour la tranche 60-65 ans.

Mme Clémentine Autain. Donc, la situation va s’améliorer quand l’âge de la retraite sera à 67 ans !

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. Cette question comporte en fait deux sujets.

D’abord, il faut savoir que sur une cohorte d’âge de 800 000 personnes, environ 350 000 ont déjà liquidé leur retraite en raison des dispositifs relatifs aux carrières longues. Ces personnes ne sont donc pas employables, à moins de les faire entrer dans un dispositif de cumul emploi-retraite, qui, à l’heure actuelle, n’est favorable ni pour l’employeur, ni pour l’employé. Ce n’est donc jamais 100 % d’une cohorte qui sont concernés, mais plutôt 60 %.

Par ailleurs, au sein de ces 60 %, le taux d’emploi du public est extrêmement faible ; celui du privé l’est un peu moins, mais il reste insuffisant. Sur ce point, les dispositifs proposés par le rapport Bellon sont intéressants, mais nous souhaiterions aller plus loin. Certaines entreprises, plutôt de grande taille et dans des secteurs qui se portent bien, ont mis en place des dispositifs de type 80-60 consistant à ce que, quelques années avant la retraite, un salarié ne travaille plus que 60 % du temps plein, pour 80 % de son salaire. Aujourd’hui, c’est évidemment l’entreprise qui finance l’essentiel du dispositif qui, sous cette forme, n’est donc pas adapté aux petites entreprises ou à celles appartenant à des secteurs moins profitables. Je considère cependant qu’il s’agit d’une bonne approche, car elle permet d’éviter une rupture brutale entre travail et retraite. Ce type de rupture est, en effet, défavorable aux entreprises, mais aussi aux salariés – des chiffres circulent sur le nombre important de dépressions consécutives au départ à la retraite, liées notamment à un manque de sociabilisation. C’est pourquoi une retraite progressive, au sens philosophique du terme, c’est-à-dire une retraite ayant été préparée en amont, nous apparaît comme une bonne idée, sur laquelle nous sommes disposés à avancer.

Pour ce qui est de la pénibilité, personne ne conteste – pas moi, en tout cas – le fait que les quatre critères retirés du C3P en juin 2017 constituent bien des éléments de pénibilité. Le problème, c’est que, dans la loi qui avait été votée sous le gouvernement précédent, était prévue une mesure individuelle de la pénibilité qui était absolument impossible à mettre en œuvre, a fortiori dans les petites entreprises, car elle impliquait une surveillance, pour ne pas dire un « flicage » des salariés. Aujourd’hui, on a retenu le principe d’une visite médicale, et la question de la pénibilité est donc abordée sous l’angle de la réparation plutôt que sous celui de la prévention.

Je ne sais pas si le dispositif actuel peut faire l’objet d’améliorations, mais une chose est certaine : on ne peut revenir à l’idée de la mesure individuelle, qui est complètement impraticable, comme l’a dit Laurent Berger lors d’une interview la semaine dernière. On peut toujours ouvrir des discussions au niveau des branches ou des entreprises, on en revient au problème du financement : dès lors qu’on augmente le nombre de personnes qui partent avant un âge d’équilibre, légal ou pivot, il faut qu’il y ait, en contrepartie, des personnes qui partent après cette limite. La discussion devient tout de suite compliquée, car on peut difficilement imaginer que tous les cadres restent jusqu’à 70 ans, tandis que les ouvriers partent à 60 ans : ce n’est concevable ni en termes d’organisation de l’entreprise, ni pour le consensus social, ni au regard de l’équité en général.

Je signale que, sur le thème de la santé au travail, le MEDEF ouvre, le 4 février prochain, une négociation à laquelle les organisations syndicales et patronales sont invitées à prendre part. Il s’agira d’évoquer l’organisation des services de santé au travail, mais aussi l’ensemble des sujets de prévention.

Le sujet de la capitalisation suscite beaucoup de fantasmes auxquels il faudrait tordre le cou une bonne fois pour toutes. Je pense, en particulier, à l’idée selon laquelle on pourrait passer du régime actuel par répartition à un régime de capitalisation, ce qui est tout à fait impossible – je ne dis pas que je ne le souhaiterais pas, mais c’est une autre histoire... L’instauration d’un double système impliquerait que les gens cotisent deux fois car, dans le système par répartition, les salariés cotisent pour payer la retraite de ceux qui sont à la retraite.

Certes, il existe aujourd’hui un régime de capitalisation limité financièrement et réservé aux fonctionnaires, la PRÉFON, mais, en dehors de ce régime, la question de ce qui va se passer pour les personnes percevant un revenu supérieur à 120 000 euros annuels – cela représente environ 220 000 cadres du privé et 100 000 indépendants – est totalement ouverte. La première chose que vont faire ces personnes exerçant dans le privé, et disposant grâce à leur expertise professionnelle d’une très grande mobilité, souvent internationale, c’est nous dire : « Puisque je perds tous mes droits à la retraite entre 3 et 8 PASS, qu’est-ce que vous me donnez pour compenser ? ». Cela nous oblige à nous demander si un système de capitalisation ne pourrait pas venir compenser les droits perdus par ces personnes, qui représentent moins de 1 % des salariés.

M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est pas votre intérêt !

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. Elles vont effectivement subir une perte, puisqu’à l’exception de la cotisation de solidarité universelle, elles ne s’acquitteront d’aucune contribution entre 3 et 8 PASS.

J’insiste sur le fait que, contrairement à ce que j’ai entendu dire tout à l’heure, nous n’étions pas demandeurs d’un régime par capitalisation – je n’y ai jamais cru. Nous souhaitions l’autonomie de la répartition, c’est-à-dire la bonne gestion, régime par régime – fonctionnaires, salariés et indépendants. Je le répète, j’estime impossible de passer de la répartition à la capitalisation. Je ne sais pas ce qui va se passer – cela fait partie des discussions à venir –,...

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous feriez bien de savoir, parce que cela va vous coûter cher !

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. ...mais il est certain qu’avec ces profils mobiles et employables à l’échelle internationale, les employeurs vont se trouver confrontés à une difficulté spécifique, venant s’ajouter au problème de compétitivité qu’ils connaissent déjà, et dont ils pourront difficilement se désintéresser.

Je conclus en invitant tous les parlementaires intéressés à venir nous rencontrer, en précisant que nous sommes ouverts aux discussions de toute nature.

M. François Asselin, président de la CPME. S’agissant de la gouvernance, bien évidemment, on voit évoluer progressivement le paritarisme vers une sorte de tripartisme. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas spécifique à la question des retraites : on le vit déjà au niveau de l’UNEDIC, mais aussi de France compétences, l’instance de gouvernance de tout ce qui touche à la formation et à l’apprentissage. À la CPME, nous avons toujours pensé que pour faire accepter au plus grand nombre les réformes dont le pays a besoin, il fallait s’appuyer sur des corps intermédiaires constitués, positionnés en responsabilité. C’est pourquoi nous portons depuis longtemps un projet visant à ce que, demain, tout ce qui est en gestion paritaire soit placé sous le signe de la responsabilité, de l’indépendance et de la transparence, ce qui correspond exactement au modèle de l’AGIRC-ARRCO – un modèle où l’on n’a pas le droit de s’endetter et où l’on s’affranchit de la garantie de l’État. C’est pourquoi, en ce qui concerne la réforme des régimes de retraite, nous avons toujours été favorables à un régime universel, mais en conservant ce qui fonctionne déjà – et je pense que les partenaires sociaux rendent un grand service à l’exécutif et au pays en faisant en sorte de prendre leurs responsabilités.

Nous n’avons jamais défendu un régime par capitalisation : ce que nous souhaitons, c’est la mise en place d’un régime complémentaire obligatoire – exactement le schéma actuel de l’AGIRC-ARRCO. En tout état de cause, le mot « capitalisation » n’est pas un gros mot, et c’est un système qui fonctionne, comme le montre la PREFON.

La pénibilité a fait l’objet, il y a quelques années, de beaucoup d’échanges et de débats. On ne peut évidemment pas balayer la question d’un revers de la main. J’aimerais avoir la facilité intellectuelle de considérer que le droit de partir à 60 ans doit être accordé à tous ceux qui ont été exposés d’une manière ou d’une autre à un facteur de pénibilité. Le seul problème, mais il est de taille, réside dans le financement d’un dispositif pouvant concerner du jour au lendemain des centaines de milliers d’actifs. Si vous faites porter à l’entreprise la responsabilité de déterminer qui doit bénéficier ou non des dispositions relatives à la pénibilité, cela risque de poser problème. En tant qu’employeur, je ne me vois pas dire à Paul qu’il a droit à des points de pénibilité, et à Pierre qu’il n’est pas suffisamment exposé pour en recevoir : j’aurais plutôt tendance à accorder des points de pénibilité à tout le monde ! Or je ne serais pas le seul à le faire, si bien que l’on ne pourrait jamais financer la pénibilité. Par ailleurs, il serait anormal que les salariés ayant bénéficié de mesures de prévention mises en place par leur employeur partent en retraite plus tard que ceux qui n’en ont pas bénéficié. En raisonnant par l’absurde, cela risquerait d’avoir pour effet pervers de rendre plus intéressant de travailler au sein d’une entreprise qui se serait abstenue d’en prendre !

Si vous reportez la responsabilité de la pénibilité sur les branches, demain, ce sera la guerre des branches : pourquoi un banquier ou un assureur accepterait-il de payer pour une entreprise de charpente-menuiserie ? J’ai bien conscience qu’en vous donnant cet exemple, je me mets un peu à la place du MEDEF, car la CPME n’a pas vraiment le monopole des banques et des assurances, mais j’espère ainsi vous faire comprendre que nous n’avons pas d’autre choix que de mutualiser.

M. Jean-Luc Mélenchon. Au fond, vous êtes un peu communistes !

M. François Asselin, président de la CPME. Toute la question est de savoir comment procéder, puisque la pénibilité ne peut pas s’apprécier au niveau de l’entreprise, et qu’on ne peut faire porter son évaluation au niveau des branches, où ce serait une cause de conflits. Dès lors, la seule solution envisageable paraît être de constituer un référentiel des métiers au niveau interprofessionnel, et de dire que d’avoir pratiqué tel ou tel métier durant un certain nombre d’années ouvre droit à des points supplémentaires, donc à un départ en retraite anticipée. Cela dit, je suis bien incapable de vous dire où l’on doit placer le curseur, car je ne dispose pas des moyens de mesure qui me permettraient éventuellement de le faire.

Cette question fera partie de celles qui seront abordées au cours de la conférence sur le financement. Dès que nous avons été saisis de cette proposition, j’ai posé pour condition que nous disposions en temps réel des moyens de calculer les projections pouvant être construites sur la base des idées apportées par les uns et les autres. Lorsque nous négocions sur l’UNEDIC, les services de l’UNEDIC sont là pour nous dire immédiatement ce qui fonctionne et ce qui pose problème. Nous avons besoin exactement du même type d’accompagnement dans le cadre de la négociation à venir.

Cela dit, il ne faut pas oublier qu’il existe quarante-deux régimes différents, chacun ayant ses spécificités. La transition n’aura donc rien de simple, et je pense que personne n’est en mesure de dire comment elle pourrait être réglée de façon collective. Il va falloir entrer dans chaque dossier et, pour chacun d’eux, voir ce qui peut être fait, tout en essayant de préserver une certaine cohérence globale. Nous avons toujours eu conscience de cette difficulté, c’est pourquoi nous avons considéré dès le départ que la réforme envisagée était ambitieuse, certes, mais peut-être un peu trop...

M. Jean-Luc Mélenchon. Autant dire irréaliste !

M. François Asselin, président de la CPME. Pour ce qui est de l’emploi des seniors, je vous suggère de donner la parole à notre collègue Éric Chevée, chef d’entreprise, qui a travaillé sur cette question.

M. Éric Chevée, vice-président de la CPME, chargé des affaires sociales et de la formation. Le rapport sur l’emploi des seniors, remis récemment à Muriel Pénicaud par Sophie Bellon, présidente du conseil d’administration du groupe Sodexo, était intitulé « Favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés ». À mon sens, cela montre que nous devrions commencer à changer un peu nos codes et nos habitudes en matière d’âge et de carrière. La durée de la vie ayant beaucoup augmenté au cours de ces dernières années, il n’est sans doute plus opportun de considérer qu’on est senior à 45 ans ou même à 50 ans dans certains référentiels. La question n’est pas seulement sémantique : nous devons vraiment porter un regard différent sur la gestion de la carrière après 40 ans, et peut-être envisager une seconde partie de carrière qui pourrait être aussi longue que la première et qui, assortie de certains dispositifs de reconversion mis au point en tenant compte des spécificités de l’entreprise concernée et de la vie du salarié, permettrait à celui-ci de continuer à exercer une activité jusqu’à 64 ou 65 ans.

Je fais miens les chiffres et les remarques du président du MEDEF sur le taux d’emploi entre 60 et 65 ans : effectivement, la France est le pays où l’on part en retraite le plus jeune, ce qui fait que le taux d’emploi des personnes situées dans cette tranche d’âge est plutôt faible – il est d’ailleurs à noter que les précédentes réformes ayant fait reculer l’âge de la retraite ont eu l’effet inverse sur ce taux d’emploi, qu’elles ont fait remonter de façon mécanique.

Nous estimons qu’il n’est plus envisageable qu’un salarié exerce un métier pénible toute sa vie durant. Cela dit, les choses ne sont pas aussi simples que cela, car il y a des gens qui aiment leur métier et n’ont pas envie d’y renoncer, même lorsqu’il est difficile. Il faut donc prévoir des dispositifs s’inspirant de ceux que François Asselin a présentés tout à l’heure, permettant aux personnes qui préféreraient exercer le même métier durant toute leur vie professionnelle de partir un peu plus tôt. Bien évidemment, il est toujours préférable de considérer les choses du point de vue de la prévention plutôt que de la réparation, et c’est un principe que la CPME défendra dans le cadre de la négociation qui va s’ouvrir sur la santé au travail : si les systèmes de réparation sont nécessaires, ils n’ont vocation à être mis en œuvre que secondairement, la prévention devant constituer une priorité.

Évidemment, les seniors – j’ai moi-même du mal à abandonner ce terme – ont la particularité de rester plus longtemps au chômage. C’est donc qu’il existe des freins à l’embauche des travailleurs plus expérimentés, d’autant qu’ils coûtent plus cher. Les chiffres transmis par le ministère du travail concernant les ruptures conventionnelles et les licenciements économiques entre 58 et 60 ans sont impressionnants. Le régime d’assurance chômage constitue ainsi, de fait, un quarante-troisième régime d’assurance retraite. Lors des réunions au ministère, tous les partenaires sociaux, employeurs et salariés, étaient d’accord pour convenir que nous avons construit ce système par facilité. Avec la réforme, on ne peut pas conserver le même état d’esprit.

Nous devons donc modifier en profondeur notre approche de l’emploi des seniors. Nous proposons explorer deux pistes : diminuer le coût du travail et mutualiser le risque d’inaptitude. Si l’entreprise conserve des travailleurs âgés, elle pourrait bénéficier d’une réduction progressive de ses cotisations d’assurance chômage jusqu’à l’âge de la retraite. La mutualisation du risque d’inaptitude permettrait, quant à elle, de faciliter l’embauche des travailleurs expérimentés. Quand vous embauchez un travailleur âgé dans une entreprise, vous prenez un risque supplémentaire qu’une inaptitude survienne plus rapidement. C’est flagrant dans certains métiers, le président Asselin pourra vous le confirmer. Or la dernière entreprise supporte la totalité du risque. Nous proposons de le mutualiser sur la carrière antérieure, dans le cadre de la réforme de la santé au travail.

M. Alain Griset, président de lU2P. Beaucoup de questions tournent autour de l’emploi des seniors et de la pénibilité. On parle des « entreprises », mais on ne gère pas les entreprises de moins de 20 salariés, souvent adhérentes de l’U2P, comme on gère une entreprise de 10 000 ou 100 000 salariés, notamment s’agissant de l’emploi des seniors. Notre enjeu, c’est de fidéliser nos personnels. Je ne connais pas un artisan qui veuille se séparer de son salarié de 61 ou 62 ans ! Il en a besoin, car il a du mal à trouver des remplaçants.

Pour autant, nous reconnaissons volontiers que, dans certaines professions compliquées, la situation peut être difficile pour les salariés, même s’ils aiment leur métier. Dans une entreprise qui emploie trois carreleurs, il est impossible de proposer une autre activité que carreleur. Nous souhaiterions ouvrir cette possibilité par le biais de groupements d’employeurs. Cette proposition, qui demande à être analysée du point de vue de l’équilibre financier et des modalités d’accompagnement, permettrait à certains de nos salariés de changer de métier sans être pénalisés.

S’agissant des femmes, j’aurais aimé être agréable avec chacun d’entre vous, mais je me permets de vous rappeler l’épisode peu satisfaisant de la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE »). Depuis de très nombreuses années, dans les métiers de l’artisanat, comme nos collègues agriculteurs, nous avons lutté pour la reconnaissance du statut du conjoint. Malheureusement, dans nos entreprises, bien des femmes ont exercé des métiers sans aucune garantie, ni aucune reconnaissance. Le statut du conjoint, il a fallu que nous bataillions beaucoup pour l’obtenir du Parlement. Il n’a d’ailleurs été octroyé, par défaut, qu’aux nouveaux créateurs. Je regrette qu’à l’occasion de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, les parlementaires n’aient pas accepté la cotisation minimale pour les conjoints ; elle leur aurait permis de disposer de garanties propres et aurait constitué une réelle avancée.

En ce qui concerne la pénibilité, je partage les propos de mes collègues. La mesure en est impossible dans l’entreprise, mais nous sommes très favorables à la prévention. Ainsi, dans le bâtiment, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment a mis en place un organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, cogéré avec la Fédération française du bâtiment, dont toute la branche se félicite. Il permet d’améliorer grandement les conditions de travail des salariés. Plutôt que de toujours vouloir sanctionner, il conviendrait de prévenir. M. Maire a émis l’idée d’appliquer l’équivalent du principe pollueur-payeur pour la pénibilité, en faisant payer davantage les entreprises qui comportent des métiers dits pénibles. Il faut bien y réfléchir, car les Français qui n’occupent pas ces métiers pénibles sont contents de bénéficier des prestations de ceux qui les exercent ! La prévention et la mutualisation nous semblent plus intéressantes que la sanction.

Philippe Vigier nous interroge sur les garanties. Nous n’en avons pas, car, en vertu du principe démocratique, toute loi peut évoluer. Il n’empêche, nous préférerions que l’assiette de cotisation et les modalités d’utilisation des réserves figurent dans la loi plutôt que dans l’ordonnance.

M. Sébastien Jumel. Nous aussi !

M. Alain Griset, président de lU2P. Tant mieux ! J’espère que votre position sera majoritaire.

Vous nous avez interrogés sur les cotisations des stagiaires. Dans nos métiers, nous avons l’habitude d’embaucher des jeunes, en particulier en apprentissage, mais les cotisations sociales ne sont pas payées par l’entreprise, dans cette configuration. Si, demain, les entreprises doivent payer des cotisations pour l’emploi de stagiaires, il risque de ne plus y avoir d’offres de stage... Cela ne signifie pas que les stagiaires ne bénéficieront pas de points.

Quant à la gouvernance, nous ne sommes pas naïfs : malheureusement, sauf si les partenaires sociaux se montrent capables de décider, notre autonomie risque de devenir virtuelle.

M. Robert Verger, président de la commission sociale de la FNSEA. Je me retrouve dans les réponses déjà formulées. Je m’en tiendrai donc aux questions concernant le monde agricole.

Monsieur Turquois, le statut du conjoint collaborateur est en voie de disparition et s’érode de 9 % par an ; 70 % des bénéficiaires ont plus de 50 ans. Notre position à son sujet est très claire : s’il faut continuer à accompagner les bénéficiaires, nous sommes bien conscients que ce statut est amené à disparaître. Nous n’y sommes pas accrochés et, compte tenu des améliorations qu’a apportées l’association entre époux, nous considérons qu’il devrait être provisoire, par exemple limité à une période de trois ans pour permettre à une épouse de revenir sur l’exploitation après avoir élevé ses enfants et de développer une activité de diversification. Aujourd’hui, soit l’exploitation est capable de rémunérer un salarié ou un associé, soit la personne concernée doit trouver d’autres solutions.

Monsieur Maire, je n’ai pas parlé de retraite progressive, mais de la liquidation. Le dispositif de retraite progressive nous convient, d’autant qu’il concerne moins de 1 % de la population agricole et que les agriculteurs travaillant sous une forme sociétaire en sont exclus. Le problème que j’évoquais est différent : il s’agit des agriculteurs qui liquident leur retraite et doivent, en conséquence, céder l’intégralité de leurs surfaces. Dès que l’on démembre des exploitations, elles ne sont plus reprenables par des jeunes, ce qui est extrêmement pénalisant.

Monsieur Vallaud nous a posé une question sur le taux de cotisation. Depuis sa création, nous ne sommes pas d’accord avec l’assiette « super-brute » de la CSG, qui ne correspond à rien. Aujourd’hui, elle constitue, pour nous, une marge de manœuvre dans la négociation des taux : plutôt que de payer de la CSG à fonds perdus, nous préférons faire passer nos cotisations retraite de 21 % à 28 %. Nous espérons bien que le Gouvernement prendra un engagement ferme sur ce point. Pour nos adhérents, cela signifierait une hausse globale des cotisations sociales de 1,5 à 2 %, voire une baisse de cotisations pour les plus bas revenus. Nous y sommes donc favorables.

M. Thierry Michels. Le taux d’emploi des 60-64 ans est de 32 % en France, bien au-dessous de la moyenne européenne de 45 %. Pourtant, des mécanismes existent – cumul emploi-retraite et retraite progressive – mais ils sont peu utilisés. Seules 18 000 personnes étaient en retraite progressive en 2018, alors que tout le monde s’accorde sur l’intérêt du dispositif.

Comment allez-vous vous emparer de ces améliorations légales ? Comment les rendre plus effectives ? Que pensez-vous de l’accent mis sur la question de l’emploi des seniors dans le cadre de la gestion des emplois et des parcours professionnels ? De l’instauration d’un cadre obligatoire pour le dialogue collaborateurs-employeurs afin de préparer la fin de carrière ? De l’encadrement des délais de réponse ? De dispositions particulières afin de favoriser la retraite progressive dans les très petites et petites et moyennes entreprises ? Comptez-vous mobiliser les moyens offerts par la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage portée par la majorité ?

M. Adrien Quatennens. Je vous ai entendus dire, quasi unanimement, votre inquiétude concernant le déséquilibre financier de notre système de retraite. Je vais commencer par vous rassurer : on parle d’un déficit potentiel de 8 à 17 milliards d’euros d’ici à 2025 sur un total de 330 milliards. Par comparaison, je pourrais également vous parler des 127 milliards de réserve, des 42 milliards d’encours bancaires pour les retraites chapeaux ou des 60 milliards de dividendes versés aux actionnaires du CAC40 l’an dernier. Oui, la question du financement des retraites est bien celle de la répartition des richesses...

Je pourrais aussi interroger le fruit de ce déficit, qui est avant tout une construction politique. Monsieur Roux de Bézieux, je vous ai entendu dire à plusieurs reprises dans les médias que la seule solution était une mesure d’âge. Non, ce n’est pas la seule solution : c’est la vôtre ! Certes, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, ou la hausse des salaires et des cotisations ne sont pas vos solutions, mais ce sont des solutions. Votre opinion n’est pas forcément majoritaire ; admettez que votre solution n’est pas la seule.

M. Dominique Da Silva. Avez-vous des propositions à formuler pour éviter l’effet de seuil du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue ? Pour une même durée de travail, si le salarié a commencé à travailler quelques jours, voire quelques mois, après ses 20 ans, il ne pourra plus partir à 60 ans à taux plein, mais devra attendre l’âge d’équilibre, et donc peut-être 64 ans.

Comment appréhendez-vous le financement des pensions des 320 000 hauts revenus entre 3 PASS et 8 PASS, c’est-à-dire supérieurs à 10 000 euros ? Il ne faudrait pas qu’il incombe à l’ensemble des assurés du fait de la période de transition de vingt ans.

M. Régis Juanico. Ce n’est un secret pour personne, en 2017, les organisations patronales ont pesé de tout leur poids pour vider le C3P de l’essentiel de son contenu. À l’époque, une expression avait fait florès : « usine à gaz ». Il est vrai que le dispositif méritait d’être réajusté sur les mesures individuelles. L’ironie de l’histoire, c’est que, l’usine à gaz aujourd’hui, c’est le projet de loi de réforme des retraites ! Même le Conseil d’État souligne que ce fameux système universel comporte cinq régimes dérogatoires et autant de règles spécifiques...

Comment redonner de la vitalité au désormais C2P ? Ce dispositif aujourd’hui malthusien n’a concerné que 2 000 personnes en 2018 et 2 000 en 2019 ; 2 000 salariés en incapacité physique permanente ont également bénéficié d’un départ en retraite anticipé. Vous avez évoqué des négociations interprofessionnelles et une approche par métier. C’est très intéressant. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Mme Albane Gaillot. La pension de droit direct des femmes est inférieure de 42 % à celle des hommes, et de 29 % lorsqu’on intègre la pension de réversion. Je suis sûre que vous partagez notre objectif de réduire ces inégalités. Lorsqu’on s’intéresse aux mécanismes de ces réductions, il est fondamental de ne pas essentialiser les femmes en ne les percevant que comme des mères. Les inégalités salariales s’expliquent, bien sûr, par leur condition de mère, mais aussi simplement parce qu’elles sont des femmes. Il faut donc agir sur ce levier. Il faut également mieux prendre en compte la pénibilité de certains métiers : aides-soignantes, hôtesses de caisse, aides ménagères.

En son article 27, le projet de loi comporte une disposition prévoyant qu’un employé à temps partiel pourra cotiser sur la base de ce que serait sa rémunération à temps plein, ce qui est de nature à corriger les effets du temps partiel subi. Rappelons-le, en 2018, 29 % des femmes ayant un emploi travaillaient à temps partiel, soit plus de trois fois plus que les hommes.

La Confédération française démocratique du travail préconisait de sécuriser ce dispositif : seriez-vous prêt à le systématiser par le biais d’un accord interprofessionnel, afin que cette possibilité soit universalisée ?

M. Jean-Pierre Door. Je souhaiterais évoquer l’intégration des professionnels libéraux dans la réforme. Disposeront-ils d’un siège au sein de la gouvernance ?

On évoque la création d’un régime complémentaire obligatoire. La Caisse autonome de retraite des médecins de France, qui réunit déjà plus de 120 000 adhérents, et le Conseil de la protection sociale des professions libérales constitueront-ils des outils permettant véritablement aux professionnels libéraux de se positionner à l’intérieur de ce régime universel ?

M. Thierry Benoit. Je voudrais saisir l’opportunité de l’instauration du régime universel de retraite par points pour évoquer le concept des « points tutorat », à côté des points de retraite et des points liés à la pénibilité. Dans les métiers à haute intensité de main‑d’œuvre de l’artisanat et de l’industrie, il faut encourager le savoir-faire manuel. Un salarié à deux ou trois ans de sa retraite pourrait ainsi avoir intérêt à valoriser le temps qu’il consacre en tant que tuteur à des jeunes apprentis ou alternants. Le jeune y gagnerait, mais aussi l’entreprise, dans son rôle social. Ce serait également une façon de proclamer que le travail n’est pas toujours aliénant, car ces métiers à haute intensité de main-d’œuvre sont très beaux !

M. Fabrice Brun. La réforme des retraites ne peut pas être déconnectée de la politique de l’emploi, vous l’avez tous évoqué. À l’une des deux extrémités du parcours professionnel, comment améliorer le taux d’emploi des 60-65 cinq ans ? Comment améliorer le « passage de témoin », le transfert du savoir-faire vers le jeune ? Notre pays perd trop de compétences au moment du départ des seniors, ce qui justifie le magnifique plaidoyer de Thierry Benoit en faveur du tutorat. À l’autre extrémité, la recherche du premier emploi conditionne l’âge d’entrée sur le marché du travail, et donc l’âge de départ à la retraite. Nos jeunes doivent souvent suivre un véritable parcours du combattant pour trouver une entreprise dans le cadre de leur formation en alternance. N’est-ce pas la responsabilité sociale de l’entreprise ?

Pour conclure, je reviendrai sur la retraite à 1 000 euros. Telle qu’elle est conçue dans le projet de loi, il faut être conscient que la mesure exclut 50 % des agriculteurs en activité et 2,5 millions de retraités agricoles. Nous devons y remédier.

M. Sébastien Jumel. Ma première question s’adresse au représentant de la FNSEA. Les agriculteurs sont souvent mis en avant dans la communication gouvernementale, pour faire passer la pilule. Or, en réponse à une question hier, le ministre a indiqué que les retraités actuels et les 500 000 à venir, avant la transition, toucheraient l’allocation de solidarité aux personnes âgées, sous condition d’âge. Son montant est de 903 euros ; les revenus du couple et les biens dont le demandeur a fait donation sont pris en compte ; les sommes versées sont récupérées sur la succession après le décès du bénéficiaire. Qu’en pensez-vous ? Est-il tenable de proposer cette solution aux agriculteurs, qui ont été bercés d’illusions ?

Vous êtes attachés, les uns et les autres, à la règle d’or budgétaire. Avez-vous étudié l’impact du renforcement de l’emploi des seniors dans la fonction publique territoriale ? J’ai été maire et je sais que les réformes ont toujours des conséquences financières pour les collectivités. Comment les compenser ?

Mme Laurence Dumont. Monsieur Roux de Bézieux, vous estimez qu’il n’est pas imaginable que tous les cadres partent à 67 ans et tous les ouvriers à 60.

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. J’ai dit 70 ans.

 Mme Laurence Dumont. C’est pourtant le cœur du sujet, et tout à fait imaginable si l’on tient compte de leur différence d’espérance de vie en bonne santé, qui est de six ans et demi.

A contrario, vous paraît-il logique que, dans les termes actuels du projet de loi, avec un âge d’équilibre fixé à 65 ans, un ouvrier qui commence à travailler à 20 ans et qui cotise quarante-trois ans perde 10 % de sa pension, alors qu’un cadre qui débute à 24 ans aura droit à un bonus de 10 % en cotisant sur la même durée ? La pédagogie est importante, car beaucoup de Français regardent nos travaux. Or le ministre n’a pas répondu à cette question que je lui ai posée hier.

M. Brahim Hammouche. Je souhaiterais revenir sur les salaires compris entre 3 et 8 PASS. Quelles mesures les organisations patronales ont-elles proposé pour participer au financement du système et compenser la baisse des cotisations sur ces salaires ?

Nous avons beaucoup parlé des transitions, de l’accompagnement des seniors, mais qu’en est-il des personnes vieillissantes en situation de handicap, fragiles, qui actuellement partent beaucoup plus tôt ?

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. Comment développer la retraite progressive, qui ne concerne actuellement que 18 000 salariés ? Nous rencontrons un problème technique pour les cadres soumis au forfait jours ; une mesure législative serait nécessaire.

Plus globalement, le problème est culturel : dans la majorité des cas – peut-être moins dans les petites entreprises –, l’employeur ne connaît pas l’âge auquel le salarié veut liquider sa retraite. Nous avons donc proposé à Sophie Bellon un entretien obligatoire afin d’inciter le salarié à déclarer son intention de partir en retraite au moins deux ans avant. Sans quoi, il est très difficile pour un employeur de mettre quoi que ce soit en place.

Un autre élément est d’ordre culturel. En Suède, et plus globalement en Europe du Nord, lorsqu’ils sont à quelques années de la retraite, les salariés acceptent souvent une réduction de leurs responsabilités, et parfois la réduction de salaire qui va avec, tout en participant à la transmission. Nous avons beaucoup d’efforts à faire de part et d’autre. Nous ne parlons pas assez de retraite avec nos salariés. Or, en parler, c’est commencer à imaginer des systèmes de tutorat, de retraite progressive, de cumul emploi-retraite, etc.

Concernant les salaires au-delà de 3 à 8 PASS, je peux partager votre perplexité quant à la complexité que constitue la disparition des cotisations patronales et salariales de tous les salariés concernés : cela ne se fera pas du jour au lendemain ; il y aura une transition, mais la durée n’en est pas précisée. Si le passage des 28 % de cotisations patronales et salariales aux 2,80 % de cotisation de solidarité dure vingt ans, la baisse sera régulière, d’environ 1 % par an. En conséquence, la perte de ressources pour le régime général sera progressive, et normalement accompagnée. Mais il ne faut pas oublier le problème de la perte de prestations, auxquelles ces cotisations ne donnent plus droit. Or, dans un système par répartition, les prestations sont différées, ce qui soulève un problème de financement. Celui-ci doit faire partie de la conférence sur le financement.

En outre, ces salariés vont demander une compensation de leurs pertes en taux de remplacement. En l’état actuel du droit, la loi « PACTE » permet à l’employeur, comme au salarié, de ne défiscaliser qu’une partie de l’abondement d’un dispositif par capitalisation. Si la mesure prenait effet du jour au lendemain, brusquement l’incrément de salaire net pour le salarié serait fiscalisé. Nous y réfléchissons, mais n’avons pas de réponse pour le moment. Et le cas des indépendants est encore différent.

Vous avez raison, nous avons encore des efforts à faire concernant l’emploi des jeunes et des seniors. Malgré tout, les chiffres de l’apprentissage sont très favorables en 2019, même s’ils pourraient être encore meilleurs. Il faut développer cette culture, notamment dans les services, qui disposent de moins de centres de formation des apprentis. Objectivement, l’industrie et le bâtiment ont déjà cette culture de l’emploi des jeunes et l’alternance y est très développée.

Madame Dumont, je ne suis pas médecin, mais l’espérance de vie n’est pas uniquement liée au travail. Elle est fonction d’autres facteurs : lieu d’habitation, comportement, hygiène alimentaire, etc. En outre, l’écart de départ à la retraite existe déjà avec les dispositifs actuels. Je n’ai plus le chiffre exact en tête, mais il est de trois ou quatre ans. Ensuite, on bascule dans un débat technique, mais avant tout philosophique : quel est le juste écart ? En étirant trop les âges de départ par catégories socioprofessionnelles et par métier, on crée une rupture dans le pacte républicain du régime par répartition, complexe à maintenir. Il n’existe pas de bon écart de départ à la retraite.

Je ne suis pas d’accord, les carrières longues ne sont pas toutes des carrières pénibles – même si je n’aime pas le terme de « pénibilité ». Souvent dans la fonction publique, mais aussi dans le privé, on peut avoir commencé à travailler tôt, mais sans occuper un poste physiquement usant. À l’inverse, même si c’est plus rare, on peut avoir commencé à travailler tard et avoir un métier usant. Ne confondons pas les deux.

Actuellement, c’est essentiellement le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue qui permet à un tiers des salariés du privé de partir avant l’âge légal, car le C2P a démarré récemment.

Sur les dispositifs relatifs à la pénibilité, vous avez raison, porter des charges lourdes est un élément d’usure, mais il ne peut pas être mesuré individuellement. On peut réfléchir par métier, mais si beaucoup de salariés partent par anticipation, l’équilibre général est en danger.

En conclusion, même si cette formule est un peu frustrante, le débat était très intéressant. Si la présidente le souhaite, nous pouvons renouveler l’expérience. En tout cas, je réitère mon invitation aux différents groupes parlementaires à venir débattre avec nous.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Il nous reste éventuellement lundi, dans la nuit, pour organiser une deuxième table ronde...

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. Le travail de nuit est un facteur de pénibilité !

M. François Asselin, président de la CPME. Au-delà des ajustements techniques nécessaires pour les salariés en forfait jours, dans nos PME, nous constatons que les salariés ne sont pas particulièrement enclins à basculer en retraite progressive. Ils préfèrent la formule du cumul emploi-retraite. Je l’ai constaté à plusieurs reprises, les salariés veulent tout de suite liquider leur retraite et, ensuite, décident de revenir travailler ou non dans l’entreprise. Dans mon entreprise de menuiserie-charpente, quand ils acceptent de revenir, ils veulent choisir leur chantier ou leurs conditions de travail, certains préférant par exemple rester à l’atelier, ce que je peux tout à fait comprendre. Ainsi, on « s’arrange ». Un de mes salariés parti en retraite fin décembre va revenir travailler en 2020, mais à ses conditions. Je l’ai accepté.

M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF. En l’état actuel du droit, lorsqu’il cumule emploi et retraite, le salarié n’augmente pas ses droits à la retraite.

M. François Asselin, président de la CPME. Oui, alors que, dans le futur dispositif, ce sera le cas, ce qui est très positif. Nous sommes d’autant plus intéressés par ces dispositifs que nous n’arrivons pas à trouver les compétences dont nous avons besoin. Je m’inquiète un peu pour les cinq prochaines années, car, dans mon entreprise, je ne vends que le savoir-faire de mes gars. Et je ne suis pas un cas isolé : dans tous les secteurs, beaucoup d’entrepreneurs rencontrent les mêmes difficultés de recrutement.

Comme vous, je croyais beaucoup au tutorat de « l’ancien », qui transmet son savoir-faire. Mais ce n’est pas toujours ce qui fonctionne le mieux. Parfois, le meilleur tuteur n’est pas celui qui est à deux ans de la retraite, mais celui qui, dans la pleine force de l’âge, a encore envie de progresser dans son métier et de le transmettre. Il n’y a donc pas forcément de corrélation entre l’âge et l’envie de transmettre. Mais pour ceux qui le souhaitent, c’est un dispositif auquel on peut réfléchir.

La pénibilité, commençant à être un vieux syndicaliste – cela fait cinq ans que je suis à la tête de la CPME et je suis reparti pour cinq ans –, j’ai eu à en connaître sous une autre législature et un autre Président de la République. Lors de mon premier rendez-vous en tête à tête avec François Hollande, j’avais apporté une fiche individuelle d’exposition à certains facteurs de risques professionnels, dite fiche pénibilité, et lui avais demandé de m’accorder 5 ou 10 minutes afin d’essayer de la remplir ensemble. En moins de 3 minutes, il avait compris que c’était impossible !

Ne nous trompons pas collectivement, on peut imaginer plein de solutions très séduisantes sur le papier mais impossibles à mettre en œuvre en pratique : c’est une aporie, il n’y a pas de solution. À l’époque, j’ai dépensé beaucoup d’énergie pour expliquer à la personne missionnée par le Gouvernement pour nous faire accepter le dispositif que je ne voyais pas comment il pouvait fonctionner. Je lui ai même proposé à trois reprises de venir sur un de mes chantiers parisiens afin de remplir ensemble ces fiches. Malheureusement, je n’ai jamais eu de réponse, mais elle se serait vite rendu compte que c’était impossible.

C’est un fait, certains métiers sont physiquement plus exposés que d’autres. Nous devons tenter de répondre collectivement, et de façon pragmatique, à cette problématique, sans mettre le bazar dans les entreprises, où cela se passe bien avec nos salariés, ni entre les branches, alors que cela se passe bien au niveau interprofessionnel. C’est pourquoi la CPME réfléchit à une approche par métier, mais nous n’allons pas nous amuser à calculer les critères d’exposition des différents métiers. Nous avons besoin d’éléments factuels de simulation pour savoir où placer le curseur s’agissant du nombre d’années d’exercice du métier pour être éligible au dispositif.

Concernant les carrières longues, je vous confirme que certains de mes collaborateurs sont partis en retraite anticipée grâce à une longue carrière sans avoir exercé un métier physiquement exposé. Il est important de corréler les deux – facteur d’exposition et carrière longue – pour répondre le plus justement possible à la problématique de la pénibilité.

Dans la future gouvernance, a priori, un siège est prévu pour les professions libérales. C’est tout à fait normal, car les libéraux et indépendants représentent 3 millions de personnes dans notre pays. S’agissant des caisses complémentaires obligatoires, la CPME a plaidé auprès du Premier ministre afin de maintenir la possibilité de mettre en place un régime complémentaire autonome, comme certains ont su le faire jusqu’à maintenant dans le cadre de leur régime.

Pour conclure, la CPME est tout à fait prête à renouveler l’exercice. Nos portes vous sont également ouvertes. Le débat est permanent dans nos instances, et la démocratie y est très participative. N’hésitez pas à nous solliciter. Nous aurons probablement l’occasion de nous revoir, car le débat ne fait que commencer.

M. Alain Griset, président de lU2P. Monsieur Da Silva, pour gommer l’effet de seuil, il n’y a pas beaucoup d’autres solutions que de faire sauter le seuil...

Monsieur Door, l’U2P a beaucoup travaillé sur la question des professionnels libéraux. Nous avons obtenu du Gouvernement, d’abord, la possibilité de négociations par profession, indispensables. Ensuite, au sein du nouveau régime, outre la présence de libéraux au sein de la délégation U2P, nous avons obtenu une participation spécifique des libéraux au conseil d’administration. La création d’un conseil de la protection sociale des professions libérales est plutôt une bonne chose. Nous souhaitons qu’une association des professions libérales, organisation représentative, puisse y siéger. Nous appuyons également leur demande de création d’un régime complémentaire – seulement au-delà de 3 PASS pour le moment –, la décision devant être prise par chaque branche. Nous analysons la possibilité, pour les branches qui n’y adhéreraient pas, de permettre à un indépendant, à titre individuel, d’y adhérer.

L’U2P reste à votre disposition pour répondre à vos éventuelles interrogations.

M. Robert Verger, président de la commission sociale de la FNSEA. Nous comptons, parmi les saisonniers, un très grand nombre de seniors, qui, parce qu’ils ont liquidé leur retraite, ne sont pas comptabilisés dans les statistiques de l’emploi, ce qui les fausse un peu.

Par ailleurs, l’allocation de solidarité aux personnes âgées est un minimum social, et non une retraite. Nous avons travaillé sur ce sujet avec le ministre, afin d’accompagner des viticulteurs et d’anciens agriculteurs qui ont de faibles revenus, ainsi que leurs conjoints qui n’ont pas de revenus annexes. Néanmoins, un blocage est rapidement apparu, étant donné que le plafond de ressources, pour une personne seule, ne doit pas dépasser 903 euros. Or une grande partie des agriculteurs ont acheté leur résidence principale, ce qui les prive de l’allocation. La solution n’est pas là. Qui plus est, nos agriculteurs refusent le principe même de ces minima sociaux, estimant qu’ils devraient bénéficier d’une reconnaissance particulière pour service rendu à la population.

M. Fabrice Brun. C’est légitime !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mesdames, messieurs, je vous remercie tous de votre présence ce matin. Si nous avons l’occasion de faire un point entre l’examen des textes et une prochaine audition, nous ne manquerons pas de le faire, sachant que notre calendrier est tout de même très contraint.

La séance est levée à douze heures vingt.

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3.   Table ronde avec les organisations syndicales de salariés

Mercredi 29 janvier 2020

La séance est ouverte à quinze heures cinq.

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La commission spéciale procède à une table ronde avec les organisations syndicales de salariés.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux avec les auditions sur les projets de loi relatifs au système universel de retraite. Après la table ronde de ce matin avec les organisations professionnelles d’employeurs, nous accueillons cet après-midi les organisations syndicales des salariés. Permettez-moi, en votre nom à toutes et tous, de remercier les organisations invitées de s’être mobilisées rapidement et d’être présentes.

Réuni en fin de matinée, le bureau de la commission spéciale a aménagé les modalités d’organisation de cette réunion. Comme ce matin, chaque organisation disposera d’un temps de parole de 10 minutes, en préambule, puis le rapporteur général et le rapporteur du projet de loi organique interviendront chacun leur tour pour 3 minutes. Je donnerai ensuite la parole aux orateurs des groupes pour 5 minutes chacun. Enfin, après une première série de réponses, les autres collègues pourront poser des questions d’une durée d’une minute.

M. Frédéric Sève, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Aux yeux de la CFDT, il est aujourd’hui urgent et absolument nécessaire de revenir à ce qui nous semble avoir été le sens initial du projet de réforme, à savoir, comme son nom l’indique, la construction d’un système de retraite universel. Cet objectif fondateur a, nous semble-t-il, été un peu perdu de vue : on a beaucoup discuté technique, points, régimes spéciaux, au risque d’oublier ce qu’implique et doit impliquer cette ambition initiale, et les conséquences qu’il faut en tirer.

La construction d’un système de retraite universel, qui constitue bien pour nous l’enjeu de cette réforme, ne va pas de soi. J’entendais encore récemment le représentant d’une profession au demeurant très honorable soutenir que notre système de retraite fonctionnait très bien et se demander pourquoi on venait nous casser les pieds à ce sujet. C’est justement tout l’enjeu d’un système de retraite : faire en sorte que ceux qui, pour des raisons démographiques, historiques ou économiques, se trouvent employés dans une profession où tout va bien, avec un régime de retraite qui leur convient, se soucient aussi de ceux pour qui ça ne va pas si bien, parce que l’évolution démographique ou économique leur est moins favorable. Il s’agit bien de construire une solidarité universelle ; pour la CFDT, c’est l’objectif fondamental d’un système de retraite universel. Ce qui doit être universalisé, c’est bien la solidarité, afin que tous les actifs soient solidaires les uns des autres face à ce défi colossal : construire une garantie, sécuriser les retraites. Nous avons coutume de dire que l’objectif devrait être que demain, chacun puisse, en défendant sa propre retraite, se dire qu’il défend en même temps la retraite de tous.

Bâtir une solidarité universelle, voilà l’objectif principal. Solidarité universelle, cela ne veut pas dire solidarité croupion : il s’agit d’avoir une solidarité de haut niveau, ce qui suppose de porter attention aux plus défavorisés, à ceux qui ont les carrières les moins avantageuses. Cela passe à notre sens par une augmentation du minimum de pension, qui doit tendre vers 100 % du SMIC pour une carrière complète – il y a encore du chemin à faire, mais c’est nécessaire : il faut garantir à tous une retraite décente à l’avenir. Cela veut dire également qu’il faut compenser correctement les aléas de la vie ; je pense en particulier aux aléas économiques et plus exactement au chômage, car il y a de notre point de vue des progrès à faire dans le projet de loi pour bien couvrir la constitution de droits à la retraite des chômeurs.

Nous voulons donc une solidarité universelle et de haut niveau. Mais universel ne doit pas vouloir dire uniforme : le système de retraite doit aussi être personnalisé, non pas dans un sens égoïste mais parce qu’il doit être adapté aux parcours et aux aspirations de chacun, ce qui pose en premier lieu la question, et nous la soulevons régulièrement, d’une meilleure prise en compte de la pénibilité du travail. C’est le facteur majeur d’inégalité : si la retraite est fondée sur le travail – c’est pour nous une évidence –, nous ne sommes pas tous égaux devant le travail : certains travailleurs consomment leurs droits à la retraite en travaillant dans la mesure où un travail particulièrement pénible réduit leur espérance de vie. Cette inégalité doit être impérativement compensée, et de manière complète. Pour nous, l’enjeu est de réintégrer d’une façon ou d’une autre la prise en compte des quatre facteurs de pénibilité qui sont sortis du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) lorsqu’il est devenu le compte professionnel de prévention (C2P), en 2017. Il faut apporter aux salariés exposés aux risques ergonomiques et chimiques une compensation de bon niveau et de même type que celle qui est accordée aux autres facteurs de pénibilité. J’insiste au passage sur le chantier de la poly-exposition aux risques, qui est celui qui vient juste après la prise en compte complète de la pénibilité.

Troisième impératif : l’égalité entre hommes et femmes. Le passage à un système universel par points permet selon nous de réduire substantiellement les inégalités entre pensions produites par le cœur du système, et donc moins défavoriser les femmes que ne le fait le dispositif actuel. Le système de retraite n’a pas vocation à corriger et compenser toutes les inégalités ; néanmoins, il ne peut pas rester muet, aveugle, insensible face aux inégalités qui se fabriquent sur le marché du travail entre hommes et femmes. Certes, il ne les amplifie plus par son mode de fonctionnement, mais il doit aussi pouvoir les compenser. Les mécanismes tels que les bonifications pour enfants constituent à cet égard un élément intéressant ; nous souhaitons cependant, pour que ces compensations soient de meilleure qualité, et forfaitaires plutôt que proportionnelles comme le prévoit pour l’instant le projet de loi – mais forfaitaires.

Quatrièmement, il nous semble absolument nécessaire de construire des droits nouveaux. L’ambition de construire un système universel constitue à l’évidence un monumental défi technique, un sacré chantier qui va s’étaler sur de nombreuses années, voire des décennies ; mettre en branle une entreprise aussi vaste sans se poser la question des droits nouveaux que l’on pourrait apporter à nos concitoyens serait perdre une occasion magistrale. Le principal, à nos yeux, est le développement du droit à la retraite progressive, c’est-à-dire de la possibilité de liquider progressivement sa retraite et d’accéder concomitamment à du travail à temps partiel. Cette mesure aurait plusieurs intérêts : elle permettrait d’abord de fournir un outil – certainement pas le seul, mais celui-ci est essentiel – pour aménager les fins de carrière. Mais ce serait aussi un moyen de répondre à une aspiration réelle des travailleurs, que nous avons pu mesurer dans le cadre de notre activité syndicale classique, mais aussi dans les enquêtes menées auprès des travailleurs sur le sujet du travail en 2016, et sur celui des retraites en 2018 : pouvoir contrôler et maîtriser les modalités d’un passage progressif à la retraite, le construire progressivement et ne plus être dans un processus couperet dans lequel on peut être au travail à 100 % le mercredi, et se retrouver à la retraite à 100 % le jeudi. Cette demande n’est peut-être pas unanime, mais elle existe, et il faut savoir y répondre. Derrière cette idée, nous poussons celle d’une gestion du temps libre – au fond, c’est cela la retraite – tout au long de la vie. À l’heure actuelle, il n’est pas question qu’un compte épargne-temps universel soit inscrit dans le système de retraite, mais c’est une idée que nous poussons fort et que nous souhaitons voir abordé à l’occasion de l’examen de cette loi.

Il faut aussi que le passage entre le système de retraite actuel et le système de retraite futur soit davantage sécurisé, en particulier pour les professions dont la politique salariale n’est pas très adaptée à un système universel par points – je parle bien sûr de la fonction publique. Il faut revoir la politique salariale de la fonction publique, d’abord pour compenser l’abandon de la règle des six derniers mois, mais aussi pour la remettre d’équerre et corriger sa complexification excessive observée ces dernières années.

Enfin, dans le cadre de cette transition entre deux systèmes de retraite, la question à nos yeux fondamentale – nous la portons depuis le début de cette concertation, et il en a été trop peu question – est celle de la garantie des droits acquis avant la réforme. Il est parfaitement légitime – c’est son objectif – qu’une réforme change la constitution de droits une fois mise en œuvre, mais il est tout aussi impératif qu’elle garantisse les droits antérieurs. C’est une opération complexe et difficile à mettre au point, mais elle est indispensable si l’on veut que la réforme soit juste. C’est bien l’objectif essentiel et incontournable que doit poursuivre une réforme des retraites : avoir la justice sociale comme boussole.

M. David Meyer, conseiller confédéral de la Confédération générale du travail (CGT). La retraite est un élément essentiel, voire fondateur, de notre modèle social, et les 10 minutes qui me sont imparties ne suffiront pas pour mettre cette dimension suffisamment en exergue. Néanmoins, il nous paraît important de revenir sur quelques éléments fondateurs. L’émancipation des femmes et des hommes passe par la possibilité qui leur est offerte de vivre dignement, d’avoir accès au sport et à la culture, de s’investir dans la société, bref, de mener une vie qui ne soit pas exclusivement consacrée au travail.

Depuis le 5 décembre dernier, notre pays vit au rythme des mobilisations populaires contestant le projet de réforme du Gouvernement. Après plus de cinquante-cinq journées de mobilisation sociale, aujourd’hui se tient, partout en France, la huitième journée d’action nationale contre ce projet de réforme des retraites. L’opposition à ce projet fédère toujours une majorité de Français, ainsi qu’une majorité d’organisations syndicales – à peu près 60 %. Plus les jours passent, et plus l’incompréhension et le rejet de ce projet sont massifs dans l’opinion publique.

Et pour cause ! Le candidat Macron à l’élection présidentielle s’était engagé à ne pas augmenter l’âge légal du départ à la retraite. Le président Macron, le 25 avril 2019, à l’occasion d’une conférence de presse consécutive au grand débat national, avait déclaré : « vous ne savez déjà plus comment faire après cinquante-cinq ans, les gens vous disent : "les emplois, ce nest plus bon pour vous" ». Il avait également ajouté, en évoquant le contexte socio-économique actuel : « Bon courage déjà pour arriver jusquà 62 ans », ou encore : « Tant quon na pas réglé le problème du chômage dans notre pays, ce serait assez hypocrite de décaler lâge légal [du départ à la retraite] ». Il admettait ainsi que l’on ne pouvait pas demander aux salariés de notre pays de travailler plus longtemps alors que les entreprises ne veulent pas recruter ni même conserver les seniors.

Pourtant, ce gouvernement présente aujourd’hui un projet de loi qui va précisément dans ce sens. Pour notre organisation, ce projet est totalement rétrograde et vise à remettre en cause notre modèle social, issu du Conseil national de la Résistance. S’il devait être adopté et mis en œuvre en l’état, les conséquences seraient économiquement et socialement catastrophiques. La part des retraites dans le produit intérieur brut (PIB) représente environ 14 % aujourd’hui, et les projections que l’étude d’impact a mis à notre disposition prévoient de ramener ce ratio à 12,9 % de la richesse produite à l’horizon 2050. Ces considérations peuvent paraître un peu techniques à nombre de nos concitoyens, mais la décision de diminuer la part des pensions dans un contexte où le nombre de retraités augmente aurait des implications très concrètes. Il s’agirait alors soit de faire travailler plus longtemps les salariés de ce pays, soit de faire baisser le montant de leur retraite en supposant qu’ils pourront épargner et donc se tourner vers des alternatives privées, à savoir les fonds de pension, pour la financer. La dernière possibilité serait de tabler sur une évolution à la baisse de l’espérance de vie ; il est peu probable que cela fasse partie des hypothèses de travail, bien qu’on puisse le redouter, à voir la situation des hôpitaux dans notre pays, le marasme dans lequel ils sont plongés et les nombreuses mobilisations qui s’y développent.

Une synthèse objective des différents éléments qui ont été mis à notre disposition nous permet de dire qu’il s’agit d’une réforme avant tout budgétaire. La référence à un âge pivot ou à un âge d’équilibre autour de 65 ans reprend d’ailleurs une proposition formulée par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

S’agissant de la méthode employée pour mener à bien ce projet de loi – qui aboutirait finalement, à entendre les propos de certains membres du Gouvernement, à ouvrir notre modèle social aux marchés financiers comme une boîte de friandises –, nous tenons de nouveau à alerter les représentants élus de la nation que vous êtes, mais aussi l’opinion publique, sur l’absence de réelle concertation. Notre organisation a pourtant participé à plus de vingt-deux séances de concertation au cours des deux dernières années, et nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de faire des propositions structurées et chiffrées pour améliorer et pérenniser notre système actuel. Celles-ci n’ont pas été prises en compte, mais c’est loin d’être le seul déni de démocratie auquel aient donné lieu cette concertation et l’élaboration de ce projet de réforme : nous reviendrons sur le fond, mais sur la méthode même, la tenue de cette audition, la remise tardive des documents, le non-envoi du projet au siège de notre organisation sont autant d’éléments qui, à nos yeux, ne vont pas dans le sens d’un débat constructif, respectueux et susceptible de mener à une forme de négociation. Nous ne sommes pas les seuls à avoir formulé ces critiques : le Conseil d’État, qu’il serait difficile de qualifier d’annexe de la CGT, a fait un certain nombre de déclarations dont la liste permet de cibler les problèmes auxquels nous faisons tous face. À l’entendre, le projet de loi aura pour conséquence de « limiter la visibilité des assurés proches de la retraite sur les règles qui leur seront applicables ». Il précise également que les projections financières transmises « restent lacunaires », et rappelle enfin au Gouvernement qu’il doit « assurer le respect des délais dexamen des textes garantissant la qualité de laction normative de lÉtat ».

De votre côté, mesdames, messieurs les parlementaires, vous allez devoir vous prononcer dans des délais particulièrement restreints sur un texte qui aura à être complété par pas moins de vingt-neuf ordonnances, et ce sur des points structurants. Demain s’ouvre au Conseil économique, social et environnemental (CESE) la conférence sur le financement des retraites, au sein de laquelle le cadrage élaboré par le Premier ministre semble vouloir restreindre toutes les propositions alternatives qui pourraient permettre d’améliorer le système actuel.

À ce stade, nous avons toujours de nombreuses interrogations, et nos craintes semblent hélas se concrétiser à travers le flou des réponses qui nous ont été apportées jusqu’à présent. Qu’est-ce qu’un système de retraite dit universel assorti de tant particularités ? La valeur du point est censée être la même pour tout le monde, mais un euro cotisé donnera-t-il les mêmes droits à tous ? Pourquoi ne pas avoir mis en place un véritable simulateur permettant à l’ensemble des citoyens de se projeter ? Pouvez-vous fournir une réponse claire et simple sur ce que vont devenir, dans le futur système, les générations dites sacrifiées – celles qui auront cotisé dans les deux systèmes de retraite – évoquées par mon collègue de la CFDT ? Quand et par qui la question de la pénibilité va-t-elle être traitée – à chaque réunion, elle est renvoyée à un ministère différent ? Le Gouvernement et ses représentants nous ont parlé d’une retraite par points, et ont rétorqué à nos critiques, non sans mépris, qu’évoquer la notion de temps et les trimestres revenait à parler en anciens francs. Pourtant, après que nous les avons interrogés à de nombreuses reprises à ce sujet, il apparaît finalement qu’une carrière complète nécessiterait de travailler quarante-trois ans, ou 162 trimestres, ou 516 mois, ou 15 695 jours. Combien de temps allons-nous devoir travailler pour bénéficier d’une retraite digne ? C’est ce genre de questions auxquelles vous devez répondre.

Au-delà des zones de flou identifiées par tout le monde, nous avons déjà constaté un certain nombre de reculs importants dans les textes que nous avons pu nous procurer ou qui nous été remis. La remise en cause de la règle des vingt-cinq meilleures années ou des six derniers mois dans la fonction publique aura pour conséquence de ne pas neutraliser les périodes de précarité ou de maternité, autrement dit toutes les périodes auxquelles les salariés, notamment les plus jeunes, sont de plus en plus confrontés dans notre pays.

S’agissant de la situation des femmes, il nous a régulièrement été expliqué qu’elles pourraient être les grandes gagnantes de ce nouveau système. Or elles sont les premières à subir les carrières hachées et les rémunérations incomplètes. Dans ce nouveau système, du fait de la non-prise en compte des meilleures années, leur situation se dégraderait. La proposition faite d’un minimum de pension à 1 000 euros pour un salarié ou une salariée partant à 64 ans est inférieure au seuil de pauvreté. Sur la question de la pension de réversion, c’est-à-dire sur la partie de la retraite dont aurait dû bénéficier une personne décédée, et qui était jusqu’alors reversée à l’époux survivant – en moyenne, les bénéficiaires en sont à 90 % des femmes –, les modalités de calcul et d’obtention changent. Enfin, pour ce qui est des personnes divorcées, il faudra attendre des ordonnances pour y voir plus clair. Tous ces sujets posent question. Nous éprouvons tous les plus grandes difficultés à obtenir des réponses claires et précises à propos de ce projet de loi.

Notre organisation souhaite le rejet du projet, et nous considérons qu’il faut repartir de zéro, c’est-à-dire reprendre une véritable négociation pour améliorer le système actuel. Nous faisons valoir notre projet contre celui du Gouvernement. Nous avons formulé toute une série de propositions, entre autres : le maintien du système de retraite par répartition ; la fixation de l’âge légal du départ à la retraite à 60 ans, avec un niveau d’indemnité situé à 75 % du revenu net d’activité ; le calcul de la retraite sur les dix meilleures années, ou sur les six meilleurs mois dans la fonction publique ; la prise en compte de la pénibilité ; la comptabilisation des années d’études ; l’indexation des pensions sur les salaires et non sur les prix. En vue de la conférence sur financement des retraites qui se tient à partir de demain au CESE, nous avons formulé un certain nombre de propositions qui permettraient de pérenniser notre système de retraite, en particulier la taxation des revenus du capital, l’augmentation des salaires, l’augmentation du nombre d’emplois, et la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous sommes prêts à faire de nouveau part de ces propositions, mais nous demandons le retrait de ce projet et l’ouverture d’une réelle concertation.

M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de lemploi et des retraites de Force ouvrière (FO). La création du système universel de retraite s’articule en fait autour de deux textes, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire.

Le projet de loi organique établit la règle d’équilibre, la fameuse « règle d’or » obligeant les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) à équilibrer les systèmes de retraite sur des périodes de cinq ans, et étend le champ des LFSS aux régimes de retraite complémentaire obligatoires, comme le régime de retraite complémentaire des salariés du secteur privé de l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture (AGIRC-ARRCO) ou l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC). Il concrétise ainsi ce que nous avons qualifié dès la présentation du rapport Delevoye de « réforme paramétrique permanente » entre les mains des gouvernements. Avec la règle d’or, tous les ans, il s’agira de vérifier que l’équilibre financier sur les cinq années à venir est bien respecté, quitte à prendre, au besoin, des mesures paramétriques. L’extension du champ de la LFSS permettra le pilotage par les gouvernements, en dernier ressort, des paramètres du futur système unique. C’est l’achèvement du processus d’étatisation de la sécurité sociale, que FO dénonçait déjà en 1995 lorsqu’avait été présenté le « plan Juppé » sur les retraites et la sécurité sociale.

Le projet de loi ordinaire reprend quant à lui les grandes lignes du régime unique par points esquissé par le rapport Delevoye, et s’inscrit dans la continuité des annonces faites par le Premier ministre devant le CESE le 11 décembre dernier. Le processus de consultation n’a manifestement pas conduit à des modifications majeures du texte, compte tenu des délais qui ont été données pour rendre un avis – le Conseil d’État n’a pas manqué de le relever. Soulignons au passage, mesdames et messieurs, que les caisses nationales de sécurité sociale, qui ont reçu le texte pour avis, ont toutes rendu un avis négatif...

Les grands principes sont énoncés au début du projet de loi. En matière d’équité, le système actuel peut certes être amélioré, mais il est le reflet du marché du travail. En matière de solidarité, les dispositifs existent aujourd’hui qui garantissent un niveau de vie satisfaisant aux retraités, ce que le Premier ministre reconnaissait lui-même en septembre dernier, également devant le CESE. En matière de liberté de choix, demain comme aujourd’hui, quand on est déjà plus en emploi, on subit forcément un malus au moment de liquider sa retraite. En matière de lisibilité, le droit à l’information prévu à l’article 12 retraçant l’intégralité des droits acquis existe déjà. FO rappelle que le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite, qui regroupe trente-cinq des quarante-deux régimes existants, a mis en place un droit à l’information efficace, fondé sur un système à prestation définie, qui permet à tous, à partir de 55 ans, de connaître avec précision ce que seront ses droits en fonction de l’âge de liquidation de la retraite. Mais surtout, loin d’être plus simple et plus juste, le système universel se traduira d’abord par une retraite incertaine, tant en termes de niveau de pension qu’en termes d’âge de départ effectif, pour tous et au fil du temps – ce qu’a d’ailleurs confirmé le Conseil d’État.

Il est tout aussi remarquable que le Conseil d’État ait dénoncé, comme l’avait fait FO auparavant, la formule marketing selon laquelle chaque euro cotisé ouvrirait les mêmes droits pour tous, qui reflète imparfaitement la complexité et la diversité des règles de cotisation ou d’ouverture des droits définies par le projet de loi. Le projet de loi confirme que le futur système sera assis principalement sur la valeur d’acquisition des points, que chacun devra acheter tout au long de sa carrière, et sur leur valeur de service, c’est-à-dire la valeur de conversion des points en pension. Dans le secteur privé par exemple, la retraite de base ne sera plus calculée comme aujourd’hui sur les vingt-cinq meilleures années ; il sera donc aisé de jouer sur les valeurs du point à l’achat comme à la conversion pour agir sur le montant de la pension. L’âge d’ouverture des droits deviendra de fait virtuel si le montant de la pension ne suffit pas et oblige à poursuivre son activité pour acquérir des points supplémentaires. La liberté sera d’autant plus contrainte qu’un âge d’équilibre est introduit à l’article 10, mécanisme de bonus-malus présenté comme la référence collective et la clef de voûte du futur système. Le projet de loi indique clairement que ce mécanisme a pour but d’inciter les Français à partir plus tard à la retraite. L’objectif est clairement assumé, tant dans la loi, qui instaure un âge d’équilibre, que dans l’étude d’impact : la réforme conduira dans les faits au recul de l’âge effectif pour faire valoir sa pension sur la base des droits acquis par la cotisation sans malus – ou décote. Il faut ainsi noter que dans l’étude d’impact, cet âge d’équilibre est projeté non plus à 64 ans mais déjà à 65, et ce dès l’entrée en vigueur du système universel, c’est-à-dire pour les générations nées en 1975 et après.

À compter du 1er janvier 2025, la cotisation se partagera entre une partie plafonnée – le taux étant fixé à 25,31 %, soit 90 % de la cotisation totale – qui s’appliquera aux rémunérations inférieures à trois fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale, et une partie déplafonnée, dont le taux sera de 2,81 % et s’appliquera à la totalité des rémunérations. Cette baisse des cotisations sur les salaires supérieurs à 120 000 euros par an entraînera un manque à gagner de plus de 3,5 milliards d’euros par an pour le futur système de retraite.

D’autres aspects du projet de loi sont sujets d’inquiétude pour notre organisation : l’article 18, qui habilite le Gouvernement à définir par ordonnance les modalités de convergence du régime de cotisation des fonctionnaires vers le système cible, dans le cadre d’une période de transition qui ne pourra excéder quinze ans ; l’article 19, qui applique la même logique aux assurés des régimes spéciaux, mais pour une période de transition pouvant aller jusqu’à vingt ans.

Pour les carrières longues, l’article 28 fixe l’âge minimal de départ à la retraite à 60 ans et abaisse de deux ans le taux plein, en le fixant à 62 ans. Cela signifie que l’assuré subira deux fois un malus de 5 % s’il part à 60 ans et qu’il lui faudra attendre l’âge d’équilibre, 64 ans, pour bénéficier d’une majoration. Aujourd’hui, il peut partir dès 60 ans sans décote, à condition d’avoir toutes ses années de cotisation...

M. Jacques Marilossian. Justement !

M. Sébastien Jumel. Vous avez écouté le patronat ce matin, écoutez donc les organisations !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous prie de ne pas interrompre les orateurs.

M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de lemploi et des retraites de FO. FO demande que l’accès à la retraite anticipée des personnes handicapées soit amélioré. Le départ anticipé est maintenu entre 55 et 59 ans, en fonction de la durée d’activité effectuée en situation de handicap, ce qui nous semble trop restrictif.

S’agissant de la prise en compte de la pénibilité, l’article 32 a pour seul objectif de substituer le C2P à la notion de carrière active dans la fonction publique et les régimes spéciaux, à l’exception des marins et des militaires. Ce n’est pas une surprise, c’était annoncé. Dans le même chapitre, et pour le secteur privé, les autres articles n’apportent rien de nouveau, si ce n’est l’abaissement du seuil de travail de nuit à cent dix nuits – pour autant que les horaires pris en compte ne soient pas modifiés.

En marge de la réforme des retraites, FO a demandé la réintégration des quatre critères de pénibilité que les ordonnances travail de 2017 ont exclus du dispositif. Il s’agit de mieux reconnaître et prendre en compte la pénibilité, mais aussi de donner la possibilité de négocier dans les branches, puis dans les entreprises.

Pour les fonctionnaires des catégories actives, l’article 38 habilite le Gouvernement à déterminer par ordonnance les dispositifs de transition. Pour FO, le maintien des catégories actives est une exigence.

Le titre III détaille les dispositifs de solidarité comme le minimum de retraite, dont les articles 40 et 41 prévoient qu’il sera porté à 85 % du SMIC en 2025 et à 1 000 euros dès 2022, et qu’il bénéficiera aux assurés ayant cotisé durant 43 ans, autrement dit 516 mois – la durée de cotisation reste une référence. Sachez que l’objectif d’une pension minimale équivalente à 85 % du SMIC figurait déjà à l’article 4 de la loi de 2003, lequel prévoyait une mise en place effective en 2008, il y a douze ans ! La preuve, s’il en est, que le système universel n’est pas une condition pour instituer un minimum de retraite... FO demande que celui-ci atteigne au moins 100 % du SMIC.

L’article 42 prévoit que le système universel prendra en compte les interruptions de carrière involontaires, sans toutefois créer de droits nouveaux. Certains d’entre eux seront même réduits. Les couples verront leurs droits cumulés passer de 34 à 17 % ; ils perdront largement avec cette réforme.

Enfin, nous regrettons vivement que sur des sujets aussi majeurs que le calcul des droits acquis avant 2025, les régimes spéciaux ou les fonctionnaires, le projet renvoie à des ordonnances – pas moins de vingt-neuf selon le Conseil d’État !

Sur la méthode comme sur le calendrier, sur la forme comme sur le fond, nous sommes convaincus que ce projet de loi est dangereux pour les retraites et l’avenir de nos enfants. Nous en demandons l’abandon ; nous vous appelons à stopper le processus d’adoption de ce texte et à convaincre le Gouvernement d’ouvrir de véritables négociations, sans préalable, pour améliorer le système actuel.

M. Pierre Roger, secrétaire national en charge du secteur protection sociale de la Confédération française de lencadrement - Confédération générale des cadres (CFECGC). À la CFE-CGC, nous considérons que, quel que soit le système de retraites retenu, il doit être pérenne et équilibré ; il doit pouvoir anticiper les évolutions démographiques et résister aux chocs économiques. Nous estimons normal que les futurs retraités et les retraités partagent les progrès économiques éventuels et le produit des richesses créées en France. Par ailleurs, les Français, ils l’ont régulièrement exprimé, demeurent attachés au système par répartition de 1945.

Ce projet est un choix de société. Il avait été indiqué que cette réforme se ferait à budget constant ; or l’étude d’impact, publiée non sans difficulté, montre qu’il n’en est rien. À terme, le budget sera en baisse : malgré la croissance de la population des retraités, l’objectif est de ramener la part de la retraite dans le PIB à 12 %. Dans le même temps, l’accent est mis sur l’effort individuel, comme dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE »). Les salariés dont la rémunération excède trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale ne seront plus soumis aux cotisations, hormis une cotisation de solidarité, insuffisante pour remplacer l’existant. Une scission risque de se produire entre ceux qui relèveront du régime par répartition et ceux qui, mieux rémunérés, cotiseront ailleurs. Ce système « universel » le sera-t-il encore demain ?

Cette réforme est également de nature budgétaire. L’État employeur en sera à coup sûr le grand gagnant puisque le taux de cotisation pour le secteur public sera ramené au même niveau que pour le secteur privé. L’étude d’impact montre que, sur la durée, l’économie réalisée sera comprise entre 4 et 5 milliards par an, et ce malgré une augmentation des rémunérations de fonctionnaires les plus basses. Le choix est donc politique : on décide de limiter le poids de la retraite par répartition et de réduire l’effort budgétaire de l’État français.

Le choix est aussi paramétrique. Pour que le système soit équilibré, il faut un mécanisme. Dans la mesure où l’on ne peut pas augmenter les cotisations ni baisser les pensions, et qu’il serait difficile, après les propos du Président de la République, de revenir sur l’âge légal, la seule solution est de jouer sur les critères de durée – âge pivot, âge d’équilibre, décotes – alors qu’il avait été question de proposer des surcotes pour inciter les assurés à travailler plus longtemps. Il faut savoir que dans un système universel, les choses ne seront pas vraiment différentes. Si les régimes spéciaux, qui ont été mis en exergue, sont aujourd’hui en déséquilibre, c’est en raison d’évolutions démographiques qui ne disparaîtront pas demain. Or il faudra bien que les autres régimes, unis désormais, continuent de compenser ces déficits démographiques.

L’étude d’impact montre que, même avec un âge d’équilibre à 65 ans en 2037, l’équilibre des comptes ne sera pas garanti. Il faudra bien trouver d’autres solutions et revenir sur une disposition à nos yeux incompréhensible : la suppression des cotisations au-delà de trois fois le plafond de la sécurité sociale, contre huit fois aujourd’hui.

Le Conseil d’orientation des retraites (COR), dans son rapport de novembre 2019, notamment à la page 59, explique très bien que les dépenses et les recettes sont quasiment équilibrées. Le problème tient aux recettes, qui atteignent, tous régimes confondus, 130 milliards. Le léger décalage de 0,3 % s’explique par les choix politiques du Gouvernement d’exonérer de cotisations les heures supplémentaires, de réduire le nombre de fonctionnaires et donc les cotisations afférentes. Les propositions actuelles risquent de réduire plus encore les recettes, puisque l’on se prive de 2,8 milliards de recettes en supprimant les cotisations au-delà de trois fois le plafond de la sécurité sociale, tout en faisant le choix d’atteindre l’équilibre par l’âge. Ce n’est pas raisonnable !

Cette réforme fera peu de gagnants, et beaucoup de perdants. Pour bénéficier du minimum retraite à 1 000 euros, il faudra avoir cotisé quarante-trois ans. Or peu de gens seront dans cette situation : ceux qui ont connu les emplois précaires n’auront jamais pu cotiser aussi longtemps, et ceux qui auront travaillé quarante-trois ans se retrouveront nécessairement au-dessus du SMIC à un moment donné.

Les chômeurs seront perdants puisque leurs points seront calculés sur le montant de l’allocation de retour à l’emploi (ARE), et non sur leur rémunération antérieure.

Les trois quarts, voire les 90 % des salariés qui ont une carrière normale, seront nécessairement perdants avec le système à points puisque le calcul actuel des droits sur les vingt-cinq meilleures années permet de couvrir les aléas de parcours.

Les femmes ne seront pas nécessairement gagnantes, puisqu’elles perdront d’un côté ce qu’on leur donne de l’autre, les 5 % attribués pour chaque enfant. Grâce aux deux ans qu’elles gagnaient à chaque naissance dans l’ancien système, elles étaient nombreuses à partir avant 64 ans, l’âge pivot de la nouvelle réforme.

Enfin, il sera très difficile d’envisager son départ à la retraite. Dans la mesure où il faudra vérifier que le solde sur une période glissante de cinq ans n’est pas négatif, l’âge pivot pourra être à tout moment modifié. Deux ou trois ans avant son départ, on ne sera pas sûr de la valeur du point ni de la possibilité de partir sans décote.

Ce système est loin d’être transparent, il est loin d’être juste. Il s’agit d’une mesure financière, d’un choix politique, d’un choix de société. C’est la raison pour laquelle il faut que vous preniez le temps de discuter de ce texte. Il nous semble par ailleurs très dangereux qu’autant d’éléments fondamentaux soient traités par ordonnance. Nous espérons, mais nous n’en doutons pas, que l’Assemblée nationale prendra toute sa part sa part dans le débat afin d’aboutir à quelque chose qui soit réellement structurant pour l’avenir.

M. Cyril Chabanier, président confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Ce texte s’inspire pour une bonne part des propositions issues du rapport du rapport Delevoye. Tout au long de la concertation, la CFTC a essayé d’être force de proposition pour bâtir un régime universel de retraite plus équitable, plus solidaire, et surtout mieux adapté aux réalités du monde du travail et de l’époque actuelle.

Consciente des défis posés par la démographie, des difficultés d’accès et de maintien dans l’emploi, consciente aussi des injustices liées au dispositif actuel, la CFTC est favorable au principe d’une réforme. Il y va de la pérennité du système.

Le système par points a pour mérite de comptabiliser les droits dès le premier jour travaillé, et ce dès le plus jeune âge. On peut parfois l’oublier : dans le système actuel de validation des droits via la durée d’assurance – les fameux trimestres –, des personnes cotisent sans pour autant obtenir de droits en retour ; il faut en effet une rémunération équivalente à 150 heures payées au SMIC pour valider un trimestre. Les travailleurs les plus précaires, abonnés à des mini-jobs peu payés et de très courte durée, peinent à se constituer une retraite. Les chiffres du ministère du travail montrent que, parmi les assurés qui doivent travailler jusqu’à 67 ans, figurent beaucoup de femmes et que 80 % appartiennent au premier quartile des revenus, autrement dit font partie des 25 % des personnes qui gagnent le moins.

L’esprit général de cette réforme est globalement conforme à la vision et aux revendications que la CFTC a défendues lors des réunions de travail qui se sont tenues pendant quasiment deux ans : maintien d’un système par répartition qui assure la solidarité ; maintien des pensions actuellement versées ; maintien des droits acquis, conformément à l’article 60 ; compensation des aléas de la vie personnelle ou professionnelle ; nouveaux droits pour les aidants, ce qui serait une réponse à notre demande de reconnaissance des activités à utilité sociale, sociétale ou collective, qui participerait à une meilleure prise en charge de la dépendance, ce grand défi qui nous attend tous.

Le projet de loi contient de réelles avancées, auxquelles nous avons contribué lors des débats. Nous avons essayé de défendre une vision plus moderne de la protection sociale et mis en avant les acquis qu’il nous semblait indispensable de préserver : la pension de réversion, menacée, se trouve finalement renforcée ; les droits familiaux, rénovés, pourront bénéficier à plus de familles.

Le sujet qui fâche, l’âge pivot, a été retiré du projet. Mais la notion d’âge d’équilibre n’a pas disparu du texte, loin de là. L’âge d’équilibre, qui sera fixé par la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), demeure un paramètre : dès lors qu’il ne sera pas atteint, la pension s’en trouvera minorée.

Que l’on puisse parler d’âge d’équilibre ne nous pose pas problème. En revanche, nous trouvons problématique qu’il devienne un âge de référence autour duquel s’articulent de nombreux dispositifs. Tous les mécanismes, y compris à vocation sociale et solidaire, comme la pénibilité, les carrières longues, le minimum de retraite ou la retraite progressive se trouvent impactés par l’âge d’équilibre. Cela aboutit au résultat inverse de ce qui était recherché avec ce texte – traiter de la situation des plus précaires – et rend le projet de loi contre-productif.

Je le répète, la CFTC est favorable à la notion d’équilibre – elle l’a démontré dans la gestion du système AGIRC-ARRCO – dans la mesure où la pérennité du système et la confiance des cotisants en dépendent. L’équilibre du système doit aussi passer par davantage de simplicité, de lisibilité, de possibilités de choix offertes aux salariés. Nous défendons depuis longtemps l’idée d’une retraite à la carte.

L’âge d’équilibre conçu comme la référence absolue tire vers le bas les principaux mécanismes de solidarité. Ainsi, pour les carrières longues, le dispositif est maintenu, mais avec un âge d’équilibre fixé à 64 ans, l’âge de départ à la retraite sans décote passe de 60 à 62 ans. Il faudra attendre 64 ans pour bénéficier de la majoration. Autre exemple, le minimum de retraite : pour en bénéficier, il faudra partir à 64 ans, et non plus à 62 ans comme aujourd’hui, à condition d’avoir validé une carrière complète de quarante-trois ans. Si nous sommes favorables à l’âge d’équilibre, nous considérons que les assurés les plus précaires et ceux concernés par la pénibilité doivent pouvoir partir à la retraite à 60 ans.

Le système de minoration et de majoration, tel qu’il est prévu, bénéficie aux assurés les plus favorisés : lorsque l’on fait les métiers les moins pénibles, il est plus facile de reculer son départ à la retraite, d’accumuler des points supplémentaires et de bénéficier d’une majoration. Les assurés les moins favorisés, ayant connu des carrières longues et des métiers pénibles, seront pénalisés par un nombre de points qui pourrait être réduit et une minoration qui pourrait être importante. La CFTC a demandé que les effets de la minoration soient à tout le moins temporaires et non pérennes, comme c’est le cas à l’AGIRC-ARRCO.

Pour ce qui est de la pénibilité, la philosophie de la CFTC a toujours été de privilégier la prévention et la reconversion, plutôt que la réparation. Le but n’est pas seulement que les personnes partent trois ans plus tôt, c’est d’éviter qu’elles ne partent totalement cassées après avoir exercé pendant trente ou trente-cinq ans un métier pénible. Mais il est vrai aussi qu’à partir de 55 ans, la reconversion est très difficile et qu’il restera des postes pénibles sur lesquels ni l’ergonomie, ni l’intelligence artificielle, ni toute la bonne volonté du monde ne permettront d’agir. Pour ces professions-là, il faut réparer et permettre des départs à 60 ans. Nous proposons aussi que le déplafonnement soit utilisable dans sa totalité pour un départ anticipé à la retraite à partir de 60 ans pour les travailleurs de 55 ans et plus qui n’auraient pas fait usage de leur C2P.

Enfin, il nous semble que la gouvernance est beaucoup trop encadrée et que la CNRU doit disposer de davantage de marges de manœuvre. Quant au titre IV, il préfigure une transition brutale pour les caisses de retraite de base et de retraite complémentaire, surtout pour leurs personnels.

M. Dominique Corona, secrétaire général adjoint de lUnion nationale des syndicats autonomes (UNSA). Ce projet de loi instituant un système universel de retraite vise à transformer pour des décennies l’une des composantes majeures du contrat social français. La retraite est un pilier de notre modèle social, auquel les Français sont particulièrement attachés. Ce projet suscite interrogations et anxiétés. Nous avons découvert au fur et à mesure des concertations commencées en avril 2018 les grandes lignes de l’architecture du projet de loi, mais ce n’est qu’à la mi-décembre que nous avons pu enfin sortir du flou sur le contenu du texte.

L’UNSA n’était pas demandeuse d’une telle réforme, mais elle s’est inscrite dès le début dans la concertation. Nous avons formulé des propositions pour améliorer le texte. Certaines ont d’ailleurs été retenues par le Gouvernement, comme le recul des premières générations concernées par le nouveau système. Nous n’avons eu de cesse de porter des revendications avec un seul objectif : qu’il n’y ait pas de « punis » de la réforme.

Beaucoup de zones d’ombre, bien des imprécisions demeurent, que la représentation nationale devra lever. Je n’évoquerai pas le volet financier, que j’aborderai demain lors de la conférence de financement au CESE.

Au cours de la concertation, et dans le rapport Delevoye, l’âge d’équilibre apparaissait plutôt comme un âge actuariel. Pourtant, dans ce projet de loi, il est prévu que « lâge déquilibre [...] évolue par génération à hauteur des deux tiers de lévolution des prévisions despérance de vie à la retraite des assurés ». La référence explicite à l’espérance de vie rapproche dangereusement le projet du Gouvernement des comptes notionnels et du « pilotage automatique ». L’UNSA n’y est pas favorable et demande que le législateur laisse à la gouvernance le soin de fixer l’âge d’équilibre, dans le respect de la règle d’or prévue dans le projet de loi.

L’instauration d’un âge d’équilibre aura des répercussions sur les carrières longues. Ces assurés, qui ont commencé à cotiser très tôt, ont pour la plupart exercé des métiers éprouvants et ont une espérance de vie plus courte, seront obligés de partir plus tard ou de subir un malus. Pourtant, via leur durée de cotisation, ils auront contribué à la pension des assurés ayant une espérance de vie plus longue. Cela nous semble très injuste et nous demandons que, pour ces assurés, l’âge l’équilibre soit abaissé à l’âge d’ouverture des droits.

Sur la prise en compte de la pénibilité, tout est à construire. Les concertations avec Mme Pénicaud sont terminées. Nous n’en connaissons pas à ce jour les conclusions. Pour l’UNSA, il faut s’appuyer sur le triptyque prévention, reclassement, réparation. Pour les deux premiers volets, les choses semblent aller dans le bon sens. Nous sommes beaucoup plus inquiets sur la question de la réparation ; les derniers sondages le montrent : les citoyens estiment que la pénibilité doit être prise en compte dans l’âge de départ à la retraite. C’est notre responsabilité que d’entendre ce message.

L’UNSA, pour sa part, estime qu’il faut continuer de revoir les seuils des critères du C2P et réintégrer les critères du précédent dispositif, le C3P, exclus en 2017 : manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition aux agents chimiques. Personne ne peut croire qu’aujourd’hui, alors que l’on peut mesurer les décibels à la minute près pour un salarié, nous soyons incapables collectivement de mesurer les charges lourdes !

L’extension du C2P à la fonction publique ne suffira pas à compenser la dangerosité ou la pénibilité de certains métiers. Nous demandons donc que le service actif puisse au moins être préservé pour les égoutiers, les agents de morgue ou les éboueurs, dont l’espérance de vie est bien inférieure à la moyenne nationale. Nous demandons aussi le maintien des conditions actuelles de départ pour les ouvriers de l’État, poly-exposés, en particulier aux agents chimiques dangereux. Enfin, nous demandons que la durée de service conditionnant les départs anticipés liés aux fonctions régaliennes, aujourd’hui de vingt-sept ou de dix‑sept ans, soit ramenée à dix‑sept ans pour tous.

S’agissant des droits familiaux, l’attribution d’une bonification dès le premier enfant était une revendication de l’UNSA. Toutefois, nous demandons la mise en place d’un forfait, en lieu et place d’une revalorisation en pourcentage, ce qui est plus juste et concourra à l’égalité entre les femmes et les hommes. Le projet de loi indique que le choix du bénéficiaire est définitif – dans le cadre d’un divorce, il ne pourra être remis en cause. Cette mesure est dangereuse et pourrait entraîner de fortes injustices. L’UNSA estime indispensable que le juge des affaires familiales puisse être saisi pour redistribuer les bonifications.

S’agissant de la pension de réversion, le changement des conditions d’accès, notamment pour la fonction publique, n’est pas acceptable sans aménagements. Il est donc indispensable d’instaurer, par exemple, une couverture prévoyance obligatoire pour tous les travailleurs, financée pour partie par les employeurs.

En ce qui concerne les minima de pension, la prise en compte des temps partiels est indispensable. Dans ce cadre, l’UNSA demande que soient intégrées l’ensemble des périodes, qu’elles soient contributives ou non – y compris, par exemple, les majorations de durée d’assurance pour les personnes ayant eu des enfants. Le passage à 85 % du SMIC est un premier pas ; toutefois, pour les salariés ayant une carrière complète, l’UNSA revendique la création de minima de pension majorés, permettant d’obtenir une pension au niveau du SMIC.

L’allongement de la durée des carrières implique de se pencher sur l’adaptation des fins de carrière, et surtout de garantir l’emploi des seniors. La retraite progressive peut être un début de réponse. L’UNSA demande ainsi qu’elle soit accessible à partir de 59 ans, et dès 2022. Cette retraite progressive ne doit pas pour autant se traduire par des pertes de droits pour les assurés concernés. Ainsi, nous demandons que les cotisations vieillesse restent basées sur la rémunération à 100 %.

S’agissant du secteur public, de nombreuses questions restent sans réponse dans le projet de loi. Si celui-ci évoque la revalorisation des enseignants, il ne parle pas des personnels des catégories C et B, qui touchent peu de primes, dans la fonction publique de l’État, dans les collectivités territoriales et dans la fonction publique hospitalière. Il faut que, sur ce point également, les agents soient rassurés.

Quant à la gouvernance du système, l’UNSA est particulièrement attachée au rôle des partenaires sociaux. La CNRU couvrira l’ensemble des assurés sociaux. Dans ce cadre, la gouvernance doit représenter l’ensemble des travailleurs. La proposition visant à mettre en place une gouvernance représentant à la fois les salariés du privé et ceux du public constitue une avancée démocratique. Cette représentativité devrait d’ailleurs prévaloir au-delà de la CNRU : il faudrait qu’elle existe également au sein de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et des caisses d’allocations familiales (CAF). En effet, ces organismes ont une gouvernance fondée sur le privé alors que l’ensemble des salariés sont concernés.

Enfin, nous souhaitons vous alerter sur le calcul des droits acquis. Pour l’UNSA, il n’y a qu’une seule solution : appliquer la clause dite « à l’italienne » à toutes et tous. C’est indispensable pour garantir 100 % des droits acquis. Cette solution est la plus favorable pour les salariés.

Voilà les remarques que l’UNSA voulait porter à votre connaissance. J’ajoute que le recours à vingt-neuf ordonnances nous interroge. Cette procédure exceptionnelle ne doit pas pour autant exonérer le Gouvernement d’une concertation avec les partenaires sociaux sur l’ensemble de ces dispositifs. Nous souhaitons obtenir un engagement fort à ce sujet. Il reste donc beaucoup à faire pour améliorer ce projet de manière qu’il n’y ait pas de punis de la réforme, ce qui est la condition sine qua non d’une acceptabilité sociale du projet.

M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je partagerai mon temps de parole avec Carole Grandjean, rapporteure pour le titre IV, qui vous posera quelques questions sur la gouvernance.

Merci, messieurs, pour vos interventions. J’aimerais revenir plus précisément sur deux points que vous avez abordés.

Premièrement, s’agissant de la pénibilité, le projet de loi permet des avancées réelles en déplafonnant le nombre de points acquis au titre du C2P, y compris pour les fonctionnaires, lesquels n’y avaient d’ailleurs pas accès jusqu’à présent. Toutefois, nous devons trouver collectivement un moyen d’améliorer la prévention et la reconversion, pour que le système de retraite n’endosse pas à lui seul la délicate question de la pénibilité. Quelles sont vos pistes pour encourager les entreprises à jouer le jeu de la prévention ? Par ailleurs, faut-il, selon vous, responsabiliser davantage l’employeur, dans une logique « pollueur-payeur », en faisant payer davantage ceux dont les salariés sont exposés à des facteurs de pénibilité ?

Deuxièmement, pourriez-vous également revenir sur l’intérêt du plafonnement à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) dans le futur système ?

S’agissant des ordonnances enfin, nous avons signalé hier au Gouvernement que nous serions, nous aussi, particulièrement vigilants.

Mme Carole Grandjean, rapporteure pour le titre IV du projet de loi ordinaire. Vous occuperez une place essentielle au sein du conseil d’administration de la future CNRU. Tout d’abord, le choix de la confiance dans le paritarisme ne saurait laisser de côté la démocratie parlementaire. Par quels moyens envisagez-vous donc d’associer et d’informer le Parlement ? De plus, au sein de la CNRU, le directeur général et le conseil d’administration exerceront conjointement leurs responsabilités. Comment envisagez-vous cette articulation et quelle place proposez-vous de donner à l’assemblée générale et au conseil citoyen ?

Par ailleurs, le succès de la mise en place du système universel dépend de la qualité de la transition. Comment envisagez-vous celle-ci et quelles précisions souhaiteriez-vous voir apporter concernant le schéma de transformation ?

Enfin, s’agissant du pilotage annuel et pluriannuel, quelle articulation envisagez-vous entre le comité d’expertise, responsable des projections indépendantes et actualisées, et le COR ?

M. Olivier Véran, rapporteur pour le projet de loi organique. Merci à tous pour vos interventions. Je rejoins ce qu’a dit le rapporteur général à propos des ordonnances : si certaines dispositions peuvent être transcrites « en dur » dans la loi, elles le seront. Pour le reste, vous connaissez mieux que quiconque l’histoire des réformes sociales et savez donc que le système de réforme par ordonnance a joué un rôle très important, que ce soit pour les congés payés ou la semaine de 39 heures. Il n’y a donc rien de nouveau, de ce point de vue, mais vous avez raison de nous rappeler à notre devoir de vigilance. Qui plus est, dans cette maison, nous aimons bien écrire en dur dans la loi : chaque fois que ce sera possible, nous le ferons.

J’en viens maintenant au fond. D’abord, seriez-vous favorables à ce qu’on inscrive dans le marbre de la loi organique, plutôt que dans la loi ordinaire, le fait que la valeur du point ne pourra pas baisser ? Comme vous le savez, la loi organique a une valeur plus élevée et il est plus difficile de la défaire. Cette précaution serait-elle de nature à vous rassurer ? J’ai entendu – pas aujourd’hui, certes, mais dans plusieurs communications – les inquiétudes légitimes des partenaires sociaux quant à l’évolution de la valeur du point. À titre personnel, et en tant que rapporteur, je serai favorable à l’idée de l’inscrire dans le projet de loi organique.

En ce qui concerne la règle d’or, en l’occurrence l’équilibre à cinq ans, ne vaut-il pas mieux, au fond, assurer la pérennité et l’équilibre du système de financement des retraites de façon régulière et continue, par périodes de cinq ans, plutôt que d’y revenir de façon irrégulière et par à-coups, au risque non seulement de multiplier les déficits, mais aussi de soulever d’autres conflits sociaux, comme cela a toujours été le cas, historiquement, lors des réformes des retraites intervenues sous la Ve République ?

Par ailleurs, je comprends parfaitement que l’extension du PLFSS aux retraites complémentaires n’emporte pas votre adhésion, pour des raisons idéologiques – que je respecte –, mais aussi pour des raisons historiques – que je respecte également –, et parce que la démocratie sociale a fait montre de son efficacité en matière de gestion et de pilotage, notamment dans le cadre de la réforme de l’AGIRC et de l’ARRCO. En même temps, le fait de permettre à la représentation nationale de débattre de ces questions annuellement, dans le cadre du PLFSS, n’est-il pas un gage de transparence pour la population, mais aussi de communication, qui nous permettra de mieux avancer et expliquer les choses aux Français ? Surtout, en contrepartie de l’occasion qui nous sera ainsi donnée, en tant que parlementaires, de débattre de ce pan important de la protection sociale, vous verriez votre rôle renforcé à travers la conférence des financeurs. N’est-ce pas là une contrepartie suffisante ?

Autre question – je vous tends une belle perche, mais j’ai déjà interrogé le patronat ce matin et je ne crois pas avoir reçu de réponse sur le fond : parmi les propositions que vous comptez formuler dans le cadre de la conférence des financeurs, préconiseriez-vous de revenir sur certains allégements généraux de cotisations patronales, de manière à faire contribuer le patronat, notamment les grandes entreprises ?

Enfin, seriez-vous favorables à ce que nous réfléchissions collectivement – pas aujourd’hui, évidemment, mais peut-être plus tard – à une extension de la règle d’or à l’ensemble du périmètre de la protection sociale, plutôt que de la limiter à la seule branche retraite ? Cela permettrait d’éviter les externalités négatives.

Mme Fadila Khattabi. Madame, messieurs les représentants syndicaux, je tiens, au nom du groupe La République en Marche, à vous remercier pour vos interventions respectives, et j’aimerais débuter la mienne en parlant d’un point essentiel : la concertation. Je souhaiterais en effet rappeler que beaucoup de temps a été consacré aux échanges – des échanges souvent constructifs et surtout réguliers, et ce dès la première phase de concertation menée par le haut-commissaire. À cette occasion, les partenaires sociaux ont largement pris part aux différentes réunions organisées sur l’ensemble du territoire national. À cet égard, je voudrais, si vous me le permettez, rappeler quelques chiffres marquants : depuis la remise du rapport de M. Delevoye en juillet dernier, cinquante réunions ont eu lieu avec l’ensemble des syndicats, cent trente réunions sectorielles avec les différentes professions – et je ne compte pas les cent soixante réunions organisées par les députés ambassadeurs. Autrement dit, le projet de loi n’a pas été écrit sur un coin de table : c’est l’émanation d’un travail mené depuis deux ans avec vous, mais également avec les Français. À titre personnel, je me réjouis de la démarche.

En effet, les grands principes issus de la concertation et du rapport de Jean-Paul Delevoye ont bien été respectés et retranscrits dans le texte dont nous allons débattre – je pense, entre autres, aux enjeux d’équité, mais également aux mesures renforçant la solidarité, ou encore à la lisibilité des droits. Alors que les travaux parlementaires viennent à peine de démarrer au sein de cette commission, pour se poursuivre dans quelques jours dans l’hémicycle, le dialogue social ne doit pas s’arrêter pour autant : les partenaires sociaux seront amenés à jouer encore un rôle primordial, afin d’enrichir au mieux le projet de loi. Oui, il me paraît essentiel de rappeler le rôle crucial des syndicats, véritables garants de la démocratie sociale, au service de l’intérêt général. L’intérêt général et la justice sociale, tel est le cœur de cette réforme qui se veut systémique et rompt avec le cycle des précédentes réformes, uniquement paramétriques.

Cette réforme s’adresse surtout aux générations futures, avec un projet de loi résolument tourné vers l’avenir, mais elle s’adresse également à tous les Français. Aujourd’hui plus que jamais, il nous faut être responsables, avec comme fer de lance la soutenabilité financière du système. Aussi, à la suite des échanges qui ont eu lieu à l’occasion des dernières négociations, le Gouvernement a réaffirmé sa confiance dans les organisations syndicales en inscrivant noir sur blanc dans la version finale du projet de loi le rôle majeur qu’auront à jouer les partenaires sociaux au sein de la conférence de financement, qui sera chargée de définir les différentes mesures qui nous permettront d’atteindre l’équilibre financier en 2027.

Autre point crucial : la mise en place d’une nouvelle gouvernance, qui, je le rappelle, a été saluée par les organisations syndicales, une gouvernance totalement repensée, dans laquelle les partenaires sociaux auront toute leur place, afin de piloter au mieux le nouveau système universel de retraite. « Universel » : le terme illustre parfaitement l’histoire sociale de notre pays. Le projet est donc celui d’un système universel – auquel, nous le savons, tous les syndicats n’adhèrent pas. C’est une position qu’il nous faut entendre, mais je tiens à insister sur l’importance de mener la réforme de façon apaisée. En la matière, le compromis et le dialogue restent nos meilleurs alliés.

Je me dois de rappeler que de nombreuses mesures ont été inscrites dans le texte afin de renforcer les droits, d’en créer de nouveaux, ou encore de permettre un accès facilité à la retraite pour les plus vulnérables. Je n’en dresserai pas ici la liste exhaustive, mais je tiens à souligner certaines avancées auxquelles vous avez contribué. Je pense notamment au maintien du dispositif des carrières longues, à la possibilité du cumul emploi-retraite, à l’ouverture de la pénibilité à l’ensemble de la fonction publique, ou encore à l’indexation de la valeur du point sur les salaires. Cependant, il serait faux de croire qu’une réforme d’une telle ampleur peut se passer d’ajustements. Je tiens à préciser que le groupe majoritaire ne reculera pas s’agissant de toutes les mesures qui contribueront à la viabilité du système universel par points ; mais, plus que jamais, nous avons besoin de rester toutes et tous autour de la table des discussions pour élaborer ce nouveau contrat social. Aussi, et compte tenu du rôle considérable que vous aurez à jouer, j’aimerais connaître l’état d’esprit avec lequel vous allez aborder dès demain la conférence de financement – et n’y voyez aucune malice de ma part.

M. Sébastien Jumel. Ah bon ?

Mme Fadila Khattabi. Enfin, j’aimerais savoir, comme bon nombre de mes collègues de la majorité, quelles sont votre position et vos préconisations sur deux autres aspects : le cumul emploi-retraite et la prise en compte de la pénibilité.

M. Gérard Cherpion. Je remercie l’ensemble des partenaires sociaux qui ont accepté de venir exposer leur position sur un texte extrêmement important, puisqu’il engage notre pacte social pour de nombreuses années. Le groupe Les Républicains est favorable à une évolution, inévitable dans la mesure où se pose un problème de génération – et de renouvellement des générations. L’équilibre doit être revu à l’horizon 2027, ce que personne, je crois, ne conteste.

Le Premier ministre a finalement confié à une conférence le soin de réfléchir aux moyens de garantir l’équilibre financier du système de retraite, ce qui est extrêmement important, tout en posant deux principes fondamentaux : il ne devra y avoir ni baisse des pensions – ce que l’on peut comprendre, et vous-même y avez tous insisté – ni hausse du coût du travail. Du coup, l’âge reste le seul facteur sur lequel on peut jouer. L’âge pivot a été retiré, mais on parle maintenant d’un âge d’équilibre, qui suscite lui aussi un certain nombre de questions. Va-t-il notamment remettre en cause, par exemple dans le cadre des carrières longues, les mesures prévues à 60 ans, 64 ans et 67 ans ? Il faut évidemment répondre à cette question – et je souhaite que vous le fassiez. Les partenaires sociaux ont fait preuve de responsabilité dans les différents dossiers dont ils ont été partie prenante. Je pense en particulier à l’AGIRC-ARRCO : depuis maintenant soixante-dix ans, ils gèrent ces organismes de façon très responsable, équilibrée et juste un système qui fonctionne bien, conçu pour ne pas reporter sur les générations futures les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui.

Pour un texte comme celui-ci, la confiance entre les partenaires est indispensable. Or la question se pose de savoir si cette confiance existe, en particulier du côté des partenaires sociaux, dans la mesure où, lors des dernières réformes – je pense en particulier à celle de l’assurance chômage –, on ne peut pas dire qu’elle ait été une règle d’or dans l’élaboration du nouveau système comme dans sa mise en place. Je vous pose donc la question : faites-vous confiance au Gouvernement pour garder le cap ? Par ailleurs, s’agissant de la gouvernance, élément essentiel du système, comment pensez-vous que la confiance puisse s’instaurer ? En effet, il est écrit dans le projet de loi qu’au bout du compte, c’est un décret qui fixera le résultat des avancées que vous aurez enregistrées. Ne s’agit-il donc pas, en définitive, d’une certaine manière, comme j’ai entendu l’un d’entre vous le dire, d’une étatisation du système de retraite à court ou moyen terme, d’une reprise en main par l’État ? La couverture globale qui est proposée peut certes se révéler bonne, mais elle va aussi créer un certain nombre d’injustices, notamment entre le pôle public et le pôle privé, en fonction des versements et des reversements qui pourront intervenir.

Pensez-vous, par ailleurs, que la règle d’or, telle qu’elle est proposée, va permettre d’avoir une vision claire de l’équilibre des comptes ? Il peut tout à fait y avoir un déficit au cours des deux premières années et un excédent les années suivantes. Ainsi, au bout de cinq ans, il serait tout à fait possible de présenter un équilibre qui cacherait en réalité un déséquilibre des comptes.

Enfin, de votre point de vue, l’âge de départ en retraite reste-t-il véritablement un problème ? L’âge légal doit-il être modifié ou bien rester tel qu’il est ? L’âge d’équilibre doit‑il devenir l’âge légal, avec les conséquences que cela pourrait avoir ?

M. Patrick Mignola. Je voudrais remercier les intervenants pour la très grande qualité de leurs exposés, tout en m’excusant par avance auprès d’eux de leur faire part d’une impression de gêne – mais il faut se dire les choses.

Je suis un peu gêné...

M. Sébastien Jumel. Quand il n’y a pas de gêne, il n’y a pas de plaisir ! (Sourires.)

M. Patrick Mignola.... de ne retrouver autour de cette table – je le dis avec tout le respect qui est dû à la démocratie sociale, et que le Parlement a d’ailleurs envers elle – qu’un seul leader national, M. Chabanier, pour représenter les syndicats.

M. Sébastien Jumel. Les autres sont à la manif !

M. Patrick Mignola. Cela n’enlève rien à la qualité des interventions ni au respect que nous vous portons, mais force est de constater qu’il y a dans cette salle de nombreux parlementaires – presque tous les membres de la commission sont présents –, dont beaucoup ont des responsabilités dans leur parti ou dans leur groupe, et même d’anciens candidats à l’élection présidentielle, qui auraient pu devenir Président de la République.

M. Sébastien Jumel. Cela dit, Bayrou n’est pas là non plus !

M. Patrick Mignola. Cela me gêne un peu...

M. Adrien Quatennens. Ça commence à bien faire !

M. Thierry Benoit. Écoutons l’orateur, même si ce qu’il dit nous déplaît !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. S’il vous plaît, vous n’avez pas la parole !

M. Patrick Mignola. La démocratie dans ce pays est malade ; il y règne une crise de la parole publique, une défiance envers la politique. On peut comprendre que les leaders syndicaux soient très occupés : nous les croisons régulièrement sur les plateaux où ils viennent parler de la réforme.

M. Adrien Quatennens. Il y a la manif !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous menons une audition en commission, nous ne sommes pas dans l’hémicycle !

M. Patrick Mignola. Quoi qu’il en soit, nous serons amenés à travailler ensemble dans les années qui viennent. Je constate qu’un certain nombre de nos collègues défendent les syndicats, quoi qu’il arrive...

M. Sébastien Jumel. Ça, c’est vrai !

M. Patrick Mignola.... et je les en félicite. Moi-même, j’appartiens à une famille politique qui est très attachée au dialogue social, aux corps intermédiaires, à l’élaboration de décisions concertées pour des progrès partagés. Toutefois, pour être attaché à la démocratie sociale, je n’en suis pas moins attaché aussi à un Parlement fort. Le Parlement peut accepter, récuser ou amender un texte ; à ce titre, il mérite lui aussi d’être respecté.

Notre Parlement est attaché à la démocratie sociale, je le répète. C’est la raison pour laquelle la majorité a accepté que le Gouvernement nous présente un texte qui doit encore être complété par les décisions que vous serez amenés à prendre. La majorité est, je le crois, attachée à la future gouvernance par les syndicats, car cela apporte un certain nombre de garanties aux Français.

Mes questions seront extrêmement simples. D’abord, nous confirmez-vous que vous participerez à la conférence sur le financement des retraites, qui doit s’ouvrir demain ? Êtes‑vous prêts à participer à la gestion du futur système ? C’est très important au regard des décisions que nous serons amenés à prendre au cours des semaines qui viennent.

M. Sébastien Jumel. S’ils vous répondent que non, vous allez être dans la merde !

M. Patrick Mignola. Nous aimerions entendre dès aujourd’hui les prémices de vos propositions visant à garantir l’équilibre à court terme. En effet, même dans l’hypothèse où le projet serait modifié – je veux bien me placer dans cette hypothèse, et j’ai entendu que vous aviez de nouveau demandé le retrait du texte –, encore faudrait-il assurer l’équilibre du système à court terme. Quelles sont donc vos propositions ? De même, quel mécanisme vous paraît le plus à même de garantir les pensions des Français dans la durée ? Il est extrêmement important que nous connaissions votre point de vue, car vous avez prouvé, les uns et les autres, dans le cadre du paritarisme et de la gestion de l’AGIRC-ARRCO, par exemple, que vous pouviez vous prévaloir d’expériences réussies dans ce domaine : vous pourriez donc utilement éclairer la représentation nationale.

M. Boris Vallaud. D’abord, je voudrais me féliciter de la qualité des interventions et du niveau de représentation, car nous avons là les meilleurs spécialistes de la question – c’est cela qui est respectueux, me semble-t-il, et plus respectueux, d’ailleurs, que le fait de soumettre à la représentation nationale un texte à trous, truffé de vingt-neuf ordonnances et de plus de cent renvois à des décrets.

Mme Clémentine Autain. Exactement !

M. Sébastien Jumel. Et toc !

M. Boris Vallaud. Je commencerai par un commentaire : en entendant le nombre de questions qui demeurent, je me demande ce qui s’est passé depuis deux ans, en termes de dialogue social. À mon sentiment, pas grand-chose...

Seconde observation : à vous entendre, au fond, et en dépit des points de vue qui diffèrent selon les organisations, aucun d’entre vous n’est à l’origine de cette réforme ; elle est bien celle du Gouvernement et de sa majorité.

Ma première série de questions aura trait aux conditions du dialogue social – j’ai posé les mêmes ce matin aux représentants du patronat. Quand l’étude d’impact vous a-t-elle été transmise ? Les organismes consultés par le Gouvernement l’ont-ils été aussi sur cette étude d’impact ? Avez-vous eu connaissance des projets d’ordonnances, qui portent sur un certain nombre d’éléments majeurs du projet de loi ? De quelles simulations financières disposez-vous, notamment s’agissant de la période de transition ? Connaissez-vous les impacts macroéconomiques de la réforme, notamment liés à l’âge d’équilibre, sur le chômage et le PIB ? Ne considérez-vous pas que la règle d’or, telle qu’elle est posée, aura un effet procyclique, et aggravera donc les crises lorsqu’il s’en produira ? Dans un système à contributions définies, on voit bien quelle sera la variable d’ajustement.

J’aborde une deuxième série de questions. Si vous avez compris l’étude d’impact, d’abord, je vous en félicite (Sourires) ; ensuite, peut-être pourriez-vous nous apporter quelques précisions. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des cas types qui ont été présentés, tous élaborés en se fondant sur le même âge pivot, à partir de la génération 1975, alors même que le projet de loi prévoit que l’âge pivot va évoluer ? Quand on tient compte de cette évolution, les résultats, évidemment, sont tout à fait différents. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez d’un certain nombre des hypothèses formulées par le Gouvernement – à commencer par celle, totalement délirante, d’une augmentation du pouvoir d’achat des fonctionnaires, fondée pour l’essentiel sur une revalorisation des primes de 0,23 point par an sur cinquante ans ? Vous paraît-il possible d’apprécier, à la lecture de l’étude d’impact, qui gagne et qui perd ? On peut gagner ou perdre sur les cotisations ou sur les pensions, encore faudrait-il être en mesure de le mesurer sur l’ensemble du cycle de vie ; or cette dimension est absente de l’étude d’impact. Pouvez-vous nous dire comment, selon vous, vont évoluer les taux de remplacement ? Selon l’étude d’impact et le Conseil d’État, le nombre des retraités va augmenter, mais la part des retraites dans le PIB, elle, va baisser ; même si je ne suis pas très bon en maths, il me semble que cela devrait avoir, mécaniquement, quelques conséquences.

Le Gouvernement prétend que le système va réduire les inégalités, mais les simulations proposées laissent à penser que ce sera le fait, d’une part, du passage de 8 à 3 PASS – pour ce qui est des hauts revenus –, et, d’autre part, de l’augmentation du nombre des retraités au minimum contributif. D’ailleurs, est-ce un progrès que d’avoir une proportion considérable de retraités au minimum contributif ?

Avez-vous des éléments – car, sur ce point, le texte renvoie à des ordonnances – quant aux modalités selon lesquelles les droits actuellement constitués seront convertis en points pour les générations nées après 1975, ou sur la façon dont ces droits seront liquidés dans l’ancien système pour les générations nées avant 1975 ? Dans le même ordre d’idées, avez-vous des éléments concernant la période de transition de quinze ans prévue pour la fonction publique ?

Je voudrais également partager avec vous quelques considérations générales, comme je l’ai fait ce matin avec le patronat. La meilleure des pensions se construit à partir de la meilleure des carrières : il y a donc un lien patent entre les politiques qui sont conduites s’agissant du marché du travail et les pensions. Avez-vous une appréciation à porter sur la question du pouvoir d’achat et de la politique salariale ? Dès lors que les gains de pouvoir d’achat sont obtenus par les primes d’activité, et que celles-ci ne créent pas de droits à la retraite, ne risque-t-on pas de paupériser les retraités ayant les plus bas revenus ?

S’agissant de la discrimination envers les femmes, quelle devrait être la place de la prévention ? Ce n’est pas, selon moi, à la solidarité nationale qu’il revient de payer pour compenser les discriminations existant sur le marché du travail.

S’agissant de la pénibilité – mais je crois que vous avez répondu par avance à ma question sur ce point –, considérez-vous que la réforme est à la hauteur des enjeux ? En ce qui concerne les carrières hachées, ne considérez-vous pas qu’il y a un lien entre la récente réforme de l’assurance chômage – à laquelle vous n’avez pas souscrit, et qui durcit les conditions d’entrée dans le dispositif – et la nouvelle réforme ? Évidemment, on n’accumule pas de points quand on n’est pas indemnisé, et on se crée moins de points quand les droits sont calculés sur la base de l’ARE et non du dernier salaire.

Ma dernière série de questions porte sur la conférence de financement. En définitive, le Premier ministre nous dit, comme le MEDEF ce matin, qu’il ne voit pas comment on pourrait se passer de mesures d’âge. Craignez-vous une mise en échec du dialogue social, à l’instar de ce qui s’est passé lors de la réforme de l’assurance chômage ? La réforme est engagée sur la base des hypothèses du COR. Comment considérez-vous ces hypothèses, selon lesquelles, en réalité, le problème est lié non pas à un dérapage des dépenses de retraite, mais à un manque de recettes, lequel est, pour l’essentiel, le fait des choix du Gouvernement ?

M. Adrien Quatennens. Merci à chacune et à chacun d’entre vous pour vos interventions respectives. Je commencerai par vous présenter nos excuses pour le léger retard de la délégation de La France insoumise à cette audition, même si nous avons quand même eu l’occasion de tous vous entendre. Cet après-midi, nous étions là où se trouve aussi notre place en tant qu’élus de l’opposition parlementaire et représentants du peuple français, c’est-à-dire aux côtés de celui-ci, à la manifestation. J’en profite d’ailleurs pour dire que cela fait du bien : cela permet de se rappeler l’ambiance qui règne dans le pays, qui n’est évidemment pas celle qui règne dans cette salle depuis plus de 24 heures : nous en sommes à cinquante-cinq jours de grève, et une majorité de Français sont opposés à un texte qui, nous l’avons rappelé au passage hier, contredit l’engagement présidentiel de ne toucher ni à l’âge de départ ni au niveau des pensions, dans la mesure où il fait précisément les deux... Édouard Philippe a répété une fois de plus dans un grand média que le niveau des pensions ne baisserait pas. Manque de pot pour lui, tous les Français ont bien compris de quoi il retourne : si l’on compare les deux systèmes, on s’aperçoit qu’à âge égal il faut travailler plus longtemps dans le système par points pour avoir le même niveau de pension, ce qui veut bel et bien dire, par définition, que celui-ci baisse.

M. Jacques Marilossian. Non !

M. Adrien Quatennens. Chacun comprend également que si l’on considère non plus les vingt-cinq meilleures années pour le calcul de la retraite, pour le privé, ou les six derniers mois, pour les fonctionnaires, mais l’ensemble de la carrière, cela va évidemment pénaliser un maximum de monde, surtout les personnes ayant eu des carrières hachées. Même un enfant à l’école primaire le comprendrait. Faites l’expérience avec votre nièce ou votre neveu, si vous en avez : demandez à un élève ayant fait un très bon dernier trimestre. s’il préfère voir sa moyenne calculée en prenant plus particulièrement en compte ce trimestre-là, ou bien en se fondant sur l’ensemble de sa scolarité. Je vous garantis qu’il saura vous répondre, et il n’est pas difficile de deviner ce qu’il préférera.

M. Jacques Marilossian. Cela n’a rien à voir !

M. Adrien Quatennens. Bref, chacun comprend qu’en réalité le Gouvernement n’assume pas sa position et ce qu’il veut faire. Alors il trompe, trafique, manipule – y compris quand il s’agit de la représentation parlementaire : comprenez bien que vous n’êtes pas les seuls. Dans l’étude d’impact qui nous a été remise, les chiffres, comme vous le savez, ont été trafiqués, puisque l’âge d’équilibre a été magiquement gelé, alors que, dans le projet de loi, que vous connaissez désormais aussi bien que nous, il va être modifié. Le résultat en est que tous les chiffres qui nous ont été donnés et les cas types présentés aux Français sont truqués.

Il y a donc beaucoup d’enfumages autour de ce projet de réforme des retraites. Une fois dissipé le nuage de fumée, que reste-t-il ? Rien qui corresponde à ce bel emballage qui promet un régime universel, ce qui n’a rien d’étonnant puisque l’acte I du quinquennat d’Emmanuel Macron a précisément consisté à rompre avec une règle commune juste, simple et qui s’appliquait à tous, en l’occurrence le code du travail, pour faire autant de « régimes spéciaux » qu’il y a d’entreprises, puisque les règles se négocient désormais au niveau de l’entreprise. Il en ira de même avec cette réforme des retraites : non seulement il y aura autant de régimes spéciaux qu’il y a de générations, mais il n’y aura pas non plus un euro cotisé qui ouvrira les mêmes droits.

Non, le Gouvernement n’est pas à l’écoute ni ouvert à toutes les modalités. Nous avons, comme les syndicats, fait un certain nombre de propositions sous la forme d’un contre-projet, mais force est de constater que la seule solution acceptée par le Gouvernement, c’est de faire travailler les Françaises et les Français toujours plus longtemps. Une fois enlevés tous les éléments de langage, ce projet de loi se résume à une vaste mesure d’âge, puisqu’il prévoit, mécaniquement, que les Français aient à travailler toujours plus longtemps.

Or, après des semaines de mobilisation, les Français ont compris que travailler plus longtemps n’était non seulement pas la seule solution pour financer nos retraites mais surtout pas la bonne, si l’on considère le taux de chômage des seniors – 300 000 chômeurs de plus de 60 ans –, et le fait qu’un actif sur deux est sans emploi lorsqu’il arrive à l’âge de la retraite ; elle n’est en outre pas souhaitable au vu de ce qu’est l’espérance de vie en bonne santé dans notre pays, pas plus d’ailleurs qu’elle n’est nécessaire compte tenu de la richesse produite dans ce pays, et qui n’a jamais été aussi mal répartie.

Plutôt que d’obéir à une logique comptable et budgétaire arbitraire, consistant à contenir la part des richesses consacrées aux retraites en jouant de la vie des gens comme d’une variable d’ajustement, mieux vaudrait répondre aux deux questions fondamentales que se posent les Français : à quel âge sera-t-il possible de partir à la retraite et avec quel niveau de pension ? Ces questions, le Gouvernement est incapable d’y répondre.

Vous allez participer demain à une conférence de financement où se jouera une partie de la farce sur l’âge pivot, qui ne concerne pas en tant que tel le projet de loi et le système à points : dans une chanson intitulée Soleil cherche futur, un chanteur, que j’affectionne particulièrement, s’interroge : « Nest-ce pas merveilleux de se sentir piégé ? ». En tant que parlementaire, je me pose la même question ; et vous ?

M. Sébastien Jumel. Citer Thiéfaine dans cette enceinte, cela a de la gueule !

Nous avons, au sein du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, le sentiment que la concertation n’aura été qu’une farce et que, au bout du compte, la version finale de cette réforme ressemble, à la virgule près, au rapport Delevoye originel. Le Conseil d’État est venu en rajouter dans son avis, considérant le projet lacunaire, mal préparé, ce qui traduit la désorganisation du Gouvernement. Il souligne l’absence de prospectives financières ou, lorsqu’elles existent leur manque de crédibilité ; il critique également, sur la forme, le recours aux ordonnances qui, n’en déplaise à des rapporteurs adeptes de la méthode Coué, témoigne d’une confiscation des prérogatives de la majorité parlementaire ; il met enfin en exergue cette obsession pour le Gouvernement de l’allongement de la durée de cotisation, qui n’aboutira, selon le Conseil, qu’à fragiliser l’équilibre des comptes de l’assurance chômage.

Pour Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, cet avis du Conseil d’État fragilise la réforme en renforçant les arguments des opposants au projet de loi et en l’exposant à un risque d’inconstitutionnalité. Selon lui, peut-être serait-il même nécessaire de nommer un médiateur pour rediscuter du projet : faut-il y voir un premier pas vers le retrait ?

Quoi qu’il en soit, j’aimerais vous entendre sur la qualité de la concertation, sur les délais dont vous avez disposé pour analyser cette étude d’impact pipeautée, orientée et les simulateurs qui vont avec, conçus comme des outils à charge contre le système par répartition.

Ensuite, la réforme organise l’harmonisation par le bas de la reconnaissance de la pénibilité, en faisant disparaître les catégories actives de la fonction publique, en limitant les départs anticipés et en restant muette sur les seuils. C’est une manière d’affaiblir le système, alors qu’on a fait disparaître les comités dhygiène, de sécurité et des conditions de travail, et il n’aura pas échappé à l’opinion publique qu’en fonction du métier qu’on exerce les points de vie ne seront pas tout à fait les mêmes pour tous. Comment appréhendez-vous cette question de la pénibilité et dans quel état d’esprit participerez-vous demain à la conférence de financement, sachant que, si le MEDEF a rappelé qu’il était prêt à discuter de tout, il n’est en réalité prêt à discuter que de l’effort des salariés – et donc de la durée de cotisation – pour contribuer au financement de la réforme ?

Enfin, puisqu’il semble acquis pour la majorité que l’on va travailler plus longtemps, jusqu’à un âge plus avancé – les seniors étant voués, en quelque sorte, à devenir la sève de l’économie réelle –, avez-vous des commentaires à faire sur les conséquences que cela induirait pour l’assurance chômage, sachant que l’employabilité des seniors, dans la fonction publique comme dans le secteur privé, ne va pas toujours de soi ? Quel en serait par ailleurs l’impact sur l’équilibre financier de l’assurance maladie ?

J’en termine en vous remerciant d’être aujourd’hui autour de la table, vous qui, depuis vingt ans, êtes méprisés pour certains, humiliés pour d’autres, piégés pour bon nombre d’entre vous. (Protestations chez les commissaires du groupe de La République en Marche.) Pourtant vous êtes là, forces de proposition et d’analyse, prêts au dialogue, qui fait la richesse de notre démocratie sociale et de notre démocratie parlementaire. Quel est l’état d’esprit de vos bases, de vos organisations, face à la colère qui semble s’enkyster dans l’opinion publique ?

M. Paul Christophe, rapporteur pour le titre V du projet de loi ordinaire. Je reviendrai naturellement sur les éléments repris dans le titre V, dont je suis le rapporteur.

Concernant la transition et la préservation des droits acquis, c’est-à-dire la valorisation des carrières à la hauteur de l’engagement et des efforts contributifs des assurés, quelles seraient, selon vous, les mesures prioritaires permettant d’assurer la réussite de cette conversion ? Quels seraient les outils et leviers qu’il faudrait mettre en œuvre pour vous y associer ?

Par ailleurs, la suppression de l’obligation d’affiliation au régime de retraite complémentaire est une conséquence logique du nouveau régime universel. À cet égard, quelles garanties doit-on envisager pour que l’ensemble des agents de ces régimes puissent participer demain au système universel ?

Enfin, puisque le choix a été fait d’une entrée en vigueur échelonnée du nouveau système universel, laquelle va se traduire par sa mise en place progressive au fil des générations, il conviendra, afin d’assurer une information régulière sur l’avancement des travaux, d’associer à la fois les partenaires sociaux et le Parlement : quels outils de suivi des différentes phases d’application devrait-on mettre en place pour ce faire ?

Mme Nicole Dubré-Chirat. La pénibilité se caractérise par une exposition, au-delà de certains seuils, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels pouvant laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. Pour être prise en compte, la pénibilité doit avoir une intensité et une durée minimales ; ces valeurs sont évaluées en prenant en compte les moyens de protection collectifs ou individuels mis en œuvre par l’employeur, notamment quand la pénibilité est liée au rythme de travail ou à un environnement physique agressif.

Le monde du travail est actuellement en pleine évolution. Les experts estiment que plus de 50 % des métiers vont être profondément transformés d’ici cinq ans, notamment par le développement du numérique, la transition écologique ou la réorganisation de certaines filières. Face à cette transformation imminente, que pensez-vous de la possibilité de réévaluer les critères de pénibilité tous les cinq ans ? Cela permettrait d’en faire bénéficier certains métiers ou d’en sortir d’autres, et de prendre en compte de façon plus conforme le calcul des points de la retraite.

Que pensez-vous, par ailleurs, de l’attribution de points aux étudiants stagiaires effectuant des stages de plus de six mois, ou aux permanents d’associations bénévoles ?

M. Nicolas Turquois, rapporteur pour le titre Ier du projet de loi ordinaire. J’ai entendu l’opposition forte d’un certain nombre d’entre vous. En réponse, je ne m’exprimerai pas en tant que rapporteur sur le titre Ier, mais en tant que parent de jeunes qui ne croient plus à la retraite par répartition. Ils ne comprennent pas pourquoi, selon le métier qu’ils choisissent, ils ne prendront pas leur retraite dans les mêmes conditions que leurs camarades, mais ils sont en revanche convaincus qu’ils vont devoir payer longtemps et beaucoup pour la retraite de leurs aînés. Que répondez-vous à ces jeunes ?

M. Jacques Maire, rapporteur pour le titre II du projet de loi ordinaire. Je reviens sur la question de la pénibilité. J’ai compris qu’il était important pour nombre d’entre vous d’assurer une meilleure prise en compte des quatre facteurs de risque exclus aujourd’hui : produits chimiques, postures pénibles, bruits et vibrations.

Certains d’entre vous souhaitent aller plus loin et mettre en place des accords de branche qui déterminent les activités ouvrant droit au C2P. Les employeurs nous ont indiqué ce matin qu’ils n’étaient pas opposés à cette nouvelle approche, car elle n’implique pas de déclaration individuelle de leur part.

Se pose néanmoins le problème du financement. Bien que votre priorité soit la prise en compte de nouveaux facteurs de pénibilité plutôt que l’amélioration de la prise en charge des facteurs existants, seriez-vous prêts à élargir la liste des facteurs de risque, tout en adaptant les seuils et le barème d’obtention de points, de façon à déboucher sur un dispositif finançable ?

M. Pierre Dharréville. Au-delà des points de vue différents qui se sont exprimés, je n’ai globalement pas senti d’enthousiasme délirant à propos de ce projet : me confirmez-vous cette impression ?

J’ai également le sentiment que le chevauchement entre la conférence sur le financement d’un côté et l’examen du texte par le Parlement de l’autre n’est pas de nature à vous rassurer.

Pour notre part, nous considérons que le débat repose sur une entourloupe, à savoir l’idée que, si le système actuel a des défauts – ce dont chacun peut convenir, moi-même le premier –, le seul remède serait le système qui nous est proposé. Que pensez-vous de la question de l’âge d’équilibre, qui a remplacé l’âge pivot mais signifie à peu près la même chose pour les générations nées à partir de 1975 ? Que vous inspire l’annonce de la contention future des ressources ? Enfin, quels devraient être pour vous les fondements d’une réforme progressive des retraites ?

M. Thierry Michels. Je souhaite approfondir la question de l’emploi des seniors, en particulier les opportunités offertes par la retraite progressive. Si tout le monde s’accorde à en vanter les mérites, seules 18 000 personnes étaient en retraite progressive en 2018. Avec l’extension de cette possibilité aux salariés de la fonction publique et des régimes spéciaux, l’inclusion des cadres au forfait jours et la limitation des motifs de refus de l’employeur, le projet de loi ouvre de nouvelles possibilités sur lesquels je souhaite avoir votre avis : ces améliorations sont-elles de nature à lever les freins qui empêchent le déploiement de la retraite progressive ? Quelles propositions complémentaires pouvez-vous nous faire et comment voyez-vous votre rôle dans les entreprises, en particulier dans les TPE-PME, pour permettre aux uns et aux autres de tirer le meilleur parti des possibilités offertes ?

M. Stéphane Viry. Fadila Khattabi vous a tout à l’heure attribué une large part dans l’écriture de ce projet de loi, puisque vous auriez été très largement consultés par le haut‑commissaire pendant deux ans. Est-ce votre sentiment, et n’avez-vous pas plutôt l’impression qu’on vous repasse la patate chaude ?

Pour ma part, je suis préoccupé par le financement durable du système. Puisque l’on vous demande de proposer des solutions, à défaut de quoi vous perdrez la main, comptez-vous mobiliser les réserves des régimes autonomes et du Fonds de réserve pour les retraites ? Pensez-vous qu’une augmentation de la durée du travail hebdomadaire – et donc des cotisations – pourrait être une solution de financement ?

M. Jacques Marilossian. Ma question s’adresse aux représentants de la CGT. J’ai lu avec attention votre tract appelant à la grève du 5 décembre, dans lequel vous dénonciez l’injustice prétendue du futur système, en écrivant : « Les mesures envisagées remettent en cause notre système de retraite solidaire pour aller vers un système de retraite individualiste par points. » Vous opposez donc système de retraite solidaire par répartition et système de retraite individualiste par points. Or ce sont deux notions qui ne sont pas du même ordre : d’un côté, il y a un mode de financement, la solidarité par répartition ; de l’autre, un simple calcul individuel du montant de retraite dû à chacun d’entre nous.

Le système que nous proposons depuis le début de la concertation est bien un système par répartition – je vous renvoie à l’article 1er du projet de loi ordinaire. En outre, le calcul de la retraite est par nature individuel, qu’il se fasse sur la base de trimestres ou de points, comme c’est d’ailleurs déjà le cas dans nombreux régimes, qui réunissent près de 80 % des actifs. Quel but poursuivez-vous donc en propageant cette affirmation absurde ?

M. Régis Juanico. M. Roux de Bézieux nous a affirmé, ce matin, que l’âge moyen de liquidation de la retraite pour les salariés du privé était de 63,4 ans, en regrettant d’ailleurs que cet âge soit trop bas. Pouvez-vous nous indiquer quel est cet âge moyen dans le secteur public, et donc, de facto, pour l’ensemble des salariés du public et du privé ?

Le MEDEF et les organisations patronales utilisent un terme assez commode quand il s’agit de parler pénibilité : ils crient à l’usine à gaz... Cela leur permet de remettre en cause un droit collectif des salariés. Cette manière de voir fait que nous avons aujourd’hui un dispositif malthusien, avec deux mille salariés seulement qui partent en retraite chaque année grâce au compte personnel de pénibilité et deux mille qui partent au titre de la retraite pour incapacité permanente, puisque quatre critères de pénibilité sont désormais exclus du calcul.

M. Asselin et M. Griset ont évoqué, pour leur part, la possibilité de négocier au niveau de la branche ou de l’interprofession à partir des catégories de métiers. Estimez-vous cette idée réaliste, sachant que seules dix-neuf branches ont déjà négocié un référentiel de pénibilité ?

Mme Catherine Fabre. En instaurant la retraite universelle, cette réforme renforce l’équité du système et propose une redistribution plus juste.

Elle marque notamment un progrès dans la reconnaissance de la pénibilité, puisque la fonction publique est désormais intégrée au dispositif. Afin de progresser encore, notamment grâce à la prise en compte des risques chimique et ergonomique, que faut-il privilégier ? Les négociations semblent s’orienter vers une reconnaissance des risques par groupe de métiers : comment s’assurer qu’au sein de ces groupes, les employeurs adoptent une démarche préventive et comment identifier ceux qui sont le plus vertueux en la matière ? Quel peut-être le rôle du Parlement pour vous accompagner dans cette marche vers le progrès ?

Mme Clémentine Autain. Les femmes touchent en moyenne des retraites inférieures de 42 % à celles des hommes ; il est évident qu’à partir du moment où le système à points va pénaliser toutes les personnes qui ont des carrières hachées et des salaires plus bas, elles en seront les premières victimes.

Le Gouvernement nous rabâche au contraire que les femmes seront les grandes gagnantes de la réforme mais, dès lors qu’elles constituent le gros des bataillons des chômeurs et de travailleurs à temps partiel – elles représentent 80 % des travailleurs à temps partiel –, que leurs carrières sont interrompues par la maternité, je ne vois pas comment elles peuvent se sortir correctement de ce régime à points. Comme l’a dit d’ailleurs le représentant de la CGT, les compensations promises ne compenseront pas le manque à gagner global. Pourriez-vous donc nous expliquer en quoi le régime par points et ce qui est prévu par le Gouvernement risque de pénaliser plus encore les femmes ?

M. Fabrice Brun. Au travers de vos interventions, on devine quelles sont vos positions sur la gouvernance du système, et il me semble même avoir entendu parler d’un risque de pilotage automatique. Comment vivez-vous cette volonté de recentralisation – voire d’étatisation – du système de retraite ? Quels sont les points précis – ordonnances mises à part – sur lesquels la représentation nationale se doit d’être vigilante, pour faire en sorte que la démocratie sociale ne soit pas l’autre victime de cette réforme des retraites ? Pouvez-vous les identifier pour nous ?

M. Dominique Da Silva. Je partage avec vous l’idée que la raison d’être du système universel de retraite est qu’il soit plus juste que le système actuel. En cela, la prise en compte de la pénibilité est sans doute un bon moyen, et beaucoup d’entre vous souhaitent aller plus loin en la matière. Cela étant, beaucoup de travailleurs considèrent que le métier qu’ils exercent devient pénible au-delà de 60 ans. Ne pensez-vous pas, dans ces conditions, qu’accroître la prise en compte de la pénibilité revient à ouvrir une boîte de Pandore dont jailliront beaucoup de frustrations, notamment parce que le financement du dispositif reposera sur les travailleurs, notamment les plus modestes, qui en seront exclus ? Qu’avez-vous à dire sur ce point et comment appréhendez-vous le sort des travailleurs modestes, qui n’auront pas droit à ce dispositif mais devront travailler beaucoup plus longtemps ?

M. Frédéric Sève, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Nous venons d’être interrogés sur la gouvernance du système. Par rapport au rapport Delevoye du mois de juillet, le texte constitue un progrès, puisque, pour aller vite, il inverse la séquence des décisions entre les partenaires sociaux et le Parlement. Celui-ci conserve un rôle d’encadrement, en particulier dans la détermination de la trajectoire financière, validée ensuite par décret, et c’est normal : notre volonté n’est pas que le système de retraite devienne une république indépendante au sein de la République. C’est un schéma que nous connaissons bien à l’AGIRC-ARRCO : pour les retraites complémentaires, le résultat de la négociation ne prend valeur obligatoire qu’après la publication d’un arrêté d’agrément.

Cela étant, un schéma, quel qu’il soit, ne garantira rien en soi, si l’on ne s’est pas accordé sur le partage des rôles et l’esprit dans lequel s’organise la gouvernance. Il me semble donc absurde de renvoyer dos à dos la démocratie politique et la démocratie sociale en se disputant le pilotage d’un système de retraite, d’autant que, croyez-m’en, ce n’est pas une tâche de tout repos ! Au contraire, il nous faut nous partager cette charge et la responsabilité du pilotage. Les dispositions concernant la gouvernance que propose le texte dans sa version actuelle nous donnent des moyens pour le faire, ce qui n’était pas si évident à l’origine.

J’ajoute que c’est tout l’intérêt du politique que de s’associer le concours d’autres forces pour porter la responsabilité de ce que l’on pourrait qualifier, sinon de monstre, du moins de gros paquebot – nous parlons ici d’un système de retraite universel à 320 milliards d’euros. La gouvernance sera d’autant plus légitime que le partage du pouvoir réel.

Je tiens néanmoins à m’arrêter ici sur un point particulier. Le système aura son conseil d’administration mais également, je suppose, son directeur général, puisqu’il s’agira d’un établissement public. Cette administration étant appelée à devenir à terme le premier producteur d’informations en matière de retraites, nous nous inquiétons du mode de nomination de son directeur général : si celui-ci ne doit sa nomination qu’à son ministre de tutelle, il y a fort à parier qu’il ne se sente pas forcément redevable envers son conseil d’administration. À titre d’exemple, sachez que, quand nous, partenaires sociaux, qui sommes représentés au conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), demandons à ladite caisse de nous fournir certaines informations, elle nous répond – et ce faisant, elle est parfaitement dans son rôle – qu’il lui faut l’autorisation de son ministre de tutelle. Si l’on reproduit ce mode de fonctionnement, on aura beaucoup de mal à fonctionner efficacement.

De très nombreuses questions portaient sur la pénibilité. En premier lieu, nous sommes favorables au principe du pollueur-payeur, que nous avions défendu lors de la mise en place du C3P. Cela étant, ne nous illusionnons pas trop sur l’efficacité des incitations par les prix ou, en l’occurrence, les variations de cotisations. Compte tenu du niveau des cotisations sur la pénibilité, bon nombre d’employeurs préfèrent payer une surcotisation plutôt que de mettre en œuvre des politiques de prévention. Rien ne remplacera donc un effort de conviction, voire la pratique de la contrainte pour que soit mieux prise en compte, à terme, la pénibilité.

De ce point de vue, l’étape la plus décisive, la plus fondamentale, celle qui peut en tout cas, sinon entraîner les autres du moins mettre fin aux blocages, c’est la reconnaissance de la pénibilité : il faut, une bonne fois pour toutes, reconnaître dans ce pays qu’il y a des métiers qui sont pénibles, ce qui ne signifie pas qu’on ne les aime pas : beaucoup de gens aiment ces métiers, tout en sachant que l’on ne peut pas les exercer dans la durée sans en subir les conséquences sur sa santé. Une fois qu’on aura admis cette réalité, on pourra la traiter correctement mais aussi travailler plus globalement sur la prévention, ce qui reste le premier objectif de la CFDT : notre but n’est pas que tous les salariés aient un compte pénibilité bien rempli mais de faire en sorte que, à terme, plus personne n’ait de compte pénibilité car il n’y aura plus de métiers pénibles.

Nous préconisons également une révision régulière, selon une récurrence à déterminer, des facteurs de pénibilité, car ces facteurs sont évolutifs. Nous sommes disposés à accepter que la pénibilité se mesure à l’aune du collectif et non plus individuellement mais, dans ce cas, il faut être très attentif à l’évolution des métiers et à l’apparition de nouveaux métiers ; la mise en place d’une nomenclature doit impérativement être assortie d’une réévaluation périodique des facteurs de pénibilité et de leur grille d’évaluation.

Serions-nous disposés par ailleurs à troquer, en quelque sorte, le nombre de facteurs de pénibilité contre des points de pénibilité ? À ce stade, la réponse est non. D’une part parce que nous voulons d’abord voir le bébé, mais également parce qu’il est primordial à nos yeux d’assurer l’équité entre les facteurs de pénibilité. Aujourd’hui, certaines formes de pénibilité sont reconnues mais pas d’autres. Si on n’arrive pas à les mettre d’équerre, on aura un problème social majeur : il n’est pas entendable qu’un pilote de ligne puisse – à juste titre – bénéficier de la pénibilité, du fait de ses horaires décalés, du travail de nuit et de l’environnement hyperbare où il travaille, quand un maçon qui construit des bâtiments ne le peut pas. Seule une reconnaissance pleine, entière et équitable de la pénibilité peut être à la base du dispositif, celui-ci étant, en tout état de cause, voué à évoluer avec cette pénibilité.

En ce qui concerne les 3 PASS, je me référerai volontiers à Thomas Piketty et à Antoine Bozio dont l’ouvrage, paru il y a une dizaine d’années, nous avait fort inspirés. Il ne nous paraît pas de la responsabilité du système de retraite d’assurer un taux de remplacement aux 10 001e euro de rémunération, aux 11 000e, aux 12 000e ou aux 25 000e si l’on va jusqu’au plafond de l’AGIRC-ARRCO. Cela posé, peu importe ensuite qu’on s’arrête à trois plafonds, deux et demi ou trois et demi, comme le proposait Thomas Piketty. En revanche, sortir de ce dispositif suppose des précautions, car cela va induire une baisse du coût du travail ; il est prévu qu’elle soit lissée sur quinze ans mais elle n’en sera pas moins réelle. Nous aurons à en discuter lors de la conférence sur le financement.

En ce qui concerne le bloc de règles d’or, à titre personnel, je n’aime pas beaucoup les règles d’or – ni les lois d’airain d’ailleurs, et pas davantage les mains de fer... A priori, les règles d’or ne sont pas forcément de bonnes règles de gestion, mais, dans la phase de construction d’un système, il est sans doute utile au début et pour quelque temps au moins, de se fixer quelques invariants. Il me semble donc nécessaire de prendre l’engagement – je préfère de loin ce terme – d’indexer la valeur du point. Cela étant, ne trompons pas les gens : un système dont on bloque certaines variables en invente d’autres pour s’ajuster – c’est ce qui s’est passé avec l’AGIRC-ARRCO, lorsqu’il a fallu retrouver une certaine souplesse. Il faut donc être clair sur ce qu’on fige et pourquoi, mais également sur ce qui servira de variable d’ajustement.

Beaucoup d’entre vous s’interrogent sur l’équilibre glissant. Cela ne se pratique pas à l’AGIRC-ARRCO, où nous avons plutôt opté pour la fixation d’un objectif de réserve. Cela étant, un équilibre glissant peut avoir du sens. Nous partageons néanmoins l’idée suggérée par Boris Vallaud : se fixer un horizon de cinq ans est sans doute dangereux dans la mesure où cela risque d’être procyclique... Les fluctuations économiques épousant généralement des durées supérieures à cinq ans, vouloir s’équilibrer sur cinq ans peut conduire à des décisions d’ajustement à contretemps. Sans doute quelqu’un de plus compétent en économie pourrait-il vous en dire plus sur le sujet.

J’en terminerai avec la conférence sur le financement. Au risque de vous décevoir, je ne vous dirai pas quelles sont les propositions que la CFDT y défendra, et je me bornerai à vous fournir quelques éléments.

Nous avons proposé cette conférence pour obtenir le retrait de l’âge d’équilibre. Nous pensons en effet que la réflexion sur le financement doit suivre la réflexion sur la justice sociale. Il est grand temps que l’on cesse dans ce pays de vouloir d’abord financer les choses avant de se poser la question de la justice. Ce n’est plus possible. Il est d’autant plus facile de trouver un accord de financement que le système est juste ; il est d’autant plus difficile de le faire que le système est injuste. À nos yeux, la première marche à gravir est celle de la justice sociale. Si, en particulier, on ne trouve pas d’ouvertures sur des sujets comme la pénibilité ou le minimum de pension, c’est n’est pas la peine d’espérer enclencher une discussion sereine, efficace et consensuelle sur le financement. Nous aurions ainsi préféré que la conférence sur le financement soit un peu plus déportée dans le temps, mais il faut savoir faire des compromis.

Ensuite, il faut redire ce sur quoi tout le monde s’accorde, y compris le COR : il n’y a pas de dérive des dépenses de notre système de retraite ; tout au plus constate-t-on, avec le projet de loi, une baisse des recettes liée au fait que, si l’on applique le même taux de cotisation à tous les employeurs, il y aura mécaniquement une baisse des cotisations des employeurs publics. La question que cela pose ensuite n’est pas celle de la source de financement nécessaire pour compenser cette baisse, car l’argent dédié aux retraites est de toute façon sinon de l’argent public stricto sensu, du moins l’argent de la collectivité. On peut en revanche réfléchir au niveau de financement souhaité, mais le débat doit bien être posé en ces termes. Je rappelle au passage que le seul paramètre qui bouge actuellement – et qui augmente –, c’est l’âge de la retraite, du fait de la « loi Touraine » de 2014. Les salariés sont donc les premiers à avoir « mis au pot ».

Enfin, en matière de financement des retraites, il nous paraît absurde de vouloir tout miser sur un seul facteur, que ce soit l’âge ou les cotisations. Toute mesure de financement des retraites a des effets pervers, et plus la mesure est ample et rapide, plus les effets pervers sont forts. Ces mesures ne pesant par nature que sur une partie de la population, n’en retenir qu’une seule, c’est la pénaliser directement. Un financement pérenne doit donc être assis sur un cocktail de mesures : plus il y a de mesures de faible ampleur, mieux c’est.

M. Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la CGT. Je m’en tiendrai, dans mes réponses, à quelques points qui nous tiennent particulièrement à cœur.

Le premier concerne la consultation des caisses nationales de sécurité sociale, sur laquelle le Conseil d’État a fait un certain nombre de remarques. Il se trouve que je suis vice‑président de la caisse nationale qui a été consultée en premier, à savoir l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Pour répondre très directement à la question qui a été posée, nous ne disposions pas alors de la moindre étude d’impact, que nous avions pourtant réclamée. La commissaire du Gouvernement nous avait promis qu’elle serait transmise dès qu’elle serait disponible ; or cette étude d’impact, qui fait plus de mille pages, a été mise en ligne sur le site du haut-commissariat et sur celui d’AEF info seulement après le Conseil des ministres de vendredi. En attendant, nous n’avions aucun élément d’appréciation.

L’étude d’un document de cette taille exige, vous vous en doutez, un certain travail, auquel nous nous sommes attelés dès le week-end. Plusieurs points ont d’ores et déjà retenu notre attention, comme l’incohérence entre ce que dit le texte sur l’âge d’équilibre et les cas‑types qui nous sont présentés, l’indexation sur les salaires, ou certains chiffres pour le moins étonnants – par exemple, les hypothèses d’indexation du SMIC indispensables pour le minimum de pension, qui aboutissent à des projections d’augmentation du SMIC extrêmement ambitieuses et dont nous pourrions nous réjouir, mais qui ne correspondent pas exactement à ce qu’on observe d’ordinaire...

La gouvernance enfin est à nos yeux une question fondamentale. La CGT a toujours été attachée à voir la sécurité sociale gouvernée sur le fondement de la démocratie sociale. Or il paraît clair que le projet suit une logique radicalement inverse, et je partage à cet égard le diagnostic de M. Cherpion : ce qui est proposé, c’est bel et bien une étatisation complète de cette gouvernance : c’est le Gouvernement qui in fine prendra par décret les décisions concernant l’ensemble des paramètres si l’action de la CNRU ne lui convient pas.

Il faut également revenir sur l’inversion totale de la gouvernance avec le rôle central accordé au comité d’expertise indépendant, dont la logique est très proche de celle du Haut Conseil des finances publiques – au sein duquel il va de soi que les partenaires sociaux ne siégeront pas... –, ainsi que sur la marginalisation non moins totale de la seule structure dont on nous a dit pendant des années qu’elle jouait un rôle fondamental : le COR. Nous connaissons bien la logique de ce schéma de gouvernance par les experts – M. Supiot parlait de gouvernance par les nombres : les projections notamment seront à la main de la Cour des comptes.

Par ailleurs, il est évident que le taux de remplacement baissera considérablement. Pas besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre qu’avec un ratio actifs/retraités de 1,7 et une part des pensions qui, sur la base d’une hypothèse modérée de croissance de 1,3 %, passerait de 13,8 % à 12,9 % du PIB, le taux de remplacement ne pourra que baisser dans des proportions importantes. Suite à la réforme de 2014, les chiffres d’âge de départ étaient déjà très proches et le taux moyen de remplacement avait baissé d’environ 20 %. Il faut clairement s’attendre à un mouvement tout à fait comparable.

Généralement, la réforme a été présentée comme visant à améliorer la situation des personnes dont les carrières sont hachées ou qui sont en situation de précarité. On ne peut qu’en être d’accord au vu de l’état de la société et de la place des femmes dans le système. Et personne ne peut contester la réalité de ce que les démographes appellent la famille hypernucléaire. C’est donc un point essentiel. Malheureusement, ce n’est pas du tout ce à quoi tend cette réforme ; pour le comprendre, le plus simple est d’en observer précisément les conséquences sur les droits des chômeurs. Il suffit de mettre en regard la manière dont les droits seront pris en compte – en l’occurrence, uniquement à partir des droits à l’assurance chômage qui auront été acquis, ce qui signifie que les personnes en fin de droits n’auront strictement rien – avec les effets de la diminution des droits à prestation chômage suite à la réforme de l’assurance chômage : on s’aperçoit immédiatement que la situation des chômeurs, loin de s’améliorer, se dégradera massivement.

La question des trois plafonds annuels de la sécurité sociale est quant à elle inséparable de celle du développement des retraites par capitalisation. Nous avons d’ailleurs déjà pointé ce problème. Pour ce qui me concerne, j’ai suivi de très près l’examen de la loi « PACTE » et, en particulier, les débats autour de l’article 71 concernant l’épargne retraite. Cette réforme, c’est là son problème principal, entraîne un appel d’air massif en direction des dispositifs de retraite privés par capitalisation. Sans vouloir revenir sur des discussions un peu polémiques, je vous renvoie simplement au site de BlackRock et à la note de vingt pages, d’ailleurs fort bien faite, dans laquelle on explique les opportunités du développement des retraites par capitalisation. Je me contenterai de poser cette simple question : croyez-vous vraiment que les retraites par capitalisation sécurisent mieux les pensions que le dispositif public par répartition ?

Nous participerons bien évidemment à la conférence sur le financement. Le problème, c’est que la feuille de route est complètement bordée par le Premier ministre dès lors qu’il a posé qu’il ne fallait pas baisser le montant des pensions – ce dont nous sommes certes entièrement d’accord – ni augmenter le coût du travail. Or une des leçons principales des travaux du COR, depuis l’origine, c’est qu’il n’existe que trois paramètres pour agir sur un système de retraite : le niveau des cotisations, le montant des pensions et la durée d’activité. Il est bien évident que dès lors que deux leviers sur trois sont exclus, il ne reste plus que le dernier...

Il est absolument indispensable de lever cette contrainte pesant sur les objectifs de la réforme. Il est impossible de discuter des questions de financement sans ouvrir celle des recettes, c’est-à-dire des cotisations. Cela suppose également de s’interroger sur de nouveaux modes de financement : la mise à contribution des revenus du capital, comme la CGT le propose depuis toujours, ou une révision sérieuse des exonérations de cotisations sociales. À en croire la Cour des comptes, leur montant total s’élève à 90 milliards. Or quel en est l’effet, notamment sur la croissance et l’emploi ?

Lorsque d’aucuns soutiennent que, dans notre système, le taux de contribution serait le plus élevé au monde, c’est tout simplement se moquer... du monde quand on sait que les employeurs ne paient plus aucune cotisation pour les emplois rémunérés au SMIC. Il convient donc selon nous de revoir profondément les dispositifs existants.

Enfin, monsieur le député Marilossian, je souhaite revenir sur la question solidarité-individualisation, qui est très importante : un système fondé sur la solidarité, ce n’est pas synonyme de système financé par répartition. Pour reprendre une formule que j’ai utilisée il y a dix ans dans un livre que j’ai commis, je dirais qu’un système de retraite a trois fonctions : assurantielle – perte d’emploi en raison de l’âge –, de report – prise en compte de retraites antérieures – et de solidarité, laquelle est fondamentale – pension minimum, droits familiaux, réversion...

L’un de nos désaccords majeurs avec cette réforme repose sur la séparation totale de la solidarité d’avec le reste du système en renvoyant à des dispositifs financés par la fiscalité. Des choses assez curieuses sont d’ailleurs conçues pour financer le Fonds de solidarité vieillesse universel : on mêle allégrement taxe d’acheminement d’EDF, financement des retraites des clercs de notaire à partir des honoraires des notaires, projets pour l’Opéra, etc.

Vous me pardonnerez d’entrer dans des détails un peu techniques. La logique du principe retenu repose strictement sur ce que l’on appelle la neutralité actuarielle, dont le modèle cible consiste à retrouver exactement sous forme de pensions de retraite ce qui a été versé sous forme de cotisation, ce qui supprime toute forme de redistribution. Contrairement à ce qui est parfois dit, il n’est pas question d’une redistribution à l’envers mais, d’abord, de la situation des personnes qui accomplissent des travaux pénibles et des ouvriers dont l’espérance de vie est inférieure à celle des autres salariés. En fin de compte, on se retrouve avec une situation ingérable où, à la limite, il y aura un taux de remplacement pour chaque âge de départ à la retraite et pour chaque génération. Si tant est que l’espérance de vie continue de croître, la philosophie de ce système ne visera pas à travailler plus longtemps mais à raccourcir la retraite car, rappelons-le, la moitié des gens ne sont plus en activité lorsqu’ils la prennent. Voilà ce que vous voulez, et sûrement pas la solidarité !

M. David Meyer, conseiller confédéral de la CGT. Demain, lors de l’ouverture de la conférence sur le financement, nous ferons des propositions sur les enjeux liés à l’emploi mais, aujourd’hui, les syndicats ont lancé une journée de mobilisation et, normalement, lorsque l’on est syndicaliste, on y participe. Notre secrétaire général se trouve à cette heure dans une papeterie menacée de fermeture, à La Chapelle-Darblay, où les enjeux notamment environnementaux sont importants. Parler des retraites, c’est donc aussi parler des emplois.

Pour ce qui est de la jeunesse, effectivement, monsieur le rapporteur Turquois, vos enfants paieront pour les anciens comme ces derniers ont payé pour que nous puissions accéder à des services publics, au système éducatif et de santé, etc. Cela s’appelle la solidarité intergénérationnelle et le système par répartition, auxquels nous sommes particulièrement attachés.

Sur la pénibilité, nous avons formulé des propositions – si tant est qu’il soit possible de négocier à ce sujet... Nous considérons que les meilleurs experts du travail, ce sont les travailleurs. La suppression des CHSCT, de même que la limitation de notre capacité d’intervention au sein des entreprises en matière d’organisation du travail et de prévention ne sont pas sans poser problème à cet égard. Là encore, nous avons des propositions à formuler.

Enfin, nous participerons en effet à la conférence sur le financement. Nous sommes d’ailleurs preneurs d’informations sur la manière dont elle se déroulera car nous n’en disposons pas toujours en temps et en heure. Il en est de même s’agissant des différents projets de loi : ce ne serait pas mal si vous pouviez nous les envoyer au moment opportun...

M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de lemploi et des retraites de FO. Il me semble que nos propos liminaires, notamment ceux de Force ouvrière, ont permis de répondre à un certain nombre de questions et je vous y renvoie donc.

Dans la gouvernance, on pourra mettre tout ce que l’on voudra. Chargé de plusieurs dossiers, en particulier de celui de la formation professionnelle, j’ai eu l’occasion de me frotter à France compétences : c’est l’État qui décide. Chargé également de l’assurance chômage, je peux vous dire que lorsque je vais négocier et que la négociation est suffisamment encadrée pour que ce ne soit pas possible, c’est aussi le Gouvernement qui décide. J’ai bien peur que telle qu’est inscrite la règle d’or dans le projet de loi organique, ce ne sera peut-être pas le Gouvernement qui décidera au bout du bout, mais vous, mesdames et messieurs les parlementaires, puisque c’est à vous qu’il reviendra de définir les paramètres dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous le constatez donc, la loi préserve la démocratie parlementaire. Si c’est elle qui prime, nous nous y soumettrons puisque nous sommes républicains.

La concertation a été longue – environ deux ans – sauf que le Gouvernement n’a formulé un certain nombre d’autres propositions qu’après le 5 décembre dernier, c’est-à-dire après que des organisations syndicales ont pris leurs responsabilités pour appeler à la grève et à la manifestation. Jusque-là, il n’était pas question de pénibilité ni d’emploi des seniors ; jusque-là, c’est la génération de 1963 qui était concernée et non celle de 1975. Nous ne sommes pas parvenus à nous faire entendre pendant deux ans, mais c’est en appelant à la grève qu’il a été possible de commencer à travailler sur des sujets sérieux.

Le problème, ce n’est pas la retraite mais l’emploi et les conditions de l’emploi. Par exemple, vous n’avez pas abordé un thème que je n’ai pas eu moi-même le temps d’évoquer dans mon propos liminaire : le temps partiel subi. Qu’envisagez-vous de faire à ce propos, mesdames et messieurs les députés ? Comment compenser cette situation, si ce n’est en faisant cotiser comme pour un temps plein les entreprises qui abusent de ce système ? Vous verrez alors que le temps partiel subi disparaîtra dans notre pays ! Il y va de votre responsabilité, non de celle des organisations syndicales.

Nous irons à la conférence sur le financement car elle porte sur l’équilibre du système actuel, non sur celui du système futur, et là encore, nous ferons des propositions. Comme nous sommes républicains et que nous avons un profond respect pour le Premier ministre, c’est à lui que nous réserverons la primeur de nos analyses et de nos solutions – je ne vous en dirai rien aujourd’hui. Mais il ne doit pas y avoir de tabou ; or la conférence est déjà très encadrée par le Premier ministre. Le 8° de sa lettre est très clair : pas de baisse des pensions, ce dont nous sommes d’accord, mais pas de hausse du coût du travail – ce qui signifie qu’il faudra éventuellement articuler des baisses de cotisations avec l’augmentation d’autres cotisations. Le problème qui se pose est bien celui des recettes, et celui-ci résulte pour l’essentiel, le COR l’a bien dit, de la stagnation des salaires. À un moment ou à un autre, il faudra soit les augmenter, soit se décider à ne plus exonérer de cotisations sociales les entreprises qui ne jouent pas le jeu. L’incitation peut être certes positive et les précédents gouvernements – pas uniquement celui-ci – ont parié là-dessus. Eh bien, on voit ce que cela donne : on est obligé d’augmenter le temps de travail et la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite méritée !

Quant à l’étude d’impact, nous sommes allés la chercher sur le site du Gouvernement, faute d’avoir pu l’obtenir avant ; nous avons aussi pris connaissance de l’avis du Conseil d’État après le Conseil des ministres. Je vous renvoie à ce propos à une perle de l’étude d’impact, page 117, où figure le tableau comparatif démontrant qu’un salarié ayant été payé au SMIC pendant toute sa carrière verrait sa pension augmenter de 5 % en calculant sur quarante-trois ans : la note qui figure en dessous indique que l’on ne compare pas les mêmes choses, que « le salaire moyen présenté nest donc pas directement comparable au salaire annuel moyen tel quil est pris en compte dans le calcul dune pension de base du régime général » ! Voilà ce qu’il faut penser des cas-types de l’étude d’impact !

La règle d’or doit donc spécifier que la valeur du point ne devra pas baisser. Soit, mais quid de la valeur du point à l’achat ? Vous ne pouvez pas baisser sa valeur à la liquidation ? Vous augmenterez sa valeur à l’achat ! Les points seront ainsi moins nombreux et la retraite sera moins bonne. Vous pouvez jouer sur de tels équilibres ! Certains seront donc peut-être rassurés d’inscrire dans la loi organique que la valeur du point ne baissera pas mais je ne suis pas sûr que cela emporte quelque conséquence que ce soit, demain, sur le niveau des pensions.

M. Pierre Roger, secrétaire national en charge du secteur protection sociale de la CFE-CGC. Je vais essayer de ne pas être trop redondant.

Une question intéressante a été posée sur la durée hebdomadaire de travail. Je suis quant à moi tout à fait favorable à l’idée de faire à nouveau cotiser sur les heures supplémentaires. Par ailleurs, je vous rappelle qu’une partie des cadres sont au forfait et que ceux qui ne le sont pas en font assez fréquemment. Si vous pensez que l’augmentation des heures supplémentaires permettra d’équilibrer le compte, je suis d’accord avec vous : encore faut-il qu’elles soient soumises à cotisation. Commencez donc par rétablir, comme prévoyait la « loi Veil », la compensation des 17 milliards que vous avez si facilement balancés dans la nature suite au mouvement des « gilets jaunes », et l’équilibre sera déjà nettement amélioré !

Cela a été dit, l’équilibre du système pour 2027, avec un déficit inférieur à 0,2 ou 0,3 point de PIB, est lié à un problème de recettes, non de dépenses. Avant de toucher à l’âge d’équilibre et de faire payer les salariés, peut-être faudrait-il aussi s’occuper de l’employabilité des seniors, ce qui aurait pu être fait un peu plus tôt en s’attaquant au problème de la retraite progressive, sans être obligé d’instaurer une réforme dite universelle.

Pourquoi le mécanisme de la retraite progressive est-il si peu utilisé ? La situation de la France est à cet égard assez schizophrénique : le senior est parfois considéré comme essentiel pour son entreprise et il est surchargé de travail – au point d’être parfois totalement épuisé en prenant sa retraite, mais souvent, nombre de seniors, pour des raisons économiques, en raison d’un déclassement ou autre, se voient « mis au placard », quand ils ne sont pas poussés à la rupture conventionnelle... Le système est complètement binaire.

Si la retraite progressive ne fonctionne pas, c’est parce que les employeurs craignent – de manière infondée, quoique je puisse le comprendre – de se retrouver demain avec des bataillons de seniors qui resteront jusqu’à 66, 67 ou 68 ans, et de se retrouver confrontés à des problèmes de gestion de personnel et d’organisation de services. Dès lors qu’ils peuvent s’opposer à une demande de retraite progressive, ils ne s’en privent pas et la refusent.

Nous avons fait des propositions, comme nos collègues. Nous avons même rencontré le directeur de cabinet de Mme Pénicaud, lequel estime que la retraite progressive pourrait être proposée à 58 ans – je lui ai fait remarquer que cela ne serait pas sans poser des problèmes avec les employeurs. Nous avons quant à nous proposé que chaque salarié, y compris au forfait – c’est dans le projet de loi – puisse demander la retraite progressive jusqu’à la limite de l’âge pivot ou d’équilibre, au taux plein, sans décote. C’est seulement s’il veut rester dans l’entreprise au-delà de cette limite qu’il devrait demander l’accord de son employeur. Cela résoudrait bien des problèmes.

Le texte en l’état se borne à prévoir la possibilité d’une retraite progressive pour les cadres au forfait mais il suffira à l’employeur d’invoquer des raisons de service pour s’y opposer. De plus, elle ne sera pas possible avant 62 ans, contre 60 ans aujourd’hui. Et on nous parle de l’employabilité des seniors ! Sans doute faudra-t-il lever ces contradictions, car il faut être logique : si l’on veut parvenir à un équilibre des financements, il faut aussi permettre que les gens puissent cotiser. Le report d’âge n’est pas le seul critère, je suis bien d’accord : il faut jouer sur l’ensemble des paramètres. La retraite progressive en est un exemple-type.

Vous dites faire confiance aux organisations syndicales et vous nous appelez à prendre toute notre place. Nous vous en remercions : ce n’était pas si évident durant ces deux dernières années. Reste que le mode de gouvernance prévu par le projet de loi ne nous laisse qu’un rôle très limité. Le Parlement doit être bien évidemment en première ligne, nous ne l’avons jamais contesté, mais la gouvernance telle que nous connaissons, comme cela a été rappelé, fonctionne : l’AGIRC-ARRCO n’a pas de dette, nous avons toujours su prendre nos responsabilités – depuis dix ans, j’ai participé à bien des négociations. Encore faut-il pouvoir jouer sur l’ensemble des paramètres, ce que ne prévoit pas le texte, quand bien même nous pourrons donner des avis.

Un pilotage intelligent et efficace suppose aussi d’avoir la main sur les réserves. Je vous l’ai dit, aucun système ne pourra fonctionner s’il ne dispose pas de réserves pour pallier les coups durs.

Je comprends la position de principe de mes collègues de la CFDT à propos des 3 PASS, mais la mienne sera beaucoup plus pragmatique. La réduction à 3 PASS accélérera certes pour certains le passage à la capitalisation, je n’y reviens pas, mais les droits acquis, vous en êtes tous d’accord, devront être payés. Sans doute avez-vous eu connaissance des notes de l’AGIRC-ARRCO, qui sont très claires : il faudra trouver 65 milliards pour ce faire. En outre, il faudra financer la transition. Comment ferez-vous ? Vous aurez deux possibilités : soit payer les droits acquis de ceux qui gagnent plus de 3 PASS avec les réserves, soit les faire payer par tous ceux qui en gagnent moins de trois. Où est la justice, là-dedans ? Fatalement, cela pèsera encore un peu plus sur l’équilibre du système. Lorsque ces réserves auront été consommées pour maintenir l’équilibre, au premier choc économique, nous n’aurons plus rien pour soutenir le système que vous proposez., sinon en augmentant encore un peu plus l’âge d’équilibre, sachant que l’âge moyen en bonne santé se situe à 64, 65 ans. Mais les Français ne vous suivront peut-être pas, d’autant, ne l’oubliez pas, que les retraités sont ceux qui votent le plus et qu’ils n’auront pas la mémoire courte... Je vous engage donc à faire preuve de la plus grande prudence.

Pour ce qui est de la pénibilité, je ne comprends pas que l’on puisse demander plus de justice sans reconnaître que les critères que vous avez supprimés sont nécessaires. Si vous demandez aux Français de faire des efforts, il me semble que la moindre des choses serait de savoir faire marche arrière sur ce point. Les CHSCT ont été supprimés ; on a vu ce que cela a donné dans une usine de Rouen. Aujourd’hui, on est bien embêté avec des risques chimiques : ils sont pourtant bien réels et il y en a d’autres, malheureusement.

Il n’y a pas eu de négociation en la matière et vous souhaitez la renvoyer aux branches. Pourquoi pas ? Quoi qu’il en soit, il faut selon moi récompenser les entreprises qui font des efforts ou pénaliser celles qui n’en font pas. Par ailleurs, en fait de responsabilité sociale des entreprises, bien des jeunes refusent de travailler dans telle ou telle boîte faute d’en partager les valeurs. C’est peut-être un autre monde, une autre génération, mais c’est ainsi qu’ils raisonnent désormais. Si des entreprises font des efforts et que d’autres les refusent, les premières auront tout avantage à le faire savoir car c’est plutôt vers elles que se tourneront les jeunes. Il ne faut pas être naïf : l’absence d’effort doit être pénalisée d’une manière ou d’une autre.

Nous participerons bien évidemment à la conférence sur le financement mais, comme mes collègues l’ont dit, le Gouvernement fait preuve d’une immense confiance dans les négociations avec les organisations syndicales... La lettre du Premier ministre est très encadrée. Et à voir les marges de manœuvre qu’il nous laisse, on sent que ce sera compliqué... Nous essaierons d’avancer, nous ne renoncerons pas, mais nous aurions aimé que l’on nous fasse tout de même un peu confiance en nous laissant un peu plus de latitude. Pendant deux ans, cela n’a pas pu être fait car la concertation ne s’est pas caractérisée par une grande capacité d’écoute. Nous avons entendu des choses, les discussions ont été nombreuses, mais nous n’avons pas été écoutés. En voici une nouvelle occasion ; nous verrons bien si cette conférence est un coup d’épée dans l’eau ou non. Je vous rappelle que, selon le Conseil d’État, elle est seulement habilitée à donner un avis consultatif, ce qui donne toute liberté au Gouvernement, puis, à vous, la représentation nationale, de prendre vos responsabilités sur ce que sera, demain, le financement.

Je vous prie de m’excuser si je n’ai pas répondu à certaines questions mais je gage que nous aurons l’occasion d’y revenir.

Enfin, ne soyez pas vexés de n’avoir en face de vous que les secrétaires nationaux en charge de ces dossiers ; mais regardez les CV des personnes que l’on vous a envoyées, et vous verrez qu’en général, ce ne sont pas des troisièmes couteaux.

M. Patrick Mignola. Nous l’avons constaté.

M. Cyril Chabanier, président confédéral de la CFTC. Je ne souhaitais pas que ma présence suscite une telle polémique. (Sourires.)

M. Patrick Mignola. C’est votre faute. Sinon, je ne l’aurais pas remarqué !

M. Cyril Chabanier, président confédéral de la CFTC. C’est bien ce que j’ai compris. Je prendrai soin, à l’avenir, de me référer à mes collègues...

En ce qui concerne la gouvernance, il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause le rôle du Parlement, notamment de la représentation nationale. Il est tout à fait normal que celui-ci fixe un cadre ; nous ne l’avons jamais contesté. Le problème réside dans les marges de manœuvre dont bénéficie la gouvernance. Je suis désolé, mais – mon collègue de FO l’a rappelé – certaines discussions auxquelles nous avons participé par le passé, en particulier sur l’assurance chômage, ne restent pas comme de grands souvenirs de dialogue social et de gouvernance. D’où notre inquiétude. Nous voulons donc être rassurés, en obtenant notamment que le conseil d’administration émette un avis sur la nomination du futur directeur général et, surtout, d’être suivis. À cet égard, la gouvernance du régime AGIRC-ARRCO est un exemple dont on pourrait s’inspirer.

Cette remarque me conduit à évoquer la conférence de financement. Vous avez insisté, madame Khattabi, sur l’importance que revêt le dialogue social pour votre groupe parlementaire. Je veux bien le croire, et nous pourrons en juger dès demain dans le cadre de cette conférence, qui permettra d’apprécier non seulement notre capacité à trouver des solutions et des compromis, mais aussi celle du Gouvernement à retenir des idées suggérées par les organisations syndicales. C’est un des enjeux essentiels de cette conférence : nous devons démontrer que, dans ce pays, le dialogue social peut aboutir à des solutions et à des compromis, bref, qu’il est encore utile. Je crains, très honnêtement, si nous n’y parvenons pas, que cet échec donne du grain à moudre à ceux qui pensent que seule la violence permet d’obtenir des résultats.

M. Fabrice Brun. Très bien. À écouter, à lire et à diffuser !

M. Cyril Chabanier, président confédéral de la CFTC. Un mot sur l’étude d’impact, que l’on a peu évoquée. Je n’entrerai pas dans son détail : elle est imparfaite, évidemment, et nous avons manqué de temps pour l’étudier. Soit. Mais beaucoup ont crié à l’enfumage et au pipeautage. Or, depuis six mois, je reçois, tous les deux jours, de divers instituts, de droite et de gauche, une étude sur les retraites remplie d’âneries et de bêtises. Je ne suis pas certain que cette étude d’impact soit plus mauvaise qu’une autre.

M. Sébastien Jumel. Une de plus, une de moins, ce n’est pas si grave...

M. Cyril Chabanier, président confédéral de la CFTC. On peut la critiquer mais, si l’on veut être honnête, il faut en faire autant pour l’ensemble des études réalisées par les différents instituts depuis plusieurs mois.

Cela étant dit – il faut savoir se faire plaisir parfois... –, la CFTC estime que le plafond de cotisation au régime universel, qu’il est proposé de limiter à 3 PASS, devrait être fixé à 4 PASS. Cela permettrait d’augmenter un peu les recettes et de mettre un tant soit peu à contribution les entreprises, qui sont tout de même, il faut en avoir conscience – mais ce peut être un choix –, celles à qui le projet du Gouvernement demande le moins d’efforts. Chacun doit faire un petit effort. De ce point de vue, le relèvement du plafond de cotisations peut être une solution. À ce sujet, je précise que nous proposerons, dans le cadre de la conférence, de revenir sur certaines exonérations fiscales consenties en faveur de l’épargne retraite individuelle, qui bénéficient, par définition, aux revenus les plus les plus élevés.

On l’a déjà dit, mais c’est très important : nous avons davantage un problème de recettes qu’un problème de dépenses. N’oublions pas que les gouvernements successifs ont fait le choix politique d’accorder des exonérations en s’engageant à les compenser. Sur les exonérations elles-mêmes, je ne porte pas de jugement. Mais lorsque l’État manque à son engagement de procéder aux compensations promises, il crée un certain déséquilibre. On peut ne pas s’engager à compenser, mais quand on le dit, il faut le faire.

Je ne reviens pas sur la question de l’emploi des seniors et de la retraite progressive, car je souscris aux propos de mon collègue sur ce point.

En ce qui concerne le maintien de la valeur du point, je ne suis pas fan des règles d’or, mais, dans la période actuelle, une telle règle me paraît indispensable.

Enfin, la CFTC peut comprendre que l’on veuille fixer un âge d’équilibre. Le problème tient au fait que cet âge d’équilibre est érigé en référence absolue du texte, qu’il s’agisse de la retraite progressive, des carrières longues ou de la pénibilité. On risque ainsi d’aller à l’encontre de la volonté de renforcer la solidarité, en faveur notamment des plus précaires. Nous voulons tous que la retraite progressive soit davantage utilisée, mais la référence à l’âge d’équilibre – et cela vaut aussi pour la pénibilité – entraîne un report de deux ans.

Je dirai même, pour aller au bout de mon raisonnement, que je ne serais pas choqué si, demain, certaines personnes, parce qu’elles n’exercent pas forcément un métier pénible ou parce que l’espérance de vie est plus longue, devaient travailler un peu plus longtemps. En revanche, les personnes qui exercent certains métiers pénibles pour lesquels on ne peut pas faire grand-chose, ni en matière de prévention ni en matière de reconversion, doivent pouvoir continuer à partir à 60 ans – et non pas deux ans avant d’avoir atteint l’âge d’équilibre car, si celui-ci est fixé à 64 ans, elles ne pourront partir qu’à 62 ans. Peut-être faudra-t-il, pour que certains partent plus tôt, que d’autres partent plus tard. En tout état de cause, l’âge d’équilibre ne peut pas être la référence absolue du texte : c’est une erreur et c’est contreproductif, à la fois pour les plus précaires et pour les femmes.

M. Dominique Corona, secrétaire général adjoint de lUNSA. Nous sommes très attachés au paritarisme. C’est simple : la source de financement des retraites, c’est la cotisation sociale, c’est-à-dire un salaire différé. Or, le salaire différé, c’est nous ! Ce n’est pas un impôt ; cela ne relève donc pas de Bercy, mais des employeurs et des salariés. Dès lors, il est tout à fait normal que nous gérions collectivement notre portefeuille. Certes, l’État peut définir un cadre – les retraites représentent 14 % du PIB. Mais il faut laisser à la gouvernance la plénitude de ses attributions. Nous ne devons pas avoir le sentiment qu’on nous tord le bras. J’ai cité un exemple, tout à l’heure. On nous dit : « Si vous ne trouvez pas de solution sur l’âge d’équilibre, on retiendra l’espérance de vie ». Non ! En nous imposant cette contrainte, on bride déjà le dialogue social. Or, il faut faire confiance au paritarisme. De toute façon, si une difficulté survient, l’État reprendra la main. Rien ne sert donc de nous cornaquer : laissons aux partenaires sociaux la liberté d’essayer de trouver des solutions intelligentes. L’UNSA croit beaucoup à l’intelligence collective.

Sur le directeur général de la CNRU, je n’ai rien trouvé dans le texte, que j’ai pourtant lu et relu ; j’ignore à l’heure actuelle comment il sera nommé et qui sera consulté. Je ne suis pas certain qu’il le sera par les députés, je ne suis pas certain non plus qu’il le sera par l’État et, manifestement, il ne le sera pas non plus par la gouvernance. Pour l’instant, c’est un mystère ! En revanche, il est certain que si l’on veut que le système fonctionne, il faudra trouver un moyen de solliciter l’avis de la gouvernance. Nous devons donc y travailler ensemble.

Il en va de même du comité d’expertise : ses membres seront désignés par la Cour des comptes, la représentation nationale, le CESE, mais il n’est pas prévu que la gouvernance en nomme ne serait-ce qu’un ou deux. Nous vous demanderons donc que deux experts soient nommés par le conseil administration pour porter la parole des partenaires sociaux au sein du groupe d’experts, qui aura un certain poids.

Quant à la pénibilité, nous sommes d’accord pour réfléchir, au sein des branches professionnelles, à sa prévention. Oui, on peut envisager un bonus-malus dans le cadre de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Les employeurs vertueux, ceux qui ont conclu des accords sur des référentiels de branche, pourraient ainsi bénéficier d’un bonus. En revanche, il n’y a pas de raison que la branche AT-MP paie pour ceux qui ne font pas le boulot. Il faut aller jusqu’au bout de cette logique et ne pas avoir peur d’affirmer que les entreprises vertueuses méritent d’être mieux représentées que celles qui ne le sont pas. En tout cas, ce n’est pas un problème pour nous ; nous l’avons dit à Mme Pénicaud.

Pour ce qui est de la réparation en revanche, renvoyer la question aux branches peut être une solution, mais certaines d’entre elles sont riches, d’autres le sont moins. Prenons l’exemple des salariés qui portent des charges lourdes. Une branche qui a de l’argent pourra leur accorder un congé de fin d’activité payé par l’employeur – c’est une bonne idée. Mais dans une autre branche, qui a moins d’argent, pour une pénibilité identique, les salariés n’auront pas les mêmes droits. D’où la nécessité, j’y insiste avec force, de réintroduire les critères de pénibilité. Il s’agit de forcer les employeurs à négocier avec nous les seuils. En effet, je ne peux pas accepter que le MEDEF déclare en réunion qu’il reconnaît la pénibilité mais que celle-ci ne peut pas être mesurée. Si le problème est d’ordre technique, et c’est le cas, on est capable de le résoudre. On sait mesurer le bruit, mais on ne saurait pas mesurer les charges lourdes ? Allons ! Ce n’est pas acceptable. Vous devez donc nous aider, car il n’y a pas d’autre solution. Rien n’est plus injuste que de voir ces gens mourir prématurément alors qu’ils cotisent pour nous. Nous avons, dans ce domaine, une responsabilité collective. Il ne s’agit pas de revenir au C3P – je sais que c’est impossible –, mais de trouver une solution intelligente pour remédier à cette injustice.

En ce qui concerne l’emploi des seniors, nous estimons qu’un index de suivi est nécessaire. De fait, actuellement, les entreprises se débarrassent facilement des seniors, parce qu’ils coûtent trop cher, parce qu’on veut embaucher des jeunes à leur place, etc. Si nous voulons un dispositif efficace, il faut, là encore, s’en remettre au paritarisme et au dialogue social pour que les partenaires sociaux élaborent un plan « ambition seniors » qui comporte des index de suivi et négocient la mise en œuvre de la retraite progressive. Car cela ne sera pas simple. On peut toujours, assis sur son siège, appeler de ses vœux le développement de la retraite progressive, mais il va falloir évoquer les difficultés qu’elle soulève. Je ne suis pas employeur, mais tout de même : dans la fonction publique, par exemple, comment organisera‑t-on le travail lorsque des professeurs des écoles travailleront à mi-temps ou à tiers-temps ? Sans un dialogue social préalable sur une mise en œuvre intelligente de la retraite progressive, on se heurtera à des difficultés. Là encore, il faut forcer les partenaires sociaux à négocier des objectifs et un plan ambitieux.

J’en viens à la question des 3 PASS. Ce plafonnement ne nous choque pas. En revanche, se pose la question des cotisations. Prenons l’exemple de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) : le taux de cotisation employeur va être ramené de 33 % à 16 %, sachant, par ailleurs, que les agents des collectivités territoriales de catégorie C ne touchent pas de primes. Comment fait-on ? Le projet de loi prévoit-il une réparation pour ces personnes qui seront punies par la réforme ? Pour les employeurs du privé, la baisse sera encore bien plus importante, puisque le taux ne sera que de 1,2 % au-delà de 10 000 euros. Très franchement, il doit bien y avoir des marges de manœuvre – c’est une affaire de logique mathématique pure. Là encore, nous devons pouvoir trouver une solution avec le patronat, les collectivités territoriales et la représentation nationale.

En ce qui concerne la règle d’or, nous étions favorables à une période de dix ou quinze ans plutôt que de cinq ans, afin de tenir compte des cycles économiques. Lorsqu’on réfléchit aux retraites, il faut prendre en compte l’espérance de vie, la productivité, la question de l’immigration, la démographie... L’horizon de cinq ans nous semble trop proche. Le COR lui-même a évoqué, à propos du solde, un horizon de dix ou quinze ans. Il serait donc préférable, pour la gouvernance et pour le solde, de fixer un plus long terme. Telle était, en tout cas, notre position, mais ce n’est pas l’hypothèse qui a été retenue.

J’en viens au chômage. Actuellement, on attribue quelques trimestres pour les périodes de chômage non indemnisé ; demain, il n’y aura plus rien. Comment fait-on ? Nous proposons, quant à nous, d’attribuer, sous certaines conditions à définir, des points pour ces périodes de chômage non indemnisé. Demain, si vous ne travaillez pas et ne percevez pas d’allocation chômage, vous n’avez pas de points et vous vous retrouverez aux minima sociaux une fois à la retraite. Il faut donc trouver un juste équilibre qui, pour l’instant, n’existe pas dans le texte.

S’agissant de la conférence des financeurs, je suis optimiste – sinon, je ne serais pas syndicaliste : si une réunion n’a aucune chance d’aboutir, je ne m’y rends pas. L’UNSA a décidé de participer à cette conférence, elle a fait des propositions et continuera à en faire. Mais une chose est certaine : si l’on veut parvenir à l’acceptabilité sociale de ce projet de loi, il faut que tout le monde mette la main au portefeuille. Nous comptons sur vous pour le dire au MEDEF : il n’y a pas de raison que les assurés sociaux soient les seuls à payer toutes les factures. Ce n’est pas acceptable et ce ne sera pas accepté. Un compromis doit être équilibré et équitable. Je vous rappelle qu’en 2014, l’UNSA avait jugé la réforme Touraine équilibrée parce qu’elle reposait sur un triptyque : durée de cotisation, cotisations sociales employeur et pénibilité. Si, demain, la conférence des financeurs décide qu’en définitive, seuls les assurés sociaux doivent mettre au pot, le compromis ne sera pas acceptable.

Je conclurai en rappelant que, pour l’UNSA, le dialogue social est plus que jamais nécessaire. Il faut sortir de l’enkystement social, de la violence, qui caractérise la situation actuelle du pays. Pour cela, des signaux doivent être envoyés. On invoque souvent l’esprit de la Résistance dans les débats sur la réforme des retraites. N’oublions qu’à l’époque, tout le monde avait mis les mains dans le cambouis. Il faut qu’il en soit ainsi demain, sinon nous n’y arriverons pas.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous remercie infiniment, toutes et tous, pour la qualité de nos échanges et celle de vos réponses.

La séance est levée à dix-huit heures cinq

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4.   Audition de M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites, et de M. Didier Blanchet, président du Comité de suivi des retraites

Mercredi 29 janvier 2020

La séance est ouverte à vingt-et-une heures cinq.

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La commission spéciale procède à laudition de M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil dorientation des retraites, et de M. Didier Blanchet, président du Comité de suivi des retraites.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous poursuivons ce soir nos auditions sur les projets de loi relatifs au système universel de retraite. Après les tables rondes de ce matin et de cet après-midi successivement avec les organisations professionnelles d’employeurs, puis les organisations syndicales de salariés, nous accueillons M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites, et M. Didier Blanchet, président du comité de suivi des retraites. Messieurs, nous vous remercions de vous être si rapidement mis à notre disposition.

En fin de matinée, le bureau de la commission spéciale a confirmé les modalités de la présente réunion. Je demanderai donc à chacun des deux intervenants de limiter son propos liminaire à dix minutes. Les rapporteurs interviendront ensuite chacun pour deux minutes. Je donnerai la parole aux orateurs des groupes pour trois minutes. Les autres collègues pourront poser des questions d’une minute.

M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil dorientation des retraites (COR). Je vous remercie pour cette invitation. Je suis à votre disposition pour vous apporter tous les éléments dont vous aurez besoin sur le système actuel de retraite – c’est la mission du COR d’en suivre l’évolution –, mais je concentrerai mon propos liminaire sur le Conseil lui-même, dont la transformation est prévue à l’article 56 du projet de loi.

Le COR est maintenu nominalement, mais il est vidé de sa substance : toutes les missions qu’il exerce sont confiées à un comité d’expertise indépendant des retraites (CEIR). La seule qu’il conserve, l’élaboration de recommandations à partir des travaux de ce comité, le COR ne pourra pas la remplir en raison de sa composition. Il réunit, comme vous le savez, des parlementaires de tous bords de l’Assemblée nationale et du Sénat, l’ensemble des organisations de salariés et d’employeurs, des représentants des exploitants agricoles et des professions libérales. Ensemble, nous savons construire le dialogue et nous arrivons toujours à un accord sur des éléments de diagnostic, les indicateurs ou les données. Mais, compte tenu de la diversité de ses membres, établir des recommandations communes est mission quasi impossible. Je n’ai pas la prétention d’arriver à réconcilier un sénateur socialiste et un sénateur républicain ou le MEDEF et la CGT sur l’avenir des retraites...

En outre, les missions confiées au comité indépendant me paraissent inadaptées. Ainsi, il est chargé de suivre l’évolution des écarts et des inégalités de pensions entre hommes et femmes, et d’analyser les phénomènes pénalisant les retraites des femmes. C’était, jusqu’à présent, notre mission et nous avons essayé de nous en acquitter. La légitimité de six experts indépendants pour élaborer de telles données et les indicateurs qui les accompagnent est relativement limitée, car ce travail d’expertise doit être construit sous le contrôle et l’œil vigilant des différentes parties prenantes au système de retraite, notamment les partenaires sociaux.

Pourquoi une telle évolution ? En lisant l’exposé des motifs, et même l’étude d’impact, j’ai trouvé les éléments descriptifs de l’évolution, mais pas d’explication argumentée. Lorsque j’ai essayé de comprendre, personne ne m’a dit que le COR avait failli dans ses missions. L’actuel secrétaire d’État aux retraites est sans doute le mieux placé pour en juger, puisqu’il en était membre jusqu’à sa nomination et participait assidûment à nos réunions. Du reste, le Premier ministre, il y a encore quelques mois, nous commandait un nouveau rapport.

L’argument régulièrement avancé en faveur de cette nécessité de changement est la modification complète de la gouvernance du système : comme les partenaires sociaux héritent d’un rôle majeur au sein du conseil d’administration de la nouvelle caisse, ils ne sauraient être juges et parties. Certains craignent que, devant équilibrer le système de retraite dans le cadre de la fameuse règle d’or, ils n’utilisent leur position au COR pour émettre des hypothèses optimistes, qui faciliteraient ensuite leur travail de négociation. Cela me semble infondé pour trois raisons.

D’abord, le COR a toujours travaillé sur les hypothèses du Gouvernement pour les cinq ans à venir – horizon de la règle d’or. Nous n’inventons pas de nouvelles hypothèses économiques ; les partenaires sociaux n’en sont donc pas juges. Je récuse également l’idée selon laquelle les partenaires sociaux auraient un biais d’optimisme. Pour travailler avec eux depuis longtemps, je les sais conscients des contraintes économiques. En outre, même si certains étaient trop optimistes, d’autres, pour d’autres raisons, pourraient avoir un biais de pessimisme, rétablissant ainsi l’équilibre.

Ensuite, le COR ne choisit pas une unique hypothèse, mais ouvre un spectre, renvoyant à ceux qui sont aux responsabilités le soin de décider de l’hypothèse de référence. D’ailleurs, pour construire cette réforme, le Gouvernement n’a pas choisi comme référence l’hypothèse la plus pessimiste du COR. De même, lorsqu’il a fixé l’objectif de la conférence sur le financement, il n’a pas pris la convention la plus dégradée.

Enfin, le COR n’est pas uniquement composé de partenaires sociaux. Y sont également représentés les parlementaires, qui peuvent peser sur nos décisions, ainsi que des experts issus de toutes les administrations – direction du Trésor, direction du budget, direction de la sécurité sociale, directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé –, toutes personnes qui ne sont pas connues pour leur optimisme échevelé ou pour leur laxisme budgétaire ! S’il prenait l’envie à un membre du COR d’imaginer que demain on rasera gratis, pour parler trivialement, toutes ces directions nous ramèneraient rapidement à la raison. Et le président du COR ne construit pas ses travaux en les écartant. Pour toutes ces raisons, l’argument des partenaires sociaux à la fois juges et parties demain est mal fondé.

Il est certes possible que les nouvelles modalités de gouvernance impliquent des changements. Je ne le nie pas. Lorsque tout bouge autour de soi, personne ne peut prétendre que l’institution qu’il représente soit le seul point fixe. Toutefois, je ne vois pas pourquoi on se priverait d’un lieu de dialogue apaisé, plus ou moins consensuel. Certes, nous n’émettons pas de recommandations, mais nous arrivons à rassembler toutes les parties prenantes sur un diagnostic et des données incontestables. Dans un monde où la défiance vis-à-vis de l’expertise et de la politique progresse, le COR était un lieu où l’expertise rencontrait la politique et le social, et où le dialogue était possible.

Faut-il encadrer l’exercice de gouvernance des partenaires sociaux qui vont diriger le futur conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) ? C’est à vous, et non à moi, simple technocrate, de trancher. Mais cela n’empêche pas de conserver le COR.

Vous l’aurez constaté, il s’agit d’un plaidoyer pour le COR. Peut-être ai-je manqué de lucidité, car je plaide pour une institution que je préside et à laquelle je suis attaché. Si tel est le cas, je vous prie de m’en excuser.

M. Didier Blanchet, président du comité de suivi des retraites (CSR). Je vous remercie également pour votre invitation. Moins connu que le COR, le CSR a été créé par la réforme de 2014, avec pour rôle d’alerter les pouvoirs publics sur la nécessité de rectifier la trajectoire du système de retraite en cas de déviation. La réforme de 2014 assortissait ces alertes de recommandations sur les mesures à prendre.

Pour aller dans le sens de Pierre-Louis Bras, la création du CSR ne remettait pas en cause le rôle du COR comme producteur de projections. C’est même sur cette base que le CSR rend un avis tous les ans, avant le 15 juillet. J’ai longtemps appartenu au COR ; il a joué un rôle considérable dans la création du consensus autour des projections en matière de retraites. Dans les années 1980, lorsque j’ai commencé ma carrière comme démographe, dans le débat sur les retraites, c’était la pertinence même des projections démographiques qui était régulièrement remise en cause. Pourtant, il s’agit d’un exercice comptable, même si les résultats dépendent des hypothèses – au moins sait-on, à hypothèses données, montrer le caractère relativement inéluctable du vieillissement démographique et la nécessité d’ajustement du système de retraite.

J’exprime ici une position personnelle, mais plutôt partagée par les membres du CSR avec qui j’ai eu l’occasion d’en discuter : il faut préserver cet acquis du COR, qui est le mieux à même de construire les projections grâce aux échanges entre toutes les parties prenantes.

Le CSR, pour sa part, a été conçu comme un comité ayant une fonction d’alerte plutôt que de pilotage. Le comité de pilotage des régimes de retraite (COPILOR), créé par la réforme de 2010, n’ayant pas fonctionné, on a un temps imaginé de charger le CSR de cette mission de pilotage, mais cela n’a finalement pas été retenu. Nous sommes donc uniquement chargés d’envoyer des messages d’alerte, et éventuellement de faire des propositions. Avec ses cinq membres, le CSR serait d’ailleurs bien en peine de piloter seul un système aussi complexe.

Depuis 2014, nous avons rendu six avis. Ceux des trois premières années n’étaient pas assortis de recommandations puisque le système était sur la trajectoire prévue. Nous rappelions, néanmoins, la dépendance du système de retraite à la croissance économique comme conséquence de l’indexation sur les prix depuis les années 1980. Nous soulignions également régulièrement le défaut général de lisibilité du système, grâce au travail réalisé par le jury citoyen, qui se réunit également au mois de juillet, et est consulté sur le projet d’avis.

Dans sa fonction d’alerte, le CSR est très encadré par la loi de 2014. Nous devons suivre une série très précise d’indicateurs, qui doivent évoluer dans certaines fourchettes. D’aucuns peuvent juger qu’il s’agit d’une vision restrictive de la façon dont fonctionne le système de retraite – j’ai noté qu’un débat émerge sur les cas types et leur représentativité. Le nombre de cas types examiné par le CSR est restreint et ne permet pas de disposer d’une vue d’ensemble du fonctionnement du système.

En 2017, le COR a révisé plus substantiellement ses projections, montrant ainsi sa sensibilité aux hypothèses de croissance économique, mais aussi la pertinence questionnable de certains indicateurs de solde traditionnellement utilisés pour évaluer la situation financière du système de retraite. Cela nous a mis dans la délicate situation d’avoir à convenir de la nécessité d’envisager des mesures, tout en invitant à relativiser la signification de certains de ces indicateurs, notamment un qui avait la propriété étrange de conclure à la dégradation de la situation globale du système en cas de politique financièrement plus rigoureuse de rémunération et recrutement de la fonction publique, dont l’objectif était pourtant de restaurer la situation des finances publiques ! Ce point de pédagogie a aidé le COR à faire évoluer sa façon de présenter ces indicateurs de solde.

En 2017, la réforme du système était déjà annoncée, aussi l’avis du CSR ouvrait-il deux options : régler le problème en amont de la réforme ou dans le cadre de cette réforme. Le Gouvernement, tenu de répondre, a indiqué que les mesures seraient prises dans le cadre de la réforme à venir. Sur la base de cette réponse, en 2018 et 2019, nous avons réitéré les mêmes avis, les projections du COR étant un peu moins défavorables en 2018 et à nouveau dégradées en 2019. C’est dire la difficulté. On entend régulièrement que les projections du COR sont instables, qu’il les révise tout le temps. Mais ce sont les hypothèses de croissance économique qui sont révisées, cette dernière n’étant pas parfaitement prévisible, ni à court ni à long terme.

Dans l’avis de 2019, outre la réitération des recommandations précédentes, nous avons fait de nouveaux efforts pédagogiques sur ce que nous considérions être le bon usage des indicateurs de solde. On les présente comme des indicateurs d’alerte, mais il est plus pertinent de suivre l’évolution de la part des retraites dans le produit intérieur brut (PIB) – grosso modo, le débat que l’on doit avoir sur la part que la collectivité entend consacrer à ses dépenses de retraite.

Nous avons également remis en avant le rôle de l’incertitude démographique. Historiquement, c’est à partir de la crise de 2008-2009 que la sensibilité aux hypothèses de croissance économique a émergé, la crise ayant altéré les perspectives de croissance. Depuis cette époque, le COR a pris l’habitude de mettre prioritairement en exergue l’impact des variations de la croissance économique, alors qu’auparavant il utilisait à la fois les variantes démographique et économique. Nous avons donc tenu à rappeler les incertitudes liées aux indicateurs démographiques : certains valident un vieillissement plus rapide, d’autres un vieillissement un peu plus lent, ce qui rend le pilotage complexe et doit être pris en compte dans la réforme.

Tout en indiquant que la réforme allait dans le sens de la lisibilité demandée par nos précédents avis, nous avons souligné sa grande complexité, notamment s’agissant de la phase de transition, mais sans être en mesure de donner un avis plus précis sur le projet, dont le contenu exact n’était pas encore connu. En effet, notre avis a été rendu quelques jours avant la remise du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites.

Le comité d’expertise indépendant des retraites me semblait devoir remplacer le CSR mais, visiblement, on lui a réattribué la mission de réaliser les projections qui incombent actuellement au COR, ce qui risque de beaucoup charger sa barque, tout en nous privant de l’actuel processus d’élaboration collective des projections, qui a joué un rôle très important dans l’évolution et la maturation du débat sur les retraites en France.

M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. En 2010, le COR avait rendu un rapport intitulé Retraites : annuités, points ou comptes notionnels. Pouvez-vous nous en rappeler l’historique ? Quelles étaient ses conclusions ? Ne démontre-t-il pas que l’idée d’un système universel de retraite n’est pas nouvelle ?

Pouvez-vous nous éclairer sur les difficultés du système actuel ? Quelles sont celles qui nous attendent demain ? Monsieur Blanchet, vous évoquiez un manque de lisibilité. Pouvez-vous nous en dire plus ?

À votre connaissance, dans les systèmes de gouvernance retenus dans les pays voisins, existe-t-il des instances d’expertise, et les partenaires sociaux et les parlementaires y sont-ils associés ?

M. Olivier Véran, rapporteur du projet de loi organique. Chaque année, le COR et le CSR participent aux auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est souvent un bel exercice de pédagogie et d’information. Cette année, M. Bras a ainsi pris près de deux heures pour nous expliquer le fonctionnement du système et les perspectives. Je comprends donc parfaitement ce qu’il peut ressentir ce soir. Pour paraphraser un grand chanteur français dont nous avons parlé tout à l’heure, le chagrin joue parfois avec les lois et les lois jouent avec nos plaies...

La réforme des retraites sera pleinement effective pour les Français d’ici à 2065. Des prévisions à trente, quarante ou cinquante ans vous semblent-elles fiables ?

La loi organique prévoit qu’à l’horizon de cinq ans, le système de retraite doit avoir retrouvé son équilibre. Dans le cas contraire, le Gouvernement devra prendre toutes les dispositions nécessaires pour le rétablir. Mais la durée d’un cycle économique est plutôt de dix ans. Pouvez-vous expliquer les raisons de ce choix ? Cela vous semble-t-il cohérent par rapport aux objectifs fixés par le Gouvernement ?

M. Jacques Maire, rapporteur du titre II du projet de loi ordinaire. Je rends hommage à la grande et longue expérience de M. Bras, qui a vu passer différents gouvernements.

Comment formaliser et intégrer la promotion des dispositifs d’emploi des seniors – retraite progressive, cumul emploi-retraite – désormais généralisés au secteur public, dans l’évolution du taux d’activité, afin de mesurer leur impact sur le financement et l’équilibre du système universel ?

Mme Corinne Vignon, rapporteure du titre III du projet de loi ordinaire. Bien qu’ils tendent à se réduire au cours des temps, les écarts de pension entre femmes et hommes sont encore élevés. Une partie de la différence est actuellement réduite par les avantages familiaux dont peuvent bénéficier les mères de famille, et par les avantages conjugaux auxquelles elles peuvent prétendre, surtout les veuves. Avez-vous effectué des simulations pour mesurer les effets de la modification des droits familiaux sur le niveau des pensions des assurés du système universel ? Permettre au couple d’attribuer 100 % des majorations de pension au père ne risque-t-il pas de creuser à nouveau les écarts de pension entre femmes et hommes ?

Considérez-vous que le système universel de retraite sera plus redistributif que les régimes actuels, notamment pour les femmes, les travailleurs à temps partiel, les travailleurs à faibles revenus ou les aidants ?

Pouvez-vous nous rappeler les raisons de l’actuel décrochage entre l’allocation de solidarité aux personnes âgées et le minimum contributif ? Comment analysez-vous le dispositif garantissant 85 % du SMIC net, prévu à l’article 40 du projet de loi ?

Mme Carole Granjean, rapporteure du titre IV du projet de loi ordinaire. Dans le cadre de la future gouvernance des retraites, le pilotage du système universel et des paramètres essentiels de valorisation des droits à la retraite est prévu au travers du conseil d’administration de la caisse nationale du régime universel. Le comité d’expertise aura une place centrale dans le pilotage annuel et pluriannuel. Dans le contexte de ces évolutions, comment envisagez-vous la place du COR, d’éventuelles missions complémentaires ainsi que l’articulation entre ces différentes instances ?

Monsieur Blanchet, comment organisez-vous la procédure d’alerte et le jury citoyen ? Quel est le mode de sélection de ce dernier, son mode de consultation, le poids de ses remarques et leur traduction dans l’avis ?

Dès la semaine prochaine, en commission, nous clarifierons certaines dispositions du projet de loi, dans le respect de la confiance faite aux acteurs du paritarisme, aux experts et de notre engagement d’équilibre.

M. Paul Christophe, rapporteur du titre V du projet de loi ordinaire. Le titre V offre une vision d’ensemble de la réforme systémique des retraites, de ses opportunités, mais aussi des interrogations légitimes qu’elle soulève sur la conservation des droits constitués avant l’entrée en vigueur du système universel de retraite et la phase de transition. Cette dernière jouera un rôle clé dans le succès du déploiement du système universel de retraite. Elle sera déterminante pour assurer la conversion des droits acquis et valoriser les carrières à hauteur des efforts contributifs des assurés. Pourriez-vous nous éclairer sur les priorités pour assurer le succès de cette conversion ?

Les projections du dernier rapport annuel du COR soulignent que la part de richesse nationale dédiée aux retraites est étroitement liée à l’environnement économique. Dans l’hypothèse d’une croissance de la productivité du travail de 1,3 % – moyenne constatée sur la période 1990-2018 –, le système de retraite ne se trouve jamais à l’équilibre. Selon vos projections, la part des pensions dans le PIB passe de 13,8 % aujourd’hui à environ 13 % en 2050. Après réforme, hors mécanisme de transition prévu au titre V et retenu pour la prise en compte des droits acquis et hors revalorisation salariale, notamment à destination des enseignants, l’étude d’impact précise que les masses de prestations atteindraient 12,9 %, soit un niveau équivalent à celles qui auraient été versées sans réforme. J’aimerais connaître votre avis sur cette hypothèse.

M. Thierry Michels. Les travaux réalisés par vos deux organismes jouent un rôle fondamental pour éclairer les décideurs publics, en réalisant le diagnostic de la situation financière de notre système de retraite et en vérifiant le respect des objectifs. L’article 56 portant création du comité d’expertise indépendant des retraites entraîne une réforme importante de vos instances.

Parmi vos travaux, ceux concernant la pérennité financière du système retiennent particulièrement notre attention. À la lumière de votre rapport de novembre dernier, c’est un déficit de 8 à 17 milliards d’euros qui nous attend à l’horizon 2025 si nous ne faisons rien. C’est l’objet de la conférence sur le financement qui sera lancée dès demain au Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Pour financer les retraites, les derniers rapports du COR ont rappelé que le pilotage du système peut s’effectuer à partir de trois leviers : le niveau moyen de pension de l’ensemble des retraités rapporté au revenu d’activité moyen de l’ensemble des personnes en emploi, associé aux règles d’indexation ; le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités, influencé par des déterminants démographiques, des comportements d’activité à tous les âges de la vie et par les règles du système de retraite – et notamment l’âge de départ ; enfin, le niveau des prélèvements rapporté à la masse des revenus d’activité.

Dès lors, je souhaiterais avoir vos avis sur les points suivants : le futur comité d’expertise indépendant améliorera-t-il la lisibilité du système universel ? Sera-t-il plus « facile » d’évaluer les futurs équilibres du système de retraite, et donc d’éclairer les décisions de la future gouvernance ?

Quelle est la pertinence d’un équilibre financier pluriannuel sur cinq ans, notamment au regard des cycles économiques ?

Quels paramètres et quelles hypothèses sont les plus sensibles pour l’équilibre financier du système, et, donc, quels sont ceux qu’il convient de prévoir avec la plus grande finesse ?

Quelle lecture faites-vous de l’étude d’impact du projet de loi au regard de vos propres travaux ?

Mme Marine Brenier. Après que le haut-commissaire à la réforme des retraites a remis son rapport, en juillet dernier, celui du COR était particulièrement attendu. Il a marqué les esprits à bien des égards. Outre la méthode, ce sont essentiellement les chiffres que vous présentez qui ont suscité l’émoi : un déficit pouvant aller de 7 à 17 milliards d’euros, selon des conventions comptables que vous estimez vous-mêmes discutables. De plus, ce déficit, qui pourrait varier de 10 milliards d’euros, plusieurs de vos membres ne sont pas persuadés de l’obligation de le résorber d’ici à 2025 par des mesures économiques.

Vous le soulignez, trois leviers peuvent être envisagés afin de permettre un retour à l’équilibre du système : toucher au montant de la pension, augmenter les cotisations ou décaler l’âge de départ à la retraite. Si vous exprimez des réticences envers l’utilisation de ces leviers, le décalage de l’âge de départ ne vous semble-t-il pas plus juste pour les assurés, à l’exception des cas de pénibilité sur lesquels nous reviendrons ?

Certains émettent l’idée de passer de 35 à 37 heures de travail par semaine, afin de pérenniser le financement du système de retraites, sans actionner les leviers précédemment évoqués. Avez-vous déjà testé cette hypothèse ?

Notre système de retraite repose sur la solidarité intergénérationnelle, et donc sur le postulat que le nombre d’actifs doit être suffisant pour prendre en charge les retraités. Le Gouvernement souhaite mettre en œuvre un principe de pénibilité objectivée, mais comment le financer ? La question se pose également pour les carrières dites hachées, pour les seniors dont le retour à l’emploi est difficile ou pour les personnes handicapées. Sur quel pilier devons-nous faire reposer ce financement ? Les questions du travail et de la retraite n’auraient-elles pas dû être traitées en commun à partir du moment où l’on souhaite mettre en place un régime universel ?

Enfin, votre rapport fait état de l’avenir des caisses autonomes, qui nous préoccupe et nous semble injuste. Contrairement aux régimes spéciaux, financés en très grande partie par des subventions publiques, les caisses autonomes sont équilibrées, voire bénéficiaires, grâce à une gestion saine sur le long terme. En outre, elles participent à l’effort de solidarité en finançant à elles seules 27 % des dépenses du régime général. Or leur avenir semble compromis. Certains disent même que l’objectif de cette réforme serait de puiser dans leurs réserves pour équilibrer un régime déficitaire. Je n’ose croire que cette ambition nous soit dissimulée. De plus, une fois les caisses épuisées, l’impact de la réforme s’en trouverait très considérablement diminué. Quelle est votre opinion sur l’avenir de ces caisses, au sein d’un régime qui se dit universel, mais dont les contours flous ne seront dessinés qu’après les nombreuses ordonnances et décrets annoncés ?

Mme Nathalie Elimas. Notre groupe s’est fixé plusieurs priorités parmi lesquelles la gouvernance du nouveau système figure en bonne place. C’est pourquoi cette audition revêt une importance toute particulière afin de saisir pleinement les enjeux et les perspectives de la refonte de l’écosystème institutionnel des retraites.

Le titre V du projet de loi ordinaire définit les principes de gouvernance et de pilotage du système universel. Il instaure une caisse nationale universelle de retraite, qui s’appuiera sur les trajectoires établies par un comité d’expertise indépendant nouvellement créé et qui remplacera le CSR issu de la « réforme Touraine » en 2014. Le projet de loi indique que ce nouveau comité reprendra les missions de l’ancien, qui s’éteindra. Quelle sera la différence fondamentale entre ces deux comités, si ce n’est la notion d’« indépendance » ? Dans quelle mesure le processus de nomination sera-t-il différent ? Comment déterminer l’indépendance de ces experts, vis-à-vis notamment des projections effectuées par d’autres administrations ? Sachant que le CSR a été récemment renouvelé, quelles seront les conditions de transition avec le CEIR ?

Nous nous félicitons que le projet de loi prévoie le maintien du COR dans sa forme actuelle. Cet organe, au sein duquel les parlementaires sont autorisés à siéger, nous apparaît primordial dans le processus de transition qui va s’opérer. L’article 56 du projet de loi précise que le COR et le comité indépendant travailleront de concert, le premier s’inspirant des rapports du second. Monsieur Bras, comment envisagez-vous cette collaboration et le rôle du COR dans le nouveau système ?

Il nous semble très important de définir clairement les périmètres, prérogatives et rôles de chacune des institutions garantes de la solidité du futur système.

M. Boris Vallaud. Je tiens à faire part de notre consternation devant le sort réservé au COR. Toutes les organisations syndicales s’en sont également émues. Nous avons du mal à comprendre ce qui anime le Gouvernement, ou plutôt nous le comprenons trop bien : ce comité d’expertise « indépendant » n’aura d’indépendant que le nom ! Tout cela participe d’une reprise en main par Bercy du pilotage des retraites.

Je le dis au nom de mon groupe, monsieur Bras, nous apprécions votre travail. Vous avez raison de rappeler que vous l’effectuez sur la base des hypothèses qui vous sont fournies.

De votre dernier rapport, les uns ont déduit qu’il fallait prendre très vite des mesures d’économie par l’âge, les autres en ont tiré la conclusion strictement inverse. Comment expliquez-vous ces divergences ? Pourriez-vous nous rappeler les conclusions de ce rapport, et sur quelles hypothèses elles se fondent ? De quoi est constitué le déficit ? Comme M. Mahjoubi il y a quelques jours, devons-nous craindre que, sans réforme, nous n’ayons plus de système de retraite dans quinze ans ?

Quelle appréciation portez-vous sur la qualité méthodologique de l’étude d’impact ? Les projections ont été réalisées sur la base d’une, deux, voire trois des conventions comptables que le COR a l’habitude d’utiliser. On se demande comment ont été estimés les 12 milliards d’euros réclamés à la conférence sur le financement.

Plusieurs partis pris ont été retenus : la poursuite de la réforme de 2014 au-delà de ce que la loi a prévu, l’augmentation de la productivité en contradiction avec le rythme des dix dernières années, l’évolution de la rémunération des fonctionnaires uniquement par le biais de primes pendant cinquante ans, etc. Vous paraissent-ils sérieux ? Est-il logique d’exposer des cas types sans faire bouger l’âge pivot, qui est pourtant un des déterminants de la réforme ? Est-il sérieux de ne pas fournir d’étude macroéconomique sur les impacts de la réforme sur le chômage, les salaires, la répartition des revenus, le PIB ?

Peut-on apprécier les gagnants et les perdants de cette réforme sans prendre en compte l’ensemble du cycle de vie ? On peut gagner en pension ce que l’on perd en cotisations mais, dans l’étude d’impact, les deux sont séparés.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. L’emploi des seniors est crucial dans toute réforme du système de retraite. Plusieurs leviers sont évoqués pour l’améliorer, comme le tutorat pour permettre la transmission des savoirs entre générations. L’effet horizon est fréquemment mentionné lorsqu’on évoque les liens entre recul de l’âge de départ à la retraite et emploi des seniors. Il désigne le lien entre l’âge de cessation d’activité et l’âge de départ en retraite. Il traduit l’idée selon laquelle le recul de l’âge légal de départ à la retraite permettrait d’augmenter le taux d’emploi des seniors et l’âge moyen de départ, en incitant à la fois salariés et employeurs à investir dans l’emploi.

Dans un rapport de novembre dernier, le Conseil d’orientation des retraites estime qu’à législation constante, les effets cumulés des dernières réformes des retraites permettront une augmentation significative du taux d’emploi des 60-64 ans entre 2010 et 2030 : de 19,2 % en 2010, on passerait à 40,4 % en 2020, puis à 52,1 % en 2030.

Avez-vous effectué des projections sur l’effet de la mise en place d’un âge d’équilibre systémique sur l’emploi des seniors ? Quelles seraient les conséquences s’il est fixé à 65 ans, comme le suggère l’étude d’impact ?

Mme Jeanine Dubié. L’article 56 du projet de loi prévoit la création d’un comité d’expertise indépendant des retraites chargé de suivre l’état du système universel et ses perspectives d’évolution, et d’apporter son expertise au pilotage financier du système universel. Si l’exposé des motifs indique que ce comité reprendra les missions du CSR, au groupe Libertés et territoires, nous nous interrogeons sur son rôle et son articulation avec le COR. Après cette réforme, le COR ne devra-t-il pas se contenter de faire des recommandations sur la base des rapports du comité d’expertise ? Sans même revenir sur la notion d’indépendance, approuvez-vous cette nouvelle organisation ? Comment envisagez‑vous la transition vers ce nouveau système de gouvernance ?

L’appréciation de la trajectoire financière du système des retraites est étroitement liée aux hypothèses d’évolution démographique – natalité, solde migratoire, espérance de vie. Mais elle doit également tenir compte de l’assiette de prélèvement, qui sert à financer le système. Or on entend de plus en plus cette petite musique que 80 % des emplois de 2030 n’existent pas encore, que l’intelligence artificielle, la robotique vont faire bouger le monde du travail. Avez-vous tenu compte de ces évolutions dans vos trajectoires financières ?

Mme Clémentine Autain. En préalable, je vous présente toutes mes condoléances... Je ne pensais pas que vous étiez auditionnés sur votre propre sort. En effet, avec la création du comité d’expertise à l’article 56 du projet de loi, c’est bien la pertinence et l’existence même du COR qui sont remises en cause.

Que les partenaires sociaux seraient juges et parties me semble un argument pour le moins fallacieux. À lire les commentaires de certains d’entre eux, on peut se demander si les partenaires sociaux ont réellement tenu la plume au moment de la remise de vos derniers rapports. Ils parlent plutôt d’une commande du Gouvernement.

En la matière, vous avez été plutôt bons élèves. Les projections effectuées dans votre dernier rapport ont organisé le déficit du système de retraite pour présenter des scénarios d’augmentation de l’âge de départ en retraite ou de baisse des pensions. Dans votre document, la quasi-totalité du déficit provient de l’austérité salariale et de la baisse des effectifs publics. D’autres scénarios auraient pu être testés, comme une hausse des recettes, mais cela ne faisait pas partie des hypothèses. Vous auriez aussi pu travailler sur l’amélioration de l’égalité entre hommes et femmes qui, elle aussi, permettrait d’alimenter les caisses de retraite, mais cela n’a pas non plus été testé. Il faut donc bien garder en tête que ce sont vos rapports qui ont alimenté les consciences et le débat public pour imposer un régime de fait. La mise en scène du Gouvernement, qui s’appuie sur ce rapport, est limpide : « puisque les salaires stagnent, puisque les effectifs publics fondent, il n’y a pas d’autre solution que de baisser les pensions ou d’augmenter l’âge de départ à la retraite ».

Quelle structure ad hoc garantirait des rapports plus indépendants et moins orientés ou instrumentalisés par le Gouvernement ? Certainement pas celle proposée par le projet de loi ! Qualifier d’« indépendant » ce comité d’experts est risible : le président va être nommé par le Président de la République Emmanuel Macron, et les membres par les présidents du CESE, du Sénat, de l’Assemblée nationale et de la Cour des comptes. Ce comité sera donc largement à la main du pouvoir en place. Je pense que notre commission spéciale doit traiter de l’indépendance des rapports qui sont remis, qui doivent contribuer à éclairer la décision publique.

M. Pierre Dharréville. Il est certes dans vos missions de répondre à des commandes du Gouvernement, mais, récemment, un rapport de dernière minute est peut-être venu donner un coup de pouce sur des sujets sur lesquels l’exécutif comptait s’appuyer... L’intérêt de votre travail n’en est pas moins à souligner : les données, analyses, diagnostics partagés et discutés que vous produisez permettent d’objectiver des éléments sur lesquels fonder des orientations sociales et politiques.

Vous l’avez souligné à juste raison, monsieur Bras, il est étonnant d’écarter de l’instance qui doit naître du projet de loi, s’il devait continuer à être examiné, les représentants des salariés. En lisant entre les lignes, peut-être peut-on discerner un scénario pré-écrit, selon lequel on pourrait revenir un peu sur cette décision – une manière de lâcher un petit quelque chose aux partenaires sociaux et de leur montrer qu’on a tout de même un peu de considération pour eux. Ce scénario que je crois lire serait mieux que rien, mais tout de même nettement insuffisant au regard de leurs exigences.

Nous nous trouvons devant un projet qui modifie la philosophie même du système en engageant une réforme paramétrique permanente et en instituant un blocage, voire une décroissance des ressources. Peut-être est-ce cela qui a scellé votre sort, dans un premier temps. Même si les promoteurs de la réforme ne l’ont jamais avoué clairement, a-t-on encore besoin d’un Conseil d’orientation des retraites qui analyse l’évolution des choses à long terme, si l’on modifie sans cesse les paramètres du système ? Pourtant, nous allons encore avoir besoin de vous, au moins pour la transition, qui apparaît extrêmement nébuleuse. On ne sait absolument pas où l’on va.

Voyant qu’il sert à discréditer le régime actuel de retraite, trouvez-vous que votre dernier diagnostic a été bien compris ? On ne sait plus s’il faut faire la réforme pour des raisons financières ou, au contraire, parce qu’il n’y a pas de péril financier : les deux arguments ont été employés pour la justifier.

Nous avons constaté que l’augmentation des ressources constitue un tabou, notamment s’il s’agit de mettre à contribution les revenus du capital. J’imagine que cela a fait l’objet de discussions et d’analyses de votre part, qu’il m’intéresserait de connaître.

Nous estimons que les améliorations nécessaires, en particulier pour les femmes, les agriculteurs, les personnes ayant connu des carrières précarisées, peuvent être apportées au système dans sa forme actuelle.

Nombre de mesures du projet de loi proviennent d’études que vous avez conduites : y retrouvez-vous vos petits ?

Enfin, comprenez-vous les difficultés qu’éprouve le Gouvernement à produire des études consistantes ?

M. le président du COR. Merci à ceux qui ont salué les travaux du COR. Vous comprendrez que, présidant une institution dont les membres ont des avis très divergents sur ce qu’il faut faire en matière de retraite, je ferai preuve d’une extrême prudence en matière de préconisations. Je n’ai pas non plus à exprimer d’opinions personnelles à ce sujet. Ce que fait le COR, c’est établir des diagnostics et dégager un consensus sur les données. Aucun rapport du COR ne pourrait être publié si un seul des partenaires sociaux s’y opposait. Autrement dit, si un rapport est publié, c’est parce que l’ensemble des membres du COR a accepté qu’il le soit au nom de l’institution : ce n’est pas une étude de Pierre-Louis Bras, qui aurait concerté je ne sais qui.

Notre dernier rapport a fait l’objet de nombreuses questions. Dans ce document très dense, nous affirmons d’abord que la part des dépenses de retraite dans le PIB va rester stable jusqu’en 2030. Dans des exercices précédents, nous avions poussé les projections plus loin : dans beaucoup d’hypothèses, la part de ces dépenses diminuait ; cette part baissait aussi dans l’hypothèse retenue par le Gouvernement. Comme l’a indiqué Didier Blanchet, un des éléments qui nous paraît le plus important pour apprécier la situation de notre système de retraite est la part de la richesse nationale qui doit être prélevée pour le financer. Pour schématiser, celle-ci mesure l’effort qu’il faut demander aux actifs pour financer les retraites. Or cette part est stable et, parfois, elle décroît. Quand j’affirme cela, en général, les gens se disent que le président du COR ne semble pas être très au fait que la France vieillit, et qu’en conséquence, la part des dépenses de retraite va augmenter. Je vous rassure, je suis conscient qu’il y aura moins de cotisants demain pour un retraité. Dans le scénario central de l’INSEE sur la démographie, le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités, qui est aujourd’hui de 1,7, devrait tomber à 1,6 en 2030 et à 1,3 en 2070.

S’il n’y avait que ce facteur d’évolution, la part des retraites dans le PIB augmenterait considérablement – je ne l’ai pas calculée, mais elle pourrait sans doute atteindre 18 % ou 19 %. Toutefois, un autre paramètre joue, qu’on peut contester par ailleurs, mais qui conduit à stabiliser la part des dépenses de retraite : rapporté aux rémunérations, on donnera moins, demain, aux retraités. Ces deux forces s’équilibrent jusqu’en 2030 : la force démographique accroît la part des dépenses de retraite, tandis que le facteur des pensions agit en sens contraire. Au-delà de 2030, dans le scénario qu’a choisi le Gouvernement pour élaborer la réforme, la part des dépenses diminue.

Le premier message est donc que notre système de retraite ne dérape pas : il demandera plutôt moins, demain, aux actifs. Toutefois, je ne le cache pas – et les rapports du COR le mettent en évidence –, cela a pour contrepartie la baisse du niveau de vie relatif des retraités. Aujourd’hui, celui-ci représente 105 % par rapport à celui de l’ensemble de la population – quand il est à 105 pour les retraités, il est à 100 pour l’ensemble de la population. Ce sont là des données statistiques, mais la perception du public est très différente : d’après les sondages, 60 % des gens considèrent que les retraités ont un niveau de vie inférieur à celui des actifs. À l’avenir, les retraités devraient voir leur niveau de vie relatif passer de 105 à 85. Cela ne veut pas dire que les pensionnés de demain seront moins riches que les retraités d’aujourd’hui : c’est le niveau de vie relatif qui diminuera, pas le niveau de vie absolu. Toutes les projections du COR retiennent une croissance annuelle des salaires de 1,3 %, en corrélation avec la productivité du travail, pendant cinquante ans. Demain, donc, les actifs et les retraités seront plus riches, mais les premiers relativement plus que les seconds. Nous aurons ainsi une stabilisation – voire la baisse, dans le scénario retenu par le Gouvernement – de la part des dépenses de retraite dans le PIB, avec comme conséquence, qui peut être critiquée, la baisse du niveau de vie relatif des retraités.

Les dépenses sont certes stabilisées, mais reste à savoir si c’est au bon niveau. Certains partis politiques peuvent estimer qu’à 14 % du PIB, le niveau est insuffisant et qu’il faut passer à 16 % ou à 17 % pour que les retraités puissent partir plus tôt avec une pension supérieure ; cela demande d’agir en conséquence sur les prélèvements sur les actifs. D’autres partis peuvent juger ce niveau très excessif, parce que trop exigeant pour les actifs, et considérer qu’il faut revenir à 12 %. Ce sont là des projets politiques. Que les dépenses soient stabilisées est une information importante par rapport aux discours catastrophistes, mais elle ne clôt pas le débat politique.

Pourquoi, malgré cette stabilisation, a-t-on un solde financier, qui pourrait, selon l’hypothèse la plus défavorable, être multiplié par sept, passant de 0,1 point du PIB en 2018
–soit 2,5 milliards d’euros – à 0,7 point d’ici à 2025 ? Il devrait être stabilisé puisque les recettes étant assises sur la masse salariale – que toutes nos hypothèses voient évoluer comme le PIB –, et les taux de cotisation étant stables, elles devraient évoluer comme le PIB. La complexité, que personne n’arrive à percevoir clairement, provient d’un effet de structure. Pour schématiser, les cotisations – y compris celles payées par l’employeur – appliquées aux fonctionnaires sont bien supérieures à celles affectant les salariés du privé. Elles s’élèvent ainsi à 126 % pour les militaires, à 74 % pour les fonctionnaires civils, à 30,6 % pour les fonctionnaires territoriaux, qui relèvent de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) contre 16,46 % pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et l’AGIRC-ARRCO, sur l’ensemble des rémunérations. Dès lors, quand la part des fonctionnaires diminue dans l’ensemble des rémunérations, les ressources du système de retraite décroissent.

S’agissant de l’évolution de la part des rémunérations des fonctionnaires, d’autres hypothèses que celles traduites dans la politique du Gouvernement pourraient être avancées. Pour l’instant, au sein de notre institution, toutes les parties prenantes acceptent de faire reposer les projections sur celles du Gouvernement. Le COR n’en établit donc pas. Pour le dernier exercice, le Gouvernement nous a fourni des projections jusqu’en 2030, sur l’évolution des effectifs et des traitements – puisque les taux de cotisation des fonctionnaires s’appliquent à leur traitement et non à leurs primes. Or il se trouve que la politique du gouvernement actuel tend à diminuer très fortement la part de la rémunération des fonctionnaires dans l’ensemble des rémunérations, celle-ci devant passer de 12 % en 2018 à 9 % en 2030. Ce taux résulte, je ne vous apprends rien, de la diminution des effectifs et des évolutions du point d’indice et des rémunérations – et, en leur sein, de la part du traitement et des primes. Toutes les hypothèses transmises par le Gouvernement, clairement exposées dans le rapport du COR, aboutissent à ce résultat.

Demain, dans le cadre du système universel, tout le monde cotisera au même niveau, donc cette difficulté ne se posera plus ; le COR n’aura plus à faire de conventions comptables, ce qui simplifiera les choses. Cet effet de structure un peu paradoxal a déjà été évoqué par Didier Blanchet : une politique budgétairement rigoureuse à l’égard des fonctionnaires entraîne une baisse des ressources du régime de retraite, d’où un déficit très important. Je ne porte pas d’appréciation sur cette politique, mais je signale, au passage, que plusieurs membres du COR la combattent au quotidien, ce qui ne les empêche pas d’accepter de travailler sur les hypothèses fournies par le Gouvernement.

Au COR, nous avons voulu travailler sur ce paradoxe que de bonnes nouvelles pour les finances publiques constituaient autant de mauvaises nouvelles pour les retraites, en y consacrant plusieurs conventions comptables. Dans l’une d’elles, que nous appelons dans notre jargon la convention EEC (effort de l’État constant), nous avons retenu l’hypothèse que, tout en faisant des économies en employant moins de fonctionnaires et en consentant à une évolution des rémunérations plus faible que dans le privé, l’État maintiendrait sa contribution financière – autrement dit, il ne retirerait pas tout le profit qu’il pourrait obtenir de la baisse du nombre de fonctionnaires. Cette convention aboutit, par construction, à un solde bien moins dégradé. Normalement, celui-ci aurait dû se stabiliser à 0,1 %, mais nous n’avons pas intégré l’effort constant des collectivités locales et des hôpitaux – il reste encore l’effet CNRACL. Pour être extrêmement précis, il y a également moins de contributions de l’UNEDIC et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour des raisons tenant à l’évolution du taux de chômage et du nombre de personnes qui bénéficient de l’assurance vieillesse des parents au foyer. Pour résumer, l’existence d’un solde financier provient de moindres contributions d’entités publiques.

Les réactions suscitées par notre rapport ont été extrêmement variées. Certains ont considéré que l’existence du solde justifiait des mesures d’âge. D’autres ont estimé que le solde était lié, non pas à l’évolution des retraites mais à celle des ressources, elle‑même découlant de la politique relative à la fonction publique, et que la nécessité de prendre des mesures d’équilibre par l’âge n’était pas si impérieuse. J’essaie de fournir tous les éléments du débat pour que les gens, les partenaires sociaux puissent se déterminer en connaissance de cause. Même si certains membres du COR ne sont pas favorables à la politique menée en matière de finances publiques, s’ils préféreraient retenir d’autres hypothèses sur un sujet comme les salaires des femmes, tous ont accepté de se couler dans le moule fourni par le Gouvernement, du moins à court terme. Ils font preuve de réalisme, en estimant que c’est la seule manière de travailler sur le dossier des retraites, car on n’arriverait pas à se mettre d’accord sur d’autres hypothèses.

J’ai bien noté qu’il y avait un désaccord quant aux conclusions à tirer du rapport. J’ai fourni le diagnostic. Ce n’est pas à moi de prodiguer la thérapeutique : il y a sûrement de très bons docteurs dans la salle ; à eux de décider de ce qu’il faut faire.

M. Sébastien Jumel. En tout cas, il y a beaucoup d’ordonnances !

M. le président du COR. Je crois avoir ainsi répondu à toutes les questions relatives à l’équilibre financier.

Comment, demain, articuler le COR avec le comité d’expertise indépendant sur les retraites ? Je n’ai pas la solution parce que, comme je vous l’ai dit dans mon propos liminaire, je considère que le schéma proposé n’est pas satisfaisant et ne fonctionnera pas, au regard de tout ce qu’apporte le COR aujourd’hui. Je ne vais pas continuer à réunir le COR, dont certains membres sont en complet désaccord avec des éléments de fond de la politique menée actuellement, pour élaborer un rapport, à remettre encore le 15 juin de chaque année, présentant toutes les recommandations que nous pourrions faire ensemble. Je n’aurai ni l’outrecuidance ni la bêtise de présenter de telles modalités de travail : les membres de l’institution me riraient au nez, et ils auraient raison. La mission résiduelle qu’il est proposé de nous confier n’a, à mes yeux, pas de sens. Je voudrais être plus constructif, mais je n’y parviens pas.

J’ai entendu le Premier ministre dire que l’étude d’impact apportait beaucoup de réponses et posait de nombreuses questions. Je suis d’accord avec lui. Comme tout le monde, j’ai eu connaissance du document vendredi après-midi. Je ne prétends pas encore l’avoir assimilé et compris dans ses moindres détails : cela exige du temps et du travail.

Vous m’avez demandé si j’avais fait des simulations à partir d’hypothèses figurant dans le projet de loi. Non, bien évidemment ! Le COR, en tant que tel, n’a pas été acteur dans la construction de la réforme ; il n’avait d’ailleurs pas à l’être, puisque cela ne fait pas partie de ses missions. La réforme s’est élaborée ailleurs, même s’il y a des échanges, car le projet a été conçu à partir d’éléments issus de nos rapports. Toutefois, nous n’avons pas eu à tester telle ou telle hypothèse.

M. le président du CSR. On peut juger positivement ou négativement les recrutements de fonctionnaires, tout dépend des services publics qu’on veut avoir. Il ne faut pas croire que le recrutement massif de fonctionnaires va créer, comme par miracle, les ressources qui permettraient d’équilibrer le système de retraite. C’est cet argument qui nous a conduits à récuser l’indicateur de solde traditionnel, qui a montré ses limites en 2017. Ce dernier a été remplacé, à juste titre, à mon avis, par un autre indicateur dans lequel on fait l’hypothèse que, par défaut, l’effort de l’État est fixe en part de PIB puisque, finalement, il consacre aux retraites une certaine fraction de ce qu’il arrive à prélever sur l’ensemble de la richesse produite chaque année. Cet indicateur, qui en est la mesure, se rapproche beaucoup du suivi du ratio retraite/PIB, là où se concentre le débat : la bonne norme est-elle à 14 % ? Faut-il l’augmenter ou, au contraire, la ramener, par exemple à 12,9 % ? La question est éminemment politique, elle relève d’un choix de société. Ce n’est pas aux experts, qu’ils soient indépendants ou non, de donner leur avis à ce sujet.

Je crois nécessaire de remettre en perspective historique le ratio des dépenses de retraite sur le PIB. Les réflexions sur les retraites ont commencé au début des années 90, avec le Livre blanc. À l’époque, la part des retraites dans le PIB s’élevait à 11 %. Les premières projections du COR montraient que, si on ne faisait rien, sous l’effet du vieillissement démographique, le ratio atteindrait 19 % ou 20 %. À l’époque, il me semblait que, compte tenu de l’enjeu, il était probable qu’on doive jouer simultanément sur trois leviers. C’est ce que les réformes passées ont fait, à peu près pour un tiers chacune. Sur les 9 % d’augmentation que l’on aurait dû connaître, environ un tiers a été évité par la projection d’une augmentation de l’âge de la retraite à 64 ans ; un deuxième tiers a été neutralisé par la baisse, de l’ordre de 15 % à 20 %, du niveau de vie relatif des retraités – solution délicate, qui peut se révéler plus ou moins problématique. Aujourd’hui, les dépenses de retraite ont atteint 14 % du PIB ; par rapport à la marche d’escalier initiale des 9 %, on peut dire que l’instrument de l’augmentation de l’effort consacré aux retraites a déjà été mobilisé. On peut se demander s’il faut l’utiliser davantage, mais on ne peut pas dire que, sur le plan politique, on ait systématiquement évité d’y recourir.

Comme Pierre-Louis Bras, j’ai répondu par anticipation, dans mon propos liminaire, aux questions relatives à l’articulation entre le COR et le comité d’expertise indépendant sur les retraites. Je ne préjuge pas de ce que serait l’indépendance de la future instance. Pour ma part, j’ai toujours eu l’impression, tant au COR qu’au CSR, de travailler de façon indépendante. Pour atténuer les craintes en la matière, une solution consisterait à prévoir que le COR continue à réaliser des projections dans le cadre d’un partenariat avec l’ensemble des parties prenantes, y compris les partenaires sociaux. Ce serait un garde-fou solide. Le CEIR assumerait, dans ce cadre, un rôle proche de celui du comité de suivi des retraites, à savoir résumer le propos des rapports, très épais, du COR et suggérer des évolutions – étant précisé qu’il revient ensuite au conseil d’administration de la caisse de décider de ce qu’il faut faire.

Notre diagnostic sur la lisibilité du système actuel est issu des jurys citoyens, qui fonctionnent grâce à l’appui logistique de la direction de la sécurité sociale. Au cours d’une journée, on présente le système de retraite à un jury, constitué d’une quinzaine de personnes recrutées par quotas. Bien souvent, elles confient qu’elles peinent à comprendre le fonctionnement d’un système qui leur apparaît complexe. Par exemple, le système par annuités paraît simple : en fonction du nombre de trimestres de cotisation, on sait qu’on va toucher, dans le régime de base, 50 % de son salaire de référence. Or ces 50 % sont calculés sur un salaire de référence qui est lui-même la moyenne des rémunérations des vingt‑cinq meilleures années, revalorisées en fonction de l’évolution passée des prix. Je mets quiconque au défi de calculer soi‑même son taux de remplacement ! Le régime actuel n’est donc pas fondamentalement plus transparent que le système par points qui est proposé.

Autre exemple, la réversion, qui résulte d’un empilement de mécanismes hétéroclites. Dans certains rapports du COR, une courbe surprenante montre comment évolue le niveau de vie d’une veuve par rapport à sa situation lorsqu’elle était en couple, en fonction de ses caractéristiques individuelles et de celles de son conjoint. Certaines différences de traitement ne paraissent pas justifiées par l’équité. Notre système regorge de nombreuses méso-inégalités – entre grandes catégories – et micro-inégalités, entre des gens qui ont l’impression d’avoir eu des parcours de vie très similaires mais qui, au final, se retrouvent avec des droits très différents. On peut donc être favorable ou opposé au nouveau système, trouver que le dimensionnement des dépenses à 14 % du PIB est insuffisant ou excessif, mais on ne peut pas, en tout état de cause, présenter le régime actuel comme un modèle de lisibilité, de transparence et de prévisibilité pour les assurés.

À cela s’ajoute la question du pilotage et de la pertinence des projections à long terme. Dès qu’on a commencé à réfléchir sur les retraites, on s’est demandé s’il fallait se projeter à long terme, compte tenu de l’incertitude que nous réserve l’avenir. Lorsqu’on navigue, on fixe le cap en fonction des conditions météorologiques, puis, lorsque les conditions changent, on procède à des ajustements, on règle le gouvernail. Nous avons beaucoup de certitudes dans le domaine du vieillissement démographique tout en ignorant quelle en sera l’ampleur exacte. Par ailleurs, les mécanismes qui ont été introduits dans le système ont ajouté une incertitude économique qui appelle des règles d’indexation. Le système actuel est caractérisé par l’existence de règles très différentes d’une catégorie de population à l’autre. Pour prendre l’image de l’avion, cette fois, on a plusieurs manches à balai, qui agissent chacun à leur manière sur chaque catégorie de la population.

J’ai parfaitement conscience du fait que la création d’un système unifié est une tâche d’une extrême complexité. Toutefois, un tel régime présente l’intérêt que lorsqu’on actionne les leviers, soit dans une direction favorable aux retraités, soit dans un sens visant à limiter l’effort, on a l’assurance qu’on va faire évoluer toutes les situations individuelles à peu près de la même façon. Par ailleurs, si on souhaite améliorer la situation de certaines personnes, on dispose des instruments qui permettent de le garantir. Actuellement, quand on modifie les paramètres, on n’est pas totalement sûr des effets produits sur les intéressés : de nombreux effets de bord peuvent conduire à des résultats inverses à ceux qu’on attendait.

Des doutes sont parfois formulés sur l’effet horizon. On pense parfois que, si on recule l’âge de la retraite, cela va nécessairement créer du chômage supplémentaire dans la catégorie des 60-64 ans. On a l’expérience de la réforme de 2010, qui a constitué un choc assez important sur les conditions de liquidation. On peut tester de façon fine les effets de ces mesures sur les tranches d’âge qui ont été directement concernées par le durcissement de l’âge minimum d’accès à la retraite, et on constate qu’il y a eu, indéniablement, un phénomène de report vers le chômage. Toutefois, en analysant l’évolution de la répartition entre l’emploi, le chômage et l’inactivité au sein de la tranche d’âge des 60-64 ans depuis cette réforme, on observe que, pour une part substantielle, l’augmentation du taux d’activité dû au recul de l’âge de la retraite s’est traduite par l’accroissement du taux d’emploi : c’est l’effet horizon. Progressivement, l’emploi se reconstitue en amont du nouvel âge de la retraite. Étant donné que cela peut prendre un certain temps, il faut mener les changements prudemment, éviter la brusquerie dans le déplacement des curseurs. Il existe donc une possibilité de voir l’emploi remonter à la suite de l’évolution des critères de liquidation.

M. Nicolas Turquois, rapporteur du titre Ier du projet de loi ordinaire. Je ne vous ai pas interrogés sur le titre Ier du projet de loi, dans la mesure où il consiste en la définition même du futur système. Un certain nombre d’opposants à la réforme estiment qu’on aurait pu contrebalancer les dysfonctionnements du système actuel, notamment en améliorant les conditions de compensation démographique entre régimes. Dans le régime agricole, auquel je suis très sensible, on voit bien que 400 000 agriculteurs peuvent difficilement assurer la retraite de 1,6 million de personnes. Cette voie aurait-elle mérité d’être explorée ? Quel est votre avis sur ces compensations, dont j’avoue ne pas connaître parfaitement le fonctionnement ?

M. Arnaud Viala. La variable de l’âge – qu’on l’appelle âge pivot ou âge d’équilibre – a été neutralisée à la suite de la période de troubles qu’a connue la France, ce qui, à mes yeux, nous empêche de raisonner sereinement sur la réforme. Que pensez-vous du fait que le Gouvernement demande au Parlement de se prononcer sur le projet de loi sans avoir calé cette question de l’âge, ce qui l’a empêché de fournir les éléments de projection budgétaires et financiers qui ne sont, par définition, pas livrables ?

M. Jacques Marilossian. J’ai lu avec attention les 115 pages du rapport du COR de novembre 2019, qui rappelle, de manière très éclairante, les déterminants du système de retraite : le rapport entre cotisants et retraités, le revenu d’activité moyen, la pension moyenne, le nombre de retraités et d’actifs, la croissance économique et l’âge de départ à la retraite.

Dans la partie consacrée aux dépenses du système de retraite, vous indiquez : « En réel, les dépenses continueraient à progresser au rythme de 1,4 % en moyenne par an entre 2018 et 2025, puis entre 1,6 % [...] et 1,7 % par an entre 2025 et 2030. » Vous retenez des hypothèses de croissance du PIB de 1,4 % jusqu’en 2025 et de 1,9 % jusqu’en 2030. Cela me paraît un peu optimiste car, au XXIe siècle, par exemple, les moyennes décennales se sont élevées à 1,4 % et 1,3 %. Alors que le nombre de retraités augmente, qu’ils restent plus longtemps à la retraite et que le montant des pensions s’accroît, comment la part des dépenses de retraite dans le PIB peut-elle véritablement rester stable, proche du niveau de 14 % ? J’ai l’impression que tout dépend de vos hypothèses de croissance.

M. Adrien Quatennens. Les parlementaires ne sont évidemment pas soumis à l’obligation de neutralité ; c’est même tout le contraire. Je vais donc vous donner mon avis sans détours : une fois qu’on met au placard les éléments de langage sur la réforme des retraites – l’universalité, la justice, la simplicité –, il reste, en réalité, une règle budgétaire arbitraire dont la variable d’ajustement est la vie des gens, par l’âge auquel ils pourront partir en bénéficiant d’une pension complète. À mon sens, on aurait dû faire tout l’inverse : répondre aux deux questions essentielles que se posent les Français – l’âge de départ et le niveau de pension – et adapter la part des richesses à cet objectif politique.

J’ai lu dans les travaux du COR que le temps passé à la retraite est en train de reculer, malgré l’augmentation de l’espérance de vie. Le confirmez-vous ? Quels seraient les effets sur le temps passé à la retraite d’un recul continuel de l’âge pivot, à 64 puis à 65, 66, 67 ans, et ainsi de suite, comme le prévoit le projet de loi ?

Mme Albane Gaillot. Aujourd’hui, près de 4,8 millions de retraités perçoivent le minimum contributif, dont le bénéfice est soumis à une condition de taux plein, qui peut s’acquérir par l’âge ou la durée d’assurance. Autrement dit, ce droit n’est ouvert que si les salariés ont effectué une carrière complète. Or, actuellement, 40 % des femmes liquident leur retraite au terme d’une carrière incomplète et ne bénéficient donc pas du minimum contributif. Par ailleurs, deux tiers des femmes qui le perçoivent ont dû attendre 67 ans, âge d’annulation de la décote, pour partir à la retraite. Si nous souhaitons que ce dispositif bénéficie effectivement aux assurés ayant connu les carrières les plus heurtées, il est impératif que les femmes puissent en bénéficier. Êtes-vous en mesure de nous renseigner sur le pourcentage de femmes qui sont aujourd’hui exclues du dispositif, parce qu’elles n’ont pas de carrière complète, et surtout, de celles qui le seront demain, dans le cadre du régime universel ?

Mme Valérie Rabault. Monsieur le président du COR, dans votre dernier rapport, vous indiquiez que « 80 % du financement du système de retraite proviennent de cotisations sociales ». Pour le reste, l’État et la branche famille mettent au pot. D’après votre lecture du projet de loi, cet équilibre demeurera-t-il ? L’État apportera-t-il une compensation ? Dans le cas contraire, il restera à trouver 20 % des ressources.

Par ailleurs, l’article 58 du projet de loi définit les ressources du système de retraite, qui sont agglomérées dans un vaste pot commun. Vous avez mentionné le cas de la fonction publique. Les excédents pourraient être compris entre 6 et 7 milliards d’euros. Pensez-vous que le Gouvernement va les laisser dans le pot commun ou qu’ils reviendront dans les caisses de l’État ?

Mme Céline Calvez. Vous nous avez dit que l’une de vos missions consistait à établir des projections. Vous êtes-vous penchés sur la situation particulière des enseignants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs ? Quelles évolutions démographiques cette population connaîtra-t-elle ? On s’est concentré sur la génération postérieure à 1975. On a aussi évoqué les plus jeunes, nés à partir de 2004, qui se destinent aux carrières de l’enseignement et de la recherche. Compte tenu de la revalorisation attendue des rémunérations, pouvez-vous nous apporter vos éclairages sur l’évolution à attendre des équilibres démographiques dans ces professions ?

Mme Véronique Hammerer. Je m’étonne que La France insoumise n’ait pas pensé à vous interroger sur ce point essentiel qu’est le jury citoyen du Comité de suivi des retraites ! Vous avez expliqué le mode de fonctionnement de ces jurys, et indiqué leur constat du manque de visibilité du système. Pensez-vous que cette démarche est vraiment pertinente ? Faudrait-il, le cas échéant, la redéfinir ? Les recommandations des citoyens – que vous ne rencontrez certes qu’une journée – vous apportent-elles réellement quelque chose dans vos travaux ?

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous demande de ne pas citer de formations politiques dans vos questions ; il n’y a pas de raison de les cibler.

Mme Catherine Fabre. Je souhaiterais vous interroger sur les implications à long terme du passage à trois fois le plafonnement annuel de la sécurité sociale (PASS) de l’assiette de cotisations servant de base au calcul des droits. On peut s’attendre à une hausse des recettes du fait que les retraités bénéficieront certainement moins longtemps du fruit de leurs cotisations et, surtout, percevront des pensions moins élevées du fait du plafonnement. Quel montant d’économies peut-on en attendre sur le système de retraite à long terme ? Par ailleurs, peut-on organiser cette transition de 8 PASS à 3 PASS en étalant le plafonnement dans le temps, de façon à en limiter le coût ?

M. le président du COR. Comme je vous l’ai dit, je fournis des données, mais je n’ai pas à porter d’appréciation politique directe sur le nouveau système.

Le COR a publié un rapport complet sur la compensation démographique – pour une fois, il y a fait des recommandations, mais elles n’ont eu aucun impact. Il est vrai que ce mécanisme est extrêmement sensible : en modifiant un paramètre, on peut faire passer des centaines de millions d’euros de la caisse des avocats, par exemple, vers la CNRACL, le régime de la fonction publique d’État ou encore le régime général. Ceux qui perdent hurlent mais ceux qui gagnent ne sautent pas au plafond ! Aussi, dans l’administration, la règle est-elle de ne pas toucher à ce dispositif, car il n’y a que des coups à prendre.

Aujourd’hui, la compensation démographique se fait sur une base extrêmement minimale. Quand on a la chance d’exercer une profession présentant une démographie favorable, ce que l’on est susceptible de régler au titre de la compensation démographique reste modéré. Elle est calculée sur une base minimale pour le régime de base et il n’y a pas de compensation au titre du régime complémentaire – ni pour l’AGIRC-ARRCO, ni pour aucune des caisses complémentaires des indépendants, par exemple –, ce qui fait que chacun peut pleinement bénéficier de sa démographie.

Pour rebondir sur ce qui a été dit tout à l’heure au sujet des caisses autonomes, je voudrais rappeler que la question de l’âge de la retraite par répartition se résume essentiellement à un problème de démographie. Je vous ai indiqué le niveau global pour l’ensemble des Français, à savoir 1,7 cotisant pour un retraité, mais vous vous doutez bien que pour les exploitants agricoles ou pour les mineurs, par exemple, ce ne sont pas du tout les mêmes chiffres : il y a des professions où la démographie est moins favorable, et d’autres où elle l’est bien plus.

Bien évidemment, les salariés qui exercent une profession ayant une démographie extrêmement favorable seront défavorisés par une réforme instaurant un système universel, censée aboutir à ce que tous les Français soient soumis à la démographie commune… En termes d’équité, d’un point de vue normatif – kantien, pourrait-on dire –, je suis prêt à soutenir que c’est une bonne chose que nous partagions tous la même démographie, celle de la communauté nationale de la République française, mais les professions qui vont se trouver défavorisées du fait de l’application d’une démographie commune ne vont sans doute pas vous citer Kant : vous risquez plutôt d’entendre parler de leur niveau de retraite !

Pour ce qui est de l’âge de départ à la retraite, dans le cadre législatif actuel, les Français partent en moyenne à un peu plus de 62 ans, et cet âge va augmenter progressivement jusqu’à 64 ans. En effet, aux termes de la « loi Touraine » de 2013, il est prévu que la durée requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein augmente jusqu’à la génération 1973 : en 2035-2040, les gens partiront donc à 64 ans.

La durée passée à la retraite connaît actuellement une période de stabilité, après avoir un peu baissé à l’issue de la réforme de 2010. Dans l’hypothèse d’un maintien du système actuel, l’âge de départ à la retraite n’augmentant plus, la durée passée à la retraite serait appelée à augmenter progressivement : selon nos projections, elle devrait atteindre vingt-neuf ou trente ans en 2070.

Si l’on adoptait le principe d’un âge pivot, censé augmenter régulièrement en fonction de l’espérance de vie dans une proportion de deux tiers, un tiers, cet âge évoluerait de manière sensiblement différente. Les calculs correspondants peuvent être effectués facilement et, si nous ne les avons pas encore faits, c’est que nous ne connaissons pas la base de départ, qui ne pourra être déterminée que dans le cadre de la conférence des financeurs – je précise qu’avant cette conférence des financeurs, la base de départ était de 64 ans en 2027, c’est-à-dire pour la génération 1963.

En ce qui concerne la croissance économique, pour les quatre ans qui viennent, nous nous basons sur les prévisions économiques du Gouvernement, ce qui nous mène jusqu’en 2023-2024. Nous utilisons ensuite des hypothèses du COR pour projeter le système de retraite à très long terme. Évidemment, nous ne nous prenons pas pour Madame Irma et ne prétendons pas faire des prévisions, mais simplement des projections servant à alimenter le débat sur les retraites. Ces projections, qui commencent à partir de 2032, sont calées sur quatre hypothèses différentes d’augmentation de la productivité du travail, qui déterminent l’augmentation des salaires et s’établissent respectivement à 1 %, 1,3 %, 1,5 % et 1,8 %. Le scénario à 1 % correspond à ce que nous avons connu entre 2010 et 2018, c’est-à-dire durant la période ayant suivi la crise. Le scénario à 1,3 % correspond à la période 1990-2018 ; quant au scénario à 1,8 %, il correspond à une période plus lointaine, en l’occurrence 1980-2018.

Aujourd’hui, personne ne peut savoir lequel de ces scénarios va s’appliquer dans les années qui viennent. Régulièrement, j’entends dire que nous allons connaître des évolutions technologiques majeures, qui vont permettre d’importants progrès en termes de productivité. Certains expriment même des inquiétudes sur le fait qu’il pourrait ne plus y avoir d’emplois, ou du moins que leur nombre pourrait chuter drastiquement du fait des progrès accomplis en termes de productivité... Je vous avoue franchement que je n’en sais rien ! L’essentiel, c’est que nous disposions de quatre hypothèses paraissant couvrir un champ des possibles raisonnable, et permettant donc d’engager une réflexion en toute connaissance de cause.

C’est ce qu’a fait le Gouvernement, en optant pour l’hypothèse à 1,3 % à l’horizon 2030. Sur la base de cette hypothèse, il reste à établir une transition entre 2023 et 2032, qui constitue le point d’atterrissage. Si cette transition est censée être progressive, elle peut cependant connaître des à-coups. En effet, nous travaillons avec la direction du Trésor, qui retient la notion d’output gap, c’est-à-dire d’écart entre le niveau réel du PIB et la production potentielle. Durant la période de transition couvrant 2023 à 2032, le Trésor ferme l’output gap, ce qui peut être à l’origine de légers soubresauts entre 2025 et 2030.

Je précise également que, pour ce qui est du niveau de chômage, l’hypothèse retenue actuellement est celle du retour à un taux de 7 % en 2032, ce qui n’est pas particulièrement optimiste par rapport à ce qu’a pu envisager le Gouvernement. Si l’on se place à plus long terme pour tenter de savoir si les dépenses de retraite sont stabilisées dans le PIB, on constate que, dans l’hypothèse la plus défavorable – celle d’un taux de 1 % à partir de 2032 –, ces dépenses sont stabilisées, puisqu’elles se retrouvent en 2070 au niveau de 2018 ; dans toutes les autres hypothèses, elles baissent de manière significative en 2070. Sur ce point, je vous renvoie au graphique figurant dans le rapport du COR, montrant une belle courbe qui diminue très progressivement jusqu’en 2070.

Pour ce qui est du bilan de la contribution de l’État, il y a de sa part des apports liés à la compensation de certaines exonérations de cotisations – cela représente un gros montant. Il faut également tenir compte d’autres facteurs, notamment de la nécessité de renflouer certains régimes qui, sans cela, présenteraient un fort déséquilibre. J’ai cru comprendre, à la lecture de l’étude d’impact, que l’État maintenait cette contribution.

Un autre élément très important, que j’ai évoqué tout à l’heure, réside dans le fait qu’en tant qu’employeur, l’État cotise actuellement à hauteur de 74 % pour les fonctionnaires civils. Dans le cadre du système universel, même si l’assiette va un peu s’élargir en prenant en compte les primes, l’État cotisera beaucoup moins, puisque la cotisation complète sera de 28 % comme pour tous les autres salariés, les salariés du public et du privé étant à peu près alignés. C’est l’un des aspects majeurs de la réforme, puisque les sommes dont il est question sont de l’ordre de plusieurs milliards d’euros. L’étude d’impact nous est parvenue trop tardivement pour que nous ayons le temps de l’étudier de façon approfondie, mais il faudrait se pencher sur cette question et établir des tableaux comparatifs avant-après – j’espère qu’ils vous seront communiqués en temps voulu.

Nous travaillons, bien évidemment, sur l’équilibre démographique global, ainsi que sur celui de chacun des régimes. En revanche, nous n’avons jamais travaillé sur l’équilibre démographique spécifique des enseignants-chercheurs. Dès lors, si vous me demandez si la politique de rémunération actuelle va poser des problèmes de recrutement des enseignants-chercheurs, je ne peux vous répondre sans sortir de ma compétence et de ma condition.

Pour ce qui est du plafonnement à 3 PASS et de ce qui se passe entre 3 et 8 PASS, il faut distinguer deux situations. Entre 3 et 8 PASS, il y a à la fois des cotisations qui créent des droits et d’autres qui n’en créent pas – si les premières disparaissent, il faudra honorer les droits qui avaient été constitués dans le passé. À très long terme, cette suppression va plutôt se révéler favorable aux catégories modestes, car, en matière de retraite, c’est celui qui vit le plus longtemps qui gagne : si vous mourez à 60 ans, vous ne profitez pas du tout de vos cotisations retraite, alors que si vous mourez à 90 ans, vous en profitez pendant trente ans. En effet, comme on meurt à un âge qu’on ne peut connaître à l’avance, la retraite est fondée sur un principe de mutualisation des cotisations – ensuite, il y a ceux qui ont de la chance et ceux qui en ont moins...

Les choses ne sont toutefois pas tout à fait aussi simples, car, en réalité, la date de décès ne résulte pas seulement du hasard : il existe pour cela des déterminants statistiques, l’un d’entre eux étant le niveau de revenu. À ce sujet, une étude menée par Nathalie Blanpain, de l’INSEE, a démontré qu’il existe en France une forte corrélation entre le niveau de revenu et l’espérance de vie, apparaissant très tôt – on la constate déjà à 65 ans. De ce fait, quand les plus riches ne participent pas au système de répartition fondé sur le principe qu’un euro cotisé donne les mêmes droits à tous, paradoxalement, cela rend un service aux plus modestes, car il y a moins d’argent à régler aux plus riches. Jusqu’à présent, il n’y avait pas de plafond pour les cotisations jusqu’à 8 PASS ; dorénavant, il y aura une cotisation de 2,81 % au-delà de 3 PASS. Sur cette tranche, les plus aisés vont donc subir une perte, puisqu’ils cotiseront désormais à 2,81 % sans que cela leur ouvre de droits. Par contre, entre 3 et 8 PASS, il y aura une diminution significative des cotisations. Je ne sais pas si tous ces chiffres figurent parmi les 1 000 pages de l’étude d’impact, mais si vous le souhaitez, nous pouvons vous les communiquer.

M. le président du CSR. Le jury citoyen n’était pas prévu par le texte initial de la loi de 2014 ; il y a été ajouté par voie d’amendement. Il constitue une expérience intéressante, bien que, dans le cadre du CSR, cette forme de participation citoyenne soit assez artisanale : ce tout petit comité ne se réunit qu’une fois et n’a que peu de grain à moudre compte tenu de l’extrême complexité du système. Il n’est pas évident qu’il trouve des suggestions à formuler. En revanche, la consultation citoyenne a pris une très grande ampleur sous l’impulsion du haut-commissaire à la réforme des retraites. En effet, la parole a trouvé à s’exprimer aisément dans ce cadre, où il était demandé aux gens de décrire comment ils voyaient le système de retraite idéal, ce qui est bien plus facile que de devoir exprimer un avis technique sur un système aussi complexe que le système de retraite actuel.

Le temps passé à la retraite fait partie des indicateurs suivis par le comité de suivi des retraites. L’esprit de la réforme de 2003 était de considérer qu’une bonne partie du vieillissement étant due à l’allongement de la durée de vie, il fallait procéder à un partage entre activité et retraite des années de vie supplémentaires, dans une proportion de deux tiers-un tiers. Dans le cadre d’un tel dispositif, la durée du temps passé en retraite ne diminue pas : elle augmente parallèlement à la durée de vie totale.

En 2003, l’instrument de la durée de cotisation était partiel, puisqu’il ne touchait pas tout le monde. De ce fait, dans les années qui ont suivi, la durée de la retraite a progressé plus vite qu’attendu. C’est la réforme de 2010 qui a rabattu temporairement la courbe vers le bas, ce qui fait que, tendanciellement, sur les dix années couvertes, le partage sera resté relativement stable avant que la durée de vie en retraite ne reparte à la hausse.

Ce petit accident, dû au fait que la réforme de 2010 a accompli une partie du travail que la réforme de 2003 n’avait pas fait, met en évidence les limites du pilotage manuel : à procéder à des réformes par à-coups, finalement, il y a toujours des générations qui se trouvent lésées par rapport à celles qui les précèdent, et de façon d’autant plus brutale qu’on a tardé à apporter les ajustements nécessaires. Une fois qu’il a été procédé à ces ajustements, on repart pour une période plus ou moins longue durant laquelle le temps passé au travail et le temps passé en retraite évoluent parallèlement à la durée de vie totale, qui est l’une des clefs du problème du vieillissement démographique.

 

La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.

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   amendements adoptés par la commission SPÉCIALE

 

Au cours de sa seconde réunion du mardi 11 février, la commission spéciale a constaté qu’elle n’était pas en mesure d’achever la discussion des articles du projet de loi. En conséquence, elle n’a pas adopté de texte et, en application de l’article 42, alinéa 1, de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale.

Cela étant, la commission spéciale, au fil de ses travaux, n’en a pas moins adopté vingt-et-un amendements, qui ont été déposés en son nom par les rapporteurs en vue de la séance publique. Ils sont donc présentés ci-après.

● Dix-sept amendements ont été adoptés sur le titre Ier, consacré aux principes du système universel.

Les rédactions retenues par la commission spéciale ont :

– explicité au sein de l’objectif de solidarité intra-générationnelle la prise en compte de l’aide apportée en tant qu’aidant (amendements identiques à l’article 1er de M. Boris Vallaud et de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés et de M. Thibault Bazin) ;

– précisé que les contributions finançant le système de retraite ont un caractère solidaire (amendement de M. Matthieu Orphelin à l’article 1er) ;

– ajouté la prise en compte des gains de productivité dans le pilotage du système universel de retraite (amendement de M. Pierre Dharréville et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’article 1er) ;

– basculé le renvoi aux lois de programmation relatives à la rémunération des enseignants et des chercheurs dans un article distinct. Les dispositions afférentes supprimées à l’article 1er (amendements identiques du rapporteur général et du rapporteur et de M. Pierre Dharréville et de ses collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ont été renvoyées à un article ultérieur (amendement « miroir » du rapporteur général et du rapporteur portant création d’un article 1er bis) ;

– précisé que l’habilitation à légiférer par ordonnance relative aux marins pourrait définir les règles d’assiette et de taux des cotisations, afin notamment de pouvoir reconduire le principe actuel d’une assiette forfaitaire (amendement du rapporteur général et du rapporteur à l’article 1er) ;

– clarifié la notion de revenu moyen par tête, retenue par le projet de loi comme base d’indexation des valeurs d’acquisition et de service du point, qui concernera les revenus d’activité (amendement du rapporteur général et du rapporteur à l’article 9) ;

– inscrit « en dur » les dispositions relatives au droit à l’information des assurés en matière de retraite, initialement renvoyées à une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance (amendements identiques du rapporteur général et du rapporteur, et de Mme Véronique Riotton et de ses collègues du groupe La République en Marche à l’article 12) ;

– prévu que les réserves des régimes de salariés pourront être utilisés, sur une base totalement facultative, pour lisser la trajectoire financière davantage que ne le prévoirait l’ordonnance pour laquelle le Gouvernement est habilité à l’article 15, dans des conditions fixées par cette même ordonnance (amendement du Gouvernement à l’article 15) ;

– prévu que les employeurs des salariés et agents de régimes spéciaux pourront prendre en charge une part des cotisations salariales pour lisser les effets de la transition, dans des conditions prévues par voie d’ordonnance (amendement du Gouvernement à l’article 19) ;

– précisé que le calcul des cotisations des travailleurs non salariés agricoles se fera dans les conditions prévues pour les salariés, et non seulement en application du même plafond (amendement du Gouvernement à l’article 20) ;

– précisé que l’habilitation à légiférer par ordonnance pour rapprocher les assiettes de cotisations applicables aux indépendants et aux salariés intègrera un abattement de 30 % plafonné (amendement du Gouvernement à l’article 21) ;

– procédé à des modifications rédactionnelles (amendements du rapporteur général et du rapporteur à l’article 7, et amendement de M. Pierre Dharréville et de ses collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sur l’intitulé du chapitre III).

● La commission spéciale a ensuite adopté quatre amendements sur le titre II, relatif à l’équité et à la liberté dans le choix de départ à la retraite.

Ces amendements ont :

– instauré une information systématique des assurés sur les dispositifs de retraite progressive et de cumul emploi-retraite ainsi qu’un dispositif d’accompagnement pour les assurés souhaitant bénéficier de ces dispositifs (amendement de Mme Catherine Fabre et de ses collègues du groupe La République en Marche à l’article 24) ;

– prévu que la demande de retraite progressive peut intervenir dans le cadre d’un entretien relatif à l’aménagement de fin de carrière (amendement de M. Thierry Michels et de plusieurs de ses collègues du groupe La République en Marche à l’article 25) ;

– précisé que la retraite progressive est accessible à tous les assurés ayant plusieurs employeurs, et non aux seuls salariés ayant plusieurs employeurs (amendement de M. Boris Vallaud et de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés à l’article 25) ;

– encadré les modalités de refus de l’employeur en cas de demande de retraite progressive, en prévoyant d’une part que l’employeur est tenu de recevoir le salarié en entretien dans un délai de deux mois à compter de sa demande, et d’autre part, qu’à défaut de réponse dans un délai de trois mois à compter de la formulation de la demande, l’accord de l’employeur est réputé acquis (amendement du rapporteur général et du rapporteur à l’article 25).

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   commentaire des articles du projet de loi

Titre Ier
LES PRINCIPES DU SYSTÈME UNIVERSEL DE RETRAITE

Chapitre Ier
Un système universel commun à tous les assurés

Section 1
Principes généraux

Article 1er
Création dun système universel de retraite par répartition

L’article 1er définit les grands principes du système universel de retraite par répartition, au fondement de la solidarité entre les générations et de l’équité entre assurés.

Hérité d’une longue histoire sociale, notre système de retraite a été bâti sur des logiques statutaires et professionnelles, s’appuyant sur de nombreux régimes et plusieurs niveaux de couverture d’assurance vieillesse. Le foisonnement des règles applicables, l’éclatement de l’architecture institutionnelle et la complexité vécue au quotidien par les assurés ont rendu indispensable une réforme systémique, dont les objectifs sont définis au présent article.

Ces objectifs ne doivent pas être assimilés à une simple déclaration d’intentions. Ils orientent le pilotage du système de retraite et influencent donc directement, à partir des indicateurs qui les explicitent, les choix juridiques opérés et la future gouvernance du système universel.

L’article 1er est complété par un renvoi à deux lois de programmation destinées à aménager une phase transitoire pour les enseignants et les chercheurs, afin d’adapter leur niveau de rémunération et d’éviter tout décrochage de leur niveau de vie.

I.   L’hétérogénéité d’un système de retraite devenu illisible

Le système français de retraite est souvent présenté comme complexe, confus et illisible. Cette présentation ne relève pas seulement du ressenti ou de l’apparence ; elle traduit un foisonnement de règles et de régimes bien supérieur à tout autre risque couvert par la sécurité sociale.

Bâti sur des logiques professionnelles et catégorielles, notre système de retraite n’a jamais embrassé l’ambition d’harmonisation avancée par ses concepteurs. Certes, des principes communs irriguent l’ensemble des régimes de retraite et ont permis de bâtir un système par répartition solide et redistributif. Ils ne doivent néanmoins pas masquer l’empilement des dispositifs et des paramètres, devenus autant d’obstacles pour les retraités d’aujourd’hui et de demain.

A.   La complexitÉ comme fruit d’une longue histoire sociale

● L’ambition de couverture de l’ensemble de la population par un système d’assurance vieillesse intégré et complet a été avancée dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les fondateurs de la sécurité sociale.

Actant l’insuffisance ou l’échec des tentatives de l’entre-deux guerres, ayant pris la forme de régimes par capitalisation attaché à des professions, la retraite par répartition est dès l’origine conçue comme devant « débarrasser les travailleurs de lincertitude du lendemain » ([3]) quel que soit leur statut ou leur métier.

L’objectif d’harmonisation des règles et des acteurs était affirmé, plus largement, pour la sécurité sociale dans son ensemble. À ce titre, le discours prononcé par Ambroise Croizat en 1946 devant l’Assemblée nationale constituante conserve une actualité intacte.

Discours dAmbroise Croizat, ministre du travail et de la sécurité sociale, devant lAssemblée nationale constituante (8 août 1946)

« La sécurité sociale est une unité. Cette unité saffirme dabord sur le plan financier, car il sagit daménager une redistribution partielle du revenu national. […]

« Lunité de la sécurité sociale nest, à cet égard, que laffirmation dune solidarité nationale indiscutable. Cette unité ne saffirme pas moins, contrairement à ce quon a dit trop souvent, sur le plan technique. Sans doute, jusquà ce jour, les différentes législations de sécurité sociale existant en France ont-elles procédé de techniques et de principes opposés. Mais on ne saurait leur donner leur pleine efficacité quen unifiant ces principes et ces techniques […].

« Enfin, et peut-être surtout, lunité de la sécurité sociale saffirme sur le plan social. Il sagit toujours, en effet, dapporter des moyens dexistence à des familles manquant de ressources, de sauvergarder le capital humain du pays par la prévention de la maladie et de la maternité, de permettre à tous les individus de développer au maximum leurs moyens propres.

« Ce résultat ne peut être atteint par une multiplicité dinstitutions entre lesquelles il est impossible dassurer une coordination suffisante. […] Lunité de la sécurité sociale est la condition nécessaire de son efficacité. »

● Cette ambition d’universalité s’est toutefois heurtée à deux obstacles concrets.

D’une part, les régimes de retraite préexistants étaient solidement établis, ayant acquis une légitimité suffisante pour perdurer. Le premier d’entre eux, créé par Colbert pour favoriser l’attractivité des carrières dans la marine, remonte ainsi au XVIIe siècle. Les multiples initiatives – tant publiques que privées – en amont de 1945 ont progressivement construit un paysage fragmenté, conduisant à généraliser la couverture vieillesse sans pour autant l’universaliser.

D’autre part, la diversité des statuts et des métiers était considérée comme la justification logique d’une diversité de règles et de paramètres, au plus près des réalités propres à chaque profession. L’ordonnance fondatrice du 4 octobre 1945, qui a généralisé le principe d’une assurance vieillesse des travailleurs salariés, a ainsi posé le principe d’un maintien – initialement « provisoirement » – de certains régimes spéciaux créés antérieurement ([4]).

● Cette pluralité de règles et d’acteurs en charge du système de retraite n’est pas, en soi, propre à la seule France.

La plupart de nos voisins européens ont construit leur système de retraite en distinguant des régimes publics de base et des régimes complémentaires professionnels, complétés par des dispositifs d’épargne retraite individuelle.

L’ampleur de l’éclatement institutionnel et le poids relatif des différents étages de l’assurance vieillesse donnent néanmoins à la France une place atypique.

Dans son rapport thématique de 2010 ([5]), le Conseil d’orientation des retraites (COR) distinguait trois éléments de spécificité française :

– le nombre plus important de régimes de base structurés en fonction de logiques professionnelles, tout d’abord. Seules l’Allemagne et la Belgique partagent un éclatement architectural aussi important ;

– l’existence de régimes complémentaires en répartition, ensuite. La plupart de nos voisins possèdent des régimes complémentaires en capitalisation, qui relèvent le plus souvent d’initiatives purement professionnelles, mis en place par des branches ou des entreprises ;

– la part de l’épargne retraite individuelle est plus faible en France, enfin. Les réformes introduites depuis 2003 pour en augmenter la part n’ont pas significativement renversé ce constat.

B.   Une sédimentation de logiques professionnelles et catégorielles

Quarante-et-un organismes gestionnaires, quarante-deux situations distinctes et cinquante-trois régimes de retraite obligatoires... Retenir une typologie plutôt qu’une autre relève d’un choix technique et politique.

Un souci de simplicité et d’exhaustivité peut légitimer une approche par strate, distinguant une pluralité originelle de régimes de base, l’addition progressive de régimes complémentaires et la création plus tardive de régimes supplémentaires. Le cas particulier des régimes dits « intégrés » y occupe, par construction, une place singulière.

1.   La multiplicité initiale des régimes de retraite de base

La création de multiples régimes de retraite de base est le fait générateur de l’éclatement de notre système actuel. Une pluralité d’acteurs, de règles et de paramètres en découle.

Une vingtaine de régimes de base sont aujourd’hui dénombrés, pour la plupart représentés dans le groupement d’intérêt public (GIP) « Union Retraite ».

Ils peuvent être regroupés en trois grands ensembles, reflétant la logique socioprofessionnelle sur laquelle notre système s’est construit.

● Les salariés, tout d’abord, couvrent 70 % des actifs et relèvent de deux régimes principaux :

– la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), s’agissant des salariés du secteur privé et des agents non-titulaires de la fonction publique ;

– la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), s’agissant des salariés agricoles.

● Les agents publics titulaires et les salariés des entreprises publiques, ensuite, représentent 17 % des actifs et relèvent de nombreux régimes dits « spéciaux » :

– le Service des retraites de l’État (SRE) est en charge de l’assurance vieillesse des fonctionnaires de l’État, des magistrats et des militaires. Contrairement aux autres organismes gestionnaires, il correspond à un service ministériel, et non à une caisse de retraite ;

– la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) couvre les fonctionnaires des collectivités territoriales et du secteur hospitalier ;

– les onze autres régimes spéciaux sont en charge de l’assurance vieillesse des autres fonctionnaires et salariés des entreprises publiques.

● Les non-salariés, enfin, représentent 13 % des actifs et relèvent de cinq caisses principales :

– la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), s’agissant de l’essentiel des professions libérales ;

– la Caisse nationale des barreaux français (CNBF), s’agissant des avocats ;

– la CCMSA, concernant les exploitants agricoles ;

– la CNAV, depuis le 1er janvier 2020, dans le cas des artisans et des commerçants. La sécurité sociale des indépendants (SSI) a alors succédé au Régime social des indépendants (RSI), dans le cadre d’une réforme entrée progressivement en vigueur depuis le 1er janvier 2018 ([6]) ;

– la Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC), pour les ministres des cultes.

La complexité de notre système ne doit être ni exagérée, ni caricaturée. Nul ne peut néanmoins la nier, en particulier à l’heure des mobilités professionnelles et des transitions entre statuts devenues de plus en plus fréquentes. La seule juxtaposition de ces régimes de base avec des régimes complémentaires rend la quasi-totalité des assurés polypensionnés.

2.   La construction progressive des régimes de retraite complémentaire

La création progressive de régimes complémentaires, venant se superposer aux régimes de base, a complété la couverture du risque vieillesse dans une même approche socioprofessionnelle. Son objectif est d’étendre l’assurance au-delà du seul plafond de sécurité sociale applicable au régime de base, et ainsi d’accroître le niveau du revenu du remplacement.

● Les partenaires sociaux ont posé les fondations des régimes complémentaires en 1947, avec la création de l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC). Cette couverture complémentaire a ensuite été étendue aux salariés non-cadres, avec la création en 1961 de l’Association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO). Ces deux régimes sont désormais intégrés, depuis le 1er janvier 2019, dans l’ensemble unifié « AGIRC-ARRCO ».

Initialement optionnelle, la couverture des salariés par un régime de retraite complémentaire a été rendue obligatoire par la loi du 29 décembre 1972 ([7]).

● Bien que plus tardive, l’obligation d’affiliation des non-salariés à un régime de retraite complémentaire est désormais également effective.

Cette obligation a été progressivement étendue :

– aux artisans, par la loi du 27 décembre 1973 ([8]) ;

– aux exploitants agricoles, par la loi du 4 mars 2002 ([9]) ayant créé le régime complémentaire obligatoire (RCO), piloté par la MSA ;

– aux commerçants, par la loi du 21 août 2004 ([10]).

S’agissant des professions libérales, enfin, un étage complémentaire profession par profession est venu s’ajouter à la couverture retraite de base. Correspondant à des sections professionnelles de la CNAVPL, ces complémentaires sont désormais au nombre de dix (cfinfra).

● Les fonctionnaires, enfin, relèvent de régimes dits « intégrés », n’opérant pas de distinction entre une couverture de base et une couverture complémentaire.

Seuls les agents non titulaires des trois fonctions publiques et les agents titulaires à temps non complet relèvent d’une couverture complémentaire distincte, dans le cadre de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC).

Le cas particulier du régime additionnel de la fonction publique (RAFP) s’inscrit difficilement dans une typologie. Pouvant être assimilé à un régime complémentaire ou surcomplémentaire, il vise une partie de la rémunération des fonctionnaires constituée de primes et fonctionne par capitalisation. Intégralement provisionné, il constitue une singularité de notre système de retraite.

3.   La juxtaposition de régimes de retraite supplémentaire

Par souci de simplicité, les régimes couverts par ce qui sera dénommé dans ce rapport « régimes de retraite » sont ceux obligatoires et en répartition.

Ils constituent l’essentiel de la retraite des Français et le cœur d’un système par répartition.

Ils ne doivent toutefois pas masquer l’existence d’autres régimes de retraite, dits « surcomplémentaires » ou « supplémentaires », qui relèvent pour l’essentiel de l’épargne retraite – qu’elle soit individuelle ou collective –, parfois en entreprise, et toujours facultative et en capitalisation. La loi du 22 mai 2019 dite « PACTE » ([11]) en a rationalisé le paysage et favorisé l’accès, dans un double objectif de gain de pouvoir d’achat et de constitution d’une épargne future.

Certaines professions libérales ([12]) ont également instauré des régimes de retraite supplémentaire obligatoire, dans le cadre des prestations complémentaires vieillesse (PCV) – autrefois dénommées avantages sociaux vieillesse (ASV) ([13]).

À l’exception des aménagements apportés par l’article 64, ces régimes ne sont pas l’objet de la réforme et ne seront donc logiquement pas couverts par la suite du rapport, qui se consacre aux régimes de retraite légalement obligatoires.

C.   La délicate synthèse du système actuel

Il en résulte une grande pluralité de régimes, caisses et situations, souvent rassemblés dans la catégorie générique des « quarante-deux régimes ». La réalité est, ici aussi, plus complexe.

Existe-t-il quarante-deux régimes de retraite ?

« La mise en place dun régime universel implique la suppression des quarante-deux régimes existants. »

Cette référence à « quarante-deux régimes », prononcée par le Premier ministre lors de la présentation de la réforme le 11 décembre 2019, est devenue incontournable dans le débat public relatif à la création d’un système universel.

Loin d’être isolée, cette mention masque une réalité plus complexe, qui illustre tant l’éclatement que l’enchevêtrement du système actuel.

On distingue aujourd’hui :

– quarante-et-un organismes gestionnaires de régimes de retraite légalement obligatoires ;

– cinquante-trois régimes de retraite légalement obligatoires.

À titre d’exemple, un exploitant agricole relève d’un seul organisme – la mutualité sociale agricole (MSA) – mais de deux régimes distincts – la MSA base et la MSA complémentaire, dite « Régime complémentaire obligatoire » (RCO).

Le nombre de quarante-deux régimes correspond en réalité à l’existence de quarante-deux situations, recouvrant autant de combinaisons.

Ainsi, la situation dun salarié cadre du secteur privé non agricole se distingue de celle dun salarié non-cadre du secteur privé non agricole et de celle dun enseignant du privé.

Le schéma infra précise chacune de ces quarante-deux situations ou combinaisons possibles daffiliation.

Les quarante-deux combinaisons en matière de retraite

Situation

Profession ou statut

Régime de base

Régime complémentaire

Régime additionnel

Régime intégré

1

Salariés non-cadres hors secteur agricole

CNAV

ARRCO

-

2

Salariés cadres hors secteur agricole

CNAV

AGIRC-ARRCO

-

3

Salariés non-cadres du secteur privé agricole

MSA

ARRCO

-

4

Salariés cadres du secteur privé agricole

MSA

AGIRC-ARRCO

-

5

Exploitants agricoles et conjoints collaborateurs

MSA

Régime complémentaire obligatoire (RCO)

-

6

Enseignants du privé

CNAV

ARRCO

Régime temporaire de retraite de l’enseignement privé (RETREP) /

Régime additionnel de retraite de l’enseignement privé (RAEP)

7

Artistes-auteurs

CNAV

Institution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création (IRCEC)

+ RAAP +

RACD ou RACL*

-

8

Personnels navigants professionnels de l’aéronautique civile

CNAV

Caisse de retraite complémentaire du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile (CRPN-PAC)

-

9

Artisans et commerçants

SSTI - CNAV

RCI

-

10

Gérants des débits de tabac

SSTI - CNAV

RCI

Régime d’allocations viagères des gérants de débits de tabac (RAVGDT)

11

Clercs et employés de notaires

Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN)

-

12

Avocats

Caisse nationale des barreaux français (CNBF)

-

13

Notaires

CNAVPL

CPRN

-

14

Officiers ministériels

CNAVPL

CAVOM

-

15

Médecins

CNAVPL

CARMF

Prestation complémentaire vieillesse (PCV)

16

Dentistes et sages-femmes

CNAVPL

CARCDSF

PCV

17

Pharmaciens

CNAVPL

CAVP

PCV

18

Auxiliaires médicaux

CNAVPL

CARPIMKO

PCV

19

Vétérinaires

CNAVPL

CARPV

-

20

Agents d’assurance

CNAVPL

CAVAMAC

-

21

Experts-comptables

CNAVPL

CAVEC

-

22

Architectes et professions libérales diverses

CNAVPL

CIPAV

-

22

Agents civils titulaires de la fonction publique d’État et militaires

SRE

RAFP

23

Agents titulaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière

CNRACL

RAFP

24

Ouvriers d’État

Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FPSPOEIE)

-

25

Agents des cultes d’Alsace-Lorraine

Régime des cultes d’Alsace-Lorraine

-

27

Agents titulaires de la fonction publique hospitalière travaillant moins de 28 heures par semaines, agents contractuels de la fonction publique et élus locaux

CNAV

IRCANTEC

-

28

Agents de la Banque de France

Caisse de la Banque de France

-

29

Députés

Régime des députés

-

30

Sénateurs

Régime des sénateurs

-

31

Agents titulaires de l’Assemblée nationale

Régime des agents titulaires de l’Assemblée nationale

-

32

Agents titulaires du Sénat

Régime du Sénat

-

33

Élus du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

Régime des élus du CESE

-

34

Salariés de la RATP

Caisse de retraites du personnel de la RATP (CRPRATP)

-

35

Salariés de la SNCF

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF)

-

36

Salariés des industries électriques et gazières

Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG)

-

37

Salariés du cadre statutaire de l’Opéra de Paris

Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris (CROPERA)

-

38

Salariés sous statut de la Comédie-Française

Caisse de retraite du personnel de la Comédie-Française (CRPCF)

-

39

Agents employés par le régime des mines

Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

-

40

Marins

Établissement national des invalides de la marine (ENIM)

-

41

Salariés du Port autonome de Strasbourg

Régime du Port autonome de Strasbourg

-

42

Ministres des cultes

Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC)

-

(*) Le régime dassurance vieillesse des artistes-auteurs est présenté plus exhaustivement au commentaire de larticle 52.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

D.   L’accumulation de missions assignées au système de retraite

Malgré leur éclatement, l’ensemble des régimes de retraite partagent une série de missions communes visant à soutenir « le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations » (article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale).

Si les missions sont partagées par les différents régimes, leurs modalités d’application diffèrent. Cela rajoute un élément de complexité à la compréhension d’ensemble et au pilotage des évolutions.

Irriguant la quasi-totalité des régimes de retraite obligatoires, ce principe de répartition est assuré chaque année par l’affectation des cotisations d’une année au financement des retraites la même année.

Il se décline en plusieurs missions, progressivement étoffées et désormais au nombre de quatre, définies à l’article L. 111-2-1 précité :

– la garantie de la contributivité, qui doit assurer aux retraités le versement d’une retraite « en rapport avec les revenus quils ont tiré de leur activité ». Les formules retenues pour le calcul de la retraite et l’application proportionnelle des cotisations d’assurance vieillesse soutiennent ce principe ;

– l’équité de traitement, s’agissant tant de la durée de versement de la pension que de son montant. Cette équité doit prévaloir sans distinction entre sexes, statuts, régimes ou générations ;

– la solidarité intragénérationnelle et intergénérationnelle, qui fonde notamment l’existence des droits familiaux et conjugaux et du minimum vieillesse ;

– la pérennité financière du système, à partir de ressources financées équitablement entre générations et entre revenus.

Définies par la loi du 20 janvier 2014 ([14]), ces quatre missions sont analysées chaque année dans les travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR), tant au regard de la situation actuelle que des projections à court et moyen termes.

Il revient ensuite au Comité de suivi des retraites (CSR), dans son avis annuel, d’indiquer si le système de retraite s’éloigne d’un ou plusieurs de ces quatre objectifs. Dans cette hypothèse, il doit formuler des recommandations destinées à en garantir le respect. Le Gouvernement doit ensuite consulter les partenaires sociaux et présenter au Parlement « les suites quil entend donner aux recommandations » (article L. 114-4 du code de la sécurité sociale) ([15]).

II.   La création d’un système universel plus juste et plus lisible

L’article 1er du projet de loi pose les fondations du système universel de retraite.

Il en inscrit les principes-clefs et les missions dans le chapitre liminaire du code de la sécurité sociale (I). Loin de se limiter à une déclaration d’intentions, aussi fondamentale soit-elle, la définition des objectifs du système universel de retraite sert de boussole au pilotage du système de retraite et oriente, par les indicateurs qui les traduisent, les choix juridiques opérés.

Il renvoie par ailleurs à une loi de programmation l’aménagement d’un dispositif de garantie du niveau des pensions pour le cas particulier des personnels enseignants et chercheurs (II).

A.   Le triple impératif d’un système universel, par répartition et solidaire

Le I de l’article 1er définit les principes-clefs du nouveau système de retraite. Il ajoute aux trois piliers actuels d’un système obligatoire, solidaire et par répartition, le quatrième pilier de l’universalité.

Figurant actuellement aux côtés de ceux de notre système de santé, les grands principes et objectifs de notre système de retraite sont désormais renvoyés à un article distinct, le nouveau L. 111-2-1-1 ( du I).

Les références au système de retraite figurant jusqu’alors à l’article L. 111-2-1 sont, en conséquence, abrogées ( du I).

Enfin, en cohérence avec le vocabulaire retenu dans la suite du projet de loi, l’article liminaire du code de la sécurité sociale L. 111-1, qui fait aujourd’hui référence aux « allocations vieillesse », renvoie désormais aux « prestations de retraite » ( du I).

1.   La réaffirmation du choix d’un système obligatoire par répartition

● Le choix d’un système de retraite par répartition a été affirmé et répété sans discontinuer depuis la Libération.

Il visait notamment à tirer les leçons de l’échec de tentatives de capitalisation amorcées avant la Seconde Guerre mondiale – en particulier via la loi du 5 avril 1928 sur les assurances sociales – et à garantir un revenu de remplacement décent pour tous les retraites. De fait, un système dans lequel les retraites d’une année sont financées par les cotisations de la même année permet d’agir sans attendre sur le niveau de vie des retraités, en particulier dans un contexte de reconstruction et de forte croissance de la masse salariale.

Il irrigue désormais l’ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires, à de rares exceptions près – essentiellement RAFP, totalement provisionné.

● Ce choix n’a pourtant été porté que récemment au frontispice de notre droit.

Les trois dernières réformes législatives des retraites ont affirmé cet attachement de la Nation au principe d’un système par répartition :

– l’article 1er de la loi du 21 août 2003 ([16]) porte « solennellement le choix [par la Nation] de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations » ;

– la loi du 9 novembre 2010 ([17]) a inscrit ce principe fondamental dans le code de la sécurité sociale, en dupliquant les termes de la loi du 21 août 2003 à l’article L. 161-17 A ;

– la loi du 20 janvier 2014 précitée a ensuite rehaussé ce principe dans le chapitre 1er du titre 1er du livre 1er du même code, à l’article L. 111-2-1.

● Ce choix d’un système de retraite obligatoire par répartition est conforté par l’article 1er du projet de loi, qui en renforce la portée dans le code de la sécurité sociale.

Cette portée – davantage déclarative que normative – irrigue l’ensemble du nouveau système de retraite, qui réduit à l’exception les cas de retraite par capitalisation.

La rédaction retenue au nouvel article L. 111-2-1-1 diffère à la marge de celle issue des trois réformes précitées. L’attachement de la Nation à un « financement par répartition » est maintenu, expression de la « solidarité entre générations, unies dans un pacte social ».

2.   La fondation d’un système universel de retraite

Le principe d’universalité, qui irrigue l’ensemble du nouveau système de retraite, est inscrit à ce même article L. 111-2-1-1.

Deux mentions y font référence expressément : « lattachement [solennel de la Nation] à un système universel de retraite » et l’attribution d’objectifs « au système universel de retraite ».

Loin d’être anodine, cette référence à l’universalité constitue le fait générateur de l’ensemble des autres dispositions du projet de loi. En découle notamment l’intégration de l’ensemble des régimes actuels dans une Caisse nationale de retraite universelle. En découle également l’application de paramètres identiques quel que soit le statut – notamment en termes de financement ou de condition d’ouverture des droits – tout en prévoyant des aménagements spécifiques prenant en compte des sujétions particulières ou des situations spécifiques. En ce sens, l’universalité ne peut être confondue avec l’unicité.

Au total, les trois choix affirmés par la Nation au titre de l’universalité, du caractère obligatoire et de la répartition tendent vers une finalité commune : la solidarité intergénérationnelle.

B.   La définition d’un ensemble cohérent de missions orientées vers l’équité et la soutenabilité

● Le I de l’article 1er assigne six objectifs au système universel de retraite.

Le tableau infra les recense et en précise les principales traductions en termes d’outils ou de dispositifs.

Plutôt qu’une reconduction à périmètre constant des objectifs retenus par le droit en vigueur, la rédaction proposée renouvelle les missions du système de retraite et crée les conditions d’une adhésion renforcée au système par répartition.

Les six objectifs assignés au système universel et leur traduction

Missions*

Déclinaison*

Dispositions rattachées

Équité

Garantir que chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous

Champ d’application universel (articles 2 à 7)

Valeur d’achat et valeur de service du point identiques pour tous (article 8)

Équité contributive du financement (articles 13 à 22)

Gouvernance universelle (articles 49 à 56)

Solidarité au sein de chaque génération

Corriger les inégalités de retraite et tenir compte des situations spécifiques

Départ anticipé pour carrière longue (article 28)

Prise en compte du handicap, de l’inaptitude, et de l’invalidité (articles 29 à 31)

Droits ouverts au titre de l’exposition aux facteurs de risques professionnels
(articles 32 à 35)

Revalorisation des minima de pension (article 41)

Droits familiaux, conjugaux et liés aux interruptions de carrières (article 42 à 46)

Création du Fonds de solidarité vieillesse universel (article 59)

Garantie dun niveau de vie satisfaisant

Garantir le rapport entre les revenus perçus pendant la vie active et la retraite

Règles d’indexation des retraites (article 11)

Garantie d’une retraite minimale pour les carrières complètes (article 40)

Liberté de choix**

Laisser le choix du départ à la retraite, dans le respect d’un âge légal

Ouverture des droits à compter d’un âge minimal (article 23)

Aménagement des transitions entre l’activité et la retraite (articles 24 à 27)

Aménagement de l’âge pour les métiers dangereux régaliens (articles 36 et 37)

Soutenabilité économique et équilibre financier

Assurer le financement du système par des cotisations et contributions réparties équitablement entre les assurés et entre les assurés et les employeurs, et par la constitution de réserves

Age d’équilibre et mécanismes de décote et surcote (article 10)

Pilotage financier du système
(articles 55 et 56)

Création du Fonds de réserves universel (article 59)

Règle d’or d’équilibre du système des retraites (article 1er du projet de loi organique)

Lisibilité des droits constitués par les assurés**

Accompagner les assurés tout au long de leur vie active

Accès des assurés à l’information et calcul de leurs droits (article 12)

(*) Telles que définies dans la rédaction du nouvel article L. 111-2-1-1 du code de la sécurité sociale issue du projet de loi.

(**) Nouvelle mission par rapport au droit en vigueur.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

● Le même I précise que ces six objectifs sont déclinés en « indicateurs de suivi », dans le cadre du pilotage d’ensemble du système universel de retraite.

Cette mention d’indicateurs de suivi, qui peut être rapprochée de la notion de performance irriguant depuis vingt ans la conduite des politiques publiques, trouve sa concrétisation dans deux autres articles du projet de loi :

– l’article 55, relatif au pilotage financier du système de retraite ;

– l’article 56, relatif au rôle du nouveau comité d’expertise indépendant des retraites.

Ces indicateurs donneront toute leur portée aux différents objectifs du système universel, en orientant son pilotage et en éclairant les délibérations du conseil d’administration de la future Caisse nationale de retraite universelle. Ils seront particulièrement utiles pour définir la notion de niveau de vie « satisfaisant », dont la pleine portée n’a pu être précisée par le Gouvernement à ce stade.

C.   L’aménagement d’une phase transitoire indispensable pour les personnels enseignants et chercheurs

Fondamentale pour la réussite de la mise en place du système universel de retraite, la transition est rapidement apparue comme particulièrement délicate pour le cas des personnels enseignants et chercheurs.

La structure de leur rémunération et de leur trajectoire salariale rend indispensable l’aménagement d’un régime spécifique, qui leur garantira une contributivité et un rendement équivalents à ceux perçus par les fonctionnaires appartenant à des corps comparables.

En parallèle des concertations lancées en 2019 par le Gouvernement, il est proposé de renvoyer à une loi de programmation la définition de cet aménagement (II).

Deux lois de programmation relatives à la revalorisation des rémunérations sont prévues, qui couvriront respectivement :

– les personnels enseignants ayant la qualité de fonctionnaire relevant des établissements du premier degré, de ceux du second degré et de ceux d’enseignement spécialisés ;

– les personnels enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs ayant la qualité de fonctionnaire relevant des établissements d’enseignement supérieur et des établissements publics à caractère scientifique et technologique.

Le rapporteur formule le vœu que les échéances de ces deux lois de programmation puissent être précisées lors des débats parlementaires – dès lors que tout amendement s’y attelant serait irrecevable car considéré comme une injonction au Gouvernement.

*

*     *

 


–  1  –

Section 2
Champ dapplication

Articles 2 à 7
Champ dapplication du système universel de retraite

Les articles 2 à 7 traduisent, dans l’architecture du code de la sécurité sociale, la couverture de l’ensemble des assurés nés à compter de 1975 et travaillant en France par le système universel de retraite.

Pilier de la réforme systémique, l’universalité implique d’assurer une couverture vieillesse complète, mettant fin à la logique professionnelle ou statutaire ayant prévalu jusqu’ici.

Elle se traduit par l’intégration des agents publics dans le code de la sécurité sociale qui emporte, outre une forte dimension symbolique, des conséquences juridiques réelles.

L’universalité ne vaut toutefois pas unicité : les modalités de prise en compte des spécificités et de poursuite de l’activité des régimes existants au sein du système universel sont renvoyées aux articles suivants du projet de loi, qui procèderont aux adaptations nécessaires en matière, notamment, de financements et de gouvernance.

Le système universel sera ainsi composé de cinq régimes (le régime général des salariés, celui des fonctionnaires, magistrats et militaires, celui des salariés agricoles, celui des non-salariés agricoles et celui des marins), auxquels s’ajoutera le régime complémentaire du personnel navigant aérien. Ces régimes s’appuieront sur un ensemble d’organismes gestionnaires, en charge du service des prestations du système universel, dans le cadre de conventions conclues avec la future Caisse nationale de retraite universelle dans les conditions définies au titre IV du projet de loi.

I.   L’universalité comme vecteur d’une couverture vieillesse intégréE et harmonisée

Mettant fin à l’éclatement juridique du droit en vigueur et au foisonnement des sources applicables, l’article 2 rassemble dans un titre unique du code de la sécurité sociale l’ensemble des règles relatives au système universel de retraite.

A.   Une construction juridique actuelle foisonnante

La construction progressive du système français d’assurance vieillesse s’est fondée sur un empilement de règles et de dispositifs rattachés à des catégories socioprofessionnelles.

En dépit d’un mouvement continu de convergence, accéléré par la réforme de 2003, cet éclatement du droit applicable se traduit par un ensemble juridique foisonnant, tant au sein du code de la sécurité sociale – qui porte l’essentiel du droit applicable – qu’au sein d’autres codes. De nombreuses règles relèvent d’ailleurs de simples décrets, modifiés au fil des réformes par voie réglementaire.

Le tableau infra recense les principales sources codifiées applicables aux différents statuts.

Sources juridiques des régimes d’assurance vieillesse

Statuts professionnels

Références juridiques

Salariés du commerce, de l’industrie et des services

Titre V du livre III du code de la sécurité sociale

Salariés agricoles

Article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime

Artisans, industriels et commerçants

Article L. 634-2 du code de la sécurité sociale

Exploitants agricoles

Articles L. 722-15 et L. 732-56 du code rural et de la pêche maritime

Professionnels libéraux (hors avocats)

Article L. 640-1 du code de la sécurité sociale

Avocats

Article L. 651-1 du code de la sécurité sociale

Fonctionnaires de l’État, magistrats et militaires

Code des pensions civiles et militaires de retraite

Fonctionnaires des collectivités territoriales et du secteur hospitalier

Décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales

Marins

Code des transports

Personnel des industries électriques et gazières

Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières

Travailleurs des mines

Décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines

Clercs et employés de notaires

Décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 portant application de la loi du 12 juillet 1937 instituant une caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et modifiant certaines dispositions relatives à cette caisse

Personnel de l’Opéra national de Paris

Décret n° 68-382 du 5 avril 1968 portant statut de la caisse de retraite des personnels de l’Opéra national de Paris

Personnel de la Comédie-Française

Décret n° 68-960 du 11 octobre 1968 modifiant le statut de la caisse de retraites du personnel de la Comédie-Française

Personnel de la SNCF

Décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités

Personnel de la RATP

Décret n° 2008-637 du 30 juin 2008 portant règlement des retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens

Personnel de la Banque de France

Décret n° 2007-262 du 27 février 2007 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France et règlement annexé

Personnel du port autonome de Strasbourg

Règlement des pensions du personnel titulaire du port autonome de Strasbourg

Ouvriers des établissements industriels de l’État

Décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

B.   Luniversalité comme support dune architecture resserrée

● L’article 2 crée un nouveau titre dans le code de la sécurité sociale, qui hébergera le système universel de retraite.

Pour ce faire, le livre Ier est complété par un titre IX intitulé « Système universel de retraite ».

Il comprend un article liminaire, numéroté L. 190-1, qui donne une définition au système universel et précise les dates d’entrée en vigueur.

S’agissant de sa définition, le système universel est présenté à partir de :

– son champ : « un ensemble de règles de calcul et de conditions de versement des retraites » ;

– son universalité : « une organisation, [un] financement et [un] pilotage unifiés et communes à tous les assurés » ;

– son public : « tous les assurés qui exercent une activité professionnelle en étant soumis à la législation française de sécurité sociale ».

S’agissant de son entrée en vigueur, le système universel sera applicable :

– à partir du 1er janvier 2022, pour les assurés nés à compter du 1er janvier 2004 ;

– à partir du 1er janvier 2025, pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975.

Les assurés appartenant à ces générations relèveront exclusivement des dispositions insérées dans ce nouveau titre IX, complétées le cas échéant par les renvois effectués dans le code de la sécurité sociale, le code rural et de la pêche maritime ou le code des transports.

● Ce titre est enrichi, au fil du projet de loi, par onze chapitres qui en dessinent les contours.

Ces chapitres sont organisés dans un ordre articulant le calcul des droits, les dispositifs de solidarité et d’information des assurés, le financement du système universel et sa gouvernance. Leur projet de loi les décline donc dans une logique thématique, et non dans un ordre croissant.

Pour en simplifier la lecture, le tableau infra donne une vision agrégée de ce nouveau titre portant création du système universel.

Chapitres composant le nouveau titre IX
relatif au système universel de retraite

Chapitres

Intitulés

Articles du projet de loi en portant création

Ier

Calcul de la retraite et modalités de constitution des droits

8

II

Départs anticipés

28

III

Cumul de tout ou partie de la retraite avec une activité professionnelle

24

IV

Acquisition facultative de points

27

V

Dispositifs de solidarité

40

VI

Droits familiaux de retraite

44

VII

Retraites de réversion

46

VIII

Droit à l’information des assurés et dispositions communes

12

IX

Organisation du système universel de retraite

49

X

Financement du système universel de retraite

58

XI

Pilotage financier du système de retraite

55

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

II.   La codification de luniversalité pour lensemble des assurés

● Les paramètres régissant le système universel de retraite s’appliqueront à l’ensemble des assurés entrant dans son champ, dès lors qu’ils relèvent de générations postérieures à 1975.

La référence à ces générations, qui figure au II du nouvel article L. 190-1, est reprise à chacun des articles 3 à 7 du projet de loi.

Elle constitue ainsi le vecteur de l’intégration des différents assurés – quel qu’en soit le statut ou la profession – dans le système universel, dès lors qu’ils appartiennent aux générations visées.

Surtout, elle donne tout son sens à la compétence confiée au législateur, aux termes de l’article 34 de la Constitution, pour déterminer les catégories de personnes affiliées à un régime de sécurité sociale, et mettra ainsi un terme au foisonnement de sources textuelles, parfois réglementaires.

● Le système universel, qui correspond à un ensemble de règles, se déclinera en cinq régimes d’affiliation.

Le nouvel article L 190-1 renvoie ainsi la mise en œuvre du système universel au régime général, au régime de la fonction publique, aux deux régimes agricoles (couvrant les salariés et les non-salariés agricoles) et au régime des marins.

La gestion de ces régimes sera ensuite assurée par plusieurs caisses, dans le cadre d’une procédure de délégation définie au titre IV du projet de loi.

A.   Le renvoi des assurés du régime général au système universel

● L’article 3 intègre les assurés du régime général dans le champ du système universel.

Deux catégories d’assurés sont visées, dès lors qu’ils appartiennent aux générations couvertes par le système universel :

– les assurés du régime général () ;

– les assurés n’exerçant aucune activité professionnelle, ou seulement à temps partiel, dès lors qu’ils bénéficient du complément familial ou de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ou qu’ils assument la charge d’un enfant en situation de handicap ().

● L’article 3 prévoit par ailleurs une « clause balai » visant à assurer la couverture de tout agent public n’étant pas couvert, dans le système universel, par un autre régime de retraite légalement obligatoire.

Cette couverture comprend à la fois :

– la retraite de base, via l’extension du champ du régime général () ;

– la retraite complémentaire, via l’extension du champ de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) ().

B.   Le renvoi des travailleurs indépendants au système universel

L’article 4 procède à l’intégration des travailleurs indépendants ([18]) dans le champ du système universel.

Deux leviers y contribuent.

● Le champ du régime général, tout d’abord, est élargi à l’ensemble des travailleurs indépendants nés à compter de 1975.

Cela passe par l’intégration dans la branche vieillesse du régime général :

– de la catégorie générique des travailleurs indépendants, en ce qui concerne leurs prestations de retraite. Pour ce faire, l’article L. 200-1 du code de la sécurité sociale, qui définit le champ du régime général, y inclut désormais les travailleurs indépendants nés à compter de 1975 () ;

– des avocats salariés, qui étaient jusqu’ici rattachés au régime général pour les seuls risques non couverts par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). À l’avenir, les avocats salariés nés à compter de 1975 seront rattachés à la branche vieillesse du régime général, à l’exception du risque invalidité-décès, qui restera assuré par la CNBF ().

● De manière symétrique, les dispositions consacrées aux travailleurs indépendants – qui figurent dans le livre VI du même code – sont enrichies de références au système universel, via des renvois au II de l’article L. 190-1, support de l’intégration des générations postérieures à 1975 dans le système universel.

Ces renvois figurent plus précisément :

– au nouvel article L. 617-1, qui inclut dans le système universel l’ensemble des prestations de retraite servies aux indépendants nés à partir de 1975 (3°) ;

– aux articles L. 631-1 (4°), L. 640-1 (5°) et L. 651-1 (6°), relatifs respectivement au régime d’assurance invalidité-décès des artisans et des commerçants, à celui des professions libérales relevant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et à celui des avocats. Aujourd’hui assurée par le même régime – qu’il s’agisse du SSTI, de la CNAVPL ou de la CNBF –, la couverture des risques vieillesse et invalidité-décès sera demain dissociée pour les générations postérieures à 1975.

Au total, deux situations distinctes coexisteront, durant la phase de transition :

– une couverture commune aux risques vieillesse et invalidité-décès, pour les travailleurs indépendants nés avant 1975 ;

– une couverture distincte de ces deux risques, entre le risque vieillesse relevant du système universel et le risque invalidité-décès maintenu dans les régimes préexistants, pour les travailleurs indépendants nés à partir de 1975.

C.   Le renvoi des salariés et des non-salariés agricoles au système universel

L’article 5 effectue les coordinations nécessaires à l’intégration du système universel dans le code rural et de la pêche maritime.

Cette intégration couvre à la fois :

– les exploitants agricoles (). La section 3 du chapitre relatif aux prestations sociales versées aux non-salariés agricoles, consacrée aux assurances vieillesse et veuvage, se décline actuellement en plusieurs sous-sections relatives à la retraite de base, à la retraite complémentaire, au paiement des pensions et à l’assurance veuvage. Une sous-section 4 s’y ajoutera, consacrée à l’application du système universel de retraite aux générations postérieures à 1975 ;

– les salariés agricoles (). L’article L. 742-3 du même code renvoie au régime général, dans le droit en vigueur, la couverture des différents risques de sécurité sociale des salariés agricoles. Ce renvoi est complété par une référence au nouveau titre IX relatif au système universel, le rendant ainsi applicable dans les mêmes conditions que les autres salariés.

Ici aussi, le droit codifié portera les deux situations distinctes durant la phase de transition :

– l’application du droit en vigueur pour les générations antérieures à 1975 ;

– la distinction, dans le code, de la situation des générations postérieures à 1975, couvertes par le système universel.

D.   Le renvoi des fonctionnaires, magistrats et militaires au système universel

L’article 6 assure la couverture des fonctionnaires, des magistrats et des militaires par le système universel de retraite.

1.   La distinction entre les fonctionnaires nés après 1975, relevant du code de la sécurité sociale, et ceux nés avant 1975, maintenus dans le code des pensions civiles et militaires

● Loin d’être négligeable symboliquement, l’intégration des agents publics dans le code de la sécurité sociale vient mettre un terme à plusieurs décennies de foisonnement textuel et de sources disparates ( du I).

Le livre VII de ce code, consacré aux « Régimes divers [et] dispositions diverses », est complété par un titre II relatif au système universel, pour les agents nés à compter de 1975.

La rédaction retenue permet :

– de couvrir l’ensemble des agents publics ([19]), à quelques exceptions près explicitées dans le tableau infra ;

– de tenir compte des services accomplis à titre accessoire, sous réserve qu’elles ne soient pas contractuelles. Cela recouvre par exemple la participation rémunérée d’un fonctionnaire à un jury de concours ;

– de conserver la règle actuelle selon laquelle les fonctionnaires, les magistrats et les militaires restent affiliés à leur régime de retraite, y compris si leurs services ont été accomplis à l’étranger ou dans une collectivité d’outre-mer. Un principe limité d’extraterritorialité dérogera donc à la règle générale d’application du régime obligatoire d’assurance vieillesse en dehors de la France métropolitaine et des collectivités d’outre-mer mentionnées à l’article L. 751-1 du code de la sécurité sociale.

Le tableau infra précise le champ d’application de la rédaction retenue.

Champ d’application du titre II relatif à l’intégration
des fonctionnaires dans le système universel de retraite

Dans le champ dapplication du titre II

Fonctionnaires de l’État (*)

(loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)

Fonctionnaires de la documentation et du contre-espionnage (**)

(article 2 de la loi n° 53-39 du 3 février 1953 relative au développement des crédits affectés aux dépenses de fonctionnement des services civils pour l’exercice 1953)

Fonctionnaires parlementaires

(article 8 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires)

Magistrats

(ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Militaires

(quatrième partie du code de la défense)

Hors du champ dapplication du titre II

Agents publics qui exercent une activité professionnelle indépendante ou une activité professionnelle salariée dans le cadre d’un contrat de droit privé ou de droit public, à l’exception :

– des militaires sous contrat (***) ;

– des fonctionnaires de l’État et des magistrats détachés sur contrat de droit public auprès d’une administration ou d’un établissement public de l’État situé dans une collectivité d’outre-mer autre que celles mentionnées à l’article L. 751-1 (****)

Agents publics détachés dans une fonction publique élective locale (*****)

Agents publics détachés auprès d’une administration ou d’un organisme implanté sur le territoire d’un État étranger ou auprès d’un organisme international (******)

(*) Les conseillers d’État, les magistrats de la Cour des comptes et les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont statutairement des fonctionnaires relevant du statut général de 1983.

(**) Recouvre les agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

(***) Cette exception se justifie par le principe d’unité de traitement des militaires.

(****) Cette exception se justifie par la nécessité de maintenir l’attractivité de postes éloignés géographiquement.

(*****) Tout mandat électif local entraînera l’affiliation au régime général, peu importe le statut de son titulaire.

(******) Ces agents devront adhérer à l’assurance vieillesse volontaire du système universel pour acquérir des droits à retraite en France durant la période de détachement, comme tout salarié se trouvant dans la même situation.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

L’ensemble des dispositions du nouveau titre IX relatif au système universel s’appliqueront aux fonctionnaires, à l’exception des dispositions du présent titre.

● En toute logique, les fonctionnaires, magistrats et militaires appartenant à des générations antérieures à 1975 relèveront toujours des dispositions actuellement en vigueur, regroupées dans le code des pensions civiles et militaires.

Par effet miroir, le II exclut du champ du code des pensions civiles et militaires :

– en 2022, les assurés nés à partir de 2004 ;

– en 2025, ceux nés à partir de 1975.

Ils seront désormais régis par les nouvelles dispositions précitées du code de la sécurité sociale relatives au système universel.

● Conséquence de leur intégration dans le système universel, les fonctionnaires des assemblées parlementaires ne verront plus leur régime de retraite déterminé par le bureau desdites assemblées (III).

La rédaction de l’article 8 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est modifiée en cohérence. Le bureau de l’Assemblée nationale et celui du Sénat devront, par la suite, en tirer les conséquences.

Aucune modification n’est en revanche apportée au statut des fonctionnaires parlementaires, qui relèvera – demain encore – de la compétence du bureau des assemblées concernées.

2.   Deux dérogations spécifiques

Deux dérogations provisoires sont prévues à l’article 6, pour prendre en compte deux situations spécifiques.

● Le IV exclut du nouveau titre II précité les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers qui occupent un emploi permanent à titre non complet – dit « TNC » – et sont nommés à cet emploi avant le 1er janvier 2025 dès lors qu’ils ne sont pas affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

Ces agents relèvent, dans le droit en vigueur, du régime général pour leur retraite de base et de l’IRCANTEC pour leur retraite complémentaire. Dans les deux cas, le régime de cotisation applicable est très proche du système-cible – contrairement aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers qui, affiliés à la CNRACL, partent d’une situation plus éloignée.

Leur affiliation au régime général, qui se traduira par une convergence plus rapide avec le système-cible, se prolongera jusqu’à la date à laquelle ces agents cesseront d’occuper cet emploi, et au plus tard le 1er janvier 2039 – date limite à laquelle les cotisations de l’ensemble des fonctionnaires auront rattrapé celles du système universel.

● À l’inverse, le V inscrit expressément dans le même nouveau titre II précité les fonctionnaires et magistrats détachés sur un contrat de droit public conclu ou renouvelé antérieurement au 31 décembre 2025.

En régime de croisière, les fonctionnaires détachés sur un contrat de droit public seront affiliés – comme tout agent contractuel de droit public – au régime général d’assurance vieillesse du système universel.

Une phase de transition est néanmoins prévue pour éviter un alignement trop brutal des cotisations à verser dans le système cible. Les fonctionnaires déjà détachés sur un contrat de droit public en 2025 ne seront pas concernés par ces nouveaux taux, tant qu’ils ne changeront pas d’emploi. Ils relèveront de la trajectoire de montée en charge applicable aux fonctionnaires sur quinze ans.

Dès lors que les détachements ont une durée limitée, aucune date d’interruption de cette dérogation n’est nécessaire : la disposition ne produira plus d’effets une fois l’ensemble de ces détachements ante-2025 achevés.

E.   Le renvoi des agents des régimes spéciaux au système universel

L’article 7, enfin, bascule dans le régime général l’ensemble des agents relevant jusqu’ici des régimes spéciaux de retraite.

● La quasi-totalité des agents des régimes spéciaux voient cette affiliation au régime général inscrite « en dur » au nouvel article L. 381-32 du code de la sécurité sociale, définissant une catégorie générale d’« autres catégories de salariés affiliés au régime général » ( du I).

Sont directement concernés :

– les salariés de la SNCF ;

– ceux de la RATP ;

– les clercs et employés de notaires ;

– les salariés des industries électriques et gazières ;

– les agents titulaires de la Banque de France ;

– les membres du personnel de l’Opéra national de Paris engagés pour une durée indéterminée, ainsi que, pour la période où leurs contrats les placent à disposition du théâtre, les personnels artistiques du chant, des cœurs, de la danse et de l’orchestre ;

– les artistes aux appointements et les employés à traitement fixe de la Comédie-Française ;

– les ouvriers des établissements industriels de l’État ;

– les personnes ayant été affiliées avant le 1er septembre 2010 au régime de sécurité sociale dans les mines ;

– les employés du port autonome de Strasbourg ;

– les personnes régies par la loi du 18 germinal an X relative à l’organisation des cultes et par l’ordonnance du 25 mai 1844 portant règlement pour l’organisation du culte israélite ;

– les membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

● Le champ couvert par le régime général, défini à l’article L. 200-1 du même code, est complété par la mention de ces nouveaux assurés ( du I).

Un 5° y est ajouté, actant l’intégration dans le système universel :

– des différentes catégories de salariés ayant jusqu’ici relevé des régimes spéciaux et mentionnés supra ;

– des parlementaires, par renvoi à la disposition inscrite à l’article 3 du projet de loi organique.

● Les marins font l’objet d’une disposition spécifique, sous la forme d’une inscription dans le code des transports doublée d’un renvoi à une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance (II).

L’intégration des assurés marins nés à partir de 1975 dans le système universel est traduite dans le code des transports (A du II).

Les règles du système universel seront néanmoins aménagées, dans le cadre d’une ordonnance à publier dans les douze mois suivant la promulgation de la loi (B du II). Cette ordonnance inscrira dans le code des transports les aménagements apportés en matière :

– d’âge d’ouverture des droits et d’âge d’équilibre ;

– de cotisations d’assurance vieillesse et de prise en charge par l’État d’une partie de leur niveau dans le cadre de la phase transitoire ;

– d’avenir de leur gouvernance, via la redéfinition du rôle de l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM) et l’articulation de son rôle avec le système universel.

Le choix du recours à une ordonnance pour le cas particulier des marins se justifie pleinement par leur éloignement du système-cible. N’ayant pas été concernés par les réformes des retraites conduites depuis 1993, les dérogations nécessitent un temps de concertation et d’adaptation supplémentaires, en particulier dans un contexte de « Brexit » et de compétitivité. Selon les informations transmises au rapporteur, les marins devraient pouvoir préserver leur âge minimal de départ à 55 ans sans aucune baisse de pension.

L’ordonnance devrait faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé au Parlement dans les trois mois suivant sa publication.

III.   L’unification du contentieux des droits à retraite comme conséquence du système universel

Conséquence de l’universalisation de la couverture d’assurance vieillesse, la compétence en matière de contentieux relatif à l’assurance vieillesse sera unifiée, relevant dans sa totalité du contentieux général de la sécurité sociale.

Jusqu’ici, le contentieux des droits à pension était dissocié entre l’ordre administratif – en charge des assurés de la fonction publique – et l’ordre judiciaire – compétent pour l’ensemble des autres assurés.

Le du I en tire les conséquences à l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, en explicitant l’inclusion du système universel dans le champ des litiges relevant du pôle social de la juridiction judiciaire.

Cette clarification ne contrevient pas aux principes constitutionnels, dès lors que les litiges relatifs aux droits à retraite ne sont pas dans le champ de ceux réservés à l’ordre administratif par le principe fondamental reconnu par les lois de la République aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987 ([20]).

Elle induira toutefois, nécessairement, un dialogue fréquent entre les juridictions administrative et judiciaire, dès lors que certains contentieux de pensions – en particulier ceux des militaires, dont une partie de la liquidation portera exclusivement sur les services accomplis dans l’armée – relèveront du champ d’action traditionnel de l’ordre administratif.

*

*     *

 


–  1  –

Chapitre II
Le droit à une retraite par points

Section 1
Paramètres de calcul des retraites

Articles 8 et 9
Modalités de calcul et dacquisition du point,
unité de mesure dun système juste et transparent

L’article 8 du projet de loi définit le point comme unité de calcul de l’ensemble des droits à retraite du système universel par répartition.

Cette nouvelle unité met un terme à la complexité des règles applicables aujourd’hui, la plupart des assurés relevant d’un régime de base en annuités et d’un régime complémentaire en points.

Outre sa lisibilité et sa transparence, le système par points sera un levier de redistribution entre assurés. L’analyse des règles de calcul actuelles laisse apparaître un cœur de système anti-redistributif, favorable aux seules carrières ascendantes et complètes. Si les inégalités de salaires se réduisent à la retraite, cela est uniquement le fruit des dispositifs de solidarité, non contributifs, financés par la solidarité nationale plutôt que par les cotisations des assurés.

Le choix porté par l’article 8 est donc celui d’une plus grande contributivité du système, destinée à concrétiser ce qui devrait pourtant relever de l’évidence : la retraite reflète la carrière, et traduit fidèlement les droits consitués. Il mettra fin aux effets anti-redistributifs constatés actuellement, particulièrement défavorables aux femmes, aux bas salaires et aux carrières heurtées. Au total, le renforcement du caractère contributif du système de retraite ira de pair avec une réduction des inégalités de pensions versées.

L’acquisition de points au titre des cotisations sera complétée par un ensemble de droits familiaux et conjugaux, définis au titre III du projet de loi, qui prolongeront les solidarités du système actuel tout en les adaptant.

L’article 9 précise les modalités de fixation et de revalorisation des deux valeurs du point : sa valeur d’acquisition, d’une part ; sa valeur de service, d’autre part.

Fait marquant, les droits portés au compte ne seront plus revalorisés en fonction de l’inflation mais de l’évolution du revenu moyen par tête. Plus dynamique et harmonisée pour l’ensemble des assurés, cette nouvelle indexation mettra surtout un terme à la dévalorisation actuellement constatée pour les droits constitués en début de carrière, en particulier pour les trajectoires salariales les plus stables. Elle entrera progressivement en vigueur, afin de ne pas déstabiliser l’équilibre financier du nouveau système, jusqu’à s’appliquer pleinement à compter de 2045.

L’ensemble des règles d’indexation et leurs modifications au fil du temps sont renvoyées au commentaire de l’article 11, relatif aux modalités de revalorisation des pensions versées.

I.   L’hétérogénéité de règles de calcul devenues illisibles

L’hétérogénéité et la complexité de notre système de retraite ne se limitent pas à la seule coexistence de nombreux régimes. Elles résultent également du foisonnement des règles et des paramètres applicables, jouant tant sur les règles d’acquisition des droits que sur le calcul de la pension.

Bien que souvent présentée comme l’unité de compte du système actuel, l’annuité se limite en réalité pour l’essentiel aux régimes de retraite de base. Elle coexiste avec l’unité du point, qui couvre notamment la totalité des régimes complémentaires.

La coexistence de multiples règles de calcul s’accompagne d’une complexité réelle pour les assurés qui, pour la plupart, relèvent donc d’un régime de base en annuités et d’un régime complémentaire par point.

Unité de compte des régimes de retraite franÇais

 

Régimes de base

Régimes complémentaires

Salariés

Annuité

Point

Artisans et commerçants

Annuité

Point

Non-salariés agricoles

Annuité (pension forfaitaire)

+ Point (pension proportionnelle)

Point

Professions libérales

Point (CNAVPL)

Annuité (CNBF)

Point*

Fonctionnaires

Annuité (régime intégré base + complémentaire)

+ Point (régime additionnel de la fonction publique)

(*) À lexception de la Caisse de retraite complémentaire du personnel navigant professionnel de laéronautique civile (CRPNPAC), dont lunité de compte est le jour travaillé.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Quelle que soit la technique de calcul retenue, l’ensemble des régimes partagent le même principe de contributivité, la pension versée devant refléter le montant des droits cotisés.

A.   Les régimes en annuités

Les régimes en annuités retiennent comme paramètres de calcul une durée d’assurance et un salaire de référence. Ils poursuivent un objectif commun de revenu de remplacement, mais suivent des règles propres à chaque régime.

Le calcul de la pension à la liquidation résulte de la combinaison des trois facteurs suivants :

– le taux de liquidation, qui rapporte la durée d’assurance ou l’âge de liquidation à la durée ou l’âge du taux plein. Ce taux plein diffère d’un régime à l’autre : il est fixé à 50 % au régime général et à 75 % dans la fonction publique. Lorsque la durée de référence n’est pas atteinte, ce taux plein est minoré par l’application d’une décote ([21]). Au-delà d’un certain âge – dit « âge d’annulation de la décote » –, la condition du taux plein est considérée comme remplie. Cet âge est aujourd’hui fixé à 67 ans. Certains dispositifs permettent également de remplir la condition du taux plein, y compris en cas de durée d’assurance insuffisante, par exemple au titre de l’inaptitude ou du handicap ;

– le coefficient de proratisation, qui rapporte la durée d’assurance de l’assuré à une durée d’assurance de référence. La durée d’assurance de l’assuré, qui peut être exprimée en trimestres ou en années validés, conjugue des périodes validées par cotisations et des périodes validées malgré l’inactivité – par exemple, au titre d’une période de chômage ou d’une majoration pour enfant. Ce coefficient ne peut être supérieur à 1. Depuis 2014, un trimestre s’acquiert sur la base d’un revenu équivalent à 150 SMIC horaire (soit environ 1 523 euros brut en 2020), dans la limite de quatre trimestres par année civile ;

– le salaire de référence, déterminé pour chaque régime en fonction notamment d’un plafond et d’un mode d’indexation. Dans le régime général, il correspond aux vingt-cinq meilleures années de salaire, dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale. Dans la fonction publique, il s’agit du traitement ‑ hors primes – perçu dans les six derniers mois d’activité.

Au total, la pension est calculée à partir de l’équation suivante :

B.   Les régimes en points

Les régimes en points fixent le niveau de la pension en fonction du nombre de points acquis multiplié par une valeur de service.

Cette valeur de service doit être distinguée de la valeur d’achat :

– la valeur d’achat correspond au coût d’un point durant les périodes d’activité. Le nombre de points acquis résulte ainsi du produit du taux de cotisation et du salaire soumis à cotisation – en tout ou partie, selon les régimes – rapporté à cette valeur d’achat. Une valeur d’achat unique est retenue, dans chaque régime, pour tous les assurés ([22]) ;

– la valeur de service est celle qui permet de convertir les points en euros. Cette conversion s’effectue à la liquidation puis se poursuit tout au long de la retraite : le niveau de la pension peut ainsi, selon le mode d’indexation retenu, suivre la trajectoire de l’inflation ou des salaires.

Le rapport entre ces deux valeurs permet d’obtenir un taux de rendement, c’est-à-dire le montant de pension acquis en contrepartie d’un euro cotisé.

Cette formule peut être corrigée dun coefficient – temporaire ou pérenne – déterminé en fonction de la durée de cotisation. Un coefficient majorant augmente le montant de la pension pour tenir compte dune durée dactivité supérieure à un âge de référence. À linverse, un coefficient minorant agit à la baisse sur la pension dun assuré nayant pas atteint cette durée de référence. Les « coefficients temporaires » appliqués par lAGIRC-ARRCO depuis 2019 en sont une illustration.

Le cas particulier de l’AGIRC-ARRCO implique également de souligner que le montant de la pension n’est pas le strict reflet de la formule supra. Le nombre de points acquis diffère en effet des cotisations versées, en application d’un taux dit « d’appel ». Fixé à 127 % actuellement, ce taux d’appel permet d’augmenter le montant des cotisations versées au régime sans augmenter à due proportion le montant des points acquis. Dans les faits, il revient à ce qu’une partie des cotisations versées ne conduise pas à l’acquisition de points. L’augmentation de la valeur d’achat du point est une autre manière d’atteindre ce même résultat.

C.   Un ensemble de règles complexes générant des effets anti-redistributifs

● Rares sont les assurés à ne pas manier plusieurs unités de calcul dans le système de retraite actuel. L’affiliation de la plupart des assurés à un régime de base en annuités et à un régime complémentaire en points entraîne une prise en compte différenciée des périodes d’activité et une valorisation inégale en matière de droits à retraite.

Outre sa complexité, le système actuel apparaît également comme peu juste au regard de la multiplicité des situations existantes :

– dans les régimes par annuités, certaines durées d’activité ne permettent pas de valider des trimestres – car correspondant à des revenus inférieurs à 150 heures au SMIC – et ne sont donc pas prises en compte. À l’inverse, certains polypensionnés peuvent acquérir plus de quatre trimestres par an, voire augmenter leur coefficient de proratisation au-delà de un. Par ailleurs, certains trimestres accordés – par exemple au titre des droits familiaux – peuvent s’avérer inutiles pour des assurés ayant d’ores et déjà atteint le taux plein ;

– dans les régimes par points, les règles d’indexation diffèrent d’une caisse à l’autre, et s’accompagnent de taux de rendement du point pouvant varier du simple au double.

● Plus encore, ces règles de calcul conduisent à accroître, dans le système actuel, les inégalités de revenu.

Certes, les inégalités de pension sont moins élevées que les inégalités de salaire. Le graphique infra précise cet effet, qui se traduit par un écart interdéciles ([23]) de 9,7 en salaires ramené à 4,9 en pensions versées.

Écarts interdéciles des salaires et pensions

Source : EIR 2008 et 2012 ; EIC 2013 et 2008, CREES ; Pensipp.

Mais cette réduction des écarts de revenus entre activité et retraite est avant tout le fruit des dispositifs de solidarité, non contributifs, financés par la solidarité nationale. Ils s’élèvent à environ 61 milliards d’euros en 2016, et représentent plus de 22 % des pensions de droit propre.

Le cœur du système de retraite, en revanche, est quant à lui anti-redistributif : la seule application des règles de calcul de la pension conduit à des inégalités de pension amplifiées par rapport aux inégalités de salaire.

Notre système apparaît particulièrement défavorable aux carrières heurtées ou caractérisées par une stagnation salariale. Ces situations, dans lesquelles les femmes, les bas salaires et les salariés aux fins de carrière les plus compliquées sont surreprésentés, ne bénéficient pas de la règle retenue en matière de salaire de référence – quil sagisse des vingt-cinq meilleures années ou des six derniers mois.

Une double redistribution à l’envers est alors constatée : une redistribution des salaires les plus bas vers les salaires les plus élevés, et une redistribution des carrières les plus heurtées vers les carrières complètes.

Il en résulte un ensemble de facteurs aux effets profondément antiredistributifs, documentés notamment par les travaux de lInstitut des politiques publiques ([24]).

● Les règles actuelles sont d’autant plus défavorables qu’elles retiennent une règle d’indexation des droits portés au compte sur l’inflation.

La seule comparaison des taux de croissance des prix et des salaires depuis vingt-cinq ans suffit à souligner la faible dynamique de l’indexation actuelle, qui dévalorise substantiellement une large partie des salaires cotisés.

Taux de croissance comparé des prix et des salaires depuis 1993

Source : INSEE.

Cette indexation est d’autant moins favorable qu’elle revient à valoriser différemment les droits selon le moment de leur acquisition. En effet, l’indexation des droits portés au compte sur l’inflation – depuis 1987 – conduit à dévaloriser substantiellement les droits acquis en début de carrière. Elle revient à affaiblir la valeur des droits dont l’acquisition est la plus éloignée de la liquidation.

Cette règle d’indexation est donc particulièrement défavorable aux fins de carrière non travaillées et aux assurés dont les trajectoires salariales sont les moins ascendantes.

II.   Le point comme unité d’un système simplifié, lisible et transparent

L’article 8 du projet de loi définit le point comme unité de calcul de l’ensemble des droits à retraite du système par répartition, et en précise les grands principes dans un nouveau chapitre comprenant les articles L. 191-2 et L. 191-3 du code de la sécurité sociale.

Traduisant le principe d’« un euro cotisé ouvrant les mêmes droits », ce choix est un engagement fort en faveur d’un système plus lisible, plus juste et plus représentatif de l’activité ayant donné lieu à cotisation. Ces euros cotisés ouvrant les mêmes droits seront complétés par un ensemble de points acquis au titre de la solidarité, dans les conditions définies au titre III du projet de loi.

A.   Le choix d’une unité de compte juste, lisible et valorisant l’activité

● Le système universel de retraite reposera sur une unité harmonisée de calcul et de valorisation des droits à retraite, quel que soit le statut ou la profession des assurés : le point.

Cette unité valorisera lensemble des périodes dactivité, à la fois en éliminant les droits actuellement inutiles et en permettant lacquisition de points dès les premières périodes dactivité – y compris un travail saisonnier, un stage ou un premier emploi en parallèle des études. La mise en place de cotisations génératrices de droits au titre du cumul emploi-retraite y participe également pleinement.

Le point sera d’autant plus favorable aux assurés qu’il reposera sur une règle d’indexation dynamique, mettant fin à trente années de revalorisation des droits portés au compte sur l’inflation (cf. infra).

● Surtout, cette unité permettra de renforcer la contributivité du système, dans une logique assurantielle où le niveau de la retraite reflète l’activité ayant servi de base aux cotisations.

Contrairement au régime général actuel, qui favorise les carrières croissantes et les trajectoires salariales ascendantes, au titre de la règle des vingt‑cinq meilleures années, le système de demain valorisera les droits de la même manière quelle qu’ait été la progression de rémunération ou l’évolution de la carrière. À ce titre, elle constitue bien un facteur de redistribution intra-générationnel en faveur des niveaux de carrières les plus linéaires.

La contributivité du système universel sera donc, en elle-même, facteur d’une plus grande redistribution entre assurés par rapport au système actuel.

B.   Linscription de points sur un compte personnel de carrière

Le nouvel article L. 191-2 définit dans leur principe quatre paramètres applicables à la nouvelle unité de mesure des droits à retraite :

– l’ensemble des points acquis par l’assuré sont inscrits sur un compte personnel de carrière (cf. article 12) ;

– le montant de la retraite est le résultat du produit entre ces points acquis et la valeur de service d’un point (cf. article 9) ;

 ce montant ne peut être versé qu’à compter de l’âge minimal de départ à la retraite (cf. article 23), et dans le respect des aménagements prévus pour les départs anticipés (cf. articles 28 et suivants) ;

 ce même montant fait l’objet d’une majoration ou d’une minoration en fonction de l’âge de l’assuré lors de la liquidation de ses droits à retraite, dans les conditions fixées au titre du coefficient d’ajustement (cf. article 10).

C.   Les deux modalités de constitution des droits

Le nouvel article L. 191-3 distingue deux sources de constitution des droits à retraite, acquis à un rythme annuel :

– les points acquis chaque année via les cotisations versées ou les dispositifs de solidarité ;

– ceux attribués lors de la liquidation de la retraite.

1.   Les points de retraite acquis chaque année

Trois modalités distinctes permettent aux assurés d’acquérir chaque année des points de retraite, quel que soit leur statut :

– le versement de cotisations de sécurité sociale assises sur la rémunération de l’assuré, dans l’approche assurantielle et contributive au fondement de la couverture du risque vieillesse ;

– l’acquisition de points durant une interruption de carrière, financée par la solidarité nationale, ou l’exercice d’une activité spécifique. Les périodes couvertes par ce champ sont :

– les points acquis via des dispositifs de rachat, de surcotisation ou d’assurance vieillesse volontaire.

Les règles darrondi, qui devraient retenir le centième de point le plus proche, ne relèvent pas du domaine législatif et seront donc précisées par voie réglementaire.

2.   Les points de retraite attribués lors de la liquidation

Lors de la liquidation des droits à retraite, un complément de points est attribué pour compenser une situation ou sujétion spécifique.

Cette attribution complémentaire recouvre les points attribués au titre :

– de la compensation des conséquences du handicap sur l’activité professionnelle (article L. 192-2) ;

– de la retraite minimale (article L. 195-1) ;

– de la naissance d’un enfant (article L. 196-1) ;

– du complément différentiel versé aux travailleurs indépendants et aux exploitants agricoles pour atteindre la retraite minimale (article L. 635-5) ;

– des points attribués aux assurés ayant exercé des missions régaliennes dangereuses et aux militaires (article L. 724-3, L. 724-11 et L. 724-15).

D.   La formule de calcul retenue par le système universel

Au total, après prise en compte de la notion d’âge d’équilibre présentée à l’article 10 et associé à un coefficient d’ajustement, la formule retenue pour calculer une retraite dans le système universel sera donc la suivante :

III.   La fixation et la revalorisation des deux valeurs du point

L’article 9 inscrit dans la loi la distinction entre une valeur d’acquisition et une valeur de service du point. Il en précise les modalités de fixation et le régime d’indexation.

A.   La référence aux valeurs d’acquisition et de service du point et leur fixation

L’article 9 distingue tout d’abord deux valeurs du point (I) :

– la valeur dite « d’acquisition », d’une part. Elle correspond à ce qui est aujourd’hui dénommé « valeur d’achat », par exemple à l’AGIRC-ARRCO. La dénomination retenue par le projet de loi est toutefois plus précise, dès lors que certains points ne seront pas achetés, mais acquis – notamment au titre des droits familiaux ou de la compensation des périodes d’inactivité ;

– la valeur dite « de service », d’autre part. Reprenant le droit en vigueur dans les régimes en points, elle permet de convertir le nombre de points acquis en un montant, concrétisant ainsi les droits à retraite lors de la liquidation.

Seule l’existence de cette distinction entre deux valeurs est mentionnée au nouvel article L. 191-4 du code de la sécurité sociale. En toute logique, il ne revient pas à ce projet de loi – qui définit les grands principes du système universel – d’en fixer le montant dans le dispositif juridique.

En régime de croisière, ces deux valeurs seront revalorisées au rythme de l’évolution du revenu moyen par tête, sauf si une délibération du conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) – ou, à défaut, un décret – y déroge, dans les conditions définies à l’article 55 du projet de loi. Un régime transitoire est néanmoins prévu pour les premières années d’existence du nouveau régime (cfinfra).

B.   La fixation initiale, avant 2022, des premières valeurs du point

L’article 9 précise également les modalités de fixation des deux valeurs du point avant l’entrée en vigueur du nouveau régime (II).

L’opérationnalité du nouveau système de retraite et l’effectivité des droits au 1er janvier 2022 impliquent que les valeurs associées au point soient fixées en amont.

Pour ce faire, le conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle ([25]) fixera avant le 30 juin 2021 les valeurs d’acquisition et de service du point, qui deviendront ensuite effectives par voie réglementaire. En cas de carence de la CNRU, ces valeurs seront directement fixées par décret.

Cette première fixation des valeurs du point par voie réglementaire est indispensable pour assurer le respect de la Constitution. La compétence confiée à la CNRU est conforme à l’article 21 de la Constitution, qui ne fait pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre la fixation de normes permettant de mettre en œuvre une loi, dès lors que le champ d’application et le contenu de ces normes sont précisément encadrés et limités. Cet encadrement justifie le choix retenu pour la première fixation de ces valeurs.

Le processus de fixation de ces valeurs, son échéance et ses conditions de validité sont précisés dans le dispositif et reproduits dans le schéma infra.

Modalités de fixation des valeurs d’acquisition et de service du point

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir de l’article 9 du projet de loi.

Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de cette première fixation des valeurs du point, concernant notamment la condition de respect de la condition de maintien de la part des pensions dans le produit intérieur brut (PIB).

C.   L’inscription dans la loi de deux règles d’indexation des valeurs du point avant et après 2045

L’article 9 précise, enfin, les règles d’indexation des valeurs du point au‑delà de 2022, en distinguant deux régimes pré-2045 et post-2045 (I). La présentation du droit en vigueur relatif aux régimes d’indexation et à leur évolution au fil du temps est renvoyée au commentaire de l’article 11.

● La valeur d’acquisition comme la valeur de service du point seront revalorisées au rythme des salaires, à compter de 2045. Présentée comme « lévolution annuelle du revenu moyen par tête », cette règle reprend une notion bien définie en terme statistiques.

Définition et implications du salaire moyen par tête (SMPT)

Le choix d’une indexation sur les salaires des droits portés au compte plutôt que sur l’inflation présente un double avantage : il mettra fin à la dévalorisation des droits acquis en début de carrière, particulièrement défavorable aux carrières heurtées et aux trajectoires salariales plates, et réduirait la dépendance du système de retraite à la croissance.

Ce choix implique d’arbitrer entre deux indicateurs :

– l’indicateur de la masse salariale, qui conduit à prendre en compte l’évolution globale des salaires et dépend donc d’effets agissant sur la taille de la population en emploi (notamment le niveau du chômage et les migrations) ;

– celui du salaire moyen par tête (SMPT), qui est indépendant des évolutions démographiques et ne rend donc pas compte des chocs d’effectifs de cotisants.

Si l’indexation sur la masse salariale ne pose pas de problème à périmètre constant de cotisants, elle peut en revanche être plus aléatoire lorsque la démographie évolue à la hausse ou à la baisse, et déstabiliser l’équilibre financier du système.

L’indicateur du SMPT est ainsi moins dépendant des chocs conjoncturels, tout en garantissant une revalorisation plus dynamique que celle actuellement en vigueur sur l’inflation.

Cet indicateur sera élargi, dans le dispositif retenu, à la notion de « revenu moyen par tête », afin de tenir compte des revenus d’activité de l’ensemble des actifs, au-delà des seuls salaires perçus par les salariés. Cet indicateur, nouveau par rapport au droit en vigueur, verra ses modalités de calcul précisées par un décret en Conseil d’État.

Le dispositif de l’article 9 apporte deux précisions supplémentaires :

– cette indexation sur les salaires s’alignera sur le résultat constaté chaque année par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ;

– la revalorisation interviendra, dans le prolongement du droit en vigueur, au 1er janvier de chaque année.

● Le choix d’une indexation des valeurs du point sur le revenu moyen par tête traduit un engagement fort en faveur du niveau de vie des retraites. Il met fin à trois décennies d’indexation sur le niveau des prix ([26]).

Ce choix est d’ailleurs le seul capable de garantir que chaque euro cotisé donnera le même droit quel que soit le moment où il a été cotisé. Il évitera que les droits accumulés en fin de carrière pèsent plus lourdement que ceux acquis en début de carrière, et corrigera donc les distorsions actuellement constatées lors de la liquidation.

À l’avenir, quel qu’en soit le moment d’acquisition, le point acquis sera indexé sur un indicateur dynamique, qui remédiera à la dévalorisation différenciée des droits les plus anciens.

Au total, le point permettra d’assurer un traitement équitable quel que soit le profil de carrière : le rendement d’un euro cotisé ne sera pas plus élevé pour une carrière complète ou ascendante que pour une trajectoire hachée ou plate.

L’étude d’impact du projet de loi retient, à titre conventionnel, un taux de rendement de 5,5 % ([27]) supposé constant dans le futur pilotage de la CNRU – reprenant la préconisation du « rapport Delevoye », qui prévoit une valeur d’acquisition du point à 10 euros et une valeur de service de 0,55 euro. Ce taux apparaît comparable à ceux appliqués dans les régimes complémentaires actuels, celui de l’AGIRC-ARRCO étant actuellement d’environ 4,5 % ([28]).

● Le respect de ce choix doit toutefois être concilié avec l’engagement d’équilibre financier du système de retraite, garantie de sa pérennité.

Une délibération du conseil d’administration de la CNRU pourra donc prévoir un taux d’indexation distinct, dans le cadre des règles de pilotage annuel et pluriannuel définies à l’article 55 du projet de loi. Un décret pourra également définir directement ce taux, en l’absence de délibération ou d’approbation de celle-ci. Il devra alors également préciser les motifs de la désapprobation de la délibération de la CNRU.

● Pour parvenir à ce schéma-cible d’une indexation sur les salaires, sans fragiliser l’équilibre financier du système, une phase d’indexation transitoire est prévue jusqu’en 2045.

Dans cet intervalle, le taux d’indexation sera compris entre le niveau d’évolution des prix hors tabac – retenu aujourd’hui comme règle de revalorisation, à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale – et celui d’évolution du revenu moyen par tête. En tout état de cause, la revalorisation ne pourra pas être négative.

La convergence entre le système actuel et le système-cible sera ainsi progressive, sans reporter à une échéance indéfinie l’application d’une indexation plus favorable que celle prévue par le droit en vigueur.

*

*     *

 

 

 


–  1  –

Article 10
Linstauration dun coefficient dajustement, associé à un âge déquilibre

L’article 10 précise les conditions d’application du coefficient d’ajustement de la valeur du point, applicable aux assurés du nouveau système universel.

Couplé à un âge d’équilibre, ce coefficient est le corollaire de l’équilibre du système de retraite. Il poursuit un double objectif de pérennité financière et de liberté dans le choix de départ à la retraite.

Loin d’être une innovation juridique, le dispositif retenu reprend les mécanismes de surcote et de décote d’ores et déjà appliqués dans le droit en vigueur, notamment au titre de la référence à un âge du taux plein dans les régimes de base ou des coefficients temporaires mis en place à l’AGIRC-ARRCO.

I.   L’application des règles de décote et de surcote dans le droit en vigueur

Le coefficient d’ajustement ne saurait être considéré comme une innovation juridique rompant avec les logiques applicables dans le droit en vigueur. Loin d’être marginale, l’application de règles de surcote et de décote fait déjà partie intégrante des règles de calcul des pensions de retraite.

A.   La mécanique du taux plein dans les régimes de base

● La définition d’une durée d’assurance de référence, dans les régimes actuels en annuités, conduit d’ores et déjà à appliquer un mécanisme de décote aux assurés qui ne justifient pas d’une carrière complète.

Dans le régime général, le taux retenu pour le calcul de la pension – au maximum de 50 % – est minoré de 1,25 % par trimestre manquant, dans la limite d’un plafond de vingt trimestres. Ce taux ne peut donc être inférieur à 37,5 % au régime général ([29]).

Progressivement transposée au régime de la fonction publique en 2003, puis aux régimes spéciaux en 2008, cette décote s’applique en l’absence d’obtention du taux plein.

Ce dernier est obtenu par l’assuré en justifiant de la durée d’assurance de référence applicable à sa génération, de l’atteinte de l’âge d’annulation de la décote ou du bénéfice de l’attribution du taux plein en application d’un régime d’inaptitude, d’invalidité ou de handicap.

● À l’inverse, le taux plein peut être majoré dès lors que l’assuré justifie d’une durée d’assurance supérieure à celle de référence applicable à sa génération.

Une surcote sapplique alors – cette fois-ci, sans plafonnement –, dans les mêmes proportions que la décote – cest-à-dire 1,25 % par trimestre supplémentaire accompli ([30]).

B.   L’application de coefficients dans les régimes complémentaires

● Plus proche du système-cible, le régime AGIRC-ARRCO par points applique lui-même une règle de décote pour les salariés n’ayant pas la durée d’assurance de référence de leur génération. Elle se déclenche lorsque la retraite de base a été liquidée sans remplir la condition de taux plein.

Dénommé « coefficient d’anticipation », le mécanisme de décote revient à appliquer à la retraite versée par l’AGIRC-ARRCO une minoration croissante avec le nombre de trimestres manquants ([31]).

● Le régime AGIRC-ARRCO a lui-même instauré un mécanisme comparable à l’âge d’équilibre, sous la forme de « coefficients temporaires » applicables aux assurés selon leur âge de départ à la retraite.

Parfois qualifiés de « bonus-malus », ces coefficients prennent également la forme d’une majoration ou d’une minoration visant à inciter les assurés à liquider leurs droits au-delà de l’âge légal de départ à la retraite.

Le précédent de lAGIRC-ARRCO

Confrontés aux déséquilibres démographiques et financiers des régimes AGIRC et ARRCO, les partenaires sociaux appliquent depuis 2019 deux catégories de « coefficients temporaires ».

Créés par l’accord national interprofessionnel (ANI) du 30 octobre 2015 et maintenus par celui du 17 novembre 2017, ces coefficients sont très proches d’un âge d’équilibre, tant dans leur finalité que dans leur application.

S’agissant de leur finalité, les coefficients visent à inciter à l’allongement de la durée d’activité au-delà de l’âge d’obtention du taux plein, afin de retarder l’âge de liquidation de la retraite complémentaire.

S’agissant de leur application, ces coefficients sont assimilables à un dispositif de « bonus-malus ». Ils s’appliquent depuis le 1er janvier 2019 aux assurés du régime complémentaire nés à compter du 1er janvier 1957 et se déclinent en deux outils distincts :

– les « coefficients de solidarité », d’une part, consistent à minorer de 10 % le montant de la retraite complémentaire durant trois ans – cette minoration ne s’appliquant pas au-delà de 67 ans. Une série de dérogations a néanmoins été prévue. Sont notamment exclus du dispositif les assurés exonérés de contribution sociale généralisée (CSG) et ayant liquidé leur retraite de base au taux plein, et les assurés en situation de handicap, remplissant les conditions d’un départ anticipé et justifiant d’un taux d’incapacité permanente partielle d’au moins 50 %. Pour les assurés assujettis au taux réduit de CSG et ayant liquidé leur retraite de base au taux plein, cette minoration est abaissée à 5 % par an ;

– les « coefficients majorants », d’autre part, conduisent à majorer de 10 %, durant une année, le montant de la retraite complémentaire des assurés ayant poursuivi leur activité huit trimestres au-delà de la date à laquelle ils ont rempli les conditions d’obtention du taux plein dans le régime de base. Ces majorations sont portées à 20 % et 30 % lorsque les assurés dépassent cette date du taux plein de respectivement au moins douze ou seize trimestres.

L’ANI du 10 mai 2019 a aménagé ces coefficients temporaires, tout en prévoyant une clause de revoyure en 2020 pour déterminer l’opportunité de les faire évoluer au regard du niveau des réserves et de l’évolution des pensions restant à courir jusqu’à 2033.

Il a également intégré dans la liste des assurés exonérés des coefficients de solidarité ceux ayant bénéficié de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) à la veille de leur retraite, ceux pouvant attester d’une incapacité permanente d’au moins 20 % à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et ceux ayant bénéficié de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Ce régime s’appliquera a minima jusqu’en 2022, sauf nouvel ANI conclu entre temps.

● Les salariés de droit public affiliés à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) pour leur retraite complémentaire et les travailleurs indépendants affiliés au régime complémentaire des indépendants (RCI) se voient également appliquer une décote lorsque la liquidation de leur retraite de base intervient sans atteinte de la condition du taux plein.

Les coefficients temporaires mis en place pour les salariés du privé ne s’appliquent en revanche pas.

● S’agissant des professions libérales, les règles de décote et de surcote diffèrent selon les régimes, comme l’illustre le tableau infra.

Règles de dÉcote et de surcote applicables
aux régimes de retraite des professions libérales

 

Décote*

Surcote*

CPRN

1,25 %

0,5 %

CAVOM

de 0,75 % à 0,95 %

-

CARMF

-

de 0,50 % à 1,25 %

CARCDSF

1,50 %

1 % dans la limite de 20 %

CARPV

1,25 %

-

CARPIMKO

1,25 % dans la limite de 25 %

1,25 % dans la limite de 25 %

CAVAMAC

de 5 % à 25 % par année

5 % pour chaque année pleine dans la limite de 25 %

CAVEC

1,25 %

0,75 % dans la limite de 15 %

CIPAV

Même abattement qu’au régime de base si la pension du régime de base a été liquidée, ou 5 % par année dans le cas contraire

5 % par année si l’affiliation est supérieure à trente ans

CAVP

de 0,50 % à 1,25 %

0,50 %

CNBF

1,25 %

-

(*) Par trimestre manquant ou trimestre supplémentaire.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir de l’étude d’impact du projet de loi.

● Pour les non-salariés agricoles, enfin, aucun mécanisme de décote ou de surcote ne s’applique.

II.   La justification d’un âge d’équilibre comme clause de sauvegarde financière du système universel

Indispensable dans son principe, l’âge d’équilibre permettra de concilier la pérennité financière du système universel et la liberté de choix dans l’âge de départ à la retraite. Il favorisera par ailleurs, par rapport au droit en vigueur, la situation des carrières courtes et hachées, et constitue donc un facteur supplémentaire de redistribution.

L’article 10 en fixe à la fois les principes et les modalités de fixation.

A.   Le principe d’un coefficient d’ajustement applicable aux assurés du système universel

● L’inscription dans la loi d’un âge d’équilibre vise à garantir la soutenabilité financière du système de retraite par répartition. Il prend la forme d’un mécanisme de décote et de surcote, dénommé « coefficient d’ajustement ».

Ce coefficient doit permettre de construire le nouveau système universel sur des fondations solides, au regard notamment des dernières projections actualisées du Conseil d’orientation des retraites (COR).

La confiance retrouvée dans notre système de retraite ne pourra se passer d’une approche responsable financièrement. Le rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites retenait lui-même cette option : « Dans le système universel, le dispositif du taux plein sera conservé, assorti, comme aujourdhui, dune décote et dune surcote. » ([32])

● La définition d’un âge d’équilibre permettra de concilier deux objectifs du système de retraite par répartition :

– d’une part, la liberté de l’assuré dans le choix de sa date de départ à la retraite, dans le respect d’un âge minimal maintenu – sauf exceptions – à 62 ans. L’assuré choisira ainsi librement, et en autonomie, le moment adapté de départ à la retraite à partir d’un arbitrage sur le niveau de pension projeté ;

– d’autre part, le nécessaire équilibre financier du système universel. En termes techniques, l’âge d’équilibre est celui qui permet de maintenir un niveau de rendement constant du point entre générations. Son niveau évoluera en fonction des trajectoires respectives de l’augmentation de l’espérance de vie et du temps passé à la retraite.

● Cet âge d’équilibre tire d’ailleurs les conséquences d’un âge de départ à la retraite d’ores et déjà supérieur à l’âge légal, comme l’illustrent les données de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) infra, complétées de projections sur les cinquante prochaines années.

Âge moyen de départ en retraite constaté puis projeté
(hors départs anticipés)

Source : Caisse nationale d’assurance vieillesse – Modèle « Prisme » (Projections des retraites, simulations, modélisation et évaluations).

Les données du COR permettent d’entrer dans le détail par régime. Hors catégories actives, l’âge moyen de départ à la retraite dépasse ici aussi 62 ans pour l’ensemble des régimes.

Âge moyen de départ projeté à la retraite pour certains régimes

Source : Conseil d’orientation des retraites (COR), auditionné par la commission des affaires sociales le 7 février 2019.

● La rédaction proposée pourra même, dans de nombreux cas, être plus favorable que le droit en vigueur.

Outre l’absence de surcote dans certains régimes, la fixation de l’âge d’annulation de la décote à 67 ans pénalise actuellement de nombreux assurés – en particulier ceux aux carrières courtes et hachées. Aujourd’hui, la part d’assurés devant attendre cet âge est de près d’un sur six et représente 20 % des femmes. À droit constant, cette proportion n’aurait cessé d’augmenter avec l’allongement de la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein, aux termes du calendrier dit « Touraine » issu de la loi du 20 janvier 2014 ([33]).

Une condition d’assurance inférieure à la durée de référence de la génération se traduit par une double diminution de la pension, à la fois via le taux retenu et via le coefficient de proratisation.

Au total, un actif pénalisé durant sa vie professionnelle par des carrières heurtées – par exemple avec une succession de contrats courts ou de longues périodes d’inactivité – voit ses difficultés renforcées par l’impossibilité d’atteindre le taux plein avant 67 ans.

B.   Les paramètres du coefficient d’ajustement

L’article 10 définit les modalités d’application (I) et de fixation (II) du futur coefficient d’ajustement, associé à un âge d’équilibre.

1.   Les grands principes du coefficient d’ajustement

Le I définit les grands principes et modalités d’application du coefficient d’ajustement, inscrits au nouvel article L. 191-5 du code de la sécurité sociale.

Sont ainsi précisées :

– les règles de calcul. Le coefficient est fixé en fonction de l’écart séparant la date de liquidation de la retraite par l’assuré de l’âge d’équilibre applicable à sa génération. Cet écart est exprimé en mois entiers ;

– les conséquences sur les droits à retraite. Le coefficient conduit à majorer le niveau de la retraite de l’assuré liquidant sa retraite après l’âge d’équilibre applicable à sa génération. À l’inverse, il minore ce niveau lorsque la liquidation intervient avant ce même âge d’équilibre ;

– les modalités de fixation. Le niveau du coefficient est fixé par décret. Il sera néanmoins possible au conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) d’en modifier la valeur, sans que cette modification puisse être supérieure ni inférieure d’un tiers à celle définie par voie réglementaire. Cette délibération donnera lieu soit à une approbation soit à un rejet motivé par le pouvoir réglementaire. Le Gouvernement a d’ores et déjà indiqué que le niveau de la décote ou de la surcote serait fixé à 5 %, soit l’équivalent du taux actuel par trimestre (1,25 %) converti en année.

En l’absence de précision contraire, ce coefficient d’ajustement s’appliquera sur l’ensemble de la période de versement de la pension.

2.   Les modalités de fixation de l’âge d’équilibre

● Le coefficient d’ajustement présenté supra est la traduction technique d’un âge moyen de départ à la retraite devant garantir l’équilibre du nouveau système – dit « âge d’équilibre ».

Concernant l’évolution de l’âge d’équilibre « par génération à hauteur des deux tiers de lévolution des prévisions despérance de vie à la retraite des assurés », le rapporteur s’interroge sur le moment à partir duquel cette espérance de vie à l’âge de départ à la retraite sera évaluée. En d’autres termes, le référentiel sera-t-il établi à la naissance de la génération visée, à la date d’entrée moyenne dans la vie active, à vingt ans de la date de la date de départ en retraite de la génération précédente... ?

Par ailleurs, la même interrogation subsiste quant au choix de l’organisme en charge de déterminer « lévolution des prévisions despérance de vie à la retraite des assurés ».

Cet âge d’équilibre évoluera « par génération à hauteur des deux tiers de lévolution des prévisions despérance de vie à la retraite des assurés ». Cette évolution, qui sera également exprimée en mois entiers, sera traduite par décret.

Reprenant le droit proposé pour le coefficient d’ajustement, la fixation de l’âge d’équilibre relèvera de la compétence du pouvoir réglementaire (I). Ici aussi, le conseil d’administration de la future CNRU pourra néanmoins proposer d’en modifier le niveau, « sous réserve que lévolution qui en résulte soit nulle ou suive le même sens sans pouvoir être supérieure à lévolution des prévisions despérance de vie à la retraite des assurés ». Cette réserve, dont la clarté ne relève pas de l’évidence à sa seule lecture, pourra être utilement précisée lors des débats parlementaires.

La délibération donnera également lieu soit à une approbation, soit à un rejet motivé par le pouvoir réglementaire.

● La toute première fixation de l’âge d’équilibre reposera sur une délibération du même conseil d’administration formulée avant le 30 juin 2021 (II).

Ce niveau devra être défini « en prenant en compte lâge moyen projeté de départ à la retraite des salariés du régime général hors départs anticipés [pour la génération 2004] par le comité dexpertise indépendant des retraites » (CEIR).

Un décret fixera ensuite, au regard de cette délibération, un premier âge d’équilibre avant le 31 août 2021.

La mention d’un âge d’équilibre à 65 ans dans l’étude d’impact du projet de loi est une hypothèse par défaut, à titre conventionnel. Il s’agit de l’âge de départ au taux plein pour une personne ayant débuté son activité professionnelle à 22 ans (soit l’âge moyen de début de carrière aujourd’hui) et validé 43 années de cotisation (soit la durée d’assurance applicable à la génération 1975 pour atteindre le taux plein).

3.   Des dérogations prenant en compte des situations spécifiques

Le maintien d’âges de départ anticipés à la retraite implique d’adapter le fonctionnement de l’âge d’équilibre pour les assurés concernés.

Le tableau infra recense les coordinations effectuées dans les autres articles du projet de loi.

DÉrogations À lÂge dÉquilibre mentionnÉ À larticle L. 191-5

Article du projet de loi

Article créé ou modifié au sein du code de la sécurité sociale ou modification proposée

Objet de l’article

Abaissement de l’âge d’équilibre…

Application du coefficient de majoration

28

L. 192-1

Retraite anticipée pour carrière longue

De deux ans

Possible à compter de l’atteinte de l’âge d’équilibre

29

L. 192-2

Retraite anticipée pour handicap

À l’âge de départ de l’assuré

Pas d’application de coefficient de minoration ni de majoration possible

30

L. 192-3

Retraite pour inaptitude au travail

À l’âge de départ de l’assuré (62 ans minimum)

Pas d’application de coefficient de minoration ni de majoration possible

32

L. 192-4

Retraite pour incapacité permanente liée à l’exposition à un facteur de pénibilité

À l’âge de départ de l’assuré

Pas d’application de coefficient de minoration ni de majoration possible

33

L. 192-5

Départ anticipé au titre de l’utilisation du C2P

De deux ans maximum

Possible à compter de l’atteinte de l’âge d’équilibre

35

Art. 41 de la loi n° 98-1194

Transformation de l’allocation de cessation anticipée d’activité au titre de l’amiante (ACAATA) en pension de retraite

À l’âge auquel l’ACAATA cesse d’être versée à l’assuré

Pas d’application de coefficient de minoration ni de majoration possible

36

L. 723-2

Métiers dangereux régaliens

Par décret, au maximum à la limite d’âge applicable à l’assuré

Pas d’application de coefficient de minoration ni de majoration possible

37

L. 724-3**

Militaires

Par décret

Pas d’application de coefficient de minoration ni de majoration possible

(*) À condition que la limite dâge éventuellement applicable soit inférieure ou égale à 62 ans.

(**) Pour la liquidation de la première part de retraite.

Source : Commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système de retraites.

*

*     *

 


–  1  –

Article 11
Une revalorisation dynamique et responsable des pensions de retraite

L’article 11 du projet de loi précise les règles de revalorisation des pensions de retraite servies aux assurés.

Ces règles constituent un déterminant majeur pour maintenir le niveau de vie des retraités et contenir l’augmentation de la part des retraites dans la richesse nationale.

Tout en reprenant le principe actuellement en vigueur d’une indexation des retraites sur l’inflation, il ouvre la voie à une possibilité de revalorisation plus dynamique, à partir d’une décision de la Caisse nationale de retraite universelle, dans le respect de la trajectoire financière pluriannuelle.

Conjuguant garantie de pouvoir d’achat et soutenabilité financière, ce dispositif traduit le choix d’une gouvernance responsable et d’un pilotage unifié.

I.   Des règles d’indexation aménagées à de nombreuses reprises pour contenir la progression des dépenses

Revalorisées chaque année selon des modalités fixées par voie législative, les pensions de retraite sont indexées depuis trente ans sur l’inflation. Ce principe de revalorisation, auquel il a été dérogé à plusieurs reprises, a été l’un des principaux facteurs de maîtrise de la part de notre richesse nationale consacrée aux retraites.

A.   Un principe d’indexation des retraites sur l’inflation retenu depuis trente ans

● Les prestations d’assurance vieillesse sont revalorisées chaque année dans des conditions définies par la loi.

Cela n’a pas toujours été le cas :

– jusqu’en 1974, la revalorisation ne répondait à aucun critère formalisé, mais suivait le plus souvent le rythme d’évolution du salaire moyen ;

– cette revalorisation a ensuite suivi, dans des conditions définies par décret, l’évolution prévisionnelle du salaire moyen. Il s’agissait du salaire moyen brut à compter de 1982, puis du salaire moyen net à compter de 1984 ;

– le choix d’une indexation sur le niveau des prix à la consommation a été retenu à compter de 1987, reconduit chaque année par la loi ;

– la première réforme paramétrique des retraites, en 1993 ([34]), a donné une base légale à cette indexation sur les prix – initialement pour une application temporaire. Cette réforme visait à contenir l’enveloppe des dépenses en substituant à l’indexation sur les salaires un étalon moins dynamique, dans le contexte d’une inflation maîtrisée.

● Cette règle de revalorisation sur les prix, définie par voie législative, vaut pour l’ensemble des prestations associées à l’assurance vieillesse.

Sont ainsi concernées :

– les prestations d’assurance vieillesse de base du régime général et des régimes alignés ;

– la plupart des prestations d’assurance vieillesse complémentaire : la retraite complémentaire des indépendants, la pension majorée de référence des exploitants agricoles, la retraite complémentaire des salariés du BTP, la retraite de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de lÉtat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et les prestations du régime temporaire de retraite des enseignants du privé ;

– l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et les anciennes formes de minimum vieillesse ;

 le minimum contributif (MiCo) et ses équivalents dans dautres régimes ;

 dautres prestations associées au risque vieillesse : lallocation de veuvage, lallocation de congé-solidarité, le minimum de réversion, le plafond de ressources pour la majoration de la pension de réversion, la majoration de la pension de retraite pour conjoint à charge et la majoration forfaitaire pour enfant à charge.

● La revalorisation des pensions versées par le régime complémentaire AGIRC-ARRCO répond à des règles spécifiques, définies dans des accords nationaux interprofessionnels.

Le régime dindexation de la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO

La couverture complémentaire des salariés – désormais unifiée dans le régime AGIRCARRCO – est régie par des dispositions spécifiques, négociées par les partenaires sociaux qui en assurent la gestion.

Le déséquilibre démographique et financier projeté du régime a justifié l’adoption de plusieurs mesures à compter de 2015, parmi lesquelles l’instauration d’un mécanisme de bonus-malus ou la mobilisation d’une partie des réserves financières.

Les modalités d’indexation des retraites complémentaires ont été modifiées, à ce titre, à plusieurs reprises :

– la revalorisation des retraites complémentaires au rythme de l’inflation a prévalu jusqu’en 2016 ;

 à compter de 2016, une sous-indexation temporaire a été appliquée, correspondant au taux dinflation minoré dun point, sans pouvoir diminuer la valeur de service en valeur absolue. En outre, la date de revalorisation annuelle a été repoussée davril à novembre ;

– depuis 2019, un nouveau coefficient de revalorisation s’applique, correspondant au rythme d’évolution du « salaire annuel moyen des ressortissants du régime estimé pour lannée en cours moins un facteur de soutenabilité ». Aux termes de l’article 1er de l’ANI du 10 mai 2019 ([35]), cette nouvelle règle de calcul doit conduire à une revalorisation des retraites :

 – « en pratique [...] au moins comme les prix à la consommation hors tabac », et ce « pour autant que lévolution des prix ne soit pas supérieure à celle des salaires » ;

 – « sans que lécart entre lévolution des prix et lévolution de la valeur de service du point ne dépasse 0,2 point ». Autrement dit, le conseil d’administration de l’AGIRC-ARRCO dispose d’une marge de manœuvre de 0,2 point pour revaloriser les pensions légèrement au-delà de l’inflation ;

 – qui « ne peut diminuer en valeur absolue » la valeur de service du point.

● Le régime d’indexation sur l’évolution des prix est désormais codifié à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Il dépasse le seul champ de l’assurance vieillesse et s’applique à la plupart des prestations sociales.

Le régime dindexation relevant de larticle L. 161-25 du code de la sécurité sociale

Autrefois disparates, les règles d’indexation des prestations sociales sont désormais rassemblées dans un régime commun, défini à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Ce régime prévoit un principe d’indexation sur l’inflation, calculée dans les conditions suivantes :

– le coefficient retenu est égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac ;

– il est calculé à l’avant-dernier mois précédant la date de revalorisation, à partir de l’inflation constatée, et non plus prévisionnelle. L’inflation constatée correspond à la moyenne des douze derniers indices mensuels publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ;

– il ne peut être inférieur à 1. L’évolution en valeur ne peut donc pas être négative.

B.   Un principe de revalorisation aménagé à de nombreuses reprises

● Ce principe de valeur législative n’est toutefois pas absolu. Il peut donc être contourné – à la hausse ou à la baisse – par des revalorisations différenciées, à condition d’être également prévues par la loi.

De la même manière, rien n’interdit de modifier l’agenda des revalorisations. Ainsi, la réforme des retraites de 2014 a repoussé d’avril à octobre la date de revalorisation des pensions de retraite de base du régime général et des régimes alignés.

Depuis 2019 ([36]), les revalorisations sont opérées le 1er janvier. Cette échéance a été harmonisée via le report d’octobre à janvier de la revalorisation des pensions de retraite de base et l’anticipation d’avril à janvier de celle de l’ASPA.

Le tableau infra recense les revalorisations intervenues depuis l’adoption du principe d’indexation sur le niveau des prix, en 1993.

Taux de revalorisation des pensions servies
par le régime général de retraite depuis 1993

Année

Taux de revalorisation au régime général

1993

1,30 %

1994

2 %

1995

1,20 %

1996

1,20 % puis 0,50 %)

1997

1,20 %

1998

1,10 %

1999

1,20 %

2000

0,50 %

2001

2,20 %

2002

2,20 %

2003

1,50 %

2004

1,70 %

2005

2 %

2006

1,8 %

2007

1,8 %

2008

1,1 % puis 0,8 %

2009

1 %

2010

0,9 %

2011

2,1 %

2012

2,1 %

2013

1,3 %

2014

0 %

2015

0,1 %

2016

0 %

2017

0,8 %

2018

-*

2019

0,3 %

2020

De 0,3 % 1 %

(*) Lharmonisation des dates de revalorisation des retraites au 1er janvier, opérée par la LFSS 2018, a conduit à labsence de revalorisation en 2018.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

● Ainsi, aucun principe juridique de valeur constitutionnelle, organique ou conventionnelle n’impose la revalorisation des pensions ni, a fortiori, son alignement sur un coefficient d’indexation.

La revalorisation des retraites dépend donc librement du choix du législateur, dans le respect de l’ensemble des principes constitutionnels – notamment celui d’égalité – et comme expression des préférences collectives.

C.   L’indexation comme levier de maîtrise des dépenses de retraites

● La règle de revalorisation retenue est un déterminant majeur du poids de la richesse nationale consacrée aux pensions.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le choix dune indexation sur les salaires a sensiblement augmenté le niveau de vie des retraités, sajoutant à des carrières plus complètes et à la généralisation de la couverture complémentaire.

La dégradation du solde financier du système de retraite et l’arrivée projetée des générations de baby boomers à la retraite ont toutefois rendu indispensable de procéder à des réformes permettant de maîtriser la croissance des prestations d’assurance vieillesse.

Outre l’allongement paramétrique de la durée d’activité – passant par l’augmentation de la durée d’assurance et le relèvement de l’âge légal –, la modification des paramètres d’indexation a joué un rôle majeur pour contenir le poids de la richesse nationale consacrée aux retraites. Cette modification a porté à la fois sur l’indexation des pensions versées et sur celle des droits portés au compte.

● Dans une étude publiée en 2014 ([37]), l’INSEE a souligné le rôle majeur de cette indexation sur les prix, dont l’ampleur des effets dépend avant tout des hypothèses de productivité retenues.

À terme, cette étude évalue ces effets à une augmentation du poids des pensions dans le PIB inférieure de 3,6 points (dans la variante la moins favorable de gains de productivité à seulement 1 %) et de 6 points (dans le scénario le plus favorable de gains de productivité à 2 %) par rapport à un scénario sans modification de cette règle d’indexation.

À l’inverse, les effets des mesures d’allongement de la durée d’activité sont indépendants de la croissance projetée, et évalués à – 2,5 points de PIB.

Au total, hors réformes – indexation comprise –, le poids des retraites dans le PIB serait aujourd’hui supérieur à 17,5 %, et augmenterait progressivement pour dépasser 20 % à l’horizon 2060.

Les schémas ci-dessous recensent ces différents scénarios, en distinguant le rôle spécifique joué par le choix d’une indexation sur les prix.

Effets des réformes menées sur la part des dépenses de retraite projetée dans le PIB, selon la législation et le scénario macroéconomique

Source : INSEE analyses, n° 17, avril 2014, à partir du modèle Destinie 2.

Le choix d’une indexation sur les prix a donc constitué un facteur déterminant de maîtrise de la croissance de la part des pensions dans la richesse nationale.

● L’indexation sur l’inflation des pensions servies traduit également un objectif de redistribution assigné à la règle d’indexation. Les travaux de l’Institut des politiques publiques (IPP) ont ainsi souligné son impact différencié, selon la règle d’indexation retenue, sur la répartition des gains entre niveaux de pensions.

De fait, si la croissance des prix est inférieure à celle des salaires – ce qui a été constaté sur l’ensemble des dernières années –, le choix d’une indexation sur les salaires implique des retraites plus faibles à la liquidation. Le principe de neutralité actuarielle explique cette minoration : afin d’égaliser la somme actualisée des cotisations et des pensions versées sur un cycle de vie en retraite, un lien direct existe entre le coefficient de conversion des droits retenu et l’indexation souhaitée.

Au total, l’indexation sur les salaires accroîtrait donc « les inégalités liées à lespérance de vie : les retraités vivant moins longtemps ne profitent pas de laugmentation future des retraites, et sont donc lésés par rapport à ceux vivant plus longtemps » ([38]).

Les chercheurs de l’IPP en concluent qu’un choix d’indexation sur les prix garantit une plus grande stabilité de l’évolution des retraites, et évite d’avantager les seuls assurés dont l’espérance de vie à la retraite est la plus élevée.

II.   Le choix d’une revalorisation responsable, conjugUant garantie de pouvoir d’achat et soutenabilité financière

L’article 11 du projet de loi inscrit dans le code de la sécurité sociale un nouveau mécanisme de revalorisation des prestations d’assurance vieillesse ([39]).

Le nouvel article L. 191-6 du code de la sécurité sociale porte un quadruple choix :

– le choix d’une revalorisation unifiée. La plupart des prestations de retraite servies répondent d’ores et déjà à une règle harmonisée d’indexation (cfsupra). Toutefois, le cas spécifique de la retraite complémentaire des salariés ou des revalorisations différenciées en 2019 et 2020 montrent que plusieurs modalités coexistent dans la pratique, nuisant à la cohérence d’ensemble et à la prévisibilité des revalorisations ;

– celui d’une revalorisation soutenable. Première dépense publique, à près de 14 points de PIB, le montant des pensions versées chaque année est un déterminant majeur de la soutenabilité de nos finances publiques. Plutôt que d’inscrire dans la loi une revalorisation ni réaliste, ni finançable, qui serait méconnue au premier retournement de conjoncture, il est proposé de maintenir dans la loi le renvoi à une indexation de principe sur les prix telle que définie à l’article L. 161-25 du même code. Cette indexation peut toutefois être modifiée dans les conditions définies infra ;

– celui d’une revalorisation dynamique. À condition de respecter la trajectoire financière pluriannuelle du système de retraite, la revalorisation des retraites pourra être supérieure à celle du niveau des prix. Un « coefficient de revalorisation annuelle », défini au 2° du nouvel article L. 19-11-2 du même code, pourra être délibéré par le conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), sans pouvoir être inférieur à 1 ;

– celui d’une revalorisation responsable. À l’inverse, le conseil d’administration de la CNRU pourra proposer une délibération réduisant la revalorisation sous le niveau de l’inflation, dans l’unique situation où cette mesure serait nécessaire au respect de la trajectoire financière pluriannuelle. Cette sous-indexation devrait être validée par voie législative pour entrer en vigueur. En l’absence de délibération de la CNRU répondant au déséquilibre financier, ou en cas de rejet motivé de cette délibération par le pouvoir réglementaire, un décret pourra proposer cette même sous-indexation. En toute hypothèse, le coefficient de revalorisation retenu ne pourra être inférieur à 1.

Étroitement liée à la nouvelle gouvernance du système de retraite, la fixation d’une revalorisation conjuguant garantie de pouvoir d’achat et respect de la soutenabilité financière illustre un nouveau pilotage vertueux et responsable des retraites.

*

*     *

 


–  1  –

Section 2
Relations avec les assurés

Article 12
La garantie dun droit à linformation des assurés en matière de retraite

L’article 12 consacre la garantie d’un droit à l’information des assurés, corollaire de l’accès aux droits à retraite.

S’appuyant notamment sur la création d’un service numérique dénommé « compte personnel de carrière », dans des conditions définies par ordonnance, ce droit à l’information permettra à tout assuré de consulter en temps réel les droits acquis, de reconstituer sa carrière et de bénéficier de simulations sur le montant projeté de sa retraite.

Les assurés du système universel bénéficieront directement de ces services simplifiés, qui prolongeront les efforts déployés depuis quinze ans en matière d’approche interrégimes.

La complexité et la multiplicité des règles et démarches actuelles – qui se traduisent notamment par un non-recours aux droits de près d’un tiers des assurés – laisseront la place à un système rendu transparent et lisible par l’harmonisation des règles et la fixation du point comme seule unité de mesure.

I.   Des mécanismes d’information et de simplification des démarches des assurés renforcés mais encore insuffisants

Fréquemment présentée comme complexe et peu lisible, l’architecture de notre système de retraite et la multiplicité des règles applicables sont autant d’obstacles à la compréhension des règles par les assurés et à la reconstitution de leurs droits. Les efforts substantiels déployés en faveur de la simplification interrégimes n’ont pas suffi à effacer l’ensemble des difficultés, particulièrement pour les polypensionnés, ni à éliminer le non-recours aux droits en matière de retraite.

A.   La quasi-totalité des assurés sont aujourd’hui polypensionnés

L’accès à l’information en matière de retraite est fréquemment relayé comme l’un des plus complexes, qu’il s’agisse du calcul des droits, de la reconstitution d’une carrière ou de la compréhension de la réglementation propre à chaque régime.

Souvent vécue par les affiliés à un seul régime de retraite, cette complexité est amplifiée pour les polypensionnés, dont la reconstitution de carrière relève parfois du parcours du combattant. La simple distinction entre un régime de base et un régime complémentaire est en soi porteuse de complexité et de confusion.

Loin d’être isolée, la proportion de polypensionnés n’a cessé d’augmenter avec le temps, alimentée par les mobilités professionnelles et les transitions de plus en plus fréquentes entre statuts. Un assuré est aujourd’hui affilié, en moyenne, à 3,1 régimes – et près de 250 000 assurés sont affiliés à sept régimes ou plus. Au total, 97 % des assurés cotisent à plus d’un régime de retraite.

Proportion d’affiliation à un ou plusieurs régimes de retraites

Source : GIP « Union Retraite », 2017.

B.   La complexité du système de retraite est devenu un facteur de non-recours aux droits

L’éclatement du système de retraite et l’hétérogénéité des règles applicables sont devenus facteurs d’illisibilité et de complexité pour les assurés, en particulier lors de la liquidation de leurs droits à retraite.

Ces facteurs se traduisent de manière préoccupante par de nombreuses situations de non-recours aux droits à retraite, pour des assurés ayant pourtant cotisé durant leur activité.

Dans son étude de 2019 ([40]), la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a chiffré ce non-recours à près du tiers des assurés à 70 ans, en distinguant :

– 7 % des assurés n’ayant liquidé aucune retraite dans un régime légalement obligatoire. Ces assurés sont pour la plupart des personnes nées à l’étranger, ayant validé peu de trimestres en France ;

– 24 % des assurés ayant liquidé seulement une partie des pensions auxquelles ils ont droit. Ces situations recouvrent des durées d’assurance et des volumes de cotisations généralement faibles dans ces régimes.

Parmi les principales raisons avancées figurent la méconnaissance des procédures, l’oubli de courtes périodes d’emploi ou des déménagements dans d’autres pays.

Quelle qu’en soit la raison première, le non-recours aux droits à retraite est l’une des illustrations les plus inquiétantes d’un système de retraite devenu aussi peu lisible que compréhensible.

C.   Des progrès substantiels ont été accomplis dans les démarches interrégimes

Pourtant, les efforts accomplis au fil des dernières réformes pour rendre le système plus lisible sont indéniables.

De nombreux outils ont été mis en place pour faciliter l’approche interrégimes, dans un objectif commun d’information et de simplification des démarches des assurés :

– le relevé de situation individuelle (RIS) et l’estimation indicative globale (EIG) permettent d’informer l’assuré sur ses droits tous les cinq ans, à compter respectivement de 35 ans et de 55 ans. Le premier retrace la situation de l’assuré au regard des différents régimes, là où le second donne une estimation chiffrée des droits auxquels l’assuré peut prétendre tous régimes confondus ;

– l’entretien d’information retraite (EIR) ouvre l’accès à tout assuré âgé d’au moins 45 ans à un rendez-vous permettant d’obtenir des simulations sur ses droits à retraite et d’obtenir des réponses régime par régime ;

– le compte individuel de retraite en ligne donne accès, à tout moment, au relevé actualisé de l’assuré et lui permet d’effectuer ses démarches administratives à distance ;

– le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) constitue une base unique et centralisée servant de support au rassemblement de l’ensemble des informations de carrière des assurés dans une base unique et centralisée. Il ne sera toutefois pleinement déployé qu’à compter de 2022 ;

– la liquidation unique des régimes alignés – dite « LURA » – est accessible depuis le 1er juillet 2017. Elle permet de confier au dernier régime d’affiliation le calcul et la liquidation de l’ensemble des droits à retraite, donnant lieu à un versement unique de pension. Bien que significative, cette avancée se limite néanmoins aux seuls régimes dits « alignés » – c’est-à-dire le régime général, la sécurité sociale des indépendants et la mutualité sociale agricole ;

– depuis le 1er semestre 2019, les assurés peuvent effectuer une demande unique de retraite en ligne pour l’ensemble des régimes dans lesquels ils ont acquis des droits.

Lensemble de ces outils sont cordonnés, depuis 2014, par le groupement dintérêt public (GIP) « Union Retraite », fer de lance de lapproche interrégimes ([41]).

Bien que significatifs, l’ensemble des efforts menés pour favoriser l’interrégimes et simplifier les démarches ne suffisent pas à éliminer toute la complexité inhérente à un système construit sur des logiques statutaires ou professionnelles, et distinguant plusieurs étages de couvertures retraite.

Le projet de réforme universelle porte en lui-même une réponse structurante à la demande de simplification, de transparence et de lisibilité.

II.   La garantie d’un droit à l’information gratuite, exhaustive et personnalisée en matière de retraite

L’article 12 définit le principe du droit à l’information, garanti aux assurés dans le système universel de retraite (I).

Sa portée, son contenu et la création de son principal support – le compte personnel de carrière – sont renvoyés à une habilitation à légiférer par ordonnance dans l’année suivant la promulgation de la loi (II).

A.   L’inscription dans la loi d’un droit à l’information et au conseil

● Le I consacre le droit à l’information des assurés du système universel dans un nouveau chapitre du code de la sécurité sociale ([42]).

Deux précisions sont uniquement apportées « en dur », l’ensemble de la portée et du contenu de l’ordonnance étant renvoyés à une habilitation à légiférer par ordonnance (cf. infra) :

– ce droit sera gratuit pour les assurés ;

– il couvrira une triple prestation d’information, de conseil et d’intervention sur leur retraite. Selon les informations transmises au rapporteur, cette triple prestation se déclinera ainsi :

● Le I apporte également une clarification aux échéances de révision du montant des pensions à compter de leur liquidation.

Relevant actuellement pour l’essentiel de la jurisprudence, ce délai de révision est en moyenne de deux mois au régime général, et allongé dans d’autres régimes.

La rédaction retenue propose un délai commun de révision de deux ans à compter de son attribution. Ce délai reprend celui de droit commun retenu par le code de la sécurité sociale.

B.   Le renvoi à une ordonnance de l’ensemble des déclinaisons du droit à l’information

Le II renvoie à une habilitation à légiférer par ordonnance la définition des principaux contours et supports du droit à l’information des assurés.

Trois portées du droit à l’information doivent être distinguées :

– les modalités d’information et de conseil délivrés aux assurés () ;

– la création d’un « compte personnel de carrière » (). Quatre paramètres du futur compte sont expressément définis dans l’habilitation :

– les conditions d’adaptation à l’ensemble des assurés du système universel des dispositions aujourd’hui applicables dans les régimes de base en matière () ;

Cette ordonnance devra être publiée dans les douze mois suivant la promulgation de la loi, et faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé dans les trois mois à compter de sa publication.

*

*     *

 

 


—  1  —

Chapitre III
Un système fondé sur une équité contributive

Section 1
Dispositions applicables à lensemble des assurés

Article 13
Cotisations applicables aux salariés et assimilés

L’article 13 prévoit une refonte de l’architecture des cotisations applicables aux salariés et travailleurs assimilés, comprenant :

– un nouveau plafond de cotisation de base fixé à trois plafonds annuels de la sécurité sociale (3 « PASS ») ; supérieur à celui des régimes de base de la sécurité sociale (1 « PASS » par construction) mais inférieur à celui du régime complémentaire AGIRC-ARRCO (8 « PASS »), ce nouveau plafond concilie l’exigence de couvrir intégralement l’immense majorité des salariés dans un système universel et la nécessité d’assurer une redistribution adéquate ; ce nouveau plafond ne tracera plus la frontière entre régime de base et régime complémentaire, qui disparaîtront au profit d’un système unique, mais délimiterait le niveau de couverture du nouveau système universel : en effet, seule la fraction de cotisation située sous ces trois plafonds permettra d’acquérir des points dans le système universel ;

– le maintien d’une fraction de cotisation au-dessus de ce plafond (« déplafonnée ») en vue de financer l’ensemble du système universel de retraite sur une base plus large, à l’image de ce qui existe aujourd’hui dans de nombreux régimes, et notamment au sein du régime général.

Si la fixation des taux de cotisation applicables ne relève pas du domaine de la loi, le Gouvernement a néanmoins précisé ses intentions dans l’exposé des motifs du projet de loi ainsi que dans son étude d’impact : le taux applicable à la fraction « plafonnée » serait fixé à 25,31 % et celui de la fraction « déplafonnée » à 2,81 %, soit au total un niveau de cotisations quasiment identique à celui qui existe aujourd’hui (28 % environ).

Ces principes « socles » sont transposés ou déclinés pour les autres catégories d’actifs dans les articles suivants.

C’est donc les principes d’universalisation, d’équité dans l’acquisition des droits et de solidarité du système que reflète la nouvelle architecture proposée.

 

 

 

I.   les cotisations d’assurance vieillesse des salariés aujourd’hui : UN double partage BaSe/complémentaire et employeur/salarié masquant des prélèvements de nature variable

1.   Les taux de cotisation consolidés font apparaître un niveau de prélèvement proche de 28 % du revenu d’activité

● Dans le cadre du présent commentaire, le rapporteur se concentrera sur le cas général, à l’exclusion des régimes spéciaux ou spécifiques. Ainsi, dans un souci de lisibilité, le cas particulier des salariés du secteur public – affiliés à un autre régime que les salariés du secteur privé pour leur retraite complémentaire – est présenté dans le commentaire de l’article 16. Les autres cas spécifiques dans le cadre du régime général et les régimes spéciaux sont quant eux décrits respectivement dans les commentaires des articles 16 et 19.

A contrario, les travailleurs salariés agricoles affiliés à la mutualité sociale agricole (MSA) ont des taux de cotisation d’assurance vieillesse entièrement alignés sur le régime général (II de l’article L. 741-9 du code rural et de la pêche maritime) et relèvent de l’AGIRC-ARRCO pour la retraite complémentaire ([43]). L’ensemble des données et remarques faites dans le cadre de ce commentaire les concernent donc, sans réserve.

● Le champ des salariés visés étant précisé, établir leur niveau actuel de cotisations dans le droit en vigueur suppose une double consolidation :

– celle des régimes de base (régime général pour les salariés de l’industrie et du commerce, régime agricole pour les salariés agricoles) et du régime complémentaire (AGIRC-ARRCO), chacun de ces « étages » étant financé par des cotisations qui lui sont propres ;

– celles des cotisations à la charge des employeurs et celles qui sont à la charge des salariés ;

– les cotisations ouvrant directement des droits et celles qui n’en ouvrent qu’indirectement.

Le tableau suivant retrace les cotisations dont s’acquittent les salariés comme leurs employeurs pour le financement de ces régimes.

Taux et assiettes de cotisations de droit commun applicables

(en % de l’assiette considérée)

 

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salarié + employeur)

Base (CNAV ou MSA)

Part de la rémunération sous le PASS*

7,30

10,45

17,75

Part de la rémunération au-dessus du PASS (« déplafonnée »)

0,40

1,90

2,30

Complémentaire (AGIRC-ARRCO)

Part de la rémunération sous le PASS (« tranche 1 »)

3,15

4,72

7,87

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS (« tranche 2 »)**

8,64

12,95

21,59

Contribution déquilibre général – CEG (AGIRC-ARRCO)

Part de la rémunération sous le PASS

0,86

1,29

2,15

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

1,08

1,62

2,70

Contribution déquilibre technique – CET

(AGIRC-ARRCO)

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

0,14

0,21

0,35

Total

Part de la rémunération sous le PASS si le revenu est inférieur à 1 PASS

11,31

16,46

27,77

Part de la rémunération sous le PASS si le revenu est supérieur à 1 PASS

11,45

16,67

28,12

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

10,26

16,68

26,94

Part de la rémunération au-dessus de 8 PASS

0,40

1,90

2,30

* Le plafond annuel de la sécurité sociale est au 1er janvier 2020 de 41 316 euros, soit 3 443 euros par mois.

** 8 PASS correspondent au 1er janvier 2020 à 330 528 euros, soit 27 544 euros par mois.

*** 4 PASS correspondent au 1er janvier 2020 à 165 264 euros, soit 13 772 euros par mois.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

2.   Une lecture à plusieurs niveaux de ces taux de cotisation

La présentation de ces taux de cotisation consolidés permet d’avoir une idée complète du niveau de prélèvement sur un salaire donné chaque mois, tout en masquant d’autres aspects. Elle appelle donc des remarques méthodologiques de plusieurs ordres.

a.   Des taux de droit commun qui ne tiennent pas compte des mécanismes d’allégements

Les taux présentés sont les taux de cotisation de droit commun, et ne tiennent pas compte des différents mécanismes d’allégements existants, qu’ils soient généraux (applicables en fonction des seuls critères de nature ou de niveau de rémunération) ou spécifiques (en raison du lieu, du statut, de la nature de l’activité exercée). Ils ne reflètent donc pas le niveau de prélèvement global sur les salariés et assimilés, qui est en réalité réduit par le montant de ces allégements ([44]). Ces taux de droit commun correspondent donc à la situation individuelle d’un assuré qui ne bénéficierait d’aucune mesure de réduction ou d’exonération d’assiette ou de cotisations sociales.

Compte tenu de la forte concentration de ces allégements sur les salariés du secteur privé et de l’absence de disposition les modifiant dans le cadre de ce projet de loi, les taux de droit commun constituent toutefois une référence indispensable. Ils permettent en effet les comparaisons à tout niveau de rémunération entre statuts différents, d’une part, et avec le droit proposé, d’autre part.

b.   Une situation spécifique à plusieurs titres pour les cotisations aux régimes complémentaires

Deux éléments doivent être pris en compte au regard des taux applicables en matière de retraite complémentaire :

– ces taux ont fait l’objet d’une réforme récente, dans le sillage de la fusion entre l’AGIRC et l’ARRCO ;

L’impact de la récente fusion AGIRC-ARRCO sur les taux de cotisation

Les régimes AGIRC (cadres) et ARRCO (salariés non-cadres) ont engagé un processus de convergence depuis 1996, qui a abouti au 1er janvier 2019 à une fusion des deux associations, en application des accords nationaux interprofessionnels du 30 octobre 2015 ([45]) et du 17 novembre 2017 ([46])

Les simplifications introduites par la fusion se sont traduites sur le plan des cotisations par l’effacement des distinctions de taux, d’assiette mais aussi de répartition entre employeur et salarié (60/40), entre cadres et non-cadres, à l’exception de la contribution affectée à l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) ([47]).

Jusqu’au 31 décembre 2018, des taux plus importants s’appliquaient en effet aux cadres, sur une assiette plus large que celle des non-cadres, comme le rappelle le tableau ci-dessous.

Taux applicables au 31 décembre 2018 ([48])

Depuis le 1er janvier 2019, l’assiette comme les taux sont communs aux cadres et aux non-cadres.

Taux applicables au 1er janvier 2019

Outre un alignement des taux applicables aux non-cadres et aux cadres, qui avaient déjà considérablement convergé, cette réforme s’est également traduite par :

– une hausse globale des cotisations sur la seconde tranche, au-delà du plafond annuel de la sécurié sociale ;

– une hausse des cotisations non génératrices de droits, à travers une hausse du taux d’appel de 125 à 127 %.

Source : présentation réalisée par lAGIRC-ARRCO en janvier 2019, disponible ici : https://www.agirc-arrco.fr/fileadmin/agircarrco/documents/Doc_specif_page/Assiettes_taux-_de_cotisation-janvier_2019.pdf

– les taux de cotisation « AGIRC-ARRCO », fixés par les partenaires sociaux dans des accords nationaux interprofessionnels à hauteur de 60 % à la charge de l’employeur et de 40 % à la charge du salarié, sont modulables au niveau de chaque entreprise, contrairement aux taux des régimes de base ; ainsi, un accord collectif peut prévoir une répartition différente, à condition que celle-ci soit favorable au salarié ou un taux plus élevé à condition qu’il soit issue d’accords anciens ([49]).

c.   La nécessaire prise en compte du caractère contributif d’une partie de ces cotisations

Dans le souci de présenter de manière exhaustive les prélèvements, le tableau simplifie la consolidation : en effet, toutes ces cotisations n’ont pas les mêmes contreparties en matière de prestations : certaines financent très directement des droits proportionnels aux revenus touchés, et donc aux cotisations versées, tandis que d’autres n’ont pas de contreparties.

– s’agissant des cotisations d’assurance vieillesse de base, compte tenu du plafonnement des prestations de sécurité sociale, les cotisations dites « déplafonnées » (au-delà du PASS) n’ouvrent aucun droit individuel à ceux qui s’en acquittent ; elles contribuent toutefois au financement du régime et à permettre un niveau de rendement plus élevé ;

– s’agissant des cotisations versées à l’AGIRC-ARRCO, compte tenu du mécanisme de « taux d’appel » à hauteur de 127 % (les cotisations « appelées » sont supérieures aux cotisations réellement contributives), seules 79 % des cotisations ouvrent réellement des droits individuels à pension, car elles seules peuvent permettre d’« acheter » des points ;

– outre ces cotisations « appelées » mais non « créatrices de droit », des contributions sans contrepartie en matière de droit sont dues à l’AGIRC-ARRCO, à savoir la contribution d’équilibre général (CEG) et la contribution d’équilibre technique (CET).

Dans ces deux derniers cas, les cotisations appelées mais non contributives ou les contributions d’équilibre participent également au financement des droits des assurés, mais à une échelle collective. Dit autrement, ces sources de financement permettent d’améliorer la valeur du point, et donc le rendement du régime, mais ne permettent pas de déterminer le nombre de points dont dispose chaque assuré.

Dans le souci de mieux rendre compte de la part des cotisations versées dans le cadre d’une logique purement assurantielle, le tableau suivant extrait donc les taux témoignant d’une réelle « contributivité individuelle » en termes de droits.

Tableau des cotisations « génératrices de droits individuels »
dans le droit existant

 

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

TOTAL (salariés + employeur)

Base (CNAV ou MSA)*

Part de la rémunération sous le PASS

7,30

10,45

17,75 (dont 2,30 de « déplafonnée »)

Complémentaire (AGIRC-ARRCO) **

Part de la rémunération sous le PASS (« tranche 1 »)

2,48

3,72

6,20

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS (« tranche 2 »)

6,80

10,20

17,00

Total

Part de la rémunération sous le PASS

9,78

14,17

23,95

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

6,80

10,20

17,00

*S’agissant du régime de base, seules les cotisations dues en dessous du PASS sont contributives, car elles ont un lien avec le niveau de couverture en matière de prestations. Le statut de la part « déplafonnée » en-dessous du PASS (2,30 points) est une « zone grise » dans la mesure où l’on pourrait estimer qu’elle est le « prolongement » de la cotisation au-dessus du PASS, et à ce titre non contributive. Il reste que dans un système en annuités où les pensions sont calculées sur les salaires versés jusqu’à 1 PASS, le lien entre la cotisation et les droits à prestations est plus distendu : les assurés versent des cotisations en dessous de 1 PASS (taux « plafonné » + taux « déplafonné ») et touchent des prestations proportionnées jusqu’à un PASS. Elle est donc pour cette dernière raison incluse par défaut dans le champ de la contributivité. Tel n’est en revanche pas le cas des cotisations dues au-dessus du PASS car elles n’ont aucun lien avec les prestations versées par la sécurité sociale.

**Pour les retraites complémentaires, seules les cotisations permettant d’acheter des points sont prises en compte. Ces cotisations étant alignées entre cadres et non-cadres depuis le 1er janvier 2020, il n’y a plus lieu de faire une différence ici.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

S’agissant de contributivité, il convient toutefois d’apporter une nuance dans les conclusions qui pourraient être tirées tant de l’agrégation de ces taux de cotisation (comme dans le tableau supra) que de la comparaison avec le droit proposé (cf. infra) : dans le champ du régime de base tel qu’il fonctionne actuellement, le lien entre les cotisations versées, d’une part, liées au niveau de revenu et aux taux appliqués, et les droits à prestations, d’autre part, liés à des règles de calcul de salaire moyen sur une certaine période et de durée d’assurance, est réel mais beaucoup moins direct que dans un régime par points. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la réforme proposée (cf. infra).

3.   Les caractéristiques majeures de l’« architecture globale » des cotisations

Le tableau supra permet de dessiner à grands traits les caractéristiques majeures des cotisations d’assurance vieillesse des salariés et assimilés en termes de répartition employeur/salarié, de relation entre le niveau de cotisation et le niveau de rémunération et enfin sur les différentes assiettes qui coexistent.

a.   Une répartition variable, mais qui laisse une place majoritaire au financement par l’employeur

Hors mesures d’exonération, les cotisations « employeurs » sont à la fois majoritaires et variables, comme l’indique le graphique suivant :

Répartition des différents niveaux de cotisations
entre employeur et salarié*

(en % de l’assiette considérée)

*Compte tenu de l’échelle du graphique, la cotisation CET n’est pas représentée, car elle serait quasiment invisible. Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

La « part employeur » (en rouge) est très élevée à des niveaux de rémunération supérieurs à 8 PASS en raison de son poids supérieur dans la contribution « déplafonnée » destinée à la sécurité sociale (82,61 %). En dessous de ces plafonds, la répartition est relativement uniforme aux alentours de 60 % à la charge de l’employeur (rouge) et 40 % à la charge du salarié (bleu). La « ventilation » exacte est recensée par le tableau suivant.

« part employeur » dans les taux de cotisation applicables aux salariés

En % de l’assiette

 

Assiette

Part employeur

Base

Part de la rémunération sous le PASS

58,87%

Part de la rémunération au-dessus du PASS

82,61%

Complémentaire AGIRC-ARRCO

Part de la rémunération sous le PASS (« tranche 1 »)

59,97%

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS (« tranche 2 »)

59,98%

CEG

Part de la rémunération sous le PASS

60,00%

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

60,00%

CET

Part de la rémunération jusqu’à 8 PASS

60,00%

Total

Part de la rémunération sous le PASS

59,28%

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

61,92%

Part de la rémunération au-dessus de 8 PASS

82,61%

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Là encore, le constat précédent n’est fondé que sur les seuls taux de cotisation de droit commun, car en pratique, les employeurs, et dans une moindre mesure les salariés, peuvent bénéficier d’importantes exonérations ou réductions d’assiette ou de taux qui « déforment » cette répartition de principe.

b.   Un taux de cotisation qui varie en fonction du niveau de rémunération

Par l’effet des plafonds, les taux de cotisation varient en fonction :

– de la tranche de rémunération considérée ; les cotisations de sécurité sociale comme de retraite complémentaire varient selon que la rémunération est située au-dessus ou en dessous du PASS, mais aussi bien évidemment selon que l’on se situe en dessous ou au-dessus du plafond de couverture AGIRC-ARRCO ;

– du montant de cette rémunération, car la contribution d’équilibre technique (CET) n’est due que pour les rémunérations supérieures au PASS.

Dans le droit existant, on atteint un taux de cotisation proche de 28 % (27,77 % ou 28,12%, selon que le salarié est soumis à la contribution d’équilibre technique ou non) en dessous du PASS. Les cotisations dues sont principalement celles de sécurité sociale (20,05 points), les cotisations AGIRC-ARRCO sur cette tranche (« tranche 1 ») étant assez faibles.

Ce taux diminue légèrement au-dessus de 1 PASS (26,94 %), car les cotisations plus élevées sur la « tranche 2 » AGIRC ARRCO ainsi que les autres contributions d’équilibre ne compensent pas totalement la suppression des cotisations de sécurité sociale « plafonnées » à ce niveau de rémunération.

Au-delà de 8 PASS, le niveau de cotisation correspond aux seules cotisations de sécurité sociale « déplafonnées » (2,30 %). Il faut immédiatement signaler qu’à ce dernier niveau de rémunération, aucun droit ne peut être constitué ni dans le régime de base, ni dans le régime complémentaire. L’assuré et son employeur contribuent donc au système sans contrepartie, dans une logique de solidarité.

c.   La coexistence de trois assiettes de contributions

Trois assiettes de contributions font l’objet de différents taux de cotisation et contreparties en matière de prestations:

– une première assiette, correspondant au PASS qui sert aussi bien à calculer les cotisations CNAV ou MSA, que la première tranche des cotisations AGIRC-ARRCO ;

– une deuxième assiette équivalant à 8 PASS, qui correspond au niveau de couverture de la retraite complémentaire ;

–une troisième et dernière assiette, qui correspond à l’ensemble du revenu auquel s’appliquent les cotisations salariales et patronales « déplafonnées » de la sécurité sociale.

Que comprend l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse ?

Comme le reste des cotisations de sécurité sociale, l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse s’entend, en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, du salaire brut, y compris les primes et les gratifications, des avantages en nature ou des pourboires. Les cotisations s’appliquent donc à une assiette avant toutes réductions. Sont en revanche exclus intéressement, participation, abondement de l’employeur au plan d’épargne entreprise (PEE) ou au plan dépargne pour la retraite collectif (PERCO), qui sont soumis à un prélèvement qui leur est spécifique, le forfait social.

Les cotisations de retraite complémentaire sont assises sur la même assiette que les cotisations de sécurité sociale, en application des accords nationaux interprofessionnels ayant institué ces régimes ([50]). Les déductions forfaitaires prévues par le code de la sécurité sociale sont donc applicables pour le calcul des cotisations de retraite complémentaire.

Il existe toutefois quelques exceptions :

– l’assiette « AGIRC-ARRCO » est parfois plus restreinte que l’assiette « sécurité sociale » ; tel est le cas lorsque les employeurs prennent en charge des cotisations salariales de retraite complémentaire : ces cotisations versées à la place des salariés sont historiquement exclues de la première tranche mais intégrée dans la seconde au titre d’un avantage versé par l’employeur ;

– à l’inverse, l’assiette « AGIRC-ARRCO » est parfois plus large :

 lorsque l’assiette de cotisations de sécurité sociale est forfaitaire (artistes du spectacle, mannequins, personnels de centres de vacances ou de loisirs, formateurs occasionnels, vendeurs à domicile, colporteurs ou porteurs de presse, personnels d’associations sportives, de jeunesse ou d’éducation populaire), l’assiette des cotisations AGIRC-ARRCO est quant à elle le salaire réellement perçu, par conséquentplus large ;

 lorsque l’employeur cotise pour ses salariés à un régime de prévoyance ou de retraite supplémentaire, les versements font partie de l’assiette des cotisations AGIRC-ARRCO alors que tel n’est pas le cas pour les cotisations de sécurité sociale sous un certain plafond.

Les cotisations de retraite complémentaire sont également exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, si bien que si les cotisations aux régimes de base et complémentaires peuvent se cumuler, aucune ne rétroagit sur l’autre.

Sous ces réserves, la consolidation des taux de cotisation de base et complémentaire est donc tout à fait possible et pertinente.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

II.   L’article 13 propose une nouvelle architecture de la cotisation d’assurance vieillesse, À niveau de prÉlèvement globalement inchangé

L’article 13 vise à réécrire entièrement l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale relatif aux ressources de la CNAV, en vue de prévoir les nouvelles règles applicables dans le nouveau système universel. Si dans la rédaction proposée, ces nouvelles dispositions ne s’appliquent qu’aux travailleurs salariés et assimilés, les nombreux renvois présents dans d’autres articles en font le « cœur » de la nouvelle architecture en matière de cotisations.

1.   Une nouvelle architecture simplifiée au sein d’un article unique

Dans la rédaction proposée, l’article L. 241-3 n’évoque plus l’ensemble des ressources susceptibles de couvrir les dépenses d’assurance vieillesse du régime général ([51]) mais définit la nouvelle architecture du système de cotisation.

Son premier alinéa rappelle tout d’abord l’assiette « économique » de la cotisation d’assurance vieillesse, à savoir les revenus d’activité tels qu’ils sont pris en compte pour l’ensemble des cotisations de sécurité sociale.

Les quatre alinéas suivants de la rédaction proposée distinguent, plus nettement que le droit existant, deux « étages » aux cotisations d’assurance vieillesse dans le nouveau système :

– d’une part, un « étage » de cotisations plafonnées permettant d’acheter les « points » du futur système ;

– d’autre part, un « étage » de cotisations déplafonnées, s’appliquant donc à la totalité des revenus d’activité, et n’ayant pas vocation à financer des points individuels mais le système de retraite dans son ensemble.

a.   Les cotisations « plafonnées » : une identification nette d’un lien direct entre cotisations et droits

L’existence de cotisations « plafonnées » n’est pas en soi une nouveauté, puisque l’article L. 241-3 en prévoyait déjà. C’est sur le montant du plafond que le nouveau système innoverait profondément.

Nécessairement amené à évoluer régulièrement en fonction de l’évolution des salaires, le niveau du plafonnement ne relève pas du domaine de la loi depuis 1958. Il est donc renvoyé par le droit proposé à « trois fois » un plafond fixé par arrêté pris par le ministre chargé de la sécurité sociale, comme dans le droit existant.

C’est donc l’étude d’impact annexée au projet de loi qui précise qu’il s’agira d’un plafond correspondant à 3 PASS, soit dans les conditions actuelles 123 408 euros bruts annuels et 10 284 euros bruts mensuels.

Un tel plafond constitue donc un relèvement significatif de l’assiette soumise aux cotisations du régime de base, mais un niveau plus faible que l’assiette des cotisations versées aux régimes complémentaires (8 PASS).

Le nouveau plafond concilie donc l’élargissement de la couverture qu’implique un système universel (99 % des salariés et 96 % des rémunérations seraient couvertes par ces 3 PASS ([52])) et l’absence de pertinence d’un système assurantiel, et donc redistributif, pour les hauts revenus.

Un tel relèvement du plafond des cotisations du régime de base, nécessairement symétrique du montant des prestations susceptibles d’être versées, témoigne d’une future fusion des deux « étages » (base et complémentaire) de la couverture obligatoire en matière d’assurance vieillesse. Il est en effet peu probable qu’un étage de retraite complémentaire obligatoire subsiste pour un faible nombre d’assurés (240 000 salariés qui auraient une rémunération globale supérieure à 3 PASS), disposant par ailleurs d’autres moyens de s’assurer ou d’épargner.

Seules les cotisations « plafonnées » pourront permettre d’acheter des points, sur le même modèle que celui de l’AGIRC-ARRCO, qui distingue les cotisations dues (taux d’appel) et les cotisations génératrices de points (taux de cotisation). Le nouveau système permettra donc d’associer ces cotisations plafonnées à la constitution de droits, qui ne se fera également que sur 3 PASS.

Les taux de cotisation sont renvoyés, conformément aux dispositions combinées des articles 34 et 37 de la Constitution aujourd’hui, par le dernier alinéa au pouvoir réglementaire à travers un décret qui fixe également la répartition entre salarié et employeur.

Le sixième alinéa réaffirme que les cotisations seront à la charge de l’employeur et du salarié. L’étude d’impact précise que ce partage devrait être fixé par voie réglementaire de la façon suivante :

taux de cotisation « plafonnées/génératrices de droit »
dans le nouveau système

(en % de l’assiette)

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salariés + employeur)

Part de la rémunération sous 3 PASS

10,13

15,18

25,31

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir de l’étude d’impact

Cette répartition correspond :

– exactement à la répartition moyenne 60% employeur/40 % sous le plafond salarié dans le droit existant ;

– à un taux de cotisation « génératrices de droit » supérieur à ce qui existe aujourd’hui (23,95 % sous le PASS, seulement 17 % entre 1 et 3 PASS).

Ainsi, dans le système proposé, une part plus importante des cotisations sera susceptible d’ouvrir des droits individuels en tant qu’assuré.

Si les taux de cotisations sont en principe fixés par voie réglementaire, il est réservé l’hypothèse dans laquelle le conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle souhaiterait modifier les taux ou la répartition entre salarié et employeur, dans les conditions prévues aux articles L. 19-11-3, L. 19-11-4 et L. 19-11-7 relatifs aux délibérations du conseil ([53]). Les niveaux de cotisations constitueront en effet un des leviers d’équilibrage du système universel de retraite, au même titre que d’autres paramètres.

Le mécanisme du point resserrant le lien entre les cotisations et les droits, il apparaissait plus indispensable que dans le droit actuel de préciser les conséquences d’un allégement (exonérations, exemptions, réductions, abattement d’assiette ou de taux) sur la capacité d’un assuré à se constituer des droits.

Le dernier alinéa de l’article L. 241-3 dans la rédaction proposée précise que lorsque les cotisations font l’objet d’exonérations ou d’exemptions, elles continueront à être génératrices de droit pour autant qu’elles aient fait l’objet de compensation financière soit via une compensation budgétaire « classique » en application de l’article L. 131-7 (« loi Veil »), soit par l’affectation d’une ressource fiscale.

La diversité des modes de compensation des exonérations de cotisations et contributions sociales

Dans un souci de clarification des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, la « loi Veil » de 1994 ([54]) a créé à l’article L. 131-7 un principe de compensation intégrale par le budget de l’État de toute mesure d’exonération ou de réduction de cotisations sociales.

Ce principe, de valeur « simplement » législative, pouvait être contourné par toute disposition législative contraire postérieure, ce qui a conduit à une consolidation à travers la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale en 2005 ([55]) qui prévoit un monopole des lois de financement de la sécurité sociale pour prévoir des « niches sociales » non compensées au regard de la «loi Veil ».

Or, depuis plusieurs années, les exonérations de cotisations sociales ont atteint des niveaux trop élevés ([56]) pour que la seule compensation budgétaire puisse être envisagée. Dès lors, des ressources fiscales ont été attribuées à la sécurité sociale, par dérogation aux principes de la « loi Veil », comme forme de compensation parallèle à des mesures d’allégements.

Depuis 2019, dans un souci de rationalisation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale et en application d’une doctrine gouvernementale ([57]), un important « tuyau » de taxe sur la valeur ajoutée « pour solde de tout compte » évoluant chaque année au gré des nouvelles exonérations doit assurer pour l’avenir l’essentiel de ces compensations. Cette fraction de TVA étant affectée à la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) dans un souci de simplicité, la compensation de mesures concernant d’autres branches fait l’objet de mesures inter-branches au sein de la sécurité sociale chaque année.

Il existe donc aujourd’hui :

– des mesures d’exonérations compensées au titre de la « loi Veil » par crédits budgétaires ;

– des mesures d’exonérations non compensées au regard de la « loi Veil » mais qui ont fait l’objet dans le passé de diverses compensations par d’autres moyens (redéploiement de dépenses, affectations de recettes diverses, dont désormais un important montant de TVA) ;

– des mesures d’exonération qui ont immédiatement et explicitement fait l’objet d’une compensation par le biais d’une affectation de recettes ;

– des mesures d’exonérations qui ne sont compensées à aucun titre.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Compte tenu du caractère difficilement identifiable de la notion de compensation par affectation de recettes, c’est probablement l’intention du législateur qui pourra éclairer le juge sur l’existence ou non d’une contrepartie pour la sécurité sociale.

b.   Les cotisations « déplafonnées » et l’ensemble des cotisations : un niveau de prélèvement globalement inchangé sous 3 PASS

Le nouvel article prévoit également un « étage » de cotisations déplafonnées, c’est-à-dire frappant l’ensemble du revenu.

Applicables dès le premier euro, ces cotisations viennent donc s’ajouter aux cotisations « plafonnées » génératrices de droit sous le plafond de 3 PASS et sont les seules à perdurer au-delà.

L’article prévoit, par un a contrario avec les dispositions précédentes, que ces cotisations ne créeront pas de droit, mais assureront le financement du système universel, garantissant ainsi son rendement.

D’après l’étude d’impact, son taux et sa répartition entre employeur et salarié pourraient être les suivants :

taux de cotisation « dÉplafonnées » dans le nouveau système

(en % de l’assiette considérée)

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salarié + employeur)

Ensemble de la rémunération

1,12

1,69

2,81

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir de l’étude d’impact

Le taux global retenu correspondrait à une hausse de 0,51 point par rapport au taux « déplafonné » de sécurité sociale (2,30), aux impacts inégaux en fonction de la tranche de revenu :

– pour les revenus inférieurs au PASS (86,1 % des salariés), cette hausse sera totalement « absorbée » par la nouvelle structure des cotisations : autrement dit, la transformation de cotisations « non génératrices de droit » en cotisations « génératrices de droit » à hauteur de 5 points de cotisations effacera cette modeste hausse ;

– pour les revenus situés entre 1 et 3 PASS (12,9 % des salariés), la hausse doit également être mise en regard de la hausse des cotisations « génératrices de droit » mais aussi de la disparition concomitante des contributions d’équilibre (CET, CEG) et devrait donc être largement compensée par la combinaison de ces deux opérations ;

– pour les revenus situés entre 3 et 8 PASS (0,9 % des salariés), la hausse sera plus que compensée par la disparation des autres cotisations, dans une logique de disparition de la couverture obligatoire retraite à ce niveau de rémunération ;

– aussi, seuls les revenus supérieurs à 8 PASS (0,1 % des salariés) seront effectivement touchés par cette hausse des cotisations « déplafonnées ».

Au total, le niveau de prélèvement du nouveau système universel serait le suivant :

taux de cotisation dans le nouveau système

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salariés + employeur)

Part employeur

 

Part de la rémunération sous 3 PASS

11,25 %

16,87 %

28,12 %

60,00 %

Part de la rémunération au-dessus de 3 PASS

1,12 %

1,69 %

2,81 %

60,14 %

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir de l’étude d’impact

Il est à comparer, avec les niveaux de prélèvement comparables dans le droit existant, extraits du tableau supra.

taux de cotisation dans le système actuel (exemple non-cadre)

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salarié + employeur)

Part employeur

 

Part de la rémunération sous le PASS (revenu inférieur au PASS)

11,31

16,46

27,77

59,28

Part de la rémunération sous le PASS (revenu supérieur au PASS)

11,45

16,67

28,12

59,28

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

10,26

16,68

26,94

61,92

Part de la rémunération au-dessus de 8 PASS

0,4

1,9

2,3

82,61

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

En comparant les deux tableaux, on peut distinguer des évolutions contrastées en fonction de la tranche de rémunération observée :

– le niveau de prélèvement correspondrait au niveau de prélèvement sous le plafond de la sécurité sociale majoré du taux équivalent à la contribution d’équilibre technique (CET) due dans le régime AGIRC-ARRCO lorsque le revenu de l’assuré dépasse le PASS (27,77 + 0,35 = 28,12 %) ; un éventuel changement ne pourrait concerner que la part « employeur » en raison du lissage de la répartition « employeur/salarié » à 60/40 qui ferait légèrement augmenter la part « patronale » ;

– le niveau de prélèvement sera également un peu plus élevé pour la fraction du revenu d’activité située entre 1 et 3 PASS (28,12 % au lieu de 26,94 %) ; cet effet résulte pour une part, du relèvement des cotisations déplafonnées, partiellement minoré par la disparition de la CET et de la CEG ;

– il sera beaucoup plus faible entre 3 et 8 PASS puisque seule la fraction « déplafonnée » sera due (2,81 % au lieu de 26,94 %) ; aucun droit ne pourra être constitué à ce niveau de rémunération, contrairement à la situation existante ; il reviendra donc à ces assurés (1 % de la population salariée) de se constituer une épargne différemment, comme le font aujourd’hui les assurés pour leurs rémunérations supérieures à 8 PASS ;

– il sera, enfin, plus élevé au-delà de 8 PASS (2,81 % au lieu de 2,3 %) ; aucun droit ne pourra être constitué comme aujourd’hui ; par ailleurs, le changement de répartition des parts « salariale » et « patronale » conduit à augmenter de 20 points le prélèvement sur les salariés de cette tranche de rémunération (au-delà de 329 088 euros brut annuel) et à baisser d’autant celui qui pèse sur leurs employeurs ; cette évolution a le mérite de clarifier et d’homogénéiser la répartition employeur/salarié sur l’ensemble des rémunérations ; par ailleurs, la capacité de négociation des salariés à ces niveaux de rémunération conduit bien souvent à effacer la frontière entre cotisations patronales et salariales.

2.   L’abrogation ou le déplacement implicite de certaines dispositions

La réécriture complète de l’article L. 241-3 conduit par ailleurs à « écraser » certaines dispositions prévues à cet article, et qui étaient déjà prévues à d’autres articles :

– l’affectation des ressources de la CNAV, renvoyée à d’autres dispositions (les ordonnances en matière de cotisations, les dispositions crées par l’article 59 s’agissant des ressources fiscales du futur Fonds de solidarité vieillesse universel) ;

– le renvoi du recouvrement des cotisations aux URSSAF, qui sont déjà compétentes en application de l’article L. 213-1.

3.   Entrée en vigueur

En application du IX de l’article 62 du présent projet de loi, ces nouvelles dispositions relatives aux cotisations entreront en vigueur au 1er janvier 2025, en même temps que le reste du système universel.

Contrairement aux dispositions relatives aux prestations, ces nouvelles règles concerneront, sous réserve du régime transitoire prévu par voie d’ordonnances, l’ensemble des assurés. Il n’y a donc pas de différence en fonction de la génération de l’assuré. Cette solution est pleinement justifiée par la nécessité de ne pas alourdir les charges administratives des entreprises qui n’auront pas à gérer deux taux différents au sein de l’entreprise, et de ne pas créer de biais microéconomiques, en garantissant que les prélèvements sociaux soient les mêmes pour tous les salariés sans considération de leur âge.

*

*     *

 

 

 


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Section 2
Dispositions applicables aux salariés et assimilés

Article 14
Dispositions spécifiques aux salariés relatives à lactivité partielle

L’article 14 assure l’application de plafonds adaptés pour les salariés en activité partielle, dans des conditions de proratisation proches du droit en vigueur, et assure diverses coordinations dans le code de sécurité sociale.

Le plafond du nouveau système (3 « PASS ») sera donc rapporté à la quotité de travail réellement effectuée par le salarié à temps partiel dans l’entreprise.

I.   des modalités de calcul spécifiques sont appliquées pour tenir compte des activités partielles

1.   Le plafond de la sécurité sociale est désormais proportionnel à l’activité effective du salarié au cours du mois

● En cas d’activité partielle, la répartition entre cotisations « plafonnées » et « déplafonnées » d’assurance vieillesse, d’une part, et celle entre cotisations versées aux régimes base et complémentaires, d’autre part, pourraient être foncièrement différentes de celles applicables aux salariés à temps plein, notamment parce qu’à rémunération horaire comparable, un salarié à temps partiel est plus naturellement en dessous du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), fixé en 2020 à 41 136 euros.

Ainsi, un salarié qui aurait deux activités à temps partiel rémunérées chacune 24 000 euros bruts annuels pourrait, en l’absence de règle de proratisation, avoir un niveau de cotisations foncièrement différent d’un salarié rémunéré à 48 000 euros par an à temps plein auprès d’un employeur (27,77 % sur ses deux rémunérations pour le premier, 28,12 % pour le second sur la part inférieure au plafond de 41 136 euros et 26,94 % sur la part supérieure à ce plafond).

Afin de garantir une neutralité du plafond en fonction de la durée d’activité, le pouvoir règlementaire a prévu plusieurs règles de « proratisation » en cas d’activité partielle :

– tout d’abord, en cas d’entrée ou de sortie en cours de mois, le plafond pouvait jusqu’à une date récente être rapportée à la durée effective de travail selon les modalités suivantes (article R. 242-2 du code de la sécurité sociale) :

– en cas d’activité durablement partielle, il était prévu un calcul en deux temps (article R. 242-7 du code de la sécurité sociale) :

● Dans un souci de simplification, l’article R. 242-2 du code de la sécurité sociale prévoit depuis le 1er janvier 2018 ([58]) que la valeur mensuelle du plafond est désormais rapportée pour les salariés en activité partielle à la durée de présence effective dans l’entreprise.

Une circulaire du 19 décembre 2017 ([59]) a précisé que le plafond correspond alors à la valeur mensuelle du plafond multiplié par le ratio entre le nombre de jours de la période d’emploi et le nombre de jours calendaires du mois. Dans le même esprit, pour les salariés à temps partiel, le plafond correspond à la valeur mensuelle du plafond multiplié par le ratio entre la durée contractuelle à laquelle s’ajoute les heures complémentaires effectuées et la durée légale ou conventionnelle du travail.

Au total, en vertu de ces règles simplifiées par rapport à un plafonnement annuel, il y a exacte proportionnalité entre la valeur du plafond applicable et la durée effective du travail rémunéré du salarié durant le mois.

2.   Pour les salariés ayant plusieurs employeurs, les cotisations « plafonnées » sont réparties sur l’ensemble de leurs rémunérations

Lorsqu’un salarié a plusieurs employeurs, il a également davantage de chance d’avoir chacune de ses rémunérations en-dessous du plafond de la sécurité sociale.

Afin d’assurer une répartition équitable des cotisations entre salariés et donc la prise en compte de l’ensemble de la rémunération, l’article L. 242-3 du code de la sécurité sociale prévoit une proratisation des cotisations « plafonnées » et « déplafonnées » sur chacune des rémunérations. La part de cotisations « plafonnées » prises en compte par chacun des employeurs correspond donc au plafond de la sécurité sociale multiplié par le ratio entre la rémunération versée par cet employeur et le total des rémunérations perçues par le salarié, tel que ce dernier les communique à cet employeur.

En cas d’opposition entre l’employeur et le salarié sur l’évaluation de l’ensemble des rémunérations perçues, sur le calcul ou encore lorsqu’il est impossible d’établir ce montant, il revient à l’URSSAF de fixer cette fraction (articles R. 242-4 et R. 242-5 du code de la sécurité sociale).

Cette proratisation, complexe à mettre en œuvre et intrinsèquement liée aux cotisations propres au régime général, ne s’applique pas :

– aux salariés qui relèveraient à titre principal d’autres régimes que le régime général, et qui pourraient appliquer d’autres plafonds ([60]) ;

– aux salariés exerçant plusieurs activités occasionnellement ou brièvement ; l’article L. 242-3 ne vise en effet que les salariés ayant « régulièrement et simultanément » plusieurs employeurs ;

– aux salariés pour lesquels les cotisations sont calculées sur une base forfaitaire ou qui bénéficient de taux réduits ;

– en toute logique, aux salariés dont l’ensemble de la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale ([61]).

Par ailleurs, l’article L. 242-3 prévoit que par dérogation au principe d’une égale répartition entre employeurs prenant en compte l’ensemble de la rémunération, une proratisation dans les mêmes conditions qu’en cas d’activité partielle (cf. supra) est possible. La différence entre les deux « méthodes » peut être sensible car la rémunération du salarié rapportée à un « plein temps » peut être très différente d’une rémunération rapportée à l’ensemble de sa rémunération, notamment si les rémunérations sont très différentes d’un employeur à l’autre. Cette seconde méthode a néanmoins le mérite d’être beaucoup plus simple à appliquer, car elle ne nécessite pas de connaître la rémunération globale du salarié.

Les régimes complémentaires utilisent-ils les mêmes règles de proratisation.

3.   Pour les salariés à temps partiel, un abattement d’assiette spécifique

Les articles L. 242-8 et suivants prévoient un abattement d’assiette de cotisations d’assurance vieillesse mais aussi d’une fraction des cotisations au Fonds national d’aide au logement (FNAL) pour les salariés à temps partiel permettant de neutraliser la différence de cotisations dues, pour une même quantité de travail, entre salariés à temps partiel et salariés à temps plein (par exemple, entre deux « mi-temps » et un « temps plein »).

Si l’étude d’impact n’évoque pas ce point particulier, les dispositions sont vraisemblablement devenues sans objet dès lors que le plafond de la sécurité sociale est parfaitement proratisé pour les salariés à temps partiel (cfsupra).

II.   L’article 14 reconduit des modalités de calcul adaptées À l’activité partielle dans le système universel de retraite

La création d’un système universel rend nécessaire à la fois de préciser les modalités de calcul du plafond en cas d’activité partielle, et de supprimer ou de déplacer un certain nombre de dispositions inopportunes ou devenues sans objet.

a.   Une généralisation de la règle de la proratisation

● Le du I réécrit l’article L. 241-3-1 qui était relatif à la « sur-cotisation ».

Il prévoit ainsi que pour les activités partielles, le plafond est ajusté en fonction de la « quotité de travail » assurée. Le mode de calcul de ce plafond est renvoyé à un décret en Conseil d’État, « notamment » pour certaines catégories bien identifiées :

– les salariés qui ne se voient pas appliquer le SMIC et qui s’acquittent de cotisations forfaitaires en application de l’article L. 242-4-4 (formateurs occasionnels, vendeurs-colporteurs et porteurs de presse, personnels de centres de vacances et de loisirs pour mineurs ou adultes en situation de handicap ainsi que des associations de jeunesse et d’éducation populaire, sportifs) ;

– les personnes intérimaires des entreprises de travail temporaire ;

– les salariés concernés par des mesures de réduction d’horaires de travail, moyennant une indemnisation au titre de l’activité partielle, dans les conditions prévues à l’article L. 5122-1 du code du travail ([62]).

Cette rédaction élève au niveau législatif et étend à l’ensemble des employeurs, le principe de la « proratisation » du plafond de la sécurité sociale au regard du temps de travail effectué, tel qu’il est prévu à l’article R. 242-2 du code de la sécurité sociale. La règle sera donc la même en cas d’activité à temps partiel auprès d’un ou de plusieurs employeurs.

Il convient de remarquer que le plafond des cotisations « vieillesse » ayant été relevé (de 1 à 3 PASS), les hypothèses de dépassement de ce plafond et donc l’utilité de ces règles de proratisation s’en trouveront fortement réduites.

● En conséquence, le du I abroge :

– l’article L. 242-3 relatif à la répartition des cotisations patronales lorsqu’un assuré à plusieurs employeurs en même temps, la proratisation étant désormais couverte par les dispositions plus larges de la nouvelle rédaction de l’article L. 241-3-1 ;

– la section 3 du chapitre II du titre IV du livre II, relative aux cotisations assises sur les rémunérations des salariés à temps partiel (articles L. 242-8 à L. 242-10), et donc les dispositions relatives à l’abattement compensant, pour l’employeur, la différence à volume de travail équivalent entre des salariés à temps partiel et des salariés à temps plein ; ces dispositions sont devenues sans objet dès lors que le plafond de la sécurité sociale sera désormais systématiquement proratisé.

b.   La transposition aux salariés agricoles

● Le du II « transpose » le nouveau plafond des cotisations versées au système universel à l’article L. 741-9 du code rural et de la pêche maritime, relatif aux ressources des régimes agricoles.

Le du II assure une première coordination à l’article L. 741-12 en supprimant la mention de l’applicabilité des articles L. 241-3-1 (déplacée à l’article L. 741-15, cf. infra) et des articles L. 242-8 à L. 242-10 relatifs à l’abattement, désormais supprimés (cf. supra). Il est désormais fait référence à l’applicabilité de l’article L. 191-3 relatif aux différents modes d’acquisition des points (cotisations, périodes assimilées, autres versements spécifiques de points) ([63]). Conformément à sa position d’article « chapeau » dans le code, l’article L. 741-12 procède ainsi par renvoi aux dispositions les plus générales du système universel.

Le du II renvoie en revanche à l’article L. 741-15 l’applicabilité des dispositions plus spécifiques, et notamment des règles de proratisation de l’article L. 241-3-1 dans sa nouvelle rédaction.

c.   Le déplacement des dispositions relatives à la surcotisation

● En réécrivant l’article L. 241-3-1, le du I abroge implicitement les dispositions relatives à la faculté pour les salariés à temps partiel, de cotiser sur une assiette équivalente au taux plein.

Ces dispositions sont en réalité élargies et déplacées par l’article 27 dans un titre spécifique à l’acquisition facultative de points ([64]).

d.   Coordinations diverses

● Le du I modifie l’article L. 136-1-1 relatif à l’assiette de la CSG :

– le a du du I supprime la référence à l’exclusion de l’assiette des cotisations de retraite complémentaire des salariés, ces cotisations ayant vocation à disparaitre avec la réunion des deux « étages » d’assurance (base et complémentaire) ;

– le b du du I assure une coordination s’agissant de la prise en charge par l’employeur de cotisations salariales, également exclues de l’assiette dans le droit existant comme dans le droit proposé ; ainsi, il supprime la référence à l’article L. 241-3-1, celui-ci ayant changé d’objet (cf. supra), de même que celle à l’article L. 241-3-2, abrogé par le présent article (cf. infra) ; cette exclusion vise désormais l’article L. 194-3 qui couvre l’hypothèse d’une surcotisation par un salarié à temps partiel au niveau d’un temps plein.

● Ledu I abroge l’article L. 241-3-2 relatif aux cotisations des régimes complémentaires pouvant être prises en charge par l’employeur en cas de congé, ces régimes ayant vocation à disparaître dans le cadre du système universel.

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*     *


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Article 15
Dispositions relatives à la transition pour les salariés

L’article 15 habilite le Gouvernement à prévoir par voie d’ordonnance les transitions nécessaires à la mise en place du système universel, s’agissant des travailleurs salariés et assimilés.

Il s’agit ainsi d’assurer une montée progressive des niveaux de cotisations pour les salariés du secteur public affiliés à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de lÉtat et des collectivités publiques (IRCANTEC) pour le régime complémentaire, mais aussi de tenir compte de la situation spécifique de certains publics.

I.   La nécessité d’une transition progressive y compris pour les salariés

Avant d’atteindre la « cible » dessinée par la nouvelle rédaction de l’article L. 241-13 telle qu’elle résulte de l’article 13, il apparaît nécessaire de prendre en compte le degré d’éloignement de celle-ci, plus ou moins élevé en fonction des situations générales ou spécifiques.

1.   Une modification à la marge des cotisations pour les salariés du secteur privé

a.   La nécessité d’une transition y compris dans le cas le plus général

Les modifications, même limitées, des taux de cotisations applicables auraient un impact financier important, dans la mesure où elles concerneraient 22 millions d’assurés à l’AGIRC-ARRCO.

L’étude d’impact estime ainsi qu’à terme la réforme devrait, dans les cas les plus communs :

– entraîner une légère hausse des cotisations pour les rémunérations en dessous du PASS à hauteur de 0,35 %, ce qui correspond au non-acquittement de la contribution d’équilibre technique (CET) à ce niveau de rémunération pour les salaires inférieurs à 1 PASS ; la hausse au niveau du SMIC est estimée par le Gouvernement à 6 euros par mois pour l’employeur, partiellement compensée par une baisse de 1 euro pour les salariés ; le rééquilibrage résulte de la nouvelle répartition 60/40 entre employeur et salarié, qui est actuellement légèrement différente pour les cotisations de sécurité sociale au niveau du PASS (58,87/41,13 %), notamment en raison de l’effet « déformant » de la part « déplafonnée » (82,61 % pour l’employeur) ; pour les salaires proches du SMIC, cette hausse des cotisations patronales pourrait être neutralisée par les allégements généraux ;

– entraîner également une légère hausse des cotisations pour les salariés dont le revenu est supérieur à 1 PASS et inférieur à 3 PASS ; l’étude d’impact estime qu’au niveau de 3 SMIC (4 618,26 euros bruts mensuels), cela correspondrait à une hausse des cotisations limitée à 14 euros par mois (5 euros pour le salarié, 9 euros pour l’employeur) ;

– entraîner une baisse conséquente des cotisations portant sur les rémunérations supérieures à 3 PASS, accompagnée d’une baisse du même ordre des droits; à 10 SMIC, le Gouvernement estime qu’il s’agit d’une baisse de 1 146 euros par mois (404 euros pour le salarié, 742 euros pour l’employeur).

S’agissant de ce dernier point, si cette baisse de recettes se traduira logiquement par une baisse de prestations à verser à due concurrence (c’est en effet la part « génératrice de droits » qui ne sera plus cotisée), le mécanisme de la répartition introduira un décalage dans le temps entre ces trois effets :

– une diminution potentiellement immédiate des cotisations dues pour cette tranche de rémunération, puisque les règles de cotisations s’appliqueront à tous les salariés indépendamment de leur génération ;

– le maintien du besoin de financer pendant encore plusieurs décennies les droits déjà constitués à l’AGIRC-ARRCO entre 3 et 8 PASS ainsi que les droits qui continueront à l’être pour la génération née avant 1975 ;

– une diminution des prestations lorsque les premières générations concernées par le nouveau système (génération 1975 pour la première) arriveront à la retraite, soit au plus tôt en 2037.

Il est donc particulièrement important d’en lisser les effets dans le temps, afin de limiter le déséquilibrage temporaire à ce niveau de rémunération.

b.   Le besoin de prendre en compte la situation spécifique des entreprises ayant des taux de cotisations aux régimes complémentaires modulés

En raison de la possibilité de moduler les taux de cotisations à la hausse au niveau du PASS, d’une part, et de leur répartition entre salarié et employeur au sein des régimes AGIRC-ARRCO, d’autre part, l’harmonisation avec les taux proposés implique par conséquent un ajustement plus important que dans le cas général.

Les effets de cet ajustement sont documentés par l’étude d’impact du Gouvernement dans les deux hypothèses les plus communes, à savoir des taux de cotisations au niveau du PASS relevés de 2 % et une répartition 70/30 % (au lieu de 60/40 %) entre employeur et salarié.

Certaines entreprises ont pu conserver dans le cadre d’accords de branche ou d’entreprise anciens des taux de cotisations plus élevés que ceux qui sont prévus au niveau national par les accords « AGIRC-ARRCO ». L’uniformisation du taux de cotisation applicable conduit ces entreprises et leurs salariés concernés à réaliser une « marche » supplémentaire vers le système « cible ».

Actuellement, sur les 22 millions de salariés relevant de l’AGIRC-ARRCO :

– environ 1 million d’assurés sont concernés par une majoration du taux de droit commun « employeur » comprise entre 0,5 et 1,5 point ;

– 2 millions par une majoration de ce taux comprise entre 1,5 et 2 points ;

– 0,2 million par une majoration comprise entre 2 et plus de 3,5 points.

Le Gouvernement a mis à disposition dans son étude d’impact le différentiel entre les taux « cibles » et ces taux dérogatoires en pourcentage de la rémunération concernée et en euros. Il est pris ici une hypothèse relativement haute, dans laquelle l’entreprise a retenu des taux supérieurs de 2 points à ceux prévus par les règles de droit commun.

impact des nouveaux taux pour des salariés auxquels sont appliqués des taux AGIRC-ARRCO majorés de 2 % (hypothèse « +2% »)

Source : étude d’impact du Gouvernement

impact en euros de l’hypothèse « +2% » À trois niveaux de rémunération

 

Source : étude d’impact du Gouvernement

Par rapport à ces taux majorés, le taux « cible » de 28,12 % implique par construction une diminution des cotisations jusqu’à 3 PASS. Les effets au-dessus de 3 PASS sont quasiment invisibles, car dissimulés derrière la baisse globale de cotisations résultant de l’absence de couverture à ce niveau de rémunération.

Si cette baisse de cotisations pourrait avoir des effets « positifs » en termes de prélèvements, elle pourrait surtout se traduire en l’absence de mesures spécifiques par une perte de droits par rapport à la situation existante dans le cadre de systèmes à points (celui de l’AGIRC-ARRCO, comme celui du système universel proposé).

Les accords régissant le fonctionnement de l’AGIRC-ARRCO permettent également, y compris dans le cadre de nouveaux accords, une répartition dérogatoire au « 60/40 » entre salarié et employeur de principe, à condition que ce soit favorable au salarié.

Dans son étude d’impact, le Gouvernement prend ainsi l’hypothèse d’une entreprise dans laquelle l’employeur prendrait en charge 70 % de l’ensemble des cotisations, et non 60 %. Le rétablissement de la stricte répartition de principe conduirait à une hausse mécanique des cotisations pour les seuls salariés, exposée en pourcentage et en euros dans les tableaux de l’étude d’impact reproduits ci-dessous.

impact des nouveaux taux pour des salariés auxquels est appliquée une répartition employeur-salarié 70/30 (hypothèse 70/30)

Source : étude d’impact du Gouvernement

impact en euros de l’hypothèse « 70/30 » en euros
À trois niveaux de rémunération

Source : étude d’impact du Gouvernement

L’harmonisation de ces taux moins favorables à l’employeur conduirait ainsi à une hausse relative des cotisations salariales, dans des proportions ne dépassant 14 euros par mois au niveau du SMIC et 70 euros au niveau de 3 SMIC. Cet effet « collatéral » du système « cible » pourrait donc opportunément être lissé sur plusieurs années, pour devenir quasiment insensible.

2.   Un relèvement du niveau des cotisations dans le cas spécifique des salariés du secteur public

La présentation de la situation des salariés à l’article 13 n’a pas inclus un cas particulier, quoiqu’assez significatif numériquement (3 millions de cotisants), celui des salariés du secteur public.

a.   Les salariés du secteur public sont affiliés à un régime complémentaire spécifique (IRCANTEC) possédant des niveaux de cotisations plus faibles que les cotisations des autres salariés

Si les salariés du secteur public relèvent pleinement des dispositions de droit commun, relatives au régime de base (régime général), tel n’est pas le cas en ce qui concerne le régime de retraite complémentaire.

Les accords fondateurs des régimes AGIRC et ARRCO ayant été signés par des organisations patronales ne représentant pas les employeurs publics, les salariés du secteur public se sont dotés avec le décret du 23 décembre 1970 ([65]) d’un régime spécifique de retraite complémentaire, l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC), aujourd’hui prévue à l’article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale.

Les taux de cotisations applicables à ces salariés sont donc similaires en ce qui concerne les cotisations de base mais différents de ceux applicables aux autres salariés, s’agissant de leur complémentaire, comme le retrace le tableau suivant.

Taux et assiettes de cotisations des salariés du secteur public (1er janvier 2020)

En % de l’assiette considérée

 

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salariés + employeur)

Base (CNAV)

Sous le PASS

7,30

10,45

17,75

Entre 1 et 8 PASS

0,40

1,90

2,30

Complémentaire (IRCANTEC)

Sous le PASS

2,80

4,20

7,00

Entre 1 et 8 PASS

6,95

12,55

19,50

Total

Sous le PASS

10,1

14,65

24,75

Entre 1 et 8 PASS

10,5

16,55

27,05

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

On peut relever au sujet de ces cotisations :

– une certaine simplicité de « l’architecture », proche de celle qui est proposée par le Gouvernement pour le système universel ;

– des niveaux de cotisations qui, malgré un long mouvement de convergence ([66]), sont encore aujourd’hui un peu plus faibles que celles qui s’appliquent aux salariés et qui ont vocation demain à informer le système universel ;

– comme dans l’AGIRC-ARRCO, une distinction entre les taux appelés (125 %) et les taux permettant d’acquérir des points (générateurs de droits individuels) retracée dans le tableau suivant.

cotisations « génératrices de droits Individuels» pour les salariés du secteur public (1er janvier 2020)

En % de l’assiette considérée

 

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salariés + employeur)

Base (CNAV)*

Sous le PASS

7,30

10,45

17,75

Complémentaire (IRCANTEC)

Sous le PASS

2,24

3,36

5,60

Entre 1 et 8 PASS

5,56

10,04

15,60

TOTAL

Sous le PASS

9,54

13,81

23,35

Entre 1 et 8 PASS

5,56

10,04

15,6

* Comme dans le commentaire de l’article 13, les cotisations sous le PASS sont considérées comme ayant comme contrepartie des prestations, et donc « génératrices de droit », à l’inverse des cotisations dues au-dessus du PASS.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

b.   La réforme suppose un relèvement des cotisations applicables à ces salariés

Au regard de ces niveaux de cotisations, pour atteindre le niveau de cotisations « cible » du nouveau système, il faudrait :

– relever de 3,37 points les taux de cotisations sur les rémunérations inférieures à 1 PASS (+ 1,15 % pour le salarié, + 2,22 % pour l’employeur) ; d’après l’étude d’impact, cela représenterait une hausse de 17 euros par mois pour le salarié et de 34 euros pour l’employeur pour une rémunération au SMIC ;

– relever de 6,32 points les taux de cotisations entre 1 et 3 PASS (+ 3,90 pour le salarié, + 2,42 pour l’employeur) ; cela pourrait représenter d’après le Gouvernement une hausse de cotisations de 189 euros par mois au niveau de 3 SMIC (85 euros pour le salarié, 104 euros pour l’employeur) ;

– assurer une transition progressive vers une baisse très forte des cotisations entre 3 et 8 PASS comme dans le régime général, corrélative à l’absence de couverture sur ce niveau de rémunération.

Si la convergence des taux de droit commun était déjà en cours, la « marche » pour atteindre le système « cible » demeure donc suffisamment significative pour qu’un étalement sur plusieurs années soit envisagé.

S’agissant plus spécifiquement des employeurs publics, il convient de préciser par rapport à la situation générale deux spécificités allant d’ailleurs en sens contraire :

– d’une part, ces employeurs publics n’étant pas éligibles aux allègements généraux de cotisations sociales, la charge « patronale » supplémentaire sera bien effective à tous niveaux de revenus, alors qu’elle devrait être neutralisée par les exonérations notamment au niveau du SMIC pour les salariés du secteur privé ;

– d’autre part, ces mêmes employeurs publics devraient bénéficier en parallèle d’une importante baisse de cotisations pour leurs agents statutaires ([67]) ; compte tenu du caractère minoritaire des salariés du secteur public (3 millions vs. 5,66 millions de fonctionnaires) et de la baisse de cotisations beaucoup plus importante par agents statutaires que ne l’est la hausse pour les salariés, c’est l’ensemble de cette évolution qui devra être prise en compte dans la contribution des employeurs publics au financement du système universel de retraite.

3.   D’autres situations spécifiques

D’autres catégories spécifiques de salariés s’acquittent aujourd’hui de cotisations de retraite complémentaire spéciales, même s’ils relèvent du régime général pour le régime de base. Ces spécificités peuvent tenir à la situation très spécifique de leur emploi (artistes-auteurs) ou à une affiliation à un autre régime que l’AGIRC-ARRCO pour leur complémentaire. Compte tenu de l’éloignement de la cible, il convient de prendre en compte ces situations :

Les artistes-auteurs sont affiliés au régime général par la voie législative (article L. 382-1) bien qu’ils n’aient pas à proprement parler d’employeur. Leur rémunération est due par les diffuseurs de leurs œuvres. Leur situation spécifique, également prise en compte à l’article 16, fait l’objet d’une présentation plus complète à cet article.

On peut toutefois rappeler que beaucoup d’artistes-auteurs n’ont pas de régime complémentaire, les éloignant d’autant du système « cible » qui agrège les taux de cotisations de base et complémentaire. Par ailleurs, quand c’est le cas, les taux de cotisations applicables pour leur complémentaire sont très éloignés de ceux de l’AGIRC-ARRCO.

Les experts-comptables salariés sont affiliés à la caisse d’allocation vieillesse des experts-comptables pour leur régime complémentaire, et non à l’AGIRC-ARRCO, en application de l’article L. 642-4 du code de la sécurité sociale. Les cotisations forfaitaires dues au titre de ce régime sont également présentées à l’article 20 et sont au choix de 3 834 ou 5 994 euros par an en fonction du nombre de points souhaités. 60 % de cette cotisation est prise en charge par l’employeur.

Dans le cadre du système universel, ces niveaux de cotisations ont vocation à fortement évoluer, à la hausse ou à la baisse, en fonction du niveau de revenu de l’expert-comptable concerné, nécessitant de lisser ces effets sur plusieurs années.

Depuis la loi du 6 août 2015, les officiers ministériels salariés cotisent pour leur régime complémentaire à la Caisse d’assurance vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires (CAVOM) en plus de leur affiliation au régime AGIRC-ARRCO. L’intégration dans le système universel devrait par conséquent conduire à une diminution des cotisations dues, car les taux « cibles » n’intègrent plus cette double affiliation pour les officiers salariés.

Depuis le 1er janvier 1992 ([68]), tous les avocats salariés sont affiliés de plein droit pour leur base comme pour leur complémentaire à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). 60 % de leurs cotisations sont alors prises en charge par leur employeur. Les taux applicables sont présentés dans le commentaire de l’article 20.

Créé en 1951 ([69]), le régime complémentaire de retraite du personnel navigant de l’aéronautique civile est désormais prévu à l’article L. 6527-1 du code des transports. Il est géré par une caisse spécifique, la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile (CRPN) prévue à l’article L. 6527-2 du code des transports.

Les assurés s’acquittent de taux très élevés au titre de la retraite complémentaire, et l’application stricte du « taux cible » pourrait conduire à une diminution de leurs droits.

Ces taux de cotisations applicables sont présentés dans le tableau suivant, avec les taux applicables pour l’AGIRC-ARRCO en comparaison.

Taux applicables aux personnels navigants (retraite complémentaire)

(en % de l’assiette considérée)

 

Assiette

Taux salarié*

Taux employeur*

TOTAL*

Complémentaire CRPN
(taux « normaux »)

Part de la rémunération sous le PASS**

8,66

15,13

23,79

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

8,32

14,79

23,11

Complémentaire CRPN
(taux « majorés » pour certains personnels ([70]))

Part de la rémunération sous le PASS**

12,48

22,19

34,67

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

12,82

22,53

25,25

Complémentaire AGIRC-ARRCO

Part de la rémunération sous le PASS**

3,15

4,72

7,87

Part de la rémunération entre 1 et 8 PASS

8,64

12,95

21,59

* Ces taux font l’objet d’un taux d’appel supérieur au taux contributif, à hauteur de 108,50 %.

** Les assurés de la CRPN s’acquittent d’une cotisation pour un Fonds de majoration sous 1 PASS.

Le tableau ci-dessus présente uniquement les taux complémentaires comparables. Les taux « normaux » ou « majorés » sont alternatifs.

Source : Commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir des données de la CRPN

II.   L’article 15 propose de mettre en œuvre par voie d’ordonnance une transition entre ancien et nouveau système sur une durée maximale de vingt ans

Compte tenu de ces différences parfois limitées (pour l’essentiel des salariés du secteur privé), parfois plus significatives (salariés du secteur public, salariés du secteur privé ayant des rémunérations supérieures à 3 PASS), une période de transition devrait permettre à compter du 1er janvier 2025, de lisser le passage à des taux de cotisations parfois sensiblement différents.

A.   Le champ de l’habilitation

1.   Les assurés concernés : l’ensemble des salariés et plus spécifiquement ceux s’acquittant de niveaux de cotisations particuliers

En application du I, les publics concernés par cette ordonnance mettant en œuvre la transition sont :

– l’ensemble des salariés relevant (cas des générations nées avant le 1er janvier 1975) « ou qui auraient relevé » (cas des générations nées après le 1er janvier 1975) au 1er janvier 2025 des régimes de retraite complémentaire ; la transition concernera donc par construction l’ensemble des salariés, les nouvelles règles de cotisations s’appliquant à eux sans lien avec leur date de naissance, comme le prévoit l’article 62 du présent projet de loi ; ce sont donc les taux applicables à l’ensemble des salariés qui évolueront sur vingt ans ;

– les artistes-auteurs tels qu’ils sont définis à l’article L. 382-1 ;

– les experts-comptables ou comptables agréés prévus à l’article L. 642-4, lorsqu’ils sont salariés ;

– les commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunaux de commerce ou huissiers de justice mentionnés à l’article L. 642-4-1, lorsqu’ils sont salariés ;

– les avocats tels que définis à l’article L. 651-1, lorsqu’ils sont salariés.

2.   L’objet de l’habilitation : une transition des taux et, si nécessaire, des assiettes sur vingt ans au plus

a.   La convergence pour les salariés du secteur public et du secteur privé

L’habilitation prévoit tout d’abord que l’ordonnance prise par le Gouvernement pourra réduire sur une durée maximale de vingt ans les différences d’assiette et de taux de cotisations existants au 31 décembre 2024 avec les assiettes et taux « cibles » applicables à compter du 1er janvier 2025 dans le cadre du nouveau système.

L’ordonnance pourra donc décliner les assiettes et les taux « intermédiaires » permettant de converger progressivement vers le système « cible » de 2025 jusqu’à 2045 au plus tard. Les taux de cotisations proprement dits relevant du domaine réglementaire, l’ordonnance pourra néanmoins intervenir utilement sur les plafonds, exemptions et assiettes et fonder juridiquement des dérogations aux principes posés à l’article L. 241-3.

Ainsi, les assiettes supérieures au plafond prévu dans le système « cible » (rémunérations supérieures à 3 PASS) pourraient diminuer progressivement, afin d’éviter un déséquilibre brutal entre la diminution des ressources et le maintien de droits à verser aux générations nées avant le 1er janvier 1975 qui touchent des salaires supérieurs à 3 PASS.

Les taux auront quant à eux vocation à évoluer de manière uniforme pour tous les salariés, quelle que soit leur année de naissance.

Selon les situations, la transition pourra donc se faire à la hausse ou à la baisse.

La hausse la plus importante concerne les salariés du secteur public et devrait faire l’objet d’un long lissage.

L’étude d’impact présente ainsi à titre de simple illustration, les futures ordonnances étant un propices à la définition de solutions concertées, la trajectoire de convergence suivante « très lisse » pour les salariés du secteur public, sur une quinzaine d’années (+ 0,15 % chaque année pour les salariés et les employeurs).

Évolution possible des taux applicables aux salariés du secteur public avec une augmentation linéaire sur quinze années (illustration)

(en % de l’assiette considérée)

Source : étude d’impact

Une telle augmentation permettrait une hausse très progressive des cotisations, comme en témoigne le tableau suivant également issu de l’étude d’impact, pour trois hypothèses de rémunérations.

Évolution possible des cotisations dUes par les salariés et employeurs du secteur public avec une augmentation linéaire sur quinze années (illustration)

(en euros mensuels)

Source : étude d’impact

L’augmentation chaque année de cotisations ne dépasserait ainsi jamais les 8 euros par mois pour un salaire au niveau du SMIC et 25 euros pour un salaire à 3 SMIC.

Par extension, une transition d’une ampleur encore plus modeste pourrait être envisagée pour les salariés du secteur privé entre 1 et 3 PASS qui n’ont pour la plupart qu’un écart de quelques dixièmes de point avec le système cible.

L’habilitation permettra également de lisser sur une période vraisemblablement plus longue la diminution des cotisations pour les rémunérations situées entre 3 et 8 PASS, afin de limiter les pertes de recettes en attendant que le nouveau niveau de couverture à 3 PASS produise des effets en dépenses à partir de 2037.

Elle pourrait aussi concerner des publics qui s’acquittaient de cotisations plus importantes, notamment en termes de retraite complémentaire.

b.   Des convergences pour des situations plus spécifiques

L’article 15 propose d’habiliter le Gouvernement à fixer les conditions et limites dans lesquelles les salariés et les employeurs s’acquittant de taux de cotisations AGIRC-ARRCO majorés pourront rester redevables de cotisations plafonnées correspondant à la différence entre les niveaux prévus pour le régime général dans l’état antérieur du droit et les nouveaux taux prévus dans le nouveau système. Afin d’éviter que la réforme ne conduise à diminuer les droits constitués par les assurés concernés dans des secteurs importants (industrie chimique, hospitalisation privée, médico-social, enseignement privé, hôtels-cafés-restaurants, commerce de gros, métiers de bouche, culture, journalisme, édition), il s’agirait de maintenir une couverture obligatoire au niveau de ce qui était prévu dans les accords actuellement applicables, sous la forme de régimes de retraite supplémentaires.

L’évolution qui résulterait de ces dispositions serait schématiquement la suivante : couverture « système universel » + couverture « supplémentaire » = couverture actuelle « base » + couverture « complémentaire majorée ».

La création de régimes supplémentaires légalement obligatoires serait inédite, selon les informations obtenues par le rapporteur auprès de la direction de la sécurité sociale, mais justifiée par la nécessité de maintenir un niveau de droits au même niveau qu’aujourd’hui dans les secteurs précités.

Le rapporteur constate que le principe d’un régime conventionnel rendu obligatoire par la loi n’est pas sans rappeler l’évolution qui avait conduit la généralisation des retraites complémentaires en 1972, même si le périmètre en termes d’effectifs et de volumes financiers défini ici est beaucoup restreint.

Le Gouvernement demande également à être habilité à définir un régime social et fiscal favorable aux dispositifs de retraite supplémentaire applicables à la différence entre les assiettes sur lesquelles ils se seraient appliquées et celles qui sont désormais applicables ; le Gouvernement pourrait ainsi définir les conditions incitatives dans lesquelles l’employeur pourrait prendre en charge à travers des dispositifs de retraite supplémentaire la diminution du plafond de couverture de 8 à 3 PASS.

Sont également renvoyées à une ordonnance les modalités de financement par les régimes complémentaires des droits constitués avant le 1er janvier 2025, à raison de cotisations excédant le niveau de celles qui sont prévues dans le nouveau système ; dans le souci de maintenir les droits tirés, dans l’ancien système, par les générations nées avant 1975 et plus généralement par l’ensemble des assurés ayant entamé une carrière professionnelle et cotisé à un régime complémentaire existant, il conviendra de préciser la contribution de ces régimes au financement des droits existants, au besoin complétée par la Caisse nationale de retraite universelle.

Ce financement pourrait par exemple passer par une mobilisation des réserves importantes de l’AGIRC-ARRCO en vue de couvrir une partie de ces dépenses liées à la transition nécessaire entre deux niveaux de couverture.

B.   La durée de l’habilitation

La durée de l’habilitation est fixée à douze mois, de sorte que les transitions en la matière seront fixées avant l’été 2021, si le présent projet de loi est bien adopté avant l’été 2020.

Après publication de l’ordonnance, le IV prévoit un délai de trois mois pour déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement.

 

*

*     *

 


—  1  —

Article 16
Habilitation à neutraliser certains effets du régime par points pour certaines catégories de salariés

L’article 16 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance en vue de neutraliser ou de lisser les effets du nouveau système par points pour des catégories de professionnels (artistes du spectacle, mannequins, artistes-auteurs, ministres du culte) bénéficiant de taux ou d’assiettes de cotisation réduites. En effet, ces spécificités pourraient conduire, en l’absence de toute mesure corrective, à réduire leur capacité à se constituer des droits.

I.   Certains salariés affiliés au régime général s’acquittent aujourd’hui de taux de cotisations plus faibles que la moyenne

Le code de la sécurité sociale prévoit, pour certaines professions, des taux de cotisations au régime général dérogatoires du droit commun, notamment à travers des mécanismes d’abattement, historiquement justifiés par la pluralité d’employeurs dans ces professions.

Les artistes du spectacle et les mannequins sont assimilés par le 15° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale à des salariés et sont de ce fait affiliés au régime général.

Les artistes du spectacle au sens de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale

Sont des artistes du spectacle au sens du 15° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale :

– les artistes lyriques, dramatiques, chorégraphiques, de variété, les musiciens, les chansonniers, les artistes de complément ([71]), les chefs d’orchestre, les arrangeurs-orchestrateurs et les metteurs en scène « pour lexécution matérielle de leur conception artistique » (champ défini par renvoi à l’article L. 7121-3 du code du travail) ;

– par extension, les animateurs ou présentateurs d’émissions télévisées ainsi que leurs assistants et les comédiens assurant les « voix off » (champ étendu par la jurisprudence) ([72]).

 

 

Sur le fondement des arrêtés du 24 mai 1971 (mannequins ([73])) et du 24 janvier 1975 (artistes), ils bénéficient de taux de cotisations réduits de 30 % par rapport à ceux de l’ensemble des autres salariés affiliés au régime général, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 243-2 du code de la sécurité sociale.

Le dispositif n’est pas applicable en cas d’application de cotisations forfaitaires pour les salariés d’employeurs relevant du guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO).

Sous cette réserve, les taux qui leur sont applicables sont donc les suivants :

taux de cotisations applicables aux artistes du spectacle et mannequins

(en % de l’assiette concernée)

 

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salariés + employeur)

Base
(CNAV ou MSA)

Part de la rémunération sous le PASS

5,11

7,315

12,425

Part de la rémunération au-dessus du PASS

0,28

1,33

1,61

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Daprès lannexe 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, le coût de ce dispositif serait de 86 millions deuros (chiffrage 2016) et est entièrement supporté par la sécurité sociale, par dérogation au principe de compensation prévu à larticle L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Outre un abattement d’assiette à hauteur de 30 % dans la limite de 7 600 euros par an, dans le cadre de la déduction forfaitaire spécifique, les journalistes professionnels bénéficient d’un abattement de 20 % sur l’ensemble des taux de cotisation du régime général, cumulable avec la réduction générale de cotisations pour les rémunérations inférieures à 1,6 SMIC (« allégements généraux »).

Les professionnels concernés par le dispositif

Sont assimilés à des journalistes, les pigistes, les collaborateurs directs de la rédaction, les rédacteurs-traducteurs, les sténographes-rédacteurs, les rédacteurs réviseurs, les reporters-dessinateurs et les reporters-photographes.

Source : annexe 5 de la LFSS 2020

Les taux qui leur sont applicables sont les suivants :

taux de cotisations applicables aux journalistes et assimilés

(en % de l’assiette concernée)

 

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salarié + employeur)

Base
(CNAV ou MSA)

Part de la rémunération sous le PASS

5,84

8,36

14,2

Part de la rémunération au-dessus du PASS

0,32

1,52

1,84

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Daprès lannexe 5 de la LFSS 2020, le coût du dispositif qui concerne 19 694 assurés ([74]) serait de 169 millions deuros (chiffrage 2016) et est entièrement supporté par la sécurité sociale, par dérogation au principe de compensation prévu à larticle L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Les membres de professions médicales (médecins compris) exerçant leur activité à temps partiel bénéficient d’un abattement de 30 % sur les cotisations d’assurance vieillesse dues sur la part de leur rémunération inférieure au plafond annuel de la sécurité sociale (« plafonnées »), sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 243-2 du code de la sécurité sociale.

taux de cotisations applicables aux professions médicales salariées travaillant À temps partiel

(en % de l’assiette concernée)

 

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

Total (salariés + employeur)

Base
(CNAV ou MSA)

Part de la rémunération sous le PASS

5,23

7,89

13,12

Part de la rémunération au-dessus du PASS

0,40

1,90

2,30

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Daprès lannexe 5 de la LFSS 2020, le dispositif nest ni chiffré, ni évalué, et serait en tout état de cause non compensé au budget de la sécurité sociale, par dérogation au principe de compensation prévu à larticle L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Les 16 186 ([75]) ministres des cultes et membres des congrégations religieuses sont affiliés au régime général, mais relèvent en pratique d’une caisse spécifique, la Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC).

Ils bénéficient, en tant qu’assurés, d’une assiette forfaitaire correspondant au SMIC mensuel, ainsi que de taux spécifiques, décrits dans le tableau suivant :

taux de cotisations applicables aux ministres du culte

(en % de l’assiette concernée)

 

Assiette

Taux unique

Base (CAVIMAC)

SMIC (forfaitaire)

7,30 (7,45 pour les ministres du culte romain)

Complémentaire (CAVIMAC)

SMIC (forfaitaire)

10,02

TOTAL

SMIC (forfaitaire)

17,32 (17,47 pour les ministres du culte romain)

Source : étude d’impact

Les artistes-auteurs constituent une catégorie très spécifique d’affiliés au régime général par détermination législative (article L. 382-1 du code de la sécurité sociale), dans laquelle il n’existe pas à proprement parler d’employeur, mais des diffuseurs de leurs œuvres.

Les artistes-auteurs s’acquittent de cotisations, assimilables à la « part salariale » que versent les autres assurés du régime général, mais disposent de régimes complémentaires spécifiques.

Les diffuseurs, quant à eux :

– sont assujettis à une contribution, assimilable à la « part patronale » quoique nettement plus faible ;

– prennent en charge une partie des cotisations versées par certains artistes-auteurs (réalisateurs, producteurs de films, écrivains) au régime complémentaire.

Les taux de cotisations des artistes-auteurs étant complexifiés, par rapport au cas général, par la diversité des régimes complémentaires, au demeurant cumulables (régime complémentaire pour les revenus supérieurs à 0,22 PASS – RAAP ; régime complémentaire spécifique au secteur du cinéma et de l’audiovisuel – RACD ; régime complémentaire pour les auteurs et compositeurs lyriques dont les revenus sont supérieurs à 0,07 PASS – RACL) et des tranches, le présent rapport reproduit les taux présentés par le Gouvernement dans son étude d’impact :

taux de cotisations applicables aux artistes-auteurs

(en % de l’assiette concernée)

Dans le tableau, les taux encadrés respectivement en rouge et en violet par le Gouvernement indiquent une prise en charge de 50 % de la cotisation RAAP par les bibliothèques pour les écrivains et de 2 % de la cotisation RACD par les producteurs pour les auteurs de l’audiovisuel.

Source : étude d’impact

II.   L’article 16 habilite le Gouvernement À intégrer par ordonnance ces salariés au nouveau système universel par points

La création d’un taux unique de cotisations à 28,12 % comprenant une fraction importante dédiée à l’achat de points dans le nouveau système et applicable aux revenus d’activité jusqu’à 3 PASS, interroge sur son impact sur la situation des professions précitées : le maintien des abattements de taux ou d’assiette pourrait, en l’absence de mesure qui leur soit spécifique, minorer d’autant l’acquisition de points.

Toutefois, contrairement à ce qu’implique le droit existant, le coût du maintien des droits, malgré ces allégements de cotisations, serait pris en charge par l’État, conformément à la doctrine gouvernementale selon laquelle les politiques « sectorielles » doivent être portées par les ministères concernés.

1.   Le champ de l’habilitation

Sont concernés par cette ordonnance les publics précités, à savoir :

– les artistes du spectacle et mannequins relevant du 15° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ;

– les journalistes professionnels et assimilés ;

– les membres des professions médicales exerçant une activité rémunérée pour le compte d’autres employeurs ;

– les artistes-auteurs ;

– les ministres du culte et religieux.

L’ordonnance doit permettre de définir :

– une prise en charge transitoire de points supplémentaires par le budget de l’État, sur une période qui ne pourra dépasser quinze ans :

– le maintien de dispositifs spécifiques d’assiette existants pour les ministres du culte dans le nouveau système.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a confirmé la conformité au principe constitutionnel d’égalité de ces modalités de prise en charge, dans la mesure où :

– elles sont transitoires pour les artistes du spectacle, mannequins, professions médicales à temps partiel ;

– la situation des artistes-auteurs et des ministres du culte « justifie une différence de traitement de caractère pérenne, dans la continuité des règles spécifiques en vigueur qui résultent elles-mêmes de lintégration progressive au régime général de nouvelles catégories dassurés » ([76]).

2.   La durée de l’habilitation

La durée de l’habilitation est fixée à douze mois, de sorte que les transitions, comme les mesures pérennes en la matière, seront fixées avant l’été 2021, si le présent projet de loi est bien adopté avant l’été 2020.

Après publication de l’ordonnance, un délai de trois mois est prévu pour déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement.

 

*

*     *

 


—  1  —

Section 3
Dispositions applicables aux fonctionnaires et aux salariés des anciens régimes spéciaux

Article 17
Dispositions applicables aux fonctionnaires

L’article 17 applique les règles de cotisation « cibles » prévues pour les salariés au personnel statutaire des trois fonctions publiques.

Ce choix implique :

– une modification importante des taux applicables, compte tenu des importantes contributions des employeurs publics à l’équilibre des régimes de fonctionnaires ;

– une modification au moins aussi importante de l’assiette de cotisation, qui inclura l’ensemble de la rémunération des fonctionnaires, dont notamment les primes.

Afin de tenir compte de la situation spécifique de certains fonctionnaires, il est également prévu un plafonnement de la prise en compte de l’assiette des primes ayant vocation à assurer l’attractivité ou à compenser la cherté de la vie de certains territoires.

I.   des cotisations importantes assises sur une assiette parcellaire

1.   Un mode spécifique de calcul des cotisations: une assiette réduite, excluant les primes

Contrairement à l’assiette de cotisations des travailleurs salariés ou assimilés, celle des fonctionnaires n’est constituée que d’une partie de leur rémunération :

– l’assiette de cotisations pour le régime de base est le traitement indiciaire hors primes, ainsi que la nouvelle bonification indiciaire (NBI), le cas échéant ([77]) ; elle exclut donc les primes, alors que celles-ci représentent plus d’un cinquième de la rémunération totale des fonctionnaires : 21,7 % pour les fonctionnaires de l’État, 22,9 % pour les fonctionnaires territoriaux et 22,1 % pour les fonctionnaires hospitaliers ([78]) ; ces moyennes sont assez peu représentatives de la réalité extrêmement hétérogène des primes, dont les montants (et donc la part dans la rémunération totale) varient fortement d’un emploi et/ou d’un corps à l’autre ;

– l’assiette pour les cotisations au régime additionnel de la fonction publique (RAFP) a été étendue aux primes dans la limite de 20 % du traitement indiciaire ([79]).

En revanche, il n’existe pas de mécanisme de plafonnement, si bien qu’il y a identité entre l’assiette cotisée et l’assiette de constitution des droits à pension. Cette situation n’a pas d’impact majeur sur le niveau de couverture, dans la mesure où quasiment 100 % de la masse salariale a une rémunération inférieure à 8 PASS, plafond généralement retenu pour la complémentaire des autres actifs ([80]).

2.   Des taux de cotisation « fonctionnaires» qui convergent progressivement vers le taux de cotisation des salariés

Les fonctionnaires s’acquittent d’une cotisation à leur charge, longtemps appelée « retenue sur pension », distincte de celle que leur employeur est susceptible de verser. Ce taux de cotisation a été fixé à 11,10 % au 1er janvier 2020, en application du calendrier de convergence prévu dans la loi du 20 janvier 2014 ([81]). Le taux de cotisation « fonctionnaires » pour le RAFP est par ailleurs de 5 %.

3.   Des taux de cotisation « employeur» différents en fonction des statuts

Contrairement aux régimes de salariés, les régimes de retraite des fonctionnaires sont automatiquement équilibrés par la cotisation employeur.

● Compte tenu de la garantie de l’État pour les pensions de ses agents, celui-ci s’acquitte, en tant qu’employeur, d’une cotisation de 74,28 % pour les civils et de 126,07 % pour les militaires ([82]). Cette contribution est difficilement assimilable à une véritable cotisation, tant en raison de ses fondements historiques que de sa mécanique juridique.

Le financement par l’État de la retraite de ses fonctionnaires

Remontant au milieu du XIXe siècle, le régime de retraite des fonctionnaires de l’État est demeuré historiquement à l’écart de la sécurité sociale, notamment dans ses conditions de financement, qui reposent principalement sur des ressources de nature budgétaire.

L’ordonnance organique de 1959 relative aux lois de finances prévoyait en effet un financement directement par le budget général de l’État, complété par les cotisations des fonctionnaires et les cotisations des autres employeurs publics. Les lois organiques relatives aux lois de finances et de financement ont conduit à mieux identifier ces dépenses, dans un souci de transparence vis-à-vis du Parlement, en créant un compte d’affectation spéciale (CAS), le « CAS Pensions ». Le CAS permet d’identifier la contribution de l’État en tant qu’employeur et d’assimiler cette contribution à des « cotisations implicites » qui, une fois rapportées à la masse des rémunérations soumises à cotisation « fonctionnaires », peuvent s’exprimer par un taux.

L’État était ainsi encore en 2018 le financeur de plus des trois quarts des dépenses de retraite de ses fonctionnaires (76,2 %). En 2020, il devrait verser 45,80 milliards d’euros à ses anciens fonctionnaires civils et 10 milliards d’euros à ses anciens militaires.

Source : Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique et projet annuel de performances annexés au PLF 2020

● Au sein de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), caisse couvrant les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, les employeurs s’acquittent quant à eux d’une cotisation de 30,65 % ([83]). Ce taux est également applicable aux fonctionnaires de l’État qui sont détachés auprès des collectivités territoriales ou d’établissements publics hospitaliers, afin de favoriser les mobilités.

● Le taux de cotisation « employeur » au RAFP pour l’ensemble des employeurs de ces fonctionnaires est par ailleurs de 5 % ([84]).

II.   L’article 17 propose une cotisation unifiée applicable à l’ensemble de la rémunération des fonctionnaires

L’article 17 crée un nouveau chapitre II au sein du nouveau titre II du livre VII du code de la sécurité sociale, consacré à l’application du système universel de retraite pour les fonctionnaires civils, les magistrats et les militaires.

Le chapitre ainsi créé contient deux nouveaux articles relatifs respectivement à la fonction des cotisations d’assurance vieillesse, ainsi qu’à la question spécifique de certains éléments de rémunération.

A.   Des cotisations alignées sur celles des salariés

1.   Le principe de l’alignement

Au terme du nouvel article L. 722-1, les cotisations d’assurance vieillesse des agents publics et de leurs employeurs auront la même fonction et le même mode de calcul que celles des salariés et assimilés, la rédaction renvoyant à l’application de l’article L. 241-3 dans sa rédaction issue de l’article 13 du présent projet de loi : sans revenir en détail sur ces dispositions, on peut rappeler dans le cadre du présent commentaire que les cotisations permettront d’« acheter » des points, à l’exception de celles qui sont prélevées sur la fraction du revenu supérieure à un plafond fixé à 3 PASS, soit 123 948 euros annuels dans les conditions actuelles de rémunération). Le taux qui devrait être retenu serait un taux global de 28,12 % décomposé de la manière suivante :

– 25,31 % financent les droits individuels et 2,81 % l’équilibre général du système ;

 16,87 % seraient à la charge des employeurs et 11,25 % à celle des salariés.

Les agents publics auront donc, comme les salariés, deux niveaux de cotisations, l’un générateur de droits individuels, l’autre destiné à financer de manière plus globale le système universel. Leur régime aura donc un niveau maximal de couverture fixé à 3 PASS, renvoyant le très faible nombre de fonctionnaires rémunérés au-dessus de ce plafond vers d’autres mécanismes d’assurance ou d’épargne.

Par renvoi toujours, ces dispositions prévoient l’extension de l’assiette des cotisations des fonctionnaires à l’ensemble de leur rémunération, et non à leur seul traitement, comme le régime de base actuel, ou à une fraction de leur prime, comme dans le régime additionnel de la fonction publique (RAFP), ce qui constitue un changement majeur de mode de calcul des cotisations comme des droits.

2.   Un impact important au regard des taux et assiettes envisagés

Les taux de cotisation relèvent du pouvoir réglementaire, mais la lecture combinée du renvoi à l’article L. 241-3 et de l’étude d’impact sur ce dernier article aboutit à ce que les taux qui seront fixés seront légalement identiques à ceux salariés, soit :

– 28,12 % au total jusqu’à 3 PASS, dont 2,81 % de cotisation « solidarité » ;

– 2,81% au-delà de 3 PASS, sans que cette cotisation supplémentaire ouvre de nouveaux droits ;

– une répartition « figée » 60/40 entre employeurs et agents.

Cette situation appelle quelques remarques relatives aux agents, d’une part, et aux employeurs, d’autre part.

Au regard du taux de cotisation actuellement acquitté par les agents (11,10 %), la « marche » semble tout à fait accessible, le droit proposé envisageant un taux de 11,25 %. Il faut toutefois combiner cet effet « taux » avec un effet « assiette » au regard de l’intégration d’une part importante de la rémunération qui en était exclue ; au regard de cette « assiette », et dans l’hypothèse où l’ensemble des primes serait soumis aux cotisations au RAFP, la hausse de taux sur ces primes représenterait environ 6,25 points pour les seuls agents.

Cette situation ne peut être appréciée sans les transitions prévues à l’article 18 sur plusieurs années, ni sans faire le lien avec les prestations qui devraient légèrement augmenter, cet effet « assiette » doublé de celui de l’indexation des droits portés au compte (points) sur le revenu moyen par tête surcompensant le changement des règles de calcul pour la plupart des fonctionnaires.

Les changements seraient également importants pour les taux de cotisation actuellement assurés par les employeurs publics, dans la mesure où ils constituent aujourd’hui les véritables variables d’équilibrage du système de retraite des agents publics.

Le niveau de cotisations « employeur » proposé diminuerait de manière très significative par rapport au niveau de cotisations actuel (un peu moins de 17 % jusqu’à 3 PASS, contre entre 30 % et 126,07 % aujourd’hui sur le traitement et 5 % sur les primes sur l’ensemble des traitement et bonification indiciaires), appelant toutefois une atténuation au regard de l’effet « assiette ».

Tout d’abord, ces taux « apparents » ne s’appliquent pas à la même assiette. Le tableau suivant présente les taux de cotisation à assiette comparable, en intégrant les primes :

Comparaison sur une assiette comparable
(hypothèse de 22% de primes dans la rémunération et hors rafp)

 

Assiette

État

Militaire

CNRACL

Taux employeurs

Assiette FP

74,28

126,07

30,65

Assiette SP

57,94

98,33

23,91

L’assiette « SP » (salarié du privé) correspond à une assiette comparable à celle du privé, rapportant ces taux à l’ensemble de la rémunération d’un fonctionnaire touchant 22 % de primes. Le RAFP est exclu en raison de son caractère partiel et plafonné, mais sa prise en compte contribuerait à faire remonter de quelques points les taux de cotisation (dans la limite de 5 points).

Source : Commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Ensuite, l’étude d’impact prévoit un « maintien de la contribution globale de lÉtat au système de retraite » à hauteur de 55 milliards d’euros à l’horizon 2025. Ainsi, les économies « spontanées » pour les employeurs publics, résultant d’une telle diminution de leur taux de cotisation, pourraient être aisément compensées au système de retraite :

– par l’affectation ou la hausse de la fraction affectée d’une ressource fiscale de l’État ou par une subvention ;

– pour les autres employeurs, comme pour l’État, par la hausse de cotisations dues au titre de leurs agents contractuels.

Enfin, la transition durant une période qui pourrait aller jusqu’à vingt ans prévue à l’article 18 devrait conduire à lisser d’éventuels effets de bord.

Ce sont donc d’importantes opérations de « tuyauterie financière » qui attendent les futurs textes financiers, pour mettre en œuvre l’engagement très ferme du Gouvernement, en cohérence avec son souhait d’atteindre l’équilibre du système en 2027.

3.   La prise en compte des éléments spécifiques de rémunération

Certains agents publics disposent d’éléments de rémunération spécifiques, destinés à compenser des situations particulières en termes de pouvoir d’achat ou à assurer l’attractivité de postes dans certains territoires. Ces avantages prennent le plus souvent la forme de primes, non soumises à cotisations.

Afin que les nouvelles règles de calcul des cotisations ne conduisent pas à réduire les effets de compensation ou d’attractivité, le nouvel article L. 722-2 prévoit un mécanisme de plafonnement de l’assiette soumise à cotisations.

Le plafonnement ne sera pas cumulable avec une exonération totale ou partielle de cotisations, de sorte qu’on ne puisse bénéficier à la fois du plafonnement compensateur du relèvement des taux de cotisation et d’exonérations.

D’après l’étude d’impact du Gouvernement, sont concernées par ce plafond :

– l’indemnité de résidence ;

– l’indemnité de résidence à l’étranger, dans sa dimension compensatrice de la cherté de la vie et des charges liées aux conditions locales d’existence ;

– les majorations de traitement outre-mer.

Les modalités précises de ce plafonnement sont renvoyées à un décret simple, appelé notamment à définir le niveau du plafonnement retenu. Daprès létude dimpact, il sagira notamment de départir dans ces éléments de rémunération ce qui relève de la couverture de frais et pourrait donc être exclu de lassiette.

4.   L’entrée en vigueur

En application du II de l’article 63, l’article 17 s’appliquera uniquement aux générations nées à partir du 1er janvier 2004 en 2022 et à partir du 1er janvier 1975 en 2025. Ainsi, contrairement aux salariés et aux travailleurs indépendants, seuls les fonctionnaires concernés par les nouvelles règles concernant les prestations devraient voir leur niveau de cotisations évoluer également.

Les règles d’assiette et de taux antérieures continueront donc à s’appliquer pour les fonctionnaires qui n’entreront pas dans le système universel.

L’étude d’impact précise ainsi que seuls la moitié des fonctionnaires seraient concernés par ces nouvelles règles, hors transition ([85]).

 

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*     *

 

 


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Article 18
Habilitation à prendre des dispositions transitoires pour les fonctionnaires

L’article 18 habilite le Gouvernement à prendre des dispositions transitoires pendant une durée maximale de quinze ans, permettant de faire converger les taux et les assiettes de cotisation des fonctionnaires vers les taux « cibles » qui doivent s’appliquer à l’ensemble des actifs.

Les employeurs publics pourraient se voir confier le financement de l’évolution d’une partie de l’écart de cotisation, afin de garantir l’acquisition de points dans le nouveau système.

Enfin, une disposition spécifique renvoie aux bureaux des assemblées parlementaires les modalités de convergence que suivront les fonctionnaires parlementaires, dans les mêmes conditions de délai que pour le reste de la fonction publique.

I.   dES CHANGEMENTS très PROFONDS ATTENDUS DANS LE système UNIVERSEL

Sans qu’il soit besoin de réexposer, dans le cadre du présent commentaire, l’ensemble des enjeux de la transformation des niveaux de cotisation qu’implique la mise en place du système universel pour les agents des trois fonctions publiques déjà exposés dans le commentaire de l’article 17, il est rappelé ici que le renvoi à une ordonnance pour déterminer les transitions est justifié par des motifs de plusieurs ordres.

1.   Un enjeu de lissage des effets de l’alignement sur les prélèvements applicables aux salariés

● L’une des principales transformations qu’implique un alignement des modalités de cotisation sur les salariés du secteur privé, consiste à intégrer les primes, aujourd’hui exclues, dans l’assiette des cotisations, alors qu’elles représentent aujourd’hui environ 22 % de la rémunération des fonctionnaires. Cette intégration suppose une hausse des cotisations qui ne dépassait pas 5 % dans le cadre des modalités de calcul actuel, et pourrait atteindre 11,25 % dans le cadre des nouveaux taux applicables.

● Les employeurs publics verraient quant à eux baisser leurs cotisations réelles – 30,65 % pour la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) – ou fictives – 74,28 % pour l’État, qui verse en réalité une subvention d’équilibre, 126,08 % pour les militaires – dans des proportions importantes.

2.   Des enjeux financiers conséquents

Sur le plan financier, deux effets doivent être distingués : une hausse mécanique des cotisations des agents et une baisse tout aussi mécanique des cotisations/contributions des employeurs publics.

● Côté « agents », d’après l’étude d’impact, la hausse de cotisations, hors transition, serait de 1,8 milliard d’euros pour la fonction publique d’État et de 1,4 milliard d’euros pour la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

● Côté « employeurs », d’après cette même étude d’impact, la perte pourrait être :

– pour l’État, de 45,7 milliards d’euros (la subvention d’équilibre retracée par le « CAS Pensions ») minorée de 7,2 milliards d’euros de cotisations employeurs et « agents » ;

– pour la CNRACL, de 4,1 milliards d’euros, correspondant à une baisse de 5,5 milliards d’euros des cotisations « employeur » partiellement compensée par une hausse

● Au total, la perte de ressources publiques pourrait être de 42,7 milliards d’euros.

impact en termes de cotisations pour la fonction publique

Source : étude d’impact

3.   Des enjeux déjà en partie pris en compte par le champ d’application de la réforme

Compte tenu de ces enjeux, le champ d’application de la réforme en matière de cotisations a été recentré sur les générations qui bénéficieront également du nouveau système en matière de prestations (génération née à partir du 1er janvier 2004 dès 2022 et génération née à partir du 1er janvier 1975 en 2025). D’après l’étude d’impact du Gouvernement, les personnels qui ne seraient pas concernés correspondraient à la moitié des effectifs, soit 740 000 agents pour la fonction publique d’État (47 %), 1 013 000 agents pour la fonction publique territoriale (53 %) et 730 000 agents pour la fonction publique hospitalière (64 %) auxquels il faudrait ajouter 5 000 fonctionnaires d’Orange et de La Poste.

II.   l’article 18 propose d’habiliter le gouvernement À permettre une transition « douce » sur une période de quinze années

Compte tenu des écarts importants d’assiette et de taux de cotisations entre le droit existant et le droit proposé dans le cadre du système universel, il paraît indispensable de prévoir des transitions « douces » après 2025.

C’est l’objet de l’habilitation prévue au I qui concerne l’ensemble des agents publics sous statut.

Le Gouvernement serait ainsi habilité à définir par la voie d’une ordonnance :

– les modalités de convergence des cotisations dues par les agents publics, sur une durée maximale de vingt ans à compter de l’entrée en vigueur du système universel de retraite, soit du 1er janvier 2025 au 1er janvier 2045 ; a contrario, les employeurs publics, dont l’État, se verront appliquer le taux « cible » (16,87 %) dès 2025 ;

– les conditions de prise en charge par l’employeur public de l’écart de cotisation, afin « dassurer lacquisition de points par ces agents » et ne pas pénaliser les fonctionnaires ; la stricte application des règles de transition sur l’assiette de cotisation pourrait en effet conduire à une perte de droits sur la période ; c’est donc provisoirement l’employeur qui « prendra le relais » pendant la transition jusqu’à ce que les effets « taux » et « assiettes » se combinent parfaitement.

La durée de l’habilitation est fixée à douze mois, de sorte que les transitions en la matière seront fixées avant l’été 2021, si le présent projet de loi est bien adopté avant l’été 2020.

Après publication de l’ordonnance, un délai de trois mois est prévu pour déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement.

● Le II renvoie aux bureaux des assemblées (Assemblée nationale et Sénat) le soin d’organiser les modalités de transition pour les fonctionnaires parlementaires, afin qu’il soit mis fin à tout écart avec les règles de cotisations de droit commun avant le 1er janvier 2045, ce qui revient à une durée de transition équivalente (vingt ans, à compter de la mise en place du nouveau système).

 

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Article 19
Habilitation à prendre des dispositions transitoires pour les salariés des régimes spéciaux

L’article 19 habilite le Gouvernement à prendre des dispositions transitoires pour lisser les effets de la convergence des assiettes et taux de cotisations des salariés et agents des régimes spéciaux sur une période ne pouvant dépasser vingt ans.

I.   Les taux et assiettes de cotisations des régimes spéciaux dérogatoires du droit commun et éloignés de la « cible »

● Pour les besoins du présent commentaire, on entendra par « régimes spéciaux » les régimes de salariés ou d’agents publics distincts des régimes de droit commun des salariés et assimilés (CNAV et AGIRC-ARRCO, IRCANTEC ou régime des salariés agricoles) ou des fonctionnaires. La distinction porte d’ailleurs tant sur les modalités de cotisations que sur l’architecture même de ces régimes qui combinent, comme pour les fonctionnaires et certains travailleurs non-salariés, régime de base et régime complémentaire.

Par construction, chaque régime dispose de son propre taux de cotisations, et parfois de ses propres assiettes de cotisations. Ces taux et assiettes sont retracés dans le tableau infra.

La diversité de ces régimes en termes d’assiettes, de taux de cotisations et de répartition de ces cotisations entre employeurs et salariés ne permet pas de formuler un constat général sur ces régimes, mais oblige à distinguer :

– l’écrasante majorité de ces régimes, qui dispose d’assiettes réduites par rapport à ce qui est applicable aux autres salariés (généralement hors primes), de ceux qui s’appliquent à l’ensemble de la rémunération, à l’instar, de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs de notaires et des notaires (CRPCEN) et, dans une moindre mesure, de la Banque de France ;

– des régimes ayant des taux de cotisations relativement proches de ceux du régime général (autour de 30 % : CRPCEN, RATP) de régimes ayant des taux extrêmement éloignés de la « cible », soit en étant beaucoup plus faibles (ENIM, Banque de France, mines, Opéra national de Paris et Comédie-Française, Port autonome de Strasbourg), soit en étant nettement plus élevés, notamment via les cotisations « employeur » (SNCF, IEG, FSPOEIE).

 

Taux et assiettes de cotisations des régimes spéciaux

(en % de l’assiette considérée)

Régimes

Assiette

Taux salarié

Taux employeur

TOTAL (salarié + employeur)

SNCF

Rémunération hors certaines primes

9,06*

37,40**

46,46

IEG

Rémunération hors certaines primes

12,78

29,97***

42,75

CPRCEN

Assiette de droit commun

13,03

16,70

29,73

RATP

Rémunération hors certaines primes

12,95

19,29

32,24

ENIM (marins)

Salaires forfaitaires

10,85

Variable

FSPOEIE (ouvriers dÉtat)

Totalité de la rémunération pour une majorité d’assurés

11,10

34,63

45,73

Banque de France

Assiette de droit commun

11,50

Aucun****

11,50

CANSSM (mines)

Rémunération hors certaines primes

Sous le PASS

7,85

7,75

15,10

Au-dessus du PASS

-

1,60

1,60

Opéra national de Paris

Rémunération plafonnée hors indemnités et primes

9,16*****

9,35

18,51

Comédie-Française

Intégralité du salaire sous plafond

9,16*****

9,35

18,51

Port autonome de Strasbourg

Rémunération hors certaines primes

10,58

Aucun****

18,51

* La cotisation salariale doit augmenter d’ici 2025 (10,68 %) ([86]).

** Le taux employeur SNCF constitue l’addition de la cotisation « T1 » compensant la spécificité des cotisations (23,35 %) et de la cotisation « T2 » qui contribue à financer les droits spécifiques du régime spécial (13,85 %).

*** Le taux employeur CNIEG comprend un taux spécifique pour prendre en charge les droits spécifiques futurs (2,96 %) et un autre pour les droits spécifiques passés (13,47 %).

**** La Banque de France comme le Port autonome de Strasbourg ne versent pas de cotisations mais financent leur régime respectif par une contribution d’équilibre.

***** Les cotisations salariales de ces deux régimes (Opéra national de Paris et Comédie-Française) doivent augmenter d’ici 2025 (10,83 %).

Les taux de cotisations du Conseil économique, social et environnemental ne sont pas publiquement disponibles.

Source : commission spéciale à partir de l’étude d’impact

● L’étude d’impact précise les effets variés que pourrait avoir l’application d’un taux uniforme de 28,12 % sur l’ensemble de la rémunération de ces salariés :

– au sein du régime de la SNCF, cela représenterait une baisse de 500 millions d’euros des prélèvements en raison de la baisse de 700 millions d’euros des cotisations employeurs, partiellement compensée par la hausse des cotisations dues par les salariés ;

– au sein du régime des industries électriques et gazières, cela correspondrait à une baisse de 1,9 milliard d’euros des ressources (2,2 milliards d’euros en moins pour les employeurs, et 200 millions d’euros de plus pour les salariés) ;

– une quasi-stabilité en revanche pour le régime de la RATP, la baisse du taux de cotisations étant compensée par un effet « assiette » lié à la prise en compte des primes dans le système « cible » ;

– pour le régime des ouvriers d’État, le système universel n’occasionnerait quasiment pas de hausse des cotisations salariales, les primes étant déjà intégrées à l’assiette de calcul pour 96 % des assurés.

impact de la réforme sur les cotisations versées
dans le champ des principaux régimes spéciaux

(en milliards d’euros)

Source : étude d’impact du Gouvernement

Au total, si les effets de la réforme sont très variés et dailleurs inégalement documentés par létude dimpact, dans les principaux régimes, ils pourraient être similaires à ceux rencontrés par les fonctionnaires et leurs employeurs (un effet « taux » important pour les employeurs et un effet « assiette » important pour les salariés). Cest donc une solution similaire à celle qui a été retenue pour les fonctionnaires qui doit sappliquer ici pour assurer un lissage de ces effets dans le temps.

II.   L’article 19 propose d’habiliter le Gouvernement À déterminer les règles applicables pendant une phase de transition de vingt ans

● Le I habilite le Gouvernement à fixer par la voie d’une ordonnance les modalités de convergence applicables aux cotisations versées par les assurés des régimes spéciaux et leurs employeurs, c’est-à-dire :

– aux agents sous statut de la SNCF ;

– aux agents sous statut de la RATP ;

– aux clercs et employés de notaire relevant de la CRPECN ;

– aux salariés sous statut relevant de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (IEG) ;

– aux agents titulaires de la Banque de France ;

– aux membres du personnel de l’Opéra national de Paris ;

– aux artistes de la Comédie-Française ;

– aux ouvriers des établissements industriels de l’État ;

– aux assurés relevant du régime des mines ;

– aux employés du Port autonome de Strasbourg ;

– aux ministres du culte relevant du concordat d’Alsace-Moselle ;

– aux membres du Conseil économique, social et environnemental ([87]).

L’habilitation portant sur les « cotisations dues », les assiettes comme les règles législatives de taux (principe, plafond, répartition...) pourraient être modifiées.

La durée de l’habilitation est fixée à douze mois, de sorte que les transitions en la matière seront fixées avant l’été 2021, si le présent projet de loi est bien adopté avant l’été 2020. Le délai fixé pour cette convergence est de vingt ans maximum et devrait donc permettre de lisser les effets de celle-ci.

Après publication de l’ordonnance, un délai de trois mois est prévu pour déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement.

● S’agissant de la CRPCEN, beaucoup plus proche de la « cible », le II assure des coordinations avec la nouvelle définition harmonisée de l’assiette des cotisations, prévue par l’article 13 du projet de loi à l’article 3 de la loi du 12 juillet 1937, instituant une caisse de retraite et d’assistance des clercs de notaires, qui définit respectivement aux 1° et 3° les niveaux de cotisation des notaires et des clercs de notaires.

● En l’absence de précision, le I relatif à l’habilitation entrera en vigueur au lendemain de la publication de la présente loi.

Compte tenu des effets très modestes de la modification opérée par le II, ce dernier entrera en vigueur dès le 1er janvier 2022.

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Section 4
Dispositions applicables aux travailleurs non-salariés

Article 20
Dispositions relatives aux cotisations des travailleurs non-salariés

L’article 20 applique, sous réserve de quelques adaptations, les règles de cotisations du système universel de retraite à l’ensemble des travailleurs non salariés (indépendants, agricoles, libéraux).

Les taux, aujourd’hui très variés, auront aussi vocation rejoindre le taux « cible » de 28,12 % au niveau du plafond annuel de la sécurité social (PASS). Entre 1 et 3 PASS, afin de prendre compte les spécificités du statut de travailleur indépendant, seule la part « salariée » serait due. Enfin, pour tous les autres assurés, aucune cotisation et aucun droit ne pourraient être ouverts au-dessus de 3 PASS dans le système « cible ».

I.   Des taux de cotisations très variés en fonction des statuts

● Les cotisations des travailleurs non salariés se caractérisent tout d’abord par le fait que, contrairement aux cotisations des salariés et des fonctionnaires, elles pèsent sur un seul agent économique, le travailleur « indépendant » lato sensu (artisans et commerçants, exploitants agricoles, professions libérales) étant par construction son propre employeur.

● Au-delà de cette réalité commune, les niveaux de cotisations sont extrêmement variables d’un statut à l’autre :

– variété des modalités de cotisations : bien que les cotisations proportionnelles soient très majoritaires, certains travailleurs non salariés s’acquittent de cotisations forfaitaires (par exemple, les affiliés à la CIPAV) ; dans certains régimes, il existe un cumul de cotisations proportionnelles et forfaitaires (par exemple, dans certaines sections professionnelles de la CNAVPL : CARMF, CARPIMKO, etc.) ;

 très grande variété des assiettes : si le plafond annuel de la sécurité sociale sert de référence à l’ensemble des régimes, les plafonds des régimes complémentaires obligatoires sont extrêmement variés, et parfois sans lien même de proportionnalité avec le plafond annuel de la sécurité sociale ;

– enfin, très grande variété des taux : si les taux de cotisations des artisans et commerçants ressemblent à ceux des salariés au titre du régime général (environ 26 %, contre 28 % pour les salariés), les autres travailleurs non salariés connaissent des niveaux très différents, souvent liés à la démographie de chaque régime (élevés pour le régime des exploitants agricoles, avec une démographie défavorable, plus modérés pour les avocats avec une démographie plus favorable).

Taux et assiettes de cotisations des travailleurs non salariés

(en % de l’assiette considérée)

 

Régime (organisme de gestion)

Assiette

Taux (%) ou montant de cotisation (euros)

Artisans et commerçants

Base (ex-RSI)

Sous le PASS

17,15

Au-dessus du PASS

0,60

Complémentaire (ex-RCI)

Sous 37 846 euros

7,00

Entre 37 846 euros et 4 PASS

8,00

Professions libérales

Base (CNAVPL)

Sous le PASS

8,23

Entre 1 et 5 PASS

1,87

Complémentaire (CARPIMKO – auxiliaires médicaux)

Forfaitaire

1 624 euros

Entre 25 246 euros et 174 113 euros

3,00

Supplémentaire
(ASV – auxiliaires médicaux)

Forfaitaire

192 euros (384 euros pour l’assurance maladie)

Sous 1 PASS

0,16 (0,24 pour l’assurance maladie)

Complémentaire

(CARMF – médecins)

Sous 3,5 fois le PASS

9,80

Complémentaire PCV

(CARMF –– médecins)

Forfaitaire

Secteur 1 : 1 691 euros (3 382 euros pour la CPAM)

Secteur 2 : 5 073 euros

Sous 5 PASS

Secteur 1 : 1,20 (2,40 pour la CPAM)

Secteur 2 : 3,60

Complémentaire

(CARCDSF – chirurgiens-dentistes ou sages-femmes)

Forfaitaire

2 664 euros

Entre 0,85 et 5 PASS

10,65

Complémentaire PCV

(CARCDSF – chirurgiens-dentistes ou sages-femmes

Forfaitaire

Chirurgiens-dentistes : 1427,40 euros (2 854,80 euros pour la CPAM)

Sages-femmes : 260 euros (520 pour la CPAM)

Sous 5 PASS

Chirurgiens-dentistes : 0,725 (0,725 pour la CPAM)

Complémentaire

(CAVP – pharmaciens)

Forfaitaire

5 800euros

Jusqu’à 79 464 euros (forfaitaire)

2 272 euros

De 79 465 à 109 263 euros (forfaitaire)

4 544 euros

De 109 264 à 139 062 euros (forfaitaire)

6 816 euros

De 139 063 à 168 861 euros (forfaitaire)

9 088 euros

De 168 862 à 198 660 euros (forfaitaire)

11 360 euros

Au-delà de 198 660 euros (forfaitaire)

13 632 euros

Complémentaire PCV (CAVP – pharmaciens biologistes conventionnés)

Forfaitaire

576 euros (1 152 euros pour la CPAM)

Sous 5 PASS

0,15 (0,15 pour la CPAM)

Complémentaire (CAVEC – experts-comptables)

Jusqu’à 16 190 euros (forfaitaire)

648 euros

De 16 191 à 32 350 euros (forfaitaire)

2 430 euros

De 32 351 à 44 790 euros (forfaitaire)

3 834 euros

De 44 791 à 64 560 euros (forfaitaire)

5 994 euros

De 64 561 à 79 040 euros (forfaitaire)

9 558 euros

De 79 041 à 94 850 euros (forfaitaire)

14 580 euros

De 94 851 à 132 780 euros (forfaitaire)

16 200 euros

Au-delà de 132 780 euros (forfaitaire)

20 250 euros

Complémentaire (CAVAMAC – agents généraux d’assurance)

Jusqu’à 490 482 euros

8,1585 (3,0 pris en charge par les compagnies mandantes)

Complémentaire (CARPV – vétérinaires)

Jusqu’à 14 310 euros (forfaitaire)

938,40 euros

De 14 311 à 21 464 euros (forfaitaire)

1 407,60 euros

De 21 465 à 28 619 euros (forfaitaire)

1 876,80 euros

De 28 620 à 40 67 euros (forfaitaire)

3 753,60 euros

De 40 068 à 42 930 euros (forfaitaire)

5 630 euros

De 42 931 à 64 934 euros (forfaitaire)

7 507,20 euros

De 64 395 à 85 860 euros (forfaitaire)

9 384 euros

Au-delà de 85 860 euros (forfaitaire)

11 260 euros

Complémentaire (CPRN – Notaires)

Section B – Forfaitaire (en fonction du produit de l’office – 8 classes de même effectif)

2 270 euros

4 380 euros

6 570 euros

8 760 euros

10 950 euros

13 140 euros

15 330 euros

18 160 euros

Section C – Jusqu’à trois fois la moyenne du produit des offices (1 067 073 euros)

4,00

Complémentaire (CAVOM –officiers ministériels)

Jusqu’à 8 PASS

12,50

Exploitants agricoles

Base AVI (MSA)

Sous le PASS

3,32

Base AVA (MSA)

Sous le PASS

11,55

Au-dessus du PASS

2,24

Complémentaire

Ensemble de la rémunération

4,00

Avocats

Base (CNBF)

1re année d’exercice

290 euros

2e année d’exercice

581 euros

3e année d’exercice

912 euros

4e et 5e années d’exercice

1242 euros

6e année et +, 65 ans et +

1586 euros

Jusqu’à 291 718 euros

3,10

Complémentaire (CNBF)

Jusqu’à 208 370 euros

4 classes de cotisations

Indépendants non artisans et commerçants

Base (CIPAV)

Jusqu’à 26 580 euros

1 315 euros

De 26 581 à 49 280 euros

2 630 euros

De 49 281 à 57 850 euros

3 945 euros

De 57 851 à 66 400 euros

6 575 euros

De 66 401 à 83 060 euros

9 205 euros

De 83 061 à 103 180 euros

14 465 euros

De 103 181 à 123 300 euros

15 780 euros

Au-delà de 123 000 euros

17 095 euros

Source : commission spéciale à partir des derniers taux disponibles (2019 ou 2020)

● Deux biais méthodologiques importants limitent la comparabilité de ces niveaux de cotisations avec ceux des salariés, présentés dans le commentaire de l’article 13 :

– l’assiette de calcul des cotisations est très différente, puisque, pour les travailleurs non salariés, on retient le revenu soumis à l’impôt sur le revenu, net des charges professionnelles et des cotisations sociales, alors que pour un salarié, c’est son salaire brut (y compris les cotisations donc) qui sert de base de calcul ; aussi, un taux de cotisations sous le PASS à 17,75 % pour un salarié et pour un commerçant ou artisan n’a pas la même signification ;

– l’existence de cotisations minimales dans certains régimes, parfois très significatives, et qui n’ont pas d’équivalent pour les salariés, rend difficilement comparables les deux situations, sauf à préciser à quel niveau de revenu on se place ([88]).

Les taux proportionnels explicites (lorsqu’ils sont déjà proportionnels) ou implicites (lorsqu’ils sont forfaitaires et doivent donc être rapportés à une rémunération donnée) sont présentés par le Gouvernement dans son étude d’impact globale pour trois niveaux de rémunération :

taux de cotisation des non salariés applicables
À 20 568 (0,5 PASS), 41 136 (1 PASS) et 82 272 (2 PASS) euros bruts annuels

 

0,5 PASS

1 PASS

2 PASS

Avocats

16,8%

13,0%

12,9%

Notaires

29,8%

29,8%

19,3%

Officiers ministériels

22,6%

22,6%

18,5%

Médecins*

48,5%

36,0%

25,6%

Chirurgiens-dentistes*

45,8%

30,3%

22,1%

Sages-femmes*

27,1%

20,2%

16,4%

Pharmaciens

50,2%

30,1%

16,0%

Auxiliaires médicaux*

21,4%

17,1%

11,2%

Vétérinaires

17,0%

19,4%

17,6%

Agents généraux dassurance*

32,1%

32,1%

28,0%

Experts comptables

21,9%

19,4%

23,7%

Autres professions libérales (Cipav)

16,8%

16,8%

17,7%

Artisans commerçants

25,4%

25,4%

17,0%

Source : étude d’impact

II.   L’article 20 propose une harmonisation de ces taux, adaptée aux spécificités du travail non salarié

1.   Les taux de cotisations applicables : des taux alignés en dessous du PASS, des taux adaptés au-dessus du plafond

● Le 3° du I crée trois nouveaux articles au sein du titre Ier du livre VI du code de la sécurité sociale, consacré aux travailleurs indépendants :

Le premier article L. 611-2 ainsi créé précise les modalités de calcul des cotisations applicables aux travailleurs non salariés (indépendants, agricoles, libéraux) qui seront à la fois distinctes de ce qui existe aujourd’hui et de ce qui est proposé par le projet de loi pour les salariés et les fonctionnaires.

Il s’agit aussi d’un mécanisme différent de ce que prévoit le nouvel article L. 241-3, comprenant non pas deux mais trois « étages » de cotisations :

– une première assiette comprendra les seuls revenus d’activité inférieurs à un plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), qui connaîtrait un taux de prélèvement propre ; il s’agirait du taux global de prélèvement applicable aux salariés et agents publics par voie réglementaire, soit 28,12 %, d’après l’étude d’impact du Gouvernement ;

– une deuxième assiette correspondra à la part des revenus d’activité compris entre 1 et 3 PASS ; le taux applicable à cette assiette serait réduit par rapport à celui qui s’appliquerait à hauteur du PASS, à hauteur de 12,94 % ;

– une troisième assiette correspondra à l’ensemble des revenus d’activité, au titre des cotisations ayant pour objet de financer les dispositifs de solidarité, soit 2,81 % retrouvant ainsi le niveau dû par les salariés et agents publics.

taux de cotisations applicables À tous les travailleurs indépendants
dans le nouveau système

(en % de l’assiette considérée)

Assiette

Taux employeur

Sous 1 PASS

28,12

Entre 1 et 3 PASS

12,94

Au-dessus de 3 PASS

2,81

Source : étude d’impact

La justification de cette distinction entre le niveau du PASS et le plafond applicable aux autres assurés tient à la situation spécifique dans laquelle se trouvent les travailleurs indépendants : étant leurs propres employeurs, la charge des cotisations pèse en pratique sur un seul agent économique. Le maintien dun taux de cotisations important au niveau du PASS garantit la constitution dune retraite satisfaisante à ce niveau de rémunération, tout en permettant un prélèvement moindre au-delà, correspondant au taux des seules cotisations « salariales ».

Dans le souci d’équité et d’universalité qui anime le régime, les travailleurs indépendants demeurent redevables des cotisations affectées aux mécanismes de solidarité.

La compensation de cet écart ne sera pas seulement assurée par les cotisations plus faibles au-delà du PASS : elle tiendra également aux autres mesures d’assiette, pour lequel le Gouvernement est habilité à légiférer par voie d’ordonnance par l’article 21 ([89]).

Sur un plan plus strictement technique, comme pour les salariés et les fonctionnaires, les cotisations seront « génératrices de droits individuels » (permettant d’acheter des points) jusqu’à 3 PASS, y compris lorsqu’elles font l’objet de mesures d’allégements, pourvu que celles-ci soient compensées de manière budgétaire (application stricte de la loi « Veil » ([90])) ou par l’affectation de ressources fiscales.

2.   La reconduction de dispositions existantes pour certaines situations spécifiques

Le nouvel article L. 611-3 permettra de maintenir la possibilité pour les caisses d’assurance maladie de participer au financement des cotisations de certaines professions médicales, lorsque les professionnels concernés sont conventionnés, comme c’est le cas aujourd’hui notamment dans le cadre des régimes « ASV » et « PCV ».

Les régimes « ASV » et « PCV »

Anciennement appelés régime d’avantage social vieillesse (ASV), les régimes de prestations complémentaires vieillesse (PCV) sont des régimes de retraite « surcomplémentaires » créés dans les années 1970 pour les professionnels de santé, dans lesquels l’assurance maladie s’acquitte de cotisations « quasi patronales » en contrepartie du conventionnement.

Ces régimes en points sont gérés directement par les caisses des professions libérales concernées.

Le du I assure la coordination liée à la création de cet article L. 611-3 au 5° de l’article L. 162-14-1 relatif aux conditions de participation des caisses d’assurance maladie au financement des cotisations des professionnels de santé conventionnés.

Le nouvel article L. 611-4 prévoit le maintien de certaines modalités actuelles de calcul des cotisations des conjoints collaborateurs dans le nouveau système, telles qu’elles sont prévues à l’article L. 662-1.

Les conjoints collaborateurs auront donc toujours la possibilité de choisir entre des cotisations :

– soit, sur une base forfaitaire ([91]) ;

– sur la base d’une fraction du revenu d’activité du chef d’entreprise ;

– sur la base d’une fraction du revenu d’activité du conjoint chef d’entreprise, qui est alors déduite du revenu pris en compte pour déterminer l’assiette des cotisations de ce dernier ([92]).

Dans ces deux dernières hypothèses, les cotisations minimales ne sont pas applicables.

Le principe des trois « étages » de cotisation (alignement sous le PASS, part « salarié » au-dessus et solidarité au-dessus de 3 PASS) est dupliqué par le II pour le régime des exploitants agricoles dans un nouvel article L. 732-65 du code rural et de la pêche maritime, moyennant deux adaptations directement issues du droit existant :

– la possibilité d’appliquer les cotisations à une assiette forfaitaire, et dans tous les cas, à une assiette spécifique à l’activité agricole, définie par les articles L. 731-14 et suivants du code rural et de la pêche maritime ;

L’assiette de cotisation des exploitants agricoles

En application de l’article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime, les revenus professionnels des exploitants agricoles soumis à cotisations sont en principe les revenus soumis à l’impôt sur le revenu (bénéfices agricoles, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux, les rémunérations en tant que gérant de société) ainsi que les revenus de capitaux mobiliers ou les revenus du conjoint ou des enfants associés à l’exploitation lorsque ces deux derniers revenus excèdent 10 % du capital social.

Les revenus professionnels sont calculés à partir de la moyenne des trois dernières années (article L. 731-15). L’assiette de cotisation peut être calculée une base forfaitaire lorsque la durée d’assujettissement ne permet pas de connaître cette moyenne, sauf si l’exploitant préfère que l’assiette soit calculée sur une ou deux années d’activité (L. 731-16).

– l’obligation de cotiser pour chaque aide familial à partir de l’âge de 16 ans ainsi que pour le collaborateur d’exploitation ou d’entreprise, dans les mêmes conditions que pour un conjoint collaborateur.

S’agissant de ce dernier statut, le rapporteur s’interroge sur l’opportunité offerte par cette réforme globale pour réfléchir à son bornage dans le temps, à l’instar d’ailleurs de ce qui existe pour les aides familiaux.

*

*     *


—  1  —

Article 21
Habilitation à prendre des dispositions transitoires pour les cotisations et contributions des travailleurs non-salariés

Tirant toutes les conséquences de la grande hétérogénéité des régimes de non-salariés et de l’éloignement important de certains d’entre eux de la « cible » déterminée à l’article 20, l’article 21 habilite le Gouvernement à prévoir une transition sur une période ne pouvant dépasser quinze ans, qui permettra :

– de faire converger progressivement les taux de cotisations vers la « cible » ;

– de rendre les assiettes de cotisations plus cohérentes entre travailleurs non-salariés et salariés, ce qui implique un rééquilibrage entre contributions et cotisations sociales.

I.   beaucoup de régimes de travailleurs non salariés sont très éloignés de la « cible », nécessitant une transition adaptée

A.   un problème commun d’assiette

Appliquer les mêmes règles de taux aux travailleurs salariés et non-salariés suppose que les assiettes concernées soient également comparables. Or, celles-ci sont extrêmement différentes dans le droit existant, nécessitant un chantier important de convergence préalable.

● Contrairement aux salariés pour lesquels les cotisations et les contributions sociales (contribution sociale généralisée, contribution au remboursement de la dette sociale) sont calculées sur la base d’un salaire brut, les taux de cotisations et de contributions sociales applicables aux travailleurs indépendants s’appliquent à une assiette nette de ces mêmes cotisations.

Cette règle introduit tout d’abord pour les seuls travailleurs non-salariés une complexité de calcul résultant de sa circularité (il faut connaître les cotisations dues pour savoir quelles cotisations sont dues).

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([93]) s’est essayée, faute de pouvoir simplifier ce calcul, à en expliciter la règle à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale ([94]).

illustration de la « circularité » des assiettes de csg et de cotisations pour les travailleurs indépendants

Source : direction de la sécurité sociale (DSS) (présentation au Haut Conseil du financement de la protection sociale)

● S’agissant du niveau de cotisations dues, cette règle implique un taux de cotisations moindre que pour les salariés (taux plus faible, sur une assiette nette nécessairement plus faible qu’une assiette brute pour un revenu donné). Elle n’est toutefois pas nécessairement plus favorable à l’échelle de l’ensemble des prélèvements sociaux.

En effet, le calcul de la contribution sociale généralisée (CSG) des travailleurs non-salariés s’effectue sur cette assiette nette, augmentée des cotisations sociales. Il en résulte que, pour un même revenu net, la part de la CSG, non génératrice de droit, est plus importante pour un travailleur indépendant que pour un salarié, le premier se constituant ainsi moins de droits à la retraite que le second pour le même niveau de prélèvements.

Assiettes de cotisations d’un salarié ou d’un travailleur non salarié
pour 0,5 SMIC (20 568 euros par an)

Source : étude d’impact

Face à cette situation, l’alternative se posait en ces termes :

– d’une part, une première solution consisterait à maintenir l’équilibre actuel entre assiette « faible », taux « faible » et moindre contributivité des prélèvements des travailleurs non-salariés par rapport aux règles applicables aux salariés ;

– d’autre part, revoir ces trois dimensions simultanément afin de trouver un nouvel équilibre plus favorable aux travailleurs non-salariés.

La mise en place du système universel et l’application de taux de cotisations convergents pour l’ensemble des actifs invitent fortement le Gouvernement et la majorité à saisir cette opportunité pour revoir l’ensemble des règles applicables dans le cadre d’une réforme globale des prélèvements sociaux et des droits qu’ils permettent d’acquérir.

B.   La diversité des situations face au taux unique proposé

La méthodologie de simulation du Gouvernement (travailleurs indépendants)

Dans le cadre de l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le Gouvernement a présenté un certain nombre de simulations des effets en cotisations et en prestations de la réforme sur un certain nombre de publics. Parmi ces derniers, on trouve notamment les travailleurs indépendants, dont les règles sont parmi les plus variées et les plus éloignées du système « cible ».

Dans le cadre de ce commentaire, le rapporteur met parfois en regard ces simulations portant sur les niveaux de prélèvements et celles relatives aux droits constitués à partir des simulations réalisées, ce qui semble cohérent dans le cadre d’un système largement assurantiel. Reprenant les simulations du Gouvernement, il lui importait d’en préciser les hypothèses sous-jacentes.

En matière de cotisations, le Gouvernement compare le système « cible » aux taux et assiettes existants (ou déjà prévisibles, en application de hausses déjà décidées), en partant de l’hypothèse, souvent peu plausible, qu’aucun changement n’interviendrait sur la période considérée. La simulation intègre par ailleurs un abattement de 30 % sur la nouvelle assiette « superbrut » qui s’appliquerait aux travailleurs indépendants (cf. infra).

En matière de prestations, les calculs ont été faits sur une carrière complète (43 ans ([95])) en prenant une hypothèse d’augmentation du revenu moyen par tête de 3,05 % par an (en l’absence de construction de ce nouvel étalon statistique, il est approximé par l’application d’une hypothèse de salaire moyen par tête – SMPT). Après vérification auprès de la direction de la sécurité sociale, la carrière retenue est parfois plus courte dans certaines professions pour refléter la réalité statistique des durées d’affiliation : ainsi, les médecins en raison de la durée de leurs études et de leur internat ne cotisent en moyenne que 30 ans à une caisse. Le « contrefactuel » (situation hors réforme) repose sur l’hypothèse d’une revalorisation au niveau de l’inflation (1,75 % par an sur la période), ce qui correspond soit aux règles applicables dans certains régimes, soit à la moyenne historique constatée.

S’agissant de la transition, les simulations partent de l’hypothèse raisonnable d’une réduction des écarts à hauteur d’1/15e par an. L’effet de la transition est parfois nul à des niveaux de rémunération « rattrapés » par le minimum de pension qui n’attendra pas la fin des convergences.

Enfin, la direction de la sécurité sociale a précisé au rapporteur que tous les cas-types avaient été présentés aux représentants des professions concernées pour s’assurer de leur caractère représentatif.

Source : étude d’impact du Gouvernement

1.   Les travailleurs indépendants relativement proches du « système cible »

Le taux actuel de cotisations des travailleurs indépendants stricto sensu (artisans et commerçants affiliés à l’ex-RSI et désormais à la sécurité sociale des travailleurs indépendants au sein du régime général) est de 24,75 %, impliquant une hausse de 3,37 points pour atteindre les 28,12 % sous le plafond annuel de la sécurité sociale (41 136 euros), qui doit être lue à l’aune de l’ajustement de l’assiette de cotisations proposée dans le cadre de l’ordonnance (cf. supra sur le diagnostic et infra sur l’habilitation).

Or, l’assiette retenue par le Gouvernement conduira à une baisse parallèle des autres cotisations et contributions sociales dues, neutralisant ainsi complètement la hausse des taux, comme en témoigne le graphique suivant issu de l’étude d’impact :

Source : étude d’impact

La mise en place d’un taux de 28,12 % implique une hausse de 7,01 points par rapport à ce qui est aujourd’hui applicable aux exploitants agricoles (21,11 %).

Les 40 % des exploitants soumis à des cotisations minimales (les taux ne s’appliquent alors pas à l’assiette réelle, selon cette logique proportionnelle, mais à une assiette forfaitaire) ne seront pas concernés ([96]). Les autres subiront une hausse de cotisations, partiellement minorée par la baisse de l’assiette précitée et en tout état de cause lissée sur plusieurs années (cf. infra).

En prestations, les exploitants bénéficieront du minimum de pension mis en place dans le cadre du nouveau système ([97]) mais aussi et surtout d’une hausse de prestations pour tous les autres, liée directement à la hausse des cotisations.

Le rapporteur regrette l’absence de données équivalentes à celles rendues disponibles par l’étude d’impact pour les autres professions et espère que les débats permettront d’éclaircir la portée exacte de ces évolutions.

2.   Des effets variables mais globalement positifs pour les professions libérales, plus éloignées de la « cible »

Pour l’essentiel des professions libérales, assez éloignées des « taux cibles » en matière de cotisations, la modification des taux aura un impact significatif, malgré la réforme de l’assiette. Dans un souci de clarté, il est proposé de distinguer les catégories en fonction de la nature de l’impact en cotisations et en prestations.

a.   Baisse des cotisations et baisse modérée/stagnation des prestations

Pour ces professions, l’effet « assiette » est le plus significatif, permettant à la fois une baisse des cotisations et une baisse ou une stabilisation des prestations. La corrélation limitée entre les deux effets tient :

– au lissage très progressif des effets du nouveau système par la phase de transition ;

– à l’amélioration de la contributivité de l’assiette ;

– à l’application des nouvelles règles plus favorables de revalorisation des droits constitués (cf. infra).

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, si le système actuel était maintenu (règles 2019 CNAVPL-CARMF inchangées, secteur 1 et secteur 2) et si le système universel s’applique.

La situation d’un médecin en secteur 1 est distinguée de celle d’un médecin en secteur 2 par la différence de cotisations initiale, combinée à la réforme de l’assiette proposée. Le premier s’acquittant dans le droit existant de moins de cotisations que le second à niveau de revenu comparable, la réforme de l’assiette aura un impact plus important pour un médecin en secteur 1 car la baisse de CSG sera plus importante par rapport au niveau de cotisations actuellement acquitté, ce qu’illustrent les tableaux suivants.

impact en euros de la réforme pour un médecin en secteur 1 en 2040

Source : étude d’impact

impact en euros de la réforme pour un médecin en secteur 2 en 2040

Source : étude d’impact

La baisse est donc généralisée pour l’ensemble de la distribution des rémunérations, comme l’indiquent les graphiques suivants :

 

Source : données CARMF, calculs DSS cités dans létude dimpact.

Source : données CARMF, calculs DSS. cités dans létude dimpact.

Cette baisse très importante des cotisations aurait des contreparties en prestations.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

2 PASS (Secteur 1)

Pension cumulée sur 30 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARMF

Système actuel

44 077 €

3 673 €

 

Effet baisse des cotisations

-18 679 €

-1 557 €

-42%

Effet réforme de lassiette

6 868 €

572 €

16%

Effet hausse du rendement

1 362 €

113 €

3%

Effet indexation sur le SMPT

1 782 €

148 €

4%

Système universel sans convergence

35 409 €

2 951 €

-20%

Effet convergence

5 337 €

445 €

12%

Système universel avec convergence

40 746 €

3 396 €

-8%

 

3 PASS (Secteur 1)

Pension cumulée sur 30 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARMF

Système actuel

52 695 €

4 391 €

 

Effet baisse des cotisations

-20 735 €

-1 728 €

-39%

Effet réforme de lassiette

7 635 €

636 €

14%

Effet hausse du rendement

4 394 €

366 €

8%

Effet indexation sur le SMPT

2 107 €

176 €

4%

Système universel sans convergence

46 096 €

3 841 €

-13%

Effet convergence

6 472 €

539 €

12%

Système universel avec convergence

52 567 €

4 381 €

0%

 

2 PASS (Secteur 2)

Pension cumulée sur 30 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARMF

Système actuel

44 116 €

3 676 €

 

Effet baisse des cotisations

-14 785 €

-1 232 €

-34%

Effet réforme de lassiette

5 642 €

470 €

13%

Effet hausse du rendement

1 230 €

103 €

3%

Effet indexation sur le SMPT

1 917 €

160 €

4%

Système universel sans convergence

38 120 €

3 177 €

-14%

Effet convergence

4 308 €

359 €

10%

Système universel avec convergence

42 428 €

3 536 €

-4%

 

3 PASS (Secteur 2)

Pension cumulée sur 30 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARMF

Système actuel

52 744 €

4 395 €

 

Effet baisse des cotisations

-14 478 €

-1 206 €

-27%

Effet réforme de lassiette

4 079 €

340 €

8%

Effet hausse du rendement

3 959 €

330 €

8%

Effet indexation sur le SMPT

2 217 €

185 €

4%

Système universel sans convergence

48 520 €

4 043 €

-8%

Effet convergence

4 652 €

388 €

9%

Système universel avec convergence

53 172 €

4 431 €

1%

Source : étude d’impact

En tenant compte de la transition sur quinze ans, les pertes de prestations ne dépasseraient pas 8 %. Les règles transitoires pourraient même conduire à une légère hausse des prestations dans certains cas, les effets de la réforme de l’assiette (plus de cotisations, moins de CSG) et de l’indexation sur le revenu moyen par tête – appelé dans le tableau SMPT ([98]) – compensant largement l’effet de baisse des cotisations.

L’effet en « régime de croisière » ([99]) du système universel serait quant à lui un peu plus important (de 8 à 20 % de prestations en moins), en lien avec la baisse importante des cotisations.

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CNAVPL-CAVAMAC inchangées) et du système universel.

 

Source : calculs DSS cités dans létude dimpact.

Le graphique permet d’établir une comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un niveau globalement plus faible des cotisations dans le système proposé que dans le droit existant.

Ces baisses représenteraient des diminutions très significatives des cotisations et contributions (CSG) dues.

impact en euros de la réforme pour un agent d’assurance en 2040

Source : étude d’impact

En prestations, la réforme pourrait entraîner des baisses modérées à long terme, sans tenir compte des transitions, et une quasi-stabilité des prestations en tenant compte des effets de lissage inhérents à plusieurs années de convergence.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

 

1 PASS

Pension cumulée sur 25 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVAMAC

Système actuel

19 419 €

1 618 €

 

Effet baisse des cotisations

-5 095 €

-425 €

-26%

Effet réforme de lassiette

2 183 €

182 €

11%

Effet hausse du rendement

1 711 €

143 €

9%

Effet indexation sur le SMPT

2 604 €

217 €

13%

Système universel sans transition

20 822 €

1 735 €

7%

Effet transition

2 126,53 €

177 €

11%

Système universel avec transition

22 949 €

1 912 €

18%

 

2 PASS

Pension cumulée sur 25 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVAMAC

Système actuel

31 067 €

2 589 €

 

Effet baisse des cotisations

-12 902 €

-1 075 €

-42%

Effet réforme de lassiette

4 014 €

335 €

13%

Effet hausse du rendement

3 472 €

289 €

11%

Effet indexation sur le SMPT

3 666 €

305 €

12%

Système universel sans transition

29 317 €

2 443 €

-6%

Effet transition

5 874,97 €

490 €

19%

Système universel avec transition

35 192 €

2 933 €

13%

 

3 PASS

Pension cumulée sur 25 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVAMAC

Système actuel

42 705 €

3 559 €

 

Effet baisse des cotisations

-17 416 €

-1 451 €

-41%

Effet réforme de lassiette

3 506 €

292 €

8%

Effet hausse du rendement

4 741 €

395 €

11%

Effet indexation sur le SMPT

4 793 €

399 €

11%

Système universel sans transition

38 328 €

3 194 €

-10%

Effet transition

8 230,85 €

686 €

19%

Système universel avec transition

46 559 €

3 880 €

9%

Source : étude d’impact

En tenant compte de la convergence, ces hypothèses laissent augurer d’un bilan transitoirement positif en matière de prestations, résultant de l’indexation des droits constitués sur le salaire moyen par tête et de la réforme de l’assiette de cotisations et contributions, plus favorable à la constitution de droit.

L’effet en « régime de croisière » du système universel serait quant à lui légèrement négatif, au niveau de rémunérations entre 2 et 3 PASS, en raison d’un effet croissant de la baisse des cotisations avec la hausse du revenu, pour un effet ne dépassant jamais les 10 % du revenu. Ainsi, les agents d’assurance connaîtraient une baisse progressive des cotisations pendant et après la période de transition, qui ne se traduirait par une baisse modérée des prestations que dans plusieurs décennies.

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CPRN inchangées) et du système universel.

 

Source : calculs DSS cités dans létude dimpact.

Le graphique permet d’établir une comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un niveau globalement plus faible des cotisations dans le système proposé que dans le droit existant.

En prestations, la réforme pourrait entraîner une évolution contrastée des pensions versées, dues à la réforme de l’assiette de cotisations et à l’indexation des droits acquis sur les salaires, d’une part, et aux revenus globalement élevés des notaires, d’autre part.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

3 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CPRN

Système actuel

60 017 €

5 001 €

 

Effet baisse des cotisations

-10 158 €

-846 €

-17%

Effet réforme de lassiette

13 935 €

1 161 €

23%

Effet hausse du rendement

366 €

30 €

1%

Effet indexation sur le SMPT

17 588 €

1 466 €

29%

Système universel sans transition

81 748 €

6 812 €

36%

Effet transition

1 323,35 €

110 €

2%

Système universel avec transition

83 072 €

6 923 €

38%

 

6 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CPRN

Système actuel

111 828 €

9 319 €

 

Effet baisse des cotisations

-26 584 €

-2 215 €

-24%

Effet réforme de lassiette

-9 026 €

-752 €

-8%

Effet hausse du rendement

-12 056 €

-1 005 €

-11%

Effet indexation sur le SMPT

17 588 €

1 466 €

16%

Système universel sans transition

81 748 €

6 812 €

-27%

Effet transition

8 021,11 €

668 €

7%

Système universel avec transition

89 769 €

7 481 €

-20%

Source : étude d’impact

La réforme aurait donc des effets contrastés en fonction du niveau de la rémunération : les hausses de prestations seraient donc très significatives à 3 PASS mais les baisses tout autant à 6 PASS en raison de la diminution du niveau de couverture dans le nouveau système.

b.   Baisse ou maintien des cotisations et hausse des prestations

Pour surprenant qu’ils puissent paraître, ces effets positifs cumulés sont en réalité tout à fait compatibles dès lors que :

– la réforme de l’assiette (CSG/cotisations) produit des effets très positifs en recettes comme en prestations ;

– l’indexation prévue par le projet de loi pour les droits constitués est plus favorable que ce qui existe aujourd’hui ;

– les structures de rémunération, de cotisations actuelles et de rendement combiné permettent d’optimiser totalement ces effets.

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CNAVPL-CARCDSF inchangées) et du système universel.

 

Source : données CARCDSF, calculs DSS cités dans létude dimpact.

Les graphiques permettent d’établir une comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un niveau globalement plus faible des cotisations dans le système proposé que dans le droit existant. Les sommes concernées en cotisations mais aussi en contributions sociales (CSG) sont très significatives, comme le montre le tableau ci-dessous, issu de l’étude d’impact du Gouvernement.

impact en euros de la réforme pour les chirurgiens-dentistes

Source : étude d’impact

En prestations, la réforme pourrait entraîner une hausse des prestations, résultant principalement du mode d’indexation des droits sur le revenu moyen par tête, comme en témoignent les exemples suivants, issus de l’étude d’impact.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

1 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARCDSF-CD

Contrefactuel

34 422 €

2 869 €

 

Effet baisse des cotisations

-2 383 €

-199 €

-7%

Effet réforme de lassiette

5 082 €

423 €

15%

Effet baisse du rendement

-3 731 €

-311 €

-11%

Effet indexation sur le SMPT

9 172 €

764 €

27%

Système universel sans convergence

42 562 €

3 547 €

24%

Effet convergence

2 578 €

215 €

7%

Système universel avec convergence

45 141 €

3 762 €

31%

 

2 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARCDSF-CD

Contrefactuel

50 861 €

4 238 €

 

Effet baisse des cotisations

-8 531 €

-711 €

-17%

Effet réforme de lassiette

10 452 €

871 €

21%

Effet baisse du rendement

-5 295 €

-441 €

-10%

Effet indexation sur le SMPT

13 044 €

1 087 €

26%

Système universel sans convergence

60 531 €

5 044 €

19%

Effet convergence

4 847 €

404 €

10%

Système universel avec convergence

65 379 €

5 448 €

29%

 

3 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARCDSF-CD

Contrefactuel

67 297 €

5 608 €

 

Effet baisse des cotisations

-7 014 €

-585 €

-10%

Effet réforme de lassiette

9 254 €

771 €

14%

Effet baisse du rendement

-5 970 €

-497 €

-9%

Effet indexation sur le SMPT

17 462 €

1 455 €

26%

Système universel sans convergence

81 028 €

6 752 €

20%

Effet convergence

4 430 €

369 €

7%

Système universel avec convergence

85 459 €

7 122 €

27%

Source : étude d’impact

Les gains observés sont relativement lisses sur l’ensemble de l’échelle des rémunérations (entre 20 et 31%), à moyen (avec convergence des taux) comme à long terme (retraite pleinement constituée dans le nouveau système).

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CNAVPL-CARCDSF inchangées) et du système universel.

 

Source : données CARCDSF, calculs DSS cités dans létude dimpact.

Les graphiques permettent d’établir une comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un niveau légèrement plus faible ou équivalent au système proposé pour l’essentiel des professionnels, compte tenu de l’état de la distribution de leurs revenus. Les cotisations et contributions baisseraient pour l’essentiel des rémunérations, à l’exception des revenus situés entre 0,75 et 1 PASS pour lesquels la hausse ne dépasserait pas 36 euros par mois.

impact en euros de la réforme pour les sages-femmes

Dans le même temps, les sages-femmes verraient leurs prestations nettement augmenter en raison notamment du gel dans le système actuel de leur prestation complémentaire de vieillesse (PCV) – qui représente une partie de leur régime complémentaire – jusqu’en 2057, comme en témoignent les exemples suivants, issus de l’étude d’impact.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

 

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARCDSF-SF

Contrefactuel

16 336 €

1 361 €

 

Effet hausse des cotisations

103 €

9 €

1%

Effet réforme de lassiette

2 835 €

236 €

17%

Effet baisse du rendement

-2 602 €

-217 €

-16%

Effet indexation sur le SMPT

4 574 €

381 €

28%

Effet minimum de pension

1 541 €

128 €

9%

Système universel sans convergence

22 788 €

1 899 €

39%

Effet convergence

0,00 €

0 €

0%

Système universel avec convergence

22 788 €

1 899 €

39%

 

 

1 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARCDSF-SF

Contrefactuel

25 571 €

2 131 €

 

Effet hausse des cotisations

4 456 €

371 €

17%

Effet réforme de lassiette

5 448 €

454 €

21%

Effet baisse du rendement

-4 463 €

-372 €

-17%

Effet indexation sur le SMPT

9 498 €

792 €

37%

Système universel sans convergence

40 510 €

3 376 €

58%

Effet convergence

-818,79 €

-68 €

-3%

Système universel avec convergence

39 691 €

3 308 €

55%

 

1,5 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARCDSF-SF

Contrefactuel

33 628 €

2 802 €

 

Effet hausse des cotisations

1 704 €

142 €

5%

Effet réforme de lassiette

9 630 €

803 €

29%

Effet baisse du rendement

-5 114 €

-426 €

-15%

Effet indexation sur le SMPT

11 903 €

992 €

35%

Système universel sans convergence

51 752 €

4 313 €

54%

Effet convergence

-43,69 €

-4 €

0%

Système universel avec convergence

51 709 €

4 309 €

54%

Source : étude d’impact

Les gains en termes de pension, très significatifs, pourraient ainsi aller de 39 à 55 % en fonction du niveau de rémunération et de la prise en compte de la transition.

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CNAVPL-CAVP inchangées) et du système universel.

 

Source : données CARCDSF, calculs DSS cités dans létude dimpact.

Ce graphique permet d’établir une comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un niveau légèrement plus faible ou équivalent au système proposé pour l’essentiel des professionnels, compte tenu de l’état de la distribution de leurs revenus. Les cotisations et contributions baisseraient pour l’essentiel des rémunérations, à l’exception de quelques revenus situés avant les « plateaux forfaitaires » qui caractérisent les cotisations applicables aux pharmaciens en matière de complémentaire.

Les gains en euros au début de la distribution seraient en tout état de cause très supérieurs aux hausses de cotisations en fin de distribution, comme le montre le tableau suivant.

IMpact en euros de la réforme pour les pharmaciens

Dans le même temps, les pharmaciens verraient leurs prestations croître significativement dans le nouveau système, là encore, principalement en raison de l’indexation sur le salaire moyen par tête plutôt que sur l’inflation, mais aussi en raison du fort bénéfice tiré de la réforme de l’assiette.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

1 PASS

Pension cumulée sur 31 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVP

Système actuel

20 111 €

1 676 €

 

Effet hausse des cotisations

-3 092 €

-258 €

-15%

Effet réforme de lassiette

2 198 €

183 €

11%

Effet baisse du rendement

-2 507 €

-209 €

-12%

Effet indexation sur le SMPT

4 592 €

383 €

23%

Système universel sans transition

21 302 €

1 775 €

6%

Effet transition

1 817,43 €

151 €

9%

Système universel avec transition

23 120 €

1 927 €

15%

 

2 PASS

Pension cumulée sur 31 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVP

Système actuel

22 197 €

1 850 €

 

Effet hausse des cotisations

1 344 €

112 €

6%

Effet réforme de lassiette

4 953 €

413 €

22%

Effet baisse du rendement

-3 257 €

-271 €

-15%

Effet indexation sur le SMPT

6 569 €

547 €

30%

Système universel sans transition

31 808 €

2 651 €

43%

Effet transition

-568,22 €

-47 €

-3%

Système universel avec transition

31 239 €

2 603 €

41%

 

3 PASS

Pension cumulée sur 31 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVP

Système actuel

31 053 €

2 588 €

 

Effet hausse des cotisations

-1 390 €

-116 €

-4%

Effet réforme de lassiette

6 979 €

582 €

22%

Effet baisse du rendement

-7 449 €

-621 €

-24%

Effet indexation sur le SMPT

10 396 €

866 €

33%

Système universel sans transition

39 590 €

3 299 €

27%

Effet transition

890,63 €

74 €

3%

Système universel avec transition

40 480 €

3 373 €

30%

Source : étude d’impact

Les gains en termes de pension sont assez variables, allant de 6 % à plus de 40 % en fonction de la rémunération du pharmacien concerné, permettant de discerner un début de distribution des rémunérations qui bénéficiera d’une forte baisse des cotisations et d’une légère hausse des prestations, et un haut de distribution qui verra ses cotisations stagner ou légèrement augmenter au profit d’une très forte hausse des prestations.

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CNAVPL-CARPV inchangées) et du système universel.

 

Source : données CARPV, calculs DSS cités dans létude dimpact.

Ce graphique permet d’établir une comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un double croisement des courbes, dû au niveau mais aussi à la structure en « plateaux successifs » des cotisations forfaitaires des vétérinaires :

– un premier croisement au niveau du PASS, avant lequel les cotisations du système proposé sont légèrement supérieures à celles qui existent aujourd’hui à la CARPV (au niveau du PASS, les cotisations augmenteraient d’un peu moins de 120 euros par mois) ;

– un second croisement un peu avant 3 PASS après lequel les cotisations proposées deviennent plus élevées que les cotisations existantes (à 2,5 PASS, les cotisations diminueraient d’environ 120 euros par mois) ;

– entre les deux, des cotisations légèrement inférieures du système proposé à des niveaux de rémunérations qui concernent par ailleurs un grand nombre de vétérinaires.

Ces évolutions contrastées se retrouvent en euros dans le tableau suivant, qui intègre également les effets sur la CSG due :

impact en euros de la réforme pour les vétérinaires

Dans le même temps, les vétérinaires verraient leurs prestations croître significativement dans le nouveau système, là encore, principalement en raison de l’indexation sur le salaire moyen par tête plutôt que sur l’inflation, mais aussi en raison du fort bénéfice tiré de la réforme de l’assiette.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

1 PASS

Pension cumulée sur 38 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARPV

Système actuel

33 096 €

2 758 €

 

Effet hausse des cotisations

-446 €

-37 €

-1%

Effet réforme de lassiette

4 954 €

413 €

15%

Effet baisse du rendement

-6 913 €

-576 €

-21%

Effet indexation sur le SMPT

7 353 €

613 €

22%

Système universel sans transition

38 044 €

3 170 €

15%

Effet transition

911,68 €

76 €

3%

Système universel avec transition

38 955 €

3 246 €

18%

 

1,5 PASS

Pension cumulée sur 38 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARPV

Système actuel

33 153 €

2 763 €

 

Effet hausse des cotisations

3 105 €

259 €

9%

Effet réforme de lassiette

7 387 €

616 €

22%

Effet baisse du rendement

-7 545 €

-629 €

-23%

Effet indexation sur le SMPT

8 649 €

721 €

26%

Système universel sans transition

44 749 €

3 729 €

35%

Effet transition

59,90 €

5 €

0%

Système universel avec transition

44 809 €

3 734 €

35%

 

2 PASS

Pension cumulée sur 38 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARPV

Système actuel

38 528 €

3 211 €

 

Effet hausse des cotisations

1 929 €

161 €

5%

Effet réforme de lassiette

9 920 €

827 €

26%

Effet baisse du rendement

-8 770 €

-731 €

-23%

Effet indexation sur le SMPT

9 969 €

831 €

26%

Système universel sans transition

51 575 €

4 298 €

34%

Effet transition

542,80 €

45 €

1%

Système universel avec transition

52 118 €

4 343 €

35%

Source : étude d’impact

Les gains en termes de pension vont croissant avec la rémunération et atteignent ensuite un « plateau » autour de 1,5 PASS (35 % de gain, avec ou sans transition) avant de stagner autour de 30 % jusqu’à 3 PASS.

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CIPAV inchangées) et du système universel.

Source : données CIPAV, calculs DSS.

Ce graphique permet d’établir une comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un croisement des courbes, au niveau de 1,6 PASS, les cotisations proposées dans le cadre du nouveau régime, jusque-là plus élevées devenant plus favorables au-delà de ce seuil. Les hausses qui s’en suivraient seraient modérées (moins d’une trentaine d’euros par mois autour de 1,5 PASS à 177 euros autour du PASS).

Ces hausses modestes sont par ailleurs à mettre en regard de leurs effets très positifs sur les prestations versées, dont témoignent les simulations suivantes, extraites de l’étude d’impact du Gouvernement.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

0,5 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CIPAV

Système actuel

13 365 €

1 114 €

 

Effet hausse des cotisations

2 007 €

167 €

15%

Effet réforme de lassiette

2 477 €

206 €

19%

Effet baisse du rendement

-1 734 €

-145 €

-13%

Effet indexation sur le SMPT

4 427 €

369 €

33%

Système universel sans transition

2 246 €

187 €

17%

Effet transition

0,00 €

0 €

0%

Système universel avec transition

22 788 €

1 899 €

71%

 

1 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CIPAV

Système actuel

29 614 €

2 468 €

 

Effet hausse des cotisations

1 968 €

164 €

7%

Effet réforme de lassiette

5 220 €

435 €

18%

Effet baisse du rendement

-4 017 €

-335 €

-14%

Effet indexation sur le SMPT

9 006 €

750 €

30%

Système universel sans transition

41 791 €

3 483 €

41%

Effet transition

-1 349,91 €

-112 €

-5%

Système universel avec transition

40 441 €

3 370 €

37%

 

2 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CIPAV

Système actuel

62 460 €

5 205 €

 

Effet baisse des cotisations

-15 893 €

-1 324 €

-25%

Effet réforme de lassiette

9 461 €

788 €

15%

Effet baisse du rendement

-7 486 €

-624 €

-12%

Effet indexation sur le SMPT

13 334 €

1 111 €

21%

Système universel sans transition

61 876 €

5 156 €

-1%

Effet transition

4 407,11 €

367 €

7%

Système universel avec transition

66 283 €

5 524 €

6%

 

Source : étude d’impact

Les gains en termes de pension seront particulièrement importants pour les revenus les plus faibles, autour de 600 euros par mois à 0,5 PASS et de 1 000 euros au niveau du PASS. Ils résultent très largement, outre des réformes de l’assiette et de l’indexation sur le revenu moyen brut par tête plutôt que sur l’inflation, de la baisse importante du rendement de la CIPAV prévue d’ores et déjà dans le système actuel à compter de 2025 (5,85 %).

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CAVOM inchangées) et du système universel.

Source : données CAVOM calculs DSS, cités dans létude dimpact.

Ce graphique permet d’établir une comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un « croisement des courbes » vers 1,25 PASS, au-delà duquel le système proposé impliquerait une baisse des cotisations pour les assurés concernés. Ce croisement implique toutefois des hausses modestes pour les revenus entre 0 et 1 PASS (entre 10 et 40 euros par mois).

Les gains sont donc importants un peu au-dessus du PASS, comme le présente plus en détail le tableau suivant :

 

 

impact en euros de la réforme sur les officiers ministériels en 2040

Source : étude d’impact

Ces hausses sont par ailleurs à mettre en regard de l’évolution positive des prestations dans le nouveau système, que décrivent les simulations réalisées par le Gouvernement pour son étude d’impact, dus principalement à l’indexation sur le revenu moyen par tête.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

1 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVOM

Système actuel

33 255 €

2 771 €

 

Effet hausse des cotisations

1 152 €

96 €

3%

Effet réforme de lassiette

5 835 €

486 €

18%

Effet baisse du rendement

-5 376 €

-448 €

-16%

Effet indexation sur le SMPT

9 578 €

798 €

29%

Système universel sans transition

44 444 €

3 704 €

34%

Effet transition

-353 €

-29 €

-1%

Système universel avec transition

44 091 €

3 674 €

33%

 

2 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVOM

Système actuel

53 137 €

4 428 €

 

Effet hausse des cotisations

-7 296 €

-608 €

-14%

Effet réforme de lassiette

11 521 €

960 €

22%

Effet baisse du rendement

-8 420 €

-702 €

-16%

Effet indexation sur le SMPT

13 444 €

1 120 €

25%

Système universel sans transition

62 385 €

5 199 €

17%

Effet transition

1 357 €

113 €

3%

Système universel avec transition

63 742 €

5 312 €

20%

 

3 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVOM

Système actuel

73 001 €

6 083 €

 

Effet baisse des cotisations

-7 107 €

-592 €

-10%

Effet réforme de lassiette

10 703 €

892 €

15%

Effet baisse du rendement

-12 406 €

-1 034 €

-17%

Effet indexation sur le SMPT

17 633 €

1 469 €

24%

Système universel sans transition

81 824 €

6 819 €

12%

Effet transition

1 347 €

112 €

2%

Système universel avec transition

83 171 €

6 931 €

14%

Source : étude d’impact

Les gains en termes de pension seront particulièrement importants pour les revenus les plus faibles de la profession, soit une hausse de 1 000 euros par mois à 1 PASS, avec ou sans convergence.

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CAVEC inchangées) et du système universel.

Source : données CAVEC, calculs DS, cités dans létude dimpact

Ce graphique permet d’établir une comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un croisement des courbes, au niveau de 1,5 PASS, faisant passer les cotisations proposées dans le cadre du nouveau régime de plus élevées à plus favorables au‑delà de ce seuil. Les hausses qui s’en suivraient à ces niveaux seraient modérées (entre une vingtaine d’euros par mois au niveau de 0,5 PASS à 110 euros entre 0,75 et 1 PASS). À l’inverse, les baisses de cotisations sont importantes entre 2 et 3 PASS.

impact en euros de la réforme pour les experts-comptables en 2040

Source : étude d’impact

Ces hausses modestes sont par ailleurs à mettre en regard de leurs effets positifs sur les prestations versées, dont témoignent les simulations suivantes, extraites de l’étude d’impact du Gouvernement.

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

1 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVEC

Système actuel

27 932 €

2 328 €

 

Effet hausse des cotisations

8 780 €

732 €

31%

Effet réforme de lassiette

6 590 €

549 €

24%

Effet baisse du rendement

-9 600 €

-800 €

-34%

Effet indexation sur le SMPT

9 238 €

770 €

33%

Système universel sans transition

42 941 €

3 578 €

54%

Effet transition

-1 233,68 €

-103 €

-4%

Système universel avec transition

41 707 €

3 476 €

49%

 

2 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVEC

Système actuel

27 932 €

2 328 €

 

Effet baisse des cotisations

8 780 €

732 €

31%

Effet réforme de lassiette

6 590 €

549 €

24%

Effet baisse du rendement

-9 600 €

-800 €

-34%

Effet indexation sur le SMPT

9 238 €

770 €

33%

Système universel sans transition

42 941 €

3 578 €

54%

Effet transition

-1 233,68 €

-103 €

-4%

Système universel avec transition

41 707 €

3 476 €

49%

 

3 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CAVEC

Système actuel

74 771 €

6 231 €

 

Effet hausse des cotisations

5 433 €

453 €

7%

Effet réforme de lassiette

12 853 €

1 071 €

17%

Effet baisse du rendement

-28 896 €

-2 408 €

-39%

Effet indexation sur le SMPT

17 588 €

1 466 €

24%

Système universel sans transition

81 748 €

6 812 €

9%

Effet transition

846,25 €

71 €

1%

Système universel avec transition

82 594 €

6 883 €

10%

Source : étude d’impact

Des gains importants en prestations seraient enregistrés au niveau du PASS, soit une hausse de plus de 50 % de la pension, avec ou sans mécanisme de convergence. Un effet significativement positif serait également engrangé au-delà mais de manière décroissante. Ces effets positifs résultent, outre la réforme de l’assiette de cotisations/contributions et de l’indexation, de la baisse annoncée du rendement du régime complémentaire CAVEC à compter de 2035.

c.   Hausse des prestations supérieure à la hausse des cotisations

Pour ces professions, l’effet « assiette » ne permet pas de neutraliser complètement la hausse des cotisations vers la « cible ». Toutefois, combiné aux autres grands déterminants du nouveau système, il permet une hausse plus que proportionnelle des prestations.

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CNAVPL-CARPIMKO inchangées) et du système universel.

Source : données CARPIMKO, calculs DSS présentés dans létude dimpact

Le graphique présente deux éléments éclairants :

– la comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un « croisement des courbes » à 45 % du PASS (environ 19 000 euros annuels dans les conditions actuelles de rémunération et de fixation du plafond), en dessous duquel le système universel est à la fois plus généreux en prestations (cf. infra) et moins coûteux en cotisations ;

– la distribution des effectifs en fonction des niveaux de revenus, pour les assurés les plus nombreux, soit ceux dont la rémunération est située un peu en dessous de 1 PASS (43 136 euros par an, 3 428 euros par mois), la hausse représenterait entre 948 et 1613 euros par an (soit entre 79 euros et 134 euros par mois).

Par ailleurs, comme le fait remarquer l’étude d’impact, cette comparaison est singulièrement favorable au système actuel, car il part du principe peu plausible que la CARPIMKO n’aurait pas relevé ses taux de cotisations sur la période en l’absence de réforme.

 

 

 

impact en euros de la réforme pour les auxiliaires médicaux en 2040

Source : étude d’impact

En prestations, contrepartie directe de l’évolution des cotisations, les assurés seraient gagnants dans des proportions sans commune mesure avec la hausse des cotisations. L’étude d’impact présente ainsi trois exemples, respectivement à 0,5, 1 et 2 PASS :

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

0,5 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARPIMKO

Système contrefactuel

13 136 €

1 095 €

 

Effet baisse des cotisations

-3 136 €

-261 €

-23,9%

Effet réforme de lassiette

1 390 €

116 €

10,6%

Effet hausse du rendement

-11 €

-1 €

-0,1%

Effet indexation sur le SMPT

3 445 €

287 €

26,2%

Système universel sans convergence

7 964 €

664 €

60,6%

Effet convergence

0,00 €

0 €

0,0%

Système universel avec convergence

22 788 €

1 899 €

73,5%

 

1,0 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARPIMKO

Système actuel

19 261 €

1 605 €

 

Effet hausse des cotisations

-274 €

-23 €

-1,4%

Effet réforme de lassiette

3 098 €

258 €

16,1%

Effet hausse du rendement

-257 €

-21 €

-1,3%

Effet indexation sur le SMPT

6 609 €

551 €

34,3%

Système universel sans convergence

28 437 €

2 370 €

47,6%

Effet convergence

-455,59 €

-38 €

-2,4%

Système universel avec convergence

27 982 €

2 332 €

45,3%

 

2,0 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CARPIMKO

Système actuel

26 266 €

2 189 €

 

Effet hausse des cotisations

3 574 €

298 €

14%

Effet réforme de lassiette

7 624 €

635 €

29%

Effet hausse du rendement

726 €

60 €

3%

Effet indexation sur le SMPT

11 016 €

918 €

42%

Système universel sans convergence

49 206 €

4 101 €

87%

Effet convergence

-1 416,13 €

-118 €

-5%

Système universel avec convergence

47 790 €

3 983 €

82%

Source : étude d’impact

Le gain en prestations représenterait donc entre 45 % (300 euros par mois de pension) et 87 % (quasiment 2 000 euros par mois) de ce qui aurait été obtenu en l’état des règles de la CARPIMKO, pour une hausse raisonnable de cotisations (autour de 100 euros par mois pour l’essentiel des effectifs). Le gain est notamment issu de l’effet de la réforme de l’assiette, permettant aux assurés de cotiser davantage à même niveau de prélèvement, et de l’indexation des droits sur les salaires, et non sur l’inflation.

S’agissant des cotisations, le Gouvernement a pu réaliser une estimation des situations respectives en 2040, date de fin de la transition, du système actuel maintenu (règles 2019 CNBF inchangées ([100])) et du système universel.

Source : calculs DSS cités dans l’étude d’impact

Le graphique présente deux éléments éclairants :

– la comparaison des niveaux de cotisations entre le système universel (en bleu) et le système actuel (en orange), révélant un « croisement des courbes » aux alentours de 40 % du PASS (environ 16 000 euros annuels dans les conditions actuelles de rémunération et de fixation du plafond), en dessous duquel le système universel est à la fois plus généreux en prestations (cf. infra) et moins coûteux en cotisations ;

– la distribution des effectifs en fonction des niveaux de revenus, pour les assurés les plus nombreux, soit ceux dont la rémunération est située aux alentours de 75 % du PASS (30 852 euros par an, 2 571 euros par mois), la hausse représenterait environ 1 426 euros par an (soit 118 euros par mois).

impact en euros de la réforme sur les avocats en 2040

Source : étude d’impact

Par ailleurs, comme le fait remarquer l’étude d’impact, cette comparaison est singulièrement favorable au système actuel, car là encore, elle part du principe peu plausible que la CNBF n’aurait pas relevé ses taux de cotisations sur la période, en l’absence de réforme. La CNBF va ainsi relever ses taux de cotisation au régime complémentaire de 2,2 % d’ici à 2029 et rien ne permet d’affirmer que d’autres hausses ne seraient pas intervenues d’ici 2040.

En prestations, contrepartie directe de la hausse des cotisations, les assurés seraient gagnants dans des proportions sans commune mesure avec la hausse des cotisations. L’étude d’impact présente ainsi trois exemples, respectivement à 1, 2 et 3 PASS :

 

 

 

simulations des écarts en % et en euros entre le système actuel
et le système universel

1 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CNBF

Système actuel

31 372 €

2 614 €

 

Effet hausse des cotisations

9 682 €

807 €

31%

Effet réforme de lassiette

7 495 €

625 €

24%

Effet baisse du rendement

-16 768 €

-1 397 €

-53%

Effet indexation sur le SMPT

8 887 €

741 €

28%

Système universel sans convergence

40 667 €

3 389 €

30%

Effet convergence

-1 806 €

-150 €

-6%

Système universel avec convergence

38 861 €

3 238 €

24%

 

2 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CNBF

Système actuel

54 958 €

4 580 €

 

Effet hausse des cotisations

-3 600 €

-300 €

-7%

Effet réforme de lassiette

11 799 €

983 €

21%

Effet baisse du rendement

-15 690 €

-1 308 €

-29%

Effet indexation sur le SMPT

13 318 €

1 110 €

24%

Système universel sans convergence

60 785 €

5 065 €

11%

Effet convergence

154 €

13 €

0%

Système universel avec convergence

60 939 €

5 078 €

11%

 

3 PASS

Pension cumulée sur 43 ans

Montant total
(€ 2019)

Montant/mois
(€ 2019)

%

CNBF

Système actuel

83 203 €

6 934 €

 

Effet baisse des cotisations

-12 096 €

-1 008 €

-15%

Effet réforme de lassiette

11 086 €

924 €

13%

Effet baisse du rendement

-18 992 €

-1 583 €

-23%

Effet indexation sur le SMPT

17 758 €

1 480 €

21%

Système universel sans convergence

80 960 €

6 747 €

-3%

Effet convergence

1 498 €

125 €

2%

Système universel avec convergence

82 458 €

6 871 €

-1%

Source : étude d’impact

Compte tenu des effets distributifs très spécifiques à la CNBF, les effets en matière de prestations sont assez contrastés :

– une baisse est à prévoir autour de 0,5 PASS à hauteur de 250 euros par mois pendant la convergence et 200 euros dans le système « cible » ;

– des gains importants pourraient être engrangés au niveau de 1 à 2 PASS (entre 10 % et 30 %) en raison des effets positifs d’assiette contributive (qui progressent avec le niveau de revenu) et d’indexation sur le salaire moyen des droits constitués (effets qui diminuent avec la hausse du revenu) ;

– une baisse des prestations au niveau de 3 PASS, en raison des règles spécifiques de la CNBF en matière de rendement (rendement fixe pour un rendement inférieur à 7,5 %, puis indexation sur l’inflation).

bilan : trois types de situations pour les professionnels libéraux dans le système universel de retraite

Diminution des cotisations et baisse/maintien des prestations

Médecins (CARMF)

Agents d’assurance (CAVAMAC)

Maintien des cotisations et hausse des prestations

Chirurgiens-dentistes et sages-femmes (CRDCSF)

Affiliés de la CIPAV

Pharmaciens (CPV)

Vétérinaires (CARPV)

Officiers ministériels (CAVOM)

Hausse des cotisations et hausse des prestations

Avocats (CNBF)

Auxiliaires médicaux (CARPIMKO)

Hausse des cotisations et baisse des prestations

Aucun

Source : commission spéciale, à partir des simulations du Gouvernement présentées dans l’étude d’impact

II.   L’article 21 propose d’habiliter le gouvernement À prévoir par ordonnance les transitions nécessaires

Afin de conduire progressivement la convergence, l’article 21 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance dans trois domaines précis.

1.   Une transition progressive vers les taux et assiettes « cibles »

L’habilitation porte tout d’abord sur les modalités de convergence sur une période de quinze ans, et notamment le financement de taux d’appel inférieurs à l’unité, pour :

La référence à un « taux d’appel » implique ici que les taux de cotisations demandés aux travailleurs non-salariés à compter de 2025 pourraient être inférieurs aux taux « cibles » pendant la période de transition.

Le financement de cette convergence pourra être assuré, sur autorisation de la future ordonnance, avec l’utilisation des réserves des caisses concernées.

2.   L’adaptation de l’assiette relative aux cotisations des travailleurs non-salariés

L’habilitation porte également sur l’adaptation de l’assiette des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants et professionnels libéraux, afin qu’elles deviennent comparables à celles des salariés. Il s’agit notamment de rapprocher l’assiette « nette » des cotisations et contributions de ces travailleurs indépendants de l’assiette « brute » des salariés. Dans son étude d’impact, le Gouvernement précise ainsi souhaiter calculer les cotisations des travailleurs non-salariés sur une première base intégrant l’ensemble des cotisations et la partie déductible de la contribution sociale généralisée, à laquelle serait appliqué un abattement. C’est à cette assiette « super-brute abattue de 30 % » qu’on appliquerait les taux applicables, simplifiant grandement le calcul des cotisations, tout en réduisant le poids des prélèvements non contributifs.

Le taux de 30 %, mentionné dans l’étude d’impact, équivaudrait à l’absence de prise en compte des cotisations patronales dans l’assiette des salariés.

D’après l’étude d’impact, cette mise en cohérence de l’assiette avec celle qui est applicable aux travailleurs salariés pourrait avoir pour effet :

– un gain de 400 millions d’euros pour les travailleurs non-salariés (+ 2,2 milliards d’euros de cotisations et – 2,6 milliards d’euros de CSG et de CRDS) ;

– une hausse des prestations, toutes choses égales par ailleurs, dans la mesure où 90 % de ces cotisations supplémentaires dans le nouveau système permettront d’acquérir des points.

impact en « régime de croisière » de la réforme de l’assiette

Source : étude d’impact

Le dispositif précise que cette réforme de l’assiette n’aura pas d’incidence sur le droit des exploitants agricoles de calculer leur revenu professionnel à partir de la moyenne des trois derniers exercices.

3.   La prise en charge des cotisations par un tiers

Les cotisations de l’ensemble des travailleurs indépendants pourront être prises en charge par un tiers, dans des conditions fixées par la future ordonnance, sur le modèle de ce qui est aujourd’hui possible pour les agents généraux d’assurance, dont certaines cotisations sont prises en charge par les compagnies d’assurance mandantes.

4.   Durée de l’habilitation et entrée en vigueur

La durée de l’habilitation est fixée à douze mois, de sorte que les transitions en la matière seront fixées avant l’été 2021, si le présent projet de loi est bien adopté avant l’été 2020. Le délai fixé pour cette convergence est de vingt ans maximum et devrait donc permettre de lisser les effets de celle-ci.

Après publication de l’ordonnance, un délai de trois mois est prévu pour déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement.

 

*

*     *

 


—  1  —

Article 22
Dispositions relatives à lassiette minimale des travailleurs non-salariés

L’article 22 reconduit le principe de la cotisation minimale pour les travailleurs non salariés dans le nouveau système universel, afin de garantir l’acquisition d’un minimum de droits à la retraite.

Il y apporte toutefois deux modifications significatives par rapport au droit existant :

– la possibilité pour l’ensemble des travailleurs non salariés de cotiser davantage que sur la seule assiette minimale jusqu’à obtention des droits correspondant à une activité annuelle au niveau du SMIC ;

– la déductibilité des cotisations minimales des cotisations versées à d’autres titres par les polyactifs, permettant ainsi de réduire les cotisations pour les rémunérations les plus faibles pour ces travailleurs.

Le Gouvernement a par ailleurs présenté dans son étude d’impact les assiettes minimales qui devraient être retenues dans le nouveau système universel :

– 450 SMIC horaires par an pour les travailleurs indépendants non agricoles, ce qui correspond à ce que devrait verser un salarié pour valider trois trimestres au SMIC dans le système actuel ;

– 600 SMIC horaires par an pour les exploitants agricoles, ce qui devrait conduire à une diminution des cotisations par rapport à ce qui existe aujourd’hui et ce, pour une part très importante des assurés (40 % des exploitants aujourd’hui).

I.   Les travailleurs non salariés sont aujourd’hui soumis à une variété de cotisations minimales

1.   Le fondement des cotisations minimales : une garantie de protection sociale pour les assurés

La plupart des cotisations sociales sont proportionnelles au revenu des travailleurs indépendants, en cohérence avec leur vocation contributive.

Toutefois, des cotisations minimales sont parfois prévues afin d’ouvrir un minimum de droit pour ces assurés, notamment pour les risques les plus contributifs/assurantiels (indemnités journalières, retraite), et éviter ainsi une « double peine » (peu de revenus, peu de droits à la retraite).

La cotisation minimale repose alors sur une base forfaitaire, par construction plus élevée que le revenu assujetti de l’assuré, à laquelle on applique les taux de cotisations de droit commun.

2.   Les évolutions récentes : un recentrage des cotisations minimales

Au-delà du principe ancien de l’acquittement de ces cotisations minimales, des réformes récentes ont conduit à réduire le champ des travailleurs indépendants assujetti à ces cotisations minimales.

L’application au « micro-entrepreneur » (ancien « autoentrepreneur ») d’un régime dit « microsocial » permet désormais de s’acquitter d’un taux unique simplifié de cotisations appliqué à leur chiffre d’affaires.

Un entrepreneur relevant du régime « microsocial » s’acquitte aujourd’hui de cotisations correspondant à 12,80 % de son chiffre d’affaires pour une activité d’achat ou de revente et 22 % pour les autres activités. Dans le système actuel, si ces micro-entrepreneurs ne réalisent pas l’équivalent de 150 heures au SMIC par trimestre en chiffre d’affaires, ils ne peuvent valider de trimestre de retraite. Cela correspond à une fourchette entre 2 246 et 4 137 euros pour valider un trimestre, en tenant compte des règles d’abattement forfaitaire pour frais et charges.

Ce régime simplifié concernant les entreprises ayant un faible chiffre d’affaires conduit à écarter les cotisations minimales, contradictoires avec l’objet même de ce régime. Il est toutefois possible sur option de demander à verser ces cotisations pour s’ouvrir davantage de droits (deuxième alinéa de l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale).

Parfois dues dans des risques faiblement contributifs, les cotisations minimales ont été supprimées par la LFSS 2016 pour le financement des prestations en nature du risque « maladie-maternité » (247 euros à l’époque pour un travailleur indépendant non agricole et 833 euros pour les travailleurs indépendants agricoles).

Les cotisations minimales des travailleurs indépendants ont longtemps été calculées pour permettre la validation d’un trimestre par an. Depuis la LFSS 2016, elles sont désormais calculées pour permettre la validation de trois trimestres pour les travailleurs indépendants affiliés à l’ex-RSI (artisans et commerçants), et désormais à la SSTI, ainsi que pour les libéraux relevant de la CNAVPL. Cela a conduit à augmenter l’assiette minimale de 7,7 % à 11,5 % du PASS. Pour les artisans et commerçants, ce relèvement a été compensé par une suppression de la cotisation sur une assiette minimale de 5,25 % du PASS au titre du régime complémentaire.

3.   L’état des lieux des cotisations minimales

L’étude d’impact du Gouvernement a opportunément dressé pour les besoins de ce projet de loi un panorama complet des cotisations minimales repris par le tableau suivant :

cotisations minimales pour les travailleurs non salariés

Régime (organisme de gestion)

Assiette

Taux ou montant de cotisation
(en %)

Montant de la cotisation minimale
(en euros)

Artisans et commerçants

Base (SSTI - ex-RSI)

11,5 % du PASS (4 660 euros)

17,75

827

Professions libérales *

Base (CNAVPL)

11,5 % du PASS (4 660 euros)

10,10

471

Complémentaire (CARPIMKO – auxiliaires médicaux)

Forfaitaire

 

          

1 624

Complémentaire
(ASV – auxiliaires médicaux)

195

Complémentaire

(CARMF – médecins)

Complémentaire PCV

(CARMF –– médecins)

1 691

Complémentaire

(CARCDSF – chirurgiens-dentistes ou sages-femmes)

2 701

Complémentaire PCV

(CARCDSF – chirurgiens-dentistes ou sages-femmes

Chirurgien-dentiste : 1 427

Sage-femme : 260

Complémentaire

(CAVP – pharmaciens)

5 800

Complémentaire PCV (CAVP – pharmaciens biologistes conventionnés)

576

Complémentaire (CAVEC – experts-comptables)

648

Complémentaire (CAVAMAC – agents généraux dassurance)

Complémentaire (CARPV – vétérinaires)

938

Complémentaire (CPRN – notaires)

2 270

Complémentaire (CAVOM – officiers ministériels)

1 242

Exploitants agricoles

Base AVI (MSA)

600 SMIC (6 018 euros)

13,79

830

Base AVA (MSA)

800 SMIC (8 024 euros)

3,32

266

Complémentaire (RCO)

1 820 SMIC (18 255 euros)

4,00

730

Avocats

Base (CNBF)

Forfaitaire

1 555

Complémentaire (CNBF)

Indépendants non artisans et commerçants

Base (CIPAV) **

[Cotisations forfaitaires par tranche]

1 315 [pour la première tranche]

* Pour les professions libérales affiliées à la CNAVPL, il faut additionner les cotisations minimales du régime de base (CNAVPL) et du ou des régimes complémentaires.

** Les cotisations de la CIPAV sont des cotisations forfaitaires par tranche, on peut donc considérer que la première tranche est assimilable à une cotisation minimale pour les assurés affiliés à cette caisse.

Source : étude dimpact du Gouvernement

Ce tableau permet de constater une grande variété de situations des travailleurs non salariés au regard de ces cotisations minimales :

– dans leur structure : elles n’existent pas en tant que telles pour les assurés de la CIPAV ; elles peuvent exister pour le régime de base et pas pour le régime complémentaire (médecins, avocats) ; des cotisations minimales pour le régime de base peuvent se cumuler avec celles de régimes complémentaires (exploitants agricoles, auxiliaires médicaux, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, experts-comptables, vétérinaires, notaires, officiers ministériels) ;

– dans leur montant, qui peut aller de 260 euros par an à verser par les sages-femmes à leur régime complémentaire à 5 800 euros pour les pharmaciens (en plus de 471 euros à la CNAVPL, dans les deux cas).

II.   L’article 22 propose de reconduire le principe des cotisations minimales dans le système universel de retraite, tout en simplifiant les règles applicables

1.   Le dispositif proposé

a.   Pour tous les travailleurs non-salariés : des cotisations minimales et la faculté de cotiser au niveau des autres assurés

● Le crée un nouvel article L. 611-6 qui prévoit de nouvelles cotisations minimales applicables aux travailleurs indépendants dans le nouveau système universel, afin de leur garantir un minimum de pension. Le principe de la cotisation minimale est donc généralisé et harmonisé dans le nouveau système, et le montant de celle-ci est renvoyé au pouvoir réglementaire, conformément aux articles 34 et 37 de la Constitution.

● Aux termes du I de ce nouvel article, les travailleurs indépendants pourront également s’acquitter de cotisations supérieures au montant prévu, afin d’acquérir davantage de points. En effet, dans un système à points, la seule cotisation minimale ne pourrait ouvrir qu’un montant limité de droits. Une option serait donc ouverte pour cotiser au moins au niveau permettant d’obtenir le même nombre de points qu’ouvrirait le taux contributif « cible » universel de 25,31 % appliqué au SMIC. L’option serait annuelle.

Le II applique le même principe pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.

Le III prévoit enfin que lorsque ces travailleurs indépendants cotisent à d’autres titres au système universel, leurs cotisations en tant que travailleurs indépendants seront minorées des cotisations déjà versées par ailleurs. Cette disposition constitue une véritable nouveauté du système universel, qui permettra de mieux tenir compte de la situation des polyactifs (exploitants et salariés affiliés à un autre régime par exemple). Ainsi, dès 2025, si un exploitant a déjà cotisé à hauteur de 450 heures au SMIC, il n’aura pas à verser de cotisation minimale à un autre titre.

Cette minoration n’est pas possible en cas de cumul emploi-retraite.

b.   Pour tous les micro-entrepreneurs : une double option

Le crée un nouvel article L. 613-7-1 permettant aux micro-entrepreneurs relevant du régime « microsocial » de demander :

– soit à cotiser au niveau des cotisations minimales fixées par décret ;

– soit à cotiser de sorte à obtenir le même nombre de points ouverts par l’application du taux « cible » contributif de 25,31 % au niveau du SMIC.

2.   Les niveaux envisagés par le Gouvernement

Ainsi que le prévoit le projet de loi, les assiettes de cotisation minimale seront fixées par le pouvoir réglementaire.

Dans son étude d’impact, le Gouvernement a toutefois déjà prévu certains des montants qui seront fixés.

● Pour les travailleurs indépendants non-agricoles, l’assiette minimale serait de 450 heures rémunérées au SMIC (soit 4 514 euros en 2019), soit une cotisation contributive de 1 142,5 euros, à laquelle s’ajouterait une cotisation de 2,81 % due sur le revenu réel. Cette répartition, nouvelle, est placée sous le sceau la cohérence : l’assiette minimale ayant vocation à créer des droits, le taux qui doit s’y appliquer doit être celui des cotisations « génératrices de droits » soit 25,31 %.

La cotisation minimale serait :

– plus élevée que ce qu’acquittent les affiliés du SSTI (artisans et commerçants, 827 euros), de la CAVAMAC (agents d’assurance, 471 euros) et de la CAVEC (experts-comptables, 1 119 euros) ;

– moins élevée que ce qu’acquittent les autres travailleurs indépendants non agricoles (1 555 euros pour les avocats, de 1 713 euros pour les officiers ministériels à 6 847 euros pour les pharmaciens).

● Pour les exploitants agricoles, une assiette différente de celle des autres travailleurs indépendants serait à la fois maintenue mais modifiée par rapport à ce qui existe aujourd’hui. Elle serait calculée sur la base de 600 heures au SMIC en vue de valider une année de droits à ce niveau de rémunération, soit un montant de 1 523 euros dans les conditions de rémunération actuelle. Cela entraînerait, d’après l’étude d’impact, une diminution de 300 euros de pension chaque année pour 40 % des exploitants agricoles.

3.   L’entrée en vigueur

En application du VIII de l’article 63 du présent projet de loi, ces nouvelles dispositions devraient entrer en vigueur dès le 1er janvier 2025 pour l’ensemble des assurés, à l’instar des autres mesures générales en matière de cotisations des travailleurs non-salariés.

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Titre II
équité et liberté dans le choix de départ à la retraite

Chapitre Ier
Des transitions facilitées entre lactivité et la retraite

Article 23
Âge minimum de départ à la retraite

Cet article fixe à 62 ans l’âge légal minimal de départ à la retraite, qui a vocation à s’appliquer à l’ensemble des assurés du système universel de retraite, à l’exception des dérogations accordées au titre de dispositifs permettant un départ anticipé.

I.   Le droit en vigueur

A.   Un âge légal fixé à 62 ans par la réforme des retraites de 2010

L’âge légal de départ à la retraite constitue le seuil en deçà duquel, sauf exception, un assuré ne peut faire valoir ses droits à la retraite.

L’article 18 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a relevé de 60 à 62 ans l’âge légal d’ouverture du droit à retraite pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1956, avec un dispositif de relèvement progressif de l’âge de départ pour les générations nées avant 1956.

Ce relèvement à 62 ans de l’âge d’ouverture du droit à retraite a concerné les assurés du régime général, des régimes agricoles, du régime des travailleurs indépendants – artisans, commerçants et industriels −, du régime des professions libérales et du régime des avocats, du régime des ministres du culte, du service des retraites de l’État et de la CNRACL (fonctions publiques territoriale et hospitalière).

Le relèvement de l’âge d’ouverture s’était également accompagné du relèvement de l’âge d’annulation de la décote, de 65 à 67 ans.

Bref rappel historique sur lévolution de lâge légal de départ à la retraite

À la création du régime général en 1945, le droit à pension était ouvert dès 60 ans, avec cependant l’application d’une importante décote.

Au cours des années 1970, l’accès au taux plein dès 60 ans a été « progressivement accordé par dérogation à des populations spécifiques » tels que les déportés ou anciens combattants, puis à toutes les femmes justifiant de 37,5 ans de cotisation.

La retraite à 60 ans a ensuite été généralisée par une ordonnance du 26 mars 1982 ([101]).

Pour tenir compte de l’enjeu du vieillissement de la population dans la soutenabilité du système de retraites, les réformes de 1993 puis 2003 ont privilégié le relèvement de la durée d’assurance plutôt que celui de l’âge légal.

La réforme de 2010 a pour sa part préféré relever l’âge légal de 60 à 62 ans, compte tenu des « résultats plus rapides » offerts par cette option, « dans un contexte de crise économique et financière et de déficits persistants du système de retraite ».

Cette réforme a eu pour effet de relever significativement l’âge de départ constaté dans le secteur privé, de 61,0 ans en 2008 à 62,4 ans en 2016.

Source : Conseil dorientation des retraites.

B.   Les exceptions

Comme l’a souligné le Conseil d’orientation des retraites, « lexistence dun âge minimal douverture des droits ne signifie pas que tous les affiliés doivent partir à la retraite à cet âge » ([102]). Les assurés peuvent en effet décider de prolonger leur activité au-delà de l’âge légal, pour améliorer leurs futurs droits à retraite notamment, ou à l’inverse bénéficier de dispositifs leur permettant de partir à la retraite à un âge inférieur à 62 ans.

1.   Les exceptions pour raisons de santé, pénibilité ou carrière longue

Plusieurs dispositifs, variables selon les régimes considérés, permettent néanmoins aux assurés de partir à la retraite plus tôt qu’à l’âge de 62 ans, afin de tenir compte des carrières travaillées particulièrement longues, de l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, ou encore pour des raisons de santé.

Au régime général, par exemple, les travailleurs handicapés bénéficient toujours d’un âge minimal de départ fixé à 60 ans. De même, l’exposition à un facteur de pénibilité peut permettre, sous réserve d’avoir ouvert des points au titre du compte professionnel de prévention, un départ anticipé.

Le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue permet en outre aux assurés ayant commencé très tôt à travailler de liquider leurs droits à retraite dès l’âge de 60 ans, sous réserve de justifier d’une durée d’assurance suffisante.

2.   Les exceptions accordées aux fonctionnaires ou aux assurés des régimes spéciaux

Au sein des régimes de la fonction publique, le classement de certains emplois en « catégorie active » ouvre droit, au titre de la pénibilité et des fatigues exceptionnelles liées à ces emplois, à un départ anticipé, sous réserve de l’accomplissement d’une durée de services minimale.

Des dispositifs similaires existent au sein de plusieurs régimes spéciaux, tels que le régime de la Comédie-Française ou de l’Opéra national de Paris.

L’ensemble de ces dérogations fait l’objet d’une présentation dans le tableau ci-après.

Âge légal de départ au sein des régimes de base et dérogations

Régimes de base

Âge légal de départ à la retraite*

Existence de dispositifs de départ anticipé à la retraite pour certains emplois *

Régime général, régime des travailleurs indépendants, régimes agricoles, régime des ministres du culte, régimes des professions libérales, régime des avocats

62 ans

Non

Régime de la fonction publique dÉtat

62 ans

Oui

Fonction publique hospitalière et territoriale (CNRACL)

62 ans

Oui

Industries électriques et gazières

62 ans

Oui

SNCF

57 ans

Oui

RATP

62 ans

Oui

Banque de France

62 ans

Oui

Régime des marins (ENIM)

50 à 60 ans

Oui

Régime des clercs et employés de notaires

62 ans

Oui

Comédie-Française

62 ans

Oui

Régime des ouvriers de lÉtat (FSPOEIE)

62 ans

Oui

Opéra national de Paris

62 ans

Oui

Port autonome de Strasbourg

60 ans

Non

Retraite des salariés des mines

55 ans

Non

(*) Cet âge correspond à l’âge d’ouverture de droits des catégories d’assurés qui ne peuvent pas bénéficier d’un départ anticipé au titre de leur régime.

(**) Hors dispositifs de départ anticipé pour pénibilité, handicap ou carrière longue.

Source : Étude d’impact.

3.   Éléments de droit comparé

À 62 ans, l’âge légal de départ en retraite en France reste nettement inférieur à l’âge de départ fixé par la plupart des autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Ainsi, seuls le Canada et la Suède fixent un âge inférieur, qui sera prochainement relevé à 64 ans dans le second cas. Nos voisins européens ont des âges d’ouverture des droits beaucoup plus élevés, entre 64 ans et 67 ans.

Panorama international des âges légaux de la retraite

Source : Conseil d’orientation des retraites.

II.   Un âge légal uniformisé à 62 ans au sein du système universel

A.   Le maintien d’un âge légal d’ouverture du droit à retraite à 62 ans

Conformément à l’engagement du Président de la République et du Gouvernement, le présent article fixe à 62 ans l’âge légal d’ouverture du droit à retraite dans le système universel de retraite.

À cette fin, un nouvel article L. 191-1 est créé au sein d’un chapitre Ier nouveau du titre IV du livre Ier du code de la sécurité sociale qui dispose que « lâge douverture du droit à retraite est fixé à soixante-deux ans ».

Cet âge signifie que tout assuré peut liquider sa retraite à compter de 62 ans s’il le souhaite. Les assurés pourront néanmoins prolonger leur activité au-delà de cet âge. L’articulation de l’âge d’ouverture des droits avec l’âge d’équilibre mentionné à l’article L. 191-5 créé par l’article 10 du projet de loi vise en effet à inciter les assurés à travailler jusqu’à l’atteinte de cet âge d’équilibre, afin d’augmenter leurs droits à retraite et d’éviter l’application d’un coefficient de minoration au montant de leur pension.

B.   Les dérogations accordées

Certaines catégories d’assurés relevant de la fonction publique ou des régimes spéciaux qui bénéficiaient jusqu’alors d’un droit à départ anticipé entreront dans le droit commun et se verront appliquer l’âge de 62 ans comme âge minimal de départ, à l’instar de tous les autres assurés du système universel. Le Conseil d’État a relevé à cet égard que « lapplication de lâge de droit commun à ces professionnels, qui est cohérente avec linstitution dun système universel de retraite, ne se heurte à aucun principe constitutionnel et conventionnel, sous réserve que soit aménagé un dispositif transitoire permettant de tenir compte des situations légalement acquises ». Ces conditions transitoires font l’objet des articles 38 et 39 du projet de loi.

Par ailleurs, le projet de loi maintient, pour certaines catégories d’emploi caractérisées par des sujétions particulières, un âge d’ouverture des droits inférieur à 62 ans. Les assurés concernés en premier lieu sont des fonctionnaires « concourant à des missions publiques de sécurité, y compris civile, de surveillance douanière ou pénitentiaire ou de contrôle aérien », lorsque leurs fonctions comportent des risques particuliers pour les agents ou pour autrui, dans les conditions prévues par l’article 36 de ce projet de loi. Il s’agit ensuite des militaires qui, en vertu des dispositions de l’article 37 du projet de loi, continueront de bénéficier d’un âge de départ à la retraite inférieur à 62 ans.

Pour tenir compte des assurés ayant accompli de longues carrières, exercés des métiers pénibles ou en situation de handicap les privant durablement de la capacité d’exercer une activité professionnelle, le projet de loi accorde plusieurs dérogations permettant à certaines catégories d’assurés de prendre leur retraite avant l’âge de 62 ans, à l’instar du droit en vigueur.

Ces dérogations sont résumées dans le tableau suivant et présentées au sein des commentaires d’articles afférents.

Dérogations à l’âge d’ouverture du droit à retraite
mentionné à l’article L. 191-1

Article du projet de loi

Article créé au sein du code de la sécurité sociale ou modification proposée

Objet de larticle

Âge minimal de départ ou conditions de départ

28

L. 192-1

Retraite anticipée pour carrière longue

60 ans

29

L. 192-2

Retraite anticipée pour handicap

55 ans (abaissement de 2 à 7 ans)

32

L. 192-4

Retraite pour incapacité permanente liée à l’exposition à un facteur de pénibilité

60 ans

33

L. 192-5

Départ anticipé au titre de l’utilisation du C2P

60 ans

35

Art. 41 de la loi n° 98-1194

Transformation de l’allocation de cessation anticipée d’activité au titre de l’amiante (ACAATA) en pension de retraite

60 ans

36

L. 723-1

Métiers dangereux régaliens

– 52 ans, pour les catégories dont la limite d’âge est inférieure à 62 ans ;

 

– 57 ans, pour les catégories dont la limite d’âge est égale à 62 ans.

37

L. 724-1

Militaires

Officiers

27 ans de services ou atteinte de la limite d’âge qui leur est applicable

Non officiers

17 ans de services ou atteinte de la limite d’âge qui leur est applicable

Officiers généraux admis en 2e section

Âge de placement en 2e section

(*) À condition que la limite dâge éventuellement applicable soit inférieure ou égale à 62 ans.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système de retraites.

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Article 24
Principe général de cumul entre la retraite et lexercice dune activité professionnelle

Cet article pose un principe général autorisant l’acquisition de droits à retraite, sous forme de points de retraite supplémentaires, en cas de cumul entre une activité professionnelle et une pension de retraite.

I.   Les principes du cumul entre pension de retraite et activité professionnelle

A.   Le cumul entre une pension de retraite et des revenus d’activité professionnelle, une possibilité ancienne mais néanmoins très encadrée

La possibilité de cumuler une pension de retraite et une activité professionnelle existe depuis la création du système de retraite en 1945. À l’origine, compte tenu du contexte favorable de l’emploi, ce cumul ne faisait l’objet d’aucun encadrement juridique ([103]).

Tel n’est plus le cas depuis les années 1980, puisque la nouvelle donne économique et la dégradation de l’emploi ont conduit le législateur ([104]), dès 1982, à limiter les possibilités de cumul entre pensions de retraite et revenus d’activité, en contrepartie, alors, de l’abaissement de 65 à 60 ans de l’âge de la retraite à taux plein.

1.   Les principaux dispositifs de cumul

Deux principaux dispositifs de cumul peuvent être identifiés dans les régimes actuels : le cumul emploi-retraite (article 26 du projet de loi), qui est le plus important en volume de retraités, et la retraite progressive (article 25). Ces dispositifs font l’objet d’une présentation succincte dans le présent commentaire, et d’une présentation détaillée au sein des commentaires d’articles correspondants.

● Modifié substantiellement par la loi du 21 août 2003 ([105]), par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ([106]) puis par la loi du 20 janvier 2014 ([107]), le dispositif du cumul emploi-retraite, dont les modalités sont précisées à l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale pour le régime général, repose sur plusieurs principes applicables à l’ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires de base et complémentaires :

– un principe de cessation d’activité de l’assuré pour obtenir le versement de sa retraite (premier alinéa de l’article L. 161-22) ;

– un principe de cotisations non productrices de droits nouveaux à retraite, dès lors que l’assuré a liquidé une première pension de retraite (article L. 161‑22‑1 A du même code). En vertu de cet article, « la reprise dactivité par le bénéficiaire dune pension de vieillesse personnelle servie par un régime de retraite de base légalement obligatoire nouvre droit à aucun avantage de vieillesse, de base ou complémentaire ». Il existe toutefois des dérogations à ce principe pour les bénéficiaires d’une pension militaire, les assurés du régime des marins (ENIM) ainsi que les artistes du ballet relevant de la caisse de retraite des personnels de l’Opéra national de Paris.

Après la liquidation de l’ensemble de ses pensions légalement obligatoires, sous réserve d’avoir atteint l’âge d’ouverture du droit à la retraite ainsi que la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein ou l’âge d’annulation de la décote, l’assuré peut reprendre une activité professionnelle générant des revenus d’activité, tout en cumulant l’intégralité de ses revenus avec sa pension de retraite (cumul intégral). Le cumul est également possible si l’assuré ne remplit pas l’une des deux conditions cumulatives : le cas échéant, le cumul des revenus d’activité et de la pension de retraite est plafonné. Si les revenus d’activité conduisent à dépasser le plafond fixé, la pension est écrêtée à due concurrence du dépassement (cumul partiel).

Les fonctionnaires civils et militaires peuvent également prétendre au cumul emploi-retraite, selon des dispositions spécifiques mentionnées aux articles L. 84 à L. 89 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

● La retraite progressive a quant à elle vocation à faciliter une transition progressive vers la retraite. Accessible seulement aux salariés et aux travailleurs indépendants, elle permet à un assuré de liquider partiellement sa pension de retraite, tout en continuant d’exercer une activité professionnelle à temps partiel lui permettant d’acquérir des droits à retraite, afin d’augmenter le montant de sa future pension.

La principale différence entre la retraite progressive et le dispositif du cumul emploi-retraite est que seule la retraite progressive permet d’augmenter les droits acquis par les périodes de cumul entre l’activité professionnelle et le bénéfice d’une pension de retraite.

B.   Un nombre de bénéficiaires peu élevé, malgré les avantages offerts par les dispositifs de cumul

1.   Le nombre de bénéficiaires reste proportionnellement faible par rapport au nombre de retraités

● Selon l’enquête Emploi de l’INSEE ([108]), en 2017, 473 000 personnes âgées de 55 ans ou plus cumulaient une activité professionnelle avec une pension de retraite – tous dispositifs confondus –, soit 3,3 % de l’ensemble des retraités de 55 ans ou plus. Ce chiffre reste stable depuis plusieurs années, malgré les assouplissements du recours au dispositif prévus par la loi du 20 janvier 2014.

Effectifs de retraités en situation de cumul d’une activité
avec la retraite de 2014 à 2017*

Année

Effectifs de cumulants (en milliers)

Part parmi les retraités (en %)

Part des femmes

(en %)

2014

464,5

3,4

44

2015

480,6

3,5

40

2016

456,7

3,3

43

2017

473,2

3,3

45

(*) Y compris retraite progressive.

Source : DREES, d’après INSEE, enquête Emploi en continu 2014 à 2017.

La retraite progressive demeure quant à elle un dispositif très confidentiel, puisque d’après la DREES ([109]), le nombre de bénéficiaires s’élevait à 15 800 personnes au 31 décembre 2017, dont 70 % de femmes – un chiffre en augmentation de 38 % par rapport à 2016.

Plus de la moitié des bénéficiaires d’un dispositif de cumul a au moins 65 ans (58 %).

Effectifs de retraités en situation de cumul d’une activité avec la retraite, par tranche d’âge et proportion dans l’ensemble de la population des 55 ans ou plus percevant une retraite, en 2017

Âge

Effectifs de cumulants

Part parmi les retraités (en %)

Part parmi les personnes en emploi

(en %)

De 55 à 59 ans

56 000

23,7

1,9

De 60 à 64 ans

144 000

6,4

12,9

De 65 à 69 ans

172 000

4,8

64,1

70 ans ou plus

99 000

1,3

83,0

(*) Y compris retraite progressive.

Source : DREES, d’après INSEE, enquête Emploi en continu 2014 à 2017.

Les personnes en situation de cumul occupent plus souvent une activité en tant qu’artisans, commerçants, chefs d’entreprise ou exploitants agricoles (19,4 %) que l’ensemble des personnes de 55 ans ou plus qui occupent un emploi (13 %). En outre, plus de 70 % des emplois exercés dans le cadre d’un cumul avec la retraite sont des emplois à temps partiel.

2.   Un relatif manque d’attractivité des dispositifs de cumul qui interroge sur la pertinence de leurs critères

Selon une enquête récente sur les motivations de départ à la retraite ([110]), les personnes parties à la retraite « le plus tard possible » – soit 33 % des retraités qui occupaient encore un emploi au moment de leur départ –, évoquaient en priorité l’intérêt de leur emploi ou des conditions de travail satisfaisantes, le souhait de conserver leur salaire pendant quelques années encore, ou le souhait d’augmenter leur retraite future en augmentant leurs droits.

Motivations de prolongation d’activité des retraités
déclarant être partis plus tard que possible

(*) Nouveaux retraités résidant en France qui étaient en activité au moment de leur départ et qui ont déclaré qu’ils n’étaient pas partis dès qu’ils en ont eu la possibilité mais plus tard.

Source : DREES, CNAV, SRE, CDC, COR, DSS, AGIRC-ARRCO, Enquêtes Motivations de départ à la retraite 2014 et 2017.

● Pour les assurés, l’intérêt de ces dispositifs de cumul n’est donc pas seulement d’ordre financier, même si pour les personnes ayant une faible pension de retraite, le recours au cumul emploi-retraite est un moyen de compléter utilement leur pension. Le dispositif de la retraite progressive permet ainsi à ses bénéficiaires une transition en douceur vers la retraite, tout en leur offrant la possibilité de continuer à acquérir des droits à retraite. Quant au cumul emploi-retraite, il permet aux seniors désireux de continuer à exercer une activité professionnelle tout en réduisant progressivement, s’ils le souhaitent, leur durée de travail, sans perte financière.

● La relative stabilité dans le temps du nombre de bénéficiaires d’un dispositif de cumul emploi-retraite, alors que l’ensemble des récentes réformes des retraites ont cherché à développer le recours à ces dispositifs, traduit néanmoins un relatif manque d’attractivité dont les raisons peuvent être recherchées dans les paramètres mêmes de mise en place de ces dispositifs.

S’agissant de la retraite progressive, le champ restreint de ses bénéficiaires tout comme la difficulté de transformer une activité à temps plein en activité à temps partiel pour certains emplois peuvent expliquer le faible recours à ce dispositif. L’extension de ce dispositif par la loi du 20 janvier 2014, qui a consisté à étendre l’accès de la retraite progressive aux assurés ayant atteint l’âge légal diminué de deux ans et justifiant d’une durée d’assurance de 150 trimestres, a néanmoins porté ses fruits, avec une augmentation significative de bénéficiaires depuis 2014.

Quant au cumul emploi-retraite, la principale limite relève de l’impossibilité de se constituer de nouveaux droits à retraite pour les assurés ayant déjà liquidé leurs pensions, rendant de facto ce dispositif peu attractif. De surcroît, cette situation est inéquitable car les personnes en cumul emploi-retraite sont soumises au même niveau de cotisations que les salariés, sans pour autant s’ouvrir des droits équivalents au regard de la retraite.

Enfin, comme l’a souligné le rapport de M. Jean-Paul Delevoye, « ces dispositifs savèrent en outre souvent très complexes dans leur application ».

II.   Le dispositif proposé

Les dispositifs actuels de cumul entre une activité professionnelle et une pension de retraite seront étendus et rendus plus attractifs au sein du régime universel de retraite : la retraite progressive sera ainsi étendue à tous les assurés, tandis que le cumul emploi-retraite permettra d’acquérir de nouveaux droits afin d’augmenter le montant de la pension de retraite de l’assuré ayant fait le choix de travailler plus longtemps.

Le droit d’acquérir des points de retraite supplémentaires en contrepartie de l’exercice d’une activité professionnelle en parallèle du bénéfice d’une pension de retraite est érigé en principe général par l’article L. 193-1 nouveau du code de la sécurité sociale créé par le présent article.

Cet article nouveau, inséré au sein de la section I du chapitre III du nouveau titre IX du livre Ier du code de la sécurité sociale, dispose ainsi que le « service dune retraite ne fait pas obstacle à lexercice dune activité professionnelle permettant dacquérir des points de retraite supplémentaires », dans les conditions prévues :

− d’une part, à la section 2 : « Retraite progressive » du même chapitre III (cf. commentaire de l’article 25) ;

− d’autre part, à la section 3 : « Exercice d’une activité rémunérée postérieurement à la liquidation complète d’une retraite » du même chapitre III (cf. commentaire de l’article 26).

*

*     *


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Article 25
Retraite progressive

Dans le cadre du futur système universel, cet article vise à étendre le dispositif de la retraite progressive aux salariés en forfait jours, aux agents de la fonction publique et des régimes spéciaux, aux mandataires sociaux ainsi qu’aux assurés exerçant une profession libérale. L’extension du dispositif aux salariés en forfait jours sera effective dès le 1er janvier 2022.

Cet article propose en outre le relèvement à 62 ans de l’âge minimal requis pour bénéficier de la retraite progressive, contre 60 ans en l’état du droit.

Il précise également les conditions de liquidation partielle de la retraite et les conditions de liquidation définitive de la retraite complète, les modalités d’articulation entre la retraite progressive et le bénéfice d’une pension d’invalidité, ainsi que les conséquences de la retraite progressive sur la retraite de réversion.

Cet article encadre, enfin, les conditions de refus de l’employeur en cas de demande de passage en retraite progressive.

I.   Le droit en vigueur

Le droit à une retraite progressive a été instauré à l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale par l’article 2 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale. Ce droit n’est ouvert qu’aux assurés de quelques régimes, dont le régime de base du régime général.

Les régimes ouvrant droit au bénéfice de la retraite progressive

Peuvent bénéficier de la retraite progressive :

– les salariés du régime général (articles L. 351-15 et L. 351-16 du code de la sécurité sociale) ;

– les salariés et non-salariés des régimes agricoles (articles L. 732-39 et L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime) ;

– les travailleurs indépendants non agricoles, hors professions libérales (articles L. 351‑15 et L. 634-3-1 du code de la sécurité sociale).

Sont ainsi exclus du bénéfice de la retraite agricole : les fonctionnaires, les professionnels libéraux ainsi que les assurés des autres régimes spéciaux.

Néanmoins, deux régimes complémentaires de salariés (AGIRC-ARRCO et IRCANTEC) permettent à leurs assurés de liquider la retraite progressive auprès de ces régimes, selon des modalités propres.

A.   Les conditions de bÉnÉfice

La loi du 5 janvier 1988 autorisait les assurés à « demander la liquidation de [leur] pension de vieillesse et le service dune fraction de celle-ci », sous réserve de quatre conditions : l’activité professionnelle exercée en parallèle du bénéfice de la pension devait nécessairement être à temps partiel ; l’assuré devait avoir atteint l’âge légal d’ouverture du droit à la retraite – alors fixé à 60 ans ; il devait être en mesure de justifier d’une durée déterminée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes ; il avait enfin l’obligation d’exercer son activité à titre exclusif.

Ces conditions très restrictives avaient été au fil du temps encore durcies, notamment par la loi du 22 juillet 1993 ([111]) qui avait relevé la durée d’assurance requise de 150 à 160 trimestres, avant que la loi du 21 août 2003 redescende la durée minimale requise à 150 trimestres.

Ce dispositif est longtemps resté méconnu et faiblement mobilisé, puisqu’il concernait moins de 2 500 personnes à la fin de l’année 2012. Ce faible recours au dispositif de la retraite progressive, pour le moins paradoxal dans un contexte d’encouragement au travail des seniors, a conduit le législateur à rénover en profondeur les conditions d’accès à la retraite progressive par la loi du 20 janvier 2014, afin de mieux adapter ce dispositif à la réalité de la fin de carrière des seniors. Concrètement, cette réforme a :

− diminué de deux années l’âge d’ouverture du dispositif, le portant à 60 ans pour un âge légal de départ en retraite de 62 ans ;

− intégré l’ensemble des régimes dans le calcul de la durée d’assurance requise de 150 trimestres, alors que les trimestres cotisés au titre d’un régime spécial ou d’un régime de la fonction publique ne pouvaient, auparavant, être comptabilisés.

La condition d’exclusivité d’activité posée par la loi du 5 janvier 1988 a par ailleurs disparu : l’article L. 351-15 reconnaît en effet désormais la possibilité de demander une retraite progressive « aux salariés exerçant plusieurs activités à temps partiel ». Au total, la ou les activités exercées à temps partiel doivent correspondre à une fourchette comprise entre 40 et 80 % de la durée du travail à temps complet ([112]). La fraction de pension servie est fonction de cette quotité de travail.

Il convient de relever que les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole exerçant leur activité à titre exclusif peuvent bénéficier de la retraite progressive, sous réserve de réduire leur activité ([113]) et d’avoir souscrit un plan de cession progressive de l’exploitation ou de l’entreprise agricole et de remplir les conditions d’âge minimal et de durée d’assurance fixés par l’article L. 351-15.

B.   Les modalitÉs de liquidation provisoire et dÉfinitive de la pension

Selon l’article L. 351,15, la demande de retraite progressive a pour effet d’entraîner la liquidation « provisoire » de la pension de l’assuré ; la fraction de pension servie varie en fonction de la durée du travail à temps partiel.

Dans le cas où l’assuré ne dispose pas de la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein, une décote est appliquée à sa pension, sans pouvoir dépasser une minoration de 25 %, équivalent à cinq années de décote.

La pension définitive est servie sur demande de l’assuré, si ce dernier a cessé totalement son activité. Son montant tient compte de la durée d’assurance accomplie depuis l’entrée dans le dispositif de la retraite progressive : en d’autres termes, l’activité professionnelle exercée à temps partiel permet à l’assuré de continuer à se constituer des droits à retraite, lesquels permettent d’augmenter le montant de sa pension future.

C.   un nombre de bÉnÉficiaires en forte augmentation depuis les assouplissements proposÉs par la loi du 20 janvier 2014

Seuls les salariés du régime général et des régimes alignés, les exploitants agricoles et les agents non titulaires de la fonction publique peuvent prétendre à une retraite progressive. Les fonctionnaires, les indépendants et professions libérales ainsi que les agents des régimes spéciaux sont exclus du champ de ce dispositif.

Les assouplissements prévus par la loi du 20 janvier 2014 ont rencontré le succès escompté, puisque le nombre de bénéficiaires a été multiplié par sept entre 2012 et 2017.

RetraitÉs en retraite progressive en 2015, 2016 et 2017

Année

2015

2016

2017

Régime général (CNAV)

5 210

11 490

15 830

Salariés agricoles (MSA salariés)

540

720

860

Total

5 750

12 210

16 690

Source : DREES, d’après INSEE, enquête Emploi en continu 2014 à 2017.

Les femmes représentent une large majorité des bénéficiaires de ce dispositif, équivalente à 70 % au régime général. En moyenne, les bénéficiaires de la retraite progressive ont 61,6 ans. Près des deux tiers des salariés en retraite progressive travaille davantage qu’un mi-temps (65 %), contre 22 % pour un mi‑temps et 13 % pour une durée de travail comprise entre 40 et 49 % d’un temps plein.

En outre, les salaires médians des assurés bénéficiant d’une retraite progressive sont supérieurs à ceux de l’ensemble des salariés. Au régime général, la pension annuelle perçue au titre de la retraite progressive s’élève ainsi en moyenne à 4 980 euros pour les hommes et 4 180 euros pour les femmes, auxquels s’ajoutent les revenus d’activité tirés de l’activité à temps partiel.

Pensions et salaires mÉdians perçus par les assurÉs partis en retraite progressive en 2015

(en euros)

 

 

Hommes

Femmes

Salaire annuel médian déplafonné perçu en 2016 par les assurés partis en retraite progressive en 2015

31 540

21 400

Pension fractionnée médiane annuelle perçue en 2016 par les assurés partis en retraite progressive en 2015

Régime général

4 980

4 180

Tous régimes

9 210

6 480

Source : Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), « Qui part en retraite progressive aujourd’hui ? », Cadrage n° 37, 2018.

D’après l’étude d’impact, la pension moyenne s’établit ainsi à 380 euros par mois en 2018, ce qui représente un coût de 6,9 millions d’euros annuel.

Il est enfin intéressant de relever que les femmes et les hommes ont une utilisation différenciée du dispositif. La durée médiane validée au régime général est en général largement supérieure à la durée requise de 150 trimestres, elle est en outre plus élevée pour les femmes (173 trimestres au régime général) que pour les hommes (159 trimestres), ce qui s’explique, selon la CNAV ([114]), par les majorations de durée d’assurance (MDA) dont bénéficient les femmes. Or, ces majorations ne leur permettent pas toujours de satisfaire la condition de durée cotisée, ce qui les empêche notamment de partir en retraite anticipée pour carrière longue (cf. commentaire de l’article 28).

Quant aux hommes, 60 % d’entre eux ont une durée validée inférieure au taux plein – contre seulement 18 % des femmes. Le départ en retraite progressive leur permet donc d’accroître la durée validée tout en réduisant leur activité.

II.   Un dispositif Étendu dans le cadre du systÈme universel

Le présent article étend le dispositif de la retraite progressive au sein du système universel à des catégories d’assurés qui en étaient exclues jusqu’alors : salariés exerçant dans le cadre d’un forfait annuel en jours, mandataires sociaux exerçant une activité non salariée mais relevant du régime général ([115]) ou du régime des salariés agricoles ([116]), fonctionnaires, salariés des régimes spéciaux et assurés exerçant une profession libérale.

Il modifie également certains de ses paramètres, notamment l’âge minimal requis pour demander une retraite progressive, qui est relevé à 62 ans.

Il crée à cette fin cinq nouveaux articles numérotés de L. 193-2 à L. 193‑6 au sein de la section 2 : « Retraite progressive » du chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code de la sécurité sociale.

A.   Les conditions de bÉnÉfice de la retraite progressive au sein du systÈme universel

Le dispositif retenu maintient le principe d’une condition d’activité à temps partiel ainsi qu’une condition d’âge minimal pour bénéficier de la retraite progressive. La condition relative à la durée minimale d’assurance disparaît néanmoins, par cohérence avec l’introduction d’un système de retraite à points.

1.   Une condition d’activité à temps partiel ou à temps réduit

Selon le premier alinéa de l’article L. 193-2, le bénéfice de la retraite progressive sera ouvert aux assurés exerçant :

− soit une activité « à temps partiel » ;

− soit une activité « à temps réduit par rapport à la durée maximale légale ou conventionnelle exprimée en jours ». D’après les informations transmises au rapporteur, l’activité à temps réduit vise à tenir compte de la situation spécifique des salariés exerçant dans le cadre d’une convention de forfait en jours, qui ne sont pas soumis, en application de l’article L. 3121-62 du code du travail, à un plafond d’heures hebdomadaire mais à une limite annuelle de nombre de jours travaillés. Selon le 3° de l’article L. 3121-64 du même code, ce plafond s’élève au maximum à 218 jours par an. Il peut néanmoins être abaissé par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche ;

− soit une activité non salariée exercée à titre exclusif « et donnant lieu à diminution des revenus professionnels ». Cette modalité d’activité peut éventuellement avoir lieu dans le cadre d’une cessation progressive d’activité agricole.

Sans changement par rapport aux règles applicables dans le régime général, les salariés exerçant plusieurs activités à temps partiel ou à temps réduit restent éligibles à la retraite progressive, sous réserve des conditions d’application déterminées par voie réglementaire.

2.   Un critère d’âge minimal

Le droit à la retraite progressive sera ouvert à compter de l’âge prévu à l’article L. 191-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 23 de ce projet de loi, soit 62 ans.

Le projet de loi fait en conséquence le choix de relever l’âge minimal de bénéfice de la retraite progressive, alors que la loi du 20 janvier 2014 l’avait abaissé à 60 ans.

3.   Le bénéfice de la retraite progressive étendu aux salariés en forfait jours dès 2022

Contrairement au droit en vigueur, les salariés exerçant dans le cadre d’un contrat de forfait jours seront concernés par la retraite progressive au sein du système universel de retraite. De même, les fonctionnaires ou agents des régimes spéciaux pourraient demander le bénéfice de la retraite progressive.

La possibilité de recourir à la retraite progressive pour les salariés en forfait jours sera ouverte dès 2022 : les et du III modifient en effet les articles L. 351‑15 et L. 351-16 du code de la sécurité sociale relatifs à la retraite progressive pour le régime général de la sécurité sociale, en étendant aux salariés en forfait jours exerçant une activité à temps réduit le recours à ce dispositif. Cette extension du champ de la retraite progressive, ainsi que les conditions de refus de l’employeur prévues aux et du II, entreront en vigueur dès le 1er janvier 2022, en application du IV de l’article 62 de ce projet de loi.

4.   L’encadrement du refus de l’employeur sera également applicable dès le 1er janvier 2022

Contrairement au dispositif de cumul emploi-retraite prévu à l’article L. 193-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 26 de ce projet de loi, la demande de retraite progressive n’entraîne pas rupture du lien professionnel avec l’employeur de l’assuré.

Au contraire, l’éventuel refus de l’employeur d’accorder le passage à une activité réduite ou à temps partiel est strictement encadré par le présent article : si un salarié souhaite bénéficier de la retraite progressive et réduire ainsi son activité, le refus de l’employeur de modifier la durée de travail doit être « justifié par lincompatibilité de la durée souhaitée avec lactivité économique de lentreprise », qu’il s’agisse d’un salarié en forfait jours (article L. 3121-60-1 nouveau du code du travail créé par le du II) ou d’un salarié souhaitant bénéficier d’un temps partiel (article L. 3123-4-1 nouveau du code du travail créé par le du II). La motivation du refus doit, en outre, être communiquée par écrit à l’intéressé.

L’étude d’impact précise néanmoins que cette obligation « ne concerne ni les particuliers employeurs, ni les employeurs de droit privé des assistants maternels et des assistants familiaux », en application respectivement des articles L. 7221-2 du code du travail et L. 423-2 du code de l’action sociale et des familles.

B.   Les modalitÉs de liquidation partielle et dÉfinitive

1.   La liquidation partielle

La retraite de l’assuré en retraite progressive est partiellement liquidée en cas de validation de sa demande. L’assuré peut dès lors percevoir « le service dune fraction » de sa retraite, dont le montant varie soit en fonction de la durée du travail à temps partiel ou à temps réduit de l’assuré ; soit, le cas échéant, en fonction de la diminution de revenus ou des conditions de la cessation progressive d’activité agricole.

La fraction de retraite versée à l’assurée sera recalculée, « au terme dun délai déterminé par voie réglementaire », en cas de modification de la durée du travail, des revenus ou des conditions de la cessation progressive d’activité agricole.

2.   La liquidation définitive

Selon l’article L. 193-3 nouveau, il peut être mis fin à la retraite progressive dans deux cas de figure :

 si les conditions dactivité à temps partiel, à temps réduit ou dactivité non salariée entraînant une diminution des revenus telles que fixées à larticle L. 193-2 ne sont plus remplies, par exemple si lassuré reprend une activité à temps complet. Le cas échéant, la fraction de pension partielle nest plus versée à lassuré, jusquà la liquidation définitive de ses droits. La fin du bénéfice de la retraite progressive dans ces conditions entraîne la fermeture définitive du droit à ce dispositif : en effet, lassuré ne peut plus demander le bénéfice de la retraite progressive, même sil remplit de nouveau les conditions fixées à larticle L. 1933.

− si l’assuré en fait la demande. Dans ce cas, la fraction de la liquidation de la retraite partielle est remplacée par « le service de la retraite complète ».

3.   Les conditions de calcul de la retraite complète

Cette retraite complète tient compte de l’ensemble des droits constitués jusqu’à l’âge atteint à la date de la liquidation définitive : les droits acquis au titre de l’activité à temps partiel ou à temps réduit sont donc ajoutés aux droits acquis avant l’entrée dans le dispositif de la retraite progressive.

L’article L. 193-5 nouveau précise que certains points de retraite attribués au titre de la solidarité nationale ne seront pris en compte qu’à l’occasion de la liquidation de la retraite complète. Il s’agit des points supplémentaires versés :

– au titre de l’incidence du handicap sur la vie professionnelle, dans les conditions mentionnées au II de l’article L. 192-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 29 de ce projet de loi ;

− pour relever à un montant minimum équivalent à 85 % du salaire minimum de croissance à compter de 2025, le montant de la retraite accordée à certains assurés ayant effectué une carrière complète avec de faibles revenus, conformément à l’article L. 195-1 du même code, dans sa rédaction résultant de l’article 40 de ce projet de loi ;

− au titre des majorations accordées pour la naissance, l’adoption ou l’éducation d’un enfant, dans les conditions prévues à l’article L. 196-1 du même code, dans sa rédaction résultant de l’article 44 de ce projet de loi.

4.   Les conditions d’articulation entre pension d’invalidité et retraite progressive

L’article L. 193-4 nouveau précise que si un assuré bénéficiant d’une pension d’invalidité exerce une activité professionnelle, la retraite progressive peut tout à fait se substituer à la pension d’invalidité, sous réserve que l’assuré ait atteint l’âge de 62 ans prévu à l’article L. 191-1.

5.   Les conditions particulières applicables en cas de réversion

a.   Les modalités de fixation de la retraite de réversion lorsque le conjoint survivant est en retraite progressive

Le III de l’article L. 197-1 du code de la sécurité sociale, tel que créé par l’article 46 du projet de loi, permet au conjoint survivant de bénéficier de la retraite de réversion même s’il n’a pas encore liquidé ses droits à retraite. Le cas échéant, le montant de la retraite de réversion est calculé de manière provisoire en tenant compte des revenus d’activité du conjoint survivant. La retraite de réversion est ensuite calculée de manière définitive lorsque le conjoint liquide sa retraite.

L’article L. 193-6 créé par le présent article adapte les modalités de détermination du montant de la retraite de réversion si le conjoint survivant bénéficie ou souhaite bénéficier d’une retraite progressive.

Selon le premier alinéa de l’article L. 193-6, le montant de la retraite de révision attribuée au conjoint survivant en retraite progressive est susceptible d’être révisé à trois reprises :

− lors de la détermination du montant de la fraction versée à l’assuré au titre de la retraite progressive, tout d’abord, en tenant compte des revenus d’activité tirés de l’activité à temps partiel ou réduit ;

− le cas échéant, en cas de modification de cette fraction de retraite liée à une modification du temps de travail ou des revenus de l’assuré ;

− enfin, lors de la liquidation définitive de la retraite de l’assuré, pour le calcul de la retraite complète.

b.   Les conséquences sur la retraite de réversion lorsque l’assuré décédé bénéficiait d’une retraite progressive

Le II de l’article L. 191-7 permet au conjoint survivant d’un assuré décédé qui n’avait pas encore liquidé sa retraite de bénéficier d’une retraite de réversion qui tient compte des droits à retraite dont l’assuré décédé était titulaire à la date de son décès.

D’après le second alinéa de l’article L. 193-6, si l’assuré décédé était bénéficiaire d’une retraite progressive et ne bénéficiait en conséquence que d’une fraction de sa retraite, la retraite de réversion attribuée au conjoint survivant tient compte à la fois de la fraction de la retraite qui était versée à l’assuré décédé et des droits supplémentaires que l’assuré aurait pu faire valoir s’il avait liquidé sa retraite complète.

C.   Les effets attendus

Deux critères modifiés par le présent article devraient augmenter significativement le nombre d’assurés choisissant d’exercer dans le cadre d’une retraite progressive : l’extension du champ de ce dispositif, d’une part, et la restriction des facultés de refus de l’employeur, d’autre part.

Le recours plus fréquent à la retraite progressive devrait en conséquence augmenter significativement les dépenses afférentes. À l’inverse, le relèvement de l’âge de bénéfice de la retraite progressive pourrait restreindre le nombre de travailleurs intéressés par ce dispositif. L’étude d’impact ne fournit aucune estimation chiffrée qui permettrait d’étayer l’une ou l’autre de ces hypothèses.

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*     *


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Article 26
Cumul emploi-retraite

Cet article définit les conditions de cumul entre une pension de retraite et des revenus d’activité professionnelle dans le cadre du système universel. Ces conditions sont assouplies par rapport aux règles applicables dans les régimes actuels, afin d’encourager résolument l’activité des seniors.

● La possibilité de cumuler intégralement une retraite et des revenus d’activité est ainsi maintenue, sous réserve pour l’assuré d’avoir atteint l’âge d’équilibre ou, si l’âge d’équilibre lui est inférieur, l’âge de 62 ans, d’une part, et sous réserve d’avoir liquidé l’intégralité de ses droits à retraite, d’autre part.

À défaut, il sera possible de cumuler une retraite et des revenus d’activité, dans la limite d’un plafond de revenus défini par décret. En outre, dans le cadre de ce cumul emploi-retraite partiel, l’assuré ne pourra reprendre une activité qu’au terme d’un délai de six mois à compter de la liquidation de sa retraite.

La principale avancée de cet article repose sur la possibilité donnée aux assurés en cumul emploi-retraite intégrale de se constituer de nouveaux droits à retraite sur la base de leurs cotisations, conformément au principe posé à l’article 24 du projet de loi. Cette mesure d’équité sera applicable dès le 1er janvier 2022 pour l’ensemble des retraités exerçant en cumul emploi-retraite.

● Cet article maintient par ailleurs des conditions dérogatoires de cumul emploi-retraite pour les exploitants agricoles, en limitant la surface d’exploitation pouvant donner lieu à cumul afin de les encourager à libérer des terres agricoles pour faciliter l’installation des jeunes agriculteurs.

● Enfin, cet article adapte, pour les assurés du système universel, les motifs de cessation de versement des revenus de remplacement alloués aux demandeurs d’emploi en cas de retraite.

I.   Le droit en vigueur ([117])

A.   Les régimes concernés

Le dispositif du cumul emploi-retraite autorise la reprise d’une activité rémunérée par un retraité, par dérogation au principe selon lequel la liquidation de la pension de retraite implique la cessation définitive de toute activité professionnelle.

Ce dispositif peut être « plafonné » ou « libéralisé » (intégral).

Les deux dispositifs sont applicables aux assurés du régime général, du régime des salariés agricoles et aux assurés relevant de l’un des régimes spéciaux de retraite mentionnés à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale (cf. encadré), dans les conditions prévues à l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale.

Régimes spéciaux mentionnés à larticle L. 711-1 du code de la sécurité sociale

Les régimes spéciaux concernés par cet article sont :

– le régime des industries électriques et gazières (CNIEG) ;

– le régime de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) ;

– le régime de la régie autonome des transports parisiens (RATP) ;

– le régime des clercs et employés de notaires (CRPCEN) ;

– le régime de la Banque de France ;

– le régime de l’Opéra national de Paris ;

– le régime de la Comédie Française ;

– le régime du personnel des entreprises minières et assimilé (CANSSM) ;

– le régime du Port autonome de Strasbourg.

Ils s’appliquent également aux travailleurs indépendants (article L. 634-6 du code de la sécurité sociale), au régime des professions libérales (article L. 643‑6) ainsi qu’aux agents publics relevant de l’une des trois fonctions publiques, aux ouvriers d’État et aux marins, dans les conditions prévues aux articles L. 84 à L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite, avec cependant des plafonds distincts du régime général pour le cumul-emploi retraite plafonné.

Enfin, le régime des avocats (article L. 653-7 du code de la sécurité sociale) et le régime des non-salariés agricoles (article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime) n’autorisent que le cumul emploi-retraite libéralisé – dans des conditions particulières pour ce dernier (cf. infra).

B.   Les conditions applicables

1.   La rupture de tout lien professionnel avec l’employeur ou cessation d’activité

En vertu du premier alinéa de l’article L. 161-22, la liquidation de la retraite suppose au préalable la rupture de tout lien professionnel avec l’employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée, la cessation de cette activité.

À titre dérogatoire, néanmoins, les assurés ayant liquidé leur retraite peuvent continuer à exercer certains types d’activités mentionnés aux 1° à 7° de l’article L. 161-22 tels que des activités de mannequinat, des activités à caractère artistique, littéraire ou scientifique exercées à titre accessoire, la participation à des activités juridictionnelles ou assimilées, des activités d’hébergement en milieu rural réalisées avec des biens patrimoniaux ou encore, pour les médecins et infirmiers en retraite, des activités de vacation accomplies dans des établissements de santé ou au sein d’établissements ou services sociaux et médico-sociaux ([118]).

2.   Les conditions de cumul

Dans certaines conditions, les retraités ayant liquidé l’intégralité de leurs pensions de retraite personnelles peuvent néanmoins reprendre une activité professionnelle en cumulant leur pension de retraite et les revenus tirés de l’activité. Ce cumul peut s’effectuer de manière intégrale ou partielle.

a.   Le cumul emploi-retraite intégral

Ce cumul intégral – également appelé cumul « libéralisé » – s’applique dans l’ensemble des régimes, dans des conditions similaires ([119]).

Selon le quatrième alinéa de l’article L. 161-22, la pension de vieillesse peut ainsi être entièrement cumulée avec les revenus tirés d’une activité professionnelle :

– si l’assuré a liquidé l’ensemble des retraites de base et complémentaires des régimes de retraite français étrangers et des organisations internationales, d’une part ;

– s’il remplit les critères d’âge légal d’ouverture du droit à retraite ainsi que les conditions de durée d’assurance – âge d’annulation de la décote ou âge d’ouverture des droits et obtention de la durée d’assurance tous régimes requise pour le taux plein – lui ayant permis de bénéficier d’une retraite à taux plein, d’autre part.

Les conditions particulières de cumul emploi-retraite intégral des militaires

Compte tenu des spécificités de leurs fonctions, les militaires bénéficient d’un dispositif propre de cumul emploi-retraite leur permettant de cumuler intégralement le montant de leur pension militaire avec les revenus tirés d’une activité professionnelle, sous réserve d’avoir accompli la durée de services ou d’avoir atteint la limite d’âge qui leur est applicable.

Ce dispositif spécifique, prévu à l’article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est reconduit par l’article L. 721-1 créé par l’article 37 du projet de loi.

b.   Le cumul emploi-retraite partiel

Si l’assuré ne remplit pas l’un des critères mentionnés à l’article L. 161-22 lui permettant de bénéficier d’un cumul intégral, il peut, dans la plupart des régimes, reprendre une activité générant des revenus, mais le total des revenus tirés de l’activité professionnelle et de la pension de vieillesse ou les revenus d’activité eux‑mêmes est plafonné. Si le total des revenus dépasse le plafond, la pension de retraite est réduite à due concurrence du dépassement.

● Ainsi, pour le régime général, le régime des salariés agricoles et les assurés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale, le total des revenus est plafonné dans la limite de 160 % du salaire minimum de croissance (SMIC) ([120]) ou de la moyenne mensuelle des revenus d’activité des trois derniers mois avant la liquidation de la pension ([121]), selon l’option la plus favorable à l’assuré (article L. 161-22 du code de la sécurité sociale). Ce cumul partiel est ouvert dès 55 ans. En outre, la reprise de l’activité ne peut être reprise qu’à l’issue d’un délai de six mois après la date d’entrée en jouissance de la pension.

● Dans les régimes de la fonction publique et des marins, le total des pensions et revenus d’activité est plafonné dans la limite du tiers du montant annuel brut de la pension, majoré de la moitié du minimum garanti annuel, soit 7 046,01 euros pour une carrière complète de quarante années de cotisations, selon l’article L. 85 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

● Au sein du régime de la sécurité sociale des indépendants, le plafond applicable est un plafond de revenus annuels d’activité, fixé à un demi-plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), éventuellement majoré à un PASS en quartier prioritaire de la politique de la ville ou en zone de revitalisation rurale (article L. 634-6 du code de la sécurité sociale).

● Le régime des professions libérales (CNAVPL) autorise également le cumul emploi-retraite partiel, mais limite les revenus d’activité annuels nets à un PASS (article L. 643-6 du même code). En revanche, le régime des avocats n’autorise pas le cumul emploi-retraite partiel.

3.   Les revenus de l’activité n’ouvrent droit à aucun avantage de vieillesse

Dans le but de mettre fin à l’hétérogénéité des pratiques constatées jusqu’alors, l’article 19 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a harmonisé les règles applicables au cumul emploi-retraite lorsque le cumul est effectué au sein d’un même régime ou au sein de régime distincts.

Désormais, pour les pensions liquidées à compter du 1er janvier 2015 et selon le principe posé par l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, « la reprise dactivité par le bénéficiaire dune pension de vieillesse personnelle servie par un régime de retraite de base légalement obligatoire nouvre droit à aucun avantage de vieillesse, de droit direct ou dérivé, auprès daucun régime légal ou rendu légalement obligatoire dassurance vieillesse, de base ou complémentaire ».

Contrairement à la retraite progressive, le cumul emploi-retraite ne permet donc en aucun cas d’augmenter les droits acquis par les périodes travaillées ayant pourtant donné lieu à cotisations.

De rares exceptions au principe de non-acquisition de droits nouveaux
en cas de cumul emploi-retraite

Les exceptions à la règle de non‑acquisition de droits nouveaux en cas de cumul emploi-retraite sont peu nombreuses. Elles concernent, selon l’étude d’impact :

– les assurés des régimes spéciaux bénéficiaires d’une pension de retraite liquidée pour invalidité ;

– les titulaires d’une pension militaire (cf. commentaire de l’article 37) ;

– les danseurs du ballet de l’Opéra national de Paris, mais seulement à compter de 62 ans ([122]) ;

– les anciens agents relevant du régime de retraite des mines d’une des entreprises minières ou ardoisières relevant de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs ayant cessé leur activité ou ayant été mise en liquidation judiciaire avant le 31 décembre 2015, à compter de 62 ans.

II.   Les rÈgles applicables au cumul entre une pension de retraite et une activitÉ professionnelle au sein du systÈme universel de retraite

Les conditions de bénéfice du dispositif du cumul emploi-retraite au sein du système universel sont déclinées au sein de la nouvelle section 3 : « Exercice d’une activité rémunérée postérieurement à la liquidation complète d’une retraite » du chapitre III du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, qui comporte sept articles nouveaux numérotés de L. 193-7 à L. 193-13 (I).

A.   La condition de bÉnÉfice du cumul intÉgral ou partiel repose dÉsormais sur l’Âge d’Équilibre

Le présent article maintient au sein du système universel deux modalités de cumul emploi-retraite : un cumul intégral, d’une part, qui permet de cumuler l’ensemble des revenus d’activité avec la pension de retraite, sous réserve du respect de conditions restrictives ; un cumul partiel, d’autre part, dont les conditions d’accès sont assouplies mais qui plafonne le montant total de ressources de l’assuré retraité.

Quelle que soit la modalité de cumul retenue, le retraité doit cependant être en mesure de justifier avoir rompu tout lien professionnel avec l’employeur.

1.   La rupture de tout lien professionnel avec l’employeur, sauf dérogation

À l’instar des dispositions de l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, le I de l’article L. 193-7 rappelle que la liquidation d’une retraite suppose la rupture préalable de tout lien professionnel avec l’employeur. Cette condition ne s’applique bien entendu pas aux cas de retraite progressive mentionnés à l’article 25 du projet de loi.

Par exception, néanmoins, certains retraités peuvent continuer à exercer une activité sans rompre avec leur employeur. Ces activités, dont la liste figure au II de l’article L. 193-7, sont :

− les activités réalisées par les artistes du spectacle et mannequins entraînant une affiliation automatique au régime général de la sécurité sociale en vertu du 15° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ainsi que les activités exercées par les artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques mentionnées à l’article L. 382-1 du même code (1°). Les salariés artistes-interprètes exerçant dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée n’entrent pas dans cette catégorie ;

− les activités à caractère artistique, littéraire ou scientifique, exercées accessoirement avant la liquidation de la retraite (2°) ;

− la participation à des activités juridictionnelles ou assimilées, à des consultations données occasionnellement ou la participation à des jurys de concours publics ou à des instances consultatives ou délibératives réunies en vertu d’un texte législatif ou réglementaire (3°) ;

− les activités de parrainage réalisées dans une entreprise d’un département ou d’une collectivité ultramarine auprès d’un apprenti ou d’un salarié en contrat de professionnalisation, dans les conditions prévues respectivement aux articles L. 6522-2 et L. 6523-3 du code du travail (4°) ;

− les activités de vacation exercées à leur demande par des médecins ou infirmiers en retraite au sein d’établissements de santé ou d’établissements ou services sociaux et médico-sociaux. Ces activités sont toutefois limitées dans le temps et la durée par décret ; tout dépassement entraîne une réduction à due concurrence de la retraite. En outre, cette possibilité d’accomplir des vacations n’est ouverte qu’à compter de l’âge légal de départ à la retraite (5°).

2.   Les conditions de liquidation et d’âge applicables pour bénéficier d’un cumul intégral

Selon l’article L. 193-8 nouveau, la retraite peut être entièrement cumulée avec les revenus d’une activité professionnelle sous réserve du respect des deux critères ci-après présentés.

a.   La liquidation de l’ensemble des retraites personnelles

Par cohérence avec la règle posée par la loi du 20 janvier 2014 pour le bénéfice du cumul emploi-retraite intégral, l’article L. 193-8 nouveau dispose que le bénéfice du cumul emploi-retraite intégral est subordonné à la liquidation de « lensemble des retraites personnelles auxquelles [l’assuré] peut prétendre auprès de régimes légalement obligatoires nationaux ou étrangers ou de régimes dorganisations internationales dont il a relevé ».

b.   La condition d’âge

L’article L. 193-8 retient deux options d’âge minimal de bénéfice du cumul emploi-retraite intégral :

− soit l’âge d’équilibre applicable à l’intéressé ;

− soit l’âge de 62 ans mentionné par l’article L. 191-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 23 de ce projet de loi, si cet âge est supérieur à l’âge d’équilibre applicable à l’intéressé.

L’âge d’équilibre fixé dans les conditions prévues par l’article L. 191-5, dans sa rédaction résultant de l’article 10 du projet de loi, peut en effet dans certains cas être abaissé à l’âge de départ à la retraite, par exemple pour les bénéficiaires d’une retraite anticipée pour incapacité permanente liée à l’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité. Le cas échéant, les bénéficiaires de ces dispositifs de retraite anticipée devront attendre l’âge de 62 ans pour reprendre une activité professionnelle leur permettant d’acquérir de nouveaux droits à la retraite.

3.   Les règles applicables au cumul partiel

Si un assuré ne remplit pas l’une des conditions de liquidation ou d’âge posées par l’article L. 193-8, il peut bénéficier du cumul emploi-retraite partiel, dans des conditions équivalentes à celles proposées actuellement par le régime général.

Dans ce cas, selon l’article L. 193-9 nouveau, la reprise de l’activité doit intervenir au plus tôt six mois après la date d’entrée en jouissance de la retraite, sauf pour les activités mentionnées au II de l’article L. 193-7 qui peuvent continuer à être exercées sans rupture du lien avec l’employeur.

En outre, le total de la retraite et des revenus tirés de l’activité professionnelle sont plafonnés dans une limite définie par décret. S’ils dépassent ce plafond, la retraite versée à l’assuré est réduite à due concurrence du dépassement. Ce plafond n’est toutefois pas applicable, selon l’article L. 193-10 nouveau :

− aux activités mentionnées au II de l’article L. 193-7, à l’exception du plafond spécifique applicable aux médecins et infirmiers exerçant des vacations, dans les conditions prévues au 5° du II du même article (1°) ;

− aux activités exercées par les artistes interprètes mentionnés à l’article L. 640-1 du code de la sécurité sociale (2°) ;

− aux activités exercées par les personnes transmettant leur entreprise dans les conditions prévues par l’article L. 634-6-1 du même code (3°) ;

− aux activités d’hébergement en milieu rural réalisées avec des biens patrimoniaux (4°).

En outre, selon le II de l’article L. 193-10, les indemnités de fonction des élus des collectivités territoriales mentionnées à l’article L. 382-31 du même code ne sont pas prises en compte dans le plafond de revenus mentionné à l’article L. 193-9.

B.   Encourager la reprise d’une activitÉ professionnelle grÂce À la possibilitÉ d’acquÉrir de nouveaux droits

1.   Les conditions d’acquisition de nouveaux droits à la retraite

La principale nouveauté du dispositif du cumul emploi-retraite applicable au sein du système universel est la possibilité d’acquérir des droits à retraite au titre de l’activité exercée en complément de la pension de retraite attribuée au titre des droits liquidés, conformément au principe général posé par l’article L. 193-1 créé par l’article 24 du projet de loi, selon lequel « le service dune retraite ne fait pas obstacle à lexercice dune activité professionnelle permettant dacquérir des points de retraite supplémentaires ».

Selon l’article L. 193-11 nouveau, l’acquisition de nouveaux droits sera possible seulement à compter de l’âge d’équilibre ou, le cas échéant, l’âge légal d’ouverture du droit à la retraite s’il lui est supérieur. En conséquence, seuls les assurés en cumul emploi-retraite intégral pourront acquérir de nouveaux points de retraite. Les assurés en cumul emploi-retraite partiel sont exclus de ce dispositif.

En contrepartie des cotisations de vieillesse versées dans le cadre de son activité, l’assuré en situation de cumul peut ainsi acquérir, dans les conditions de droit commun, les points de retraite mentionnés au 1° de l’article L. 191-3, dans sa rédaction résultant de l’article 8 de ce projet de loi.

Cette mesure vise ainsi à mettre un terme à l’iniquité constituant pour un retraité en cumul emploi-retraite à cotiser au même niveau qu’un salarié, sans pour autant se créer de droits supplémentaires.

2.   Les modalités applicables à la première liquidation

Pour les assurés en situation de cumul, la pension de retraite fait l’objet de deux liquidations distinctes.

La première liquidation vient à s’appliquer lorsque l’assuré rompt tout lien avec l’employeur. Seule cette première liquidation tient compte des points acquis au titre :

− de l’incidence du handicap sur la vie professionnelle (II de l’article L. 192-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 29 de ce projet de loi) ;

− des points visant à relever la pension au niveau de la retraite minimale, dans les conditions prévues à l’article L. 195-1 du même code tel que rédigé par l’article 40 du projet de loi ;

− ou des points attribués au titre des enfants, en application de l’article L. 196-1 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 44 du projet de loi.

De même, la demande de retraite pour inaptitude mentionnée à l’article L. 341-16 du code de la sécurité sociale ne peut être effectuée qu’à l’occasion de la première liquidation, selon l’article L. 193-12 nouveau.

● Les indemnités prévues par le code du travail à l’occasion de la mise à la retraite ne sont également dues qu’à l’occasion de la première liquidation. Tel est ainsi le cas :

− de l’indemnité de mise à la retraite prévue par l’article L. 1237-7 du code du travail, dont le montant doit être au moins égal à l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 ( du III) ;

− de l’indemnité de départ à la retraite mentionnée à l’article L. 1237-9 du même code et versée en cas de départ volontaire d’un salarié à la retraite, dont le montant varie en fonction de la rémunération brute du salarié et de son ancienneté dans l’entreprise ( du III).

Dans le but de « ne pas décourager la volonté de poursuivre une activité professionnelle », selon les termes de l’exposé des motifs, il est précisé que la mise à la retraite par l’employeur prévue à l’article L. 1237-5 ou dans les conditions prévues par une convention ou un accord collectif ne peut intervenir au plus tôt, pour les salariés entrant dans le cadre du système universel, que dans un délai de cinq ans à compter de l’âge d’ouverture du droit à la retraite mentionné à l’article L. 191-1, soit 67 ans, comme c’est déjà le cas actuellement, si le salarié donne son accord (du III).

En cas de refus du salarié de quitter l’entreprise à la demande de l’employeur, le salarié ne pourra être mis à la retraite d’office qu’à compter de ses 70 ans, sans changement par rapport au droit en vigueur.

3.   Les modalités applicables à la seconde liquidation

Selon l’article L. 193-11, la seconde liquidation intervient à la demande de l’assuré « afin de prendre en compte les points acquis » en contrepartie des cotisations versées. Le montant calculé est ajouté au montant de la première liquidation, sans que ce dernier soit revu.

Ainsi, seuls les points correspondant aux cotisations versées au titre de l’activité exercée après la liquidation de la première retraite seront comptabilisés. Aucun mécanisme de solidarité ne sera appliqué, contrairement à la première retraite.

Selon l’étude d’impact, la seconde retraite bénéficiera automatiquement du taux plein. La seconde retraite ne permettra cependant en aucun cas de majorer le montant de la première liquidation par l’application d’un coefficient majorant, car le montant de la retraite attribuée au titre de la première liquidation est irrévocable et « ne peut pas être remis en cause » à l’occasion du calcul de la seconde liquidation (article L. 193-11).

4.   Les règles particulières applicables à la réversion

En cas de décès d’un assuré ouvrant éventuellement droit à réversion pour son conjoint, les revenus du conjoint survivant en situation de cumul emploi-retraite sont calculés en tenant compte :

− du montant de la retraite dont il bénéficie au titre de la première liquidation ;

− de ses éventuels nouveaux droits à retraite acquis à la date du décès de l’assuré.

En d’autres termes, les ressources du conjoint survivant utilisées pour déterminer le niveau de vie du couple sont évaluées à l’aune de ce que constituerait le montant de la retraite qui lui serait accordé s’il liquidait ses droits au jour du décès. En conséquence, « lacquisition ultérieure de droits supplémentaires par le conjoint survivant [...] est sans incidence sur le montant de la retraite de réversion ».

C.   Par exception, La possibilitÉ d’acquÉrir des droits nouveaux grÂce au cumul emploi-retraite sera applicable dÈs le 1er janvier 2022

Le V rappelle que les nouvelles modalités de cumul emploi-retraite prévues dans le cadre du système universel n’ont pas vocation à s’appliquer aux retraites liquidées à compter du 1er janvier 2015 avant l’entrée en vigueur du système universel de retraite pour les assurés concernés par les modifications introduites par la loi du 20 janvier 2014. De même, elles ne s’appliquent pas aux pensions civiles et militaires liquidées avant l’entrée dans le système universel, dans les conditions prévues aux articles L. 84 et L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Toutefois, afin d’encourager l’exercice d’une activité professionnelle pour les seniors, sans attendre l’entrée en vigueur du système universel, les dispositions relatives à l’acquisition de droits supplémentaires en cas de cumul emploi-retraite seront ouvertes dès le 1er janvier 2022 aux assurés concernés. Le IV complète ainsi par quatre alinéas l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale pour permettre l’acquisition de points au titre de l’activité exercée en complément du bénéfice d’une pension de retraite, dès 2022.

La possibilité d’acquérir des droits nouveaux grâce à l’activité exercée après la première liquidation de la retraite ne sera cependant ouverte qu’aux assurés remplissant les conditions fixées aux a et b de l’article L. 161-22 du même code, c’est-à-dire dès 62 ans pour les assurés nés à compter de 1955 et remplissant les conditions de durée d’assurance leur permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein, ou pour les assurés ayant atteint l’âge d’annulation de la décote.

Si l’activité est reprise dans le même régime de retraite de base légalement obligatoire que le régime de la dernière activité de l’assuré ou dans un régime de base auquel l’assuré est affilié pour la première fois, la nouvelle pension de retraite attribuée à l’assuré en cumul emploi-retraite au titre de la seconde liquidation sera calculée selon le taux plein ou du pourcentage maximum de pension civile ou militaire de retraite mentionné à l’article L. 161-17-3 du même code, quelle que soit la durée de l’activité exercée.

En conséquence de l’attribution automatique du taux plein, la pension de retraite ne pourra tenir compte d’« aucune majoration, aucun supplément ou aucun accessoire ». De même, les périodes assimilées ne peuvent être prises en compte pour le calcul de cette seconde fraction de retraite.

Après la liquidation de la seconde retraite, aucun droit nouveau ne pourra être pris en compte, même si l’assuré reprend de nouveau une activité rémunérée.

Il est précisé, enfin, que la condition de liquidation de l’ensemble des droits à retraite de tous les régimes nationaux ou internationaux requise pour bénéficier du versement d’une pension, dans les conditions notamment prévues au quatrième alinéa de l’article L. 161-22, n’a pas vocation à s’appliquer pour le versement d’une seconde liquidation de retraite dans le champ du cumul emploi-retraite.

III.   Les rÈgles spÉcifiques aux exploitants agricoles de cumul entre une activitÉ et la retraite

Le II crée deux articles nouveaux L. 732-66 et L. 732-67 au sein du code rural et de la pêche maritime, qui visent à adapter les conditions du cumul emploi-retraite au cas particulier des exploitants agricoles, dans les mêmes conditions que celles actuellement prévues par les articles L. 732-39 et L. 732-40 du même code.

A.   Des conditions de cumul plus restrictives pour les exploitants agricoles, dans un but de transmission des terres aux jeunes agriculteurs

Le premier alinéa de l’article L. 732-66 rappelle en préambule que le service de la retraite d’un exploitant agricole « est subordonné à la cessation définitive de lactivité non salariée agricole ». En conséquence, en cas de reprise d’une activité non salariée agricole, le service de la retraite est suspendu.

Par analogie avec les règles applicables aux autres travailleurs, le cumul d’une retraite et d’une activité non salariée agricole est autorisé, sous certaines conditions, pour les assurés exploitants agricoles, d’une part, ainsi que pour les conjoints collaborateurs d’exploitations agricoles mentionnés à l’article L. 321-5 du code rural et de la pêche maritime et les aides familiaux ([123]) non salariés et associés d’exploitation des chefs d’exploitation ou d’entreprise mentionnés au 2° de l’article L. 722-10 du même code.

Les exploitants agricoles ainsi que les conjoints collaborateurs ou aides familiaux conservent par ailleurs la possibilité d’exercer, parallèlement au bénéfice de leur retraite, une activité de participation à des activités juridictionnelles ou assimilées, à des consultations données occasionnellement ou des activités de participation à des jurys de concours publics ou instances consultatives ou délibératives, dans les conditions prévues au 3° du II de l’article L. 193-7, ainsi que les activités d’hébergement en milieu rural réalisées avec des biens patrimoniaux, dans les conditions prévues au 4° du I de l’article L. 193-10.

1.   Les règles de droit commun applicables

Le cumul ne peut être autorisé que si les deux conditions imposées pour les autres catégories de travailleurs sont remplies, c’est-à-dire que l’assuré doit pouvoir justifier à la fois :

− avoir liquidé de l’ensemble des retraites personnelles auxquelles l’assuré peut prétendre auprès de régimes légalement obligatoires nationaux ou étrangers ou de régimes d’organisations internationales dont il a relevé ;

− avoir atteint l’âge d’équilibre qui lui est applicable, en application de l’article L. 191-5 du code de la sécurité sociale.

2.   Le type d’activité autorisé dans le cadre du cumul

● Pour les exploitants agricoles, l’activité autorisée dans le cadre de ce cumul doit impérativement être l’une des activités donnant lieu à assujettissement au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles. Pour être considéré comme chef d’exploitation ou d’entreprise agricole et bénéficier de ladite affiliation, un assuré doit ainsi pouvoir justifier d’une activité minimale au sein de l’exploitation ou de l’entreprise agricole qu’il dirige, qui peut être mesurée :

− en termes de durée du travail requise pour faire fonctionner l’exploitation : selon le 2° du I de l’article L. 722-5 du code rural et de la pêche maritime, le temps de travail minimal nécessaire à la conduite de l’activité doit ainsi être égal à 1 200 heures par an ;

− en fonction de coefficients d’équivalence fixés pour les productions hors‑sol, selon un arrêté du ministre chargé de l’agriculture, en application de l’article L. 722-5-1 du même code. Ces coefficients d’équivalence, applicables uniformément à l’ensemble du territoire, sont fixés sur la base de la surface minimale d’assujettissement (SMA) nationale définie par un arrêté du ministre chargé de l’agriculture.

La surface minimale dassujettissement

Selon l’arrêté du 13 juillet 2015 fixant la surface minimale d’assujettissement nationale (SMA), la SMA nationale est fixée à 12,5 hectares.

En outre, selon l’article L. 722-5-1 du code rural et de la pêche maritime, la SMA en polyculture-élevage ne peut être inférieure de plus de 30 % à la surface minimale d’assujettissement nationale.

Dans les zones de montagne ou défavorisées, la limite inférieure de la SMA peut atteindre 65 %.

Cet arrêté devra déterminer, « dans la limite maximale des deux cinquièmes de la surface minimale dassujettissement », la superficie agricole maximale dont un agriculteur ayant déjà liquidé sa retraite est autorisé à poursuivre l’exploitation ou la mise en valeur, sans que sa retraite soit suspendue dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 732-66.

Ainsi, le cumul n’est autorisé que sur une parcelle réduite de terre, afin d’encourager les exploitants agricoles à libérer leurs terres pour faciliter l’installation de jeunes agriculteurs.

● Pour les conjoints collaborateurs, les aides familiaux non salariés et les associés d’exploitation, toute « activité professionnelle non salariée agricole exercée sur une exploitation ou entreprise agricole donnant lieu à assujettissement du chef dexploitation ou dentreprise agricole » peut ouvrir droit au cumul, sous réserve du respect des autres conditions de droit commun.

B.   Des dÉrogations susceptibles d’Être accordÉes en cas d’impossibilitÉ de cÉder une exploitation

L’article L. 732-67 nouveau définit les conditions particulières d’autorisation de cumul, dérogatoires à celles précédemment présentées, applicables en cas d’impossibilité pour l’exploitant agricole « de céder, notamment dans les conditions normales du marché, son exploitation en pleine propriété ou selon les modalités prévues au livre IV » du code rural et de la pêche maritime relative aux baux ruraux. La raison de cette impossibilité peut être liée, selon l’étude d’impact, soit à « une raison indépendante de leur volonté », soit à une offre d’achat ou de prix du fermage ne répondant pas aux conditions normales du marché.

À titre exceptionnel sur demande motivée de l’assuré, et après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture mentionnée à l’article R. 313-1 du même code, le représentant de l’État peut autoriser l’assuré à « poursuivre la mise en valeur de son exploitation sans que lexercice de cette activité professionnelle fasse obstacle au service de sa retraite ».

L’autorisation est délivrée pour une durée limitée fixée par décret, et renouvelable dans les mêmes conditions. D’après l’étude d’impact, cette durée devrait être limitée à deux ans renouvelables, comme le prévoit actuellement l’article L. 732-40.

IV.   Dispositions relatives à la fIn de versement des revenus de remplacement des demandeurs d’emploi

Le du III vise à compléter par un 4° l’article L. 5421-4 du code du travail afin d’étendre aux assurés du système universel les motifs de cessation de versement des revenus de remplacement alloués aux demandeurs d’emploi en cas de retraite.

Le nouveau 4° précise ainsi que pour tous les assurés du futur système universel, le versement des allocations de remplacement cessera lorsque les allocataires atteignent l’âge d’équilibre mentionné à l’article L. 191-5, dans sa rédaction résultant de l’article 10 de ce projet de loi (a).

Le versement cessera également lorsque les allocataires bénéficient d’une retraite anticipée par rapport à l’âge mentionné au a, en application :

– du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue (article L. 192-1, dans sa rédaction résultant de l’article 28 de ce projet de loi) ;

– du dispositif de retraite anticipée pour handicap (article L. 192-2, dans sa rédaction résultant de l’article 29) ;

– du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente liée à l’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité (article L. 192-4, dans sa rédaction résultant de l’article 32) ;

– du dispositif de retraite anticipée au titre de l’utilisation du compte professionnel de prévention (article L. 192-5, dans sa rédaction résultant de l’article 33) ;

– ou de l’allocation de cessation anticipée d’activité liée à l’exposition à l’amiante (I de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre de financement de la sécurité sociale pour 1999).

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Article 27
Assurance volontaire vieillesse, rachat de points et surcotisation pour les personnes exerçant une activité réduite ou à temps partiel

Par cohérence avec les dispositifs existants au sein des différents régimes actuels, le système universel permettra à certains assurés de s’affilier volontairement au risque vieillesse, d’acquérir des points supplémentaires au titre de certaines périodes ayant donné lieu à de faibles cotisations ou de surcotiser en cas de travail à temps partiel, pour s’ouvrir des droits équivalents à un travail à temps plein.

Cet article définit en premier lieu les conditions d’affiliation à l’assurance volontaire vieillesse (AVV), pour les personnes ayant été affiliées à un régime d’assurance maladie obligatoire français pendant une certaine durée. Le montant des cotisations dues en contrepartie de l’affiliation à l’AVV sera défini par décret.

Cet article définit ensuite les situations ou périodes permettant aux assurés de procéder au rachat volontaire de points, en contrepartie du versement de cotisations. Il s’agira notamment des années civiles pendant lesquelles un assuré a acquis un faible nombre de points, ou des périodes pendant lesquelles l’assuré affilié à l’AVV a exercé une activité hors de France. Cette mesure se substituera à un ensemble de dispositifs de rachat épars et dont un certain nombre était tombé en désuétude.

Enfin, cet article permet à l’ensemble des assurés exerçant une activité à temps partiel ou à temps réduit de cotiser sur la base d’un temps plein ou, pour les travailleurs indépendants, sur la base du revenu de l’année civile antérieure. Pour les salariés, sans changement par rapport au droit en vigueur, cette surcotisation sera soumise à autorisation de l’employeur. Ce dernier pourra continuer de prendre en charge la part salariale de cette surcotisation. À l’inverse, cette surcotisation sera de droit pour les fonctionnaires, mais les employeurs publics n’auront pas la possibilité de prendre en charge la part de la surcotisation incombant au fonctionnaire.

I.   L’affiliation volontaire vieillesse au sein du systÈme universel

A.   Le droit en vigueur

1.   L’assurance vieillesse volontaire du régime général

● L’article L. 742-1 du code de la sécurité sociale permet à certaines personnes de s’assurer volontairement au régime général pour le risque vieillesse, lorsqu’elles ne relèvent pas d’un régime de retraite obligatoire. Les personnes concernées sont :

– les personnes ayant été affiliées obligatoirement pendant une durée déterminée puis cessé de remplir les conditions de l’assurance obligatoire ;

– les personnes remplissant effectivement les fonctions et obligations de la tierce personne auprès de leur conjoint ou d’un membre de leur famille infirme ou invalide médicalement reconnu dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance constante d’une tierce personne ;

– les personnes salariées ou assimilées travaillant hors du territoire français et ayant été à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie, pendant une durée déterminée par décret ;

– le « parent ou le parent chargé de famille » résidant en France ou ayant été à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie pendant une durée déterminée par décret, résidant hors du territoire français, qui ne relève pas, à titre personnel, d’un régime obligatoire d’assurance vieillesse et satisfait des conditions relatives notamment à la situation de famille.

Les assurés volontaires sont répartis en quatre catégories, en fonction de leurs revenus annuels d’activité professionnelle, qui déterminent l’assiette forfaitaire applicable aux cotisations à l’assurance vieillesse, fixées à 17,75 %. Les cotisations versées permettent l’acquisition de trimestres, comme les périodes d’assurance obligatoire.

Montant des cotisations d’assurance vieillesse volontaire au 1er janvier 2020 (par trimestre)

Catégorie

Dernier revenu annuel

Pourcentage du PASS servant de base au calcul

Base de calcul au 1er janvier 2020

Montant des cotisations par trimestre, par application du taux de 17,75 %

Catégorie 1

Égal ou supérieur au plafond annuel de la sécurité sociale (PASS)

100 %

41 136 €

1 825 €

Catégorie 2

Inférieur au plafond et au moins égal à la moitié du PASS (entre 20 568 et 41 135 euros)

75 %

30 852 €

1 369 €

Catégorie 3

Inférieur à la moitié du PASS

50 %

20 568 €

913 €

Catégorie 4

Quel que soit leur revenu : personnes âgées de moins de 22 ans

22 %

10 284 €

456 €

Source : Article R. 742-4 du code de la sécurité sociale.

Il convient de relever que la cotisation des personnes chargées de famille est calculée différemment, puisque le total des taux de cotisation patronale et salariale du régime général pour le risque vieillesse est retenu ainsi qu’une assiette forfaitaire trimestrielle égale à 507 fois le SMIC horaire en vigueur au 1er janvier de l’année considérée ([124]).

● Il existe en outre, pour les salariés expatriés, une assurance volontaire complémentaire facultative mise en place par le groupe Humanis.

2.   L’assurance vieillesse volontaire des travailleurs non salariés

L’article L. 742-6 du code de la sécurité sociale définit les modalités d’adhésion facultative à l’assurance vieillesse volontaire des travailleurs indépendants.

Cette AVV est ainsi ouverte :

– aux personnes ayant exercé une activité artisanale ou commerciale ou ayant exercé en tant que professionnels libéraux, qui ne peuvent prétendre en raison de leur âge aux prestations de vieillesse et n’exercent aucune activité permettant de les assujettir à un régime de sécurité sociale (a du 2°) ou aux personnes ayant cessé d’exercer leur activité en raison de la mise en location-gérance de leur fonds dont elles conservent la propriété (b du 2°) ;

– aux travailleurs indépendants expatriés, sous réserve d’avoir été affiliés pendant au moins cinq années à un régime obligatoire d’assurance maladie français ;

– aux conjoints collaborateurs ne cotisant plus au régime auquel le chef d’entreprise est affilié, qui ne peuvent prétendre en raison de leur âge aux prestations de vieillesse et n’exercent aucune activité permettant de les assujettir à un régime de sécurité sociale (3°) ;

– aux personnes qui ne bénéficient pas d’un régime obligatoire d’assurance vieillesse et qui participent à l’exercice d’une activité industrielle, commerciale ou artisanale (4°).

L’AVV des travailleurs indépendants est une assurance portant sur le régime de base et le régime complémentaire. La cotisation volontaire est ainsi obligatoire tant pour la part obligatoire que pour la part complémentaire.

Les taux applicables sont les mêmes que pour les affiliés obligatoires, soit 17,75 % pour la retraite de base, puis 7 % jusqu’à 37 960 euros et 8 % entre 37 960 et 162 096 euros pour la retraite complémentaire. Des taux de cotisations distincts s’appliquent pour les avocats et professions libérales, ainsi que pour les exploitants agricoles.

B.   Le droit proposÉ

L’article L. 194-1 nouveau créé par le du I détermine les différentes catégories de personnes qui auront la faculté de s’affilier volontairement au système universel pour bénéficier d’une retraite dans les conditions prévues au titre IX du livre Ier du code de la sécurité sociale créé par l’article 23 du projet de loi.

Deux conditions préalables sont posées :

– en premier lieu, l’assuré ne doit pas relever à titre obligatoire des dispositions applicables au système universel de retraite ;

– en second lieu, les personnes souhaitant s’affilier volontairement ne doivent pas pouvoir prétendre, en raison de leur âge, à une retraite en application des dispositions applicables au système universel.

Les cotisations versées en contrepartie de l’affiliation permettront aux assurés d’acquérir des points, dans des conditions et limites fixées par décret.

Les modalités d’affiliation volontaire sont clarifiées par rapport aux règles actuelles. La faculté de s’affilier volontairement sera ainsi ouverte, dans des conditions définies par décret :

– selon le 1° de l’article L. 194-1, aux personnes résidant en France de manière stable et régulière depuis plus de cinq ans. La condition de résidence stable et régulière, définie par l’article R. 111-2 du code de la sécurité sociale pris en application de l’article L. 111-2-3 du même code, s’entend dans les mêmes conditions que la condition de résidence ouvrant droit au bénéfice de la protection universelle maladie (Puma). Il s’agit ainsi des personnes ayant leur foyer ou le lieu de leur séjour principal sur le territoire métropolitain, en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin. Sont exclues néanmoins de l’application de cet article les personnes mentionnées à l’article L. 160-6 du même code (cf. encadré) ;

Personnes mentionnées à larticle L. 160-6 du code de la sécurité sociale
et exclues de la faculté de saffilier volontairement à lassurance vieillesse
dans le système universel

1° Les membres du personnel diplomatique et consulaire en poste en France, les fonctionnaires d’un État étranger et personnes assimilées, ainsi que les membres de leur famille qui les accompagnent ;

2° Les personnes venues en France pour suivre un traitement médical ou une cure ;

3° Les personnes titulaires d’une pension étrangère qui ne bénéficient pas par ailleurs d’un avantage viager d’un régime obligatoire de sécurité sociale français lorsque, en application d’un règlement européen ou d’un accord international, la prise en charge de leurs frais de santé ainsi que de ceux des membres de leur famille qui résident avec elles relève du régime étranger qui sert la pension ;

4° Les agents retraités d’une organisation internationale qui ne sont pas également titulaires d’une pension française, ainsi que les membres de leur famille, dès lors qu’ils sont couverts dans des conditions analogues à celles du régime général français d’assurance maladie et maternité par le régime propre à l’organisation dont ils relevaient quand ils étaient en activité ;

5° Les travailleurs détachés temporairement en France pour y exercer une activité professionnelle et exemptés d’affiliation au régime français de sécurité sociale en application d’une convention internationale de sécurité sociale ou d’un règlement européen, les membres de leur famille qui les accompagnent ou toute autre personne relevant de la législation de sécurité sociale d’un autre État en raison de son activité professionnelle, ainsi que les membres de la famille de cette personne qui résident avec elle de manière stable et régulière en France ;

6° Les ressortissants des États membres de l’Union européenne et des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, entrés en France pour y chercher un emploi et qui s’y maintiennent à ce titre.

– selon le 2° du même article, aux personnes travaillant hors de France et ayant été affiliées au moins cinq ans soit à un régime obligatoire français d’assurance maladie, soit à la Caisse des Français de l’étranger mentionnée à l’article L. 766-4 du code de la sécurité sociale. Leur conjoint, concubin ou la personne à laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité peuvent également bénéficier de la faculté d’affiliation volontaire ;

– enfin, selon le 3° du même article, les apprentis et bénéficiaires d’un contrat de professionnalisation partant en mobilité à l’étranger et qui ont été affiliés à un régime obligatoire français d’assurance maladie avant leur départ.

II.   Le dispositif d’acquisition facultative de points

A.   Le droit en vigueur

En l’état du droit, un ensemble de dispositifs permettent aux assurés ne remplissant pas les conditions d’une carrière complète en raison d’un manque de trimestres cotisés de procéder au rachat de trimestres en contrepartie du versement de cotisations, afin de réduire voire d’annuler la décote qui leur est applicable.

Il peut s’agir de rachat ([125]) de cotisations au titre :

– des années d’études ou d’années incomplètes, en application de l’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, dit également « rachat Fillon » ;

– de périodes d’apprentissage réalisées entre le 1er juillet 1972 et le 31 décembre 2013 ou de périodes d’exercice du métier d’assistante maternelle réalisées entre le 1er janvier 1975 et le 31 décembre 1990, dans les conditions prévues respectivement par les II et III de l’article L. 351-14-1 du même code ;

– du rachat dit « Madelin » permettant, aux commerçants, artisans et industriels affiliés à la sécurité sociale des travailleurs indépendants (SSTI), dans les conditions prévues au I de l’article L. 634-2-1 du code de la sécurité sociale, de racheter des trimestres pour compenser de faibles revenus d’activité ne leur ayant pas permis de valider quatre trimestres certaines années. Ce rachat n’est pas limité en nombre de trimestres ;

– d’une affiliation tardive à un régime de sécurité sociale, dans les conditions mentionnées à l’article L. 351-14 du même code ;

– de périodes ayant fait l’objet d’une détention provisoire ou de la réalisation d’un travail pénal avant le 1er janvier 1977, comme le prévoit la loi n° 75‑1350 du 31 décembre 1975 relative à la situation des détenus au regard de l’assurance vieillesse ;

– de périodes d’exercice d’une activité salariée ou assimilée en dehors du territoire français, sous réserve d’avoir été à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie pendant au moins cinq ans, dans les conditions prévues par l’article L. 742-2 du code de la sécurité sociale ;

– des périodes d’exercice d’une activité salariée dans des États anciennement placés sous la souveraineté, la tutelle ou le protectorat de la France, pour les personnes ou leur conjoint survivant ayant la qualité de rapatriés, dans les conditions prévues par la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 portant amélioration des retraites des rapatriés ;

– des périodes pendant lesquelles les assurés ont bénéficié de l’indemnité de soins aux tuberculeux, dans les conditions prévues par l’article L. 742-4 du code de la sécurité sociale ;

– des périodes mentionnées à l’article L. 742-1 du code de la sécurité sociale pendant lesquelles des personnes ont rempli, sans contrepartie de rémunération, des fonctions de tierce personne auprès d’un membre de leur famille infirme ou invalide ;

– de la qualité d’enfant d’ancien harki, moghazni ou personnel des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi en Algérie et sont venus établir leur domicile en France, en application de l’article 79 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 ;

– de périodes de services effectués au sein de certaines organisations internationales et n’ayant pas ouvert de droit à retraite. Il s’agit notamment de périodes passées au sein de l’Organisation européenne de coopération et de développement économiques (OCDE) ou de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ;

– de périodes accomplies par les conjoints collaborateurs avant la mise en place de l’affiliation obligatoire de ce statut prévue par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises ;

– de périodes accomplies en qualité d’aide familial, après l’âge de fin de scolarité obligatoire et avant l’âge légal d’affiliation au régime des non-salariés obligatoire, en application de l’article L. 732-35-1 du code de la sécurité sociale.

tableau rÉcapitulatif

Public ou périodes visées

Conditions de rachat

Dispositif éteint ou en cours dextinction*

Dispositif maintenu par le projet de loi

Années détudes ou incomplètes (rachat « Fillon »)

– Rachat jusqu’à 12 trimestres ;

– Rachat pour le taux seul ou pour le taux et la durée ;

– Coût du rachat actuariellement neutre.

Non

Oui (article 48 du projet de loi)

Apprentissage

– Rachat à tarif préférentiel ;

– Rachat pour le taux et la durée d’assurance.

Non

Assistantes maternelles

Oui (périodes considérées jusqu’en 1990)

Non

Travailleurs indépendants (commerçants, artisans, industriels) (rachat « Madelin »)

– Pas de plafond du nombre de trimestres ;

– Rachat à tarif préférentiel par rapport au dispositif « Fillon ».

Non

Oui

Affiliation tardive

– Rachat au même tarif que le dispositif « Fillon ».

Oui

Non

Anciens détenus

– Rachat au même tarif que le dispositif « Fillon » ;

– Rachat pour le taux seul ou pour le taux et la durée.

Oui

Non

Activité salariée hors de France

– Rachat au même tarif que le dispositif « Fillon » ;

– Rachat pour le taux seul ou pour le taux et la durée.

Non

Oui

Personnes rapatriées

– Coût du rachat dépendant de l’âge de l’assuré, de l’option retenue et des revenus d’activité soumis à cotisation des 12 derniers mois.

Oui

Non

Bénéfice de lindemnité de soins aux tuberculeux

– Rachat pour le taux et la durée d’assurance ;

– Report de salaire au compte de l’assuré.

Oui

Non

Tierce personne

– Rachat pour le taux et la durée d’assurance ;

– Report de salaire au compte de l’assuré.

Oui

Non

Enfants danciens harkis, moghaznis ou personnels supplétifs

– Rachat à tarif préférentiel par rapport au dispositif « Fillon » ;

– Nombre de trimestres limité à 4.

Non

Organisations internationales

– Coût du rachat dépendant de l’âge de l’assuré, de l’option retenue et des revenus d’activité soumis à cotisation des 12 derniers mois.

Non

Conjoints collaborateurs

– Coût du rachat dépendant de l’âge du conjoint, de la moyenne du total des salaires et des revenus d’activité non-salariés perçus du conjoint au cours des 3 années civiles avant le rachat.

Oui (demandes déposées au plus tard le 31 décembre 2020)

Non

Aide familial agricole

– Coût du rachat dépendant de l’âge de l’assuré, de l’option retenue et de ses revenus d’activité des 3 dernières années.

Non

Oui

(*) D’après l’étude d’impact.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

B.   Le dispositif proposÉ

D’après l’étude d’impact, certains des dispositifs de rachats actuels ne sont plus ou presque plus utilisés par les nouveaux assurés (cf. tableau supra). La mise en place du système universel présente en conséquence une occasion unique de rationaliser le nombre de dispositifs de rachat, tout en conservant ceux qui présentent le plus d’intérêt pour les assurés.

Ces dispositifs sont présentés :

– au présent article, s’agissant des années pendant lesquelles les assurés ont faiblement cotisé, des années passées à l’étranger avant l’affiliation à l’assurance vieillesse obligatoire ou pour les assurés ayant été à la charge d’un régime obligatoire d’assurance maladie français pendant au moins cinq ans, ainsi que pour les aides familiaux agricoles ;

– à l’article 48 du projet de loi, s’agissant du rachat de points au titre des années d’études et de périodes de stages en entreprise.

1.   La garantie de neutralité actuarielle

Le présent article permet à certains assurés d’obtenir, en contrepartie du versement de cotisations, des points de retraite inscrits au compte personnel de carrière mentionné à l’article L. 191-3 ([126]).

Selon l’article L. 194-2 créé par le du II, l’acquisition de ces points doit, en tout état de cause, garantir la « neutralité actuarielle », c’est-à-dire l’équivalence entre les contributions de l’assuré, versées sous forme de cotisations, et les prestations, c’est-à-dire les pensions versées aux retraités. Ainsi, seul le bénéficiaire assume le coût de l’acquisition de ces points, sans surcoût pour le système universel.

2.   Les périodes ouvrant droit à l’acquisition de points au sein du système universel

Les points peuvent être acquis :

– soit au titre des années civiles pendant lesquelles l’assuré a relevé d’un régime de retraite légalement obligatoire mais acquis un faible nombre de points. Le seuil maximal de points permettant de recourir à l’acquisition de points prévue par cet article sera fixé par décret (1°) ;

– soit au titre des périodes pendant lesquelles les assurés affiliés volontairement à l’assurance vieillesse mentionnée à l’article L. 194-1 « ont exercé une activité hors de France » (2°), ou pendant lesquelles les personnes ayant été à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie ont exercé leur activité hors de France.

Les personnes concernées par le rachat de points sont donc principalement les personnes ayant faiblement cotisé pour leur retraite, ce qui peut s’expliquer notamment par des périodes de vie à l’étranger.

La formulation relativement large retenue pour le rachat au titre des faibles cotisations permettra à l’ensemble des assurés, à l’instar de que ce que prévoit aujourd’hui le dispositif « Madelin » pour les travailleurs indépendants par exemple, de se constituer volontairement des droits à retraite.

3.   Le dispositif dérogatoire à destination des aides familiaux

a.   Le droit en vigueur

L’article L. 732-35-1 du code rural et de la pêche maritime permet aux personnes ayant travaillé en qualité d’aide familial de demander la prise en compte, par le régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles, des périodes d’activité accomplies en cette qualité, dans des conditions prévues par décret (cf. encadré).

Les actuelles conditions de prise en compte des périodes
effectuées en qualité daide familial
(art. D. 732-47-1 à D. 732-47-10 du code rural et de la pêche maritime)

La qualité d’aide familial est considérée comme effective si elle a été exercée de manière habituelle et régulière, sans que l’assuré ait été scolarisé au cours de sa période ni ait exercé une activité relevant d’un autre régime obligatoire de base.

Le rachat s’effectue par année civile ; les périodes inférieures à cette durée ne peuvent donc donner lieu au versement de cotisations.

Enfin, le rachat de cotisations dépend à la fois de l’âge de l’assuré à la date de la demande de rachat et de la moyenne de ses revenus professionnels au cours des trois années ayant précédé la demande de rachat.

b.   Le dispositif proposé

L’article L. 732-68 du code rural et de la pêche maritime créé par le II maintient, au sein du système universel, la possibilité pour les aides familiaux d’obtenir des points en contrepartie du versement de cotisations. Les aides familiaux sont définis au 2° de l’article L. 722-10 comme « les ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré du chef dexploitation ou de son conjoint, âgés de plus de seize ans, vivant sur lexploitation ou lentreprise et participant à sa mise en valeur comme non-salariés ».

Seront ainsi concernées, comme le confirme l’exposé des motifs du projet de loi, les périodes effectuées en tant qu’aidant familial à compter de l’âge de fin de la scolarité obligatoire – fixé à 14 ans jusqu’à la génération 1952 et 16 ans pour les autres générations – et avant l’âge légal d’affiliation au régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles. Cet âge était fixé à 21 ans jusqu’au 31 décembre 1975, puis a été abaissé à 18 ans entre le 1er janvier 1976 et le 31 décembre 2003. Il est fixé à 16 ans à compter du 1er janvier 2004.

Les conditions d’acquisition de points par les aides familiaux comprennent cependant une différence majeure par rapport aux autres catégories de travailleurs concernés, puisque le projet de loi ne mentionne aucune obligation de garantie de neutralité actuarielle, se contentant de renvoyer à un décret le soin de définir les conditions et limites du rachat.

III.   Le dispositif de surcotisation pour les personnes travaillant À temps partiel

A.   Le droit en vigueur

Dans la mesure où les revenus constituent l’un des critères pris en compte pour le calcul de la retraite ([127]), l’exercice d’une activité réduite ou à temps partiel peut avoir un effet significatif sur le montant de la retraite.

En conséquence, l’article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale permet aux travailleurs salariés et aux salariés agricoles exerçant à temps partiel de surcotiser, sur la base d’une rémunération à temps plein, sous réserve de l’accord de son employeur, car ce dernier est également tenu de surcotiser sur la part employeur. Cette surcotisation peut porter sur tout ou partie des cotisations dues pour un temps plein.

L’employeur peut, s’il le souhaite, prendre en charge la part salariale ; en contrepartie, cette part salariale n’est pas assimilable à une rémunération ou à un avantage et est donc exclue de l’assiette de la contribution mentionnée à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale.

L’article 35 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a étendu le champ des bénéficiaires de cette mesure à tous les salariés dont la rémunération n’est pas établie selon un nombre d’heures travaillées, tels que les salariés en convention de forfait. Ces salariés peuvent en outre surcotiser au sein du régime complémentaire de l’AGIRC-ARRCO, sous réserve d’avoir surcotisé préalablement au régime général.

Peu de données chiffrées permettent d’estimer le taux de recours à cette possibilité de surcotiser. En 2015, une étude menée conjointement par la direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques (DREES) et le Conseil d’orientation des retraites (COR) s’appuyait sur les bilans de la négociation collective réalisés par la direction générale du travail (DGT) pour estimer que le recours à ce dispositif dans le cadre d’accords collectifs « existe, mais semble peu fréquent » ([128]).

L’article 47 de la loi du 12 août 2003 a par ailleurs étendu la possibilité de surcotiser aux fonctionnaires, dans les conditions prévues à l’article 11 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite. À l’inverse des salariés du privé, néanmoins, les fonctionnaires ne peuvent surcotiser au sein de leur régime complémentaire de retraite, l’IRCANTEC. La prise en compte de cette surcotisation ne peut toutefois avoir pour effet d’augmenter la durée totale de services de plus de quatre trimestres sur l’ensemble de la carrière – ce plafond est relevé à huit trimestres pour les fonctionnaires handicapés dont le taux d’invalidité est au moins égal à 80 %. Dans la fonction publique d’État, selon la DREES, la possibilité de surcotiser était utilisée par environ 15 % des agents à temps partiel à la fin de l’année 2011.

D’après l’étude d’impact, certains régimes spéciaux proposent également un dispositif de surcotisation : il s’agit du régime des industries électriques et gazières, de la SNCF, de la RATP, de l’Opéra national de Paris, de la Comédie-Française, de la Banque de France et du Port autonome de Strasbourg.

B.   Le droit proposÉ

Dans un système à points, l’exercice d’une activité à temps partiel ou à temps réduit peut également avoir un effet sur le montant de la retraite car un salaire réduit se traduit par une moindre cotisation entraînant l’acquisition d’un nombre réduit de points.

Le présent article maintient en conséquence, pour les travailleurs salariés et fonctionnaires exerçant une activité réduite ou à temps partiel, la possibilité de verser des cotisations supplémentaires sur la base d’une rémunération à temps plein, afin d’améliorer le montant de leur future retraite. Il étend en outre cette possibilité aux travailleurs indépendants.

● Ce principe est fixé par le I de l’article L. 194-3 du code de la sécurité sociale créé par le du I, pour les travailleurs salariés. Il définit ainsi des règles de cotisation dérogatoires à celles de droit commun fixées par l’article L. 241-3 du même code.

En cas d’activité à temps partiel ou d’activité exercée « à temps réduit par rapport à la durée maximale légale ou conventionnelle exprimée en jours » – c’est‑à-dire pour les salariés en convention de forfait en jours –, les cotisations versées peuvent ainsi être plus élevées que les cotisations dues dans le cadre de l’activité à temps partiel ou à temps réduit, grâce au relèvement de l’assiette de ces cotisations :

– soit sur la rémunération correspondant à l’activité exercée à temps plein, pour les salariés à temps partiel ;

– soit sur la rémunération correspondant à la durée maximale légale ou conventionnelle fixée conformément au 3° de l’article L. 3121-64 du code du travail, pour les salariés en forfait-jours.

Les conditions de modification de l’assiette de cotisations seront définies par décret.

En outre, le principe de la surcotisation continuera de reposer sur un accord préalable conjoint du salarié et de l’employeur, dans des cotisations également définies par décret, étant donné que les cotisations d’assurance vieillesse sont réparties à la charge de l’employeur et du salarié.

L’employeur peut décider de prendre en charge la part salariale des cotisations correspondant au relèvement de l’assiette. Le cas échéant, le montant correspondant n’est pas soumis à l’assiette de la contribution sociale sur les revenus d’activité mentionnée à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale.

● Pour les travailleurs indépendants, le principe de la surcotisation est défini au II de l’article L. 194-3, qui dispose que « lassiette des cotisations des travailleurs indépendants peut également être maintenu en cas de réduction dactivité par rapport à lannée civile antérieure ». Les conditions de cotisations seront définies par décret.

Cette règle de surcotisation s’applique ainsi par dérogation à l’article L. 611-3 du code de la sécurité sociale relatif au calcul des cotisations d’assurance vieillesse dues par les travailleurs indépendants.

● Enfin, pour les fonctionnaires, le principe de la surcotisation est également posé par le I de l’article L. 194-3, mais adapté par le nouvel article L. 722-3 créé par le du I.

Ainsi, contrairement aux travailleurs salariés, la demande de maintien de l’assiette des cotisations au même niveau que pour une activité à temps plein est « de droit » pour les agents publics intéressés. Cependant, à l’inverse des employeurs privés, les employeurs publics ne peuvent prendre en charge la part des cotisations due par ces agents.

*

*     *


—  1  —

Chapitre II
La prise en compte des situations spécifiques

Article 28
Retraite anticipée pour carrière longue

L’article 28 étend le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, créé par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, à l’ensemble des assurés du système universel.

Les conditions de bénéfice de ce dispositif sont globalement équivalentes à celles prévues par le droit en vigueur pour le régime général.

L’âge minimal de départ sera ainsi maintenu à 60 ans, sous réserve :

– d’avoir exercé une durée minimale d’activité avant l’âge de 20 ans – selon l’étude d’impact, cette durée serait, comme aujourd’hui, fixée à cinq trimestres ;

– de justifier d’une durée de cotisations d’au moins 516 mois, soit 43 ans, calculés selon les règles que celles applicables à la retraite minimale prévue par l’article 40 de ce projet de loi. Néanmoins, les périodes assimilées ne seraient plus prises en compte dans le décompte de cette durée, contrairement au droit en vigueur qui autorise la prise en compte d’un certain nombre de trimestres dans le décompte de la durée cotisée requise.

L’âge d’équilibre sera abaissé de deux ans pour l’assuré bénéficiant d’un départ anticipé au titre de la retraite pour handicap. Toutefois, la possibilité de majoration ne sera ouverte qu’à compter de l’atteinte de l’âge d’équilibre, comme pour l’ensemble des assurés du système universel.

Le présent article crée une nouvelle section 1 relative aux « Situations spécifiques » au sein d’un nouveau chapitre II « Départs anticipés » du titre IX du livre Ier du code de la sécurité sociale.

Cette section est composée de trois articles :

– l’article L. 192-1 est relatif au dispositif de départ anticipé pour longues carrières, qui fait l’objet du présent commentaire ;

– l’article L. 192-2 précise les conditions de départ anticipé à la retraite pour les personnes atteintes d’une incapacité permanente. Il fait l’objet du commentaire de l’article 29 de ce projet de loi ;

– l’article L. 192-3 précise les conditions de départ à la retraite pour les personnes en situation d’invalidité ou d’inaptitude. Il fait l’objet du commentaire de l’article 30 de ce projet de loi.

I.   le droit en vigueur

Pour les personnes ayant commencé à travailler très jeunes et ayant effectué une longue carrière, l’ensemble des régimes de retraite de base, à l’exception de certains régimes spéciaux comprenant des dispositifs propres, ont mis en place un dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, qui permet à leurs assurés de partir à la retraite dès l’âge de 60 ans, voire 58 ans dans certains cas.

1.   La genèse du dispositif

Le dispositif de retraite anticipée au titre des « carrières longues » a été créé par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, à l’article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale. Les objectifs assignés à ce dispositif sont toujours d’actualité. Il s’agissait ainsi :

– d’une part, de permettre aux salariés ayant commencé à travailler très jeunes, parfois dès l’âge de 14 ou 15 ans pour les générations d’après-guerre, de prendre leur retraite avant l’âge de 60 ans, sans subir de décote ;

– d’autre part, de rectifier l’inégalité qui conduisait ces salariés à cotiser à perte, puisque le fait de cotiser au-delà du nombre de trimestres de référence applicable pour chaque génération n’augmente pas la période de référence prise en compte pour le calcul de leur pension.

Régimes concernés par le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue

Les régimes de retraite de base concernés par ce dispositif sont :

– le régime général, le régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants, le régime des salariés agricoles, le régime des cultes (CAVIMAC), dans les conditions prévues à l’article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale ;

– le régime des non-salariés agricoles (article L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime) ;

– le régime des professions libérales ;

– le régime des avocats ;

– le régime de la fonction publique d’État, les régimes des fonctions publiques hospitalières et territoriales, le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, dans les conditions prévues à l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Parmi les régimes spéciaux, plusieurs disposent d’un dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, applicable selon des conditions réglementaires propres : le régime du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), le régime des industries électriques et gazières, le régime de la Banque de France, le régime des clercs et employés de notaires, le régime de l’Opéra national de Paris et le régime de la Comédie-Française.

Plusieurs régimes spéciaux ne proposent pas cependant de tel dispositif : le régime de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), le régime des marins (ENIM), le régime du Port autonome de Strasbourg ainsi que le régime de retraite des salariés des mines.

Les conséquences du bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue sur la liquidation de la retraite des régimes complémentaires sont hétérogènes en fonction des régimes :

– certains, à l’instar de l’IRCANTEC ([129]), permettent à leurs assurés de liquider leur retraite à la même date que la retraite de base ouvrant droit au bénéfice de la retraite anticipée, sans décote sur le montant de la retraite complémentaire accordée ;

– d’autres régimes, comme l’AGIRC-ARRCO, peuvent appliquer un coefficient minorant de 10 % pendant trois années ;

– d’autres régimes, enfin, ne tiennent nullement compte du départ anticipé au titre de la retraite pour carrière longue : tel est le cas, notamment, du régime additionnel de la fonction publique.

2.   Les conditions requises pour en bénéficier

L’article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale et ses textes réglementaires d’application fixent deux conditions cumulatives pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée au titre des « carrières longues », qui n’ont presque pas été modifiées depuis leur entrée en vigueur en 2003.

● La première condition est un critère d’âge de début de carrière : le dispositif ne concerne que les assurés qui ont commencé leur activité avant l’âge de 16, 17 ou 20 ans, selon l’âge de l’assuré à la date d’effet de sa pension. Cette condition est validée si l’assuré est en mesure d’attester d’une durée d’assurance d’au moins cinq trimestres à la fin de l’année au cours de laquelle est survenu ledit anniversaire, ou d’au moins quatre trimestres à la fin de l’année au cours de laquelle est survenu ledit anniversaire si les assurés sont nés au cours du quatrième trimestre ([130]).

● La seconde condition est de justifier d’une certaine durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes, dont au moins une partie a donné lieu à cotisations. L’article L. 351-1-1 dispose ainsi qu’un assuré souhaitant bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour longue carrière doit avoir accompli « une durée totale dassurance et de périodes reconnues équivalentes dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge de lassuré ».

Cette durée est ainsi constituée de périodes d’assurance ayant effectivement donné lieu à cotisations de l’assuré, ou de périodes « reconnues équivalentes » telles que, selon l’article D. 351-1-2 du code de la sécurité sociale :

– les périodes de service national, dans la limite de quatre trimestres ;

– les périodes comptées comme périodes d’assurance au titre de la maladie, de la maternité et de l’incapacité temporaire liée aux accidents du travail, dans la limite de quatre trimestres, plus deux supplémentaires au titre de la maternité ;

– les périodes de chômage, dans la limite de deux trimestres.

Deux de ces catégories de périodes ont été introduites par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites : les trimestres au titre du chômage et les trimestres supplémentaires au titre de la maternité.

La durée d’assurance totale requise dépend de la génération de l’assuré et de son âge à la date d’effet de sa retraite : d’après l’article D. 351-1-1 du code de la sécurité sociale, cette durée correspond ainsi à la durée requise pour obtenir une retraite à taux plein, quelle que soit l’année de naissance de l’assuré, pour un départ à partir de 60 ans. Pour un départ avant l’âge de 60 ans, cette durée est majorée de quatre ou huit trimestres. Pour les générations nées à compter de 1973, la durée d’assurance requise est ainsi de :

– 172 trimestres pour un départ à compter de 60 ans ;

– 180 trimestres pour un départ à compter de 58 ans.

3.   Le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue représente plus de la moitié des départs anticipés au régime général

● Le régime de retraite anticipée pour longue carrière est particulièrement prisé au sein du régime général, puisqu’il concernait en 2018 60 % des flux de départ en retraite anticipée, ce qui représente près de 153 000 bénéficiaires, contre plus de 176 000 en 2017 et 113 000 bénéficiaires lors de la première année de mise en place du dispositif, en 2004 ([131]).

L’extension du champ des périodes réputées cotisées prises en compte pour bénéficier de la retraite anticipée pour carrière longue par la loi du 20 janvier 2014 est le principal facteur explicatif de l’augmentation du nombre de bénéficiaires observée depuis 2014. Dans le sens inverse, la forte diminution du nombre de bénéficiaires entre 2017 et 2018 s’expliquerait par le relèvement progressif du nombre de trimestres requis pour bénéficier du dispositif.

● Le dispositif de carrière longue est également un motif courant de départ à la retraite au sein des régimes agricoles, puisqu’il a concerné près de 9 500 bénéficiaires en 2018 et près de 12 000 motifs de départ d’exploitants agricoles en dépit, pour ces derniers, d’un durcissement des conditions d’accès ayant fortement réduit leur éligibilité à ce dispositif – près de 21 900 salariés agricoles en avaient bénéficié en 2017.

● Au sein des trois fonctions publiques, le recours au dispositif de retraite anticipée pour carrière longue est plus marqué parmi les agents de la fonction publique territoriale, pour lesquels ce motif de départ a concerné 36,7 % des nouveaux retraités en 2018. Dans une moindre mesure, la retraite anticipée pour carrière longue représentait 17,1 % des départs anticipés au sein de la fonction publique hospitalière, et 13,8 % au sein de la fonction publique d’État. Ces proportions s’expliquent, au sein de la fonction publique d’État notamment, par l’existence d’autres dispositifs concurrents de départ anticipé, tels que les départs anticipés des catégories actives.

II.   L’extension du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue à tous les assurés du système universel

Le présent article étend le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue à l’ensemble des assurés du futur système universel, sans en modifier significativement les conditions d’âge de début de carrière et de durée de carrière permettant d’y avoir accès.

Le I de l’article L. 192-1 du code de la sécurité sociale créé par le présent article instaure un dispositif de départ anticipé « pour lassuré ayant accompli une carrière particulièrement longue ».

Le départ anticipé sera possible dès l’âge de 60 ans – soit deux années avant l’âge de 62 ans d’ouverture du droit à retraite mentionné à l’article L. 191-1 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 23 de ce projet de loi.

Tout départ avant l’âge de 60 ans ne sera néanmoins plus possible : la possibilité proposée par le droit en vigueur de partir dès l’âge de 58 ans pour les personnes ayant validé au moins cinq trimestres avant l’âge de 16 ans sera ainsi éteinte, en raison de son caractère « extrêmement marginal », selon les termes de l’étude d’impact ([132]).

A.   Les conditions de bénéfice du dispositif

L’article L. 192-1 maintient deux conditions cumulatives pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée.

● La première est la justification d’une durée minimale d’activité avant l’âge de 20 ans, qui sera fixée par décret. Le critère d’âge qui existait dans le dispositif du régime général est donc simplifié : un seul âge est retenu, 20 ans. L’étude d’impact précise que la durée minimale s’appréciera « dans les mêmes conditions quactuellement », c’est-à-dire la validation de cinq trimestres à la fin de l’année au cours de laquelle est intervenu leur vingtième anniversaire, ou quatre trimestres si l’assuré est né au dernier trimestre.

● La seconde condition est l’obligation de justifier « dune durée ayant donné lieu à cotisations » à la charge de l’assuré. La durée minimale de cotisations requise sera définie par décret et « au moins égale » à la durée de 516 mois – soit quarante-trois années de cotisations – prévue au IV de l’article L. 195‑1 nouveau créé par l’article 40 du projet de loi.

Les modalités de calcul de la durée minimale en situation de handicap requise pour bénéficier de la retraite anticipée au titre du handicap sont identiques à celles mentionnés au V de l’article L. 195-1 créé par l’article 40 de ce projet de loi relatif à la retraite minimale.

La symétrie retenue pour le calcul de la carrière complète avec les règles applicables au décompte des 516 mois requis pour le bénéfice du montant maximal de la retraite minimale a pour principale conséquence l’arrêt de la prise en compte des périodes dites « réputées cotisées », à la différence du droit en vigueur.

● La fin de la prise en compte des périodes réputées cotisées – ou périodes assimilées – ne devrait pas être sans incidence sur le nombre de bénéficiaires potentiels du dispositif. Dans le droit en vigueur, les périodes assimilées au titre du service national, de la maladie, de la maternité, de l’incapacité ou du chômage permettent en effet de réduire d’autant le nombre d’annuités requises jusqu’à deux années.

Cette absence de prise en compte des périodes non travaillées pour des motifs légitimes risque de restreindre significativement le champ des bénéficiaires potentiels. En outre, elle rend de facto quasiment impossible un départ à l’âge de 60 ans : pour une personne ayant commencé à travailler à l’âge de 18 ans, par exemple, et ayant travaillé sans interruption toute sa vie, sans période de maladie, de chômage, d’invalidité ou de maternité, elle ne pourra partir qu’à 61 ans compte tenu des modalités de calcul de la carrière complète retenues par cet article.

B.   Les conséquences sur l’âge d’équilibre

Pour les assurés qui remplissent les conditions permettant d’accéder à la retraite pour carrière longue dès l’âge de 60 ans, l’âge d’équilibre mentionné à l’article L. 195-1 sera « abaissé de deux années ».

À l’inverse, néanmoins, le fait de travailler au-delà de cet âge n’aura aucune incidence sur le montant de leur pension, puisqu’il est précisé que, pour ces assurés, « lapplication du coefficient dajustement » ne pourra pas conduire à majorer le montant de la retraite.

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*     *


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Article 29
Dispositif de retraite anticipée pour les travailleurs en situation de handicap

L’article 29 vise à tenir compte de la situation des travailleurs handicapés, en leur donnant la faculté, d’une part, de partir de manière anticipée à la retraite, sous réserve de remplir les conditions d’éligibilité au dispositif, et en leur accordant d’autre part des points de retraite supplémentaires, au titre de la solidarité nationale.

● À l’instar de la plupart des régimes de retraite de base actuels, cet article maintient ainsi la possibilité d’un départ en retraite anticipé par rapport à l’âge légal, pour les assurés ayant travaillé en situation de handicap. Les assurés concernés pourront bénéficier d’une retraite à taux plein grâce à l’abaissement de l’âge d’équilibre à l’âge atteint lors du départ à la retraite.

Le dispositif sera ouvert sous réserve :

– d’une part, de justifier être atteint d’un taux d’incapacité d’au moins 50 % ;

– de justifier d’une durée minimale d’activité cotisée, qui sera définie par décret et en tout état de cause inférieure à 516 mois (43 ans).

À titre transitoire, certaines périodes travaillées en qualité de travailleurs handicapé pourront être reconnues pour l’appréciation du taux d’incapacité d’au moins 50 %.

● Cet article accorde par ailleurs des points de retraite supplémentaires, au titre de la compensation du handicap sur l’activité professionnelle, aux assurés qui remplissent les conditions de bénéfice de la retraite anticipée pour handicap, afin de majorer le montant de leur retraite.

A.   Le droit en vigueur

La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a mis en place un dispositif permettant aux personnes ayant effectué une part importante de leur carrière en situation de handicap de bénéficier d’un droit anticipé au départ en retraite, dès l’âge de 55 ans.

Ce droit, qui vise à tenir compte des incidences du handicap sur l’accès et le maintien dans l’emploi, est ouvert dans la plupart des régimes, comme le montre le tableau ci-après. Seuls les régimes de base offrant des conditions particulières de départ anticipé pour les personnes en situation de handicap ou d’infirmité ne sont pas concernés par le dispositif de la retraite anticipée des travailleurs handicapés.

Liste des RÉgimes prÉvoyant un dispositif de retraite anticipÉe pour handicap

Date de création du dispositif

Régime concerné

Texte de référence

Loi n° 2003-775 du 21 août 2003

Régime général

Art. L. 351-1-3 du code de la sécurité sociale

Régime des artisans et commerçants

Régime des salariés agricoles (MSA salariés)

Art. L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime

Régime des non-salariés agricoles (MSA non-salariés)

Art. L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime

Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009

Régime des professions libérales (CNAVPL)

Art. L. 643-3 du code de la sécurité sociale

Régime des avocats

Art. L. 653-2 du code de la sécurité sociale

Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour légalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Régime du code des pensions civiles et militaires de retraites (fonctionnaires civils de l’État, territoriaux et hospitaliers)

Art. L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite

À une date dentrée en vigueur postérieure au 1er juillet 2004

Régime des cultes

Art. L. 382-27 du code de la sécurité sociale

Régime des ouvriers des établissements industriels de l’État

Dispositions réglementaires propres à chaque régime spécial

Régime des industries électriques et gazières

Régime de retraite de la RATP

Régime de retraite de la SNCF

Régime de retraite de la CRPCEN (clercs et employés de notaires)

Régime de retraite de la Banque de France

Régime de retraite de la Comédie-Française

Régime de retraite de l’Opéra national de Paris

B.   Les conditions d’accÈs au dispositif

Au régime général, les conditions de bénéfice de la retraite anticipée pour handicap sont au nombre de trois :

− une durée totale d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes au régime général ou dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires ;

− une durée d’assurance cotisée minimale ([133]) ;

− une situation de handicap, qui doit être concomitante avec les périodes d’assurance prises en compte. Pour justifier de cette situation, l’assuré doit justifier d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 %, pour les pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2015 ([134]) ou, pour les périodes antérieures au 31 décembre 2015, de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ([135]).

La loi du 20 janvier 2014 ([136]) a en effet supprimé la condition de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé qui permettait jusqu’alors de bénéficier de la retraite anticipée au titre du handicap. Ce critère a cependant été maintenu pour les périodes antérieures au 1er janvier 2016, ce qui signifie qu’un assuré souhaitant faire valoir son droit à retraite anticipée au titre de sa qualité de travailleur handicapé ne pourra faire valoir cette qualité que pour la période courant jusqu’au 31 décembre 2015.

● Le taux de 50 % peut être attesté par la présentation de l’une des pièces attribuée au titre d’un handicap au moins égal à ce taux (cf. encadré).

Modalités de justification du taux dincapacité dau moins 50 %

Selon l’arrêté du 24 juillet 2015 relatif à la liste des documents attestant le taux d’incapacité permanente défini à l’article D. 351-1-6 du code de la sécurité sociale, les principales pièces permettant à l’assuré de justifier du taux d’incapacité d’au moins 50 % sont :

– la carte d’invalidité (1°) ;

– la décision d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) (2°) ;

– la perception d’une rente servie à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité de 50 % (12°) ;

– une pension d’invalidité de deuxième ou troisième catégorie (6° à 11°).

En outre, en application de l’article 45 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, la commission mentionnée à l’article L. 161-21-1 du code de la sécurité sociale peut valider de manière rétroactive les périodes de handicap pour lesquels l’assuré ne dispose pas de justificatif. La commission peut valider jusqu’à 30 % de la durée d’assurance requise.

Pour les assurés qui ne seraient pas en mesure de fournir de tels justificatifs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a créé une commission médicale visant à valider rétroactivement certaines périodes de handicap.

● L’âge de départ anticipé à la retraite est calculé de manière dégressive, en fonction du nombre de trimestres requis au titre de l’assurance et de la durée cotisée, et permet dans le meilleur des cas de partir à la retraite au taux maximum de 50 % dès l’âge de 55 ans.

Ces conditions sont fixées par l’article D. 351-1-5 du code de la sécurité sociale (cf. tableau ci-après).

Conditions de départ anticipé à la retraite
en raison d’une incapacité permanente

 

Durée totale dassurance

Durée cotisée

Départ en retraite anticipée possible à partir de...

La durée nécessaire pour bénéficier du taux maximum de 50 % est diminuée de...

55 ans

40 trimestres

60 trimestres

56 ans

50 trimestres

70 trimestres

57 ans

60 trimestres

80 trimestres

58 ans

70 trimestres

90 trimestres

59 ans

80 trimestres

100 trimestres

60 ans

61 ans

Source : Article D. 351-15-1 du code de la sécurité sociale.

La retraite anticipée accordée au titre du handicap ouvre droit à une retraite à taux plein, sans application de décote, et peut faire l’objet d’une majoration, introduite par l’article 28 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 afin de relever le montant des prestations servies.

C.   Le nombre de bénéficiaires

En 2018, près de 3 600 nouveaux retraités affiliés au régime général, à la MSA salariés, au régime d’une fonction publique ou des travailleurs indépendants ont bénéficié d’un départ anticipé au titre de la retraite pour handicap. Le nombre de retraités concernés s’élève ainsi à une proportion comprise entre 0,2 % et 0,5 % des retraités pour chaque régime, sur la base des données de l’année 2017.

Le régime a connu une forte montée en puissance, notamment au sein du régime général, puisque seules 1 292 personnes ont bénéficié de ce dispositif en 2008, contre 2 822 dix années plus tard.

Répartition des retraites anticipées pour handicap
selon le régime d’affiliation, en 2018

Régime général

2 822

Ex-RSI Artisans

17

Ex-RSI commerçants

22

MSA salariés

198

Fonction publique dÉtat

226

Fonction publique territoriale

49

Fonction publique hospitalière

265

Source : Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Retraites » pour 2020.

Les deux tiers des bénéficiaires potentiels de la retraite pour handicap liquident leur retraite anticipée avant l’âge de 60 ans, avec une durée de cotisation moyenne de 141 trimestres. D’après l’étude d’impact, les bénéficiaires du dispositif actuel de retraite anticipée pour handicap liquident leur retraite en moyenne à 58,7 ans au régime général, contre 60,3 ans pour l’ensemble des retraites anticipées et 62,7 ans pour l’ensemble des assurés.

En outre, le montant mensuel moyen global de la pension des bénéficiaires de la retraite anticipée des travailleurs handicapés, qui s’élève à 723 euros, est presque équivalent à celui de l’ensemble des assurés (738 euros).

Âge moyen de dÉpart pour les bÉnÉficiaires de la retraite anticipÉe
pour handicap au rÉgime gÉnÉral

Avant 60 ans

Entre 60 ans et lâge légal douverture du droit à retraite

55 ans

56 ans

57 ans

58 ans

59 ans

Ensemble

60 ans

61 ans

Ensemble

11 %

10 %

11 %

14 %

20 %

66 %

24 %

10 %

34 %

Source : Étude d’impact, d’après le recueil statistique de la CNAV, 2018.

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 29 crée un nouvel article L. 192-2 du code de la sécurité sociale précisant les nouvelles conditions de bénéfice du droit à retraite anticipée pour les personnes en situation de handicap au sein du système universel de retraites.

Selon le I de ce nouvel article, les personnes en situation de handicap remplissant les conditions posées par ce même paragraphe pourront liquider leurs droits à retraite entre deux et sept ans plus tôt que l’âge légal de départ à la retraite fixé à 62 ans par l’article L. 191-1 nouveau, soit entre 55 ans et 60 ans.

A.   Des conditions simplifiÉes de bÉnÉfice de la retraite anticipée

1.   Deux conditions cumulatives : une durée cotisée et un taux d’incapacité permanente minimum

Les modalités de bénéfice de la retraite anticipée pour handicap sont simplifiées, puisque le I de l’article L. 192-2 nouveau ne retient que deux critères cumulatifs pour l’ouverture du droit.

a.   Une durée cotisée minimale définie par décret

● Il s’agit, en premier lieu, de la durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré, par référence au 1° de l’article L. 191-3 créé par l’article 8 du projet de loi.

Selon l’étude d’impact, la prise en compte d’une seule durée au lieu de deux répond à un impératif de simplification du dispositif, car la prise en compte de deux durées distinctes en l’état du droit présente le double inconvénient d’une complexité de gestion et d’un manque de lisibilité pour les assurés.

En conséquence, la condition de durée d’assurance validée en situation de handicap disparaît. Or, c’est cette durée d’assurance qui permettant de tenir compte des périodes assimilées grâce auxquelles l’assuré continuait de se constituer des droits à retraite malgré un arrêt involontaire de travail, lié par exemple à la maladie ou à la maternité.

● La durée cotisée minimale requise sera définie par décret et inférieure, en tout état de cause, à la durée de 516 mois – 43 ans – prévue au IV de l’article L. 195‑1 nouveau pour les assurés du régime universel nés à compter du 1er janvier 1975 et qui s’applique au calcul d’une carrière complète pour bénéficier de la retraite minimale créée par l’article 40 du projet de loi.

Les modalités de calcul de la durée minimale requise en situation de handicap pour bénéficier de la retraite anticipée au titre du handicap sont en effet identiques à celles mentionnés au 1° du V de l’article L. 195-1 créé par l’article 40 de ce projet de loi. Toutefois, seuls les points acquis au titre des cotisations seront comptabilisés pour le décompte de cette durée ; les points acquis au titre de dispositifs de solidarité nationale ne seront pas pris en compte.

b.   Un taux d’incapacité permanente minimum fixé à 50 %

Le second critère est le taux d’incapacité permanente minimum requis, qui est fixé à 50 %, soit l’équivalent du taux requis depuis la loi du 20 janvier 2014 pour bénéficier d’une retraite anticipée au régime général en raison d’une situation de handicap.

Il est intéressant de relever que ce taux est fixé à l’article L. 192-2, et non renvoyé à un décret, ce qui représente un gage de sécurité pour les travailleurs en situation de handicap. Les modalités de justification de ce taux d’incapacité par l’assuré sont renvoyées à un « arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ». Cette formulation semble signifier que la commission de validation rétraoctive ne sera pas reconduite, ce que confirme l’avis du Conseil d’État rendu sur le texte : la commission instituée en 2017 n’examinerait en effet qu’une trentaine de dossiers par an. Le Gouvernement a toutefois indiqué au Conseil d’État qu’il envisageait d’introduire un « nouveau dispositif de validation », dans le cadre d’une « prochaine loi sur la santé au travail ».

D’après l’exposé des motifs du projet de loi, le taux de 50 % également utilisé pour la perception d’autres prestations liées au handicap, telles que l’AAH, permettra de simplifier la justification par les assurés de leur taux d’incapacité.

2.   Le cas particulier du critère de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé

Le IV de l’article L. 192-2 nouveau précise que les périodes antérieures au 31 décembre 2015 au cours desquelles la qualité de travailleur handicapé a été reconnue sont prises en compte « pour lappréciation des conditions mentionnées au I » du même article.

B.   Une retraite À taux plein grÂce À l’abaissement de l’Âge d’Équilibre

Afin de permettre aux assurés en situation de handicap de bénéficier d’un départ anticipé sans incidence sur le montant de leur retraite, qui sera calculée sur la base d’un taux plein et sans application de coefficient d’ajustement, l’âge d’équilibre mentionné à l’article L. 191-5, dans sa rédaction résultant de l’article 10 du projet de loi, sera « abaissé à lâge atteint lors [du] départ en retraite » de l’assuré qui remplit les conditions requises pour bénéficier de la retraite anticipée (III de l’article L. 192-2).

L’abaissement de l’âge d’équilibre permettra aux bénéficiaires de la retraite anticipée pour handicap de bénéficier, le cas échéant, de la retraite minimale créée par l’article 40 du projet de loi.

C.   L’attribution de points supplÉmentaires au titre de la compensation du handicap sur l’activitÉ professionnelle

Afin de « prendre en compte lincidence du handicap sur la vie professionnelle », le II de l’article L. 192-2 nouveau propose d’attribuer des points supplémentaires lors du départ en retraite anticipée des assurés en situation de handicap qui remplissent les conditions pour bénéficier de ce dispositif.

Les modalités d’attribution de ces points seront définies par décret. Il est néanmoins précisé que le nombre de points supplémentaires sera égal « à une fraction des points acquis » au titre des périodes cotisées prises en compte dans le calcul de la retraite, conformément au 1° de l’article L. 191-3 du code de la sécurité sociale créé par l’article 8 du présent projet de loi.

*

*     *

 


–  1  –

Article 30
Inaptitude et invalidité

L’article 30 étend le bénéfice de la retraite pour inaptitude à l’ensemble des assurés du système universel de retraite remplissant les conditions requises.

Ce dispositif, actuellement proposé par le régime général et les régimes alignés notamment, permet de bénéficier d’une retraite à taux plein dès l’âge légal d’ouverture du droit à retraite, sous réserve de justifier d’une inaptitude médicalement constatée, empêchant l’assuré de poursuivre une activité professionnelle au-delà de cet âge.

Les modalités de constatation de l’inaptitude sont inchangées par rapport au droit en vigueur au régime général : la reconnaissance se fera soit par le médecin conseil, lors d’un examen médical, soit grâce à une présomption d’inaptitude pour les bénéficiaires d’une pension d’invalidité, de l’allocation aux adultes handicapés ou d’une carte « mobilité inclusion » attestant d’un taux d’incapacité au moins égal à 80 %.

La retraite pour inaptitude du système universel permettra à ses bénéficiaires de partir dès 62 ans, sans décote, grâce à un abaissement de l’âge d’équilibre à l’âge légal de départ de l’assuré.

Cet article clarifie par ailleurs les modalités d’articulation de ce dispositif et des autres dispositifs de départ anticipé proposés à d’autres articles du projet de loi avec le bénéfice d’une pension d’invalidité.

I.   Le droit en vigueur

Afin de ne pas pénaliser les personnes atteintes d’une incapacité de travail au cours de leur vie professionnelle, la plupart des régimes de retraite de base ont instauré des mécanismes permettant de tenir compte de l’état d’invalidité ou d’inaptitude dans le calcul des droits à retraite ainsi que dans les conditions d’âge d’ouverture du droit à retraite.

Au régime général et dans les régimes alignés, notamment, ces dispositifs permettent :

− soit d’acquérir des droits à la retraite, sous forme de périodes assimilées à des trimestres d’assurance ;

− soit de bénéficier d’une retraite pour inaptitude au travail, ce qui permet de bénéficier d’une retraite à taux plein dès l’âge de 62 ans, quelle que soit la durée de cotisations validée.

Les conditions dacquisition de droits à la retraite au titre de lincapacité

L’acquisition de droits à la retraite au titre de l’incapacité est un droit réservé aux titulaires d’une pension d’invalidité ([137]) ainsi qu’à certains bénéficiaires d’une rente d’incapacité permanente ([138]).

En application du 1° de l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale, les périodes de versement d’une pension d’invalidité délivrée par l’assurance maladie ainsi que les périodes de versement d’une rente d’incapacité permanente, sous réserve que le taux de cette incapacité soit au moins égal à 66 %, sont assimilées à des trimestres d’assurance au titre de la retraite.

En pratique, le versement de la pension d’invalidité étant mensualisé, chaque trimestre civil comportant trois mensualités de paiement de cette pension est compté comme période assimilée ([139]). La seule condition fixée pour bénéficier de ces droits à retraite est une condition d’affiliation : la reconnaissance de la qualité d’assuré social au régime général doit nécessairement être antérieure à l’entrée en invalidité.

II.   Les rÉgimes appliquant un dispositif de retraite pour inaptitude

Le régime général ainsi que les régimes alignés (travailleurs indépendants, salariés agricoles) et le régime des clercs et employés de notaire (CRPCEN) proposent un dispositif de retraite pour inaptitude, dans les conditions prévues aux articles L. 351-7 et L. 351-8 du code de la sécurité sociale.

Plusieurs régimes de base proposent également ce dispositif, à l’instar :

– du régime des non-salariés agricoles (art. L. 732-23 du code rural et de la pêche maritime) ;

– du régime des professions libérales (CNAVPL) et du régime des avocats (CNBF) (article L. 643-3 du code de la sécurité sociale) ;

– du régime des industries électriques et gazières (a du 7° de l’article 16 de l’annexe 3 du décret n° 46-1451 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières ([140]) ;

– du régime des marins (article 21-4 du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l’unification du régime d’assurance des marins).

Les régimes de la fonction publique ne disposent pas en tant que tel de retraite pour inaptitude. La reconnaissance du caractère permanent et stabilisé d’une invalidité, quelle que soit son origine – professionnelle ou non – permet notamment au fonctionnaire se trouvant dans l’incapacité d’exercer ses fonctions d’être mis en retraite et de bénéficier d’une pension pour invalidité, dans les conditions prévues aux articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Ces modalités de prise en charge de l’invalidité font l’objet du commentaire de l’article 31 du projet de loi.

A.   Les conditions de bÉnÉfice de la retraite pour inaptitude au travail

Selon l’article L. 351-7 du code de la sécurité sociale, l’inaptitude au travail est reconnue à tout assuré « qui nest pas en mesure de poursuivre lexercice de son emploi sans nuire gravement à sa santé et qui se trouve définitivement atteint dune incapacité de travail médicalement constatée, compte tenu de ses aptitudes physiques et mentales à lexercice dune activité professionnelle, et dont le taux est fixé par décret en Conseil dÉtat ».

La reconnaissance médicale d’une incapacité de travail d’au moins 50 % peut ouvrir droit, pour certaines catégories d’assurés, au bénéfice d’une retraite à taux plein dès 62 ans, même s’ils ne remplissent pas la condition de durée d’assurance requise.

L’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale dispose ainsi que « les assurés reconnus inaptes au travail dans les conditions prévues à larticle L. 3517 » bénéficient d’une retraite à taux plein « même sils ne justifient pas de la durée requise dassurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires ».

Deux options de reconnaissance de l’inaptitude sont possibles : la reconnaissance par un examen médical réalisé au moment de la retraite, ou une présomption d’inaptitude pour les bénéficiaires de certaines allocations.

1.   Une inaptitude médicalement constatée au moment de la retraite

Les assurés ne bénéficiant d’aucun dispositif de prise en charge de l’inaptitude, d’incapacité ou d’invalidité jusqu’à la retraite doivent faire reconnaître leur inaptitude lors de la demande de retraite.

Ces assurés peuvent en effet présenter une demande de retraite au titre de l’aptitude à leur dernier régime de retraite d’affiliation. L’évaluation de l’inaptitude est appréciée par le médecin conseil : si ce dernier fixe le taux d’incapacité de travail est fixé à au moins 50 % ([141]), l’assuré peut bénéficier de la retraite pour inaptitude.

2.   La présomption d’inaptitude

Certains assurés sont présumés inaptes au titre des dispositifs dont ils sont bénéficiaires avant l’âge de la retraite et qui ont déjà fait l’objet d’un constat médical d’invalidité, de handicap ou d’inaptitude. Ils bénéficient, en conséquence, d’une dispense d’examen médical pour bénéficier de la retraite pour inaptitude.

a.   Les bénéficiaires d’une pension d’invalidité

● La première catégorie de bénéficiaires concernée par ce dispositif sont les bénéficiaires d’une pension d’invalidité.

Si l’assuré titulaire d’une pension d’invalidité ne travaille pas, le versement de sa pension est en effet automatiquement remplacé par une pension de retraite pour inaptitude à taux plein dès l’âge de 62 ans, même si l’assuré n’a pas cotisé la durée d’assurance requise (article L. 341-15 du code de la sécurité sociale).

Dans le cas contraire, si l’assuré travaille encore, la pension d’invalidité peut être versée jusqu’à l’âge nécessaire pour obtenir une retraite au taux plein, charge à l’assuré de demander la liquidation de ses droits (article L. 341-16 du même code).

● Les bénéficiaires d’une pension de vieillesse de veuve ou de veuf sont également présumés inaptes.

La pension de vieillesse de veuve ou de veuf

En vertu de l’article L. 342-1 du code de la sécurité sociale, le conjoint survivant d’un assuré qui bénéficiait d’une pension d’invalidité avant son décès peut, sous réserve d’être lui-même atteint d’une invalidité lui donnant droit à une pension d’invalidité et d’être âgé de moins de 55 ans, bénéficier d’une pension de veuve ou de veuf.

Lorsque l’assuré atteint l’âge de 55 ans, la pension d’invalidité de veuve ou de veuf est automatiquement transformée en pension de vieillesse de veuve ou de veuf (article L. 342-6 du même code).

b.   Les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés

Les bénéficiaires d’une allocation aux adultes handicapés (AAH) bénéficient également de la pension de retraite pour inaptitude, dès lors qu’ils ont atteint l’âge de 62 ans.

L’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale dispose ainsi que « pour la liquidation des avantages de vieillesse, les bénéficiaires de lallocation aux adultes handicapés sont réputés inaptes au travail à lâge minimum auquel souvre le droit à pension de vieillesse ».

Lallocation aux adultes handicapés (AAH)

L’AAH est versée aux assurés dont le taux d’incapacité permanente est :

− soit au moins égal à 80 % (article L. 821-1 du code de la sécurité sociale) ;

− soit compris entre 50 et 79 %. Le cas échéant, la personne doit rencontrer des difficultés substantielles et durables d’accès à l’emploi en raison de son handicap (article L. 821-2 du même code).

Cette allocation constitue un minimum social, qui garantit un revenu aux assurés n’ayant pas de droits ouverts au titres d’autres allocations telles qu’une rente d’incapacité permanente. Néanmoins, l’AAH peut se cumuler avec d’autres allocations, afin de permettre aux assurés d’atteindre un revenu minimum, telles que la majoration pour la vie autonome (MVA).

c.   Les titulaires de la carte mobilité inclusion, mention invalidité

D’après la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) du régime général, les titulaires de la carte mobilité inclusion dont le taux d’incapacité permanente est d’au moins 80 % sont également présumés inaptes ([142]).

B.   Le nombre de bÉnÉficiaires d’une retraite pour inaptitude

Au régime général, le nombre de nouvelles pensions attribuées au titre de l’inaptitude représente un peu moins de 50 000 pensions en 2018, soit 7,5 % du total des nouvelles pensions. Le nombre de pensions de retraite pour invalidité est un peu plus élevé, puisqu’il représente 8,5 % du total des nouvelles pensions de retraite.

Les données disponibles ne permettent pas de faire la distinction entre les bénéficiaires d’une retraite pour inaptitude et les bénéficiaires d’une retraite pour invalidité. Les données présentées dans le tableau infra sont donc des données agrégées pour ces deux dispositifs.

Nombre de pensions attribuÉes en 2018 au titre de l’inaptitude ou de l’invaliditÉ, selon le rÉgime d’affiliation

 

2018

En % de nouveaux retraités en 2018

Régime général

105 051

16,6 %

Ex-RSI Artisans

2 630

12,2 %

Ex-RSI Commerçants

3 822

11,6 %

MSA salariés agricoles

7 784

14,6 %

MSA exploitants agricoles

3 880

11,7 %

Fonction publique territoriale *

5 209

12,1 %

Fonction publique hospitalière *

2 098

8,1 %

Fonction publique dÉtat *

3 287

5,8 %

(*) Ces données correspondent aux bénéficiaires de la retraite pour invalidité accordée au sein des régimes de fonction publique.

Source : Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Retraites » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

III.   Le dispositif proposÉ

A.   L’extension de la retraite pour inaptitude à tous les assurés du système universel

Le présent article étend à l’ensemble des assurés du système universel le bénéfice de la retraite pour inaptitude, lorsque ces assurés se trouvent dans l’impossibilité médicalement constatée de poursuivre une activité professionnelle au-delà de l’âge légal d’ouverture du droit à la retraite.

Le dispositif est détaillé au sein du nouvel article L. 192-3 du code de la sécurité sociale.

1.   Une définition de l’inaptitude identique au droit en vigueur au régime général

Le premier alinéa de cet article L. 192-3 nouveau reprend, presque mot pour mot, la définition de l’inaptitude au travail actuellement donnée par l’article L. 351‑7 du même code de la sécurité sociale.

Cet article dispose ainsi que « [peut] être reconnu inapte au travail lassuré qui nest pas en mesure de poursuivre lexercice de son emploi sans nuire gravement à sa santé et qui se trouve définitivement atteint dune incapacité de travail médicalement constatée, compte tenu de ses aptitudes physiques et mentales à lexercice dune activité professionnelle, et dont le taux est fixé par décret en Conseil dÉtat ».

Hormis la suppression d’un : « et » de coordination, la définition de l’inaptitude est ainsi strictement identique à la définition qui s’appliquait jusqu’alors au régime général.

2.   Les modalités de reconnaissance du taux d’inaptitude

Les conditions de reconnaissance sont identiques à celles prévues pour le régime général. Ainsi, l’inaptitude doit être « médicalement constatée », soit par le médecin conseil lors de la demande de retraite pour inaptitude soit indirectement, par la justification du bénéfice d’une allocation accordée en raison d’un taux d’incapacité avéré.

Le troisième alinéa de l’article L. 192-3 nouveau précise ainsi que la retraite pour inaptitude s’applique à trois catégories de personnes « présumé[e]s inaptes au travail » et dispensées, à ce titre, de tout examen médical. Il s’agit :

− des bénéficiaires d’une pension d’invalidité mentionnés à l’article L. 341‑15 du code de la sécurité sociale. Sans changement par rapport au droit existant, la pension d’invalidité sera remplacée automatiquement par la pension de retraite pour inaptitude dès l’âge légal d’ouverture du droit à retraite ;

− des bénéficiaires de l’AAH mentionnée à l’article L. 821-1 du même code, c’est-à-dire les bénéficiaires dont le taux d’incapacité permanente est au moins égal à 80 %, ainsi qu’aux bénéficiaires de l’AAH mentionnée à l’article L. 821-2 du même code, c’est-à-dire aux bénéficiaires dont le taux d’incapacité est compris entre 50 et 79 %, et qui connaissent une « restriction substantielle et durable pour laccès à lemploi », reconnue par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ;

− des titulaires d’une carte « mobilité inclusion » portant les mentions « invalidité » et « stationnement pour personnes handicapées », attribuée aux personnes bénéficiaires d’une allocation personnalisée d’autonomie (APA) en raison d’une perte élevée d’autonomie ([143]).

3.   La retraite pour inaptitude donne droit à un départ dès l’âge légal sans décote

L’assuré répondant aux critères de l’inaptitude au travail tels que fixé par le premier alinéa de l’article L. 192-3 nouveau pourra bénéficier de la retraite pour inaptitude dès l’âge mentionné à l’article L. 191-1 nouveau, c’est-à-dire 62 ans.

En outre, dans ce cas, l’âge d’équilibre retenu est « abaissé » au niveau de leur âge de départ, ce qui permet à l’assuré de bénéficier d’une retraite à taux plein avant l’âge d’équilibre, sans décote.

4.   Les effets attendus

D’après l’étude d’impact, l’intégration des fonctionnaires dans le dispositif de la retraite pour inaptitude pourrait représenter une augmentation d’environ 10 500 départs par an supplémentaires au titre de ce motif.

B.   Dispositions de coordination relatives à la pension d’invalidité

Les à tirent les conséquences des articles 28, 29, 32 et 33 du projet de loi et, plus globalement, de la création du système universel de retraite, sur les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à l’invalidité.

En premier lieu, le modifie l’article L. 341-14-1 afin d’étendre aux dispositions des articles précités les cas de suspension de la pension d’invalidité. Ainsi, à l’instar du droit en vigueur, le service de la pension d’invalidité sera suspendu dès lors que l’assuré bénéficie d’une retraite anticipée pour carrière longue, d’une retraite anticipée pour handicap, d’une retraite anticipée pour incapacité permanente ou d’un départ anticipé au titre de l’utilisation du compte professionnel de prévention (C2P).

Le modifie ensuite l’intitulé de la section 6 du chapitre Ier du titre IV du livre III du code de la sécurité sociale pour préciser que la pension d’invalidité sera convertie « en retraite » au sein du système universel.

Le modifie l’article L. 341-15 afin de préciser :

– d’une part, que la pension d’invalidité prend fin à l’âge légal d’ouverture du droit à retraite mentionné à l’article L. 191-1, dans sa rédaction résultant de l’article 23 de ce projet de loi ;

– d’autre part que, le cas échéant, la retraite pour inaptitude créée par le présent article se substitue à la pension d’invalidité.

Les a à d du opèrent les mêmes modifications à l’article L. 341-16 relatif aux modalités de versement de la pension de retraite pour inaptitude lorsque l’assuré exerce une activité professionnelle. Il est notamment précisé que l’assuré exerçant une activité ne peut continuer à bénéficier de sa pension d’invalidité que jusqu’à l’âge d’équilibre mentionné à l’article L. 191-5.

Le précise enfin, à l’article L. 341-17, les conditions applicables à l’assuré titulaire d’une pension d’invalidité qui bénéficie d’une allocation de chômage à l’atteinte de l’âge légal fixé par l’article L. 191-1, sans modification, sur le fond, par rapport au droit existant.

*

*     *

 


–  1  –

Article 31
Habilitation à légiférer par ordonnance afin de définir les modalités de prise en charge de linvalidité des fonctionnaires et militaires

Cet article vise à tirer les conséquences de l’extension de la retraite pour inaptitude à l’ensemble des assurés du système universel, dans les conditions proposées par l’article 30 du projet de loi, pour les fonctionnaires et militaires.

Cette mesure est en effet problématique au regard des modalités actuelles de prise en charge et d’indemnisation de l’invalidité d’origine professionnelle ou non professionnelle dans les régimes de la fonction publique et certains régimes spéciaux, dans lesquels les risques vieillesse et invalidité sont intrinsèquement liés, car en cas d’incapacité permanente, le fonctionnaire est mis à la retraite sans considération de son âge ni de sa durée de services effectifs, et perçoit une pension de retraite.

Le présent article propose en conséquence d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, pour prendre toute mesure de nature législative permettant la mise en place de nouveaux dispositifs statutaires de prise en charge de l’invalidité à destination des fonctionnaires, magistrats et militaires.

L’ordonnance aura également pour mission de définir les modalités de gestion du risque invalidité au sein des régimes de la fonction publique, et d’articuler les nouveaux dispositifs statutaires avec les règles existantes en matière de congé ou disponibilité pour raison de santé.

Le nouveau cadre juridique applicable aux assurés des régimes spéciaux concernés sera défini par voie réglementaire et n’entre donc pas dans le champ de l’habilitation prévue par cet article.

I.   Le concept et la prise en charge de l’invalidité au sein de la fonction publique et de certains régimes spéciaux

L’ensemble des régimes de base reconnaissent et visent à compenser l’invalidité. Le recours à ce terme peut néanmoins prêter à confusion, tant les modalités de prise en charge du risque invalidité par le régime général de la sécurité sociale, d’une part, et par les régimes de la fonction publique et certains régimes spéciaux, d’autre part, attestent d’une conception très divergente de ce risque.

A.   DANS LE régime général, le risque invalidité est pris en charge par la branche maladie contrairement à l’inaptitude, prise en charge par la branche ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES

Au régime général et dans la plupart des régimes de base, l’invalidité correspond à une réduction de la « capacité de travail ou de gain » de l’assuré, d’origine non professionnelle (article L. 341-1 du code de la sécurité sociale). L’invalidité relève en conséquence de la branche maladie. La prise en charge de l’incapacité de travail résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle entre, pour sa part, dans le champ de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Dans le premier cas, l’incapacité de travail d’origine non professionnelle peut donner lieu au versement d’une pension d’invalidité. En outre, les personnes reconnues inaptes au travail peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’une retraite pour inaptitude leur permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein, dès l’âge légal, y compris s’ils ne remplissent pas la condition d’assurance applicable à leur génération (cf. commentaire de l’article 30).

Dans le second cas, la maladie professionnelle ou l’accident du travail peuvent donner lieu au versement d’une rente AT-MP et, le cas échéant, ouvrir droit à la retraite pour incapacité permanente mentionnée à l’article 32 de ce projet de loi.

B.   Dans les régimes de la fonction publique, l’invalidité désigne tout type d’incapacité professionnelle définitive, d’origine professionnelle ou non

● Au sein des régimes de la fonction publique et de certains régimes spéciaux, la notion d’invalidité désigne indifféremment toute incapacité de travail, que celle-ci soit d’origine professionnelle (accident du travail ou maladie professionnelle) ou non.

Pour autant, les modalités d’indemnisation de ce risque sont relativement distinctes en fonction de son origine ; en particulier, l’invalidité liée à un motif professionnel est mieux indemnisée.

prise en compte de l’invalidité (d’origine professionnelle ou non)
pour les fonctionnaires et magistrats

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Lorsqu’elle n’est pas d’origine professionnelle, l’invalidité n’est constatée qu’au terme de ses droits à congés pour raisons de santé. Si le fonctionnaire est placé en disponibilité d’office et que son invalidité temporaire, il peut dans certaines conditions bénéficier d’une allocation d’invalidité temporaire (AIT) ([144]).

Lorsque l’invalidité est liée au service, elle fait l’objet d’une prise en charge dans le cadre d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS), qui permet au fonctionnaire de continuer à bénéficier de l’intégralité de son traitement. Si celui-ci réintègre son service à l’issue du congé, il peut le cas échéant percevoir une allocation temporaire d’invalidité (ATI) en complément de son traitement ([145]). L’ATI est financée par une contribution employeur qui relève de la première section du compte d’affectation spéciale Pensions, relative aux pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité. Le taux de cette contribution était fixé à 0,32 % en 2019.

Les conditions de reconnaissance de linvalidité liée au service

L’invalidité liée au service doit résulter « de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie dune ou plusieurs personnes » (article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite).

Dans les deux cas, si le fonctionnaire ne peut réintégrer son service en raison de l’invalidité, ou qu’il n’a pas pu être reclassé dans un emploi compatible avec son état de santé ([146]), il peut être soit radié des cadres, soit bénéficier d’une retraite pour invalidité ([147]), sans condition d’âge, et bénéficier ainsi du versement de sa pension civile de retraite.

Dans le cas d’une invalidité liée au service, le fonctionnaire peut en outre prétendre à une rente viagère d’invalidité (RVI) ([148]), cumulable avec sa pension, qui a vocation à réparer le préjudice corporel subi par les fonctionnaires.

Les modalités de calcul de la retraite pour invalidité des fonctionnaires

La retraite pour invalidité est calculée dans les conditions de droit commun, moyennant plusieurs dérogations :

− la retraite est calculée sur la base du taux plein, sans décote, quel que soit l’âge auquel l’assuré part à la retraite. Le calcul ne tient donc pas compte de la durée d’assurance applicable à l’assuré ou de l’âge légal de départ à la retraite (article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite) ;

− en outre, si le taux d’invalidité est égal ou supérieur à 60 %, le montant de la pension ne peut être inférieur à 50 % du traitement retenu lors de la liquidation (article L. 30 du même code).

● Les militaires se trouvant dans l’incapacité d’exercer leurs fonctions pour motif d’infirmité ou d’invalidité sont définitivement réformés, ce qui leur ouvre droit au versement de leur pension militaire de retraite, à laquelle s’ajoute une pension militaire d’invalidité (PMI), si l’invalidité est d’origine professionnelle, conformément à l’article L. 121-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

● Le tableau ci-après retrace les effectifs des bénéficiaires de pensions d’invalidité – au sens de « pension de retraite » – au sein de chaque fonction publique : le nombre de retraités au titre de l’invalidité dans la fonction publique varie ainsi en proportion entre 6,2 % du total des pensions dans la fonction publique d’État à près de 12 % dans la fonction publique territoriale.

Effectifs de retraités disposant d’une pension d’invalidité
au 31 décembre 2018

Fonction publique considérée

 

Ensemble

En % du nombre de pensions de droit direct

Fonction publique de lÉtat – Pensions civiles (*)

Pensions d’invalidité

82 176

6,2

Total des pensions de droit direct

1 314 831

100

Fonction publique de lÉtat – Pensions militaires

Pensions d’invalidité

27 112

6,9

Total des pensions de droit direct

391 133

100

Fonction publique territoriale (CNRACL)

Pensions d’invalidité

74 150

11,9

Total des pensions de droit direct

621 261

100

Fonction publique hospitalière (CNRACL)

Pensions d’invalidité

51 728

9,3

Total des pensions de droit direct

556 393

100

(*) Hors La Poste et Orange.

Source : Projet de loi de finances pour 2020, Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique.

Il convient de relever que dans la quasi-totalité des cas, les pensions attribuées avant l’âge de 40 ans sont des pensions pour invalidité : pour les militaires, notamment, 11 636 pensions d’invalidité étaient versées en 2018 pour des assurés de moins de 35 ans, soit près de 100 % des pensions versées avant cet âge (11 646 pensions au total). Ce constat vaut également dans les autres fonctions publiques, dans des proportions bien moins élevées en considération du nombre de pensions : seules 27 pensions attribuées avant l’âge de 35 ans dans la fonction publique d’État (dont 26 pensions d’invalidité), ou 47 pensions d’invalidité au même âge (soit le total des pensions liquidées avant 35 ans) dans la fonction publique territoriale.

C.   Les conséquences de la création du système universel sur la prise en compte de l’invalidité dans ces régimes

L’extension du bénéfice de la retraite pour inaptitude à l’ensemble des assurés du système universel, comme le prévoit l’article 30 du projet de loi, n’est pas sans incidence sur les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux pour lesquels l’invalidité définitive ouvre droit principalement à la liquidation d’une pension de retraite, sans considération d’âge.

Selon l’article 30, en cas d’invalidité ou d’inaptitude définitive, le droit à une retraite pour inaptitude sans décote sera ainsi ouvert pour tous les assurés à compter de l’âge de 62 ans. Si cette harmonisation permettra de traiter sur un pied d’égalité l’ensemble des assurés invalides au regard de la retraite, elle présente l’inconvénient de supprimer toute prise en charge de l’invalidité des fonctionnaires, magistrats, militaires et assurés de certains régimes spéciaux jusqu’à l’âge de 62 ans.

En conséquence, les conditions de création d’une assurance invalidité pour les assurés concernés doivent être clarifiées. Pour les fonctionnaires titulaires, cette clarification relève du domaine de la loi et fait l’objet du présent article. Pour les assurés des régimes spéciaux, d’après l’étude d’impact, « un dispositif équivalent sera prévu par voie réglementaire » afin « dactualiser les décrets constitutifs ».

II.   Le champ de l’habilitation

L’article 31 propose d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir les conditions de mise en place des nouvelles dispositions statutaires d’invalidité à destination des fonctionnaires et des militaires.

Il vise ainsi à autoriser le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à créer de « nouveaux dispositifs statutaires » () destinés à assurer la couverture des fonctionnaires et des militaires contre le risque d’invalidité, que l’invalidité soit d’origine professionnelle ou non. L’ordonnance devra veiller tout particulièrement à l’articulation de ces dispositifs avec celles du futur système universel de retraite, d’une part, et aux modalités de prise en compte de « la spécificité de la fonction militaire ».

Elle devra également déterminer les « règles de gestion » de ces nouveaux dispositifs ().

Le autorise également le Gouvernement à définir les modalités d’articulation et, le cas échéant, les conditions d’évolution de ces nouveaux dispositifs d’invalidité avec les règles statutaires applicables :

– aux congés, disponibilités et à l’indemnisation pour raison de santé ainsi qu’à la radiation des cadres pour inaptitude au service ;

− aux fonctionnaires et militaires relevant du code des pensions militaire d’invalidité et des victimes de guerre, d’autre part.

L’étude d’impact précise que les périodes accomplies avant l’âge de 62 ans dans le nouveau dispositif statutaire d’invalidité seront prises en compte, pour le calcul du droit à retraite, au titre des périodes d’interruption d’activité. Cela permettra, selon la même source « déviter de figer le montant de leur retraite au moment de leur radiation des cadres ou des contrôles pour invalidité », qui peuvent intervenir très précocement pour certaines catégories d’assurés.

Cette mesure bénéficiera en particulier aux militaires, pour lesquels les départs pour invalidité sont en moyenne très précoces (27 ans en moyenne ([149]), contre 56,6 ans pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers et 57 ans pour les fonctionnaires d’État), donnant lieu à des pensions de retraite d’un montant très faibles (431 euros par mois en moyenne, hors pensions militaires d’invalidité versées en application du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre).

Le projet de loi de ratification de l’ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

*

*     *

 


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Chapitre III
La reconnaissance de la pénibilité et de la dangerosité de certains métiers

Section 1
Prise en compte des effets de lexposition à des facteurs de risques professionnels

Article 32
Retraite pour incapacité permanente

● La présente section vise à harmoniser les conditions de prise en compte de la pénibilité et de l’exposition aux facteurs de risques professionnels au sein du système universel, grâce à l’extension du champ de la retraite pour incapacité permanente (article 32) et du compte professionnel de prévention (article 33) à la quasi-totalité des assurés du système universel de retraite.

Ce commentaire d’article dresse à ce titre un panorama des modalités de prise en compte de la pénibilité au sein du secteur privé, des trois fonctions publiques et des régimes spéciaux.

Le présent article vise, en particulier, à étendre aux fonctionnaires ainsi qu’aux agents des régimes spéciaux le bénéfice de la retraite pour incapacité permanente liée à une maladie professionnelle, un accident du travail ou à l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels ayant entraîné une incapacité permanente, créée par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites dans le but d’améliorer la prise en compte de la pénibilité des travailleurs salariés.

Les conditions de bénéfice à la retraite pour incapacité permanente sont a priori maintenues, c’est-à-dire que le taux d’incapacité permanente requis sera d’au moins 10 % si le lien entre l’incapacité et l’exposition à des risques professionnels est avéré, ou 20 % minimum pour une ouverture du droit à la retraite pour incapacité permanente sans condition.

Ce dispositif permettra ainsi à l’ensemble des assurés du système universel, à l’exception des marins et des militaires, de bénéficier d’un départ anticipé dès 60 ans au taux plein, et l’âge d’équilibre sera abaissé à l’âge de départ de l’assuré.

Comme le droit en vigueur le prévoit, les assurés atteints d’une pathologie liée à l’exposition à certains facteurs de risques professionnels non pris en compte dans le cadre du compte professionnel de prévention (C2P) – exposition à des agents chimiques dangereux, vibrations mécaniques, postures pénibles ou manutentions manuelles de charges – bénéficieront d’une procédure dérogatoire et simplifiée d’accès au dispositif d’incapacité permanente.

I.   une prise en compte très hétérogène de la pénibilité en fonction des régimes de retraite

A.   L’exposition aux risques professionnels concerne l’ensemble des secteurs d’activité

Publiée à la fin du mois de décembre 2019 par la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail, la dernière enquête SUMER, réalisée auprès de plus de 1 200 médecins du travail et 26 500 travailleurs du secteur privé ou des trois fonctions publiques suivis par ces médecins, révèle que l’exposition aux facteurs de risques professionnels existe dans l’ensemble des catégories de travailleurs.

L’exposition aux contraintes posturales et articulaires, qui est le principal facteur de risques tous secteurs confondus, est ainsi élevée quel que soit le secteur d’activité considéré : plus de sept travailleurs sur dix y sont exposés, en moyenne, le taux d’exposition le plus bas étant relevé au sein de la fonction publique d’État (55,8 % des répondants exposés), et le plus élevé dans la fonction publique hospitalière (82,7 %).

Proportion de salariés exposés aux grands types de contraintes physiques

(en %)

Grands types de contraintes physiques

Ensemble des employeurs

Secteur privé

Fonction publique dÉtat

Fonction publique territoriale

Fonction publique hospitalière

Contraintes posturales et articulaires

71,5

71,6

55,8

80,6

82,7

Manutention manuelle de charges

34,3

35,0

41,5

43,1

53,5

Conduite (machine mobile, automobile, camion)

31,2

32,8

29,5

38,2

31,1

Nuisances sonores

32,9

31,4

22,0

35,3

27,0

Situations avec contraintes visuelles

30,0

30,3

18,8

30,2

14,2

Nuisances thermiques

21,0

20,8

13,8

27,0

14,0

Travail avec machines et outils vibrants

13,8

14,9

3,4

19,0

7,5

Radiations, rayonnements

2,7

2,6

1,9

1,0

5,1

Travail en air et espace contrôlés

2,1

2,1

1,9

0,1

4,6

Source : DARES, « Les expositions aux risques professionnels dans la fonction publique et le secteur privé en 2017, Enquête Sumer 2017, Synthèse.Stat’ n° 31, décembre 2019.

Les résultats de l’enquête révèlent que les métiers de la fonction publique hospitalière (FPH) sont particulièrement concernés par l’exposition à certains facteurs de pénibilité.

Les agents de la FPH sont ainsi très fréquemment exposés aux contraintes posturales et articulaires, en raison le plus souvent d’un travail en position debout ou en situation de piétinement : cette situation concerne ainsi 65,8 % des agents, et 41,8 % des agents subissent cette situation plus de 10 heures par semaine.

Ces agents sont également particulièrement concernés par le travail de nuit, puisque 11 % d’entre eux sont concernés par le travail entre minuit et 5 heures du matin au moins quarante-cinq nuits par an, soit plus du double de l’ensemble des salariés, tous secteurs confondus (5,1 %). Les agents de la FPH sont enfin particulièrement exposés au risque chimique, puisque 57 % sont exposés dans le cadre de leur activité professionnelle à au moins un agent chimique, contre 32,3 % des salariés en moyenne.

Les agents de la fonction publique territoriale sont également très concernés par l’exposition aux contraintes posturales et articulaires (80,6 % des agents contre 71,5 % en moyenne), ainsi qu’aux nuisances sonores (43,1 % des agents concernés contre 32,9 % en moyenne).

B.   Des dispositifs hétérogènes de prise en compte de la pénibilité en fonction des régimes

1.   Pour les salariés du régime général et les salariés agricoles, un dispositif fondé sur la prévention et la reconnaissance de dix critères de pénibilité

Pour les salariés du privé et les salariés agricoles, l’exposition aux facteurs de risques professionnels au cours de la carrière est principalement mesurée à partir des dix facteurs de risques mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail.

Facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail

 

Facteurs de risques

Pris en compte dans le cadre du C2P

1° Contraintes physiques marquées

a) Manutentions manuelles de charges

Non

b) Postures pénibles définies comme positions forcées des articulations

Non

c) Vibrations mécaniques

Non

2° Environnement physique et agressif

a) Agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées

Non

b) Activités exercées en milieu hyperbare

Oui

c) Températures extrêmes

Oui

d) Bruit

Oui

3° Certains rythmes de travail

a) Travail de nuit

Oui

b) Travail en équipes successives alternantes

Oui

c) Travail répétitif

Oui

L’exposition dans la durée à un ou plusieurs de ces facteurs peut, dans certaines conditions, ouvrir droit à un dispositif de départ anticipé pour incapacité permanente (cf. infra), ou permettre de cumuler des points au compte professionnel de prévention (C2P) (cf. commentaire de l’article 33). Le cas échéant, le compte peut permettre :

– soit un départ anticipé à la retraite à compter de 60 ans ;

– soit une réduction de l’activité pénible exercée, sans perte financière ;

– soit le suivi d’une formation en vue d’une reconversion vers un métier moins pénible.

2.   Pour les agents relevant de la fonction publique : un dispositif de « catégories actives » qui repose principalement sur la réparation

La prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique se traduit principalement par le dispositif des catégories d’emploi, qui distingue les catégories sédentaires, d’une part, et les catégories actives, d’autre part. Ces dernières regroupent les emplois « présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles ».

Justifié par des risques spécifiques tels que l’insalubrité, la dangerosité ou des facteurs de pénibilité avérés, le classement en catégorie active donne droit, pour les agents remplissant les conditions requises, au bénéfice de certains avantages en matière de retraite, tels qu’un départ anticipé à la retraite, ainsi que des bonifications ou majorations spécifiques.

Le classement d’un emploi en catégorie active relève de la voie réglementaire, et plus précisément de décrets en Conseil d’État ([150]), pour les fonctionnaires de l’État, et d’un arrêté ministériel pris respectivement après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière, pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ([151]).

Ainsi que l’a rappelé un rapport de notre collègue sénateur Francis Delattre en 2014 ([152]), la prise en compte des conditions pénibles de travail est très ancienne puisque le principe d’un droit de départ à la retraite précoce pour les fonctionnaires de la « partie active » est apparu pour la première fois dans une ordonnance royale du 12 janvier 1825 ([153]), puis a été inscrit dans la loi du 9 juin 1853 sur les retraites des fonctionnaires.

Comme le souligne ce rapport, le système des catégories actives retenu dans la fonction publique « repose sur une approche collective » puisque le classement en catégorie active, dans la fonction publique d’État, est mentionné dans les statuts d’emploi, contrairement au compte professionnel de prévention qui retient une approche de suivi individuel des expositions pour les salariés du secteur privé.

Cette approche collective n’est toutefois pas exempte de défauts, puisqu’elle ne permet pas de tenir compte, selon l’auteur de ce rapport, « de lenvironnement dans lequel les fonctionnaires évoluent », ni « de la durée pendant laquelle ils occupent un poste plus ou moins exposé à certains risques ou fatigues ».

3.   Au sein des régimes spéciaux, des dispositifs disparates de reconnaissance et de compensation de la pénibilité

Une dizaine de régimes spéciaux de retraite, dont la liste est fixée par le décret n° 2014-1617 du 24 décembre 2014 fixant la liste des régimes spéciaux de retraite mentionnée à l’article L. 4162-1 du code du travail, comportent un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité et n’entrent pas, à ce titre, dans le champ d’application du compte professionnel de prévention, conformément au second alinéa de l’article L. 4163-4 du code du travail.

Il s’agit notamment du régime de retraite de l’Opéra national de Paris, du régime du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ou encore du régime de retraite des marins.

a.   Des dispositifs de départ anticipé à la retraite pour certains métiers

Certains régimes spéciaux ont fait le choix d’abaisser collectivement l’âge de départ à la retraite pour tenir compte des conditions de travail pénibles qui s’appliquent à l’ensemble des membres d’une profession.

● Tel est le cas, notamment, du régime de l’Opéra national de Paris, qui permet à ses danseurs de liquider leurs droits à retraite dès l’âge de 40 ans, dès 50 ans ([154]) pour les artistes du chœur ou encore dès 60 ans pour les musiciens, chefs de chant et pianistes accompagnateurs ([155]). Ce droit à départ anticipé est ouvert sans condition de durée d’exposition aux conditions de travail pénibles. Toutefois, pour les personnels occupant des emplois reconnus comme « comportant des fatigues exceptionnelles » ou « qui ont accompli dix-sept ans de services effectifs dans ces emplois », l’âge légal d’ouverture du droit à pension est fixé à 57 ans. Pour que les « fatigues exceptionnelles » soient reconnues, deux facteurs parmi les trois suivants – travail de nuit fréquent, organisation du temps de travail générant des contraintes importantes et port fréquent de charges lourdes – doivent être attestés. Les emplois concernés sont les agents de sécurité incendie, les machinistes transporteurs, les transporteurs manutentionnaires, les techniciens lumière ainsi que les machinistes ([156]).

Le régime de la Banque de France accorde également un droit à départ anticipé pour certains métiers, sous réserve que ces derniers aient été exercé pendant au moins vingt ans. Les professions concernées sont les ouvriers papetiers ayant travaillé au moins vingt ans en travail posté, les chauffeurs-convoyeurs ainsi que les ouvriers imprimeurs ayant travaillé pendant vingt ans en régime « H24 ».

À l’instar des régimes de la fonction publique, le régime de retraite de la RATP établit également une distinction entre les services sédentaires et les services actifs ([157]). Pour les services sédentaires, sauf exceptions, l’âge de départ est fixé à 62 ans. Pour les assurés relevant des services actifs, sous réserve de justifier de vingt-sept années de services valables dans leur emploi, l’âge de départ anticipé est fixé à ([158]) :

– 52 ans, pour le personnel d’exécution de la filière : « exploitation du réseau ferré » − sous-filières « Receveurs et machinistes » −, ainsi que de la filière « Entretien et ateliers » (agents des équipes de pose des voies, d’entretien des lignes caténaires, des ateliers et chantiers souterrains, etc.). Certains agents de maîtrise ou cadres sont également concernés ;

– 57 ans, pour les agents d’exécution des filières « Informatique » et « Magasins », ainsi que pour les agents de maîtrise de plusieurs filières (« Informatique », « Magasins des dépôts du réseau routier ») ou sous-filières (« Contrôle administratif et enquêtes », « Travaux » notamment).

b.   Des dispositifs de bonification ou de majoration de la pension en compensation de l’exposition à des conditions de travail pénibles

Au sein du régime des industries électriques et gazières, la compensation de la pénibilité se traduit, pour certains agents recrutés avant le 1er janvier 2009 et relevant des services dits « actifs » ou des services dits « insalubres », par une bonification de leur pension.

Dans le premier cas, pour les services actifs, la majoration est égale à deux mois pour un an de services actifs. Dans le second cas, pour les services insalubres, la majoration équivaut au tiers de la durée effectuée au sein desdits services, soit quatre mois de bonification pour un an de services insalubres.

C.   L’ambition rappelée par le rapport « Delevoye » : assurer des règles communes aux secteurs publics et privé pour la prise en compte de la pénibilité

1.   Des différences de prise en compte de la pénibilité difficilement justifiables

La coexistence, dans les secteurs publics et privés, de systèmes très différents de prévention et de réparation de la pénibilité au cours de la vie professionnelle demeure particulièrement difficile à justifier dans de nombreuses situations.

Si, pour certaines catégories d’agents publics occupant des postes régaliens présentant un haut niveau de dangerosité – policiers, militaires –, l’existence de dispositifs particuliers se justifie par la spécificité même de leur métier, tel n’est pas le cas dans nombre d’autres métiers qui peuvent être exercés dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Comment justifier, par exemple, la différence de prise en compte des conditions de travail d’un infirmier exerçant dans un centre hospitalier public, qui aura le droit sous conditions de partir à la retraite dès 57 ans quelles que soient les tâches accomplies au cours de sa carrière, et d’un infirmier exerçant les mêmes tâches dans un établissement privé, qui bénéficiera du C2P seulement si ses tâches sont effectivement reconnues comme l’ayant exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels ? L’approche catégorielle retenue par le système de catégorie active empêche dans le premier cas une individualisation de la prévention et de la réparation de l’exposition aux facteurs de risques professionnels.

Les différences de prise en compte de la pénibilité entre les agents publics et les salariés du secteur privé se manifestent également de manière croissante s’agissant des contractuels de la fonction publique, puisque ces derniers, en tant que bénéficiaires d’un contrat de droit privé, ont accès au C2P, alors que leurs collègues fonctionnaires classés en catégorie active sont éligibles, sous conditions, au départ anticipé à la retraite, quand bien même la nature des tâches effectuées serait similaire.

2.   Assurer l’équité de prise en compte de la pénibilité pour tous les travailleurs : les propositions du rapport Delevoye

a.   La généralisation du compte professionnel de prévention (C2P) à l’ensemble des catégories de travailleurs

Pour mettre fin à la diversité des conditions de reconnaissance et de prise en compte de la pénibilité dans les régimes actuels, et assurer l’équité de traitement dans le cadre du système universel, le rapport de M. Jean-Paul Delevoye a souligné la nécessité d’harmoniser l’ensemble des dispositifs visant à tenir compte de la pénibilité : « pour un même métier, quil soit exercé dans le secteur public ou dans le secteur privé, les mêmes droits devront être accordés ».

Pour assurer la transition de l’ensemble des travailleurs vers le C2P, et notamment « prendre en compte les spécificités de lorganisation du travail » dans certains secteurs, le rapport préconisait néanmoins l’ouverture d’une concertation relative à l’aménagement du compte professionnel de prévention en matière de seuil d’exposition aux facteurs de risque, en particulier le travail de nuit.

b.   L’extinction progressive des départs anticipés des régimes spéciaux et de la fonction publique

Selon le rapport de M. Delevoye, « dès lors quil nexiste pas de justification objective à ce que des droits différents soient appliqués pour un même métier au seul motifs que les statuts professionnels soient différents, léquité exige quil soit mis fin aux droits spécifiques des régimes spéciaux et de la fonction publique ».

Le projet de loi prévoit en conséquence l’extinction progressive des dérogations des régimes spéciaux et de la fonction publique, afin d’organiser, pour les agents qui relèvent de ces régimes, la prise en compte de la pénibilité dans le cadre du C2P (cf. commentaire de l’article 33) et de la retraite pour incapacité permanente (cf. infra).

Néanmoins, certaines professions aux conditions de travail très spécifiques telles que les marins, ainsi que les professions exerçant des missions régaliennes de maintien de l’ordre et de la sécurité publique (cf. commentaire de l’article 36) et les militaires (cf. commentaire de l’article 37) conserveront un dispositif propre de prise en compte de droit au départ anticipé à la retraite. Ces agents resteront exclus du dispositif du C2P.

Compte tenu du nombre de travailleurs concernés – un peu plus de 2 millions dans la fonction publique d’État, 1,98 million dans la fonction publique territoriale et 1,19 million dans la fonction publique hospitalière, soit près de 6 millions au total rien que pour les trois fonctions publiques – et de l’enjeu que constitue l’obligation de repenser l’intégralité de la prise en compte de l’exposition aux facteurs de risques professionnels dans ces secteurs, tant en termes de reconnaissance que de prévention et de réparation, la phase de transition s’étendra sur plusieurs années.

Les modalités de mise en œuvre de cette phase transitoire sont détaillées aux articles 38, concernant les catégories actives de la fonction publique, et 39 concernant les régimes spéciaux.

 

Les évolutions des catégories actives
dans le système universel de retraite

 

Les catégories actives et les départs anticipés dans les régimes spéciaux pour lesquels il existe des fonctions comparables dans le secteur privé

Les catégories actives correspondant à des fonctions spécifiques aux administrations publiques

 

 

Fonction publique hospitalière, ouvriers de l’État, agents techniques des collectivités, RATP, SNCF, IEG, Opéra de Paris, Comédie Française, Banque de France
80 % des effectifs

Police nationale, administration pénitentiaire, douanes, Ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, sapeurs-pompiers, police municipale
20 % des effectifs

 

 

Fermeture des dispositifs catégories actives
Ouverture du C2P

Maintien dun droit à départ anticipé
Resserrement des conditions douverture aux fonctions exposées
Exclusion du C2P

Source : extrait du rapport de M. Jean-Paul Delevoye, Pour un système universel de retraite, juillet 2019.

II.   Le dispositif proposÉ : extension de la possibilitÉ de dÉpart anticipÉ À la retraite en cas d’incapacitÉ permanente liÉe À un ou plusieurs facteurs de risques professionnels

Le présent article crée une nouvelle section 2 intitulée « Prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels » au sein du nouveau chapitre II « Départs anticipés » du titre IX du livre Ier du code de la sécurité sociale créé par l’article 28 du projet de loi.

Cette section 2 est composée de deux articles :

– l’article L. 192-4 étend à l’ensemble des travailleurs la possibilité de départ anticipé à la retraite pour les personnes justifiant d’une incapacité permanente en lien avec l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels au cours de leur carrière ;

– l’article L. 192-5 définit les modalités de départ anticipé à la retraite au titre de l’utilisation du compte professionnel de prévention. Cette disposition est présentée au sein du commentaire de l’article 33.

A.   L’État du droit

1.   La genèse du dispositif

L’article 79 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a ouvert la voie à la prise en compte des effets de l’exposition à des facteurs de risques professionnels – alors appelés facteurs de « pénibilité » – en permettant aux assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail liés à cette exposition, de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite et d’une pension à taux plein.

Le choix d’inscrire ce dispositif dans le cadre du système de reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles permettait une mise en place immédiatement opérationnelle de ce système, et tout à la fois maîtrisée, puisque la définition, le champ et les modalités de reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles sont clairement définis dans le code de la sécurité sociale.

En l’état du droit, seuls les salariés du régime général ([159]), les salariés du régime agricole ([160]) ainsi que les personnes non salariées des professions agricoles ([161]) peuvent bénéficier de ce dispositif.

2.   Les modalités d’ouverture du droit à la retraite anticipée pour incapacité permanente

Les conditions de départ anticipé en cas d’incapacité permanente liée à un accident du travail ou une maladie professionnelle causée par l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels sont précisées, pour le régime général, à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale.

3.   Les assurés concernés

a.   Le taux d’incapacité requis

Selon le I de cet article, les assurés concernés par le dispositif sont les assurés justifiant d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2 du même code « au moins égale à un taux déterminé par décret ».

Selon l’article L. 434-2, le taux d’incapacité permanente est ainsi déterminé « daprès la nature de linfirmité, létat général, lâge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que daprès ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu dun barème indicatif dinvalidité ».

Le décret n° 2011-353 du 30 mars 2011 a fixé ce taux d’incapacité permanente à 20 % (article D. 351-1-9 du code de la sécurité sociale).

Ce taux peut néanmoins être atteint « par laddition de plusieurs taux dincapacité permanente reconnus à la suite dune maladie professionnelle ou dun accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre dune maladie professionnelle, sous réserve quun taux dincapacité permanente au moins égal à 10 % ait été reconnu au titre dune même maladie professionnelle ou dun même accident de travail ».

Pour les assurés atteints d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 20 % et reconnu au titre d’une maladie professionnelle, le droit à la retraite est ainsi ouvert sans conditions.

Pour les assurés dont le taux d’au moins 20 % est consécutif à un accident du travail, ce droit est également ouvert sans conditions sous réserve que les lésions constatées soient identiques avec celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle (cf. infra).

Selon le III de l’article L. 351-1-4, le taux minimum d’incapacité permanente peut être abaissé à 10 %, sous réserve :

– d’une part, que l’assuré puisse justifier d’une exposition, pendant au moins dix-sept ans, à l’un des dix facteurs de risques professionnels définis à l’article L. 4161-1 du code du travail ([162]) ;

– d’autre part, que l’incapacité permanente de l’assuré soit directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques.

L’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels doit être attestée par une commission pluridisciplinaire, chargée d’apprécier la validité des modes de preuve apportés par l’assuré.

À titre dérogatoire, l’ordonnance n° 2017-1389 ([163]) a aménagé des conditions d’accès plus favorables pour les travailleurs exposés à certains facteurs de risques professionnels. En application du dernier alinéa du III de l’article L. 351‑1-4, l’assuré présentant un taux d’incapacité permanente compris entre 10 et 19 % reconnu au titre d’une maladie professionnelle consécutive à l’exposition à au moins l’un des facteurs de risques professionnels mentionnés au 1° et au a du 2° de l’article L. 4161-1 du code du travail, peut ainsi bénéficier de la retraite anticipée pour incapacité permanente, sans que la condition de durée d’exposition ou l’avis de la commission pluridisciplinaire soient requis.

Les quatre facteurs de risques donnant accès à ce dispositif dérogatoire de reconnaissance de l’incapacité permanente sont les quatre facteurs de risques professionnels qui étaient pris en charge dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) créé par la loi du 20 janvier 2014, mais qui ne sont plus pris en compte par le compte professionnel de prévention qui l’a remplacé en 2018, c’est-à-dire :

– les manutentions manuelles de charges (a du 1°) ;

– les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations (b du 1°) ;

– les vibrations mécaniques (c du 1°) ;

– les agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées (a du 2°).

b.   Les maladies professionnelles ou accidents du travail entrant dans le champ du dispositif

Le taux d’incapacité permanente précité doit être reconnu directement en lien avec :

– soit une maladie professionnelle, au sens de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

– soit un accident du travail au sens de l’article L. 411-1 du même code et « ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre dune maladie professionnelle ».

● D’après l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle « toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ». Un peu plus d’une centaine de tableaux sont, à ce jour, annexés au code de la sécurité sociale.

En 2017, selon les statistiques rendues publiques par l’assurance maladie, 42 731 maladies professionnelles ont été dénombrées pour le régime général. Dans plus de huit cas sur dix, ces maladies sont des affections périarticulaires (84 %). Les autres causes de maladies professionnelles, très inférieures en proportion, sont liées notamment à la manutention de charges lourdes (5 %) ainsi qu’à l’amiante (2 %) ([164]).

● La définition des accidents du travail relève de l’article L. 411-1 du même code, qui considère comme accident du travail, « quelle quen soit la cause, laccident survenu par le fait ou à loccasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs dentreprise ».

Tous les accidents de travail ne répondent cependant pas à la notion de « lésions identiques à celles indemnisées au titre dune maladie professionnelle » posée par l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale.

Ainsi que le soulignait le rapport de M. Denis Jacquat, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale du projet de loi du 13 juillet 2010 portant réforme des retraites ([165]), l’objectif posé par cette limitation du champ des accidents du travail est de « prendre en compte lensemble des situations où la réalisation dun travail pénible a eu un impact sur la santé du salarié, indépendamment, le cas échéant, du fait générateur de la lésion ». Ainsi, « le fait de retenir cette expression permet de faire bénéficier du dispositif [de retraite anticipée pour incapacité permanente] les salariés victimes dun accident du travail résultant dun épisode aigu et entraînant les mêmes conséquences quune maladie professionnelle, afin de respecter le principe dégalité ».

Le rapport donnait l’exemple de « la répétition du port de charges lourdes susceptible de conduire à une maladie professionnelle reconnue au titre du tableau 98 « Affections chroniques du rachis lombaire » qui provoque des douleurs liées à une hernie discale. Cependant, un effort soudain et brutal, dû à ce même port de charges lourdes, peut entraîner une hernie discale avec les mêmes conséquences médicales. » En l’espèce, l’accident du travail a effectivement entraîné chez le salarié des légions durables, l’exposant aux mêmes contraintes que si ces lésions avaient été la conséquence d’une maladie professionnelle.

● Il convient de relever que, bien qu’ils entrent dans le champ de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), les accidents de trajet sont cependant exclus du champ du dispositif de retraite anticipée, pour des raisons évidentes liées à l’absence de causalité directe entre la survenance d’un tel accident et la dégradation de l’état de santé du travailleur pour des raisons imputables au travail.

4.   Les effets de la reconnaissance du droit à la retraite anticipée pour incapacité permanente

La reconnaissance du droit à la retraite anticipée pour incapacité permanente ouvre droit à deux avantages pour les bénéficiaires.

Il s’agit, en premier lieu, de l’abaissement de deux ans de l’âge de départ à la retraite pour les assurés remplissant les conditions pour en bénéficier de ce dispositif, soit 60 ans au lieu de 62 ans (I de l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale).

En outre, la pension de retraite liquidée est calculée au taux plein, et ce « même si lassuré ne justifie pas de la durée requise dassurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires ». Les assurés ayant atteint l’âge de 60 ans et remplissant les conditions posées par l’article L. 351-1-4 sont donc exonérés de l’obligation de justifier d’une durée d’assurance minimale ou d’atteindre l’âge d’annulation de la décote.

5.   Le nombre de bénéficiaires

Lors de la mise en place de ce dispositif, en 2010, le nombre de bénéficiaires de la retraite anticipée pour incapacité permanente était estimé à 10 000 personnes. Ce dispositif reste cependant peu mobilisé, puisqu’entre 2 500 à 3 500 bénéficiaires par an ont été recensés.

Le nombre de bénéficiaires n’a pas significativement augmenté malgré l’adaptation des conditions de recours à la retraite anticipée pour incapacité permanente prévu par l’ordonnance n° 2017-1789 du 22 septembre 2017, qui a étendu la possibilité de solliciter la retraite anticipée en cas d’exposition à l’un des quatre facteurs de risques professionnels non pris en compte dans le cadre du C2P. Au contraire, le nombre d’attributions de retraite pour incapacité permanente a légèrement fléchi.

Ainsi, en 2018, un peu plus de 2 400 retraites anticipées ont été attribuées par le régime général au titre de l’incapacité permanente en 2018, contre plus de 3 000 en 2014. Parmi elles, « les deux tiers ont concerné des assurés présentant un taux dincapacité permanente égal ou supérieur à 20 % » ([166]). À la Mutualité sociale agricole, 500 salariés agricoles ainsi que 300 exploitants agricoles en ont également bénéficié en 2018.

Répartition des retraites anticipées au titre de l’incapacité permanente selon le régime

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Part des nouveaux retraités en 2018 (en %)

Régime général

983

3 025

3 388

3 078

3 227

2 990

2 814

2 401

0,4 %

MSA salariés agricoles

 

753

923

889

926

906

811

501

0,9 %

MSA non-salariés

 

190

284

335

342

335

355

315

0,9 %

Source : Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Retraites » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

B.   Le dispositif de retraite pour incapacité permanente liée à l’exposition aux facteurs de pénibilité sera étendu à la quasi-totalité des assurés du système universel

L’article 32 maintient le dispositif de retraite pour incapacité permanente dans les conditions actuelles, tout en l’étendant à la quasi-totalité des fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux.

1.   La garantie d’une retraite à taux plein dès 60 ans

Afin de permettre aux bénéficiaires du dispositif de retraite anticipée de partir à la retraite dès 60 ans, en bénéficiant du taux de rendement de l’âge du taux plein, le I de l’article L. 192-4 abaisse de deux années, de 62 ans à 60 ans, l’âge légal d’ouverture du droit à la retraite fixé par l’article L. 191-1 créé par l’article 23 de ce projet de loi.

En conséquence, le II du même article L. 192-4 abaisse également l’âge d’équilibre mentionné à l’article L. 191-5 à l’âge atteint lors du départ en retraite de l’assuré. Ainsi, l’assuré souhaitant liquider sa retraite au titre de ce dispositif de départ anticipé ne pourra se voir appliquer de coefficient d’ajustement.

2.   Les conditions d’accès au dispositif

L’article L. 192-4 du code de la sécurité sociale créé par le présent article maintient les mêmes conditions d’accès à la retraite anticipée pour incapacité permanente liée à l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels que celles actuellement définies par l’article L. 351-1-4 du même code pour le régime général.

a.   Le maintien de deux taux distincts

Ainsi, le I précise que l’âge de la retraite est abaissé de deux ans pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2, au moins égale à un taux déterminé par décret. D’après l’exposé des motifs du projet de loi, ce taux devrait être maintenu à 20 % minimum pour bénéficier sans conditions du dispositif d’incapacité permanente.

Le III maintient en outre une voie d’accès à la retraite anticipée à un taux inférieur à 20 %, pour les assurés ayant été exposés, pendant un nombre d’années déterminé par voie réglementaire, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail (1°), sous réserve qu’un lien de causalité direct soit établi entre cette exposition et l’incapacité permanente dont l’assuré est atteint (2°).

Le cas échéant, la tâche de vérification de l’effectivité de ce lien de causalité resterait confiée à une commission pluridisciplinaire, « dont lavis simpose à lorganisme chargé de la gestion du système universel de retraites », selon des conditions définies par décret. Comme c’est le cas actuellement, la composition, le fonctionnement et le ressort territorial de cette commission seront précisés par décret, ainsi que les éléments du dossier à propos desquels la commission sera chargée de rendre son avis.

L’exposé des motifs du projet de loi précise que ce taux d’incapacité dérogatoire au taux de 20 % resterait fixé à 10 %, comme c’est le cas actuellement. De même, la durée minimum d’exposition requise devrait être maintenue à dix‑sept ans, comme aujourd’hui.

b.   Le maintien d’une dispense de justification en cas d’exposition à certains facteurs de risques professionnels

Le I de l’article L. 192-4 renvoie à un décret le soin de préciser les conditions de justification de son incapacité permanente par l’assuré, « en fonction du régime dont il relève ». D’après l’étude d’impact, ce décret aura pour objet de tenir compte des différentes modalités de couverture du risque AT-MP au sein des régimes spéciaux.

Le dernier alinéa du III de l’article L. 192-4 reconduit la procédure dérogatoire et simplifiée d’accès au dispositif d’incapacité permanente pour les travailleurs atteints d’une maladie professionnelle dont l’origine est imputable à une l’exposition à des agents chimiques dangereux, des vibrations mécaniques, des postures pénibles ou des manutentions manuelles de charges.

Le cas échéant, l’assuré n’a pas à justifier d’une durée d’exposition minimale à un ou plusieurs de ces risques. Il n’est pas non plus tenu d’établir le lien de causalité entre sa pathologie et l’exposition aux risques professionnels. De plus, l’avis de la commission pluridisciplinaire n’est pas requis dans cette situation.

La liste des maladies professionnelles concernées par cette dérogation sera fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, à l’instar de la liste fixée par arrêté du 26 décembre 2017 pour le régime général et les professions agricoles ([167]).

3.   Les catégories de travailleurs concernées

Contrairement à la situation qui prévalait auparavant, dans le cadre du système universel, le dispositif de retraite anticipé s’appliquera également aux fonctionnaires ainsi qu’aux salariés relevant des régimes spéciaux.

Deux catégories de travailleurs restent néanmoins exclues du dispositif, compte tenu des spécificités de leurs métiers.

Il s’agit, selon le IV de l’article L. 192-4 :

– des marins mentionnés à l’article L. 5551-1 du code des transports, c’est‑à-dire soit les « gens de mer » embarqués sur un navire battant pavillon français et exerçant leur activité dans les secteurs du commerce, de la pêche et des cultures marines et de la plaisance professionnelle, soit les « gens de mer » résidant en France de manière stable et régulière et embarqués sur un navire battant pavillon d’un État étranger, sous certaines conditions ;

– des militaires relevant de la quatrième partie du code de la défense, tels que mentionnés au 5° de l’article L. 721-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 6 de ce projet de loi (cf. commentaire de l’article 37).

C.   Le nombre de bÉnÉficiaires attendu

L’étude d’impact ne donne aucune estimation du nombre de bénéficiaires estimé après l’élargissement du dispositif aux fonctionnaires et agents des régimes spéciaux.

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*     *

 


–  1  –

Article 33
Généralisation du compte personnel de prévention

L’article 33 étend le compte professionnel de prévention (C2P), créé par l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, aux fonctionnaires et agents des régimes spéciaux. Seuls les militaires et marins seront exclus du bénéfice du compte, au regard du maintien de dispositifs adaptés aux sujétions particulières auxquelles ils sont soumis.

Les principes généraux du compte ne sont pas modifiés : seuls six facteurs de risques permettront d’acquérir des points sur le compte ; en outre, les trois utilisations du compte – départ anticipé, temps partiel et formation professionnelle – seront maintenues.

L’âge légal d’ouverture du droit à la retraite sera abaissé à 60 ans, comme aujourd’hui, pour les assurés exposés à des facteurs de risques professionnels souhaitant bénéficier d’un départ anticipé et disposant d’un nombre suffisant de points sur leur compte. L’âge d’équilibre sera quant à lui abaissé de deux ans au maximum dans le cadre de ce départ anticipé.

En outre, le plafond de 100 points inscriptibles au compte est supprimé : les travailleurs exposés à plusieurs facteurs de pénibilité pendant leur carrière bénéficieront ainsi d’un accès facilité aux différentes modalités d’utilisation du C2P, grâce à la faculté d’acquérir davantage de points sur le compte.

I.   Le droit en vigueur

A.   La genÈse du dispositif

L’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention a profondément modifié les règles de prise en compte de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, qui relevaient principalement, depuis la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P).

En réponse aux difficultés rencontrées par certains employeurs dans le cadre du C3P pour mesurer l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risques professionnels, l’ordonnance n° 2017-1389 a en effet substitué le compte professionnel de prévention (C2P) au C3P, en réduisant le champ de ce nouveau compte à six facteurs de risques, considérés comme plus aisément mesurables.

En contrepartie, les quatre autres facteurs de risques ont été basculés dans le dispositif de retraite anticipée pour incapacité (cf. commentaire de l’article 32).

L’ordonnance de 2017 a également transféré la gestion du C2P à la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), alors que cette gestion relevait jusqu’alors de la branche assurance vieillesse. Le financement du C2P est en conséquence assuré par la branche AT-MP.

L’un des objectifs du C2P, outre la réparation, est d’inciter résolument les employeurs à diminuer le degré de pénibilité des postes de travail.

B.   Le champ d’application

En vertu du premier alinéa de l’article L. 4163-4 du code du travail, peuvent acquérir des droits au titre du compte professionnel de prévention « les salariés des employeurs de droit privé ainsi que le personnel des personnes publiques employés dans les conditions du droit privé ».

Sont donc exclus du champ d’application du compte les agents relevant des trois fonctions publiques, d’une part, et, selon le second alinéa du même article L. 4163-4, les salariés « affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation des effets de lexposition à certains risques professionnels » (cf. encadré).

Liste des régimes spéciaux de retraite comportant un régime spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité

1° Régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France ;

2° Régime de retraite des industries électriques et gazières ;

3° Régime de retraite des personnels de l’Opéra national de Paris ;

4° Régime de retraite des personnels de la Comédie-Française ;

5° Régime de retraite des clercs et employés de notaire ;

6° Régime de retraite du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ;

7° Régime de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) ;

8° Régime de retraite des marins ;

9° Régime de retraite du personnel titulaire du Port autonome de Strasbourg ;

10° Régime de retraite des personnels des mines et des entreprises assimilées.

Source : décret n° 2014-1617 du 24 décembre 2014 fixant la liste des régimes spéciaux de retraite mentionnée à larticle L. 4162-1 du code du travail.

C.   Les facteurs de risques professionnels pris en compte dans le cadre du C2P

L’article L. 4161-1 du code du travail recense dix facteurs de risques professionnels relatifs à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail (cf. commentaire de l’article 32). Seuls six de ces risques sont pris en compte dans le cadre du professionnel de prévention. Il s’agit :

– des activités exercées en milieu hyperbare (b du 2°) ;

– des températures extrêmes (c du 2°) ;

– du bruit (d du 2°) ;

– du travail de nuit (a du 3°) ;

– du travail en équipes successives alternantes (b du 3°) ;

– du travail répétitif (c du 3°).

Les seuils et durée d’exposition à ces facteurs de risques sont précisés à l’article D. 4163-2 du code du travail.

Seuils associÉs aux facteurs de risques professionnels pris en compte dans le cadre du compte professionnel de prÉvention

Facteur de risques professionnels

Seuil

Action ou situation

Intensité minimale

Durée minimale

Au titre de lenvironnement physique agressif

Activités exercées en milieu hyperbare (art. R. 4461-1)

Interventions ou travaux

1 200 hectopascals

60 interventions ou travaux par an

Températures extrêmes

Température inférieure ou égale à 5 degrés Celsius ou au moins égale à 30 degrés Celsius

900 heures par an

Bruit (art. R. 4431-1)

Niveau d’exposition au bruit rapporté à une période de référence de huit heures d’au moins 81 décibels

600 heures par an

Exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels

120 fois par an

Au titre de certains rythmes de travail

Travail de nuit (art. L. 3122-2 à L. 3122-5)

Une heure de travail entre 24 heures et 5 heures

120 nuits par an

Travail en équipes successives alternantes

Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures

50 nuits par an

Travail répétitif

Temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes : 15 actions techniques ou plus

900 heures par an

Temps de cycle supérieur à 30 secondes, temps de cycle variable ou absence de temps de cycle : 30 actions techniques ou plus par minute

Source : Art. D. 4163-2 du code du travail.

D.   Les conditions d’acquisition des points

Selon l’article L. 4163-5 du code du travail, toute exposition d’un travailleur à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels pris en compte dans le cadre du C2P, au-delà des seuils d’exposition définis par l’article D. 4163-2 du même code, ouvre droit à l’acquisition de points sur le compte.

Le nombre de points susceptibles d’être acquis chaque année pour les salariés exposés est fixé, par voie réglementaire ([168]), à :

– 4 points en cas d’exposition à un seul facteur de risque professionnel ;

– 8 points en cas d’exposition à plusieurs facteurs de risques professionnels.

Conformément au dernier alinéa de l’article L. 4163-5 du même code, le nombre de points pouvant être acquis par un salarié au cours de sa carrière est plafonné à 100 points ([169]).

Les employeurs sont tenus de déclarer aux caisses d’assurance retraite les niveaux d’exposition de leurs salariés aux facteurs de risques pris en compte dans le cadre du C2P dans les conditions prévues à l’article L. 4163-1 du même code.

Le cas échéant, cette exposition peut être déterminée par un accord collectif de branche étendu, ou être définie à partir d’un référentiel professionnel de branche homologué par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et des affaires sociales (article L. 4163-2 du même code).

E.   Les modalitÉs d’utilisation du compte

Le I de l’article L. 4163-7 définit trois modalités d’utilisation partielle ou totale des points inscrits sur le compte. Il s’agit :

– soit de la prise en charge d’une action de formation professionnelle continue à des fins de reconversion professionnelle vers un emploi non exposé ou a minima moins exposé aux facteurs de risques professionnels. 20 points minimum sont réservés à l’utilisation de cette modalité. Chaque point utilisé donne droit à 375 euros d’abondement du compte personnel de formation (CPF) ([170]) ;

– soit d’une réduction de la durée de travail, grâce au financement par le compte du complément de la rémunération et des contributions sociales légales et conventionnelles afférentes. 10 points donnent le droit de réduire le temps de travail sans réduction de salaire ;

– soit d’un départ à la retraite avant l’âge légal de départ en retraite de droit commun, grâce à la validation de trimestres de majoration de durée d’assurance vieillesse. En pratique, ce dispositif permet d’obtenir gratuitement l’attribution de trimestres supplémentaires pour le calcul du droit à retraite, 10 points permettant d’obtenir un trimestre supplémentaire, dans la limite de huit trimestres – soit un départ anticipé de deux années au maximum.

F.   Le nombre de salariÉs concernÉs

Pour les salariés, la création du C2P s’est accompagnée d’une amélioration de la connaissance de leurs droits. L’accès à leur compte personnel en ligne sur le site www.compteprofessionnelprevention.fr leur permet en effet de disposer d’une vision exhaustive du solde de points acquis au fil de leur carrière et de formuler les demandes d’utilisation de points.

À la fin de l’année 2018, un peu plus de 1,3 million de salariés exposés à au moins un facteur de pénibilité disposaient d’un compte professionnel de prévention ([171]).

Nombre de personnes ayant ouvert un compte professionnel de prÉvention depuis le 1er janvier 2015 (chiffres en cumul d’annÉes)

Année

2015

2016

2017

2018

Nombre de personnes

580 818

1 048 498

1 282 300

1 303 238

Source : CNAV, mai 2019.

D’après l’étude d’impact, en 2019, le nombre de demandes d’utilisation du compte s’est élevé à :

– 3 800 demandes au titre de la majoration de la durée d’assurance vieillesse, permettant un départ anticipé à la retraite ;

– 1 250 demandes pour un passage à une activité à temps partiel ;

– 350 demandes de formation professionnelle.

Cette structuration des demandes s’explique, d’une part, par la montée en charge progressive du dispositif : son caractère récent explique le relatif faible nombre d’assurés ayant pu avoir recours à l’une des trois possibilités d’utilisation du compte en 2019. En outre, les générations nées avant le 31 décembre 1962 ont un nombre de point réservé à la formation professionnelle moins élevé – voire nul, pour les salariés nés avant le 1er janvier 1960 – que les générations suivantes (20 points), ce qui explique que très peu de demandes de formation professionnelle aient été formulées.

II.   L’extension du C2P proposÉe dans le cadre du systÈme universel

A.   Un champ d’application Étendu aux fonctionnaires civils et aux assurÉs des rÉgimes spÉciaux

1.   Le C2P s’appliquera aux fonctionnaires et aux assurés des régimes spéciaux

En vertu de l’article L. 4163-4 du code du travail, le C2P s’applique en l’état du droit aux « salariés des employeurs de droit privé » ainsi qu’au « personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé ».

Compte tenu de l’ouverture du compte aux fonctionnaires, le du I remplace cette mention à l’article L. 4163-4 par un renvoi aux seuls « salariés » – ce qui comprend, a priori, les salariés des régimes spéciaux – ainsi qu’aux « agents publics civils », qui renvoient aux fonctionnaires des trois fonctions publiques (État, territoriale et hospitalière). Le en tire les conséquences à l’article L. 4111-1 du code du travail, relatif au champ d’application de la quatrième partie du code du travail relative à la santé et à la sécurité du travail.

Le rapporteur s’étonne, néanmoins que l’extension du champ du C2P se traduise par l’intégration d’une référence aux fonctionnaires dans le code du travail, ce qui n’est pas l’usage.

Par coordination, le du I remplace les références au mot « salarié » par le mot « travailleur » au premier alinéa de l’article L. 4163-5 ainsi qu’aux articles L. 4163-6, L. 4163-7, L. 4163-9 et L. 4163-10 du même code, relatifs respectivement aux obligations de déclaration, aux conditions d’ouverture des droits, aux modalités d’attribution des points ainsi qu’aux conditions d’utilisation du compte. Une modification similaire est effectuée au II de l’article L. 4163-2.

De même, le a du du I modifie la référence au « contrat de travail » par le « contrat de recrutement », pour tenir compte de l’absence de contrat de travail pour les agents publics.

2.   Deux exceptions aménagées pour les marins et les militaires

Selon le du I, deux catégories de travailleurs sont exclues de l’application du dispositif : les marins mentionnés à l’article L. 5551-1 du code des transports, d’une part, et les militaires, d’autre part.

La première catégorie, celle des marins, connaît en effet un rythme de travail très particulier justifiant qu’une prise en compte dérogatoire de la pénibilité leur soit accordée. Quant aux militaires, la dangerosité de leurs missions et les sujétions particulières qui leur sont applicables expliquent le maintien d’un dispositif distinct de compensation de la pénibilité, dans les conditions prévues à l’article 37 de ce projet de loi.

3.   Le nombre de bénéficiaires attendus

D’après l’étude d’impact, l’extension du C2P aux fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux pourrait concerner 165 000 personnes supplémentaires. En outre, la même source indique qu’environ 100 000 assurés par génération née après les années 1990 auront au moins un point sur leur C2P.

Un peu moins de la moitié d’entre eux, 45 000, auraient au moins 23 points sur le compte, ce qui correspond au seuil permettant d’avancer l’âge de leur départ à la retraite.

Cela représente une augmentation d’environ 15 000 bénéficiaires d’un départ anticipé au sein du système universel.

Effectifs d’assurÉs ayant des points dans le C2P, par gÉnÉration
(Estimations avant et aprÈs la rÉforme)

Source : Étude dimpact, daprès la CNAV.

L’extension du C2P aux fonctionnaires se traduira, pour les trois fonctions publiques, par un enjeu de gestion et de mesure de la pénibilité : chaque employeur public, à l’instar des employeurs privés, devra en effet mesurer l’exposition de ses agents aux risques professionnels ouvrant droit à des points au titre du C2P.

B.   des rÈgles d’acquisition des points assouplies

Le principe d’acquisition des points fixé par l’article L. 4163-5 et précisé par voie réglementaire sera maintenu dans le nouveau dispositif : seuls les six critères retenus dans le cadre du C2P par l’ordonnance n° 2017-1389 permettront d’acquérir des points.

Toutefois, les travailleurs exposés à l’un ou à plusieurs de ces six facteurs bénéficieront de droits renforcés puisque le du I supprime le plafond mentionné à l’article L. 4163-5 du code du travail, qui limitait à 100 points le nombre de points maximal acquis au cours de la carrière.

En pratique, d’après l’étude d’impact, ce déplafonnement pourra se traduire par une augmentation de 60 % des droits pour un salarié ayant effectué toute sa carrière avec une exposition à un seul critère, et jusqu’à 320 % des droits pour un salarié ayant effectué toute sa carrière en étant exposés à plusieurs critères de pénibilité.

Un assuré exposé à un facteur de pénibilité sur la durée, ou exposé simultanément et fréquemment à plusieurs facteurs de risques acquerra ainsi plus facilement la possibilité, s’il a cumulé suffisamment de points, de suivre une formation professionnelle en vue de sa reconversion vers un poste moins pénible, d’exercer une activité à temps partiel sans baisse de revenu ou de profiter de la possibilité de départ anticipé à la retraite, le cas échéant en combinant ces différentes possibilités d’utilisation du C2P.

En outre, d’après l’étude d’impact, les seuils relatifs au travail de nuit et au travail en équipes successives alternantes seront abaissés dans le cadre du système universel, passant :

– de 50 à 30 nuits par an pour le travail en équipes successives alternantes ;

– de 120 à 110 nuits par an pour le travail de nuit.

L’abaissement de ces seuils relève néanmoins de la voie réglementaire et n’est donc pas évoquée au sein de l’article 33.

C.   Certaines rÈgles d’utilisation du compte seront adaptÉes pour tenir compte des modalitÉs de calcul de la retraite dans le systÈme universel

Le présent article ne modifie pas les trois critères d’utilisation du compte professionnel de prévention : les salariés ayant acquis des points au titre du C2P pourront ainsi continuer de les mobiliser, en application du I de l’article L. 4163-7 du code du travail, soit pour financer une formation professionnelle en vue d’une reconversion vers un métier moins exposé aux facteurs de pénibilité (1°), soit pour diminuer leur temps de travail hebdomadaire (2°), soit pour un départ anticipé à la retraite grâce à une majoration du nombre de trimestres validés (3°).

Néanmoins, ce dernier critère est complété par le du I pour tenir compte des nouvelles règles de calcul de l’âge de départ à la retraite dans le cadre du système universel.

L’article L. 192-5 nouveau créé par le II prévoit ainsi que peuvent être abaissés, dans la limite de vingt-quatre mois :

– d’une part, l’âge d’ouverture du droit à retraite fixé à 62 ans par l’article L. 191-1 ;

– d’autre part, par voie de conséquence, l’âge d’équilibre fixé à l’article L. 195-1.

Ces deux âges sont abaissés « à due concurrence du nombre de mois danticipation du départ en retraite » au titre de l’utilisation du C2P.

Toutefois, l’assuré ne pourra bénéficier de la majoration mentionnée à l’article L. 191-5 qu’à compter de l’atteinte de l’âge d’équilibre.

Le tire les conséquences en termes de coordination de ces dispositions à l’article L. 4163-13 du code de la sécurité sociale relatif à l’utilisation du C2P pour la retraite.

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*     *

 


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Article 34
Ordonnance relative à la gestion et au financement du dispositif de retraite pour incapacité permanente et du compte professionnel de prévention

L’article 34 vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre toute mesure relative à la gestion et au financement des deux dispositifs de prise en compte de la pénibilité au sein du régime universel de retraite : la retraite pour incapacité permanente et le compte professionnel de prévention (C2P).

En effet, la retraite pour incapacité permanente est actuellement gérée par la branche vieillesse du régime général ou des régimes agricoles, alors que le C2P est géré par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) du régime général, mais certaines missions ont été déléguées à la CNAV.

En outre, le financement des deux dispositifs incombe en l’état du droit à la branche AT‑MP, sous réserve d’un reversement à la branche vieillesse visant à compenser le coût des départs anticipés.

Si plusieurs possibilités de gestion et de financement sont ouvertes, l’étude d’impact écarte néanmoins la solution de les confier aux branches AT-MP des différents régimes, au motif notamment que certains régimes ne disposent pas d’une telle branche.

I.   le droit en vigueur

1.   Des modalités de gestion distinctes pour le dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente et le C2P

a.   La gestion de la retraite pour incapacité permanente relève de l’assurance vieillesse

La gestion du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente est assurée, par la branche vieillesse du régime général, pour les salariés, et par la branche vieillesse de la mutualité sociale agricole (MSA), pour les salariés agricoles et exploitants agricoles.

L’instruction des demandes ([172]) et la liquidation des prestations relève donc du réseau des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT), pour le régime général, et des caisses de MSA, pour les régimes agricoles.

b.   La gestion du C2P est confiée à la branche AT-MP du régime général

À compter de l’entrée en vigueur du C2P, le 1er janvier 2018, l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 a confié la gestion de ce compte à la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) du régime général ainsi qu’au « réseau des organismes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles » du régime général (article L. 4163-14 du code du travail), alors que la gestion du compte professionnel de prévention de la pénibilité (C3P) relevait de la branche vieillesse du régime général.

S’agissant du C2P, la CNAM peut néanmoins déléguer la gestion du compte, par convention, à des « organismes gestionnaires », qui ont notamment pour mission, selon les articles L. 4163-15 et L. 4163-16 du même code :

– d’enregistrer sur le compte les points correspondant aux données déclarées par l’employeur ;

– de mettre en place une information régulière des travailleurs exposés aux facteurs de risques professionnels afin de les renseigner sur le nombre de points acquis et consommés ;

– de verser les sommes représentatives des points affectés par le travailleur à l’une des modalités d’utilisation du compte, selon les cas, aux financeurs des actions de formation professionnelle, aux employeurs concernés ou au régime de retraite compétent ;

– de procéder ou de faire procéder à des contrôles de l’effectivité et de l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, afin le cas échéant de procéder à des régularisations.

En pratique, la plupart de ces missions sont exercées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et par le réseau des CARSAT, au titre d’une convention de délégation, car ces tâches étaient d’ores et déjà exercées par la CNAV dans le cadre du C3P.

La mission de contrôle reste quant à elle exercée par la direction des risques professionnels de la CNAM.

2.   Un financement reposant sur des cotisations exclusivement patronales

En application du premier alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, le dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente et, depuis le 1er janvier 2018, le C2P sont tous deux financés au moyen d’une contribution de la branche AT-MP à la branche vieillesse. Cette contribution est financée par la majoration M4 du taux de cotisation brut versé par les entreprises à la branche AT‑MP (cf. encadré). Le choix de confier ce dispositif à la branche AT‑MP et non à la branche vieillesse visait ainsi à tenir compte du fait que la pénibilité est liée aux conditions de travail, et doit en conséquence être financée au moyen de cotisations exclusivement patronales.

● Créée par l’article 81 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, cette majoration M4 visait à couvrir les prévisions de dépenses supplémentaires engendrées par la mise en place du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente.

Au total, les dépenses prévisionnelles pour 2020 au titre de la retraite anticipée pour incapacité permanente et du C2P s’élevaient à 157,4 millions d’euros dans le régime général, et à 11,4 millions d’euros pour le régime agricole.

Les modalités de calcul du taux de cotisation AT-MP

Le taux de cotisation AT-MP est calculé chaque année en fonction :

– soit de la sinistralité de l’entreprise, pour les entreprises de plus de 150 salariés (tarification individuelle) ;

– soit de la sinistralité du secteur d’activité de l’entreprise, pour les entreprises de moins de 20 salariés (tarification collective) ;

– soit selon une tarification mixte, pour les entreprises de 20 à 149 salariés, en fonction de la sinistralité propre à l’entreprise mais en tenant compte de la sinistralité du secteur.

Le taux brut de cotisation correspond au rapport entre la valeur du risque et la masse salariale de l’établissement sur les trois dernières années connues.

Le taux net de cotisation est quant à lui obtenu après l’application au taux brut de quatre majorations relatives :

– au coût des accidents de trajet (M1) (taux de 0,19 % en 2019) ;

– aux frais de fonctionnement et à la moitié du reversement à l’assurance maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP (M2) (taux de 0,57 % en 2019) ;

– aux transferts vers les autres régimes, à l’autre moitié du reversement à l’assurance maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP, au fonds dédiés à la prise en charge spécifique des salariés exposés à l’amiante (M3) (taux de 0,44 % en 2019) ;

– au financement des dépenses supplémentaires liées à la pénibilité, au titre du compte professionnel de prévention et de la retraite anticipée pour incapacité (M4) (taux de 0,4 % en 2019).

La formule de calcul est la suivante :

Taux net = Taux brut x (1 + M2) + M1 x (1 + M2) + M3 + M4

Parmi les composantes de ce calcul, « Taux brut x (1 + M2) » constitue la part variable qui évolue directement avec la sinistralité. « M1 x (1 + M2) + M3 + M4 » évolue en fonction d’autres considérations réglementaires.

Source : Assurance maladie

● La transformation du C3P en C2P par l’ordonnance n° 2017-1389 s’est quant à elle accompagnée d’une modification des modalités de financement de ce compte, qui a été transféré à la branche AT-MP, alors que le financement du C3P était assuré par un fonds chargé du financement des droits liés à ce compte, au moyen de cotisations versées par les employeurs ([173]).

Le besoin de financement supplémentaire qui a résulté, pour la branche AT‑MP, du transfert du financement du C2P est assuré au moyen d’une majoration du taux de cotisation applicable à l’ensemble des entreprises, incluse dans la majoration M4.

En conséquence, le taux de la majoration M4 a été relevé en 2018 puis en 2019, pour couvrir le besoin de financement estimé, pour l’année 2019, à 254 millions d’euros. Cependant, compte tenu de la montée en charge progressive du C2P, « la montée en charge de cette réforme a peu impacté les charges de la branche [AT-MP], la prise en charge des aménagements de temps de travail et des formations des travailleurs exposés à des facteurs de pénibilité ayant été faible » ([174]).

Évolution de la majoration m4

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

0,02 %

0,00 %

0,00 %

0,00 %

0,01 %

0,01 %

0,03 %

0,04 %

Source : Rapport annuel 2018 de l’Assurance maladie – Risques professionnels.

● La branche AT-MP rembourse à la branche vieillesse du régime général les dépenses engagées au titre des départs anticipés pour incapacité permanente et, depuis 2018, au titre de l’utilisation du C2P. Les versements à la CNAV se sont élevés à 67 millions d’euros en 2017, 75 millions d’euros en 2018 et 111 millions d’euros en 2019 ([175]).

II.   Le dispositif proposé

A.   Le champ de l’habilitation

Cet article vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, afin de tirer les conséquences de l’élargissement du dispositif de retraite pour incapacité permanente et du C2P aux agents publics et aux agents des régimes spéciaux.

L’ordonnance, qui devra être publiée dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, aura pour objet :

– de définir, d’une part, « les organismes chargés de la gestion » du dispositif de retraite pour incapacité permanente et du C2P pour l’ensemble des assurés ;

– de définir, d’autre part, leurs modalités de financement par l’employeur ;

– le cas échéant, de définir les modalités de versement par les régimes concernés à ces organismes gestionnaires.

Le projet de loi de ratification de cette ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

B.   Les options de gestion et de financement

L’étude d’impact écarte, a priori, l’option consistant à confier la gestion et le financement des dispositifs de retraite pour incapacité permanente et du C2P aux différents régimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles car, contrairement au régime général et aux régimes agricoles, certains régimes spéciaux ne prévoient pas de couverture spécifique du risque AT-MP.

En outre, s’agissant des aspects financiers, une telle option complexifierait le dispositif « sans pour autant garantir de manière certaine le bon calibrage de la cotisation », selon la même source.

L’étude d’impact évoque une « concertation » préalable à la rédaction de l’ordonnance. Le rapporteur sera particulièrement vigilant à l’équilibre du dispositif qui sera retenu par l’ordonnance.

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Article 35
Amiante

L’article 35 vise à tirer les conséquences de l’entrée en vigueur du système universel de retraite sur le mécanisme de compensation de l’exposition des travailleurs à l’amiante au cours de leur vie professionnelle.

À cette fin, cet article adapte les règles relatives à l’acquisition de droits à retraite pour les bénéficiaires de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante (ACAATA) et de l’allocation équivalente ouverte aux agents publics, sans apporter de modification ni aux conditions de bénéfice de cette allocation, ni à son mode de calcul ou aux conditions de versement de l’allocation.

La principale modification apportée concerne l’âge maximal de bascule du bénéfice de l’ACAATA vers la retraite, qui est abaissé à l’âge d’équilibre de droit commun. La faculté d’un départ dès 60 ans est toutefois maintenue pour les assurés remplissant la condition de carrière complète, dans les conditions prévues à l’article du projet de loi relatif à la retraite minimale, soit 516 mois.

Cet article maintient enfin le principe du versement d’une cotisation à l’assurance vieillesse volontaire, afin de permettre à l’assuré de se constituer des droits à retraite pendant l’intégralité de la période de bénéfice de l’allocation. Le financement de ces droits continuera d’être assuré par le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA), qui reversera à la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) les cotisations afférentes.

I.   Le droit en vigueur

A.   l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA)

Afin de compenser le préjudice né de l’exposition présumée ou avérée de certains travailleurs à l’amiante, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 1999 a créé un dispositif permettant aux travailleurs ayant été ou susceptibles d’avoir été au contact de l’amiante au cours de leur vie professionnelle de bénéficier, sous certaines conditions, de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) ([176]).

1.   Les conditions d’attribution

L’ACAATA peut être assimilée à une « pré-retraite » au titre de l’exposition à l’amiante. Elle peut être accordée soit aux travailleurs atteints d’une maladie professionnelle provoquée par l’amiante, soit aux personnes travaillant ou ayant travaillé dans un établissement, un métier ou un port figurant sur une liste fixée par arrêté ministériel.

a.   Être reconnu atteint d’une maladie professionnelle

Le I de l’article 41 de la LFSS 1999 permet aux salariés du régime général ou du régime d’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP) des salariés agricoles de bénéficier de l’ACAATA dès lors que ces derniers ont été reconnus atteints d’une maladie professionnelle provoquée par l’amiante, telle que mentionnée par arrêté ministériel ([177]) et rappelée dans le tableau infra.

Maladies professionnelles provoquées par l’amiante
ouvrant droit à l’ACAATA

Tableau 30 des maladies professionnelles (régime général) ou tableau 47 (régime agricole)
Affections professionnelles consécutives à linhalation de poussières damiante

A

Asbestose : fibrose pulmonaire diagnostiquée sur des signes radiologiques spécifiques, qu’il y ait ou non des modifications des explorations fonctionnelles respiratoires.

C

Dégénérescence maligne broncho-pulmonaire compliquant les légions parenchymateuses et pleurales bénignes.

D

Mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde.

E

Autres tumeurs pleurales primitives.

Tableau 30 bis des maladies professionnelles (régime général) ou tableau 47 bis (régime agricole)
Cancer broncho-pulmonaire provoqué par linhalation de poussières damiante

 

Cancer broncho-pulmonaire primitif.

Source : Institut national de recherche et de sécurité (INRS).

Les personnes reconnues atteintes d’une maladie professionnelle liée à l’amiante dans les régimes concernés bénéficient de l’ACAATA dès l’âge de 50 ans.

b.   Travailler ou avoir travaillé dans un établissement ou un port figurant sur une liste fixée par arrêté ministériel

Selon le même I du même article, peuvent également bénéficier du dispositif de pré-retraite amiante les salariés et anciens salariés « des établissements de fabrication de matériaux contenant de lamiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à lamiante ou de construction et de réparation navales », à condition :

– de travailler ou d’avoir travaillé dans lesdits établissements, sous réserve que ces derniers figurent dans une liste établie par arrêté, pendant la période de fabrication ou de traitement de l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante. Pour les salariés du secteur de la construction et de la réparation navales, s’ajoute une condition de métier : seuls les métiers figurant sur une liste définie par arrêté peuvent prétendre au dispositif d’ACAATA ;

– d’avoir atteint l’âge de 60 ans, auquel on soustrait le tiers de la durée du travail effectué dans ces établissements. Cet âge ne peut, toutefois, être inférieur à 50 ans. Cela signifie, par exemple, qu’une personne ayant travaillé douze ans dans un établissement entrant dans le champ du dispositif peut partir quatre ans avant l’âge de 60 ans, soit à 56 ans.

Les dockers professionnels peuvent également, dans certaines conditions, bénéficier de l’ACAATA.

Le dispositif spécifique aux marins

L’article 150 de la loi de finances pour 2002 et ses textes réglementaires d’application ([178]) ont créé un dispositif de cessation anticipée d’activité en faveur des marins ayant été exposés à l’amiante.

Les marins concernés sont les marins âgés d’au moins 50 ans et de moins de 60 ans reconnus atteints d’une maladie professionnelle liée à l’amiante ou ayant été gravement exposés à l’amiante en raison de l’exercice de leur activité (exercice de fonctions « à la machine », de fonctions « polyvalence », ou navigation sur des navires transportant de l’amiante).

La formule de calcul de l’âge de début de versement de l’allocation est la même que dans le régime général : le tiers de la durée des services à la machine est soustrait de 60 ans.

c.   Un dispositif de réparation étendu progressivement à l’ensemble des fonctionnaires et agents contractuels de droit public

Alors qu’il n’était jusqu’alors réservé qu’aux fonctionnaires et agents contractuels relevant des ministères chargés respectivement de la défense et de la mer ainsi qu’aux ouvriers de l’État, les articles 146 de la loi de finances pour 2016 ([179]) et 134 de la loi de finances pour 2018 ([180]) ont étendu le bénéfice de ce dispositif via le versement d’une allocation spécifique de cessation anticipée d’activité (ASCAA) à l’ensemble des fonctionnaires et agents contractuels de droit public relevant des trois volets de la fonction publique ainsi qu’aux militaires.

L’article 134 de la loi de finances pour 2018 a par ailleurs permis à certains fonctionnaires placés en disponibilité ou en position hors cadre, d’une part, et aux ouvriers de l’État en contrat à durée indéterminée avec l’entreprise Naval Group ([181]), d’autre part, de bénéficier d’une reconstitution de carrière pour le calcul du montant de leur allocation amiante et, par conséquent, de leurs droits à retraite ([182]).

Les conditions de bénéfice de cette allocation sont relativement équivalentes à celles du privé. Ainsi, la période de bénéfice de l’allocation est prise en compte dans la constitution et la liquidation des droits à pension.

Extension progressive des bénéficiaires du dispositif de cessation anticipée d’activité au titre de l’amiante au sein des fonctions publiques

Art. 96 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003

Fonctionnaires et agents titulaires relevant du ministère de la défense.

Art. 157 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010

Fonctionnaires et agents titulaires relevant du ministère de la mer.

Art. 146 de la loi de finances n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016

Extension à l’ensemble des fonctionnaires et des agents contractuels des trois fonctions publiques.

Art. 134 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

● Extension aux militaires, par une modification de l’article 146 de la loi de finances pour 2016 ;

● Fixation des modalités particulières de calcul de l’ASCAA versée par le ministère des armées aux fonctionnaires en fonction dans Naval Group.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

2.   Un âge de départ avancé à 60 ans, sous réserve d’une durée d’assurance

● La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a maintenu, pour les travailleurs de l’amiante, le principe d’une liquidation à taux plein à 60 ans en cas de carrière complète – contre 62 ans dans le cas général.

Cette borne d’âge dérogatoire a, en outre, été étendue aux régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale par la LFSS pour 2013 ([183]) : l’ensemble des travailleurs de l’amiante relevant du régime général, des fonctions publiques et des régimes spéciaux peuvent donc bénéficier de l’ACAATA sous réserve d’avoir exercé dans un établissement ou un métier ouvrant droit au dispositif.

L’allocation est versée jusqu’à 60 ans, si l’assuré remplit la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une pension à taux plein à cet âge, ou continue d’être versée, chaque mois, jusqu’à ce que les conditions de la retraite à taux plein soient remplies, et au plus tard à 65 ans.

3.   Les règles de versement de l’ACAATA et des cotisations vieillesse afférentes

Le financement de l’ACAATA est assuré par le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA), qui finance à la fois l’ACAATA et les cotisations d’assurance vieillesse et de retraite complémentaire de ses bénéficiaires.

a.   Le montant de l’allocation versée

Les modalités de calcul et de versement de l’allocation ont été précisées par le décret n° 99-247 du 29 mars 1999, qui dispose notamment que :

– le montant de l’allocation est égal à 65 % du salaire brut de référence ([184]), c’est-à-dire la moyenne mensuelle brute des douze derniers mois d’activité salariée, dans la limite du plafond de la sécurité sociale (PASS), qui est égal à 3 377 euros en 2019. Ce montant peut être majoré de 50 % pour la part comprise entre une et deux fois ce même plafond, si le salaire mensuel de référence est supérieur au PASS ;

– le montant minimal garanti ne peut être inférieur au montant minimal de l’allocation d’assurance prévue à l’article L. 5422-1 du code du travail, qui s’élève, en 2019, à 1 170,92 euros. Cependant, « le montant de lallocation ainsi garantie ne peut excéder 85 % du salaire de référence ».

Sauf exceptions, l’allocation ne peut être cumulée avec d’autres revenus provenant de l’exercice d’une activité professionnelle, des allocations de chômage ou d’une pension de retraite.

b.   L’acquisition de droits à l’assurance vieillesse

Le IV de l’article 41 de la loi n° 98-1144 dispose que le FCATAA « assure, pendant la durée du versement de lallocation de cessation anticipée dactivité, le financement des cotisations à lassurance volontaire » mentionnée à l’article L. 742-1 du code de la sécurité sociale. Cet article est remplacé, par le présent projet de loi, par un dispositif similaire créé par l’article 27 de ce projet de loi. Les cotisations dues par les bénéficiaires de l’ACAATA resteront donc intégralement à la charge du Fonds.

Le FCAATA finance en outre « le versement de lensemble des cotisations aux régimes de retraite complémentaire » des salariés ou des salariés agricoles.

Ces cotisations sont versées par les caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) au titre de la retraite de base, et par la Caisse des dépôts et consignations, qui gère le fonds, au titre de la retraite complémentaire.

4.   Le profil des bénéficiaires et les dépenses engagées au titre de l’ACAATA

● Le nombre de bénéficiaires de l’ACAATA est en diminution depuis plusieurs années, passant de près de 23 800 à un peu plus de 14 200 bénéficiaires en 2017 et, selon l’étude d’impact, à 12 669 personnes en 2018 pour 1 717 établissements inscrits sur les listes ouvrant droit à l’ACAATA.

Les dépenses du Fonds sont donc en diminution depuis plusieurs années.

● L’ACAATA est versée par le FCAATA, dont le financement est très majoritairement assuré par une contribution de la branche AT-MP du régime général ([185]). Le montant de cette contribution est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale : il s’élève, au titre de l’année 2020, à 414 millions d’euros ([186]) pour la sécurité sociale.

Le montant versé par les employeurs publics s’est quant à lui élevé à un peu moins de 188 millions d’euros en 2017.

Nombre de bénéficiaires et montant des allocations de cessation d’activité pour cause d’amiante (ACAATA et ASCAA) versées entre 2013 et 2017

 

2013

2014

2015

2016

2017

Bénéficiaires de lACAATA

23 796

21 484

18 635

16 256

14 272

(en millions deuros)

Administrations de sécurité sociale

540

495

443

397

361

Autres administrations publiques

184

184

182

177

188

Source : DREES, « La protection sociale en France et en Europe en 2017, Résultat des comptes de la protection sociale », Édition 2019.

● Pour assurer le financement de ces allocations, la LFSS 2005 ([187]) a créé une contribution à la charge des entreprises au titre de leurs salariés ou anciens salariés bénéficiaires de l’ACAATA.

Le Fonds était également financé, jusqu’en 2016, par une fraction du produit de la taxe sur les tabacs (0,31 %). Cette source de financement a été supprimée par la LFSS 2017 ([188]).

Règles applicables à la contribution versée par les entreprises

● Toute entreprise dont un ou plusieurs salariés ont été admis au bénéfice de l’ACAATA au titre d’une maladie professionnelle liée à l’amiante est tenue de verser une contribution, au titre des cotisations AT-MP, en vue de supporter les dépenses occasionnées par la maladie.

Dans le cas d’une période de travail exercée dans un établissement figurant sur la liste retenue par arrêté ministériel, la contribution est à la charge de l’entreprise qui exploite l’établissement à la date d’effet de l’allocation du salarié.

● Le montant de la contribution est égal à 15 % du montant annuel brut de l’allocation, majoré de 40 % au titre des cotisations d’assurance vieillesse et de retraite complémentaire à la charge du Fonds, multiplié par le nombre d’années comprises entre l’âge d’admission et 60 ans. Aucune contribution n’est due si l’allocataire est âgé de plus de 60 ans.

Il existe deux cas d’exonération : l’une pour le premier bénéficiaire de l’ACAATA d’une entreprise ; l’autre pour les entreprises en situation de redressement ou de liquidation judiciaire.

De plus, la contribution due chaque année par une même entreprise ne peut dépasser 2 millions d’euros, ou 2,5 % de la masse salariale de l’avant-dernière année.

Source : ACOSS, lettre circulaire n° 2005-114 relative à la contribution des entreprises au Fonds de cessation anticipée des travailleurs de lamiante (FCAATA).

● En outre, le financement des départs anticipés des bénéficiaires de l’ACAATA est financé, depuis 2011 ([189]), par un transfert financier du FCAATA au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). D’après l’étude d’impact, en 2018, ce montant s’élevait à 112 millions d’euros.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article reprend la plupart des dispositions relatives aux conditions de bénéfice de l’ACAATA accordée aux travailleurs exposés à l’amiante au cours de leur vie professionnelle. Sont ainsi maintenues, sans modification, les dispositions relatives aux conditions d’accès à l’ACAATA, au calcul et au versement de cette allocation.

Cet article tire néanmoins les conséquences de l’entrée en vigueur du système universel en termes d’âge de départ et de financement du FCAATA.

1.   Les nouvelles conditions de durée d’assurance et d’âge relatives à la fin de versement de l’ACAATA

En l’état du droit, l’allocation est versée jusqu’à ce que le bénéficiaire remplisse les conditions d’assurance requises, et au minimum à l’âge de 60 ans. L’allocation cesse d’être versée au plus tard jusqu’à l’âge de 65 ans, âge auquel les conditions de durée d’assurance permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein sont réputées remplies.

Le du I du présent article adapte ces dispositions afin de tenir compte des nouvelles conditions de départ instituées dans le cadre du système universel de retraite, en modifiant l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Ainsi, pour les bénéficiaires entrant dans le système universel à compter de 2022 – pour les assurés nés à compter du 1er janvier 2004 – ou en 2025 – pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975, la fin du versement de l’ACAATA et son remplacement par une pension de retraite interviendront « lorsque le bénéficiaire justifie dune durée au moins égale à celle fixée en application du IV de larticle L. 195-1 du code de la sécurité sociale ». Cette condition de durée vient se substituer à l’actuelle condition de durée d’assurance requise pour bénéficier de la pension à taux plein.

Cette durée correspondant à une carrière complète est fixée, par le IV de l’article L. 195-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 40 du présent projet de loi, à 516 mois – soit quarante-trois années – pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1975 (cf. commentaire dudit article 40). Les périodes assimilées ayant donné lieu au versement de points gratuits en cas de maladie ou de chômage, par exemple, sont donc prises en compte pour le décompte de cette durée.

Les a et b du du I remplacent, à l’article 146 de la loi de finances pour 2016 susmentionnée, pour les fonctionnaires, la référence à l’âge de 65 ans jusqu’alors retenue pour ouvrir droit à la retraite à taux plein par la référence aux départs à l’âge d’équilibre au sein du système universel.

Par exception, toutefois, l’âge maximal de départ retenu pour les militaires est abaissé à la limite de durée de services qui leur est applicable, où à l’âge auquel ils sont placés en deuxième section (cf. commentaire de l’article 37), si cet âge est inférieur à l’âge d’équilibre.

● En tout état de cause, le bénéficiaire devra être âgé d’au moins 60 ans, comme c’est déjà le cas dans le droit en vigueur.

Toutefois, l’âge maximal auquel la condition de durée était jusqu’alors réputée remplie sera abaissé de 65 ans au niveau de l’âge d’équilibre fixé par l’article L. 191-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 10 de ce projet de loi.

De surcroît, afin de ne pas pénaliser les assurés dont la bascule vers la retraite interviendrait avant l’âge d’équilibre fixé par l’article L. 191-5, la retraite versée en remplacement du versement de cette allocation sera calculée en retenant, au titre de l’âge d’équilibre, « un âge abaissé à celui atteint par lassuré lors de la cessation du versement de lallocation ».

2.   Le maintien de la prise en charge des cotisations d’assurance vieillesse par le FCAATA

Le du I opère une coordination visant à préciser que le financement des cotisations à l’assurance volontaire opéré par le FCATAA sera assuré conformément aux dispositions de l’article L. 194-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 27 du projet de loi relatif notamment à l’assurance vieillesse volontaire, sans changement par rapport au droit en vigueur.

Le b du du II précise en outre à l’article 146 de la loi de finances pour 2016 relatif au versement de l’allocation pour les fonctionnaires et les militaires que les employeurs publics continueront d’assurer, pour les fonctionnaires et agents contractuels de droit public, le financement des cotisations à l’assurance volontaire mentionnée au même article nouveau L. 194-1.

D’après l’étude d’impact, les cotisations versées en contrepartie du financement des droits à retraite des bénéficiaires pendant la période de perception de l’ACAATA seront attribuées à la caisse nationale de retraite universelle

3.   Les dispositions de coordination pour les fonctionnaires et militaires

En toute logique, les II et III étendent aux fonctionnaires, militaires et agents concernés par le versement de l’allocation spécifique les modalités de versement des cotisations d’assurance volontaire. Ils tirent également les conséquences de plusieurs articles du projet de loi, notamment en matière de réversion.

● Le II opère les coordinations nécessaires avec divers articles du projet de loi au sein de l’article 146 de la loi de finances pour 2016.

Le a du dispose ainsi que l’ACAATA versée aux fonctionnaires peut être cumulée avec une pension militaire de retraite liquidée dans les conditions prévues par l’article 37 du projet de loi.

Le c du rend applicable la condition de durée et d’âge d’équilibre respectivement pour ces mêmes fonctionnaires et agents contractuels de droit public, d’une part, et pour les militaires, d’autre part.

● Enfin, le III étend aux ouvriers de l’État et aux fonctionnaires placés en disponibilité ou en position hors cadre dans l’entreprise Naval Group, dans les conditions fixées par le deuxième alinéa du IV de l’article 134 de la loi de finances pour 2018, les dispositions relatives aux cotisations d’assurance vieillesse volontaire.

*

*     *

 


–  1  –

Section 2
Maintien des départs anticipés pour les fonctions régaliennes

Article 36
Maintien des départs anticipés pour les métiers dangereux régaliens

L’article 36 crée un nouveau cadre de prise en compte, au regard de la retraite, des sujétions spéciales auxquelles sont exposés les agents publics exerçant des métiers régaliens dangereux, en lieu et place des actuelles catégories actives.

Le dispositif prévoit pour ces fonctionnaires le maintien dun âge de départ à la retraite et de limites dâge de départ dérogatoires par rapport au droit commun. Lâge déquilibre serait également abaissé, dans des conditions définies par voie réglementaire.

Sous réserve du décret définissant les catégories de fonctionnaires, l’âge minimal de départ anticipé pourrait être fixé à :

– 52 ans pour les policiers, surveillants pénitentiaires et ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, avec une limite d’âge fixée à 57 ans ;

– 57 ans pour les douaniers, sapeurs-pompiers professionnels et agents de police municipale, avec une limite d’âge fixée à 62 ans.

Près de 200 000 fonctionnaires seraient concernés par le maintien de telles dispositions dérogatoires. Le bénéfice de la retraite anticipée prévue par cet article ne serait pas cumulable, cependant, avec le bénéfice du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente ni avec la possibilité de départ anticipé au titre de l’utilisation du compte professionnel de prévention (C2P).

Compte tenu de l’extinction progressive des catégories actives et des bonifications ou avantages associés, le présent article prévoit la création d’une cotisation spéciale, à la charge des employeurs, ayant vocation à se substituer à l’actuelle bonification dite « du cinquième » et à garantir un égal niveau de pension aux fonctionnaires exerçant des métiers dangereux régaliens concernés par le maintien de dispositif de départ anticipé.

Une seconde cotisation nouvelle aura vocation à compenser le coût, pour le régime universel, des départs anticipés au titre du présent article.

I.   Le droit en vigueur

Au sein des trois fonctions publiques, la prise en compte de la pénibilité relève principalement de la distinction entre catégories actives et catégories sédentaires, seule la première catégorie ouvrant droit à certains avantages en termes dâge légal douverture du droit à retraite et de bonifications ou majorations à titre de compensation de lexposition à des facteurs de risques professionnels.

1.   Le nombre de fonctionnaires entrant dans le champ des catégories actives

Les données chiffrées relatives aux effectifs de la catégorie active dans les trois fonctions publiques sont relativement parcellaires, car pour certaines catégories demploi, notamment au sein des fonctions publiques hospitalière et territoriale, les statistiques disponibles ne permettent pas de distinguer, au sein dune catégorie demploi, les agents entrant dans le champ de la catégorie active ou non.

Au total, l’étude d’impact estime à 700 000 le nombre de fonctionnaires considéré en catégorie active dans l’ensemble des trois fonctions publiques.

● Au 31 décembre 2017, 177 900 agents ([190]) étaient susceptibles d’être classés en catégorie active dans la fonction publique d’État, la majorité d’entre eux exerçant des emplois relevant du ministère de l’intérieur (66,8 %), à l’instar des agents de police nationale, ou du ministère de la justice (16,4 %), tels les agents de surveillance de l’administration pénitentiaire ([191]).

Au sein de la fonction publique territoriale, le nombre de fonctionnaires territoriaux susceptibles doccuper un emploi classé en catégorie active était estimé par la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de lintérieur entre 5 et 10 % des effectifs au 31 décembre 2011. Ces estimations ne peuvent être précisées davantage compte tenu du fait que lappartenance à un cadre demploi ne suffit pas à déterminer si lagent est en catégorie active, à lexception de deux professions : les sapeurs-pompiers professionnels et les agents de police municipale.

S’agissant de la fonction publique hospitalière, le nombre d’agents en catégorie active était estimé à 463 112 agents titulaires au 31 décembre 2017, ce qui représenterait près des deux tiers de l’ensemble des agents de cette fonction publique. Les fonctionnaires hospitaliers classés en catégorie active sont ainsi majoritaires dans la fonction publique hospitalière.

2.   Les conditions de départ anticipé pour les fonctionnaires de la catégorie active

Les conditions de départ anticipé au titre de la catégorie active sont fixées par le 1° du I de larticle L. 24 du code des pensions civiles et militaires. Cet article subordonne ainsi le bénéfice de louverture du droit à la retraite anticipée à une condition de durée minimale de service, fixée pour le cas général à dix-sept ans.

Pour les générations nées à partir de 1955, ce même article fixe l’âge de départ à la retraite pour les fonctionnaires en catégorie active à 57 ans, soit cinq années plus tôt que l’âge de départ à la retraite pour les fonctionnaires en catégorie dite « sédentaire » fixé à 62 ans.

Compte tenu des spécificités de leurs métiers, l’âge de départ à la retraite ainsi que la condition de durée minimale de service des fonctionnaires classés en catégorie active peuvent être modulés. En particulier, l’âge d’ouverture des droits des fonctionnaires dits « super-actifs » est fixé à 52 ans à compter de la génération née en 1965.

Âges d’ouverture des droits et limites d’âge des principaux emplois de fonctionnaires classés en catégorie active

Fonction publique dÉtat

Âge d’ouverture des droits

Limite d’âge

Personnels actifs de la police nationale

52 ans si 27 ans de service

57 ans

Personnels de surveillance de ladministration pénitentiaire

52 ans si 27 ans de service

57 ans

Ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne

52 ans si 17 ans de service

59 ans

Personnels de la surveillance des douanes

57 ans si 17 ans de service

62 ans

Instituteurs ([192]) (stock)

57 ans

62 ans

Agents dexploitation des travaux publics de lÉtat

62 ans

Éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (stock)

62 ans

Personnels paramédicaux des hôpitaux militaires

62 ans

Techniciens supérieurs du développement durable et syndics des gens de mer (certains emplois)

64 ans

Fonction publique territoriale

 

 

Agents des réseaux souterrains des égouts

52 ans si 32 ans de services dont 12 dans les réseaux souterrains dont 6 consécutifs

62 ans

Sapeurs-pompiers professionnels

57 ans si 17 ans de service

62 ans

Agents de police municipale

Agents de surveillance de la préfecture de Police

Personnels médicaux, infirmiers, paramédicaux et de soin exerçant dans des services de santé

Agents dentretien et agents techniques (certains emplois)

Fonction publique hospitalière

 

 

Personnels infirmiers et paramédicaux en contact avec les malades nayant pas exercé le droit doption prévu à larticle 37 de la loi n° 2010-751 (renoncement aux droits liés au classement en catégorie active)

57 ans si 17 ans de service

62 ans

Autres personnels hospitaliers (aides-soignants, agents de services hospitaliers)

Assistantes sociales dont lemploi comporte un contact direct et permanent avec les malades (stock)

Puéricultrices en fonction dans les services de pédiatrie nayant pas exercé le droit doption prévu à larticle 31 du décret n° 2010-1139 (renoncement aux droits liés au classement dans la catégorie active)

Maîtres ouvriers et ouvriers professionnels (certaines fonctions)

Agents dentretien (certaines fonctions)

Agents de service mortuaire et de désinfection

Source : Projet de loi de finances pour 2020, Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique.

● D’après le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2020, les départs anticipés au titre de la catégorie active représentaient, en 2018 :

– 44 % des départs anticipés des civils de la fonction publique d’État ([193]), et 20,8 % de l’ensemble des départs à la retraite dans cette fonction publique ;

− 10 % des départs anticipés dans la fonction publique territoriale, et 5,8 % de l’ensemble des départs ;

− 56 % des départs anticipés dans la fonction publique hospitalière, soit 43,4 % de l’ensemble des départs.

En moyenne, les fonctionnaires éligibles au départ anticipé pour catégorie active liquident ainsi leur pension à 59 ans et 4 mois, dans les fonctionnaires civils de l’État, à 59 ans et 11 mois, pour les fonctionnaires territoriaux, et à 59 ans et 1 mois pour les fonctionnaires hospitaliers.

3.   D’autres avantages indemnitaires visent à compenser les conditions de travail pénibles au cours de la carrière

En complément de la possibilité de départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires classés en catégories actives, d’autres dispositifs de type indemnitaire visent à tenir compte de la pénibilité de certains métiers ou activités.

Dans la fonction publique d’État, par exemple, des indemnités pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants peuvent être attribuées à certains corps techniques. Les agents publics appelés à effectuer des tâches marquées par une dangerosité particulière, tels que les fonctionnaires de police, bénéficient en outre d’indemnités de sujétions spéciales.

Des indemnités ou primes de même nature existent dans la fonction publique territoriale, telle que l’indemnité de feu accordée aux sapeurs-pompiers professionnels, qui a pour effet de majorer leur pension de retraite ([194]), ou l’indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants accordée à certains personnels de la fonction publique hospitalière.

En outre, certains corps de la fonction publique classés dans la catégorie active – policiers, ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, surveillants pénitentiaires et douaniers exerçant des fonctions de surveillance, sapeurs-pompiers professionnels – bénéficient d’une bonification dite « du cinquième », qui consiste à accorder une annuité supplémentaire par période de cinq années de services effectifs. Elle est plafonnée à cinq annuités.

Les fonctionnaires hospitaliers dont la limite d’âge est fixée à 62 ans bénéficient également d’une majoration de la durée d’assurance correspondant à une année supplémentaire par période de dix années de services effectifs (majoration dite « du dixième »), sous réserve d’avoir effectué dix-sept années de services.

Au total, la quasi-totalité des militaires retraités (99,7 %) ([195]), les deux tiers des agents retraités de la fonction publique hospitalière (66,1 %), un peu plus de la moitié des anciens agents civils de l’État (54,1 %) et près de la moitié des agents retraités de la fonction publique territoriale (45,5 %) bénéficiaient d’une bonification en 2018. Le champ des bonifications ne recouvre cependant pas exactement celui des catégories actives.

II.   Le dispositif proposÉ

Conformément aux préconisations du rapport de M. Jean-Paul Delevoye ([196]), cet article maintient la possibilité de départ anticipé pour les seuls fonctionnaires exerçant des missions régaliennes caractérisées par une dangerosité particulière, pour les agents eux-mêmes ou pour autrui, et par des sujétions difficiles. La préservation de la limite d’âge applicable à ces agents se justifie, notamment, par la nécessité de ne pas compromettre leur faculté et leur aptitude physique à exercer leurs missions.

Les autres fonctionnaires relevant actuellement d’un placement en catégorie active entreront dans le champ de la retraite anticipée pour incapacité permanente et du compte professionnel de prévention prévus respectivement aux articles 32 et 33 du présent projet de loi. Ils bénéficieront néanmoins de règles transitoires afin la bascule définitive dans ces nouveaux dispositifs, dans les conditions prévues notamment par l’article 38 du projet de loi.

Le I crée à cette fin un nouveau chapitre III au sein du titre II du livre VII du code de la sécurité sociale intitulé : « Dispositions spécifiques à certains fonctionnaires » et composé de cinq articles numérotés de L. 723-1 à L. 723-5.

A.   Le champ d’application

Selon le I de l’article L. 723-1 nouveau, les fonctionnaires concernés par la possibilité de départ anticipé au titre de la dangerosité de leurs missions sont les fonctionnaires qui concourent « à des missions publiques de sécurité, y compris civile, de surveillance douanière ou pénitentiaire ou de contrôle aérien » et qui, à ce titre, exercent effectivement des fonctions comportant « des risques particuliers », « pour les agents ou pour les tiers ». Ces missions impliquent des sujétions importantes « afin que lexécution de ces missions ne soit pas compromise ».

La liste de ces fonctions sera fixée par décret en Conseil d’État. D’après l’étude d’impact, les principales professions concernées devraient être :

– au sein de la fonction publique d’État : les policiers, les surveillants de l’administration pénitentiaire, les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ainsi que les personnels de la surveillance des douanes ;

– au sein de la fonction publique territoriale, les sapeurs-pompiers professionnels ainsi que les agents de police municipale.

Près de 200 000 agents seraient concernés par le maintien des dispositifs anticipés de départ, pour un nombre de départ à la retraite annuel légèrement supérieur à 4 000 en 2017.

Conditions actuelles de départ À la retraite des Fonctionnaires exerçant des fonctions comportant une dangerositÉ particuliÈre, effectifs et Âge moyen de dÉpart

 

Âge douverture des droits (*)

Limite dâge (*)

Effectifs au 31/12/2016

Flux de départs en 2017

Âge moyen de départ constaté

Fonction publique dÉtat

Personnels actifs de la police nationale

52 ans si 27 ans de service

57 ans

115 438

2 250

56,7

Personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire

52 ans si 27 ans de service

57 ans

29 082

537

56,5

Ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne

52 ans si 17 ans de service

59 ans

3 801

132

56,8

Personnels de la surveillance des douanes

57 ans si 17 ans de service

62 ans

9 447

277

59,7

Fonction publique territoriale

Sapeurs-pompiers professionnels

57 ans si 17 ans de service

62 ans

11 725

261

60,3

Agents de police municipale

57 ans si 17 ans de service

62 ans

28 136

664

58,4

 

 

 

Ensemble

197 629

4 121

58,4

(*) Âges après application du relèvement de deux ans prévu par la loi du 9 novembre 2010.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, d’après l’étude d’impact.

L’étude d’impact précise, en outre, qu’il reviendra à chaque ministère concerné de déterminer, parmi les catégories de fonctionnaires définies par décret, ceux d’entre eux qui répondent aux conditions d’exercice exigeant le maintien de conditions dérogatoires de départ à la retraite.

Le rapporteur prend acte des catégories de fonctionnaires qui bénéficieront du maintien de la possibilité de départ anticipé. Il considère néanmoins que la situation des égoutiers mérite un éclairage approfondi, compte tenu de la pénibilité particulière de leur métier et des risques de surmortalité soulignés par plusieurs études ([197]). Si leur exclusion de la liste des métiers permettant un départ anticipé peut se comprendre, elle devrait se traduire par un dispositif robuste en matière de reconversion professionnelle.

Pourquoi réserver une limite dâge inférieure au droit commun pour les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ?

Alors que le caractère dangereux et particulièrement difficile des fonctions exercées par les policiers, les surveillants pénitentiaires ou encore des sapeurs-pompiers professionnels ne laisse guère planer de doute, le maintien d’une limite d’âge de 59 ans pour les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) répond à des considérations distinctes.

Cette limite d’âge, fixée à l’article 3 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, s’explique en effet par l’impérieuse nécessité d’assurer la sécurité du transport aérien. Cet impératif induit des sujétions et responsabilités particulières pour les ICNA, ainsi qu’une excellente condition physique. Cette dernière fait d’ailleurs l’objet d’un contrôle médical tous les deux ans.

Le Conseil d’État a ainsi considéré, dans un arrêt ([198]) de 2014, que la limite d’âge imposée aux ICNA était proportionnée pour atteindre l’objectif de sécurité poursuivi par cette mesure, et que l’examen médical biannuel ne pouvait permettre d’évaluer l’ensemble des aptitudes requises telles que la vigilance, la concentration, la récupération aux termes de cycles de travail atypiques, ou la réactivité face à des situations urgentes.

B.   Les conditions d’Âge lÉgal de dÉpart et de limite d’Âge

1.   L’âge de départ à la retraite pour les catégories de fonctionnaires concernées

Pour l’ensemble des catégories de fonctionnaires concernées par le maintien de dispositions spécifiques de départ anticipé, l’âge de départ ne pourra excéder l’âge d’ouverture du droit à retraite fixé par décret et au plus tard à 62 ans, compte tenu des sujétions auxquelles sont soumis ces fonctionnaires.

Selon le II de l’article L. 723-1, l’âge d’ouverture du droit à la retraite des fonctionnaires concernés sera abaissé de :

– dix ans (1°) par rapport à l’âge légal de départ à la retraite fixé par l’article L. 191-1, soit 52 ans, pour les catégories de fonctionnaires dont la limite d’âge est inférieure à 62 ans ;

– ou cinq ans (2°) par rapport à l’âge légal de départ à la retraite fixé par l’article L. 191-1, ce qui leur permettra de partir à la retraite dès 57 ans, pour les catégories de fonctionnaires dont la limite d’âge est fixée à 62 ans.

Le système universel de retraite devrait ainsi maintenir sans changement les conditions actuelles d’âge d’ouverture des droits et de limites d’âges fixées pour les fonctionnaires exerçant des missions régaliennes de maintien de l’ordre et de sécurité publique, soit 52 ans pour les policiers, personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire et ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, pour une limite d’âge fixée à 57 ans ou 59 ans. Les douaniers, sapeurs-pompiers professionnels et agents de police municipale continueront de bénéficier d’un âge légal de départ fixé à 57 ans, pour une limite d’âge de 62 ans.

2.   La condition de durée minimale d’exercice

Le bénéfice du droit à retraite anticipée est toutefois soumis à une condition de durée minimale dexercice des fonctions dangereuses qui sera fixée par décret, selon le II de larticle L. 723-1, et ne pourra être supérieure à vingt-sept ans.

Pour les fonctionnaires qui n’auraient pas rempli cette durée d’exercice à l’atteinte de la limite d’âge prévue par le I de l’article L. 723-1, le droit à retraite sera ouvert « à compter du lendemain de cette date ».

Il convient de relever toutefois que le b du 1° du IV de l’article 38 du projet de loi renvoie à une ordonnance le soin de préciser les conditions de relèvement progressif de la durée minimale de services, pour les personnels dont la durée est fixée aujourd’hui à dix-sept ans.

3.   Les modalités de prise en compte de la durée d’exercice au titre des périodes de service effectuées avant la mise en place du système universel

Le II précise que les périodes de services accomplies avant l’entrée en vigueur du système universel au titre d’un emploi classé dans la catégorie active ou de dispositions réglementaires équivalentes sont prises en compte au même titre que l’exercice de fonctions définies au I de l’article L. 723-1 pour le calcul de la durée d’exercice minimale ouvrant droit au dispositif de départ anticipé à la retraite prévu au présent article.

Sont ainsi assimilés aux fonctions régaliennes mentionnées au I de l’article L. 723-1, pour le calcul de cette durée :

– les emplois « présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles » classés en catégorie active en application du 1° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires ;

– les fonctionnaires relevant du régime de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales disposant de dispositions équivalentes ;

– les personnels des services actifs de police de la préfecture de police et les des services actifs de la sûreté nationale ([199]) ;

– les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ([200]) ;

– les fonctionnaires des corps du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire ([201]).

4.   La portabilité du droit à départ anticipé

Il convient de relever qu’en application du IV de l’article L. 723-1, le droit à retraite anticipé est un droit portable : en effet, les fonctionnaires qui n’occuperaient plus les missions comportant une dangerosité particulière à l’atteinte de l’âge d’ouverture des droits mais qui l’ont exercé pendant la durée minimale définie au I du même article continuent de bénéficier du droit au départ anticipé à la retraite.

5.   Les conditions d’abaissement de l’âge d’équilibre

L’article L. 723-2 nouveau tire les conséquences de l’ouverture anticipée de départ à la retraite sur l’âge d’équilibre : ainsi, ce dernier sera « abaissé par décret pris après avis du conseil dadministration de la Caisse nationale de retraite universelle, en tenant compte des spécificités de lexercice des métiers et dans le respect de la trajectoire financière pluriannuelle du système universel de retraite ».

En tout état de cause, entre le départ anticipé à la retraite et l’atteinte de l’âge d’équilibre fixé par ledit décret, le montant de la pension de retraite ne pourra être majoré par l’application du coefficient d’ajustement mentionné à l’article L. 195-1 du projet de loi.

Cet âge d’équilibre ne pourra en aucun cas être supérieur à la limite d’âge afférente aux catégories de fonctionnaires exerçant des missions régaliennes dangereuses telles que définies au I de l’article L. 723-1, « lorsque la radiation des cadres intervient par atteinte de cette limite dâge et que la retraite est liquidée à la date de cette cessation dactivité ».

C.   L’impossibilitÉ de cumuler le dÉpart anticipÉ pour fonctions dangereuses avec les dispositifs de droit commun de compensation de la pÉnibilitÉ

L’article L. 723-3 nouveau précise que le bénéfice de la retraite anticipée au titre des missions régaliennes dangereuses n’est pas cumulable avec les deux dispositifs de compensation de la pénibilité applicables à l’ensemble des autres catégories de travailleurs, c’est-à-dire :

– le dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente mentionnée à l’article L. 192-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 32 du projet de loi ;

– le compte professionnel de prévention (C2P), étendu aux agents des trois fonctions publiques ainsi qu’aux salariés des régimes spéciaux par l’article L. 192‑5, dans sa rédaction issue de l’article 33 du projet de loi.

Le maintien des conditions de départ anticipé à la retraite spécifiques aux fonctionnaires exerçant des missions régaliennes de maintien de l’ordre et de la sécurité spécifique a en effet d’ores et déjà pour objet de compenser les sujétions particulières auxquelles ces agents sont soumis, de manière plus favorable que les autres dispositifs de prise en compte de la pénibilité applicables dans le droit commun.

D.   La mise en place d’un double mÉcanisme de cotisation pour financer les départs anticipÉs

La fin des catégories actives entraînera l’extinction progressive des diverses bonifications associées.

En conséquence, pour les agents concernés par le présent article, le projet de loi crée une nouvelle catégorie de cotisations à la charge des employeurs publics destinée à assurer le coût des départs anticipés tout en garantissant aux agents concernés un égal niveau de pension par rapport à la situation qui prévalait avant l’entrée en vigueur du système universel.

Un second type de cotisation est créé afin de compenser le coût, pour le système universel, des départs anticipés pour les agents exerçant des missions d’une particulière dangerosité.

1.   Les cotisations spéciales

Afin de « prendre en compte lincidence sur les retraites de ces fonctionnaires des limites dâge qui leur sont applicables », le nouvel article L. 723‑4 oblige les employeurs des fonctionnaires bénéficiant d’un départ anticipé à la retraite au titre des fonctions régaliennes exercées ou de l’atteinte de la limite d’âge fixée pour ces fonctions à s’acquitter de « cotisations spéciales », pour chaque fonctionnaire concerné, jusqu’à l’atteinte de l’âge d’équilibre.

D’après l’exposé des motifs du projet de loi, ces cotisations spéciales « ont vocation à se substituer à lactuelle bonification du 5ème qui permet lattribution dune année de service toutes les cinq années passées en catégorie active », afin de maintenir un niveau de retraite équivalent à celui d’aujourd’hui pour les fonctionnaires concernés. Ces modalités seront fixées distinctement en fonction de la fonction publique à laquelle appartiennent ces fonctionnaires.

Les modalités de versement des cotisations et leur taux seront définis par décret, de manière à garantir, d’après l’étude d’impact, un niveau de retraite équivalent à celui garanti aujourd’hui aux agents concernés. L’assiette des cotisations sera quant à elle déterminée « sur la totalité des revenus dactivité », par référence au 2° de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 13 de ce projet de loi.

Les périodes ayant fait l’objet de versement de cotisations spéciales « sont prises en compte pour lacquisition des points » inscrits au compte personnel de carrière mentionné à l’article L. 191-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 8 du projet de loi.

D’après l’étude d’impact, ces cotisations seront dues « jusquà ce que les fonctionnaires concernés atteignent lâge déquilibre ».

2.   La cotisation supplémentaire

L’article L. 723-5 nouveau instaure une cotisation « supplémentaire » à la charge des employeurs des fonctionnaires concernés par les dispositifs de départ anticipé au titre de l’exercice de fonctions régaliennes dangereuses, afin de couvrir :

– d’une part, le coût des retraites versées à chacun des fonctionnaires bénéficiant d’un départ anticipé entre l’âge de départ anticipé et l’âge d’ouverture du droit à retraite de droit commun, fixé à 62 ans par l’article L. 191-1 (1°) ;

– d’autre part, le montant des cotisations qui auraient été dues « si la retraite de ces fonctionnaires navait pas été liquidée de manière anticipée avant lâge prévu à larticle L. 191-1 » (2°).

Les cotisations sont dues, jusqu’à l’atteinte de l’âge légal d’ouverture des droits à retraite mentionné à l’article L. 191-1, soit 62 ans, pour tout fonctionnaire :

– qui exerce les fonctions mentionnées au I de l’article L. 723-1 (cf. supra) ;

– qui appartient aux mêmes corps et cadres d’emploi que les fonctionnaires mentionnés au I du même article L. 723-1, mais dont l’emploi ne correspond pas à ces fonctions et qui ont déjà accompli la durée de service effectifs exigée pour bénéficier du départ anticipé à la retraite, et bénéficient à ce titre de la garantie du maintien de cet âge de départ anticipé, dans les conditions mentionnées au I de l’article 38 du présent projet de loi ;

– dont la pension civile de retraite a été liquidée de manière anticipée avant l’entrée en vigueur du système universel de retraite, en application du II du présent article 36 (cf. infra).

Concrètement, d’après l’exposé des motifs du projet de loi, la cotisation spéciale versée par l’État au titre des fonctionnaires ayant bénéficié du dispositif de départ anticipé à la retraite sera affectée au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions. La fraction du montant de ces cotisations sera définie en loi de finances. En effet, aux termes de la loi organique relative aux lois de finances, un CAS doit en permanence être équilibré : l’ajustement de la contribution des employeurs par la loi de finances permet ainsi d’équilibrer le CAS Pensions.

*

*     *

 


–  1  –

 

Article 37
Militaires

L’article 37 vise à aménager, au sein du système universel de retraite, un cadre particulier applicable à la retraite des militaires, afin de tenir compte des sujétions d’exercice particulièrement difficiles et dangereuses auxquels ils sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions au service de la protection de la Nation.

Cet article est l’occasion de rappeler en préambule le caractère atypique des pensions de retraite des militaires, qui constituent non seulement une pension de vieillesse mais également un élément de gestion des ressources humaines au service du maintien d’une armée jeune et régulièrement renouvelée. À ce titre, l’article modifie le code de la défense afin de préciser que les retraites constituent « une composante de la condition militaire ».

Le projet de loi maintient la faculté pour les militaires de partir à la retraite plus tôt que l’âge légal de 62 ans, sous réserve d’avoir accompli une durée de services minimale ou d’avoir atteint la limite d’âge qui leur est applicable. L’âge d’équilibre applicable à ces militaires pour la liquidation de leur première part de pension sera ajusté en conséquence, par voie réglementaire, sans pouvoir être supérieur à l’âge d’équilibre de droit commun abaissé de huit ans.

Après la liquidation de leur première part de retraite, les militaires pourront cumuler intégralement les revenus tirés d’une nouvelle activité professionnelle avec cette première part de la pension, comme le droit en vigueur le prévoit.

Afin de remplacer les actuelles bonifications d’annuités ou certaines primes liées, notamment, à l’exercice de services aériens ou sous-marins, l’article 37 prévoit en outre le versement par l’employeur des militaires de cotisations versées au compte personnel de carrière du militaire, qui permettront d’assurer un niveau de retraite globalement équivalent à celui garanti aujourd’hui.

Cet article prévoit également la création de cotisations visant à compenser le coût, pour le système universel, des départs anticipés des militaires.

I.   Un rÉgime de retraite conçu pour rÉpondre À l’enjeu du renouvellement des forces armÉes et pour compenser les sujétions particulières des métiers militaires

La définition de l’état militaire et du statut applicable aux militaires posée par l’article L. 4111-1 du code de la défense met en lumière les sujétions et contraintes exceptionnelles auxquelles sont soumis les militaires au cours de leur carrière. Plusieurs observations peuvent en être tirées.

Extrait de larticle L. 4111-1 du code de la défense, relatif aux missions de larmée, à létat militaire et à la condition militaire

« Larmée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et dassurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

« Létat militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusquau sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs quil comporte et les sujétions quil implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation.

« Le statut énoncé au présent livre assure à ceux qui ont choisi cet état les garanties répondant aux obligations particulières imposées par la loi. Il prévoit des compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les forces armées et formations rattachées. Il offre à ceux qui quittent létat militaire les moyens dun retour à une activité professionnelle dans la vie civile [...]. »

En premier lieu, les devoirs et exigences particulières incombant aux militaires justifient l’attribution de bonifications ou d’avantages visant à compenser en partie l’engagement sans réserve qu’ils sont prêts à consentir pour assurer la défense de la Nation.

La nécessité d’être en mesure d’assurer la défense de la patrie par la force des armes, en toutes circonstances, implique en outre comme prérequis le maintien d’un flux de personnel jeune et immédiatement opérationnel. En conséquence, la question de la retraite des militaires ne peut être analysée qu’à l’aune de l’enjeu du renouvellement des forces armées.

Le régime des pensions militaires de retraite constitue dès lors « un instrument de gestion, concourant, avec dautres, à la jeunesse et au pyramidage des effectifs militaires » ([202]). Outre le caractère d’un avantage vieillesse classique, comme l’ensemble des pensions civiles, les pensions de retraite militaires revêtent également le caractère d’une « pension de reconversion ».

Compte tenu de la nécessité de conserver des forces armées opérationnelles impliquant le renouvellement permanent des effectifs, le code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit ainsi plusieurs aménagements de la retraite des militaires, en leur donnant la possibilité de prendre leur retraite par anticipation, tout en offrant des conditions de départ facilitant la réalisation d’une seconde carrière professionnelle, grâce à des conditions dérogatoires de cumul entre la pension de retraite militaire et les revenus tirés d’une activité non militaire.

A.   Des règles de liquidation de la pension militaire visant à favoriser la reconversion

1.   Les conditions de liquidation de la pension militaire

a.   La pension dite « à jouissance immédiate »

i.   Pour les militaires de carrière

● Les militaires de carrière peuvent bénéficier d’une pension dite à « jouissance immédiate », sous réserve d’une durée de services effectifs minimale – et non d’un âge minimal d’ouverture des droits. Cette durée de services est fixée, en application du II de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), à :

– vingt-sept ans pour les officiers (1°) ;

– dix-sept ans pour les militaires non officiers (2°).

● La liquidation de la pension de retraite peut également intervenir, même si le militaire ne remplit pas la condition de durée de services fixée aux 1° et 2° du II de l’article L. 24 du CPCMR, en cas de radiation des cadres par atteinte de la limite d’âge.

Cette limite d’âge, qui varie selon le grade et le corps, est fixée au I de l’article L. 4139-16 du code de la défense (cf. tableaux infra). Elle est fixée entre 52 et 66 ans pour les officiers, et entre 47 et 66 ans pour les sous-officiers ([203]).

Limite d’Âge des officiers

(en années)

 

Limite d’âge applicable

 

Âge maximal de maintien en 1ère section (officiers généraux)

Officiers des armes de larmée de terre, officiers de marine ou spécialisés de la marine, officiers des bases et officiers mécaniciens de lair

59

63

Officiers de gendarmerie

59

(60 ans pour les colonels)

63

Officiers de lair

52

(56 ans pour les lieutenants-colonels et colonels)

63

Commissaires des armées, officiers des corps techniques et administratifs, ingénieurs militaires des essences, administrateurs des affaires maritimes, officiers spécialistes de larmée de terre, officiers logisticiens des essences.

62

64

Médecins, pharmaciens, vétérinaires et chirurgiens-dentistes

62

67

Militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (officiers)

62

 

Ingénieurs de larmement, ingénieurs des études et techniques de larmement, ingénieurs des études et techniques des travaux maritimes, professeurs de lenseignement maritime, ingénieurs militaires dinfrastructure de la défense

66

67

Officiers greffiers, chefs de musique, fonctionnaires détachés au sein de la poste interarmées ou au sein de la trésorerie aux armées, aumôniers militaires

66

 

Source : Article L. 4139-16 du code de la défense.

Limite d’Âge des Sous-officiers des forces armÉes
et des formations rattachÉes

(en années)

 

Sergent

Sergent-chef

Adjudant

Adjudant-chef

Major

Sous-officiers de carrière de larmée de terre, de la marine ou de lair (personnel non navigant)

47

52

58

59

Sous-officiers de gendarmerie, sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale

58 (y compris le grade de gendarme)

59

Sous-officiers du personnel navigant de larmée de lair

47

52

Infirmiers en soins généraux et spécialisés, infirmiers anesthésistes, masseurs-kinésithérapeutes, manipulateurs délectroradiologie médicale, orthoptistes et orthophonistes des hôpitaux des armées

62

Corps de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (sous-officiers), sauf exceptions

59

Sous-officiers du service des essences des armées

 

62

Fonctionnaires détachés au sein de la poste interarmées, fonctionnaires détachés au sein de la trésorerie aux armées, majors sous-chefs de musique (trois armées), sous-chefs de musique de carrière (trois armées), maîtres ouvriers (terre), maître ouvriers, tailleurs et cordonniers (marine), musicien sous-officier de carrière (air), commis greffiers et huissiers appariteurs

66

Source : Article L. 4139-16 du code de la défense.

ii.   Pour les militaires sous contrat

Pour les militaires commissionnés ou sous contrat, la liquidation de la pension peut intervenir en cas de radiation par atteinte de la limite de durée de services (1° et 2° du II de l’article L. 24 du CPCMR). Cette limite est également fixée au II du même article L. 4139-16, selon le tableau suivant :

Limite de durée des services des militaires sous contrat

(en années)

Officiers sous contrat

20

Militaires commissionnés

17

Militaires engagés

27

Volontaires dans les armées

5

Source : Article L. 4139-16 du code de la défense.

b.   Les autres cas de liquidation de la pension à jouissance immédiate

● En application du II de l’article L. 24 du CPCMR, la liquidation de la pension peut également avoir lieu :

− en raison d’une infirmité du militaire lui-même (1° et 2°) ;

− lorsque le militaire est parent d’un enfant vivant de plus d’un an atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition d’avoir accompli quinze années de services effectifs et d’avoir interrompu ou réduit son activité pour cet enfant (1° bis) ;

− lorsque le conjoint du militaire est atteint d’une infirmité ou d’une maladie incurable le plaçant dans l’impossibilité d’exercer une quelconque profession, et sous réserve que le militaire ait accompli au moins quinze ans de services (3°).

● Enfin, les officiers généraux placés en deuxième section, c’est-à-dire, selon le 2° de l’article L. 4141-1 du code de la défense, les officiers généraux maintenus à la disposition du ministre de la défense ou, pour les officiers généraux de la gendarmerie nationale, maintenus à la disposition du ministre de la défense et du ministre de l’intérieur, peuvent liquider leur retraite à compter de l’âge de 67 ans (4°).

c.   La pension à liquidation différée

Par contraste avec la pension dite à jouissance « immédiate », la pension dite à liquidation différée est versée, en application des 2° et 3° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, aux officiers de carrières, aux officiers sous contrat ainsi qu’aux non-officiers ne répondant pas aux critères mentionnés à l’article L. 24 du même code et ayant accompli au moins quinze années de services effectifs à la date de leur radiation des cadres ou des contrôles ([204]). Dans ce cas, la liquidation de la pension ne peut intervenir qu’à compter de l’âge de 52 ans.

Toutefois, selon le 5° de l’article L. 25 du même code, les militaires ne répondant pas aux critères mentionnés à l’article L. 24 ni aux 2° et 3° de l’article 25 et ayant accompli moins de quinze ans de services effectifs ne peuvent liquider leur pension avant l’âge légal d’ouverture du droit à retraite fixé à 62 ans par l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

2.   Des règles de cumul entre la pension militaire et une autre activité professionnelle destinées à encourager le renouvellement des effectifs militaires

Offrir à ceux qui quittent l’état militaire « les moyens dun retour à une activité professionnelle dans la vie civile », comme en dispose l’article L. 4111-1 du code de la défense se traduit, notamment, par l’assouplissement des règles relatives au cumul entre une pension de retraite et une activité professionnelle.

Les règles de cumul emploi-retraite des militaires sont en effet partiellement calquées sur les règles applicables aux fonctionnaires civils, mais elles sont adaptées pour tenir compte des spécificités du métier de militaire, d’une part – notamment des droits à pension parfois modestes tirés de la durée d’assurance réduite requise pour liquider leur pension –, et pour encourager la réalisation d’une seconde carrière professionnelle à l’écart de la condition militaire, d’autre part.

a.   Les mécanismes de décote applicables et l’absence de surcote

Compte tenu des règles spécifiques de départ anticipé applicables aux militaires, le mécanisme de surcote ne leur est pas applicable.

En revanche, deux mécanismes de décote prévus par l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite leur sont applicables :

– le premier, dit « carrière longue », vise à appliquer une minoration de 1,25 % de la pension liquidée aux militaires dont la limite d’âge est supérieure ou égale à 57 ans, lorsqu’ils sont admis à la retraite à compter de l’âge de 52 ans, dès lors que la durée d’assurance est inférieure au nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension militaire, fixé à 75 % ;

– le second mécanisme, dit « carrière courte », concerne tous les autres cas de figure, est un coefficient de minoration fixé à 1,25 % du montant de la pension militaire liquidée. Cette décote s’applique dès lors que la durée de services militaires effectifs est inférieure à la durée nécessaire pour bénéficier d’une liquidation de la pension, dans les conditions prévues au II de l’article L. 24 du même code. Elle s’annule néanmoins à partir de dix trimestres (II de l’article L. 14).

En 2017, seules 13 % des pensions militaire de droit direct entrées en paiement étaient affectées d’une décote. Le montant moyen mensuel de cette décote s’élève à 75 euros ([205]).

b.   La possibilité d’acquérir de nouveaux droits à la retraite grâce à l’exercice d’une activité professionnelle cumulée avec le bénéfice d’une pension de retraite

À l’instar des fonctionnaires civils, les militaires peuvent sans condition cumuler leur pension de retraite avec une rémunération privée. L’article 19 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 a toutefois prévu le maintien d’une exception pour les bénéficiaires d’une pension militaire de retraite, en les autorisant à acquérir de nouveaux droits à la retraite au titre de l’activité professionnelle qu’ils exercent au sein d’un autre régime de retraite que celui des pensions militaires ([206]), par exception au principe fixé par l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, selon lequel les activités exercées au cours de la retraite ne génèrent pas de droit nouveau au titre de l’assurance vieillesse.

c.   La possibilité de cumul intégral d’une pension militaire de retraite et d’une rémunération du secteur public

● Conformément au deuxième alinéa de l’article L. 84 du CPCMR, la pension de retraite militaire peut être cumulée, comme c’est le cas pour les fonctionnaires civils, avec la rémunération versée par un employeur public – État, collectivités territoriales, établissement public hospitalier. Le cas échéant, le montant brut des revenus d’activité du secteur public ne peut excéder, par année civile, le tiers du montant brut de la pension pour l’année considéré. Dans le cas contraire, cet excédent est déduit de la pension après application d’un abattement égal à la moitié du minimum garanti ([207]).

Contrairement aux fonctionnaires civils, la condition de plafonnement des revenus ne s’applique pas, cependant, aux militaires ayant atteint la limite d’âge ou la limite de la durée de service correspondant à leur grade, ni aux titulaires d’une pension de non-officier correspondant à moins de vingt-cinq ans de services.

Ces règles favorables expliquent la proportion importante du nombre de polypensionnés au sein de l’ensemble des ressortissants du régime des pensions militaires : le HCECM estimait en 2010 que près des trois quarts (72 %) des titulaires d’une pension militaire âgés de plus de 60 ans percevaient une pension d’un autre régime de base ([208]).

● En outre, les militaires ont la faculté, contrairement aux anciens agents publics titulaires d’une pension de retraite civile, de renoncer à la faculté de cumuler leur pension militaire avec les revenus tirés de l’exercice d’une activité au sein d’une fonction publique non militaire, au profit d’une pension unique rémunérant la totalité de la carrière effectuée au sein de la fonction publique, tenant compte des périodes accomplies en tant que militaire et des périodes accomplies en dehors de tout cadre militaire.

B.   Des bonifications et primes versÉes en compensation des sujÉtions difficiles

● Un ensemble de bonifications et de primes sont versées aux militaires en tant que légitime et nécessaire compensation aux fortes contraintes et sujétions auxquels ils sont soumis au cours de leurs missions.

La dangerosité des missions incombant aux militaires au cours des campagnes ou des opérations extérieures (OPEX) ainsi que les contraintes liées à l’éloignement géographique, à l’isolement ou encore à l’obligation de résidence en caserne, pour les gendarmes, ont en effet des répercussions importantes sur la vie quotidienne des militaires et de leurs proches. La prise en compte des particularités de la condition de militaire se traduit en conséquence, dans le régime des pensions militaires de retraite, par des modalités particulières d’intégration des primes liées aux sujétions spéciales, sous la forme de l’attribution de bonifications d’activité.

Outre les bonifications correspondant aux études conduites par les officiers militaires provenant de certaines écoles et à d’autres professions ([209]), il existe principalement trois types de bonifications pour les militaires totalisant au moins dix-sept années de services effectifs :

– la bonification dite « du cinquième », instaurée en compensation des limites d’âges basses et de la brièveté des carrières, est versée à tous les militaires en application du i de l’article L. 12 du CPCMR. Concrètement, cette bonification majore d’une année chaque période de cinq années de services – cinq années de services correspondent ainsi à six années prises en compte dans le calcul de la pension. Seules les vingt-cinq premières années de services ouvrent droit à cette bonification, car celle-ci est plafonnée à cinq annuités ;

– en second lieu, les bénéfices de campagne sont versés au titre des services effectués en dehors du territoire national, selon la nature des campagnes concernées. Comme le souligne l’étude d’impact, cette liste est « particulièrement hétérogène et na pas été régulièrement mise à jour » (cf. tableau) ;

 

Dénomination

Conditions de bénéfice

Bonification attribuée

Campagne double

Opérations de guerre et certaines OPEX dont la nature le justifie

Permet de retenir trois ans dans la liquidation de la pension, pour un an de services militaires effectifs

Campagne simple

Régime de droit commun des OPEX et certains séjours hors d’Europe

Permet de retenir deux ans pour un an de services militaires effectifs

Demi-campagne

Séjours hors Europe, selon les conditions

Permet de retenir dix-huit mois pour un an de services militaires effectifs

– enfin, les bonifications pour l’exécution d’un service aérien ou sous-marin commandé sont versées en application des c et d de l’article L. 12 du CPCMR, selon des coefficients de calcul particuliers, à compter de quinze ans de services effectifs.

● Sous réserve d’acquitter une surcotisation salariale et de liquider leur retraite à compter de 50 ans, les gendarmes bénéficient en outre de la prise en compte dans leur pension de retraite d’une indemnité de sujétions spéciales de police (ISSP), qui peut se traduire par une augmentation significative du montant de leur pension ([210]).

● Compte tenu de ces divers avantages et bonifications, le montant moyen mensuel des pensions de militaire s’établissait à 1 722 euros en 2017, et à 2 357 euros pour les gendarmes. Ces montants sont néanmoins très variables selon la catégorie hiérarchique considérée, ce qui s’explique, notamment, par des âges effectifs de départ plus tarifs pour les militaires des catégories hiérarchiques supérieures.

Montant mensuel moyen des pensions militaires

(en euros)

 

Toutes armées
(hors gendarmerie)

Gendarmerie

Soldes de réserve

5 042

5 180

Officiers

2 927

3 231

Sous-officiers

1 533

2 201

Militaires du rang

971

 

Ensemble

1 722

2 357

Source : DGFiP – Services des retraites de l’État, base des pensions 2010 à 2017.

C.   Le nombre de militaires en exercice et à la retraite

Selon les informations rendues publiques par le ministère de la Défense, plus de 206 000 militaires sont recensés, dont un tiers sont des militaires de carrière et deux tiers des militaires sous contrat.

Répartition des effectifs militaires par statut en 2018

 

Militaires

Carrière

Contrat

Total

Officiers

24 309

8 552

32 861

Sous-officiers

45 832

46 540

92 372

Militaires du rang

0

79 215

79 215

Volontaires

0

1 869

1 869

Total

70 141

136 176

206 317

Total (en %)

34 %

66 %

100 %

(*) Le champ concerne l’ensemble du personnel militaire ainsi que les gendarmes relevant du ministère des armées.

Source : Chiffres-clés de la défense, d’après le bilan social 2018.

À la fin de l’année 2017, plus de 390 000 retraités étaient titulaires d’une pension militaire de droit direct (+ 3,42 % par rapport à 2010), et 160 332 personnes étaient titulaires d’une pension de droit dérivé.

Nombre de pensions militaires au 31 décembre 2017

Droits directs

Droits dérivés

Droits directs et dérivés

Hommes

Femmes

Ensemble

Hommes

Femmes

Orphelins

Ensemble

Ensemble

362 503

28 358

390 861

904

153 077

6 351

160 332

551 193

Source : DGFiP – Services des retraites de l’État, base des pensions 2010 à 2017.

En moyenne, les militaires liquident leur retraite à l’âge de 45,7 ans – un chiffre en légère augmentation depuis plusieurs années. Dans le détail, les officiers partent en moyenne à l’âge de 52,9 ans et les sous-officiers à l’âge de 48,3 ans.

Les gendarmes partent en moyenne à un âge plus élevé, compte tenu de limites d’âges distinctes.

Âge moyen de départ pour tous motifs *

(en années)

 

Soldes de réserve

Officiers

Sous-officiers

Militaires du rang

Ensemble

Toutes armées

59,1

52,9

48,3

34,8

45,7

Gendarmes

59,2

57,1

52,6

 

53,2

(*) Y compris pour motif dinvalidité.

Source : DGFiP – Services des retraites de l’État, base des pensions 2012 à 2017.

● En l’état du droit, les personnels militaires sont redevables d’une cotisation, équivalente à celle des personnels civils, qui s’élève à 11,10 % au 1er janvier 2020.

Le taux de contribution employeur versé au compte d’affectation spéciale Pensions s’élève à 126,07 % pour les personnels militaires, contre 74,28 % pour les fonctionnaires de l’État. Ces taux n’ont pas évolué depuis 2014.

II.   Les rÈgles dÉrogatoires de liquidation de la pension de retraite militaire prévues dans le cadre du système universel

Les règles particulières applicables aux militaires sont rassemblées au sein d’un nouveau chapitre IV du titre II du livre VII du code de la sécurité sociale intitulé « Dispositions spécifiques aux militaires » et composé de seize articles nouveaux numérotés de L. 724-1 à L. 724-16.

A.   Retraite et condition militaire

En préambule, le II rappelle vise à rappeler que les dispositions spécifiques relatives à la retraite des militaires sont « une composante de la condition militaire » et justifient pleinement, à ce titre, les dérogations accordées par le projet de loi par rapport aux règles de droit commun applicables aux assurés du système universel.

Le II complète ainsi le code de la défense par un article L. 4111-1-1, qui dispose que les dispositions du chapitre IV du titre II du livre VII nouveau créé par le présent article « concourent aux objectifs de la défense et permettent dadapter à ces objectifs la structure des forces armées ».

B.   Le maintien de la faculté de départ anticipé pour les pensions à jouissance immédiate

Conformément aux règles applicables en l’état du droit, le I de l’article L. 724-1 nouveau créé par le I du présent article maintient l’existence de règles dérogatoires d’ouverture du droit à retraite pour les militaires.

Ainsi, les conditions d’âge et de durées de services permettant de bénéficier d’une pension à jouissance immédiate sont maintenues sans modification. Cependant, la pension à jouissance différée est supprimée : les militaires n’ayant pas rempli les conditions leur permettant d’obtenir la faculté de départ anticipé dans les conditions prévues à l’article L. 724-1 seront en conséquence soumis à l’âge d’ouverture du droit à retraite de droit commun, fixé à 62 ans par l’article L. 191-1.

1.   Les conditions de liquidation de la pension à jouissance immédiate

a.   Pour les officiers

Par dérogation à lâge de droit commun de 62 ans fixé par larticle L. 1911 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de larticle 23 du présent projet de loi, les militaires de carrière pourront continuer de bénéficier dun droit à départ anticipé à la retraite, sous réserve davoir accompli une durée de services effectifs minimale, fixée comme aujourdhui à vingt-sept ans (1°), ou davoir atteint la limite dâge qui leur est applicable si celle-ci est inférieure à 62 ans.

b.   Pour les militaires non officiers

Les militaires non officiers pourront également conservent également un droit à départ anticipé sous réserve d’avoir accompli au moins dix-sept ans de services effectifs, ou d’avoir atteint la limite d’âge qui leur est applicable lorsque celle-ci est inférieure à 62 ans.

c.   Le cas particulier des militaires placés en deuxième section

En application de l’article L. 4141-1 du code de la défense, les officiers généraux peuvent être répartis en deux sections :

– la première section comprend « les officiers généraux en activité, en position de détachement, en non-activité et hors cadres » ;

– la deuxième section comprend les officiers généraux n’appartenant pas à la première section, soit parce qu’ils ont atteint la limite d’âge, soit parce qu’ils en ont fait la demande par anticipation, soit parce qu’ils ont été admis d’office dans cette catégorie, notamment pour raisons de santé. Les officiers généraux de cette section sont « maintenus à la disposition du ministre de la défense » – ou du ministre de la défense et du ministre de l’intérieur, s’agissant des officiers généraux de la gendarmerie nationale.

Pour les officiers généraux relevant de cette deuxième catégorie, le dernier alinéa de l’article L. 724-1 nouveau précise que l’âge d’ouverture du droit à la retraite leur est ouvert dès leur admission dans cette catégorie, sous réserve que cet âge soit inférieur à l’âge de droit commun de départ à la retraite fixé à 62 ans par l’article L. 191-1 du code de la sécurité sociale.

2.   La portabilité du droit à liquidation anticipée

Le II de l’article L. 724-1 nouveau dispose que la faculté de départ anticipé accordée aux militaires demeure applicable, jusqu’à l’âge de 62 ans, même si les militaires n’occupent plus leur emploi militaire à la date de liquidation de leur retraite.

Les militaires peuvent ainsi exercer une autre activité sans pour autant liquider immédiatement leur retraite.

3.   Modalités transitoires relatives à la suppression de la retraite à jouissance différée

La pension à jouissance différée, qui permettait à certains militaires n’ayant pas rempli les conditions leur permettant de bénéficier d’un départ anticipé au titre de la pension à jouissance immédiate de demander leur retraite dès 52 ans sous réserve d’avoir accompli quinze ans de services, n’est pas maintenue dans le nouveau système universel.

En effet, selon l’étude d’impact, « il nexiste pas de justification objective » au fait que ces agents puissent demander leur retraite à 52 ans plutôt qu’à 62 ans, « dès lors quils ont déjà quitté la condition militaire avant de remplir les modalités de départ anticipé ».

Le III prévoit cependant un dispositif transitoire à destination des militaires qui auraient accompli la durée de services de quinze ans leur permettant de bénéficier de la pension à jouissance différée avant le 1er janvier 2025. Les militaires concernés « conservent le bénéfice de cet âge » et pourront ainsi continuer à liquider leur retraite de manière anticipée, selon les conditions de liquidation prévues au II de l’article L. 724-1.

Il est précisé que les dispositions relatives à la liquidation (articles L. 724‑2, L. 724-4, L. 724-5, L. 724-6, L. 724-8), à l’âge d’équilibre (article L. 724-3), à la réversion (article L. 724-9) et à l’impossibilité de bénéficier du compte professionnel de prévention (C2P) ou de la retraite anticipée pour incapacité permanente sont applicables à ces militaires.

C.   Les modalités de liquidation de la pension à jouissance immédiate

1.   Le principe de la liquidation partielle

L’article L. 724-2 nouveau du code de la sécurité sociale précise les dispositions permettant aux militaires de continuer à bénéficier d’une pension à jouissance immédiate, dès lors qu’ils ont atteint la durée de service requise précisée au I de l’article L. 724-1, ou la limite d’âge qui leur est applicable compte tenu de leurs corps et grade d’appartenance.

Lorsque ces conditions sont remplies, la retraite est ainsi « liquidée en deux parts ». Concrètement, cela signifie que la pension militaire sera intégralement liquidée puisqu’elle portera sur « la totalité des points accumulés » entre le début d’exercice des fonctions militaires et la liquidation de la part de sa pension correspondant à ces fonctions.

Toutefois, le pensionné conservera la possibilité d’acquérir des droits à retraite au titre d’une autre activité professionnelle exercée en dehors du cadre militaire, que celle-ci soit exercée dans le secteur privé ou dans l’une des trois fonctions publiques. Les revenus tirés de cette activité feront l’objet d’une « seconde part » de retraite pour les anciens militaires, qui s’ajoutera à la première part versée au titre des fonctions militaires.

2.   Les conditions de liquidation de la pension militaire

● La pension militaire sera calculée dans les conditions de droit commun mentionnées aux articles L. 191-2 à L. 191-5, dans leur rédaction résultant des articles 8 à 10 du projet de loi.

Ainsi, le montant de la pension militaire sera égal au produit de l’ensemble des points acquis par l’assuré au cours de sa carrière militaire et inscrits sur son compte personnel de carrière par la valeur de service du point fixée à la date d’effet de sa retraite partielle. Sont pris en compte les points cotisés, ainsi qu’une fraction des points accordés au titre des périodes d’interruption involontaire d’activité, comme le précise l’article L. 724-6 nouveau.

● Cependant, pour ne pas pénaliser les militaires qui feront le choix de partir de manière anticipée à la retraite comme le leur permet le système universel, l’âge d’équilibre mentionné à l’article L. 191-5 applicable sera abaissé pour la liquidation de la première part de leur pension, dans les conditions prévues à l’article L. 724-3 nouveau du code de la sécurité sociale.

Cet âge sera ainsi « abaissé par décret, en tenant compte des spécificités des fonctions militaires et des limites dâge applicables aux militaires concernés ». D’après l’article L. 724-13 nouveau, cet âge d’équilibre sera abaissé au minimum de huit ans avant l’âge d’équilibre de droit commun.

Il est néanmoins précisé que l’application du coefficient d’ajustement ne pourra en aucun cas « conduire à majorer le montant de la retraite » : compte tenu des conditions dérogatoires de départ anticipé accordées aux militaires pour leur permettre de reprendre une activité professionnelle après l’exercice de fonctions militaires, il paraît en effet logique que la pension ne puisse être majorée pour la liquidation de leur première part de retraite. L’âge d’équilibre de droit commun s’appliquera cependant à la liquidation de leur seconde part de retraite.

3.   Les modalités de calcul des pensions correspondant à la seconde partie de carrière des anciens militaires

● En cas de liquidation de sa pension de militaire, l’ancien militaire conserve la possibilité d’exercer une activité professionnelle lui permettant d’acquérir de nouveaux droits à retraite ([211]).

Le cas échéant, les points acquis dans cette seconde partie de carrière professionnelle seront comptabilisés pour le calcul de la « seconde part » de la retraite, par opposition à la « première part » de la retraite qui correspond à la liquidation de la retraite au titre des fonctions militaires. La liquidation ne peut intervenir qu’à compter de l’âge légal d’ouverture du droit à retraite mentionné à l’article L. 191-1, c’est-à-dire 62 ans.

En outre, l’article L. 724-4 précise que « le montant de la liquidation de la première part ne peut être remis en cause à loccasion du calcul de la seconde part ». La liquidation de la première part de carrière demeure ainsi indépendante de sa seconde partie de carrière : la pension de retraite calculée au titre des fonctions militaires demeure acquise à l’assuré et n’est pas recalculée à l’occasion de la liquidation de la seconde fraction de la retraite.

a.   Prise en compte des points supplémentaires

Le calcul de la seconde part de carrière peut tenir compte de certains éléments acquis au cours de la carrière du militaire.

Selon larticle L. 724-5 nouveau, la liquidation de la seconde part de retraite est ainsi également calculée dans les conditions prévues aux articles L. 1912 à L. 191-5 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue des articles 8 à 10 de ce projet de loi, cest-à-dire par application de la valeur de service du point à lensemble des points inscrits au compte personnel de carrière de lassuré au titre de cette seconde part de carrière. Le montant de la seconde part de la pension de lancien militaire ainsi obtenu peut donc être modulé par lapplication du coefficient dajustement prévu à larticle L. 191-5.

En outre, selon l’article L. 724-6 nouveau, les points supplémentaires attribués à l’assuré au titre des périodes d’interruption de carrière relevant de la solidarité nationale – maladie, incapacité ou invalidité, maternité ou paternité, notamment –, en application de l’article L. 195-2 du même code ([212]), ne sont pris en compte que partiellement dans le calcul de cette seconde partie de carrière, selon des conditions déterminées par décret.

● À l’inverse, sont versés exclusivement au titre de la seconde fraction de la retraite les points acquis :

– au titre d’une l’incapacité permanente d’au moins 50 %, qui visent à tenir compte de l’incidence du handicap sur la vie professionnelle, selon les conditions prévues au II de l’article L. 192-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 29 de ce projet de loi (article L. 724-8 nouveau) ;

– au titre de la retraite minimale prévue à l’article L. 195-1 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 40 de ce projet de loi (I de l’article L. 724-7 nouveau).

b.   Modalités de calcul de la retraite minimale

● Seule la pension correspondant à la seconde partie de la carrière d’un ancien militaire peut ainsi être relevée au niveau de la retraite minimale prévue par l’article L. 195-1.

Selon le II de l’article L. 724-7, pour déterminer si l’ancien militaire a droit à la retraite minimale au titre de sa seconde partie de carrière, le calcul tiendra compte de deux éléments :

– la durée totale de la carrière de l’ancien militaire effectuée au titre de l’ensemble de ses activités, première et seconde parts de carrière comprises (1°), étant entendu qu’une durée totale de 516 mois est requise pour bénéficier du montant maximum de la retraite minimale (1°) ;

– les éventuels points supplémentaires accordés au titre des première et seconde parts de retraite, tels que, pour la seconde part exclusivement, les points attribués au titre du handicap (II de l’article L. 192-2) ou des majorations pour enfants (article L. 196-1, dans sa rédaction résultant de l’article 44 de ce projet de loi) (2°).

Enfin, la retraite personnelle considérée pour définir si l’assuré a droit à la retraite minimale est la retraite correspondant à la seconde part de la retraite, liquidée selon la valeur de service correspondant à cette seconde part (3°).

c.   Conditions d’application des règles de cumul emploi-retraite de droit commun

L’ancien militaire ayant liquidé la seconde part de sa retraite correspondant à des activités professionnelles hors champ militaire peut tout à fait prétendre au bénéfice du dispositif de cumul emploi-retraite prévu par l’article L. 193-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 26 de ce projet de loi, comme en dispose le dernier alinéa de l’article L. 724-2, qui dispose que « les dispositions de la section 3 du chapitre III du titre IX du livre Ier sont applicables » ([213]).

Il peut ainsi cumuler une pension de retraite de militaire, une pension de retraite liquidée au titre de sa carrière non militaire et les revenus d’une activité professionnelle. Le cas échéant, pour l’application de l’article L. 193-11 relatif au cumul emploi-retraite ([214]), la liquidation de la « seconde part » de sa retraite est assimilée à une « première liquidation ».

4.   Les conséquences de la liquidation partielle sur la retraite de réversion

● En cas de décès d’un assuré, l’article L. 197-1 du code de la sécurité sociale créé par l’article 46 du projet de loi accorde une retraite de réversion au conjoint survivant sous réserve que ce dernier ait atteint l’âge de 55 ans fixé par l’article L. 191-1 du même code ([215]) et qu’il ait été marié depuis au moins deux ans avec l’assuré décédé.

Le III de l’article L. 197-1 permet également au conjoint survivant non titulaire d’une retraite à l’âge de 55 ans de bénéficier d’une pension de réversion dans les mêmes conditions.

Pour les anciens militaires ayant liquidé partiellement leur retraite dans les conditions prévues au II de l’article L. 724-1, la retraite de réversion versée après le décès de leur conjoint fait l’objet d’une révision « lors de la liquidation de chacune des parts de la retraite du conjoint survivant » (article L. 724-9 nouveau). Ainsi, un assuré ayant liquidé sa première part de retraite tout en continuant d’exercer une activité professionnelle auprès d’un employeur privé peut bénéficier, au décès de son conjoint, d’une partie de la réversion au titre de la première part de sa retraite. Lors de la liquidation de sa seconde part de retraite, la réversion fera l’objet d’une revalorisation.

● À l’inverse, si le conjoint décédé est un ancien militaire ayant déjà partiellement liquidé sa retraite mais n’ayant pas encore liquidé la seconde fraction de sa retraite au titre des droits acquis par ses activités professionnelles non militaires, le calcul de la retraite de réversion versée au conjoint survivant tient compte à la fois :

– du montant de la première part de la retraite ;

– du montant des droits à retraite acquis au titre de la seconde part de la retraite de l’assuré décédé.

5.   Le bénéfice de la liquidation anticipée de la fraction de pension correspondant aux fonctions militaires n’est pas cumulable avec les autres dispositifs de départ anticipé à la retraite

Compte tenu du maintien de conditions dérogatoires de liquidation des droits à retraite acquis au titre de la carrière de militaire, qui tient compte des sujétions spécifiques de la condition militaire, l’article L. 724-10 nouveau du code de la sécurité sociale dispose que les militaires ne peuvent prétendre aux dispositifs de droit commun de prise en compte de la pénibilité dans le système universel de retraite, c’est-à-dire :

– le dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente mentionné à l’article L. 192-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 32 de ce projet de loi ;

– le compte professionnel de prévention (C2P) mentionné à l’article L. 192‑5 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 33 de ce projet de loi, qui prévoit notamment la possibilité de partir de manière anticipée à la retraite grâce à l’utilisation des points acquis à la suite de l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels. L’exposition à ces facteurs de risque est en effet directement compensée, pour les militaires, par l’attribution de cotisations supplémentaires prises en compte dans le calcul de la pension (cf. infra).

Il est précisé que le bénéfice de ces deux dispositifs est fermé aux militaires ou anciens militaires y compris à l’occasion de la liquidation de la seconde part de la retraite.

D.   L’attribution de points supplÉmentaires au titre des sujÉtions difficiles et de la dangerositÉ

Pour tenir compte des « sujétions particulières » éprouvantes ainsi que les « risques afférents » à certaines missions, l’article L. 724-14 nouveau propose d’attribuer des points supplémentaires aux militaires ayant accompli des services aériens ou des services sous-marins.

Le nombre de points sera attribué de manière forfaitaire et « distincte en fonction de la nature de services et des conditions dans lesquelles ceux-ci sont accomplis », dans des conditions précisées par décret. Ce forfait de points a vocation à se substituer aux actuelles bonifications pour l’exécution d’un service aérien ou sous-marin commandé.

Le cas échéant, les points attribués au titre des services sous-marins et aériens peuvent se cumuler, dans la limite d’un plafond annuel défini par décret.

Le financement de ces points sera compensé par le versement, par les employeurs des militaires, d’une cotisation complémentaire dont les taux seront fixés par décret et l’assiette déterminée sur l’ensemble de la rémunération des militaires, dans les conditions prévues à l’article L. 724-16 nouveau. Cette cotisation sera due jusqu’à l’atteinte de l’âge d’ouverture légal du droit à retraite fixé à 62 ans.

E.   Des cotisations destinées à remplacer les actuelles bonifications

La mise en place du système universel par points rend caducs les dispositifs de bonification d’annuités qui étaient prévues jusqu’alors pour les militaires. En conséquence, ces bonifications diverses sont remplacées par des cotisations de l’employeur, qui permettront d’augmenter le nombre de points disponibles sur le compte de carrière du militaire. Deux types de cotisations sont retenus :

– les « cotisations spéciales » mentionnées à l’article L. 724-11 visent à prendre en compte « lincidence sur les retraites des militaires des limites dâge et des limites de durée de services qui leur sont applicables ». Cette cotisation a vocation à se substituer à la « bonification du cinquième » dont bénéficient actuellement les militaires. Elle permet de majorer le nombre de points inscrits sur le compte personnel de carrière du militaire inscrit à l’article L. 191-3 ;

– les « cotisations spécifiques » mentionnées à l’article L. 724-15 sont versées au titre des campagnes militaires, telles que définies par décret en Conseil d’État, afin de prendre en compte les sujétions physiques, la dangerosité et l’engagement au service de la Nation afférents à l’accomplissement de tels services. Cette cotisation vise pour sa part à remplacer les actuels « bénéfices de campagne », dont la liste est hétérogène et non actualisée.

● Le taux de chacune de ces cotisations sera fixé par décret – de manière distincte selon les campagnes considérées, s’agissant des cotisations spécifiques. L’assiette sera déterminée dans les conditions prévues au 2° de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 13 du projet de loi, c’est-à-dire qu’elle portera sur l’intégralité de la rémunération des militaires, primes incluses.

En outre, les cotisations spéciales et spécifiques seront prises en compte pour l’acquisition des points inscrits au compte personnel de carrière mentionné à l’article L. 191-3.

● L’ensemble de ces cotisations permettra, d’après l’étude d’impact, de préserver un niveau de retraite « globalement similaire » à celui actuel pour les militaires. Ainsi, les taux des cotisations spéciales et spécifiques seront déterminés « de sorte à assurer ce niveau de retraite ».

F.   Des cotisations destinées à compenser le coût des départs anticipés des militaires pour le système universel

Depuis le 1er janvier 2014, le taux de la contribution des employeurs aux retraites des militaires est fixé à 126,07 % pour les militaires – contre 74,28 % pour les civils ([216]).

Afin de compenser le coût, pour le système universel, des aménagements de l’âge de départ à la retraite des militaires ainsi que des limites d’âge et de durée de services applicables, les articles L. 724-11 à L. 724-13 prévoient deux catégories de cotisations versées par les employeurs des militaires :

– la « cotisation supplémentaire » versée pour tenir compte de l’effet des départs anticipés à la retraite par rapport à l’âge d’ouverture du droit à la retraite fixé par l’article L. 191-1 d’une part, et des cotisations qui auraient été dues en l’absence de telles dispositions de départ anticipé, d’autre part (article L. 724-12).

– la « cotisation additionnelle » créée par l’article L. 724-13 a pour sa part vocation à « couvrir le coût pour le système universel de retraite résultant de lécart éventuel, sil est négatif, entre lâge déquilibre [applicable aux militaires] et lâge prévu à larticle L. 191-5 du code de la sécurité sociale abaissé de huit ans ».

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Section 3
Transitions en matière dâge douverture des droits

Article 38
Habilitation à légiférer par ordonnance pour déterminer les règles transitoires applicables aux fonctionnaires en catégorie active et renvoi au bureau des assemblées pour la détermination des règles applicables aux fonctionnaires parlementaires

Par cohérence avec le principe d’universalité qui régit le système universel, et avec le choix opéré par les articles 36 et 37 du projet de loi de ne conserver des droits à départ anticipé que pour les fonctionnaires exerçant des missions régaliennes et soumis à des sujétions exceptionnelles, cet article définit les conditions de mise en extinction progressive des avantages spécifiques des fonctionnaires bénéficiant, en l’état du droit, de possibilités de départ anticipé par rapport à l’âge légal d’ouverture du droit à retraite fixé à 62 ans.

● L’article 38 garantit en premier lieu le maintien du bénéfice de l’âge anticipé de départ à la retraite dont bénéficiaient certains agents publics au titre de leur classement en catégorie active, sous réserve qu’ils aient accompli au 1er janvier 2025 la durée de services qui leur était applicable ou qu’ils s’inscrivent dans le dispositif dérogatoire prévu pour les fonctionnaires infirmiers et paramédicaux de la catégorie A ayant exercé un droit d’option conformément aux règles dérogatoires qui le leur permettent.

Pour les fonctionnaires classés en catégorie active qui ne remplissent pas la condition de durée de services qui leur est applicable au 1er janvier 2025, l’article 38 vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, à prendre toute mesure permettant de définir les conditions de transition ou d’extinction des dispositifs de catégorie active applicables aux fonctionnaires dans le cadre de l’entrée en vigueur du système universel.

Seront en particulier définies :

– les dates d’application de la nouvelle durée de services effectifs prévue par l’article 36 du projet de loi pour les fonctionnaires exerçant des métiers dangereux régaliens dont la durée de services minimale s’élève actuellement à dix-sept ans ;

– les conditions d’abaissement de l’âge d’équilibre, le cas échéant.

Une ordonnance aura également pour mission de définir les conditions d’assujettissement des employeurs publics à une cotisation destinée à couvrir le coût des départs anticipés envisagés dans le cadre du présent article, ainsi que le coût des cotisations qui auraient été dues si les fonctionnaires concernés n’avaient pas bénéficié de conditions de départ anticipé.

● En second lieu, l’article 38 précise que le bureau de chaque assemblée parlementaire devra déterminer les modalités de transition en matière de conditions d’ouverture des droits à retraite, de mode de calcul de ces droits et des conditions de financement, au plus tard le 1er janvier 2045.

 

I.   Le maintien du bénéfice de l’âge de départ anticipé pour les fonctionnaires classés en catégorie active ayant accompli au 1er janvier 2025 la durée de services qui leur est applicable

Cet article renvoie à plusieurs ordonnances le soin de définir les conditions transitoires applicables aux fonctionnaires qui bénéficiaient de conditions de départ anticipé au titre de la catégorie active avant l’entrée en vigueur du système universel.

Toutefois, les personnels qui auraient au 1er janvier 2025 d’ores et déjà accompli la durée de services requise pour prétendre à un départ anticipé conserveront le bénéfice de cet âge d’ouverture du droit à retraite.

Trois catégories de fonctionnaires sont concernées :

– les fonctionnaires appartenant aux mêmes corps et cadres d’emplois que les fonctionnaires exerçant les missions régaliennes dangereuses définies à l’article L. 723-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 36 du projet de loi, mais dont l’emploi ne correspond pas à ces fonctions (I) ;

– les fonctionnaires qui n’appartiennent pas aux mêmes corps et cadres d’emplois que les fonctionnaires exerçant des missions régaliennes dangereuses, mais qui ont occupé ou occupent un emploi en catégorie active en application des dispositions législatives qui leur sont applicables (II). Sont concernés par cette catégorie : les agents classés en catégorie active en vertu du 1° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les agents des réseaux souterrains des égouts ([217]) et les identificateurs de l’institut médico-légal de la préfecture de police de Paris ([218]) ;

– les fonctionnaires régis par les statuts particuliers des corps et cadres d’emplois infirmiers et de personnels paramédicaux appartenant à la catégorie A, ainsi que du corps des cadres de santé, tels que mentionnés au I de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (III). Lorsque ces fonctionnaires ont exercé un droit d’option leur permettant de renoncer à la catégorie active, ils bénéficient d’un âge d’ouverture des droits à la retraite dérogatoire, fixé à 60 ans par le dernier alinéa de l’article 37 de la loi précitée, ainsi que d’une limite d’âge fixée à 65 ans. L’article 38 maintient ainsi pour ces personnels le bénéfice de l’âge d’ouverture du droit à la retraite dès 60 ans, sous réserve qu’ils aient accompli la durée de services qui leur est applicable.

II.   Champ de l’Habilitation À lÉgiférer par ordonnance pour dÉterminer les mesures transitoires applicables aux fonctionnaires placés en catégorie active n’ayant pas accompli la durée de services qui leur est applicable

Pour les fonctionnaires ayant occupé un emploi classé dans la catégorie active avant le 1er janvier 2025 mais qui n’ont pas accompli la durée de services qui leur est applicable avant cette échéance, le IV de cet article vise à habiliter le Gouvernement, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, à légiférer par ordonnance pour définir les règles de transitions en matière d’âge de départ à la retraite et d’âge d’équilibre applicables à ces fonctionnaires.

Pour mémoire, les principales catégories actives sont rappelées dans le tableau présenté au sein du commentaire de l’article 36 de ce projet de loi.

Cette ou ces ordonnances auront notamment pour objet de garantir « la prise en compte de [la] durée de service dans des emplois de la catégorie active » de ces fonctionnaires, afin d’assurer une transition progressive de leurs droits.

Le projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

A.   Fonctionnaires en catÉgorie active exerçant des fonctions rÉgaliennes dangereuses

1.   Conditions de relèvement progressif de la durée de services

La première catégorie de fonctionnaires concernés par l’ordonnance sont les fonctionnaires qui concourent « à des missions publiques de sécurité, y compris civile, de surveillance douanière ou pénitentiaire ou de contrôle aérien » et qui, à ce titre, exercent effectivement « des fonctions comportant une dangerosité particulière pour eux-mêmes ou pour autrui », conformément au I de l’article L. 723-1 du code de la sécurité sociale créé par l’article 36 de ce projet de loi.

Durée minimale de services effectifs aux fonctionnaires
exerçant des missions régaliennes dangereuses

Catégories de fonctionnaires pouvant entrer
dans le champ du I de larticle L. 723-1

Durée minimale de services effectifs applicable

Personnels actifs de la police nationale

27 ans

Personnels de surveillance de ladministration pénitentiaire

27 ans

Ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne

17 ans

Personnels de la surveillance des douanes

17 ans

Sapeurs-pompiers professionnels

17 ans

Agents de police municipale

17 ans

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Seuls les fonctionnaires répondant à la définition fixée au I de l’article L. 723-1 et qui étaient tenus d’accomplir une durée de services effectifs de dix-sept ans pour bénéficier d’un départ anticipé sont concernés par le champ de l’habilitation. A priori, seuls les personnels actifs de la police nationale et les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire sont exclus du champ de cette ordonnance, car soumis à une durée de services supérieure de vingt-sept ans. Cette distinction s’explique par le « rattrapage » prévu par l’article 36 du projet de loi pour les fonctionnaires exerçant les fonctions régaliennes dangereuses mentionnées à cet article, qui verront leur durée de services minimale progressivement relevée jusqu’à vingt‑sept ans au maximum, comme le précise le II de l’article L. 723-1.

L’ordonnance devra déterminer, pour ces fonctionnaires (du I) :

– la date à compter de laquelle la durée d’exercice des fonctions prévue par le II de l’article L. 723-1 leur sera applicable (a) ;

– les conditions dans lesquelles la durée de dix-sept ans sera progressivement relevée jusqu’à la durée prévue par le II de l’article L. 723-1 (b)).

2.   Conditions d’application des dispositions relatives à l’âge d’équilibre et à l’articulation avec les dispositifs de pénibilité

Le du IV précise que pour les fonctionnaires régaliens exerçant des missions dangereuses dans les conditions mentionnées à l’article L. 723-1 du code de la sécurité sociale, tel que rédigé par l’article 36 du projet de loi, l’ordonnance devra définir :

– d’une part, les conditions d’application progressive de l’âge d’équilibre, selon les dispositions prévues par l’article L. 723-2 qui renvoie à un décret le soin de fixer ledit âge d’équilibre pour les fonctionnaires concernés (a) ;

– d’autre part, les conditions dans lesquelles sont applicables « après adaptation » les dispositions de l’article L. 723-3, qui dispose que le bénéfice d’un âge de départ anticipé au titre de fonctions régaliennes dangereuses n’est pas cumulable avec le bénéfice de la retraite anticipée pour incapacité permanente ou du compte professionnel de prévention (b).

B.   Fonctionnaires placés en catÉgorie active avant le 1er janvier 2025 mais n’exercant pas de fonctions régaliennes dangereuses

1.   Fonctionnaires ayant accompli la durée de services effectifs leur permettant de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite à partir de 62 ans

Pour les fonctionnaires placés en catégorie active selon les dispositions législatives applicables à l’une des trois fonctions publiques, sous réserve qu’ils aient accompli la durée de services exigée pour bénéficier d’un âge d’ouverture du droit à retraite inférieur à 62 ans, l’ordonnance devra définir les conditions d’abaissement de l’âge d’équilibre qui leur est applicable ().

2.   Cas des fonctionnaires n’ayant pas accompli la durée de services effectifs leur permettant de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite à partir de 62 ans

Pour les fonctionnaires également placés en catégorie active mais nayant pas accompli la durée de service exigée pour bénéficier dun âge douverture du droit à retraite inférieur à 62 ans, lordonnance définira les conditions dabaissement et dévolution à la fois de lâge douverture du droit à retraite, de la limite dâge (a du ) et de lâge déquilibre applicables à ces fonctionnaires (b du ).

3.   Fonctionnaires régis par les statuts particuliers des corps et cadres d’emplois d’infirmiers et de personnels paramédicaux de la catégorie A

Pour les fonctionnaires régis par les statuts particuliers des corps et cadres d’emplois infirmiers et de personnels paramédicaux appartenant à la catégorie A, ainsi que du corps des cadres de santé, tels que mentionnés au I de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, l’ordonnance devra déterminer les conditions d’abaissement et d’évolution de l’âge d’équilibre, « de manière distincte selon les emplois concernés » ().

C.   AssujetTissement des employeurs publics à une cotisation destinée à couvrir le montant des retraites anticipées

Le V habilite le Gouvernement à définir les conditions d’assujettissement des employeurs publics à une nouvelle cotisation visant à couvrir le coût des départs anticipés des fonctionnaires dont l’appartenance à la catégorie active s’éteindra progressivement dans les conditions prévues aux II, III et du IV.

Cette cotisation aura vocation à couvrir à la fois le montant des retraites versées à titre anticipé aux fonctionnaires concernés (), ainsi que le montant des cotisations qui auraient été dues si la retraite de ces fonctionnaires n’avait pas été liquidée de manière anticipée avant l’âge de 62 ans mentionné à l’article L. 191-1.

Cette ordonnance devra être prise dans les mêmes conditions, c’est-à-dire dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi ; en outre, le projet de loi de ratification devra être déposé dans les trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

III.   REnvoi au bureau des assemblÉes pour la dÉtermination des rÈgles applicables aux fonctionnaires parlementaires

Le troisième alinéa de l’article 8 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires renvoie au bureau de chaque assemblée parlementaire le soin de définir à la fois le statut et le régime de retraite des agents titulaires des services des assemblées parlementaires.

Le III de l’article 6 du présent projet de loi supprime la compétence liée à la définition du régime de retraite, compte tenu de l’intégration des fonctionnaires parlementaires au sein du système universel de retraite.

En conséquence, le VI du présent article autorise le bureau de chaque assemblée parlementaire à déterminer, « après avis des organisations syndicales représentatives du personnel » :

– d’une part, « les modalités de transition en matière de conditions douverture des droits à retraite et de mode de calcul de ces droits », afin de rendre applicables à l’ensemble des agents titulaires des services de l’assemblée intéressée les dispositions du titre II du livre VII du code de la sécurité sociale relatives à l’assurance vieillesse des fonctionnaires, magistrats et militaires relevant du système universel de retraite, dans sa rédaction résultant de l’article 6 de ce projet de loi. Ces modalités de transition devront être définies au plus tard le 1er janvier 2045 () ;

– d’autre part, « les conditions de financement de ces mesures transitoires » ().

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Article 39
Règles transitoires applicables aux assurés des régimes spéciaux

Cet article définit les conditions transitoires applicables aux assurés des régimes spéciaux qui bénéficient, avant l’entrée en vigueur du système universel, de possibilités de départ anticipé par rapport à l’âge légal d’ouverture du droit à retraite fixé à 62 ans.

● L’article 39 autorise ainsi le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure de nature législative permettant :

− de garantir aux assurés des régimes spéciaux ayant effectué la durée de services qui leur est applicable ou n’ayant pas à accomplir de durée de services minimale pour bénéficier d’un départ anticipé, le maintien de cet âge de départ anticipé ;

− de définir les conditions d’anticipation du départ à la retraite de ces assurés, lorsqu’ils n’ont accompli qu’une partie de la durée de services requise pour bénéficier d’un départ anticipé.

Les conditions d’abaissement et d’évolution de l’âge d’équilibre pour chacune de ces catégories d’assurés seront également définies par voie d’ordonnance.

De même, l’ordonnance définira les conditions particulières de départ anticipé applicables aux danseurs du ballet de l’Opéra national de Paris recrutés avant le 1er janvier 2022. Pour ces derniers, l’âge de départ anticipé applicable avant l’entrée en vigueur du système universel sera cependant maintenu, quelle que soit la durée de services effectuée.

● Une nouvelle ordonnance définira enfin les conditions d’assujettissement des employeurs des régimes spéciaux à une cotisation destinée à couvrir le coût des départs anticipés envisagés dans le cadre du présent article, ainsi que le coût des cotisations qui auraient été dues si les agents concernés n’avaient pas bénéficié de conditions de départ anticipé.

I.   Le droit en vigueur

Pour compenser l’exposition de leurs agents à des facteurs de pénibilité ou des sujétions particulières, la plupart des régimes spéciaux ont mis en place des conditions dérogatoires de départ à la retraite, autorisant des départs plus précoces que l’âge légal. Ces conditions de départ sont précisées dans le tableau ci-après.

Conditions de départ anticipé au sein des régimes spéciaux

Régime spécial concerné

Référence réglementaire

Catégorie dagents

Âge minimal

Conditions particulières

Régime de la Société nationale des chemins de fer (SNCF)

Décret n° 2008-639 du 30 juin 2008

Roulants 

52 ans

Durée minimale de services de 17 ans ou fin de carrière dans cette catégorie

Sédentaires

57 ans

Durée minimale de services de 27 ans

Régime de la Régie autonome des transports parisiens (RATP)

Décret n° 2008-637 du 30 juin 2008

Tableau A

57 ans

Durée minimale de services de 27 ans

Tableau B

52 ans

Régime des industries électriques et gazières (IEG)

Décret n° 46-1541 du 22 juin 1946

Catégories actives

57 ans

Durée minimale de services de 17 ans*

Banque de France

Décret n° 2007-262 du 27 février 2007

Ouvriers papetiers, chauffeurs convoyeurs, ouvriers imprimeurs

57 ans

Durée minimale de services de 20 ans

Opéra national de Paris

Décret n° 68-362 du 5 avril 1968

Danseurs

40 ans

Durée minimale de services de 17 ans

Artistes des chœurs

57 ans

Musiciens

60 ans

Emplois à fatigue exceptionnelle

57 ans

Comédie-Française

Décret n° 68-960 du 11 octobre 1968

Machinistes, électriciens, régisseurs, pompiers civils, emplois à fatigue exceptionnelle

57 ans

Ouvriers de lÉtat

Décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004

Emplois à risque particulier d’insalubrité

57 ans

Durée minimale de services de 17 ans + nombre d’heures minimal de travail dans une catégorie de travail insalubre

Régime des mines

Décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946

Droit commun

55 ans

Service au fond

– 1 an par tranche de 4 ans au fond, minimum de 50 ans

Durée minimale de 30 ans d’affiliation

Port autonome de Strasbourg

Annexe 1 au statut du personnel du Port autonome de Strasbourg

Personnel du port

60 ans

Agent titularisé dans le cadre ouvrier avant le 1er janvier 1995

58 ans

35 années de services effectifs

(*) À défaut, abaissement de l’âge d’ouverture du droit à raison d’une année par tranche entière de trois ans de services effectifs.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Au fil du temps, néanmoins, ces dérogations en termes d’âge se sont parfois appliquées à des catégories d’assurés n’étant pas ou plus soumis à de tels facteurs de risques ou de fatigue particuliers. Dès lors, certains avantages en termes d’âge de départ anticipé à la retraite ne paraissent plus justifiés.

L’extension par le projet de loi des dispositifs de droit commun de prise en charge de la pénibilité, de l’inaptitude ou encore de l’invalidité aux assurés des régimes spéciaux se traduira en conséquence par une extinction progressive des dispositifs équivalents à la catégorie active ou de départ anticipé. Afin d’aménager la transition, le présent article propose d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour définir les règles applicables à cette transition, tout en garantissant aux assurés qui ont déjà accompli la durée de services requise pour bénéficier de tels départs anticipés, le maintien du bénéfice de ce droit.

II.   Les règles de transition proposées

A.   La garantie du maintien de l’âge de départ anticipé pour les assurés des régimes spéciaux remplissant certaines conditions

● En premier lieu, le I vise à garantir aux assurés des régimes spéciaux relevant de l’article L. 381-32 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 7 du projet de loi, et nés avant le 1er janvier 1975, le maintien du bénéfice de leur âge d’ouverture du droit à retraite anticipé dont ils bénéficient, sous réserve :

− que ces assurés soient concernés, en raison de leur catégorie d’emploi, par des dispositions législatives et réglementaires en vigueur avant le 1er janvier 2025 leur permettant de bénéficier d’un âge d’ouverture du droit à la retraite inférieur à l’âge de 62 ans prévu par l’article L. 191-1 du même code ([219]) ;

− qu’ils justifient au 31 décembre 2024 d’avoir accompli la durée de services qui leur est applicable ou, le cas échéant, « de la durée de services permettant de bénéficier de la durée danticipation maximale de lâge douverture du droit à la retraite ». Cette condition ne s’applique pas, néanmoins, aux quelques catégories d’assurés qui ne sont soumis à aucune condition de services effectifs.

● En outre, les artistes du ballet de l’Opéra national de Paris conserveront également la faculté de partir à la retraite dès 40 ans, quelle que soit leur durée de service dans le régime, sous réserve d’avoir été recrutés avant le 1er janvier 2022 (II).

B.   Le champ de l’habilitation relative aux règles transitoires applicables aux assurés des régimes spéciaux

Le III vise à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de déterminer les règles de transitoire applicables aux assurés des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 381-32 du code de la sécurité sociale.

Les assurés concernés sont les assurés dont la pension de retraite pouvait être liquidée, au titre de la catégorie de leur emploi et des dispositions législatives et réglementaires qui leur étaient applicables en fonction de leur régime d’affiliation au 1er janvier 2025, à un âge inférieur à l’âge légal d’ouverture du droit à la retraite, fixé à 62 ans par l’article L. 191-1.

L’ordonnance devra garantir la « prise en compte de la durée daffiliation dans ces régimes », dans les conditions présentées ci-après.

Il est précisé que le projet de loi de ratification de cette ordonnance devra être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

1.   Règles applicables aux assurés ayant accompli la durée de services exigible

Conformément au I, les assurés ayant accompli la durée de services requise conserveront le bénéfice de l’âge de départ qui leur était applicable.

L’ordonnance devra toutefois définir à la fois les conditions de mise en œuvre de cette garantie de maintien de l’âge de départ (a du du III), d’une part, et les conditions d’abaissement et d’évolution de l’âge d’équilibre applicable à ces assurés, d’autre part, « de manière distincte selon les catégories demplois concernés » (b du même).

2.   Règles applicables aux assurés n’ayant pas accompli la durée de services exigible

Pour les assurés n’ayant pas accompli au 1er janvier 2025 la durée d’assurance requise pour bénéficier d’un départ anticipé, l’ordonnance devra préciser, en application du du III :

− d’une part, les conditions dans lesquelles ces assurés bénéficient d’une durée d’anticipation de cette âge « proportionnelle à celle passée dans les catégories demploi leur permettant de prétendre à un âge de départ anticipé » ;

− d’autre part, les conditions d’abaissement et d’évolution de l’âge d’équilibre qui leur est applicable.

3.   Règles applicables aux assurés ayant accompli une durée de services ouvrant droit à une durée proportionnelle d’anticipation de l’âge d’ouverture du droit à retraite

Pour les assurés qui auraient accompli avant le 1er janvier 2025 « une durée de services dans leur régime ouvrant droit à une durée proportionnelle danticipation » de l’âge d’ouverture du droit à retraite, l’ordonnance devra également préciser les conditions de bénéfice de cette durée, ainsi que les conditions d’abaissement de l’âge d’équilibre et d’évolution dudit âge d’équilibre qui en résultent.

4.   Règles applicables aux artistes du ballet de l’Opéra national de Paris

Dans les mêmes conditions, l’ordonnance devra définir les modalités de maintien du bénéfice de l’âge de départ anticipé pour les artistes du ballet de l’Opéra national de Paris mentionnés au II, ainsi que l’âge d’équilibre qui leur est applicable et son évolution (a et b du du III).

5.   Règles d’articulation avec les dispositifs applicables en matière de pénibilité

Le du III dispose que l’ordonnance devra également définir les modalités d’articulation des différents dispositifs transitoires fixés par le présent article avec les dispositifs de retraite anticipée pour incapacité permanente et le compte professionnel de prévention, mentionnés respectivement aux articles L. 293-4 et L. 192-5.

III.   AssujetTissement des employeurs des régimes spéciaux à une cotisation destinée À couvrir le montant des retraites anticipées

Par une nouvelle habilitation, le IV autorise le Gouvernement à définir, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, les conditions d’assujettissement des employeurs des régimes spéciaux à une nouvelle cotisation visant à couvrir le coût des départs anticipés des assurés des régimes spéciaux concernés par les mesures transitoires prévues par le présent article.

Cette cotisation aura vocation à couvrir à la fois le montant des retraites versées à titre anticipé aux fonctionnaires concernés et le montant des cotisations qui auraient été dues si la retraite de ces fonctionnaires n’avait pas été liquidée de manière anticipée avant l’âge de 62 ans.

Le projet de loi de ratification de cette ordonnance devra également être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

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Titre III
Un systÈme de retraite À la solidaritÉ renforcÉe

Chapitre Ier
Un système qui récompense mieux lactivité et protège contre les interruptions de carrière

Section 1
La garantie dune retraite minimale

Article 40
Retraite minimale

● Cet article instaure une retraite minimale à destination des assurés du système universel ayant travaillé toute leur vie avec de faibles revenus d’activité.

Ce dispositif a vocation à se substituer à l’ensemble des minima contributifs existants – notamment le minimum contributif (MICO), la pension minimale de référence (PMR), et le minimum garanti (MIGA) – afin d’en harmoniser les règles et garantir de l’équité de traitement parmi les assurés du système universel.

Au moins deux objectifs sont assignés à la retraite minimale par le projet de loi : continuer d’assurer une redistribution en faveur des assurés ayant cotisé sur des bas revenus, d’une part, et encourager à l’activité professionnelle en garantissant à l’heure de la retraite un montant plus élevé de ressources aux personnes ayant cotisé toute leur vie qu’aux bénéficiaires de minima de vieillesse accordés sans condition de durée d’activité. La retraite minimale se distinguera ainsi, dans son montant comme dans ses modalités d’attribution, de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

● En pratique, le projet de loi retient deux critères permettant de prétendre au bénéfice de la retraite minimale :

– une condition d’âge, tout d’abord : l’assuré devra avoir atteint l’âge d’équilibre qui lui est applicable, c’est-à-dire l’âge d’équilibre de droit commun, ou un âge inférieur si l’assuré a bénéficié d’une retraite anticipée en vertu d’un autre dispositif (incapacité permanente, pénibilité, carrière longue...) ;

– une condition de « carrière complète », ensuite, qui sera calculée sur la base du nombre de mois d’assurance de l’assuré, une carrière étant considérée complète dès lors que l’assuré totalise 516 mois d’assurance, soit l’équivalent de quarante-trois années ayant donné lieu au minimum à 600 heures travaillées au SMIC. Toutefois, entreront en ligne de compte les périodes non travaillées de manière involontaire, au titre de la maladie ou du chômage indemnisé, par exemple. De même, les points acquis au moyen de dispositifs de rachat ou de surcotisation seront pris en compte dans le décompte de la durée.

En cas de carrière incomplète, le montant de la retraite minimale sera attribué au prorata de la durée effectivement validée.

La retraite minimale pourra en outre faire l’objet d’une majoration pour les assurés pouvant justifier d’une durée minimale cotisée.

Au total, les assurés ayant effectué une carrière complète bénéficieront d’une retraite minimale équivalente à 85 % du SMIC net (soit environ 69,5 % du SMIC brut) en 2025.

Enfin, un mécanisme d’écrêtement de la retraite minimale est prévu seulement si le total des retraites personnelles de l’assuré et des pensions tirées d’une activité exercée à l’étranger ou au sein d’une organisation internationale dépassent un plafond défini par voie réglementaire. Le cas échéant, le montant de la retraite minimale sera abaissé à due concurrence du dépassement.

L’article 4 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a fixé comme objectif de garantir à tout salarié « « ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée dassurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsquil a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance ».

Les articles 40 et 41 proposent d’honorer cet objectif fixé en 2003 :

– l’article 40 instaure ainsi une garantie de retraite minimale pour l’ensemble des actifs entrant dans le champ du système universel de retraite ayant effectué une carrière complète avec des revenus modestes ;

– dans l’intervalle, afin de mettre en œuvre l’engagement du Président de la République de relever à 1 000 euros nets, dès 2022, les pensions des assurés ayant effectué une carrière complète, l’article 41 met en place un complément différentiel de pension à destination des travailleurs indépendants et des exploitants agricoles, dont le montant des pensions de retraite est globalement inférieur à celui des salariés du privé.

I.   Le droit en vigueur

La plupart des régimes de retraite de base garantissent un montant minimum de pension pour les assurés remplissant le critère de la durée de cotisation requis au sein du régime considéré, lorsque ces assurés ont eu de faibles ressources toute leur vie et disposent, en conséquence, de faibles montants de pension.

La logique des minima contributifs doit être distinguée du minimum vieillesse, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), versé sans contrepartie de cotisations et seulement sur des critères de niveau de ressources du ménage, à partir de l’âge de 65 ans. En effet, le minimum vieillesse vise à assurer aux personnes âgées d’au moins 65 ans un revenu minimal, même s’ils n’ont pas ou peu cotisé pour leur retraite au cours de leur vie. À l’inverse, les minima contributifs – et, en premier lieu, le minimum contributif du régime général – avaient initialement vocation à « valoriser la carrière des assurés qui, bien quayant travaillé un grand nombre dannées, nont acquis, en contrepartie de salaires faibles, quune pension inférieure au montant actuel du minimum vieillesse ». Seuls les minima contributifs constituent, en ce sens, un dispositif relevant des régimes de retraite. Le minimum vieillesse (ASPA) ne fait donc pas l’objet du présent commentaire.

A.   Les conditions de bÉnÉfice des principaux minima contributifs

Les minima contributifs sont attribués principalement par les régimes de base. Seuls le régime complémentaire des exploitants agricoles ainsi que celui des navigants aériens prévoient des minima. En conséquence, sous réserve de ne pas dépasser le plafond de ressources, un assuré bénéficiaire du MICO peut cumuler le montant perçu au titre de ce minimum avec le montant de la pension versée par un régime complémentaire, ou d’autres régimes de base.

1.   Le minimum contributif du régime général

Afin de garantir un minimum de pension de retraite aux personnes ayant travaillé une carrière complète avec de faibles montants de rémunération, la loi du 31 mai 1983 a instauré un minimum de pension, dit « minimum contributif » (MICO) au régime général et dans les régimes alignés. Les règles d’attribution de ce minimum contributif sont aujourd’hui fixées à l’article L. 351‑10 du code de la sécurité sociale.

Le MICO concerne les assurés du régime général, des régimes alignés (salariés agricoles et travailleurs indépendants) ainsi que les assurés du régime des cultes (CAVIMAC).

a.   Les conditions de bénéfice

Trois conditions cumulatives sont requises pour bénéficier du minimum contributif.

● L’assuré doit, en premier lieu, justifier d’une durée d’assurance attestant de la réalisation d’une carrière complète, d’un âge ou d’une situation – invalidité, inaptitude – donnant droit à une pension de retraite de base au taux plein de 50 %.

Le caractère « complet » de la carrière doit néanmoins être nuancé à double titre. En premier lieu, la durée d’assurance prise en compte ne correspond pas à une durée cotisée : sont ainsi prises en compte des périodes d’interruption d’activité au titre des périodes assimilées (maladie, chômage, maternité, invalidité, etc.), des périodes validées au titre de l’allocation vieillesse des parents au foyer (AVPF) ou encore les trimestres de majoration d’assurance pour enfants.

Ce critère de durée d’assurance peut en outre être rempli par d’autres motifs, tels que la reconnaissance de l’inaptitude au travail, qui ouvre droit au bénéfice du MICO sous réserve que les autres conditions soient réunies.

La CNAV a ainsi démontré qu’en 2014, seuls 36 % des retraités attributares du minimum contributif bénéficiaient du taux plein grâce à leur durée cotisée. Près des deux tiers des bénéficiaires du MICO ne peuvent en conséquence bénéficier du montant maximal de ce dispositif, dans la mesure où le montant est proportionnel à la durée de la carrière (cf. infra) ;

● La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2009 ([220]) a en outre introduit plusieurs modifications significatives applicables à compter du 1er janvier 2012. L’une d’entre elle exige que l’assuré ait liquidé l’intégralité de ses retraites personnelles des régimes de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des organisations internationales : c’est ce que l’on appelle la « condition de subsidiarité ».

b.   Les modalités de calcul du minimum contributif

Le minimum contributif se compose :

– d’un montant fixé à 642,93 euros par mois en 2020, accordé au titre de la durée d’assurance de l’assuré ;

– le cas échéant, pour les assurés justifiant d’au moins 120 trimestres d’assurance, d’une majoration pour périodes cotisées, qui porte le total du montant du minimum contributif à 702,55 euros par mois en 2020. Cette majoration, introduite par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, était initialement destinée à relever la pension des assurés justifiant d’une carrière complète à 85 % du SMIC net.

Concrètement, lors du calcul de la pension, si le montant de la pension de retraite versée à taux plein est inférieur au minimum contributif, il est automatiquement relevé au niveau de ce minimum, éventuellement majoré. Pour les assurés nés en 1966, par exemple, la condition de durée d’assurance requise pour bénéficier du minimum contributif est fixée à 166 trimestres, cette durée tenant compte de l’ensemble des régimes auxquels l’assuré a cotisé. En cas de carrière incomplète, le minimum contributif est calculé au prorata des trimestres validés.

Le minimum contributif est cumulable avec d’autres types de majorations ou dispositifs tels que la retraite anticipée des travailleurs handicapés (article L. 351-1-3 du code de la sécurité sociale), la majoration pour enfants (article L. 351‑12 du même code) ([221]) ou la majoration pour conjoint à charge (article L. 351‑13 du même code). De plus, le troisième alinéa de l’article L. 351‑10 du même code précise que la surcote s’ajoute au montant du minimum contributif, le cas échéant majoré.

La LFSS 2009 a par ailleurs instauré un mécanisme d’écrêtement du minimum contributif lorsque le total des pensions de l’assuré dépasse le plafond défini. Ce plafond est fixé à 1 191,56 euros par mois en 2020 ([222]). Ce plafond est calculé tous régimes de base et complémentaires confondus ; il tient compte également des éventuelles retraites accordées au titre d’une activité exercée à l’étranger. En cas de dépassement de ce plafond de pension tous régimes, le montant du MICO est écrêté à due concurrence du dépassement, partiellement ou totalement.

c.   Le nombre de bénéficiaires

Les nouvelles règles d’écrêtement entrées en vigueur le 1er janvier 2012 ont eu un effet significatif sur le nombre d’assurés éligibles au MICO, tant en termes de nombre de bénéficiaires du MICO qu’en termes de montant.

Effectifs de nouveaux retraitÉs dont la pension est portÉe au minimum contributif (MICO) du rÉgime gÉnÉral

Source : CNAV.

Ainsi, environ 15 % des assurés éligibles au minimum contributif avant la réforme ont perdu le bénéfice du MICO, le plus souvent parce qu’il s’agissait de polypensionnés dont le montant total des pensions excédait le plafond instauré au 1er janvier 2012. En outre, un tiers des bénéficiaires du MICO ont subi une diminution de leur pension, de l’ordre de 13 % ([223]). Ainsi, au régime général, « la part des flux [de pensions de retraite] portés au minimum contributif est passée de 41 % en 2006 à 17 % en 2018 » ([224]).

Les femmes représentent l’essentiel des bénéficiaires du minimum contributif (80 % du flux de nouveaux pensionnés). 26 % des femmes partant à la retraite en 2018 à l’âge du taux plein voient ainsi leur pension relevée au minimum contributif, contre seulement 8 % des hommes ([225]).

2.   Pour les non-salariés agricoles, une garantie de pension équivalente à 75 % du SMIC

Les exploitants agricoles ainsi que les collaborateurs et aides familiaux bénéficient également d’un mécanisme de minimum de retraite visant à compenser les faibles montants de retraite dont bénéficient un grand nombre d’exploitants agricoles. En pratique, ce mécanisme est double, puisqu’il relève à la fois du régime de base – la pension minimale de référence – et du régime complémentaire – le complément différentiel de points, l’objectif étant de garantir un montant minimum de pensions à hauteur de 75 % du SMIC.

a.   La pension minimale de référence

La pension minimale de référence (PMR), définie à l’article L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime, vise à porter le total des pensions de droit propre et dérivé d’un assuré servi par le régime de base des non-salariés agricoles à un montant minimum. Il en existe deux types :

– la PMR destinée aux chefs d’exploitation s’élève au 1er janvier 2019, d’après l’étude d’impact, à 689,40 euros ;

– la PMR destinée aux conjoints et aidants familiaux s’élève, d’après la même source, à 547, 81 euros.

b.   Le complément différentiel de points

La loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a instauré un mécanisme visant à relever le montant total de leur pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire (RCO) à 75 % du salaire minimum de croissance (SMIC), qui s’applique à tout exploitant agricole ayant liquidé une retraite à taux plein et percevant une pension globale inférieure au plafond équivalent à 75 % du SMIC net.

Ce mécanisme, précisé à l’article L. 732-63 du même code, consiste en un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire afin de porter le montant minimum des droits à pension de l’assuré à un montant minimal déterminé en fonction :

– de la durée d’assurance au titre d’une activité non salariée agricole, d’une part ;

– des périodes d’assurance en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole accomplies par l’assuré, à titre exclusif ou principal, dans le régime d’assurance vieillesse de base des personnes non salariées agricoles, fixées à 17,5 ans.

3.   Pour les fonctionnaires, le « minimum garanti » (MIGA)

Au sein de la fonction publique civile de l’État et des fonctions publiques hospitalière et territoriale (CNRACL), le « minimum garanti » prévu par l’article 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite assure un minimum de pension sur le même principe que le minimum contributif des salariés du privé.

Le « minimum garanti » bénéficie à tout assuré justifiant des conditions de durée d’assurance, d’âge minimum ou de droit à pension au titre de l’invalidité ou du handicap requises et dont le montant de la pension de retraite de base est inférieur à ce minimum.

a.   Les conditions de bénéfice

Selon le premier alinéa du même article L. 17, le minimum garanti est applicable si au moins l’une des conditions suivantes est remplie, c’est-à-dire :

– si l’assuré justifie du nombre de trimestres de durée d’assurance requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein ;

– si l’assuré a atteint la limite d’âge propre à sa génération ;

– si l’assuré a atteint la durée de services correspondant à l’annulation de la décote ;

– si la liquidation de la retraite intervient pour motif d’invalidité ou de handicap, au titre de parent d’un enfant handicapé ;

– si le fonctionnaire ou son conjoint est atteint d’une infirmité ou d’une maladie incurable l’empêchant d’exercer une quelconque profession.

b.   Les modalités de calcul du minimum garanti

Le montant mensuel du minimum garanti dépend du nombre d’années de services en tant que fonctionnaire. Il est versé dès lors que la pension calculée est inférieure aux différents minima garantis en fonction de cette durée de services effectifs. Ainsi, contrairement aux minima contributifs du régime général et du régime des exploitants agricoles, le montant du MIGA n’est pas strictement proportionnel à la durée cotisée, selon une logique qui, d’après l’étude d’impact, favorise les assurés polypensionnés ayant une faible durée de cotisation dans un régime de la fonction publique.

● Pour un fonctionnaire totalisant au moins quarante années de carrière, le montant du minimum garanti est égal à la valeur de l’indice majoré 227 au 1er janvier 2004, revalorisé dans les mêmes conditions que les pensions de retraite : ce montant s’établit à 1 182,53 euros par mois (a de l’article L. 17).

● Pour un fonctionnaire justifiant entre quinze et trente-neuf années de carrière, le montant du minimum garanti s’élève à 57,5 % du montant mentionné à l’alinéa précédent, majoré de 2,5 points par année supplémentaire par année de services effectifs de quinze à trente ans et de 0,5 point par année de services effectifs de trente à quarante ans (b de l’article L. 17). Par exemple, pour un fonctionnaire justifiant de trente-deux ans de services effectifs, le montant du minimum garanti s’élèvera à :

57,5 % + (15 x 2,5) + (2 x 0,5) = 96 % de 1 182,53 euros = 1 135,23 euros.

● Pour un fonctionnaire justifiant de moins de quinze années de services :

– si la pension est liquidée pour motif d’invalidité, le montant garanti est égal à un quinzième du montant défini pour cette durée de quinze ans par année de services effectifs, soit 1/15e de 57,5 % de 1 182,53 euros par année de services effectifs (c de l’article L. 17) ;

– si la pension est liquidée pour tout autre motif, le montant du MIGA est multiplié par le nombre d’années de services effectifs puis divisé par le nombre de trimestres d’assurance requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

4.   Des minima de retraite dans la plupart des régimes spéciaux

La plupart des régimes spéciaux, à l’exception du régime des marins et du régime des clercs et employés de notaires (CRPCEN), prévoient des dispositifs de minimum contributif, dont les montants, résumés dans le tableau ci-après, sont relativement homogènes.

Dans la plupart des cas, ces montants dépendent d’une durée minimale de services ; le tableau ne fait figurer que le montant maximum.

Valeur du montant maximum du minimum de pension au 1er janvier 2019

(en euros nets)

Régime général, régimes alignés (salariés agricoles et travailleurs indépendants) et régimes des cultes (CAVIMAC)

MICO simple

MICO majoré

636,56

695,59

Régimes des non-salariés agricoles (MSA non-salariés)

Base

Chefs d’exploitation

Conjoint et aides familiaux

589,40

547,81

Complémentaire

75 % SMIC

Régimes des fonctions publiques

1 170,82

Régime des industries électriques et gazières (CNIEG)

1 082,64

Régime des ouvriers de lÉtat (FSPOIE)

1170, 82

Régime du port autonome de Strasbourg

1 013,04

Régime de la Banque de France

1 291,67

Régime de la Régie autonome des transports parisiens (RATP)

965,92

Régime de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF)

1 230,25

Régime de la Comédie-Française

1 170,82

Régime de lOpéra national de Paris

1 170,82

Source : Étude d’impact.

B.   L’enjeu de la revalorisation des minima contributifs pour inciter au prolongement d’une activitÉ professionnelle

1.   Davantage de femmes et de polypensionnés parmi les bénéficiaires de minima contributifs

D’après les statistiques publiées par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé ([226]) :

– plus d’une pension sur cinq au régime général a fait l’objet d’un relèvement au minimum contributif (21 %) en 2016 ;

– au sein de la fonction publique, le minimum garanti a été versé à 4,6 % des nouveaux retraités de la fonction publique civile de l’État en 2017, et à 18 % des nouveaux retraités de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ;

– enfin, 11 % des nouveaux retraités non salariés affiliés à la mutualité sociale agricole ont bénéficié de la pension minimale de référence en 2017.

Selon la même source, cinq femmes sur dix perçoivent un minimum de pension, contre seulement trois hommes sur dix : cette différence reflète, notamment, des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes au cours de leur vie professionnelle. De même, « parmi les retraités de la génération 1950, les polypensionnés bénéficient nettement plus souvent que les unipensionnés dun dispositif de minimum, celui-ci nétant pas nécessairement versé plein ».

2.   Des montants minima peu élevés qui n’incitent pas à prolonger l’activité professionnelle

Le principal reproche adressé aux différents mécanismes de garantie de niveau de pension minimum est le faible niveau des montants garantis, en particulier au régime général et pour les exploitants agricoles, qui entretient de surcroît une confusion avec l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), versée aux personnes âgées sous conditions de ressources et sans condition de durée minimale d’assurance ou de cotisation à un régime de retraite et dont le montant maximum s’élève, au 1er janvier 2020, à 903,20 euros pour une personne seule.

Les mécanismes distincts de revalorisation des minima contributifs et de l’ASPA se sont en effet traduits, ces dernières années, par un relèvement du minimum vieillesse qui n’a pas été suivi par le minimum contributif, ce qui explique une différence significative de montant entre les deux prestations, comme le montre le graphique suivant.

Comparaison des barÈmes du minimum vieillesse pour une personne seule et du minimum contributif

Source : Conseil d’orientation des retraites, « L’articulation entre le minimum contributif et le minimum vieillesse au régime général, document n° 5, séance plénière du 24 mai 2018.

Ainsi, 80 % des bénéficiaires du minimum contributif perçoivent également l’ASPA afin de compléter leurs revenus. Or, comme le soulignait le rapport du groupe de travail sur les retraites mis en place par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sous la présidence de Mme Corinne Vignon, « selon une logique plus incitative, pour un assuré ayant réalisé une carrière complète au niveau du SMIC, le montant du minimum contributif devrait logiquement être supérieur à celui du minimum vieillesse qui constitue un filet de sécurité destiné aux inactifs ».

Ce paradoxe est particulièrement manifeste pour les bénéficiaires du MICO non majoré, dont le montant est à peine plus élevé que la moitié du SMIC, et en matière de retraites agricoles, puisque le complément différentiel de pension fixé à 75 % du SMIC net – soit environ 914,25 euros – est à peu près équivalent au montant de l’ASPA, ce qui rend peu incitatif le prolongement d’une activité professionnelle pour justifier de la condition de durée d’assurance.

C.   Un enjeu majeur de simplification

Les règles très disparates d’attribution et de calcul de minima contributifs au sein des différents régimes nuisent à la lisibilité de ces dispositifs, en particulier pour les assurés relevant de plusieurs régimes.

Rien que pour les trois principaux minima sociaux, les règles en matière de prise en compte des périodes validées, de nature des retraites ou de durée d’assurance minimale varient.

Comparaison des différentes rÈgles applicables aux minima
dans les principaux rÉgimes

 

Régime général

Régime des exploitants agricoles

Régimes
de la fonction publique

 

MICO simple

MICO majoré

Périodes prises en compte

Périodes validées

Périodes cotisées

Périodes validées

Périodes validées ou autre motif (limite d’âge, âge d’annulation de la décote, invalidité…)

Condition de durée dassurance minimale au régime considéré

Non

Non

Oui

Non

Prise en compte de la réversion dans le plafond considéré pour lécrêtement

Non

Oui

Modalités de proratisation du minimum

Proportionnellement à la durée

Proportionnellement à la durée

Non strictement proportionnelles à la durée

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Ces règles hétérogènes ont amené le législateur à définir des règles de priorité et de calcul complexes pour les assurés.

Ces constats ont conduit le haut-commissaire à la réforme des retraites, M. Jean-Paul Delevoye, à préconiser ([227]) l’harmonisation des règles relatives aux minima contributifs au sein du régime universel : ainsi, un seul dispositif harmonisé sera retenu et ouvert à tous les assurés.

II.   L’Article 40 instaure la garantie d’une retraite minimale fixÉe À 85 % du SMIC pour une carriÈre complÈte

La garantie de retraite minimale prévue par le présent article est définie au sein d’un nouvel article L. 195-1 du code de la sécurité sociale inséré au sein d’un chapitre V intitulé : « Dispositifs de solidarité » au titre IX du livre Ier du code de la sécurité sociale.

A.   Les modalitÉs de calcul de la garantie de retraite minimale

En vertu du I de l’article L. 195-1, la garantie de retraite minimale sera assurée au moyen du versement de points supplémentaires aux assurés éligibles à cette garantie, permettant de relever leur pension de retraite « à un montant minimum ».

À l’instar du minimum contributif, la garantie de retraite minimale est constituée de deux parties (V de l’article L. 195-1) : un montant de base, calculé sur la base d’une durée d’assurance et une majoration, calculée sur la base d’une durée cotisée ([228]), tous deux exprimés en pourcentage du montant mensuel du SMIC et fixés par décret.

Selon le III de l’article L. 195-1, ce montant minimum sera « fixé par décret en pourcentage du montant mensuel du salaire minimum de croissance brut en vigueur » au 1er janvier de l’année civile au cours de laquelle l’assuré liquide sa retraite. Le fait de retenir un montant brut s’explique pour des raisons juridiques : le montant du SMIC légal est fixé chaque année en brut par voie réglementaire. Néanmoins, c’est bien par rapport au niveau du montant net défini par l’exposé des motifs du projet de loi – soit 85 % du SMIC en 2025 – que ce montant brut sera défini.

D’après l’étude d’impact, ce montant cible de 85 % du SMIC net correspondrait en 2025, d’après les simulations disponibles, à environ 69,5 % du SMIC brut. Ce montant correspondra aux deux fractions de la retraite minimale, c’est-à-dire à la fois la retraite minimale et la retraite majorée.

B.   Les conditions de bÉnÉfice de la retraite minimale

1.   Une liquidation à compter de l’âge d’équilibre applicable à l’assuré

Selon le II de l’article L. 195-1, le montant de base de la garantie de retraite minimale est attribué sous réserve que l’assuré liquide sa retraite à compter de l’âge d’équilibre ([229]) « qui lui est applicable ».

L’âge d’équilibre pris en compte pour l’attribution de la retraite minimale pourra néanmoins être inférieur pour certaines catégories de travailleurs dont l’âge d’équilibre est abaissé dans les conditions prévues par ce projet de loi, tels que les bénéficiaires d’une retraite anticipée pour carrière longue, dont l’âge d’équilibre est abaissé de deux ans, ou les bénéficiaires d’une retraite pour inaptitude au travail ou pour handicap, pour lesquels l’âge d’équilibre est abaissé à l’âge de départ de l’assuré.

Il convient de souligner que d’après l’étude d’impact, le dispositif de surcote reste applicable aux bénéficiaires d’une retraite minimale : celle-ci sera en effet calculée au moment de l’atteinte de l’âge d’équilibre, sans prise en compte de l’éventuelle surcote due à l’assuré qui aurait fait le choix de prolonger son activité à compter de l’atteinte de l’âge d’équilibre. Cette solution est plus avantageuse pour l’assuré puisqu’il pourra augmenter le montant de sa retraite minimale en travaillant au-delà de l’âge d’équilibre.

À l’inverse, aucun dispositif de surcote ne pourra minorer le montant dû à l’assuré, puisque seul le fait de liquider sa retraite à compter de l’atteinte de l’âge d’équilibre permet de bénéficier de la retraite minimale.

2.   Une condition de « carrière complète » requise pour bénéficier du montant maximum de la retraite minimale

Lors de la liquidation de la retraite, l’assuré remplissant les conditions de d’âge et de carrière complète lui permettant de bénéficier de la retraite minimale verra le cas échéant le montant de sa pension revalorisé grâce à l’attribution de points supplémentaires.

Pour justifier d’une carrière complète, l’assuré doit être en mesure de justifier d’une durée d’assurance minimale fixée à 516 mois – soit quarante-trois années – par le IV de l’article L. 195-1, pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1975.

Cette durée minimum « évolue comme lâge déquilibre » pour les générations ultérieures, « dans les conditions prévues au troisième alinéa de larticle L. 191-5 », c’est-à-dire en fonction de l’évolution des prévisions d’espérance de vie.

Pour le décompte de cette durée minimale de 516 mois correspondant à ce que le Gouvernement appelle « carrière complète », quatre types de périodes décomptées en mois ou de points convertis, pour l’occasion, en mois, sont pris en compte.

a.   Les principales composantes du décompte de la durée de 516 mois

En premier lieu, selon le 1° du V de l’article L. 195-1, le total du nombre de points acquis par un assuré pour chaque année d’activité est pris en compte et comparé au nombre de points que l’assuré aurait acquis s’il avait travaillé un certain nombre d’heures dans l’année au SMIC, ou s’il a acquis des points équivalents à ce seuil au moyen de périodes assimilées.

Ainsi, le nombre de mois pris en compte pour chaque assuré résulte de la division du total de points inscrits sur son compte personnel de carrière mentionné à l’article L. 191-3, dans sa rédaction résultant de l’article 8 de ce projet de loi, au titre d’une année civile, par « le nombre de points obtenus par application du taux de la cotisation » mentionnée au 1° de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ([230]) au SMIC en vigueur au 1er janvier de l’année considérée.

Au global, d’après l’étude d’impact, douze mois seront validés si l’assuré a acquis un nombre de points équivalent à 600 heures de travail cotisées sur la base du SMIC, ce qui correspond au seuil actuel de validation utilisé dans les régimes de base alignés. Si l’assuré a travaillé moins que 600 heures de travail cotisées au SMIC, le nombre de mois retenus sera calculé au prorata du nombre d’heures cotisées sur un salaire équivalent au SMIC. Par exemple, si un salarié a travaillé 500 heures sur une année civile, il validera dix mois au titre de la durée d’assurance, alors qu’il n’aurait validé dans l’ancien régime que trois trimestres. Le fait de retenir une déclinaison en mois est donc plus favorable aux assurés.

Le dispositif retenu est en pratique un peu plus complexe, puisque la mention des 2° et 3° de l’article L. 191-3 indique que le nombre de points pris en compte sur une année tiendra compte non seulement des périodes cotisées mais aussi des périodes donnant lieu, au nom de la solidarité nationale à l’attribution de points, telles que la maternité, la maladie ou le handicap, mais aussi les périodes de pratique d’un sport de haut niveau ou période d’apprentissage. De même, les points attribués au titre du handicap par le II de l’article L. 192-2, dans sa rédaction résultant de l’article 29 du projet de loi, pourront être pris en compte pour la validation de la durée mensuelle requise.

Périodes prises en compte pour lattribution de points dans les conditions prévues à larticle L. 191-2 (article 8 du projet de loi)

Il s’agit des périodes ayant donné lieu à l’attribution de points au titre :

– de la maternité, de la maladie, de l’invalidité ou du chômage (article L. 195-2) ;

– de l’apprentissage, du service civique ou de la pratique d’un sport de haut niveau (article L. 195-3) ;

– du soutien à un proche malade, handicapé ou dépendant (article L. 195-4) ;

– de l’interruption ou de la réduction de carrière des parents d’enfants en bas âge (article L. 196-2).

Sont également concernées les périodes ayant fait l’objet du versement de cotisations au titre :

– du rachat d’années non cotisées pour expatriation, du temps partiel ayant donné lieu à des cotisations équivalentes à des cotisations temps plein, ou de l’affiliation à l’assurance vieillesse volontaire (articles L. 194-1 à L. 194-3) ;

– des trimestres d’études ou de stages (articles L. 194-4 et L. 194-5) ;

– des cotisations versées par les employeurs publics pour compenser les départs anticipés des fonctionnaires exerçant des fonctions régaliennes dangereuses ou des militaires (articles L. 723-4, L. 724-4 et L. 724-5).

b.   La majoration pour enfants sera partiellement prise en compte dans le décompte de la durée

Le 2° du V dispose ensuite qu’un nombre de mois, déterminé par décret, sera pris en compte au titre de chaque enfant ouvrant droit à la majoration pour enfant mentionnée à l’article L. 196-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 44 de ce projet de loi.

Cette disposition appelle deux remarques : elle signifie, d’une part, que les points attribués au titre des majorations pour enfants ne seront que partiellement pris en compte, sur la base d’un forfait défini par voie réglementaire. Elle signifie également que le nombre de points sera converti en mois, selon une méthode de calcul qui n’est pas détaillée.

c.   La prise en compte de la pénibilité

Les mois d’anticipation de départ à la retraite pris pour l’utilisation des points du compte professionnel de prévention (C2P) dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 192-5 du code de la sécurité sociale, tel que rédigé par l’article 33 de ce projet de loi (3° du V), sont également pris en compte dans le décompte total de 516 mois.

Rappelons ici que le nombre de mois correspondant à cette utilisation du C2P est plafonné à vingt-quatre mois.

Cette disposition présente l’intérêt de tenir compte de la pénibilité : les personnes exposées à des conditions de travail pénibles au cours de leur carrière valideront ainsi plus facilement la condition de durée requise.

d.   La prise en compte, à titre transitoire, de périodes validées avant l’entrée dans le système universel

Le décompte de la durée de 516 mois prendra enfin en compte les « périodes dassurance validées dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur avant lentrée en vigueur du système universel de retraite pour le bénéfice du taux plein dans les régimes de retraite de base légalement obligatoires, à hauteur de trois mois par trimestre validé » (4° du V).

e.   Un calcul complexe, mais justifié par un impératif d’équité

● Le choix de ce mode de calcul – dont on ne peut nier la relative complexité – consistant à retenir une durée d’assurance en mois peut surprendre, compte tenu de sa difficile application dans un système par points. Il présente néanmoins plusieurs avantages pour les assurés du système universel.

En premier lieu, il présente l’intérêt d’être applicable de la même manière à l’ensemble des assurés du système universel, salariés comme non-salariés –travailleurs indépendants, exploitants agricoles...

En outre, le raisonnement en mois plutôt qu’en trimestres, comme c’est le cas actuellement, apporte davantage de souplesse aux assurés, qui pourront plus facilement valider une période mensuelle en cas d’interruption d’activité ou de temps partiel, par exemple, qu’un trimestre.

La prise en compte des points supplémentaires attribués notamment au titre de la solidarité nationale est, de surcroît, plus favorable aux assurés qu’un système qui ne retiendrait que les mois strictement travaillés et non les mois donnant lieu à des interruptions d’activité involontaire pour cause de maladie ou de maternité, par exemple.

● L’étude d’impact présente en outre les inconvénients de plusieurs modes de calcul alternatifs, qui n’ont pas été retenus en conséquence par le projet de loi :

– si elle répond à l’atout de la simplicité, la création d’une majoration ciblée sur les faibles retraites, dont le montant dépendrait seulement du niveau de la pension de l’assuré, risquerait d’englober dans le dispositif de la retraite minimale des catégories d’assurés ayant eu de très hauts niveaux de rémunération pendant un nombre d’années largement inférieur à la durée d’une carrière complète. Cela constituerait un dévoiement de l’objectif initial des minima contributifs ;

– de même, la création d’une garantie minimale de points, accordée tout au long de la carrière de l’assuré, serait plus simple et plus transparente pour l’assuré, mais elle se révélerait relativement injuste, car elle reviendrait à accorder des points à des assurés ayant eu « à un moment de leur carrière, un emploi faiblement rémunéré », à l’instar d’un emploi étudiant, alors que le reste de leur carrière serait marqué par des niveaux de salaires bien plus élevés. Cette situation reviendrait ainsi à « majorer la retraite dassurés avec des niveaux de rémunération élevés », ce qui n’est pas souhaitable au regard de l’objectif d’équité et de redistribution recherché.

3.   Le montant de la retraite de base sera proratisé en cas de carrière incomplète

Si l’assuré ne peut justifier avoir accompli la durée de 516 mois telle que calculée par le V, le montant de la garantie de retraite minimale sera « proratisé en fonction de la durée acquise » (III de l’article L. 195-1).

À l’instar du MICO et du dispositif applicable aux non-salariés agricoles, la retraite minimale sera donc strictement proportionnelle à la durée d’assurance validée par l’assuré.

Si un assuré a validé 490 mois (soit 40,8 années) sur les 516 mois (43 années) requis, le montant garanti sera ainsi équivalent à 95 % de la retraite minimale.

4.   Une majoration accordée en fonction d’une durée minimale de cotisations à la charge de l’assurée

Selon le V de l’article L. 195-1, la majoration de retraite minimale est accordée à condition que l’assuré puisse justifier d’une « durée minimale ayant donné lieu à cotisations » à sa charge. À l’instar du minimum contributif, cette condition additionnelle vise ainsi à donner un avantage comparatif aux assurés dont la validation de la durée d’assurance repose davantage une activité professionnelle ayant donné lieu à cotisations.

Cette durée sera fixée par décret, « en fonction de la quotité de travail ». Le décompte de cette durée tiendra compte, notamment, des périodes cotisées « au-delà dune certaine quotité de travail ».

La rédaction actuelle du texte ne permet pas de déterminer si la majoration s’ajoute aux 85 % du SMIC net garantis aux bénéficiaires de la retraite minimale, ou si elle est complémentaire du montant de base permettant d’atteindre ces 85 %. L’étude d’impact semble retenir la seconde possibilité, en précisant que le montant cible de 85 % du SMIC net ne pourra être atteint que par les assurés remplissant les conditions de bénéfice de cette majoration. Or, le Conseil d’État estime que le mode de calcul retenu pour la majoration, reposant sur une durée cotisée, « ne se heurte à aucune objection dordre juridique dès lors que le dispositif garantit par ailleurs une pension de retraite minimale fixée à 85 % du SMIC mensuel net ». La rapporteure considère que les débats parlementaires devront en conséquence absolument clarifier ce point.

5.   Un mécanisme d’écrêtement maintenu pour les seules retraites tirées de régimes étrangers et d’organisations internationales

Le VI de l’article L. 195-1 dispose que l’assuré ne peut bénéficier de la garantie de retraite minimale « que sil a fait valoir lintégralité de ses droits à retraite personnelle acquis au titre de régimes étrangers et dorganisations internationales ». Cette condition de liquidation intégrale ne s’applique pas, néanmoins, aux cas de cumul emploi-retraite tels que précisés à l’article L. 193-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 26 de ce projet de loi ([231]).

Dans l’hypothèse où le cumul des droits à retraite servis par des régimes étrangers ou des organisations internationales et le montant de la retraite accordée à l’assuré au titre de son affiliation au système universel dépassent le montant de la garantie de retraite minimale, ce dernier montant peut faire l’objet d’un versement différentiel à l’assuré, en le réduisant à due concurrence du dépassement.

Par exemple, si la retraite minimale garantit une pension de 1 000 euros et que l’assuré bénéficie d’une pension de 600 euros au titre de son affiliation au système universel, et d’une pension de retraite de 250 euros versée par un régime étranger de retraite, le nombre de points supplémentaires accordé à l’assuré sera réduit pour que le montant de la retraite minimale versé soit équivalent à 150 euros, lui permettant d’atteindre le montant garanti de retraite minimale.

C.   Les effets attendus

1.   85 % du SMIC : une proportion-cible plus élevée à terme que la plupart des minima versés par les principaux régimes de retraite

Par rapport aux minima actuels des principaux régimes, deux catégories d’assurés seraient largement gagnantes : les salariés du secteur privé, artisans, commerçants et salariés agricoles relevant du régime général, ainsi que les non‑salariés agricoles.

Montant des minima en pourcentage du SMIC NET

Minimum contributif

Minimum des exploitants agricoles

Retraite minimale (cible)

81 %

75 %

85 %

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir des données de l’étude d’impact.

Tel ne serait pas le cas, en revanche, des agents de la fonction publique qui, selon les simulations disponibles, verraient à court terme le montant de la pension minimale diminuer par rapport à la situation actuelle. En effet, en 2025, d’après l’étude d’impact, le montant prévisionnel du MIGA serait d’environ 1 296 euros, contre 1 208 euros pour le système universel, soit 91 % du SMIC contre 85 %.

Cet effet négatif de court terme ne se vérifie pas, néanmoins, à moyen terme pour les premiers assurés qui bénéficieront de la retraite minimale –c’est‑à‑dire la génération née à compter de 1975, selon les estimations et hypothèses prises en compte dans l’étude d’impact : le montant de la retraite minimale deviendrait ainsi supérieur au MIGA dès 2037, qui correspond à la première année d’application de la réforme pour la génération 1975.

Certains régimes dont les montants de pension minima sont élevés –Banque de France, SNCF – connaîtront un léger décrochage par rapport à la retraite minimale. Celui-ci tendra néanmoins à se résorber à l’horizon 2040.

À l’inverse, le montant de la retraite minimale garantie par le système cible sera immédiatement et durablement plus favorable aux assurés de plusieurs régimes spéciaux – RATP ou Port autonome de Strasbourg –, ou le deviendra dès 2031 pour le régime des industries électriques et gazières, sous réserve de la réalisation des hypothèses retenues par l’étude d’impact.

2.   Le coût du dispositif

L’élargissement de la retraite minimale à l’ensemble des assurés ainsi que les conditions d’accès définies devraient augmenter à moyen terme le coût de ce dispositif à compter de 2040, d’après les projections disponibles.

Cette augmentation des masses financières traduit surtout le choix de l’indexation sur le SMIC, qui permettra de relever le montant des pensions des assurés ayant travaillé toute leur vie avec de faibles montants de revenus d’activité.

D’après l’étude d’impact, la part des pensions portées au minimum sera ainsi plus élevée pour les générations 1975 à 1990, entre 25 % et 30 % pour la retraite minimale, contre 15 à 20 % pour les actuels dispositifs de minima.

*

Article 41
Revalorisation des minima de pensions des travailleurs indépendants et exploitants agricoles

Afin de relever progressivement, entre 2022 et 2025, le niveau de retraite minimale de deux catégories de travailleurs dont les niveaux de pension sont particulièrement faibles, l’article 41 propose :

– d’une part, d’instaurer un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (RCO) pour les travailleurs indépendants bénéficiaires du minimum contributif (MICO) ;

– d’autre part, de revaloriser le montant de la pension minimale versée aux agriculteurs justifiant d’une carrière complète.

Ces deux mesures auront pour effet de porter à 85 % du SMIC net, dès 2025, le montant de la retraite minimale des travailleurs indépendants et des exploitants agricoles.

I.   des niveaux de pension particuliÈrement faibles pour les travailleurs indÉpendants et exploitants agricoles

A.   Les pensions des non-salariÉs agricoles

Au 1er janvier 2018, la Mutualité sociale agricole (MSA) recensait près de 480 000 actifs non-salariés agricoles, une dénomination qui recouvre les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, les collaborateurs d’exploitation ainsi que les aides familiaux. Les femmes représentent près d’un quart (24 %) des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. La démographie agricole est en diminution : la MSA recense ainsi un cotisant actif pour 2,6 retraités de droit direct âgé de 65 ans et plus au régime de retraite des non-salariés agricoles.

En 2018, plus de 1,3 million de personnes bénéficient ainsi d’une pension de retraite au titre de leur ancienne activité non salariée agricole.

La retraite des non-salariés agricoles se compose :

– d’une retraite de base, composée d’une retraite forfaitaire attribuée lorsque l’activité non salariée agricole est exercée à titre exclusif ou principal, et d’une retraite proportionnelle par points ;

– d’une retraite complémentaire obligatoire (RCO), également par points.

Le montant moyen de la retraite de base versée aux non-salariés agricoles est très faible (321 euros en 2017) ; il correspond à environ la moitié du montant brut de droit direct versé aux retraités du régime général. Le montant moyen de la pension versée au titre de la MSA complémentaire s’élève à 83 euros mensuels seulement.

Montant brut moyen mensuel de l’avantage principal de droit direct au sein des principaux rÉgimes de retraite (Base et complÉmentaire) en 2017

(en euros)

Régime général (CNAV)

617

Mutualité sociale agricole (MSA) salariés

194

ARRCO

320

AGIRC

681

Fonction publique civile de lÉtat

2 047

Fonction publique civile militaire de lÉtat

1 704

MSA non-salariés

372

MSA non-salariés complémentaire

83

Sécurité sociale des travailleurs indépendants (SSTI) base

321

SSTI complémentaire

133

(*) Les montants présentés sont hors majoration de pension pour enfants.

Source : DREES, « Les retraités et les retraites », Édition 2019.

Le montant annuel de la retraite de base peut être relevé au niveau de la pension majorée de référence (PMR) qui, à l’instar du minimum contributif du régime général, permet d’augmenter le montant de la pension de retraite servie aux assurés ayant cotisé toute leur carrière sur de faibles montants de revenus.

Le bénéfice de la PMR est ouvert aux assurés justifiant des conditions applicables pour bénéficier de la retraite à taux plein – durée d’assurance applicable à leur génération ou atteinte de l’âge d’annulation de la décote à 67 ans.

Deux niveaux de PMR existent, selon le statut : les exploitants agricoles bénéficient ainsi d’un montant plus élevé (environ 690 euros par mois), que les conjoints et aides familiaux (548 euros par mois), ces derniers ayant cotisé sur des assiettes forfaitaires réduites.

D’après l’étude d’impact, en 2017, la pension minimale de référence était versée à 13 % des non-salariés agricoles titulaires d’un droit personnel de retraite, soit environ 132 000 personnes, pour un montant moyen de majoration de 58 euros par mois.

Afin de relever les pensions des non-salariés agricoles les plus faibles à un minimum décent, la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a instauré un complément différentiel de points de RCO. Ce dispositif n’est toutefois accessible qu’aux exploitants agricoles.

En conséquence, si le montant total de leurs pensions est inférieur à 860 euros par mois, les exploitants agricoles ayant liquidé leur retraite non-salariée agricole à taux plein ainsi que toutes les autres pensions des régimes auxquels ils ont été affiliés peuvent bénéficier d’une majoration permettant de porter le niveau minimum de leur pension à un équivalent de 75 % du SMIC net, soit environ 860 euros pour une carrière complète. Ce montant est proratisé en cas de carrière incomplète.

Selon la DREES, en 2017, 11 % des nouveaux retraités de la MSA non-salariés ont bénéficié de ce minimum de pension ([232]).

B.   La retraite des travailleurs indÉpendants

L’assurance vieillesse des travailleurs indépendants ([233]) se compose d’une pension de base et d’une pension complémentaire. Fin 2017, 1,5 million de pensions étaient versées au titre d’un droit direct. 45 % des pensionnés reçoivent une retraite du régime des artisans, et 55 % du régime des commerçants.

Les retraités bénéficiant d’une pension servie par l’assurance vieillesse des travailleurs indépendants ont pour particularité d’être fréquemment polypensionnés, la plupart d’entre eux ayant déjà cotisé au sein d’autres régimes, notamment au régime général. En moyenne, la durée validée en tant que travailleur indépendant représente ainsi entre un quart et un tiers du total de la durée validée tous régimes.

DurÉe moyenne validÉe (en trimestres)*, tous rÉgimes et au RSI,
par les nouveaux retraitÉs de l’annÉe 2017

(*) Ne tient pas compte des prestations correspondant aux droits acquis en tant que travailleur indépendant versées par d’autres régimes au titre de la liquidation unique des retraites (LURA) des polypensionnés.

Source : Sécurité sociale des indépendants, « L’essentiel en chiffres », Édition 2018 (données 2017).

Pour autant, les bénéficiaires d’une pension de travailleur indépendant perçoivent, au total, une pension inférieure – de 7 % en moyenne – à la pension globale de l’ensemble des retraités français. La partie correspondant à la durée validée au sein d’un régime de vieillesse des travailleurs indépendants est, de surcroît, particulièrement faible, puisque le montant des prestations s’élève en moyenne à 353 euros pour les anciens artisans, et à 272 euros pour les anciens commerçants.

Prestations moyennes* versÉes au titre des avantages principaux de droit direct des rÉgimes de base, au 31 dÉcembre 2017

(en euros)

 

Artisans

Commerçants

Ensemble

Ensemble des bénéficiaires

353

272

306

Nouveaux bénéficiaires

433

334

375

(*) Tiennent compte des prestations correspondant aux droits acquis en tant que travailleur indépendant versées par d’autres régimes au titre de la liquidation unique des retraites (LURA) des polypensionnés.

Source : Sécurité sociale des indépendants, « L’essentiel en chiffres », Édition 2018 (données 2017).

Les travailleurs indépendants dont le montant global des pensions de retraite est inférieur au montant du minimum contributif mentionné à l’article L. 351-10 – soit 642,93 euros par mois en 2020 – peuvent bénéficier de ce minimum ([234]). Sous réserve d’avoir cotisé au moins 120 trimestres, le montant du minimum contributif est majoré afin de garantir un montant minimum de 702,55 euros par mois. Toutefois, la retraite complémentaire des indépendants ne garantit aucun montant de pension minimum, contrairement au régime des non-salariés non agricoles.

II.   La revalorisation des minima de pension proposÉe

A.   La revalorisation du minimum de pension des exploitants agricoles

En vertu du IV de l’article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime, les non-salariés agricoles bénéficient déjà d’un minimum de pension leur garantissant, sous forme de complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire, une pension minimale équivalente à 75 % du SMIC.

En conséquence, le II fait le choix de compléter le IV de l’article L. 732‑63, sans modifier les conditions d’attribution du complément différentiel. Ce dernier restera donc dû intégralement pour une carrière complète, ou calculé au prorata de la durée effectuée au sein du régime des non-salariés agricoles dans le cas contraire.

Le du II précise ainsi que le montant minimum annuel de pension garanti aux exploitants agricoles dont les pensions seront liquidées à compter du 1er janvier 2022 est « égal à un pourcentage » de la valeur du salaire minimum de croissance brut « en vigueur au 1er janvier de lexercice du versement » ().

Le montant du complément différentiel aura pour effet de relever le montant de pension minimum nette, pour une carrière complète, au même niveau que le complément différentiel applicable aux travailleurs indépendants, c’est‑à‑dire :

– 1 000 euros en 2022 :

– 83 % du SMIC net en 2023 ;

– 84 % du SMIC net en 2024 ;

– 85 % du SMIC net à partir de 2025.

Le précise, en outre, que les conditions de calcul du montant minimal annuel mentionnées actuellement au premier alinéa du IV de l’article L. 732-63 n’ont vocation à s’appliquer qu’aux pensions liquidées avant le 1er janvier 2022.

B.   La crÉation d’un complÉment diffÉrentiel de points de retraite complÉmentaire obligatoire pour les travailleurs indÉpendants

Le I crée un nouvel article L. 635-5 au sein du chapitre V du titre III du livre VI du code de la sécurité sociale, qui instaure un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire pour les travailleurs indépendants.

Ce complément différentiel de points s’inspire très largement du dispositif applicable aux exploitants agricoles depuis 2014.

1.   Les conditions requises

Deux conditions cumulatives sont requises pour en bénéficier :

– les assurés doivent être des travailleurs indépendants au sens de l’article L. 611-1 du même code (cf. encadré). Les conjoints collaborateurs et associés des travailleurs non salariés non agricoles ne sont pas concernés ;

– ces mêmes assurés doivent être bénéficiaires du minimum de pension majoré prévu à l’article L. 351-10 (cf. commentaire de l’article 40).

Les travailleurs indépendants mentionnés par larticle L. 611-1

Les travailleurs indépendants concernés par le dispositif de complément différentiel de points de RCO sont :

– les travailleurs non-salariés non agricoles (1°) ;

– les débitants de tabac (2°) ;

– certains moniteurs de ski (3°) ;

– les personnes physiques bénéficiant d’un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (4°) ;

– les loueurs de chambres d’hôtes dont le revenu imposable de l’activité est supérieur à un montant fixé par décret (5°) ;

– les personnes exerçant une activité de location d’habitation meublés dont les recettes sont supérieures à un certain seuil (6°) ;

– les personnes exerçant une activité de location de biens meubles dont les recettes sont supérieures à un certain plafond (7°).

2.   Le complément différentiel de points garantira une retraite représentant 85 % du SMIC pour une carrière complète en tant que travailleur indépendant

À l’occasion de la liquidation de la pension de retraite, si les droits propres – c’est-à-dire hors réversion – servis à l’assuré par les régimes d’assurance vieillesse de base et par les régimes complémentaires obligatoires sont inférieurs à un montant minimal, le complément différentiel permettra de relever le montant de la pension à hauteur de ce montant minimal.

Ce montant sera déterminé « en fonction de la durée dassurance accomplie par lassuré » en tant que travailleur indépendant répondant aux conditions fixées par l’article L. 631-1. Ainsi :

– pour une carrière complète en tant que travailleur indépendant, ce montant sera fixé, par décret, « en pourcentage du montant mensuel du salaire minimum de croissance brut » en vigueur au 1er janvier de l’année de liquidation de la retraite par l’assuré ;

– si le travailleur indépendant ne peut prétendre à une carrière complète, le montant sera calculé au prorata de la durée d’assurance accomplie par l’assuré.

D’après l’exposé des motifs du projet de loi, ce complément différentiel aura pour effet de relever le montant de pension minimum nette, pour une carrière complète, à :

– 1 000 euros en 2022 :

– 83 % du SMIC net en 2023 ;

– 84 % du SMIC net en 2024 ;

– 85 % du SMIC net à partir de 2025.

Le montant versé au titre du complément différentiel ne sera pas pris en compte dans le calcul du total des pensions personnelles de retraite prises en compte pour l’ouverture du droit au minimum contributif, dans les conditions prévues par l’article L. 173-2.

La revalorisation proposée s’appliquera aux pensions de retraite liquidées à compter du 1er janvier 2022.

D’après les informations transmises à la rapporteure, le seuil minimum d’activité retenu pour considérer une « carrière complète » en tant que travailleur indépendant pourrait être fixé, comme pour les exploitants agricoles, à dix-sept années et demie d’exercice en tant que travailleur indépendant.

C.   EntrÉe en vigueur

Par exception, le présent article entrera en vigueur dès le 1er janvier 2022, comme le prévoit le III de l’article 63 de ce projet de loi. Il ne s’appliquera qu’aux pensions liquidées à compter de cette date.

*

Section 2
La prise en compte des interruptions de carrière

Article 42
Attribution de points au titre de périodes dinterruption dactivité

Tous les assurés peuvent être confrontés au cours de leur vie professionnelle à des interruptions involontaires d’activité, temporaires ou prolongées, liées à un motif personnel – maladie, maternité, soutien à un proche – ou à un motif économique – chômage, période de formation professionnelle, etc.

Le système universel permettra d’harmoniser la prise en compte, en termes de droits à retraite, de ces périodes d’interruption involontaire d’activité, grâce à l’attribution de points financés par la solidarité nationale.

Six catégories de périodes pourront donner lieu à l’attribution de points, selon des conditions définies par décret :

– les périodes de maladie ou d’incapacité temporaire ;

– les périodes liées à la maternité, au congé de paternité ou à l’adoption ;

– les périodes donnant lieu au versement d’une pension d’invalidité ou d’une rente d’invalidité permanente ;

– les périodes de chômage donnant lieu à indemnisation ;

– les périodes de stages de formation professionnelle des demandeurs d’emploi ;

– les périodes de détention provisoire n’ayant pas été suivies de condamnation.

L’attribution des points sera calculée soit par référence aux revenus de l’année antérieure (maladie, maternité, détention provisoire), soit par référence aux dix meilleures années de revenus de l’assuré (invalidité), soit en proportion du revenu de remplacement (chômage), soit enfin afin de garantir un minimum de points à l’assuré, de manière différentielle (périodes de formation professionnelle des demandeurs d’emploi).

Il convient enfin de relever que cette mesure sera sans effet sur les droits acquis au titre de périodes passées dans les régimes antérieurs au système universel, qui resteront dus conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

I.   Le droit en vigueur

Tous les régimes de base ainsi que certains régimes complémentaires proposent en conséquence de tenir compte de certaines périodes d’interruption d’invalidité involontaire dans le calcul de la retraite, soit en permettant l’acquisition de trimestres gratuits – dans les régimes en annuités –, soit en accordant des points supplémentaires aux assurés, dans les régimes par points.

● Comme le souligne l’étude d’impact, le fait générateur des droits à retraites attribuées au titre des périodes d’interruption d’activité repose sur « lexistence dune indemnisation du risque ayant entraîné linterruption, par un organisme de sécurité sociale [...] ou un organisme tiers », tel que Pôle emploi pour le versement des allocations chômage.

L’indemnisation ou au contraire l’absence d’indemnisation de certains risques selon les régimes expliquent en conséquence l’hétérogénéité des modalités de prise en charge de ces périodes en termes de droits à retraite.

A.   Les grandes catÉgories de risques compensÉs par les rÉgimes de retraite

● Plusieurs observations se dégagent de l’analyse détaillée de la prise en compte par régime de chacun de ces risques (cf. infra).

En premier lieu, si les différences de prise en compte des différents risques (notamment l’invalidité, les accidents du travail-maladies professionnelles et le chômage) se justifient parfois pour des raisons historiques ou propres à chaque régime, certaines différences de traitement ne trouvent pas de justifications objectives : comment expliquer, par exemple, que la maternité ne soit pas considérée de la même manière en termes de retraite, d’un régime à l’autre ?

En outre, selon la nature du système de retraite considéré, qu’il s’agisse d’un système en annuités ou d’un système à point, la prise en compte de périodes assimilées à des périodes cotisées au titre de la solidarité n’a pas les mêmes effets pour les assurés. Dans un système en annuité, les périodes assimilées doivent, pour être prises en compte lors de la liquidation de la retraite, être converties en trimestres. Par exemple, au régime général, un trimestre est attribué d’office au titre de l’accouchement, puisque chaque période comportant 90 jours de perception des indemnités journalières maternité compte pour un trimestre. Or, seuls quatre trimestres peuvent être comptabilisés chaque année : dans certains cas, les périodes assimilées ne sont donc pas utiles pour valider la durée d’assurance requise, car les périodes travaillées cotisées suffisent déjà à valider le nombre de trimestres requis.

À l’inverse, dans un régime en points, toutes les périodes assimilées sont susceptibles d’être prises en compte dans le calcul de la retraite puisqu’une même situation – événement identique, génération identique et, le cas échéant, ressources identiques – ouvre droit au même nombre de points, indépendamment du statut de l’assuré.

● Afin de simplifier la lecture, la présentation des différents systèmes se décline sous forme de tableaux synthétiques par risque donnant lieu ou non à des avantages en termes de retraite. Loin d’être exhaustifs – seuls les principaux régimes y sont représentés –, ces tableaux ont vocation à mettre en lumière les principales différences de prise en charge, afin d’identifier les enjeux posés l’harmonisation des règles au sein du système universel.

1.   Le risque maladie

Les périodes de maladie donnent lieu, dans la quasi-totalité des régimes, à une indemnisation qui se traduit, en termes de droits à retraite, par l’attribution de trimestres ou de points gratuits.

ModalitÉs de prise en compte des interruptions au titre de la maladie, selon les rÉgimes

 

Régime général

Travailleurs indépendants (SSTI)

Professions libérales (CNAVPL)

Avocats (CNBF)

Fonction publique, et régimes spéciaux statutaires *

Prise en compte du risque maladie

Oui

Oui

Dépend des régimes

Non

Oui

Acquisition de points par le régime complémentaire

Oui

(si périodes d’arrêt supérieures à 60 jours consécutifs)

Non

Dépend des régimes (CARMF, CARPIMKO, CAVP, CAVEC, CAVOM et CIPAV)

Non

Modalité de prise en charge

60 jours de perception des indemnités journalières (IJ) maladie = 1 trimestre validé

60 jours de perception des IJ = 1 trimestre validé

Le cas échéant, prise en charge à compter du 91e jour d’arrêt.

 

Périodes d’incapacité d’au moins six mois peuvent être prises en compte

Le cas échéant, prise en charge à compter du 91e jour d’arrêt.

 

Périodes d’incapacité d’au moins six mois peuvent être prises en compte

 

Périodes de maladie assimilées à des services effectifs (rémunération maintenue en tout ou partie et soumise à cotisation).

(*) Sont concernés les régimes de la SNCF, de la RATP, de la Banque de France, des industries électriques et gazières (IEG), de la Comédie-Française et de lOpéra national de Paris.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, d’après l’étude d’impact.

2.   Le risque maternité

La maternité ouvre droit à des points ou trimestres gratuits dans la totalité des régimes de base considérés.

La plupart des régimes complémentaires ne tiennent pas compte, cependant, des périodes relatives à la maternité dans le calcul de la retraite.

Il convient de relever, en outre, qu’aucun régime n’accorde d’avantage de retraite au titre du congé paternité, compte tenu sans doute de la faible durée de ce dernier – onze jours consécutifs pour le régime général.

ModalitÉs de prise en compte des interruptions au titre de la maternitÉ, selon les rÉgimes

 

Régime général

Travailleurs indépendants (SSTI)

Professions libérales (CNAVPL)

Avocats (CNBF)

Fonction publique, et régimes spéciaux statutaires*

Prise en compte du risque maternité

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Acquisition de points par le régime complémentaire

Oui

(si périodes d’arrêt supérieures à 60 jour consécutifs)

Non

Non

(sauf CARMF)

Non

Modalité de prise en charge

90 jours de perception des indemnités journalières (IJ) maternité = 1 trimestre validé

 

+ report au compte

90 jours de perception des indemnités journalières (IJ) maternité = 1 trimestre validé

 

+ prélèvement sur les IJ maternité.

100 points gratuits accordés au titre de l’accouchement

Prise en compte du trimestre de l’accouchement pour le calcul de la durée d’assurance

 

+ exonération d’un quart de la cotisation forfaitaire de l’année concernée

 

Périodes de maladie assimilées à des services effectifs (rémunération maintenue en tout ou partie et soumise à cotisation).

(*) Sont concernés les régimes de la SNCF, de la RATP, de la Banque de France, des industries électriques et gazières (IEG), de la Comédie-Française et de lOpéra national de Paris ainsi que le régime des marins (ENIM).

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, d’après l’étude d’impact.

3.   Le risque invalidité permanente

Les périodes d’invalidité donnent droit soit à des trimestres validés dans les mêmes conditions que les arrêts maladie, pour le régime général et les régimes alignés. Au sein du régime des professions libérales, l’invalidité n’est prise en compte qu’à partir d’un arrêt de longue durée ou d’une gravité particulière nécessitant l’intervention d’une tierce personne.

Le risque invalidité est traité de manière très spécifique dans la fonction publique (cf. commentaire de l’article 31), car l’invalidité définitive donne droit à la liquidation d’une retraite pour invalidité.

 

ModalitÉs de prise en compte des interruptions au titre de l’invaliditÉ, selon les rÉgimes

 

Régime général

Travailleurs indépendants (SSTI)

Professions libérales (CNAVPL)

Avocats (CNBF)

Fonction publique, et régimes spéciaux statutaires*

Prise en compte du risque invalidité

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Acquisition de points par le régime complémentaire

Oui

(si périodes d’arrêt supérieures à 60 jours consécutifs)

Oui

(si périodes d’arrêt supérieures à 90 jour consécutifs)

Dépend des régimes (CARMF, CARPIMKO, CAVP, CAVEC, CAVOM, CIPAV)

Non

Modalité de prise en charge

1 trimestre civil comportant une échéance du paiement de la pension d’invalidité = 1 trimestre validé

 

 

1 trimestre civil comportant une échéance du paiement de la pension d’invalidité = 1 trimestre validé

 

 

Incapacité reconnue à partir de six mois

 

+ attribution de 200 points gratuits en cas d’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne

Prise en compte des périodes de perception de la pension d’invalidité

Pension de retraite pour invalidité sans condition d’âge en cas d’inaptitude définitive pour fonction publique

(*) Sont concernés les régimes de la SNCF, de la RATP, de la Banque de France, de la Comédie-Française et de lOpéra national de Paris.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, d’après l’étude d’impact.

4.   Le risque accident du travail-maladie professionnelle

La couverture du risque accident du travail-maladie professionnelle au sein d’une branche distincte est une spécificité du régime général et des régimes agricoles : en conséquence, seuls ces régimes prévoient un dispositif bien identifié de prise en compte des périodes consécutives à un accident ou une pathologie professionnelle en termes de droits à retraite.

D’autres régimes, tels les régimes des professions libérales, indemnisent ces arrêts comme des arrêts maladie, avec les droits afférents en termes de retraite.

Au sein de la fonction publique, l’incapacité temporaire est assimilée à du travail effectif et n’a donc aucune influence sur les droits à retraite. L’incapacité définitive donne lieu au versement d’une pension de retraite pour invalidité professionnelle.

ModalitÉs de prise en compte des interruptions au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, selon les rÉgimes

 

Régime général

Travailleurs indépendants (SSTI)

Professions libérales (CNAVPL)

Avocats (CNBF)

Fonction publique, et régimes spéciaux statutaires *

Prise en compte du risque chômage

Oui

Non (assimilation à des arrêts maladie)

Non, sauf en cas d’incapacité supérieure à six mois

Non **

Oui

Acquisition de points par le régime complémentaire

Oui

(si périodes d’arrêt supérieures à 60 jours consécutifs)

Non

Dépend des régimes (CARMF, CARPIMKO, CAVP, CAVEC, CAVOM, CIPAV)

Non

Modalité de prise en charge

60 jours de perception des indemnités journalières (IJ) maternité = 1 trimestre validé

 

 

       

90 jours de perception des indemnités journalières (IJ) maternité = 1 trimestre validé

 

 

 

Congés temporaires assimilés à des services effectifs

Pension de retraite pour invalidité professionnelle sans condition d’âge en cas d’inaptitude définitive pour fonction publique.

Dispositions similaires dans les régimes spéciaux.

(*) Sont concernés les régimes de la SNCF, de la RATP, de la Banque de France et des industries électriques et gazières (CNIEG).

(**) Les périodes de perception de l’allocation pour invalidité temporaire sont prises en compte pour le calcul de la durée d’assurance.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, d’après l’étude d’impact.

5. Le risque chômage

Le risque chômage est quasiment absent au sein des régimes de la fonction publique : aucune disposition ne prévoit en conséquence sa prise en charge au regard de la retraite.

Pour les autres régimes, les périodes de chômage indemnisées sont en général prises en compte dans leur intégralité. Toutefois, les trimestres accordés au titre de ces périodes n’entrent en compte que pour la détermination de la durée d’assurance. Elles ne sont pas incluses dans le calcul du salaire annuel moyen de l’assuré.

La prise en compte des périodes de chômage non indemnisées ne concerne quant à elle que les assurés des régimes alignés (régime général, MSA salariés et travailleurs indépendants) ([235]) ainsi que le régime des mines.

ModalitÉs de prise en compte des interruptions au titre du chÔmage,
selon les rÉgimes

 

Régime général

Travailleurs indépendants (SSTI)

Professions libérales (CNAVPL)

Avocats (CNBF)

Fonction publique, et régimes spéciaux statutaires

Prise en compte du risque chômage indemnisé

Oui

Oui

Oui

Oui

Certains régimes spéciaux

Acquisition de points par le régime complémentaire

Oui

(attribution de points pour chaque jour indemnisé)

Non

Non

Non

Modalité de prise en charge

50 jours de perception des allocations chômage = 1 trimestre validé

 

 

50 jours de perception des allocations chômage = 1 trimestre validé

 

Périodes de versement comptabilisées comme périodes d’assurance

 

Périodes de versement comptabilisées comme périodes d’assurance

 

Périodes assimilées au titre du chômage indemnisé pour l’ENIM, le régime des mines, l’Opéra national de Paris, la Comédie-Française et la CRPCEN

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, d’après l’étude d’impact.

B.   Les effets de ces dispositifs de solidaritÉ

En l’état du droit, au régime général, les périodes assimilées le sont principalement au titre du chômage − six trimestres en moyenne pour les nouveaux retraités de 2019 − et de l’invalidité − deux à trois trimestres en moyenne.

En moyenne, les nouveaux retraités de l’année 2019 disposent de 11,1 trimestres validés au titre des périodes assimilées, contre 9,6 trimestres en moyenne pour les femmes retraitées.

Nombre de trimestres moyens validÉs au titre des pÉriodes assimilÉes pour les nouveaux retraitÉs du rÉgime gÉnÉral en 2019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Retraites » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), les dispositifs de solidarité visant à compenser les périodes d’inactivité involontaire lors du calcul de la pension de retraite remplissent les objectifs de solidarité et de redistribution qui leur sont assignés, car les trimestres assimilés contribuent « davantage aux retraités ayant de faibles pensions (4,7 % pour le premier quartile et 5,4 % pour le deuxième quartile) quaux plus aisés (1,0 % pour le dernier quartile) » ([236]).

Dans le détail, pour les seuls régimes alignés, le coût actuel des principales périodes assimilées prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse s’élevait à plus de 13 milliards d’euros en 2018.

CoÛt de la prise en charge des principales pÉriodes assimilÉes par le FSV pour les rÉgimes alignÉs (2018)

(en millions d’euros)

Principales périodes assimilées

Coût estimé

Maladie

570

Maternité

75

Invalidité

882

Chômage indemnisé

9 000

Chômage non indemnisé

2 500

Source : Direction de la sécurité sociale.

C.   Le dispositif retenu dans le cadre du systÈme universel

La coexistence, dans les régimes actuels, de systèmes en annuités et de systèmes par points se traduit, en pratique, par une prise en compte différente, au moment de la liquidation de la retraite, des périodes assimilées, et donc par des droits qui ne sont pas harmonisés d’un régime à l’autre.

Le système universel propose d’attribuer à tous ses assurés les mêmes droits pour compenser les périodes d’inactivité involontaire.

Les périodes assimilées à des durées d’assurance donneront ainsi lieu au versement de points supplémentaires. Dès lors, comme le souligne l’exposé des motifs, « lacquisition de points au titre de ces périodes dinterruption subies se traduira mécaniquement dans le système universel par une augmentation des droits constitués et une amélioration de la retraite versée au moment du départ ».

II.   Les PÉriodes ouvrant droit À l’attribution de points dans le systÈme universel

La liste des périodes assimilées donnant droit à l’attribution de points est fixée au I de l’article L. 195-2 du code de la sécurité sociale créé par le présent article. Trois types de périodes sont pris en compte, « selon des modalités fixées par décret ».

A.   Les pÉriodes d’interruption liÉes À des raisons de santÉ ou de naissance d’un enfant

La première série de périodes donnant lieu à l’attribution de points au sein du système universel sont les périodes liées à des événements personnels tels que la maladie, la maternité ou l’invalidité. Sont également prises en compte à ce titre les périodes d’incapacité temporaire ou permanente consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Pour ces périodes, le système universel a en effet vocation à neutraliser les effets liés aux droits différents qui résultent du statut professionnel de l’assuré. Ainsi, un même type d’événement – maternité, par exemple – donnera droit à l’attribution du même nombre de points pour l’ensemble des assurés.

1.   Les périodes d’indemnisation au titre de la maladie ou d’une invalidité temporaire

En premier lieu, le 1° du I ouvre droit à l’attribution de points au titre des périodes pendant lesquelles les assurés du système universel ont bénéficié :

– de prestations en espèces d’assurance maladie, dans des conditions équivalentes à celles prévues par l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale pour le régime général ;

– de prestations au titre d’une incapacité ou d’une invalidité temporaire d’un régime obligatoire de sécurité sociale ;

– d’un congé pour raison de santé ayant donné lieu à réduction des revenus tirés de l’activité : ce cas concerne les agents des fonctions publiques mentionnés à l’article L. 381-32 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 6 de ce projet de loi, ainsi que les agents des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 721-1 du même code, dans sa rédaction résultant de l’article 7 du projet de loi.

2.   Les périodes de congé maternité, de congé paternité ou de congé d’adoption

Le 2° du I propose ensuite l’attribution de points pour les assurés du système universel au titre des périodes pendant lesquelles ces derniers ont bénéficié :

– de prestations en espèces au titre de l’assurance maternité, dans des conditions équivalentes à celles mentionnées aux articles L. 331-3 à L. 331-8 du même code relatifs à l’assurance maternité au régime général ;

– d’un congé de paternité ou d’adoption d’un régime obligatoire de sécurité sociale ;

– de congé pour raison de maternité, de paternité ou d’adoption ayant donné lieu à réduction des revenus tirés de l’activité, pour les fonctionnaires mentionnés à l’article L. 381-32 du code de la sécurité sociale, et les agents des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 721-1 du même code.

Il convient de souligner que la prise en charge des congés de paternité dans un dispositif de retraite est inédite : aucun régime ne le propose en l’état du droit.

3.   Les périodes d’indemnisation au titre d’une incapacité permanente, d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle

Des points seront également attribués aux assurés du système universel au titre :

– du bénéfice de prestations en espèces versées au titre des assurances invalidité, accident du travail et maladie professionnelle (AT-MP) ;

– du bénéfice de prestations au titre d’une incapacité permanente – partielle ou totale – d’un régime obligatoire de sécurité sociale ;

– de périodes de reclassement ou de congé pour raison d’accident de service ou du travail, ou de maladie professionnelle ayant donné lieu à réduction des revenus tirés de l’activité, pour les fonctionnaires mentionnés à l’article L. 381-32 du code de la sécurité sociale, et les agents des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 721-1 du même code.

Les conditions de bénéfice de prestations au titre de l’invalidité, des AT‑MP ou d’une incapacité permanente doivent être équivalentes à celles mentionnées aux articles L. 341-1 du code de la sécurité sociale, pour l’invalidité ou l’incapacité permanente, aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du même code pour les accidents du travail et de trajet, ainsi qu’à l’article L. 461-1 du même code pour les maladies professionnelles.

B.   Les pÉriodes d’inactivitÉ Économique donnant lieu au versement d’un revenu de remplacement

La seconde catégorie de périodes d’inactivité donnant lieu à l’attribution de points sont les périodes au cours desquelles l’assuré est bénéficiaire d’un revenu de remplacement destiné à compenser une perte de revenu professionnel.

Sont ainsi concernées les périodes liées au chômage ainsi qu’aux interruptions ou réductions involontaires d’activité liées à l’activité économique et entraînant une perte de revenu professionnel de l’assuré (4°) et indemnisées aux assurés sous la forme de revenus de remplacement.

Les périodes donnant droit à l’attribution de points à ce titre sont les périodes donnant lieu au versement de revenus de remplacement prenant la forme :

– pour les périodes de chômage, soit de l’allocation d’assurance versée aux demandeurs d’emploi (1° de l’article L. 5421-2 du code du travail), soit de l’allocation des travailleurs indépendants ou des autres allocations et indemnités régies par des régimes particuliers (3° du même article) ;

– de l’allocation versée en contrepartie de la réalisation d’un contrat de sécurisation professionnelle mentionnée à l’article L. 1233-68 du même code ;

– de l’allocation versée en cas de congé de reclassement (article L. 1233‑72 du même code) ;

– de l’allocation versée en cas de congé de mobilité (article L. 1237-18-3 du même code) ;

– de l’aide aux salariés placés en activité partielle dans le cadre d’opérations de maintien et de sauvegarde de l’emploi (article L. 5122-1 du même code) ;

– de l’allocation de solidarité spécifique versée aux travailleurs privés d’emploi ayant épuisé leurs droits à l’allocation d’assurance (article L. 5423-1 du même code) ;

– de l’indemnisation pour intempéries versée par les entreprises privées du bâtiment et des travaux publics (article L. 5424-10 du même code).

À l’instar du choix retenu pour les risques maladie, maternité-paternité et invalidité, seules les périodes indemnisées donneront donc droit à l’attribution de points, comme c’est déjà le cas actuellement dans la plupart des régimes, à l’exception du régime général et des régimes alignés – MSA salariés et travailleurs indépendants – ainsi que du régime des mines, qui permettent la validation de trimestres au titre de périodes de chômage non indemnisées.

Toutefois, l’assimilation de l’allocation de solidarité spécifique mentionnée à l’article L. 5423-1 du code du travail à une période d’indemnisation du chômage, alors que cette allocation est versée sous condition de ressources en cas d’épuisement des droits au chômage, permet de tenir compte de certaines périodes ne donnant pas lieu à une indemnisation du chômage en tant que tel. Le versement de cette allocation est néanmoins strictement encadré, et notamment soumis à une condition d’aptitude au travail et de recherche active d’emploi.

C.   Les autres types de pÉriodes prises en compte

● Les périodes de stage de formation professionnelle continue des demandeurs d’emploi, mentionnées à l’article L. 6342-3 du code du travail, que ces périodes soient rémunérées par l’État, la région ou non rémunérées et faisant l’objet d’une prise en charge de cotisations par l’État sont également considérées comme des périodes assimilées donnant lieu à l’attribution de points, selon le 5° du I de l’article L. 195-2 nouveau.

● Enfin, les périodes de détention provisoire peuvent donner lieu à l’attribution de points sous deux réserves : l’assuré doit préalablement avoir acquis un nombre minimum de points, défini par décret. En outre, les périodes de détention provisoire s’imputant sur la durée de la peine ne seront pas prises en compte (6° du même I) : ainsi, seules les périodes n’ayant pas donné lieu à une condamnation seront prises en compte.

III.   Les modalitÉs d’attribution des points

A.   Trois modalitÉs distinctes

Selon le II de l’article L. 195-2, les points attribués au titre des périodes de référence peuvent être calculés selon trois modalités :

– soit en fonction des revenus ayant servi au calcul des cotisations d’assurance vieillesse avant l’interruption ou la réduction d’activité (1°) ;

– soit en fonction du montant de la prestation servie (2°) ;

– soit de manière différentielle, afin de porter à un nombre minimal de points le nombre de points total acquis au cours des périodes de formation professionnelle continue au 5° du I de l’article L. 195-2 faisant l’objet d’une prise en charge des cotisations par l’État (3°).

1.   Des points attribués proportionnellement aux revenus d’activité de l’année précédant l’interruption

Cette modalité concerne les périodes d’interruption liées à la maladie, à la maternité, à la paternité ou à l’adoption, à l’invalidité ou à l’incapacité (1° à 3° du I de l’article L. 195-2) ainsi que les périodes de détention provisoire (6° du I du même article).

a.   Maladie et incapacité temporaire

Le nombre de points attribués au cours de ces périodes a vocation à maintenir les droits à retraite de l’assuré au même niveau que s’il avait travaillé, en se basant sur ses revenus de l’année précédente.

Ainsi, la moyenne journalière de points acquis au cours de l’année N-1 sera multipliée par le nombre de jours d’arrêt de travail de l’assuré. Toutefois, le total de points acquis au titre de l’année N ne pourra pas être supérieur au total de points de l’année N-1.

D’après l’étude d’impact, la durée minimale d’interruption d’activité permettant l’attribution de points serait fixée à trente jours par année civile – et non trente jours en continu – afin d’assurer une meilleure couverture des arrêts de travail fractionnés.

b.   Maternité, paternité, adoption

À l’instar des interruptions pour maladie, les périodes de maternité, de congé de paternité ou d’adoption donneraient lieu au maintien de l’intégralité des droits à retraite que l’assuré aurait acquis s’il avait travaillé, sur le fondement du revenu de l’année précédant la naissance, l’adoption ou le congé considéré.

Le calcul du nombre de points sera donc identique, puisqu’il reviendra à multiplier le nombre de jours d’arrêts de travail par le nombre de points moyen quotidien acquis l’année précédente.

2.   Invalidité ou pour incapacité permanente

D’après l’étude d’impact, « les périodes de perception dune pension dinvalidité ou dune rente pour incapacité permanente [d’au moins 66 %] seront traitées comme un arrêt maladie de longue durée » : les droits à retraite seront également maintenus au même niveau que si l’assuré avait travaillé pendant cette période.

Toutefois, contrairement au calcul retenu pour la maladie et la maternité, la période de référence prise en compte sera, d’après l’étude d’impact, les « dix meilleures années de rémunération de lassuré », à l’instar de ce que prévoit actuellement le régime général de sécurité sociale.

La moyenne journalière de points acquis au cours des dix meilleures années de revenus d’activité de l’assuré sera ainsi multipliée par le nombre de jours de perception de la pension d’invalidité ou de la rente pour incapacité permanente.

L’étude d’impact précise qu’en cas de cumul entre revenus d’activité et pension d’invalidité, le nombre de points attribués au titre de l’invalidité sera calculé sur une base différentielle afin de garantir le même niveau de droits pour l’assuré.

3.   Des points attribués en fonction du montant de la prestation servie

Cette modalité concerne les revenus de remplacement attribués aux demandeurs d’emploi ou aux salariés bénéficiant d’allocation au titre d’une mobilité, d’un congé de reclassement ou d’une activité partielle.

Le choix de retenir le montant du revenu de remplacement – qui s’élève en moyenne à 60 % du salaire brut avant l’interruption d’activité, avec un taux dégressif en fonction des revenus de l’assuré – plutôt que le revenu de l’année antérieure comme base d’attribution de points s’explique, selon l’étude d’impact, « pour des raisons déquité contributive » : les périodes de chômage indemnisées n’ouvriront ainsi « pas strictement les mêmes droits à retraite que si les assurés avaient continué à travailler ».

Le calcul envisagé est le suivant : le montant de l’allocation chômage versée, convertie en points, sera multiplié par le nombre de jours de perception de l’allocation chômage.

Le nombre de points attribués sera plafonné au niveau du total des points acquis l’année antérieure à l’année de versement de l’allocation chômage : ainsi, en cas d’alternance ou de cumul entre des revenus d’activité et une allocation chômage, les points seront attribués de manière différentielle jusqu’à l’atteinte de ce plafond.

4.   Un calcul différentiel pour les périodes de stages de formation professionnelle des demandeurs d’emploi

Pour les demandeurs d’emploi, le calcul est à double niveau :

– en premier lieu, les cotisations versées par l’employeur au titre des périodes de stages de formation professionnelle seront assimilées à des cotisations soumises au taux de cotisation de droit commun, afin de relever le niveau de points acquis à ce titre ;

– en second lieu, des points seront attribués de manière différentielle en complément des points acquis grâce aux cotisations, afin de relever le total de points à un niveau équivalent à 60 % du SMIC.

B.   Tableau rÉcapitulatif

ModalitÉs de prise en compte des diffÉrents risques
au sein du systÈme universel

 

 

Référence utilisée pour le calcul du nombre de points attribués à titre gratuit

Mode de calcul retenu

Maladie

Revenus d’activité de l’année antérieure à l’interruption ou à la réduction d’activité

Moyenne journalière de points acquis au cours de l’année N-1 x nombre de jours d’arrêt de travail de l’assuré.

 

Application d’un plafond pour que le nombre total de points acquis au titre des périodes de maladie ou maternité ne puisse dépasser le nombre de points acquis l’année N-1.

Maternité, paternité, adoption

Invalidité, accidents du travail, maladies professionnelles

Revenus d’activité des dix meilleures années de l’assuré

Moyenne journalière de points acquis au cours des 10 meilleures années de revenus d’activité de l’assuré x nombre de jours de perception de la pension d’invalidité ou de la rente pour incapacité permanente.

 

Chômage

Montant du revenu de remplacement servi

Le montant de l’allocation chômage sera converti en points puis multiplié par le nombre de jours de perception de l’allocation chômage.

Formation professionnelle des demandeurs demploi

Nombre minimal de points (calcul différentiel)

– Relèvement de la valeur des points acquis au titre des cotisations employeur versées ;

– Attribution d’un nombre complémentaire de points calculé de manière différentielle pour garantir des droits à retraites équivalentes à 60 % du SMIC.

Détention provisoire

Revenus d’activité antérieurs à l’interruption ou à la réduction d’activité

Non précisé

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

IV.   Le financement des points attribuÉs au titre des interruptions de carriÈre

L’acquisition des points attribués en contrepartie des périodes d’interruption involontaires d’activité sera financée par le Fonds de solidarité vieillesse universel créé par l’article 59 de ce projet de loi, « en lieu et place des cotisations qui auraient été dues par lassuré sur la base dune facturation au premier euro », d’après l’étude d’impact.

Cette dernière considère que la compensation des périodes assimilées via l’attribution de points de retraite aura un poids « légèrement supérieur à celui de la situation actuelle ». Aucune donnée chiffrée ne permet toutefois d’étayer cette hypothèse.

V.   Les effets attendus

● Un principe directeur a été retenu pour définir les périodes pouvant ouvrir droit à l’attribution de points : seules les périodes d’indemnisation, pendant lesquelles les assurés ont bénéficié de prestations au titre de la survenance d’un risque, sont retenues.

Cette option présente l’intérêt majeur d’harmoniser les modalités de prises en compte très hétérogènes des périodes de maladie ou autres périodes assimilées au sein des régimes actuels. Il assurera ainsi la garantie que pour chaque assuré, quel que soit son régime d’assurance maladie ou maternité d’appartenance ou les conditions d’indemnisation de l’invalidité qui lui sont applicables, les périodes ouvrant droit à l’indemnisation donneront lieu à l’attribution d’un nombre équivalent de points.

La garantie de l’universalité de la prise en compte des situations au regard de la retraite doit néanmoins être nuancée au regard des différences de règles applicables, d’un régime à l’autre, respectivement en cas de maladie, de maternité, de paternité, d’invalidité ou d’incapacité liée à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Ainsi, étant donné que les droits ouverts en termes de retraite sont calqués sur l’indemnisation prévue par le régime d’affiliation de l’assuré, les différences d’indemnisation de la maladie, de la maternité ou encore de l’invalidité pourront entraîner par répercussion une différence de droits au regard de la retraite, dans un sens plus ou moins favorable aux assurés. A contrario, on peut considérer que cette harmonisation au regard de la retraite incitera les régimes prévoyant des modalités d’indemnisation moins favorables à aligner progressivement leurs prestations sur le niveau le plus favorable aux assurés.

● Dans le détail de chacun des dispositifs proposés :

– la prise en compte de l’intégralité des périodes de maladie à compter de trente jours par année civile devrait être relativement neutre pour la plupart des assurés du régime universel compte tenu des actuelles conditions de prise en compte au regard des droits à retraite. En outre, le fait de comptabiliser les périodes de maladie par année civile permet de tenir compte des congés fractionnés, ce qui est plus avantageux pour les assurés ;

– en termes de maternité et d’adoption, il semble que les modalités d’attribution des points ne pourront être que plus favorables aux règles actuelles ;

– s’agissant du congé de paternité, sa prise en compte au regard de la retraite est une avancée importante, car aucun régime ne le propose actuellement compte tenu de la faible durée de ce congé ;

– en matière d’invalidité, le calcul de l’attribution de points par référence aux dix meilleures années sera neutre pour les assurés du régime général et des régimes alignés. Il est néanmoins difficile d’estimer l’effet de ce mécanisme pour les fonctionnaires et les assurés de certains régimes spéciaux, dans la mesure où les nouvelles règles de prise en charge de l’invalidité seront définies dans le cadre d’une ordonnance (cf. commentaire de l’article 31) ;

– enfin, s’agissant de la prise en compte du chômage, le taux retenu par l’étude d’impact de 60 % du revenu de l’année N-1 sera plus favorable pour les assurés qui cumulaient de courtes périodes de chômage ne leur permettant pas de valider des trimestres, au régime général notamment, puisque chaque jour sera indemnisé. À l’inverse, ce taux sera plus défavorable aux assurés qui disposaient d’une retenue des périodes effectuées sur la base plus favorable, par exemple à l’AGIRC-ARRCO.

*

 

Article 43
Soutien aux aidants

Cet article vise à homogénéiser au sein du système universel les règles existantes en matière d’attribution de droits à retraite aux proches aidants qui ont réduit ou interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper d’un proche.

En l’état du droit, un ensemble de dispositifs très divers proposent ainsi de compenser les effets de l’interruption de l’activité professionnelle pour les proches de personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie d’une particulière gravité : majorations de durée d’assurance et abaissement de l’âge d’annulation de la décote dans les régimes du privé, départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires ayant à leur charge un enfant handicapé ou dont le conjoint est atteint d’une infirmité, ou encore affiliation à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) lorsque le handicap ouvre droit à certaines allocations.

Le présent article remplace l’ensemble de ces dispositifs par un dispositif unique permettant d’attribuer des points de retraite supplémentaires aux aidants, dans des conditions définies par décret, au titre des périodes pendant lesquelles elles ont réduit ou interrompu leur activité professionnelle en vue d’accompagner ou de prendre en charge une personne handicapée – enfant ou adulte –, une personne âgée en situation de perte d’autonomie ou une personne malade, enfant ou adulte.

L’attribution de points sera ouverte aux proches aidants au titre du bénéfice de certaines allocations (allocation journalière de présence parentale, allocation journalière de proche aidant notamment).

Cet article crée également un dispositif transitoire de départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires et agents de certains régimes spéciaux ayant élevé un enfant en situation de handicap, ou dont le conjoint ou eux-mêmes sont atteints d’une infirmité. Sous réserve de remplir les conditions actuellement prévues pour ces assurés au 31 décembre 2024 (taux de handicap d’au moins 80 %, durée minimale de services effectifs, impossibilité d’exercer une quelconque profession), ces assurés pourront liquider leur retraite de manière anticipée entre 2025 et 2037.

I.   L’État du droit : une prise en compte hÉtÉrogÈne de la situation des aidants selon les rÉgimes de retraite

A.   Un nombre de proches aidants en forte croissance

Les aidants sont les personnes prenant régulièrement en charge un proche malade, âgé ou handicapé, pour l’accompagner dans les tâches ou actes de la vie quotidienne – tels que les courses, la toilette, l’habillage –, l’assister dans les soins ou lui apporter un soutien administratif, moral ou matériel.

La plus récente enquête Handicap santé ménages ([237]) conduite sur le sujet a établi qu’en 2008, le nombre de proches aidants s’élevait en France à 7,4 millions de personnes de plus de 16 ans, voire à 8,3 millions de personnes si l’on tient compte de l’aide administrative, morale ou matérielle apportée. Les aidants sont majoritairement des femmes, et leur nombre s’accroît avec l’âge.

RÉpartition des aidants selon leur Âge, en 2008

(en %)

 

16-20 ans

21-30 ans

31-40 ans

41-50 ans

51-60 ans

Plus de
60 ans

Ensemble

Répartition par âge

4,2

7,8

13,9

19,0

24,1

31,0

100,0

Proportion de femmes

66,8

57,7

64,9

60,7

58,6

48,8

57,1

Source : DARES Analyses, « Aider un proche : quels liens avec l’activité professionnelle ? », décembre 2017, n° 081.

Selon l’enquête susmentionnée, les aidants travaillent moins souvent que le reste de la population, puisque seuls deux tiers des aidants de 20 à 59 ans travaillent, contre trois quarts des personnes non aidantes. De surcroît, une plus grande proportion d’aidants travaille à temps partiel que la population générale.

L’activité d’aidant peut avoir des répercussions sur la carrière professionnelle, variables en fonction du niveau de diplôme de l’assuré ou de son âge : ainsi, les aidants ayant pris en charge un proche avant l’âge de 40 ans déclarent plus souvent que l’aide a eu des implications sur leur parcours professionnel ; ils occupent également moins fréquemment un emploi à temps complet que les non-aidants ([238]).

B.   Des dispositifs de compensation au moment de la retraite Épars et peu lisibles

● Afin de tenir compte des effets que peut avoir l’activité d’aide sur la carrière professionnelle et, par répercussion, sur la retraite, plusieurs régimes ont mis en place des dispositifs visant à compenser la réduction voire l’interruption d’activité professionnelle rendue nécessaire par l’accompagnement d’un proche en situation de handicap, malade ou âgé en situation de perte d’autonomie.

Selon les régimes, quatre types de leviers sont utilisés.

1.   Les majorations de durée d’assurance pour les proches aidants de personnes handicapées présentant un taux d’incapacité au moins égal à 80 %

a.   La majoration pour enfant handicapé

D’après l’étude d’impact, cette majoration s’applique dans l’ensemble des régimes de base du privé ainsi que, dans des conditions relativement similaires, dans les régimes de la fonction publique et certains régimes spéciaux : régime des industries électriques et gazières, régime de la SNCF, régime des clercs et employés de notaire, régimes de la Comédie-Française et de l’Opéra national de Paris.

Au régime général, la majoration accordée pour un enfant handicapé ([239]) correspond à un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres, dans les conditions prévues par l’article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale.

Cette majoration est accordée, sans conditions de ressources, sous réserve :

– d’une part, que le handicap de l’enfant ouvre droit au complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ou, le cas échéant, à la prestation de compensation du handicap (PCH) ;

– d’autre part, que le bénéficiaire ait assumé la charge effective et permanente de l’enfant.

D’après l’étude d’impact, cette majoration a bénéficié en moyenne à « un peu plus de 2 500 nouveaux retraités chaque année », dont 60 % de femmes.

b.   La majoration pour adulte handicapé

Cette aide, créée par l’article 38 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites et mentionnée à l’article L. 351-4-2 du code de la sécurité sociale, permet l’obtention de trimestres dans les mêmes conditions que pour les enfants handicapés à au moins 80 %, soit un trimestre pour trente mois de prise en charge effective, dans la limite de huit trimestres.

Les critères de bénéfice de cette majoration sont assez souples : l’assuré doit justifier d’un lien familial avec la personne adulte handicapée, et justifier que cette personne est à sa charge permanente, le privant d’exercer toute activité professionnelle.

Aucune donnée statistique n’est disponible sur le nombre de bénéficiaires de ce dispositif.

2.   Une dérogation à l’âge d’annulation de la décote

Par exception, la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a maintenu l’âge d’annulation de la décote à 65 ans et non 67 ans pour les aidants de personnes handicapées.

Cette dérogation à l’âge légal est proposée aux assurés du régime général, des régimes alignés ainsi que de certains régimes spéciaux.

Cette disposition est ouverte aux parents d’enfants handicapés ayant validé au moins un trimestre au titre de la majoration de durée d’assurance pour enfants handicapés.

Elle est également ouverte aux assurés ayant la qualité d’aidant familial ou de tierce personne d’une personne bénéficiaire de la PCH ou de l’allocation compensatrice pour tierce personne (APTP), sous réserve d’une durée minimale d’interruption d’activité fixée à trente mois au régime général ([240]).

3.   Dans la fonction publique, un dispositif de départ anticipé pour les parents d’enfant handicapé ou conjoints de personne infirmes

L’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite accorde aux fonctionnaires civiles ou militaires dont l’enfant, vivant, âgé de plus d’un an, est atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 %, la possibilité de partir de manière anticipée à la retraite (3° du I et 1° bis du II), à condition :

– d’une part, d’avoir interrompu ou réduit son activité professionnelle pour s’occuper de son enfant ;

– d’autre part, d’avoir accompli au moins quinze années de services effectifs.

Un dispositif similaire permet un départ anticipé lorsque le conjoint du fonctionnaire est atteint d’« une infirmité ou dune maladie incurable le plaçant dans limpossibilité dexercer une quelconque profession [...] sous réserve que le fonctionnaire ait accompli quinze années de services effectifs » (4° du I et 3° du II).

D’après l’étude d’impact, des dispositifs similaires existent pour les assurés des régimes spéciaux de la SNCF, de la RATP, des industries électriques et gazières, de l’Opéra national de Paris, de la Comédie-Française, de la Banque de France, de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et du Port autonome de Strasbourg.

Ces dispositifs restent néanmoins très limités en volume, comme le montre le tableau suivant.

Nombre de bénéficiaires de départ anticipé pour les parents d’enfants handicapés ou conjoints de personnes infirmes ou atteints d’une maladie incurable (flux 2017)

 

Départ anticipé
pour parent denfant handicapé

Départ anticipé
pour conjoint infirme

Fonction publique dÉtat

173

26

Fonctions publiques territoriale et hospitalière

213

75

Régime des industries électriques et gazières

18 (2016)

18 (2016)

RATP

3

2

Régimes des clercs et employés de notaires

2

Source : Étude d’impact.

4.   L’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF)

En complément, le proche aidant d’un enfant handicapé ou d’une personne handicapée peut être affilié à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) du régime général, quel que soit le régime d’assurance vieillesse auquel il était précédemment affilié. Elle permet de valider des trimestres d’assurance retraite au régime général.

Contrairement aux autres motifs d’affiliation – interruption ou réduction d’activité des parents d’enfants en bas âge –, l’affiliation n’est pas soumise à condition de ressources pour les aidants.

Aux termes de l’article L. 381-1 du code de la sécurité sociale, peuvent ainsi être affiliés à l’AVPF, sans condition de ressources, les aidants :

– bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) mentionnée à l’article L. 544-1 du même code ;

– bénéficiaires d’une allocation journalière du proche aidant (AJPA), dans les conditions prévues à l’article L. 168-8 du même code, ou d’un congé de proche aidant, dans les conditions prévues à l’article L. 3142-22 du code du travail ;

– les travailleurs non salariés assurant la charge d’un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie d’une particulière gravité ;

– les personnes assurant la charge d’un enfant handicapé de moins de vingt ans non admis dans un internat (a) ou assumant, au sein du foyer familial, la charge d’une personne adulte handicapée dont l’état nécessite une assistance ou une présence (b).

D’après l’étude d’impact, les proches aidants sont toutefois minoritaires parmi les assurés affiliés à l’AVPF, de l’ordre de 2,3 % en 2017. L’affiliation concernait tout de même plus de 47 000 femmes, un peu moins de 5 500 hommes et 850 couples.

C.   Les principales difficultÉs soulevÉes par les dispositifs actuels

La coexistence de dispositifs très hétérogènes au sein des régimes actuels pose une difficulté en termes d’équité : si le régime général privilégie par exemple une compensation en termes de durée d’assurance ou d’abaissement d’âge d’annulation de la décote, les fonctionnaires peuvent à l’inverse bénéficier d’un départ anticipé à la retraite au titre d’une interruption d’activité pour s’occuper d’un enfant handicapé, avec des conditions de bénéfice relativement souples –seule une durée de services effectifs de quinze ans est exigée.

Ces différences de situation entretiennent des sentiments d’iniquité que le système universel devra s’efforcer de corriger, afin d’assurer pour tous les assurés une compensation de même nature et de même niveau pour deux situations identiques.

Du reste, les dispositifs actuels se concentrent en apparence sur la prise en compte du handicap, délaissant quelque peu les proches aidants de personnes âgées en situation de perte d’autonomie, dont le nombre est pourtant amené à croître significativement au cours des prochaines décennies compte tenu du vieillissement de la population. En pratique, les aidants de personnes âgées en situation de perte d’autonomie élevée peuvent d’ores et déjà prétendre aux dispositifs de majoration d’assurance ou d’affiliation à l’AVPF, mais le manque de clarté de la rédaction actuelle est susceptible de générer, selon l’étude d’impact, des situations de non-recours pour les aidants concernés. Le second enjeu assigné au système universel sera en conséquence d’assurer une meilleure transparence et lisibilité des droits des proches aidants au regard de l’acquisition de droits à retraite.

II.   renforcer les droits des proches aidants en compensant les effets des pÉriodes d’accompagnement sur l’activitÉ professionnelle

Le dispositif proposé par cet article vise à remplacer l’ensemble des dispositifs de prise en compte de l’activité d’aidant lors du calcul de la retraite par un seul dispositif, plus équitable et plus lisible pour les proches aidants.

Le I crée à cette fin un article L. 195-4 au sein du code de la sécurité sociale, qui dispose que les périodes pendant lesquelles l’assuré a « apporté une aide » ou « assumé la charge » d’un proche en situation de handicap ou de particulière gravité donnent droit à l’attribution de points au titre de la solidarité nationale.

A.   Les conditions de bÉnÉfice

● La situation de proche aidant ouvrant droit, pour l’assuré au système universel, à l’attribution de points, est reconnue dans plusieurs situations ayant donné lieu à la réduction ou à l’interruption de son activité professionnelle. Il s’agit des périodes pendant lesquelles le proche aidant a accompagné, apporté une aide ou pris en charge :

– un enfant dont l’incapacité permanente exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l’aide d’une tierce personne, donnant droit à ce titre au complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) mentionné à l’article L. 541-1 du code de la sécurité sociale ou à la prestation de compensation du handicap (PCH) mentionnée à l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles (1°) ;

– une personne accompagnée dans le cadre d’un congé de proche aidant en raison de son handicap ou d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité, dans les conditions prévues (2°) :

À compter du 1er octobre 2020 au plus tard, ce congé de proche aidant pourra donner lieu au versement d’une allocation journalière de proche aidant (AJPA), pour une durée maximale de trois mois au cours de la carrière, dans les conditions prévues à l’article L. 168-8 à L. 168-16 du code de la sécurité sociale (2°) ;

– une personne présentant « un handicap ou une perte dautonomie dune particulière gravité » ([241]) accompagnée à ce titre par un travailleur indépendant (article L. 611-1 du code de la sécurité sociale), un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole (article L. 722-4 du code rural et de la pêche maritime), un aide familial non salarié ou associé d’exploitation (2° de l’article L. 722-10 du même code), ou par le conjoint collaborateur d’un travailleur indépendant (article L. 661-1 du code de la sécurité sociale) ou d’un chef d’exploitation agricole (articles L. 321-5 et L. 732-34 du code rural et de la pêche maritime) ;

– une personne en situation de handicap ou de perte d’autonomie d’une particulière gravité « selon des modalités définies » par décret, dès lors que cette personne est :

– un enfant gravement malade, accidenté ou handicapé et ayant besoin à ce titre d’une présence soutenue et de soins contraignants justifiant l’attribution à l’aidant de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) mentionnée à l’article L. 544-1 du code de la sécurité sociale (5°) ;

– une personne au titre de laquelle est ouvert le bénéfice de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (AJAP) mentionnée à l’article L. 168-1 du même code (6°). Le versement de cette allocation est limité à vingt et un jours.

L’assuré bénéficiant de l’un ou de l’autre de ces dispositifs sera affilié au régime général.

B.   Les modalitÉs d’attribution des points

Le nombre maximum de points acquis chaque année sera fixé par décret.

Deux cas de figure doivent être distingués s’agissant de l’attribution des points :

– pour les droits ouverts au titre du bénéfice d’une allocation (AEEH, AJPP, AJPA ou AJAP), le droit sera automatiquement ouvert, sans que le bénéficiaire ait à en faire la demande ;

– dans les autres cas, par exemple en cas de congé de proche aidant non indemnisé, le bénéficiaire devra en formuler expressément la demande.

C.   Le nombre de bÉnÉficiaires attendus

L’étude d’impact ne fournit pas d’estimation globale du nombre d’aidants susceptibles de bénéficier de l’attribution de points au système universel.

Plusieurs inconnues sont en effet liées à l’instauration très récente de l’indemnisation du congé de proche aidant – cette mesure a en effet été introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 – ainsi qu’à la croissance du nombre d’aidants liée au vieillissement démographique.

● Toutefois, l’élargissement du champ des bénéficiaires de points de retraite supplémentaires par le présent article devrait permettre à davantage d’assurés proches aidants de se constituer des droits à retraite par rapport aux dispositifs existants.

Tel est le cas, notamment, des parents d’enfant ouvrant droit au complément de l’AEEH ou de la PCH sans avoir un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 % ou des parents affiliés à certains régimes spéciaux qui ne prévoyaient pas de dispositif de majoration de durée d’assurance.

En outre, l’ensemble des périodes donnant lieu à accompagnement ou prise en charge permettront d’acquérir des points, contrairement aux dispositifs de majoration actuels qui requièrent une durée minimale pour se constituer des droits à retraite.

III.   un Dispositif transitoire de retraite anticipÉe pour certains assurÉs au titre d’une infirmitÉ ou du handicap de l’assurÉ, de son conjoint ou d’un enfant

Le II de cet article prévoit un dispositif de départ anticipé à la retraite pour certaines catégories d’assurés ayant élevé un enfant en situation de handicap, ou dont le conjoint ou eux-mêmes sont atteints d’une infirmité les empêchant d’exercer une quelconque profession.

Ce dispositif présente un caractère transitoire, car il ne sera ouvert qu’aux assurés remplissant au 31 décembre 2024 les conditions ci-après précisées. En outre, la liquidation ne pourra intervenir qu’à compter du 1er janvier 2025, et prendre effet au plus tard au cours de l’année 2037.

Sont concernés par ce dispositif transitoire : les fonctionnaires, magistrats, militaires, marins mentionnés à l’article L. 5551-1 du code des transports ainsi que les assurés des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 381-32 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 7 de ce projet de loi.

Pour bénéficier du dispositif de la retraite anticipée, les assurés concernés doivent en outre remplir, au 31 décembre 2024, les conditions de liquidation anticipée mentionnée aux 3° et 4° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, pour les fonctionnaires civils, et aux 1° bis et 3° du II du même article, pour les fonctionnaires militaires, c’est-à-dire :

– dans tous les cas, justifier d’au moins quinze années de services effectifs ;

– être parent d’un enfant vivant de plus d’un an et atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 % ayant justifié l’interruption ou la réduction d’activité ;

– être atteint ou avoir un conjoint atteint d’une infirmité ou d’une maladie incurable plaçant l’assuré ou son conjoint dans l’impossibilité d’exercer une quelconque profession.

*

 

Chapitre II
Des droits familiaux modernisés

Article 44
Des droits pour tous les parents, dès le premier enfant

Cet article instaure un dispositif de majoration de la pension des assurés ayant eu un ou plusieurs enfants, en prévoyant une majoration de la pension qui devrait être fixée à 5 % par enfant et dès le premier enfant.

Cette mesure se substituera aux actuels droits familiaux – notamment les majorations de durée d’assurance – visant à compenser les incidences de la naissance ou de l’éducation d’un enfant sur la carrière des assurés, en particulier sur la carrière des femmes.

La majoration de points pourra être attribuée à l’un ou l’autre des parents, ou partagée entre les deux, selon une décision prise d’un commun accord aux quatre ans de l’enfant. À défaut, les points seront attribués à la mère, ou répartis à parts égales entre les deux parents pour les couples homosexuels.

En complément, cet article accorde aux familles d’au moins trois enfants des points supplémentaires à hauteur de 1 % pour chaque parent – ou 2 % si un bénéficiaire unique est désigné.

Le présent article crée un nouveau chapitre VI au sein du nouveau titre IX du livre Ier du code de la sécurité sociale, intitulé : « Droits familiaux de retraite ». Ce chapitre comprend deux articles :

– l’article L. 196-1, relatif à l’attribution de points de retraite aux parents dès le premier enfant, fait l’objet du présent commentaire d’article ;

– l’article L. 196-2, relatif à la prise en compte des incidences professionnelles liées à l’éducation d’un enfant en bas âge, fait l’objet du commentaire de l’article 45.

I.   Le droit en vigueur

Les droits familiaux visent à compenser les inégalités salariales et d’activité entre les femmes et les hommes, qui se reflètent directement sur le niveau de pension des femmes.

A.   Des Écarts ÉlevÉs de pensions de retraite entre les femmes et les hommes, reflets des Écarts d’activitÉ et de salaires au cours de la carriÈre

Les pensions de retraite des femmes sont en moyenne inférieures de 38 % à celle des hommes ([242]).

Cet écart de pension traduit les moindres droits à retraite acquis par les femmes tout au long de leur vie professionnelle, compte tenu notamment d’un taux d’activité ou d’emploi plus faible que les hommes, lié notamment à la maternité et à ses effets sur la carrière des femmes. La maternité ainsi que l’éducation des enfants, qui est encore principalement assumée par les femmes au détriment de leur carrière professionnelle, contribuent en effet à dégrader très fortement l’ensemble des paramètres de cotisation – taux d’activité, travail à temps plein, niveau de rémunération.

Comme le soulignait un rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) de 2016 ([243]), « il est en effet fréquent quun parent, très majoritairement la mère, réduise ou interrompe son activité à la suite de la naissance dun enfant. Cela influence in fine la durée dactivité ou lévolution du salaire au cours de la carrière, et donc agit sur les droits à retraite. »

● Trois facteurs, en particulier, influencent négativement la carrière professionnelle et, par répercussion, le niveau de pension de retraite des femmes.

Le premier est le recours plus fréquent au temps partiel : environ 30 % des femmes travaillent à temps partiel (29,9 % en 2018), contre moins de 8 % des hommes (7,8 % en 2018).

Le deuxième facteur est lié aux interruptions d’activité, plus fréquemment observées chez les femmes ayant un ou plusieurs enfants en bas âge. L’écart d’activité entre les femmes et les hommes âgés de 15 à 64 ans s’élevait ainsi, en 2017, à 9,4 % – un écart relativement stable dans le temps. Ces écarts se creusent, en outre, en fonction du nombre d’enfants et de leur âge : l’écart d’activité est par exemple de 36 points entre une femme ayant au moins trois enfants dont le plus jeune est âgé de moins de trois ans (43,9 %), et une femme avec un seul enfant âgé de plus de trois ans (79,9 %).

 

 

 

Taux d’activitÉ des femmes et des hommes
selon le nombre et l’Âge des enfants (2017)

(en pourcentages)

 

 

Femmes

Hommes

Ensemble

75,0

84,4

Sans enfant

70,3

75,8

Le plus jeune est âgé de moins de 3 ans

1 enfant

76,7

96,0

2 enfants

67,0

95,3

3 enfants ou plus

43,9

93,1

Le plus jeune est âgé de 3 ans ou plus

1 enfant

79,9

88,0

2 enfants

86,2

95,1

3 enfants ou plus

72,8

91,8

Champ : France.

Source : Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Famille » pour 2020, d’après l’INSEE, enquêtes Emploi, traitement DARES.

Le troisième et dernier facteur concerne la rémunération : les écarts de salaire entre les femmes et les hommes s’élèvent à 23,4 % en 2016 – en tenant compte du temps partiel – et à 14 % en termes de salaire horaire. L’INSEE évalue en outre à environ 5 % par enfant la diminution du salaire horaire des femmes en raison de l’arrivée d’un enfant. Cet effet négatif persisterait pendant au moins cinq années après la naissance ([244]). Au contraire, « larrivée dun enfant na quasiment aucun impact sur les hommes, hormis sur les mieux rémunérés dentre eux qui augmentent leur activité ».

Le cumul de ces différents facteurs se traduit par des écarts importants de niveau de pension lors de la retraite, en particulier pour les familles nombreuses. Selon la DREES, avant la prise en compte des droits familiaux visant à atténuer ces écarts, la pension de retraite moyenne en 2012 des personnes ayant eu trois enfants ou plus s’élevait ainsi à 1 136 euros, contre 1 396 euros pour les personnes ayant eu moins de trois enfants.

B.   Les droits familiaux de retraite, des dispositifs destinÉs À compenser les inÉgalitÉs observÉes au cours de la carriÈre

1.   Les différentes catégories de droits familiaux

Les droits familiaux ont été créés en vue de compenser les aléas de carrière liés à la naissance et à l’éducation des enfants. L’analyse des régimes existants met en évidence une grande diversité de règles selon les régimes : tous, néanmoins, ont vocation à répondre à cet objectif.

Parmi la diversité de dispositifs familiaux, deux jouent un rôle central dans la plupart des régimes de retraite, tant en termes de nombre de bénéficiaires que d’effets sur leur niveau de pension. Il s’agit :

– des majorations de durée d’assurance (MDA) pour enfants, qui permettent aux mères voire aux pères de valider des trimestres supplémentaires au titre de la maternité ou de l’éducation des enfants, d’une part ;

– des majorations de pension pour enfants, pour les familles nombreuses, d’autre part.

Le dispositif de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) permet en outre aux personnes faisant le choix d’interrompre ou de réduire leur activité professionnelle pour élever un enfant de continuer à être affiliées au régime d’assurance vieillesse du régime général et ainsi valider des droits trimestres à titre gratuit, afin de limiter les effets de cette interruption sur le niveau de leur future pension de retraite. D’autres dispositifs mis en place dans certains régimes jouent un rôle plus accessoire. Ces dispositifs sont détaillés dans le commentaire de l’article 45.

a.   Majoration de durée d’assurance

Mis en place par la loi n° 71-1132 du 31 décembre 1971, dite « loi Boulin » ([245]), le dispositif de majoration de durée d’assurance (MDA) visait initialement à augmenter le nombre de trimestres pris en compte au titre de la durée d’assurance des mères, sans condition d’interruption d’activité. Si le bénéfice de ce dispositif a par la suite été partiellement étendu aux deux parents pour tenir compte des contraintes juridiques de non-discrimination (cf. encadré), sa vocation n’a pas changé, et pour l’essentiel, ce dispositif continue de contribuer à une redistribution vers les femmes ayant des enfants.

Les droits familiaux au regard du droit de lUnion européenne

La Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 19 février 2009 ([246]), que le dispositif de majoration de durée d’assurance de deux ans accordé jusqu’alors par le régime général au seul bénéfice de la mère était incompatible avec l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui interdit les discriminations fondées sur le sexe.

L’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a tiré les conséquences de cette jurisprudence en remplaçant la majoration par deux majorations distinctes de quatre trimestres chacune, l’une accordée à la mère en raison de l’incidence de la grossesse et de l’accouchement sur sa carrière, l’autre au titre de l’incidence sur la carrière de l’éducation de l’enfant pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption.

Seuls les régimes de base proposent ce dispositif, au titre de la détermination de la durée d’assurance permettant de bénéficier du taux plein.

Pour le régime général, les régimes alignés ainsi que le régime des professions libérales et des avocats (CNBF), la majoration attribuée correspond à huit trimestres. Au régime général et dans les régimes alignés, ces huit trimestres correspondent à :

– quatre trimestres par enfant pour les femmes assurées, dès le premier enfant né, au titre « de lincidence sur la leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de laccouchement » (I de l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale pour le régime général) ou, pour les parents, au titre de l’adoption (III du même article) ;

– quatre trimestres qui peuvent être attribués à l’un ou l’autre des parents assurés sociaux ou répartis entre ces derniers, pour chaque enfant mineur, « au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance on son adoption » (II du même article). La mère est cependant l’attributaire par défaut de ces trimestres supplémentaires.

Les régimes de la fonction publique (SRE et CNRACL) accordent quant à eux deux trimestres aux femmes ayant accouché après leur recrutement, au titre de la maternité.

Au sein des régimes spéciaux, le régime de la SNCF accorde deux trimestres au titre de la majoration de durée d’assurance (MDA) pour enfant. Les régimes de la RATP et des industries électriques et gazières accordent pour leur part deux trimestres pour le premier enfant, puis quatre trimestres par enfant.

Nombre de trimestres accordÉs au titre des majorations pour enfant

Régimes général et alignés (base)

Fonctions publiques

SNCF

RATP, CNIEG

Professions libérales (CNAVPL)

Avocats (CNBF)

8

2

2

2 trimestres pour le premier enfant, puis 4 trimestres

8

8

Dont 4 pour maternité

Dont 4 pour éducation

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir de l’étude d’impact.

En toute logique, le nombre moyen de trimestres de MDA attribuée aux femmes dépend du nombre de la taille de leur famille. L’effet de ce dispositif est en conséquence majoré pour les familles nombreuses.

contribution moyenne du dispositif À la pension des femmes,
selon la taille de leur famille

(en pourcentages)

 

1 enfant

2 enfants

3 enfants

4 enfants

5 enfants

Génération 1950

5

9

14

30

29

Génération 1960

6

11

15

23

33

Génération 1970

6

11

17

25

30

Génération 1980

5

11

17

23

26

Source : DREES, « Droits familiaux et dispositifs de solidarité du système de retraite », Dossiers solidarité et santé, n° 72, janvier 2016.

Au régime général, les majorations de durée d’assurance ont des conséquences à la fois sur le taux de liquidation de la pension, qu’elles contribuent à relever, et sur le taux de proratisation, puisqu’elles peuvent permettre d’atteindre le nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein. En conséquence, ce dispositif est le droit familial qui a le plus d’effets sur la pension de retraite.

D’après la DREES ([247]), au régime général, les majorations de durée d’assurance augmentent en effet la durée d’assurance de 12 à 14 trimestres en moyenne. La hausse moyenne de pension qui en résulte, tous régimes confondus, s’élève entre 7 et 9 %.

L’effet de la MDA est moindre cependant dans les régimes de la fonction publique – il est évalué entre 2 et 8 % par la DREES, compte tenu :

– de règles de prise en compte distinctes de cette majoration, d’une part : cette dernière n’est prise en compte que pour la durée d’assurance tous régimes –décote et surcote – et non pour la durée d’assurance réalisée dans le régime comptant dans le coefficient de proratisation permettant de calculer le bénéfice du taux plein ;

– de l’attribution d’un nombre plus faible de trimestres, entre 10 et 12 trimestres, d’autre part.

b.   Majoration de pension pour enfants

● À l’instar du régime général ([248]), la majorité des régimes de retraite de base et complémentaires ([249]) accordent aux pères et mères de familles nombreuses, c’est-à-dire aux assurés ayant eu au moins trois enfants ([250]), une majoration de pension. Cette majoration est calculée au moment de la liquidation des droits de manière proportionnelle au montant de la pension et s’élève, au régime général comme dans les régimes alignés, à 10 %.

Dans les régimes de la fonction publique, chaque enfant supplémentaire à compter du quatrième enfant permet de majorer de 5 % supplémentaires le montant de la pension.

Enfin, à l’AGIRC-ARRCO, deux mécanismes coexistent et sont applicables selon l’option la plus favorable à l’assuré : il s’agit soit d’une majoration de la retraite de 5 % par enfant à charge, soit d’une majoration égale à 10 % attribuée pour chaque enfant né ou élevé à compter du troisième enfant ([251]).

ModalitÉs de la majoration de pension pour enfants
selon le rÉgime concernÉ

Régimes général et alignés

Fonctions publiques

Régimes spéciaux

Professions libérales (CNAVPL)

Avocats (CNBF)

Base

Complémentaire

Base

Compl.

AGIRC-ARRCO

IRCANTEC

10 % à partir de trois enfants

10 % pour 3 enfants élevés (plafonné à un peu plus de 1 000 euros par an)

Ou

5 % par enfant à charge

10 % pour 3 enfants puis 5 % par enfant

10 % pour 3 enfants puis 5 % par enfant (dans la limite du dernier traitement)

 

Règles spécifiques pour la CNIEG et les marins

10 % pour trois enfants sauf exceptions

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir de l’étude d’impact.

● Le caractère proportionnel de la majoration a pour conséquence de contribuer davantage au relèvement de la pension des hommes (la majoration représente en moyenne 3,1 % de leurs droits propres) que des femmes (2,8 % en moyenne) ([252]).

2.   Les dépenses engagées au titre des droits familiaux

Selon les dernières données disponibles de la DREES, l’ensemble des droits familiaux représentait un coût total de 20,6 milliards d’euros en 2016, selon la répartition présentée dans le tableau ci-après.

Masses financières liÉes aux droits familiaux en 2016

 

 

En milliards deuros

En % de la masse de prestations de droit propre en 2016

Majorations pour enfants

Droit propre

8

3 %

Droit dérivé (pensions de réversion)

1,2

Majorations de durée dassurance

7

2,6 %

AVPF

3,1

1,1 %

Départs anticipés pour motifs familiaux

1,3

0,5 %

Ensemble des droits familiaux

20,6

 

Source : DREES, « Pensions de retraite : les dispositifs de solidarité représentent 16 % des montants versés », Études et résultats, n° 1116, juin 2019.

Les majorations pour enfants et majorations de durée d’assurance représentent ainsi l’essentiel du coût des dépenses de solidarité au titre des droits familiaux, contribuant respectivement à 3 % et 2,6 % de la masse de prestations de droit propre versées en 2016.

3.   Les effets hétérogènes des droits familiaux selon le régime considéré

● Les statistiques établies par la DREES montrent que les droits familiaux actuels permettent d’atténuer significativement les inégalités de pension liées aux enfants.

C’est le cas, notamment, de la majoration pour enfants, qui concerne 6,4 millions de retraités, soit 40 % de l’ensemble des retraités, et représente en moyenne 3 % de la masse des prestations de droit propre ([253]).

Les majorations de durée d’assurance représentent quant à elle 2,6 % du total des pensions de retraite de droit propre.

Dans une moindre mesure, les autres dispositifs contribuent à relever de 1,1 % en moyenne le montant de la pension, pour l’AVPF, et de 0,5 % pour les départs anticipés pour motifs familiaux.

● Pour autant, l’hétérogénéité des dispositifs est facteur d’inégalités, tant entre les différents régimes de retraite qu’entre les familles elles-mêmes.

Le premier écueil des droits familiaux actuel repose sur l’inégalité importante qui existe d’un régime à l’autre : comment justifier, par exemple, que la naissance d’un enfant ouvre droit à une majoration de huit trimestres, au régime général, alors qu’elle ne correspond qu’à deux trimestres, dans les régimes de la fonction publique ?

Cette inégalité est d’autant plus visible pour les assurés polypensionnés qui se voient verser les majorations de durée d’assurance par un seul de leurs anciens régimes d’affiliation, désigné dans les conditions prévues par l’article R. 173-15 du code de la sécurité sociale. Or, la majoration accordée au titre de ce régime peut être moins favorable que la majoration dont aurait bénéficié l’assuré au sein d’un autre régime : pour les assurés affiliés successivement ou alternativement à plusieurs régimes – à l’exception du régime général –, les MDA sont ainsi accordées par le régime auquel l’intéressé a été affilié en dernier lieu, et non par le régime susceptible d’attribuer la pension la plus élevée.

En outre, certains droits familiaux n’atteignent pas leur cible : la majoration de durée d’assurance n’a aucun effet pour les assurées ayant déjà acquis la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Ainsi, selon l’étude d’impact, « 20 % des trimestres sont inutiles car ils naugmentent ni le taux de liquidation, ni le coefficient de proratisation de leurs bénéficiaires ». En conséquence, le préjudice de carrière subi par ces assurés n’est nullement compensé.

D’ailleurs, selon le dernier rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR) ([254]), l’écart de durée d’assurance entre les femmes et les hommes tend à se réduire, contrairement aux différences de rémunération ([255]), ce qui confirmerait le caractère inadéquat des majorations d’assurance.

DurÉe moyenne dassurance validÉe tous rÉgimes des femmes rapportÉe À celle des hommes, pour les retraités du rÉgime gÉnÉral

Source : COR.

Ensuite, les droits familiaux bénéficient surtout aux familles nombreuses (cf. tableau infra) : selon la DREES, le montant cumulé de ces droits ne représente ainsi que « 2 % de la pension des femmes nayant eu quun seul enfant », contre « 17 % de la pension des mères de trois enfants et près de 40 % de celles des mères de cinq enfants ou plus ».

Or, la part des familles nombreuses est faible – moins d’une famille sur cinq –, et tend d’ailleurs à se réduire dans la société française : ainsi, en 2013, 16,5 % des familles avec enfants comprenaient au moins trois enfants mineurs, contre 18 % en 1999. La majorité des familles sont, en conséquence, exclues du dispositif de majoration de pension pour enfants.

Apport des droits familiaux À la pension moyenne de droit direct pour les femmes en fonction du nombre d’enfants (2012)

 

0 enfant

1 enfant

2 enfants

3 enfants

4 enfants

5 enfants ou plus

Ensemble

(en euros)

Pension mensuelle moyenne de droit direct hors droits familiaux

1 143

1 146

1 006

754

572

420

898

Pension mensuelle moyenne de droit direct, y compris droits familiaux

1 143

1 174

1 068

911

789

678

1 000

(en %)

Apport à la pension de droit direct

0

2,4

5,8

17,2

27,4

38,1

10,1

(*) Champ : retraitées de droit direct, vivantes au 31 décembre 2012, percevant une pension versée sous forme de rente.

Source : DREES, « Droits familiaux et dispositifs de solidarité du système de retraite », Dossiers solidarité et santé, n° 72.

II.   Le dispositif proposÉ : des droits pour tous les parents, dÈs le premier enfant

Conformément aux préconisations du rapport de M. Jean-Paul Delevoye, les divers dispositifs de majoration de pension existants dans les régimes actuels de retraite sont remplacés, au sein du système universel, par « une majoration de retraite applicable dès le premier enfant ».

Cette mesure de justice permettra à toutes les familles de bénéficier d’un avantage de retraite, notamment à celles qui étaient jusque-là exclues du dispositif de la majoration pour enfants, à l’instar des familles monoparentales.

Les familles nombreuses continueront néanmoins de bénéficier d’une majoration supplémentaire dans le but de compenser les conséquences négatives attestées sur la carrière professionnelle – des femmes, en particulier – de la naissance de trois enfants ou plus.

A.   L’attribution systÉmatique de points de retraite dÈs le premier enfant

1.   Les conditions de bénéfice

a.   Des points attribués au titre de chaque enfant né, adopté ou élevé

Le A du I de l’article L. 196-1 nouveau prévoit l’attribution de points supplémentaires « lors du calcul de la retraite, au titre de la solidarité nationale », au bénéfice de l’un des parents ou des deux parents de l’enfant, pour chaque enfant né ou adopté.

Contrairement aux dispositifs prévus par les régimes actuels qui ne concernent que les familles nombreuses, le dispositif retenu par cet article permet de compenser l’incidence de la naissance, de l’adoption ou de l’éducation d’un enfant dès le premier enfant.

b.   Une condition de points minimum

Selon le V de l’article L. 196-1, le bénéfice des points supplémentaires ne sera attribué que si l’assuré a acquis « un nombre minimum de points », défini par décret, au cours de sa carrière.

D’après l’étude d’impact, ce plancher de points a vocation à se substituer à la condition de durée minimale d’assurance de deux ans qui était imposée aux deux parents par le régime général pour ouvrir droit à la majoration de durée d’assurance ([256]), qui n’est pas reconduite au sein du système universel.

2.   Le nombre de points attribués sera calculé sur une base proportionnelle

Le nombre de points attribué pour chaque enfant sera calculé sur une base proportionnelle au niveau de rémunération – et donc de cotisation des parents : le second alinéa du A du I de l’article L. 196-1 nouveau dispose en effet que le nombre de points attribué sera égal, pour chaque enfant, « à une fraction fixée par décret du nombre de points acquis » par l’assuré au cours de sa carrière, en application des 1° à 3° de l’article L. 191-3 nouveau du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 8 de ce projet de loi.

D’après le Gouvernement, les points supplémentaires attribués correspondraient à une majoration maximale de 5 % de la pension de l’assuré pour chaque enfant, dès le premier enfant, si un seul bénéficiaire est désigné pour l’attribution des points.

Le total de points pris en compte pour le calcul de la fraction de points supplémentaires attribué pour chaque enfant tiendra ainsi compte des points acquis :

– au titre du versement de cotisations d’assurance vieillesse prises en compte dans les conditions prévues aux 1°de l’article L. 191-3 ;

– au titre des périodes d’interruption de carrière ou de réduction de l’activité professionnelle pour maladie, invalidité, handicap, maternité, chômage, aide à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie, ou de l’éducation d’un enfant, dans les conditions prévues au 2° du même article ;

– au titre des points acquis dans le cadre d’une surcotisation (pour les salariés à temps partiel), d’un rachat de points au titre des années d’études ou de stages en entreprise, de l’affiliation à l’assurance vieillesse volontaire (AVV), des cotisations spéciales versées par les employeurs des fonctionnaires exerçant des métiers régaliens dangereux ou des militaires, ainsi que des cotisations spécifiques versées par les employeurs des militaires (3° du même article).

3.   Les modalités de choix du ou des parents bénéficiaires des points supplémentaires de retraite

Le A du I de l’article L. 196-1 dispose que les points pour enfant sont attribués « au bénéfice de lun des parents ou des deux ». Par défaut, dans les couples hétérosexuels, le parent désigné pour l’attribution des points sera la mère. Toutefois, une autre clé de répartition est possible, puisque le B du I du même article autorise les parents à décider d’un commun accord d’attribuer les points supplémentaires :

– soit à un seul des deux parents ;

– soit aux deux parents, selon une répartition convenue entre eux.

Selon l’exposé des motifs du projet de loi, « cette possibilité de partage permettra de rediriger le bénéfice de la majoration vers les parents dont les carrières sont les plus impactées par léducation denfants ».

a.   Le délai et les conditions de décision

● La décision d’attribution éventuellement retenue par les parents devra être exprimée dans un certain délai, fixé par décret, qui commencera à courir :

– pour le cas général, à compter du quatrième anniversaire de l’enfant ;

– si aucun des parents ne s’est constitué de droit à retraite à cette date, à compter de la date à laquelle le premier d’entre eux acquiert des droits.

● Si les parents expriment, dans le délai imparti, un désaccord relatif à la répartition des points, ces dernières seront automatiquement attribués :

– au parent en mesure de justifier d’avoir assumé à titre principal l’éducation de l’enfant pendant la période la plus longue ;

– à défaut, à parts égales entre les deux parents.

b.   Les modalités d’attribution proposées à défaut de décision ou de désaccord

Si, dans le délai requis, les parents n’ont pas exprimé de souhait de répartition ou de désaccord relatif à l’attribution des points, les points supplémentaires de retraite seront par défaut :

– attribués à la mère, pour les couples hétérosexuels ;

– répartis à parts égales entre les deux parents, pour les couples homosexuels.

c.   Les règles particulières applicables en cas de décès précoce de l’enfant ou d’un des parents

Le décès d’un enfant, même si celui-ci est intervenu avant son quatrième anniversaire, n’a pas d’effet sur l’attribution des points de retraite supplémentaires, qui restent dus dans les conditions prévues au B.

En revanche, en cas de décès de l’un des parents avant la majorité de l’enfant, les points sont attribués au parent survivant, à condition que ce dernier ait effectivement élevé l’enfant (cf. infra).

d.   Schéma récapitulatif

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

B.   Des points supplÉmentaires pour les parents de familles nombreuses

Afin de tenir compte des incidences proportionnellement plus élevées de la naissance, de l’adoption ou de l’éducation d’au moins trois enfants, en particulier sur la vie professionnelle des femmes, le II de l’article L. 196-1 maintient un dispositif avantageux pour les familles nombreuses en prévoyant l’attribution de points supplémentaires aux points accordés pour chaque enfant, dès le premier enfant, pour « chaque parent » ayant eu ou adopté « au moins trois enfants ».

Dans certaines conditions, définies par décret, les enfants du conjoint de l’assuré pourront être pris en compte au titre du décompte de trois enfants, « si lassuré les a élevés, quils aient été ou non à sa charge ».

Le principe de l’attribution des points majorés est inversé par rapport à l’attribution de points pour chaque enfant : par défaut, les points seront ainsi attribués aux deux parents. Toutefois, si les parents en décident « dun commun accord », les points seront accordés à un seul bénéficiaire.

D’après l’exposé des motifs du projet de loi, la majoration de points supplémentaire accordée serait fixée de manière proportionnelle à 1 % de la pension pour chaque parent. En cas de bénéficiaire unique, ce dernier verrait sa pension de retraite majorée de 2 %.

Au total, si un assuré parent d’au moins trois enfants est bénéficiaire à la fois de la totalité de la majoration pour enfant et seul bénéficiaire de la majoration supplémentaire pour famille nombreuse, il bénéficierait pour chaque enfant d’un versement de 7 % de points supplémentaires par rapport au nombre de points acquis pendant sa carrière.

Selon le V de l’article L. 196-1, à l’instar de la majoration pour enfants dès le premier enfant, le bénéfice des points supplémentaires ne sera attribué que si l’assuré a acquis « un nombre minimum de points », défini par décret, au cours de sa carrière.

C.   Les rÈgles applicables en cas de retrait, de privation de l’autoritÉ parentale ou de placement de l’enfant par dÉcision de justice

1.   Les conséquences du retrait ou de la privation de l’autorité parentale

L’attribution de points de retraite au titre de l’éducation d’un enfant suppose que le parent ait effectivement rempli ses obligations éducatives, ce qui n’est pas le cas d’un parent privé de l’exercice de l’autorité parentale ([257]), ou d’un parent s’étant vu retirer l’autorité parentale par une décision de justice dans les conditions prévues aux articles 378 à 381 du code civil.

En conséquence, le IV de l’article L. 196-1 dispose qu’un assuré privé de l’exercice de l’autorité parentale ou s’étant vu retirer cette dernière par décision de justice « au cours des quatre premières années de lenfant » ne peut bénéficier de l’attribution de points supplémentaires de retraite.

2.   Les effets du placement d’un enfant auprès d’un tiers

Le III de l’article L. 196-1 nouveau vise à transférer les points supplémentaires attribués au titre de l’éducation d’un enfant au tiers ou tuteur d’un enfant confié sur décision de justice, en lieu et place des parents de l’enfant.

Ainsi, toute personne ayant assumé effectivement l’éducation d’un enfant pendant au moins quatre années à compter d’une décision de justice de placement, d’une décision de délégation de l’autorité parentale ou de sa désignation comme tuteur de l’enfant bénéficiera des points supplémentaires attribués dès le premier enfant et, le cas échéant, de la majoration pour famille nombreuse mentionnée au II.

Les cas de décision de justice ouvrant droit à la substitution des points sont les cas où l’assuré assume effectivement l’éducation d’un enfant :

– au titre d’une décision de justice prise en application du deuxième alinéa de l’article 373-3 du code civil l’ayant confié à ce tiers ;

– au titre d’une décision de justice ayant confié l’enfant à un membre de sa famille ou à un tiers digne de confiance en application du 2° de l’article 375-3 du même code ;

– au titre d’une délégation totale de l’autorité parentale prise en application du premier alinéa de l’article 377-1 du même code ;

– lorsque l’assuré a été désigné tuteur sur le fondement des articles 403 à 408 du même code.

D.   Les projections financiÈres

D’après les projections proposées par l’étude d’impact, le montant global des dépenses consacrées aux droits familiaux ([258]) seraient légèrement inférieures, à compter de la fin de la décennie 2030, aux droits existants avant l’entrée en vigueur du système universel.

Masses financiÈres consacrÉes aux droits familiaux *

En millions deuros 2017

En pourcentage des dépenses du système de retraites

(*) Y compris AVPF.

Source : Étude d’impact.

*

Article 45
Attribution de points aux parents de jeunes enfants ayant des revenus modestes

 

Second volet des dispositions du projet de loi relatives aux droits familiaux de retraite, le présent article vise à compenser l’incidence de l’arrivée d’un enfant sur la carrière professionnelle des parents de jeunes enfants grâce à l’attribution de points supplémentaires de retraite aux familles modestes.

I.   les dispositifs actuels de compensation des pÉriodes d’interruption de carriÈre ou de rÉduction de l’activitÉ professionnelle des parents de jeunes enfants

1.   L’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF)

Aux termes de l’article L. 381-1 du code de la sécurité sociale, l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) permet aux personnes isolées ou à l’un des membres d’un couple faisant le choix de réduire ou d’interrompre leur activité professionnelle pour se consacrer à l’éducation de leurs jeunes enfants ou pour s’occuper d’un proche de continuer à se constituer des droits à retraite au régime général.

Lorsqu’elles visent à compenser l’incidence de l’arrivée d’un enfant, l’affiliation à l’AVPF est soumise à condition de ressources, d’une part, et subordonnée au bénéfice d’une prestation destinée aux parents de jeunes enfants pour les aider soit à assurer les dépenses liées à l’entretien et à l’éducation d’un enfant, soit à compenser la baisse de revenus liée à la réduction ou à l’interruption d’une activité professionnelle pour élever un enfant, d’autre part.

Sont ainsi éligibles à ce dispositif les personnes n’exerçant pas d’activité professionnelle ou exerçant une activité à temps partiel, sous réserve :

– de bénéficier de l’une des trois prestations familiales suivantes : le complément familial, l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ou la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) ;

– de disposer de ressources inférieures à un plafond fixé par décret : pour une personne seule, le plafond de ressources retenu pour ouvrir droit à l’AVPF est équivalent au plafond retenu pour l’attribution de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) ([259]) ;

– que les enfants dont elles assument la charge remplissent les conditions d’âge et de nombre d’enfant fixées, par décret, à au moins un enfant de moins de trois ans à charge ou au moins deux enfants ([260]).

Sous certaines conditions, les parents d’enfants gravement malades ou handicapés et bénéficiaires à ce titre de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) peuvent également être affiliés à l’AVPF.

En pratique, les personnes éligibles à l’AVPF sont obligatoirement affiliées à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, ce qui leur permet de valider gratuitement des trimestres, au même titre que si elles avaient perçu un salaire mensuel correspondant à 169 heures rémunérées au SMIC.

En 2016, 1,9 million de personnes étaient affiliées à l’AVPF, dont 90 % de femmes ([261]), ce qui représente un montant de cotisations de 5 milliards d’euros environ en 2017. D’après l’étude d’impact, le maintien de ce dispositif aurait un coût d’environ 7 milliards d’euros en 2040.

Selon la direction de la recherche, des études, de lévaluation et des statistiques ([262]), ce dispositif améliorerait en moyenne de 14 % la pension de base au régime général des femmes de la génération 1957 bénéficiaires de ce dispositif, dont :

– 5 points au titre de la hausse du coefficient de proratisation ;

– 3 points au titre de l’amélioration du salaire de référence ;

– 2 points au titre des trimestres acquis ;

– 2 points au titre de la réduction des effets de la décote ;

– le reste étant lié à d’autres motifs.

2.   Majoration de durée d’assurance pour congé parental

L’article L. 351-5 du code de la sécurité sociale accorde aux assurés du régime général et aux salariés agricoles ayant obtenu un congé parental à temps plein une majoration de leur durée d’assurance égale à la durée effective du congé parental.

Cette majoration n’est cependant pas cumulable avec la majoration pour enfants : lors de la liquidation de la retraite, l’option la plus favorable à l’assuré est maintenue. Elle ne peut non plus être cumulée avec l’AVPF.

3.   Validation gratuite de périodes d’éducation

Selon l’article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite et l’article 11 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, les fonctionnaires peuvent bénéficier de l’attribution gratuite de trimestres sous réserve d’avoir interrompu ou réduit leur activité pour élever un jeune enfant.

Le nombre de trimestres gratuitement accordés peut s’élever jusqu’à douze trimestres, dans le cas d’un congé de présence parentale.

Nombre de trimestres pris en compte dans la constitution du droit À pension selon le motif d’interruption d’activitÉ, pour les fonctionnaires

 

Durée maximale de la période dinterruption

Durée maximale non travaillée donnant lieu à lattribution de trimestres

Temps partiel (quotité comprise entre 50 % et 80 %)

Jusqu’aux 3 ans de l’enfant

Entre 2,4 trimestres et 6 trimestres selon la quotité travaillée

Congé parental

Jusqu’aux 3 ans de l’enfant

12 trimestres (3 ans)

Congé de présence parentale

310 jours ouvrés

6 trimestres (1,5 an)

Disponibilité pour élever un enfant de moins de 8 ans

Jusqu’aux 8 ans de l’enfant

12 trimestres (3 ans) ([263])

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, d’après l’article R. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Les assurés de certains régimes spéciaux peuvent également bénéficier de cet avantage, dans les conditions prévues respectivement :

– à l’article 7 du décret n° 2008-639 du 30 juin 2008, pour les assurés du régime de la SNCF ;

– à l’article 18 bis de l’arrêté du 30 décembre 1970, pour les assurés de l’IRCANTEC ;

– à l’article 5 de l’annexe 3 au décret n° 46-1541 du 22 juin 1946, pour les agents de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG).

II.   L’attribution de points au titre du bÉnÉfice d’une allocation versÉe pour l’Éducation d’un jeune enfant

À l’instar du mécanisme de majoration pour enfant prévu par l’article 44 de ce projet de loi, le présent article vise à attribuer des points de retraite supplémentaires, financés par la solidarité nationale, pour « compenser les interruptions ou réductions dactivité des assurés au titre de léducation denfants dans les premières années suivant la naissance de lenfant », selon les termes de l’exposé des motifs.

Le dispositif retenu dépasse en réalité cet objectif, puisqu’il vise à attribuer des points supplémentaires aux assurés parents de jeunes enfants ayant de faibles ressources, y compris si ces assurés n’ont pas réduit ou interrompu leur activité professionnelle.

1.   Les conditions de bénéfice du dispositif

Les conditions de bénéfice du dispositif sont grandement simplifiées par rapport aux conditions d’affiliation à l’AVPF, puisque le bénéfice d’une des trois allocations suivantes suffit à ouvrir droit au bénéfice de l’attribution de points supplémentaires au titre des périodes d’activité réduite ou interrompue. Les trois allocations concernées sont :

– l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ;

– la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) ;

– le complément familial, mais seulement jusqu’à la fin de l’année civile où le dernier enfant atteint six ans, alors que le bénéfice de cette allocation tient compte des enfants dont l’âge est compris entre trois et vingt-et-un ans.

Concrètement, deux de ces trois allocations (allocation de base de la PAJE et complément familial) sont versées sans condition de réduction ou d’interruption d’activité.

Ainsi, contrairement à l’AVPF, la majoration accordée pour compenser la réduction d’activité est décorrélée de toute justification relative à cette baisse ou interruption ou réduction d’activité : les points supplémentaires pourront donc être attribués aux parents de jeunes enfants aux faibles ressources, même si la naissance ou l’adoption d’un enfant n’a pas entraîné de cessation ou de réduction substantielle de leur activité professionnelle et, par voie de conséquence, de leurs revenus tirés de cette activité.

Cette simplification des conditions d’attribution des points supplémentaires tire ainsi les conséquences de la forte diminution du taux d’activité des mères de très jeunes enfants, qui s’établit à 43,9 % seulement pour les mères d’au moins trois enfants dont au moins est âgé de moins de trois ans ([264]) (cf. commentaire de l’article 44).

Modalités dattribution des trois allocations ouvrant droit au bénéfice de lattribution de points supplémentaires au titre dune réduction ou dune interruption dactivité professionnelle

● L’allocation de base de la prestation du jeune enfant (PAJE), mentionnée au 2° de l’article L. 531-1 du code de la sécurité sociale, est versée sous conditions de ressources pour chaque enfant à charge de moins de trois ans né ou à naître, adopté ou confié en vue d’adoption.

Pour un parent isolé ou un couple avec deux revenus d’activité, le plafond de ressources annuel est fixé à 42 509 euros pour un enfant à charge.

● La prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), mentionnée au 3° de l’article L. 531-1 du même code, est versée au membre du couple qui choisit de ne plus exercer d’activité professionnelle ou de travailler à temps partiel ([265]) pour s’occuper d’un enfant de moins de trois ans ou, le cas échéant, aux deux parents s’ils ont tous deux décidé de réduire ou d’interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants.

Le bénéfice de la PreParE est soumis à une condition de validation d’au moins huit trimestres de cotisations d’assurance vieillesse.

● Le complément familial, mentionné à l’article L. 522-1 du code de la sécurité sociale, peut être versé aux ménages ayant au moins trois enfants à charge, âgés de plus de trois ans et de moins de vingt-et-un ans.

Le bénéfice de cette allocation est soumis à une condition de ressources : pour un couple avec deux revenus et trois enfants, le plafond de ressources est fixé à 47 426 euros.

Selon les plus récentes données disponibles, le nombre de bénéficiaires de l’allocation de base de la PAJE s’élevait à 1,7 million en 2017, contre 901 000 bénéficiaires du complément familial et 279 000 bénéficiaires de la PreParE. D’après l’étude d’impact, environ la moitié des bénéficiaires de chaque dispositif étaient affiliés à l’AVPF en 2016 : 777 000 bénéficiaires de l’AVPF l’étaient au titre du bénéfice de l’allocation de base de la PAJE, 545 000 au titre du complément familial et 142 000 au titre de la PreParE.

2.   Le plafonnement du nombre de points acquis

La seule condition fixée est le plafonnement du nombre total de points acquis au cours d’une année par l’assuré, qui sera fixé par décret : les points acquis dans le cadre de la présente disposition seront donc cumulables, jusqu’à un certain plafond, avec les points acquis par ailleurs par assuré, notamment au titre de son activité professionnelle. D’après l’étude d’impact, le nombre de points attribués viserait à garantir un équivalent de 60 % du SMIC – il n’est pas précisé s’il s’agit du SMIC brut ou net – à temps complet : au-delà de ce plafond, en cas de cumul avec une activité à temps partiel par exemple, le nombre de points sera écrêté à due concurrence.

3.   L’affiliation au régime général

Le second alinéa de l’article L. 196-2 précise que l’affilié bénéficiant de l’attribution de points sera automatiquement affilié au régime général, à l’instar de ce qui prévaut pour l’actuel dispositif d’AVPF.

III.   les dispositions transitoires

Le dispositif prévu par le présent article a vocation à se substituer à l’affiliation à l’AVPF au titre du complément familial – seul le complément familial versé jusqu’aux 6 ans de l’enfant ouvrira droit à l’attribution de points –, d’une part, et au dispositif de validation gratuite des périodes d’éducation au sein des régimes de la fonction publique et des régimes spéciaux, d’autre part.

Les A et B du II prévoient en conséquence deux dispositifs transitoires visant à assurer l’extinction progressive de ces dispositifs.

Le A dispose ainsi qu’à titre transitoire, jusqu’au 31 décembre 2027, les périodes pendant lesquelles l’assuré a bénéficié du complément familial et était affilié à ce titre au régime général au 31 décembre 2024 donneront droit à l’attribution de points gratuits – l’affiliation à l’AVPF s’éteindra en conséquence progressivement entre 2024 et 2027. Les assurés concernés sont ainsi les parents d’enfants nés au plus tard le 31 décembre 2024.

De la même manière, le B précise que les périodes de transition pendant lesquelles les fonctionnaires, les magistrats, les militaires, les assurés des régimes spéciaux ainsi que les marins ont été placés dans une situation de temps partiel de droit pour élever un enfant, de congé parental, de congé de présence parentale ou de disponibilité ou congé pour élever un enfant de moins de 8 ans, dans les conditions prévues au 1° de l’article L. 9 du code des pensions civiles et militaires, « donnent droit à lattribution de points au titre de la solidarité nationale ».

Pour bénéficier de l’attribution de ces points, les périodes prises en compte sont les périodes courant jusqu’au 31 décembre 2024, ainsi que la part des périodes ultérieures à cette date qui permet de mettre fin au dispositif de congé ou de disponibilité entamé avant cette échéance. En outre, ce mécanisme d’attribution de points intervient à titre subsidiaire du nouveau dispositif de points créé par l’article L. 196-2 : les mêmes périodes ne peuvent ainsi donner lieu à l’attribution de points simultanée dans les deux dispositifs.

Chapitre III
Des droits conjugaux harmonisés

Article 46
Retraites de réversion

L’article 46 définit les nouvelles règles applicables à la réversion au sein du système universel.

Le dispositif créé est inédit, car il vise à garantir au conjoint survivant un pourcentage du niveau de vie du couple avant le décès de son conjoint, alors que les actuels dispositifs de réversion reversent au conjoint survivant une fraction de la pension du conjoint décédé. Cette fraction du niveau de vie du couple devrait être fixée, par décret, à 70 %.

Le bénéfice de la réversion sera ouvert au conjoint survivant dès l’âge de 55 ans, même si celui-ci n’a pas encore liquidé ses propres droits à retraite, sous réserve que le conjoint survivant ait été marié pendant au moins deux ans à l’assuré décédé – sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage. En outre, le remariage éteindra le bénéfice de la réversion.

Cet article définit ensuite les conditions de liquidation, de révision ou de revalorisation de la réversion, ainsi que les conditions de bénéfice de la réversion en cas de disparition du conjoint.

Des règles dérogatoires, plus favorables, sont prévues pour les conjoints survivants ou orphelins de militaires ou de fonctionnaires décédés en service à l’occasion d’un acte de dévouement particulier, d’un attentat ou encore d’une opération militaire.

La question du divorce, enfin, n’est pas traitée en tant que telle par cet article, puisqu’il est proposé au Parlement d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir les droits afférents en termes de réversion aux personnes divorcées.

I.   Des droits À rÉversion particuliÈrement hÉtÉrogÈnes selon les rÉgimes

Dans certaines conditions, le conjoint survivant peut bénéficier, au décès de son conjoint, d’un avantage de droit dérivé d’un régime d’assurance vieillesse obligatoire de base ou complémentaire.

Cette pension, dite « pension de réversion », constitue un fragment de la pension de retraite auquel le conjoint décédé a droit ou aurait eu droit. Elle peut s’ajouter à la pension du conjoint survivant – c’est-à-dire à ses « droits propres » – ou être servie seule, si le bénéficiaire n’a jamais travaillé ou s’il n’a pas encore liquidé ses propres droits à retraite.

A.   La rÉversion rÉpond À une obligation lÉgale de solidaritÉ au sein du couple mariÉ

L’article 212 du code civil dispose que les époux « se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».

La pension de réversion versée au veuf ou à la veuve est un prolongement de cette obligation de secours, qui n’existe que pour le mariage, et non pour le pacte civil de solidarité (PACS) ([266]) ou pour les couples en situation de concubinage. L’attribution de la réversion aux couples mariés est ainsi le seul paramètre commun à l’ensemble des régimes. Aucun des régimes d’assurance vieillesse de base ou complémentaire ne prévoit en conséquence de réversion pour les couples pacsés ou en concubinage.

Deux objectifs découlent essentiellement de cette obligation de secours : maintenir un niveau de ressources suffisant pour le conjoint survivant, d’une part, et prévenir le risque de pauvreté, d’autre part.

Néanmoins, dans tous les régimes, le montant de la pension de réversion versée est calculé par référence à la pension du défunt – ou par référence à la pension auquel ce dernier aurait eu droit, s’il est décédé avant la liquidation de sa pension. La réversion est ainsi calculée par rapport à la pension du défunt, et non par rapport à un niveau de vie cible pour le conjoint survivant.

B.   Des conditions de bÉnÉfice des pensions de rÉversion trÈs hÉtÉrogÈnes selon les rÉgimes

Deux conceptions de la réversion coexistent dans le droit actuel :

– certains régimes considèrent que la pension de réversion est un droit acquis pour le conjoint survivant : la pension est ainsi attribuée sans condition de ressources, et avec des conditions d’âge souples ou inexistantes. Il s’agit principalement des régimes de fonctionnaires, des régimes spéciaux, de l’AGIRC‑ARRCO ainsi que de l’IRCANTEC ;

– les autres régimes – régime général, régimes alignés, régime des exploitants agricoles, régime des professions libérales et régime complémentaire obligatoire des artisans – subordonnent le bénéfice de la pension à plusieurs conditions d’âge ou de revenus.

1.   La condition d’âge

Le bénéfice de la pension de réversion est, le plus souvent, subordonné à une condition d’âge. Le cas échéant, l’âge retenu est toujours inférieur à l’âge auquel le conjoint survivant peut lui-même prétendre à une pension de retraite :

– le régime général, le régime complémentaire de l’AGIRC-ARRCO, les régimes agricoles (base et complémentaire) ainsi que les régimes des artisans, industriels et commerçants (base et complémentaire) et le régime de base des artisans et commerçants fixent à 55 ans l’âge minimum de bénéfice d’une pension de réversion ;

– l’IRCANTEC ainsi que le régime complémentaire de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) fixent cet âge minimum à 50 ans.

A contrario, sauf exceptions, les régimes de la fonction publique, les régimes spéciaux ainsi que le régime de base de la CNBF n’imposent aucune condition d’âge minimal pour bénéficier d’une pension de réversion.

Il convient de relever que dans les régimes complémentaires imposant une condition d’âge (AGIRC-ARRCO, IRCANTEC, CNBF), cette condition s’annule dès lors qu’un ou plusieurs enfants sont nés du mariage.

2.   La condition de ressources

Plusieurs régimes ont fait le choix de conditionner le bénéfice de la réversion à un plafond de ressources. Celui-ci s’élève, dans la très grande majorité des cas, à 1 759,33 euros par mois pour une personne seule au 1er janvier 2020 ou 2 814,93 euros pour un couple – ce plafond tient compte, en outre, d’un abattement de 30 % sur les revenus d’activité, pour les conjoints survivants d’au moins 55 ans.

Lorsque le cumul des ressources et de la pension de réversion dépasse le plafond de ressources défini par le régime concerné, la pension devient une allocation différentielle, ce qui signifie que son montant est réduit à due proportion du dépassement du plafond.

Les régimes concernés par cette condition de ressources sont :

– le régime de base du régime général (article R. 353-1 du code de la sécurité sociale) ;

– les régimes agricoles, pour les parties base et complémentaire ;

– les régimes de base et complémentaire des artisans, industriels et commerçants – avec un plafond distinct pour le régime complémentaire, qui s’élève à deux plafonds annuels de la sécurité sociale (PASS).

Les assurés relevant d’autres régimes, les régimes des fonctionnaires et assimilés et les régimes spéciaux notamment, ont droit à une pension de réversion quel que soit leur niveau de ressources.

3.   Une condition de durée du mariage qui s’annule en cas de naissance d’un enfant né de l’union

Plusieurs régimes ont instauré une durée minimale de mariage comprise entre deux et cinq ans, pour pouvoir bénéficier de la réversion. Elle s’élève ainsi à :

– quatre ans, ou au moins deux avant les 55 ans du conjoint décédé ou avant qu’il ait cessé de cotiser au régime, pour l’IRCANTEC ;

– deux ans avant liquidation, ou quatre ans après liquidation, pour les régimes de fonctionnaires et les régimes spéciaux ;

– deux ans pour les principaux régimes complémentaires des professions libérales ainsi que pour le régime complémentaire des exploitants agricoles ;

– cinq ans pour le régime des avocats (CNBF).

Cette condition de durée s’annule, néanmoins, dès lors qu’un enfant est né du mariage – le cas échéant, s’ajoutent des conditions d’âge de l’enfant ou de nombre d’enfants. Les autres régimes n’imposent aucune condition de durée pour prétendre au bénéfice de la réversion.

4.   Les effets du divorce et du remariage sur la réversion

a.   Le divorce

Lorsque le mariage se solde par un divorce, le bénéfice de la retraite de réversion ne s’éteint pas automatiquement, au moment du décès, pour l’ex-conjoint. L’article L. 353-3 du code de la sécurité sociale dispose ainsi, pour le régime général, que « le conjoint divorcé est assimilé à un conjoint survivant », pour l’application des règles relatives à la réversion.

b.   Le remariage

Le veuf ou veuve peut décider de se remarier après le décès du conjoint avec lequel il était marié. Les conséquences de ce remariage sur le bénéfice de la pension de réversion sont hétérogènes selon les régimes :

– dans certains d’entre eux, elle met fin au bénéfice de la réversion, de manière définitive (AGIRC-ARRCO, régimes complémentaires agricoles et des professions libérales, sauf exceptions) ou suspensive (fonction publique, certains régimes spéciaux, CNBF) ;

– dans les autres régimes, qui n’ont pas imposé de condition de non‑remariage, ce dernier n’a pas d’effet sur le bénéfice de la pension de réversion issue d’un premier mariage. Ainsi, au régime général, la pension de réversion est partagée entre les différents époux de l’assuré décédé, selon un partage proportionnel à la durée de chaque mariage. Selon le même article L. 353-3, ce partage est opéré « lors de la liquidation des droits du premier dentre eux qui en fait la demande ».

Les régimes de la fonction publique prévoient en outre que le concubinage ou le PACS ont les mêmes effets sur la réversion que le remariage : la réversion est en conséquence suspendue dans ces deux cas de figure.

5.   Le taux de réversion

Le taux de réversion oscille, dans la plupart des régimes, entre 50 et 60 % de la pension de l’assuré décédé. À titre d’exemple, il s’élève à 54 % pour le régime de base du régime général, et peut s’élever à 60 % en cas de majoration de la pension.

Deux cas de majoration sont notamment prévus :

– lorsque le montant total des retraites est inférieur à un certain montant, certains régimes relèvent le montant minimum de la réversion versée. Ce montant s’établit à 903,20 euros pour les régimes de la fonction publique, contre 289,87 euros pour le régime général ou le régime de base des professions libérales ;

– lorsque le bénéficiaire a eu ou élevé au moins trois enfants. Le cas échéant, la majoration accordé est en général de 10 %.

Dans certains cas limités et très spécifiques – militaires et fonctionnaires morts au combat ou au titre de l’exercice de leurs fonctions, notamment – la pension de réversion versée s’élève à 100 %.

 

6.   Tableau récapitulatif

rÈgles de rÉversion applicables aux principaux rÉgimes de retraite

 

Âge min.

Condition de ressources

Durée de mariage

Condition de non-remariage

Taux de réversion

Min. de réversion

Max. de réversion

Maj. pour enfants

Régime général et MSA salariés

55 ans

1 759,33 €/ mois

(p. seule)

54 %

289,87 €

925,56 €

10 %

< 3 enfants

AGIRC-ARRCO

55 ans sauf < 2 enfants

Oui

60 %

Oui *

IRCANTEC

50 ans sauf < 2 enfants < 21 ans à charge

4 ans ou 2 ans avant les 55 ans du conjoint décédé.

0 si enfant

Suspension

50 %

Oui *

Régimes de la fonction publique et autres régimes spéciaux

Aucune, sauf marins sans enfant (40 ans)

Entre 2 et 4 ans, 0 si enfant

Suspension**

50 % cas général

903,20 € pour FP

 

Autres montants SNCF et IEG

50 % majoration pour enfant du décédé

MSA non-salariés

Base

55 ans

1 759,33 €/mois

(p. seule)

54 %

925,56 €

10 %

< 3 enfants

Compl.

2 ans sauf enfant

Oui

Oui

Artisans commerçants

Base

55 ans

1 759,33 €/mois

(p. seule)

54 %

925,56 €

10 %

< 3 enfants

Compl.

2 PASS

60 %

Prof. libérales (CNAVPL)

Base

De 52 à 65 ans

1 759,33 €/ mois

(p. seule)

54 %

289,87 €

925,56 €

10 %

< 3 enfants

Compl.

Oui dans certains régimes

Oui dans la plupart des régimes

Entre 50 et 60 %.

100 % dans certains cas de surcotisation

(sauf dentistes et sages-femmes : 10 % < 2 enfants)

Avocats (CNBF)

Base

5 ans sauf enfants

Suspension

50 %

Compl.

50 ans sauf enfant < 21 ans

60 %

(*) Majoration pour enfants de l’assuré décédé, réversible à 100 %.

(**) La suspension s’applique également en cas de PACS ou de concubinage pour les régimes de la fonction publique, la SNCF et la RATP.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, notamment d’après l’étude d’impact.

C.   Le profil des retraitÉs percevant une pension de rÉversion

Au 31 décembre 2017, 4,375 millions de veufs ou veuves bénéficient d’une pension de réversion d’un régime obligatoire de base ou complémentaire, soit près d’un quart des retraités.

Parmi eux, environ un retraité sur quatre (1,06 million) ne perçoit qu’une pension de réversion, sans droit propre.

Effectifs de retraités bÉnÉficiant d’une pension de rÉversion
au 31 dÉcembre 2017

(en milliers)

 

Retraités de droit dérivé (réversion)

 

Tous retraités percevant un droit dérivé

Dont retraités percevant un droit dérivé servi seul

Ensemble (tous régimes confondus)

4 375

1 060

Régime général

2 773

776

ARRCO

2 931

1 195

AGIRC

643

544

MSA salariés

733

580

MSA non-salariés

411

101

Fonction publique de lÉtat*

448

367

SSI

508

404

CNRACL

168

133

Régimes spéciaux**

351

336

Professions libérales

49

48

(*) Y compris militaires et fonctionnaires ayant liquidé une pension d’invalidité et ayant atteint l’âge minimum de départ.

(**) Régimes spéciaux : FSPOEIE, SNCF, RATP, CNIEG, ENIM, CANSSM, CAVIMAC, CRPCEN, Banque de France.

Source : DREES, « Les retraités et les retraites », édition 2019.

● Trois faits saillants peuvent être relevés selon les données statistiques fournies par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la santé ([267]) (cf. tableau ci-après).

En premier lieu, 88 % des bénéficiaires de réversion sont des femmes. Ces dernières bénéficiaient de 93,7 % de la masse des pensions en 2016 ([268]). Deux facteurs peuvent expliquer ce constat :

– le premier facteur est démographique : les femmes ont en effet une espérance de vie en moyenne plus élevée que celle des hommes, et sont en moyenne deux à trois ans plus jeunes que leur conjoint ;

– le second facteur est relatif au niveau de ressources, car les veufs ont plus souvent des revenus dépassant le plafond de ressources imposé par certains régimes.

En second lieu, les bénéficiaires d’une pension de réversion sont en moyenne plus âgés, en 2017, que les retraités de droit direct : l’âge médian s’élève ainsi à 79 ans pour les premiers, contre 71 ans, pour les seconds.

Enfin, une part importante des bénéficiaires de droit dérivé, en particulier des bénéficiaires de droit dérivé seul, ne réside pas en France : la moitié des bénéficiaires d’une pension de réversion ne bénéficiant d’aucun droit direct réside à l’étranger.

Caractéristiques des retraités de droit dérivé (tous régimes confondus)
en 2017

(en %)

 

Bénéficiaires dun droit dérivé cumulé à un droit direct

Bénéficiaires dun droit dérivé seul

Ensemble des bénéficiaires dun droit dérivé

Femmes

86

95

88

Hommes

14

5

12

Résidents en France

96

50

85

Résidents à létranger

4

50

15

Moins de 60 ans

0

22

5

60 à 64 ans

5

15

7

65 à 74 ans

27

15

24

75 à 84 ans

35

23

32

85 ans ou plus

34

24

31

Source : DREES, Ibid.

D.   CoÛt agrÉgÉ des pensions de rÉversion

Au total, les pensions de réversion versées représentaient, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR) ([269]), 35,9 milliards d’euros en 2018, ce qui représente environ 11 % du total des dépenses d’assurance vieillesse versées au titre des droits propres et des droits dérivés. Cette proportion est relativement stable depuis plusieurs années.

 

E.   Les principaux effets de la rÉversion dans le droit en vigueur et les propositions du rapport « delevoye »

1.   Les principaux objectifs assignés au système actuel de réversion

a.   La réduction des inégalités entre les femmes et les hommes

L’un des objectifs assignés à la réversion dans les régimes actuels est de réduire les inégalités de pension et de niveau de vie entre les femmes et les hommes au regard de la retraite. Ainsi, bien que les écarts de pension de droit direct tendent à se réduire au fil des générations – selon le COR, en 2017, la pension des femmes équivaut à environ 68 % de celle des hommes pour l’ensemble des retraités.

La réversion permet de réduire cet écart, puisque la pension des femmes s’élève à 75 % de celle des hommes après prise en compte de la réversion et de diverses majorations. La part de la réversion dans la pension moyenne totale des femmes s’élevait ainsi à 19,4 % en 2016.

Cependant, structurellement, cet écart devrait se réduire selon les projections disponibles : d’après le COR, en 2070, la pension moyenne de retraite des femmes devrait ainsi représenter 88 % de celle des hommes.

b.   Le maintien du niveau de vie du conjoint survivant

D’après le COR, « les dispositifs français de réversion assurent en moyenne aux veuves à peu près le maintien du niveau de vie du couple antérieur ».

Ainsi, les femmes veuves ont un niveau de vie moyen plus élevé que les femmes divorcées ou célibataires vivant seules au moment de la retraite, dont les revenus – issus de droit direct – sont en moyenne inférieurs. En outre, les femmes veuves sont proportionnellement moins affectées par la pauvreté que les femmes divorcées ou célibataires.

Niveau de vie moyen et taux de pauvretÉ des femmes retraitÉes en 2016

Situation conjugale

Situation matrimoniale

Niveau de vie moyen

Taux de pauvreté *

En couple

2 277 euros

3,2 %

Seules

Veuves

1 820 euros

10,2 %

Divorcées

1 695 euros

15,8 %

Célibataires

1 805 euros

11,7 %

Total (ensemble des femmes retraitées)

2 030 euros

7,5 %

* 60 % du niveau de vie médian.

Source : COR, rapport annuel de juin 2019.

 

2.   Les enjeux de la réversion dans le système universel

Le système actuel est marqué par une très forte illisibilité s’agissant de la réversion, compte tenu des règles particulièrement hétérogènes s’appliquant en cette matière, y compris parfois au sein d’un même régime, entre base et complémentaire.

Le passage au système universel représente une occasion unique d’harmonisation de ces différents droits, afin que la réversion soit plus juste, plus transparente et plus lisible : un euro cotisé donnera ainsi les mêmes droits à tous les assurés du système au regard de la réversion, quel que soit le statut de l’assuré.

Conformément aux préconisations du rapport de M. Jean-Paul Delevoye, le projet de loi fait le choix de garantir un niveau de vie égal à 70 % des revenus du couple pour le conjoint survivant.

II.   la retraite de rÉversion dans le systÈme universel

Les dispositions applicables à la réversion font l’objet d’un nouveau chapitre VII intitulé : « Retraite de réversion » inséré au sein du nouveau titre IX du livre Ier du code de la sécurité sociale et qui comporte six articles numérotés de L. 197-1 à L. 197-6.

A.   les conditions de bÉnÉfice de la rÉversion

1.   Les conditions de droit commun

Le droit à une retraite de réversion pour le conjoint survivant d’un assuré décédé est défini au I de l’article L. 197-1. Il est soumis à trois conditions cumulatives présentées ci-après.

Il convient de relever, toutefois, qu’aucun plafonnement des ressources n’est imposé pour prétendre au bénéfice de la pension, contrairement à la règle qui prévalait jusqu’alors dans certains régimes, notamment au régime général.

a.   Une condition d’âge fixée à 55 ans

Selon l’article L. 197-3, le droit à la retraite de réversion sera ouvert au conjoint survivant dès l’âge de 55 ans, par analogie avec l’âge retenu actuellement dans le régime général.

b.   Une condition de durée de mariage, sauf en cas d’enfant issu du mariage

En application de l’article L. 197-4, le conjoint survivant doit avoir été marié à l’assuré depuis au moins deux ans avant le décès de ce dernier.

Cette condition de durée minimale de mariage n’est cependant pas applicable dès lors que le couple a eu un ou plusieurs enfants nés du mariage.

c.   Une condition de non-remariage

Selon le même article L. 197-4, à l’instar des dispositions applicables dans les régimes de retraite existants, le droit à réversion s’éteint si le conjoint survivant se remarie après le décès de son conjoint.

Cette condition vise à tenir compte du fait que le conjoint survivant se remariant constitue un nouveau couple avec la personne avec laquelle il se marie : ce sont en conséquence les revenus de ce nouveau couple qui seront pris en compte, le cas échéant, pour l’attribution d’une nouvelle réversion.

Deux cas de figure sont possibles :

– si la retraite de réversion est déjà attribuée, son versement sera interrompu ;

– si la retraite de réversion n’était pas encore attribuée, le droit s’éteint avant qu’elle le soit.

2.   Les cas particuliers

● Le droit à une retraite de réversion reste dû au conjoint survivant dans deux cas de figure mentionnés à l’article L. 197-1, c’est-à-dire :

– si l’assuré est décédé avant d’avoir liquidé sa retraite (II) ;

– si le conjoint survivant n’est pas encore titulaire d’une retraite alors qu’il a atteint l’âge légal d’ouverture du droit à retraite de 55 ans mentionné à l’article L. 197-3 (III).

● L’article L. 197-2 précise en outre les conditions de bénéfice de la réversion en cas de disparition d’un assuré. Ainsi, en cas de disparition de son domicile d’un assuré titulaire d’une retraite, si « plus dun an sest écoulé sans quil ait réclamé les arrérages de cette prestation », son conjoint peut, « à titre provisoire », obtenir le versement d’une retraite de réversion au même titre que si l’assuré était décédé.

Le cas échéant, les conditions de bénéfice sont les mêmes que le droit commun : le conjoint survivant doit avoir atteint l’âge de 55 ans et avoir été marié au moins deux ans à l’assuré au moment de sa disparition.

Le droit à réversion est également ouvert au conjoint de l’assuré disparu depuis plus d’un an si ce dernier n’est pas encore titulaire d’une retraite.

La liquidation devient définitive :

– si le décès a été établi ;

– si l’absence a été déclarée irrévocable par un jugement ayant acquis force de chose jugée.

B.   Les modalitÉs de calcul de la retraite de rÉversion

1.   Les règles de droit commun

Selon le I de l’article L. 197-1, le montant de la retraite de réversion correspondra à une fraction de la somme de la retraite de l’assuré décédé et de la retraite du conjoint survivant. Cette fraction devrait être fixée, par décret, à 70 %.

Le calcul de la retraite de réversion proposé par le projet de loi vise ainsi à garantir au conjoint survivant un montant minimum de ressources correspondant à 70 % du niveau de vie dont disposait le couple avant le décès de l’assuré.

Par exemple, si l’assuré décédé bénéficiait d’une pension de retraite de 1 000 euros et son conjoint une retraite de 600 euros, le montant total de ressources garanti au conjoint survivant, correspondant à ce qui est désormais dénommé « retraite de réversion », s’élèvera à 70 % du total des deux pensions, soit 1 120 euros (70 % de 1 600 euros). En complément du montant de sa propre retraite, le montant versé au conjoint survivant s’élèvera donc à 520 euros.

Ce droit au maintien d’une partie du niveau de vie du couple a vocation à s’appliquer, a priori, sans condition de ressources ni plafond.

2.   Les cas particuliers

a.   Si l’assuré est décédé avant l’entrée en jouissance de sa retraite

Dans cette situation, selon le II de l’article L. 191-7, le calcul du droit à retraite de l’assuré décédé est effectué dans les conditions habituelles mentionnées à l’article L. 191-2, dans sa rédaction issue de l’article 8 de ce projet de loi, c’est‑à‑dire en multipliant le nombre de points acquis par l’assuré à la date de son décès par la valeur de service du point à cette date.

Le cas échéant, si l’assuré est décédé avant l’âge d’équilibre qui lui est applicable, ce dernier est « abaissé à lâge atteint par lassuré lors de son décès », afin qu’aucun coefficient d’ajustement ne vienne minorer le montant de sa pension. À l’inverse, si l’assuré est décédé alors qu’il avait travaillé au-delà de l’âge d’équilibre, la majoration de sa pension sera prise en compte dans le calcul de la retraite de réversion auquel a éventuellement droit son conjoint.

b.   Si le conjoint survivant n’est pas encore titulaire d’une retraite à l’âge légal d’ouverture des droits

Selon le III de l’article L. 197-1, si, au décès de son conjoint et après son cinquante-cinquième anniversaire, le conjoint survivant n’est pas encore titulaire d’une retraite, le montant de la retraite de réversion est calculé en deux temps :

− dans un premier temps, le montant des revenus d’activité du conjoint survivant est utilisé en lieu et place de sa pension de retraite pour calculer le total du niveau de vie du couple avant le décès de l’assuré, et déterminer ainsi un montant provisoire de retraite de réversion ;

− dans un second temps, lorsque le conjoint survivant liquide sa retraite, le montant de la retraite de réversion est définitivement calculé selon les règles de droit commun.

3.   Les modalités de revalorisation ou de révision de la retraite de réversion

a.   Revalorisation de la retraite de l’assuré décédé et de la retraite de réversion

Selon le second alinéa du I de l’article L. 197-1, le montant de la retraite de réversion est revalorisé dans les conditions de droit commun mentionnées à l’article L. 191-6, dans sa rédaction issue de l’article 11 de ce projet de loi, c’est‑à‑dire que le montant de la retraite de réversion est indexé sur l’inflation ([270]).

À l’occasion du calcul de la retraite de réversion, la retraite de l’assuré décédé peut, si nécessaire, faire également l’objet d’une revalorisation dans les conditions de droit commun prévues à l’article L. 191-6.

b.   Révision de la retraite de réversion

L’article L. 197-5 nouveau définit les modalités de révision d’une retraite de réversion, qui a pour effet de tenir compte d’une modification des ressources du conjoint survivant sur le montant de la réversion versée.

Cet article L. 197-5 dispose ainsi qu’à l’occasion de la révision de la retraite de réversion, la retraite d’un assuré décédé, disparu ou absent « est revalorisée à la date de la révision », selon les modalités de revalorisation de droit commun mentionnées à l’article L. 191-6, c’est-à-dire sur l’inflation.

Les conditions de révision de la retraite de réversion au régime général

Au régime général, les conditions de révision d’une pension de réversion sont définies à l’article R. 353-1-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que la pension de réversion est révisable « en cas de variation dans le montant des ressources », puisque l’attribution d’une pension de réversion est soumise à condition de ressources.

Le cas échéant, la retraite de réversion est révisée à compter du premier jour du mois suivant la date de modification des ressources.

La réversion n’est cependant plus révisable et devient donc définitive au plus tard trois mois après la liquidation par le conjoint survivant de ses droits à pensions personnels ou, s’il n’a droit à aucune pension personnelle, à l’âge légal d’ouverture des droits à retraite.

III.   les modalitÉs particuliÈres de calcul de la retraite de rÉversion pour certaines catÉgories d’assurÉs

A.   Les dispositions applicables aux conjoints survivants des assurÉs dÉcÉdÉs citÉs À l’ordre de la nation

● Au nom de la reconnaissance de la Nation, certains fonctionnaires morts en service peuvent être « cités à lordre de la Nation » par le Premier ministre, sur proposition du ministre dont dépend le fonctionnaire cité. La citation est publiée au Journal officiel. Cette distinction, consacrée au lendemain de la Première Guerre mondiale ([271]), vise à récompenser les services ou actes de dévouement exceptionnels accomplis pour la France, à titre civil ou militaire.

Contrairement à la plupart des citations et décorations, elle n’est pas régie par le code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire ; elle fait l’objet d’une simple mention à l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Les catégories de fonctionnaires susceptibles dêtre cités à lordre de la Nation
en cas de mort en service

D’après l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sont susceptibles d’être nommés à l’ordre de la Nation :

– les fonctionnaires de la police nationale tués au cours d’une opération de police ou décédés en service ;

– les militaires de la gendarmerie nationale tués au cours d’une opération de police ou décédés en service ;

– les sapeurs-pompiers de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ou du bataillon des marins-pompiers de Marseille ou les militaires des formations militaires de la sécurité civile tués dans l’exercice de leurs fonctions ;

– les militaires tués dans l’exercice de leurs fonctions sur le territoire national ou décédés en service.

Cette liste n’est cependant pas exhaustive, puisque l’analyse des citations au Journal officiel révèle que des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires, policiers municipaux, personnels pénitentiaires ou agents de sécurité décédés en service ont déjà fait l’objet de citations à l’ordre de la Nation. Les victimes des attentats peuvent également être nommées à l’ordre de la Nation.

● Afin de manifester la solidarité de la Nation à l’égard des personnes citées à l’ordre de la Nation, l’article L. 197-6 nouveau crée un dispositif dérogatoire de calcul de la retraite de réversion lorsque l’assuré décédé « est cité à lordre de la Nation au titre des actes ayant conduit à son décès ».

Ainsi, pour le conjoint survivant de cet assuré, le montant de la retraite de réversion « ne peut pas être inférieur au montant de la retraite dont lassuré décédé bénéficiait ou aurait pu bénéficier ».

Concrètement, cela signifie que le montant de la retraite de l’assuré décédé est versé intégralement au conjoint survivant, sans tenir compte de ses propres revenus ou droits à retraite.

B.   Les dispositions applicables aux conjoints survivants et orphelins des militaires et fonctionnaires exerçant des missions d’une dangerositÉ particuliÈre ou exposÉs À des sujÉtions exceptionnelles

Le du I crée un nouveau chapitre V au sein du nouveau titre II du livre VII du code de la sécurité sociale, composé d’un article unique L. 725-1.

Cet article vise à adapter les conditions applicables au calcul de la réversion pour tenir compte des sujétions exceptionnelles auxquelles sont exposés les militaires et les fonctionnaires – policiers, agents de surveillance pénitentiaire, douanière ou de contrôle aérien – mentionnés au I de l’article L. 723-1, dans sa rédaction résultant de l’article 36 de ce projet de loi.

Compte tenu de l’extrême dangerosité des missions de ces fonctionnaires et militaires pouvant aller jusqu’au sacrifice pour assurer la protection de la Nation, cet article entend ainsi assurer à leur conjoint survivant et le cas échéant à leurs orphelins une compensation financière visant à garantir le maintien de leur situation matérielle avant le décès de l’assuré.

1.   Des modalités dérogatoires de calcul de la réversion

Le I dispose que le montant de la retraite de réversion accordée au conjoint survivant d’un militaire ou d’un fonctionnaire exerçant les missions mentionnées au I de l’article L. 723-1 :

– lorsque ce militaire est décédé en service, ne peut être inférieur au montant de la retraite dont le militaire décédé aurait pu bénéficier (1°) ;

– lorsque le militaire ou le fonctionnaire est décédé en service « par suite dun attentat ou dune opération militaire », est calculé non plus par rapport à la retraite qu’aurait perçu le conjoint survivant, mais par rapport à la rémunération que le militaire ou fonctionnaire percevait jusqu’à son décès (2°).

La rémunération correspondra ainsi à une fraction, déterminée par décret, de la dernière rémunération du militaire ou fonctionnaire. À cette fraction de la rémunération seront déduites un certain nombre de prestations d’invalidité, dont la liste sera précisée par décret, dont aurait bénéficié à titre de réversion le conjoint survivant.

Par dérogation à l’article L. 197-3, qui fixe l’âge d’ouverture du droit à réversion à 55 ans, le droit à réversion des conjoints survivants des militaires ou fonctionnaires décédés dans les conditions prévues au I de l’article L. 723-1 sera ouvert dès le décès de l’assuré, puisqu’aucune condition d’âge n’est applicable.

2.   La prestation d’orphelin

Le III de l’article L. 197-3 dispose que chaque orphelin d’un assuré décédé dans les conditions prévues aux 1° et 2° du I de l’article L. 723-1, a droit à une prestation égale à « 10 % de la retraite dont cet assuré aurait pu bénéficier », sous réserve des conditions précisées ci-après.

● La première condition est relative à l’âge de l’orphelin. Ainsi, la prestation d’orphelin n’est versée qu’aux enfants de l’assuré décédé âgés de vingt‑et-un an au plus. Elle peut également être versée aux enfants atteints d’une infirmité permanente :

– soit lorsque cette infirmité permanente place l’orphelin dans l’impossibilité de gagner sa vie et qu’il se trouve à la charge effective de l’assuré au jour du décès, quel que soit son âge (1°) ;

 – soit, lorsque la date de survenance de l’infirmité est comprise entre le décès de l’assuré et la veille du vingt-deuxième anniversaire de l’orphelin, quand l’infirmité place ce dernier dans l’impossibilité de gagner sa vie (2°).

Le montant de la prestation versée aux personnes bénéficiaires d’une prestation d’orphelin au titre de l’infirmité permanente dont elles sont atteintes est toutefois réduit à la fois du montant de la retraite et des prestations d’invalidité, dont la liste est précisée par décret, donc ils bénéficient.

En outre, la prestation d’orphelin cesse d’être versée aux enfants atteints d’une infirmité permanente dès lors que ceux-ci cessent d’être dans l’impossibilité de gagner leur vie.

● La seconde condition est un plafond global applicable au total de la retraite de réversion et de la ou des prestations d’orphelin éventuellement versées aux enfants de l’assuré.

Ainsi, selon le III, la prestation de 10 % versée à chaque orphelin peut être réduite de manière temporaire si le montant total de la retraite de réversion versée au conjoint survivant et de la ou desdites prestations d’orphelin est supérieur au montant de la retraite dont aurait bénéficié l’assuré décédé.

La réduction ne peut cependant conduire à diminuer le montant de la prestation d’orphelin à un niveau inférieur au montant des prestations familiales dont aurait bénéficié l’assuré décédé s’il avait été retraité.

IV.   Conditions de cumul entre une retraite de rÉversion et une pension de veuf ou de veuve attribuÉe au titre de l’invaliditÉ

En l’état du droit, pour le régime général, en cas de décès de son époux, le conjoint survivant invalide et âgé de moins de 55 ans peut bénéficier d’une pension de veuf ou de veuve, dont le montant est égal à 54 % de la pension dont l’époux bénéficiait ou aurait pu bénéficier, éventuellement majoré de 10 % si le conjoint survivant a eu au moins trois enfants à charge (article L. 342-1 du code de la sécurité sociale).

Cette pension de veuf ou de veuve n’est pas cumulable avec une pension de réversion. La pension de veuf ou veuve au titre de l’invalidité est en outre transformée en pension de vieillesse lorsque le titulaire atteint l’âge de 55 ans.

Les à du I confirment le caractère non cumulable de la pension de veuf ou veuve pour invalidité versée par le régime général et la retraite de réversion versée par le système universel, et en précisent les modalités.

Afin de tenir compte des modalités de calcul de la réversion retenues dans le système universel, ces à procèdent en outre à plusieurs adaptations sémantiques en remplaçant notamment certaines références aux « pensions » de réversion par une référence aux « retraites » de réversion, celle-ci correspondant au montant total de ressources garanti au conjoint survivant et non plus à la part de la retraite de l’assuré décédé qui lui est reversée, quel que soit le niveau de ses propres ressources.

Ainsi :

– le modifie l’article L. 342-1 du code de la sécurité sociale en précisant que le conjoint survivant invalide ne peut cumuler une pension de veuve ou de veuf avec une retraite de réversion versée dans les conditions prévues par le présent article. Il supprime, en conséquence, une référence aux « pensions » versées ;

– le  effectue une coordination à l’article L. 342-3 du même code relatif au calcul du montant annuel de la pension d’invalidité attribué aux veufs ou veuves ;

– le précise, au second alinéa de l’article L. 342-5 du même code, que la personne dont la pension d’invalidité de veuf ou de veuve a été supprimée à la suite d’un remariage peut recouvrir un droit à pension si elle n’a pas atteint l’âge d’ouverture du droit à la retraite de réversion, soit 55 ans, par coordination avec l’article L. 197-3, dans sa rédaction résultant du 1° du I du présent article ;

– le complète l’article L. 342-6 du même code afin de préciser que la pension d’invalidité de veuf ou de veuve est supprimée dès lors que le titulaire de cette pension, né à compter du 1er janvier 1975 ou du 1er janvier 2004, atteint l’âge de 55 ans d’ouverture du droit à la retraite de réversion tel que mentionné à l’article L. 197-3 ;

– le opère une disposition de coordination à l’intitulé de la section 2 bis du chapitre II du titre VI du livre VII du code de la sécurité sociale ;

– enfin, le modifie enfin l’article L. 762-7-1 du code de la sécurité sociale à des fins de coordination, d’une part (a), et afin de préciser, d’autre part, que les dispositions relatives au remplacement d’une pension d’invalidité ou d’une pension de veuf ou de veuf invalide par une allocation calculée sur la base de cette pension ne sont pas applicables aux assurés mentionnés aux 1° et 2° du III de l’article L. 190-1 ([272]) qui entreront dans le système universel à compter du 1er janvier 2022, pour les assurés nés à compter du 1er janvier 2004, ou à compter du 1er janvier 2025 pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975 (b).

V.   Habilitation À lÉgifÉrer par ordonnance pour garantir les droits des conjoints divorcÉs

Le présent article renvoie la question des droits à réversion des conjoints divorcés à une habilitation à légiférer par ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution.

Il habilite ainsi le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, « toute mesure relevant du domaine de la loi visant à garantir les droits des conjoints divorcés, afin de prendre en compte lincidence de la communauté de vie des époux sur les droits à retraite ».

Le projet de loi de ratification de ladite ordonnance devra être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

L’étude d’impact souligne que le projet d’ordonnance pourra s’appuyer sur les orientations de la mission confiée à M. Bertrand Fragonard, vice-président du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, ainsi qu’à Mme Anne‑Marie Leroyer, professeure de droit, dont les conclusions sont attendues pour le 10 février 2020.

S’agissant de la question du divorce, il convient de relever par ailleurs que le IX de l’article 63 du projet de loi précise que les conjoints divorcés sont « assimilés à des conjoints survivants », à condition que leur divorce soit intervenu avant le 1er janvier 2025.

VI.   EntrÉe en vigueur

Par exception, les nouvelles dispositions applicables à la réversion s’appliqueront aux retraites de réversion issues de retraites des conjoints nés à compter du 1er janvier 1975 et décédés après le 31 décembre 2024, comme en dispose le IX de l’article 63 du projet de loi.

VII.   Les effets attendus

L’étude d’impact précise que dans le système actuel, le nombre de nouvelles attributions de pensions de réversion devrait augmenter jusqu’en 2040 – jusqu’à 300 000 attributions par an – avant de connaître une diminution jusqu’à 270 000 attributions par an en moyenne en 2050.

Le montant global des prestations versées au titre de la réversion à compter des années 2030 serait légèrement inférieur avec l’entrée en vigueur du système universel, par rapport aux droits versés par les régimes actuels, compte tenu d’un nombre de bénéficiaires moins élevé. Toutefois, le montant moyen versé au titre de la réversion augmenterait de 5 % environ, avec une retraite de réversion s’établissant à 10 600 euros en moyenne pour la génération née en 1990, contre 10 100 euros en moyenne dans le système actuel.

L’étude d’impact fournit plusieurs cas-types du calcul de la retraite de réversion avant et après la réforme, qui montrent que les conjoints survivants dont les pensions étaient inférieures à celles du conjoint décédé disposeront d’un montant de réversion plus élevé après la réforme que si la réversion avait été calculée selon les règles applicables au régime général.

A contrario, la pension de réversion accordée au conjoint survivant dont le montant de la pension personnelle était équivalent ou supérieur à celle du conjoint décédé bénéficierait d’un moindre montant de réversion dans le système universel. Ces hypothèses confirmeraient ainsi l’effet redistributif de la réforme de la réversion.

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Chapitre IV
Un système plus solidaire envers les jeunes générations

Article 47
Garantie minimale de points au titre des périodes dapprentissage, de service civique ou de pratique dun sport de haut niveau

Afin de valoriser le début de carrière des jeunes actifs et de marquer la solidarité du système universel de retraite à l’égard des jeunes générations, le présent article vise à accorder des droits de retraite aux jeunes apprentis, aux volontaires de service civique ou aux sportifs âgés d’au moins 20 ans inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau.

Ces droits prendront la forme d’une « garantie minimale de points », sous réserve du respect de conditions d’âge, de ressources ou de durée minimale d’exercice.

I.   Les pÉriodes concernÉes par la garantie minimale

Le présent article propose d’attribuer des points supplémentaires, au nom de la solidarité nationale, au titre de trois types de situations.

A.   Les pÉriodes d’apprentissage

La première situation ouvrant droit à l’attribution de points correspond aux périodes d’apprentissage c’est-à-dire, selon l’article L. 6211-1 du code du travail, aux périodes de formation « générale, théorique et pratique », gratuite pour l’apprenti et son représentant légal, réalisées par des travailleurs « ayant satisfait à lobligation scolaire », en vue de l’obtention « dune qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles » (1° de l’article L. 195-3 créé par le présent article).

L’apprentissage est ouvert, sauf dérogations, aux apprentis âgés entre 16 et 25 ans. Il est rémunéré sur la base d’un salaire minimum légal, qui correspond à un pourcentage du SMIC variable en fonction de deux critères : l’âge de l’apprenti, et sa progression dans le cycle de formation. La durée de l’apprentissage varie entre douze et trente-six mois.

● En l’état du droit, l’apprenti peut valider des trimestres en application de deux dispositifs distincts :

− conformément à l’article D. 373-1 du code de la sécurité sociale ([273]), l’apprenti peut valider des trimestres reposant sur sa rémunération. Ainsi, grâce au versement de cotisations prises en charge par l’État, autant de trimestres que son salaire représente de fois le montant du SMIC en vigueur au 1er janvier de l’année considérée, sur la base de 150 heures par trimestre. Ces trimestres sont des trimestres ayant donné lieu à cotisations : ils sont en conséquence pris en compte pour l’ouverture des droits aux différents dispositifs reposant sur une durée cotisée minimale, tel que le minimum contributif ;

− en outre, en application de l’article D. 373-3 du même code, l’apprenti peut valider des trimestres complémentaires liés à la durée du contrat d’apprentissage. Ces trimestres « garantis » permettent de s’assurer que l’apprenti a validé un nombre de trimestres correspondant à la durée totale de son apprentissage. Contrairement aux trimestres cotisés, ces trimestres ne sont pas pris en compte pour l’ouverture de certains droits.

Le montant des cotisations afférentes aux trimestres complémentaires est à la charge du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), comme le prévoit l’article D. 373-4 du même code. Il est calculé selon la formule suivante ([274]) :

Trimestres FSV x Taux de cotisations vieillesse x 50 % du plafond trimestriel de sécurité sociale

En juin 2019, environ 450 000 jeunes étaient en apprentissage.

B.   Les pÉriodes de service civique

La deuxième situation couverte par cet article correspond aux périodes de service civique. Ce dispositif, créé par la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique, permet à toute personne volontaire, selon l’article L. 120-1 du code du service national, « de servir les valeurs de la République et de sengager en faveur dun projet collectif en effectuant une mission dintérêt général en France ou à létranger auprès dune personne morale agréée » ([275]). Il est ouvert aux personnes âgées de 16 à 25 ans ou aux personnes handicapées âgées de 16 à 30 ans.

Le service civique peut prendre la forme d’un engagement d’une durée de six à douze mois. Le FSV prend également en chage depuis 2010 le volontariat international en entreprise (VIE), ainsi que les formes de volontariat inational en administration (VIA).

Les périodes de service civique « se traduisent par des versements forfaitaires qui sont fonction de leffectif réel des personnes effectuant leur volontariat civique ». La cotisation forfaitaire versée est « identique à celle retenue pour les périodes de chômage » ([276]).

● Conformément à l’article L. 120-25 du code du service national, les volontaires en service civique sont affiliés au régime général de la sécurité sociale.

En l’état du droit, le service civique donne lieu à une indemnisation forfaitaire mensuelle versée par l’Agence de services et de paiement, pour le compte de l’Agence du service civique.

Cette indemnisation ne revêt pas le caractère d’un salaire ; en revanche, les cotisations salariales et patronales afférentes sont à la charge de la personne morale agréée ou de l’agence du service civique, et sont calculées au taux de droit commun, dans les conditions prévues à l’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale, sur l’intégralité de l’indemnité versée au volontaire.

Le montant cette indemnité donnant lieu au versement de cotisations est reporté au compte de l’assuré et pris en compte dans le calcul de sa retraite. Ainsi, « il est validé autant de trimestres que le montant de lindemnité reporté au compte individuel de lassuré représente de fois le montant du SMIC en vigueur au 1er janvier de lannée considérée calculé sur la base de 150 heures » ([277]). Ces trimestres sont pris en compte pour le calcul de la durée d’assurance. Cependant, ces périodes ne sont pas assimilées à des périodes cotisées.

En 2018, 140 265 volontaires ont réalisé une mission de service civique ([278]) – un chiffre en constante augmentation depuis la création du dispositif. D’après le rapport d’activité du FSV pour l’année 2018, la prise en charge afférente à la validation des périodes de service civique a représenté une charge de 33 millions d’euros en 2018.

C.   Les pÉriodes ayant donnÉ lieu À la pratique d’un sport de haut niveau

La troisième situation correspond aux périodes pendant lesquelles une personne a été « inscrite en tant que sportif de haut niveau sur la liste mentionnée au premier alinéa de larticle L. 221-2 du code du sport » : cela peut concerner des sportifs, mais également des entraîneurs, arbitres ou juges sportifs de haut niveau.

● Dans les conditions prévues au 7° de l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale, les périodes pendant lesquelles une personne a été inscrite sur la liste des sportifs de haut niveau sans qu’elles aient donné lieu à la validation de droits à retraite dans un autre régime de base que le régime général peuvent donner lieu à la validation de trimestres assimilés à des trimestres d’assurance.

Outre l’inscription sur la liste susmentionnée, deux conditions sont requises : l’assuré doit être âgé d’au moins 20 ans ; de surcroît, ses ressources annuelles ne doivent pas excéder 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS).

En pratique, quatre-vingt-dix jours d’inscription continue sur la liste des sportifs de haut nouveau permettent de valider un trimestre. L’attribution de trimestres est plafonnée à seize trimestres sur l’ensemble de la carrière d’un sportif de haut niveau.

Chaque trimestre validé donne lieu à un versement, par l’État, correspondant aux cotisations d’assurance vieillesse. Ces cotisations sont calculées sur une assiette forfaitaire égale à 75 % de la valeur du PASS, conformément à l’article 85 de la loi n° 2011-1096 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

D’après les informations transmises à la rapporteure, 6 080 personnes étaient inscrites sur la liste des sportifs de haut niveau en 2018.

II.   Le principe de la garantie minimale de points

Au sein du système universel, les points attribués au titre des périodes d’apprentissage, de service civique ou de la pratique d’un sport de haut niveau seront versés dans l’objectif d’assurer aux jeunes bénéficiaires une « garantie minimale de points ».

1.   Les conditions de bénéfice

Ainsi, les points versés seront attribués, en complément des points cotisés au titre de ces périodes, de manière à garantir un nombre minimal de points, fixé par décret.

Le niveau fixé par décret pourrait représenter un pourcentage du SMIC, pour les périodes de service civique et d’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau. Ce niveau pourrait être fixé à 50 %, d’après les informations transmises à la rapporteure. Les périodes d’apprentissage feraient l’objet d’une compensation plus importante, sans que cette compensation majorée soit explicitée dans l’étude d’impact.

Ce nombre minimal de points sera ajusté « en fonction du rapport entre les périodes concernées et la durée de lannée civile au cours de laquelle elles surviennent ».

Le nombre de points pourra être modulé en fonction de plusieurs facteurs, selon le type de périodes considérées, ou soumis à conditions :

− les points attribués aux apprentis seront ainsi accordés sous réserve d’une limite d’âge et de ressources (1°) ;

− les périodes de service civique seront également soumises à une condition de durée minimale d’exercice (2°) ;

− enfin, les périodes d’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau donneront lieu à l’attribution de points, qui peut varier en fonction de limites d’âge et de ressources. Comme c’est déjà le cas actuellement, l’assuré inscrit sur cette liste sera automatiquement affilié au régime général.

2.   Le financement du dispositif

D’après l’étude d’impact, les trois dispositifs actuels d’attribution de trimestres au titre des périodes d’apprentissage, de service civique et de pratique d’un sport de haut niveau représentent environ 34 millions d’euros, à la charge du FSV. Bien que l’étude d’impact ne donne aucune estimation sur le coût de ce dispositif, il est permis de penser que le coût sera globalement équivalent par rapport à aujourd’hui.

Les estimations communiquées à la rapporteure pour une compensation à hauteur de 100 % du SMIC s’élevaient à 1 048 millions d’euros. Le coût serait sensiblement inférieur si une prise en charge à hauteur de 50 % était retenue.

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Article 48
Dispositif de rachat assoupli des périodes détudes supérieures et de stages

Cet article définit les conditions de rachat de points au titre de périodes d’études supérieures ou de stages en entreprise.

Il maintient notamment le principe de la neutralité actuarielle du rachat, et précise que le coût des cotisations versées en contrepartie du rachat de points pourra être abaissé par rapport au tarif normal lorsque la demande de rachat interviendra à court terme à l’issue des études ou du stage, comme c’est le cas dans le droit en vigueur.

I.   le droit en vigueur

Afin de permettre aux travailleurs auxquels il manque un certain nombre de trimestres pour bénéficier d’une retraite à taux plein de compléter les droits afférents à leur activité professionnelle par un effort personnel, la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a introduit un dispositif de rachat d’années d’études permettant à ces assurés de racheter jusqu’à douze trimestres d’assurance au titre des années d’études supérieures.

La plupart des régimes de retraite autorisent désormais le rachat de trimestres ou de points de retraite au titre des années d’études supérieures, y compris certains régimes complémentaires de retraite.

Ce dispositif de rachat d’études a été complété, par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, par un dispositif de rachat de périodes de stages.

A.   le rachat des pÉriodes d’Études est autorisÉ dans l’ensemble des rÉgimes de base et dans certains rÉgimes complÉmentaires de retraite

1.   Les principaux régimes concernés

À l’instar du régime général et, le plus souvent, dans les mêmes conditions, la plupart des régimes de base autorisent le rachat de trimestres d’études.

● Le régime général autorise par exemple le rachat de trimestres de retraite aux assurés affiliés à ce régime dès la fin de leurs études. Selon le 1° du I de l’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, les périodes d’études éligibles au rachat doivent avoir été accomplies dans des établissements ou écoles techniques d’enseignement supérieur, dans des grandes écoles ou classes préparatoires à ces écoles, ou dans les écoles dispensant un enseignement post baccalauréat.

Les périodes concernées doivent obligatoirement avoir donné lieu à l’obtention d’un diplôme. Dans certaines conditions, les périodes d’études ayant donné lieu à l’obtention d’un diplôme équivalent délivré par un État membre de l’Union européenne peuvent également être prises en compte.

● Le régime des professions libérales (1° du I de l’article L. 643-2 du même code), le régime des avocats (1° du I de l’article L. 723-10-3 du même code), le régime des personnes non salariées des professions agricoles (article L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime) ainsi que les régimes de la fonction publique (article 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite) proposent également un dispositif de rachat, dans les mêmes conditions que celles prévues par le 1° du I de l’article L. 351-14-1 pour le régime général.

● Plusieurs régimes proposent également ce rachat. En application de l’article L. 382-29-1 du code de la sécurité sociale, par exemple, les ministres des cultes et membres des congrégations ou collectivités religieuses peuvent également procéder au rachat de trimestres d’études, si ces dernières ont été effectuées dans les établissements – c’est-à-dire les séminaires – ouvrant droit à ce rachat au régime général ou dans des congrégations ou collectivités religieuses ou établissements de formation des ministres du culte précédant l’obtention du statut entraînant l’affiliation au régime des cultes.

● Parmi les régimes complémentaires, l’AGIRC-ARRCO propose également une possibilité de rachat de points au titre des années d’études supérieures, à condition que les périodes concernées aient déjà fait l’objet d’un rachat auprès du régime de base.

2.   Les règles applicables

a.   Les principaux critères

En premier lieu, la retraite ne doit pas encore avoir été liquidée. Le régime général ([279]) ainsi que la plupart des régimes fixent ainsi une condition d’âge comprise entre 20 ans et moins de 67 ans pour formuler la demande de rachat.

Le rachat est, en outre, plafonné à un total de douze trimestres ([280]), tous régimes et tous types de rachats confondus : il convient de relever en effet que le dispositif de rachat de trimestres d’études peut être complété par une possibilité de rachat d’années civiles incomplètes, conformément au 2° de l’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale.

Ces conditions peuvent être complétées par une condition minimale d’affiliation : le régime spécial des industries électriques et gazières impose au moins un an d’affiliation à ce régime pour demander le rachat des trimestres d’études, par exemple.

b.   Les modalités de rachat

La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a posé le principe d’un coût actuariellement neutre du rachat pour les régimes concernés : le coût du rachat pèse donc intégralement sur le bénéficiaire.

Le coût du rachat d’un trimestre est ainsi calculé suivant un barème dégressif déterminé par plusieurs facteurs : les revenus professionnels des trois années précédant la demande, l’âge auquel le rachat intervient ainsi que l’option de rachat retenue (cf. encadré). Quelle que soit l’option retenue, plus le rachat intervient tardivement, plus il est coûteux.

Deux modalités de rachat de trimestres détudes

Les deux modalités de rachat sont :

– d’une part, le rachat de trimestres au titre du taux, qui vise à réduire les effets d’une éventuelle décote sur le montant de la pension de retraite de base ;

– dautre part, le rachat de trimestres au titre du taux et de la durée dassurance. Cette option est plus coûteuse, mais elle permet de tenir compte des trimestres rachetés dans le cadre de la détermination du taux de liquidation de la retraite, ainsi que la durée dassurance.

La valeur du rachat de trimestre est établie selon un barème de versement. Ce barème a été fixé, pour le régime général notamment, par un arrêté du 21 octobre 2012 ([281]). D’autres barèmes s’appliquent néanmoins selon le régime concerné.

S’agissant de l’AGIRC-ARRCO, le régime complémentaire fixe à 140 points par année d’études supérieures la possibilité de rachat, dans la limite de trois années.

Le coût du rachat est déterminé par la formule suivante :

Coût = Nombre de points à racheter x Valeur du point AGIRC-ARRCO x Coefficient d’âge

● D’un point de vue fiscal, les versements effectués au titre du rachat d’années d’études sont assimilés à des cotisations et sont en conséquence déductibles du revenu imposable, en application du a du 1° de l’article 83 du code général des impôts.

c.   Des conditions de rachat assouplies par la loi du 20 janvier 2014 pour les jeunes actifs

Constatant que très peu d’actifs jeunes procédaient au rachat de leurs années d’études ([282]), l’article 27 de la loi du 20 janvier 2014 a instauré une aide forfaitaire de rachat des années d’études mentionnée au II de l’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale.

Ce tarif préférentiel est valable dans les cinq ans à compter de la fin des études, et ne peut être appliqué qu’à quatre trimestres au maximum. Concrètement, le barème de rachat des trimestres est abaissé d’un montant forfaitaire identique pour l’ensemble des assurés concernés, quel que soit le tarif de rachat total qui leur est appliqué.

B.   Les modalitÉs de validation des stages en entreprise par le rÉgime gÉnÉral

En application de l’article L. 351-17 du code de la sécurité sociale, introduit par l’article 28 de la loi du 20 janvier 2014, les étudiants ont également la possibilité de demander la prise en compte, par le régime général, des périodes de stage en entreprise. Le nombre de trimestres validés au titre des périodes de stages en entreprise et au titre des années d’études supérieures à tarif réduit est limité à quatre par année, dont deux au titre des stages en entreprise.

Les personnes concernées sont les étudiants ou élèves effectuant leurs études dans des établissements d’enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles.

Les stages entrant en compte dans le dispositif sont les stages d’une durée d’au moins deux mois consécutifs effectués en milieu professionnel, dans le cadre d’une convention tripartite entre l’étudiant, l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil, et ayant donné lieu à la gratification mentionnée à l’article L. 124-6 du code de l’éducation.

Le montant du versement des cotisations, pour chaque trimestre, est fixé à 12 % de la valeur mensuelle du plafond annuel de sécurité sociale (PASS) en vigueur au 1er janvier de l’année de la demande ([283]), soit environ 405 euros, pour un trimestre, en 2019.

Selon l’article D. 351-16 du code de la sécurité sociale, la demande de rachat doit être formulée dans un délai de deux ans à compter de la date de la fin du stage au titre duquel elle est effectuée. Le paiement peut être versé en une seule fois ou de façon échelonnée, sur une ou deux années.

C.   Le profil des assurÉs procÉdant au rachat de trimestres : des assurÉs plutÔt proches de la retraite

D’après les informations transmises à la rapporteure, ces dispositifs de rachat sont peu mobilisés : seuls 2 868 rachats au titre des années d’études et années incomplètes ont ainsi été effectués au régime général en 2017, pour un rachat moyen de six trimestres. 70 % de ces versements l’ont été au titre du rachat de trimestres d’études supérieures.

L’étude d’impact montre en outre que les deux options de rachat en fonction du taux ou en fonction du taux et de la durée sont assez inégalement réparties, puisque 43 % ont opté pour la première, contre 57 % pour la seconde, qui est plus onéreuse à court terme mais entre en compte dans le calcul de la durée d’assurance.

Les assurés ayant procédé au rachat de trimestres depuis la mise en place du dispositif, en 2004, sont majoritairement des hommes (83 %) relativement âgés, puisque 75 % d’entre eux ont au moins 54 ans.

Le dispositif permet donc surtout à des assurés proches de la retraite de se constituer des droits pour atteindre plus rapidement la durée d’assurance requise ou pour éviter de se voir appliquer une décote.

Ce constat est contre-intuitif de prime abord, car le rachat est d’autant plus onéreux que l’assuré est âgé. Néanmoins, la frilosité des jeunes assurés à l’égard du rachat de trimestres d’études ou de stages peut s’expliquer par le fait que dans un système en annuités, il est difficile de prédire si l’achat de trimestres sera nécessaire pour valider la durée d’assurance requise. À l’inverse, les assurés plus âgés ont davantage de visibilité sur le nombre de trimestres qu’il leur manque et peuvent procéder à un rachat plus précis, quand bien même ce dernier est plus onéreux.

II.   les modalitÉs de rachat de points au titre des Études ou des stages en entreprise au sein du systÈme universel

Le du présent article crée deux nouveaux articles L. 194-4 et L. 194-5 qui complètent le chapitre IV : « Acquisition facultative de points » du nouveau titre IX du livre Ier du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 27 du projet de loi.

Ces deux articles fixent respectivement les règles relatives au rachat de périodes d’études, et celles relatives au rachat de périodes de stages.

A.   le rachat de pÉriodes d’Études supÉrieures

● L’article L. 194-4 ouvre la possibilité du rachat de périodes d’études supérieures permettant l’obtention de points de retraite, « sous réserve du versement de cotisations », d’une part, et du principe de la neutralité actuarielle pour le système universel, d’autre part.

Les conditions du versement de ces cotisations seront déterminées par décret. Elles seront nécessairement simplifiées par rapport au droit en vigueur au régime général, puisque les points acquis permettront seulement d’augmenter le niveau de pension des assurés, et non la durée d’assurance, qui disparaît dans le système universel.

Le cas échéant, le coût du versement des cotisations pourra être « abaissé par rapport au tarif normal » pour tenir compte, notamment, du « délai de présentation de la demande à compter de la fin des études » : cette disposition fait écho au dispositif introduit par la loi du 20 janvier 2014 afin d’assouplir les conditions de rachat à la sortie des études. Elle pourrait rencontrer davantage de succès au sein du système universel, car contrairement aux trimestres rachetés dans le cadre d’un régime en annuité, les points rachetés permettront toujours de relever le niveau de la pension de l’assuré.

Seront ainsi maintenus au sein du système universel le double principe en vertu desquels le coût du rachat pèse intégralement sur le bénéficiaire et ce coût du rachat sera d’autant plus faible qu’il est effectué rapidement à compter de la fin des études.

● Les périodes d’études ouvrant droit à l’obtention de points supplémentaires de retraite en contrepartie du versement de cotisations sont exactement les mêmes que celles actuellement définies au 1° du I de l’article L. 351‑14-1 du code de la sécurité sociale. Il s’agit des périodes accomplies au sein d’établissements relevant des catégories d’établissement supérieur définies par arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la sécurité sociale. Il peut s’agir :

– d’établissements d’enseignement supérieur ou d’écoles techniques supérieures ;

– de grandes écoles ;

– de classes du second degré préparatoires à ces écoles ou dans lesquelles est dispensé un enseignement post baccalauréat.

En outre, en vertu de l’article L. 358-3 nouveau du code de la sécurité sociale créé par le , pour les ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses, les périodes de formation « accomplies au sein de congrégations ou de collectivités religieuses ou dans des établissements de formation des ministres des cultes » avant leur affiliation au régime des cultes.

Ces périodes d’études doivent impérativement « avoir donné lieu à lobtention dun diplôme » ; toutefois, l’admission dans les grandes écoles et dans les classes du second degré préparatoires à ces écoles est assimilée à l’obtention d’un diplôme.

En outre, les périodes d’études « ayant permis lobtention dun diplôme équivalent délivré par un État membre de lUnion européenne peuvent également être prises en compte ».

B.   Le rachat de pÉriodes de stage

Selon l’article L. 194-5 nouveau, sous réserve du versement de cotisations, peuvent également permettre d’obtenir des points les périodes de stage en entreprise réalisés dans le cadre d’enseignements scolaires et universitaires.

Les conditions de prise en compte des périodes de stages sont les mêmes que celles actuellement prévues par l’article L. 351-17 du code de la sécurité sociale pour la prise en compte de ces périodes par le régime général : les stages pris en compte doivent ainsi avoir une durée supérieure à deux mois consécutifs et ouvrir droit à la gratification prévue au premier alinéa de l’article L. 124-6 du même code.

Les conditions d’application de ce rachat et, notamment, le délai de formulation de la demande de rachat (1°) ainsi que les conditions de calcul des cotisations et les modalités d’échelonnement de leur versement (2°) sont renvoyées à un décret.

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TITRE IV
UNE ORGANISATION ET UNE GOUVERNANCE UNIFIÉES POUR RESPONSABILISER TOUS LES ACTEURS DE LA RETRAITE

Chapitre Ier
Une organisation unifiée

Section 1
Création de la Caisse nationale de retraite universelle

Article 49
Création de la Caisse nationale de retraite universelle

L’article 49 définit le statut et les missions de l’instance en charge de la gouvernance du système universel, dénommée « Caisse nationale de retraite universelle ».

Succédant à un ensemble foisonnant d’instances et d’organismes gestionnaires, additionnés par sédimentations successives et privant le pilotage d’une vision d’ensemble du système de retraite, cette nouvelle caisse sera administrée par un conseil d’administration exprimant équitablement la voix des assurés sociaux et des employeurs tels que désignés par les différents partenaires sociaux. L’ensemble des assurés seront représentés, qu’ils relèvent du secteur public ou du secteur privé, à partir d’un nouveau critère de mesure dénommé « audience combinée ». Cette représentation intègrera également les représentants de l’ensemble des employeurs – professions libérales et agricoles comprises.

Les modalités de son fonctionnement, de son financement, de sa déclinaison territoriale et de son articulation avec l’action de l’État sont renvoyées à une ordonnance, qui devra être publiée dans les six mois suivants la promulgation de la loi.

Des dispositions transitoires s’appliqueront dans l’attente de la publication de cette ordonnance, afin de ne pas retarder les premiers pas de la nouvelle instance. Elles reprennent l’essentiel du droit applicable au fonctionnement des conseils d’administration des différentes caisses de sécurité sociale.

I.   L’Éclatement institutionnel du systÈme actuel

Reflétant la logique statutaire et professionnelle sur laquelle notre système de retraite par répartition a été fondé, la gouvernance du système actuel est à la fois complexe, mouvante et peu lisible pour les assurés.

Les réformes successives ont pourtant aménagé en profondeur cette gouvernance, favorisant les relations interrégimes et renforçant le pilotage d’ensemble du système de retraite.

Trois échelles de gouvernance peuvent être distinguées.

A.   Le pilotage d’ensemble par le comitÉ de suivi des retraites

Le comité de suivi des retraites (CSR) assure aujourd’hui un pilotage d’ensemble du système de retraite, au regard des objectifs assignés par la loi aux différents régimes.

Son action s’inscrit dans le suivi plus global du système de retraite, aux côtés du Conseil d’orientation des retraites, du Gouvernement, du Parlement et des partenaires sociaux.

Le CSR formule chaque année un avis relatif à l’atteinte ou non des objectifs assignés au système de retraite ([284]). Le schéma infra inscrit ce comité dans ce pilotage d’ensemble.

Le pilotage annuel du systÈme de retraite

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Quelle que soit l’étendue de son champ, le CSR n’est pas un organisme gestionnaire du système de retraite. Il ne définit aucun paramètre, ni ne surplombe l’activité des différentes caisses.

La portée de son pilotage et l’effectivité de ses recommandations sont, à ce titre, limitées, notamment en l’absence d’opposabilité de l’avis formulé.

B.   l’approche interrÉgimes progressivement renforcÉe

L’amplification de l’approche interrégimes a été le principal facteur de simplification de la gouvernance du système de retraite.

Le groupement d’intérêt public (GIP) « Union Retraite » est l’acteur principal de ce dispositif.

Créé par la réforme de 2003 pour piloter le droit à l’information (DAI) des assurés, le GIP « Info Retraite » a été transformé en GIP « Union Retraite » par la loi du 20 janvier 2014 ([285]).

Ses missions ont alors été étendues à la mise en œuvre de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation des opérations relatives aux relations entre les régimes de retraite légalement obligatoires et les assurés.

L’action du GIP « Union Retraite » se conforme à un projet stratégique conclu avec l’État, d’abord dans le cadre d’un contrat d’objectifs pluriannuel 2015‑2018, puis d’une feuille de route 2019-2020. Elle couvre désormais la quasi‑totalité des régimes de retraite légalement obligatoires.

Aux termes de son rapport d’activité 2018, le GIP procède désormais à environ 2,1 millions d’estimations de droits à retraite et 3,8 millions de relevés de carrière par an. La dématéralisation a été également significativement renforcée, avec le doublement des estimations de retraite mises à disposition en ligne et le triplement du nombre de relevés de carrière disponibles en 2018.

Le rapport d’information du Sénat consacré en 2017 ([286]) à ce groupement a permis d’en dresser un bilan positif, qui contraste avec la complexité et la technicité des problèmes d’interrégimes à résoudre.

Quels qu’en aient été les principaux succès, le GIP « Union Retraite » reste toutefois dépendant de la participation et de l’investissement des différents régimes dans cette démarche de simplification. Ses moyens d’action apparaîtront donc, à terme, limités pour parachever jusqu’au bout le processus de mutualisation.

C.   Une pluralitÉ d’organismes gestionnaires en charge de l’assurance vieillesse

La coexistence d’une pluralité d’organismes gestionnaires du système de retraite traduit le caractère socio-professionnel des différents régimes, progressivement enrichis d’une couverture complémentaire.

Présentée dans le détail par le Conseil d’orientation des retraites, en particulier dans une approche comparée avec nos voisins européens, cette hétérogénéité institutionnelle repose sur un grand nombre de caisses, recensées au commentaire de l’article 54 du projet de loi.

Le pilotage densemble du système de retraite est rendu dautant plus difficile quil nexiste pas de caisse nationale venant couvrir lensemble de ces acteurs, ou a minima rapprocher leurs pratiques ou agréger les informations disponibles au titre de lensemble du système de retraite. Dun point de vue technique, les systèmes dinformation sont loin dêtre suffisamment intégrés et harmonisés, au détriment des échanges entre régimes et du pilotage densemble du système.

Le schéma infra illustre cette fragmentation du système actuel, dans sa version simplifiée.

Organisation simplifiÉe du système de retraite actuel

Source : Rapport sur les comptes de la sécurité sociale de septembre 2019, repris dans le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2020, retraitements direction du budget.

L’analyse d’ensemble du système de retraite est rendue d’autant plus difficile qu’elle ne peut reposer sur une vision agrégée des comptes, ou sur un vecteur juridique unique. En dépit des efforts menés par le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale pour offrir une analyse exhaustive du système de retraite, le morcellement des véhicules législatifs – avec en premier lieu le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le compte d’affectation spéciale Pensions rattaché au projet de loi de finances – et leurs déclinaisons réglementaires sont autant de facteurs d’illisibilité et de complexité.

II.   la Caisse nationale de retraite universelle, cœur institutionnel du nouveau systÈme

L’article 49 inscrit, dans le code de la sécurité sociale, le statut de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), ses missions et la composition de son conseil d’administration (I).

Il renvoie à une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance, dans les six mois suivants la promulgation de la loi, la définition de ses modalités de fonctionnement et de financement (II).

Dans l’attente de la publication de cette ordonnance, il aménage une phase transitoire destinée à garantir l’opérationnalité de cette nouvelle structure (III).

A.   L’inscription lÉgislative du statut de la Caisse nationale, de ses missions et de la composition de son conseil d’administration

Le I de l’article 49 précise au niveau législatif le statut, les missions et la composition du conseil d’administration de la CNRU.

Ces dispositions sont rassemblées dans un chapitre IX du nouveau titre IX du code de la sécurité sociale relatif au nouveau régime, intitulé « Organisation du système universel de retraite ».

1.   Un statut d’établissement public national à caractère administratif

Le pilier de la gouvernance du nouveau système de retraite, dénommé « Caisse nationale de retraite universelle », voit son statut défini au nouvel article L. 199-1 du code de la sécurité sociale.

Deux précisions sont apportées quant au statut de la nouvelle caisse :

– elle prend la forme d’un établissement public national à caractère administratif. Bien qu’il ne soit pas la seule option possible ([287]), ce statut est d’ores et déjà le plan répandu dans le système actuel et le plus éprouvé juridiquement ;

– elle est soumise au contrôle des autorités compétentes de l’État. Ce contrôle, à la fois administratif et financier, sera permettra de garantir la bonne gestion de l’établissement et la légalité de ses décisions.

La future caisse disposera de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, à l’instar des autres établissements de la même catégorie juridique, sans que cette précision ait besoin de figurer dans la loi.

2.   Une triple mission de pilotage, de service et d’action sociale

Les sept missions de la CNRU, définies aux termes du nouvel article L. 199-2 du même code, peuvent être rassemblées en trois grands champs qui recoupent largement les activités des organismes du système actuel.

● Sa première série de missions recouvre le pilotage et la gestion du nouveau système.

La CNRU assurera tout d’abord le pilotage du nouveau système, « afin de veiller à son équilibre financier ». Cette instance sera donc responsable du respect de la « règle d’or » définie à l’article 1er du projet de loi organique, dans les conditions définies à l’article 55 du présent projet de loi.

La CNRU assurera également la gestion du nouveau système, afin de déterminer le montant des droits à retraite et d’en assurer le versement. À ce titre, la Caisse sera compétente pour :

– l’enregistrement et le contrôle des données relatives aux droits des assurés ;

– le recueil, le traitement et la diffusion de l’ensemble des données relatives au système universel ;

– la mise en œuvre d’opérations de gestion pour le compte des organismes actuellement gestionnaires du système de retraite.

● La deuxième série de missions est relative au service aux assurés.

La CNRU devra garantir le droit à l’information des assurés, et mettre en place les prestations de conseil nécessaires pour les accompagner dans leurs choix.

Ce service s’appuiera également sur le pilotage stratégique de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation. La CNRU prolongera ainsi la mission exercée jusqu’alors par le GIP « Union Retraite ».

● La troisième série de missions concerne la mise en œuvre d’actions sociales.

Reprenant une prérogative traditionnellement exercée par les caisses de retraite, cette mission d’action sociale complétera celle d’ores et déjà en vigueur.

3.   Une gouvernance paritaire du conseil d’administration

La CNRU sera composée de plusieurs entités, reflétant les diverses légitimités et compétences en matière de retraite.

● Le conseil d’administration voit son existence et sa composition inscrites dans le code de la sécurité sociale, au nouvel article L. 199-3.

Le droit proposé reprend la logique paritaire actuellement à l’œuvre dans les conseils d’administration des caisses de retraite, tout en l’élargissant à l’ensemble des professions représentées.

Un nouveau mode de mesure est créé à cet effet, dénommé « audience combinée ». Il garantira la présence au conseil d’administration des organisations syndicales ayant obtenu une telle audience combinée public-privé supérieure à 5 %. Cet outil inédit devra voir ses modalités précises de mesure définies par voie réglementaire.

La rédaction garantit également la représentation de l’ensemble des organisations représentatives aux échelles nationale et interprofessionnelle. S’agissant des organisations représentatives aux échelles nationale et multiprofessionnelle, outre la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), les travaux parlementaires pourront également intégrer au conseil d’administration des représentants de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES).

Le tableau infra recense les catégories de représentants présentes au conseil dadministration, et les illustre au regard des derniers cycles de mesure de représentativité.

Composition du conseil d’administration de la CNRU

Catégorie représentée

Instance de désignation

Représentants au regard des derniers cycles de mesure de la représentativité

Représentants des assurés sociaux

Organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel

CFDT

CGT

FO-CGT

CFE-CGC

CFTC

UNSA

Organisations syndicales de salariés habilitées à désigner des représentants au Conseil commun de la fonction publique

Représentants des employeurs

Organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel

MEDEF

CPME

U2P

Organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et multiprofessionnel des activités agricoles

FNSEA

Employeurs représentés au Conseil commun de la fonction publique

Représentants des employeurs d’agents publics de l’État, des collectivités territoriales et des hôpitaux

Organisation syndicale représentant les professions libérales au niveau national la plus représentée au sein du conseil d’administration de la CNAVPL

UNAPL

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

S’y ajouteront, avec voix consultative, des représentants élus du personnel de la CNRU dès lors que les délibérations du conseil ne sont pas relatives au pilotage financier annuel et pluriannuel du système de retraite.

La clef de répartition au sein du conseil d’administration, et les conditions d’élection de son président, sont renvoyées à un décret.

● Les autres parties prenantes de la CNRU, et leurs compétences respectives, font en revanche l’objet du renvoi à une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance (cfinfra).

B.   Le renvoi À une ordonnance du fonctionnement et du financement de la Caisse nationale

Le II de l’article 49 renvoie à une ordonnance la définition du fonctionnement et du financement de la Caisse nationale de retraite universelle.

Devant être promulguée dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, cette ordonnance devra faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé au Parlement dans les trois mois suivants sa publication.

Quatre items composent ce renvoi à une habilitation :

– l’organisation de la CNRU, les compétences des différentes instances qui la composent et leurs relations (). Les différentes entités qui composeront la CNRU sont précisées dans l’habilitation : un conseil d’administration, une assemblée générale des retraites et un conseil citoyen des retraites ;

– le réseau territorial de la CNRU, étant précisé qu’aucun des établissements le composant ne disposera de la personnalité morale (). La configuration de ce réseau territorial sera fondamentale pour définir l’avenir des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT), ainsi que des institutions de retraites complémentaires (IRC) et des centres d’information conseil et accueil salarié (CICAS). Agissant pour le compte de la CNRU par voie de conventionnement, ces structures et les salariés qui les composent seront ensuite progressivement intégrés dans le nouvel établissement, dans des conditions qui seront définies par voie d’ordonnance. Cette intégration sera un vecteur d’uniformisation de la qualité de service sur l’ensemble du territoire, corollaire du droit à l’information des assurés consacré à l’article 12 du projet de loi ;

– les conditions de fonctionnement et de financement de la CNRU (). Cet item couvrira notamment les règles régissant le personnel et les modalités de financement du futur établissement ;

– les relations de la CNRU avec l’État (), par exemple via un outil conventionnel.

Ces dispositions mériteraient d’être inscrites dans la rédaction de la loi, lors des débats parlementaires. Les compétences respectives des différents acteurs composant la CNRU, les conditions de nomination de son directeur général et les modalités d’association du Parlement à cette gouvernance apparaissent, à ce titre, à préciser.

Les débats parlementaires permettront également de préciser la future organisation territoriale de la CNRU, et d’interroger le maintien de la personnalité morale des structures la composant.

C.   L’amÉnagement d’une phase transitoire

Le délai maximum de trois mois séparant la promulgation de la loi de la publication de l’ordonnance ne doit pas empêcher une mise en place rapide de la nouvelle CNRU.

« À défaut de publication de lordonnance » présentée supra, l’ensemble des règles actuellement applicables aux caisses nationales de sécurité sociale prévaudront à la CNRU.

Cette précision a pour principal intérêt de permettre l’installation de la CNRU sans préjudice d’un éventuel retard dans la publication de l’ordonnance relative à son fonctionnement précis.

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*     *


Article 50
Acteurs et contenu de la préfiguration du système universel de retraite

L’article 50 définit les acteurs, les étapes et le contenu de la préfiguration du nouveau système de retraite.

La phase de préfiguration du système universel sera pilotée par la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), dans le cadre d’un « schéma de transformation » proposé par son directeur général et approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

Un comité de surveillance sera créé pour assurer le suivi de la préparation et de l’exécution de ce schéma de transformation.

La préfiguration menée par la CNRU s’appuiera sur les services et les moyens – notamment humains et informatiques – des organismes gestionnaires du système actuel. Les régimes de retraite légalement obligatoires devront eux-mêmes exécuter le schéma de transformation et participer à cette convergence.

Les modalités plus précises de mise en œuvre de l’intégration des régimes actuels dans le nouveau système et l’enjeu spécifique de l’avenir de la gestion des risques professionnelle aujourd’hui assurée par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) sont renvoyés à deux habilitations à légiférer par voie d’ordonnance.

I.   Les acteurs de la prÉfiguration : un pilotage dual entre la Caisse nationale et le comitÉ de surveillance

L’article 50 confie la préfiguration du système universel à deux acteurs respectivement en charge de son pilotage et de son suivi : la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) et le comité de surveillance.

A.   Le pilotage de la Caisse nationale de retraite universelle

● Le I de l’article 50 attribue trois missions principales à la CNRU :

– l’élaboration et le pilotage du schéma de transformation ( ; cf. infra) ;

– le suivi des évolutions financières des régimes actuels (). Cela recouvre les paramètres des régimes de base et complémentaires légalement obligatoires, le budget et le fonctionnement des organismes qui les gèrent, et l’adéquation de l’ensemble de ces éléments avec la mise en œuvre du nouveau système ;

– l’établissement d’un état financier annuel des régimes actuels (). Il s’agit à la fois de connaître précisément le niveau de leurs charges et produits et d’en déterminer la situation patrimoniale.

● Pour mener à bien ses missions de préfiguration, la CNRU s’appuiera sur plusieurs leviers d’information et d’action inscrits dans le projet de loi.

Elle pourra ainsi :

– garantir la compatibilité des délibérations des régimes de retraite actuels au schéma de transformation, afin d’assurer la qualité de la transition ( du I). Le directeur général sera destinataire de ces délibérations et informera, en cas d’incompatibilité avec les paramètres retenus dans le schéma, le ministre chargé de la sécurité sociale. Ce dernier pourra alors s’opposer à ces délibérations, dans des conditions définies par décret ;

– disposer en tant que de besoin des services des organismes gestionnaires des régimes actuels (III). Des moyens de fonctionnement et des agents pourront être mis à sa disposition. Dans le cas particulier de l’AGIRC-ARRCO, cette mise à disposition verra ces modalités précisées dans une convention. Cette dernière définira également les modalités de participation de cette fédération à la mise en œuvre du schéma de transformation. À défaut de signature d’une telle convention, un décret en définira les modalités ;

– procéder au recrutement de personnels, dans les conditions aujourd’hui applicables aux caisses nationales de sécurité sociale (III) ;

– poursuivre le pilotage stratégique des projets jusqu’ici mis en œuvre par le groupement d’intérêt public (GIP) « Union Retraite » en matière de coordination, de simplification et de mutualisation (IV). Dans cette perspective, la CNRU reprendra, de plein droit et en pleine propriété, l’ensemble des biens, droits et obligations, les créances et les dettes, ainsi que les titres patrimoniaux du GIP « Union Retraite ». Ce dernier sera dissous dans des conditions fixées par décret. Il est précisé qu’aucune de ces opérations de reprise ne fera l’objet de prélèvements obligatoires ;

– bénéficier du transfert des personnels employés par le GIP « Union Retraite », dans les conditions de transfert prévues par le code du travail lorsque la situation juridique de l’employeur est modifiée (V).

B.   Le suivi du Comité de surveillance

L’ensemble des étapes constituant la phase de préfiguration feront l’objet d’un suivi assuré par une structure dénommée « comité de surveillance ».

La rédaction proposée n’y renvoie que de manière allusive, au détour du du II relatif à la procédure d’approbation du schéma de transformation.

Selon les informations transmises à la rapporteure, ce comité sera rattaché au ministre chargé de la sécurité sociale et assurera une double mission de suivi :

– le suivi de la préparation du schéma de transformation (cfinfra). À ce titre, elle rendra un avis sur ce schéma, en amont de son approbation par arrêté ;

– celui de la mise en œuvre de ce schéma.

L’intégration de ces dispositions dans le dispositif de l’article 50 permettrait de préciser cette existence du comité de surveillance et d’accroître la lisibilité du procédé retenu. Les modalités d’association du Parlement à ses travaux mériteraient également d’y être précisées.

Le principe d’un tel comité de surveillance reprend celui retenu lors de la transformation du Régime social des indépendants (RSI) pour assurer le suivi de la bascule d’affiliation de ses assurés entre 2017 et 2019.

II.   Le contenu de la préfiguration : l’élaboration d’un schéma de transformation et le renvoi aux ordonnances

Les principales étapes et modalités de préfiguration du système universel de retraite seront inscrites dans un document dénommé « schéma de transformation » (II).

Les conditions plus précises de l’intégration des caisses actuelles dans le nouveau système (V), et la gestion spécifique des risques professionnels (VI), sont renvoyées à deux ordonnances.

A.   Le schéma de transformation comme support de la préfiguration

Le II de l’article 50 précise le contenu et les modalités d’élaboration du schéma de transformation.

● S’agissant du contenu du schéma, quatre champs d’action sont « notamment » identifiés, sans prétendre à l’exhaustivité :

– la définition des opérations de réorganisation opérationnelles et de transfert de personnel (). Visant les organismes destinés à participer à la gestion du futur système, ces opérations permettront de :

– la conduite des projets informatiques et des processus métiers (). Indispensables à la création d’un nouveau système, ces missions s’appuieront sur les organisations et les outils d’ores et déjà en place dans les caisses ;

– l’organisation de campagnes de fiabilisation des carrières et d’information des assurés (3°). Il s’agit de favoriser la reconstitution des carrières, indispensable pour le calcul des droits des assurés, en dépit de la diversité des régimes actuels et de leurs systèmes d’information ;

– la définition des orientations d’une politique d’action sociale coordonnée au sein du nouveau système ().

L’ensemble de ces missions sont cohérentes avec les futures missions de la CNRU définies à l’article 49 du projet de loi.

Pour en assurer l’effectivité, il est prévu que les régimes de retraite légalement obligatoires « sont tenus de mettre en œuvre les mesures résultant du schéma de transformation ».

● S’agissant des modalités d’élaboration du schéma, la compétence est confiée au directeur général de la CNRU, qui devra transmettre sa proposition au plus tard le 30 juin 2021.

Sa proposition sera ensuite approuvée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, après avis du comité de surveillance.

En cas de carence du directeur général dans les délais prévus par la loi, le même ministre arrêtera directement ce schéma.

B.   Le renvoi des modalités précises d’intégration à deux ordonnances

Deux dispositions spécifiques font l’objet d’un renvoi à des habilitations à légiférer par voie d’ordonnance.

 Les modalités précises dintégration des organismes gestionnaires du système de retraite actuel dans la nouvelle CNRU, en premier lieu, seront définies dans une ordonnance publiée dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la loi (V).

Le délai de dix-huit mois se justifie par la nécessité d’attendre, au préalable, l’adoption du schéma de transformation, qui conditionnera une grande partie des modalités de transfert retenues.

Cette intégration, qui traduira les principes définis dans le schéma de transformation, s’appuiera sur :

– les modalités et les échéances de transfert des contrats de travail des salariés des organismes intégrés dans le nouveau système (1°) ;

– les conditions et les échéances de transfert de l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes, et titres patrimoniaux et actes juridiques de ces caisses intégrées (2°). Les réserves financières logées dans ces caisses sont toutefois exclues du champ du transfert ;

 la définition des « modalités dindemnisation du préjudice éventuellement subi par les caisses de retraite et institutions de retraite complémentaire existants du fait de leur intégration au sein de la Caisse nationale de retraite universelle et de laffectation dune part des actifs de ces caisses et institutions à lAgence centrale des organismes de sécurité sociale au titre de sa mission de gestion de trésorerie » (). Interrogé par la rapporteure sur la portée de cette disposition, le Gouvernement a indiqué quelle tire les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle applicable en matière dindemnisation du préjudice des organismes faisant lobjet dune intégration.

L’ordonnance qui en précisera les modalités et les échéances devra faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé au Parlement sans un délai de trois mois à compter de sa publication.

● La mise en œuvre des missions jusqu’alors dévolues aux CARSAT, en second lieu, fera l’objet d’une ordonnance publiée dans les dix-huit mois suivants la promulgation de la loi (VI).

La gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles (ATMP) au sein du régime général, aujourdhui assurée par les CARSAT au niveau local, devra demain être élargie à lensemble du nouveau système.

Cette ordonnance devra faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé au Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication.

III.   Synthèse de la préfiguration du régime universel

Modalités prévisionnelles d’élaboration du schéma de transformation

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

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Section 2
Une gouvernance prenant en compte la diversité des acteurs de la retraite

Article 51
Création par ordonnance dun conseil de la protection sociale
des professionnels libéraux

L’article 51 habilite le Gouvernement à définir, par voie d’ordonnance, les modalités de prise en compte des professions libérales dans le futur système universel, en particulier en matière de représentation.

Reprenant la configuration retenue lors de la réforme du Régime social des indépendants (RSI), l’ordonnance définira le rôle et la composition d’un Conseil de la protection sociale des professionnels libéraux (CPSPL) en charge de cette nouvelle gouvernance.

Les missions des sections professionnelles de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) seront adaptées en conséquence.

La CNAPL elle-même a vocation à rejoindre directement la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU).

I.   La gouvernance singulière et plurielle des régimes de retraite des professions libérales

L’assurance vieillesse applicable aux professionnels libéraux est plurielle. Construite progressivement à compter de 1948, elle rassemble une pluralité de caisses rassemblées, pour la plupart, dans la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). La situation des avocats doit néanmoins être distinguée, relevant de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF).

A.   Un pilotage conjoint par la CNAVPL et les sections professionnelles

● La retraite de base, en premier lieu, relève pour l’ensemble des professionnels libéraux – à l’exception des avocats (cfinfra) – de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales.

Créée par la loi du 17 janvier 1948 ([288]), la CNAVPL a pour principale mission d’assurer la coordination et l’harmonisation de la couverture vieillesse de base. Cette dernière est calculée et liquidée, dans les mêmes conditions, par les sections professionnelles qui composent la CNAVPL, pour le compte de celle-ci.

Les dix sections qui la composent actuellement sont rassemblées dans le tableau infra.

Les dix sections de la CNAVPL

Caisse

Professions représentées

Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes

CARCDSF

Chirurgiens-dentistes et sages-femmes

Caisse autonome de retraite des médecins de France

CARMF

Médecins

Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes

CARPIMKO

Infirmiers, masseur-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes

Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires

CARPV

Vétérinaires

Caisse d’allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non salariés de l’assurance et de la capitalisation

CAVAMAC

Agents généraux d’assurance

Caisse d’allocation vieillesse des experts-comptables et des commissaires aux comptes

CAVEC

Experts-comptables et commissaires aux comptes

Caisse d’assurance vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires

CAVOM

Officiers ministériels publics, officiers publics et des compagnies judiciaires

Caisse interprofessionnelle de retraite des professions libérales

CIPAV

Architectes, ingénieurs, géomètres-experts, experts agricoles et fonciers, conseils et professions assimilées

Caisse de prévoyance et de retraite des notaires

CPRN

Notaires

Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens

CAVP

Pharmaciens

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Pilotant un régime de base unique depuis 2003, la CNAVPL ne saurait être assimilée à un organisme de tutelle sur les sections professionnelles. Ces dernières conservent une forte autonomie, et de moyens humains bien plus nombreux que la CNAVPL. Leur autonomie financière et leur personnalité juridique propre appuient cette relative indépendance dans leur organisation d’ensemble, et confortent le maintien de spécificités en matière de retraite des professionnels libéraux.

● La retraite complémentaire, en second lieu, relève directement des sections professionnelles.

Chaque caisse composant la CNAVPL applique des règles propres, supposées correspondre aux spécificités des professions représentées. Ces règles sont fixées par chaque conseil d’administration, et appliquées de manière autonome. Les prérogatives de la CNAVPL en la matière sont très restreintes, se limitant pour l’essentiel à un pouvoir consultatif.

Loin d’être négligeable, la retraite versée par les sections au titre de la couverture complémentaire représente en moyenne 70 % du montant total de pension versée.

● Des prestations complémentaires vieillesse (PCV) – auparavant dénommées « avantage social vieillesse » (ASV) – viennent s’ajouter à cette couverture pour certaines professions ([289]) et sont désormais obligatoires. Ces prestations traduisent la prise en charge partielle, par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), de certaines cotisations d’assurance vieillesse, dès lors que la pratique des professionnels concernés a été exercée dans le cadre conventionnel. Elles sont gérées directement par les quatre sections professionnelles regroupant les professions concernées.

Il en va de même pour la couverture invalidité-décès, venant s’ajouter aux couvertures de base et complémentaire. Prenant la forme d’une prévoyance obligatoire, cette couverture relève elle aussi d’un régime défini par chaque section professionnelle.

B.   Le cas particulier des avocats

● Exception parmi les professions libérales, les avocats relèvent d’un régime spécifique distinct de la CNAVPL.

La Caisse nationale des barreaux français (CNBF) a été créée en 1954 en fusionnant les anciennes instances gestionnaires des droits de plaidoirie et la section des avocats attachée à la CNAVPL. Tout avocat – salarié ou non – y est affilié dès son inscription au barreau.

L’attachement à une caisse distincte des autres professions libérales a notamment été justifié par la situation démographique plus favorable des avocats. On dénombrait, en 2017, 66 500 avocats cotisants pour 16 100 retraités, soit un ratio démographique de 4,1, plus favorable que la majorité des autres régimes. La CNBF n’échappe toutefois pas à la dégradation tendancielle de ce ratio – qui était de 5 en 2013.

Initialement limitée à une couverture vieillesse de base, l’assurance vieillesse portée par la CNBF a ensuite été étendue :

– à l’invalidité-décès, en 1964 ;

– à la retraite complémentaire, en 1979.

 Élu par une assemblée générale représentant lensemble des départements, le conseil dadministration gère lensemble des activités de la CNBF, sous lautorité dun bureau ayant à sa tête un président élu pour deux ans.

Les dernières données disponibles, au 31 décembre 2018, font état de 67 507 cotisants pour 17 176 retraités.

II.   La création par ordonnance d’un Conseil de la protection sociale des professionnels libéraux

L’article 51 renvoie à une ordonnance la définition des modalités de gouvernance du système universel pour les professionnels libéraux.

Cette ordonnance, qui devra être publiée dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, précisera quatre matières :

 les modalités de prise en compte des spécificités des professionnels libéraux, en termes de représentation et de gouvernance, dans le système universel (). Cette prise en compte sera assurée par une nouvelle instance, dénommée « Conseil de la protection sociale des professionnels libéraux » (CPSPL), reprenant le précédent appliqué aux indépendants dans le cadre du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI). Outre lenjeu de lavenir des couvertures vieillesse de base et complémentaire légalement obligatoires applicables à ces professionnels, le CPSPL sera également compétent en matière de prestations en espèces et daction sociale versées au titre des autres risques (invalidité, décès et maladie) et de retraite supplémentaire obligatoire ;

– les modifications de conséquence à apporter au CPSTI afin d’harmoniser le régime de ce dernier avec celui applicable au CPSPL, ainsi que celles à apporter à la CNAVPL () – étant précisé que cette dernière est expressément visée dans le champ des organismes ayant vocation à fusionner pour construire la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), aux termes de l’article 50 (a du 1° du II) ;

– les conditions de participation des dix sections composant actuellement la CNAVPL et de la CNBF à la mise en œuvre du système universel () ;

– les conditions de fonctionnement des mêmes caisses et d’encadrement par l’État des régimes qu’elles gèrent aujourd’hui ().

Cette ordonnance fera l’objet d’un projet de loi de ratification déposé au Parlement dans les trois mois suivant sa publication.

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Article 52
Définition par ordonnance des modalités daffiliation des artistes-auteurs au régime général

L’article 52 renvoie à une ordonnance la définition des modalités d’affiliation des artistes-auteurs au régime général de retraite.

Devant être publiée dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, cette ordonnance précisera les conditions du transfert des différents droits et bien de la caisse régissant la retraite complémentaire des artistes-auteurs, l’Institution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création (IRCEC).

Cette dernière pilotera, pour le compte de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), la phase de transition pour l’affiliation des artistes-auteurs, dans le cadre d’une procédure de délégation, avant que l’ensemble de ses personnels et de ses droits soient transférés à la CNRU.

I.   Le régime spécifique d’affiliation des artistes-auteurs à la sécurité sociale

A.   La justification du régime spécifique des artites-auteurs

Les artistes-auteurs relèvent d’un régime spécifique de sécurité sociale, justifié par la nature particulière de leur activité.

L’absence de prise en compte de cette particularité conduirait à scinder l’affiliation de ces professionnels en plusieurs catégories, pouvant être considérés selon les cas comme des salariés, des travailleurs indépendants ou des professionnels libéraux.

Le législateur a apporté une réponse à cette pluralité de situations, en regroupant l’ensemble des professions artistiques dans la catégorie générique des artistes-auteurs. Depuis 1964 ([290]), l’ensemble de ces professionnels relèvent du régime général pour la couverture des risques de sécurité sociale – cette couverture étant complétée par des régimes particuliers au niveau complémentaire.

B.   Les acteurs du régime spécifique des artistes-auteurs

Le régime spécifique de sécurité sociale des artistes-auteurs fait intervenir de nombreux acteurs jouant une partition spécifique.

 Laffiliation à la sécurité sociale des artistes-auteurs est assurée et contrôlée par deux associations agréées, qui se distinguent par les professions représentées :

– la Maison des artistes (MDA) est en charge de l’affiliation des professionnels relevant de la branche des arts graphiques ([291]) ;

– l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) représente quatre branches d’artistes-auteurs :

– les écrivains et illustrateurs de livres ;

– les auteurs et compositeurs de musique ;

– les auteurs d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles ;

– les auteurs d’œuvres photographiques.

Ces deux associations vérifient le respect des conditions d’éligibilité au statut d’artiste-auteur et l’information des assurés concernés sur leurs conditions d’affiliation et les prestations ouvertes. Elles mettent également en œuvre des prestations d’action sociale en faveur des professionnels représentées.

● Jusqu’au 1er janvier 2019, la MDA et l’ADESSA étaient également en charge du recouvrement des cotisations et contributions sociales de leurs assurés.

Cette mission est désormais confiée aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), dans les conditions de droit commun. Cette modification a été introduite par l’article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([292]).

● Le versement des prestations est assuré – à l’exception de la couverture complémentaire – par les organismes en charge de la gestion des branches du régime général.

Les artistes-auteurs relèvent ainsi, s’agissant du risque vieillesse, de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) à l’échelle nationale et des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) à l’échelle locale.

 Enfin, contrairement aux salariés relevant de lAGIRC-ARRCO, les artistes-auteurs bénéficient dune couverture complémentaire spécifique, confiée à lInstitution de retraite complémentaire de lenseignement et de la création (IRCEC). 73 500 artistes-auteurs sacquittent aujourdhui de cotisations à lIRCEC.

L’IRCEC est une caisse de retraite en charge du pilotage de trois régimes distincts :

– le régime des artistes et auteurs professionnels (RAAP), ouvert à l’ensemble des artistes-auteurs professionnels. Qu’ils cotisent ou non à l’un des deux autres régimes complémentaires mentionnés infra, l’ensemble des artistes‑auteurs ayant un revenu dépassant un seuil fixé chaque année y sont obligatoirement affiliés. Ce seuil était fixé à 8 892 euros en 2019 ;

 le régime de retraite complémentaire des auteurs et compositeurs dramatiques et auteurs de films (RACD), ouvert aux auteurs et compositeurs dramatiques, aux auteurs de spectacles vivants et aux auteurs de films. Le versement de cotisations au RACD, qui sajoutent au RAAP, est obligatoire dès le premier euro de droit ;

– le régime de retraite complémentaire des auteurs et compositeurs d’œuvres musicales (RACL), ouvert aux auteurs et compositeurs lyriques et aux dialoguistes de doublage. Les cotisations versées au RACL, qui s’ajoutent également au RAAP, sont obligatoires dès lors que l’artiste perçoit des droits d’auteur ou une rémunération supérieurs à un seuil fixé chaque année (2 868 euros en 2019). Elles sont retenues à la source par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) lors de la répartition des droits d’auteur.

II.   Le renvoi à une ordonnance des modalités d’affiliation des artistes-auteurs au régime général

L’article 52 renvoie à une ordonnance la définition d’intégration des artistes-auteurs dans le système universel de retraite.

● Publiée dans les douze mois suivants la promulgation de la loi, cette ordonnance fixera les modalités de délégation par la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) de la gestion à l’IRCEC, à titre transitoire. Il s’agit de garantir jusqu’à leur terme le versement des prestations des artistes-auteurs qui avaient un régime de retraite complémentaire.

Ce choix d’une délégation provisoire à une structure d’ores et déjà opérationnelle garantira l’intégration des artistes-auteurs dans le nouveau système.

Seule une mention relative au transfert des personnels, biens, droits, obligations, créances et dettes de l’IRCEC à la CNRU est ajoutée – en cohérence avec la précision retenue pour les autres régimes faisant l’objet d’une intégration dans le système universel.

L’ordonnance devra faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé au Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication.

● Il est par ailleurs précisé ([293]) que l’AGESSA et la MDA conserveront leur rôle dans le système universel, en poursuivant leurs missions d’affiliation, d’action sociale et d’information.

Une organisation spécifique aux artistes-auteurs sera donc maintenue, au sein du régime général.

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Article 53
Création par ordonnance dun établissement chargé de lintégration du service des retraites de lÉtat dans le système universel

L’article 53 confie à un nouvel établissement, créé par voie d’ordonnance, la définition et le pilotage de l’intégration des agents publics dans le système universel.

Reprenant les missions et les moyens actuellement confiés au service des retraites de l’État (SRE), cet établissement déclinera entre 2021 et 2025 le schéma de transformation, en lien avec la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU).

Son périmètre n’est pas arrêté par la rédaction proposée : il pourra couvrir l’ensemble des agents publics ou seulement une partie d’entre eux.

L’ordonnance devra être publiée dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, et faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé au Parlement dans les trois mois suivants cette publication.

I.   L’organisation unifiée du service des retraites de l’État

Les risques vieillesse et invalidités des fonctionnaires civils et militaires de l’État sont couverts par le service des retraites de l’État (SRE).

● Si le SRE lui-même est de création récente, le principe d’une organisation unifiée des pensions civiles et militaires remonte en revanche au XIXe siècle.

Jusqu’alors, la plupart des ministères et des administrations s’étaient dotés de caisses de retraite particulières, s’ajoutant aux régimes spéciaux créés pour certains corps tels que les employés de la Banque de France ou de l’Imprimerie nationale. Cette organisation disparate se traduisait par de grands déséquilibres financiers ou démographiques dans certains régimes, l’autonomie pouvant s’accompagner de déficits récurrents, à l’instar du régime des mines.

La loi du 8 juin 1853 pose les fondations d’une organisation unifiée des pensions des fonctionnaires de l’État. Le législateur confie alors au Trésor le calcul et le versement des pensions de retraite des fonctionnaires.

Assurée par divers organismes au fil du temps, cette compétence était exercée depuis 1972 par le service des pensions, jusqu’à la création en 2009 du SRE.

● Le SRE est un service à compétence nationale de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Il met en œuvre les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) en assurant la couverture à la fois des fonctionnaires civils et militaires et de leurs ayants droit.

Définies chaque année dans le budget de l’État, les opérations relatives aux pensions versées sont retracées dans un compte d’affectation spéciale (CAS) dénommé « Pensions ». Le principe d’un CAS, défini dans la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 ([294]), permet de suivre l’ensemble des opérations – en dépenses comme en recettes – liées aux pensions civiles et militaires.

Le SRE est composé de 495 agents, auxquels s’ajoutent les 350 emplois des dix-sept centres de gestion des retraites (CGR), qui ne relèvent pas directement du SRE mais des services déconcentrés de la DGFiP.

II.   Le pilotage de l’intégration des agents publics dans le système universel par un nouvel établissement public

● L’article 53 confie à un nouvel établissement le pilotage de l’intégration des agents publics dans le système universel.

Prenant le statut d’une personne morale de droit public, ce nouvel établissement sera créé par voie d’ordonnance prise dans les douze mois suivants la promulgation de la loi.

Cette ordonnance devra faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé au Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication.

● La principale mission du nouvel établissement sera de mettre en œuvre le schéma de transformation du système universel (cf. article 50 du projet de loi) entre 2021 et 2025 s’agissant de la retraite des agents publics, en lien avec la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU). Pour ce faire, l’établissement s’appuiera sur les missions et les moyens actuellement confiés au SRE.

Outre la gestion du système universel, cet organisme sera également compétent pour piloter le régime spécial des pensions civiles et militaires – qui devra être assuré pour les agents ne relevant pas du système universel du fait de leur génération. Il en va de même pour la gestion des régimes d’invalidité applicable à certains agents publics de l’État ainsi que celle des traitements attachés à la Légion d’honneur et à la médaille militaire.

● La rapporteure souligne que cette rédaction ne préjuge pas du choix qui sera retenu concernant le périmètre du futur établissement : il pourra soit couvrir l’ensemble des agents publics, soit seulement une partie d’entre eux.

Au-delà du SRE, ce choix permet de poursuivre la concertation avec la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), établissement public administratif de l’État dont la gestion administrative est actuellement assurée par la Caisse des dépôts et consignations.

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Article 54
Conclusion de conventions entre les régimes de retraite actuels
et la future Caisse nationale de retraite universelle

L’article 54 précise le procédé retenu pour assurer la mise en œuvre du système universel par plusieurs organismes de retraite, dans le cadre d’une gestion coordonnée par la nouvelle Caisse nationale de retraite universelle (CNRU).

Des conventions seront conclues entre la CNRU et ces organismes gestionnaires afin de déterminer leurs missions et les financements associés. Ce choix permettra aux assurés de préserver leurs interlocuteurs habituels sans rupture ni disparition sèche.

Le modèle retenu reprend celui mis en place pour l’assurance maladie obligatoire, par des délégations de gestion au bénéfice des organismes assureurs.

Le contenu de ces conventions est renvoyé à un décret en Conseil d’État, qui garantira notamment un processus d’évaluation des résultats de ces organismes et une procédure de mise à disposition des informations relatives aux carrières des assurés.

I.   Le principe de conventions comme support de l’intégration des régimes

● La création d’un système universel de retraite implique de redéfinir le rôle des organismes actuellement gestionnaires des régimes de retraite légalement obligatoires, titulaires des informations de carrière des assurés et du montant de leurs droits.

Quarante-et-un organismes entrent dans cette catégorie, rassemblés dans le tableau infra.

Organismes chargés de la gestion de régimes
de retraite légalement obligatoires

Organismes

Régimes couverts

Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV)

Retraite de base des salariés de l’industrie, du commerce et des services

Retraite de base des enseignants du privé

Retraite de base des agents non titulaires de la fonction publique et des élus locaux

Retraite de base des personnels navigants de l’aviation civile

Retraite de base des débitants de tabac

AGIRC-ARRCO

Retraite complémentaire des salariés de l’industrie, du commerce et des services

Retraite complémentaire des salariés agricoles

Retraite complémentaire des membres des cultes

Mutualité sociale agricole (MSA)

Retraite de base et retraite complémentaire des exploitants agricoles

Régime d’allocations viagères des gérants de débits de tabac (RAVGDT)

Retraite additionnelle des débitants de tabac

Régime temporaire de retraite de l’enseignement privé (RETREP)

Retraite additionnelle des enseignants du privé sous contrat avec l’État

Régime additionnel de retraite de l’enseignement privé (RAEP)

Retraite additionnelles des maîtres de l’enseignement privé sous contrat avec l’État

Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC)

Retraite complémentaire des enseignants du privé

Retraite complémentaire des agents non titulaires de la fonction publique et des élus locaux

Caisse de retraite complémentaire du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile (CRPN)

Retraite complémentaire des personnels navigants de l’aviation civile

Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) et Maison des artistes (MDA)

Retraite de base des artistes-auteurs

Institution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création (IRCEC)

Retraite complémentaire des artistes-auteurs

Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC)

Retraite de base des membres des cultes

Régime de retraite de la Banque de France

Retraite des agents de la Banque de France

Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG)

Retraite des salariés des industries électriques et gazières

Caisse de retraite du personnel de la Comédie-Française (CRPCF)

Salariés de la Comédie-Française

Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN)

Retraite des clercs et employés de notaires

Établissement national des invalides de la marine (ENIM)

Retraite des marins

Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris (CROPERA)

Retraite des salariés du cadre statutaire de l’Opéra de Paris

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRPSNCF)

Retraite des salariés de la SNCF

Caisse de retraites du personnel de la RATP (CRPRATP)

Retraite des salariés de la RATP

Port autonome de Strasbourg

Retraite des salariés du Port autonome de Strasbourg

Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

Retraite des agents employés par le régime des mines

Service des retraites de l’État (SRE)

Retraite des fonctionnaires de l’État, des magistrats et des militaires

Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP)

Retraite additionnelle des fonctionnaires de l’État, des magistrats, des militaires et des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière

Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL)

Retraite des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière

Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FPSPOEIE)

Retraite des ouvriers de l’État

Ministère de l’intérieur

Retraite des ministres des cultes d’Alsace-Moselle

Assemblée nationale

Retraite des députés et des fonctionnaires de l’Assemblée nationale

Sénat

Retraite des sénateurs et des fonctionnaires du Sénat

Conseil économique, social et environnemental (CESE)

Retraite des membres du CESE

Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL)

Retraite de base des professionnels libéraux (avocats exceptés)

Caisse de prévoyance et de retraite des notaires (CPRN)

Retraite complémentaire des notaires

Caisse d’assurance vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires (CAVOM)

Retraite complémentaire des officiers ministériels publics, officiers publics et des compagnies judiciaires

Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF)

Retraite complémentaire des médecins

Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (CARCDSF)

Retraite complémentaire des chirurgiens-dentistes et sages-femmes

Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP)

Retraite complémentaire des pharmaciens

Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO)

Retraite complémentaire des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes

Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires (CARPV)

Retraite complémentaire des vétérinaires

Caisse d’allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non salariés d’assurance et de capitalisation (CAVAMAC)

Retraite complémentaire des agents généraux d’assurance

Caisse d’allocation vieillesse des experts-comptables et des commissaires aux comptes (CAVEC)

Retraite complémentaire des experts-comptables et commissaires aux comptes

Caisse interprofessionnelle de retraite des professions libérales (CIPAV)

Retraite complémentaire des architectes, ingénieurs, géomètre-experts, experts agricoles et fonciers, conseils et professions assimilées

Caisse nationale des barreaux français (CNBF)

Retraite des avocats

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

● L’article 54 organise la participation de l’ensemble des organismes à la création du nouveau système, par une convention qu’ils signeront individuellement avec la nouvelle Caisse nationale de retraite universelle (CNRU).

Cette méthode conventionnelle est inscrite au nouvel article L. 199-4 du code de la sécurité sociale (I). Elle reprend celle retenue pour l’assurance maladie obligatoire, via des délégations de gestion au bénéfice des organismes assureurs.

La convention signée déterminera les missions conservées par ces organismes pour construire le nouveau système, et les financements dont ils bénéficieront à ce titre.

● D’autres orientations auraient pu être envisagées, mais elles s’accompagnaient de lourdes barrières techniques.

Confier la gestion de l’ensemble du système universel à la seule CNRU aurait constitué un risque opérationnel – s’agissant en particulier de la mise en commun des systèmes d’information – et aurait privé les assurés de leurs interlocuteurs historiques, indispensables pour traduire les enjeux de la réforme et accompagner la transition.

Les organismes gestionnaires actuels auraient également pu voir leur action limitée à la seule couverture des assurés non concernés par le système universel. Leur périmètre se serait toutefois rapidement réduit, tout en confiant à la CNRU une couverture d’un nombre bien trop important d’assurés en peu de temps, préjudiciable à sa mise en place progressive.

L’option retenue est donc celle de la permanence de contact pour les assurés, de la sécurité dans la phase de transition et de la garantie d’un versement effectif des pensions à l’ensemble des assurés.

II.   Le renvoi au pouvoir réglementaire des modalités de participation des régimes actuels au nouveau système

Les modalités opérationnelles de participation des organismes gestionnaires actuels des régimes de retraite légalement obligatoires à la mise en œuvre du système universel sont renvoyées à un décret en Conseil d’État (I).

Ce décret précisera :

– les modalités d’organisation, de mise en œuvre et de financement des opérations de gestions réalisées par les organismes chargés de la gestion du régime universel ;

– les modalités d’évaluation des résultats de ces organismes ;

– les conditions dans lesquelles ces organismes mettent à disposition de la CNRU les données relatives à la carrière des assurés ;

– les conditions dans lesquelles il peut être mis fin à ces opérations de gestion « au vu des résultats constatés ». Selon les informations transmises à la rapporteure, une telle rupture pourra intervenir en cas de défaillance rendant impossible la gestion du système universel par l’un des organismes délégués dans les conditions nécessaires à la mise en œuvre du système universel, ou de dégradation de la qualité de service aux assurés.

● Une conséquence rédactionnelle en est tirée à l’article L. 122-8 du code de la sécurité sociale, relatif à la signature de conventions entre les organismes nationaux gestionnaires de régimes et d’autres organismes de sécurité sociale (II).

Ces conventions permettent aux organismes gestionnaires de gestion, de versement et de recouvrement.

Le dispositif de convention inscrit au nouvel article L. 199-4 du même code implique d’en tirer les conséquences rédactionnelles, afin d’élargir cette faculté de convention à l’ensemble des organismes – y compris au-delà de la sécurité sociale au sens strict.

L’ensemble des organismes gestionnaires – y compris ceux relevant de régimes complémentaires ou additionnels – pourront désormais s’appuyer sur cet outil conventionnel.

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*     *


Chapitre II
Une gouvernance responsabilisant les acteurs

Article 55
Le pilotage financier annuel et pluriannuel du système universel de retraite

L’article 55 définit le cadrage du double pilotage du futur système universel de retraite.

Le pilotage pluriannuel, d’une part, concrétisera l’application de la règle d’or de l’équilibre financier du système de retraite, définie dans le projet de loi organique à un double horizon de cinq et quarante ans. Le conseil d’administration de la nouvelle Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) adoptera des délibérations pour définir la valeur des diffèrentes règles de revalorisation ou d’acquisition des droits, ensuite traduites par voie réglementaire dans le respect de la trajectoire d’équilibre.

Le pilotage annuel, d’autre part, conduira à fixer chaque année les périmètres du système relatifs à la revalorisation des pensions versées, à l’indexation des valeurs d’acquisition et de service du point, à l’âge d’équilibre et au coefficient d’ajustement, au taux de la cotisation d’assurance vieillesse et à l’éventuelle utilisation des ressources placées dans le Fonds de réserves universel (FRU). Ces paramètres seront ensuite traduits par le pouvoir réglementaire – ou directement fixés par lui en cas de carence de la CNRU ou de délibération contraire à la trajectoire d’équilibre financier, à l’appui d’une motivation des motifs de ce rejet.

Le conseil d’administration de la CNRU sera compétent, plus largement, pour formuler des avis sur les projets de réformes législatives ou réglementaires ayant un impact sur l’équilibre financier du système de retraite, et pourra compter sur l’ensemble des travaux du nouveau comité d’expertise indépendant des retraites (CEIR).

L’ensemble des modalités de pilotage financier du système universel de retraite sont définies dans un nouveau chapitre XI du code de la sécurité sociale, inséré dans le nouveau titre IX du livre Ier relatif au nouveau système.

Les quatre sections qui le composent précisent :

– le pilotage pluriannuel, qui conduit à formuler l’évolution envisagée des paramètres du système dans le respect de l’objectif d’équilibre financier (section 1) ;

– le pilotage annuel, qui consiste à fixer la valeur des paramètres financiers du système universel (sections 2 et 3) ;

– les compétences de proposition et de saisine pour avis de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), dès lors qu’un projet de mesure législative ou réglementaire a une incidence financière sur le système universel (section 4).

I.   Le pilotage pluriannuel : le respect de la trajectoire d’équilibre prévue par la règle d’or

● Le pilotage pluriannuel du système universel est défini au nouvel article L. 19-11-2 du code de la sécurité sociale.

Il constitue la traduction institutionnelle de l’objectif d’équilibre financier du nouveau système de retraite.

Confié au conseil d’administration de la CNRU, le pilotage financier pluriannuel implique de distinguer deux horizons temporels :

– un horizon de quarante ans, qui correspond à une projection réalisable à partir des données démographiques disponibles. Cet horizon est celui retenu pour les projections financières du nouveau comité d’expertise indépendant des retraites (CEIR), créé par l’article 56 du projet de loi ;

– un horizon de cinq ans, qui est celui retenu pour la règle d’or du système universel. Cette période quinquennale est celle traditionnellement pour les comptes de la sécurité sociale présentés en loi de financement de la sécurité sociale, et éviter les effets procycliques d’un pilotage trop restreint.

● Ce pilotage financier pluriannuel se traduira par une proposition de la CNRU, qui prendra la forme d’une délibération, transmise au Gouvernement et au CEIR « au plus tard le 30 juin de la première année de la période quinquennale mentionnée au premier alinéa ». Cette échéance correspond à la première année de chaque période de cinq ans retenue pour l’application de la règle d’or.

Les paramètres concernés par cette délibération sont recensés dans le tableau infra.

Paramètres figurant dans la délibération
relative au pilotage pluriannuel

Paramètres financiers

Références dans le code de la sécurité sociale

Âge d’ouverture du droit à retraite

art. L. 191-1

Coefficient de revalorisation annuelle des retraites versées

art. L. 191-6

Coefficient d’ajustement et de l’âge d’équilibre

art. L. 191-5

Taux de revalorisation des valeurs d’acquisition et de service du point

art. L. 191-4

Taux de la cotisation d’assurance vieillesse

art. L. 241-3

Évolution des prestations versées au titre des dispositifs de solidarité, des droits familiaux de retraite et des retraites de réversion

Chapitres V à VII du titre IX du livre Ier (*)

« Le cas échéant », utilisation des produits financiers du Fonds de réserves universel

Section 3 du chapitre 10 du titre IX du livre Ier

(*) La rédaction du projet de loi vise les « chapitres VI à VIII », par erreur de référence.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Cette délibération ne vaut toutefois pas modification des paramètres visés. Il s’agit d’une évolution projetée, suggérée par le conseil d’administration, qui sera ensuite relayée ou non par voie législative ou réglementaire.

pilotage pluriannuel des fixationS des paramètres financiers

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

II.   Le pilotage annuel : La fixation des principaux paramètres financiers du système de retraite

● Le pilotage annuel du système universel est défini aux nouveaux articles L. 19-11-3 à L. 19-11-7 du code de la sécurité sociale.

Il se traduit par la fixation chaque année des principaux paramètres financiers du système de retraite, également sous la forme d’une délibération transmise au Gouvernement.

Il s’agit d’une fixation glissante : à la fixation des paramètres pour l’année à venir, s’ajoute celle – prévisionnelle – des quatre années suivantes.

Les paramètres concernés par cette délibération annuelle sont l’ensemble de ceux visés par le pilotage pluriannuel précisé supra, à l’exception de deux d’entre eux :

– l’âge d’ouverture du droit à retraite, d’une part, qui reste maintenu à 62 ans au niveau législatif ;

– l’évolution des prestations versées au titre des dispositifs de solidarité, des droits familiaux de retraite et des retraites de réversion, d’autre part, dont les paramètres sont également fixés directement par la loi.

Les paramètres concernés sont donc ceux qui relèvent pour leur fixation du pouvoir réglementaire – le pouvoir législatif se limitant à la définition de leurs principes.

● Plusieurs conditions encadrent cette délibération :

– elle doit être transmise au Gouvernement au plus tard le 30 juin de chaque année ;

– elle doit s’inscrire dans le respect de la trajectoire d’équilibre cumulé sur cinq ans, définie par la règle d’or ;

– elle doit prévoir, lorsque le solde du système universel est négatif, les conditions d’apurement du déficit sur une période maximale de dix ans. Elle identifie, à cette fin, les ressources devant y être affectées. Il est précisé que les ressources affectées à cet effet ne sont pas prises en compte dans l’appréciation de la règle d’or sur cinq ans.

Plus substantiellement, la fixation des périmètres relevant de la délibération annuelle est elle-même encadrée sur le fond. Le tableau infra en précise les contours.

Paramètres figurant dans la délibération relative au pilotage annuel

Paramètres financiers

Références dans le code de la sécurité sociale

Encadrement

Coefficient de revalorisation annuelle des retraites versées

art. L. 191-6

Ne peut pas être inférieur à 1

Doit être fixé par la loi si la délibération retient une indexation inférieure à l’inflation (*)

Coefficient d’ajustement et de l’âge d’équilibre

art. L. 191-5

Doit garantir l’évolution de l’âge d’équilibre en fonction de l’espérance de vie

Taux de revalorisation des valeurs d’acquisition et de service du point

art. L. 191-4

Doivent être supérieurs à 0

Ne peuvent pas être inférieurs à l’évolution annuelle des prix hors tabac constatée l’année précédente

Taux des cotisations d’assurance vieillesse

art. L. 241-3

-

« Le cas échéant », utilisation des produits financiers du Fonds de réserves universel

Section 3 du chapitre 10 du titre IX du livre Ier

-

(*) En application du régime de revalorisation de droit commun retenu à larticle L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

● Si l’ensemble de ces conditions sont respectées, la délibération du conseil d’administration est approuvée par décret.

Elle entre alors en vigueur au 1er janvier qui suit.

Dans l’hypothèse contraire de carence – soit en l’absence de délibération, soit en présence d’une délibération contraire à ces conditions, les motifs de rejet devant alors être précisés –, ces paramètres seront directement fixés par voie réglementaire, après avis du CEIR.

Le décret pourra alors fixer des paramètres de revalorisation des valeurs d’acquisition et de service du point, de coefficient d’ajustement et d’âge d’équilibre, et de revalorisation des retraites versées à des valeurs différentes de celles présentées respectivement aux commentaires des articles 9, 10 et 11 du présent rapport.

pilotage annuel des fixationS des paramètres financiers

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

III.   La transmission pour avis à la Caisse nationale de retraite universelle de toute mesure financière

Le dernier volet du pilotage exercé par la CNRU recouvre les propositions et avis pouvant être formulés par la CNRU, visés respectivement aux nouveaux articles L. 19-11-8 et L. 19-11-9 du code de la sécurité sociale.

● Le conseil d’administration de la CNRU pourra proposer au Gouvernement toute modification législative ou réglementaire qu’il estime souhaitable en matière de dépenses ou de recettes du système universel.

La rédaction proposée vise expressément, parmi les dispositions pouvant faire l’objet de telles propositions, les dispositifs de solidarité, de droits familiaux et de réversion, et les conditions d’ouverture des droits.

● L’ensemble des projets de réformes législatives ou réglementaires ayant des incidences sur l’équilibre financier du système universel feront l’objet d’une procédure d’avis.

Tout projet entrant dans ce champ d’incidence sera soumis à l’avis préalable du conseil d’administration de la Caisse.

Cet avis devra être motivé et indiquer au Gouvernement, le cas échéant, si l’un des sept paramètres couverts par le pilotage pluriannuel (cfsupra) devra être modifié en conséquence.

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*     *


Article 56
Instances de suivi et dexpertise du système universel de retraite

L’article 56 définit les missions et les compétences des instances en charge du suivi et de l’expertise du système universel de retraite.

Le nouveau « comité d’expertise indépendant des retraites » (CEIR) succèdera au comité de suivi des retraites (CSR) dans la mission de vérification de l’atteinte par le nouveau système des objectifs qui lui sont assignés par la loi.

Il reprendra également l’essentiel des missions jusqu’ici attribuées au Conseil d’orientation des retraites (COR), en matière d’analyse du système actuel et de projections à moyen et long terme.

Le COR ne disparaît pas pour autant. Il verra son rôle recentré sur sa mission de concertation et de débat indépendants et publics, pouvant formuler toute proposition ou recommandation en matière de retraite. L’articulation de ses nouvelles missions avec celle du CEIR ne relevant pas de l’évidence, les débats parlementaires seront l’occasion de préciser ce futur pilotage de l’expertise financière du système de retraite.

Ce nouveau pilotage conjoint entrera en vigueur au 1er décembre 2020, aux termes du dispositif retenu à l’article 63 du projet de loi.

I.   La substitution du Comité d’expertise indépendant des retraites au Comité de suivi des retraites

L’article 56 substitue au comité de suivi des retraites (CSR), créé par la loi du 20 janvier 2014 ([295]), un comité d’expertise indépendant des retraites (CEIR) en charge du suivi des résultats, du système universel de retraite de l’analyse de ses projections et de la formulation de recommandations.

A.   Les six années d’existence du Comité de suivi des retraites

● Le comité de suivi des retraites constitue le principal apport de la réforme de 2014 en matière de gouvernance.

Devant vérifier l’atteinte des objectifs assignés au système de retraite par la loi, il s’intègre dans un nouveau schéma de pilotage annuel, aux côtés du COR et du Gouvernement.

L’article L. 114-4 du code de la sécurité sociale précise les missions et la composition du CSR.

 Sagissant de ses missions, le CSR doit rendre chaque année, au plus tard le 15 juillet, un avis public indiquant sil considère que le système de retraite « séloigne, de façon significative, des objectifs définis au II de larticle L. 11121 ».

Ces objectifs sont au nombre de quatre :

– le versement d’un niveau de pensions corrélé aux revenus tirés de l’activité, mesuré à partir du taux de remplacement projeté sur dix ans ;

– le traitement équitable des assurés – quels que soient notamment leur sexe, leur régime et leur génération –, vérifié par la durée moyenne de versement de la pension projetée sur vingt-cinq ans et par le taux de remplacement projeté sur dix ans d’un assuré ayant effectué toute sa carrière comme agent sédentaire de la fonction publique de catégorie B ;

– la solidarité à la fois au sein d’une génération – en rapportant la valeur de la pension des 10 % de retraités les moins aisés et la valeur moyenne des pensions de l’ensemble des retraites – et entre générations – à partir du niveau de vie des retraités rapporté à celui de l’ensemble de la population ;

– la pérennité financière du système de retraite par répartition, mesurée à partir du solde comptable annuel des régimes de retraite légalement obligatoires projeté sur vingt-cinq ans.

Outre les indications relatives à l’atteinte ou non de ces objectifs, le CSR doit compléter son avis annuel d’une double analyse :

– l’une relative à la situation comparée des femmes et des hommes au regard de l’assurance vieillesse. Cette situation est évaluée à partir des différents montants de pensions, des durées d’assurance et des conséquences des droits familiaux sur les écarts ;

– l’autre relative à l’évolution du pouvoir d’achat des retraites. Une « attention prioritaire » doit être accordée aux retraités dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté.

● S’agissant de sa composition, le CSR comprend deux femmes et deux hommes, nommés pour cinq ans par décret. Un président, nommé en conseil des ministres, s’y ajoute. Ils sont choisis « en raison de leurs compétences en matière de retraite ».

Un jury citoyen l’accompagne dans ses travaux, comprenant neuf femmes et neuf hommes tirés au sort dans des conditions définies par décret.

B.   Un suivi désormais confié au Comité indépendant d’expertise des retraites

Le du I de l’article 56 intègre, dans le nouveau chapitre du code de la sécurité sociale consacré au pilotage financier du système universel ([296]), une section portant création d’un « comité d’expertise indépendant des retraites » (CEIR).

Le du même I en tire les conséquences en abrogeant les dispositions du droit en vigueur relatives au CSR.

Les nouveaux articles L. 19-11-10 à L. 19-11-16 en définissent la composition, le fonctionnement et les missions.

1.   Une composition resserrée, indépendante et paritaire

● Le CEIR comprendrait six membres – soit deux de plus que l’actuel CSR – auquel s’ajouterait un président.

Plutôt que le procédé actuellement en vigueur d’une nomination par décret, la rédaction proposée duplique celle retenue pour le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), avec :

– deux magistrats de la Cour des comptes, désignés par son premier président ;

– deux membres nommés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat, à condition de ne pas exercer de fonction publique élective ;

– un membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), soumis à la même condition que celle indiquée supra ;

– le directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Contrairement au HCFP, en revanche, le président du CEIR serait nommé par le Président de la République, « en raison de son expertise dans le domaine des retraites ».

La parité sera assurée dans le CEIR, avec deux femmes et deux hommes parmi les membres désignés par les présidents des assemblées et le président du comité. Les deux magistrats de la Cour des comptes seront soumis au même principe paritaire. Lors de la constitution initiale du comité, un tirage au sort déterminera si le membre à désigner doit être un homme ou une femme.

● À l’exception du directeur général de l’INSEE, l’ensemble des membres seraient nommés pour cinq ans, leur mandat étant renouvelable une fois.

Les deux magistrats de la Cour des comptes et les deux membres nommés par les présidents des assemblées parlementaires seraient renouvelés par moitié tous les trente mois.

Il serait procédé au remplacement du membre en cas de décès ou de démission, pour la durée du mandat restant à courir.

● Des garanties sont posées pour assurer l’indépendance du CEIR :

– la cessation anticipée des fonctions d’un membre du CEIR – en cas d’incapacité physique permanente ou d’un manquement grave à ses obligations – serait conditionnée à l’avis conforme émis à la majorité des deux tiers des autres membres ;

– aucune instruction ne peut être sollicitée ou reçue par un membre du CEIR, dans l’exercice de ses fonctions, auprès du Gouvernement ou de toute autre personne.

L’ensemble des dépenses du CEIR seront ordonnancées par le président du comité, leur fixation relevant du domaine des lois de finances, par exemple via la création d’un programme spécifique au sein de la mission Conseil et contrôle de lÉtat.

● Les membres du CEIR entreront, enfin, dans le champ des obligations applicables en matière de transparence et de déontologie.

Ils devront transmettre une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêt au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonction.

Cette obligation s’appliquera également au directeur général ou secrétaire général du futur CEIR et à ses adjoints.

Le II de l’article 56 introduit cette modification dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([297]).

2.   La coopération de l’ensemble des organismes extérieurs

Afin de pouvoir disposer de l’ensemble des informations nécessaires à l’exercice de ses missions, le CEIR pour émettre toute demande d’information estimée nécessaire.

Ces demandes pourront aussi bien être adressées au Gouvernement et à la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), qu’à tout organisme ou personnalité extérieure.

Elles seront complétées par l’audition des acteurs du système de retraite et des spécialistes des domaines de la statistique et de la prévision démographique et économique.

3.   Une triple mission de suivi, d’analyse et de recommandation

● Le CEIR ne reprend pas à champ constant les missions jusqu’ici exercées par le CSR.

Si la triple compétence de suivi, d’analyse et de recommandation est bien reprise par le droit proposé, sa déclinaison et son contenu diffèrent toutefois.

La modification la plus substantielle réside dans le transfert d’une partie des missions actuellement attribuées au COR en matière d’analyses et de projections ([298]).

● La logique actuellement applicable au CSR – consistant à formuler des recommandations en cas de non-respect des objectifs assignés au système de retraite – est pour l’essentiel reproduite au CEIR.

Sa traduction en publication et leur périodicité sont en revanche modifiées.

À l’avis public annuel, émis au plus tard le 15 juin de chaque année, succèdent trois travaux écrits, recensés dans le tableau infra.

Les trois catégories de publications du futur CEIR

Publication

Échéance

Contenu

Rapport quinquennal relatif au pilotage du système universel de retraite

Au plus tard le 31 janvier de l’année précédant la première année de la période couverte par la délibération relative aux paramètres retenus par la CNRU pour assurer le respect de la « règle d’or » des retraites (*)

Prévisions, à horizon de quarante ans, de l’évolution de l’environnement économique générale et de la population couverte, notamment en termes d’effectifs, d’assiette de cotisation et d’espérance de vie. Ces prévisions comprennent plusieurs scénarios dont un scénario central

Prévision, à horion de quarante ans, d’une tendance démographique de long terme de la population en âge de travailler

Propositions d’évolution des paramètres sur lesquels la CNRU délibère (*)

Avis public sur des délibérations et projets de décrets

Le mois qui suit la transmission de la délibération ou du projet de décret

L’avis porte une analyse de l’impact sur la viabilité financière et sur les objectifs du système de retraite des délibérations de la CNRU fixant les paramètres (*) ou, en cas de carence, du décret les fixant

Rapport public annuel

Au plus tard le 30 avril de chaque année

Actualisation des prévisions macroéconomiques et évaluation des écarts à la trajectoire financière pluriannuelle

Présentation des résultats des indicateurs de suivi

Indications sur l’éloignement du système universel, de façon significative, des objectifs et examen de la situation du système au regard, en particulier, de la prise en compte de la pénibilité au travail et des dispositifs de départ en retraite anticipée

Analyse de la situation comparée des femmes et des hommes au regard de l’assurance vieillesse

Analyse de l’évolution du pouvoir d’achat des retraités

(*) Âge légal ; coefficients de revalorisation ; âge déquilibre et coefficient dajustement ; taux de revalorisation des valeurs de service et dachat du point ; taux de la cotisation dassurance vieillesse ; évolution des prestations versées au titre des dispositifs de solidarité ; utilisation des produits financiers du Fonds de réserve universel.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

C.   Les dispositions transitoires

Le III de l’article 56 précise le régime de transition entre l’actuel CSR et le futur CEIR.

Il prévoit, tout d’abord, une installation du CEIR en « janvier 2021 » (A du III). À cette date, les mandats des membres du CSR prendront fin (B du III).

Il aménage, ensuite, la durée du mandat d’une partie des membres du CEIR lors de leur première désignation (A du III). Contrairement à la durée de cinq ans prévue pour ses membres (cfsupra), l’un des deux membres issus de la Cour des comptes et l’un des deux membres désignés par les présidents des assemblées parlementaires verront la durée de leur mandat abaissée à trente mois. Les deux membres concernés par cette durée réduite seront tirés au sort, dans des conditions fixées par décret. Ce premier mandat réduit ne sera toutefois pas comptabilisé comme un premier mandat ; les membres concernés pourront donc être renouvelés, exceptionnellement, à deux reprises.

Il précise, enfin, que l’ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires jusqu’à l’entrée en vigueur du système universel seront pris en compte dans les missions du CEIR (C du III). Cette précision garantir la prise en compte de l’ensemble des régimes aujourd’hui dans le champ des projections du COR et des analyses du CSR.

II.   La transformation mal cernée du Conseil d’orientation des retraites dans le système universel

L’article 56 reconduit par ailleurs l’existence du Conseil d’orientation des retraites (COR) dans le système universel. Le maintien de cette structure et de sa dénomination ne doit toutefois pas masquer la transformation substantielle de son champ d’action.

A.   Le COR comme pilier de l’analyse financière du système

● Le Conseil d’orientation des retraites a été créé en 2000 afin d’institutionnaliser un espace de concertation et d’expertise sur la situation et les projections du système de retraite.

Indépendante et pluraliste, cette instance définit elle-même son programme de travail annuel et se réunit mensuellement sur des dossiers thématiques. Ses travaux font l’objet de publications et de colloques.

Outre ce programme de travail, le COR prépare chaque année un rapport public, prévu par l’actuel article L. 114-2 du code de la sécurité sociale.

Ce rapport, qui porte sur les projections du système de retraite à moyen et long terme, doit être publié chaque année avant le 15 juin. Il sert ensuite de base de travail aux analyses du CSR.

En outre, le même article prévoit également un rapport exhaustif sur la situation financière de l’ensemble des régimes de retraites, à un rythme au maximum quinquennal.

● Le COR est composé de représentants du Parlement, des organisations syndicales, familiales et sociales les plus représentatives et des départements ministériels intéressés. Des personnalités qualifiées s’y ajoutent.

Son président est nommé en Conseil des ministres.

Placé auprès du Premier ministre, le COR compte actuellement quarante membres et s’appuie sur un secrétariat général composé de neuf membres.

B.   La mutation du COR

Le COR se transforme aussi bien dans ses missions que dans sa composition.

Ces modifications, qui figurent aux nouveaux articles L. 19-11-17 et L. 19‑11‑18 du code de la sécurité sociale ( du I), se substituent aux dispositions en vigueur, en conséquence abrogées ( du I).

● La création du système universel conduit le COR à se délester d’une large partie de ses attributs.

L’essentiel de ses missions jusqu’ici prévues par le code de la sécurité sociale seront assurées, demain, par le CEIR.

Le COR deviendra une instance en charge « de formuler toutes recommandations ou propositions en matière de retraite, sur la base des rapports produits par le [CEIR], et de contribuer au débat public sur les retraites ».

● La composition du COR évolue également, bien que plus marginalement.

Outre son président, qui restera nommé par le Président de la République, le COR comprendra toujours des représentants du Parlement, des organisations professionnelles, syndicales, familiales et sociales les plus représentatives et des départements ministériels intéressés.

Les modifications apportées recouvrent :

– le nombre de parlementaires présents. Quatre députés et quatre sénateurs sont mentionnés expressément. Cette précision de droit ne changera pas la situation de fait, huit parlementaires étant déjà membres du COR ;

– le principe de parité devra être respecté pour les désignations de ces parlementaires, ainsi que pour celles des personnalités qualifiées.

● Ne relevant pas de l’évidence, le futur rôle du COR méritera d’être précisé dans les débats parlementaires. La seule lecture du dispositif proposé n’emporte pas une clarté et une complémentarité évidentes avec le futur CEIR, interrogeant dès lors sur l’opportunité de modifier la rédaction proposée.

III.   Synthèse des nouveaux périmÈtres d’expertise du système universel

La comparaison des missions exercées par les différentes instances de suivi et d’expertise du système de retraite est rendue délicate par la juxtaposition des périmètres. En outre, la création du système universel est l’occasion de rafraîchir certaines rédactions ou d’actualiser certaines missions, rendant d’autant plus sensible l’analyse comparée.

Une fois ces précautions exprimées, une comparaison des prérogatives de chaque instance – entre le droit en vigueur et le droit proposé – peut être essayée. Sa motivation réside davantage dans le souci de clarté que dans celui d’exhaustivité.

PrÉsentation comparée des instances en charge de
l’expertise relative au système de retraite

Mission

Droit en vigueur

Droit proposé

Décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long terme du système de retraite

COR

CEIR

Suivre lévolution du financement du système
de retraite

COR

CEIR

Participer à linformation sur le système de retraite

COR

CEIR

Suivre la mise en œuvre du système de retraite

COR

CEIR

Suivre lévolution des niveaux de vie des actifs et des retraités, ainsi que de lensemble des indicateurs de la retraite, dont les taux de remplacement

COR

CEIR

Apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière du système de retraite

COR

CEIR

Mener une réflexion sur le financement du système de retraite

COR

CEIR

Analyser les phénomènes pénalisant les retraites
des femmes

CSR

CEIR

Formuler toutes recommandations ou propositions de réforme de nature à faciliter la mise en œuvre des objectifs et principes du système de retraite

CSR

CEIR

Formuler des recommandations ou propositions et contribuer au débat public sur les retraites

-

COR

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

*

*     *


Articles 57
Création dune conférence sur léquilibre et le financement des retraites

L’article 57 renvoie à une ordonnance la définition des mesures relevant du domaine de la loi destinées à atteindre l’équilibre financier de l’ensemble des régimes de retraite de base en 2027.

La création du système universel sur des bases financières saines et solides est un engagement fort du Gouvernement et de la majorité parlementaire, comme l’illustre également la règle d’or d’équilibre financier définie dans le projet de loi organique.

Confié à une conférence sur l’équilibre et le financement des retraites, ce retour à l’équilibre prendra la forme de mesures inscrites dans une ordonnance publiée dans les trois mois suivant la promulgation de la loi.

À défaut d’accord de cette conférence, qui rassemble les partenaires sociaux et des représentants de l’État le Gouvernement a annoncé qu’un dispositif « en dur » remplacerait cette habilitation, afin de garantir l’effectivité du retour à l’équilibre à l’horizon 2027.

I.   L’indispensable retour à l’équilibre en 2027

Construire un système universel sur des fondations financières saines et solides n’est pas une option.

Corollaire de la pérennité du nouveau système, il est le pendant de la règle d’or d’équilibre financier du système de retraite, définie à l’article 1er du projet de loi organique et prenant le relais à compter de 2027.

Le commentaire de cet article présente, en détails, ces différents enjeux financiers et les projections retenues par le Conseil d’orientation des retraites.

S’agissant de l’article 57, seule la trajectoire d’ensemble doit être rappelée, reproduite dans le schéma infra avec les trois conventions retenues.

Soldes du système de retraite en % du PIB observés et projetés

Source : rapports à la Commission des comptes de la sécurité sociale 2010 – 2019 ; projections COR – novembre 2019.

II.   Le double choix de la concertation et de la responsabilité

● La rédaction de l’article 57 porte un double choix :

– le choix de la concertation, dans un dialogue nourri avec les partenaires sociaux. Proposée par le secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la conférence dite « sur léquilibre et le financement des retraites » réunit depuis le 30 janvier 2020 les partenaires sociaux et des représentants de l’État pour déterminer les paramètres à actionner pour garantir cet équilibre en 2027 ;

– le choix de la responsabilité. L’absence d’accord de cette conférence, qui serait collectivement regrettée, impliquerait d’inscrire dans la loi, au cours de la discussion parlementaire, des mesures effectives de retour à l’équilibre à l’horizon 2027.

● Deux hypothèses doivent être distinguées, reproduites dans le schéma infra : soit la conférence s’accorde sur une ou plusieurs mesures garantissant le retour à l’équilibre, qui seront alors traduites à l’échelle législative par une ordonnance publiée dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, et faisant l’objet d’un projet de loi de ratification déposé au Parlement dans les trois mois suivant sa publication ; soit la conférence conclut à un désaccord, ouvrant la voie à l’inscription des mesures d’équilibrage financier prévues directement dans le projet de loi en discussion.

HypoThèses relatives au retour à l’équilibre financier

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Chapitre III
Un financement simplifié et mutualisé

Section 1
Une intégration financière complète

Article 58
Nouvelle architecture financière du système de retraite

L’article 58 dessine la nouvelle architecture financière du système universel de retraite articulée autour :

– d’un périmètre défini largement en termes de recettes et de dépenses ; ce sont ces éléments qui permettront d’apprécier le solde et donc l’équilibre du système en loi de financement de la sécurité sociale au regard des « règles d’or » prévues par le projet de loi organique ;

– d’un nouveau mécanisme d’intégration financière généralisé auprès de la Caisse nationale de retraite universelle au plan comptable et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) au plan de la trésorerie, puisque l’Agence assurera les ressources non pérennes de l’ensemble du système ; il sera donc définitivement mis fin à la compensation démographique entre régimes.

Le Gouvernement est par ailleurs habilité par cet article à prendre des mesures techniques par voie d’ordonnance dans trois domaines :

– la gestion de trésorerie par l’ACOSS des régimes du système universel de retraite ;

– la reprise d’actifs par cette même ACOSS pour couvrir les besoins en fonds de roulement de certains régimes ;

– les règles d’établissement et de validation des comptes de ces régimes.

I.   l’architecture financière actuelle du système de retraite

L’histoire de la construction des régimes de retraite en France a produit un paysage éclaté et difficile à reconstituer exhaustivement. La création des lois de financement de la sécurité sociale en 1996 pour les régimes obligatoires de base puis du Conseil d’orientation des retraites (COR) en 1999 a permis de développer une connaissance plus approfondie, avec l’agrégation de ces données atomisées. Il est donc désormais possible, à condition de ne pas prétendre à l’exhaustivité, d’esquisser un équilibre entre les ressources et les dépenses du système de retraite.

A.   les ressources du système de retraite

La présentation des ressources du système de retraite suppose de présenter tout dabord limportance quy jouent les cotisations, dans une logique encore très largement assurantielle, sans oublier la part importante des autres ressources qui financent le système de retraite. Les chiffres disponibles variant dune source à lautre et surtout en fonction de lannée de référence (2017, 2018, 2019 et parfois 2020), ce sont les ordres de grandeur qui importent dans le présent commentaire davantage que les chiffres eux-mêmes.

1.   Un financement de la retraite assis sur des cotisations dans tous les régimes

Malgré la coexistence de nombreuses règles d’assujettissement et de cotisations, le système français de retraite actuel repose d’ores et déjà sur un principe de financement partagé par l’ensemble des régimes, à savoir une cotisation obligatoire qui assure l’essentiel du financement des droits.

a.   Une obligation de cotiser pour l’ensemble des actifs

Les différentes cotisations d’assurance vieillesse des régimes de base ou de certains régimes complémentaires constituent des prélèvements obligatoires. Elles se distinguent donc des cotisations d’assurance vieillesse supplémentaire, de prévoyance ou d’assurance privée.

● La notion même de régime obligatoire de base renvoie à une obligation d’affiliation, laquelle entraîne à son tour une obligation de cotisation comme contrepartie du droit aux prestations de ce régime.

Ainsi, le principe de base de la sécurité sociale depuis 1945 ([299]) est la « couverture des charges » de l’assurance vieillesse de base, comme des dépenses des autres « branches » d’ailleurs, par des cotisations assises sur les revenus d’activité des travailleurs salariés et assimilés.

La plupart des régimes de base d’assurance vieillesse, au premier rang desquels celui des travailleurs salariés, aujourd’hui géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), fonctionnent sur ce schéma.

Ainsi, l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit le principe d’une « contribution employeur » à la charge de l’État ainsi que d’une cotisation « à la charge des agents », assises sur leur traitement ou leurs primes ([300]).

La loi a également rendu obligatoire des cotisations pesant sur le revenu d’activité des travailleurs non salariés.

 Pour les régimes complémentaires dorigine conventionnelle, les dispositions dassujettissement ont également reçu force législative ([301]), permettant ainsi dappliquer lobligation de cotisation très au-delà des seuls salariés et entreprises adhérents de ces organisations syndicales et patronales signataires de ces conventions.

b.   Une part essentielle du financement du système de retraite

Quoique variable en fonction des régimes considérés, le financement par les cotisations est prépondérant dans le financement de l’ensemble du système de retraite. D’autres ressources participent néanmoins au financement de droits, y compris ceux dits « contributifs ».

i.   La place centrale des cotisations dans le financement

 Les cotisations représentent au total 80 % des ressources du système obligatoire de retraite (259 milliards deuros en 2018 – source COR), à hauteur de 68 % pour les cotisations sociales de lensemble des employeurs hors État et 12 % pour les cotisations implicites de lÉtat en tant quemployeur (40 milliards deuros).

Le risque « vieillesse » demeure donc principalement financé de manière contributive, le versement de cotisations étant directement lié à l’inscription de droits à pension.

Schéma simplifié du financement du système de retraites

Source : COR.

● Ce niveau est néanmoins très variable en fonction des régimes :

– certains régimes sont presque entièrement financés par des cotisations (> 95 %) : c’est le cas des régimes de base des agents publics (fonction publique d’État et Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales – CNRACL) ; sont également dans cette catégorie la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ainsi que ses régimes complémentaires professionnels ; historiquement, ce financement par la cotisation n’a été « perturbé » ni pas les allégements de cotisations, dont les employeurs publics ne bénéficient pas, ni par des compensations financières importantes en vue de faire à des difficultés démographiques ([302]) ;

 à linverse, dans certains régimes, les cotisations occupent une part minoritaire de leur financement, principalement pour des raisons démographiques : sont ainsi concernés le régime des salariés agricoles (43 %), les régimes de base (15 %) et complémentaire (42 %) des exploitants agricoles, mais aussi les régimes spéciaux de la SNCF (36 %), de la RATP (41 %) ou des industries électriques et gazières (44 %) ; la faible part des cotisations dans le financement de ces régimes est la conséquence directe des ratios démographiques défavorables de ces professions ;

– enfin, tous les autres régimes sont financés très majoritairement par les cotisations, tout en conservant une part non négligeable d’autres sources de financement : c’est notamment le cas de la CNAV (64 %), en raison des allégements de cotisations patronales de sécurité sociale, du régime AGIRC-ARRCO (86 %), qui bénéficie de ressources issues d’allégements de cotisations mais aussi du placement de ses réserves ou encore de l’IRCANTEC (84 %), qui bénéficie également d’importantes ressources de gestion.

Structure des ressources en fonction des différents régimes

Source : COR.

Les allégements de cotisations dassurance vieillesse en 2019

Les cotisations d’assurance vieillesse font l’objet, comme d’autres cotisations quoique dans une moindre mesure, de mesures d’allégement ou d’exonération prises dans le cadre des politiques de soutien à l’emploi ou au pouvoir d’achat.

Pour les salariés du secteur privé

S’agissant du versant « patronal » de ces cotisations pour le régime de base, outre des exonérations spécifiques de cotisations vieillesse, ce sont surtout les allégements dits « généraux » qui ont conduit à une réduction de la part relative des cotisations dans le système généraux. Sans prétendre présenter exhaustivement les dix-neuf modifications législatives intervenues depuis 1993 sur ce dispositif – au demeurant retracées à l’annexe 5 des projets de lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) ([303]), on peut en rappeler les deux « épisodes » les plus récents et les plus significatifs :

– depuis la LFSS rectificative 2014 ([304]), le barème de ces allégements généraux part d’un coefficient maximal au niveau du SMIC neutralisant l’ensemble des cotisations sociales pour s’annuler à 1,6 SMIC pour un montant d’environ 7 milliards d’euros en 2019 ([305]) ;

– depuis la LFSS 2018, modifiée par la LFSS 2019 ([306]), ce barème a été renforcé et étendu aux cotisations AGIRC-ARRCO pour un montant de 5,2 milliards d’euros en 2019.

Sur le volet « salarial », on peut également citer l’exonération de cotisations salariales sur les rémunérations résultant d’heures supplémentaires et complémentaires, issu de la LFSS 2019 modifiée par la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales, pour un total de 1,64 milliard d’euros en 2019.

Pour les fonctionnaires et autres agents détablissements publics

Les employeurs publics ne bénéficient pas des mesures de réduction des cotisations « patronales ». En revanche, les agents publics bénéficient de la mesure relative aux heures supplémentaires en application du III de larticle L. 241-17 du code de la sécurité sociale.

Pour les travailleurs non salariés

Dans la mesure où ils sont leur propre employeur, les travailleurs non salariés bénéficient de dispositifs d’allégements qui leur sont spécifiques (dispositif ACCRE dit de l’« année blanche », dispositifs spécifiques à certains territoires comme Mayotte...).

Pour lensemble des cotisants

Ces allégements nont pas dincidence sur les droits constitutés par les actifs concernés : les droits sont inscrits au compte comme si les redevables de la cotisation lacquittaient effectivement.

Sur un plan financier, les pertes de recettes ont été en général compensées par différents moyens (transfert de ressources fiscales notamment), sous réserve des dispositions de non-compensation prises dans les LFSS 2018 et 2019.

ii.   Les autres sources de financement

Les 20 % restants sont issus des sources suivantes dans un ordre décroissant ([307]) :

– 12 % de fiscalité (37,3 milliards d’euros) ;

– 4 % de transferts d’autres branches de la sécurité sociale ;

– 3 % de subventions d’équilibre de l’État vers les régimes spéciaux ;

– 2 % de recours à la dette.

structure des ressources du système de retraite sur moyenne période
(2004-2018)

Source : COR.


Les ressources fiscales du système de retraite concernent essentiellement les régimes de base dans les proportions suivantes :

Les ressources fiscales affectées au système de retraite en 2020
(par ordre décroissant)

(en millions deuros)

Impôt concerné

Affectataire précis

Montant

Contribution sociale généralisée (placements - patrimoine)

FSV

11 882

Contribution sociale généralisée (remplacement)

FSV

5 268

Taxe sur les salaires

CNAV

7 739

Forfait social

CNAV

5 407

Taxe sur la valeur ajoutée

AGIRC-ARRCO

5 200

Contribution sociale de solidarité sur les sociétés

CNAV

4 016

Contribution tarifaire d’acheminement

CNIEG

1 592

Droits de circulation sur les bières et boissons non alcoolisées

Exploitants agricoles (base)

1 074

Droits de consommation sur les alcools (fraction de 39,59 %)

Exploitants agricoles (base)

852

Cotisation sur les alcools de plus de 18°

Exploitants agricoles (base)

745

Droits de consommation sur les alcools (fraction de 13,81 %)

Exploitants agricoles (complémentaire – RCO)

297

Droits de circulation sur les vins, poirés et hydromels

Exploitants agricoles (base)

116

Droits de plaidoirie

CNBF

92

Droit de consommation sur les produits intermédiaires

Exploitants agricoles (base)

66

Contribution sur les avantages de préretraite d’entreprise

CNAV

64

Droits de consommation sur les tabacs

RAVGDT

58

Contribution sur les retraites chapeaux

CNAV

42

Contribution sur les indemnités de mise à la retraite

CNAV

42

Redevances UMTS 3G et 2G

CNAV

23

Contrats d’assurance sur la vie ou participation et intéressement en déshérence

CNAV

15

TOTAL

35 685

Source : Commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite, à partir de lannexe 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 et de lannexe « Voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2020.

Les régimes de base de retraite sont reliés pour certains d’entre eux par d’importantes relations financières, destinées notamment à faire assurer par le régime général de la sécurité sociale un certain nombre de compensations démographiques (cf. infra). Ces relations sont par construction neutres en termes de financement du système de retraite dans son ensemble.

Par ailleurs, des transferts financiers au système de retraite assurent des transferts vers la branche vieillesse :

– le transfert par l’État de subventions d’équilibre vers dix régimes spéciaux de retraite ([308]) pour un total de 6,2 milliards d’euros en 2020 ;

– le financement par la branche famille du financement de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) pour 5 milliards d’euros et des majorations de pensions dont bénéficient les parents ayant élevé trois enfants pour 5 milliards d’euros également.

Par construction, les déséquilibres du régime de retraite sont financés d’une manière ou d’une autre par un mécanisme d’endettement.

S’agissant du déficit du régime général, c’est l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui couvre les besoins de trésorerie nouveaux (déficit de 2,7 milliards d’euros en 2020), bien que le portage de ces déficits sociaux qui s’accumulent ne soit pas sa mission première (article L. 225-1 du code de la sécurité sociale).

Par construction, les régimes intégrés n’ont pas de déficit, car celui-ci est mécaniquement transféré vers la CNAV.

S’agissant des autres régimes, ils ne peuvent le plus souvent pas être endettés, mais peuvent résoudre des problèmes de trésorerie avec le concours de l’ACOSS dans la limite de plafonds votés chaque année en LFSS.

Les plus ou moins importantes réserves constituées par certains régimes peuvent par ailleurs produire des revenus financiers, qui occupent néanmoins à ce stade une part marginale du financement du système de retraite. Ces produits sont d’ailleurs exclus des prévisions du conseil d’orientation des retraites.


B.   Les charges du système de retraite

La connaissance des dépenses du système de retraite est moins exhaustivement retracée dans la documentation disponible :

– le COR fait état dans ses rapports annuels d’une masse de pensions en pourcentage du PIB (13,8 % en 2018, soit 324,9 milliards d’euros) et distingue :

– le programme de qualité et d’efficience (PQE, annexé au PLFSS), qui présente des chiffres relativement proches mais avec une année « de retard » par rapport au COR (2017 pour le PQE annexé au PLFSS 2020) ; il permet de distinguer les pensions de droit direct versées par les seuls régimes de base (199,1 milliards d’euros en 2017), par les régimes complémentaires (78,3 milliards d’euros) et les pensions de droit dérivé (36,5 milliards d’euros) ; il distingue également les principaux régimes par le volume de dépenses et notamment le régime général (131,9 milliards d’euros en 2018 – cf. graphique infra).

Source : PQE « Retraites » annexé au PLFSS 2020.

– enfin, les comptes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) permettent d’isoler un certain nombre de dépenses de solidarité sur un périmètre qui n’est toutefois pas exhaustif ; on estime ainsi entre 20 et 25 % les dépenses totales de solidarité alors que le FSV représenterait environ 6 % des dépenses du système universel de retraite ([309]).

D’autres documents peuvent également participer à l’information sur des bases plus partielles, notamment dans le cadre du projet de loi de finances sur les régimes spéciaux.

Dans un souci de transparence sur les limites de l’existant en la matière, le Gouvernement a recensé l’ensemble des documents à manipuler pour avoir une information complètement exhaustive en matière de retraite, en distinguant le niveau de précision des données financières disponibles.

Documentation disponible sur les dépenses du système de retraite

 

Vision consolidée

Champ

Niveau de détail des données financières

Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale

Non, uniquement régime par régime

Tous les régimes de base et complémentaires et fonds

Fin (détail des dépenses et des produits)

LFSS en chiffres

Oui

Tous les régimes de base + FSV

Agrégé (dépenses, recettes)

Annexe B à la loi de financement de la sécurité sociale

Oui

Tous les régimes de base + FSV

Agrégé (dépenses, recettes, solde)

Rapport annuel du COR

Oui

30 principaux régimes de base et complémentaires + FSV

Moyen (en points de PIB ; principaux agrégats financiers : droits directs, droits dérivés, cotisations salariales, produits et charges techniques, etc.)

Annexes au PLF (jaunes budgétaires)

Non, uniquement régime par régime

Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique : Régimes de base et complémentaires de la fonction publique

 

Bilan des relations financières entre lÉtat et la protection sociale : Montant des subventions budgétaires versées à certains régimes de retraite, montant des impôts et taxes reçus par la branche vieillesse

Moyen (principaux agrégats financiers : droits directs, droits dérivés, cotisations salariales transferts, etc.)

LPFP

Oui

Agrégation régimes de base + régimes sociaux

Régimes complémentaires

Agrégé (dépenses, recettes, solde)

Compte général de lÉtat

Non, uniquement régime par régime

Principaux régimes équilibrés par l’État (SRE, FSPOEIE, SNCF, RATP, Mines, SEITA)

Agrégé (dépenses, recettes, solde et besoins de financement)

Source : étude d’impact.

C.   Les relations financières entre les régimes de retraite

Les relations entre régimes d’assurance vieillesse sont régies par des interactions plus ou moins intenses :

– certains régimes font l’objet d’une intégration financière, c’est-à-dire une solidarité totale des comptes de ces régimes : c’est le cas du régime des salariés agricoles (MSA) avec le régime général ([310]) ; dans cette configuration, un éventuel déficit de la MSA‑salariés est immédiatement couvert par une subvention d’équilibre du régime général (et réciproquement, sur un plan théorique) ; la situation est un peu différente pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants (ex-RSI), désormais entièrement absorbée par le régime général ([311]) ;

– d’autres régimes font l’objet de compensations financières, partielles cette fois : c’est le mécanisme de la « compensation démographique généralisée » prévue à l’article L. 134-1 du code de la sécurité sociale ; ces transferts financiers sont calculés de telle sorte que des régimes dont la situation démographique est favorable apportent leur contribution à des régimes dont les ratios sont moins favorables ; ces transferts sont calculés aujourd’hui sur une référence commune en matière de cotisations et de prestations, parfaitement conventionnelle, qui permet de faire le départ entre des régimes contributeurs ou bénéficiaires nets ; en 2017, les flux qu’impliquait cette compensation démographique généralisée représentaient 7,4 milliards d’euros, le premier contributeur étant le régime général, puis les collectivités territoriales, l’État et les régimes de professions libérales, tandis que les principaux bénéficiaires sont les régimes agricoles.

D’autres mécanismes spécifiques jouent un rôle relativement moins important comme :

– les transferts réalisés dans le cadre de la liquidation unique pour les régimes dits « alignés » (LURA), qui fait obligation au dernier de ces régimes de liquider les droits pour l’ensemble de ces régimes (régime général, régime des salariés agricoles et, avant sa disparition, Régime social des indépendants) ;

– l’adossement particulièrement complexe de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) ;

L’adossement de la CNIEG :
une tuyauterie symptomatique d’un système fragmenté

Depuis 2005, la caisse gérant le régime des salariés du régime spécial des industries électriques et gazières (ancien « IEG Pensions » d’Électricité de France – EDF) a été « adossée » financièrement aux régimes de base et complémentaire des salariés du privé (CNAV, AGIRC-ARRCO), dans le contexte de la privatisation d’EDF.

Depuis, la CNIEG voit le financement des retraites équivalentes à celles versées aux salariés dans les conditions de droit commun revenir à la CNAV et l’AGIRC-ARRCO. En « échange », elle verse l’équivalent des taux de cotisation de droit commun à ces régimes.

L’écart entre les deux flux est neutralisé par le versement d’une « soulte » – c’est-à-dire une contribution exceptionnelle, forfaitaire et libératoire – et par une reprise.

Sources : étude d’impact ; note de la CNIEG transmise au COR le 29 mars 2017 : https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2019-06/doc-3872.pdf

 

 

 

 

 

 

SchÉma reprÉsentant les transferts au sein des régimes obligatoires d’assurance vieillesse

Source : étude d’impact

II.   L’article 58 propose une nouvelle architecture financière articulée autour de la caisse nationale de retraite universelle

A.   Un nouvel équilibre général assuré par la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU)

Le du I crée une section relative aux ressources et charges du système universel de retraite comportant un premier article L. 19-10-1, relatif aux ressources du système universel de retraite, qu’on présentera tour à tour. Il est ainsi prévu que la caisse enregistrera les opérations suivantes en ressources et en charges.

1.   Les ressources du nouveau système universel de retraite

Le nouveau système sera donc financé par les cotisations suivantes :

– les cotisations dues par les salariés au titre de l’article L. 241-3 ([312]), et par renvoi celles des fonctionnaires et des non-salariés (indépendants, agricoles, libéraux) ;

– les cotisations des professionnels de santé prises en charge par les caisses d’assurance maladie dans les conditions prévues à l’article L. 611-3 ;

– les cotisations minimales des travailleurs non-salariés prévues à l’article L. 611-5 ([313]) ;

– les cotisations forfaitaires des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés prévues aux articles L. 645-2 et L. 645-3 au titre des régimes des avantages supplémentaires vieillesse (ASV et PCV ([314])) ;

– ces mêmes cotisations pour les régimes de prestations complémentaires vieillesse pour les médecins non salariés en secteur 1 ou 2, les chirurgiens‑dentistes, les sages-femmes ou les étudiants en médecine dont l’affiliation est obligatoire en application de l’article L. 722-1 ;

– les cotisations spécifiques dues par les employeurs des fonctionnaires concourant à des missions publiques de sécurité y compris civile, de surveillance douanière ou pénitentiaire ou de contrôle aérien prévues à l’article L. 723-1 ([315]) ;

– les cotisations dues à la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) en application de l’article L. 723-5 ;

– les cotisations spéciales dues par les employeurs des militaires en application de l’article L. 724-11 ;

– la cotisation supplémentaire due par les employeurs des militaires en application de l’article L. 724-12 ;

– la cotisation additionnelle due par les employeurs des militaires en application de l’article L. 724-13 ;

– la cotisation spécifique due par les employeurs des militaires en application de l’article L. 724-15 ;

– la cotisation complémentaire due par les employeurs des militaires en application de l’article L. 724-16 ([316]) ;

– la cotisation transitoire due par les employeurs de fonctionnaires, faisant l’objet d’une habilitation au V de l’article 38 du projet de loi ([317]) ;

– la cotisation transitoire due par les employeurs de salariés de régimes spéciaux, faisant l’objet d’une habilitation au IV de l’article 39 du projet de loi ([318]) ;

– une fraction des cotisations issues du régime microsocial prévu à l’article L. 613-7 et désormais à l’article L. 613-7-1, qui permet à ces micro‑entrepreneurs de « surcotiser » ([319]) ; les cotisations dues à ce titre étant indivises (taux unique proportionnel appliqué au chiffre d’affaires), seule une partie peut en effet revenir au risque « vieillesse » ;

– la cotisation de solidarité due par les exploitants agricoles en application de l’article L. 731-23 du code rural et de la pêche maritime ;

– les cotisations des exploitants agricoles ainsi que celles dues au titre de leurs aides familiaux ou de leurs collaborateurs d’exploitation et d’entreprise en application de l’article L. 732-65 du même code ([320]) ;

– les cotisations des marins et les contributions des armateurs prévus à l’article L. 5553-5 du code des transports.

Le Fonds de solidarité vieillesse universel, qui a pour mission de porter le financement des dispositifs de solidarité, a vocation à être consolidé dans les comptes du FSVU, avec ses ressources. On notera que le transfert du FSVU à certains régimes n’est quant à lui pas enregistré, afin d’éviter tout « doublon » de comptabilisation.

Le Fonds de réserves universel pourra alimenter le système universel de retraite en versant le produit de ses placements, permettant ainsi de constituer des ressources pour le système. On peut relever qu’il s’agit bien du produit des placements et non de « décaissement » des réserves elles-mêmes.

Comme dans le droit en vigueur, le FCAATA assurera le financement des cotisations des travailleurs bénéficiant de l’allocation de cessation anticipée d’activité au titre de l’amiante. D’après les prévisions faites à l’annexe 8 du PLFSS 2020, les montants concernés, en constante diminution depuis plusieurs années, pourront atteindre 40 millions d’euros en 2023.

Cette disposition constitue, contre toute attente, une innovation. Les sommes concernées sont en tout état de cause très limitées chaque année.

Cette disposition « balai » précise que devra être intégrée dans le champ du système universel, toute ressource qui lui est affecté par détermination de la loi.

Cette disposition a une importance toute particulière, compte tenu des modalités de compensation qui restent encore à définir de la baisse « mécanique » de la contribution des employeurs publics au système, au premier rang desquels l’État. Cette baisse résulterait de la diminution des cotisations versées par ces employeurs au titre des fonctionnaires, par application d’un taux uniforme de 28,12 % à l’ensemble des actifs.

2.   Les charges du nouveau système universel de retraites

● Le texte renvoie de manière très large à l’ensemble des prestations à verser, qu’il s’agisse :

– des prestations du système universel ;

– des prestations versées par le Fonds de solidarité vieillesse universel (FSVU) ;

– des prestations versées en application des règles antérieures au système universel.

● Elle intègre aussi les charges de gestion administrative, généralement très faibles, et qui figurent aujourd’hui dans les comptes de tous les régimes.

Cette conception très large du champ participe de la nécessaire exhaustivité qu’implique la bonne application de la « règle d’or » au système.

3.   La place centrale de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) dans l’équilibre général du système universel de retraite

Ce même du I crée également un article L. 19-10-2, qui clarifie la place de la CNRU dans l’architecture financière, ainsi que celle de l’ACOSS.

Dans un souci de transparence, la Caisse « assure léquilibre financier des régimes participant à la mise en œuvre du système universel » (régime général, régime des fonctionnaires civils et militaires, régime des salariés agricoles, régime des exploitants agricoles, régime des marins). Cette affirmation doit être comprise comme celle d’une intégration financière totale du système, les régimes n’ayant pas de déficits ou d’excédents propres. Ce sont les comptes de la Caisse qui refléteront l’état financier global du système.

Ainsi, dans le système « cible », deux régimes « spontanément » en déficit respectivement de 2 et 3 milliards d’euros se verront comptablement équilibrés par une subvention d’équilibre de la Caisse. Si cette dernière enregistre des excédents par ailleurs, ils neutraliseront ces déficits à due concurrence. Si malgré ces excédents ou en l’absence d’excédents d’autres régimes, le bilan demeure négatif, cela signifiera que le système est en déficit au regard de la règle d’équilibre.

Par dérogation à ce principe, la Caisse versera aux régimes complémentaires ainsi qu’aux assurés des régimes des clercs et employés de notaires, des agents titulaires de la Banque de France et du Port autonome de Strasbourg des dotations tenant compte de la trajectoire qui aurait prévalu sans modification du périmètre d’affiliation. Il s’agit ici de prévoir des ajustements pour tenir compte du basculement de nombreux assurés vers les régimes participant au système universel. Ces évolutions vont en effet conduire à diminuer de manière importante (toute la génération 2004 en 2022, toute la génération 1975 en 2025) et continue (avec la diminution du nombre de cotisants qui partira à la retraite) les ressources de ces régimes progressivement mis en extinction (sans préjudice du maintien de caisses gestionnaires sous la forme d’une délégation).

Les dotations auront donc vocation à neutraliser, dans la limite des excédents enregistrés par la CNRU au titre des régimes du système universel, les déficits de ces régimes. Les modalités de calcul de ces dotations sont renvoyées au pouvoir réglementaire, mais le texte prévoit un encadrement tenant à la prise en compte de la trajectoire financière de ces régimes si les règles d’affiliation n’avaient pas été modifiées (contrefactuel).

La Caisse nationale assurera également l’équilibre financier entre 2022 et 2025 de quatre régimes :

– l’assurance vieillesse du régime général ;

– le régime géré par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ;

– la branche vieillesse du régime agricole des non-salariés (exploitants) ;

– le régime de base géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL).

Concrètement, les comptes de ces régimes seront donc intégrés financièrement, et les régimes déficitaires seront « couverts » par une subvention d’équilibre intégrale.

L’intégration de ces régimes permettra de mettre fin dès 2022 à la compensation démographique généralisée qui aujourd’hui régit les relations entre ces régimes de base et avait de toute façon à disparaître au profit d’une intégration financière en 2025.

Cette compensation démographique généralisée est supprimée par le du B du II qui abroge les articles L. 134-1 et L. 134-2 la prévoyant.

B.   L’aménagement du rôle de l’ACOSS

● Le du I modifie l’article L. 225-1 du code de la sécurité sociale relatif aux missions de l’ACOSS, en confiant à cette dernière la gestion de trésorerie du système universel de retraites.

Ainsi, dans la phase de transition, l’ACOSS devra gérer la trésorerie du régime général, du régime universel et celle des autres régimes que la LFSS lui confie. À l’extinction des autres régimes, l’ACOSS assurera la gestion de l’ensemble de la trésorerie de la branche retraite, comme elle le fait pour la branche famille.

● Le du I abroge :

– l’article L. 225-1-2, qui prévoit la possibilité pour l’ACOSS de conclure une convention financière avec l’organe gestionnaire d’un régime spécial ;

– les dispositions prévues au 1° de l’article L. 225-1-4 autorisant l’ACOSS à consentir des prêts et avances aux régimes des exploitants agricoles et des mines.

Ces dispositions deviennent en effet sans objet dans le cadre d’un régime universel financièrement intégré : les régimes bénéficiant de ces conventions, prêts ou avances seront financés de plein droit par l’agence en application de l’article L. 225-1. Il demeurerait toutefois possible à l’ACOSS de consentir des avances d’autres régimes obligatoires de base ou au FSVU, comme le permet déjà le 2° de l’article 225-1-4.

 Par ailleurs, le III de larticle L. 19-10-2, créé par le du I, prévoit laffectation que la part des actifs disponibles des caisses et institutions gestionnaires des régimes du nouveau comme de lancien système sera réaffectée à lACOSS pour couvrir des fonds de roulement. Cette mesure tire les conséquences de la mission élargie de lACOSS en matière de couverture de trésorerie. Les caisses et régimes pouvant avoir à recourir aux capacités demprunt de court terme de lagence, ils nauront plus besoin dactifs pour couvrir leur besoin en fonds de roulement.

Cette réaffectation est plafonnée à trois mois de versement des prestations.

La date de référence permettant d’évaluer la valeur de ces actifs ainsi que le calendrier et les modalités de calcul de cette affectation, notamment pour préciser ce que représentent trois mois de fonds de roulement, sont renvoyés à un décret simple.

● Dès lors que la CNRU aura vocation à assurer l’équilibre financier du régime général, de la CNRACL, de la MSA (exploitants) et de la CNAVPL dès 2022, cette opération de reprise d’actifs couvrant des besoins en fonds de roulement est anticipée à 2022 pour ces régimes, en application du du B du II.

C.   Une habilitation à légiférer par ordonnance dans différents domaines

Le III habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans trois matières directement liées aux modifications précédentes :

– la définition des conditions de la gestion de la trésorerie des régimes participant à la mise en œuvre du régime universel ;

– la définition des conditions de la reprise d’actifs pour couvrir le besoin en fonds de roulement de ces régimes ;

– les règles d’établissement et de validation des comptes des régimes constituant le système universel de retraite.

Article 59
Création du Fonds de solidarité vieillesse universel

L’article 58 porte la création d’un Fonds de solidarité vieillesse élargi, appelé Fonds de solidarité vieillesse universel (FSVU). Comme son prédécesseur, le FSVU permettra de mieux identifier les dépenses de solidarité du système de retraite, pour l’ensemble des régimes participant au système universel de retraite. Dans un souci de cohérence, l’ensemble des ressources fiscales affectées aux différents régimes de retraite lui serait attribué.

I.   Le financement des dispositifs de solidarité par le fonds de solidarité vieillesse (FSV)

A.   La création du FSV : une réponse au débat sur les « charges indues » du système de retraite

1.   Le débat sur les « charges indues » du système de retraite

Depuis la création de la sécurité sociale, un débat nourri a opposé l’État et les partenaires sociaux gestionnaires sur l’existence de « charges indues » expliquant les déficits récurrents de certaines branches de la sécurité sociale, dont la branche « vieillesse ». Il était alors réclamé des pouvoirs publics une prise en charge par des ressources autres que des cotisations des dépenses non contributives.

Longtemps contestée sur son principe, la nécessité de procéder à cette distinction entre « contributif » et « non contributif » a été reconnue par le Livre blanc sur les retraites publié en 1991 parmi les réformes susceptibles de transformer en profondeur le système de retraite. Il était ainsi fait la part entre les droits directement proportionnés à l’effort de cotisations et les droits acquis sans contrepartie ou sans proportionnalité avec les cotisations acquittées.

2.   La solution retenue : un fonds financièrement autonome

Lors de sa création par la loi de 1993 ([321]), le Fonds de solidarité vieillesse avait deux objectifs principaux :

– l’apurement du très important déficit constaté au 31 décembre 1993, objectif rapidement abandonné au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale à compter de 1996 ;

– la prise en charge des avantages d’assurance vieillesse à caractère non contributif, en vue de permettre « à la fois une clarification entre ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui relève de la logique dassurance et une modification du mode de financement de ces deux types de dépenses » ([322]).

Pour ce faire, le législateur :

– lui a conféré une certaine indépendance à travers la création d’un établissement public administratif dédié à ces missions et distinct de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (article L. 135-1 du code de la sécurité sociale) ;

– lui a affecté des ressources fiscales, et notamment une fraction importante de la contribution sociale généralisée (CSG) qui venait d’être mise en place.

B.   Un fonctionnement satisfaisant, malgré des déséquilibres financiers persistants et un champ incomplet

1.   Un fonds qui assure le financement de l’essentiel des droits de solidarité par des ressources fiscales

Au regard de sa mission de financer des dispositifs de solidarité avec des ressources fiscales, le Fonds de solidarité vieillesse constitue depuis 1993 un précieux outil de clarification de notre système de retraite.

● Le FSV n’assure donc pas directement le versement des prestations de solidarité, qui incombe pour des raisons de gestion au réseau des caisses des régimes obligatoires de base, mais uniquement le financement. Ce dernier se matérialise donc par des flux financiers dirigés vers ces différents régimes.

En application de l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, le FSV prend en charge :

– l’ensemble des prestations constitutives du minimum vieillesse – l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA) notamment, mais aussi toutes les anciennes prestations qui sont versées au titre de dispositions antérieures à 2004 – ainsi que l’ASPA spécifique au département de Mayotte prévue à l’article 28 de l’ordonnance du 27 mars 2002 ([323]) et dans le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon ([324]) ;

– la majoration de la durée d’assurance (y compris à Saint-Pierre-et-Miquelon) :

– la réduction de la durée d’assurance au titre des services militaires actifs accomplis en Afrique du Nord, prévue à l’article L. 351-7-1 ;

– les sommes dues aux régimes de retraite complémentaire au titre des allocations spéciales du Fonds national pour l’emploi, des allocations de préretraite progressive et des allocations de solidarité spécifique en application de l’article 49 de la loi du 17 janvier 2002 ([325]) ; le FSV est en effet chargé depuis cette loi de compenser le fait que les régimes complémentaires valident des points à titre gratuit à des assurés en préretraite progressive ou qui touchent l’allocation de solidarité spécifique (ASS, prestation de solidarité versées aux chômeurs en fin de droit) ;

– la prise en compte dans le salaire de référence :

Depuis la LFSS 2017, le FSV n’assure plus le financement du minimum contributif, qui avait été mis à sa charge en 2011. La prise en charge fugace de cette prestation est cependant assez révélatrice des nombreuses « zones grises » qui peuvent exister entre logique d’assurance (une carrière complète était indispensable) et logique de solidarité (il s’agit d’un minimum de pension).

Certaines de ces dépenses sont prises en charge sur une base forfaitaire.

● Après de très nombreuses modifications de l’architecture de ses recettes ([326]), le FSV dispose d’une unique ressource, la contribution sociale généralisée, et plus précisément :

– une fraction de 1,98 % de la CSG applicable aux pensions de retraite et d’invalidité (soit 21,52 % du produit de la CSG « remplacement » au taux normal de 9,2 % et 30 % au taux intermédiaire de 6,6 %) ;

– une fraction de 8,6 % en 2019 de la CSG applicable aux revenus de placement et du patrimoine (soit 93,49 % de cette CSG « capital »).

2.   Un équilibre financier structurellement fragile

Rendu visible et relativement autonome par la création du FSV, le financement de prestations de solidarité par des ressources fiscales s’est néanmoins heurté à sa fragilité intrinsèque :

– le financement de dépenses de solidarité, dont certaines sont fortement liées au cycle économique, comme la prise en charge des cotisations sur les allocations chômage, peut se révéler difficile par temps de crise ;

– les ressources affectées au Fonds, notamment celles liées au capital, ont une assiette particulièrement volatile (très dynamique en période de croissance, très réduite en période de stagnation ou de récession économique).

Dans ces conditions, la situation financière du Fonds est durablement marquée par des déficits importants et répétés :

solde financier du fonds de solidarité vieillesse (1995-2023)

(en millions d’euros)

Source : présidence du FSV.

II.   L’article 59 propose la création d’un nouveau fonds de solidarité universel pour le financement des dispositifs de solidarité

1.   Au bout de la logique ayant présidé à la création du FSV, le FSVU

Le du I crée une nouvelle section consacrée au Fonds de solidarité vieillesse universel définissant son statut, ses missions et ses ressources.

a.   Un statut inchangé d’établissement public national

Le nouvel article L. 19-10-3 prévoit que le FSVU a le statut d’établissement public administratif, comme le FSV aujourd’hui. Comme aujourd’hui, son objet est la prise en charge des dépenses « relevant de la solidarité nationale ». Le premier alinéa précise qu’il est sous la tutelle de l’État, ce qui est la règle pour les établissements publics administratifs de ce dernier.

Le statut de son personnel est défini par renvoi aux dispositions générales applicables aux organismes de sécurité sociale, prévues à l’article L. 224-7, qui prévoit la coexistence au sein des caisses de fonctionnaires, de salariés de droit public et de salariés de droit privé. En principe, les agents d’un établissement public administratif sont des fonctionnaires, comme au sein de l’administration centrale, et le recrutement de salariés de droit privé demeurait la règle (dernier alinéa de l’article L. 135-1). Le régime est donc pleinement aligné sur celui des caisses, qui, bien que chargées d’une mission de service public, sont des personnes de droit privé.

Le FSVU, aura comme le FSV actuel, un conseil de surveillance dont la composition est très proche de celle qui existe aujourd’hui, à deux ajouts près :

– des représentants des organisations syndicales représentatives des agents de la fonction publique, originaires des mêmes organisations qu’au Conseil commun de la fonction publique ;

– des représentants des professions libérales, alors que le FSV ne prévoyait que la représentation des travailleurs indépendants.

Ces ajouts résultent directement de l’élargissement du champ du Fonds, qui couvrira désormais des dépenses de solidarité pour tous ces publics, dans un périmètre élargi de dispositif.

En revanche, le texte ne prévoit plus de conseil d’administration. Ce conseil d’administration comprend en l’état des textes un président qui dirige opérationnellement le fonds, et des représentants des administrations de tutelle (direction de la sécurité sociale, direction du budget, direction générale des finances publiques, direction générale du Trésor et direction générale de la cohésion sociale). Compte tenu, d’une part, du caractère très administratif de cet organe et, d’autre part, du caractère purement financier du Fonds, une direction opérationnelle et un conseil de surveillance peuvent apparaître comme suffisants.

b.   Des missions élargies à l’ensemble des dispositifs de solidarité

L’article L. 19-10-4 définit les éléments pris en charge par le Fonds, en effectuant des renvois vers les nouveaux articles créés par le projet de loi :

– les prestations constituant le minimum vieillesse, comme aujourd’hui ;

– les attributions de points au titre de la solidarité nationale (périodes assimilées – maternité, maladie, chômage indemnisé, accidents du travail, apprentissage, service civique, sport de haut niveau (nouveau), rachat assoupli pour les jeunes actifs, aidants, interruptions ou réductions de carrière des parents d’enfants en bas âge) ([327]) ; il convient ici de distinguer :

– les droits majorés dès le premier enfant ([328]) ;

– les points supplémentaires permettant d’atteindre la retraite minimale ([329]) ; après avoir longtemps pris en charge le minimum contributif, puis l’avoir perdu au profit des régimes, le Fonds récupèrerait à nouveau cette dépense, qui deviendrait rapidement l’une des plus dynamiques et des plus importantes ;

– la différence entre le montant actuariellement neutre prévu au titre du rachat de points ou des surcotisations et le montant prévu pour le rachat assoupli, ce qui correspond à des dispositifs spécifiques (étudiants, stagiaires) dans lesquels le rachat serait rendu « avantageux » pour ses bénéficiaires ([330]) ; l’écart entre le coût réel des points et leur valeur de rachat serait alors pris en compte par le FSV ;

Les charges du FSV recouvrent donc désormais l’ensemble des dispositifs de solidarité du système, profondément transformés par l’existence d’un système en points. L’absence de mention de régimes en particulier témoigne bien de la logique de l’universalisation : dans la logique d’universalisation, le FSV prendra en charge ces différents éléments sans tenir compte de l’affiliation de l’assuré.

c.   Un « panier de ressources » cohérent avec la vocation du Fonds

L’article L. 19-10-5 prévoit des ressources élargies pour le futur FSVU, à savoir :

– une fraction du produit de la CSG sur les revenus de remplacement prévue à l’article L. 136-1-2 ;

– une fraction du produit de la CSG sur les revenus du patrimoine prévue à l’article L. 136-6 ;

– une fraction du produit de la CSG sur les produits de placement prévue à l’article L. 136-7 ;

– le produit de la contribution sur les avantages de préretraite d’entreprise prévue à l’article L. 137-10 ;

– le produit de la contribution perçue au titre des régimes de retraite à prestations définies prévue aux articles L. 137-11, L. 137-11-1 et L. 137-11-2 ;

– le produit de la contribution sur les indemnités de mise à la retraite à l’initiative de l’employeur prévue à l’article L. 137-12 ;

– le produit du forfait social prévu à l’article L. 137-15 ;

– le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés prévue à l’article L. 137-30 ;

– le produit de la cotisation sur les boissons alcooliques prévue à l’article L. 137-30 ;

– les transferts de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) au titre des majorations de pensions (système actuel) et de points (système « cible ») versées en fonction du nombre d’enfants en application de l’article L. 223-1, d’une part, et de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) prévue à l’article L. 381-1 ;

 les transferts de la Caisse nationale de solidarité pour lautonomie (CNSA) au titre de lAVPF pour les parents ayant la charge dun enfant handicapé ;

– la participation précomptée sur les allocations de chômage au profit des régimes complémentaires ;

– les sommes versées au titre de l’article L. 2242-5-1 du code du travail ([331]) ;

– une fraction de la taxe sur les salaires prévue à l’article 231 du code général des impôts ;

– une fraction du produit des droits de consommation sur les alcools prévus au I de l’article 402 du code général des impôts (40,05 %) ;

– le produit du droit de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels prévu à l’article 238 du code général des impôts ;

– le produit du droit sur les bières mentionné à l’article 520 A du code général des impôts ;

– le produit de la contribution sur les boissons non alcoolisées prévue au I de l’article 1613 quater du code général des impôts (fraction de 0,54 euro par hectolitre sur les boissons non édulcorées) ;

– le produit de la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel prévue à l’article 18 de la loi du 9 août 2004 ([332]) ;

– le produit des droits de plaidoirie dus par les avocats ;

– la contribution due par les notaires sur les émoluments et honoraires ;

– le produit du droit spécial perçu sur les places à l’Opéra national de Paris et à la Comédie-Française ;

– l’acquisition des contrats en déshérence en application du 5° de l’article L. 1126-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

– l’acquisition des sommes versées au titre de l’intéressement, de la participation ou de l’épargne salariale et qui n’ont pas été modifiées ou réclamées depuis trente ans ;

– le produit des parts fixes de redevance dues au titre de l’utilisation des fréquences 1 900-1 980 mégahertz et 2 110-2 170 mégahertz attribuées pour l’exploitation d’un réseau mobile en métropole (redevance « 2G ») ;

– une fraction du produit de l’ensemble des parts variables de ces redevances pour l’utilisation des fréquences 880-915 mégahertz, 1 710‑1 785 mégahertz, 1 805-1 880 mégahertz, 1 900-1 980 mégahertz et 2 110‑2 170 mégahertz (redevance « 3G ») ;

– les produits des dons et legs, le reliquat des comptes abandonnés ainsi que toutes ressources extraordinaires ;

– toute autre ressource prévue par la loi, comme pour la Caisse nationale de retraite universelle.

Dans un souci de coordination, le du I réaffecte au FSVU la fraction de la taxe sur les salaires qui était jusqu’ici affectée à la CNAV (51,73 %).

Si la liste de ces ressources peut sembler complexe et très hétérogène, elle dissimule une cohérence très forte de l’affectation des ressources fiscales à des prestations de solidarité. D’après les informations obtenues par la rapporteure et ses propres calculs, ces financements supplémentaires représenteraient entre 15 et 20 milliards d’euros supplémentaires, permettant au FSVU de « concentrer » l’ensemble des ressources fiscales du système de retraite, à l’exception de la contribution tarifaire d’acheminement conservée par la CNIEG.

Le bilan financier, difficile à réaliser en l’absence de l’ensemble des paramètres réglementaires, pourrait être largement équilibré, voire excédentaire pour le FSVU.

● Le V prévoit que les ressources jusqu’ici affectées à des régimes spécifiques (contribution tarifaire à la CNIEG, droits de plaidoirie pour la CNBF, contribution sur les notaires à la CPRN et droit spécial sur les places pour l’Opéra national de Paris et la Comédie-Française) jusqu’à la date à compter de laquelle les assurés nés à compter du 1er janvier 2004 et nés après 1975 compter ne sont plus affiliés à ces caisses, soit le 1er janvier 2025.

De manière surprenante, le du I supprime les derniers alinéas de l’article L. 241-3, déjà réécrit à l’article 13.

2.   La disparition du FSV

Le du I abroge les dispositions du chapitre 5 du titre III du livre Ier du code (articles L. 135-1 à L. 135-5), relatif au Fonds de solidarité vieillesse, remplacé par le Fonds de solidarité vieillesse universel.

Le II prévoit la prise en charge par le FSVU des dépenses de l’actuel FSV pour les assurés qui ne sont pas concernés par la réforme (l’ensemble des assurés qui sont nés avant le 1er janvier 2004 entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2025, et l’ensemble des assurés nés avant le 1er janvier 1975 à partir du 1er janvier 2025). Dans un souci de simplicité institutionnelle, il ne s’agira donc pas d’une transition laissant cohabiter deux organiques mais d’un transfert des missions au sein d’une entité unique FSVU.

Le IV prévoit les modalités de transition entre le FSV et le futur FSVU. Ce dernier aura pour obligation de reprendre :

– le patrimoine complet du FSV (biens, droits, obligations, créances, dettes, titres patrimoniaux), une fois que celui-ci sera dissous dans des conditions qui, compte tenu de leur technicité, ont été logiquement renvoyées au pouvoir réglementaire ;

– les salariés du FSV, dans le cadre d’un transfert de contrats dans les conditions de droit commun (reprise d’activité par un autre employeur).

3.   Des coordinations d’autres dispositifs en lien avec la solidarité

a.   Coordination avec le financement de dispositifs de solidarité de la branche famille

Le du I assure, par coordination avec les dispositions du titre III du projet de loi la mention des majorations et attributions de points au titre des enfants du foyer parmi les charges incombant à la branche famille.

b.   Coordination avec le financement de dispositifs de solidarité de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

Le du III précise à l’article L. 14-10-1 que la CNSA aura non seulement pour mission de financer « du soutien » pour les proches aidants, mais aussi « des droits à la retraite ».

Le du III prévoit la prise en charge par la quatrième section du budget de la CNSA, prévue à l’article L. 14-10-5, des points attribués au titre du congé de proche aidant (salarié, non-salarié, conjoint collaborateur d’un non-salarié) pour une personne âgée ou en situation de handicap ou du versement de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie prévue à l’article L. 168-1 du code de la sécurité sociale.

En complément, le du III prévoit la prise en charge par une fraction des crédits de la première section du budget de la CNSA de ces mêmes points.

c.   La clarification du lien du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge avec les politiques de retraite

Le III modifie le code de l’action sociale et des familles, qui contient les dispositions relatives au HCFEA.

Les a et b du de ce III suppriment toute référence aux « personnes retraitées » ou aux « retraités » à l’article L. 142-1 relatif au HCFEA.

Daprès les informations obtenues par la rapporteure, les modifications semblent résulter dune considération procédurale : le Conseil dÉtat a en effet estimé quen létat de ses attributions, le Haut Conseil devrait être systématiquement consulté sur toute mesure relative aux retraites.

Or, cette consultation ne correspond ni à l’esprit de la loi « vieillissement » de 2015 ([333]) qui a créé le Haut Conseil, ni aux souhaits de l’ensemble des parties prenantes.

La rédaction recentre le HCFEA sur son « cœur de compétences » pour lever cette ambiguïté.

Section 2
Des réserves garantissant la solidité financière du système

Article 60
Création du Fonds de réserves universel

L’article 60 substitue à l’actuel Fonds de réserve pour les retraites (FRR) un Fonds de réserves universel (FRU).

Reprenant, pour l’essentiel à champ constant, les missions et la composition du FRR, le FRU est l’un des principaux leviers de pérennité du nouveau système de retraite, en anticipation des déséquilibres financiers ou démographiques.

Il pourra s’appuyer sur l’expérience et la qualité de gestion acquises par son prédécesseur, dont les résultats illustrent une politique de placement active et performante.

La substitution du FRU au FRR interviendra au 1er janvier 2022, aux termes de l’échéance retenue à l’article 63 du projet de loi.

I.   Vingt années de placements performants du FRR

Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) a été créé pour assurer un placement de réserves financières en anticipation de futurs déséquilibres du système de retraite. Le niveau de son actif net, estimé à 33 milliards d’euros en 2018, témoigne d’une politique de placements performante.

A.   La raison d’être du FRR : Anticiper les chocs démographiques et financiers du système de retraite

● Le FRR a été créé en 1999 en anticipation de déséquilibres démographiques et financiers susceptibles de fragiliser la solidarité intergénérationnelle, au cœur d’un système par répartition.

Ayant à l’origine pris la forme d’une simple section comptable du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), il est transformé en structure autonome par la loi du 17 juillet 2001 ([334]), qui le rattache à la Caisse des dépôts et consignations.

● Une gouvernance duale a été retenue pour assurer le fonctionnement du FRR, avec un conseil de surveillance et un directoire.

Le tableau infra précise leurs missions et leur composition respectives.

Missions et composition des instances composant le FRR

 

Missions

Composition

Conseil de surveillance

Fixe les orientations générales de la politique de placement des actifs

Contrôle les résultats

Approuve les comptes annuels

Établit un rapport annuel public sur la gestion du Fonds

Deux députés et deux sénateurs

Représentants des assurés sociaux

Représentants des employeurs et des travailleurs indépendants

Représentants de l’État

Personnalités qualifiées

Directoire

Assure la direction de l’établissement

Est responsable de la gestion de l’établissement

Propose au conseil de surveillance les orientations générales de la politique de placement

Met en œuvre les orientations de la politique de placement

Contrôle le respect des orientations de la politique de placement

Rend compte de la politique de placements au conseil de surveillance et retrace, à cet effet, la manière dont ses orientations ont pris en compte des considérations sociales, environnementales et éthiques

Trois membres, dont le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la présidence

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Un comité stratégique d’investissement (CSI) complète cette gouvernance. Il a pour mission le pilotage du « surplus » du FRR ([335]).

● Le FRR a été alimenté par une série de ressources entre 2001 et 2010, reproduites dans le tableau infra.

À partir de 2011, l’ensemble de ses ressources ont été réorientées vers le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Ressources totales affectées au FRR entre 2001 et 2010

Origine du produit

Montant (en milliards deuros)

Prélèvement social sur les revenus du patrimoine

7,8

Prélèvement social sur les produits de placement

6,8

Excédents de la Caisse nationale d’assurance vieillesse

5,6

Licences téléphonie mobile

2,8

Vente des parts de caisses d’épargne

2,6

Privatisations

1,6

Soulte CNIEG (*)

3,06

(*) La soulte de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) correspond au versement exceptionnel effectué par ces industries en 2005. Sa valeur, initialement de 3,06 milliards d’euros, était estimée à 4,9 milliards d’euros en valeur de marché fin 2018. Elle devra être restituée au régime général en 2020 selon des modalités qui doivent encore être définies.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

Le FRR n’est, depuis lors, plus alimenté par de nouvelles ressources.

Il joue lui-même le rôle de financeur, versant chaque année 2,1 milliards d’euros à la CADES. Ce versement annuel se prolongera jusqu’à l’extinction de la dette sociale portée par cette caisse, attendue pour 2024.

B.   L’activité du FRR : des placements dynamiques et performants

● La politique de placement des actifs du FRR peut être considérée comme performante et dynamique, après vingt années de mise en œuvre.

Sa principale illustration est la quasi-stabilisation de son actif depuis 2011 malgré les versements d’ampleur opérés à la CADES.

La performance annuelle nette du FRR a ainsi été en moyenne de 5 % depuis sa création. Seuls deux exercices ont donné lieu à un résultat négatif, en 2008 et 2018, en raison respectivement du déclenchement de la crise économique et financière et d’un épisode de grande volatilité sur les marchés.

Le graphique infra recense les performances annuelles nettes du Fonds.

Performance annuelle nette du FRR

(en pourcentages)

Source : Fonds de réserve pour les retraites.

● Ces résultats du FRR traduisent des choix de placement à la fois stratégiques et responsables.

Contrairement à la majorité des réserves financières logées dans les caisses de retraites, placées pour la plupart en achats obligataires, le FRR a fait le choix de placements diversifiés conjuguant performance et qualité. Ces placements répondent au principe d’une gestion déléguée, le FRR ne gérant – sauf exception – aucun titre ou contrat financier en direct.

Le graphique infra précise cette répartition, désormais à parts égales entre actifs de performance et actifs de qualité.

Décomposition des allocations stratégiques du FRR en 2019

Source : Fonds de réserve pour les retraites.

● À l’horizon 2024, date à laquelle l’obligation de versement à la CADES cessera, l’actif net porté par le FRR devrait s’élever à 19 milliards d’euros, dans un scénario médian.

Reproduit dans le schéma infra, ce scénario tient compte à la fois du retraitement de la « soulte CNIEG » et des versements effectués à la CADES sur la période 2019-2024.

Source : Fonds de réserve pour les retraites.

II.   La substitution du FRU au FRR

L’article 60 substitue au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) un Fonds de réserves universel (FRU).

Il en définit les missions et la composition – pour l’essentiel, à l’identique du FRR – et précise les modalités de transition.

Cette substitution interviendra au 1er janvier 2022, aux termes de la rédaction retenue au III de l’article 63 du projet de loi.

A.   La reproduction au FRU de l’essentiel des missions et de la composition du FRR

Le I précise la composition, les missions et les ressources du FRU qui, pour l’essentiel, reprennent celles du FRR.

Ces dispositions sont inscrites aux nouveaux articles L. 19-10-6 à L. 19‑10‑14 ( du I), qui se substituent, par construction, aux dispositions du droit en vigueur relatives au FRR ( du I).

● S’agissant de sa composition, le FRU restera composé d’un conseil de surveillance et d’un directoire, rassemblés dans un établissement public national à caractère administratif soumis au contrôle des autorités compétentes de l’État.

Étant en charge de l’anticipation des chocs démographiques et financiers du système universel – et non plus du seul régime général –, le conseil de surveillance sera élargi aux partenaires sociaux représentant l’ensemble des assurés. Les organisations syndicales de salariés habilitées à désigner des représentants au Conseil commun de la fonction publique, le Conseil commun de la fonction publique et l’organisation syndicale la plus représentative des professions libérales au niveau national y seront donc représentés.

Le directoire, quant à lui, conservera sa composition actuelle, étant précisé que son président ne sera plus le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Le lien organique qui reliait le FRR à cette institution, dans le droit en vigueur, disparaît dans le droit proposé. Dans le respect du droit de la concurrence, il s’agit de permettre à tout organisme – Caisse des dépôts et consignations comprise – de candidater pour la gestion du futur fonds, sans préempter la décision.

● S’agissant de ses missions, le conseil de surveillance et le directoire conservent leurs prérogatives actuelles (cf. tableau infra), à l’exception de deux modifications :

– le contrôle des résultats des opérations effectuées ne sera plus opéré par le conseil de surveillance mais par le directoire ;

– la restitution de la prise en compte par la politique de placement du fonds des considérations sociales, environnementales et éthiques ne sera plus effectuée par le directoire mais par le conseil de surveillance dans son rapport annuel public.

Une précision est par ailleurs ajoutée s’agissant de la périodicité des orientations générales de la politique de placement et de gestion des risques fixée par le conseil de surveillance, sur proposition du directoire : ces orientations seront demain définies pour une période de cinq ans.

● S’agissant de ses ressources, enfin, le FRR était jusqu’alors affectataire de droit des produits de ses placements. À l’avenir, les produits de placement du FRU seront affectés sur décision du conseil d’administration de la CNRU, la priorité revenant à la couverture des déficits cumulés.

Les excédents pouvant être dégagés par le système universel seront donc d’abord consacrés à l’apurement des déficits passés du système de retraite, puis affectés par la suite directement au FRU.

● L’ensemble des autres dispositions aujourd’hui applicables au FRR – notamment en termes de contrôle par des commissaires aux comptes, de prévention des conflits d’intérêts ou de possibilités de gestion directe des actifs par le FRR – sont reprises telles quelles dans le droit proposé du FRU.

Seules deux modifications sont à relever :

– le FRU emploiera du personnel dans les conditions applicables aux caisses nationales de sécurité sociale. Les conventions collectives applicables au personnel des organismes de sécurité sociale n’étaient jusqu’alors pas applicables aux agents de droit privé du FRR ;

– une convention sera signée entre le FRU et l’État, afin de déterminer notamment ses objectifs pluriannuels de gestion administrative, ses moyens de fonctionnement, et les règles de calcul et d’évolution de ses frais de gestion.

B.   Le transfert juridique en pleine propriété du FRR au FRU

Le II organise le transfert juridique du FRR vers le FRU.

Ce transfert est double et couvre :

– la reprise, de plein droit et en pleine propriété, de l’ensemble des biens, droits, obligations, créances, dettes et titres patrimoniaux du FRR. Cette reprise n’est soumise à aucun prélèvement ( du II) ;

– le transfert des contrats de travail des salariés du FRR, dans les conditions de droit commun définies à l’article L. 1224-1 du code du travail ( du II).

Ce transfert vers le FRU entraîne la dissolution du FRR, dans des conditions qui seront précisées par décret.

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Titre V
Dispositions finales

Chapitre Ier
La conservation à 100 % des droits constitués avant lentrée en vigueur du système universel de retraite

Article 61
Habilitation à prendre par ordonnance les mesures relatives à la prise en compte des droits acquis des assurés ayant été affiliés à un ou plusieurs régimes de retraite dans lancien système et ayant vocation à intégrer le système universel

Cet article vise à définir les conditions de prise en compte et de valorisation des droits acquis avant l’entrée dans le système universel, pour les assurés affiliés à un ou plusieurs régimes avant la transition.

L’objectif est de sécuriser le mode de calcul des droits à la retraite de ces assurés qui basculeront dans le système universel, en tenant compte à la fois des droits acquis au titre des anciens régimes obligatoires de retraite et des droits acquis au titre des périodes d’affiliation au système universel.

L’article habilite ainsi le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour assurer la prise en compte des périodes d’affiliation à des régimes obligatoires de retraite antérieures ou postérieures à l’entrée en vigueur du système universel de retraite, afin de préserver, pour ces assurés les effets légitimement attendus de ces périodes d’affiliation antérieures à l’affiliation au système de retraite.

I.   L’enjeu de la valorisation des droits acquis pour les générations de transition

L’article 63 du projet de loi dispose que les assurés nés à compter du 1er janvier 2004 ([336]) seront affiliés immédiatement au système universel. L’enjeu de la transition repose ainsi quasi-exclusivement sur les assurés nés à compter du 1er janvier 1975 et ayant été affiliés à un ou plusieurs régimes avant d’entrer au système universel.

Cette affiliation, dite « successive », consiste à faire « coexister lancien et le nouveau régime » ([337]), comme le souligne le Conseil d’orientation des retraites (COR). Cela suppose, pour les générations de la transition, de conserver les paramètres de calcul de l’ancien système pendant toute la période de transition.

Le choix d’une transition progressive reposant sur une affiliation successive pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975 signifie que les droits de l’ancien régime seront figés à la date de la bascule vers le nouveau système, sans que le régime soit fermé pour autant. À partir de la date de bascule retenue, les assurés acquerront des droits uniquement au titre du nouveau régime. Ainsi, « la pension à la liquidation est calculée comme si ces personnes avaient été affiliées successivement à deux régimes différents, lancien puis le nouveau régime », en fonction de la durée passée au sein de chaque régime.

Le COR souligne que dans le cas d’une telle transition progressive, la question qui se pose est celle de la « valorisation des droits acquis dans lancien régime » (cf. encadré).

Les enjeux de la valorisation des droits en cours dacquisition

Le COR ([338]) souligne que deux méthodes peuvent être utilisées pour convertir les droits : le maintien des « droits acquis » dans le passé – cest-à-dire la valorisation des engagements dun régime de retraite à un instant donné –, ou la valorisation des cotisations passées.

● La méthode dite du maintien des « droits acquis » consiste à « calculer la pension acquise dans lancien régime à la date de transformation et à la convertir en nombre de points ou en euros ».

Selon le COR, cette méthode est appropriée en cas de transition immédiate, mais pose plusieurs difficultés pour le calcul de la pension acquise dans lancien régime en annuités :

 ainsi, la pension de lancien régime dépend généralement dune durée de cotisation ainsi que dune durée dassurance pour une retraite à taux plein. Estimer le montant de pension acquis dans lancien régime lors de la transition implique donc de faire des hypothèses sur les conditions de liquidation – accorde-t-on le bénéfice du taux plein à lassuré ? –, puis à proratiser la pension retenue en fonction des périodes passées dans lancien régime ;

 des hypothèses doivent en outre être formulées pour estimer le salaire de référence utilisé dans le calcul : il peut sagir des meilleurs salaires, des salaires de fin de carrière ou « à défaut, le dernier salaire connu peut par exemple être conventionnellement retenu ».

La méthode de la valorisation des cotisations passées consiste à « accorder des droits dans le nouveau régime [...] en fonction des cotisations correspondant à la période dactivité passée dans lancien régime ».

En pratique, cela revient à considérer que le régime cible a toujours existé. Cette solution pose une contrainte technique, puisquelle requiert de disposer dun historique des cotisations individuelles.

D’après les informations transmises au rapporteur par le Gouvernement, les modalités concrètes de la transition en termes de valorisation des droits acquis sont encore au stade de la concertation et seront tranchées par l’ordonnance.

Le présent article renvoie ainsi à une ordonnance le soin de définir les conditions de prise en compte et de valorisation des droits acquis.

II.   Le champ de l’habilitation proposée

1.   Garantir la préservation intégrale des droits à retraite constitués dans le système actuel

Afin de garantir les droits acquis avant d’entrer dans le système universel par les assurés affiliés à un ou plusieurs régimes de retraite relevant du système actuel – c’est-à-dire, sauf exceptions, les assurés nés entre le 1er janvier 1975 et le 31 décembre 2003 –, l’article 61 propose d’habiliter le Gouvernement à définir les conditions de prise en compte de ces droits acquis, tout en « préservant les effets attendus » légitimement par ces assurés au titre des périodes d’affiliation antérieure à l’affiliation au système universel.

Selon l’étude d’impact, l’ordonnance devra garantir que les droits à retraite constitués dans le système universel « seront intégralement conservés lors du passage au système universel et bénéficieront donc à lassuré lors de son départ en retraite ».

L’ordonnance devra être prise dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi. Le projet de loi de ratification devra être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Le dernier alinéa de l’article 61 constitue une « clause de sauvegarde » en cas d’absence de publication de l’ordonnance dans les délais impartis. Cette clause précise ainsi qu’à défaut d’ordonnance définissant les règles de transition conformément au présent article, la fin de l’affiliation aux régimes de retraite complémentaire prévue au I de l’article 62 du projet de loi ainsi que l’entrée en vigueur des dispositions du système universel ne seraient pas applicables avant le 1er janvier 2022, pour les assurés nés à compter du 1er janvier 2004, ni aux assurés nés à compter du 1er janvier 1975, pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975.

Même s’il s’agit de tenir compte de l’avis du Conseil d’État, le rapporteur s’interroge néanmoins sur la pertinence d’inscrire une telle clause de secours à défaut d’ordonnance puisqu’en tout état de cause, l’entrée en vigueur du système universel ne sera pas applicable avant 2022 et 2025 pour les générations 2004 et 1975, comme le précise l’article 63 du projet de loi. D’autre part, le rapporteur tient à souligner que la définition des modalités de transition applicables à l’ensemble des assurés concernés par la bascule demeure indispensable, et qu’il est en conséquence difficilement concevable qu’une ordonnance aussi cruciale ne soit pas publiée dans les délais impartis.

2.   Le mode de calcul des droits acquis

Les droits acquis au sein des régimes d’affiliation antérieurs à l’entrée des assurés dans le système universel seront préservés et calculés, dans la majorité des cas, selon les règles applicables à ces régimes.

Toutefois, dans le système actuel, certains droits sont calculés rétrospectivement, à l’occasion de la liquidation de la retraite : tel est le cas notamment des minima de pensions, qui supposent pour ces derniers d’avoir connaissance de l’intégralité de la carrière de l’assuré, ou des dispositifs de décote et de surcote. Pour ces cas particuliers, l’habilitation propose de retenir le dispositif cible du système universel, c’est-à-dire la retraite minimale dans le premier cas, et l’âge d’équilibre dans le second.

a.   Des droits à retraite calculés selon les règles applicables dans les régimes d’affiliation antérieurs

Selon le , l’ordonnance aura pour objet d’assurer la prise en compte des durées d’affiliation respectives d’un assuré avant son entrée dans le système universel.

Si l’assuré n’a été affilié qu’à un seul régime auparavant, ses droits seront calculés en fonction des règles applicables à cet unique régime, au prorata des périodes d’affiliation à ce régime avant l’entrée dans le système universel.

Si l’assuré a été affilié successivement à plusieurs régimes, ses droits seront calculés en fonction des règles applicables respectivement par chacun de ces régimes, au prorata de la période d’affiliation.

À ce stade, un certain nombre de questions demeurent en suspens, notamment sur le mode de prise en compte des « vingt-cinq meilleures années », pour les assurés du régime général ou des « six derniers mois », pour les fonctionnaires. Le rapporteur se montrera particulièrement vigilant pour que les solutions retenues par l’ordonnance permettent de garantir et, surtout, de valoriser les droits acquis.

b.   La préservation des droits familiaux prévus par le système actuel de retraite

En application du , l’ordonnance devra tirer les conséquences de la naissance ou de l’adoption d’un enfant intervenue avant l’entrée en vigueur du système universel.

En fonction du régime d’affiliation de l’assuré, la naissance, l’adoption ou l’éducation de cet enfant a en effet pu ouvrir droit à une majoration de pension ou à la validation de trimestres : par exemple, quatre trimestres au titre de l’accouchement et quatre autres trimestres au titre de l’éducation sont accordés par le régime général, ainsi qu’une majoration de 10 % de la pension des parents si le couple a eu, adopté ou élevé au moins trois enfants.

Ces droits familiaux ne sont pas accordés au fil de l’eau mais sont pris en compte lors du calcul de liquidation de la retraite. L’ordonnance devra en conséquence assurer aux parents la prise en compte de ces droits afin de préserver les effets légitimement attendus par les parents d’enfants nés ou adoptés avant l’entrée en vigueur du système universel.

Ni l’article 61, ni l’étude d’impact ne précisent toutefois l’orientation qui pourrait être retenue par l’ordonnance pour garantir la prise en compte de ces droits familiaux : les trimestres accordés seront-ils par exemple transformés en forfaits de points ? Sur quelle base seront calculés les droits des parents de trois enfants dont un seul est né avant le système universel ? Ces questionnements sont renvoyés, par l’étude d’impact, à une concertation avec les partenaires sociaux.

Le rapporteur se montrera très attentif pour que la solution la plus favorable soit mise en œuvre.

c.   La retraite minimale prévue par l’article 40 du projet de loi se substituera aux minima de pension des régimes antérieurs d’affiliation

D’après le 3°, la retraite minimale prévue par l’article 40 de ce projet de loi a vocation à se substituer intégralement aux minima de pension existant dans les systèmes actuels.

Le droit à la retraite minimale est en effet calculé au moment de la liquidation de la retraite, en fonction de la durée de la carrière de l’assuré. Il aurait été dès lors techniquement complexe de permettre aux nouveaux assurés du système universel de cumuler à la fois le montant du minimum de pension d’un régime actuel calculé au prorata des périodes acquises dans l’ancien système, et le montant de la retraite minimale, lui-même calculé au prorata des périodes acquises au sein du système universel de retraite, étant entendu que la condition de bénéfice des minima de pension repose sur la notion de « carrière complète ».

De surcroît, l’indexation du montant de la retraite minimale sur un pourcentage du SMIC qui devrait être fixé à 85 % du SMIC net garantira des droits au moins aussi élevés que les droits garantis aux assurés qui relevaient auparavant du régime général, des régimes alignés ou même des régimes de la fonction publique, selon les simulations de l’étude d’impact.

d.   L’âge d’équilibre proposé par l’article 10 sera applicable en lieu et place des actuels dispositifs de décote ou de surcote

Les régimes de base actuels fonctionnent en annuités ([339]) et peuvent incorporer des dispositifs de surcote ou de décote au taux de liquidation défini par rapport à un âge de référence lui-même couplé à une durée d’assurance de référence. La surcote est ainsi accordée aux assurés faisant le choix de prolonger leur activité professionnelle alors qu’ils ont déjà atteint la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. À l’inverse, pour les assurés liquidant leur retraite avant l’âge du taux plein, la pension est affectée d’une décote.

Cette logique de décote et de surcote liée à une notion de durée d’assurance n’est pas transposable dans le système universel, qui repose sur la prise en compte de l’ensemble des points acquis au cours de la carrière de l’assuré, sans prise en compte de la durée – à l’exception notable du calcul retenu pour la retraite minimale.

En conséquence, le fait le choix de substituer à l’ensemble des dispositifs de décote et de surcote existant l’application de l’âge d’équilibre et du coefficient d’ajustement mentionnés à l’article L. 191-5 du code de la sécurité sociale ([340]).

Une solution « mixte » consistant à appliquer un dispositif de décote ou de surcote au titre des périodes d’affiliation aux régimes antérieurs, et l’âge d’équilibre sur les périodes postérieures à l’entrée en vigueur du système universel n’aurait pas été techniquement concevable, puisque l’application d’un mécanisme de décote ou de surcote ne peut être calculée qu’à compter de l’âge d’ouverture des droits à la retraite.

Ainsi, l’âge d’équilibre s’appliquera à l’ensemble de la carrière de l’assuré, y compris au titre des périodes d’affiliation à un ou plusieurs régimes obligatoires de retraite antérieures à l’entrée en vigueur du système universel.

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Articles 62
Suppression des affiliations aux régimes de retraite complémentaire obligatoires et aménagement des règles applicables aux personnels navigants

L’article 62 supprime le fondement légal de l’obligation d’affiliation à un régime complémentaire. Conséquence de l’universalisation du système, la fin de la distinction entre régimes de base et régimes complémentaires pour les assurés nés à compter de 1975 conduira à redéfinir la place des organismes actuellement gestionnaires de ces régimes dans le nouveau système universel.

Les organismes prolongeant leur activité au-delà de la phase de transition exerceront leurs nouvelles missions dans le cadre de conventions conclues avec la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU).

Outre des dispositions relatives à la prise en compte de l’équilibre financier par l’AGIRC-ARRCO et à l’enjeu de répartition de la cotisation vieillesse entre régimes de base et régimes complémentaires pour les assurés nés avant 1975, l’article 62 renvoie également à une ordonnance la définition des adaptations à apporter à la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile (CRPNPAC), qui bénéficiera d’un positionnement à part dans le système universel tout en devant adapter ses paramètres et son fonctionnement.

I.   La concrétisation de la suppression de la distinction entre régime de base et régime complémentaire

L’universalité du nouveau système de retraite emporte avec elle la fin de la distinction entre des régimes de base et des régimes complémentaires, fondés sur des logiques professionnelles et fortement fragmentés.

L’article 62 en tire les conséquences en matière d’affiliation, pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975.

A.   Une multitude de régimes complémentaires fondés sur une logique professionnelle

La complexité de l’architecture du système de retraite actuel et l’hétérogénéité des structures qui la composent ont été largement documentés, y compris dans une approche comparée à nos voisins par les travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR).

Loin de prétendre à une présentation exhaustive de son étage complémentaire ([341]), en particulier à la veille de sa disparition, le présent commentaire se limitera à en rappeler les principaux acteurs et leurs sources juridiques, pour mieux souligner ensuite la réforme proposée.

Les régimes de retraite légalement obligatoires

Catégorie dactifs

Catégorie professionnelle

Caisse de retraite complémentaire

Source juridique

Salariés

Salariés du régime général

AGIRC-ARRCO

Article L. 921-1 du code de la sécurité sociale

Institutions de retraite complémentaire

IRC

Article L. 922-1 du code de la sécurité sociale

Salariés de droit privé des Journaux officiels (JO) et de la direction de l’information légale et administrative (DILA)

Caisse de pensions de retraite de la société anonyme de composition et d’impression des journaux officiels
SACI-JO

- (*)

Personnels navigants

Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile

CRPNPAC

Article L. 6527-1 du code des transports

Non-salariés

Exploitants agricoles

Régime complémentaire obligatoire

RCO

Article L. 732-56 du code rural et de la pêche maritime

Artisans et commerçants

Régime complémentaire des indépendants

RCI

Article L. 635-1 du code de la sécurité sociale

Professionnels libéraux

Sections professionnelles de la CNAVPL

Article L. 641-1 du code de la sécurité sociale

Débitants de tabac

Régime d’allocations viagères des gérants de débits de tabac

RAVGDT

Article 59 de la loi n° 63‑156 du 23 février 1963 de finances pour 1963

Artistes-auteurs

Institution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création

IRCEC

Article L. 382-1 du code de la sécurité sociale

Agents publics

Fonctionnaires

Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique

ERAFP

Article 76 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites

Agents contractuels de droit public

Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques

IRCANTEC

Article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale

Enseignants du privé

Régime additionnel de retraite des enseignants du privé

RAEP

Loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privé sous contrat

(*) Aucun texte réglementaire ou législatif ne porte création de ce régime complémentaire. Il s’agit d’une bizarrerie juridique, au regard du droit applicable depuis 1973, qui implique qu’à défaut de texte réglementaire prévoyant un régime dérogatoire, les salariés soumis au code du travail relèvent de l’AGIRC-ARRCO.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.

L’ensemble de ces régimes obligatoires évoluent par construction avec l’universalité du nouveau système. Le cas particulier de la CRPNPAC est renvoyé à la seconde partie du commentaire.

B.   La fin de l’affiliation à un régime complémentaire des assurés nés après 1975

● Le I de l’article 62 met fin à l’affiliation des assurés couverts par le système universel – nés à partir de 1975 – aux différents régimes complémentaires existants aujourd’hui.

Cette fin d’affiliation recouvre ainsi :

– l’AGIRC-ARRCO et l’IRCANTEC () ;

– le RCI () ;

– les dix sections professionnelles de la CNAVPL () ;

– la CNBF (4°) ;

– l’IRCEC ()

– le RCO (6°) ;

– le RAFP (7°) ;

– le RAEP (8°) ;

– le RAVGDT () ;

– le SACI-JO (10°).

Il est précisé qu’une indemnité sera versée à ces organismes, au terme d’une procédure contradictoire et dans des conditions fixées par décret, afin de compenser « le préjudice susceptible de résulter » de la suppression du fondement légal de l’obligation d’affiliation à un régime complémentaire.

La fin de l’obligation d’affiliation ne signifie toutefois pas que ces organismes gestionnaires disparaîtront. Conformément aux dispositions retenues à l’article 54 du projet de loi, ces caisses de retraite pourront conclure des conventions avec la nouvelle Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) afin de préciser leurs missions dans le nouveau système. Elles pourront alors poursuivre le versement des prestations de retraite, dans le cadre de principes unifiés dans le système universel.

● Le du A du II tire les conséquences de cette fin d’affiliation dès 2022 (pour les assurés nés à partir de 2004) ou 2025 (pour ceux nés à partir de 1975).

Le du même A en déduit l’impossibilité pour ces régimes de prévoir, pour ces générations d’assurés, une affiliation à leur organisme, ainsi que la nécessité de s’inscrire dans l’équilibre financier du système de retraite. Un décret en Conseil d’État précisera le fonctionnement de cette prise en compte, en particulier à compter de la mise en œuvre du schéma de transformation prévu à l’article 50 du projet de loi.

Le B du même II impose à ces différents organismes la mise en conformité des accords nationaux interprofessionnels (ANI) régissant l’AGIRC‑ARRCO avec le nouveau cadrage financier du système de retraite. Cette mise en conformité devra intervenir avant le 1er janvier 2022, selon des modalités qui pourront être, à défaut, directement fixées par décret en Conseil d’État.

● Le III habilite le Gouvernement à prévoir par voie d’ordonnance les conditions dans lesquelles les régimes de retraite complémentaire pourront bénéficier d’une partie des cotisations versées par les assurés nés avant le 1er janvier 1975.

Il s’agit de permettre de préciser le financement des droits qui continueront d’être constitués dans les régimes précédents (base et complémentaire) en y affectant une partie déterminée des ressources.

Cette fraction devra être fixée « en tenant compte » de la proportion de ces ressources qui étaient affectés aux régimes complémentaires avant le 1er janvier 2025 et donnaient lieu à l’attribution de points. Elle ne pourra toutefois pas à être tout à fait identique à ce qui existe aujourd’hui, compte tenu de l’évolution de l’ensemble des taux de cotisations, pour l’ensemble des salariés, à la hausse comme à la baisse ([342]).

II.   L’avenir spécifique des personnels navigants

● Les personnels navigants professionnels de l’aéronautique civile relèvent, depuis 1951, d’un régime complémentaire dérogatoire à celui de droit commun des salariés, affiliés à l’AGIRC-ARRCO.

En effet, ils sont obligatoirement affiliés à une caisse de retraite dédiée, la CRPNPAC, en application de l’article L. 6527-1 du code des transports.

On dénombrait, en 2017, 21 275 pensionnés pour 31 243 navigants actifs.

● La prise en compte des spécificités de ces professionnels, au regard notamment des exigences de sécurité aérienne et des restrictions légales d’exercice, justifie le prolongement de l’activité de la CRPNPAC au-delà de la phase de transition. Insuffisamment structuré sur le terrain conventionnel, le secteur aérien n’aurait pas été mesure de préserver la couverture actuelle en l’absence de maintien d’une affiliation rendue obligatoire par la loi à ce régime complémentaire.

Le IV renvoie à une ordonnance la définition des conditions de ce prolongement et les ajustements à opérer.

Cela recouvre :

– l’adaptation des règles de calcul des cotisations et des prestations du régime complémentaire pour les personnels navigants nés à compter du 1er janvier 1987 (). Il s’agira à la fois de veiller à l’équilibre du régime et de prévoir des dispositifs spécifiques de manière à faciliter la transition entre l’emploi et la retraite ;

– la fixation des modalités transitoires visant à adapter progressivement les conditions d’âge de départ à la retraite (). Selon l’étude d’impact du projet de loi, il s’agira notamment de permettre à ces professionnels de liquider une retraite à taux plein dès 60 ans ;

– la définition des modalités de calcul des compensations financières entre le système universel et la CRPNPAC afin de tenir compte de la réduction de ressources allouées au régime complémentaire () ;

– l’adaptation de la gouvernance de la CRPNPAC, dans le périmètre plus large du système universel ().

L’ordonnance devra faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé dans les trois mois à compter de sa publication.

*

*     *

 

 

 


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Article 63
Dispositions relatives à lentrée en vigueur du système universel de retraite

L’article 63 précise les différentes dates d’entrée en vigueur du système universel de retraite.

Bien qu’il ne facilite pas la lecture de chaque dispositif au fil du texte, le rassemblement de l’ensemble des échéances dans un article unique offre une vision agrégée et complète de la chronologie retenue pour mettre en place le nouveau système.

Par souci de clarté, il est proposé d’expliciter dans le commentaire cette pluralité d’échéances dans une double logique : la logique de rédaction du projet de loi, d’une part ; celle de la chronologie des entrées en vigueur, d’autre part.

Cet article précise en outre les conditions de prise en compte de certaines périodes ou situations antérieures à l’entrée en vigueur des assurés dans le système universel. Ces modalités dérogatoires font l’objet de la seconde partie du commentaire d’article.

I.   Les dates d’entrée en vigueur

A.   La présentation dans l’ordre légistique

La première présentation proposée retient comme ordre celui de la rédaction du projet de loi.

Elle associe à chacune des références de l’article 63 les dispositions visées dans le projet de loi et leurs échéances projetées.

Échéances énoncées dans l’ordre rédactionnel du projet de loi

Référence à larticle 63

Article du projet de loi visé

Disposition visée

Échéance retenue

I

1er

Mise en place du système universel de retraite

1er décembre 2020

49

Création de la CNRU * et dispositions applicables à la Caisse à défaut de publication de l’ordonnance en précisant le fonctionnement

50

Mise en place, fonctionnement et attribution de moyens à l’établissement préfigurateur de la CNRU *

54

Conclusion d’une convention entre la CNRU * et les organismes gestionnaires de régimes de retraite légalement obligatoires

56

Substitution du comité d’expertise indépendant des retraites (CEIR) au comité de suivi des retraites et transformation du Conseil d’orientation des retraites (COR)

II.  A

2

Couverture par le système universel de l’ensemble des personnes travaillant en France

1er janvier 2022

 

 

 

(pour les assurés nés à compter du 1er janvier 2004)

1er janvier 2025

 

 

 

(pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1975)

3

(1°, 2°)

Application du système universel aux salariés et assimilés du régime général nés à compter de 1975

4

Application du système universel aux indépendants

5

Application du système universel aux travailleurs agricoles

6

Application du système universel aux fonctionnaires

7

(I et A du II)

Application du système universel aux agents des anciens régimes spéciaux

8

Définition du point comme unité de calcul des droits à retraite

9

Fixation des valeurs d’acquisition et de service du point

10

Définition d’un âge d’équilibre associé à un coefficient d’ajustement

11

Règles de revalorisation des pensions versées

12

(I **)

Accès gratuit au droit à l’information des assurés du système universel

17

Règles de cotisations applicables aux fonctionnaires

23

Fixation de l’âge d’ouverture du droit à retraite

24

Définition d’un principe général de droit au cumul entre une retraite et une activité permettant d’acquérir des points de retraite

25

(I)

Modalités applicables à la retraite progressive

26

(I à III, V)

Modalités applicables au cumul emploi-retraite et adaptation du dispositif pour les exploitants agricoles

27

Définition des conditions de rachat de certaines périodes d’activité, de surcotisation en cas de temps partiel et d’affiliation à l’assurance vieillesse volontaire

28

Définition des conditions de bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue

29

Définition des conditions de bénéfice de la retraite anticipée des travailleurs handicapés

30

Modalités de prise en compte de l’invalidité et de l’inaptitude par le système universel

32

Définition des conditions de bénéfice de la retraite pour incapacité permanente liée à l’exposition aux facteurs de pénibilité

33

Conditions de bénéfice d’un départ anticipé au titre de l’utilisation des points inscrits sur le compte professionnel de prévention (C2P)

35

Modalités de bénéfice de l’allocation de cessation anticipée pour les travailleurs exposés à l’amiante

36

Définition des conditions de départ anticipé pour les métiers dangereux régaliens

37

Définition des conditions de conditions de départ anticipé pour les militaires

40

Définition des conditions de bénéfice de la retraite minimale

42

Modalités de prise en compte des périodes d’interruption ou de réduction d’activité au sein du système universel

43

Attribution de points supplémentaires aux proches aidants

44

Conditions de majoration de la pension au titre des enfants

45

Prise en compte pour les parents d’enfants en bas âge des effets des interruptions de carrière et de réduction d’activité

47

Garantie de points au titre de l’apprentissage, du service civique ou de la pratique d’un sport de haut niveau

48

Conditions de rachat de points au titre des études ou des stages

62

(I)

Fin de l’obligation légale d’affiliation des assurés à un régime de retraite complémentaire

II.  B

32

Exposition aux facteurs de pénibilité donnant accès à la retraite pour incapacité permanente

Prise en compte des périodes d’activité ou d’exposition antérieures au 1er janvier 2025

36

Exercice d’une fonction régalienne dangereuse

37

Exercice d’une activité militaire

III

25

(III)

Extension de la retraite progressive aux salariés exerçant en forfait jours

1er janvier 2022

26

(IV)

Conditions d’âge et d’indemnisation de départ en retraite et de mise à la retraite d’office par l’employeur et ouverture du droit à l’acquisition de points supplémentaires en cas de cumul emploi-retraite

41

Revalorisation du minimum de retraite des exploitants agricoles et création d’un dispositif similaire pour les travailleurs indépendants

58

(I, II)

Nouvelle architecture financière du système universel de retraite (recettes, dépenses, équilibre financier par la CNRU *)

59

(I à IV)

Création du Fonds de solidarité vieillesse universel (à l’exception des règles relatives au contentieux)

60

Substitution du Fonds de réserves universel (FRU) au Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

62

(II)

Prise en compte de la trajectoire d’équilibre financier d’ensemble par les régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires

IV

19

(II)

Alignement de l’assiette de cotisations dues par les affiliés à la caisse de retraite et d’assistance des clercs de notaires

1er janvier 2022

V

25

(II)

Encadrement des conditions de refus de l’employeur en cas de demande de retraite progressive d’un de ses salariés

Demandes formulées à compter du 1er janvier 2022

VI

Application des nouvelles règles de cotisations aux fonctionnaires nés après le 1er janvier 2004

Du 1er janvier 2022 jusqu’au 31 décembre 2024

VII

55

Pilotage financier annuel et pluriannuel par la CNRU * : application de la première période de pilotage

Période courant à compter du 1er janvier 2025

(délibérations de la CNRU à adopter au plus tard le 30 juin 2024)

VIII

13

Nouvelles règles de cotisations applicables à l’ensemble des assurés

1er janvier 2025

14

Application des nouvelles règles de cotisations aux salariés en activité partielle

20

Nouvelles règles de cotisations adaptées pour les travailleurs non salariés

22

Dispositions relatives aux cotisations minimales dans le nouveau système

IX

46

(I)

Dispositions applicables aux retraites de réversion au sein du système universel

Réversion applicable pour les conjoints des assurés nés à compter du 1er janvier 1975 et décédés après le 31 décembre 2024.

(*) Caisse nationale de retraite universelle.

(**) Le « 1° du I » mentionné dans la rédaction du projet de loi est une erreur de référence. De même, le « 2° du I » mentionné au III du même article est également une erreur de référence.

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

B.   La présentation dans l’ordre chronologique

La seconde présentation proposée retient comme ordre celui de la chronologie des entrées en vigueur retenues par le projet de loi.

 


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II.   Présentation des dispositions de fond

A.   Les modalités de prise en compte de certaines périodes et des enfants nés, élevés ou adoptés avant la bascule dans le système universel

Plusieurs dispositifs des titres II et III nécessitent de préciser les modalités de prise en compte de certaines périodes d’activité ou d’inactivité exercées avant l’entrée en vigueur du système universel.

Le B du II précise ainsi que :

− les périodes d’activité antérieures au 1er janvier 2025 sont prises en compte pour l’application des dispositifs de départ anticipé prévus respectivement aux articles 36 et 37 du projet de loi pour les fonctionnaires exerçant des métiers dangereux régaliens et les militaires ;

− de même, les périodes d’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels antérieures au 1er janvier 2025 sont prises en compte dans le cadre du dispositif de retraite pour incapacité permanente mentionné à l’article 32 du projet de loi ;

− les périodes « dactivité, détudes, dinactivité ou de suspension dactivité », mentionnées respectivement aux articles 42 relatif aux périodes ouvrant droit à l’attribution de points au titre de la solidarité, 43 pour les périodes d’inactivité des proches aidants, 47 pour les périodes de service civique, de pratique d’un sport de haut niveau ou d’apprentissage ainsi que 48 concernant les études et les stages, sont également prises en compte pour l’application des dispositifs prévus auxdits articles, lorsque ces périodes sont antérieures au 1er janvier 2025 ;

– enfin, le troisième alinéa du B précise que les enfants nés ou adoptés avant la date de bascule de l’assuré au système universel sont pris en compte pour les majorations de points pour enfants prévues à l’article 44 du projet de loi ainsi que pour le bénéfice des points de retraite attribués au titre de la réduction ou de l’interruption d’activité, dans les conditions prévues à l’article 45 du projet de loi.

La prise en compte de ces différentes périodes, de la naissance ou de ladoption dun enfant pour lapplication des dispositifs prévus par le système universel devra toutefois sarticuler avec les dispositions de lordonnance prévue par larticle 61 du projet de loi relative à la prise en compte des périodes daffiliation antérieures à lentrée dans le système universel, en particulier sagissant de la question des enfants nés, adoptés ou élevés avant lentrée en vigueur du système universel.

B.   Le renvoi à une ordonnance de la définition des règles d’entrée en vigueur applicables aux fonctionnaires

Le II vise à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi, les éventuelles mesures dérogatoires de l’entrée en vigueur du système universel pour les salariés, fonctionnaires, magistrats et assurés des régimes spéciaux qui bénéficiaient de dispositifs de départ anticipé à la retraite avant l’entrée en vigueur du système universel, par rapport aux dates prévues par le A du II de l’article 63.

D’après l’habilitation, ces dispositions spécifiques d’entrée en vigueur tiendront compte :

– de la génération concernée ;

– de la durée de service exigée ;

– de la date de recrutement des artistes du ballet de l’Opéra national de Paris, pour lesquels l’article 39 du projet de loi prévoit le maintien d’un droit au départ anticipé à 40 ans, sous réserve d’avoir été recrutés avant le 1er janvier 2022.

C.   Les aménagements en matière de cotisations

Le VI prévoit spécifiquement la situation des cotisants nés à partir du 1er janvier 2004 qui entreront dans le nouveau système au 1er janvier 2022, en distinguant le cas général et deux cas spécifiques.

1.   Les « premiers entrants » entre 2022 et 2025 se verront appliquer les anciennes règles de cotisations tout en acquérant des points dans le nouveau système

De manière générale, ces « premiers entrants » dans le régime universel se verront appliquer jusqu’au 1er janvier 2025 les taux et assiettes applicables dans les régimes de base et complémentaires auxquels ils auraient dû être affiliés (régime général et AGIRC-ARRCO, fonctionnaires, indépendants...).

L’ensemble de leurs cotisations pour le régime complémentaire et la part inférieure au plafond annuel de la sécurité sociale pour le régime de base leur permettront d’acquérir des points dans le système universel. Il s’agit ici d’éviter la coexistence de plusieurs taux de cotisations concurrents qui pourraient introduire des distorsions sur le marché du travail.

Ces assurés entameront ensuite à compter de 2025 les transitions prévues aux articles 15 pour les salariés, 18 pour les fonctionnaires, 19 pour les agents des régimes spéciaux et 21 pour les travailleurs non salariés.

2.   Un alignement sur les salariés dès 2022 pour les fonctionnaires et agents des régimes spéciaux

À titre dérogatoire, les fonctionnaires, magistrats et militaires visés à l’article L. 721-1 du code de la sécurité sociale, d’une part, et les agents des régimes spéciaux visés à l’article L. 381-25 se verront appliquer dès le 1er janvier 2022 les règles de calcul et taux de cotisations des salariés du régime général, et non celles du régime auquel ils auraient dû être affiliés en l’absence de réforme.

Il s’agit d’éviter une reconfiguration des assiettes et des taux pendant la transition, alors que ces assurés pourraient ne pas avoir à connaître le futur ancien système de cotisations.

transition pour les « jeunes entrants » dans la réforme

 

Entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2025

Après le 1er janvier 2025

Salariés du privé, du public, non-salariés

Application des règles actuelles des régimes auxquels les assurés auraient appartenu sans réforme (donc CNAV-AGIRC-ARRCO, CNAV‑IRCANTEC ou régimes de travailleurs non salariés (artisans et commerçants, agricoles, libéraux)

Transition des salariés dans les conditions prévues par l’habilitation de l’article 15 du projet de loi

Fonctionnaires et agents des régimes spéciaux

Application des règles actuelles applicables aux salariés (CNAV‑AGIRC-ARRCO)

Source : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

D.   Les modalités d’application du nouveau système de réversion

Le IX fait écho à l’article 46 du projet de loi, qui définit les dispositions applicables en matière de réversion au sein du système universel.

Selon le premier alinéa, la prise en compte des nouvelles règles de réversion reposant sur une garantie du niveau de vie sera applicable dès le 1er janvier 2025 pour les conjoints survivants de personnes nées à compter du 1er janvier 1975 et décédés après le 31 décembre 2024, sous réserve que ces conjoints survivants remplissent les conditions posées par l’article 46, notamment en termes d’âge minimal de bénéfice de la réversion.

Le second alinéa précise en outre que pour l’application de ces nouvelles règles, les conjoints divorcés « sont assimilés à des conjoints survivants » seulement si le divorce est intervenu avant le 1er janvier 2025.

Pour mémoire, pour les conjoints divorcés dont le divorce sera prononcé ultérieurement, la rédaction de l’article 46 renvoie à une ordonnance le soin de définir les conditions de prise en compte du divorce au regard de la réversion.

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Chapitre II
Dispositions diverses

Article 64
Habilitation à prendre par ordonnances les mesures de coordination et de correction des dispositions du présent projet de loi, les mesures dadaptation relatives aux fonctionnaires et à loutre-mer

Cet article vise à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour garantir la cohérence et l’exactitude des dispositions issues du projet de loi, d’une part, et pour les adapter aux collectivités et territoires d’outre-mer, d’autre part.

Il habilite en outre le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure visant à tirer les conséquences des dispositions du projet de loi sur les fonctionnaires, notamment en termes de limites d’âge et d’application du compte professionnel de prévention à ces agents.

I.    Habilitation à prendre par ordonnance les mesures de coordination et de correction des dispositions du projet de loi

L’ambition portée par le présent projet de loi de construire un nouveau système de retraite, en harmonisant les règles applicables aujourd’hui à plus d’une quarantaine de régimes de retraite de base ou complémentaire, constitue un défi relativement inédit dans l’histoire sociale récente de notre pays.

Si la grande majorité des règles applicables au système universel fait l’objet d’articles nouvellement créés au sein du code de la sécurité sociale, nombre de dispositions nécessitent des coordinations avec d’autres dispositions législatives en vigueur, codifiées ou non. De même, certaines dispositions obsolètes devront nécessairement être abrogées.

Les soixante-cinq articles du projet de loi contiennent d’ores et déjà un nombre élevé de ces coordinations indispensables. Néanmoins, il est légitime de penser que des omissions ont pu être commises par inadvertance, qu’il conviendra de corriger le plus rapidement possible avant l’entrée en vigueur du système universel de retraite dès le 1er janvier 2022.

En conséquence, le I de l’article 64 propose d’habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi, afin de prendre toute mesure de nature législative visant à « assurer la cohérence des textes au regard des dispositions de la présente loi et le respect de la hiérarchie des normes, à abroger les dispositions devenues sans objet et à remédier aux éventuelles erreurs résultant de la présente loi ».

Bien que ce type d’habilitation soit devenu courant, voire systématique au cours des dernières réformes impliquant la création ou la modification d’un grand nombre de dispositifs ([343]), le rapporteur rappelle qu’une telle habilitation ne saurait constituer un blanc-seing accordé au Gouvernement. Il veillera en conséquence personnellement à ce que les dispositions modifiées ou abrogées se bornent à opérer des ajustements indispensables d’un point de vue légistique, et non à modifier la philosophie ou les grands équilibres du texte.

Le projet de loi de ratification de cette ordonnance devra être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

II.   Habilitation à prendre par ordonnance les mesures tirant les conséquences du projet de loi pour les fonctionnaires

Le II habilite ensuite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi, les mesures visant à tirer les conséquences de l’extension aux fonctionnaires de certains dispositifs de retraite dans le cadre du système universel.

Cette ordonnance aura ainsi vocation à définir « toute mesure relevant du domaine de la loi rendue nécessaire par les dispositions » de la loi, en particulier :

− les mesures applicables aux agents publics civils et militaires en matière de retraite ou en lien avec la retraite ;

− les mesures relatives à l’application du compte professionnel de prévention (C2P), que l’article 33 du projet de loi étend à l’ensemble des assurés du système universel, à l’exception des marins et des militaires ;

− les mesures relatives aux limites d’âges des fonctionnaires ainsi que les mesures de prolongation d’activité après ces limites d’âge ;

− les mesures visant à supprimer, au sein de la fonction publique, toute sanction disciplinaire « prenant la forme dune restriction des droits à retraite ou dune mise à la retraite doffice ».

Un projet de loi de ratification devra également être déposé dans les trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

D’après l’étude d’impact, cette ordonnance aura pour objet de tirer les conséquences de l’entrée en vigueur du système universel sur les « très nombreuses règles de retraite et statutaires applicables aux agents publics civils et militaires ».

Compte tenu du champ très large de cette habilitation et des enjeux qu’elle porte pour les agents des fonctions publiques, le rapporteur tient à réitérer sa très grande vigilance quant aux dispositions qui seront prises par cette ordonnance.

III.   Habilitation à prendre par ordonnance les mesures relatives à l’outre-mer

Le III propose enfin d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures d’adaptation du projet de loi visant :

− d’une part, à prévoir les modalités d’application de cette loi en matière de cotisations en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint‑Barthélemy et à Saint-Martin. L’ordonnance devra ainsi « tenir compte des caractéristiques et des contraintes particulières de ces collectivités » en matière de cotisations. Toutefois, il est rappelé que le système universel de retraite s’y applique de plein droit ( du III) ;

− d’autre part, à assurer l’application du système universel de retraite à Mayotte ( du III), Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna (du III), en prévoyant le cas échéant les adaptations ou, pour Mayotte, les transitions nécessaires compte tenu des « contraintes particulières » de ces collectivités.

Il est prévu qu’un projet de loi de ratification de chaque ordonnance soit déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi.

 

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Article 65
Ratification dordonnances en matière dépargne retraite

L’article 65 propose la ratification de trois ordonnances, ainsi que quelques modifications mineures pour deux d’entre elles :

– l’ordonnance n° 2019-575 du 12 juin 2019 relative aux activités et à la surveillance des institutions de retraite professionnelle supplémentaire ;

– l’ordonnance n° 2019-697 du 3 juillet 2019 relative aux régimes professionnels de retraite supplémentaire ;

– l’ordonnance n° 2019-766 du 24 juillet 2019 portant réforme de l’épargne retraite.

Si le rapporteur a évidemment présenté le contenu de chacune d’entre elles, il estime que ces ratifications n’ont pas leur place dans un texte consacré à une transformation très riche, très profonde et très ambitieuse de notre régime par répartition et propose par conséquent leur suppression.

1.   L’ordonnance n° 2019-575 du 12 juin 2019 relative aux activités et à la surveillance des institutions de retraite professionnelle supplémentaire

a.   Une habilitation à compléter la transposition de la directive du 14 décembre 2016

Cette ordonnance est prise sur le fondement du V de l’article 199 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE » ([344]).

Son objet est double :

– transposer les mesures relevant du domaine de la loi de la directive du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la surveillance et les activités des institutions de retraite professionnelle (IRP) ([345]) ;

– aménager les règles applicables aux organismes de retraite professionnelle ([346]).

Cette ordonnance vient compléter une première étape de la transposition de cette directive du 14 décembre 2016 qui avait été effectuée dans le cadre de l’ordonnance du 6 avril 2017 ([347]).

Les institutions de retraite professionnelle supplémentaire (IRP)

Les IRP ont été créées par le droit communautaire en 2003 ([348]) avec pour objectif d’homogénéiser les règles dédiées à la retraite supplémentaire. En France, ce sont des organismes d’assurance qui gèrent ces IRP.

Ces opérations, nommées en droit français « retraite professionnelle supplémentaire » (RPS), sont comptabilisées au sein de leurs bilans, dans des cantons ([349]) séparés de leurs autres activités comme le prévoit l’ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 relative aux retraites professionnelles supplémentaires.

b.   Les dispositions de l’ordonnance du 12 juin 2019

Le du I ratifie cette ordonnance, qui contient les dispositions suivantes.

Son article 1er prévoit d’intégrer dans le livre Ier du code des assurances des obligations de transparence des IRP vis-à-vis des bénéficiaires, pendant l’ensemble de la vie du contrat. Cet article oblige également les IRP à recourir à un dépositaire chargé de conserver les actifs gérés par l’organisme.

Son article 2 modifie le livre III du code des assurances pour y clarifier le fait que l’activité de réassurance permet de porter des risques cédés par des organismes dédiés.

Son article 3 refonde les conditions d’exercice des IRP d’un autre pays de l’Union européenne (UE) en France prévues au titre VII du livre III du code des assurances. Cet article prévoit notamment que l’activité de couverture d’engagements de retraite professionnelle soit soumise à l’obtention d’un agrément dans un État membre de l’UE ou dans un autre État faisant partie de l’Espace économique européen (EEE). De surcroît, cet article précise que l’exercice de cette activité est soumise au respect des dispositions du droit français en termes de droit des contrats de retraite, de souscription, d’information et de droit du travail.

Son article 4 introduit également la possibilité pour les organismes de retraite dédiés de couvrir des engagements de retraite souscrits individuellement et à adhésion facultative. Cet article étend ainsi le périmètre des engagements que les organismes de retraite professionnelle peuvent porter, ce qui permet à ces véhicules d’assurer tout type de plan épargne retraite. Une obligation de prise en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance liés aux actifs de placement lors des décisions de placement est également introduite.

Son article 5 acte l’intégration des organismes dédiés dans le champ des organismes pour lesquels l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) peut échanger des informations avec d’autres autorités publiques.

Son article 6 prévoit un élargissement du périmètre des engagements que pourront porter les mutuelles de retraite professionnelles. Y sont notamment intégrées les possibilités pour ces organismes de couvrir des engagements de retraite souscrits individuellement.

Son article 7 introduit des dispositions analogues à celles de l’article 6 pour les organismes dédiés à forme paritaire, afin d’homogénéiser les normes pour l’ensemble des organismes concernés.

c.   Les modifications apportées par l’article 65

Le du III précise les conditions d’informations des affiliés par les institutions de retraite professionnelle supplémentaire ou institutions de prévoyance en cas de variations significatives des provisions techniques des engagements de retraite.

L’article L. 932-6 du code dans la rédaction proposée précise ainsi que cette information est indépendante de la notice d’informations prévue au premier alinéa du même article. D’après l’étude d’impact gouvernementale concernant le projet de loi, « cette modification permet une harmonisation des dispositions entre le code de la sécurité sociale et le codes des assurances et de la mutualité ».

En outre, le du III de l’article 65 complète l’article L. 932-41-2 du code de la sécurité sociale et prévoit que « dès quun évènement entraîne une variation significative des provisions techniques, linstitution de retraite professionnelle supplémentaire ou linstitution de prévoyance en informe par écrit les affiliés ».

2.   L’ordonnance n° 2019-697 du 3 juillet 2019 relative aux régimes professionnels de retraite supplémentaire

a.   L’habilitation

Cette ordonnance est là encore prise sur le fondement de l’article 197 de la loi « PACTE » et transpose la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014.

Cette ordonnance comporte deux objectifs principaux :

– transposer les mesures relevant du domaine de la loi de la directive du 16 avril 2014 relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres ;

– adapter le régime social des dispositifs de retraite à prestations définies.

b.   Les dispositions de l’ordonnance du 3 juillet 2019

Son article 1er transpose notamment certaines dispositions de cette directive du 16 avril 2014 en prohibant pour tous les contrats de retraite professionnelle supplémentaire la condition de l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise au moment de la liquidation pour bénéficier des prestations attachées. Cet article laisse cependant la possibilité de conditionner l’adhésion à un contrat de retraite professionnelle supplémentaire à une durée minimale de présence dans l’entreprise et à une condition de cotisations ; la somme de ces deux durées ne pouvant excéder trois ans. Une condition d’âge minimal pour souscrire à un contrat ou acquérir des droits à la retraite peut également être posée, sans qu’elle puisse être supérieure à vingt-et-un ans.

Son article 2 adapte le régime social des retraites à prestations définies et crée un régime social spécifique aux dispositifs à prestations à droits certains. Cet article soumet à plusieurs conditions le bénéfice de ce régime social, notamment :

– une condition de performance professionnelle du bénéficiaire lorsqu’il s’agit d’un mandataire social ou d’un salarié percevant une rémunération supérieure à huit fois le plafond de la sécurité sociale ;

– des modalités de revalorisation des droits : ces revalorisations sont plafonnées par le plafond de la sécurité sociale.

En outre, cet article interdit l’instauration de nouveaux régimes à droits aléatoires à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, ainsi que la constitution de droits aléatoires pour les adhérents de ces régimes.

Son article 3 procède à une mise en conformité du code du commerce par rapport au précédent article, en supprimant toutes les références à des « droits conditionnels » pouvant être octroyés aux salariés. Cet article rend également applicable le nouveau régime social des dispositifs de retraite professionnelle supplémentaire à prestations définies aux dirigeants de sociétés cotées.

Son article 4 exclut du revenu imposable des bénéficiaires, les sommes versées par les employeurs au titre du financement de contrats de retraite à prestations définies à droits certains, assujetties à la contribution employeur de 29,7 %.

L’article 5 met en place un dispositif facilitant le transfert des régimes à prestations définies à droits aléatoires vers des dispositifs à prestations définies à droits certains. Il prévoit une réouverture du droit d’option de l’assiette des contributions sociales dans le cadre des régimes à prestations définies à droit aléatoire. L’employeur ayant fait le choix d’une contribution assise sur les rentes peut ainsi revenir sur ce choix en s’acquittant d’une contribution libératoire, ce qui n’était pas possible dans l’ancien régime.

c.   Les modifications apportées par l’article 65

Le présentarticle 65 propose deux modifications à l’ordonnance précitée :

– le du III précise que le plafond annuel d’acquisition des droits à hauteur de 3 % de la rémunération annuelle, mentionné au 2° de l’article L. 137‑11-2 du code de la sécurité sociale, s’applique à la rémunération annuelle versée par chaque employeur ; cette modification permet notamment d’assurer que, pour les salariés multi employeurs, la création des droits est limitée à 3 % de la rémunération annuelle versée par chaque employeur et non à 3 % de la rémunération versée par l’ensemble des employeurs ; d’après l’étude d’impact du projet de loi, cette modification permettra également d’alléger le travail des services administratifs chargés de vérifier le respect de ce plafonnement de droits et de limiter les contentieux liés à des interprétations ambiguës de l’article L. 137‑11‑2 ;

– le II modifie l’article L. 143-0 du code des assurances afin de clarifier le fait que l’obligation des ayants droit du bénéficiaire ne s’applique que si le contrat prévoit le versement de droits au bénéfice d’ayants droit désignés par le bénéficiaire décédé.

3.   L’ordonnance n° 2019-766 du 24 juillet 2019 portant réforme de l’épargne retraite

Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l’habilitation donnée au gouvernement par l’article 71 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dites loi « PACTE ». Elle vise à réformer l’épargne retraite, définie comme un dispositif d’épargne qui permet à un particulier de se constituer un complément à sa retraite de base ou complémentaire, les versements dans ce plan étant affectés à l’acquisition de titres financiers et qui vise « lacquisition et la jouissance des droits viagers personnels ou le versement dun capital » ([350]).

a.   L’état de l’épargne retraite antérieurement aux réformes issues de la loi « PACTE » : un paysage fragmenté, des produits excessivement rigides

Avant les réformes issues de la loi « PACTE », il n’existait pas de règles uniques applicables aux différents plans d’épargne retraite. Cette situation pouvait ainsi limiter la compréhension et l’attractivité des produits pour les épargnants, notamment par rapport aux produits d’assurance vie. D’après l’étude d’impact de la loi « PACTE », elle « [nuisait] à la lisibilité du droit positif et [faisait] obstacle à la portabilité des droits à retraite supplémentaires. Certains épargnants [cumulaient] ainsi plusieurs produits représentant chacun un faible encours, en raison de leur transférabilité limitée. » ([351]).

Le paysage était ainsi marqué par la diversité des produits de l’épargne retraite, construits sur une base collective ou individuelle.

Sur une base collective, on pouvait ainsi identifier :

– des plans à cotisations définies, qui ont pour objectif de compléter la retraite de certaines catégories de salariés, appelés également « article 83 » ;

– des plans à prestations définies, avec des droits conditionnés à l’achèvement de la carrière dans l’entreprise, dits « article 39 » ;

– des dispositifs d’épargne retraite avec le plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO).

Au niveau individuel, on comptait :

– des plans d’épargne retraite populaire (PERP), ouverts à tous ;

– des plans réservés aux artisans et professions libérales avec les contrats dits « Madelin » et des plans dédiés aux chefs d’entreprises et exploitants agricoles « Madelin agricole » ;

– des plans destinés aux fonctionnaires (par exemple, le régime Préfon).

La loi « PACTE » avait ainsi pour objet d’unifier les règles relatives aux différents plans, avant d’améliorer la transférabilité de ces derniers.

L’étude d’impact de la loi « PACTE » identifiait également certaines limites relatives :

– à la dynamisation de lépargne investie ; les produits étaient généralement investis dans des actifs peu rémunérateurs et adaptés à une gestion sur le long terme ; 60 à 100 % des encours des produits d’assurance étaient investis dans des fonds en euros des entreprises d’assurance ; seul le PERCO disposait d’une gestion pilotée par horizon de placement, c’est-à-dire modelée en fonction du risque, où 25 % étaient investis en fonds actions et 25 % en fonds monétaires (le reste de l’encours étant investi en fonds diversifiés et en fonds obligataires) ;

– à la protection des engagements liés à la retraite (à l’exception du PERP) ; à l’exception des souscripteurs de PERP qui bénéficiaient d’un cantonnement des actifs de retraite et des souscripteurs de PERCO propriétaires des parts et actions des organismes de placement collectif dans lesquels était investie leur épargne, les épargnants ne bénéficiaient pas d’une protection financière en cas de défaillance de leur prestataire financier ;

– à l’environnement concurrentiel des produits d’épargne, causés notamment par le cloisonnement des produits d’assurance réservés à des entreprises d’assurance, et des PERCO réservés à des sociétés de gestion d’actifs.

b.   La réforme du plan épargne retraite issue de la loi « PACTE »

L’article 71 de la loi « PACTE » complète le code monétaire et financier d’une section unique d’un nouveau chapitre relatif aux dispositions communes de l’épargne retraite ([352]). Cet article instaure ainsi un régime commun aux différents plans d’épargne retraite (PER) à cotisations définies, qu’ils soient individuels ou collectifs. Notamment, une liste fixée par le décret n° 2019-807 du 30 juillet 2019 précise les titres financiers offrant une protection suffisante de l’épargne investie pouvant être acquis par un PER et donnant lieu à l’ouverture de comptes-titres.

La sous-section 2 « Composition et gestion » de ce nouveau chapitre définit la composition et la gestion du plan épargne retraite. Cette sous-section ouvre notamment la voie à la mise en concurrence entre les organismes assureurs et fonds de retraite professionnels supplémentaires et les sociétés de gestion d’actifs en vue de diminuer les frais de gestion. Les trois organismes ont désormais la possibilité de proposer des plans épargne retraite, avec une certaine flexibilité dans leurs modes de gestion.

Cette sous-section consacre également une évolution du mode de gestion des supports financiers « en mode gestion pilotée », c’est-à-dire une gestion par une société modélisée en fonction du risque, de manière à réduire progressivement, à l’approche de l’âge de la retraite, les risques financiers pour le titulaire. Enfin, il est imposé, que, dans le cadre de plans d’épargne retraite d’entreprise, au moins une des allocations proposées au salarié permette l’acquisition de parts de fonds investis dans les entreprises solidaires d’utilité sociale (article L. 224-3 du code monétaire et financier).

Cet article laisse également davantage de flexibilité aux épargnants concernant la liquidation de certains de leurs droits ([353]), qu’ils peuvent effectuer en un ou plusieurs versements, ou en une sortie en rente viagère (article L. 224-5). Auparavant, cette sortie était partielle, ou obligatoirement sous forme de rente viagère.

La loi autorise également un transfert des « droits individuels en cours de constitution vers tout autre plan d’épargne retraite » (article L. 224-6).

L’article 71 de la loi « PACTE » nécessitait la publication d’un décret qui habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance certaines mesures, ainsi que les préciser. Ce décret a été pris le 30 juillet 2019 ([354]).

Son article 1er de l’ordonnance ouvre la possibilité de créer des fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) concentrés sur certaines thématiques, en modifiant leurs règles d’investissement.

Son article 2 enrichit le nouveau chapitre créé dans le code monétaire et financier par l’article 71 de la loi « PACTE ». Il définit notamment la liste des gestionnaires habilités à gérer un plan épargne retraite ainsi que les règles relatives au plan d’épargne retraite d’entreprise et crée deux produits :

– un plan d’épargne retraite collectif, ouvert à tous les salariés et visant à succéder aux actuels PERCO ;

– un plan d’épargne retraite entreprise pouvant être réservé à certaines catégories de salariés, succédant aux contrats dits « article 83 ».

Cet article définit également les règles relatives aux plans d’épargne individuels, qui ont pour objet de succéder aux contrats « Madelin » et PERP.

Son article 3 détermine le régime fiscal du plan épargne retraite, qui varie en fonction des sommes épargnées. Les versements volontaires et les versements obligatoires sont notamment déductibles de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Cet article harmonise également les options de sortie des produits d’épargne retraite. L’épargnant a désormais le choix entre la rente ou le retrait en capital (excepté pour les sommes issues de versements obligatoires). Auparavant, seuls les détenteurs de PERCO avaient cette option ([355]).

Son article 4 prévoit de conserver le dispositif d’exonération de cotisations sociales pour les versements employeurs, sans qu’il ne s’applique aux plus-values des sommes issues des versements volontaires.

Son article 5 acte l’adoption de règles de déontologie par les associations souscriptrices de contrats d’assurance vie, afin de marquer leur indépendance vis‑à‑vis des organismes d’assurance.

Son article 6 vise à améliorer la protection des épargnants et à réorganiser la répartition des rendements, en obligeant notamment le cantonnement de l’épargne retraite au sein d’une comptabilité auxiliaire des assureurs et en fixant les règles relatives aux plans d’épargne retraite souscrits dans un cadre assurantiel.

Son article 7 procède à des modifications dans le code des assurances, le code du travail et le code de la mutualité, afin de coordonner les diverses dispositions introduites par les articles précédents.

Son article 8 acte la fin de la commercialisation des anciens produits d’épargne retraite, au terme d’une période transitoire définie par décret ([356]).

Son article 9 renvoie à un décret la détermination de deux dates : celle à laquelle les nouveaux produits pourront être commercialisés, au plus tard le 1er janvier 2020 et la date d’entrée en vigueur de la fin de la commercialisation des anciens produits, au plus tard le 1er décembre 2020. La date a été finalement fixée par voie réglementaire au 1er octobre 2019.

Les impacts de la réforme induite par la loi « pacte »

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Source : Étude d’impact de la loi « PACTE ».

*

*     *

 

 

 


–  1  –

Annexe
liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen du projet de loi

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro darticle

1er

Code de la sécurité sociale

L. 111-2-1-1 [nouveau]

1er

Code de la sécurité sociale

L. 111-2-1

1er

Code de la sécurité sociale

L. 111-1

2

Code de la sécurité sociale

L. 190-1 [nouveau]

3

Code de la sécurité sociale

L. 358-1 [nouveau]

3

Code de la sécurité sociale

L. 381-1

3

Code de la sécurité sociale

L. 382-32

3

Code de la sécurité sociale

L. 921-2-1

4

Code de la sécurité sociale

L. 200-1

4

Code de la sécurité sociale

L. 311-3

4

Code de la sécurité sociale

L. 617-1 [nouveau]

4

Code de la sécurité sociale

L. 631-1

4

Code de la sécurité sociale

L. 640-1

4

Code de la sécurité sociale

L. 651-1

5

Code rural et pêche maritime

L. 732-64 [nouveau]

5

Code rural et pêche maritime

L. 742-3

6

Code de la sécurité sociale

L. 721-1 [nouveau]

6

Code de la sécurité sociale

L. 721-2 [nouveau]

6

Code de la sécurité sociale

L. 721-3 [nouveau]

6

Code de la sécurité sociale

L. 142-1

6

Code des pensions civiles et militaires de retraite

L. 3 bis [nouveau]

6

Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958

8

7

Code de la sécurité sociale

L. 381-32 [nouveau]

7

Code de la sécurité sociale

L. 200-1

7

Code des transports

L. 5558-1 [nouveau]

7

Code des transports

L. 5558-2 [nouveau]

8

Code de la sécurité sociale

L. 191-2 [nouveau]

8

Code de la sécurité sociale

L. 191-3 [nouveau]

9

Code de la sécurité sociale

L. 191-4 [nouveau]

10

Code de la sécurité sociale

L. 191-5 [nouveau]

11

Code de la sécurité sociale

L. 191-6 [nouveau]

12

Code de la sécurité sociale

L. 198-1 [nouveau]

12

Code de la sécurité sociale

L. 198-2 [nouveau]

13

Code de la sécurité sociale

L. 241-3

13

Code rural et de la pêche maritime

L. 741-9

14

Code de la sécurité sociale

L. 136-1-1

14

Code de la sécurité sociale

L. 241-3-1

14

Code de la sécurité sociale

L. 241-3-2

14

Code de la sécurité sociale

L. 242-3

14

Code rural et de la pêche maritime

L. 741-12

14

Code rural et de la pêche maritime

L. 741-15

17

Code de la sécurité sociale

L. 722-1 [nouveau]

17

Code de la sécurité sociale

L. 722-2 [nouveau]

19

Loi du 12 juillet 1937

3

20

Code de la sécurité sociale

L. 162-14-1

20

Code de la sécurité sociale

L. 611-2 [nouveau]

20

Code de la sécurité sociale

L. 611-3 [nouveau]

20

Code de la sécurité sociale

L. 611-4 [nouveau]

20

Code rural et de la pêche maritime

L. 732-65 [nouveau]

22

Code de la sécurité sociale

L. 611-5 [nouveau]

22

Code de la sécurité sociale

L. 613-7-1 [nouveau]

23

Code de la sécurité sociale

L. 191-1 [nouveau]

24

Code de la sécurité sociale

L. 193-1 [nouveau]

25

Code de la sécurité sociale

L. 193-2 [nouveau]

25

Code de la sécurité sociale

L. 193-3 [nouveau]

25

Code de la sécurité sociale

L. 193-4 [nouveau]

25

Code de la sécurité sociale

L. 193-5 [nouveau]

25

Code de la sécurité sociale

L. 193-6 [nouveau]

25

Code du travail

L. 3121-60-1 [nouveau]

25

Code du travail

L. 3123-4-1 [nouveau]

25

Code de la sécurité sociale

L. 351-15

25

Code de la sécurité sociale

L. 351-16

26

Code de la sécurité sociale

L. 193-7 [nouveau]

26

Code de la sécurité sociale

L. 193-8 [nouveau]

26

Code de la sécurité sociale

L. 193-9 [nouveau]

26

Code de la sécurité sociale

L. 193-10 [nouveau]

26

Code de la sécurité sociale

L. 193-11 [nouveau]

26

Code de la sécurité sociale

L. 193-12 [nouveau]

26

Code de la sécurité sociale

L. 193-13 [nouveau]

26

Code rural et de la pêche maritime

L. 732-66 [nouveau]

26

Code rural et de la pêche maritime

L. 732-67 [nouveau]

26

Code du travail

L. 1237-5

26

Code du travail

L. 1237-7

26

Code du travail

L. 1237-9

26

Code du travail

L. 5421-4

26

Code de la sécurité sociale

L. 161-22-1 A

27

Code de la sécurité sociale

L. 194-1 [nouveau]

27

Code de la sécurité sociale

L. 194-2 [nouveau]

27

Code de la sécurité sociale

L. 194-3 [nouveau]

27

Code de la sécurité sociale

L. 722-3 [nouveau]

27

Code rural et de la pêche maritime

L. 732-68 [nouveau]

28

Code de la sécurité sociale

L. 192-1 [nouveau]

29

Code de la sécurité sociale

L. 192-2 [nouveau]

30

Code de la sécurité sociale

L. 192-3 [nouveau]

30

Code de la sécurité sociale

L. 341-14-1

30

Code de la sécurité sociale

L. 341-15

30

Code de la sécurité sociale

L. 341-16

30

Code de la sécurité sociale

L. 341-17

32

Code de la sécurité sociale

L. 192-4 [nouveau]

33

Code du travail

L. 4111-1

33

Code du travail

L. 4163-5

33

Code du travail

L. 4163-6

33

Code du travail

L. 4163-7

33

Code du travail

L. 4163-9

33

Code du travail

L. 4163-10

33

Code du travail

L. 4163-4

33

Code du travail

L. 4163-5

33

Code du travail

L. 4163-7

33

Code du travail

L. 4163-13

33

Code du travail

L. 4163-15

33

Code de la sécurité sociale

L. 192-5 [nouveau]

35

Loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998

41

35

Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015

146

35

Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017

134

36

Code de la sécurité sociale

L. 723-1 [nouveau]

36

Code de la sécurité sociale

L. 723-2 [nouveau]

36

Code de la sécurité sociale

L. 723-3 [nouveau]

36

Code de la sécurité sociale

L. 723-4 [nouveau]

36

Code de la sécurité sociale

L. 723-5 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-1 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-2 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-3 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-4 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-5 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-6 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-7 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-8 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-9 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-10 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-11 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-12 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-13 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-14 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-15 [nouveau]

37

Code de la sécurité sociale

L. 724-16 [nouveau]

37

Code de la défense

L. 4111-1-1 [nouveau]

40

Code de la sécurité sociale

L. 195-1 [nouveau]

41

Code de la sécurité sociale

L. 635-5 [rétabli]

41

Code rural et de la pêche maritime

L. 732-63

42

Code de la sécurité sociale

L. 195-2 [nouveau]

43

Code de la sécurité sociale

L. 195-4 [nouveau]

44

Code de la sécurité sociale

L. 196-1 [nouveau]

45

Code de la sécurité sociale

L. 196-2 [nouveau]

46

Code de la sécurité sociale

L. 197-1 [nouveau]

46

Code de la sécurité sociale

L. 197-2 [nouveau]

46

Code de la sécurité sociale

L. 197-3 [nouveau]

46

Code de la sécurité sociale

L. 197-4 [nouveau]

46

Code de la sécurité sociale

L. 197-5 [nouveau]

46

Code de la sécurité sociale

L. 197-6 [nouveau]

46

Code de la sécurité sociale

L. 725-1 [nouveau]

46

Code de la sécurité sociale

L. 342-1

46

Code de la sécurité sociale

L. 342-3

46

Code de la sécurité sociale

L. 342-5

46

Code de la sécurité sociale

L. 342-6

46

Code de la sécurité sociale

L. 762-7-1

47

Code de la sécurité sociale

L. 195-3 [nouveau]

48

Code de la sécurité sociale

L. 194-4 [nouveau]

48

Code de la sécurité sociale

L. 194-5 [nouveau]

48

Code de la sécurité sociale

L. 358-2 [nouveau]

49

Code de la sécurité sociale

L. 199-1 [nouveau]

49

Code de la sécurité sociale

L. 199-2 [nouveau]

49

Code de la sécurité sociale

L. 199-3 [nouveau]

54

Code de la sécurité sociale

L. 199-4 [nouveau]

54

Code de la sécurité sociale

L. 122-8

55

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-2 [nouveau]

55

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-3 [nouveau]

55

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-4 [nouveau]

55

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-6 [nouveau]

55

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-7 [nouveau]

55

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-8 [nouveau]

55

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-9 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-10 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-11 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-12 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-13 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-14 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-15 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-16 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-17 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

L. 19-11-18 [nouveau]

56

Code de la sécurité sociale

Sections 4 et 6 du chapitre IV du titre Ier du livre Ier [abrogées]

56

Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013

11

58

Code de la sécurité sociale

L. 225-1

58

Code de la sécurité sociale

L. 225-1-2 [abrogé]

58

Code de la sécurité sociale

L. 225-1-4

58

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-1 [nouveau]

58

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-2 [nouveau]

58

Code de la sécurité sociale

L. 134-1 [abrogé]

58

Code de la sécurité sociale

L. 134-2 [abrogé]

59

Code de la sécurité sociale

L. 131-8

59

Code de la sécurité sociale

Chapitre V du titre III du livre Ier [abrogé]

59

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-3 [nouveau]

59

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-4 [nouveau]

59

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-5 [nouveau]

59

Code de la sécurité sociale

L. 223-1

59

Code de la sécurité sociale

L. 241-3

59

Code de l’action sociale et des familles

L. 142-1

59

Code de l’action sociale et des familles

L. 14-10-1

59

Code de l’action sociale et des familles

L. 14-10-5

59

Code de l’action sociale et des familles

L. 14-10-9

60

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-6 [nouveau]

60

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-7 [nouveau]

60

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-8 [nouveau]

60

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-9 [nouveau]

60

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-10 [nouveau]

60

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-11 [nouveau]

60

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-12 [nouveau]

60

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-13 [nouveau]

60

Code de la sécurité sociale

L. 19-10-14 [nouveau]

60

Code de la sécurité sociale

Chapitre V bis du titre III du livre Ier [abrogé]

62

Code de la sécurité sociale

L. 921-1

62

Code de la sécurité sociale

L. 921-4

65

Code des assurances

L. 143-0

65

Code de la sécurité sociale

L. 137-11-2

65

Code de la sécurité sociale

L. 932-6

65

Code de la sécurité sociale

L. 932-41-2

 

 


([1])  La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

([2]) La restitution des travaux du groupe est accessible à l’adresse suivante :

http://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/81659/908361/version/1/file/Restitution+GT+Retraites.pdf

([3]) Exposé des motifs de l’ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale.

([4]) Article 17 de l’ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale :

« Restent soumises au régime de leur statut actuel les professions agricoles et forestières.

« Sont provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale les branches dactivité ou entreprises énumérées par le règlement général dadministration publique parmi celles jouissant déjà dun régime spécial.

« Des décrets établiront pour chaque branche dactivité ou entreprises visées à lalinéa précédent une organisation de sécurité sociale dotée de lensemble des attributions définies à larticle 1er ci-dessus. Cette organisation peut comporter lintervention de lorganisation générale de la sécurité sociale pour une partie des prestations. »

([5]) Rapport du Conseil d’orientation des retraites, « Retraites : annuités, points ou comptes notionnels ? Options et modalités techniques » (2010).

([6]) Le RSI avait lui-même succédé, en 2006, à deux régimes distincts ouverts aux artisans et aux commerçants : la Caisse nationale de compensation d’assurance vieillesse des artisans (CANCAVA) et l’Organisation nationale du commerce et de l’industrie (ORGANIC), créées en 1949.

([7]) Loi n° 72-1223 du 29 décembre 1972 portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés.

([8]) Loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat.

([9]) Loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.

([10]) Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([11]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([12]) Il s’agit des médecins, des chirurgiens-dentistes, des auxiliaires médicaux, des sages-femmes et des directeurs de laboratoire privé d’analyse médicale.

([13]) Le commentaire de l’article 51 explicite les différents niveaux de couverture d’assurance vieillesse applicables aux professionnels libéraux.

([14]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

([15]) Le détail de l’articulation entre l’activité du COR et celle du CSR est présenté dans le commentaire de l’article 56 du projet de loi, relatif au nouveau comité d’expertise indépendant des retraites.

([16]) Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([17]) Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([18]) La catégorie des travailleurs indépendants couvre l’ensemble des non-salariés – professions libérales comprises. Elle ne doit donc pas être restreinte aux seuls artisans et commerçants.

([19]) Y compris ceux rémunérés en tout ou partie par un organisme de droit privé – par exemple les fonctionnaires de La Poste et d’Orange, et les fonctionnaires exerçant des missions de conseillers techniques sportifs auprès des fédérations sportives.

([20]) Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 du Conseil constitutionnel relative à la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence.

([21]) La décote, qui correspond à une minoration de 1,25 % du taux de liquidation de 50 % (soit – 0,625 %) par trimestre manquant, est plafonnée à vingt trimestres. Le taux de liquidation ne peut donc pas être inférieur à 37,5 %.

([22]) Ce n’est pas nécessairement le cas de tout système à point : la valeur d’achat pourrait par exemple varier en fonction de l’exposition à la pénibilité ou de l’âge.

([23]) L’écart interdéciles mesure l’écart de distribution entre le premier et le dernier déciles de revenu. À titre d’exemple, les revenus d’activités des 10 % d’assurés aux plus hauts revenus sont plus de neuf fois supérieurs à ceux des 10 % d’assurés aux plus bas revenus.

([24]) Antoine BOZIO, Simon RABATÉ, Audrey RAIN et Maxime TO, « Quelle réforme du système des retraites ? Les grands enjeux », Institut des politiques publiques, 2018.

 Antoine BOZIO, Chloé LALLEMAND, Simon RABATÉ, Audrey RAIN et Maxime TO, « Réforme des retraites : quels effets redistributifs attendus ? », Institut des politiques publiques, 2019.

([25]) Les précisions relatives au fonctionnement et à la composition du conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle sont apportées au commentaire de l’article 49 du projet de loi.

([26]) Le commentaire de l’article 11 rappelle les différentes règles d’indexation prévues dans le droit en vigueur et leur évolution.

([27]) Ce taux de rendement prend en compte l’ensemble des cotisations versées. Si l’on prend en compte la cotisation déplafonnée à 2,81 %, ce taux de rendement s’élève à 5 %.

([28]) Le taux de rendement effectif de l’AGIRC-ARRCO sous un plafond de la sécurité sociale prend en compte l’application d’un taux d’appel et l’existence de cotisations n’ouvrant pas directement de droits.

([29]) La décote, qui correspond à une minoration de 1,25 % du taux de liquidation de 50 %, s’élève donc à
– 0,625 % par trimestre manquant.

([30]) Le montant de la surcote peut varier selon les régimes. La Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) applique, par exemple, un taux de majoration de 0,75 % par trimestre supplémentaire.

([31]) Le coefficient d’anticipation est ainsi fixé à 0,99 pour un trimestre manquant, puis décroît jusqu’à atteindre 0,43 pour une durée d’assurance inférieure de dix ans à la durée de référence.

([32]) Rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites, « Pour un système universel de retraite », juillet 2019, p. 47.

([33]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

([34]) Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale.

([35]) Accord national interprofessionnel du 10 mai 2019 sur la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO.

([36]) Article 41 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([37]) INSEE Analyses, « Vingt ans de réformes des retraites : quelle contribution des règles d’indexation ? », n° 17, avril 2014.

([38]) Antoine BOZIO, Simon RABATÉ, Audrey RAIN et Maxime TO, « Quelle réforme du système des retraites ? Les grands enjeux », Institut des politiques publiques, 2018.

([39]) Contrairement au droit en vigueur dans le régime AGIRC-ARRCO, le droit proposé distingue la revalorisation de la valeur de service du point – commentée à l’article 9 du projet de loi – de celle des pensions servies. La valeur de service du point ne sera donc retenue qu’au seul stade de la liquidation des droits à retraite. Ultérieurement, lors de son versement, le niveau de la pension sera revalorisé suivant les règles définies au présent article.

([40]) DREES, Études et Résultats, n° 1124, septembre 2019.

([41]) Ce groupement est présenté plus précisément au commentaire de l’article 49 du projet de loi.

([42]) Le chapitre VIII du titre IX du livre 1er du code de la sécurité sociale.

([43]) L’accord national interprofessionnel fondateur de l’ARRCO du 8 décembre 1961 a été étendu aux salariés des entreprises agricoles par trois arrêtés du 19 décembre 1975, dans le cadre de la loi de généralisation du 29 décembre 1972.

([44]) Les volumes financiers sont décrits dans le commentaire de l’article 57 relatif à l’architecture financière.

([45])  ANI disponible ici :

https://www.agirc-arrco.fr/fileadmin/agircarrco/documents/conventions_accords/2015/Accord-Agirc-Arrco_20151030.pdf

([46]) ANI disponible ici : https://fr.calameo.com/read/0027117299ac722559c92

([47]) Cette contribution due sur toutes les rémunérations de salariés affiliés à l’ex-AGIRC (cadres) est prélevée par les institutions de retraite complémentaire dans les mêmes conditions que les cotisations de retraite, bien qu’elle n’ait pas pour objet de financer des droits ou des régimes de retraite.

([48]) Dans les tableaux, les pourcentages en gras représentent les taux de cotisations effectivement appelées, et les nombres entre parenthèse les cotisations qui

([49]) Les articles 38 et 39 de l’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 prévoient un certain nombre de dérogations pour les entreprises visées par une convention ou un accord collectif antérieur au 25 avril 1996, créées avant le 1er janvier 1999, dans les entreprises issues de la transformation d’entreprises qui possédaient de tels accord dérogatoires et, en tout état de cause, si l’accord est plus favorable au salarié (prise en charge par l’employeur d’une partie des cotisations dues en principe par les salariés).

([50]) Historiquement aux articles 12 de l’accord national interprofessionnel du 8 décembre 1961 pour l’ARRCO et 5 de la convention collective nationale du 14 mars 1947 pour l’AGIRC, désormais article 30 de l’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 précité.

([51]) La mention de ces ressources est en réalité déplacée par les articles 57 et 58 vers les articles relatifs à la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) et au Fonds de solidarité vieillesse universel (FSVU), qui seront les nouveaux affectataires de l’ensemble des ressources du système de retraite.

([52])  Étude d’impact du Gouvernement.

([53]) S’agissant des procédures relatives à ces délibérations, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 55.

([54]) Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

([55]) Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Le principe a également été étendu aux contributions sociales ainsi qu’aux mesures d’assiette par la loi  2004-810 du 13 août 2004 relative à lassurance maladie.

([56]) L’annexe 5 de la LFSS 2020 prévoit ainsi 67,6 milliards d’euros d’exonérations pour cet exercice.

([57]) Ce rapport, inspiré des travaux préparatoires menés par Christian Charpy et Julien Dubertret, a été rendu au Parlement en application de l’article 27 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([58]) Rédaction issue du décret n°2017-858 du 9 mai 2017.

([59])  Circulaire DSS/5B/5D/2017/351 du 19 décembre 2017 relative au calcul du plafond de la sécurité sociale et au fait générateur des cotisations et contributions de sécurité sociale.

([60]) Des règles spécifiques existent par ailleurs pour les salariés exerçant une activité relevant du régime agricole : l’article 5 du décret n°50-444 du 20 avril 1950 prévoit ainsi une « proratisation » des seules cotisations salariales plafonnées.

([61]) C’est ce qu’a rappelé la chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt n°1933 du 17 avril 1996 (nº 94-12.939).

([62])  Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle dans un souci de maintien ou de sauvegarde de l’emploi, des mesures de réduction du temps de travail sont prises après autorisation administrative. L’indemnisation donne alors lieu à une prise en charge partielle par l’État.

([63]) Pour davantage de précisions sur ces différentes modalités, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 8.

([64]) Pour davantage de précisions sur cette nouvelle rédaction, on pourra utilement se référer au commentaire de cet article 27 du projet de loi.

([65]) Décret n°70-1277 du 23 décembre 1970 portant création d’un régime de retraite complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques.

([66]) On peut retrouver les taux historiques de cotisations dans la base de l’IRCANTEC, disponible ici : https://baseircantec.retraites.fr/docrestreint.api/4821/aa0ce8042fd17516851a2ba3f2173af8cd94b2e1/pdf/anx0404.tauxdecotisation_-_externe.pdf

([67]) Pour davantage de précisions sur ce point, on pourra se reporter aux commentaires des articles 17 et 18.

([68]) Les avocats exerçant la profession de conseil juridique en tant que salariés sont affiliés au régime général, dans les conditions prévues à l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale.

([69]) Loi n°51-482 du 27 avril 1951 relative au développement des crédits civils.

([70]) Navigants exerçant une activité essais et réception, parachutistes professionnels et contractuels de la sécurité civile.

([71]) Un artiste de complément est un professionnel qui remplace ou accompagne d’autres artistes et apparaît au second plan (typiquement, un figurant au cinéma).

([72]) Cour de cassation (2ème civ.), 14 décembre 2004, Société La Française dimages, nº 03-30.387.

([73]) Les mannequins sont définis à l’article L. 7123-2 du code du travail comme toute personne chargée soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire, soit de poser comme modèle.

([74]) Pour une masse salariale de 1,4 milliard d’euros et 3 018 entreprises en 2018.

([75]) Chiffrage 2018 issu de l’annexe 5 de la LFSS 2020. 542 assurés seraient par ailleurs cotisants volontaires pour la branche vieillesse.

([76]) Conseil d’État, avis sur un projet de loi organique et un projet de loi instituant un système universel de retraite, publié le 24 janvier 2020 et disponible ici : https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/avis-sur-un-projet-de-loi-organique-et-un-projet-de-loi-instituant-un-systeme-universel-de-retraite

([77]) Créée en 1990, la NBI est une majoration des points d’indices ouverte pour certains emplois spécifiques. Accessoire du traitement, elle est soumise à cotisations dans les mêmes conditions que le traitement (article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales).

([78]) « Jaune » État de la fonction publique et rémunérations annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2020. Pour certaines catégories de fonctionnaires et de militaires, certaines primes spécifiques sont soumises à des cotisations tout aussi spécifiques. Dans un souci de clarté de l’exposé, le présent commentaire se concentrera sur le cas général.

([79]) L’article 2 du décret n°2004-569 du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique définit en effet l’assiette de cotisation de manière négative comme excluant tous les éléments de calcul des pensions et donc le traitement et ses accessoires, dans la limite de 20 % du traitement indiciaire.

([80]) Chiffre cité par le haut-commissariat à la réforme des retraites et corroboré par de nombreux autres documents. Même si la comparaison n’est pas totalement possible avec des salaires nets, le « jaune » annexé au PLF 2020 sur l’état de la fonction publique indique qu’au sein du dernier centile des rémunérations, 100 fonctionnaires de l’État occupant des emplois à la décision du Gouvernement (directeurs d’administration centrale, notamment) et 94 occupant des emplois d’encadrement supérieurs ou de direction à l’étranger percevraient un salaire net moyen en équivalent temps plein supérieur à 10 000 euros mensuels.

([81]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

([82]) Articles 1er et 2 du décret n° 2012-1507 du 27 décembre 2012 portant fixation du taux de la contribution employeur due pour la couverture des charges de pension des fonctionnaires de l’État, des militaires et des magistrats ainsi que du taux de la contribution employeur versée au titre du financement des allocations temporaires d’invalidité des fonctionnaires de l’État et des magistrats.

([83]) Article 5 du décret n° 91-613 du 28 juin 1991 fixant les taux des cotisations de divers régimes spéciaux de sécurité sociale.

([84]) L’article 3 du même décret prévoit que ce taux est fixé à 10 % et qu’il est également réparti entre l’employeur et le bénéficiaire.

([85]) Cet aspect est présenté plus en détail dans le commentaire de l’article 18 relatif aux transitions.

([86]) Article 2 du décret n° 2007-1056 du 28 juin 2007 relatif aux ressources de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français.

([87]) Les taux de cotisations du Conseil économique, social et environnemental ne sont pas publiquement disponibles et ne figurent par conséquent pas dans le tableau de présentation des niveaux de cotisations actuellement applicables. À l’inverse, le régime des marins qui figure dans le tableau est traité de manière spécifique à l’article 7 du présent projet de loi.

([88]) Pour davantage de précisions sur les cotisations minimales, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 22.

([89]) Pour plus de précision sur ces questions d’assiette, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 21.

([90]) Article L. 131-7 du code de la sécurité sociale résultant de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

([91]) Les conjoints d’avocats ne peuvent recourir à cette base forfaitaire pour tous les risques.

([92]) Cette possibilité n’est pas ouverte pour la branche vieillesse aux conjoints d’avocats.

([93]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([94])  Son V prévoit désormais que : « Le montant de cotisations mentionné au I est égal au produit du montant des revenus établi en application des II à IV et de la somme des taux de cotisations en vigueur lannée au titre de laquelle les cotisations sont dues, applicables pour lassiette nette mentionnée au I, rapportée à cette même somme de taux de cotisations augmentée de un. »

([95]) Durée d’assurance prévue par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites à 43 ans pour les tous les assurés nés après le 1er janvier 1955, et donc pour toutes les personnes concernées par le nouveau système (nées à compter du 1er janvier 1975).

([96]) Pour davantage de précisions sur les cotisations minimales, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 22.

([97]) Pour davantage de précisions sur le minimum de pension, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 40.

([98]) Si le salaire moyen par tête (SMPT) constituera vraisemblablement le principal déterminant des valeurs d’achat et de service du point, c’est bien l’ensemble des revenus d’activité (revenu professionnel des indépendants, rémunération des fonctionnaires) qui sera pris en compte dans le cadre du futur système.

([99]) L’atteinte de ce régime est particulièrement lointaine, car elle suppose une carrière complètement réalisée au sein du système universel qui ne peut concerner que les générations 2004 qui arriveraient à la retraite en 2066, au plus tôt et en l’état actuel des règles de départ.

([100]) Sont intégrées les hausses de cotisations déjà actées.

([101]) Ordonnance n° 82-270 du 26 mars 1982 relative à l’abaissement de l’âge de la retraite des assurés du régime général et du régime des assurances sociales agricoles.

([102]) Conseil d’orientation des retraites, « Les âges de départ à la retraite », Note de présentation générale, 21 février 2019.

([103]) Sabrina Vanlierde, « Le cumul emploi-retraite », Retraite et société, n° 46, 2005/3.

([104]) Ordonnance n° 82-290 du 30 mars 1982 relative à la limitation des possibilités de cumuls entre pensions de retraite et revenus d’activités.

([105]) Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

([106]) Article 88 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

([107]) Articles 19 et 20 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite.

([108]) Étude mentionnée dans : DREES, « Les retraités et les retraites », Édition 2019, pp. 134 à 155.

([109]) DREES, Ibid.

([110]) France Stratégie, « Les seniors, l’emploi et la retraite », octobre 2018.

([111]) Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale.

([112]) Article R. 351-41 du code de la sécurité sociale.

([113]) Cette réduction d’activité est calculée soit en termes de pourcentage de cession de terres ou parts sociale (elle doit être supérieure à 35 % ou 45 %), soit en termes de durée annuelle de travail (la diminution de la durée de travail doit être au moins égale à 400 heures ou à 800 heures).

([114]) Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), « Qui part en retraite progressive aujourd’hui ? », Cadrage n° 37, 2018.

([115]) Article L. 311-3 du code de la sécurité sociale.

([116]) Article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime.

([117]) Les éléments statistiques sur le nombre de bénéficiaires de cumul emploi-retraite sont présentés au sein du commentaire de l’article 24.

([118]) Dans la limite d’une durée et d’un plafond prévus par décret en Conseil d’État, s’agissant des vacations effectuées par les médecins et infirmiers.

([119]) Des conditions spécifiques visant à favoriser l’installation des jeunes agriculteurs sont néanmoins applicables aux exploitants agricoles.

([120]) Article D. 161-2-7 du code de la sécurité sociale.

([121]) Article D. 161-2-9 du code de la sécurité sociale.

([122]) Article 1er du décret n° 2015-1012 du 18 août 2015 relatif aux conditions d’application des règles de cumul emploi-retraite aux danseurs du ballet de l’Opéra national de Paris.

([123]) Les « aidants familiaux » désignent en l’espèce les ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré du chef d’exploitation ou d’entreprise ou de son conjoint, âgés de plus de 16 ans, vivant sur l’exploitation ou l’entreprise et participant à sa mise en valeur comme non-salariés.

([124]) Article D. 742-3 du code de la sécurité sociale.

([125]) L’étude d’impact fournit une étude détaillée de chacun de ces dispositifs.

([126]) Dans sa rédaction résultant de l’article 8 de ce projet de loi.

([127]) La règle de calcul du salaire de référence correspond ainsi à la moyenne des vingt-cinq meilleures années, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, ou des six derniers mois pour les fonctionnaires.

([128]) Patrick Aubert, Corentin Plouhinec, Emmanuelle Prouet, « Les effets du temps partiel sur la retraite des salariés du privé et du public, impact sur les taux de remplacement : une analyse par cas types », Dossiers solidarité et santé, n° 65, juillet 2015.

([129]) Article 16 de l’arrêté du 30 décembre 1970 relatif aux modalités de fonctionnement du régime de retraite complémentaire des assurances sociales institué par le décret du 23 décembre 1970.

([130]) Article D. 351-1-3 du code de la sécurité sociale.

([131]) L’ensemble des données de ce paragraphe sont issues du programme de qualité et d’efficience (PQE) « Retraites » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([132]) D’après l’étude d’impact, en 2018 cette possibilité de départ à compter de 58 ans n’a été utilisée que par 1 % des bénéficiaires de la retraite anticipée pour carrière longue, et par moins de 1 000 assurés du régime général.

([133]) Le mode de calcul de cette majoration est précisé par la circulaire CNAV n° 2018-24 du 23 octobre 2018.

([134]) Le taux d’incapacité permanente applicable avant cette date était de 80 %. Il a été abaissé à 50 % par l’article 36 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, et correspond désormais au seuil minimal requis pour bénéficier de l’allocation aux adultes handicapés.

([135]) L’article L. 5213-1 du code du travail dispose qu’est considéré comme travailleur handicapé « toute personne dont les possibilités dobtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de laltération dune ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique ».

([136]) Article 36 de la loi n° 2014-40 précitée.

([137]) L’invalidité désigne la diminution de la capacité de travail d’un travailleur en raison d’un accident ou d’une maladie d’origine non professionnelle.

([138]) La rente d’incapacité permanente est versée lorsque le taux d’incapacité lié à un accident du travail ou une maladie professionnelle est supérieur à 10 %.

([139]) Circulaire CNAV « Alimentation du relevé de carrière », n° 2017-1, 13 janvier 2017, fiche 3.13 – Périodes assimilées : les périodes dinvalidité.

([140]) La retraite pour inaptitude est accordée à compter de l’âge de 50 ans, sous réserve d’une durée minimale de services de quinze ans.

([141]) Article R. 351-21 du code de la sécurité sociale.

([142]) Circulaire CNAV, « Retraite anticipée au profit des assurés handicapés », n° 2018-24, 23 octobre 2018.

([143]) Celle-ci correspond aux GIR 1 et 2 de la grille nationale « AGGIR », qui détermine le niveau de perte d’autonomie.

([144]) Sous réserve d’être atteints d’une invalidité réduisant au moins des deux tiers leur capacité de travail (article D. 712-13 du code de la sécurité sociale).

([145]) Dans les conditions prévues par le décret n° 60-1089 du 6 juin 1960 modifié en application de l’article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

([146]) 2° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

([147]) Article L. 27 du même code pour l’invalidité liée au service et L. 29 pour l’invalidité d’origine non professionnelle.

([148]) Article L. 28 du même code.

([149]) Projet de loi de finances pour 2020, Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique.

([150]) Décret n° 50-832 du 13 août 1954, notamment.

([151]) Arrêté du 12 novembre 1969 modifié.

([152]) Rapport dinformation n° 704 fait au nom de la commission des finances du Sénat sur la retraite des agents de catégorie active dans la fonction publique par M. Francis Delattre, et enregistré à la Présidence du Sénat le 9 juillet 2014.

([153]) Ordonnance du Roi du 12 janvier 1825 fixant les conditions d’admission à la retraite des fonctionnaires et employés du département des finances.

([154]) Cet âge sera relevé progressivement jusqu’à 57 ans en 2029.

([155]) Article 6 du décret n° 68-382 du 5 avril 1968 portant statut de la caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris.

([156]) Arrêté du 10 août 2011 fixant la liste des emplois comportant des fatigues exceptionnelles à l’Opéra national de Paris.

([157]) Article 2 du décret n° 2008-637 du 30 juin 2008 portant règlement des retraites du personnel de la Régime autonome des transports parisiens.

([158]) Article 6 du même décret n° 2008-637.

([159]) Article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale.

([160]) Par renvoi de l’article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime aux dispositions du titre V du livre III du code de la sécurité sociale.

([161]) Article L. 732-18-3 du code rural et de la pêche maritime.

([162]) Il s’agit de facteurs de risques professionnels liés soit à des contraintes physiques marquées (manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques), soit liés à un environnement physique agressif (agents chimiques dangereux, activités exercées en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit), soit à certains rythmes de travail (travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif).

([163]) Ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention.

([164]) CNAMTS, Direction des risques professionnels, Statistiques de sinistralité 2017, avril 2019.

([165]) Rapport n° 2770 fait au nom de la commission des affaires sociales de lAssemblée nationale sur le projet de loi portant réforme des retraites, par M. Denis Jacquat, enregistré à la Présidence de lAssemblée nationale le 23 juillet 2010.

([166]) Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Retraites » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([167]) Arrêté du 26 décembre 2017 fixant la liste des maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 351-1‑4 du code de la sécurité sociale et L. 732-18-3 du code rural et de la pêche maritime.

([168]) Article R. 4163-9 du code du travail.

([169]) Même article R. 4163-9.

([170]) Article R. 4163-11 du code du travail.

([171]) Annexe au projet de loi de financement de la sécurité pour 2020.

([172]) La demande est formulée, entre six et quatre mois avant la date souhaitée de départ à la retraite, auprès de la caisse de retraite du régime ayant reconnu l’incapacité permanente pour accident du travail ou maladie professionnelle, par l’intermédiaire d’un formulaire CERFA identique pour le régime général et les régimes agricoles.

([173]) Plus précisément, le financement du C3P reposait sur une cotisation de base, qui prenait la forme d’un taux appliqué aux rémunérations de tous les salariés éligibles au C3P, quelle que soit l’effectivité de l’exposition aux facteurs de pénibilité, tandis qu’une cotisation spécifique concernait exclusivement les rémunérations des salariés exposés à la pénibilité, avec un taux doublé en cas d’exposition à plusieurs critères.

([174]) Annexe 1 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, programme de qualité et d’efficience « Accidents du travail – Maladies professionnelles ».

([175]) Ibid.

([176]) Article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

([177]) Arrêté du 29 mars 1999 fixant, en application de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, la liste des maladies professionnelles liées à l’amiante susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité à l’âge de cinquante ans.

([178]) Décrets n° 2002-1271 et 2002-1272 du 18 octobre 2002 ; arrêté du 18 octobre 2002.

([179]) Article 146 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([180]) Article 134 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([181]) Anciennement DCNS.

([182]) Direction générale des finances publiques, Note d’information du 22 octobre 2018, Régime de cessation anticipée d’activité au titre de l’amiante.

([183]) Article 87 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

([184]) Décret n° 99-247 du 29 mars 1999 relatif à l’allocation de cessation anticipée d’activité prévue à l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

([185]) S’y ajoute, d’après l’étude d’impact, une contribution de la branche AT-MP des régimes agricoles, estimée à 0,2 million d’euros au titre de l’année 2019.

([186]) Article 90 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([187]) Article 45 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005.

([188]) Article 34 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([189]) Article 98 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

([190]) Soit 13,3 % de l’ensemble des agents fonctionnaires des ministères.

([191]) Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, édition 2019.

([192]) L’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique a supprimé le bénéfice du départ anticipé pour les instituteurs ainsi que pour les infirmiers et cadres de santé, assistants socio-éducatifs et éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, notamment.

([193]) Les autres motifs de départ anticipés sont les départs anticipés pour carrière longue, pour invalidité ou pour motifs familiaux et handicap.

([194]) Article 17 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990.

([195]) Données issues du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2020.

([196]) M. Jean-Paul Delevoye, Pour un système universel de retraite, juillet 2019.

([197])  Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), « Facteurs de risques professionnels éventuellement en lien avec la surmortalité des égoutiers », Avis de lAnses, avril 2016.

([198]) Conseil d’État, Ass., 4 avril 2014, n° 362785 et suivants, MEDDE c/ Mabois et autres.

([199]) Mentionnés au premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police.

([200]) Mentionnés à l’article 4 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne.

([201]) Mentionnés au troisième alinéa du II de l’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire.

([202]) Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), « Les pensions militaires de retraite », 4e rapport, 2010.

([203]) D’après l’étude d’impact, sous certaines conditions notamment le placement en deuxième section, les militaires peuvent néanmoins être maintenus en activité au-delà de la limite d’âge qui leur est applicable.

([204]) Le militaire de carrière est radié des cadres ; le militaire servant en vertu d’un contrat est rayé des contrôles (article L. 4139-12 du code de la défense).

([205]) Projet de loi de finances pour 2019, « Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique », Partie V : Zooms thématiques.

([206]) Premier alinéa de l’article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

([207]) Le minimum garanti est la retraite minimale accordée aux fonctionnaires ayant accompli une carrière complète ; il s’élève, au 1er janvier 2020, à 1182,53 euros par mois.

([208]) HCECM, Ibid.

([209]) D’après l’étude d’impact, les écoles concernées sont notamment l’École polytechnique, l’École du commissariat de la Marine, l’École du commissariat de l’air, l’École navale ou l’École des ingénieurs de la marine. Les professions concernées sont les médecins, pharmaciens chimistes et vétérinaires des armées.

([210]) De l’ordre de 26 % de l’indice de liquidation de la pension pour les sous-officiers, selon le rapport sur les pensions de retraites de la fonction publique établi dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

([211]) Ce droit est étendu par l’article 24 à l’ensemble des assurés du système universel en cumul emploi-retraite.

([212]) Dans sa rédaction résultant de l’article 42 de ce projet de loi.

([213]) Ce chapitre, créé par l’article 24 du projet de loi, est relatif au « Cumul de tout ou partie de la retraite avec une activité professionnelle ».

([214]) Dans sa rédaction résultant de l’article 26 de ce projet de loi.

([215]) Dans sa rédaction résultant de l’article 23 de ce projet de loi.

([216]) Projet de loi de finances pour 2020, Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique.

([217]) 3° de l’article L. 416-1 du code des communes.

([218]) Article L. 444-5 du code des communes.

([219]) Dans sa rédaction résultant de l’article 23 de ce projet de loi.

([220]) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

([221]) Cette majoration n’est plus attribuée depuis le 1er janvier 2011.

([222]) Article D. 173-21-0-1-2 du code de la sécurité sociale ; montant revalorisé dans les mêmes conditions que le salaire minimum de croissance (SMIC), en conséquence du décret n° 2019-1387 du 18 décembre 2019 portant relèvement du salaire minimum de croissance.

([223]) DREES, « Les retraités et les retraites », Édition 2014.

([224]) Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Retraites » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([225]) Ibid.

([226]) DREES, « Les retraités et les retraites », Édition 2019.

([227]) M. Jean-Paul Delevoye, « Pour un système universel de retraite », juillet 2019.

([228]) Soit un dispositif à deux étages très similaire à ce qui existait pour le minimum contributif.

([229]) Tel que mentionné à l’article L. 191-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l’article 10 de ce projet de loi.

([230]) Dans sa rédaction résultant de l’article 13 du projet de loi.

([231]) Le cumul emploi-retraite est d’ailleurs bien évidemment accessible aux assurés bénéficiant d’une retraite minimale. Le minimum de retraite sera en effet calculé lors de la première liquidation de l’assuré – sous réserve que ce dernier ait atteint l’âge de référence – et ne sera pas recalculé à l’occasion de la seconde liquidation, même si l’assuré a entre-temps acquis de nouveaux droits à la retraite.

([232]) DREES, « Les retraites et les retraités », Édition 2019.

([233]) Sont concernés ici les seuls travailleurs indépendants relevant de la sécurité sociale des travailleurs indépendants (SSTI) et non les professions libérales réglementées.

([234]) La somme du minimum contributif et des autres pensions de retraite de base et complémentaire, tous régimes confondus, ne peut cependant dépasser un plafond fixé à 1 191,57 euros par mois. Le cas échéant, le minimum contributif est écrêté à due concurrence du dépassement.

([235]) 3° de l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale : « Sont prises en considération en vue de louverture du droit à pension, dans des conditions fixées par décret en Conseil dÉtat : [...] les périodes pendant lesquelles lassuré sest trouvé, avant lâge fixé par le même décret, en état de chômage involontaire non indemnisé ».

([236]) DREES, « Pensions de retraite : les dispositifs de solidarité représentent 16 % des montants versés », n° 1116, juin 2019.

([237]) Enquête « Handicap-santé ménages », volet « aidants informels », 2008.

([238]) DARES Analyses, « Aider un proche : quels liens avec l’activité professionnelle ? », décembre 2017, n° 081.

([239]) Article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale pour le régime général.

([240]) Article L. 351-8 du code de la sécurité sociale pour le régime général.

([241]) Selon les termes de l’article L. 3142-16 du code du travail.

([242]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), « Les retraités et les retraites », Édition 2019.

([243]) DREES, « Droits familiaux et dispositifs de solidarité du système de retraite », Dossiers solidarité et santé, n° 72, janvier 2016.

([244]) INSEE, « Les trajectoires professionnelles des femmes les moins bien rémunérées sont les plus affectées par l’arrivée d’un enfant », INSEE Analyses, n° 48, octobre 2019.

([245]) Loi n° 71-1132 du 31 décembre 1971 portant amélioration des pensions de vieillesse du régime général de sécurité sociale et du régime des travailleurs salariés agricoles.

([246]) Cour de cassation, Civ., 19 février 2009, 07-20.668.

 

([247]) DREES, « Droits familiaux et dispositifs de solidarité du système de retraite », Dossiers solidarité et santé, n° 72, janvier 2016.

([248]) Article 68 de l’ordonnance n° 45-2454 du 19 octobre 1945 fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles.

([249]) À l’exception notable du régime des professions libérales et du régime des avocats.

([250]) Sont concernés les enfants nés, adoptés ainsi que les enfants décédés mais reconnus « nés viables » sur le livret de famille.

([251]) Des conditions particulières s’appliquent aux enfants nés avant 2012.

([252]) DREES, « Pensions de retraite : les dispositifs de solidarité représentent 16 % des montants versés », Études et résultats, n° 1116, juin 2019.

([253]) L’ensemble des dispositifs de solidarité représente, fin 2016, 16,3 % de la masse des prestations de droit propre.

([254]) Conseil d’orientation des retraites (COR), Rapport annuel : « Évolutions et perspectives des retraites en France » juin 2019.

([255]) Selon le même rapport, en tenant compte de l’ensemble des droits directs, y compris majorations pour enfants et droits dérivés, les pensions des femmes représentent en moyenne 75 % de celle des hommes en 2017.

([256]) IV de l’article L. 351-4- du code de la sécurité sociale.

([257]) Selon l’article 373 du code civil, « Est privé de lautorité parentale le père ou la mère qui est hors détat de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause ».

([258]) En tenant compte de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), qui est transformée par l’article 45 du projet de loi.

 

([259]) Ce plafond est fixé à 19 302 euros annuels pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020, majoré de 5 791 euros par enfant à charge à compter du premier, selon l’article 4 de l’arrêté du 20 décembre 2019 relatif au montant des plafonds de ressources de certaines prestations familiales et aux tranches du barème applicable au recouvrement des indus et à la saisie des prestations.

([260]) Article D. 381-1 du code de la sécurité sociale.

([261]) Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Retraites » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([262]Les Comptes de la sécurité sociale, Fiche « Les droits familiaux de retraite », septembre 2019.

([263]) Le nombre de trimestres est majoré en cas de naissance multiple.

([264]) Programme de qualité et d’efficience (PQE) « Famille » pour 2020, d’après l’INSEE, enquêtes Emploi, traitement DARES.

([265]) Cela correspond, pour les salariés du secteur privé, à un congé parental à temps plein ou à temps partiel.

([266]) Dans l’arrêt Villemain du 28 juin 2002, le Conseil d’État a jugé que « les liens juridiques qui unissent les personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ont été organisés par le législateur de manière différente, notamment du point de vue de leur intensité et de leur stabilité, de ceux qui existent entre deux conjoints ; que ces deux catégories de personnes étant ainsi placées dans des situations juridiques différentes, le principe dégalité nimpose pas quelles soient traitées, dans tous les cas, de manière identique ».

([267]) DREES, « Les retraités et les retraites », édition 2019.

([268]) COR, Rapport annuel de juin 2019.

([269]) COR, « La réversion, un dispositif réducteur d’inégalités de pension à la retraite », 17e colloque du COR, Les femmes et la retraite.

([270]) Sauf si le conseil d’administration de la Caisse nationale du régime universel a déterminé une autre modalité de revalorisation.

([271]) Selon Xavier Cabannes, « La citation à l’ordre de la nation », Droit et défense, 2001, n° 2, la première consécration officielle de la pratique des citations à l’ordre de la Nation relève de l’article 2 du décret du 1er octobre 1918, publié au Journal officiel du 5 octobre 1918, qui dispose que « les personnes nappartenant pas à larmée peuvent être nommées ou promues dans la Légion dhonneur, après leur décès, à la condition que leur conduite ait fait lobjet dune citation émanant du gouvernement et insérée au Journal officiel, dans un délai maximum de six mois à partir du décès ». La citation à l’ordre de la Nation n’est plus, aujourd’hui, un titre nécessaire pour l’attribution de la Légion d’honneur à titre posthume.

([272]) Dans sa rédaction résultant de l’article 2 du projet de loi.

([273]) Cet article a été abrogé le 1er janvier 2019.

([274]) CNAV, Circulaire « Droits à la retraite des apprentis à compter du 1er janvier 2014 », n° 2016-41.

([275]) La personne morale agréée doit être une association de droit français ou une fondation reconnue d’utilité publique.

([276]) Rapport d’activité annuel du Fonds de solidarité vieillesse, 2018.

([277]) Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), Circulaire «  Service civique à compter du 1er janvier 2014 », n° 2017-30.

([278]) Rapport annuel d’activité de l’Agence du service civique, 2018.

([279]) Article D. 351-3 du code de la sécurité sociale.

([280]) Article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale.

([281]) Il s’agit de l’arrêté du 21 octobre 2012 fixant pour l’année 2013 le barème des versements prévus aux articles L. 351-1-1, L. 382-29, L ; 634-2, L. 643-2 et L. 723-10 du code de la sécurité sociale, à l’article L. 732-27-1 du code rural et à l’article 3 ter du décret n° 73-937 du 2 octobre 1973. En l’absence de nouveau barème publié depuis, ce barème reste applicable.

([282]) D’après le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice de retraites, seul 1 % des 2 500 rachats annuels concernaient des assurés de moins de 40 ans.

([283]) Article D. 351-18 du code de la sécurité sociale.

([284]) Le commentaire de l’article 56 du projet de loi présente de manière exhaustive les missions et la composition du CSR.

([285]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

([286]) Mme Anne Émery-Dumas et M. Gérard Roche, rapporteurs pour la MECSS du Sénat, L’interrégimes en matière de retraite : le succès du droit à l’information ne suffit pas (juillet 2017).

([287]) À titre d’exemple, la nouvelle instance de gouvernance de la formation professionnelle et de l’apprentissage « France compétences » est, aux termes de l’article L. 6123-5 du code du travail, une institution nationale publique, à l’instar de Pôle emploi.

([288]) Loi n° 48-101 du 17 janvier 1948 instituant une allocation vieillesse pour les personnes non salariées.

([289]) Il s’agit des médecins généralistes, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des auxiliaires médicaux et des directeurs de laboratoires privés d’analyse médicale non médecins.

([290]) Loi n° 64-1338 du 26 décembre 1964 sur l’assurance maladie, maternité et décès des artistes peintres, sculpteurs et graveurs.

([291]) Les arts couverts par cette catégorie sont la peinture, le dessin, l’illustration, la maquette de dessins originaux pour le textile, le papier et les arts de la table, les gravures, estampes et lithographies, la sculpture, les réalisations de plasticien, la scénographie, la tapisserie et les textiles muraux, les maquettes de fresques, trompe-l’œil, décorations murales, mosaïques et vitraux, les créations graphiques et les créations uniques de céramique et émaux sur cuivre.

([292]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([293]) À la lecture de l’étude d’impact du projet de loi (p. 898).

([294]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([295]) Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

([296]) Il s’agit du chapitre XI du nouveau titre IIX du livre Ier du code de la sécurité sociale, créé à l’article 55 du projet de loi.

([297]) Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

([298]) Le tableau figurant à la fin du présent commentaire d’article tente de présenter clairement les modifications de compétences entre le droit en vigueur et le droit proposé.

([299]) Article 30 de l’ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale originelle (article L. 241-3 du code de la sécurité sociale aujourd’hui).

([300]) Pour davantage de précisions sur ce point, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 17.

([301]) Pour l’AGIRC-ARRCO, notamment, à l’article L. 921-1 du code de la sécurité sociale qui prévoit l’affiliation obligatoire de l’ensemble des salariés affiliés aux régimes général et agricole au régime complémentaire.

([302]) Cela ne signifie pas nécessairement que ces régimes ne sont pas impactés par des ratios démographiques défavorables, mais que ces impacts sont récents (CNRACL) ou « absorbés » depuis longtemps par la contribution employeur (régime des fonctionnaires de l’État).

([303]) On pourra ainsi utilement se référer aux pages 58 à 59 de l’annexe 5 de la LFSS 2020, disponible ici : https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/PLFSS/2020/PLFSS-2020-ANNEXE%205.pdf

([304]) Loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale.

([305]) Ce chiffrage résulte de la « proratisation » du coût total des allégements généraux (23 milliards deuros) au regard du poids relatif des cotisations de retraite de base dans le barème global (10,5 % sur un total de 32,31 %).

([306])  Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 et loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([307]) Conseil d’orientation des retraites, Perspectives des retraites en France à l’horizon 2030, novembre 2019.

([308]) SNCF, RATP, marins, mines, SEITA, régies ferroviaires d’outre-mer, ORTF, retraite complémentaire des exploitants agricoles, congé de fin d’activité et compléments de retraite dans le secteur du transport routier et pensions des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre-mer.

([309]) Pour davantage de précisions sur les missions du FSV, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 59.

([310]) C’est aussi le cas du régime des cultes (CAVIMAC) depuis 1998.

([311]) Le RSI était lui-même intégré financièrement avant cette intégration en 2018.

([312]) Pour davantage de précisions sur ces cotisations, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 13 du projet de loi.

([313]) Pour davantage de précisions sur ces cotisations minimales, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 22 du projet de loi.

([314]) Ces régimes « surcomplémentaires » sont financés par l’assurance maladie, sous réserve du conventionnement des professionnels.

([315]) Pour davantage de précisions sur ces cotisations, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 36.

([316]) Pour davantage de précisions sur les cotisations des militaires dans le nouveau système universel, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 37.

([317]) S’agissant de cette habilitation, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 38.

([318]) S’agissant de cette habilitation, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 39.

([319]) Pour davantage de précisions sur ce point, on pourra utilement se reporter au commentaire de l’article 22.

([320]) Il est également fait référence par erreur à l’article L. 741-9.

([321]) Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale., qui faisait suite à un premier projet engagé par la précédente majorité à l’automne 1992 et dont la navette n’avait pas pu aboutir avant le changement de majorité à l’Assemblée nationale.

([322]) M. Alain Vasselle, rapporteur au nom du Sénat, au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi relatif aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale http://www.senat.fr/rap/1992-1993/i1992_1993_0370.pdf

([323]) Ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.

([324]) Des dispositions spécifiques s’appliquent dans cette collectivité d’outre-mer en matière d’assurance vieillesse. Elles sont prévues par la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.

([325]) Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

([326]) Si les ressources du FSV ont toujours été de nature fiscale depuis sa création, conformément à son objet initial, les ressources affectées ont énormément varié. Ainsi, en LFSS 2019, le FSV a connu une réforme importante due au contentieux dit De Ruyter en vue de restituer à l’État certains prélèvements sur le capital qui pouvaient poser des problèmes de conformité au droit de l’Union européenne, en raison de leur applicabilité à des non-résidents. C’est en contrepartie de ce « rapatriement » au sein de l’État que le financement du FSV a été considérablement simplifié à travers l’affectation de plusieurs fractions de CSG.

([327]) Pour davantage de précisions sur ces dispositifs, on pourra utilement se référer aux commentaires des articles 42, 43, 47 et 48.

([328]) Pour davantage de précision sur ce dispositif, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 44.

([329]) Pour davantage de précisions sur ce dispositif, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 28.

([330]) Pour davantage de précisions sur ce dispositif, on pourra utilement se référer au commentaire de l’article 48.

([331]) Cette disposition comprenant d’anciennes pénalités constatées par l’inspection du travail semble avoir été abrogée en 2017.

([332]) Loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

([333]) Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([334]) Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel.

([335]) Le surplus du FRR correspond à la différence entre l’actif du Fonds et ses engagements liés à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et à la soulte de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG).

([336]) Se référer au A du II de l’article 63 du présent projet de loi.

([337]) Conseil d’orientation des retraites (COR), « Les modes de calcul des droits et la transition d’un système à l’autre », Note de présentation générale, séance du 14 février 2018.

([338]) COR, « Les modes de calcul des droits et la transition d’un système à l’autre », Note relative à la transition vers un nouveau régime de retraite, séance du 14 février 2018.

([339]) À l’exception du régime de base des professions libérales, par points.

([340]) Dans sa rédaction résultant de l’article 10 du projet de loi.

([341]) La présentation d’ensemble du système de retraite figure au commentaire de l’article 1er du projet de loi.

([342]) Pour davantage de précisions sur ce point, on pourra se reporter à la partie consacrée à l’entrée en vigueur dans le commentaire des articles 13 et 15 du projet de loi.

([343]) Une habilitation équivalente a été prise en application de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 de ratification des ordonnances du 22 septembre 2017 ainsi qu’en application de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([344]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

([345]) Directive (UE) 2016/2341 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la surveillance et les activités des institutions de retraite professionnelle (IRP), dite « IORP 2 ».

([346]) Mentionnés aux articles L. 381-1 du code des assurances, L. 241-1 du code de la mutualité et L. 942-1 du code de la sécurité sociale.

([347]) Ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017 relative à la création d’organismes dédiés à l’exercice de l’activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l’adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unités de rente.

([348]) Directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle.

([349]) On parle de « cantons » pour qualifier les actifs des opérations séparés ou cantonnés par rapport aux autres activités.

([350]) Article L. 224-1 du code monétaire et financier.

([351]) Étude d’impact du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, 18 juin 2018.

([352]) Titre II, livre II, chapitre IV du code monétaire et financier.

([353]) Sont notamment exclus ceux correspondant aux versements obligatoires, qui ne peuvent être délivrés que sous la forme d’une rente viagère.

([354]) Décret n° 2019-807 du 30 juillet 2019 portant réforme de l’épargne retraite. Ces modalités sont précisées par le rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, présenté par MM. Daniel Fasquelle et Roland Lescure (23 janvier 2020).

([355]) Un souscripteur de PERP ne pouvait par exemple pas récupérer l’intégralité de la somme épargnée en capital et était contraint de la percevoir sous forme de rente viagère fiscalisée.

([356]) Cette période a été fixée au 1er octobre 2020 par le décret n° 2019-807 du 30 juillet 2019 portant réforme de l’épargne retraite.