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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2770

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 juillet 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI portant réforme des retraites,

(procédure accélérée)

PAR M. Denis JACQUAT,

Député.

——

TOME I

Exposé général
Travaux de la commission

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2760, 2767 et 2768.

INTRODUCTION 13

I. UNE SITUATION FINANCIÈRE DE NOTRE SYSTÈME DE RETRAITE QUI APPELLE DES RÉPONSES IMMÉDIATES 15

A. UN SYSTÈME DE RETRAITE PERFORMANT MAIS FRAGILE 15

B. UN SYSTÈME DUREMENT TOUCHÉ PAR LA CRISE 17

C. DE FORTES CONTRAINTES DÉMOGRAPHIQUES 20

II. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ET AMBITIEUSE 23

A. FAIRE SAUTER LE TABOU DES 60 ANS 23

1. Rejoindre la norme européenne 23

2. Un relèvement progressif 25

3. Un fort impact financier 26

B. POURSUIVRE LA CONVERGENCE ENTRE PUBLIC ET PRIVÉ 28

C. POUR LA PREMIÈRE FOIS, PRENDRE EN COMPTE LA PÉNIBILITÉ 29

1. Proroger et améliorer le dispositif « carrières longues » 29

a) Le bilan du dispositif 29

b) Un dispositif encore amélioré 31

2. Un nouveau dispositif de prise en compte de la pénibilité 33

a) Le débat complexe sur la pénibilité 33

b) La prise en compte de la pénibilité 35

D. FAVORISER L’EMPLOI DES SENIORS 38

1. L’objectif poursuivi : encourager l’emploi des seniors 39

2. Le dispositif proposé 40

E. POUR UN SYSTÈME PLUS SOLIDAIRE 41

1. Des mesures en faveur des femmes 42

a) La retraite des femmes aujourd’hui 42

2. Poursuivre la revalorisation des retraites agricoles 47

3. La situation des jeunes 49

4. Aller plus loin pour les polypensionnés 50

F. DÉVELOPPER LE DROIT À L’INFORMATION 51

1. Les progrès accomplis depuis 2003 en matière de droit à l’information 52

a) Les outils mis en place par la réforme de 2003 52

b) Le succès de la mise en œuvre du droit à l’information 52

2. Les trois droits nouveaux créés par le projet de loi 53

a) La nécessité du droit à l’information 53

b) Les trois nouveaux outils créés par le projet de loi 54

III.- REVENIR À L’ÉQUILIBRE EN 2018 56

A. TROUVER DE NOUVELLES RECETTES 56

B. RÉSORBER PROGRESSIVEMENT LE DÉFICIT 58

C. FINANCER LA DETTE 60

1. La dette constituée antérieurement à 2011 60

2. La dette constituée à partir de 2011 61

TRAVAUX DE LA COMMISSION 63

I.- AUDITION DU MINISTRE 63

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 89

III.- EXAMEN DES ARTICLES 151

TITRE IER : DISPOSITIONS GÉNÉRALES 151

Chapitre Ier : Pilotage des régimes de retraite 151

Avant l’article 1er 151

Article 1er (articles L. 114-4-2 et L. 114-4-3 [nouveaux] du code de la sécurité sociale) : Création d’un comité de pilotage des régimes de retraite 152

Après l’article 1er 179

Article 2 (article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale) : Indexation des pensions 181

Article 3 (article L. 161-17 du code de la sécurité sociale) : Amélioration du droit à l’information des assurés 182

Article additionnel après l’article 3 : Périmètre du répertoire national commun de la protection sociale 195

Article additionnel après l’article 3 : Échanges entre régimes concernant les pensions de réversion 196

Article additionnel après l’article 3 : Création d’un répertoire de gestion des carrières unique 196

Après l’article 3 197

Article additionnel après l’article 3 : Mensualisation des pensions 198

Après l’article 3 198

Chapitre II : Durée d’assurance ou de services et bonifications 200

Article 4 (article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites) : Modalité d’allongement de la durée d’assurance jusqu’en 2020 200

Après l’article 4 210

TITRE II : DISPOSITIONS APPLICABLES À L’ENSEMBLE DES RÉGIMES 219

Chapitre Ier  : Âge d’ouverture du droit 219

Avant l’article 5 219

Article 5 (articles L. 161-17-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale) : Relèvement de l’âge légal d’ouverture du droit à une pension 224

Après l’article 5 236

Article 6 (articles L. 351-1 et L. 351-8 du code de la sécurité sociale) : Relèvement de l’âge d’annulation de la décote 237

Après l’article 6 245

Article 7 (articles L. 732-18, L. 732-25 et L. 762-10 du code rural et de la pêche maritime) : Coordination pour les non-salariés agricoles 248

Article 8 : Relèvement de l’âge d’ouverture du droit à pension pour les catégories actives 250

Article 9 (articles L. 14, L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite) : Coordination pour le relèvement de l’âge d’ouverture des droits des fonctionnaires 261

Article additionnel après l’article 9 : Modalités de remboursement de certains rachats de trimestres 263

Chapitre II Limite d’âge et mise à la retraite d’office 264

Article 10 (article L. 1237-5 du code du travail) : Mise à la retraite d’office 264

Article 11 : Relèvement de 65 à 67 ans de la limite d’âge dans la fonction publique 266

Article 12 (art. 1er, 1-2 et 7 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984) : Coordination résultant du relèvement de 65 à 67 ans de la limite d’âge dans la fonction publique 270

Article 13 : Dispositif dérogatoire en faveur de certains personnels infirmiers et paramédicaux 271

Article 14 : Relèvement de deux années des limites d’âge des catégories actives de la fonction publique 274

Article 15 (art. L. 5421-4 du code du travail) : Âges limites de versement des indemnités versées aux travailleurs privés d’emploi 276

Chapitre III : Limite d’âge et de durée de services des militaires 277

Article 16 (art. 91 de loi n° 2005-270 du 24 mars 2005) : Relèvement de deux années des limites d’âge des militaires et des durées de services des militaires sous contrat 277

Chapitre IV : Maintien en activité au-delà de la limite d’âge 279

Article 17 (art. 1-3 de la loi n° 84-834 du 13  septembre 1984) : Coordination du dispositif de maintien en activité au-delà de la limite d’âge 279

Chapitre V :Durées de services 280

Article 18 : Relèvement de deux années des durées de services des catégories actives de la fonction publique et des militaires de carrière 280

Article 19 (art. L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite) : Coordination résultant du relèvement de deux années des durées de services 284

Chapitre VI : Dispositions relatives à certains statuts particuliers 284

Article 20 (article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; articles 3 et 4 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 ; article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 ; article L. 952-10 du code de l’éducation ; article L. 416-1 du code des communes ; article 86 de la loi n° 52-432 du 28 avril 1952 ; article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 ; article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ; article 20 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947 ; article L. 422-7 du code des communes) : Mesures de coordination relatives à certains statuts particuliers 284

Après l’article 20 288

Article additionnel après l’article 20 : Mesures de coordination dans le code de la défense 288

Après l’article 20 289

TITRE III MESURES DE RAPPROCHEMENT ENTRE LES RÉGIMES DE RETRAITE 314

Article additionnel avant l’article 21 : Demande de rapport sur la création d’une Caisse de retraite des fonctionnaires d’État 314

Article 21 (article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite) : Rapprochement des taux de cotisation 315

Après l’article 21 322

Article 22 (article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite ; article 57 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004) : Aménagement du dispositif carrières longues dans la fonction publique 322

Article 23 (article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite) : Fermeture de la possibilité de départ anticipé pour les parents de trois enfants 326

Article 24 (article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite) : Réforme de la pension minimale garantie dans la fonction publique 339

Après l’article 24 348

Article additionnel après l’article 24 : Suppression d’une bonification pour les professeurs de l’enseignement technique 349

Après l’article 24 351

Article additionnel après l’article 24 : Suppression de la majoration de pension pour conjoint à charge 351

Après l’article 24 352

TITRE IV : PÉNIBILITÉ 356

Article 25 (articles L. 4624-2 et L. 4121-3-1 [nouveaux] du code du travail) : Dossier médical en santé au travail – Document d’information sur l’exposition du travailleur aux risques professionnels 373

Article 26 (article L. 351-1-4 [nouveau] du code de la sécurité sociale) : Abaissement de la condition d’âge pour le départ à la retraite et bénéfice du taux plein au profit des assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie ou d’un accident professionnels 391

Article additionnel après l’article 26 : Rapport au Parlement sur l’adaptation aux travailleurs non salariés du dispositif prévu à l’article 26 401

Article 27 (articles L. 241-3 et L.242-5 du code de la sécurité sociale) : Modalités de financement de la mesure d’abaissement de l’âge requis pour la liquidation de la pension de retraite des assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail 401

Après l’article 27 406

Article additionnel après l’article 27 : Utilisation du compte épargne-temps pour une cessation progressive d’activité 406

Après l’article 27 407

Article additionnel après l’article 27 : Rapport au Parlement sur l’application des dispositions sur la pénibilité 411

Après l’article 27 413

Titre IV du projet de loi 414

TITRE V : MESURES DE SOLIDARITÉ 414

Chapitre Ier  : Dispositions applicables au régime des exploitants agricoles 414

Article 28 (articles L. 732-56, L. 732-58, L. 732-59, L. 732-60 et L. 732-62 du code rural et de la pêche maritime) : Extension de la retraite complémentaire obligatoire du régime des exploitants agricoles aux aides familiaux et aux collaborateurs de chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole 414

Article 29 (article L. 815-13 du code de la sécurité sociale) : Exclusion du capital d’exploitation de l’assiette du recouvrement sur les successions du minimum vieillesse des exploitants agricoles 418

Après l’article 29 422

Article additionnel après l’article 29 : Prorogation de l’assurance veuvage 423

Après l’article 29 424

Article additionnel après l’article 29 : Rapport du Gouvernement relatif au bénéfice des bonifications de pension pour les fonctionnaires 425

Après l’article 29 426

Article additionnel après l’article 29 : Rapport du Gouvernement sur la réforme de l’allocation de veuvage 427

Après l’article 29 428

Article additionnel après l’article 29 : Rapport du Gouvernement relatif à la validation des périodes de stage au titre de la retraite 435

Après l’article 29 435

Chapitre II : Dispositions relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes et à l’emploi des seniors 437

Article 30 (articles L. 135-2 et L. 351-1 du code de la sécurité sociale) : Amélioration de la compensation des interruptions de carrière liées à la maternité 437

Article 31 (article L. 2323-51-1 [nouveau] du code du travail ; article L. 135-3 du code de la sécurité sociale ; article L. 2323-59-1 [nouveau] du code du travail) : Mesures en faveur de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes 439

Après l’article 31 449

Article 32 (article L. 5133-11 [nouveau] du code du travail) : Aide à l’embauche des seniors 451

Après l’article 32 457

Titre V bis du projet de loi 463

Article additionnel après l’article 32 : Alimentation des PERCO par des journées de RTT non utilisées 463

Après l’article 32 465

Article additionnel après l’article 32 : Alimentation des PERCO par la participation 469

Après l’article 32 470

Article additionnel après l’article 32 : Négociation de branche sur la mise en place d’un PERCO 470

Après l’article 32 471

Article additionnel après l’article 32 : Obligation de couverture de l’ensemble des salariés par un dispositif d’épargne retraite 472

Après l’article 32 473

TITRE VI : DISPOSITIONS FINALES 475

Article 33 : Entrée en vigueur 475

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 479

Principales modifications apportées par la commission

Parmi les 434 amendements examinés par la Commission des affaires sociales, lors de ses séances des 20, 21 et 22 juillet 2010, en présence de M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et de M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique, la commission en a retenu 107.

 Au titre Ier (Dispositions générales), les principales modifications au projet de loi portent sur :

– des précisions sur les missions (adoption d’un amendement du Rapporteur) et la composition du Comité de pilotage des régimes de retraite, en prévoyant la présence de parlementaires et de représentants des organisations syndicales et patronales (adoption d’un amendement de M. Dominique Tian, modifié à l’initiative du Rapporteur et de M. Roland Muzeau) ;

– la prise en compte des travaux de l’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail pour le pilotage des régimes de retraite, et la consécration législative de cet observatoire (adoption de deux amendements de M. Francis Vercamer) ;

– le calendrier de l’entretien individuel qui sera proposé à tous les assurés tous les cinq ans à partir de l’âge de 45 ans (adoption d’un amendement de Mme Marisol Touraine) ;

– l’enrichissement du contenu de cet entretien individuel (adoption d’un amendement de Mme Martine Billard et d’un amendement de Mme Marisol Touraine) ;

– la création d’un répertoire de gestion des carrières unique, incluant la totalité des données des régimes de retraite de base (adoption d’un amendement de la Commission des finances) ;

– la mensualisation du versement des pensions à la demande de l’assuré (adoption d’un amendement de la Commission des finances).

 Au titre II (Dispositions applicables à l’ensemble des régimes), la principale modification porte sur la possibilité de demander le remboursement du rachat des années d’études, si celui-ci est rendu inutile par le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite (adoption d’un amendement du Gouvernement).

 Au titre III (Mesures de rapprochement entre les régimes des retraites), les principales modifications portent sur :

– la demande d’un rapport relatif à la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État (adoption d’un amendement du Rapporteur) ;

– la suppression de la majoration de pension pour conjoint à charge (adoption d’un amendement de la Commission des finances) ;

– l’alignement des règles de calcul de la surcote des régimes du secteur public sur celles du régime général (adoption d’un amendement du Rapporteur, sous-amendé par le Gouvernement).

 Au titre IV (Pénibilité du parcours professionnel), les principales modifications portent sur :

– la demande d’un rapport sur les modalités d’extension aux travailleurs non salariés du nouveau dispositif permettant le départ à 60 ans à taux plein pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie ou d’un accident professionnels (adoption d’un amendement du Rapporteur) ;

– la possibilité, avec l’accord de l’employeur, d’utiliser les droits affectés sur un compte épargne-temps pour cesser de manière progressive son activité (adoption d’un amendement de la Commission des finances et de M. Hervé Mariton, modifié à l’initiative du Rapporteur) ;

– la demande d’un rapport sur la mise en œuvre des dispositions du projet de loi consacrées à la pénibilité et, le cas échéant, proposant des adaptations, notamment en ce qui concerne la prévention, la compensation et la réparation de la pénibilité (adoption d’un amendement du Président Pierre Méhaignerie).

 Au titre V (Mesures de solidarité), les principales modifications portent sur :

– la prorogation de l’assurance veuvage (adoption d’un amendement du Rapporteur) ;

– la demande d’un rapport sur la prise en compte des périodes de stage dans le calcul des droits à retraite (adoption d’un amendement de Mme Marisol Touraine) ;

– la soumission des entreprises de plus de 50 salariés à une pénalité financière en l’absence d’accord professionnel ou de plan d’action relatif à l’égalité professionnelle et pérennisation de l’obligation de négociation relative à la réduction des écarts salariaux entre les femmes et les hommes créée par la loi du 23 mars 2006 (adoption d’un amendement du Rapporteur).

 Au nouveau titre V bis (Mesures relatives à l’emploi des seniors) la principale modification porte sur une demande de rapport établissant un bilan détaillé de la mise en œuvre de l’aide à l’emploi des seniors (adoption d’un amendement du Rapporteur).

 Puis, la commission a adopté plusieurs amendements relatifs à l’épargne-retraite tendant à :

– la possibilité d’alimenter un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) par des jours de réduction du temps de travail (RTT) non-utilisés (adoption d’un amendement de la Commission des finances) ;

– la possibilité d’alimenter un PERCO par la moitié des sommes perçues au titre de la participation (adoption de deux amendements identiques du Rapporteur et de la Commission des finances) ;

– l’obligation de négocier, dans le délai de deux ans, la mise en place d’un PERCO dans les branches professionnelles (adoption de deux amendements identiques du Rapporteur et de la Commission des finances) ;

– l’obligation pour une entreprise, qui réserve un régime de retraite supplémentaire à certains de ses salariés, de proposer à l’ensemble de ses salariés un dispositif d’épargne-retraite collectif (adoption de deux amendements identiques du Rapporteur et de la Commission des finances).

INTRODUCTION

Le système français de retraite par répartition se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins : il a, depuis cinquante ans, pleinement rempli son objectif qui était de réduire la pauvreté parmi nos aînés en garantissant un revenu de remplacement, permettant le maintien du niveau de vie lors du passage à la retraite.

Mais, ce système se trouve aujourd’hui fragilisé : dans un système par répartition, les dépenses du présent doivent être financées par les recettes du présent. Or, notre système de retraite se trouve en déséquilibre financier depuis maintenant quelques années et ce déficit a été considérablement creusé par la crise, qui a frappé l’ensemble de notre système de protection sociale ces deux dernières années.

Même si notre pays retrouve rapidement le chemin de la croissance, cette crise laissera des traces profondes. D’autant qu’elle se conjugue avec une évolution démographique particulièrement défavorable, malgré la bonne tenue de notre natalité. L’arrivée à la retraite des baby-boomers, qui a déjà commencé et qui va se poursuivre jusqu’en 2030, va structurellement dégrader l’équilibre démographique sur lequel est fondé tout système par répartition.

Face à cette situation financière périlleuse, il est aujourd’hui essentiel de réformer, sans quoi c’est l’ensemble du système qui est menacé. Le Gouvernement, et la majorité qui le soutient, a donc fait des choix courageux, parfois difficiles, mais qui obéissent tous à un triple impératif : l’équité, la responsabilité et l’efficacité.

Le Président de la République avait clairement annoncé les choses lors de sa déclaration devant le Congrès, le 22 juin 2009 : « 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table : l’âge de la retraite, la durée de cotisation et, bien sûr, la pénibilité. Toutes les options seront examinées. Les partenaires sociaux feront des propositions. Je n’ai nullement l’intention de fermer le débat au moment même où je l’ouvre. Mais quand viendra le temps de la décision, à la mi-2010, que nul ne doute que le Gouvernement prendra ses responsabilités. C’est une question d’honneur, c’est une question de morale à l’endroit des générations qui vont nous suivre ».

Nous y sommes.

I. UNE SITUATION FINANCIÈRE DE NOTRE SYSTÈME DE RETRAITE QUI APPELLE DES RÉPONSES IMMÉDIATES

Fruit d’une longue construction historique, notre système de retraite est, malgré ses défauts (multiplicité des régimes, manque de lisibilité pour les assurés), l’un des plus performants d’Europe et il a su résister à la crise. Néanmoins, celle-ci a durement fragilisé sa situation financière et les évolutions démographiques à venir vont encore le fragiliser. La réforme est donc indispensable.

A. UN SYSTÈME DE RETRAITE PERFORMANT MAIS FRAGILE

Aujourd’hui, comme l’illustre le schéma ci-dessous, les dépenses de retraite sont supérieures aux dépenses de maladie et à celles de l’État :

En 2008, 243 milliards d’euros, soit 12,5 % de la richesse nationale produite, ont été affectés au paiement des pensions de retraite. Cet effort est en augmentation constante : la part du produit intérieur brut (PIB) affecté au financement du système de retraite s’établissait à 11,7 % en 2002 et s’est accrue en moyenne de 0,1 point par an depuis 2003.

Ceci amène la France au troisième rang des pays membres de l’OCDE et plus de 5 points au dessus de la moyenne :

Cet effort important explique qu’en France, 85,4 % du revenu disponible des personnes âgées de plus de 65 ans provient de transferts publics, soit le taux le plus important (derrière la Hongrie).

Et cet effort explique aussi que le niveau de vie moyen des retraités s’établit, aujourd’hui, à un niveau proche de celui des actifs, même si cette situation recouvre des disparités : mesuré en prenant en compte les seuls revenus d’activité ou pensions de retraite, le niveau de vie s’élève ainsi en moyenne à 21 600 euros pour un actif et à 21 440 euros pour un retraité. L’écart relatif des niveaux de vie tend même à s’inverser au profit des retraités, si on intègre le patrimoine dans la comparaison.

Il convient, à cet égard, de souligner que, dans la plupart des autres pays de l’OCDE, le niveau de vie des retraités est, à l’inverse, généralement inférieur à celui de l’ensemble de la population (d’après les comparaisons établies par l’OCDE, seuls quatre pays sur trente étudiés ont un niveau de vie des plus de 65 ans rapporté à celui de la population supérieur à celui de la France).

Un autre élément, qui peut être invoqué à l’appui de ce constat, porte sur le taux de pauvreté des retraités. Au cours des dernières décennies, le taux de pauvreté des personnes de 60 ans et plus a fortement décru. Alors qu’il dépassait 30 % en 1970, il s’établit aujourd’hui à environ 10 %, soit à un niveau inférieur à celui de l’ensemble de la population. La France figure ainsi parmi les pays de l’OCDE celui où les personnes âgées sont les moins touchées par la pauvreté (dans la majorité des pays, le taux de pauvreté des retraités est supérieur à celui de l’ensemble de la population contrairement à la situation française).

Et on remarquera que ce système a remarquablement bien résisté à la crise : les pensions ont pu être servies sans difficulté, elles n’ont pas baissé (à la différence d’autres pays). Et les dispositifs de solidarité en termes d’acquisition de droits à la retraite, en particulier pour les personnes en situation de chômage, ont permis de réduire l’impact social de la crise.

Néanmoins, cette efficacité de notre système de retraite et son caractère protecteur ont un coût que l’on ne peut pas négliger d’autant que, à l’instar de l’ensemble de nos finances publiques, les régimes de retraite ont été durement touchés par la crise.

B. UN SYSTÈME DUREMENT TOUCHÉ PAR LA CRISE

Equilibrée jusqu’en 2004, la branche vieillesse du régime général connaît, depuis 2005, un déficit croissant qui devrait s’établir, sous l’effet de la crise, à plus de 8 milliards d’euros en 2009 et près de 11 milliards en 2010.

Au-delà du seul régime général, l’ensemble des régimes obligatoires de base présente une situation financière dégradée : d’après les prévisions associées au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le déficit de l’ensemble des régimes de base devrait atteindre près de 13 milliards d’euros en 2010. Le FSV, qui assure le financement d’avantages non contributifs servis par les régimes d’assurance vieillesse (minimum vieillesse, validations gratuites de périodes au titre du chômage, majorations de pensions pour enfants), est également concerné par cette dégradation (déficit prévisionnel de 3 milliards d’euros en 2009 et de 4,5 milliards d’euros en 2010).

Précisons que ces prévisions ne tiennent pas compte de la situation particulière du régime des fonctionnaires de l’État, qui est équilibré par une cotisation de l’État employeur. L’évolution significative du taux de cette cotisation traduit, cependant, la dégradation financière de ce régime puisqu’il est passé, entre 2006 et 2009, de 49,90 % à 60,14 % pour les pensions civiles et de 100 % à 108,39 % pour les pensions militaires. C’est donc au prix d’un financement croissant par l’État qu’est maintenu l’équilibre du régime des fonctionnaires de l’État.

La détérioration brutale des comptes de la branche vieillesse en 2009 et 2010 est avant tout la conséquence de la crise économique, qui a réduit fortement les recettes assises sur les revenus d'activité.

Rappelons que trois quarts des recettes sociales sont assis sur la masse salariale et, en particulier, les cotisations sociales. Un point de masse salariale perdue représente une perte de recettes de l'ordre de 2 milliards d'euros pour le régime général. Entre 2008 et 2009, 5,6 points de masse salariale ont été perdus dans le secteur privé. Ainsi, alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 évaluait le déficit de la branche vieillesse à 5,3 milliards d’euros en 2009, celle pour 2010 a réévalué cette prévision à hauteur de 8,2 milliards d’euros.

Si la crise a substantiellement aggravé les déficits de la branche vieillesse, il convient d'être attentif au fait que la reprise économique n'apportera à elle seule aucune amélioration du solde des régimes de retraite, en raison de l'effet base.

En effet, même si la masse salariale reprend sa croissance selon une tendance comparable à celle qu'elle connaissait avant la crise, elle partira d'un niveau, en masse, très inférieur à celui atteint auparavant. Pour qu'un rattrapage s'opère, il faudrait que la masse salariale progresse temporairement beaucoup plus vite qu'avant la crise, ce qui n'apparaît guère vraisemblable. Aucune amélioration spontanée sensible de l'équilibre financier du système de retraite ne peut donc être attendue de la reprise économique.

C’est ce qu’illustrent parfaitement les dernières projections du COR. On se souvient que des projections avaient été précédemment effectuées en 2007 : elles évaluaient déjà à 0,7 point du PIB le besoin de financement du système de retraite en 2015, à 1 point de PIB en 2020 et 1,7 point de PIB en 2050.

Le huitième rapport du COR1, adopté le 14 avril, actualise ces projections financières à moyen et long terme, sur la base de trois scénarios alternatifs en termes d’évolution du chômage et de la productivité :

– un premier scénario (A) suppose un rattrapage intégral des effets de la crise économique en retenant un taux de croissance de la productivité de 1,8 % par an et le retour à un taux de chômage de 4,5 % (qui correspond au plein emploi) à partir de 2024 ;

– le second scénario (B), moins favorable, suppose un taux de chômage également ramené à 4,5 % à partir de 2024 mais un taux de croissance de la productivité plus faible à 1,5 % par an ;

– le troisième scénario (C) est le plus défavorable en supposant un taux de chômage stable à 7 % à partir de 2022 et une croissance annuelle de la productivité de 1,5 %.

Il ressort des travaux du COR que, quel que soit le scénario économique retenu, le besoin de financement devrait continuer de se dégrader à moyen terme. Alors que le besoin de financement de l’ensemble du système de retraite était évalué à 10,9 milliards d’euros, soit 0,6 point du PIB, en 2008, il atteindrait, selon les projections du COR, 40 milliards d’euros environ en 2015, soit 1,8 point de PIB.

À l’horizon 2030, ce besoin de financement serait compris entre 1,9 et 2,9 points du PIB par an selon les scénarios retenus, soit un déficit annuel compris entre 56,3 et 79,9 milliards d’euros (en euros constants).

L’accumulation des déficits sur la période considérée aurait pour conséquence un alourdissement considérable de la dette sociale : dès 2020, les projections du COR font apparaître un besoin de financement cumulé de plus de 20 % du PIB.

Il convient de souligner que l’ensemble des régimes étudiés (CNAV, Service de retraites de l’État, CNRACL et AGIRC-ARRCO) est touché par cette détérioration et se trouveraient en déficit à la fin de la période de projection (sauf dans l’hypothèse d’une prolongation au-delà de 2010 des règles actuelles d’achat du point à l’AGIRC et l’ARRCO). S’agissant du seul régime général, le déficit de la CNAV devrait être de l’ordre de 13 milliards d’euros en 2015, compris entre 16 et 19 milliards d’euros en 2020 et 50 et 65 milliards d’euros en 2050.

Le Gouvernement a refusé la facilité qui aurait consisté à se placer sous le scénario le plus favorable. Il s’est placé dans le cadre du scénario intermédiaire, soit le scénario » du COR. Dans ce scénario, les besoins de financement seront les suivants :

Besoins de financement du système de retraite – Scénario B
Rendements AGIRC-ARRCO CONSTANTS

(en  % du PIB)

 

2008

2015

2020

2030

2040

2050

Masse des cotisations

Dépenses de retraite

Besoin de financement annuel

12,8

13,4

-0,6

12,7

14,5

-1,8

12,7

14,5

-1,9

12,7

15,1

-2,5

12,7

15,4

-2,8

12,7

15,3

-2,6

Besoins de financement cumulés
(en  % du PIB)

-1,0

-13,0

-22,1

-44,3

-73,5

-104,3

Besoin de financement annuel
(en milliards d’euros 2008)

-10,9

-39,4

-45,0

-70,3

-92,3

-102,6

Source : COR

C. DE FORTES CONTRAINTES DÉMOGRAPHIQUES

Au-delà des effets de la crise, notre système de retraite est, bien sûr, confronté à un gigantesque défi démographique.

Le gonflement des dépenses de retraite (le COR prévoit qu’elles vont passer, entre 2008 et 2050, de 13,4 % à 14,3 % du PIB dans le scénario le plus favorable, à 15,3 % dans le scénario intermédiaire et à 15,7 % dans le dernier scénario) résulte de facteurs démographiques bien identifiés.

Le premier de ces facteurs est l’arrivée à l’âge de la retraite depuis 2006 des générations plus nombreuses de l’après-guerre. L’arrivée à l’âge de 60 ans de la génération 1946, première génération du baby-boom, avait ainsi contribué à l’augmentation de 16 % du nombre de nouveaux pensionnés en 2006 par rapport à 2005 et le nombre de nouveaux retraités se maintient depuis à un niveau élevé, supérieur à 800 000 par an alors qu’il s’établissait à environ 600 000 en 2003. L’impact du baby-boom sur le nombre de retraités constitue un phénomène durable, qui ne devrait s’infléchir qu’à partir de 2035.

Le second facteur contribuant à la croissance des dépenses de retraite est l’allongement de l’espérance de vie, qui se traduit par un allongement de la période de versement des pensions. À cet égard, les dernières projections établies par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) font apparaître la poursuite de l’allongement de l’espérance de vie entre 2000 et 2050, celle-ci passant de 75,3 à 83,8 ans pour les hommes et de 82,8 à 89 ans pour les femmes.

Sous l’effet combiné de ces deux facteurs, le nombre de retraités devrait passer de 15 millions en 2008 à près de 23 millions en 2050, contribuant à la dégradation du ratio démographique des régimes et à l’augmentation massive des dépenses des régimes de retraite sur la période.

Les difficultés auxquelles notre système de retraite est confronté sont donc bien avant tout démographiques. C’est pourquoi le Gouvernement a privilégié les solutions démographiques.

II. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ET AMBITIEUSE

Face à cette situation financière particulièrement inquiétante, réformer notre système de retraite est un impératif politique, qui s’impose à tout Gouvernement responsable et refusant de repousser au lendemain les réformes indispensables.

La réforme voulue par le Président de la République et proposée par le Gouvernement est une réforme juste, efficace et responsable. Responsable, car elle propose une réforme en profondeur de notre système ; efficace, car elle permet le retour à l’équilibre financier dès 2018 ; juste enfin, car elle fait contribuer tout le monde : les assurés, qui devront travailler plus longtemps, mais aussi les entreprises, les hauts revenus et le capital grâce à de nouvelles recettes ; juste encore, car elle développe les éléments de solidarité existant dans notre régime et permet à ceux ayant commencé à travailler jeunes ou ayant exercé des métiers pénibles de partir plus tôt.

A. FAIRE SAUTER LE TABOU DES 60 ANS

La mesure-phare et emblématique de ce projet de loi est bien sûr le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et le report parallèle de 65 à 67 ans de l’âge du taux plein. Ce report est une mesure de bon sens compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie depuis trente ans. Il permet de faire participer l’ensemble des salariés à l’effort de redressement des comptes de notre système de retraite, sans pénaliser les personnes ayant eu des difficultés à intégrer le marché du travail ou ayant connu des carrières hachées, comme l’aurait fait un nouvel allongement de la durée de cotisation.

1. Rejoindre la norme européenne

Le passage de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite permet à la France de rejoindre la norme des pays voisins, qui ont quasiment tous procédé à des réformes de leur système de retraite en agissant sur les bornes d’âge.

Certes, les âges légaux applicables dans les régimes étrangers ne sont pas nécessairement comparables avec l’âge d’ouverture des droits en France, car ils correspondent :

– soit, comme en France, à un âge d’ouverture des droits (il n’est pas possible de prendre sa retraite avant) ;

– soit à un « âge-pivot » (il est possible de prendre sa retraite avant, mais celle-ci fait alors l’objet d’une décote).

Néanmoins, dans l’essentiel des réformes accomplies à l’étranger, l’âge d’ouverture des droits a été augmenté : c’est le cas en Espagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni (passage progressif de 65 à 67 ans), ainsi qu’en Italie et en Suède (passage à 61 ans). Enfin, en Allemagne, l’âge minimal d’ouverture des droits restera fixé à 63 ans (sous condition de disposer de trente-cinq années de cotisation), mais avec une décote accrue.

Dans d’autres cas, il a été choisi d’agir (éventuellement conjointement avec une action sur l’âge d’ouverture des droits) sur l’âge-pivot dans les pays où il existe un tel âge : Etats-Unis (report de l’âge-pivot de 65 à 67 ans), Allemagne (report de l’âge-pivot de 65 à 67 ans en 2029), Japon (report de l’âge-pivot de 60 à 65 ans).

Ceci montre que, dans l’ensemble des pays, les réformes mises en œuvre ont agi sur l’âge légal de la retraite, que celui-ci corresponde à un âge d’ouverture des droits ou à un âge-pivot.

Le tableau ci-dessous récapitule l’âge légal de départ à la retraite dans les pays européens en le rapprochant de l’âge effectif de retrait du marché du travail.

Âges de départ observés en Europe en 2006

 

Âge légal de départ en retraite

Âge effectif de départ

 

Hommes

Femmes

Allemagne

65 ans (67 ans d’ici à 2029)

62,1

61,6

Autriche

H : 65 ans/F : 60 ans
(65 ans d’ici à 2033)

61,3

60,6

Belgique

65 ans

61,2

61,9

Danemark

65 ans (67 ans d’ici 2027)

62,5

61,3

Espagne

65 ans
(67 ans en discussion depuis janvier 2010)

61,8

62,3

Finlande

65 ans

62,3

62,5

France

60 ans

58,7

59,1

Grèce

65 ans

61,8

60,4

Hongrie

62 ans

61,2

58,7

Irlande

65 ans

65,3

64,7

Italie

H : 65 ans/F : 60 ans
(après 2035 entre 61 et 65 ans)

60,5

60

Luxembourg

65 ans

na

na

Pays-Bas

65 ans (67 ans d’ici 2037)

62,1

62,1

Pologne

H : 65/F : 60

61,4

67,5

Portugal

65 ans

62,9

62,3

Rep. tchèque

H : 61,5/F : 59,5 (65 ans d’ici 2013)

61,8

59

Royaume-Uni

H : 65 ans/F : 60 ans
(68 ans pour les 2 d’ici 2046)

63,8

62,6

Suède

à partir de 61 ans

64,2

63,7

Source : Commission européenne, 2009.

On constate ainsi que l’âge moyen de sortie du marché du travail est dans la grande majorité des cas sensiblement plus faible que l’âge légal actuel d’ouverture des droits, notamment en raison de dispositifs dérogatoires permettant une liquidation plus précoce ou de recours plus fréquent à l’invalidité (Pays-Bas et Royaume-Uni), sauf pour la Belgique, l’Italie et la Suède, ce dernier pays ayant un système de retraite particulier, avec une forte incitation à la prolongation d’activité. Hormis dans ces trois pays, l’âge effectif moyen de sortie du marché du travail semble assez corrélé à l’âge d’ouverture des droits.

En France, l’écart entre l’âge moyen de cessation d’activité (59,3 ans en 2008) et l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite (60 ans) est plus faible que dans la plupart des autres pays européens. Cela peut traduire la moindre incidence des dispositifs permettant la cessation précoce d’activité de certaines catégories d’assurés. Il n’en reste pas moins que la sortie du marché du travail est de près de deux ans plus précoce en France qu’au niveau européen (61,1 ans en moyenne pour onze pays de la zone euro selon Eurostat). L’écart entre la France et ses partenaires est plus marqué chez les hommes (presque trois ans) que chez les femmes (un peu plus d’un an). Cet écart s’est accentué : l’Union européenne a enregistré, au cours des cinq dernières années, une progression d’un an de l’âge moyen de fin d’activité, ce qui contraste avec la stabilité de cet indicateur pour la France.

2. Un relèvement progressif

Ainsi, à compter de la génération 1956, l’âge légal sera porté à 62 ans. D’ici là, une montée en charge progressive du dispositif est prévue, selon un calendrier encadré par le second alinéa du nouvel article L.161-17-2 du code de la sécurité sociale.

Un décret fixera donc les conditions de relèvement de l’âge d’ouverture de 60 à 62 ans pour les assurés nés avant le 1er janvier 1956. Ce décret fixera une montée en charge croissante, au rythme de quatre mois par génération :

Génération à compter de

Âge de départ

Date d’effet possible
à compter de

Juillet 1951

60 ans et 4 mois

Novembre 2011

Janvier 1952

60 ans et 8 mois

Septembre 2012

Janvier 1953

61 ans

Janvier 2014

Janvier 1954

61 ans et 4 mois

Mai 2015

Janvier 1955

61 ans et 8 mois

Septembre 2016

Janvier 1956

62 ans

Janvier 2018

Comme pour l’âge légal, le relèvement de l’âge du taux plein sera progressif et son calendrier fixé par décret. Il sera, par ailleurs, décalé par rapport à l’âge légal. En effet, on ne peut décaler l’âge du taux plein qu’à compter de la génération 1951, c'est-à-dire à compter de juillet 2016. Pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951, l’âge d’obtention du taux plein est donc maintenu à 65 ans et il évolue ensuite pour les assurés nés à compter de cette date en proportion de l’évolution de l’âge légal de départ soit :

Génération
à compter de

Âge taux plein

Date d’effet taux plein à compter de

Juillet 1951

65 ans et 4 mois

Novembre 2016

Janvier 1952

65 ans et 8 mois

Septembre 2017

Janvier 1953

66 ans

Janvier 2019

Janvier 1954

66 ans et 4 mois

Mai 2020

Janvier 1955

66 ans et 8 mois

Septembre 2021

Janvier 1956

67 ans

Janvier 2023

Se pose la question de l’évolution ultérieure de ces bornes d’âge : le groupe UMP de l’Assemblée nationale s’est, par exemple, déclaré favorable à une indexation automatique de ces bornes d’âge sur l’allongement de l’espérance de la vie, à l’instar de ce qui est prévu par la loi Fillon pour la durée de cotisation. Cette proposition était séduisante, car elle permettait de dédramatiser une éventuelle remontée ultérieure et donnait une certaine sécurité juridique aux assurés. Néanmoins, votre Rapporteur n’a pas souhaité proposer cette solution à la commission : d’une part, elle préemptait d’une certaine façon le débat programmé pour 2018 par le projet de loi ; d’autre part, elle supposait un fort travail de pédagogie auprès des Français et donc du temps.

3. Un fort impact financier

Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, pour l’ensemble des régimes, le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans (à raison de 4 mois par an à compter du 1er juillet 2011), le décalage au même rythme de l’âge automatique d’obtention d’une pension complète de 65 à 67 ans et la poursuite de l’allongement de la durée de cotisation selon le principe fixé par la loi du 21 août 2003 jusqu’en 2020, se traduiraient par une économie de près de 2 milliards d’euros en 2011 et d’environ 20 milliards d’euros en 2020. Cette mesure comblerait ainsi près de la moitié du besoin de financement, tous régimes de retraite confondus, en 2020.

Sur le seul champ du régime général de retraite, la mesure aurait un impact positif sur le solde de la CNAV de plus de 1 milliard d’euros dès 2012 et de près de 10 milliards d’euros en 2020. Les projections réalisées par la CNAV ont permis d’estimer que le nombre de retraités au régime général serait minoré de 423 000 environ en 2015, de 900 000 en 2020, et de plus d’1 million à compter de 2030.

À l’horizon 2020, l’incidence du relèvement de l’âge d’ouverture de droit et de celui d’obtention du taux plein correspond pour 80 % à des économies sur les prestations (départs plus tardifs) et pour 20 % à des ressources supplémentaires (cotisations liées aux poursuites d’activité).

Pour la fonction publique, le report de l’âge légal, cumulé avec les autres mesures d’âge (limites d’âge, durées de services minimales) aurait l’impact financier détaillé dans le tableau ci-dessous :

(en milliards d’euros)

 

2015

2018

2020

Fonction publique d’État

1

1,9

2,6

CNRACL

0,6

1,2

1,6

Source : Étude dimpact.

Pour les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO, l’économie procurée par l’augmentation de la durée d’assurance et le report de l’âge légal serait en partie compensée par une augmentation du nombre de points acquis par les assurés et par une amélioration de la retraite complémentaire qui leur est servie. Les effets de la réforme ont été mesurés par les gestionnaires des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO. À l’horizon 2020, la réforme permet, néanmoins, le retour à l’équilibre des régimes, avec un solde créditeur d’environ 0,5 milliard d’euros, alors qu’en l’absence de réforme, le déficit à cette date serait de plus de 5 milliards d’euros.

B. POURSUIVRE LA CONVERGENCE ENTRE PUBLIC ET PRIVÉ

Dans le prolongement de la réforme de 2003, qui a mis en œuvre une convergence des règles applicables dans les régimes de la fonction publique sur celles du régime général, notamment en matière de durée d’assurance, de décote et de surcote, d’indexation des pensions sur les prix, le titre III comporte des mesures spécifiques aux régimes des fonctionnaires dans le sens de la poursuite du rapprochement avec le régime général.

En effet, même si le Gouvernement n’a pas fait le choix d’une réforme systémique qui n’aurait en rien résolu les problèmes financiers auxquels notre système de retraite est confronté, il est indispensable d’aller vers une plus grande convergence des règles régissant chacun de ces régimes.

La multiplicité de ces règles est, en effet, incompréhensible pour nos concitoyens et nourrit les inquiétudes des uns et des autres, qui ont toujours le sentiment que le voisin est privilégié.

Les mesures contenues dans le titre III vont donc dans le bon sens :

– alignement du taux de cotisation salarial dans le public sur celui du privé ;

– extinction progressive d’un dispositif de préretraite réservé aux fonctionnaires parents de trois enfants ;

– réforme du minimum garanti pour le rapprocher du minimum contributif existant au régime général.

Malgré ce rapprochement, les différences entre régimes n’en demeurent pas moins importantes :

– exclusion des primes de l’assiette des cotisations dans la fonction publique, sauf (en partie) pour la retraite additionnelle de la fonction publique ;

– calcul de la pension sur les six derniers mois et non sur les vingt-cinq meilleures années ;

– absence de plafonnement, tant des cotisations que du montant de la pension de la fonction publique ;

– impossibilité de percevoir une pension de la fonction publique en-deçà de quinze ans de services ;

– absence de caisse de retraite pour la fonction publique d’État, même si le compte d’affectation spéciale Pensions retrace les ressources et les charges du régime ;

– minimum garanti de la fonction publique évoluant selon un taux décroissant au fur et à mesure des années de services ;

– règles différentes en matière de réversion.

Votre Rapporteur comprend que le rapprochement doit être progressif et ne saurait être trop brutal. La Commission des affaires sociales a néanmoins souhaité aller plus loin que ce que proposait le projet initial du Gouvernement ; elle a d’abord confié au Comité de pilotage des régimes de retraite, créé par l’article 1er du projet de loi, la mission de veiller au rapprochement des règles et des paramètres entre les différents régimes. Elle a, ensuite, demandé au Gouvernement d’élaborer un rapport sur la création éventuelle d’une caisse de retraites des fonctionnaires de l’Etat sur le modèle de la CNRACL. Elle a également aligné les règles d’obtention d’une surcote dans la fonction publique sur celles existant dans le régime général.

C. POUR LA PREMIÈRE FOIS, PRENDRE EN COMPTE LA PÉNIBILITÉ

Le projet de loi présenté par le Gouvernement devrait permettre, chaque année, à près de 100 000 personnes de partir avant l’âge légal de la retraite : 90 000 au titre du dispositif « carrières longues », qui est prorogé et amélioré, et 10 000 au titre d’un nouveau dispositif « pénibilité ». Ce dernier dispositif constitue une avancée sociale importante, puisqu’un droit nouveau est créé pour les personnes ayant exercé des métiers particulièrement usant physiquement : ces personnes pourront partir avant l’âge légal et ce sans décote.

1. Proroger et améliorer le dispositif « carrières longues »

Le dispositif « carrières longues », créé par la loi Fillon de 2003, a constitué l’une des principales avancées sociales de ces dernières années : il a permis à près de 600 000 personnes de partir à la retraite de façon anticipée.

a) Le bilan du dispositif

Parmi celles-ci, 112 200 correspondent à un départ effectif en 2004, 102 210 à un départ en 2005, 107 710 à un départ en 2006, 115 120 à un départ en 2007, 122 200 à un départ en 2008 et 30 218 à un départ en 2009. On observe un afflux important de départs fin 2008, dû à l’anticipation par les futurs retraités de la modification des conditions liées à la durée validée et cotisée.

Source : CNAV.

Le coût des départs anticipés a atteint 1,3 milliards d’euros en 2005, 1,8 milliards d’euros en 2006, 2,1 milliards d’euros en 2007 et 2,4 milliards d’euros en 2008. On observe, depuis 2007, un ralentissement de la progression des dépenses (+14 % en 2008, contre +17 % en 2007 et +38 % en 2006), qui traduit la fin de la montée en charge du dispositif. En 2009, le coût de la mesure a diminué pour atteindre 2,1 milliards d'euros, du fait des restrictions apportées à la prise en compte des déclarations sur l’honneur pour les régularisations de cotisations arriérées.

Ce dispositif a été utilisé par les assurés pour partir le plus tôt possible : si on observe une relative stabilité des départs en retraite anticipée par âge entre 2005 et 2008 pour les 57, 58 et 59 ans, autour d’environ 20 000 à 25 000 départs par an (à chaque âge), en revanche, les départs à l’âge de 56 ans sont, d’une part, plus importants en nombre qu’aux âges suivants, et d’autre part, ils ont augmenté fortement sur la période passant d’environ 22 000 en 2004 à environ 52 000 en 2008.

Source : CNAV.

b) Un dispositif encore amélioré

Le Gouvernement a annoncé son intention de prolonger le dispositif « carrières longues », tout en l’améliorant. Cette amélioration ne figure pas dans le projet de loi, car la rédaction actuelle de l’article L. 351-1-1 permet au pouvoir réglementaire d’adapter les conditions d’entrée dans le dispositif, comme cela avait d’ailleurs été fait en 2008, pour tenir compte de l’allongement de la durée de cotisations.

Le Gouvernement fixera donc prochainement les nouvelles conditions de départ anticipé mais l’on connaît d’ores et déjà ses intentions : pour les assurés nés après le 1er janvier 1956, l’âge d’accès au dispositif « carrières longues » sera donc fixé à 58 ou 59 ans pour les assurés qui ont débuté leur activité professionnelle à 14 ou 15 ans et à 60 ans pour ceux qui ont débuté leur activité professionnelle à 16 ans, soit un décalage d’une année par rapport à la situation actuelle.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d’ouvrir le dispositif aux assurés ayant démarré leur activité à l’âge de 17 ans : pour ces derniers, l’âge de la retraite sera maintenu à 60 ans s’ils remplissent les conditions de durée d’assurance requise pour accéder au dispositif.

Si on translate les règles existant aujourd’hui concernant les durées d’assurance validées et cotisées, on aboutit au dispositif suivant :

Départ en retraite
à partir de :

Réglementation actuelle

Elargissement aux débuts d’activité à 17 ans pour les départs à 60 ans

56 ans

Durée validée ≥ taux plein +8 trimestres

Durée cotisée ≥ taux plein +8 trimestres

Début activité avant 16 ans

 

57 ans

Durée validée ≥ taux plein +8 trimestres

Durée cotisée ≥ taux plein +8 trimestres

Début activité avant 16 ans

 

58 ans

Durée validée ≥ taux plein +8 trimestres

Durée cotisée ≥ taux plein +4 trimestres

Début activité avant 16 ans

Durée validée ≥ taux plein +8 trimestres

Durée cotisée ≥ taux plein +8 trimestres

Début activité avant 16 ans

59 ans

Durée validée ≥ taux plein +8 trimestres

Durée cotisée ≥ taux plein

Début activité avant 17 ans

Durée validée ≥ taux plein +8 trimestres

Durée cotisée ≥ taux plein +8 trimestres

Début activité avant 16 ans

60 ans

pas possible

Durée validée ≥ taux plein +8 trimestres

Durée cotisée ≥ taux plein

Début activité avant 18 ans

61 ans

pas possible

Départ toujours possible si les conditions de départ à 60 ans étaient déjà remplies l’année des 60 ans

La CNAV a évalué l’impact qu’aurait un tel dispositif sur le nombre de départs anticipés : si le Gouvernement s’était « contenté » de prolonger le dispositif existant en l’adaptant, 65 000 personnes auraient alors pu bénéficier d’un départ anticipé en 2015. En choisissant d’élargir le dispositif aux assurés ayant débuté leur activité à 17 ans, ce sont 25 000 personnes supplémentaires qui pourront partir en 2015, portant à 90 000 le nombre de départs anticipés.

Source : CNAV

Budgétairement, le surcoût pour la CNAV de cet élargissement a été chiffré à 870 millions d'euros au maximum en 2018.

Source : CNAV

Bien sûr, les éléments donnés ici ne le sont qu’à titre indicatif dans la mesure où cet aspect de la réforme est l’un des sujets de la concertation actuellement menée par le Gouvernement avec les organisations syndicales. Des évolutions sont donc encore possibles.

2. Un nouveau dispositif de prise en compte de la pénibilité

De même que le dispositif « carrières longues » a constitué une avancée essentielle à l’occasion de l’adoption de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, de même le présent projet de loi innove en consacrant de nouvelles dispositions en matière de prise en compte de la pénibilité.

a) Le débat complexe sur la pénibilité

La notion de pénibilité est peu aisée à appréhender. D’une part, parce qu’il s’agit d’une notion relative, qui évolue dans le temps : la pénibilité du travail aujourd’hui n’a que peu de rapports avec la pénibilité du travail au XIXè siècle (2).

D’autre part, parce qu’on peut dire que cette notion est protéiforme, au carrefour de différentes questions : celle des conditions de travail, bien sûr, mais aussi de la santé au travail des personnes concernées et de leur espérance de vie. Dans la mesure où la préoccupation de la qualité de l’emploi est indissociable de celle de la quantité de temps passé au travail, se posent aussi, notamment, les questions du temps et du rythme de travail, ainsi que du moment de la cessation de l’activité professionnelle, donc de la retraite. De nombreux rapports sont, encore très récemment, revenus de manière détaillée sur ces différents enjeux en en montrant la pluralité, en particulier le rapport d’information présenté par M. Jean-Frédéric Poisson au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale en conclusion des travaux de la mission d’information sur la pénibilité au travail (mai 2008), mais aussi le rapport établi dès 2003 par M. Yves Struillou pour le COR sur la question du lien entre pénibilité et retraite (3).

Le droit positif français ne définit pas aujourd’hui la pénibilité (4). Pour autant, la notion de pénibilité n’est pas totalement absente des textes de notre corpus juridique, comme l’a montré le rapport précité de M. Jean-Frédéric Poisson. Quelques articles du code du travail se réfèrent, sans la définir expressément, à la notion de pénibilité : la « pénibilité caractérisée » est évoquée pour justifier, concernant le travail des mineurs, l’interdiction de certaines tâches, accomplies de manière répétitive ou dans une ambiance ou à un rythme tels qu’ils leur confèrent cette pénibilité (article D. 4153-4 du code du travail) ; la « pénibilité » figure parmi les indicateurs que doit comporter le « rapport de situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise » : il s’agit du rapport soumis chaque année, dans les entreprises de 300 salariés et plus, par l’employeur aux représentants du personnel (article D. 2323-12 du code du travail) ; le décret n° 2008-1217 du 25 novembre 2008, relatif au Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT), a créé l’observatoire de la pénibilité (articles R. 4641-13 et D. 4641-15 du code du travail), qui a pour mission d’assister le comité permanent du conseil, en appréciant la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, en particulier celles ayant une incidence sur l’espérance de vie, et en proposant au comité permanent du COCT toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités ; la pénibilité doit être prise en compte par l’employeur pour déterminer les conditions de travail des salariés dont l’emploi présente un risque lié à l’amiante (article R. 4412-101 du code du travail).

Par ailleurs, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, les entreprises de plus de 50 salariés ont l’obligation de négocier sur l’emploi des seniors et, à défaut d’accord, d’établir un plan d’action sur ce thème, sous peine d’une amende représentant 1 % de la masse salariale. Ces accords doivent, notamment, comporter des dispositions favorables au maintien dans l’emploi et au recrutement des salariés âgés, dispositions qui portent – entre autres – sur l’amélioration des conditions de travail et la prévention des situations de pénibilité (article R. 138-26 du code de la sécurité sociale). En outre, les branches ont une obligation triennale de négociation sur la prise en compte de la pénibilité du travail (5).

Enfin, et surtout, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu que « dans un délai de trois ans après la publication de la (…) loi, les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national sont invitées à engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité » (6).

La négociation interprofessionnelle sur la pénibilité a réuni les partenaires sociaux une quinzaine de fois, de février 2005 à juillet 2008, compte tenu d’une période d’interruption d’une année environ, d’avril 2006 à mai 2007 (7). Une reprise des négociations a été possible grâce à l’action de M. Gérard Larcher, alors ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle, qui a proposé aux partenaires sociaux la mise à disposition d’une expertise technique, sous la forme d’un groupe inter-administratif conduit par l’inspection générale des affaires sociales. Ce groupe avait pour mission de coordonner les travaux des différentes administrations compétentes et de traiter la pénibilité dans la triple perspective suivante : la définition, les instruments de mesure et les critères de prise en compte de la pénibilité ; la prévention ; la compensation (qui serait accordée au cours de la carrière professionnelle) et la réparation (qui interviendrait à l’issue de la carrière professionnelle) de la pénibilité.

En dépit de ces tentatives, cette période de trois ans et demi s’est close par l’annonce de l’échec de la négociation, qui a néanmoins contribué à l’approfondissement de la notion de pénibilité. Comme l’avait constaté le COR dans son cinquième rapport dès novembre 2007, elle a permis de « progresser globalement sur les critères de pénibilité » (8), voire sur « la prévention et sur l’amélioration des conditions de travail », tout en n’ayant « pas abouti sur la question de la réparation » (9).

Le présent projet de loi propose de s’inscrire dans ce débat complexe en retenant deux impératifs : la nécessité de l’amélioration de la traçabilité des expositions des travailleurs aux différents facteurs de risques professionnels ; la consécration d’une modalité nouvelle de départ à la retraite au profit de personnes dont l’état de santé est dégradé à la suite d’expositions à des facteurs de pénibilité.

b) La prise en compte de la pénibilité

● La question de la traçabilité des expositions au risque professionnel

La prise en compte de la pénibilité passe aujourd’hui, notamment, par la mise en œuvre d’une politique de prévention des risques professionnels, qui requiert en amont une meilleure connaissance de l’exposition des salariés concernés à ces différents risques. On évoque souvent, à cet égard, la question de la traçabilité des expositions (10).

Cette exigence est d’autant plus grande que, d’une part, les parcours professionnels se caractérisent par une mobilité accrue des travailleurs et que, d’autre part, le risque chimique étant en perpétuelle mutation, de nouveaux risques à effet différé sur la santé apparaissent, tandis que certaines substances jugées à un moment donné non dangereuses peuvent se révéler plus tard cancérogènes ou toxiques pour la reproduction (11). De nombreux rapports sont, au cours des années récentes, revenus de manière détaillée sur ce constat (12).

La nécessité d’une meilleure traçabilité des expositions au risque a aussi été rappelée par le gouvernement lors de la présentation du plan santé au travail 2010-2014, qui prévoit la création progressive d’un dispositif général de traçabilité des expositions aux risques professionnels, à la fois individuelle et collective, en lien avec la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Dans son avis du 8 juillet 2010 consacré au travail de nuit, le Conseil économique, social et environnemental a préconisé « la tenue d’un dossier médical en santé au travail qui devrait ainsi contribuer à améliorer la prévention, le diagnostic et la prise en charge précoce des maladies professionnelles, en particulier celles qui seraient liées au travail de nuit » (13).

Les principaux enjeux d’une mise en place de cette traçabilité sont donc bien identifiés et peuvent être ainsi résumés : l’amélioration de l’information des salariés, dès l’embauche, sur la question de l’exposition au risque ; la mise en œuvre d’un suivi des salariés particulièrement exposés, suivi conçu comme étant médical, mais aussi post-professionnel, ainsi que le souligne l’étude d’impact accompagnant le projet de loi ; l’aménagement des conditions de travail de ces salariés, pour favoriser leur maintien dans l’emploi (14).

Pour l’ensemble de ces raisons, le présent projet de loi propose la revalorisation du dossier médical en santé au travail, qui souffre d’un certain nombre d’imperfections aujourd’hui, ainsi que l’institution d’un nouveau document contenant des informations sur les différents risques d’exposition des travailleurs (article 25 du projet de loi).

● La question des modalités des droits à retraite

Une seconde disposition du projet de loi vise à permettre la prise en compte, au moment de la liquidation de la pension de retraite, de la situation des personnes atteintes dans leur intégrité physique pour des raisons imputables à leur activité professionnelle, avec l’ouverture d’un droit au départ à 60 ans, alors que cet âge sera progressivement porté à 62 ans, et ce quelle que soit leur durée d’assurance, donc à taux plein (sans décote). Ce dispositif sera financé par la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Il s’agit d’un autre élément de réponse à la question de la pénibilité, avec la création d’un droit spécifique (articles 26 et 27 du projet de loi), très novateur en Europe où, comme le montre l’étude d’impact du projet de loi, ce type de mesures est assez rare (15).

Ce nouveau dispositif vient s’ajouter au dispositif « carrières longues », dont, comme on l’a vu, le Gouvernement a annoncé la prolongation dans le cadre de la présente réforme.

Cette mesure est aussi distincte de la possibilité pour les assurés de demander la liquidation de leur retraite au titre de l’inaptitude (16) : cette possibilité permet à un assuré qui n’est pas en mesure de poursuivre l’exercice de son emploi sans que cela nuise gravement à sa santé, et qui est atteint d’une incapacité permanente au moins égale à 50 %, de partir à la retraite à l’âge prévu à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale en bénéficiant du taux plein, même s’il ne justifie pas de la durée d’assurance requise. Bénéficient également de ce dispositif, notamment, les titulaires d’une pension d’invalidité qui, lorsqu’ils atteignent l’âge légal, voient automatiquement leur pension d’invalidité remplacée par une pension de retraite pour inaptitude, systématiquement calculée sur la base du taux plein.

Comme l’a indiqué à plusieurs reprises le Gouvernement (17), cette réponse repose sur certains choix.

En premier lieu, les salariés pourront être concernés par le dispositif dans la mesure où leur état de santé est dégradé à la suite d’expositions à des facteurs de pénibilité, autrement dit s’ils sont physiquement usés au moment du départ à la retraite. Sont donc prises en compte les expositions à des risques qui ont un impact immédiat sur la santé des salariés, non un impact différé. Ce choix est motivé par deux considérations.

D’une part, il est difficile aujourd’hui d’apprécier à partir de quel seuil précis d’exposition, en termes de durée et d’intensité, on peut estimer qu’un risque pour le salarié est excessif. Ce constat a été encore récemment établi par des scientifiques (18).

D’autre part, dans l’hypothèse où le seul état de santé ne serait pas pris en compte, c’est l’exposition pendant un temps donné à un ou plusieurs risques donnés qui le serait : or il est délicat de vérifier, pour les situations passées, la réalité de ces expositions, en l’absence d’outil de traçabilité suffisant, comme le montrent par exemple les limites du dossier médical en santé au travail tel qu’il existe aujourd’hui (voir sur ce point le commentaire de l’article 25).

En second lieu, ce droit nouveau sera accordé de manière individuelle : il est en effet essentiel de pouvoir prendre en compte l’ensemble des situations de pénibilité, sans se limiter à certains métiers ou certaines classifications professionnelles considérés ex ante comme pénibles, ainsi que l’ont, là aussi, mis en évidence des experts (19).

D. FAVORISER L’EMPLOI DES SENIORS

Le présent projet de loi constitue une occasion privilégiée d’aborder le débat sur l’emploi des seniors, dans la mesure, notamment, où un taux d’emploi des salariés âgés trop faible, comme il en va encore aujourd’hui dans notre pays, pèse sur les comptes des régimes de retraite (voir infra). Dans le but d’encourager l’emploi des seniors, le projet de loi mobilise plusieurs instruments différents.

1. L’objectif poursuivi : encourager l’emploi des seniors

En 2009, le taux d’emploi des seniors de 55 à 64 ans s’est établi à 38,9 % en moyenne. Ce taux est très inférieur au taux moyen observé dans l’Union européenne à 27, qui s’élève à 46 % (20). En outre, l’objectif qui avait été retenu, dans le cadre de la stratégie européenne de Lisbonne, à horizon 2010, était un taux d’emploi des seniors de 50 %.

De manière plus précise, on observe que la situation française est moins préoccupante pour la tranche d’âge 55-59 ans (le taux d’emploi y est de 58,5 % en 2009, le même taux étant de 60 % dans l’Union européenne) que pour la tranche d’âge 60-64 ans (où le taux d’emploi est de 17 %, alors qu’il s’élève à 30,4 % dans l’Union européenne) (21).

Après la conclusion, le 13 octobre 2005, d’un accord national interprofessionnel relatif à l’emploi des seniors par les partenaires sociaux, et la mise en œuvre du plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors 2006-2010 sous l’impulsion de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, de nombreuses mesures ont été prises pour encourager la prolongation de l’activité des seniors : taxation des préretraites, fin des mises à la retraite d’office avant 70 ans, libéralisation totale du cumul emploi-retraite ou encore majoration de la surcote qui permet à un salarié choisissant de travailler au-delà de la durée nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein d’améliorer le niveau de sa pension (22).

En outre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu, pour les branches et les entreprises de plus de 50 salariés, une obligation de signer avant le 1er janvier 2010, sous peine de sanction financière pour les entreprises, des accords ou des plans d’action pour recruter ou maintenir les seniors dans l’emploi, avec des objectifs et des moyens précisément chiffrés. Les entreprises de moins de 300 salariés ont bénéficié d’un délai supplémentaire jusqu’au 1er avril.

Ces mesures ont commencé à produire leurs effets. Le bilan d’étape de la politique économique et sociale effectué, le 10 mai 2010 par le Président de la République à l’occasion d’une réunion avec les partenaires sociaux (23), montre que le taux de recours à la surcote a atteint 12,6 % en 2009, quand il n’était que de 5 % en 2005. De plus, le nombre de personnes cumulant retraite et emploi a aussi tendance à augmenter : fin 2008, environ 238 000 personnes cumulaient une pension de retraite du régime général et une activité salariée (195 000) ou d’indépendant (43 000). Par ailleurs, les préretraites publiques sont en quasi-extinction : en 1993, on comptait 56 300 entrées en préretraites du Fonds national pour l’emploi dites AS-FNE (donnant droit à une allocation spéciale de ce fonds), tandis qu’on en dénombre 2 300 seulement en 2009.

Début mai 2010, 97 branches négociaient ou avaient négocié un accord sur l’emploi des seniors ; sur ce nombre, 81 % des négociations avaient abouti et avaient été validées par l’administration, pour un total de 8,9 millions de salariés couverts. Au 31 mars 2010, on comptait près de 28 000 accords d’entreprise ou plans d’action (les plans d’action représentant 69 % de ce total). Les actions les plus fréquemment prévues par ces accords sont le développement des compétences, la transmission des savoirs et l’anticipation des évolutions des carrières professionnelles (plus de 80 % des accords validés).

Enfin, en dépit des effets de la crise, le taux d’emploi des seniors est orienté à la hausse. Ainsi, la progression du taux d’activité « sous-jacent » (à savoir le taux corrigé des effets de structure démographique, qui contribuent aujourd’hui à faire baisser le taux d’emploi des 55-64 ans du fait de l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom dans la tranche d’âge des 60-64 ans, où les taux d’emploi sont plus faibles) s’est accélérée de 2008 à 2009, atteignant 1,6 point en moyenne annuelle pour les 50-64 ans et 2,2 points pour les 55-64 ans, contre + 0,6 point sur la période 2003-2008 pour ces deux tranches d’âge (24).

2. Le dispositif proposé

Ces résultats doivent naturellement être confortés et amplifiés. Le présent projet de loi constitue une occasion privilégiée d’aborder ce sujet. Comme le souligne l’étude d’impact, le maintien du taux d’emploi des salariés âgés à un niveau trop faible pèse sur les comptes des régimes de retraite, en agissant à la fois sur les recettes (du fait de moindres recettes résultant de durées de carrière plus brèves) et sur les dépenses (en raison de l’allongement de la période de versement de la retraite). Aussi, le présent projet de loi mobilise différents outils en faveur de l’emploi des seniors.

Avant tout, il vise à augmenter la durée d’activité, de manière progressive et juste. L’étude d’impact revient de manière détaillée sur le principe de « l’effet horizon », mis en évidence par les économistes, selon lequel les mesures de relèvement de l’âge légal ont un effet positif sur la gestion des seniors dans l’entreprise et les recrutements de ces derniers dans le secteur privé. Cet effet devrait notamment conduire les entreprises à revoir les modalités de leur gestion prévisionnelle des salariés vieillissants. S’agissant de la fonction publique, l’étude d’impact rappelle que la question des seniors y est envisagée dans une perspective globale des parcours professionnels, sans systématisation des mesures ciblées sur les agents les plus âgés.

En outre, le projet de loi tend à prendre en compte une difficulté spécifique rencontrée par les seniors sur le marché de l’emploi, liée à un retour à l’emploi particulièrement difficile : en 2008, 60 % des chômeurs masculins âgés de 50 à 64 ans sont au chômage depuis plus d’un an, alors que ce taux est de seulement 38 % pour la tranche d’âge 30-49 ans. De manière à favoriser leur retour à l’emploi, le projet crée une aide à l’embauche des seniors, sous certaines conditions (article 32 du projet de loi). Comme le précise l’étude d’impact, cette aide est d’autant plus justifiée, qu’il ressort de la lecture des accords de branche et d’entreprise relatifs aux salariés âgés que le domaine d’action du recrutement est peu retenu spontanément par les employeurs.

Enfin, le Gouvernement a annoncé son intention d’encourager encore le développement du tutorat, pour favoriser la transmission des savoirs et valoriser la fin de carrière. Il a indiqué prévoir le renforcement des aides apportés par les fonds de la formation professionnelle au développement du tutorat en entreprise : à ce titre, la faculté de remboursement par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) du temps passé par un tuteur auprès d’un jeune en contrat de professionnalisation serait élargie (25). Cette mesure ne requiert pas nécessairement de disposition de nature législative et elle devrait, selon les informations transmises à votre Rapporteur par les services du secrétariat d’État chargé de l’emploi, intervenir par voie réglementaire. Elle s’inscrirait dans le prolongement des dispositions adoptées dans le cadre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie sur la prise en charge du tutorat par les seniors (26).

E. POUR UN SYSTÈME PLUS SOLIDAIRE

Parce que la présente réforme vise à l’équité et à la justice, ce projet de loi doit être l’occasion de renforcer le caractère solidaire de notre système de retraite, en ce qui concerne la situation des femmes, les retraites agricoles, la situation des jeunes et la question complexe des polypensionnés.

1. Des mesures en faveur des femmes

a) La retraite des femmes aujourd’hui

 Malgré la hausse de l’activité féminine, des écarts demeurent en matière de retraite entre hommes et femmes

En 2010, la durée d’assurance des femmes est inférieure de dix trimestres en moyenne à celle des hommes. Cependant, alors que la durée moyenne d’assurance devrait stagner chez les hommes entre 2010 et 2020, elle continuerait d’augmenter chez les femmes. En conséquence, à partir de 2020, la durée d’assurance serait équivalente entre hommes et femmes et même légèrement supérieure pour les femmes en fin de projection, celles-ci ayant des carrières plus complètes au fil des générations.

Source : CNAV.

Note de lecture : pour les assurés qui partent en retraite en 2015, la durée d’assurance tous régimes serait en moyenne de 157 trimestres chez les hommes et de 152 trimestres chez les femmes.

En ce qui concerne le niveau des pensions, le rattrapage est plus lent. En 2007, les pensions des femmes étaient inférieures de 38 % à celles des hommes. En valeur absolue, en 2010, l’écart de pension entre hommes et femmes est de 1 840 euros. À l’horizon 2020, cet écart serait encore de 15 %.

Source : CNAV.

Note de lecture : pour les assurés qui partent en retraite en 2030, la pension servie par la CNAV serait en moyenne de 9 146 euros chez les hommes et de 7 705 euros chez les femmes.

Tous phénomènes confondus, c’est principalement le différentiel de salaire annuel moyen qui explique l’évolution de l’écart sur la pension moyenne entre hommes et femmes.

Source : CNAV.

Note de lecture : pour les assurés qui partent en retraite en 2050, par rapport aux hommes, les femmes auraient en moyenne une durée d’assurance tous régimes supérieure de +2%, un salaire annuel moyen (SAM) inférieur de 18 % et une pension inférieure de 15 %.

Ces différentiels expliquent, en partie, un départ à la retraite en moyenne plus tardif pour les femmes que pour les hommes. Ainsi, si 60 % des hommes et 61 % des femmes sont partis à 60 ans en 2009, avec en moyenne 160 trimestres d’assurance pour les hommes et 161 trimestres pour les femmes, 13 % des hommes et 22 % des femmes sont partis à 65 ans, avec en moyenne 129 trimestres d’assurance pour les hommes et 102 trimestres pour les femmes.

Répartition des effectifs selon le genre, l’âge de liquidation et la catégorie de pension

Age à la liquidation

Catégorie

Hommes

Femmes

Ensemble

Moins de 60 ans

Invalide/inapte

0 %

0 %

0 %

Taux plein par la durée

6 %

2 %

4 %

Ensemble des moins de 60 ans

6 %

2 %

4 %

60 ans

Invalide/inapte

16 %

17 %

16 %

Taux plein par la durée

40 %

38 %

39 %

Taux réduit

5 %

7 %

6 %

Ensemble des 60 ans

60 %

61 %

61 %

Entre 61 et 64 ans

Invalide/inapte

2 %

2 %

2 %

Taux plein par la durée

14 %

8 %

11 %

Taux réduit

2 %

1 %

2 %

Ensemble des 61-64 ans

18 %

12 %

15 %

65 ans

Invalide/inapte

0 %

0 %

0 %

Taux plein par la durée

3 %

2 %

2 %

Taux plein par l'âge

10 %

20 %

15 %

Ensemble des 65 ans

13 %

22 %

18 %

66 ans et plus

Invalide/inapte

0 %

0 %

0 %

Taux plein par la durée

2 %

1 %

1 %

Taux plein par l'âge

2 %

3 %

2 %

Ensemble des 66 ans et plus

4 %

3 %

3 %

Ensemble des âges

Invalide/inapte

18 %

19 %

18 %

Taux plein par la durée

64 %

50 %

57 %

Taux plein par l'âge

12 %

23 %

18 %

Taux réduit

6 %

8 %

7 %

Ensemble des motifs

100 %

100 %

100 %

Source : CNAV, données 2009.

 De nombreux dispositifs contribuent toutefois à les compenser

De nombreux dispositifs permettent aujourd’hui de compenser les écarts de durée d’assurance et de pension entre les femmes et les hommes. Il en résulte une situation originale, dans laquelle les femmes bénéficient d’une combinaison de droits : droits propres tirés de l’activité professionnelle, droits propres au titre des périodes d’éducation des enfants et droits dérivés de ceux du conjoint. Les droits familiaux et conjugaux représentent environ le quart des retraites versées (27).

Les droits familiaux de retraite jouent un rôle fondamental dans la compensation des aléas de carrière des femmes. Parmi les femmes nouvellement retraitées du régime général en 2007, 90 % ont bénéficié de la majoration de durée d’assurance, près de 80 % de la majoration de pension pour trois enfants et plus, et un peu plus d’une sur trois de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), qui était alors encore en phase de montée en charge.

La majoration de durée d’assurance, créée par les lois « Boulin » des 31 décembre 1971 et 3 janvier 1972, a pour objectif d’améliorer les droits à pension des femmes qui ne bénéficient pas de l’AVPF, en leur permettant de partir plus tôt en retraite. Les assurées bénéficient d’une majoration de leur durée d’assurance d’un trimestre pour toute année durant laquelle elles ont élevé un enfant, dans la limite de huit trimestres par enfant, soit deux ans, qu’elles aient ou non interrompu leur activité. En 2007, 90 % des femmes en bénéficiaient. Ce dispositif a été aménagé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, afin de l’ouvrir davantage aux pères, tout en préservant la situation des femmes. Les huit trimestres sont désormais divisés en deux blocs : quatre trimestres liés à l’accouchement et à la maternité et quatre trimestres liés à l’éducation, ouverts également à la mère et au père.

La majoration de pension a été instituée en 1945 pour le régime général en vue de compenser les charges de famille passées. Le bénéfice des majorations de retraites de 10 % pour le régime général est accordé aux deux parents. S’y ajoute une majoration de 5 % par enfant au-delà de trois pour le régime complémentaire. Le même droit existe dans la fonction publique. Ces majorations concernent aujourd’hui 45 % des pensionnés, pour un montant mensuel moyen d’environ 120 euros pour les hommes et 60 euros pour les femmes. Le montant de la majoration dépend directement du montant de la pension perçue : les personnes ayant accompli des carrières longues et perçu des revenus élevés toucheront une majoration importante. A contrario, les personnes ayant accompli des carrières courtes et faiblement rémunérées perçoivent des bonifications de faible montant.

L’assurance vieillesse des parents au foyer, instaurée par la loi du 3 juillet 1972, et initialement réservée aux mères inactives a ensuite été étendue à toute personne n’exerçant aucune activité professionnelle, ou seulement une activité à temps partiel, et souhaitant s’occuper de ses enfants – ou d’une personne âgée ou handicapée – tout en se constituant néanmoins des droits à la retraite. On compte aujourd’hui environ 1,5 million de bénéficiaires en année pleine. Fin 2006 et toutes générations confondues, 40 % des femmes ont bénéficié d’au moins un trimestre d’AVPF. En moyenne, celle-ci leur a permis de valider 22 trimestres. Ce nombre varie de 13 trimestres pour la génération 1974 à 25 trimestres pour les générations 1942 à 1958. Il faut également noter que le dispositif est ciblé sur les petites retraites, dans la mesure où 74 % des bénéficiaires sont au minimum contributif.

D’autres dispositifs, tels que la validation d’un trimestre au titre du congé maternité, la validation des périodes de chômage non indemnisées ou des périodes d’invalidité, permettent également de compenser les aléas de carrière des femmes.

Enfin, tous les régimes de retraite accordent une pension de réversion aux veuves. Dans le secteur public, le taux de réversion est de 50 % et la pension est versée sans conditions d’âge. Dans le secteur privé, le taux de réversion est de 54 %, et la pension est versée à partir de 55 ans, avec une majoration à partir de 65 ans, sous conditions de ressources. Il faut y ajouter les pensions de réversion versées par les régimes complémentaires. Ces conditions permettent de maintenir le niveau de vie des femmes après le décès de leur conjoint.

b) Les améliorations apportées par le projet de loi

 Le report au compte de l’assurée des indemnités journalières versées lors du congé maternité

Le congé maternité donne lieu aujourd’hui à la validation d’un trimestre d’assurance au titre de la retraite. Cette validation forfaitaire permet de neutraliser l’impact du congé maternité sur la durée d’assurance de l’assurée.

L’article 30 du projet de loi y ajoute une prise en compte des indemnités journalières dans le salaire annuel moyen qui va servir au calcul de la pension. Il y aura donc un « report au compte » des sommes touchées pendant le congé de maternité, ce qui devrait à terme permettre une majoration de 1,6 % en moyenne de la pension des bénéficiaires.

● Les mesures en faveur de la réduction des inégalités professionnelles

Les écarts importants des pensions servies aux hommes et aux femmes devraient s’atténuer progressivement mais, selon les évaluations du COR en 2007, ils ne disparaîtront pas, « même pour les générations liquidant leurs droits en 2030 : le volume d’emploi féminin tend à plafonner, notamment à cause de la fréquence accrue du temps partiel, et les écarts salariaux entre hommes et femmes ont cessé de se réduire depuis le milieu des années 1990. »

C’est pourquoi, il est impératif d’agir sur les conditions d’emploi des femmes. Votre Rapporteur est convaincu que l’égalité en matière de retraite est fonction des progrès en matière d’égalité professionnelle.

L’article 31 du projet de loi propose la création :

– d’une pénalité financière, pour les employeurs de plus de 300 salariés, qui ne respecteraient pas l’obligation, prévue par le code du travail, de transmettre annuellement, au comité d’entreprise, un rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des hommes et des femmes dans l’entreprise ;

– d’une obligation, pour les entreprises de plus de 300 salariés, de publier les indicateurs et objectifs présents dans le rapport de situation comparée avant le 31 décembre 2011, date à laquelle l’employeur sera tenu de les communiquer à toute personne qui en formulera la demande.

Si ces mesures vont dans le bon sens, votre Rapporteur estime qu’il faut aller plus loin dans la lutte contre les inégalités professionnelles, en prévoyant non pas une simple obligation d’information, mais une véritable obligation de résultat pour les entreprises.

Il préconise pour cela la création d’une sanction financière pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés n’ayant pas signé d’accord ou de plan d’action comprenant des objectifs précis en matière de réduction des inégalités professionnelles entre hommes et femmes, que ce soit en matière de formation, de conditions de travail, ou de rémunération.

 La prorogation annoncée de l’allocation veuvage

Parallèlement à la suppression progressive de la condition d’âge minimum pour toucher une pension de réversion, la loi du 21 août 2003 a prévu l’abrogation, au 1er janvier 2011, de l’assurance veuvage.

Or, cette condition d’âge a été rétablie par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ce qui pourrait avoir des effets financiers importants pour les veuves dites « précoces », qui perdent leur conjoint avant 55 ans. Il est donc urgent de trouver une solution pour les veuves et veufs « précoces », qui ont souvent des enfants à charge.

Le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a clairement exprimé sa volonté de rétablir l’assurance veuvage et a déclaré soutenir toute initiative parlementaire qui irait en ce sens.

En accord avec les déclarations du Gouvernement, votre Rapporteur propose une prorogation de l’allocation de veuvage.

Il estime également que ce rétablissement ne clôt pas le sujet et doit s’accompagner d’une réflexion de fonds sur la prise en charge du veuvage précoce. L’assurance veuvage a, en effet, fait l’objet de critiques avant sa suppression en 2003, concernant les conditions d’attribution de l’allocation, ou encore la prise en compte des enfants à charge dans le montant versé. Se pose aussi la question de savoir si l’assurance veuvage doit ou non relever de l’assurance vieillesse, de la prévoyance, que cette dernière soit individuelle ou collective, ou encore de la politique familiale.

2. Poursuivre la revalorisation des retraites agricoles

Réaffirmé par le Président de la République dans son allocution du 23 février 2008, cet engagement se situe dans la continuité des politiques conduites ces dernières années, qui ont progressivement élargi les critères d’accès aux revalorisations.

Malgré un contexte difficile, marqué, à la différence de la branche maladie, par un financement plus solidaire que contributif et par un déséquilibre structurel qui demeure de l’ordre 1,2 milliard d’euros pour 2010, depuis plus de quinze ans, les régimes vieillesse des exploitants agricoles ont, en effet, bénéficié d’un effort continu d’amélioration. Le plan pluriannuel de revalorisation, lancé en 1994, avait pour ambition de porter au minimum vieillesse les pensions des retraités à carrière complète. La démarche pluriannuelle répondait à la nécessité de répartir dans le temps le coût des mesures de revalorisation et de tirer parti de la baisse du nombre de retraités attendue dès 1996. Les mesures prises dans le cadre de ce plan ont mis l’accent sur les personnes aux revenus les plus faibles et ayant exercé l’essentiel de leur vie active dans le secteur agricole.

Renouvelé pour la période 1998-2002, le plan de revalorisation s’est traduit par des mesures dont le coût s’est élevé à 150 millions d’euros par an. En outre, la loi du 4 mars 2002 a institué une retraite complémentaire obligatoire (RCO), financée par des cotisations des exploitants agricoles et par l’affectation d’une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs, et ouverte, le cas échéant, à des personnes n’ayant jamais cotisé.

Certains des mesures de la réforme de 2003 ont également contribué à remédier aux situations les plus difficiles : mise en place d’une surcote pour les exploitants agricoles partant en retraite après 60 ans avec une carrière complète ; possibilité de rachat des périodes d’activité en tant qu’aide familial agricole et des périodes d’études supérieures par les exploitants agricoles ; réforme des pensions de réversion des régimes obligatoire et complémentaire ; enfin, assouplissement des conditions de cumul d’une pension de retraite et d’un revenu d’activité des exploitants agricoles.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a apporté deux nouvelles améliorations : passage de 32,5 ans à 22,5 ans de la durée minimale d’assurance et abaissement du coefficient de minoration par année manquante à 5,5 % en 2007, puis à 4 % à partir de 2008.

Mais, les critères d’accès aux majorations de pension avaient fini par créer des « poches de pauvreté » parmi certains publics exclus des revalorisations. Ainsi, 91 % des veuves sans droits propres touchaient moins de 400 euros par mois au 30 juin 2007, alors que le minimum vieillesse atteignait alors 621,27 euros par mois. L’article 77 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a donc mis en place un montant minimum de retraite de base par le biais d’un nouveau dispositif (plafonné) de majoration des retraites. En supprimant le statut de conjoint participant, il a par ailleurs permis aux 8 000 personnes, qui avaient omis d’y opter entre 1999 et 2001, de bénéficier du nouveau statut de conjoint collaborateur, plus avantageux. En effet, il ouvre droit à une retraite proportionnelle en sus de la retraite forfaitaire, avec la possibilité de rachats de points pour les années antérieures à 2000, dans la limite d’un an, et un dispositif de revalorisation permet de porter le total de la pension au minimum vieillesse.

Les articles 28 et 29 du présent projet de loi s’inscrivent parfaitement dans la continuité de cet effort de solidarité, poursuivant, chacun sous un angle différent, l’amélioration des retraites les plus modestes :

– l’article 28 étend la retraite complémentaire obligatoire (RCO) aux aides familiaux et conjoints collaborateurs, soit plus de 50 000 nouveaux bénéficiaires ;

– l’article 29 lève un obstacle au bénéfice du minimum vieillesse et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), en excluant totalement le capital d’exploitation agricole de l’assiette de la récupération sur succession.

3. La situation des jeunes

Conformément aux différentes annonces gouvernementales, les jeunes en situation précaire devraient, aux termes de la réforme, pouvoir valider six trimestres pour le calcul de leurs droits à retraite, au titre de leur première période de chômage non indemnisée, alors que le nombre de trimestres pouvant être ainsi validés est de quatre aujourd’hui.

Cette mesure vise à prendre en compte les difficultés particulières que rencontrent les jeunes pour accéder à leur premier emploi. Ces difficultés sont bien connues : l’enquête Génération 2004 du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) a, par exemple, montré que la part des jeunes sortis de formation initiale sans diplôme est de 17 %, ce pourcentage étant resté constant depuis 1998, et que 31 % de ces mêmes jeunes sont au chômage au cours des premiers mois de leur vie active, ce taux étant encore de 14 % en 2007, soit trois ans après leur sortie (28).

Un certain nombre de mesures existent aujourd’hui pour compenser l’aléa de carrière que constituent les périodes de chômage, au regard des droits à la retraite. Ces périodes font l’objet d’une validation gratuite, selon des règles prévues par la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (29), en application desquelles sont comptées comme périodes d’assurance pour l’ouverture du droit à pension : la première période de chômage non indemnisé, qu’elle soit continue ou non, dans la limite d’un an ; chaque période ultérieure de chômage non indemnisé, à condition qu’elle succède sans solution de continuité à une période de chômage indemnisé, dans la limite d’un an.

Au total, la prise en charge des validations gratuites par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) constitue l’un des principaux dispositifs de solidarité des régimes de retraite : il représente une dépense de 9 milliards d’euros en 2010 (30).

Pour renforcer ces règles, le Gouvernement devrait donc prévoir, par voie réglementaire, une validation de la première période de chômage non indemnisé dans la limite non plus d’un an, mais de six trimestres. Cette mesure devrait bénéficier à plus de 6 000 personnes par an.

Enfin, votre Rapporteur souhaite se faire l’écho d’une autre préoccupation légitime concernant un sujet important pour les jeunes, à savoir l’évolution éventuelle des modalités de prise en compte des périodes d’étude, ainsi que des périodes de stage, pour le calcul de droits à retraite, sujet qui a été abordé à plusieurs reprises au cours des auditions qu’il a réalisées.

4. Aller plus loin pour les polypensionnés

La coexistence de plusieurs régimes de retraite fondés sur une base socioprofessionnelle et l’instabilité croissante des parcours professionnels, en particulier avec des changements de statut d’activité plus fréquents (salariés du secteur privé, fonctionnaire ou indépendant), conduisent à ce que de plus en plus de personnes perçoivent, à la retraite, plusieurs pensions de base. La proportion de polypensionnés parmi les retraités tend à augmenter et représentait 38 % en 2004 selon l’échantillon interrégimes de retraités (EIR).

Dans ce contexte, l’article 3 de la loi du 21 août 2003 pose le principe de l’égalité de traitement entre les cotisants : « Les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes de retraite dont ils relèvent ».

Or, malgré les progrès accomplis depuis 2003, les polypensionnés sont encore pénalisés par rapport aux monopensionnés et ce point a été souligné et dénoncé par la quasi-totalité des personnes auditionnées par votre Rapporteur et le Président de la République a indiqué qu’il s’agissait d’une des pistes d’amélioration de la réforme, dans le cadre de la concertation avec les organisations syndicales.

Quelles sont les pistes de réforme ? La première pourrait concerner les régimes alignés : en 2003, il est apparu que le calcul du salaire annuel moyen sur la base des 25 meilleures années (à partir de la génération 1948) aurait pénalisé les polypensionnés par rapport aux monopensionnés, aboutissant dans certains cas à faire entrer dans le calcul de leur pension toutes leurs rémunérations, ce qui revenait, de fait, à un calcul sur la base du salaire moyen de carrière.

Cette pénalisation, d’autant plus forte que les salaires portés au compte ne sont revalorisés que sur les prix, a été en partie corrigée en 2004, par l’introduction d’un mécanisme de proratisation, pour les polypensionnés effectuant leur carrière dans différents régimes alignés sur le régime général. La correction est partielle, car le mécanisme de proratisation conduit à ne retenir au total que 25 salaires annuels (répartis entre les différents régimes de base) mais très rarement les 25 meilleurs salaires de toute la carrière.

La correction ne serait totale que si le salaire annuel moyen était calculé dans chaque régime de base en fonction des 25 meilleures années de toute la carrière. Cependant, avec cette formule, la pension du premier régime d’affiliation notamment pourrait être déterminée sur la base de salaires perçus en dehors de la période d’activité liée à ce régime et, de fait, plus élevés que ceux perçus au cours de cette période ; ce type de situation poserait alors la question de l’instauration éventuelle de transferts financiers entre les régimes concernés.

Votre Rapporteur pense qu’il s’agit là d’une piste de travail particulièrement intéressante qui appelle néanmoins trois remarques. D’une part, une telle mesure aurait un coût relativement élevé (de l’ordre de 2 milliards d’euros une fois la montée en charge achevée). D’autre part, cette mesure serait un premier pas vers une quasi-intégration des régimes alignés dans le régime général, évolution peut-être souhaitable mais néanmoins lourde. Enfin, il faudrait alors supprimer certaines dispositions qui sont aujourd’hui favorables aux polypensionnés par exemple en plafonnant à 1 le coefficient de proratisation ou en limitant à quatre le nombre de trimestres validés par année et ce tous régimes confondus.

Une autre piste de réforme consisterait à étendre la proratisation aux polypensionnés ayant effectué leur carrière dans un régime aligné et dans un régime non aligné (régimes de la fonction publique, régime des professions libérales ou encore régime des exploitants agricoles).

Une extension de la proratisation du salaire annuel moyen à cette catégorie de polypensionnés entraînerait un surcoût pour le régime général. Si la mesure avait été appliquée aux flux de nouveaux retraités du régime général de 2004 et 2005, environ 13 % d’entre eux auraient vu leur pension du régime général augmenter, pour un gain annuel moyen estimé à 410 euros. La dépense supplémentaire pour le régime général représenterait un peu plus de 30 millions d’euros par an et par cohorte annuelle de retraités, soit plusieurs centaines de millions d’euros à terme.

Votre Rapporteur est moins convaincu par cette option, car la différence de traitement entre polypensionnés doit toutefois être mise en regard des règles différentes applicables pour la détermination du salaire annuel moyen dans chacun des régimes (salaire annuel moyen des vingt-cinq meilleures années dans les régimes alignés et, par exemple, salaires des six derniers mois dans les régimes de la fonction publique).

F. DÉVELOPPER LE DROIT À L’INFORMATION

Si des progrès incontestables ont été accomplis depuis 2003 en matière de droit à l’information en matière de retraite, le présent projet de loi va plus loin encore en instituant trois nouveaux outils.

1. Les progrès accomplis depuis 2003 en matière de droit à l’information

a) Les outils mis en place par la réforme de 2003

En 2003, le législateur a poursuivi cinq objectifs :

– rendre automatique et individualisée l’information destinée aux assurés : celle-ci doit leur permettre non seulement de faire le point sur les éléments de calcul des droits à pension de retraite qu’ils ont réunis – et donc intervenir suffisamment tôt dans la gestion de leurs droits futurs –, mais également de disposer d’une estimation indicative du montant des droits globaux qu’ils pourront obtenir au moment de leur départ à la retraite ;

– généraliser l’information à tous les droits à pension, en englobant les régimes complémentaires obligatoires ;

– simplifier les procédures pour les assurés, en désignant une caisse ou un service coordinateur de la fourniture de l’information globale sur tous leurs droits à pension ;

– permettre des échanges d’informations fluides entre les régimes, en coordonnant les bases de données qu’ils gèrent et en interconnectant leurs systèmes informatiques, afin que chaque régime puisse fournir à un assuré une estimation globale de ses droits à pension ;

– assurer la transparence vis-à-vis des assurés du fonctionnement de l’assurance vieillesse.

Deux droits à l’information ont été définis par la loi du 21 août 2003 et sont codifiés à l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale :

– l’envoi automatique à partir de 35 ans, puis tous les cinq ans, ou sur demande de l’assuré, d’un relevé de situation individuelle au regard de l’ensemble des droits que l’assuré s’est constitué auprès des régimes de retraite obligatoires ;

– la fourniture automatique et périodique à partir de 55 ans, d’une estimation indicative globale du montant des pensions de retraite que l’assuré sera susceptible d’obtenir à son départ à la retraite de la part des régimes de retraite obligatoires.

b) Le succès de la mise en œuvre du droit à l’information

Le droit à l’information est mis en œuvre par le GIP Info retraite, groupement d’intérêt public qui comprend l’ensemble des régimes de retraite obligatoires. Le GIP a été conçu comme l’outil de coordination permettant d’effacer aux yeux des assurés la complexité de l’architecture des régimes de retraite français et de la gestion des droits par chaque organisme ou service chargé de la liquidation des droits à pension. Ainsi, il doit combiner l’action de ses trente-six membres sans se substituer à eux, pour l’établissement des situations individuelles, l’échange des données entre les régimes et la fourniture des informations aux assurés.

La mise en place du droit à l’information a nécessité une forte mobilisation des régimes de retraite et des investissements importants. En effet, outre la mise à disposition des données, chaque régime répond aux questions d’ordre général que peut poser l’assuré portant sur ses droits. Cette fonction de conseil, amenée à se développer, suppose l’engagement d’actions de formation du personnel des régimes.

Le droit à l’information a connu sa première campagne en 2007. La montée en charge des envois est progressive. Dès la fin 2010, tous les assurés de 35, 40, 45, 50, 55 et 60 ans recevront un document. En 2009, les envois ont commencé à 40 ans. Au total, 1 459 792 estimations indicatives globales et 2 732 097 relevés de situation individuelle ont été expédiés par les régimes de retraite réunis au sein du GIP Info Retraite.

L’augmentation du nombre de générations à servir, selon un calendrier fixé par un décret dès la mise en place de la réforme, s’est accompagnée d’une amélioration des traitements. En 2009, 91,39 % des assurés de ces générations se sont vu envoyer un courrier par leurs régimes, alors qu’ils étaient respectivement 87 % en 2008, et 82,6 % en 2007. Cette progression est le fruit du travail des différents organismes de retraite. De gros progrès ont notamment été faits pour récupérer les adresses des assurés.

Plus nombreux à être envoyés, les courriers sont également plus complets. Si 9,74 % des documents envoyés en 2007 comportaient au moins un feuillet vide, ils n’étaient plus que 2,55 % en 2008 et 2,36 % en 2009. De plus, cela concernait surtout des situations de contentieux ou des dossiers en cours de régularisation.

L’enquête de satisfaction, menée auprès des bénéficiaires de la campagne 2009, confirme les résultats des enquêtes précédentes : 94 % des personnes ayant reçu leur document sont satisfaites de la démarche. Seuls 3,71 % des assurés ont éprouvé le besoin de prendre contact avec leurs régimes de retraite, principalement pour signaler un manque ou une erreur. Dans 86 % des cas, ces mêmes assurés ont pu bénéficier d’une réponse immédiate. Ils sont 85 % à se déclarer satisfaits de l’accueil reçu.

2. Les trois droits nouveaux créés par le projet de loi

a) La nécessité du droit à l’information

Le droit à l’information en matière de retraite est indissociable de la question du pilotage du système, et ce à plusieurs titres :

– le morcellement des régimes nécessite le renforcement du droit à l’information ; un nombre croissant d’assurés connaît une forte mobilité professionnelle, ce qui entraîne des changements de régime d’affiliation fréquents et complexifie le calcul des droits à pension ; selon les données recueillies par le GIP Info retraite, les assurés servis durant la campagne d’envoi de 2009 étaient 42 % à être rattachés à deux régimes de retraite, 31 % à trois régimes, 15 % à quatre régimes, et 9 % à cinq régimes ;

– les possibilités pour l’assuré de choisir un départ à la retraite avancé ou retardé, de valider certaines périodes d’assurance, de racheter des années d’étude, de cumuler un emploi et une pension ou encore de surcotiser en période de temps partiel, sont des variables importantes agissant sur les droits à pension, et difficilement mesurables pour un particulier ; les deux réformes de 2003 et 2010 mettent l’accent sur la liberté de choix en matière d’âge et de conditions de départ à la retraite ; cette liberté ne peut s’exercer sans une information complète des assurés ;

– la généralisation des régimes de retraite complémentaire obligatoires accroît la complexité de la fixation des droits globaux, d’autant que les règles de calcul sont souvent très différentes de celles des régimes de base ;

– enfin, les assurés sont souvent peu au fait des dispositifs d’épargne retraite existants, alors même qu’ils constituent un complément utile à la pension.

b) Les trois nouveaux outils créés par le projet de loi

Le droit à l’information est un enjeu fondamental de la réforme de notre système de retraite. La modification des règles de liquidation et l’introduction de nouveaux droits pour les assurés exigent des explications pour être comprises et acceptées.

L’article 3 du projet de loi introduit trois nouveaux outils pour améliorer l’information des assurés. Il prévoit que :

– dans un délai déterminé suivant la première année au cours de laquelle il a validé au moins une période d’assurance dans un des régimes de retraite légalement obligatoires, l’assuré bénéficie d’une information générale sur le système de retraite par répartition, notamment sur les règles d’acquisition de droits à pension et l’incidence, sur ces derniers, des événements susceptibles d’affecter sa carrière ;

– l’assuré bénéficie, à sa demande, à un âge et dans des conditions fixées par décret, d’un entretien sur les droits qu’il a constitué dans les régimes de retraite légalement obligatoires et sur les perspectives d’évolution de ces droits ;

– à la demande de l’assuré, les régimes de retraite communiquent le relevé de situation individuelle par voie électronique ; il s’agit de s’adapter à l’évolution de l’environnement culturel et technologique des assurés.

L’entretien individuel constitue une avancée majeure, qui nécessitera toutefois des investissements considérables pour les régimes, particulièrement dans la fonction publique. De plus, votre Rapporteur estime que devra être rapidement précisée la nature de cet entretien. Doit-on en effet se borner à commenter le relevé de situation individuelle de l’assuré ou bien s’orienter d’avantage vers du conseil, ce qui dépasse les fonctions traditionnelles de gestion du personnel des régimes ?

III.- REVENIR À L’ÉQUILIBRE EN 2018

Dans un contexte de forte dégradation de l’environnement économique international et, corrélativement, de nos finances publiques et sociales, la sauvegarde de notre système de retraite par répartition serait à la fois vaine et dépourvue de sens, si elle ne se fixait pas un objectif de retour à l’équilibre à moyen terme.

Ayant pour effet de moduler les différents paramètres de fonctionnement des régimes de retraite, les mesures précédemment exposées contribuent bien entendu, dans une large mesure, à ce rétablissement des comptes de la branche vieillesse. Mais, elles ne sont pas suffisantes : il faudra donc, pour l’avenir, affecter de nouvelles recettes, afin d’assurer le financement des retraites, tout en réglant le problème posé par les stocks de dette, non seulement le stock déjà constitué mais aussi celui qui est appelé à se former durant la période de retour à l’équilibre des comptes.

À ce stade, tous les tenants et aboutissants du financement de la réforme ne sont pas connus et certains éléments n’ont pas encore été arbitrés par le Gouvernement. Faut-il pour autant s’en offusquer ? Non seulement ce dernier a déjà exposé les grandes lignes de ce financement, mais l’absence de dispositions de nature financière dans le présent projet de loi est le corollaire de l’application d’un principe essentiel, énoncé par le Premier ministre dans sa circulaire du 4 juin 2010 relative à l’édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale : la prohibition, dans les projets de loi ordinaire, de dispositions fiscales ou affectant les recettes de la sécurité sociale, à laquelle le Président de la République souhaite à juste raison que soit conférée une valeur constitutionnelle. Dès lors, les traditionnels grands textes financiers de l’automne – projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale –, auxquels se joindra le projet de loi organique portant sur la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), viendront confirmer et compléter les informations qui ont été d’ores et déjà fournies.

A. TROUVER DE NOUVELLES RECETTES

Le produit des différentes mesures de recettes annoncées par le Gouvernement serait de 3,7 milliards d’euros en 2011 et de 4,6 milliards d’euros en 2020. Elles portent à la fois sur les ménages et sur les entreprises.

Les prélèvements supplémentaires sur les ménages se concentrent sur les plus hauts revenus :

– augmentation de 1 point du taux d’impôt sur le revenu appliqué à la tranche la plus élevée (230 millions d’euros en 2011 et 290 millions d’euros en 2020) ;

– majoration respectivement de 2,5 % à 8 % et de 10 % à 14 % du taux des contributions spécifiques (salariale et patronale) sur les stock-options, dont le produit est actuellement affecté aux régimes obligatoires d’assurance maladie (70 millions d’euros en 2011 et 200 millions d’euros en 2020) ;

– création d’une contribution salariale de 14 % sur les retraites chapeaux et assujettissement de l’employeur dès le premier euro en cas d’option pour une contribution « à la sortie » (110 millions d’euros en 2011 et 140 millions d’euros en 2020) ;

– augmentation de 1 point de l’ensemble des prélèvements sur les revenus du capital et du patrimoine (265 millions d’euros en 2011 et 320 millions d’euros en 2020) ;

– suppression du crédit d’impôt sur les dividendes perçus par les actionnaires (645 millions d’euros en 2011 et 800 millions d’euros en 2020) ;

– taxation à l’impôt sur le revenu des plus-values de cession d’actions et d’obligations au premier euro de bénéfice perçu (180 millions d’euros en 2011 et 220 millions d’euros en 2020).

S’ils comprennent moins de mesures, les prélèvements supplémentaires sur les entreprises ne sont pas moins importants, bien au contraire :

– annualisation des allégements généraux (« réduction Fillon ») de cotisations sociales (2 milliards d’euros en 2011 et 2,4 milliards d’euros en 2020) ;

– suppression du plafonnement aux charges réelles de la quote-part de frais et charges réintégrée aux résultats des sociétés mères (200 millions d’euros en 2011 et 250 millions d’euros en 2020).

La plupart de ces recettes nouvelles bénéficient à droit constant au budget de l’État, y compris l’annualisation des allégements généraux, puisque ceux-ci sont déjà compensés aux régimes de sécurité sociale par la voie d’un « panier de recettes » (affectation de divers impôts et taxes). Les textes financiers de l’automne procéderont bien évidemment aux réaffectations nécessaires, afin que les régimes de retraite et le Fonds de solidarité vieillesse bénéficient de manière à la fois effective et durable de ces nouvelles ressources.

Enfin, l’objectif fixé en 2003 et consistant à opérer un basculement de cotisations entre l’assurance chômage et l’assurance vieillesse demeure d’actualité. Selon les prévisions du COR, le taux de chômage s’établirait à 5,7 % en 2020, rouvrant ainsi la perspective, envisagée à l’automne 2008, d’une mobilisation des excédents futurs de l’UNEDIC. À cet égard, le Gouvernement a retenu une estimation prudente, le transfert de cotisations ne débutant qu’en 2015 pour ne s’élever qu’à 1,4 milliard d’euros en 2020.

B. RÉSORBER PROGRESSIVEMENT LE DÉFICIT

Parmi les trois scénarios tracés par le COR pour les décennies à venir, le Gouvernement n’a choisi ni de noircir excessivement le tableau, ni de se laisser aller à un trop facile optimisme. Il a donc retenu le « scénario B », dont les hypothèses sont un retour au plein emploi (taux de chômage de 4,5 %) à l’horizon de 2024 et une croissance de la productivité du travail de 1,5 % à long terme. Toutes choses égales par ailleurs, le COR estime que le besoin de financement annuel, qui s’élève déjà à 32,3 milliards d’euros en 2010, atteindrait 45 milliards d’euros en 2020.

Dans ces conditions, et déduction faite de l’incidence des mesures d’amélioration des prestations contenues dans la réforme, le retour à l’équilibre serait atteint en 2018 par l’effet additionné des mesures ci-après, portant à la fois sur les régimes de base et complémentaires et dont la montée en charge s’établit comme suit :

Solde tous régimes (2010-2020)

(en milliards d’euros 2008)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2020

Solde avant réforme

– 32,3

– 35,1

– 36,6

– 38,1

– 38,7

– 39,4

– 40,3

– 41,1

– 42,3

– 45,0

Mesures d’âge

1,7

5,0

6,7

7,4

9,5

14,0

17,1

18,6

20,2

Convergence public-privé

0,4

1,0

1,6

2,2

2,7

3,2

3,6

4,0

4,9

Effort de l’État

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

15,6

Recettes nouvelles

3,7

3,9

4,0

4,1

4,5

4,8

5,1

5,4

6,0

Mesures positives

– 0,1

– 0,3

– 0,5

– 0,6

– 0,8

– 1,0

– 1,1

– 1,3

– 1,6

Incidences de la réforme

s.o.

+ 21,3

+ 25,2

+ 27,4

+ 28,7

+ 31,5

+ 36,6

+ 40,3

+ 42,3

+ 45,1

Solde après réforme

s.o.

– 13,7

– 11,4

– 10,7

– 10,1

– 7,8

– 3,7

– 0,9

0,0

+ 0,1

Source : Gouvernement

Parmi ces quatre types de leviers, l’action sur les paramètres démographiques, la politique de convergence public-privé et les nouvelles recettes ont été précédemment décrits. Un autre mérite en revanche de plus amples développements, d’autant que sa part dans le redressement des comptes n’est pas négligeable (un peu plus du tiers en 2020, mais près des trois quarts en 2011) : il s’agit du gel de l’effort financier de l’État au financement du régime de retraite des fonctionnaires, comptabilisé à 15,6 milliards d’euros.

Ce montant correspond à l’accroissement de l’effort de l’État employeur entre 2000 et 2010. En effet, souhaitant « ne pas remettre les compteurs à zéro » à l’occasion de chaque exercice de projection, le COR a construit ses projections sous l’hypothèse d’un taux de contribution maintenu à son niveau de 2000. Autrement dit, le solde technique – par construction, en raison de la contribution d’équilibre de l’État, on ne peut parler de déficit au sens propre – des régimes de fonctionnaires est évalué par rapport au taux de contribution de l’État permettant l’équilibre du régime en 2000, les prévisions du COR n’intégrant pas l’effort fourni depuis lors pour maintenir cet équilibre. Celui-ci, qui s’élève à 15,6 milliards d’euros, doit donc être pris en compte dans le schéma de financement de la réforme. Le solde technique ainsi défini se distingue donc non seulement des données présentées dans le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mais aussi des conventions du compte d’affectation spéciale Pensions (qui inclut notamment les différents transferts, les dépenses d’allocation temporaire et d’invalidité ainsi que les affiliations rétroactives).

Par ailleurs, comme le Gouvernement écarte pertinemment une poursuite de l’augmentation de l’effort de l’État au-delà de son niveau actuel, qui ferait peser sur les contribuables une charge plus élevée pour financer les retraites de la fonction publique, l’objectif est de geler la contribution à son niveau actuel, soit 15,6 milliards d’euros par an.

Le fait que les dépenses retracées dans le compte d’affectation spéciale progresseront néanmoins d’environ 4,5 milliards d’euros d’ici 2013 s’explique par des évolutions hors champ de l’équilibre technique retenu par le COR – l’effet prix et la revalorisation des pensions (à hauteur de 1,8 milliard d’euros), ainsi que l’augmentation des transferts (400 millions d’euros) – tandis que la dynamique démographique (2,3 milliards d’euros) correspond bien à la dégradation de l’équilibre tendanciel sur la même période.

Dans ces conditions, en retenant un périmètre consolidé tous régimes, la réforme permettrait le retour à l’équilibre dès 2018, pour près de la moitié grâce aux mesures d’âge.

Mais, cette approche globale n’exclut bien évidemment pas des disparités selon les régimes. Le régime général serait ainsi sans doute encore déficitaire en 2018, tandis que les régimes complémentaires obligatoires dégageraient, en revanche, un solde positif.

Dans la fonction publique, le creusement du solde technique tendanciel consécutif à la dégradation du ratio démographique (5,4 milliards d’euros en 2020, y compris la contribution de 15,6 milliards d’euros) ne serait pas intégralement compensé par les mesures de la réforme visant à améliorer les comptes : le retour à l’équilibre ne serait donc atteint ni en 2018 (– 1 milliard d’euros), ni même en 2020 (– 600 millions d’euros).

Pour la CNRACL, qui est actuellement excédentaire, le solde technique deviendrait négatif en 2016, pour atteindre 1,3 milliard d’euros en 2020. Grâce à la réforme, le solde demeurerait positif durant toute la période, pour atteindre 2,6 milliards d’euros en 2020, ce qui permettrait à la CNRACL de faire face aux difficultés de financement prévisibles durant la décennie 2020-2030.

Globalement, l’excédent des régimes des fonctions publiques s’élèverait donc à 2 milliards d’euros en 2020.

C. FINANCER LA DETTE

Éclairée par les travaux de la commission qui a réuni au printemps parlementaires et ministres sur la question de la dette sociale, la tâche est double : il faut, non seulement régler le problème de la dette accumulée depuis la précédente reprise, étant précisé qu’elle résulte pour partie de déficits de l’assurance maladie, mais aussi envisager les modalités selon lesquelles seront traités les déficits de la branche vieillesse, qui continueront à s’accumuler pendant la phase de montée en charge de la réforme.

Plusieurs solutions étaient concevables, mais la commission a d’emblée écarté les pistes suivantes : prolongement de la durée de vie de la CADES pour la totalité de la dette ; reprise de la dette par l’État ; reprise de tout ou partie de la dette par une seconde CADES.

Le schéma finalement retenu par le Gouvernement joue sur différents leviers, que ce soit la reprise de dette, l’allongement de la durée de vie de la CADES, des recettes nouvelles et un apport d’actifs.

1. La dette constituée antérieurement à 2011

Fin 2010, le montant des déficits cumulés du régime général et du FSV depuis la précédente reprise de dette par la CADES, intervenue fin 2008, atteindrait près de 55 milliards d’euros, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :

Soldes du régime général et du FSV (2009-2010)

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

Maladie

– 10,6

– 13,1

Accidents du travail

– 0,7

– 0,6

Vieillesse

– 7,2

– 9,3

Famille

– 1,8

– 3,8

Total régime général

– 20,3

– 26,8

Fonds de solidarité vieillesse

– 3,2

– 4,3

Total

– 23,5

– 31,1

Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2010)

Il est prévu que la CADES reprenne ces déficits, dont la partie correspondant aux seuls effets de la crise économique, évaluée à 34 milliards d’euros (toutes branches), serait couverte par un allongement de quatre ans de la durée de vie de la caisse, dont l’échéance serait ainsi reportée de 2021 à 2025.

En vertu de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, le transfert à la CADES d’une dette nouvelle aurait dû entraîner une majoration concomitante de ses recettes, soit environ 0,5 point de CRDS. Compte tenu du caractère exceptionnel de cette « dette de crise », cette solution a été écartée, au profit d’un prolongement de la durée de vie de la caisse. Elle nécessite, toutefois, une modification des dispositions organiques : un projet de loi organique a été adopté à cette fin en Conseil des ministres le 13 juillet dernier, en même temps que le présent projet de loi, et sera discuté au Parlement à l’automne prochain.

Pour les 20 milliards d’euros restants au titre des exercices 2009 et 2010, correspondant en quelque sorte à la dette « structurelle » (toutes branches), et pour 14 milliards d’euros attendus en 2011 au titre de la branche maladie, soit un total de 34 milliards d’euros, la solution envisagée par le Gouvernement est celle d’un apport à la CADES des recettes requises, soit 3,2 milliards d’euros. Cette somme résulterait d’économies à réaliser sur les différents mécanismes d’exonérations de cotisations sociales, en plus des 2 milliards d’euros déjà gagnés par ailleurs sur les allégements généraux.

2. La dette constituée à partir de 2011

Le Gouvernement a fait le choix d’une montée en charge progressive de la réforme des retraites : les effets ne s’en feront donc pleinement sentir qu’à compter de 2018. D’ici là, il n’en faudra pas moins traiter les déficits, même s’ils se réduiront progressivement chaque année.

Déficits cumulés de la branche vieillesse tous régimes (2011-2020) (*)

(en milliards d’euros 2008)

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2020

Déficit cumulé avant réforme

68,0

105,9

146,2

187,8

230,9

275,8

322,4

371,1

475,4

Déficit cumulé après réforme

13,7

25,3

36,6

47,4

56,1

60,9

63,0

64,3

66,9

Source : Gouvernement

(*) Les montants diffèrent de la simple somme des soldes annuels présentés dans le tableau figurant au B. ci-dessus en raison de l’application d’un taux d’actualisation de 2 %.

Les déficits des exercices 2011 à 2018 seront financés grâce à deux types de ressources.

Il s’agit d’une part de la mobilisation des actifs du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Le principe même de cette mobilisation requiert également une modification de la loi organique du 2 août 2005, laquelle est prévue dans le projet de loi organique susmentionné.

Ce recours au fonds de réserve est contesté, au prétexte que celui-ci aurait eu pour mission exclusive de faciliter le passage du cap difficile que devaient connaître les régimes de retraite entre 2020 et 2040.

Votre Rapporteur, qui a toujours défendu le rôle du fonds de réserve depuis sa création par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, estime toutefois que ce raisonnement ne peut tenir, en raison de la brutalité de la crise économique, qui a considérablement avancé le moment où des difficultés de grande ampleur se présentent aux régimes de retraite. Le moment est donc venu d’utiliser les ressources collectées depuis près de dix ans par le fonds, soit 34,5 milliards d’euros, dont il convient toutefois de déduire environ 2 milliards d’euros au titre des plus-values latentes et de la part de la soulte versée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières.

Il serait, en outre, aberrant et coûteux de continuer à creuser des trous pour en boucher d’autres. Car, c’est à cela que revient le fonctionnement actuel des différentes entités contribuant au financement des retraites – régimes proprement dits, FSV et fonds de réserve. Car faute d’excédents des régimes de retraite et du FSV, qui devaient à l’origine contribuer bien davantage que le prélèvement de 2 % à la montée en charge du fonds de réserve, c’est bien la CADES, en reprenant ces déficits, qui a indirectement financé le fonds de réserve entre 2000 et 2008. En effet, les sommes apportées au fonds de réserve entre 2000 et 2008, provenant pour les deux tiers du prélèvement social de 2 %, se sont élevées à 17,7 milliards d’euros. Or, dans le même temps, la CADES a repris 17,9 milliards d’euros de dette au titre de la CNAV (13,9 milliards d’euros) et du FSV (4 milliards d’euros).

Bref, les sommes reprises par la CADES ont permis d’alimenter le fonds de réserve. Cette anomalie était en outre coûteuse, puisqu’à fin 2010, les frais financiers de la CADES, des régimes de retraite et du FSV sont plus élevés que les produits financiers du fonds de réserve.

D’autre part, les ressources actuelles du fonds de réserve, à savoir principalement une fraction de 65 % du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital (soit 1 461 millions d’euros en 2010), seront également affectées au remboursement de la dette engendrée par la branche vieillesse. Comme c’est le cas depuis l’institution du prélèvement sur les revenus du capital, son produit continuera donc bien à financer les retraites, seules les modalités en seront différentes.

Ainsi le dispositif proposé par le Gouvernement apparaît-il pleinement légitime : le stock et le flux des montants gérés par le fonds de réserve seront affectés au financement des retraites.

En conclusion, même s’il reviendra aux textes financiers de l’automne prochain d’en préciser certains des contours, la réforme met donc bien en place les conditions du retour à l’équilibre à l’horizon 2018.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

Lors de sa séance du mardi 13 juillet 2010, la Commission des affaires sociales entend M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et M. Georges Tron, secrétaire d’État à la fonction publique, sur le projet de loi portant réforme des retraites.

M. le président Pierre Méhaignerie. Merci, Messieurs les ministres, de venir nous présenter le projet portant réforme des retraites, qui vient d’être adopté en conseil des ministres.

Avec le dépôt de ce projet de loi, nous entrons dans le vif du sujet. La commission a déjà entendu et confronté les points de vue des responsables des régimes de retraite, des partenaires sociaux et des experts au cours de 32 auditions, représentant près de 43 heures de réunion, qui ont permis aux membres de la commission qui y ont assisté de faire évoluer leur position. Je demanderai d’ailleurs à la Commission d’autoriser la publication des comptes rendus de ces auditions dans un rapport d’information.

Je souhaite la bienvenue à Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des Finances. Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Il y a près d’un mois, j’ai eu l’honneur, avec Georges Tron, de présenter à votre commission l’avant-projet de réforme visant à sauvegarder notre système de retraite. Nous l’avons ensuite soumis au Conseil d’État, puis aux conseils d’administration des organismes de sécurité sociale, notamment de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), qui ont émis un avis favorable. J’y vois la preuve qu’il s’agit d’un texte équilibré, répondant aux défis que notre système doit affronter sans attendre.

Le projet de loi que voici est nécessaire, car nous ne pouvons pas laisser plus longtemps se dégrader la situation financière de nos régimes de retraite, confrontés à un choc démographique sans précédent. Cette réforme est également urgente, la crise ayant accéléré de vingt ans le rythme des déficits. Enfin cette réforme est juste, parce qu’elle donne un avenir à notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité entre les générations, les actifs finançant les retraites des plus âgés, comme à l’intérieur des générations, via les nombreux dispositifs destinés à compenser les aléas de la vie active, tels que le chômage ou la maladie. On ne peut pas prétendre être attaché à la solidarité entre les générations et se résigner à faire peser tout le poids de l’effort sur nos enfants.

Conformément à la volonté du Président de la République, le Gouvernement a donc pris ses responsabilités sans tarder, dans la continuité des réformes déjà accomplies par notre majorité en 1993, en 2003 et en 2007-2008 pour les régimes spéciaux.

Nous avons bâti cette réforme sur trois exigences : celle de la responsabilité, car on ne peut prétendre maintenir la pérennité d’un système par répartition sans agir sur la durée d’activité ; celle de l’efficacité, puisque nous visons, non seulement la réduction du déficit, mais également le retour à l’équilibre en 2018 ; celle de la justice, car nous ne pouvons pas demander à tous un effort, sans tenir compte de ceux qui ont été exposés à des conditions de travail plus pénibles ou qui ont commencé à travailler plus tôt.

En application de ces principes, cette réforme se fixe les quatre orientations suivantes : augmenter la durée d’activité de manière progressive jusqu’en 2018 ; renforcer l’équité du système de retraites ; améliorer les mécanismes de solidarité à l’intérieur du système de retraites et renforcer la compréhension par les Français des règles de la retraite.

L’augmentation de la durée d’activité est au cœur de la réforme proposée. C’est une réponse de bon sens : qui peut prétendre que l’allongement de la durée de vie ne doit emporter aucune conséquence sur la durée de la vie active ? Qui peut prétendre qu’il est juste de faire face à ce défi en chargeant les générations futures d’une augmentation massive des impôts ? La plupart des pays européens, confrontés à la même situation, y ont répondu de la même manière. Que ce soit en Espagne, en Allemagne, au Royaume-Uni, cette solution n’a pas été celle d’un camp ou d’un parti : elle a été le fait de gouvernements de droite comme de gauche, qui ont tout simplement choisi de regarder la réalité telle qu’elle est.

Cette augmentation sera progressive, pour ne pas bouleverser les projets des Français qui sont proches de la retraite. L’âge de la retraite sera augmenté de quatre mois par génération dans l’ensemble des régimes de retraite, pour atteindre 62 ans en 2018. Parallèlement au recul de l’âge légal, c’est-à-dire l’âge auquel on a le droit de prendre sa retraite, l’âge d’annulation de la décote, aujourd’hui fixé à 65 ans, sera reculé aussi, pour être porté à 67 ans d’ici 2023.

Il est une vérité qu’il faut rétablir : aujourd’hui, ceux qui font valoir leur droit à la retraite à 65 ans ne travaillent pas nécessairement jusqu’à cet âge, certains attendant d’avoir atteint cet âge pour pouvoir échapper à la décote. Ceux qui prétendent, comme je l’ai souvent lu et entendu, que nous allons obliger les femmes à travailler jusqu’à 67 ans ne disent pas la vérité.

M. Alain Vidalies. C’est un comble ! Elles devront attendre deux ans de plus au chômage !

M. le ministre. L’élévation de l’âge du départ à la retraite sera générale. Elle concernera tous les assurés, quel que soit le régime dont ils relèvent. Pour les régimes spéciaux cependant, le relèvement de l’âge de la retraite débutera au 1er janvier 2017, pour tenir compte du calendrier de montée en charge de la réforme de 2008.

Dans un souci d’équité, ceux qui ont commencé à travailler tôt, ou que leur travail a usé physiquement de façon prématurée, pourront continuer à partir à 60 ans ou avant 60 ans. Le dispositif « carrières longues » créé en 2003 sera préservé et étendu aux salariés qui ont commencé à travailler à 17 ans, au lieu de 16 ans actuellement. Tous les salariés concernés pourront partir au plus tard à 60 ans : cela concernera 90 000 personnes en 2015. Un salarié de 58 ans ayant commencé à travailler à 15 ou 16 ans continuera de bénéficier des mêmes conditions de départ à la retraite.

Ceux qui sont usés physiquement du fait de leur activité professionnelle pourront, eux aussi, continuer de partir à 60 ans sans subir de décote. C’est là un droit social nouveau, comme le dispositif « carrières longues » l’était en 2003, et sans précédent en Europe. Au total, grâce à ce dispositif et au dispositif « carrières longues », ce sont 100 000 personnes par an, soit un Français sur sept, qui pourront partir plus tôt à la retraite.

À la demande du Président de la République, nous travaillons, en concertation avec les partenaires sociaux, à améliorer ces dispositifs. Nous souhaitons notamment renforcer la prévention. Nous proposons que les expositions à certains facteurs de pénibilité soient désormais enregistrées dans un carnet de santé au travail individuel, pour permettre un meilleur suivi du salarié tout au long de sa carrière. Sur ce sujet, les discussions sont en cours. Nous explorons aussi d’autres pistes, telles qu’une meilleure participation de la médecine du travail à la politique de prévention en entreprise, ou un suivi médical post-professionnel des salariés exposés. Le deuxième plan Santé au travail pour la période 2010-2014, que j’ai présenté hier, nous permettra également de progresser dans ce domaine.

Enfin, nous allons poursuivre et amplifier l’effort engagé depuis 2007 en faveur de l’emploi des seniors, en créant une aide à l’embauche pour les chômeurs de plus de 55 ans. Le développement du tutorat sera par ailleurs encouragé pour favoriser la transmission du savoir et valoriser les carrières.

Notre deuxième objectif est d’améliorer l’équité du système de retraite. Dans cette logique, il est apparu nécessaire de renforcer la convergence entre le public et le privé, en supprimant certaines différences qui n’étaient plus justifiées par des spécificités de la fonction publique. Le taux de la cotisation acquittée par les fonctionnaires sera porté de 7,85 à 10,55 % en dix ans, afin de l’aligner sur celui s’appliquant aux salariés du privé. La possibilité de retraite anticipée sans condition d’âge, ouverte aux parents de trois enfants pouvant justifier d’au moins quinze ans d’activité, sera supprimée à compter du 1er janvier 2012. Les fonctionnaires, qui remplissent ces deux conditions à cette date, conserveront la possibilité de partir plus tôt sur la base des règles applicables à tous les Français. Quant au minimum garanti dans la fonction publique, il sera désormais, comme dans le secteur privé, soumis à une condition de taux plein.

Par ailleurs, pour faire participer l’ensemble des assurés à l’effort de rééquilibrage des régimes de retraite, le Gouvernement proposera, dans les prochains projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, des mesures de recettes à hauteur de quatre milliards d’euros. En effet, si le Gouvernement refuse de répondre au choc démographique par un choc fiscal, il n’a jamais écarté la possibilité de recourir à des mesures de recettes ciblées dans un souci d’équité. Ces mesures concerneront principalement les hauts revenus : majoration de la tranche la plus élevée de l’impôt sur le revenu, renforcement de la taxation des stock options et des retraites chapeaux. Les revenus du capital seront également concernés, avec l’augmentation des prélèvements libératoires sur les revenus du patrimoine, la suppression du crédit d’impôt sur les dividendes et l’imposition au premier euro des plus-values de cession d’actifs, actions et obligations. Les entreprises, enfin, seront mises à contribution via des mesures relatives aux niches sociales dont elles bénéficient, notamment l’annualisation du calcul des allégements généraux de charges sociales.

Nous allons, enfin, améliorer les mécanismes de solidarité qui caractérisent le système de retraite français. Non contents de pérenniser son caractère solidaire, nous le renforçons pour un certain nombre de catégories d’assurés. Les jeunes, qui rencontrent des difficultés à entrer dans le marché du travail, bénéficieront de six trimestres validés gratuitement en début de carrière, contre quatre aujourd’hui. Les indemnités journalières que perçoivent les femmes au cours de leurs congés maternité seront prises en compte dans le calcul de leur pension de retraite. En outre, étant donné que la faiblesse des pensions des femmes est due avant tout aux inégalités salariales entre les hommes et les femmes, nous mettrons en œuvre des mesures incitant les entreprises à s’investir davantage dans la réduction de ces écarts salariaux. Enfin, la retraite des exploitants agricoles sera améliorée, grâce en particulier à l’assouplissement des conditions d’accès au minimum vieillesse.

Quatrième et dernier objectif, nous voulons renforcer la compréhension des règles de retraite, leur lisibilité étant un élément décisif de la confiance des Français. Dans la continuité des précédentes réformes, nous proposons la création d’un point d’étape retraite à 45 ans, pour permettre aux Français de faire le meilleur choix ; la transmission, dès l’entrée dans la vie professionnelle, de documents d’information générale sur le système de retraite ; la mise en place, dans tous les régimes, d’un relevé de carrière en ligne.

Telles sont les mesures que nous proposons pour rééquilibrer et pérenniser le modèle français de retraite par répartition, fondé sur la solidarité entre les générations et à l’intérieur des générations. Cette réforme permettra aux caisses de retraite de renouer avec l’équilibre dès 2018. Les déficits accumulés d’ici cette date seront repris par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), à laquelle seront transférés en contrepartie les actifs du Fonds de réserve pour les retraites, qui a été créé pour cela.

M. Alain Vidalies. C’est un hold-up !

M. le ministre. Nous ne sommes pas dans l’idéologie : nous sommes dans le pragmatisme et la responsabilité.

M. le président Pierre Méhaignerie. Que chacun fasse preuve de modestie. Dois-je rappeler qu’avant 2003, personne ne s’inquiétait du sort des ouvriers qui avaient travaillé pendant quarante-cinq ans ?

M. Alain Vidalies. Et la retraite à 60 ans ? Il est vrai que vous ne l’avez pas votée !

M. le ministre. La réforme des retraites n’est ni de droite, ni de gauche. C’est une réforme responsable, parce que nous veillerons à assurer son succès sur le long terme : de nouvelles instances de pilotage seront chargées de préparer le rendez-vous sur les retraites de 2018, afin d’assurer l’équilibre du système des retraites après 2020. C’est une réforme absolument juste, parce qu’elle ne reporte pas tout l’effort sur les plus jeunes, mais le répartit équitablement entre tous les actifs.

De même qu’il y a des hommes et des femmes d’État, qui savent dépasser les calculs politiques pour s’intéresser à l’intérêt collectif de la Nation, il y a des réformes d’État : celle-ci en est une.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Les dispositions du projet de loi sont conformes aux grandes orientations présentées par le Gouvernement le 16 juin dernier et je les soutiens entièrement.

Je souhaiterais néanmoins poser sept questions précises.

Quelles pistes de travail devons-nous privilégier sur le dossier de la pénibilité, sujet qui tient particulièrement à cœur au Président Méhaignerie ?

Concernant le veuvage précoce, nous sommes nombreux à souhaiter que le problème soit traité dès maintenant, sans attendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Partagez-vous ce souhait ?

S’agissant des polypensionnés, le Président de la République a indiqué qu’il souhaitait que nous allions plus loin. Quelles pistes privilégiez-vous ?

Que pensez-vous des améliorations et des simplifications proposées par certains députés concernant la retraite supplémentaire ?

Quelles solutions proposez-vous aux lourds problèmes de compensation que le statut de l’auto-entrepreneur pose au régime social des indépendants (RSI), comme à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAV-PL) ?

Concernant la possibilité de rachat des années d’études, la mise en œuvre de la réforme susciterait un certain nombre de difficultés. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le nombre de personnes concernées et sur les réponses envisagées ?

Enfin, êtes-vous favorable au projet de fusion des régimes complémentaires des artisans et des commerçants ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Pour notre commission, déplacer le curseur de l’âge légal de départ à la retraite est la première mesure à prendre pour garantir la pérennité de notre système par répartition.

Les projections financières à horizon 2020 tiennent compte non seulement des dispositions du projet de loi portant réforme des retraites, mais également des mesures de recettes que vous proposerez à l’automne, dans le cadre du projet de loi des finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pouvez-vous nous détailler dès aujourd’hui ces mesures par régime, qu’il s’agisse des régimes de base ou des régimes complémentaires ?

Quelles seront globalement les modalités d’affectation aux régimes de retraite des nouvelles recettes ou des réductions de dépenses ? En particulier, quelles recettes seront affectées respectivement au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et à la CNAV ?

S’agissant des pensions des agents de l’État, la contribution de l’État au compte d’affection spéciale Pensions sera gelée jusqu’en 2020, si l’on en croit le document annexé au projet de loi. Quel serait le trend de cette contribution, autrement dit sa progression naturelle si on ne tenait pas compte des mesures prises dans le cadre du projet de loi ? Le gel de la contribution de l’État est-il compensé par le relèvement du taux de cotisation des fonctionnaires et par les autres mesures d’économies prévues dans le champ des pensions de la fonction publique ?

Pouvez-vous également préciser le schéma qui sera retenu pour couvrir, d’une part les déficits cumulés du régime général et du FSV en 2009 et 2010 et d’autre part, les déficits de la branche vieillesse de 2011 à 2018 ? L’utilisation du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) me paraît logique dans la perspective d’un rééquilibrage des comptes sociaux qui ne pèse pas sur les générations futures.

Mme Valérie Rosso-Debord. Ne nous y trompons pas : l’enjeu de la réforme des retraites est bien d’assurer la pérennisation de notre système par répartition, qui a permis une réelle amélioration du niveau de vie des retraités et constitue un modèle de solidarité auquel nous sommes attachés. Je rends hommage au Gouvernement d’avoir privilégié une approche responsable et attentive à la situation de chacun.

L’allongement de la durée de la vie active constitue une dimension incontournable de la réforme. C’est une réalité partagée par l’ensemble des pays européens. Avec un âge légal de départ à la retraite fixé à 60 ans, la France est devenue une exception en Europe, où il est plus souvent fixé à 65 ans et va progressivement être porté à 67 ans.

Mais s’il est indispensable de travailler plus longtemps, il est tout aussi important de tenir compte des conditions de travail. C’est pourquoi le projet de loi prend en compte l’usure des salariés, en permettant à ceux qui ont une vie professionnelle plus dure de partir à la retraite plus tôt : pour eux, la retraite sera maintenue à 60 ans. Mais, ce texte encourage par ailleurs une approche préventive de la pénibilité, extrêmement novatrice. Cela suppose une plus grande implication de la médecine du travail et une meilleure gestion des carrières : je vous demanderai, monsieur le ministre, de détailler ce point. La réflexion sur la pénibilité doit promouvoir une approche prenant en compte la spécificité de chaque cas, de chaque parcours professionnel.

Enfin, pour les salariés qui ont commencé à travailler avant 17 ans, le dispositif « carrières longues » est maintenu. J’attache une grande importance à la préservation de ce dispositif, que la gauche a refusé de voter, alors qu’il concernera 100 000 personnes à l’horizon 2015.

Ce projet de loi est équilibré, il a su trouver un juste milieu entre l’urgence de faire face aux défis, démographique et financier, et la nécessité d’améliorer les dispositifs en vigueur. Une fois de plus, c’est notre majorité qui en prend l’initiative. Le groupe socialiste s’est toujours dangereusement abstenu de toute mesure susceptible de sauver notre système de retraite. Ce sera donc à nous de les prendre en 2010, comme nous l’avons déjà fait en 1993, en 2003 et en 2008. Le temps des responsabilités est venu : à chacun de prendre la sienne.

Mme Marisol Touraine. Je voudrais dire tout d’abord à quel point nous sommes choqués par les propos de ceux qui, comme le Président de la République hier, nous accusent de favoriser un climat délétère dans notre pays pour éviter de débattre de la réforme des retraites. De telles insinuations sont d’autant plus indignes que c’est la majorité qui ne cesse d’osciller entre deux attitudes contradictoires : alors que, fidèle à la stratégie de votre groupe, madame Valérie Rosso-Debord, vous nous reprochez de ne rien proposer, le Président de la République a contesté, hier, le bien-fondé de nos propositions : c’est bien la preuve que nous en avons.

Nous sommes évidemment prêts à une confrontation d’idées et de projets, et il serait légitime que vous y soyez également disposés. Mais, si la majorité aborde ce débat avec l’idée qu’elle seule connaît la bonne solution et que seule la réforme qu’elle propose est à même de résoudre le problème des retraites, nous allons au-devant de débats houleux. Il nous est quand même loisible, monsieur le président, tout en admettant la nécessité d’une réforme, de faire nos propositions et d’avoir notre avis sur les mesures qu’on nous présente. Il est insupportable de vous entendre prétendre que nous ne contribuons pas au débat public.

Il est tout aussi insupportable que vous tentiez de faire accroire à nos concitoyens que les Français vivraient dans je ne sais quel paradis social. Puisque vous citez des exemples étrangers, comparez ce qui est comparable. En France comme dans ces pays, l’âge de la retraite à taux plein est de 65 ans. Dans la plupart de ces pays, la durée de cotisation exigée est de 35 annuités, et non pas de 40 ou 41. Allez donc jusqu’au bout : ayez le courage de dire à nos concitoyens qu’aux termes de votre réforme, le système français sera le plus dur d’Europe. C’est d’ailleurs la teneur des propos de Mme Lagarde devant la presse économique. À l’en croire, les marchés peuvent dormir sur leurs deux oreilles : la France ira plus vite que l’Allemagne ou que le Royaume-Uni.

Vos propositions nous ont d’autant moins convaincus, monsieur le ministre, qu’elles sont strictement identiques à celles que vous aviez présentées il y a quelques semaines : on se demande à quoi aura servi la consultation des organisations syndicales. Il est vrai que le Président de la République nous a assuré qu’aucune opposition ni manifestation ne changerait un iota au fond de la réforme.

Votre projet est à la fois injuste, imprévoyant et inefficace. Il est injuste, parce qu’il fait reposer tout l’effort sur les salariés, en particulier sur ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui ont eu une carrière hachée. La prise en compte de la pénibilité, que vous nous proposez, ne peut être considérée comme une avancée sociale : ce n’est rien d’autre que le droit pour les malades ou les invalides d’être reconnus comme tels, et cela existe déjà. Quant au dispositif prévu pour les carrières longues, il faudra, pour en bénéficier, avoir cotisé au moins 43 ans et demi. Autant dire qu’il ne s’agit pas non plus d’une grande avancée sociale.

Votre réforme est également imprévoyante. Comment prétendre qu’elle évitera de transférer la dette aux générations futures, alors que celles-ci seront les premières pénalisées par le hold-up que vous opérez sur le Fonds de réserve pour les retraites ? Avec les mesures que vous nous annoncez et celles que contiendra le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui prévoit l’allongement de la durée de vie de la CADES, le Gouvernement prélève les ressources destinées aux générations futures sans garantir le financement du système après 2018, alors qu’on attend à cette date un choc démographique extrêmement fort.

Enfin, la réforme est inefficace, puisque, par idéologie, par dogmatisme, vous refusez d’opérer des prélèvements sur les revenus du capital ou ceux des plus riches. Ce n’est pas avec des recettes de 4 milliards d’euros, dont deux prélevés sur les revenus d’entreprises, que vous parviendrez à l’équilibre. Par ailleurs, le tiers au moins du financement de la réforme nous est inconnu. C’est pourquoi je relaie la demande de Laurent Hénart : comme lui, je souhaite que vous nous transmettiez un tableau du financement prévu à l’horizon de 2020, voire après cette date, afin de comprendre comment vous gérerez dans la durée le déficit de la CNAV et des caisses de retraites.

Au nom du groupe socialiste, je regrette que le président de la Commission des affaires sociales et le Bureau aient refusé d’ouvrir à la presse nos débats en commission. Cependant, nous abordons la discussion dans un esprit constructif, qui tient non au projet du Gouvernement mais aux préoccupations des Français.

Nous souhaitons une réforme qui s’inscrive dans la durée, à l’horizon de 2025, et qui s’appuie sur un financement équilibré, ce qui suppose une mise à contribution significative des revenus du capital. Nous souhaitons aussi une réforme qui, sans faire l’impasse sur le travail ni sur l’emploi des seniors, propose des mesures raisonnables, comme l’allongement de la durée de cotisation et l’incitation, pour ceux qui le peuvent et qui le souhaitent, à travailler plus longtemps. C’est ce que nous appelons la retraite choisie. Là où la droite impose, les socialistes entendent privilégier la liberté de choix et l’incitation.

M. Roland Muzeau. Même si, jusqu’au dernier jour, le Gouvernement et le Président de la République ont manipulé l’opinion publique, la concertation n’a jamais eu lieu. Il suffit pour s’en convaincre de rencontrer les organisations syndicales. Les annonces distillées jour après jour n’ont servi qu’à conforter un projet décidé de longue date, malgré les engagements, d’ailleurs contradictoires, du Président Sarkozy. Celui-ci avait annoncé, en janvier 2007, que la réforme des retraites n’était pas à son programme. En mars 2008, il avait indiqué à Mme Parisot qu’il était hors de question qu’elle vienne en discussion avant la fin de son mandat. Les promesses n’engagent que ceux qui les entendent !

Votre projet, messieurs les ministres, ne vise qu’à répondre aux exigences de plus en plus fortes du monde de la finance et des agences de notation, qui, durant ces derniers mois, ont multiplié leurs oukases à l’adresse des puissances publiques. Il y a peu, vous avez assuré que certains points restaient ouverts à la discussion : la pénibilité, les carrières longues, le cas des polypensionnés. Or, aucune modification n’est intervenue dans ces domaines. De même, toutes les mesures contestées prévues pour les fonctionnaires ont été maintenues. Les Français doivent savoir que les sacrifices pèseront à 85 % sur les salariés, puisque le MEDEF a la main sur le dossier. D’ailleurs, pour la première fois depuis longtemps, les syndicats de salariés ont rejeté en bloc la démarche du Gouvernement.

Hier soir, sur un ton aussi patelin que peu convaincant, le Président de la République a asséné sa vérité. À l’en croire, aucune autre solution que la sienne ne serait possible. Faute de pouvoir convaincre, il tente de faire entrer ce discours à coup de marteau dans la tête des Français. Or, on peut parfaitement maintenir le départ à 60 ans, sans retarder à 65 ans l’accès à la retraite à taux plein. Non seulement les députés communistes et du parti de gauche n’ont jamais refusé d’en débattre, mais ils ont déposé en ce sens une proposition de loi, en vue de réfléchir à une nouvelle répartition des richesses nationales. Nous en reprendrons les mesures sous forme d’amendements. Pour trouver de nouveaux financements, on peut soumettre à cotisation les revenus financiers des banques et des entreprises, et moduler les cotisations de celles-ci en fonction de leur politique en vue de développer l’emploi et de soutenir les salaires.

En ce qui concerne la pénibilité, la voie individuelle est scandaleuse et injuste, alors que l’examen des postes de travail serait une réponse collective. Pour certains métiers, il faut ouvrir le droit à la retraite avant 60 ans, afin de prendre en compte la pénibilité des tâches.

Quant aux femmes, dont le passage à la retraite augmente la paupérisation, comment de ne pas douter des nouvelles mesures en faveur de l’égalité salariale que vous nous promettez ? Après vingt-cinq ans d’action et cinq lois, rien n’a changé. L’égalité entre hommes et femmes n’existe ni pour la nature du travail ni pour sa rémunération, et la précarité reste majoritairement féminine.

Enfin, aucune mesure crédible ne peut être prise en matière de retraite, dès lors que l’emploi n’est pas soutenu par une politique publique et industrielle. Si vous occultez cet aspect du dossier, votre réforme s’avérera aussi inefficace que celle de 2003, et elle en appellera d’autres, porteuses, comme les précédentes, de nouvelles régressions.

M. Jean-Luc Préel. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la réforme des retraites est indispensable pour sauvegarder notre système par répartition, du fait du papy-boom et de l’allongement de la durée de vie. Le Nouveau Centre salue votre courage. Vous vous êtes attelé à une réforme que, par le passé, d’autres n’ont pas voulu mener à bien. Elle devrait susciter un consensus, comme toutes celles visant à repousser l’âge de la retraite, qui ont été prises dans les pays confrontés aux mêmes problèmes que nous.

Il n’est pas choquant d’utiliser le Fonds de réserve pour les retraites pour financer la période de 2010 à 2018, puisque celui-ci a été créé précisément pour résorber les déficits.

Après avoir été quelque peu dubitatif, le Nouveau Centre approuve votre choix. Cependant, nous aimerions recevoir l’assurance que nous pourrons faire adopter des amendements, comme l’a annoncé le Président de la République.

Par ailleurs, pourquoi ne pas avoir saisi l’occasion de la réforme pour simplifier les trente-huit régimes de retraite et passer à un régime unique géré par les partenaires sociaux ? Vous auriez pu ainsi prévoir l’extinction des régimes spéciaux, la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires, l’alignement de la période prise en compte des six derniers mois aux vingt-cinq meilleures années, tout en intégrant les primes dans le calcul de la pension, puisque, dans le cadre d’une réforme des retraites, il faut respecter le principe d’équité, auquel les Français sont très attachés.

Je m’interroge également sur l’hypothèse d’un retour à l’équilibre financier en 2018, qui me semble optimiste. Il me paraîtrait judicieux de proposer quelques recettes supplémentaires en plus de celles que vous prévoyez. Le Nouveau Centre s’y emploiera.

Par rapport au Conseil d’orientation des retraites, quel sera le pouvoir du comité de pilotage que vous créez, et quelles seront ses missions ?

Sera-t-il possible de prendre en compte les vingt-cinq meilleures années des polypensionnés, qui sont actuellement pénalisés, puisqu’ils perçoivent des retraites minorées ?

Bien que, dans les autres pays, le problème de la pénibilité ne soit pas traité par les régimes de retraites, Francis Vercamer préconise, dans un rapport remarquable, la création d’un observatoire de la pénibilité. Envisagez-vous de le créer et de définir ses missions ? Il serait dommageable de repousser l’âge de départ à la retraite sans se préoccuper de cette question ni prendre en compte l’exposition aux risques et à certains produits.

Enfin, allez-vous améliorer les pensions de réversion et prolonger l’allocation de veuvage ? Dès lors que la condition d’âge a été rétablie pour la pension de réversion, l’allocation veuvage mérite, sans doute, d’être pérennisée et son taux d’être amélioré.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je souhaite que, même s’il est passionné, le débat reste sérieux et responsable. Je vous invite donc, mes chers collègues, à écouter les orateurs. Quant à vous, monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir laissé ouvert le débat sur la pénibilité, qui est essentiel. Le texte prévoit actuellement qu’une personne sur six pourra partir en retraite à 60 ans, sinon plus tôt. Ce sera le cas de plus de 100 000 personnes sur les 700 000 à 800 000 départs prévus. Reste à savoir s’il faut aller au-delà pour ceux qui ont commencé à travailler après 18 ans dans un métier pénible.

Quoi qu’il en soit, aucune position ne doit être caricaturée. Je rappelle aux députés de l’opposition que, en 2001 et en 2002, certains ouvriers travaillaient quarante-cinq ou quarante-six ans avant de pouvoir partir en retraite. D’autre part, je rappelle – parce que les bonnes intentions se heurtent parfois à la réalité – que c’est entre 1983 et 1987 que la part des salaires dans la valeur ajoutée a baissé le plus fortement. Voilà qui devrait nous inciter tous à une certaine modestie.

M. le ministre. Mon collègue Georges Tron répondra aux questions ayant trait à la fonction publique.

Monsieur Jacquat, l’assurance veuvage a été prolongée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Nous poursuivrons la politique qui a été menée dans ce sens, en sachant que vous êtes attentif à ce dossier.

La médecine du travail est un point clé de la réforme des retraites. J’avais d’ailleurs envisagé de traiter les deux sujets dans le même texte, mais cela aurait sans doute compliqué les choses. Quoi qu’il en soit, on ne peut parler de retraite ni de pénibilité si l’on ne traite pas des conditions de travail, qui, en France, peuvent encore être considérablement améliorées. Nous rédigerons donc un texte en vue de réformer la médecine du travail. Récemment, j’ai rencontré des médecins dans cette perspective, mais peut-être faudrait-il créer des équipes pluridisciplinaires, comprenant aussi des ergonomes et des psychothérapeutes. Tous les services de médecine du travail n’ont pas évolué au même rythme. À certains endroits, il n’en existe pas du tout. En outre, leur rôle ne doit pas se limiter à organiser des visites médicales. Il faut aussi analyser les postes de travail. Dans ce domaine, on constate beaucoup d’inégalités et une réforme de fond doit être menée. Aujourd’hui, deux médecins du travail sur trois ont plus de cinquante ans. Il y a donc une crise de recrutement à régler. On ne disposera d’aucun outil de traçabilité en matière de pénibilité si l’on ne modernise pas ce secteur.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, l’État ne compense plus les cotisations des auto-entrepreneurs dont l’activité est inférieure à 200 heures de SMIC, ce qui a réduit fortement les charges de compensation de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales. Cependant, nous sommes prêts à aller plus loin sur le sujet.

Beaucoup d’entre vous se sont exprimés sur la question de la pénibilité, qui est un point essentiel de la réforme. Je regrette que certains aient caricaturé notre position. Pour la première fois, nous créons un lien entre la retraite et la pénibilité, qui sera prise en compte à hauteur de 20 %. C’est d’abord aux médecins qu’il reviendra de se prononcer : dès lors qu’ils constateront une usure physique prématurée, en lien avec l’activité professionnelle, il sera possible à l’intéressé de prendre sa retraite plus tôt. Cette mesure s’inscrit dans le cadre bien connu de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, car notre but n’est pas de créer une usine à gaz, mais de partir sur des bases objectives. Cela dit, on peut sans doute aller plus loin.

Certains d’entre vous ont regretté que le texte n’ait pas évolué depuis un mois. Comment s’en étonner ? Conformément à ce qui était prévu, nous avons rencontré tous les partenaires sociaux dans des réunions techniques. À partir de septembre, quand commencera la discussion du texte, des évolutions pourront intervenir, notamment sur la prise en compte de la pénibilité. Les partenaires sociaux ont beaucoup travaillé sur le lien entre l’âge de la retraite et l’usure liée à l’exercice d’un métier. Ils ont détaillé les facteurs d’exposition aux risques. Reste qu’il ne suffit pas de prendre en compte ces données pour le passé, en les intégrant au calcul de la retraite. Il faut prévoir, à l’avenir, des dispositifs de traçabilité plus forts.

Monsieur Jacquat, vous m’avez interrogé sur la situation de ceux qui ont racheté des trimestres avant la réforme. Pour ma part, je suis favorable à ce qu’ils soient remboursés, s’ils ne peuvent en retirer le bénéfice escompté.

Sur le régime social des indépendants et la fusion des régimes complémentaires des artisans et des commerçants, je suis sensible à vos arguments. C’est un sujet que nous examinerons.

La question des polypensionnés est délicate. Une partie du chemin a été faite en 2003. Faut-il aller plus loin ? C’est surtout une question de moyens, puisque nous devons respecter l’équilibre général de la réforme, qui doit être atteint en 2018. Nous verrons à la fin de l’été si nous pouvons aller plus loin.

Monsieur Hénart, vous m’avez interrogé sur les conditions générales du bouclage. Un report de deux ans de l’âge légal de départ en retraite représente 9 milliards d’euros pour la CNAV ; 2,1 milliards d’euros pour la fonction publique d’État ; et 2,3 milliards d’euros pour la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Par ailleurs, il faudra procéder à un équilibrage des différents régimes. À cette fin, nous avons saisi toutes les caisses et nous vous présenterons à la rentrée une proposition.

Quant à l’affectation des recettes, c’est une question de tuyauterie. La somme, légèrement supérieure à 4 milliards d’euros en 2020, soit 3,7 milliards en 2011, servira intégralement à financer les retraites, mais un partage interviendra entre le Fonds de solidarité vieillesse et la CNAV, afin d’améliorer les résultats de celle-ci et de consolider les financements solidaires qui interviennent au sein du FSV. Ce point devra être précisé, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter à cet égard.

À l’égard du Fonds de réserve pour les retraites, je ne comprends pas la position des députés socialistes. Ce fonds n’a pas à susciter en eux je ne sais quelle nostalgie. C’est un instrument technique, qui a été créé afin d’absorber une « bosse », c’est-à-dire un surcroît de départs en retraite à partir de 2020. Depuis sa création, une réforme des retraites est intervenue : dès lors que l’âge de départ en retraite est reporté de deux ans, l’effet de bosse est en partie traité.

Par ailleurs, le fonds a accumulé 33 milliards d’euros de réserve, somme inférieure à la totalité des dettes cumulées par la CNAV et le FSV depuis 1999. Tous les pays qui ont créé des fonds de ce type l’ont fait à une époque où ils dégageaient des excédents, dans le but de les utiliser pendant les périodes de déficit. Dès lors que nous avons vingt ans d’avance sur les déficits en points de PIB, il est logique de l’utiliser. Il n’y a pas lieu de parler de hold-up, c’est un débat technique. Si nous n’utilisions pas le fonds de réserve, les déficits accumulés entre 2011 et 2018 seraient financés par la dette, c’est-à-dire qu’ils seraient payés par les générations suivantes, ce qui serait injuste. D’ailleurs, la première personne à avoir effectué une ponction sur le fonds est Mme Martine Aubry, qui, aussitôt après la création de celui-ci, l’a utilisé pour financer les 35 heures !

Quant à la retraite choisie, cette notion existe déjà en France. Il est prévu une date d’entrée dans les droits, et une autre à partir de laquelle on peut exercer ces droits sans décote, quelle que soit la durée de cotisation. Aujourd’hui, ces seuils sont respectivement de 60 et de 65 ans ; à partir de 2018, la retraite sera choisie entre 62 et 67 ans. Si quelqu’un veut continuer à travailler, il bénéficie d’une surcote ; s’il veut partir à 60 ans sans disposer de tous ses trimestres, il subit une décote. Il s’agit donc bien d’une retraite « à la carte », valable pendant une période donnée.

Il est par ailleurs logique qu’une telle période soit fixée. Alors que dans un régime par capitalisation, on peut partir en retraite quand on le veut, dès lors que le contrat le permet, dans un régime par répartition, il est normal que les générations suivantes – dans la mesure où elles paient les pensions – vous donnent, au moment où elles le jugent légitime, l’autorisation de liquider votre retraite. C’est bien sur ce point, que se joue le débat sur la solidarité entre les générations.

Monsieur Muzeau, ce n’est pas parce que le texte ne fait pas l’unanimité, notamment à gauche, qu’il n’y a pas eu de concertation. Celle-ci a duré deux mois et demi, et a donné des résultats intéressants, en matière par exemple de pénibilité, de carrières longues ou d’âge. En revanche, il n’y a eu – la notion est différente – aucune négociation : les partenaires sociaux n’y étaient pas prêts, parce qu’ils refusaient les mesures d’âge. Le Parti socialiste a eu d’ailleurs la même attitude, ce qui est son droit – même si nous pensons qu’il a profondément tort. Quoi qu’il en soit, il est difficile de négocier quoi que ce soit avec des gens qui refusent l’idée selon laquelle la notion d’âge intervient en matière de retraite.

En ce qui concerne l’égalité professionnelle, il est vrai qu’en dépit du grand nombre de textes adoptés, les choses n’ont pas vraiment évolué. Le fait que, à travail et à responsabilités égaux, les femmes soient moins bien payées que les hommes, est un véritable scandale social. L’écart s’est un peu réduit, mais il reste conséquent. J’ai donc l’intention de prendre des mesures fortes sur ce sujet dans les mois qui viennent – mais pas à l’occasion du texte sur les retraites, dans lequel on ne peut pas tout mettre.

Par principe, monsieur Préel, les amendements sont naturellement possibles, et vous n’avez nullement besoin de mon accord pour en déposer.

Pourquoi n’avoir pas fait le choix d’un système par points, ou en comptes notionnels ? Tout d’abord, un tel système ne permet pas de résorber les déficits. Quand on prévoit un déficit de plus de 40 milliards d’euros dans les dix ans à venir, ce n’est pas un changement de système qui peut résoudre le problème. On cite toujours l’exemple des Suédois, mais ceux-ci viennent justement de baisser de 3 % le montant des pensions. C’est leur variable d’ajustement. Il en est de même pour le système allemand, madame Touraine : les 35 années de cotisations en Allemagne ne sont pas équivalentes aux 41 années de cotisations en France, car il n’existe pas là-bas les majorations de durée d’assurance que nous avons ici. On ne peut donc pas faire cette comparaison.

Mme Marisol Touraine. Pourquoi pas ?

M. le ministre. En Allemagne, on peut partir à la retraite après trente-cinq ans de cotisations, mais seulement à partir de 63 ans, et en subissant une lourde décote. L’entrée dans un système d’assurance à taux plein ne se fait pas avant l’âge de 65, 66 ans, et bientôt de 67 ans.

Mme Marisol Touraine. Comme chez nous !

M. le ministre. Pas du tout ! Vous ne pouvez pas mettre sur le même plan les systèmes allemand et français, qu’il s’agisse de l’âge d’ouverture des droits à la retraite, de la décote ou du nombre d’années de cotisations nécessaires. En effet, les durées de majoration ne sont pas calculées de la même manière.

En ce qui concerne nos prévisions, ce sont aussi celles du Conseil d’orientation des retraites (COR). Dans ce domaine, on doit se garder d’être catastrophiste – il n’y aurait aucun sens, par exemple, à prolonger sur dix ou quinze ans les tendances actuelles en matière de chômage – ou de se montrer trop optimiste, au risque de rester dans le domaine du rêve. Nous avons donc repris les prévisions du COR, qui sont loin d’être irréalistes. Deux ans avant la crise, le taux de chômage tendait à se réduire. Il est donc tout à fait possible – heureusement !– que ce taux redescende à 6 % vers 2018 et que l’on connaisse le plein-emploi vers 2024. De même, il n’est pas absurde de prévoir que la productivité va augmenter de 1,8 %. Évidemment, si les résultats se révèlent moins bons, cela n’aura pas seulement des conséquences sur l’équilibre du système de retraite mais sur l’ensemble des finances publiques.

Le comité de pilotage est un aspect important de la réforme, car notre système de retraite n’est pas suffisamment piloté à l’heure actuelle. En particulier, les rapports avec les partenaires sociaux restent faibles, et n’ont lieu que lorsqu’une réforme est envisagée. Il serait souhaitable que le Gouvernement et les partenaires sociaux se rencontrent régulièrement pour faire le point sur l’état d’avancement des réformes et pour préparer les rendez-vous importants. Plus on dédramatisera les modifications et ajustements dont notre système de retraite a besoin, mieux ce sera.

J’ai déjà répondu concernant l’allocation veuvage. S’agissant de la pénibilité, c’est un sujet sur lequel nous travaillons. Nous verrons en septembre si nous pouvons présenter de nouvelles propositions dans ce domaine.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Concernant le gel de l’effort financier de l’État au financement du régime de retraite des fonctionnaires, nous nous fondons, monsieur Hénart, sur la convention de calcul établie par le COR. Après avoir mesuré l’écart entre l’année 2000 et l’année 2010, qui est de 15 milliards d’euros, le Conseil a fait une projection jusqu’aux années 2020, estimant que le besoin de financement augmenterait de 5 milliards d’euros entre 2010 et 2020. Les mesures proposées par le projet de loi permettront de rétablir l’équilibre, puisque nous attendons, sur la base des mesures d’âge et des trois mesures ponctuelles, une économie de 4 milliards d’euros en 2018 et de 4,9 milliards d’euros en 2020.

En ce qui concerne la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le redressement est encore plus spectaculaire. Aujourd’hui, elle connaît un solde technique positif de 1,9 milliard d’euros, mais d’après les projections, ses résultats seraient déficitaires à partir de 2015, avec le départ en retraite des fonctionnaires transférés. Le déficit atteindrait même 1,3 milliard d’euros en 2020. Avec les mesures que nous proposons, ce solde resterait positif en 2020, avec un excédent de 2,6 milliards d’euros. Ainsi, non seulement nous gelons la contribution de l’État aux pensions de ses agents, mais nous faisons aussi tout ce qui est nécessaire pour renforcer le bilan de la CNRACL.

Nos propositions, monsieur Muzeau, s’inscrivent dans une recherche de l’équité, en particulier de celle réclamée par nos concitoyens entre le régime du public et le régime du privé. C’est pourquoi, au-delà des mesures d’âge, qui s’appliqueront de manière universelle – sauf pour les régimes spéciaux, qui ne seront concernés qu’à partir du 1er janvier 2017 –, nous avons prévu trois mesures : augmentation du taux de la cotisation salariale, extinction du dispositif de départ anticipé des parents de trois enfants ayant quinze ans de service, modification du minimum garanti.

Pour ce qui est du taux de cotisation, sa progression sera extrêmement lente : l’alignement se fera en dix ans, et il en résultera pour les agents une augmentation de 6 euros en moyenne de leur contribution. En outre, l’examen de la rémunération moyenne des personnes en place entre 2000 et 2010 montre que, quelles que soient les circonstances, cette augmentation sera rapidement absorbée par celle du pouvoir d’achat. En effet, entre 2000 et 2010, lors des trois années – 2000, 2004 et 2006 – où une augmentation du point d’indice égale à celle que nous avons décidée en 2010, soit 0,5, a été appliquée, on a observé une augmentation du pouvoir d’achat dans la fonction publique de respectivement 2,4 %, 1,8 % et 1,7 %. Même en retenant la seule année – 2003 – où il y a eu 0 % d’augmentation du point d’indice, on constaterait malgré tout une augmentation du pouvoir d’achat des fonctionnaires de l’ordre de 1,8 %. D’ailleurs, lors de nos discussions avec les organisations syndicales – qui, évidemment, n’étaient pas favorables à cette mesure –, nous avons posé cette question très simple : pour un montant de pension moyen à peu près similaire dans le public et dans le privé, existe-t-il une raison de maintenir un écart entre les coûts d’acquisition ? Nous sommes convenus que tel n’était pas le cas.

S’agissant du mécanisme de départ anticipé pour les fonctionnaires réunissant les deux conditions – quinze ans de services effectifs et parent de trois enfants –, je rappelle que nous laissons aux familles la possibilité d’en bénéficier jusqu’à la fin de l’année 2011. En outre, l’extinction du dispositif sera progressive : les personnes remplissant les conditions à la date du 1er janvier 2012 conserveront la possibilité de partir après quinze ans de service. Il ne s’agit donc pas d’une mesure particulièrement brutale.

Enfin, en ce qui concerne le minimum garanti, la réforme tend également à établir l’équité. À l’heure actuelle, en effet, les conditions d’obtention du minimum de pension sont très différentes dans le privé et dans le public : il faut le taux plein pour bénéficier du minimum contributif, mais pas pour obtenir le minimum garanti. Cependant, conformément à la promesse que nous avons faite, nous n’alignons pas le montant du minimum garanti sur celui du minimum contributif. Le dispositif reste donc, là encore, assez mesuré.

À partir du moment où nous sommes tous d’accord – je pense en effet que nous pourrions l’être – sur la nécessité de faire converger les régimes du secteur public et du secteur privé, les mesures que nous proposons apparaissent justes et sans excès. Si, cependant, elles vous apparaissent critiquables, monsieur Muzeau, je suis prêt à écouter les propositions que vous pourriez être conduit à faire pour aller vers cette convergence voulue par les Français. C’est justement l’un des sujets sur lesquels nous allons travailler pendant l’été.

On peut toujours penser, monsieur Préel, qu’une réforme systémique était possible, mais nous avons fait le choix d’une réforme paramétrique.

Vous avez évoqué l’harmonisation du calcul de la retraite entre le secteur privé et le secteur public et la prise en compte des primes. Les chiffres fournis par le COR montrent que la pension versée est approximativement du même montant, que son calcul soit effectué en prenant en compte les six derniers mois, comme dans la fonction publique, ou en retenant les vingt-cinq meilleures années, comme dans le privé. Si nous avions constaté des écarts très importants, nous aurions pu choisir la logique de l’alignement – même si les organisations syndicales nous ont signalé à plusieurs reprises qu’elles jugeaient une telle réforme difficile à accepter, car attentatoire au statut de la fonction publique et au code des pensions. Mais dans la mesure où les pensions sont comparables, nous n’avons pas jugé utile de lancer un chantier aussi vaste, d’autant – et vous le soulignez vous-même – que cela supposerait de modifier toutes les règles d’inclusion des primes dans l’assiette de la pension. Alors que la situation est déjà complexe – avec la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), une partie des primes représentant jusqu’à 20 % du traitement indiciaire est incluse dans le dispositif –, il aurait fallu adopter un mode de calcul radicalement différent.

Je rappelle, en outre, qu’il existe plus de 1 800 primes différentes dans la fonction publique de l’État, et que le système de primes est également extraordinairement complexe et divers dans la fonction publique territoriale. Nous souhaitons donc d’abord harmoniser le dispositif général des primes, notamment en introduisant la prime de fonction et de résultats. Celle-ci existe déjà, mais sera généralisée, suite à l’adoption de la loi du 5 juillet dernier relative à la rénovation du dialogue social, dans les filières sociales et techniques de la fonction publique, ainsi que dans la fonction publique territoriale et hospitalière.

Vous avez également suggéré la création d’une caisse de retraites des fonctionnaires. Permettez-moi de poser la question : qu’est-ce qui pourrait justifier une telle option ? En particulier, quel serait l’avantage d’une caisse de retraite par rapport au compte d’affectation spéciale existant ?

Sur le plan de la transparence, l’utilisation d’un compte d’affectation spéciale permet d’obtenir toutes les informations dont on a besoin. En particulier, elle met en exergue l’évolution de la contribution de l’État employeur, qui est aujourd’hui de 62,15 %. Elle permet également de connaître le montant des différentes contributions. Ainsi, l’État versera 35,2 milliards d’euros en 2010 pour équilibrer le régime des pensions. La contribution de 7,85 % versée par les fonctionnaires à leur régime de retraite rapporte 4,6 milliards d’euros ; celle des autres employeurs publics – La Poste et France Télécom –, 5,6 milliards d’euros ; et la compensation interrégime est de l’ordre de 1 milliard d’euros. La seule donnée qui pourrait manquer concerne les frais de gestion, mais ceux-ci sont indiqués dans les documents de la Direction générale des finances publiques. De plus, le compte général de l’État ne se contente pas d’estimer le montant des versements de l’année en cours, mais rend également compte de l’ensemble des droits déjà validés pour les fonctionnaires. En 2010, les engagements de l’État dans son bilan s’élèvent, comme vous le savez, à près de un milliard d’euros. Ainsi, nous pouvons penser qu’en matière d’information, une caisse de retraite n’apporterait rien de plus que le compte d’affectation spéciale.

Par ailleurs, une caisse de retraite serait dotée de la personnalité juridique et d’un conseil d’administration. Or, les organisations syndicales, avec lesquelles j’ai bien entendu ouvert la discussion à la demande d’Éric Woerth, ont prévenu que, dans le cas où une caisse de retraite autonome serait créée, elles ne souhaitaient pas y être directement présentes. Les représentants de l’État auraient donc été les seuls à siéger au conseil d’administration, ce qui serait apparu peu efficace. C’est un argument supplémentaire en faveur du maintien d’un compte d’affectation spéciale.

M. Arnaud Robinet. Je rends hommage à notre ministre pour la qualité de son projet de loi. N’en déplaise à l’opposition, il s’agit de la plus grande réforme des retraites que la France ait connue, et elle mérite donc autre chose que la caricature.

Cette réforme est juste et équitable, et porte une avancée sociale, la prise en compte de la pénibilité. Pourtant, le Parti socialiste s’oppose à cette mesure, de même qu’il s’était opposé, en 2003, au dispositif des carrières longues.

L’objectif est bien sûr de sauver le système par répartition. Or, dans la mesure où celui-ci repose essentiellement sur la démographie, il est naturel d’opter pour une solution démographique : le recul de 60 à 62 ans de l’âge de départ à la retraite.

Je rappelle, par ailleurs, à notre collègue Marisol Touraine qu’en France, le taux plein existe à 60 ans, et que deux tiers des Français en bénéficient avant 65 ans.

Vous avez déjà répondu, monsieur le ministre, à une partie des questions que je souhaitais vous poser, notamment sur les avancées possibles en matière de pénibilité ou sur les polypensionnés. Quel dispositif pourrait être créé concernant la retraite supplémentaire ? Comment rendre l’épargne retraite accessible à l’ensemble des salariés français ? Est-il possible de poursuivre la réflexion sur l’opportunité de réaliser une réforme systémique après 2018 ou 2020 ?

M. Christophe Sirugue. Une des appréciations essentielles que nous portons sur ce projet est son aspect injuste. J’en donnerai deux exemples, illustrant notamment les conséquences de votre projet sur les personnes en situation de précarité.

Les jeunes, tout d’abord. Comme vous le savez, l’entrée sur le marché du travail est particulièrement difficile en France où la stabilisation y est la plus longue : entre sept et dix ans. Selon un récent rapport, 60 % des jeunes de moins de trente ans ne disposent pas d’un emploi stable. On peut craindre pour eux que les mesures que vous proposez n’aient aucune incidence positive pour eux. En 2003, une réforme des retraites avait déjà eu lieu, qui devait résoudre tous les problèmes en échange des efforts consentis. Sept ans plus tard, cette promesse est remise en question. Les jeunes d’aujourd’hui devront-ils subir dans quelques années une nouvelle réforme destinée à répondre à leur situation ?

Une autre catégorie exposée est celle des chômeurs en fin de droits ou des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Ces personnes sont déjà fragilisées par la précarité et par un dispositif, le RSA, dont on peut d’ores et déjà constater le faible développement. Or, contrairement aux demandeurs d’emploi de longue durée bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), les demandeurs d’emploi en fin de droits qui bénéficiaient de l’aide exceptionnelle prévue dans le cadre du plan Rebond pour l’emploi ou du RSA n’acquièrent pas de trimestre validé d’assurance vieillesse pour l’assurance de base. Que prévoit votre projet de loi pour ces personnes, qui risquent de n’avoir que des miettes lorsqu’elles feront valoir leur droit à la retraite ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Je souris lorsque j’entends Marisol Touraine affirmer que les propositions des députés du groupe UMP sont en conformité avec celles du Gouvernement. Je n’ai pas entendu, au sein de l’opposition, d’autres propositions que celles provenant de la rue de Solferino !

Pendant l’intervention de mon collègue de l’UMP à l’instant, j’ai entendu certains dénoncer l’utilisation d’éléments de langage. Mais si un tel reproche peut être fait, il devrait plutôt s’appliquer à l’opposition qui ne cesse de marteler un seul et même argument – qu’elle ne va pas manquer de répéter pendant tout l’examen du projet de loi –, à savoir que la réforme des retraites serait injuste ! Or, cette réforme est juste parce qu’elle est équitable et, surtout, parce qu’elle garantit le grand principe de la solidarité intergénérationnelle. N’est-ce pas d’ailleurs justement cet élément qui gêne profondément l’opposition ?

Je remarque par ailleurs que, pour la première fois en France, on aborde la notion de pénibilité dans un texte de loi. Il est dommage qu’en son temps, l’opposition ne l’ait pas considérée comme une priorité ! C’est bien une majorité UMP qui va introduire la reconnaissance individuelle de la pénibilité.

Et de grâce, arrêtez de faire l’amalgame entre invalidité et incapacité permanente à un taux fixé par décret. Ce n’est pas la même chose ! Une incapacité de 20 %, par exemple, n’est pas une invalidité définitive et totale. Avec ce mauvais procès, vous prenez les Français en otage.

M. Jacques Domergue. Les Français ont compris que nous souhaitions réformer les retraites sur la base de l’équité. La réforme ne sera donc acceptée que si cette équité est incontestable.

De même, ils ont compris que la question démographique était au fondement de la réforme des retraites, dès lors que l’on ne veut pas toucher aux pensions ni au taux de cotisation.

Il existe deux points sur lesquels, en tant que parlementaires, nous serons conduits à garantir le mieux possible une certaine équité : les régimes spéciaux et la pénibilité.

La réforme des régimes spéciaux date de 2008 et, depuis, une crise est survenue. Même si une convergence est prévue à partir de 2017, les Français comprendraient mal qu’aucune modification de ces régimes ne soit prévue pour tenir compte des nouvelles circonstances. Le rôle du Parlement sera donc de veiller à ce que toutes les catégories de Français soient concernées par la réforme.

Concernant la pénibilité, mes propos risquent d’être un peu dissonants. Vous souhaitez, monsieur le ministre, que son évaluation se fasse sur des critères objectifs. Il serait, en effet, très difficile d’entrer dans le détail des différents métiers : quel Français, aujourd’hui, ne prétend pas que son métier est pénible ? Cependant, l’incapacité n’est pas le meilleur critère à retenir pour définir la pénibilité, sous peine de négociations difficiles avec la médecine du travail et des contentieux. Nous devons travailler à mettre l’équité au cœur de la réforme des retraites.

M. Michel Issindou. Monsieur le ministre, vous avez au moins évolué sur un point : vous avez enfin reconnu que les socialistes avaient des propositions à formuler. Cependant, si vous assumez votre projet avec force et conviction, vous répétez en boucle les mêmes arguments sans entendre les nôtres, que nous vous exposerons donc en commission, puis, à l’automne, dans l’hémicycle.

N’en déplaise à Marie-Christine Dalloz, je persiste à penser que votre projet est injuste. Ainsi, 85 % ou 90 % de son financement seront assurés par les salariés, alors que le projet socialiste prévoit de demander à ceux qui en ont les capacités de contribuer davantage. Vous prévoyez, certes, que 4,4 milliards d’euros, sur 45 ou 50 milliards, seront prélevés sur les riches, mais cela ne représente qu’une élévation d’un point du taux maximal – de 40 % à 41 % –, ce qui fait sourire. Vous auriez au moins pu augmenter de 5 ou 10 points : cela aurait fait des recettes supplémentaires.

Vous devriez cesser d’employer le terme de « pénibilité », car vous ne la prenez en compte que s’il y a invalidité – ce n’est, au fond, pour vous, qu’anticiper sur une retraite pénible ! Ce n’est pas sérieux.

Quant aux carrières longues, les salariés qui ont commencé à 14 ou 15 ans, que vous citez sans cesse, sont bien peu nombreux, car il y a déjà longtemps que l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans. Pensez plutôt à ceux qui commencent à 18 ans, et qui travailleront bien jusqu’à 62 ans.

Allez donc voir sur le terrain ce que c’est que des travaux pénibles
– comme je l’ai fait récemment en allant visiter une forge à Voiron, dans l’Isère. Pour les salariés concernés, le fait de partir à 60 ou à 62 ans fait une vraie différence, qui les inquiète même s’ils sont aujourd’hui en bonne santé.

À quoi bon, par ailleurs, repousser l’âge du taux plein à 67 ans si, comme vous l’affirmez, personne ne travaille jusqu’à cet âge ? Supprimez donc cette provocation supplémentaire et restez-en à 65 ans.

Enfin, votre réforme est inefficace, car elle sera à refaire en 2018, alors même qu’on nous avait promis que celle de 2003 vaudrait pour deux ou trois générations. Vous laissez à la CADES une charge de dette insupportable et vous avez ponctionné le Fonds de réserve pour les retraites, qui était destiné à passer la bosse de 2020 – mais vous semblez vous soucier bien peu de ce qu’il adviendra après 2018.

Votre projet suscite donc chez les Français une grande déception. Ils vous l’ont dit, mais vous ne l’entendez pas. Ils vous le rediront – peut-être encore plus fort – au mois de septembre et j’espère que vous les entendrez mieux.

M. Guy Malherbe. Le Médiateur de la République a récemment attiré l’attention sur trois mécanismes du système de retraite des fonctionnaires qui soulèvent des problèmes. Ces questions ont-elles été pris en compte dans le projet de loi ? Le cas échéant, des avancées seront-elles possibles lors du débat sur le texte ?

Tout d’abord, à la différence de ce qui a cours pour les autres régimes, la pension de réversion des veuves et veufs de fonctionnaires n’est pas répartie sur les autres ayants droit lors du décès du conjoint survivant, mais cette part est récupérée par l’État. Le médiateur propose de supprimer cette inégalité de traitement, dont rien ne justifie l’existence.

Par ailleurs, il semble que tous les fonctionnaires ne puissent pas bénéficier de la bonification d’un an accordée aux parents d’enfants nés avant le 1er janvier 2004 – c’est notamment le cas des hommes, des enseignantes ayant accouché durant les vacances d’été, qui n’ont donc pas pris de congé de maternité, et des mères adoptantes, qui ont eu un congé de deux mois ou d’une durée inférieure. Le médiateur propose de rétablir ce droit à bonification.

Enfin, la possibilité dont disposent les fonctionnaires à temps partiel de cotiser sur la base d’un temps plein, limitée à quatre trimestres pour l’ensemble de la carrière, est inférieure à celle dont disposent les salariés affiliés au régime général et laisse à la charge de l’agent 80 % des cotisations salariales. Le médiateur propose de supprimer cette limitation à quatre trimestres, sans modifier la charge financière.

M. Michel Heinrich. J’ai été surpris de l’agressivité de nos collègues de l’opposition et je regrette qu’ils n’aient pas davantage soutenu les mesures que nous avons prises en faveur, par exemple, des petites retraites, en revalorisant de 25 % le minimum vieillesse, ou pour revaloriser les pensions de réversion et les retraites agricoles.

Je tiens à saluer la qualité du projet de loi, qui sauvegarde réellement notre régime de retraite par répartition avec des mesures d’âge bien moins drastiques que dans la quasi-totalité des pays européens et avec l’attention portée à la pénibilité – progrès qui vient s’ajouter à la prise en compte également des carrières longues instaurée en 2003 et améliorée aujourd’hui par l’extension aux salariés qui débutent leur carrière à 17 ans. La notion de pénibilité obligera certainement les employeurs et les partenaires sociaux à mieux travailler, à mieux écouter et à mieux suivre le parcours professionnel des salariés dans l’entreprise. À cet égard, le carnet de santé est un bon dispositif de traçabilité. Il faudra améliorer l’organisation de la santé au travail. Nous formulerons des propositions en la matière et serons à l’écoute des vôtres.

Les convergences des régimes ne soulèvent guère de contestation. Pouvez-vous toutefois nous expliquer votre prudence quant au dispositif de réversion, que vous ne semblez pas avoir voulu modifier, alors qu’il existe de grandes différences en la matière entre le public et le privé ?

Enfin, n’eût-il pas été judicieux d’aligner les cotisations à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, qui ne représentent que 85 % du plafond pour le régime de base, sur le taux qui s’applique aux commerçants et artisans ? Du reste, les auditions auxquelles nous avons procédé semblent indiquer que les intéressés y seraient plutôt favorables.

Mme Martine Billard. Quand disposerons-nous du texte du projet de loi afin de pouvoir déposer des amendements avant l’examen du texte en commission mardi prochain ?

Par ailleurs, quand aura lieu le débat dans l’hémicycle ? En effet la date du 7 septembre a été annoncée, mais le Président de la République évoquait, hier, celle du 6 septembre.

M. le président Pierre Méhaignerie. Compte tenu des manifestations prévues le mardi 7 septembre, il serait peut-être préférable de commencer l’examen du texte le lundi 6 au soir, afin que le plus grand nombre possible d’entre nous soit présent. En outre, il faut que nous ayons le temps nécessaire pour la discussion générale. Nous en reparlerons.

Mme Martine Billard. Pour en revenir au projet de loi, la réforme, tout d’abord, n’est pas « juste ». Ainsi, le départ à 62 ans se traduira, pour ceux qui auront commencé à cotiser à 18 ans, par quarante-quatre années de cotisation. Du reste, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas reprocher à la gauche le fait que l’on travaillait plus longtemps quand elle était aux affaires et critiquer en même temps sa mesure d’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans...

J’observe que les convergences sont généralement défavorables. En termes d’équité, la question se pose depuis plusieurs années de l’égalité des droits des pacsés en matière de pension de réversion.

Je remarque, par ailleurs, que les 30 % des femmes, qui doivent déjà attendre l’âge de 65 ans pour liquider leur retraite, devront désormais cotiser jusqu’à 67 ans, ce qui dégradera encore leur situation.

En matière de pénibilité, il existait des dispositifs tels que la préretraite et les régimes spéciaux, sans parler de l’âge de départ alors fixé à 60 ans. Il n’est donc pas indifférent que vous tentiez de noyer le nombre de personnes concernées – moins de 1 % des salariés – dans les carrières longues. Pour ce qui est de la pénibilité, cette réforme n’est pas sérieuse. Je rappelle à ce propos que des critères avaient été actés par les organisations syndicales et patronales et qu’il ne restait plus qu’à s’accorder sur le mode de mise en œuvre – le MEDEF refusant la demande des syndicats d’une participation financière des entreprises et de négociations par branche visant à définir, à partir des critères fixés, les postes de travail ouvrant droit à un départ anticipé.

J’en viens à une question très précise : comme ceux qui, lors de la création du corps des professeurs des écoles, ont choisi de garder leur ancien statut d’instituteurs et institutrices, les professeurs des écoles issus de ce corps conservaient le droit de partir à la retraite à 55 ans s’ils avaient effectué 15 années de services actifs comme instituteur. Le projet de loi, qui fait passer de 15 à 17 le nombre d’années requises, remet-il en question le droit de ces fonctionnaires, qui ne sont plus en mesure d’effectuer deux années supplémentaires dans un corps qu’ils ont quitté ? La situation n’est pas claire et le rectorat a d’ailleurs indiqué aux instituteurs qu’ils devaient déposer dès maintenant leur dossier pour pouvoir bénéficier de ce droit. Pour éviter des problèmes sérieux à la rentrée scolaire, une annonce claire s’impose, comme cela a été le cas pour le report au 31 décembre de la date limite pour les mères de trois enfants.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur le ministre, vous remplacez la pénibilité par l’invalidité – c’est-à-dire par les dégâts qu’elle cause. Pourquoi ne pas utiliser les critères validés par les partenaires sociaux et les données fournies par la médecine du travail – qui permettent, en effet, pour de nombreux groupes professionnels, de connaître les risques et les taux d’accidents et de morbidité, ainsi que l’âge de survenue ? Pas un ministre – et, sans doute, pas un député – ne tiendrait deux heures sur un toit avec les couvreurs par les chaleurs que nous avons connues ces derniers jours. De même, on connaît les troubles qu’encourent par exemple les jockeys de Chantilly dont on sait bien qu’ils n’exerceront pas leur activité jusqu’à 65 ans. Pourquoi donc ne pas accepter, sur la base des risques connus, des critères de pénibilité, au lieu de ne tenir compte de cette dernière que lorsqu’elle a fait des dégâts et limite d’au moins 20 % les capacités de vie normale ?

M. le ministre. L’épargne retraite, évoquée par M. Arnaud Robinet, ne figure pas dans le texte, car celui-ci a pour objet de sauver les retraites par répartition. Nous étudierons, bien entendu, les amendements relatifs à cette question.

Monsieur Sirugue, pour ce qui est de la précarité, le texte prévoit la possibilité, pour les personnes inscrites au chômage et ne percevant pas ou n’ayant pas perçu d’indemnité, d’enregistrer six trimestres, au lieu de quatre aujourd’hui. De fait, les salariés acquièrent des droits à la retraite, et c’est du reste la raison pour laquelle ils ont le plus souvent, lorsqu’ils partent à 60 ans – et, a fortiori, à 62 ans – tous les trimestres nécessaires.

Madame Dalloz, merci de vos propos.

Monsieur Domergue, un travail considérable a été fait voilà deux ans sur les régimes spéciaux. Il faut respecter ce travail et greffer le calendrier de la réforme des retraites sur celui des mesures adoptées en 2007 et 2008.

Monsieur Issindou, le Gouvernement n’est pas moins déçu par le projet de la gauche que vous ne l’êtes par le sien. Votre projet est un projet fiscal, et non pas un projet de réforme des retraites.

Madame Delaunay, la pénibilité que retient le texte est la pénibilité constatée. Il est heureux qu’il n’y ait pas plus de 10 000 personnes présentant un taux d’invalidité de 20 % : cela signifie que les conditions de travail s’améliorent en France. Pourquoi ne pourrait-on pas travailler jusqu’à 62 ans en France, alors que l’on peut travailler au-delà de 60 ans dans la quasi-totalité des autres pays, y compris Nordiques ? Vous n’avez jamais répondu à cette question.

Monsieur Heinrich, il faut en effet parvenir à une convergence des régimes, mais nous avons considéré que cette convergence avait déjà bien avancé pour les fonctionnaires et qu’il n’était pas nécessaire d’aller au-delà dans le cadre de cette réforme. Quant à la réversion, il faudra en discuter.

Madame Billard, le PACS n’instaure pas de solidarité financière totale entre les parties. Or, la réversion relève de cette solidarité.

Pour ce qui est des instituteurs, nous avons déjà répondu : la durée de cotisation retenue reste de quinze ans. Ce point a été confirmé par les trois conseils supérieurs de la fonction publique.

M. le secrétaire d’État. Pour les régimes spéciaux, le passage de trente-sept années et demie à quarante années de cotisation est prévu pour 2012 et le passage à quarante et une années pour 2016. Nous sommes donc dans une logique de convergence progressive. Le texte doit s’appliquer, je le rappelle, à partir du 1er janvier 2017. La logique adoptée est également de ne pas réduire le montant des pensions.

Madame Billard, les trois conseils supérieurs, je le répète à mon tour, ont acté le dispositif évoqué.

Monsieur Malherbe, plusieurs des questions soulevées par le Médiateur de la République sont à l’examen. Pour ce qui est de la reliquidation des retraites aux veuves, je rappelle que le principe général qui s’applique aux retraites est celui de la non-reliquidation des pensions : lorsqu’une pension est liquidée, son montant n’est plus révocable.

Enfin, pour ce qui est des enfants nés avant le fait générateur, c’est l’arrêt de travail qui ouvre le droit à bonification. La question a été réglée pour les enfants nés après le 1er janvier 2004. Ce point n’avait pas été retenu dans le cadre de la réforme de 2003. Quant aux mères adoptives, qui ne se sont pas arrêtées de travailler, il ne s’agit pas de la récupération d’un préjudice, comme c’est le cas pour les mères non adoptives.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vos réponses ont été précises, concises et sereines. Je vous en remercie.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine le présent projet de loi au cours de ses première et deuxième séances du mardi 21 juillet 2010.

M. le président Pierre Méhaignerie. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais vous apporter quelques précisions avant que nous commencions la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

J’entends que l’on parle de « huis clos » à propos de l’examen des articles en commission. Comme la très justement rappelé ce matin Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances, l’examen des articles d’un projet de loi s’est toujours déroulé sans la presse. Il est apparu au bureau de notre commission qu’il était préférable, pour la qualité des débats et pour que nous puissions aller au fond des sujets en discussion, de continuer ainsi. Par ailleurs, le compte rendu de nos différentes séances sera, comme à l’accoutumée, mis en ligne très rapidement, et un point de presse, où les porte-parole de tous les groupes pourront s’exprimer, se tiendra à l’issue de chaque réunion. Enfin, le débat en séance publique permettra à la presse d’assister à un débat qui durera cinquante heures.

Je voudrais faire également le point sur les amendements dont nous aurons à discuter. Il a été déposé 490 amendements devant notre commission : 70 du rapporteur ; 2 du Gouvernement ; 5 de la Commission des finances pour le moment ; 9 de la Commission des lois ; 91 de l’UMP ; 148 du groupe SRC ; 124 du groupe GDR ; 34 du groupe Nouveau Centre.

Ayant procédé à l’examen de la recevabilité financière des amendements conformément à l’article 89 du Règlement, j’ai déclaré 71 d’entre eux irrecevables, dont 13 après avoir consulté le président de la Commission des finances. Ils se répartissent ainsi : 23 amendements de l’UMP, 19 du SRC, 16 du GDR et 13 du Nouveau Centre. Selon certains, il s’agirait là d’une lecture extrêmement stricte de l’article 40 qui aurait pour but d’empêcher le débat d’avoir lieu. C’est évidemment absurde, puisque je n’ai fait qu’appliquer la « jurisprudence » constante des présidents de la Commission des finances, Didier Migaud hier, Jérôme Cahuzac aujourd’hui. Je l’ai d’ailleurs consulté sur 15 amendements à propos desquels je m’interrogeais et j’ai suivi scrupuleusement son avis. Je rappelle qu’aucune majorité, qu’elle soit du centre, de gauche ou de droite n’a jamais proposé de supprimer l’article 40.

Par ailleurs, le groupe SRC n’a sans doute guère été surpris par cette application de l’article 40, puisqu’il avait par avance doublé la quasi-totalité des amendements déclarés irrecevables d’un amendement demandant un rapport au Gouvernement sur la mesure coûteuse qui était demandée.

Il nous reste donc 419 amendements à examiner. Mais auparavant, tous les commissaires n’ayant pu s’exprimer au cours de l’audition de MM. Woerth et Tron à laquelle nous avons procédé mardi dernier, nous ferons une discussion générale, dans laquelle je donnerais par priorité la parole à ceux qui ne l’ont pas eue alors.

Mme Marisol Touraine. Notre débat s’engage dans des conditions extrêmement défavorables, et nous dénonçons le traitement que vous réservez à la commission. Le dernier exemple, particulièrement choquant, est la quasi-conférence de presse que vous venez de tenir ici, alors que vous nous imposez le huis clos sous prétexte de respecter les travaux de la commission. Plus généralement, le climat politique actuel rend quasiment impossible toute discussion de fond.

Sur un projet que vous présentez comme l’un des plus importants du quinquennat, vous refusez toute confrontation démocratique de projets et d’idées, en rejetant la responsabilité de ce refus sur le Parti socialiste qui serait incapable d’avoir des idées. Mais, vous affirmez par ailleurs que nos propositions ne tiennent pas la route, puisqu’elles ne s’inscrivent pas dans l’épure du Gouvernement. La vérité, c’est que nous avons un véritable contreprojet à opposer au Gouvernement. Il est frappant de constater que les amendements, que vous avez retoqués sous le prétexte de l’article 40, portaient une alternative. On voit bien le sens qui se dégage de cette succession de refus : refus de la publicité des débats, refus de la transparence des projets, refus de la confrontation des projets et des idées, qui augurent bien mal de la suite de nos débats.

Vos refus sont d’autant plus préoccupants qu’ils ne vous empêchent pas de vous livrer à une véritable propagande en faveur de votre texte à coups de spot télévisuels et de communiqués dans la presse écrite. Outre qu’elle n’est qu’une succession de contrevérités – à vous en croire, il suffira d’avoir mal au dos pour invoquer la pénibilité, ou d’avoir commencé à travailler à dix-huit ans pour bénéficier du dispositif « carrières longues » – cette publicité pour une réforme qui n’est pas encore votée signifie que le débat parlementaire n’a aucun sens ni aucune utilité.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous interroger sur le statut de nos travaux. D’une part, l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi n’en a que le nom, au point que Jean-Marc Ayrault a saisi le Président de l’Assemblée de ce problème : elle ne comporte aucun élément nous permettant d’apprécier la portée financière et sociale de la réforme. D’autre part, le président du groupe UMP a déclaré, ce matin à France Inter, que son groupe déposerait ses principaux amendements dans l’hémicycle, les réunions de la commission n’ayant pas d’autre fonction que de « prendre la température » ! À quoi sert donc la commission, si nous ne pouvons pas y confronter nos projets ?

Enfin, monsieur le ministre, vous avez dit que vous seriez disposé à faire évoluer votre texte à la rentrée, notamment en ce qui concerne la pénibilité ou la prise en compte des polypensionnés – la dernière intervention du Président de la République ayant semblé fermer la porte en ce qui concerne les carrières longues – sans que la représentation nationale soit saisie de ces nouvelles propositions. Nous attendons des réponses sur tous ces points, et nous déterminerons notre attitude pour la suite en fonction de vos réponses.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous répondrai sur trois points, avec tout le respect que je vous dois. Vous ne pouvez pas nous accuser de refuser la confrontation des idées, alors que cela fait trois mois que nous travaillons et que 32 auditions d’une durée de 45 heures ont permis de poser toutes les questions. Pour ce qui me concerne, ces auditions m’ont permis de faire évoluer ma position sur plusieurs points.

Ensuite, tous les députés de quelque expérience savent que l’article 40 s’est toujours appliqué strictement, que les amendements déclarés irrecevables soient soutenus par des députés de l’opposition ou de la majorité. En l’espèce, l’application de l’article 40 a d’ailleurs fait tomber plus d’amendements de l’UMP que du groupe SRC. Mais les questions qu’ils soulèvent pourront être présentées dans le cadre de la discussion générale. Ils permettront de poser des jalons, notamment sur la pénibilité, à charge pour le Gouvernement de traduire nos propositions dans des amendements de son initiative.

Quant à la publicité de nos débats, la majorité des membres de la conférence des présidents, dont le président de la Commission des finances, a exprimé le souhait de ne pas modifier les conditions habituelles d’examen des amendements. Cependant, pour tenir compte de votre demande, nous avons décidé qu’une conférence de presse se tiendrait à l’issue de chacune de nos réunions. J’ai, en outre, demandé aux services que les comptes rendus de tous nos débats soient accessibles le plus rapidement possible.

Mme Marisol Touraine. Et sur la propagande ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Il ne m’appartient pas de répondre à ce sujet, l’exécutif étant un pouvoir distinct du législatif. Je voudrais simplement dire qu’il faut se garder de tout excès, d’un côté comme de l’autre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. L’étude d’impact a été validée par le Conseil d’État et largement inspirée par les travaux du Conseil d’orientation des retraites.

S’agissant de la publicité, il est normal que le Gouvernement fasse de la pédagogie sur un projet aussi important. Quant à son caractère mensonger, vous n’en avez donné aucun exemple précis.

Enfin, qu’un texte évolue après son dépôt ne contredit en rien les règles de la discussion parlementaire : le Gouvernement peut déposer des amendements à tout moment et l’examen en commission n’est pas l’aboutissement d’un texte. Nous comptons utiliser toutes les étapes de la discussion pour examiner une série de sujets très importants, qui faisaient encore la semaine dernière l’objet de concertations avec la plupart des organisations syndicales. Je suis prêt à faire évoluer le texte si cela apparaît nécessaire. Cela n’a rien de contraire à la pratique parlementaire.

Mme Valérie Rosso-Debord. Nous souhaitons, nous, un débat serein et de qualité, et nous attendons de nos partenaires de l’opposition qu’ils donnent une autre image de la politique. Nous pensons qu’ils ont, comme nous, beaucoup travaillé, et que, comme nous, ils attendent un échange avec le Gouvernement.

Quant à l’article 40, il est bon que son application donne lieu à une jurisprudence constante. Je rappelle que les questions abordées par les amendements tombés sous le coup de l’article 40 peuvent être discutées, ce dont nous ne nous priverons pas en ce qui nous concerne.

Retarder le débat par de vaines polémiques, comme vous le faites, ne peut que donner une image déplorable de notre commission.

M. Pascal Terrasse. Voilà un débat bien mal engagé. Vous répétez les erreurs commises lors des réformes de 1993 et de 2003. D’abord, monsieur le ministre, vous confondez négociation et concertation. Si une bonne réforme des retraites suppose la consultation des partenaires sociaux, elle implique aussi une part de négociation. Or, vous n’avez pas engagé la moindre négociation.

Ensuite, en confinant l’examen de ce texte au cœur de l’été, puis dans une session extraordinaire d’une dizaine de jours début septembre, vous refusez aux Français le débat sérieux et serein qu’ils attendent de nous. En 2003, la discussion avait duré trois mois, de mai à juillet.

D’autre part, on ne sait plus qui pilote la réforme, du ministre du travail, du Premier ministre, de l’Élysée, voire de Jean-François Copé, comme sa dernière intervention le laisse à penser.

Enfin, et cela traduit votre profonde méconnaissance de l’histoire sociale de notre pays, vous essayez de passer en force en faisant l’économie d’un accord a minima avec les partenaires sociaux. Vous ne pouvez pas sérieusement faire fi de l’opposition unanime du mouvement social à votre réforme, en dépit de tous vos efforts pour le diviser.

Ce que nous proposons, nous, c’est un véritable processus de réforme.

Il aurait tout d’abord fallu travailler à partir d’un diagnostic partagé, ce que ne constituent pas les travaux du COR, ne vous en déplaise, monsieur le ministre : il y a eu en réalité deux rapports. Si le premier, établissant diverses projections et abaques, a reçu l’approbation de tous les membres du COR, tel n’a pas été le cas pour le second, émanant du seul secrétariat général du conseil. Il eût fallu ensuite que la mission de dialogue aboutisse, ce qui n’est pas encore le cas. Enfin, il n’y a pas eu de négociation au vu d’un accord interpartenarial. Nous abordons donc le débat législatif sans que tout ce travail préliminaire ait été mené à bien.

Enfin, votre réforme est hémiplégique. L’hypothèse de départ a été qu’un problème démographique appelait une réponse démographique, ce qui est une erreur. Certains pays européens, comme l’Allemagne, ont réussi à réformer leur système de retraites dans le consensus entre formations politiques. Vous avez, hélas, exclu d’emblée toutes les propositions du Parti socialiste, pourtant toutes financées – à la différence des vôtres ! En 2003 M. François Fillon avait juré la main sur le cœur que sa réforme assurait l’équilibre financier jusqu’en 2020, à quoi, à l’époque porte-parole de mon groupe sur le dossier, j’avais répondu que non. Et il s’avère en effet aujourd’hui que dès 2011, tous nos régimes seront en déficit tendanciel.

M. Guy Lefrand. Ce projet de loi nous paraît dans l’ensemble satisfaisant. Les Français ont, dans leur grande majorité, pris conscience de la nécessité de cette réforme.

S’agissant de la pénibilité, vous avez indiqué, monsieur le ministre, lors de votre dernière audition en commission, que vous présenteriez ultérieurement un projet de loi relatif à la santé au travail. Il s’agit, en effet, d’un problème clé, notamment pour améliorer le taux d’emploi des seniors. Nous n’avons pas déposé pour l’instant d’amendements sur le sujet, nous réservant la possibilité de le faire en septembre. Dans cette perspective, nous aimerions connaître vos propositions en matière d’amélioration de la gouvernance au travail comme de la prise en charge des millions de Français qui ne bénéficient d’aucun suivi et pour lesquels il est difficile d’évaluer la pénibilité du travail – c’est le cas de nombreux fonctionnaires, de contractuels, des employés de maison des particuliers employeurs.

En ce qui concerne la convergence public-privé, nous soutenons vos propositions. L’âge légal de départ en retraite échappe toutefois à cette convergence. Nous avons déposé plusieurs amendements tendant à y remédier, car il y va de l’équité entre salariés. Nous regrettons vivement que ces amendements aient été repoussés au titre de l’article 40. En effet, pour la droite, un fonctionnaire qui travaille apporte une contribution utile à la société, alors que le président socialiste de la Commission des finances estime apparemment que les fonctionnaires sont d’abord des personnels qui coûtent. Nous sommes en total désaccord avec son interprétation de l’article 40. Quelles sont, monsieur le ministre, vos propositions pour améliorer la convergence entre public et privé ?

M. Christian Paul. Vous aurez compris, au vu des interventions de Marisol Touraine et de Pascal Terrasse, dans quel état d’esprit nous abordons ce débat. Nous n’entendons pas que « les affaires » parasitent le débat sur les retraites. Nous souhaitons que ce débat ait lieu, dans des conditions acceptables par la majorité comme par l’opposition.

Monsieur le président, vous qui avez la réputation d’être un républicain et un démocrate, cessez d’orchestrer la mascarade que constitue ce débat à huis clos. À votre argument selon lequel il n’y a pas de précédent, nous répondons qu’après la réforme constitutionnelle de 2008 et la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale qui s’en est suivie, nous sommes en train d’inventer une nouvelle pratique institutionnelle. Il est de votre responsabilité que sur un sujet aussi important – le texte le plus important de la législature, nous dit-on –, le débat soit accessible au plus grand nombre de nos concitoyens, notamment aux salariés et aux organisations syndicales. Il faudrait aussi tenir compte des évolutions technologiques. En ce moment même, dans cette salle, certains envoient des SMS, d’autres twittent, et il m’a même été dit que des téléphones étaient ouverts à l’intention de journalistes. Nous vous demandons solennellement, à défaut que nos travaux se poursuivent en présence de la presse, qu’ils soient retransmis sur LCP-AN. À cette condition seulement, nous aurons le sentiment que ce débat en commission n’aura pas été confisqué.

Je vous invite enfin à tirer au clair au sein de la majorité le statut réel du travail en commission. J’ai, moi aussi, entendu ce matin Jean-François Copé dire en gros qu’on se « fichait » de ces trois jours de débat en commission et que la majorité réservait ses amendements pour la rentrée…

M. le président Pierre Méhaignerie. Nul n’a parole d’Évangile.

M. Christian Paul.  Si ces travaux ont quelque sérieux, ils doivent être publics comme le sont ceux de l’hémicycle. Entendez-vous, oui ou non, monsieur le président, assurer la transparence et la publicité des travaux de la Commission des affaires sociales ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Le sujet a été débattu par le bureau de la commission et il a été décidé que nos travaux se dérouleraient hors la présence de la presse.

Mme Marisol Touraine. Nous demandons une suspension de séance.

M. le président Pierre Méhaignerie. Elle vous sera accordée après que tous les groupes se seront exprimés.

M. Bernard Perrut. Je souhaiterais, pour ma part, que, sur un sujet de société aussi important, nous puissions travailler sereinement et dépasser les clivages partisans. Je suis surpris qu’après toutes les auditions auxquelles notre commission a procédé dans la sérénité, la politique politicienne l’emporte de nouveau.

Cette réforme des retraites repose sur trois exigences. Responsabilité : il n’est pas envisageable de maintenir notre système de retraite par répartition sans allongement de la durée d’activité. Efficacité : il ne suffit pas de réduire les déficits, il faut garantir un retour durable à l’équilibre. Équité, sans laquelle cette réforme serait vouée à l’échec. C’est précisément dans un souci d’équité que ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront continuer de partir en retraite sans décote à 60 ans, voire avant, au titre des carrières longues, dispositif que notre majorité a fait voter en 2003. De même, pourront demain partir sans décote à 60 ans ceux que leur travail a prématurément usés : c’est là un droit social nouveau, rarement souligné. Il faudrait aller plus loin, et faire en sorte que travailler plus longtemps soit aussi l’occasion de travailler mieux. Nous devrions réfléchir ensemble à une politique active de prévention de la pénibilité. Nous attendons vos propositions, monsieur le ministre, en matière d’amélioration des conditions et relations de travail, ainsi que de réforme de la médecine du travail. Il faut que la pénibilité puisse être prise en compte à titre individuel.

L’équité passe aussi par une réelle convergence public-privé. Le projet de loi nous paraît encore timide à cet égard.

Il faut enfin que la réforme apparaisse juste à nos concitoyens. Outre que ses dispositions doivent s’appliquer à tous d’égale façon, dans des délais clairs, préalablement définis, il faut aussi que les hauts revenus soient mis à contribution, comme cela est d’ailleurs prévu avec le relèvement de 1% du taux marginal d’imposition pour la tranche la plus haute de l’impôt sur le revenu, l’augmentation des prélèvements sur les plus-values de cessions mobilières et immobilières, sur les stock-options et les retraites chapeaux.

Je souhaiterais qu’au cours d’un débat constructif, nous puissions nous retrouver autour de l’objectif qui nous est cher à tous de sauvegarder notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité inter-générationnelle. Plutôt que de polémiquer sur des sujets annexes, nous devrions être fiers d’apporter notre pierre à la réalisation de cet objectif.

Mme Martine Billard. Nul ne nie l’importance de cette réforme – il suffit d’écouter les Français parler dans la rue ou les transports en commun. Vous nous dites qu’elle est juste. Ce n’est pas ce que pensent ceux de nos concitoyens qui, ayant par exemple commencé à travailler à 18 ans, devront cotiser quarante-quatre ans avant de pouvoir prendre leur retraite. La justice eût été de ne pas toucher au départ à 60 ans pour ceux qui ont tous leurs trimestres.

De même, repousser de 65 à 67 ans l’âge de départ sans décote pour les personnes n’ayant pas leurs annuités pénalise considérablement les femmes. La justice aurait été, pour elles notamment, de modifier le mode de validation des trimestres cotisés. En effet, comme il faut avoir travaillé au moins 200 heures payées au SMIC pour valider un trimestre, les femmes qui travaillent à temps partiel ou très partiel, ce qui est fréquent dans le secteur des services à la personne, n’ont jamais quatre trimestres validés par an. Elles seront donc de plus en plus nombreuses à ne pouvoir jamais arriver à quarante et un ans et demi de cotisation – sans même parler de ce qui adviendra si vous allongez encore la durée de cotisation, à quoi le groupe GDR est résolument opposé. Elles n’auront d’autre choix que d’attendre 67 ans pour liquider leur retraite, en n’étant même pas sûres de trouver à s’employer jusque-là.

L’un de nos collègues nous invite à dépasser les clivages partisans. Mais, il est entre nous une divergence fondamentale, difficilement surmontable : c’est notre choix de société. Pour nous, la vie ne se résume pas au travail. Nous tenons pour un immense progrès social, par rapport aux siècles antérieurs, que les gens puissent aujourd’hui, durant un temps de leur vie, vivre décemment d’un revenu garanti par la société sans avoir à travailler – ce qui ne signifie d’ailleurs pas être inactif.

Les auditions auxquelles notre commission a procédé nous ont appris beaucoup de choses, par exemple que, contrairement à une idée reçue, les fonctionnaires sont loin d’être privilégiés en matière de retraite. À catégorie équivalente, leurs pensions sont de même niveau que celles des salariés du privé, voire inférieures. Mais, il est si facile de dresser les salariés les uns contre les autres ! L’équité, pour vous, ce n’est pas que les détenteurs des plus hauts revenus soient davantage mis à contribution, ou que les grands patrons soient plus solidaires des petits patrons, lesquels ne bénéficient ni de retraites chapeaux ni de parachutes dorés ! Vous ne recherchez jamais l’équité qu’au détriment de ceux qui, déjà, ont le moins.

J’en viens à l’organisation de nos travaux aujourd’hui. À défaut que les journalistes soient admis dans cette salle, il aurait été possible que nos débats soient retransmis sur LCP-AN – seule chaîne, soit dit au passage, à organiser de vrais débats politiques de qualité.

Pour le reste, il est étonnant d’entendre Jean-François Copé qui, que je sache, a défendu la réforme constitutionnelle de 2008 visant, entre autres, à revaloriser le travail des commissions parlementaires, déclarer que la réforme des retraites mérite d’être débattue avant tout dans l’hémicycle. Nous proposera-t-il prochainement une nouvelle réforme de la Constitution ? Où est la cohérence ?

Enfin, puisque vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il y aura peut-être des avancées fin août, après d’ultimes consultations, comment le fameux débat dans l’hémicycle pourrait-il débuter le 6 ou le 7 septembre ? Ce n’est pas sérieux. C’est pourquoi le groupe GDR demande le report de ce débat au moins au 14 septembre. Nous avons besoin de revoir les organisations syndicales, les associations familiales et d’autres acteurs, notamment sur les questions de pénibilité.

M. Francis Vercamer. Cette volonté permanente de repousser le débat, et partant la réforme, me surprend, vu l’importance du sujet pour nos concitoyens et l’impérieuse nécessité d’équilibrer nos régimes de retraite.

Je n’aborderai, pour ma part, que la question de la pénibilité. Sa prise en compte dans les régimes de retraite constitue une avancée indéniable. Je regrette néanmoins que des amendements sur le sujet ne puissent être adoptés en commission, au motif que des discussions se poursuivent parallèlement. Rien n’empêche, en effet, qu’un amendement voté en commission soit ensuite modifié en séance. Et cela permettrait quand même d’avancer.

Responsabilité, efficacité et justice sont les trois piliers de la réforme. La justice exige de prendre en compte la pénibilité du travail et la différence d’usure qui s’en suit pour les salariés. La pénibilité reste toutefois une notion assez subjective – et il est difficile d’évaluer ses aspects psychiques. Il faut également veiller à ce que sa prise en compte ne mette pas en péril l’équilibre de notre Sécurité sociale.

Nos amendements portent sur quatre points principaux. D’abord, une définition précise de la pénibilité, assise sur des bases juridiques stables. Puis, une approche globale de la pénibilité du travail incluant également la prévention, et pas seulement la réparation ou la compensation : nous formulerons des propositions de modification du code du travail en ce sens. Ensuite, une prise en compte de la pénibilité sur le long terme, en tenant compte de l’évolution des métiers et des expositions – les futurs travaux de l’Observatoire des pénibilités seront très utiles à cet égard. Enfin, une prise en compte de l’espérance de vie sans incapacité afin d’ouvrir la possibilité de départs anticipés dans les secteurs reconnus à haut risque de maladies professionnelles même si la maladie, notamment pour celles qui se déclarent de manière différée, n’est pas encore constatée. La question demeure ouverte de savoir si cela doit être financé par la solidarité nationale ou par les entreprises et les branches.

M. François Bayrou. Une remarque de forme d’abord. À quoi sert un débat en commission qui n’est pas public et où l’application de l’article 40 a rendu irrecevables quasiment tous les amendements ? Je me joindrai volontiers à la demande de certains de nos collègues que nos travaux soient au moins retransmis sur LCP-AN, de façon que ceux de nos concitoyens que cela intéresse puissent les suivre. Je ne crois pas au huis clos !

M. le président Pierre Méhaignerie. Un compte rendu très détaillé de nos débats est établi.

M. François Bayrou. Quel problème poserait alors une retransmission ?

M. le président Pierre Méhaignerie. La tradition !

M. François Bayrou. Je vous ai connu moins traditionaliste !

M. le président Pierre Méhaignerie. Le bureau de la commission a tranché.

M. François Bayrou. J’en viens au fond. La réforme doit-elle être d’ordre démographique ou pas ? Tous répondent oui, sauf le groupe de Martine Billard. Le Parti socialiste se prononce pour l’allongement de la durée de cotisation au-delà des 41,5 ans. Pour ma part, je pense que faire glisser l’âge de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans est inéluctable et juste. Agir sur la variable durée de cotisation créerait une discrimination à l’égard des personnes ayant fait des études longues ou qui ont « galéré » avant d’entrer dans la vie professionnelle. Je rappelle que la France est seule à agir sur les deux variables, la plupart des pays agissant uniquement sur l’âge de départ à la retraite. J’adhère donc, sur ce point, au texte du Gouvernement.

Néanmoins, j’éprouve trois inquiétudes.

D’abord, malgré les assurances données par le Gouvernement, ce texte n’est pas financé au-delà de 2013. Le Fonds de réserve pour les retraites ne suffira pas, car 32 milliards d’euros sont vite dépensés.

Ensuite, on ne peut limiter la pénibilité au handicap constaté avec une pension. Cela me semble inacceptable.

Enfin, il ne faut pas faire glisser l’âge légal de départ à la retraite sans décote de 65 à 67 ans. Je me battrai bec et ongles afin que les publics les plus faibles – les femmes ayant élevé des enfants, les personnes qui ont « galéré » pendant leur vie professionnelle et celles qui ont travaillé à l’étranger – ne subissent pas cette injustice. Selon la pyramide des départs à la retraite, que m’a communiquée la CNAV, les deux tiers des salariés partent à 60 ans, et ceux qui attendent 65 ans sont environ 3 %, dont la moitié au moins le font parce qu’ils ont atteint le nombre de trimestres nécessaires. Le public qui nous intéresse représentant donc un très petit pourcentage. Dès lors, je ne comprends pas comment le Gouvernement peut affirmer que le départ à 65 ans sans décote coûte 7 milliards d’euros. Il est de notre responsabilité de défendre ces personnes, d’autant plus qu’elles n’ont pas de porte-parole syndical.

Cela dit, je crains fort que l’équilibre de nos systèmes de retraite soit impossible dans le long terme. Il faudrait y réfléchir, comme certains courants politiques ont commencé à le faire. Pour ma part, je défends depuis longtemps l’idée d’un régime par points ou en comptes notionnels.

M. le ministre. Monsieur Terrasse, le Gouvernement a toujours été prêt à négocier, mais en considérant qu’il ne peut y avoir de réforme des retraites sans modification de l’âge de départ. Les partenaires sociaux n’ayant pas voulu discuter de ce point, le Gouvernement s’en est tenu à une concertation. Je relève cependant qu’en 2003, le temps accordé au débat sur les retraites avait été plus court que celui que nous avons consacré à la concertation ; et en 1993, il avait même été nettement plus court. En outre, nous ne sommes pas « au cœur de l’été », et c’est à la rentrée que le débat débutera dans l’hémicycle : les Français sont donc bien informés.

La médecine du travail, monsieur Lefrand, est une vraie question, mais elle ne peut faire l’objet d’une réforme complète dans le cadre de ce texte. Une telle réforme, à laquelle je suis favorable, nécessite un travail très approfondi avec les médecins du travail. Ce projet comporte néanmoins des éléments sur la pénibilité, sur lesquels nous sommes prêts à discuter.

Je remercie M. Bernard Perrut de noter que ce texte comporte beaucoup d’éléments d’équilibre et de justice et qu’aucune information mensongère n’a été diffusée dans les journaux.

Madame Billard, la solidarité de notre système de retraite est préservée, car le temps partiel peut compter en totalité dans l’obtention des trimestres. Avec un SMIC à mi-temps, on valide un temps complet. Il suffit de 200 heures au SMIC pour valider un trimestre.

Mme Martine Billard. Mais avec 180 heures, rien du tout !

M. le ministre. En outre, des trimestres sont délivrés gratuitement pour certaines situations. Vous avez raison : la vie ne se résume pas à travailler. Mais les personnes qui prendront leur retraite à 62 ans en 2018 passeront trois à quatre ans de plus à la retraite – en bonne santé – que celles qui l’ont prise à 60 ans dans les années 1980.

Par ailleurs, le Gouvernement peut a tout moment déposer des amendements. Il le fera au mois de septembre.

Monsieur Vercamer, la définition précise de la pénibilité est très complexe. Nous avons proposé une approche non seulement globale, mais juste. Chacun a sa propre définition, mais considérer que tout travail est pénible impliquerait de maintenir le départ à la retraite à 60 ans !

Il faut essayer de mesurer la pénibilité pour éviter des injustices. Le texte a le mérite de se baser sur des critères reconnus. Certes, il n’est pas complet, ne traitant pas, vous avez raison, des effets différés. Nous devrons aborder cette question, mais aucun pays n’a intégré dans son système de retraite ou d’invalidité les effets différés, car cela est difficile à mesurer.

Monsieur Bayrou, même si cela est impopulaire, la réforme doit être démographique. La majorité et le Gouvernement l’assument.

Cette réforme ne résout évidemment pas tout. En 2018, 50 % du montant nécessaire seront financés. Comment les 50 autres le seront-ils ? Depuis 2000, l’État contribue aux retraites des fonctionnaires, à hauteur de 15,6 milliards d’euros supplémentaires. Cette contribution devrait atteindre 22 ou 23 milliards en 2024. L’objectif du Gouvernement est de geler ces 15,6 milliards sur une période de dix ans, ce qui représente un effort exceptionnel. Ensuite, un transfert de cotisations sera opéré des régimes de chômage vers la CNAV. Cela avait été prévu dans la réforme Fillon de 2003, mais la crise a dégradé les régimes d’assurance chômage. Dans les perspectives du COR, nous retrouvons néanmoins cette marge : les régimes d’assurance chômage dégageront des excédents à partir de 2015 : cela représente 3 % des besoins de financement.

Par ailleurs, l’augmentation des cotisations des fonctionnaires sur dix ans apportera 4 milliards d’euros.

Ainsi, le solde après réforme se traduira par une couverture du besoin à 100 %.

Avant 2018, nous ferons appel au Fonds de réserve pour les retraites. Le Gouvernement et la majorité considèrent que c’est normal, car nous avons aujourd’hui besoin de cette réserve.

M. Pascal Terrasse. Merci Jospin !

M. le ministre. La gauche avait préféré un fonds de réserve à une réforme. Cela dit, il faut bien que ce fonds serve : s’il était utilisé sans réforme, ce serait anormal mais tel n’est pas le cas !

Sur la pénibilité, je ne partage pas votre approche. On aurait pu continuer à vivre sur les régimes d’invalidité qui existent, mais le Gouvernement a décidé de permettre aux gens ayant un taux d’incapacité de 20 % de partir avec une retraite complète. C’est une pénibilité constatée. Pour ce qui n’a pas été constaté, c’est très compliqué à mesurer : il faut traiter la question des effets différés avec raison et justice, sinon le dispositif sera vidé de son contenu.

Le report à 67 ans nous semble très important, car cela représente 7 milliards d’euros en 2025, soit un tiers des économies procurées par les mesures d’âge : 18 % des gens partent à la retraite à 65 ans – dont 60 % de femmes et 40 % d’hommes. En fait, la plupart des personnes ne travaillent plus au moment de solder leur pension.

Quant aux femmes qui ont cessé de travailler pour élever leurs enfants, elles bénéficient de trimestres gratuits par le biais des majorations de durée d’assurance : deux ans par enfant, prise en charge par l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et des congés parentaux jusqu’à trois ans. Certes, ces mères de famille auront une pension inférieure à celles de femmes dont la carrière est plus longue. Le problème n’est donc pas dans ce cas le nombre de trimestres, mais le niveau de la pension.

M. François Bayrou. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas prétendre rechercher, en même temps, la justice et le financement de la réforme des retraites par les plus faibles, les plus fragiles et les plus basses pensions ! Cela est choquant !

En vérité, vous spéculez sur l’absence de réaction de ces publics qui ne sont pas représentés et qui vivent avec les revenus de leur conjoint lorsqu’ils en ont un.

M. le ministre. La CNAV a réalisé une photographie de ce public qui part à 65 ans : il n’a pas nécessairement de problèmes financiers, car il a moins accès au minimum vieillesse que celui parti avant, et n’est pas plus faible qu’un autre, bien au contraire.

En outre, entre 30 % et 40 % sont des étrangers venus travailler en France pendant peu de temps et qui attendent l’âge de 65 ans pour bénéficier d’un taux plein. Il est logique d’avoir une retraite inférieure lorsqu’on n’a pas beaucoup travaillé. Des dispositifs de solidarité compensent cela dans un certain nombre de situations.

M. le président Pierre Méhaignerie. Sans oublier qu’il y a le minimum vieillesse !

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Deux questions seulement ont porté sur la fonction publique. S’agissant de la convergence tout d’abord, elle concerne aussi les mesures d’âge : selon le principe d’universalité que nous suivons, ces mesures sont appliquées à la fonction publique dans toutes ses catégories, sans exception. Je pense que la question portait plutôt sur le fait que la réforme ne s’applique pas dès aujourd’hui aux régimes spéciaux. Mais, je rappelle qu’une réforme, votée en 2008, est en train de monter en puissance, qui rassemblait tous les paramètres de la réforme de la fonction publique de 2003 – allongement des cotisations de trente-sept années et demi à quarante, alignement sur les prix, décote et surcote – ainsi que des dispositifs particuliers liés à la suppression des bonifications. Nous avons fait en sorte que les dispositifs soient équivalents. La fonction publique est touchée de la même façon, pour des rendements de l’ordre de 3 milliards d’euros en 2018 pour ce qui est des mesures d’âge. Nous avons à peu près réussi à éviter de cumuler la réforme de 2010 et la montée en charge de la réforme de 2008, tout en prenant des mesures complémentaires.

Ainsi que l’a dit Mme Billard, les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés. C’est le paramètre de base que nous déclinons depuis le début ! Nous savons tous que le niveau des pensions est à peu près équivalent entre public et privé. C’est pourquoi nous n’envisageons pas de réformer le dispositif des six derniers mois au regard des vingt-cinq meilleures années. En revanche, et au-delà des mesures d’âge, il est des dispositifs qui ne semblent pas justifiés par les spécificités de la fonction publique. Ainsi, les taux de cotisation y sont de deux points et demi à trois points inférieurs : à pension égale, le coût de la retraite aura été supérieur d’un petit tiers dans le privé. Nous avons donc prévu une augmentation progressive des cotisations, de six euros par an en moyenne pendant dix ans. Cette augmentation sera absorbée dans le cadre de l’augmentation de la rémunération moyenne des personnes en place dans la fonction publique.

Par ailleurs, le dispositif « quinze ans trois enfants » a fait l’objet de critiques récurrentes du COR et de la Commission européenne. Il était jusqu’à présent largement utilisé – à 90 % par des femmes – comme un dispositif de préretraite, avec un âge moyen de départ de 52 ou 53 ans. Ce dispositif, qui date de 1924, était donc détourné. Surtout, il était profondément inégalitaire, puisque ce n’étaient pas les règles générationnelles issues de la loi de 2003 qui étaient appliquées, mais les règles précédentes. Bref, il était à la fois anticonstitutionnel et contraire au droit européen.

Je ne prétends pas que ce que nous avons élaboré soit parfait. Mais tout le monde considère que l’équité passe aussi par la convergence entre le public et le privé, même les organisations syndicales – la CFDT, à son congrès de Tours, s’y est dite favorable à 80 %. Si vous présentez des mesures pouvant aller dans ce sens, je vous écouterai avec la plus grande attention. Mais pour l’instant, il n’y a pas d’autre proposition que celles du Gouvernement et de la majorité.

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 45.

Mme Marisol Touraine. J’ai été plus qu’étonnée d’entendre notre collègue Valérie Rosso-Debord expliquer à la presse, à l’extérieur de cette salle, que le débat était entravé par les socialistes, qui employaient des manœuvres dilatoires pour empêcher de passer à l’examen des amendements. Notre collègue ignore-t-elle qu’il y a une discussion générale avant l’examen des amendements ?

M. Jean-Luc Préel. La réforme des retraites est indispensable, et urgente. Il y a déjà eu deux discussions générales à l’occasion des auditions des ministres et nous aurions pu faire l’économie de celle de cet après-midi. Certaines réflexions ne visent d’ailleurs qu’à polluer le débat.

La position du Nouveau centre a toujours été claire : une réforme des retraites est indispensable pour sauvegarder le système par répartition et assurer l’équité. De notre point de vue, le projet du Gouvernement ne va pas assez loin. Nous souhaitons un régime identique pour tous, par points ou en comptes notionnels, et donc l’extinction des régimes spéciaux. En attendant, j’espère que nous progresserons sur la pénibilité et l’emploi des seniors.

M. Jean Leonetti. Le groupe UMP, fort de ses convictions, est prêt à présenter ses propositions en matière d’équité et de pénibilité. Nous sommes parfaitement sereins et toujours ouverts à la discussion. J’espère que nos collègues socialistes feront preuve du même sens de l’écoute.

M. Gaëtan Gorce. Un point sur la forme d’abord : la méthode que vous employez n’est manifestement pas à la hauteur de l’enjeu. Nous parlons de la retraite de quinze millions de Français, bientôt vingt. Or, la modification en profondeur du quotidien d’un gros tiers de nos concitoyens n’a pas donné lieu à concertation avec les partenaires sociaux – car on ne peut appeler concertation le fait de rencontrer les organisations syndicales une fois, ou peut-être deux, sans leur donner de détail sur les changements envisagés.

M. le ministre. C’est faux. Vous dites un mensonge.

M. Gaëtan Gorce. Vous gagneriez, dans la situation actuelle, à éviter certains mots.

L’opposition n’a pas été associée non plus à l’élaboration du texte. On aurait pu imaginer, dans une démocratie sereine, que le Premier ministre ou le Président de la République veuillent discuter avec elle du moyen de garantir l’avenir des retraites et de bâtir un régime stable et consensuel, afin d’éviter d’en faire un sujet de polémique constant. Cela n’a malheureusement pas été le cas, à la différence de la plupart des grands pays européens.

Le Gouvernement ne dispose pas de la confiance et de la crédibilité nécessaires – et je ne fais aucunement allusion au climat politique actuel – pour mener à bien une telle réforme. Car, ainsi que l’a rappelé Pascal Terrasse, on nous a déjà fait le coup à plusieurs reprises. La réforme de 1993 était censée apporter une réponse à la question des retraites – et tout le monde sait à quoi s’en tenir sur la concertation qui avait prévalu à l’époque. En 2003 aussi, M. François Fillon a prétendu régler la question, allant jusqu’à suggérer que s’il ne devait rester qu’une chose du mandat de Jacques Chirac, ce serait cette réforme.

Mais ce qui reste aujourd’hui sur les bras des Français, après les réformes de 2003 et de 2008, c’est un déficit croissant du régime de retraite. Malgré tous vos engagements, vous n’avez apporté aucune réponse, et ce sont eux qui en payent le prix : accroissement du déficit, baisse du niveau des pensions, augmentation du nombre des Français au minimum contributif, difficultés croissantes pour les femmes et tous ceux qui ont eu une carrière cabossée. Devant une telle réalité, comment vous croire ? D’autant que le comité de pilotage, prévu à l’article 1er, semble appelé à prendre assez vite les mesures d’ajustement que vous n’avez pas fait figurer dans le texte, puisque vous ne réalisez pas l’équilibre financier. La création de ce comité de pilotage, qui cohabitera on ne sait comment avec le COR, montre que vous n’avez pas réglé la question et que vous savez qu’elle va revenir sur le tapis. Tout ce qui vous importe, c’est de remporter une victoire politique – de faire passer le message que vous aurez réformé les retraites, même si ce n’est pas vrai, alors que l’opposition n’en serait pas capable.

Il faut sortir de ce schéma. Pour cela, vous devez accepter que le débat ait lieu au fond et que l’ensemble des propositions, y compris celles du Parti socialiste qui ont un impact financier, puissent être discutées. Nous devons pouvoir aborder des questions de fond comme le début de carrière des jeunes, qui est un enjeu considérable, alors que les amendements qui y ont trait ont été repoussés.

Nous devons aussi pouvoir discuter tranquillement des enjeux démographiques. Vous vous justifiez souvent en invoquant l’exemple des Allemands ou des Espagnols – gouvernés par des socialistes que vous passez votre temps à encenser, comme tous les socialistes du moment qu’ils ne sont pas français – alors que notre taux de fécondité est de l’ordre de deux enfants par femme, contre 1,3 et 1,4 en Espagne et en Allemagne ! Notre problème démographique ne se pose donc pas avec la même gravité. Les comparaisons que vous faites ne sont qu’une facilité rhétorique.

Je demande donc qu’on nous donne le temps nécessaire pour aborder les questions de fond – le temps d’un vrai débat en commission, ouvert à la presse, pour pouvoir informer les Français, même si nous sommes dans la deuxième quinzaine de juillet, et le temps d’un vrai débat en séance publique. Vous avez déclaré l’urgence sur un tel dossier ! Comment dès lors délibérer de manière sereine de l’ensemble des propositions qui seront faites, y compris au Sénat, sachant que les amendements que le Gouvernement a annoncés pourraient arriver à la fin de l’été ? Ce n’est pas une réforme des retraites, c’est un coup politique. Nous n’avons aucune raison de nous y associer.

M. Yves Bur. Cette séance de travail se déroule de façon parfaitement normale. La seule chose anormale, c’est la présence du président du groupe socialiste, que je n’ai jamais vu participer à une seule séance de notre commission depuis quinze ans que j’y siège. Réclamer la levée du huis clos, c’est demander une exception qui n’a pas lieu d’être.

Le service des pensions doit être une dépense courante, qui n’a pas vocation à être payée par la dette. Il était donc plus que temps de compléter les réformes que nous avons déjà menées – et que l’opposition avait toujours évitées – par une étape bâtie à l’horizon 2020. Dans le contexte d’assainissement des finances publiques de l’ensemble des pays européens, il n’était que temps de s’attaquer aux déficits structurels tels que le financement des retraites publiques et privées. En mettant fin à la fuite en avant, au financement par la dette, cette réforme est un acte moral. Elle constitue un signal d’espoir pour les jeunes, qui n’ont pas vocation à être les payeurs de notre irresponsabilité.

Ce qui pénalise les générations futures, c’est le statu quo, autrement dit l’immobilisme qui a servi de politique à la gauche française. Il y a quinze jours, nous avons rencontré la présidente socialiste de la Commission du budget du Bundestag, qui nous a dit que son groupe n’avait pas l’intention de revenir sur le report progressif de l’âge de la retraite à 67 ans d’ici 2029, qu’il avait soutenue il y a deux ans alors qu’il faisait partie de la grande coalition. Gaëtan Gorce a remarqué que nous prenions parfois pour exemple des socialistes étrangers. Il se trouve qu’ils sont parfois plus à droite que l’UMP elle-même !

Nous avons un devoir vis-à-vis des générations futures. Nous sommes prêts à l’assumer, avec toutes les difficultés que cela comporte. Le pire que nous puissions faire pour elles, c’est de nous aligner sur vos positions et de refuser la réalité – de refuser les réformes que tous les pays du monde ont menées pour défendre leur système de solidarité. Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités, et ce ne sont pas des manœuvres de procédure qui nous empêcheront de mener à bien cette réforme.

M. Jean Mallot. Peut-être Yves Bur devrait-il être rappelé à l’ordre. Qualifier d’anormale la présence du président du groupe socialiste aujourd’hui est absolument inacceptable et mériterait des excuses de sa part.

M. Yves Bur. Disons « exceptionnelle ».

M. Jean Mallot. Par ailleurs, si nous ne pouvons pas examiner les amendements dès cet après-midi, c’est aussi parce qu’il faut attendre les amendements de la Commission des finances saisie pour avis.

Je regrette que l’UMP s’emploie à chercher l’incident à tout bout de champ, car le débat que nous menons est riche et intéressant, et aussi important pour la vie politique de notre pays que pour celle de nos concitoyens. Tenir cette réunion de travail législatif à huis clos est d’ailleurs sans doute anticonstitutionnel. L’article 33 de la Constitution dispose, en effet, que les séances de l’Assemblée nationale sont publiques. Or, depuis la révision constitutionnelle d’août 2008, l’on discute dans l’hémicycle des textes élaborés en commission. Par conséquent, le travail législatif s’effectue désormais aussi en commission, laquelle devrait donc être publique. Je ne serais pas surpris que le Conseil constitutionnel déclare bientôt de tels procédés inconstitutionnels, à propos par exemple d’une partie de texte qui aurait été adoptée par amendement dans une commission à huis clos et qui n’aurait pas été rediscutée dans l’hémicycle. Le temps nous le dira.

Je voudrais revenir enfin sur la campagne de publicité qu’a évoquée Marisol Touraine. Celle-ci a coûté entre 7 et 8 millions d’euros, même si les estimations varient. Son contenu ne s’appuie ni sur l’avant-projet de loi dont nous avons débattu ni sur le présent projet, mais sur les travaux préparatoires qui les ont précédés, avant que la discussion publique ait lieu, que le droit d’amendement s’exerce et qu’on puisse présenter un texte résultant du vote du Parlement. Il s’agit donc d’un acte de mépris à l’égard de celui-ci.

Pour appuyer mon argumentation, je reviendrai sur les trois périodes qui se sont succédé depuis 2007.

De lois de financement de la sécurité sociale en lois de financement de la sécurité sociale, nous avons d’abord vu le Gouvernement repousser les échéances et rejeter nos amendements, alors même que nous formulions des propositions de nature à résoudre les problèmes de déficit de la Sécurité sociale en général et des régimes de retraite en particulier. J’en présenterai quatre illustrations.

Selon l’article 12 de la loi du 21 août 2003, les partenaires sociaux devaient se concerter pour prendre en compte la pénibilité du travail dans les régimes de retraite. En cas d’échec de ces négociations, le Gouvernement devait soumettre des propositions au Parlement – la différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre supérieur est de sept ans, et c’est donc, et à juste titre, une question très importante pour nos concitoyens. La notion de pénibilité est à peu près la seule qui soit indiscutable pour opérer une discrimination relative à l’âge du départ en retraite. Les partenaires sociaux ont longuement discuté et se sont accordés sur la définition des trois critères de pénibilité qui ont été rappelés et sur lesquels nous présenterons des amendements. Mais ils n’ont pas abouti sur les conclusions à en tirer pour leur application. Le MEDEF aurait voulu une application individualisée, « sur mesure », les syndicats de salariés demandant de leur côté, et avec raison, que les critères de pénibilité permettent un départ en retraite plus précoce. Les représentants du patronat suggéraient que les personnes ayant occupé des emplois pénibles soient, en fin de carrière, employées à temps partiel – comme si l’on mourait à temps partiel ! La négociation sociale n’ayant donc pas abouti, le Gouvernement n’a pas, pour autant, pris ses responsabilités en proposant un mécanisme de prise en compte de la pénibilité dans les régimes de retraite.

Le débat sur l’âge légal de départ en retraite, pour sa part, se poursuit depuis 2007. Le 22 janvier 2007, le futur président Sarkozy déclarait au journal Le Monde que devait demeurer le droit à la retraite à 60 ans. Le 27 mai 2008, sur RTL, en réaction à une proposition de Mme Laurence Parisot d’élever l’âge de la retraite à 63,5 ans, il considérait que, n’ayant pas pris un tel engagement devant les Français, il n’avait pas mandat pour le faire. Je ne m’étendrai pas davantage sur ses propos... Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, à laquelle participaient notre Rapporteur, Denis Jacquat, et M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, le premier indiquait qu’avant de reculer l’âge de la retraite, encore fallait-il que les Français pussent travailler au moins jusqu’à 60 ans. Pourquoi a-t-il changé d’avis ?

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, M. Xavier Bertrand, répondant aux deux amendements défendus par Yves Bur et par Dominique Tian, qui proposaient de relever progressivement l’âge légal de départ en retraite, faisait valoir que repousser celui-ci sans changer les comportements en matière d’emploi des seniors, afin de faire coïncider l’âge légal et l’âge réel de départ en retraite, diminuerait mathématiquement le montant des pensions. « Êtes-vous prêt à l’assumer ? » demandait-il alors à Yves Bur qui, bien sûr, retira son amendement.

Puisque votre étude d’impact, monsieur le ministre, indique que « les mesures adoptées ne remettent pas en cause le pouvoir d’achat des retraités, actuels et futurs, et que l’équilibre financier ne se fera pas à travers une diminution du montant des pensions », l’UMP devra expliquer pourquoi elle a changé d’avis.

On évoque par ailleurs les déficits des régimes de retraite, notamment du régime général, mais où se situe la surprise ? Dans la loi de financement pour 2010, que vous avez votée, le déficit dépasse les 30 milliards d’euros chaque année, dont 12 à 16 milliards pour la vieillesse. Vous n’avez même pas, contrairement aux années précédentes, indiqué qu’on essaierait de s’orienter à terme vers l’équilibre.

Il est souvent dit, à tort que, les socialistes n’ont pas, durant la législature, formulé de propositions pour améliorer la situation des retraités de ce pays. Or, à titre d’exemple, une proposition de loi relative à l’extension du régime de retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aides familiaux de l’agriculture fut discutée et rejetée le 26 janvier dernier au scrutin public par la majorité UMP.

Dans une deuxième période – après le report des échéances de lois de financement de la sécurité sociale en lois de financement de la sécurité sociale –, le Gouvernement a manipulé l’opinion en instrumentalisant le COR. On a demandé à celui-ci de procéder à des simulations à l’horizon 2050. Il a alors dépeint une situation catastrophique montrant que les mesures d’âge ne suffiraient pas, même si le problème est démographique. Cela m’a rappelé le rapport du Club de Rome qui, en 1972, annonçait la fin du monde. Car, lorsqu’on prolonge les courbes, on aboutit forcément à une catastrophe.

Le COR estimait le besoin financier des régimes de retraite à 45 milliards d’euros pour 2025. Nous ne pouvions donc échapper à la remise en cause de la retraite à 60 ans. Cela relève d’une méthode de communication bien connue, que le directeur du Service d’information du Gouvernement applique régulièrement, comme il l’a fait pour la grippe A, et qui consiste à maximiser la crise pour mieux piloter ensuite les choses en manipulant tout le monde.

L’exposé des motifs du projet de loi indique, ce qui est exact, que depuis 1982, l’espérance de vie a augmenté de 6,3 ans. À cette époque, la durée de cotisation était de 150 trimestres, elle est aujourd’hui de 162. Or douze trimestres équivalent à trois ans, soit près de la moitié de l’augmentation de l’espérance de vie. Une partie du problème démographique a donc déjà été résolue.

Vous nous parlez de l’espérance de vie à la naissance et à 60 ans, mais vous ne nous parlez jamais de l’espérance de vie en bonne santé. Elle est de 61,3 ans pour un homme et de 62,4 ans pour une femme. Cela signifie que lorsque l’âge légal de la retraite sera porté à 62 ans, la moitié de la population partira en retraite malade !

Avec la troisième période, le masque tombe. Après avoir évoqué les échéances de 2025 et de 2050, le Gouvernement présente un projet de loi dont l’échéance se situe en 2018. Depuis des années, il a laissé filer les déficits, quand il ne les a pas creusés lui-même. Sous la pression des marchés financiers, il estime maintenant qu’il faut redresser la barre. Il n’a pas supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), il l’a seulement contourné par le bouclier fiscal, dont nous mesurons chaque jour la véritable nature. Il n’a pas aboli les 35 heures, il s’est contenté de les amodier, notamment par des mécanismes d’heures supplémentaires défiscalisées. Mais, comme il lui faut donner des gages au MEDEF et aux marchés financiers, il va défaire la retraite à 60 ans.

Pour combler le déficit à court terme, le Gouvernement choisit de mettre la main sur le Fonds de réserve pour les retraites à hauteur de 34 milliards d’euros. Il s’agit là d’un détournement, qui nous démunit devant la bosse démographique de 2020. Or, nous avions formulé des propositions afin d’abonder ce fonds, en prélevant quinze points supplémentaires sur l’impôt sur les sociétés versé par les banques.

Pour autant, le plan du Gouvernement n’est pas financé. Il manque encore 15,6 milliards d’euros par an.

Pour dégager des recettes, le Gouvernement utilise la technique du pâté d’alouette – double en l’occurrence – et de cheval. Afin de compenser les besoins financiers des régimes de retraite, il déplace les bornes d’âge et va chercher quelques ressources du côté des revenus du capital. Mais, 90 % de la charge pèsera sur le cheval, c’est-à-dire sur les travailleurs salariés et non salariés ; les 10 % restant pèseront sur l’alouette, c’est-à-dire sur les revenus du capital – au sein desquels on retrouve un autre pâté d’alouette, avec une augmentation, de 40 à 41 %, de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, ce qui rapportera moins de 300 millions d’euros. Et pour accroître encore les ressources, le Gouvernement propose de modifier le mode de calcul des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires sur une base annuelle et non pas mensuelle, ce qui produira environ 2 milliards d’euros. Or, nous avions proposé cette mesure l’an dernier par un amendement n° 251 au projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous avez rejeté ! Il s’agissait de faire respecter le dispositif d’exonération selon son principe de départ et que les entreprises ont contourné dans la pratique. Cette disposition devait rapporter 2 à 3 milliards d’euros.

Au bout du compte, le projet de loi prétend traiter de l’alignement des régimes de retraite du secteur public et du secteur privé. En réalité, il aboutit à une baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires – nous le démontrerons. Nous sommes en face d’un projet tronqué, ce qui correspond d’ailleurs aux habitudes du Gouvernement. M. Xavier Bertrand ne nous avait-il pas ainsi parlé de « flexisécurité » ? Or, si les dispositions relatives à la flexibilité sont intervenues, celles sur la sécurité se font toujours attendre. De même, dans le présent projet de loi, la partie concernant les recettes est renvoyée à plus tard.

Nous avons donc compris la vraie nature du sarkozysme : il s’agissait de travailler plus pour gagner plus, nous découvrons aujourd’hui qu’il s’agit de travailler plus longtemps pour gagner moins. Nous aurions préféré nous en tenir au programme du Conseil national de la Résistance, qui entendait instituer « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leur vie. »

Pour conclure, je voudrais évoquer la question de l’étude d’impact. Tous les projets de loi doivent, en effet, être accompagnés d’un tel document. Mais celui que nous avons lu ne constitue pas véritablement une étude d’impact : ce n’est qu’un exposé des motifs un peu développé. Je voudrais donc poser quelques questions importantes au ministre.

Le COR a travaillé sur des hypothèses et fourni des simulations à l’horizon 2018, 2025 et 2050. Celles-ci se fondaient-elles sur les mesures déjà choisies par le Gouvernement ?

L’étude d’impact souffre d’un grave manque : la prise en compte de l’incidence de la réforme, notamment les mesures d’âge, sur les autres dispositifs sociaux et sur les autres régimes, comme celui de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP), sur le revenu de solidarité active (RSA) avec, en arrière-plan, la question du transfert de charge sur les collectivités locales, ainsi que sur les dispositifs d’allocation d’équivalents retraite.

Quelle sera l’incidence du report de l’âge de la retraite à 62 ans sur le taux de chômage ? Que vont devenir ces demandeurs d’emplois contraints d’attendre plus longtemps leur retraite ? Quel sera l’impact sur le chômage des jeunes ? Rien ne figure concernant ces questions.

Le Fonds de réserve pour les retraites, dilapidé par votre projet de loi, est géré à long terme depuis 1999 de façon à lisser la bosse démographique prévue pour 2020. Or, vous voulez le liquider à court terme : là encore, rien ne nous renseigne dans l’étude d’impact.

À la question majeure portant sur ce qui se passera après 2018, vous nous répondez : « on se reverra. »

L’étude d’impact mentionne, enfin, des consultations obligatoires, notamment celles des organismes de sécurité sociale, tels que la CNAV et la CNAMTS. Les votes y furent souvent très serrés – la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP) s’est prononcée avec cinq voix pour et quatre voix contre ; la CNAV avec treize pour et douze contre ; la CNAMTS avec quinze pour et quatorze contre –, ce qui est lourd de signification quand on connaît la composition des conseils d’administration de ces organismes. En revanche, nous ignorons le contenu de leurs avis, qui auraient dû être joints à l’étude d’impact. Nous ne savons pas davantage si le Gouvernement les a, ou non, pris en considération. Nous désirerions donc maintenant en avoir connaissance. Ces avis ont-ils, le cas échéant, modifié le projet de loi ?

Selon l’étude d’impact, le conseil d’administration du Régime social des indépendants (RSI) a émis des observations. Lesquelles ? Le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale se sont montrés majoritairement défavorables au projet. Nous ne disposons pas du texte de leur avis. Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail et le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ont également été saisis : nous ne connaissons ni leur vote ni leur avis.

L’étude d’impact évoque les conséquences de l’allongement des carrières sur la santé au travail mais uniquement dans le secteur public.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de compléter cette étude, dont l’insuffisance justifie que la Conférence des présidents n’inscrive pas ce projet de loi à l’ordre du jour.

M. Yannick Paternotte. Préparer l’avenir exige de sauver le système de retraite par répartition, mais aussi d’organiser le deuxième pilier qui est celui de l’épargne retraite. Dans cet objectif, j’ai déposé, avec de nombreux collègues, huit amendements après l’article 32, avant le titre VI, qui visent à renforcer le rôle de l’épargne retraite afin d’augmenter en France les revenus de substitution, d’offrir une plus grande liberté de choix aux ménages pour orienter leur épargne à long terme, privilégiant en particulier l’accession à la propriété, et de préparer la dépendance. Nous proposons à cet effet de rendre plus souples et plus attrayants les dispositifs mis en place par la loi de 2003, qui a notamment instauré le plan d’épargne retraite populaire (PERP) et le plan d’épargne retraite collectif (PERCO). Nous souhaitons instituer l’égal accès à ces mécanismes pour tous les salariés de toutes les entreprises. En comparant les sources de revenus des personnes âgées de plus de 65 ans dans les principaux pays de l’OCDE, telles qu’elles figurent dans le rapport de Valérie Rosso-Debord, on constate qu’en France les régimes privés d’épargne individuelle ne représentent que 8 % de ces revenus de substitution, dont seulement 4 % au titre de l’épargne retraite, contre 15 % en Allemagne, 21 % en Suède, 39 % au Royaume Uni et 42 % aux Pays Bas.

Pour conforter le premier pilier qu’est la retraite par répartition, relancer l’épargne retraite constitue donc une urgence sociale et un gage de compétitivité du tissu économique, favorable à l’emploi de demain.

Nous proposons pour cela quelques grands axes : assouplir le fonctionnement du PERP en le rendant plus attrayant, au moyen notamment de sorties anticipées en vue de la retraite, par exemple pour acquérir ou remettre en état la résidence principale, créer un avantage fiscal en cas de dépendance, mettre fin au double prélèvement de la CSG et de la CRDS sur le capital investi – anomalie de la loi de 2003 –, flécher vers l’épargne retraite la participation et l’intéressement, automatiquement investi dans le PERCO sauf avis contraire du salarié, instaurer des possibilités de transfert entre l’assurance-vie et l’épargne retraite, ouvrir, enfin, la possibilité de mettre en place, par accord interprofessionnel, un PERP et un PERCO pour les salariés non couverts par les dispositifs d’épargne retraite professionnelle.

Sur ces amendements, qui introduiraient un titre V bis dans le projet de loi, nous serions heureux, monsieur le ministre, de recueillir votre avis.

M. Vincent Descoeur. Si je me réjouis de la décision courageuse, salutaire et responsable que le Gouvernement a prise en rouvrant un dossier dont beaucoup, avant lui, ont préféré se tenir éloignés, je ne peux pas m’empêcher toutefois de me demander, compte tenu du triste spectacle auquel certains collègues de l’opposition viennent de se livrer, ce qu’auraient pensé les Français si vous aviez accédé, monsieur le président, à l’exigence socialiste de publicité des débats. Nos compatriotes n’auraient-ils pas douté de notre capacité à être à la hauteur de l’enjeu ? Un sujet aussi crucial pour l’avenir de notre société ne mérite-t-il pas de dépasser nos clivages politiques ? Ne pouvons-nous partager l’objectif de sauvetage de notre système de retraite ?

Plus précisément, j’attache une grande importance à la disposition tendant à favoriser l’accès au minimum vieillesse des exploitants agricoles – auquel ces derniers ne pouvaient prétendre jusqu’à présent – en excluant de l’actif successoral la valeur de leur outil de travail. Cette mesure, attendue de longue date, permettra de mettre fin à une inégalité criante – de même, d’ailleurs, que celle concernant la réversion des droits à la retraite complémentaire des conjoints collaborateurs et des aides familiaux pour le conjoint survivant.

Au final, voilà deux mesures de justice sociale destinées à plusieurs dizaines de milliers de personnes qui montrent combien ce texte comporte d’avancées essentielles !

M. Dominique Dord. Certains collègues ont dénoncé la méthode employée par le Gouvernement et la commission. À l’instar de ceux qui ont pris la peine de participer aux différentes étapes de l’élaboration du texte, elle me semble au contraire excellente. Les trois jours et nuits que nous nous apprêtons à consacrer exclusivement à son étude me semblent aussi un gage suffisant pour que nous puissions discuter dans la plus grande sérénité. Je comprends donc assez mal le contraste entre l’écoute dont nos collègues socialistes ont fait preuve pendant les quarante heures d’auditions et le ton qu’ils emploient aujourd’hui : hors l’intervention de Jean Mallot – lequel n’a d’ailleurs pas respecté les règles élémentaires de la discussion en commission – je n’ai pas entendu une seule remarque de fond. Plus de deux heures de débats ont été nécessaires pour exprimer seulement trois points de vue sur un mode polémique et itératif :

La crédibilité du Gouvernement, tout d’abord : mais est-ce nous qui, depuis des semaines, la mettons en cause ?

Ensuite, le huis clos – alors que tel est le plus souvent le cas en commission sans que personne n’y trouve à redire même si, comme François Bayrou, je considère qu’il s’agit là d’une pratique un peu vaine, compte tenu des moyens technologiques dont nous disposons. Plus généralement, si cette approche doit être remise en cause, que le caractère public des commissions soit alors explicitement formulé même si je doute, quant à moi, des bienfaits d’une telle systématicité.

Enfin, la campagne de publicité organisée par le Gouvernement. Nos collègues de l’opposition n’ont-ils pas la mémoire courte ? Je me souviens des affiches de quatre mètres sur trois – sur lesquelles avait d’ailleurs posé un chef d’entreprise de ma circonscription – que Mme Martine Aubry avait fait apposer partout dans notre pays pour vanter les bienfaits des 35 heures.

Au fond, nous ne faisons que marcher sur vos brisées !

Par ailleurs, j’avoue que nos débats m’ont fait évoluer : il me paraît aujourd’hui plus juste de « jouer » sur le paramètre de l’âge légal de départ en retraite – à condition toutefois d’y ajouter le dispositif de retraite anticipée pour les carrières longues – que sur celui de la durée des cotisations.

En outre, madame Billard, notre projet de société est moins « travail, travail, travail » que « retraites, retraites, retraites », et c’est précisément pour que ces dernières soient préservées que nous le défendons !

Enfin, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) – dont je préside le conseil de surveillance – cumulant 8 milliards d’euros de déficits, comment pourrions-nous laisser filer les déficits sociaux de façon abyssale et, à l’instar de nos collègues socialistes, défendre le Fonds de réserve pour les retraites, alors que ce dernier dépend des marchés boursiers et fonctionne partiellement sur le mode de la capitalisation ? Leur position n’est-elle pas à tout le moins inconfortable ? Je souscris donc quant à moi à l’utilisation la plus rapide et astucieuse possible du fonds de réserve !

M. Dominique Tian. Contrairement à nombre de nos collègues, je considère que le projet fait montre d’une extrême modération, en particulier lorsque l’on s’avise de la politique de nos voisins européens – en particulier allemands et espagnols. J’ajoute que ce texte répare l’erreur socialiste historique que fut l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans, lequel a mis en danger l’ensemble de notre système.

Par ailleurs, je salue la volonté du Gouvernement d’œuvrer en faveur d’un peu plus d’équité entre les secteurs public et privé, même s’il fait preuve d’une extrême prudence en la matière. M. le ministre Éric Woerth, au mois de mars, déclarait ainsi dans Le Monde que le calcul de la retraite des fonctionnaires à partir des six derniers mois constitue « un sujet qui fâche dont [il ne sait pas] s’il faut vraiment le mettre sur la table. » Et il ajoutait : « Doit-on tenir compte de la spécificité du secteur public ? ». Précisément, quelle est-elle ? Chacun sait que les six derniers mois de carrière, dans les administrations, sont l’occasion de réaliser la fameuse opération « coup de chapeau », soit des promotions fictives interdites aux travailleurs du secteur privé. Au mois d’avril 2003, la Cour des Comptes indiquait à ce propos que 31 % des fonctionnaires du ministère de l’intérieur, 30 % de ceux du ministère de la défense et 23 % de ceux de Bercy en bénéficient. Faut-il continuer dans cette voie ? Je ne le crois pas.

J’ajoute que le départ à la retraite à l’âge de 62 ans ne s’appliquera pas au million de fonctionnaires classés en catégorie active et ayant donc des emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. N’est-il pas temps de mettre un peu d’ordre dans cette classification datant de 1853 ? Les douaniers, les agents d’entretien, les aiguilleurs du ciel prennent-ils des risques particuliers et sont-ils exceptionnellement fatigués ? Les salariés qui travaillent dans le secteur privé et qui, eux, ont des métiers pénibles dans le bâtiment ou les transports, l’artisanat ou l’agriculture, en doutent fortement alors qu’ils voudraient bien partir à la retraite à l’âge de 50 ans.

Enfin, je m’étonne que des amendements qui tendaient à accroître la justice sociale aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 par la Commission des finances et son président, Jérôme Cahuzac. Si faire travailler un peu plus longtemps un aiguilleur du ciel coûte en effet plus d’argent à l’État, n’est-ce pas aussi un bon moyen d’améliorer nos finances publiques ? Quoi qu’il en soit, je fais confiance au Gouvernement pour réintroduire certains d’entre eux, ce dont je le remercie par avance.

M. Jacques Domergue. Au vu du comportement de nos collègues socialistes, je suis persuadé du caractère relatif de notre huis clos. Favoriser un travail consensuel sur un sujet d’intérêt général – et c’est en l’occurrence le cas, puisqu’il est question des équilibres financiers et de l’avenir de nos compatriotes – devrait aller de pair avec un minimum d’honnêteté, quelles que soient les divergences !

Par ailleurs, comme Dominique Tian, je considère que des marges de manœuvre existent pour rendre ce texte encore plus équitable – de ce point de vue, en effet, nous restons un peu sur notre faim. Si les Français ont parfaitement compris qu’ils devront partir à la retraite plus âgés, ils ne comprennent pas, en revanche, que certains d’entre eux continuent à partir à l’âge de 50 ans, voire à 52 ans une fois le texte voté. N’y a-t-il pas là deux poids deux mesures ? Comment, dans ces conditions, faire converger les secteurs public et privé ? Nous, parlementaires, devons pouvoir faire en sorte de porter l’âge de la retraite de nos compatriotes qui sont dans cette situation, par exemple à 55 ans en posant un principe de base selon lequel aucun Français ne pourra partir à la retraite avant cet âge-là. La retraite des militaires elle-même doit-elle être uniforme – si vous me passez l’expression ?

De la même manière, au-delà d’un certain seuil, la prise en compte des années travaillées dans le secteur public n’est pas complète. Ainsi une infirmière qui ne travaillerait pas dix ans au minimum dans la fonction publique serait-elle pénalisée. Or, nous savons fort bien que les carrières seront de moins en moins linéaires et qu’une infirmière, pour garder cet exemple, peut très bien exercer dans les secteurs privé, public ou de façon libérale. Passer en l’occurrence de dix à douze ans, comme le prévoit le texte, ne me paraît pas de bonne politique, quand il conviendrait au contraire de réduire cette période.

Enfin, on croit rêver devant le « retoquage » par Jérôme Cahuzac et la Commission des finances, au titre de l’article 40, de certains de nos amendements ! En quoi le maintien en activité au-delà de 60 ans d’un salarié du secteur privé serait-elle un gain et celle d’un fonctionnaire, forcément et exclusivement, un coût ? Je suis persuadé que les Français sont prêts à accepter des sacrifices encore plus grands que ceux que nous leur demandons, mais à condition que la réforme soit équitable pour tous.

M. Étienne Pinte. Je suis un peu sur la même longueur d’onde que mon prédécesseur. Tout le monde en convient : la réforme des retraites est démographiquement et financièrement nécessaire. Néanmoins, le projet va-t-il aussi loin qu’il le faudrait pour que le budget de l’assurance vieillesse soit équilibré en 2018 ? J’en doute.

En outre, je m’interroge sur la prise en compte des inégalités d’espérance de vie entre les différentes catégories sociales.

Par ailleurs, si difficile que soit à définir et à appliquer la notion de pénibilité, je souhaite que cette dernière ne soit pas confondue avec celle d’invalidité.

Enfin, je regrette que le texte ne prenne pas suffisamment en compte la durée du temps de travail des femmes, la carrière de nombre d’entre elles n’ayant pas été un long fleuve tranquille.

M. Alain Vidalies. Comment s’étonner que nos débats se déroulent de la sorte alors que le huis clos était une erreur manifeste ? Si, au contraire, la transparence avait été de rigueur, chacun aurait défendu son point de vue sans se livrer à une bataille de communiqués ! Par ailleurs, un tel procédé n’est-il pas contradictoire avec la réforme constitutionnelle du travail en commission ? Je rappelle à ce propos que la discussion en séance publique ayant lieu à partir du texte issu de nos travaux, certaines de ses dispositions pourront être considérées comme définitives. Comme pour le patinage artistique, j’ai donc le sentiment que nous en sommes aujourd’hui aux figures imposées – qui ne sont jamais télévisées –, les figures libres venant dans un second temps. Parce que ce n’est pas ainsi que le travail en commission sera réhabilité je vous invite, monsieur le président, à ouvrir nos prochains débats à la presse et à faire en sorte qu’ils soient retransmis par LCP-AN.

En outre, venant ce matin de ma lointaine province, une intervention de Jean-François Copé m’a littéralement sidéré : le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale a considéré que notre discussion vise simplement à « prendre la température ». Je vous avoue que, si je n’avais pas dû respecter les consignes du président du groupe socialiste, j’aurais succombé à la tentation de faire demi-tour. « Prendre la température », est-ce une formule convenable alors que MM. Woerth et Tron sont parmi nous et que nous sommes nombreux à nous être réunis ? Au final, notre travail est donc doublement dévalorisé, et par une telle déclaration et par une telle méthode.

Si cette discussion est importante en ce qu’elle concerne l’ensemble des Français, ces derniers n’ont pas moins une approche différente de la question des retraites en raison de leurs intérêts propres – lesquels sont fonction, par exemple, de leur parcours professionnel ou de leur patrimoine. La retraite n’est, en effet, pas la même pour un salarié qui ne dispose que d’elle pour vivre et pour celui qui peut compléter ses revenus par la location d’un appartement ou d’une maison. De la même manière, l’espérance de vie n’est pas la même pour un ouvrier ou un cadre, non plus d’ailleurs que la perception qu’il peut avoir de son travail ou les conditions de ce dernier. Comment donc trouver une solution commune ? C’est ici que se situe le choix politique. J’insiste : parce que la retraite est le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas, c’est à eux qu’il convient d’abord de penser.

De surcroît, si les approches peuvent différer en ce qui concerne l’âge de départ à la retraite, pourquoi proposer une réforme offrant plus de souplesse à ceux dont les difficultés sont les moindres ? Ainsi, les cadres en bénéficieront-ils quand les ouvriers se verront opposer plus de contraintes, et c’est précisément en cela que votre réforme est injuste.

Par ailleurs, cette dernière n’est que la réforme de votre réforme de 2003 et, là, vous aurez des comptes à rendre ! Ce sera d’ailleurs pour vous un exercice redoutable lorsque nous nous livrerons, en séance publique, à certaines comparaisons. En 2003, vous prétendiez également répondre aux problèmes posés par la situation démographique de notre pays à partir des rapports du COR, le Premier ministre d’alors, M. Jean-Pierre Raffarin, son ministre des affaires sociales, M. François Fillon, et le rapporteur, M. Xavier Bertrand, arguant d’un déficit de 43 milliards d’euros à l’horizon de 2020 – d’où l’allongement de la durée des cotisations et, l’économie française se portant nécessairement de mieux en mieux selon eux, le transfert d’une partie des cotisations chômage sur l’assurance vieillesse, lequel aurait permis d’atteindre l’équilibre tant attendu.

Monsieur le ministre du travail, vous avez l’habitude d’utiliser cette formule étonnante, « les déficits ont gagné dix ans »,... qui vous évite de reconnaître que la situation s’est aggravée, puisque les déficits prévisibles pour 2020 sont constatés en 2010.

La question démographique a été posée en 2003 : or, comme il y a peu de chances que des salariés soient arrivés à la retraite en 2010 sans que leur existence ait été connue en 2003, ce n’est pas le paramètre démographique qui a changé depuis cette date, mais bien celui du niveau d’emploi, en raison de la crise. Nous pouvons tous partager ce constat en dépit de la divergence de nos analyses. On ne saurait donc reprendre aujourd’hui des arguments démographiques pour justifier une réforme qui, en réalité, présente la facture de la crise aux salariés français qui en ont déjà payé très largement le prix.

Cette intuition est confortée par la double communication du Gouvernement : Mme Christine Lagarde et vous-même vous êtes répartis les rôles. D’un côté, vous expliquez aux Français que la réforme est un passage obligé pour sauver le système par répartition tandis que, de l’autre, Mme Christine Lagarde informe les marchés financiers que la réforme se fonde sur les paramètres cumulés les plus durs d’Europe, que ce soit en termes d’âge de départ à la retraite ou de nombre d’annuités nécessaires pour bénéficier du taux plein. Mme Christine Lagarde a même déclaré aux marchés que la France irait plus vite en la matière que l’Allemagne – nous y reviendrons en séance publique. Vous ne faites pas une réforme pour les Français, mais pour les marchés financiers.

Vous-même, monsieur Jacquat, dans votre rapport d’information sur le rendez-vous de 2008 sur les retraites, avez écrit qu’il ne convient pas de prévoir une modification de l’âge légal du départ à soixante ans, qui est « un acquis social majeur ». La remise en cause d’un « acquis social majeur » étant par définition un « recul social majeur », j’espère, monsieur le rapporteur, que, dans votre prochain rapport, vous reprendrez les termes de 2008 : chacun pourra ainsi constater que vous remettez en cause un « acquis social majeur ». Il est vrai que vous n’êtes pas le seul à avoir changé de position sur le sujet. Jean Mallot a rappelé les déclarations péremptoires du Président de la République : il n’avait pas été élu pour « cela ». De même, certains, qui sont intervenus, avaient déclaré en 2003 qu’il ne fallait pas modifier l’âge légal du départ à la retraite. Il leur appartient de justifier un revirement aussi complet.

Par ailleurs, monsieur le ministre, que deviendront les chômeurs ou tous ceux qui bénéficient du RSA et qui approchent les 60 ans ? Je suis très étonné que le projet de loi soit muet sur le sujet, compte tenu des déclarations que vous avez faites à la convention de l’UMP le 25 mai dernier : « Je veux dire en particulier aux salariés âgés qui sont actuellement au chômage que je proposerai dans le cadre de la réforme un dispositif permettant d’éviter que l’augmentation de la durée d’activité ne les conduise à rester plus longtemps au chômage et donc à y perdre financièrement ». Le projet de loi les oublie : il faut passer aux actes, monsieur le ministre, pour rassurer ces centaines de milliers de Français qui seront immédiatement frappés par la réforme des retraites. Toutefois, je tiens à le rappeler après Jean Mallot que l’étude d’impact ne répond pas aux questions sur l’évaluation de la réforme.

Je discerne un autre changement, plus grave encore, sur la question de la pénibilité. En effet, si la droite et la gauche ne partagent pas les mêmes approches notamment sur le financement des retraites, du fait qu’il s’agit d’une question non seulement technique mais également politique – les Français arbitreront le moment venu –, en revanche, nous aurions pu adopter une démarche commune sur la question de la pénibilité, puisque, à la suite de la réforme de 2003, les partenaires sociaux ont travaillé sur le sujet. En effet, si la négociation a échoué, elle a donné lieu à des propositions intéressantes, si bien que nous disposons aujourd’hui des études réalisées par les partenaires sociaux, de projets d’accord relativement élaborés et des travaux demandés par le COR sur plusieurs années, visant à dégager une définition précise de la pénibilité au travail au travers, notamment, de statistiques. Tout ce matériau pouvait aboutir à une volonté commune de traiter la question. Or, le projet de loi adopte une démarche inverse en se fondant sur la pénibilité constatée et non sur les risques subis avant que celle-ci ait été constatée, alors même que les représentants de l’UMP eux-mêmes comprennent que la simple exposition à des facteurs de risques, notamment cancérigènes, diminue l’espérance de vie des ouvriers de sept ans par rapport aux cadres.

Chacun sait ici que ce n’est pas au moment où l’ouvrier travaille qu’il subit les conséquences les plus graves de son exposition à de tels facteurs, mais après avoir travaillé. Est-on capable de mesurer ces risques ? Or, sur cette question également, monsieur le ministre, nous pouvons observer de votre part un changement complet par rapport à ce même discours à la convention de l’UMP, dans lequel vous déclariez que vous intégreriez dans la réforme la reconnaissance de la pénibilité, ajoutant : « Nous nous appuierons sur la définition des partenaires sociaux qui ont privilégié l’approche par les facteurs d’exposition, qui est la seule possible ». C’était, je le répète, le 10 mai dernier, et voici que le projet de loi prévoit exactement le contraire : une incapacité de 20 % avec une référence à la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, lesquelles impliquent des questions d’imputabilité et de procédure qui sont une horreur absolue. Comment avez-vous pu nous proposer un tel texte ? La question de la pénibilité aurait pu être au cœur d’un important débat républicain : vous le renvoyez à plus tard.

Monsieur le ministre, voici qu’au manque de transparence qui entoure nos travaux et à l’agression verbale de Jean-François Copé, ce matin, sur la qualité de ceux-ci, s’ajoute le fait qu’on ne retrouve pas dans le texte le contenu des déclarations que vous aviez effectuées à son sujet : pensez-vous que les parlementaires peuvent accepter de débattre dans de telles conditions ? Les discussions ont manifestement lieu ailleurs qu’ici. Les députés de l’UMP en sont-ils informés ? En tout cas, nous ne le sommes pas.

Cette réforme, qui est majeure pour les Français, est l’objet de deux visions très différentes. C’est pourquoi, elle sera le lieu d’une opposition frontale entre deux projets. Ce n’était pas une raison pour écarter toute transparence et refuser d’engager le débat sur des questions que nous aurions pu partager, comme la pénibilité.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous sommes obligés de regarder ce que font nos partenaires européens en la matière : nous ne vivons pas dans un monde protégé.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le président, vous avez confié à Dominique Tian et à moi-même la mission d’examiner les études d’impact des textes soumis à notre commission. C’est pourquoi je m’étonne que Dominique Tian n’ait pas évoqué celle portant sur le présent texte. Cet acte manqué fait peut-être écho aux propos liminaires du ministre du travail : puisque le Conseil d’État a validé l’étude, circulez, il n’y a rien à voir ! Monsieur le président, s’il est vrai que notre mission ne présente aucun intérêt, est-il nécessaire que nous continuions de la remplir ?

Même si le Conseil d’État a juridiquement validé l’étude d’impact, nous ne devons pas moins émettre un avis.

Pour ce faire, il convient de rappeler que le Gouvernement a souhaité que les études d’impact soient systématiquement adjointes aux projets de loi qui sont soumis à l’examen de la commission compétente afin de mesurer toutes les conséquences de leur application. Elles sont, en ce sens, nécessaires afin de ne pas réitérer les erreurs du passé. C’est d’autant plus vrai pour un projet de loi que vous présentez comme le texte majeur de la mandature, du fait qu’il concernera, par définition, tous les Français.

Or, quelle n’a pas été notre surprise devant la maigreur de la présente étude, alors que nous nous attendions à un document de 4 000 pages ! Certes, ce n’est pas son épaisseur qui fait la qualité d’une étude, mais celle-ci devait prendre en considération un très grand nombre de paramètres. Je rappelle que l’étude d’impact est réalisée par le ministère concerné, examinée par le secrétariat général du Gouvernement et transmise au Conseil d’État, puis aux assemblées. La rédaction originelle de ce document succinct émane donc bien du ministère dont M. Woerth a la responsabilité. Or, il s’agit présentement d’une étude indigente.

En effet, les trois premiers chapitres ne font que reprendre l’exposé des motifs : est-ce l’objet d’une étude d’impact ? Quant au quatrième chapitre sur l’analyse des impacts, il ne donne lieu à aucune évaluation globale : à aucun moment les différents éléments d’analyse ne viennent nourrir une réflexion générale sur l’impact du projet de loi, alors même que celui-ci aura des conséquences considérables, notamment dans les domaines financier, économique et social ou en termes d’organisation du temps de travail.

C’est que, par principe, l’étude refuse d’analyser les alternatives possibles. Nulle part les conséquences d’un âge de départ stabilisé à 60 ans ou passant à 61 ans ne sont évoquées. Certes, les travaux COR sur le sujet existent, mais, dans ces conditions, pourquoi l’étude d’impact ne les analyse-t-elle pas ?

De plus, celle-ci n’évalue à aucun moment les incidences de la réforme sur le pouvoir d’achat, question fondamentale dès lors qu’on évoque les pensions de retraite. Il n’y a pas non plus un mot sur la question de l’épargne, alors que c’est un élément déterminant de la réflexion menée sur la réforme des retraites.

En ce qui concerne les aspects financiers, l’étude s’appuie sur un choix unique de croissance alors qu’elle devrait évaluer les conséquences d’une croissance moins forte ou plus lente, notamment sur le mode de financement construit. Or, aucun élément d’analyse financier de la réforme n’est donné. L’étude se contente de communiquer, sans démonstration aucune, quelques chiffres lapidaires, alors que la démarche devrait être inverse : c’est à l’étude de démontrer le caractère indiscutable des chiffres fournis. En effet, les chiffres ne sauraient être indiscutables du simple fait que l’étude d’impact les mentionne !

L’étude n’évoque pas non plus le Fonds de réserve pour les retraites. On n’ignore s’il sera liquidé, à quelle échéance ou à quel rythme, et, s’il ne l’est pas, comment il sera alimenté. Il n’y a, non plus, aucune piste de réflexion sur l’après 2018 : qu’en sera-t-il du financement des retraites en 2020 ou en 2030 ?

Manifestement, ce document ne répond pas aux exigences de la loi organique du 15 avril 2009, qui a présidé à la consécration des études d’impact, sur le fondement du troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution.

Je me permets de rappeler qu’une étude d’impact non conforme aux critères de recevabilité doit entraîner le report du projet de loi. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président, outre les éléments que j’ai rappelés et que je détaillerai, j’envisage d’autant moins de valider l’étude d’impact que l’analyse administrative du secrétariat de la commission révèle que deux des rubriques prévues par la loi organique ne sont pas renseignées : l’articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration, ainsi que la déclinaison du dispositif en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Or, je crains que, d’ici au 6 ou 7 septembre prochains, nous n’ayons pas les éléments que nous sommes en droit d’attendre : je pense notamment au détail du plan de financement du projet de réforme du Gouvernement à court et long termes, au détail concernant l’usage du Fonds de réserve pour les retraites et les ressources auquel il est adossé, aux variantes et à leurs effets en matière de choix de relèvement ou non des bornes d’âge de départ à la retraite ou à l’évaluation approfondie des questions ayant trait à la pénibilité.

J’ai, en raison de la clôture de la session extraordinaire, non pas quatre jours mais plus d’un mois pour émettre un avis, à savoir jusqu’au 28 août : si, en dépit de votre intervention, monsieur le président, nous ne pouvions disposer à cette date des éléments qui nous manquent objectivement, je serai amené à émettre officiellement sur cette étude l’avis négatif que je viens de donner et Jean-Marc Ayrault, le président de notre groupe, demandera le report du projet de loi. Il n’est pas acceptable, en effet, de disposer d’une étude d’impact aussi indigente sur un projet de loi aussi important.

M. Georges Colombier. En raison du déficit important et croissant de notre système de retraite par répartition, une réforme est indispensable. Nous sommes nombreux ici à en convenir. Dans le contexte économique et social actuellement explosif, trois principes doivent guider nos prises de position : la solidarité, l’équité et le réalisme.

Pour garantir la solidarité, il convient tout d’abord de réaffirmer notre attachement au régime par répartition, par opposition au régime par capitalisation où chacun épargne pour soi-même sans avoir le sentiment d’une quelconque solidarité avec la génération des aînés actuellement à la retraite. C’est pour maintenir cette valeur de solidarité qu’il faut prendre des mesures courageuses, comme l’augmentation de l’âge légal du départ à la retraite, en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie, ou l’allongement du nombre d’annuités pour assurer l’équilibre financier de notre système. Ces deux mesures sont indissociables des questions relatives à la place des seniors sur le marché du travail. Même si beaucoup a été fait depuis 2007 en la matière, il convient de changer les mentalités pour en finir avec cette exception française : seulement 39 % des seniors ont un emploi en France contre 44,7 % en moyenne dans l’Union européenne.

Le texte devra également veiller à augmenter les petites retraites. Bien que des mesures spécifiques aient été prises en faveur des petites pensions depuis 2007, des situations de pauvreté persistent notamment pour ceux qui ont connu des carrières incomplètes ou qui ont faiblement cotisé. Je pense notamment aux carrières à temps partiel des femmes, en particulier celles qui travaillent dans le secteur de l’aide à domicile. Il ne faudra pas non plus oublier d’augmenter les retraites agricoles.

Pour être pleinement acceptée, la réforme doit être juste socialement. C’est la raison pour laquelle les plus hauts revenus doivent être mis à contribution au nom de la solidarité. Les revenus du capital doivent être davantage taxés, de même que les stocks options et les retraites chapeaux.

Pour garantir l’équité, une réforme juste suppose que l’effort soit partagé entre tous. Chacun doit participer au mouvement de réforme. Il faut, à cette fin, poursuivre la convergence entre le public et le privé, harmoniser les règles de réversion pour les conjoints survivants de la fonction publique sur celle du régime général et simplifier notre système de retraite.

Être réaliste suppose qu’on ne perde pas de vue qu’il demeure, en dépit de l’évolution des conditions de travail, des métiers plus pénibles et plus usants que d’autres : sept ans d’espérance de vie supplémentaires pour un cadre supérieur par rapport à un ouvrier du bâtiment sont une réalité incontestable qu’on doit prendre en compte. C’est un élément indiscutable de justice sociale. Il convient, à cette fin, de permettre à ceux qui ont commencé de travailler tôt de partir plus tôt : le système des carrières longues doit être maintenu et renforcé. Il convient également d’améliorer sans cesse les conditions de travail : encourager à travailler plus longtemps passe nécessairement par une réflexion sur le « travailler mieux » et la pénibilité. Enfin, être pragmatique, c’est reconnaître qu’il existe des marges de manœuvre à exploiter, pour ne pas faire reposer tout notre système de retraite sur la seule répartition : je pense notamment à l’épargne retraite. C’est également donner la possibilité de travailler plus longtemps à ceux qui le souhaitent.

La réforme des retraites, parce qu’elle touche à des valeurs qui fondent notre pacte social républicain, exige courage et ambition. Les Français ne sont pas dupes. Ils connaissent la réalité démographique et les limites de notre système actuel. Il est de notre responsabilité de leur tenir un discours de vérité qui ne soit pas pour autant alarmiste et de prendre toutes les mesures qui s’imposent, pour aujourd’hui comme pour demain. La réforme doit être ambitieuse parce que nous ne pouvons pas nous permettre d’ouvrir le chantier des retraites tous les dix ans : les perspectives à court terme engendrent inquiétude et défiance.

Allons vers une réforme aussi courageuse que nécessaire.

M. Jean Bardet. Peut-on encore parler d’un débat à huis clos, compte tenu du nombre des journalistes qui sont derrière la porte ?

Comme un grand nombre de mes collègues de la majorité, j’adhère totalement à la philosophie du projet du Gouvernement, qui est courageux et nécessaire. En effet, même si la crise l’a aggravé, il faut résoudre un problème d’ordre démographique par des solutions démographiques. Du reste, le Gouvernement a également proposé d’autres pistes.

Je ferai trois remarques et une proposition.

Ma première remarque, au risque de m’attirer les foudres de mes collègues socialistes, porte sur le report de l’âge légal de départ à la retraite. Je regrette qu’il n’ait pas été repoussé plus loin. Avec 62 ans, la France restera un des pays d’Europe où cet âge est le plus faible. Cette frilosité laisse planer un doute sur le retour à l’équilibre en 2018.

Ma deuxième remarque porte sur l’augmentation d’un point de la taxation des plus hauts revenus. Je pense, cette fois, obtenir l’adhésion de mes collègues socialistes en déclarant que nous aurions pu aller plus loin, ce qui aurait permis de mieux prouver encore le désir de justice et de solidarité de la majorité.

Ma troisième remarque concerne les carrières longues : je suis heureux que le Gouvernement ait maintenu ce dispositif. Je voudrais cependant rendre justice à ceux qui sont entrés tardivement dans le monde du travail, soit qu’ils aient galéré au début de leur carrière professionnelle, soit qu’ils aient fait des études longues et difficiles, parfois accompagnées de petits boulots le soir et les week-ends : ce ne sont pas forcément des privilégiés.

Enfin – ce sera ma proposition –, ne pourrait-on pas envisager, pour les jeunes qui entrent dans la vie professionnelle, des prêts à taux privilégié pour l’achat de leur résidence principale, dont la durée de remboursement serait calculée sur l’âge prévisible du départ à la retraite ? La fin des remboursements entraînerait, à ce moment-là, une augmentation automatique du pouvoir d’achat. Cette mesure permettrait de donner du patrimoine à ceux qui n’en ont pas, question qu’a évoquée notre collègue Alain Vidalies.

Ce projet de loi est courageux et nécessaire. Il n’est toutefois censé régler le problème des retraites que jusqu’en 2018. Ne pourrions-nous pas, dès maintenant, comme l’ont suggéré plusieurs députés, étudier un autre système de retraite, notamment par points ?

M. Michel Liebgott. Pas plus que mon collègue Alain Vidalies, je ne me faisais d’illusion à la veille de ce débat. Le Président de la République a très clairement expliqué voilà quelques jours que, constituant un élément essentiel du quinquennat, la réforme proposée n’était pas à débattre, et – cela nous a été confirmé aujourd’hui – qu’elle ne pouvait être révisée qu’à la marge, durant l’été, sur le point particulier de la pénibilité.

Les déclarations du président du groupe UMP ne sont pas non plus pour nous surprendre. Les critiques envers le président de notre groupe pour sa participation au débat de la Commission des affaires sociales sont pour moi incompréhensibles. Il me paraît plus judicieux pour un président de groupe de venir écouter les débats, comme l’a fait Jean-Marc Ayrault que de se répandre dans la presse. Même si la messe est dite, j’aurais préféré que les médias, plutôt que d’avoir communication de nos propos, les entendent en direct en lieu et place de déclarations faites par des parlementaires, qui n’auront participé que furtivement, voire pas du tout, à la discussion en commission.

Ne nous voilons pas la face et ne trompons pas nos électeurs. L’exercice que nous accomplissons ici est un exercice obligé, incontournable, rendu obligatoire par les institutions de la Ve République. Pour autant, nous le savons très bien, le Parlement n’est aujourd’hui qu’un petit appendice du pouvoir exécutif. Vous le constaterez encore demain, la presse évoquera bien plus largement les événements, positifs ou négatifs, qui se déroulent au sein de ce dernier que le débat qu’aura tenu la Commission des affaires sociales. Qu’on le regrette ou non, c’est ainsi, et je crois, monsieur le ministre, que vous le constatez tous les jours.

Ce n’est cependant pas là un motif pour nous taire. Les médias, je crois, seraient mieux mobilisés s’ils entendaient un vrai débat en direct. Nos propos en seraient du reste sans doute modifiés : nous devrions nous garder des provocations. Peut-être même les idées des uns et des autres pourraient-elles progresser à cette occasion : c’est au moyen du débat et non pas de discours unilatéraux que s’avance le progrès !

Nous sommes tous conscients des conséquences qu’entraîne le vieillissement de la population : parmi elles figurent des modifications sensibles de notre manière de vivre à la fois le temps actif et le temps du repos.

Le projet a néanmoins le mérite de mettre en évidence nos divergences fondamentales sur les modes de financement. Il est exemplaire de l’action menée depuis plusieurs années. Dominique Tian l’a souligné, il ne prévoit aucune taxation pour les capitaux et reporte l’intégralité de la charge sur les salariés et les travailleurs. Faut-il rappeler que le début du quinquennat a été marqué par la loi dite « TEPA », qui a instauré le bouclier fiscal et la défiscalisation des heures supplémentaires, comme s’il s’agissait de donner plus à ceux qui ont déjà beaucoup et de prendre à ceux qui ont peu ?

Alors que le projet socialiste prévoit une taxation des capitaux de 19 milliards d’euros, le projet de loi la limite, malheureusement, à 1,7 milliard d’euros, montant auquel s’ajoute une taxation de 2 milliards d’euros sur les entreprises. C’est bien peu pour le projet phare du quinquennat !

Le Fonds de réserve pour les retraites, cette construction si dénigrée, si maudite, qualifiée de rocambolesque, est aussi devenue l’une des pierres de la réforme proposée ! Sans l’action du Gouvernement Jospin et les 34,5 milliards d’euros du fonds – dont la dotation, je le rappelle, devait atteindre 150 milliards d’euros en 2020 –, le Gouvernement ne pourrait pas proposer aujourd’hui de réforme des retraites. La disparition des réserves du fonds va rendre aussi sans doute toute nouvelle réforme impossible. Comment allez-vous procéder en 2018 ? Comme l’a dit Alain Vidalies, vous utilisez déjà une réforme structurelle – réalisée par le Gouvernement Jospin – pour pallier un élément conjoncturel, dû à la crise économique ! Vous vous en servez pour créer un déséquilibre considérable entre le capital et le travail. Et, bien sûr, vous ne prévoyez aucune mesure pour sa reconstitution.

Le projet socialiste, au contraire, prévoit cette reconstitution, par le moyen d’un impôt sur les sociétés. Ainsi, après avoir pris nos responsabilités dans le passé, nous les prenons de nouveau, contrairement à vous, pour l’avenir.

Je pourrais développer encore la question des déséquilibres entre les financements que vous prévoyez et ceux que nous envisageons. Je voudrais cependant aborder la pénibilité. Le rapport entre vos prévisions du nombre de personnes qui pourront être concernées par le dispositif – 10 000 – et le total des salariés – 25 millions – est proprement provocateur. Comment pouvez imaginer faire de la prise en compte de la pénibilité un symbole de votre réforme tout en limitant à 10 000 le nombre de bénéficiaires du dispositif ? Je le dis comme député d’une terre de sidérurgie, l’addition des salariés concernés des seules régions Lorraine et Nord-Pas-de-Calais suffirait largement à remplir ce quota ! Faut-il qualifier cette disposition de mirage ou d’alibi ? Le projet socialiste n’est pas une simple réforme comptable. La prise en compte de la pénibilité en fait partie, là où vous ne voyez qu’un modeste appendice à la notion d’invalidité.

Vous évoquez aussi des transferts de l’Unedic vers la CNAV comme sources de financement possible pour les retraites. Mais, messieurs les ministres, sur quels éléments pouvez-vous vous fonder pour considérer que les 40 % de personnes entre 48 et 65 ans qui, aujourd’hui, ne travaillent pas travailleront demain ? Comme l’a indiqué Christophe Sirugue, rien dans l’étude d’impact ne concerne l’amélioration des conditions de travail ni la prise en compte des troubles musculo-squelettiques et les problèmes psychosociaux dans le travail.

Il m’aurait aussi paru nécessaire, monsieur le président, que nombre d’amendements que nous avons déposés puissent être examinés au fond, et non pas écartés au préalable. À cet égard, une comparaison en pourcentage et par groupe des amendements refusés n’est pas pertinente : le rejet de nos amendements interdit tout simplement le débat. Or, du fait des changements de procédure induits par la réforme de la Constitution, l’Assemblée nationale va travailler en séance plénière sur le texte adopté en commission et non sur celui du Gouvernement. Autrement dit, les points sur lesquels portaient nos amendements ne pourront pas être traités en séance publique comme ils auraient dû l’être ici.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur Liebgott, mes trente-sept ans de carrière parlementaire m’ont appris que si les intentions sont toujours bonnes, la confrontation aux réalités du pouvoir fait brutalement changer les positions, quelle que soit leur sincérité. Pour mémoire, c’est en 1983 que la part du travail dans la valeur ajoutée a le plus diminué, tandis que, entre 1983 et 1986, celle du capital a augmenté de 9 points. Alexandre Soljenitsyne s’exprimait ainsi : « crois les yeux, pas les oreilles ».

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Une réforme des retraites est toujours un enjeu fort de débat. Nos concitoyens ont bien compris l’enjeu de celle-ci. Ils nous font part de leurs inquiétudes sur les différents points évoqués cet après-midi. Ils ressentent les injustices créées par l’inégale répartition de l’effort demandé, alors même que d’autres propositions, rappelées par certains de nos collègues, avaient été formulées – je pense à des propositions de la Cour des comptes sur la taxation des stock-options.

Nous n’avons aujourd’hui que peu évoqué le niveau des pensions. Les précédentes réformes – notamment la substitution, pour le calcul des pensions, des vingt-cinq meilleures années aux dix meilleures – ont eu pour conséquence une forte baisse de leur montant, et donc une pénalisation du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Du fait de cette substitution, les personnes qui, pour des raisons de maladie ou d’accident de la vie, ont vécu des parcours professionnels chaotiques, ne peuvent plus obtenir de pension d’un niveau suffisant. Il nous avait paru possible que, pour le calcul de la pension de ces travailleurs, les quinze meilleures années soient retenues. Vous ne l’avez pas souhaité.

Le niveau des pensions détermine le pouvoir d’achat de nos concitoyens retraités. Le projet de loi n’apporte aucune garantie sur ce point.

Le niveau de revenu des personnes handicapées met souvent celles-ci sous le seuil de pauvreté. Leur handicap, les accidents de la vie, les amènent aussi à vivre de longues périodes d’inactivité. Du fait de l’usure causée par leurs conditions de travail, leur parcours professionnel se termine souvent dès l’âge de 50 ans. Tous les amendements que nous avons déposés pour améliorer leur situation ont été rejetés. Or, ces personnes constituent aujourd’hui plus de 3 millions de nos concitoyens.

Enfin, nous avons appris qu’en Commission des finances, un amendement a été adopté maintenant, pour les femmes ayant eu deux enfants ou plus, l’âge de 65 ans pour le bénéfice de la retraite à taux plein. Monsieur le ministre, le Gouvernement acceptera-t-il cet amendement devant notre commission ? Nos concitoyens sont attachés à la justice dans ces domaines.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Les Français, leur avait-on promis, allaient travailler plus pour gagner plus. Aujourd’hui, ils sont très inquiets : non seulement ils ne vont pas gagner plus, mais travailler plus longtemps – pour ceux dont les conditions de travail sont difficiles et l’espérance de vie limitée, la pilule est d’autant plus difficile à avaler –, mais voilà que soudain, à des milliers de kilomètres de Paris, le Premier ministre nous annonce la rigueur.

Il est vrai que nos compatriotes n’ont pas de quoi d’être surpris. Le programme de stabilité, publié au début de l’année, incluait déjà une hausse de deux points des prélèvements obligatoires entre 2011 et 2013. Quant aux taxes, ils peuvent avec raison avoir le sentiment de payer plus : qu’il s’agisse des franchises médicales ou du forfait hospitalier, dix-neuf taxes de ce type ont été instaurées ou majorées depuis 2007 !

Les propositions que nous avons élaborées, et que mes collègues ont développées, ont été rejetées d’un revers de main. Au contraire de celles de la majorité, elles avaient pourtant le mérite de financer les retraites jusqu’en 2025.

La diffusion du document du Gouvernement « Tout comprendre sur la réforme des retraites », élaboré par vos soins, monsieur le ministre, aurait à cet égard pu attendre le vote du texte par le Parlement en septembre. Quant aux exemples qui y sont cités, ils ne sont pas satisfaisants. J’évoquerai celui de « Denise », 56 ans, manutentionnaire dans une usine : « À la suite de ports répétés de charges lourdes, elle souffre de raideurs de l’épaule et de sciatique chronique. Celles-ci ont été reconnues comme maladies professionnelles à un taux supérieur à 20 %. Elle a été reclassée dans un emploi de bureau. » Mais les petites entreprises privées, comme celles du secteur textile où les manutentionnaires portent sans cesse des pièces de tissu extrêmement lourdes, de 40 ou 50 kilos – j’ai vécu cette situation trente ans de ma vie –, ne reclasseront pas ces salariés ! Cet exemple, comme les autres – je les ai tous étudiés –, est tendancieux. Si ce document suscite de l’espoir, c’est en mélangeant le vrai et le faux. Il n’est à la hauteur ni des enjeux ni de l’inquiétude des Français.

Pourquoi ne proposez-vous pas un peu plus de 3,7 milliards d’euros de recettes nouvelles ? Pourquoi n’avez-vous ni écouté ni pris en compte nos propositions ?

Le caractère extraordinaire de votre logique en matière de pénibilité et d’espérance de vie est bien illustré par l’exposé des motifs de l’article 3. À l’exemple du Rapporteur, nous pourrions nous réjouir de ce que, grâce au nouveau « point d’étape retraite » instauré par le projet de loi, les Français puissent mieux connaître, à 45 ans, leur situation à la date où ils prendront leur retraite, ainsi que les perspectives d’évolution de leurs droits « notamment en fonction de leurs choix de carrière ». Mais imaginons une femme de 38 ans, qui aura donc 45 ans avant 2018, caissière dans une grande surface, à la tête d’une famille monoparentale – autrement dit qui élève seule deux enfants. Comment peut-on parler d’un choix de carrière ! Découvrir à 45 ans l’état futur de ses droits sera plutôt pour elle une source de grande inquiétude sur son avenir ! Je le sais par expérience, les carrières des femmes qui exercent ce type de métier sont déjà chaotiques. Pour celles qui n’ont pas eu la chance de pouvoir en exercer d’autres, toute prévision offerte à 45 ans ne sera d’aucun secours. Quant aux dispositions relatives aux carrières longues et à la pénibilité, elles inquiètent également profondément les Français.

Nous avons été déçus par ailleurs, monsieur le président, par les modalités d’examen de la recevabilité financière des amendements. Selon la tradition, les amendements sont tous examinés en commission, y compris ceux qui seront ensuite déclarés irrecevables en application de l’article 40 de la Constitution. Tel n’a pas été votre choix. Certes, certains de nos amendements pouvaient toucher aux recettes. Mais des amendements de membres du groupe UMP tendant à diminuer les recettes de l’État n’ont-ils pas été acceptés lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture ? Y aurait-il deux poids, deux mesures ? De plus, notre amendement n° 314 ainsi rejeté, qui prévoyait – j’y tenais beaucoup – l’élargissement du bénéfice de la pension de réversion aux personnes pacsées, aurait permis au Président de la République de tenir l’une des promesses phares qu’il avait formulées en 2007. Dans une interview parue en mars 2007, le candidat Sarkozy s’exprimait ainsi : « Je suis donc pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d’instance mais par la mairie – c’est logique –, et je vais ajouter ceci que je n’ai jamais encore dit : cette union civile à la mairie entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira par exemple jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel. » La prise en compte de notre amendement aurait permis de réaliser cette promesse.

Enfin, nos collègues de la majorité ont critiqué nos plaintes sur la tenue à huis clos de la présente réunion. Alors que notre président Jean-Marc Ayrault a demandé plusieurs fois en Conférence des présidents que le débat soit au moins retransmis sur La Chaîne parlementaire, vous nous dites, monsieur le président, qu’un compte rendu écrit impeccable sera très rapidement consultable sur Internet. Mais, suivre un débat sur LCP-AN est pour beaucoup préférable à en lire le compte rendu sur Internet ! LCP-AN, dont nous venons de fêter les dix ans d’existence, est tout de même habilitée à retransmettre des débats de commission !

Lorsque je siégeais en Conférence des présidents, j’ai souvent fait remarquer aux présidents de commissions que la diffusion sur LCP-AN des débats, par exemple d’une mission d’information, avait de fortes conséquences sur le nombre de personnes qui s’y intéressaient. Nous le constatons sur le terrain. J’ai aussi insisté sur ce point lors des débats sur la réforme du Règlement. Vu l’inquiétude des Français, la retransmission de ce débat aurait permis plus de démocratie.

Quant aux propos tenus ce matin par Jean-François Copé, ils finiraient par nous faire douter de l’intérêt de débattre cet après-midi en compagnie de deux ministres. Il est regrettable que déposer des amendements en commission – voire même examiner un projet de loi en commission – puisse être considéré comme inutile !

M. le président Pierre Méhaignerie. Madame Hoffman-Rispal, la réforme du Règlement a transféré aux commissions saisies au fond l’examen, en application de l’article 40 de la Constitution, de la recevabilité financière des amendements. C’est ce que nous l’appliquons, ni plus ni moins.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je serai brève car tout a été dit et redit : ce texte me semble équilibré. J’ai été très étonnée par l’accueil réservé à ce texte par le public des différentes réunions que j’ai organisées dans ma circonscription, même par des sympathisants, voire des adhérents du Parti socialiste, qui partageaient au moins notre diagnostic : on peut venir de différents bords et être d’accord pour reconnaître que la population vieillit.

Je voudrais, par ailleurs, saluer le travail accompli par la commission : le grand nombre d’auditions auxquelles elle a procédé lui a permis de traiter ce sujet en profondeur. Je voudrais insister particulièrement sur la qualité du travail du Rapporteur.

Quant à nos collègues socialistes, je ne peux que saluer leur art consommé de consacrer un temps infini au point essentiel de savoir si la presse devrait ou non assister à nos débats. Je veux par ailleurs rassurer Marisol Touraine, dont nous avons pu voir les allers et retours de cette salle au couloir : c’est M. Éric Woerth lui-même qui a demandé à être entendu par M. le procureur. Vous feriez donc mieux, madame Touraine, de suivre sereinement les débats, plutôt que d’aller vous émouvoir devant la presse.

Mme Marisol Touraine. Je suis extrêmement choquée par vos propos, madame, qui laissent à penser que j’aurais été m’émouvoir ou me scandaliser devant la presse. Apparemment, madame, vous n’entendez que ce que vous voulez entendre. Que M. Éric Woerth soit entendu par le parquet à sa demande ou non, ce n’est absolument pas ma préoccupation, ni celle du groupe socialiste. J’ai simplement relevé, en réponse à une question qui m’était posée, qu’il valait mieux repousser nos débats à la rentrée si cette audition devait interdire au ministre de prendre part aux travaux de la commission. Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, ce débat nous semble suffisamment important pour ne pas devoir pâtir d’un climat politique objectivement pollué.

M. Jérôme Bignon. Comme la plupart des gouvernements européens, le Gouvernement a tiré les conséquences de l’évolution démographique de notre pays. Il a choisi d’assumer le principe de réalité, alors que les socialistes s’étaient dérobés devant l’obstacle quand ils étaient au pouvoir. Pis, ils avaient délibérément choisi d’aggraver un problème dont ils avaient parfaitement conscience, en abaissant de façon irresponsable l’âge de la retraite à 60 ans.

Les évolutions démographiques, mais également le contexte de compétition internationale et notre situation économique nous obligent à rouvrir le dossier des retraites, que nos successeurs devront également affronter. Pourquoi, en effet, faire semblant de croire que nous allons mettre en place un système immuable ? Le monde change si vite que ce qui était inenvisageable hier le devient aujourd’hui. Ainsi, la convergence entre le public et le privé, impossible il y a sept ans, est aujourd’hui réclamée par nombre de nos compatriotes. De même, la notion de pénibilité, concept de justice et d’équité, va, fait unique en Europe, faire son entrée dans le droit positif. Cette avancée sociale mérite sûrement des améliorations, et nous allons y travailler. Le dialogue social va se poursuivre durant l’été, inspiré par nos débats, qui, s’ils sont de bonne qualité, feront avancer cette question.

Enfin, je suis particulièrement concerné par le dispositif « carrières longues », la plupart des 43 % d’actifs de ma circonscription qui travaillent en usine ayant pour la plupart commencé à 14 ans. La gauche au pouvoir ne s’est jamais beaucoup inquiétée de leur sort, si on excepte les communistes.

M. Jean Mallot. Et la retraite à 60 ans ?

M. Jérôme Bignon. C’est la retraite à 55 ans qu’ils veulent, ces hommes et ces femmes qui travaillent depuis l’âge de 14 ans, dans des conditions souvent pénibles. Le dispositif, que nous avons voté en 2003, a déjà permis à plusieurs centaines de milliers de salariés de partir plus tôt en retraite, et je me réjouis que le Gouvernement ait le courage d’améliorer et de conforter encore ce dispositif coûteux. Puissent nos travaux et les améliorations que le Gouvernement apportera au texte, soit sur notre initiative, soit dans le cadre du dialogue social qui va se poursuivre cet été, constituer un motif d’espoir pour celles et ceux de nos concitoyens les plus fragilisés par un parcours professionnel long et difficile.

M. Michel Issindou. Il faut bien reparler de la forme bien étrange de ce débat plein de contradictions. Cette réforme que le Président de la République ne cesse de nous présenter comme la dernière réforme d’envergure de son quinquennat, et qui fait l’objet d’une publicité extraordinairement coûteuse, voilà que nous devons l’examiner le plus discrètement possible ; voilà qu’il faut en débattre le plus loin possible de la place publique, alors que la presse est dans nos couloirs. Si vous êtes si fiers de votre projet, messieurs les ministres, pourquoi ne pas en faire profiter les Français ? Apparemment, vous avez quelque chose à cacher ; ou bien vous avez le sentiment que votre projet rencontre si peu l’adhésion de nos concitoyens qu’il vaut mieux l’examiner en catimini, au cœur de l’été, afin de le faire adopter plus rapidement. Sinon pourquoi avoir déclaré l’urgence ? Pourquoi faire passer ce texte en commission au mois de juillet ? Pourquoi avancer encore d’un jour son examen en séance publique ? Quand en outre Jean-François Copé déclare que le débat en commission n’a aucun intérêt et que le vrai débat aura lieu plus tard, on a tous les éléments qui prouvent qu’on se moque des Français.

Je ne résisterai pas, monsieur le ministre, à la tentation de vous dire une fois de plus tout le mal que je pense de ce projet injuste, dont vous faites reposer la quasi-totalité du financement sur les plus faibles de nos concitoyens, sans exiger des plus riches un véritable effort : faire passer le taux d’imposition de la tranche la plus élevée de l’impôt sur le revenu de 40 à 41 % ou faire contribuer le capital à hauteur de 4 milliards d’euros, tout cela est ridicule au regard des 45 à 50 milliards nécessaires. Il y a une bonne raison à cela, c’est que ce texte traduit votre philosophie générale, et on ne peut que saluer votre constance : depuis le début de ce quinquennat, vous avez toujours protégé les plus riches et taxé les autres.

Comment prétendre, par ailleurs, que ce texte traite la question de la pénibilité, alors que votre texte la confond avec l’invalidité ? Vous reconnaissez d’ailleurs vous-même à demi-mot n’avoir pas envie de traiter de ce sujet.

Vous vous plaisez à nous reprocher de n’avoir pas de projet. Nous en avons un, différent du vôtre. L’effort y est équilibré et partagé. Les salariés sont mis à contribution au travers de l’allongement de la durée de cotisation à 41,5 ans à l’horizon 2020 – nous ne revenons pas sur loi Fillon – et une augmentation de leurs cotisations retraite, ainsi que celles des employeurs – voilà vingt ans que la part patronale de ces cotisations n’a pas été augmentée ! Mais à côté de cela, nous trouvons également de nouvelles recettes. Il n’est pas scandaleux d’augmenter l’impôt quand il est juste. Nous le revendiquons même quand il s’agit de sauver nos régimes de retraite. Il ne serait ainsi pas anormal que les banques participent à l’effort collectif et soient taxées alors qu’on les a sauvées l’an passé. Il ne le serait pas non plus que les entreprises soient sollicitées par le biais d’un relèvement de 1,5 à 2,2 % de la taxe assise sur la valeur ajoutée remplaçant la taxe professionnelle, ce qui rapporterait 7 milliards d’euros. Certains revenus du capital devraient également être mis à contribution, ce qui, là encore, pourrait rapporter 7 milliards d’euros. Les stock-options et les bonus devraient de même être taxés davantage. Quant au forfait social, il pourrait passer de 4 % à 40 %.

Vous avez choisi de faire reposer l’effort à 90 % sur les salariés et 10 % sur le reste, là où nous proposons une répartition 50-50. Votre réforme n’est ni faite ni à faire, pas plus que ne l’étaient celles de 1993 et de 2003. Elle sera à refaire en 2018.

Vous ne voyez qu’à court terme en ponctionnant le Fonds de réserve pour les retraites. Ce n’est pas digne de ce qui devait être, selon vos dires mêmes, la grande réforme du quinquennat. Bref, vous n’aurez rien réglé du tout et vos successeurs devront tout reprendre.

M. le ministre. Le premier à avoir dit qu’il faudrait réformer nos régimes de retraite, c’est Michel Rocard en 1991 dans son Livre blanc. Et la première réforme qui a suivi a été celle de 1993, à laquelle les socialistes se sont opposés, comme ils se sont opposés à celle de 2003, à celle de 2007-2008 et comme ils s’opposent à celle d’aujourd’hui.

M. Jean Mallot. Nous avons eu raison parce qu’elles n’étaient pas bonnes. Preuve en est d’ailleurs qu’il faut en faire une nouvelle aujourd’hui !

M. le ministre. Les socialistes n’ont jamais rien fait en matière de retraites.

M. Christian Paul. Si, ils ont institué la retraite à 60 ans.

M. le ministre. Vous n’avez aucune expérience en matière de réforme des retraites. C’est un simple constat, sans appel.

M. Jean Mallot et M. Christophe Sirugue ont déploré l’indigence de l’étude d’impact. Celle-ci est pourtant solide et sérieuse. Y sont étudiées de manière très détaillée, dans 85 pages, les incidences de la réforme sur le marché du travail, sur les régimes complémentaires, etc. Y sont également examinés de nombreux aspects juridiques. De toute façon, quelle qu’eût été la nature de cette étude d’impact, je suis sûr qu’elle ne vous aurait pas convenue.

Il serait naturel que vous formuliez des critiques choisies et pertinentes sur le projet de réforme. Le problème est que vous rejetez tout en bloc.

Vous nous demandez si le COR a été saisi des hypothèses. Mais enfin, ce sont les siennes ! Nous avons retenu son scénario médian…

M. Pascal Terrasse. C’est le scénario du secrétaire général du COR, pas celui du COR lui-même.

M. le ministre. … quand vous, pour minimiser l’effort à fournir, retenez le scénario le plus optimiste. Le COR a donné un avis favorable, de même que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. Contrairement à ce que vous prétendez, les procès-verbaux des réunions au cours desquelles ces instances se sont prononcées n’ont pas à être annexés à l’étude d’impact. Nous nous bornons à indiquer si leur avis a été favorable ou défavorable.

S’agissant de l’épargne retraite, nous sommes prêts à en discuter, mais je ne pense pas que ce soit là le sujet principal, qui me paraît être la sauvegarde de notre régime par répartition. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Monsieur Tian, vous jugez notre projet très, voire trop, modéré. D’autres pensent le contraire. Cela m’incite à penser que nous avons vraisemblablement trouvé un juste équilibre. D’importants efforts sont faits en matière de convergence public-privé, mais il est des points auxquels nous ne toucherons pas comme la base de calcul des pensions – les six derniers mois d’activité dans le public contre les 25 meilleures années dans le privé. En effet, le mode de rémunération et les déroulements de carrière sont très différents dans le public et dans le privé. Le calcul de la pension sur la base des six derniers mois de salaire tient compte de cette particularité. Vous avez déposé toute une série d’amendements sur le sujet, dont nous débattrons le moment venu, mais il me semble que le projet du Gouvernement va déjà très loin en matière de convergence.

J’ai écouté avec grande attention ce qu’ont dit M. Étienne Pinte et d’autres s’agissant de la pénibilité et de l’espérance de vie. Ce sont en effet des sujets très importants. Nous devons regarder ce que font des pays voisins comme l’Allemagne, l’Espagne...

M. Alain Vidalies. Vous savez pertinemment que les travailleurs âgés y sont placés en invalidité.

M. le ministre. La France ne peut pas demeurer un îlot autarcique au milieu de l’Europe. De 1980 à 2010, l’espérance de vie à 60 ans a gagné cinq ans. Nous proposons d’en reprendre deux pour le travail et d’en laisser trois pour la retraite, ce qui nous paraît équilibré. Pour le reste, nous tenons en effet à ce que ce soient les cotisations des actifs qui financent les retraites, fondement du régime par répartition. Il est d’ailleurs curieux d’entendre de certaines bouches des propos qui sont précisément ceux d’ordinaire tenus par les défenseurs de la capitalisation...

M. Alain Vidalies. Restez sérieux !

M. le ministre. Oui, monsieur Vidalies, notre régime de retraite fait partie de notre patrimoine social, au même titre que notre assurance maladie et d’autres acquis. Mais le propre d’un patrimoine est qu’il s’entretient et se rénove. Nous ne pouvons pas demeurer inertes dans un monde qui bouge. Hélas, rien ne trouve jamais grâce à vos yeux. Vous rejetez tout en bloc, par principe, au point que, comme tout ce qui est excessif, cela en devient insignifiant.

Le COR indiquait en 2007 que le déficit des régimes de retraite représenterait 1,7 point de PIB à l’horizon 2030. Or, de par la conjonction des évolutions démographiques et de la crise mondiale, dont vous n’allez tout de même pas nous imputer la responsabilité, c’est dès 2010 que les déficits ont atteint ce niveau, avec vingt ans d’avance. Dans ce contexte, le Gouvernement avait-il le droit vis-à-vis de nos concitoyens de ne rien faire ? Vous avez tort de vous référer à des propos tenus avant la crise, car celle-ci a profondément changé la donne.

Certains me reprochent de ne pas tenir les mêmes propos sur la scène internationale et sur la scène nationale. Jugent-ils scandaleux que nous adressions des messages à nos partenaires européens et internationaux ? N’est-il pas de l’intérêt général que la France qu’elle défende son drapeau ?

Je suis conscient du fait qu’il faudra assurer au mieux la transition entre période de chômage en fin de vie professionnelle et retraite, dès lors qu’on repousse l’âge de celle-ci. Nous vous ferons des propositions en ce sens, qui sont en train d’être élaborées.

Ce que j’entends sur le Fonds de réserve pour les retraites est surréaliste. Vous vous accrochez à ce fonds parce qu’en définitive, c’est la seule chose que vous ayez jamais faite en matière de retraite.

M. Christian Paul. Nous aurions donc au moins fait une réforme ?

M. le ministre. Reconnaissez que mettre en place un fonds ne demandait quand même pas un grand courage. N’est-il pas normal de se servir de cet outil quand on en a besoin ? Quelle en serait sinon l’utilité ?

L’emploi des seniors, sujet abordé notamment par M. Colombier, est un vrai problème. Repousser l’âge légal de départ en retraite améliorera mécaniquement le taux d’emploi des seniors, comme on l’a constaté partout en Europe. Mais, il faudra aller plus loin et aider à ce que s’opère une véritable mutation culturelle dans les entreprises au profit de l’emploi des plus de 58, 59 ou 60 ans. Le Gouvernement a bien l’intention de poursuivre le travail déjà engagé.

Le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement de Mme Chantal Brunel visant à permettre aux mères d’au moins deux enfants de pouvoir liquider à 65 ans leur retraite sans décote, même si elles n’ont pas tous leurs trimestres. Tous les pays qui avaient institué une différence de traitement entre les femmes et les hommes en matière de retraite sont revenus dessus – cela a été le cas en Grèce, en Italie, en Grande-Bretagne… Cette différence de traitement est, en effet, difficilement défendable sur le plan juridique. En outre, la réalité ne la justifie plus. Aujourd’hui, les femmes ont en moyenne 17 trimestres validés de plus que les hommes, notamment par le biais des majorations de durée d’assurance ou de l’assurance vieillesse des parents au foyer. Le vrai problème pour les femmes n’est pas celui du nombre de trimestres cotisés, mais du niveau de leurs pensions, reflet du niveau trop bas de leurs salaires.

Par ailleurs, s’agissant du temps partiel, non pas voulu – parce qu’il est normal alors qu’il y ait alors un impact –, mais subi, il est vrai que celui-ci touche davantage de femmes que d’hommes. Il s’agit là d’une question très importante, même si tout ne peut être traité à l’occasion de cette réforme.

Monsieur Issindou, il ne s’agit pas, avec le projet de loi, de la dernière réforme du quinquennat. Nous avons, concernant mon champ de compétence, annoncé une réforme, majeure, relative à la dépendance. Quant à critiquer de façon excessive le Gouvernement, vous auriez pu choisir ce moment pour présenter les propositions – que j’attends toujours – du Parti socialiste dans le domaine des retraites ! En quatre heures de discussion, aucune n’a été présentée !

M. le secrétaire d’État. L’évolution de carrière, et donc de rémunération, dans la fonction publique est différente de celle du secteur privé, et explique le petit « coup de chapeau » donné en fin de carrière – lequel n’est pas une obligation. Les carrières dans la fonction publique évoluent par palier, mais in fine, les rémunérations sont à peu près équivalentes à celles du secteur privé. C’est une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas retenu le principe consistant à remettre en cause les six mois de référence.

Des propositions diverses ont été formulées pour réglementer ce « coup de chapeau ». Or, non seulement ce dispositif est discrétionnaire – ce qui explique l’absence de réglementation –, mais l’application de règles entraînerait des effets contre-productifs. En particulier, l’interdiction d’y procéder avant les trois dernières années aboutirait à comprimer en fin de carrière l’évolution et donc la motivation des agents. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas entrer dans la logique de rapprochement des six mois et des vingt-cinq années.

Les catégories actives évoluent de façon assez naturelle, et les mesures d’âge s’appliqueront à elles exactement comme pour toutes les catégories de la population qui travaille, sachant, d’une part, qu’en dépit des limites d’âge des catégories actives, le départ moyen est aujourd’hui supérieur à 55 ans – les fonctionnaires utilisent ce dispositif après les limites d’âge, évolution qui va en s’accentuant –, et, d’autre part, que la suppression des mesures couperet en 2009 a accéléré ce mouvement, en poussant les fonctionnaires à retarder l’âge de départ à la retraite.

Ainsi, on observe une évolution de plusieurs catégories actives : les instituteurs, par exemple, sont devenus professeurs des écoles et les infirmières disposeront – ce qui est une évolution statutaire – d’un droit d’option, en application de l’article 37 de la loi relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique. Vous le voyez : les catégories actives ne sont pas figées dans la fonction publique. Quant à la police et au personnel pénitentiaire, ce sont des catégories spécifiques qui n’ont pas d’équivalent dans le secteur privé.

Mme Colette Langlade. Je souhaite évoquer plus particulièrement la question de l’emploi des seniors. Si le produit intérieur brut par tête a considérablement progressé en France pour se rapprocher de celui du Japon, le clivage entre seniors et nouveaux entrants sur le marché du travail demeure important dans notre pays.

Il s’agit d’un point central de la réforme des retraites, et, au-delà, de la politique du travail. Pourtant, malgré ses engagements, votre Gouvernement n’a rien fait pour élever le taux d’emploi des seniors, qui reste de 38 % quand la moyenne de l’Union européenne est de 45 %. Nous sommes bien loin de l’objectif avancé dans la stratégie de Lisbonne et dans les conclusions du Conseil de Stockholm : un taux de 50 % à l’horizon 2010.

Vous partez du postulat selon lequel porter l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans entraînera un report de l’âge de départ effectif, de 58 à 60 ans. Mais, alors que de nombreuses études font état de l’accélération des rythmes de travail, d’une exigence de réactivité et de polyvalence accrues, d’une aggravation de la pénibilité physique comme des risques psychosociaux, les mesures que vous prévoyez se bornent à un saupoudrage : aide à l’embauche d’un demandeur d’emploi de plus de 55 ans sur un contrat à durée déterminée de plus de six mois et renforcement du tutorat. Comment, dans ces conditions, les seniors ne resteraient-ils pas condamnés à une alternance entre contrats à durée déterminée et périodes de chômage, les employeurs se débarrassant d’eux pour ne pas payer les charges trop lourdes que justifie leur expérience ?

On mesure, là, le manque flagrant d’ambition de votre majorité, alors que nos concitoyens attendent des propositions concrètes, efficaces et surtout, précisément, ambitieuses. Pour notre part, nous préconisons l’instauration d’un rendez-vous biennal ou triennal pour l’ensemble des salariés à partir de 45 ans, afin d’envisager leur évolution professionnelle ; nous proposons la généralisation du tutorat dans les entreprises, l’encouragement à la cessation progressive d’activité, l’aménagement des conditions de travail des plus de 55 ans, avec la limitation ou la suppression du travail de nuit et des tâches physiques trop exigeantes, la mise en place d’un mécanisme de bonus/malus qui aboutirait à moduler les cotisations patronales en fonction de la part des seniors dans l’entreprise, et la fixation à Pôle Emploi d’objectifs chiffrés de retours à l’emploi des seniors.

Rien de tout cela ne figure dans votre texte. Vous manquez d’une vision globale, faute de considérer des facteurs aussi importants que celui de la pénibilité pour les seniors. Ayant à cœur de préserver le système de retraite par répartition et donc de contribuer à un débat constructif, nous vous demandons de considérer nos propositions sans mépris ni démagogie, mais avec tout le sérieux qu’elles méritent.

M. Roland Muzeau.  Nous avons déjà eu l’occasion de le dire lors de l’audition de M. Woerth par la commission la semaine dernière : ce projet de loi est inacceptable, non seulement parce qu’il repousse les bornes de la retraite, mais aussi parce qu’il fait peser sur les salariés 85 % de l’effort demandé. En ce sens, il est inégalitaire et, alors que vous avez sans cesse le mot « équité » à la bouche, inéquitable.

Les députés communistes et du parti de gauche ont déposé une proposition de loi portant exclusivement sur le financement des retraites, qui vise à préserver l’acquis social de la retraite à 60 ans sans allonger la durée de cotisation. Nous comprenons bien que les solutions que nous préconisons ne peuvent être celles de la majorité présidentielle, mais nous demandons qu’elles soient versées au débat. On ne peut laisser croire qu’il n’y aurait d’autre chemin que celui que nous désigne le Gouvernement par une sorte d’oukase.

Nous nous inquiétons aussi de l’attitude adoptée par la majorité. Jean-François Copé, qui ambitionne de devenir président de la République – peut-être même avant 2017 ! –, a expliqué ce matin sur France Inter que le débat sur la réforme des retraites ne commencerait véritablement qu’à la rentrée, moment où l’UMP, qui n’a jusqu’ici déposé que quelques amendements, dévoilerait ses propositions phares. Ce premier supporter de la revalorisation du rôle du Parlement a ainsi manifesté le mépris dans lequel il tient notre commission et son travail, attitude bien peu en accord avec l’esprit qui guidait, selon la majorité présidentielle, la révision constitutionnelle et la réforme du Règlement.

Lors de votre audition, monsieur le ministre, vous avez expliqué que vous aviez été contraint de substituer la concertation à une négociation qui se révélait impossible. Le mouvement social et les représentations syndicales ont pourtant montré le contraire, en soumettant au débat un certain nombre de propositions, concernant en particulier la pénibilité.

À ce sujet, vous procédez à un curieux amalgame avec la question des carrières longues, avançant le chiffre de 100 000 personnes concernées par ces deux dispositifs. Mais, lorsque vous parlez de pénibilité dans votre dossier de presse, vous dites que seulement 10 000 salariés pourraient bénéficier du dispositif, chiffre ridiculement faible, dénoncé par toutes les organisations syndicales : dans la seule branche du bâtiment, on estime à 40 000 le nombre de ceux qui sont confrontés à la pénibilité.

Vous avez comparé cet après-midi la recherche d’indicateurs de pénibilité à une quête du Graal.

M. le ministre. Je parlais de leur définition.

M. Roland Muzeau. Pourtant, si l’on se réfère aux négociations conduites dans nombre de branches professionnelles ou même d’entreprises, la chose n’a rien d’impossible. Le Gouvernement aurait tout intérêt à s’inspirer des définitions figurant dans les accords conclus sur le sujet dans les secteurs aéronautique, sidérurgique, minier, automobile ou agricole, pour mettre en place des dispositifs permettant, non seulement d’accéder à la retraite à 60 ans, mais de cesser progressivement son activité à partir de 55 ans, selon le degré de pénibilité.

Mme Michèle Delaunay. Nous sommes d’accord sur un point au moins : cette loi est une loi majeure, et concerne tout le monde. Dès lors, je ne comprends pas que vous refusiez que les séances en commission soient retransmises sur
LCP-AN : nos concitoyens, notamment les plus âgés, auraient ainsi accès à nos débats plus aisément que par la lecture du compte rendu et l’image des politiques s’en trouverait valorisée. Persuadée que les députés ici présents, comme les membres du Gouvernement, n’auraient rien à y perdre, je me permets de renouveler cette demande.

Monsieur le ministre, vous avez dit que les députés de l’opposition étaient excessifs et rejetaient tout en bloc. C’est faux. Nous exigeons simplement des contreparties pour nos concitoyens. Comme l’a dit Jacques Domergue, ils consentent à l’effort qui leur est demandé, mais ils doivent en comprendre les raisons et y trouver leur compte, en termes de santé et d’espérance de vie. Cet effort doit en outre être mieux réparti, et partagé par ce que j’appellerai, pour faire court, le capital.

En tant que médecin, j’espérais une certaine réciprocité, effort contre bénéfice en matière de santé. Après cinquante ans de progrès social et médical, j’avoue avoir du mal à comprendre qu’il vous soit impossible de tenir compte des statistiques établies par la médecine du travail : celles-ci montrent précisément quelles sont les affections favorisées par tel ou tel type de métier. Pourquoi faire comme si rien de tel n’existait et se fonder uniquement sur le constat de l’invalidité pour mesurer la pénibilité ? Au contraire, les risques – connus – devraient être pris en compte de manière à les prévenir, ce qui faciliterait d’ailleurs l’acceptation de ces dispositions par certaines professions.

Par ailleurs, le taux d’invalidité fixé à 20 % est appelé à augmenter avec le vieillissement, affectant la longévité et les conditions de vie du retraité. Selon vous, 10 000 personnes pourraient être concernées chaque année par ce dispositif et se voir offrir ce « cadeau » que sera demain le droit de partir à la retraite à 60 ans. Mais pour 10 000 bénéficiaires effectifs, combien de dizaines de milliers de salariés déposeront une demande ? Comment la médecine du travail, dans l’état où elle se trouve, pourra-t-elle procéder à autant d’évaluations ?

À titre personnel, j’aurais aimé qu’il y ait un lien entre l’effort demandé aux salariés et aux retraités et la prise en compte de la dépendance. Or, au moment où les discussions s’engagent sur la retraite, nous apprenons que ce seront l’assurance privée et la récupération sur succession – et le Gouvernement n’y est pas pour rien – qui viendront en renfort de ce qui fut la belle perspective du cinquième risque. Cela ne nous incite pas à examiner dans un esprit positif les efforts que vous allez exiger des salariés.

Je vous demande de considérer avec loyauté les propositions que je vous ai présentées sans esprit partisan.

M. Christian Hutin. Concernant une réforme aussi importante, qui touche tous les Français et qui exigerait donc d’être examinée dans la sérénité, était-il vraiment nécessaire d’en faire un projet « d’été », puis « de rentrée », surtout après une trentaine d’auditions intéressantes auxquelles les commissaires s’étaient montrés assidus ? La discussion à la hussarde, à laquelle le Gouvernement nous a habitués, est ici particulièrement regrettable. Les chaînes d’actualité évoquent la réunion en catimini de la Commission des affaires sociales, au deuxième sous-sol, à huis clos. Cela ne vous ressemble pas, monsieur le président. C’est pourquoi je renouvelle l’appel d’Alain Vidalies et d’autres. Nos travaux ne pourront-ils pas, demain, être retransmis par LCP-AN ? Nous parlons tout de même du régime de retraite des Français ! Nous votons des financements destinés à LCP-AN. Que doit-elle diffuser sinon nos débats ?

Vous citez souvent, monsieur le ministre, les autres pays européens. Mais eux ont pris largement le temps de la réflexion. Dans les pays nordiques, les discussions ont duré deux ou trois ans. Il ne faut pas que cette réforme soit un sprint, non plus qu’un steeple-chase. Nous avions le temps.

Madame Rosso-Debord, il y a un vrai clivage philosophique et politique entre nous. Nous ne vivons pas tout à fait dans le même monde. Quand les dockers de Dunkerque parlent de pénibilité, ils ne parlent pas d’invalidité.

Mme Valérie Rosso-Debord. Dans ma circonscription, il y a Pompey. Le côté « je suis le seul à savoir » est extrêmement agaçant.

M. Christian Hutin. Je ne donne de leçon à personne, j’entends seulement souligner une différence entre la philosophie comptable et démographique qui est la vôtre et la nôtre, plus humaniste. Nous sommes tous d’accord qu’il faut une réforme. Mais le modeste médecin généraliste que je suis sait que confondre pénibilité et invalidité est une aberration totale. Il vaut mieux ne rien faire ! Si, en passant mon certificat d’études supérieures de médecine du travail, j’avais été interrogé sur la pénibilité et que j’avais traité de l’invalidité, on m’aurait dit, à juste titre, que j’avais fait un hors sujet.

On vit plus vieux, c’est vrai, mais pas forcément en bonne santé. Les gens que nous croisons dans nos circonscriptions disent qu’ils « profitent » de la retraite ou parlent de ceux qui n’ont pas eu le temps d’en « profiter ». Ce temps donné, il ne varie pas beaucoup. La preuve en est d’ailleurs que, dans quelques mois, nous allons nous pencher sur la dépendance. Et nous aurons un nouveau combat.

Philosophiquement, nous divergeons et nous n’avons pas la même façon de concevoir le financement des retraites.

Mme Martine Pinville. Les Français ont pris conscience de la nécessité d’assurer la pérennité du système de retraite mais, dans leur majorité, ils ne souhaitent pas cette réforme-là.

Les retraites des femmes sont en moyenne inférieures de 30 à 40 % à celles des hommes à cause de leurs carrières souvent hachées, interrompues pour élever leurs enfants. Elles optent aussi souvent pour le temps partiel. Une sur deux part à la retraite avec une pension de moins de 900 euros. Avec la réforme, les risques de pauvreté ne vont qu’augmenter, à cause notamment de l’allongement de la durée de cotisation. Les femmes ont moins que les hommes la possibilité de se défendre. La pénibilité du travail, la répétition des tâches, les horaires discontinus, le travail tardif pour les caissières ou les femmes de ménage, sont moins reconnus, car leurs effets ne sont visibles qu’à long terme. Le chômage des femmes reste très élevé et, avec la crise, les temps très partiels ont fortement augmenté sans procurer les mêmes avantages sociaux que le chômage partiel. Cela se traduit par un niveau de salaire et, partant, de pension, très bas.

Les mesures prévues dans la réforme ne couvriront pas l’ensemble des besoins de financement. C’est donc la politique de l’emploi qu’il faut revoir, notamment de l’emploi des seniors. Le taux d’emploi des 55-64 ans est très bas, de l’ordre de 38 % et il y a trois ans d’écart entre l’âge moyen de cessation d’activité, soit 58,5 ans, et celui de liquidation de la retraite. Entre-temps, les personnes concernées subissent le chômage, la préretraite ou d’autres dispositifs. C’est donc dans une réforme du marché du travail que résident les solutions. Je vous demande donc, messieurs les ministres, de prendre en compte les propositions que nous ferons tout au long du débat.

M. Paul Jeanneteau. Je me contenterai d’évoquer la situation des polypensionnés. C’est un sujet délicat, le Président de la République l’a d’ailleurs reconnu dans son intervention télévisée, et il a dit qu’il y travaillerait avec ses ministres pendant l’été. Un décret du 13 février 2004 a certes modifié le nombre d’années d’assurance à prendre en compte pour déterminer le salaire annuel moyen servant de base de calcul à la pension des polypensionnés, mais ne sont concernés que ceux relevant du régime général, des régimes agricoles, artisans et commerçants. Le cas de ceux qui ont travaillé alternativement dans le privé et le public n’est pas traité et ils sont pénalisés du fait que la pension est calculée en prenant en compte la totalité des années de travail, fussent-elles incomplètes ou faiblement rémunérées. Quelles sont les pistes que vous étudiez, messieurs les ministres, pour assurer une meilleure équité entre tous les polypensionnés ?

Mme Marie-Renée Oget. Je rappelle que les socialistes ont toujours affirmé la nécessité de légiférer sur la question des retraites, mais en se fondant sur un réel projet de société.

Vous prétendez que la réforme assurera un avantage à ceux qui ont eu des carrières longues. Mais est-ce vraiment le cas ? À 60 ans, ceux qui auront commencé à travailler à 17 ans auront cotisé quarante-trois annuités.

Vous avez parlé, messieurs les ministres, de marges de discussion possibles. Mais vous n’avez pas voulu des amendements tendant à améliorer le sort des parents d’enfants handicapés. Vous qui parlez d’équité, comment se fait-il que vous ne trouviez pas normal de tenir compte du fait que ces personnes doivent interrompre ou réduire leur activité pour s’occuper de leur enfant ?

Concernant la suppression du régime dérogatoire, dont bénéficient les parents de trois enfants ayant quinze ans d’ancienneté dans la fonction publique, vous aviez dans un premier temps fixé la date limite pour présenter sa demande au 13 juillet 2010. Fort heureusement, vous l’avez repoussée au 31 décembre. Quel sera l’impact de cette mesure sur les effectifs de la fonction publique hospitalière ou territoriale ? Les besoins en personnel ont-ils été anticipés en conséquence ?

M. Yves Durand. À vous entendre, il y aurait, d’un côté, ceux qui voudraient une réforme des retraites et, de l’autre, les partisans du statu quo, autrement dit les courageux et les autres. Je voudrais m’inscrire en faux contre cette présentation. Avant même que le Gouvernement ne présente son projet, le Parti socialiste avait fait des propositions pour contribuer à un débat clair et démocratique. Or, pour être démocratique, celui-ci doit être transparent et accessible à tous. Il aurait été intéressant que nos débats soient retransmis par LCP-AN, de sorte que nous puissions, les uns et les autres, défendre publiquement nos projets respectifs – ce qui aurait en outre évité des petites phrases, déplacées dans un débat de cette ampleur.

Selon vous, monsieur le ministre, cette réforme est essentielle. Nous en sommes d’accord. Mais, alors, il faut du temps. Or, vous invoquez l’urgence. Nous avons démontré que le problème ne se poserait pas avant 2020. Pourquoi vouloir avancer à marches forcées en réunissant les commissions en plein mois de juillet, en catimini ? Pourquoi vouloir boucler la réforme avant la fin de l’année ? Pour ne plus avoir à en parler pendant la campagne présidentielle ?

Il s’agit d’une véritable réforme de société, qui touche au travail, aux conditions de vie de chacun. Le sujet aurait mérité mieux qu’une réforme faussement comptable. Une réforme comptable aurait été « à côté de la plaque », mais elle aurait eu au moins le mérite d’être financée. Or, votre réforme ne l’est pas. En 2025, le système sera déficitaire tandis que, avec d’autres ressources, d’autres clefs de financement, nous arrivons, nous, à l’équilibre.

Un dernier point : le Fonds de réserve pour les retraites. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu’il était normal de l’utiliser. Mais, il a été créé par le Gouvernement Jospin pour servir en cas d’aléa ou de crise économique. Vous, vous le pillez pour une réforme qui n’est ni faite, ni financée parce que vous refusez de toucher à des revenus que vous protégez. Voilà pourquoi je demande au Gouvernement de revoir sa position sur le fonds de réserve.

Par ailleurs, il faudrait qu’il nous explique clairement comment il réussira à équilibrer le régime en 2025. À défaut, il mentira aux Français et l’urgence derrière laquelle il s’abrite pour passer en force apparaîtra pour ce qu’elle est : un mauvais argument.

M. Jean-Patrick Gille. Il n’y a pas de consensus sur un sujet qui l’aurait pourtant mérité, tout d’abord parce qu’il n’y a pas eu de négociation aboutie avec les partenaires sociaux. Ils sont tout de même censés gérer les caisses d’assurance vieillesse. Le Président de la République a décidé unilatéralement, dans un esprit de revanche politique et sociale. Il nous a en effet expliqué, dans son interview, que la première partie de son mandat avait été consacrée à la remise en cause des 35 heures et que la seconde le serait à celle de la retraite à 60 ans. Ensuite, parce que l’essentiel de l’effort est demandé au salariat sans que la pérennité du régime soit pour autant assurée, même si vous siphonnez le Fonds de réserve pour les retraites.

Je m’attacherai surtout aux dispositifs de solidarité en faveur des jeunes, des femmes et des seniors, vantés à l’excès dans la campagne de publicité lancée avant même que la loi ne soit votée.

L’emploi des jeunes a sa place dans la discussion de la réforme des retraites, puisque nous défendons la répartition. Tout devrait être fait pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes. Pourtant, ces derniers jours, on annonce qu’on renonce à plusieurs dispositifs d’accompagnement, sans doute pour trouver de l’argent pour les seniors. Vous annoncez une amélioration mineure destinée aux chômeurs non indemnisés, des jeunes en majorité. L’exposé des motifs indique que les jeunes en situation précaire pourront valider six trimestres au titre de leur première période de chômage non indemnisé, au lieu de quatre aujourd’hui. Quelle avancée ! Cependant, le projet de loi n’en porte pas trace. Comment comptez-vous faire, monsieur le ministre ? Ne vaudrait-il pas mieux prendre en compte les périodes de formation, indemnisées ou non, dans le décompte des annuités, et même instaurer un statut du salarié en formation ?

En ce qui concerne les femmes, l’inégalité des pensions reflète celle des traitements, mais aussi des carrières. Celles des femmes sont plus courtes et plus précaires. Ainsi, seulement 44 % d’entre elles ont une carrière complète. Mais, le cumul de l’augmentation de la durée de cotisation et du recul de l’âge légal pèsera sur le montant de leurs pensions et aggravera l’inégalité entre hommes et femmes. Beaucoup d’entre elles devront attendre 67 ans pour partir à la retraite. Au motif que les écarts tiennent surtout aux salaires, vous annoncez, monsieur le ministre, des mesures pour inciter les entreprises à investir dans la réduction des écarts salariaux entre hommes et femmes. Lesquelles ? Quand ?

Vous proposez de repousser l’âge de départ à la retraite, alors que le taux de chômage des seniors est élevé – et ne va pas baisser d’un coup de baguette magique. Le Président de la République a, certes, déclaré que les entreprises mettaient les salariés de plus de 55 ans au chômage parce que la retraite était à 60 ans et qu’en reculant l’âge de départ, les entreprises différeraient leur décision de deux ans aussi. Mais rien ne le prouve. Et il risque même d’y avoir un transfert important de la prise en charge, de l’assurance vieillesse vers l’assurance chômage.

Vous envisagez une aide à l’embauche des seniors, que nous venons de découvrir. Apparemment, elle n’a pas été discutée avec les partenaires sociaux. Espérons qu’elle aura un plus grand succès que la formule du contrat à durée déterminée pour les seniors. Une modulation des cotisations sociales serait préférable, favorable aux entreprises qui fidélisent leurs salariés et pénalisant celles qui recourent massivement à l’emploi précaire et au temps partiel.

Quel sera l’avenir du dispositif allocation équivalent retraite destiné aux chômeurs non indemnisés, mais qui peuvent prétendre à une retraite à taux plein ? La loi de finances pour 2008 l’avait abrogé, mais il a dû être prorogé sous l’effet de la crise et de nos pressions.

Enfin, ne trouvez-vous pas indécent, pour ne pas dire mensonger, de communiquer sur des mesures qui, non seulement ne sont pas votées, mais sont bien imprécises, sinon absentes du projet ?

M. Régis Juanico. Je souhaiterais revenir sur les conditions quelque peu surréalistes dans lesquelles débute l’examen de ce texte par la Commission des affaires sociales. Le Gouvernement a choisi de jeter une chape de plomb sur le débat ; le calendrier a été fixé de manière à éviter toute contestation. Vous faites tout pour aseptiser la discussion et pour vitrifier le texte, mais il n’est pas sûr que vous réussissiez !

Le plus grave, c’est qu’alors que vous avez fait de la concertation sociale l’une de vos ambitions politiques, on entend les partenaires sociaux, les syndicats en particulier, se plaindre que vous ne teniez pas compte de leurs positions. Il y a un mois, vous aviez annoncé qu’avant son examen par l’Assemblée, vous amélioreriez ce texte sur trois points : la pénibilité, les polypensionnés et les carrières longues. Rien n’a bougé. Bien au contraire, on observe une régression sur le premier volet.

Sur le fond, votre plan n’est pas fait pour les salariés, ni pour sauver notre système de retraite par répartition. Il a été conçu pour satisfaire les exigences des marchés financiers et des agences de notation. D’ailleurs, M. Claude Guéant expliquait dans le Financial Times qu’il s’agissait d’un plan strictement comptable – quoique faussement comptable –, visant à réaliser un maximum d’économies. On fera ainsi payer la crise aux salariés, puisque leur contribution représente 90 % de l’effort demandé, alors que les hauts revenus et le capital ne sont mis à contribution qu’à hauteur de 4 milliards d’euros.

Plus grave encore, ce plan est injuste, puisque vous ajoutez aux diminutions successives du taux de remplacement décidées en 1993, en 1994 et en 2003, qui ont entraîné une baisse des pensions de 20 %, la remise en cause d’un acquis social auquel les Français sont très attachés. Ce report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans entraîne mécaniquement, n’en déplaise à François Bayrou, celui de l’âge de la retraite à taux plein, de 65 à 67 ans !

Cette mesure méconnaît l’existence dans la société française d’une inégalité fondamentale : la différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre supérieur, qui avoisine les sept années ; les ouvriers sont à la retraite moins longtemps et dans un état de santé plus dégradé que les autres catégories socioprofessionnelles.

Elle pénalisera les salariés les plus modestes, ceux qui ont commencé à travailler très jeunes, ceux qui ont eu des métiers pénibles, ainsi que les femmes aux carrières incomplètes et les travailleurs précaires.

Votre réforme sera sans doute la plus dure et la plus douloureuse d’Europe, puisque l’Allemagne prévoit pour 2029 le passage de l’âge de départ à la retraite à taux plein de 65 à 67 ans : vous réalisez l’exploit de le faire dix ans avant elle !

Ce texte est une trahison non seulement des engagements pris envers les Français en 2007, mais aussi de ceux, relatifs à la pénibilité, inscrits dans la loi de 2003. S’il comprend un volet, fort limité, sur l’incapacité physique, il ne propose pas de définition de la pénibilité, n’en identifie aucun facteur et ne prévoit pas de mesures préventives, alors que les partenaires sociaux s’étaient mis d’accord sur ces trois points. Cela prouve que le Gouvernement ne se soucie pas d’élaborer un dispositif tenant compte des effets identifiables et irréversibles du travail sur la santé, qui influent sur l’espérance de vie et touchent aujourd’hui 2,3 millions de salariés. Il privilégie une mesure relative à l’incapacité physique, qui ne concerne que 10 000 personnes et aura le moins de répercussions possibles sur le budget de l’État et sur le niveau des cotisations patronales.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je souhaite rappeler quelques faits.

Premièrement, le pouvoir d’achat des 15,5 millions de retraités français est préservé, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays d’Europe. Deuxièmement, l’espérance de vie des Français à l’âge du départ à la retraite est la plus longue d’Europe. Troisièmement, la compétitivité des entreprises n’est pas remise en cause. Enfin, s’agissant de la pénibilité, 100 000 à 150 000 départs seront possibles à 60 ans ou avant. Est-ce le cas dans beaucoup de pays d’Europe ? Après avoir entendu tant de caricatures inspirées de Germinal, je tenais à rétablir ces vérités.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Nos concitoyens vivent mal ; ils sont inquiets pour leur avenir et pour celui de leurs enfants. Est-ce pour cette raison que vous n’avez pas souhaité que notre débat soit retransmis sur LCP-AN ?

Votre projet de loi pèse sur les plus faibles, une fois de plus – une fois de trop ?

Monsieur le ministre, en répondant à Martine Billard, vous avez eu l’air de prendre la situation des femmes à la légère, en prétendant qu’elles retrouveraient progressivement leur pouvoir d’achat. Pourtant, les femmes souffrent de la précarité, des écarts de salaires avec les hommes, du développement du travail à temps partiel, ainsi que de la pénibilité. Les pensions qui leur sont versées demeurent, et demeureront encore longtemps, inférieures à celles des hommes.

Malgré cela, votre projet de loi ne comporte, hormis la prise en compte du congé de maternité, aucune mesure en leur faveur. Vous vous êtes même déclaré défavorable à l’amendement adopté par la Commission des finances, visant à permettre aux femmes de bénéficier d’une retraite à taux plein à 65 ans au lieu de 67. Vous vous référez sans cesse à ce que font les autres pays européens, mais je vous signale que dans beaucoup d’entre eux, les femmes partent à la retraite à 60 ans et les hommes à 65 ans. Pourriez-vous vous inspirer de leur exemple pour revenir sur votre refus d’ici à la discussion en séance plénière ?

Beaucoup de femmes travaillent à temps partiel. Or, un temps partiel de moins de deux cents heures par trimestre ne permet pas de valider un trimestre. Je ne suis pas sûre que toutes les personnes concernées le sachent, ni que leurs employeurs le leur disent, notamment lorsqu’ils transforment des emplois à temps complet en emplois à temps partiel de moins de deux cents heures.

D’autre part, trouvez-vous normal qu’après avoir élevé trois enfants, celles qui touchent une petite retraite de 800 euros par mois et celles qui étaient cadres bénéficient de la même bonification, de 10 % ?

Enfin, nous sommes plusieurs députés, de tous bords politiques, à appeler chaque année l’attention du Gouvernement sur la situation des quatre millions de veufs et veuves de notre pays – plus de trois millions étant des femmes. Et chaque année, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, on nous renvoie à la discussion du projet de loi relatif aux retraites. Pourtant, je ne vois aucune disposition sur le sujet.

La situation des veuves est particulièrement difficile. De surcroît, le Président de la République avait promis, notamment lors de la campagne présidentielle, le passage du taux de réversion de 54 % à 60 %, l’augmentation du plafond de ressources pour l’attribution de la pension de réversion, la pérennisation de l’allocation veuvage – dont le régime doit s’interrompre au 31 décembre 2010. La réversion s’appliquant de nouveau sous la condition d’âge minimum de 55 ans, les jeunes veuves ne bénéficieront d’aucun des deux dispositifs ! De même, il avait promis l’ouverture d’un droit à pension de réversion pour les concubins et les pacsés. Je n’ose croire que ces engagements ne seront pas tenus !

M. le président Pierre Méhaignerie. Chers collègues, je vous informe que je n’accepterai aucune nouvelle demande de prise de parole. Quarante et un orateurs sont intervenus durant la discussion générale, qui a duré six heures trente au total. Il faut remonter très loin dans le temps pour trouver un débat en commission d’une telle ampleur !

M. Jean-Louis Gagnaire. Pour commencer, je souhaiterais corriger certains de vos accommodements avec la vérité, monsieur le président. Ainsi, vous dites que la part des salaires dans le PIB a diminué à partir de 1983 – probablement voulez-vous suggérer que c’est en raison de la politique du Gouvernement de l’époque. Certes, il y a eu une forte hausse dans les années 1970 et un retournement dans les années 1980 : on est revenu, vers 1986, au niveau de 1973. Toutefois, la hausse des années 1970 s’explique par la forte progression des salaires, quand la productivité du travail a ralenti. Permettez-moi de vous rappeler qu’en 1981, l’économie française était dans un état déplorable, au point que certaines entreprises, au bord de la ruine, ont dû être nationalisées. Quant à la baisse des années 1980, elle est due pour partie à la hausse des taux d’intérêts réels. Ce phénomène, qui ne résulte pas d’une volonté délibérée du Gouvernement, s’est largement accentué dans les années suivantes.

Quant à vous, monsieur le ministre, je me demandais en vous écoutant si vous n’aviez pas changé de casquette, pour devenir président de groupe. Vous vous exprimez comme si votre problème, c’était nous ! De toute évidence, vous n’avez pas lu nos propositions. Elles ont pourtant été présentées aux Français avant votre projet de loi, et nos concitoyens les ont comprises et approuvées. Je souhaiterais que vous en teniez compte. En caricaturant nos positions, vous vous caricaturez vous-mêmes !

Quand on entend les attaques en règle contre les fonctionnaires et les appels à une forme de privatisation de la retraite, il vaut effectivement mieux que certaines interventions ne soient pas retransmises à la télévision. Toutefois, je crois que l’on aurait gagné en sérénité si ce débat, qui intéresse tous les Français, avait été filmé.

Mme Bérengère Poletti. Qui êtes-vous pour nous donner des leçons ? Vous n’appartenez même pas à cette commission !

M. Jean-Louis Gagnaire. En effet, j’appartiens à celle des affaires économiques et, aux termes du Règlement que vous avez adopté, j’ai parfaitement le droit de participer à la réunion d’une autre commission – de même qu’à la Commission des affaires économiques, les membres des autres commissions peuvent intervenir, ce qui fut notamment le cas lors de l’examen des projets de lois de modernisation de l’économie ou de modernisation de l’agriculture, lorsque certains lobbies ont cherché à s’exprimer !

Pour ce qui me concerne, je ne suis pas là pour défendre un lobby, mais je souhaiterais que nous tenions compte de ce que disent les Français. Notre collègue, Marie-Christine Dalloz faisait tout à l’heure allusion à certaines réunions publiques. J’ignore où elles ont eu lieu, mais, en ce qui me concerne, je n’ai rencontré aucun salarié qui approuve la réforme proposée. Tout le monde est conscient que ce texte est fait pour donner des gages aux agences de notation. Mme Lagarde ne cesse, dans les réunions internationales, de répéter que cette réforme est nécessaire pour faire rentrer la France dans les clous et pour que la part des prélèvements obligatoires dans notre pays diminue rapidement. Il s’agit, en outre, de donner des gages à nos voisins allemands, qui s’impatientent devant l’incurie politique du Gouvernement.

Cette réforme est injuste, puisque 90 % des efforts demandés reposent sur les salariés, et imprévoyante, puisqu’il faudra revenir dessus en 2018 – et dès 2012 si les électeurs nous font confiance, pour corriger ses aspects antisociaux, pour sécuriser durablement les comptes des caisses de retraite, et pour mettre fin au hold-up sur le Fonds de réserve pour les retraites.

Par ailleurs, vous confondez invalidité et pénibilité. Dans ma région, deux industriels du secteur de la chimie, Rhodia et Arkema, ont décidé d’accorder, après discussion avec les partenaires sociaux, la retraite à 57 ans, sur fonds privés. Croyez-vous vraiment que ces groupes, qui doivent assurer la rémunération de leurs actionnaires, réduisent de trois ans la durée de travail de leurs salariés par pure philanthropie ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Six mois, et non trois ans, monsieur Gagnaire : ensuite les salariés bénéficient des prestations de l’UNEDIC, non des fonds privés !

M. Jean-Louis Gagnaire. En tout cas, cela permet à certains salariés de partir à la retraite à 57 ans, ce qui prouve que ces deux groupes reconnaissent la pénibilité du travail dans leur secteur, les risques encourus et la moindre espérance de vie de leurs salariés à leur départ à la retraite. Ce que des groupes privés ont été capables de reconnaître à travers des accords signés avec les partenaires sociaux, le Gouvernement serait bien inspiré de l’introduire dans la loi, au lieu de nier l’évidence !

Enfin, se pose le problème du statut de l’auto-entrepreneur, dont nous discutons régulièrement à la Commission des affaires économiques. M. Novelli fait la promotion de ce dispositif, en assurant que la France sera bientôt copiée par l’Europe entière. Or, nous avons auditionné les responsables des caisses de retraite, notamment celle des professions libérales : les charges liées aux exonérations de cotisation sont actuellement supportées par elles, ce qui se traduira inévitablement par une augmentation de 10 à 20 % des cotisations. Si l’on veut assurer un financement équilibré des caisses de retraite, il faut que l’État honore ses engagements ! Vous avez fait voter dans l’urgence une loi absurde, qui déstabilise le secteur de l’artisanat et le budget des caisses de retraite, en attribuant des trimestres gratuits à tout auto-entrepreneur, quel que soit son chiffre d’affaire. Voilà la réalité du statut de l’auto-entrepreneur, que personne ne semble connaître au sein de votre commission !

M. le président Pierre Méhaignerie. Ne soyez pas provocateur, monsieur Gagnaire : nous avons travaillé des heures sur la question !

M. Jean-Louis Gagnaire. La loi de modernisation de l’économie n’a pas été examinée par la Commission des affaires sociales, mais par celle des affaires économiques, et ces questions ont été largement débattues par les députés de notre groupe : il me semble donc légitime que je porte le débat ici. D’ailleurs, vous auriez gagné du temps si vous nous aviez écoutés ; cela vous aurait évité de présenter certains amendements !

De même, lors de l’examen de la loi dite « TEPA », nous n’avions cessé de dire qu’il fallait supprimer les crédits d’impôt sur les intérêts d’emprunt. Aujourd’hui, M. Apparu reconnaît qu’il s’agit d’un gaspillage de l’argent public. Vous arrivez aux mêmes conclusions que nous, mais avec des semaines, voire des années de retard.

Votre réforme n’est ni faite, ni à faire, et elle sera à refaire !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Au cours de sa séance du 8 juin 2010, la Commission des affaires sociales a reçu M. Jacques Escourrou, président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAV-PL). En page 266 du rapport d’information sur la réforme des retraites déposé par la commission, figure la question que je lui ai posée à propos des difficultés liées au statut des auto-entrepreneurs, et en page 269 sa réponse, selon laquelle la CNAV-PL devra payer 1 700 euros par an et par auto-entrepreneur. Je ne peux donc admettre ni laisser dire que nous ignorerions à quoi nous en tenir sur ce dossier.

Mme Gisèle Biemouret. Vous évoquez, monsieur le ministre, un droit social nouveau pour les salariés reconnus travailleurs handicapés. Notre appréciation diffère sans doute sur ce point, mais pourriez-vous nous dire quelles seront les 10 000 personnes concernées et en fonction de quels critères elles accéderont à ce nouveau droit social ? D’autre part, à qui sera confiée la gestion des demandes – à un nouveau service de l’État ou aux maisons départementales des personnes handicapées ?

Lorsque nous l’avons auditionné, le directeur général du Régime social des indépendants (RSI), nous a expliqué que, chaque année, celui-ci recouvre pour le compte de l’État le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (CSSS), soit 5 milliards d’euros. Mais, si le RSI en assure la collecte, il ne conserve pas la totalité du produit de cette taxe ; où finissent ces fonds ?

M. Christian Eckert. Plusieurs remarques s’imposent sur la forme que le Gouvernement donne à ce débat. En premier lieu, quels éléments du projet sont négociables ? Aussi bien le Président de la République que vous, monsieur le ministre, allez proclamant que le report de l’âge de la retraite à 62 ans ne l’est pas, mais que l’on peut discuter des carrières longues, des polypensionnés et de la pénibilité. Dans les faits, qu’en est-il ? Ce matin, en Commission des finances, saisie pour avis, nos amendements sur ces sujets ont été balayés. À quoi servons-nous ? Dès que l’on vous fait des propositions précises, vous répondez que les éléments susceptibles d’être négociés le seront plus tard, peut-être en septembre… En réalité, vous refusez d’examiner ces sujets.

Sur un autre plan, pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir assorti ce projet d’un projet de loi de finances rectificative ou d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative ? Certains, sur les bancs de la majorité, s’interrogent eux aussi à ce sujet. On lit, certes, l’annonce de diverses mesures, y compris fiscales, dans vos documents publicitaires, mais dans le projet de loi lui-même, rien !

Dans le même temps, vous allez de chaîne de télévision en chaîne de télévision affirmer qu’il n’y a pas de propositions socialistes ; c’était le cas ce soir encore, sur LCP-AN. Cessez de nous traiter par le mépris, comme si tout ce que nous disions était stupide ! Notre collègue Yves Durand l’a dit, les propositions du Parti socialiste sont sur la table, qu’il s’agisse de la taxation des revenus du capital ou de la majoration de l’impôt sur les sociétés acquitté par les banques, mais vous les balayez systématiquement d’un revers de main !

Tout à l’heure, j’ai entendu brocarder ce qui aurait été une sorte de plagiat de Germinal. Et pourtant ! Je prendrai pour seul exemple celui des mineurs de fer et de charbon. Le Rapporteur sait aussi bien que moi que, s’ils n’avaient bénéficié du droit à la retraite anticipée, ils seraient tous morts au travail ! Et même ainsi, il faut peu de mots pour récapituler ce qu’il en était : retraite après trente ans de fond, c’est-à-dire à 50 ans ; cancer du poumon se déclarant à 55 ans ; mort à 60 ans. Cela s’est passé ainsi dans ma famille, chez des voisins… Je connais des cas par légions ! Aussi, quel mépris de prétendre confondre pénibilité et handicap, sans vouloir prendre en compte les maladies différées !

Je le répète, les partenaires sociaux ont formulé des propositions sur la pénibilité, nous aussi, et nous en formulerons d’autres par le biais d’amendements. Vous seriez bien inspiré d’en tenir compte.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je partage votre analyse pour ce qui est des mineurs, mais vous devriez nous rendre hommage d’avoir permis, en 2003, que 700 000 ouvriers, qui avaient commencé à travailler très jeunes, puissent partir à la retraite après quarante-cinq ou quarante-six ans d’activité.

M. le ministre. Madame Langlade, le Gouvernement est aussi attentif que vous l’êtes au taux d’emploi des seniors, mais il faut pour commencer faire des comparaisons probantes. Choisir pour référence le taux d’emploi des seniors âgés de 55 à 64 ans n’a pas grand sens puisque, d’évidence, la fixation de l’âge de la retraite à 60 ans fait qu’à partir de cet âge, ce taux est très inférieur en France à ce qu’il est dans les autres pays. Mais, à 59 ans, il est égal ou supérieur à la moyenne de ce qui est observé dans les pays de l’Union européenne – ce qui n’est toutefois pas assez, je vous l’accorde.

L’augmentation de l’âge de la retraite doit susciter un changement culturel tel que la société française s’habitue à conserver les seniors en entreprise. Cela signifie aussi qu’il faudra, en effet, adapter les carrières. C’est plus facile pour les grandes sociétés, Rhodia par exemple, qui servent de laboratoires, car leurs pratiques se diffusent dans les PME auxquelles elles sous-traitent. Il nous faut parvenir à employer massivement les seniors, ce qui ne se fera pas au détriment de l’emploi des jeunes – ce n’est pas parce qu’un salarié prend sa retraite qu’un jeune est nécessairement embauché, vous ne l’ignorez pas. Le projet met l’accent sur le tutorat, mais nous avons aussi prévu d’autres mesures, tel le recentrage sur les chômeurs âgés de l’exonération de charges prévue pour l’embauche d’un salarié par une très petite entreprise. Nous donnons ainsi un coup de pouce aux entreprises qui veulent employer des salariés âgés de plus de 55 ans. Il y faudra du temps, et nous devrons être vigilants.

Monsieur Muzeau, vous jugez le projet inacceptable ; c’est votre droit. Vous dites par ailleurs que l’on ne peut mêler carrières longues et pénibilité. Or, ceux qui ont commencé à travailler tôt ont souvent été exposés à des facteurs de pénibilité. Les populations considérées ne sont pas exactement les mêmes, mais elles peuvent être associées à certains égards. Cela représente 100 000 personnes sur 700 000 dont l’âge de retraite ne sera pas 62 ans mais 60 ans ou moins, car avoir commencé à travailler jeune est une des formes de la pénibilité.

Madame Delaunay, toute réforme des retraites est un temps majeur du débat politique. Il faut faire évoluer notre régime de retraite car, actuellement, il n’est pas financé. Les options que nous avons choisies sont incontournables. Voyez ce qui se passe dans les autres pays de l’Union européenne : leurs gouvernements seraient-ils atteints d’idiotie collective ? Nous sommes tous contraints de trouver une solution au problème qui se pose à nous tous et la réponse, nécessairement d’ordre démographique, passe par le report de l’âge de la retraite, mais aussi par d’autres mesures, qui figurent dans le projet.

Les petites pensions reflètent des carrières fragmentées et partielles. Pour corriger cette situation, il faut des minima, et nous en avons : minimum vieillesse, minimum garanti, minimum contributif. Leur montant n’est pas très élevé, soit, mais ils sont le plus souvent assortis d’allocations telles que l’aide personnalisée au logement. Un socle minimum de solidarité existe bel et bien, ce qui n’est pas le cas partout. Incidemment, je n’ai pas souvenir d’avoir entendu le Parti socialiste nous féliciter d’avoir augmenté le minimum vieillesse comme le Président de la République en avait pris l’engagement.

S’agissant de longévité, la mesure des facteurs de risque professionnel suppose la réalisation de matrices emploi-exposition. Il en existe, mais par pour tous les cas, il s’en faut de beaucoup. Pour aller plus loin en matière de pénibilité, il y a plusieurs manières de faire, dont l’une est de réfléchir aux effets différés de l’exposition au risque. Il faudra donc davantage de ces matrices – qui sont réalisées par des scientifiques et non par des politiques –, mais il faut ensuite faire le lien précis entre population exposée à un risque et facteurs de déclenchement de ce risque.

La pénibilité est une question compliquée. Nous aurions pu refuser d’aborder la question et en rester à l’incapacité, à l’invalidité ; nous acceptons d’entrer dans ce débat parce que nous considérons qu’il est juste… Les 10 000 personnes dont nous parlons sont celles qui justifieront d’un taux d’incapacité égal ou supérieur à 20 % ayant donné lieu à l’attribution d’une rente pour maladie professionnelle ou pour accident du travail – non par les médecins du travail mais par les médecins de la branche accidents du travail-maladie professionnelle de la CNAMTS.

M. Christian Paul. Pourquoi 20 % ? Pourquoi pas 18 ou 22 % ?

M. le ministre. Là encore, je n’entends pas beaucoup de propositions de votre part. Nous sommes offensifs, vous êtes sur la défensive…

M. Alain Vidalies. C’est insupportable.

M. le ministre. Vous avez l’épiderme bien sensible… Quant à dire que l’été n’est pas le bon moment pour réformer les retraites, permettez-moi de rappeler que la réforme a été annoncée en juin 2009 sans que vous vous saisissiez du sujet alors que, l’assurance vieillesse accusant un déficit de 30 milliards d’euros, nous n’avons pas le temps d’attendre. Nous avons mené une concertation très approfondie. Nous avons fait un lien entre retraite et pénibilité. Dans de nombreux pays, ce lien n’existe pas. Mais, il faut bien un outil pour mesurer la pénibilité ! Voudriez-vous que tout le monde soit éligible au dispositif ?

S’agissant du calcul de la retraite des polypensionnés, monsieur Jeanneteau, le calcul actuel me semble assez correct, puisque l’on se fonde, assez logiquement, sur les vingt-cinq meilleures années pour la pension due au titre de l’activité dans le secteur privé, et sur les six derniers mois pour l’activité dans le secteur public. Mais, d’autres problèmes se posent, qui concernent notamment les polypensionnés des régimes alignés, et nous continuons d’y réfléchir. La question reste ouverte et nous verrons en septembre.

Madame Oget, la majoration de la durée d’assurance vieillesse au régime général pour les parents ayant élevé un enfant dont le handicap ouvre droit à l’allocation d’éducation spéciale est égale à un trimestre pour chaque période de trente mois de versement de l’allocation. Elle demeure.

Peut-être les fonctionnaires ayant trois enfants et quinze ans de service anticiperont-elles un peu leur départ à la retraite, comme il est naturel en période de transition, mais nous avons veillé à étendre la période de choix.

La question du Fonds de réserve pour les retraites a été évoquée de multiples fois ; je ne pense pas vous avoir convaincus.

Vous contestez que le projet permette le retour à l’équilibre du régime des retraites en 2018. Mais le projet du Parti socialiste prévoit un retour à l’équilibre en 2025 ; en attendant, que faites-vous ?

M. Alain Vidalies. Ah ! Vous admettez donc qu’il y a un projet socialiste !

M. le ministre. Pourquoi, monsieur Juanico, ne pourrait-on débattre de la réforme de retraites en été ? Ni en juin, ni en septembre non plus ? La discussion a commencé il y a longtemps – début avril au sein de votre commission, qui m’a auditionné deux fois à ce sujet – et il continuera jusqu’au mois d’octobre. Le débat se fait donc sur une période longue et il n’a rien de tronqué.

Pour valider un trimestre, il faut 200 heures sur un an, madame Clergeau. La question de la pension de retraite des veuves et des veufs est, en effet, un sujet important ; pourtant, lorsque nous avons porté de 54 à 60 % le taux de la réversion pour les veuves et les veufs les plus modestes, vous n’avez pas voté cette mesure, qui concerne des dizaines de milliers de nos concitoyens.

L’allocation veuvage est maintenue…

M. Pascal Terrasse. Mais à quel âge ?

M. Alain Vidalies. Ce n’est plus un droit, c’est une allocation différentielle !

M. le ministre. Monsieur Gagnaire, il est assez prévisible que les Français, si on les interroge, disent ne pas approuver le passage à 62 ans de l’âge légal de la retraite. On peut présumer qu’interrogés, ils n’approuveraient pas davantage la réduction des pensions ou l’augmentation des impôts et, avec une telle approche, on aurait peu de chance de parvenir à réformer les retraites. Il faut procéder avec calme et dans un esprit de responsabilité. Le Gouvernement et le Parlement doivent prendre des mesures, et c’est ce qu’ils font.

Je ne reviens pas sur la question de la compensation versée par la CNAV-PL, déjà abordée.

S’agissant de l’emploi des seniors, il faut aménager les fins de carrière. Avec le passage de l’âge de la retraite à 62 ans, cette exigence est encore plus forte. Des expériences sont déjà en cours à cet effet dans de nombreuses entreprises ; il faudra les développer encore.

Madame Biemouret, vous m’avez demandé qui seront les 10 000 personnes reconnues travailleurs handicapés ; je vous ai répondu en répondant à Mme Delaunay.

La part de la contribution sociale de solidarité des sociétés que le RSI collecte mais ne conserve pas ne disparaît pas : elle est versée au Fonds de solidarité vieillesse.

La réforme est-elle négociable, monsieur Eckert ? Mais vous n’avez aucune envie de négocier avec le Gouvernement ! D’ailleurs, je n’ai pas souvenir qu’un seul des projets que vous avez présentés lorsque vous étiez au pouvoir ait été substantiellement modifié par des propositions de l’opposition. N’exigez pas de nous ce que vous n’avez jamais fait et que vous ne faites pas dans la plupart des exécutifs que vous dirigez !

Les choses sont simples : vous ne souhaitez pas aborder les mesures d’âge, le Gouvernement souhaite les aborder. Que fait-on ? On abandonne toute idée de réformer les retraites ?

M. le secrétaire d’État. Pour évaluer le nombre des départs anticipés de fonctionnaires ayant trois enfants et quinze ans de service dus à la modification envisagée, les références comparables sont peu nombreuses. Tout au plus puis-je vous dire que l’on a constaté 15 % de départs supplémentaires en 2003, mais que l’équilibre s’est rétabli dès l’année suivante. Cela étant, le risque de départs anticipés doit être minimisé, car le dispositif est progressif. Les règles actuelles s’appliqueront jusqu’au 31 décembre 2010, les règles « générationnelles » au 31 décembre 2011, ce qui permettra un lissage des départs. De plus, les fonctionnaires concernées ne prennent pas une décision de cette nature uniquement en fonction de l’évolution de la législation ; l’impact financier qu’aura le départ à la retraite est aussi pris en considération.

Monsieur Gagnaire, je suis favorable à l’écoute réciproque, mais les mots ont un sens. À cet égard, parler comme vous le faites d’« attaques contre les fonctionnaires », c’est abuser d’une dialectique pour laisser entendre que toute réforme se ferait contre eux. Cette manœuvre politique peine à convaincre, d’autant que vous ne proposez aucune alternative.

La question est la suivante : considérez-vous, oui ou non, que la convergence entre le public et le privé est nécessaire ? Si oui, j’attends avec impatience vos propositions.

Mme Marisol Touraine. Nous allons défendre des amendements.

M. le secrétaire d’État. Soit, mais je constate que dans la discussion générale, le sujet n’a aucunement été abordé, ce qui tendrait à me faire douter de votre conviction que l’équité passe par un rapprochement public-privé – auquel, pourtant, les Français sont très attachés.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, je préfère que vous critiquiez le projet du Parti socialiste plutôt que de répéter, comme vous l’avez fait encore devant la presse à l’issue de la séance de cet après-midi, que les socialistes n’ont rien à proposer. Que vous n’accordiez aucun crédit à notre projet, ce n’est pas un problème – d’autant que nous n’en accordons pas davantage au vôtre ! Mais cessez de dire que nous n’avons pas de propositions, ce n’est pas correct. Si ce débat avait été transparent, chacun aurait pu en prendre connaissance.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

La Commission examine les articles du présent projet de loi au cours de ses séances du mardi 21, mercredi 22 et jeudi 23 juillet 2010.

TITRE IER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Chapitre Ier

Pilotage des régimes de retraite

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement AS 34 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement fait partie de ceux que nous proposons pour aller plus loin sur la voie de l’équité. Il tend à modifier l’article 2 de la loi du 21 août 2003, en indiquant que tout retraité a droit à une pension « en rapport avec les cotisations qu’il a versées » plutôt qu’avec « les revenus qu’il a tirés de son activité ». Il vise notamment l’équité entre le public et le privé.

M. Denis Jacquat, rapporteur. La modification du principe inscrit dans cet article n’est pas d’actualité. Avis défavorable, de même qu’à l’amendement AS 35.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Avis défavorable également, l’objectif d’équité des efforts contributifs étant satisfait, à l’article 21, par la mesure relative à l’augmentation des taux de contribution.

Mme Marisol Touraine. J’aimerais que le Gouvernement se déclare également opposé à l’exposé des motifs de cet amendement, qui montre bien la grande confusion que certains cherchent à entretenir à propos des fonctionnaires. Il laisse, en effet, entendre que ceux-ci sont avantagés, alors qu’à qualification égale, il faut le dire clairement, les niveaux de pension du secteur privé et du secteur public sont extrêmement proches.

M. le secrétaire d’État. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet. Si nous n’avons pas voulu procéder à une harmonisation entre la règle des vingt-cinq meilleures années et celle des six derniers mois, c’est parce que nous avons constaté qu’en effet, tant les rémunérations que les pensions sont approximativement les mêmes dans le privé et dans le public. Les dispositions de l’article 21 répondront aux préoccupations de M. Tian – dont par ailleurs le propos ne m’a paru en rien exprimer la stigmatisation que vous évoquez.

La Commission rejette l’amendement AS 34.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 35 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. À l’article 3 de la loi du 21 août 2003, selon lequel « les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite », je propose de supprimer le mot « pouvoir », afin de donner à cette disposition un caractère impératif.

La Commission rejette l’amendement AS 35.

Article 1er

(articles L. 114-4-2 et L. 114-4-3 [nouveaux] du code de la sécurité sociale)


Création d’un comité de pilotage des régimes de retraite

L’article 1er du projet de loi crée dans le chapitre IV (Commissions et conseils) du titre Ier (Généralités) du Livre 1 (Généralités-Dispositions communes à tout ou partie) du code de la sécurité sociale une nouvelle section 8 intitulée « Comité de pilotage des régimes de retraite ».

Ce nouvel organisme, rassemblant les gestionnaires des multiples régimes de retraite obligatoire, a pour vocation de combler les lacunes du système français de retraite en termes de pilotage.

1. Les insuffisances du pilotage de notre système de retraite

Le point de départ du débat récent sur la possibilité d’une réforme systémique, débat qui a abouti à l’élaboration du septième rapport du Conseil d’orientation des retraites publié en janvier 2010, est le constat, partagé par tous, du très grand éclatement de notre système de retraite entre de multiples régimes.

Multiplicité des régimes de base d’abord : en termes de prestations, le régime général ne représente que 49 % des prestations de retraite de base contre 31 % pour la fonction publique, 8 % pour les autres régimes spéciaux, 8 % pour la Mutualité sociale agricole (MSA) et 4 % pour le Régime social des indépendants (RSI). Mais aussi multiplicité des niveaux, avec le caractère désormais quasi systématique des régimes complémentaires : en 2010, ces derniers ont versé 80,8 milliards d’euros de prestations vieillesse contre 108 milliards pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), 45 milliards pour la fonction publique et 41,7 milliards pour les autres régimes de base. De ce fait, aujourd’hui un retraité liquide sa retraite auprès de 2,9 organismes en moyenne.

La fragmentation de notre système de retraite est d’abord très négative pour les assurés eux-mêmes : presque tous dépendent à la fois d’un régime de base et d’un régime complémentaire, tous deux obligatoires et les polypensionnés représentent une part de plus en plus importante des retraités. Chacun de ces régimes pouvant avoir des règles différentes en termes de modalités de calcul de la retraite ou de droits conjugaux et familiaux. Il est donc très difficile pour un assuré de s’y retrouver dans ce maquis des réglementations et d’avoir une idée plus ou moins précise de sa future retraite. Pour remédier à ces travers, deux pistes sont privilégiées, compte tenu de la difficulté de mise en œuvre d’une réforme systémique : le développement du droit à l’information et le rapprochement des règles entre les différents régimes. Ces deux voies sont approfondies par le présent projet, respectivement par l’article 3 et par le titre III.

Mais, la multiplicité des régimes de retraite pose également des problèmes importants en termes de gouvernance. La situation décrite ci-dessus ne permet pas, en l’absence d’instance ad hoc, un pilotage partagé des régimes de retraite, pilotage dont les grands enjeux appellent une approche transversale, associant l’ensemble des régimes légaux obligatoires, de base et complémentaires. Il en est ainsi notamment de la pérennité financière des régimes par répartition, de l’équité du système de retraite et du niveau de vie des retraités.

2. Le comité de pilotage : une structure opérationnelle

L’article 1er du projet de loi insère donc deux nouveaux articles dans le code de la sécurité sociale, le premier relatif aux missions du nouveau Comité de pilotage des régimes de retraite, le second relatif à sa composition.

Le comité aura un rôle double : d’abord de suivi de la mise en œuvre de la réforme sur les sept prochaines années ; puis de participation au rendez-vous 2018, au cours duquel seront définies les conditions de maintien de l’équilibre financier alors rétabli.

a) Les missions du comité

Le I du nouvel article L. 114-4-2 confie au comité de pilotage une triple mission. Il lui revient de veiller :

– « 1° À la pérennité financière des régimes de retraite par répartition ». Il s’agit de sa mission première. Comme l’explique parfaitement le COR dans son septième rapport (31) : « La pérennité financière est une condition de survie du système de retraite plus qu’un objectif en soi : le système de retraite doit être en mesure de verser des retraites aux retraités actuels et futurs. Cette condition est au cœur du contrat de confiance entre les générations dont dépend le système par répartition » ;

– « 2° À l’équité du système de retraite » : l’équité d’un système de retraite doit, en effet, être sa deuxième caractéristique fondamentale. Cette équité doit être intragénérationnelle et passer par un certain nombre de dispositifs de solidarité et de redistribution comme, par exemple, le minimum vieillesse ou la validation des accidents de parcours professionnel. Mais également intergénérationnelle : la confiance des différentes générations dans le système suppose également que chaque génération s’estime justement traitée ;

– « 3° Au maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités » : dernière caractéristique d’un système de retraite juste et équilibré, la garantie d’apporter aux retraités un niveau de revenu suffisant. La France a fait le choix de confier aux régimes par répartition le soin d’assurer un niveau de pension satisfaisant, au contraire d’autres pays, comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas dont le système obligatoire par répartition n’apporte qu’un niveau de revenu minimal, qui doit être complété par une retraite supplémentaire, d’entreprise ou individuelle. Ce choix est réaffirmé avec cet alinéa.

Votre Rapporteur partage l’ensemble de ces objectifs. Il lui semble néanmoins qu’il en manque un. Dans son septième rapport, le COR liste les objectifs souhaitables d’un système de retraite et il place en deuxième place « la lisibilité et la transparence ». Cette exigence de transparence passe certes par un développement du droit à l’information dont est chargé le Groupement d’intérêt public (GIP) Info-retraites, mais aussi par un rapprochement des différents paramètres de calcul de la pension entre les différents régimes. C’est pourquoi la commission a souhaité confier également au comité de pilotage le soin de veiller « au rapprochement des règles et des paramètres entre les différents régimes ».

Le II de l’article L. 114-4-2 indique que le comité suit « notamment » la progression du taux d’emploi des seniors, condition sine qua non de réussite de la réforme, ainsi que la réduction des écarts de pensions entre hommes et femmes. Surtout le comité de pilotage veille au « retour à l’équilibre des régimes de retraite à l’horizon 2018 ». Année après année, il reviendra donc au comité de vérifier que le retour à l’équilibre prévu par la réforme se déroule bien dans les conditions et les proportions envisagées. C’est pourquoi, il a semblé nécessaire à la commission de prévoir que le comité se réunit au moins une fois par an pour qu’il puisse, en cas de dérapage par rapport aux prévisions, proposer des mesures « correctrices ».

Ce rôle essentiel de suivi des équilibres financiers se retrouve dans le III de l’article L. 114-4-2, puisque le comité de pilotage est appelé à jouer un rôle fondamental dans la préparation du rendez-vous 2018 instauré par le projet de loi. Avant le 31 mars 2018, le COR devra, comme il l’a fait avant le rendez-vous 2008 ainsi que cette année, remettre au Parlement et au Gouvernement « un rapport faisant le point sur la situation des régimes de retraite ». C’est sur la base de ce rapport que le Gouvernement devra consulter le comité de pilotage sur un projet de réforme destiné à maintenir l’équilibre des régimes au-delà de 2020.

Votre Rapporteur est tout à fait d’accord avec la séquence introduite par le projet pour le rendez-vous de 2018 :

– expertise indépendante et objective du COR ;

– élaboration d’un projet de réforme par le Gouvernement ;

– consultation du comité de pilotage sur ce projet.

Néanmoins, il semble que le contenu du rapport du COR peut être précisé et enrichi, en s’inspirant de ce que prévoyait l’article 5 de la loi de 2003 s’agissant des rapports semblables précédant les rendez-vous 2008, 2012 et 2016. Un amendement en ce sens a été adopté par la commission.

b) La nécessité de préserver les prérogatives du Conseil d’orientation des retraites

Votre Rapporteur souhaite saisir cette opportunité pour rappeler l’importance de ce lieu d’échange et de concertation que constitue le COR. Créé par décret en 2000, cet organisme a été « élevé » au niveau législatif par la loi de 2003. Il constitue désormais un acteur essentiel de notre système de retraite.

De fait, une option aurait pu consister à élargir son champ de compétence au pilotage des régimes de retraite. Mais le Gouvernement a préféré, avec sagesse, écarter cette solution pour la simple et bonne raison que le COR est aujourd’hui avant toute chose une instance d’expertise, destinée à alimenter le débat public sur les retraites et à faire émerger des points de consensus sur les évolutions possibles et/ou souhaitables. Il est indispensable de protéger cette mission, en la distinguant clairement de la mise en œuvre d’un pilotage stratégique des régimes.

Votre Rapporteur ne souhaite donc pas que l’on touche aux missions ou à la composition du COR, qui doit continuer à jouer ce rôle essentiel d’expertise et de débat.

c) La composition du comité de pilotage

Le nouvel article L. 114-4-3 précise la composition du comité de pilotage. Structure opérationnelle, ce comité doit avant tout rassembler les administrateurs des différents régimes de retraite. Quels sont ces régimes ?

Le vocabulaire utilisé étant le même que pour le GIP Info-retraites, le périmètre du comité sera donc très certainement identique (cf schéma ci-dessous), même s’il est indiqué que des dispositifs spécifiques de représentation seront prévus pour les plus petits régimes.

Pour autant, un certain nombre de questions se posent que le débat parlementaire devra trancher :

– d’abord, la présence de personnalités qualifiées : elle est aujourd’hui prévue par le texte. Mais autant, elle semble totalement légitime dans un organisme de réflexion et d’expertise tel que le COR, autant elle est plus discutable pour un organisme de pilotage opérationnel. Quelle légitimité auront ces personnalités qualifiées, aussi brillantes fussent-elles, face aux représentants de la CNAV, de l’AGIRC-ARRCO ou encore de la CNRACL ?

– ensuite, la place des partenaires sociaux dans le dispositif. Certes, un certain nombre d’organisations syndicales seront représentées au sein du comité en tant qu’administrateurs des régimes. Mais, quid des organisations syndicales ou patronales qui n’assument pas de mandat de gestion ? Il serait tout de même étonnant qu’elles soient totalement exclues du dispositif. La commission a donc souhaité préciser que les organisations syndicales et nationales seraient représentées dans le comité, ainsi que des parlementaires issus de chacun des groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Source : GIP Info retraite.

*

La Commission est saisie des amendements de suppression AS 36 de M. Dominique Tian, AS 81 de Mme Martine Billard et AS 226 de Mme Marisol Touraine.

M. Dominique Tian. La création d’une nouvelle structure s’ajoutant à celles qui existent déjà paraît inutile.

Mme Martine Billard. Nous sommes, nous aussi, défavorables à la création d’un comité de pilotage des régimes de retraite à côté du COR, dont l’intérêt est d’être pluraliste et de réaliser des études à partir desquelles le Parlement et le Gouvernement peuvent prendre leurs décisions. Ce comité aurait des fonctions assez similaires à celles du COR, notamment la réflexion sur les perspectives de financement de la réforme des retraites, et pourrait de plus faire des propositions sur les mesures à prendre. Or, nous considérons qu’il ne doit pas y avoir pour cela d’intermédiaire entre le COR et les décideurs que nous sommes.

En outre, nous sommes en désaccord avec la composition proposée de ce comité, qui fait très peu de place aux syndicats.

Mme Marisol Touraine. Nous contestons nous aussi la logique de cet article. Certaines des missions assignées à ce comité sont exercées aujourd’hui par le Gouvernement, d’autres par le COR, et nous ne voyons donc pas l’utilité de créer ce nouveau « machin », comme aurait dit le Général de Gaulle.

En outre, la rédaction retenue est extraordinairement vague : on donne au Comité la mission de « veiller » à la réalisation de divers objectifs, sans même préciser les moyens dont il disposera pour cela.

Enfin, nous contestons l’horizon 2018. Nous voulons une réforme plus ambitieuse, à l’horizon de 2025. J’indique à M. Woerth que notre projet comporte des mesures démographiques à cette échéance et qu’il assure l’équilibre à court terme par des prélèvements sur les revenus du capital.

M. le rapporteur. Avis défavorable, car cet article comble un manque dans notre système de pilotage des retraites. Le comité de pilotage, qui rassemblera l’ensemble des acteurs concernés, n’est nullement superfétatoire. Le COR continuera à réaliser ses analyses, tandis que le Comité, en fonction des travaux du COR, fera des propositions au Gouvernement pour assurer l’équilibre des régimes au-delà de 2020, tout en surveillant les effets produits par la réforme de 2010.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Avis défavorable également, bien entendu. Le COR est un outil technique, mais le comité que nous proposons de créer sera très utile pour suivre l’évolution des régimes de retraite, année après année, en en parlant régulièrement avec les partenaires sociaux. C’est un moyen de faire progresser le consensus sur le sujet.

M. Pascal Terrasse. Je rappelle que, avec la Commission des comptes de la sécurité sociale, nous disposons de l’ensemble des données des trente-huit caisses de retraite, sans parler du rôle d’accompagnement et d’information joué par le GIP-Info retraite.

En ce qui concerne le COR sur la possibilité d’une réforme systémique, dont je suis membre, j’ai été surpris que le Sénat lui ait confié une mission. Le COR a, en effet, légitimité pour s’autosaisir. J’aimerais que l’on précise bien dans la loi qu’il est totalement autonome. Il ne saurait être question de s’en servir à des fins politiciennes. Et puisque vous faites souvent référence à ses travaux, monsieur le ministre, je vous saurais gré de préciser, le cas échéant, que l’un des deux rapports produits en mai dernier n’émanait pas du COR lui-même, mais de son seul secrétaire général.

M. Arnaud Robinet. Ce comité de pilotage aura-t-il pour mission de réfléchir à une réforme systémique, à plus long terme ?

M. le rapporteur. Siégeant moi-même au COR depuis qu’il existe, je tiens à préciser qu’à l’issue de l’examen de la loi de financement pour 2009, à l’occasion de la commission mixte paritaire, le Sénat avait en effet demandé une étude, portant sur la possibilité d’une réforme systémique. Le COR a accepté de la faire : cela ne lui a pas été imposé.

Monsieur Robinet, c’est en fonction de l’évolution de la situation d’ici à 2018 que nous verrons s’il faut rester dans le paramétrique ou prendre des décisions d’ordre systémique. Le comité de pilotage n’aura qu’un rôle de proposition, le Gouvernement et le Parlement conservant tout leur pouvoir de décision.

M. le ministre. L’idée des comptes notionnels peut être approfondie, mais cela ne fait pas partie des objectifs que nous voulons assigner au comité de pilotage.

Quant au COR, qui en effet peut s’autosaisir, rien ne l’empêche, s’il en est d’accord, de répondre aux questions que l’on veut lui poser. Et lorsque je fais référence aux rapports du COR, il s’agit bien de ceux qui sont produits par l’institution, non de ceux qui ont pu être produits par le secrétariat général.

La Commission rejette les trois amendements de suppression AS 36, AS 81 et AS 226.

Puis, elle examine l’amendement AS 82 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous proposons de substituer au comité de pilotage une « Maison commune des régimes de retraite ». Alors que le comité ne traiterait des retraites que sous un angle comptable et purement technique, cette maison commune permettrait de valoriser l’aspect social et solidaire du système de retraite par répartition. Elle aurait pour mission de proposer un socle commun de garanties et de droits s’appliquant à l’ensemble des régimes : taux de remplacement d’au moins 75 % du revenu d’activité pour une carrière complète, instauration d’un plancher des pensions égal au SMIC, maintien de l’âge d’ouverture des droits à 60 ans, reconnaissance des pénibilités, indexation des salaires portés au compte sur le salaire moyen, indexation de l’ensemble des pensions sur le salaire net moyen. Elle serait également chargée d’arrêter une définition de la notion de carrière complète et de la période de référence adaptée à chaque régime, de définir les règles de la compensation entre les différents régimes, enfin de définir la politique de décaissement du Fonds de réserve pour les retraites. Elle serait gérée par les représentants élus des salariés. Ce serait une institution de sécurité sociale, regroupant l’ensemble des régimes de retraite du public et du privé, mais respectant les prérogatives de chacun. Nous proposons qu’un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’organisation de cette Maison commune, ainsi que le mode d’élection des représentants des assurés.

M. le rapporteur. Cette proposition est intéressante, mais le comité de pilotage me semble une meilleure solution, notamment parce qu’il sera chargé de veiller au retour à l’équilibre des régimes de retraite le plus rapidement possible. Avis défavorable, donc.

M. le ministre. Avis défavorable également.

Mme Martine Billard. Il se trouve que cet amendement est pour nous un élément central de nos propositions. Nous sommes favorables à l’amélioration de la coordination entre les différents régimes de retraite, mais nous divergeons avec l’UMP et le Gouvernement quant à la façon d’y parvenir. On ne peut reprocher à l’opposition de ne rien proposer et, lorsqu’elle fait une proposition constructive, refuser qu’on en débatte !

La Commission rejette l’amendement AS 82.

Elle examine ensuite l’amendement AS 37 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Puisque ce nouveau comité Théodule sera appelé à veiller à l’équité des systèmes de retraite, allons jusqu’au bout de la sous-traitance d’une mission que, pour ma part, j’estime revenir aux députés et chargeons-le de s’assurer d’une réelle convergence entre les régimes.

M. le rapporteur. L’ordre de présentation des missions assignées au comité – « pérennité financière des régimes de retraite par répartition », puis « équité du système de retraite » – me semble bien meilleur dans le texte du projet de loi. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. L’amendement laisse à penser que la convergence serait la seule mission du comité.

M. Alain Vidalies. C’est une préoccupation obsessionnelle pour Dominique Tian.

Cela dit, quelle valeur ajoutée le comité de pilotage apportera-t-il au dispositif existant – travaux du COR, débats au Parlement et discussions menées entre le Gouvernement et les partenaires sociaux ? On peut plutôt craindre un démembrement du processus politique normal. Nous aurions pu comprendre un système paritaire ou un système électif mais, en dessaisissant le Parlement, le Gouvernement prend le risque d’une dérive technocratique : chaque fois qu’un problème se présentera, on le renverra à ce comité aux contours mal définis.

La Commission rejette l’amendement AS 37.

Puis, elle examine l’amendement AS 83 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, vous soutenez que le COR est un outil technique, ce qui suggère que le comité de pilotage pourrait être un outil politique. Le texte lui assigne d’ailleurs des missions stratégiques : maintien de la pérennité des régimes par répartition, de l’équité du système et du niveau de vie des retraités. Or, il appartient aux élus du peuple, et non à un comité non élu, de prendre les décisions sur ces sujets !

Comme le montre votre campagne de propagande, vous voulez faire passer des décisions politiques pour des décisions techniques, comme s’il n’y avait aucun autre choix possible. Cette façon de tuer le débat politique est la pire des choses. En empêchant nos concitoyens d’opérer des choix en connaissance de cause sur des enjeux politiques, elle fait le lit de tous les populismes. L’appareil technocratique, que vous voulez mettre en place pour éviter le débat public et politique, est ce qui peut arriver de pire à une démocratie !

M. le rapporteur. Comme l’a justement souligné Alain Vidalies, c’est au pouvoir politique, donc au Parlement, qu’il revient de décider des réformes à mener. Je donne donc un avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable. Le comité de pilotage est un outil important, qui permettra de réunir régulièrement le Gouvernement et l’ensemble des responsables de régimes très différents, mais ce n’est pas un outil de décision. Il ne se substitue à personne. Le Parlement n’est nullement écarté : à preuve, l’âge de départ à la retraite, qui relevait du domaine réglementaire, est porté au niveau législatif.

La Commission rejette l’amendement AS 83.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le Gouvernement m’a assuré que, dans le temps où il installera ce comité de pilotage, il supprimera deux autres structures.

La Commission est saisie de l’amendement AS 84 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je constate que le Rapporteur partage nos inquiétudes !

En rappelant la définition même de la retraite et son sens originel, cet amendement vise à substituer à l’objectif quantitatif du Gouvernement un objectif qualitatif, afin d’éviter l’écueil d’une vision purement comptable et financière.

M. le rapporteur. Le texte prévoit que le comité doit veiller à l’équité du système de retraite. Il ne faut pas remettre en cause cette mission fondamentale. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 84.

Elle examine ensuite l’amendement AS 85 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Aux termes du projet de loi, le comité veille au « maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités ». L’objectif est peu ambitieux. Nous sommes pour notre part favorables à une progression du niveau de vie de l’ensemble de nos concitoyens, y compris les retraités.

Mme Marisol Touraine. Qu’est-ce que le Gouvernement entend par « niveau de vie satisfaisant » ? Je doute que cette rédaction puisse aboutir à une évaluation juridiquement opposable.

M. le rapporteur. Nous employons souvent l’adjectif « décent ». La pension pour laquelle les personnes ont cotisé doit leur être versée. C’est bien pourquoi nous souhaitons conserver un système par répartition. La rédaction du Gouvernement, peu différente de celle que propose l’amendement, me semble meilleure. Avis défavorable.

M. le ministre. La rédaction actuelle est qualitative et non pas normative. Le comité de pilotage a vocation à discuter également du niveau de vie des retraités, donc de l’évolution des pensions.

M. le président Pierre Méhaignerie. Selon l’OCDE, la France est le pays où le niveau de vie des retraités est le plus proche de celui des actifs.

La Commission rejette l’amendement AS 85.

Puis, elle examine les amendements AS 86 et AS 87 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Ces amendements de repli visent à inscrire dans la liste des objectifs sur lesquels veille le comité de pilotage, « l’amélioration du niveau de vie » pour l’un, « la garantie d’un niveau de vie décent » – notion qui renvoie au seuil de pauvreté – pour l’autre.

M. le rapporteur. Nous sommes d’accord sur la terminologie : le problème est qualitatif. Mais, par cohérence avec ma position précédente, avis défavorable.

M. Dominique Dord. L’amendement AS 87 n’est pas de repli, il est au contraire très offensif. S’il était adopté, le comité ne devrait plus se contenter de « veiller », il serait chargé de « garantir », ce qui lui donnerait un rôle exécutif.

M. le ministre. Avis défavorable aux deux amendements.

La Commission rejette les amendements AS 86 et AS 87.

Puis, elle examine l’amendement AS 23 de Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Bérengère Poletti. Par cet amendement, nous proposons que le comité de pilotage veille à la réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes.

M. le rapporteur. L’intention est excellente, mais elle est satisfaite par le 3° du II.

M. le ministre. En effet, l’amendement est satisfait.

Mme Bérengère Poletti. Je le retire.

L’amendement AS 23 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS 370 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il convient d’inscrire parmi les missions du comité de pilotage la prise en compte de la pénibilité au travail, qui est une mesure phare de la réforme gouvernementale. En effet, la notion de pénibilité n’est pas figée dans le temps : elle évoluera en fonction de la recherche, de l’amélioration des conditions de travail, des nouveaux produits auxquels les salariés seront exposés.

M. le rapporteur. Si la prise en compte de la pénibilité devient incontestablement, avec ce texte, une dimension de la retraite, elle ne fait pas pour autant partie des axes que l’on peut qualifier « de pilotage » des régimes de retraite. Cet amendement risque de créer la confusion. Il est préférable de confier ces questions à une instance spécialisée. D’autres amendements visent à confier à l’Observatoire de la pénibilité le soin d’envisager la pénibilité dans sa globalité : identification, prévention, compensation, réparation, etc. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 370.

La Commission examine l’amendement AS 88 de M. Roland Muzeau.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons de garantir à l’ensemble des retraités, quelle que soit leur durée de cotisation, un minimum de revenu « vital » égal à 75 % du SMIC, si tant est qu’il soit possible de vivre avec aussi peu dans notre société.

M. le rapporteur. Le Gouvernement a pris des mesures importantes en faveur de la revalorisation du minimum vieillesse, qui ont déjà permis d’augmenter son montant de 25 % en cinq ans. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 88.

Elle examine ensuite l’amendement AS 368 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Nous souhaitons une réforme complète et une remise à plat du système qui permette d’aller vers plus d’équité et de justice, donc vers un régime universel à points géré par les partenaires sociaux ou vers un régime en comptes notionnels, sans doute préférable, puisqu’il prend en compte l’espérance de vie, et donc indirectement la pénibilité. Un comité de pilotage a été mis en place ; cet amendement propose de lui assigner une mission supplémentaire : mettre en œuvre les conditions d’un régime universel à points ou en comptes notionnels.

M. le rapporteur. Je félicite Jean-Luc Préel pour sa constance… Mais cette réforme n’est pas une réforme systémique – choix que je soutiens – même si elle ne doit pas empêcher de multiplier les mesures de rapprochement entre les différents régimes. Le texte en propose d’ailleurs un certain nombre. 2010 est le rendez-vous de l’équilibre. Un autre rendez-vous est prévu en 2018. Nous pourrons rediscuter de votre proposition à ce moment-là. Avis défavorable, par conséquent.

M. le ministre. Je vous sais très attaché à l’idée d’un régime en comptes notionnels. Celle-ci n’est pas forcément étrangère aux préoccupations du Gouvernement, mais pas dans le cadre de cette réforme. Nous pouvons encore décider, d’ici septembre, d’y réfléchir dans les années qui viennent. Pour l’heure, notre priorité est de préserver l’équilibre financier de nos retraites. Je suis donc également défavorable à cet amendement.

Mme Marisol Touraine. Nous sommes pour notre part résolument opposés à tout ce qui s’apparenterait à un régime par points. Le régime en comptes notionnels, en revanche, a l’intérêt de permettre l’unification des régimes existants, même s’il a aussi une certaine fragilité, comme le montre l’exemple de la Suède, où il a abouti à une baisse du niveau des pensions. Pour le Parti socialiste, il faut s’inspirer de ce qui a été fait dans ce pays pour créer un compte temps qui permette de construire la carrière de chaque salarié tout au long de sa vie et d’avoir une prise en compte de l’ensemble des périodes travaillées – y compris les stages ou les périodes cotisées comme les études. Nous romprions ainsi avec la rigidité d’aujourd’hui au profit d’une allocation du temps plus moderne – on peut en effet fort bien souhaiter prendre du temps entre 30 et 40 ans et travailler au-delà de 60 ou 65 ans. Nous sommes, en revanche, hostiles à tout dispositif qui aboutirait à réguler le système par une baisse du niveau des pensions.

M. le président Pierre Méhaignerie. Très peu d’organisations – hormis la CFDT – ont défendu le système à points ou en comptes notionnels lors des auditions.

La Commission rejette l’amendement AS 368.

Elle examine ensuite l’amendement AS 416 du rapporteur.

M. Le rapporteur. Compte tenu de l’extrême fragmentation de notre système de retraite, il est indispensable que le comité de pilotage ait pour mission de veiller au rapprochement des règles et des paramètres dans les différents régimes.

M. le ministre. Favorable.

La Commission adopte l’amendement AS 416.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 366 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Puisque M. le ministre est favorable à une réflexion sur le sujet, cet amendement devrait connaître un sort meilleur que le précédent. Il s’agit de prévoir un rapport du Gouvernement au Parlement, avant le 31 décembre 2010, sur la possibilité d’une réforme systémique, pour faire évoluer le système de retraite par annuité vers un régime par points ou en comptes notionnels. Précisons que cette transformation demande du temps : la Suède a mis douze ou quinze ans à y parvenir. Il est donc urgent de commencer à réfléchir.

M. le rapporteur. Le COR a rendu il y a peu un excellent rapport sur ce thème. Avis défavorable.

M. Pascal Terrasse. Il est surprenant qu’un membre de la majorité laisse ainsi entendre que la présente réforme ne serait qu’une réforme paramétrique… Le projet socialiste comporte une partie paramétrique, dont nous avons longuement parlé hier, mais il pose aussi la question d’une réforme d’ensemble. La CFDT elle-même nous a rappelé qu’elle était très attachée à ce que l’on arrive à terme à un système unique – ce que le Parti communiste a appelé « la maison commune des retraites » – que l’on pourrait éventuellement faire évoluer par la suite.

S’agissant du système à points, il me semble intéressant de rappeler que les deux tiers des ressources des cadres retraités proviennent de régimes complémentaires à points. Personnellement, je tire d’une année de travaux dans le cadre du COR la conclusion que le régime en comptes notionnels n’a pas que des inconvénients – même si le système suédois est aujourd’hui déficitaire - et doit être regardé de près.

M. le ministre. Cette réforme est une réforme de structure. Je ne la qualifierais pas de réforme systémique, mais elle n’est pas uniquement paramétrique : il y a bien une prise en compte globale d’un certain nombre de situations avec, par exemple, l’intégration de la pénibilité.

Nous ne fermons pas la porte à une réflexion plus large, mais je ne pense pas qu’elle doive être conduite dans le cadre d’un rapport. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La Commission rejette l’amendement AS 366.

Elle examine ensuite l’amendement AS 367 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Parce que nous sommes particulièrement attachés à l’évolution vers un régime unique géré par les partenaires sociaux, nous sommes favorables à la mise en extinction des régimes spéciaux. Cette extinction serait progressive : ceux qui bénéficient du système actuel conserveraient leurs droits et seuls les nouveaux entrants relèveraient du régime unique universel.

M. le rapporteur. Une réforme des régimes spéciaux a été engagée en 2008, et la présente réforme leur sera appliquée à compter de 2017. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis : les régimes spéciaux ont déjà été réformés.

La Commission rejette l’amendement AS 367.

Puis, elle adopte l’amendement rédactionnel AS 429 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 89 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous avons contesté hier que confier autant de missions au comité de pilotage revenait à dessaisir le Parlement. C’est bien au législateur, non au comité, de décider des modifications à venir.

M. le rapporteur. Je me suis exprimé à ce propos hier, avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 89.

Elle examine ensuite l’amendement AS 417 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de faire en sorte que le comité de pilotage se réunisse au moins une fois par an.

La Commission adopte l’amendement AS 417, de même que l’amendement rédactionnel AS 430 du rapporteur.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 227 de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Alors que l’enjeu est d’assurer la pérennité de la réforme, vous ne proposez rien de concret au-delà de l’échéance de 2018. Il faut donc se fixer un horizon plus conforme aux perspectives financières et démographiques. Nous avons besoin de mesures financières à court terme, mais aussi de mesures systémiques à long terme. C’est pourquoi le groupe socialiste propose de remplacer l’échéance de 2018 par celle de 2025.

M. le rapporteur. Je suis bien d’accord : il faut des mesures financières à court terme. Il n’est donc ni raisonnable ni responsable de repousser le retour à l’équilibre des régimes de retraite à 2025. Avis défavorable.

M. le ministre. L’objectif du Gouvernement est d’arriver à l’équilibre le plus rapidement possible. Pourquoi donc retarder l’échéance ?

M. Michel Liebgott. Vous nous présentez cette réforme comme fondamentale pour assurer l’équilibre financier de nos régimes de retraite sur le long terme, mais c’était déjà le cas en 2003 ! Il s’agit donc simplement d’une réforme comptable – et faussement comptable comme l’a dit hier notre collègue Alain Vidalies. Or, il est très important de s’inscrire dans le temps. J’ai dénoncé pour ma part l’utilisation qui a été faite du Fonds de réserve pour les retraites. Tout cela ne règle en rien la situation à long terme. Les jeunes ont de vraies raisons de s’inquiéter, car la réforme n’assure qu’un financement à très court terme, alors même qu’ils vont avoir des carrières discontinues. Il faut donc au moins aller jusqu’en 2025. Dois-je rappeler que les études du COR parlaient de 2050 ? Fixer le retour à l’équilibre à 2018 ne permet pas d’assurer une réforme de fond.

Mme Valérie Rosso-Debord. Il est étonnant de vouloir différer de sept ans le retour à l’équilibre. Les jeunes ont besoin d’un espoir, et en repoussant l’échéance, vous ne leur donnez que de la désespérance.

M. le rapporteur. Monsieur Liebgott, il y a une différence entre prévisions et projections : lorsque le COR parle de 2050, il s’agit de projections. Ce qui importe, c’est de parvenir à l’équilibre le plus rapidement possible. Je vous rappelle que nous avons atteint en 2010 les chiffres que nous attendions en 2030 ! Je maintiens donc mon avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 227.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 90 de M. Roland Muzeau.

Mme Jacqueline Fraysse. De façon à exclure du suivi de la progression du taux d’emploi des seniors les emplois précaires, en intérim ou en temps partiel, nous proposons de substituer l’indicateur de « taux d’emploi en CDI » à celui de simple « taux d’emploi ».

Remplacer les mots « l’horizon 2030 » par « 2020 », permettrait, en outre, de tenir compte de l’urgence de la situation, du caractère modeste de l’objectif fixé, et du fait que le relèvement de l’âge du droit à la retraite va conduire mécaniquement à l’abaissement du montant des pensions.

M. le rapporteur. La rédaction actuelle de l’alinéa 10 est tout à fait satisfaisante. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. Nous avons inscrit un objectif en matière d’emploi des seniors, ce qui constitue une belle avancée. La nature de l’emploi est une autre question.

M. Roland Muzeau. Notre rapporteur doit faire l’effort de répondre aux questions posées !

Il a, comme le Gouvernement, le tort de minimiser l’importance de cet amendement, qui aborde la question essentielle du montant des cotisations. Alors que le Gouvernement retient la démographie pour seul critère, nous estimons nécessaire de prendre en compte le rapport entre le nombre de salariés et le montant des cotisations perçues. En effet, ces dernières sont affectées par le sous-emploi et la précarité, ce qui entraîne une réduction considérable des recettes attendues par les régimes de retraite.

La question de l’emploi est donc déterminante pour la préservation de notre système de retraite.

M. le rapporteur. Nous ne minimisons rien ! Mais à l’occasion de la discussion d’une précédente loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que lors de nombreuses réunions de notre commission, nous avons longuement évoqué le problème de l’emploi des seniors. La France s’est dotée d’un programme destiné à lui faire suivre l’exemple de la Finlande : ce pays qui, il y a vingt ans, connaissait les mêmes chiffres que nous en matière d’emploi des plus de 60 ans, a obtenu depuis d’excellents résultats.

La Commission rejette l’amendement AS 90.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 431 du rapporteur.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 228 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. En matière d’emploi des seniors, nous sommes beaucoup plus ambitieux que vous : nous souhaitons atteindre la moyenne des pays européens dès 2020, et non en 2030. Pour ce faire, le programme du Parti socialiste – que vous ne pouvez avoir lu, puisque vous niez son existence –, propose quatre mesures : accompagner les salariés en leur donnant rendez-vous tous les deux ou trois ans à partir de 45 ans ; rendre obligatoire la négociation triennale de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les entreprises de plus de 300 salariés ; généraliser le tutorat ou les binômes en entreprises et améliorer les conditions de travail des plus de 55 ans – par exemple en limitant, voire en supprimant le travail de nuit et les tâches physiques. Ces changements impliquent que des mesures draconiennes soient prises, sous la forme d’un mécanisme de bonus-malus. Un tel programme permettrait d’amener le taux d’emploi des seniors bien au-delà de 38 %.

M. le rapporteur. Le Gouvernement a déjà pris de nombreuses mesures en faveur de l’emploi des seniors : suppression des dispenses de recherche d’emploi et des préretraites, dispositions sur le cumul entre emploi et retraite, etc. Vous faites des propositions à ce sujet, mais celles du projet de loi me paraissent meilleures : avis défavorable.

M. le ministre. Tout le monde est d’accord pour augmenter le taux d’emploi des seniors. Nous avons déjà pris des mesures en ce sens et le projet de loi en contient de nouvelles. Je ne vois pas l’intérêt de changer la date de 2030.

M. Dominique Dord. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont montré que le taux d’emploi des seniors était corrélé au niveau de l’âge légal de départ à la retraite. On peut se donner pour objectif d’atteindre la moyenne européenne en 2020 ou en 2030, mais cela sera difficile si les autres pays européens modifient l’âge légal. C’est pourquoi les deux rédactions me paraissent hasardeuses.

Mme Marisol Touraine. Le Rapporteur a indiqué que notre pays se donnait pour objectif le taux d’emploi des seniors observé en Finlande, mais à lire le texte, ce n’est pas le cas. Vous préconisez le relèvement de ce taux de seulement 10 points en vingt ans, quand la Suède l’a augmenté de 20 points en seulement dix ans ! Or, il est inimaginable que l’on parvienne à régler le problème des retraites sans apporter une réponse forte à la question de l’emploi des seniors. Si nous voulons mobiliser tous les acteurs concernés, nous devons fixer une échéance plus rapprochée, soit 2020. Sans chercher à faire aussi bien que la Finlande – où les habitudes culturelles sont différentes –, il me paraîtrait nécessaire de parvenir à relever le taux d’emploi des seniors de 10 points en dix ans.

M. Arnaud Robinet. Lorsque l’on compare le taux d’emploi des seniors en France et dans les autres pays européens, il n’est pas justifié de prendre pour référence le taux de 38 %, qui est calculé sur la tranche d’âge allant de 55 à 65 ans. En effet, si nous prenons en compte la tranche de 55 à 59 ans, nous nous situons dans la moyenne européenne – un résultat certes perfectible, mais dont nous n’avons pas à rougir. Le mauvais chiffre dans la tranche d’âge 55-65 ans s’explique par le fait qu’en France, l’âge légal de départ à la retraite est le plus bas d’Europe. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il tombe à 18 % dans la tranche 60-65 ans. Ainsi, l’élévation de l’âge légal, mesure phare du projet de loi, est le meilleur moyen d’augmenter le taux d’emploi des seniors.

La Commission rejette l’amendement AS 228.

Elle examine ensuite l’amendement AS 232 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Nous proposons de rédiger ainsi le 3° du II de l’article 1er : « La réduction des écarts de pensions, d’âge moyen de fin d’activité et d’âge moyen de départ à la retraite entre les hommes et les femmes ; ». En effet, s’il est légitime que le comité de pilotage s’attache à réduire les écarts de pensions entre les hommes et les femmes, ce seul critère ne saurait suffire. Alors que plus d’une salariée sur trois est aujourd’hui amenée à attendre l’âge de départ à taux plein, afin de ne pas subir les effets de la décote liés à une carrière incomplète, il semble important de s’assurer que le report à 67 ans de l’âge du taux plein ne conduise pas à accroître l’écart entre les âges de départ en retraite des hommes et des femmes.

De même, il convient de ne pas ignorer la dimension du genre dans l’objectif de progression du taux d’emploi des seniors, donc de recul de l’âge moyen de fin d’activité, afin de rapprocher les périodes pendant lesquelles ces derniers sont pris en charge par l’assurance chômage.

M. le rapporteur. La rédaction actuelle de l’alinéa 11 me semble suffisante. L’objectif de réduction de l’écart des pensions est prioritaire. Avis défavorable.

Mme Catherine Génisson. C’est l’inégalité de traitement entre hommes et femmes, tant dans l’activité professionnelle qu’en matière de retraite, qui est le sujet primordial. N’oublions pas qu’il y a environ 40 % de différence entre les niveaux de pension des hommes et des femmes, ni que le recul de l’âge légal de la retraite sera extrêmement pénalisant pour ces dernières. Aujourd’hui, déjà, pour bénéficier du taux plein, les femmes prennent leur retraite à 65 ans ; elles devront donc la prendre à 67 ans si le projet de loi est adopté.

J’ajoute qu’un membre de la majorité propose de maintenir à 60 ans l’âge légal pour les femmes.

M. le rapporteur. Le sujet est, en effet, primordial. Nous en reparlerons au moment de l’examen de l’article 31, qui fait l’objet d’un amendement que vous devriez pouvoir adopter.

M. le ministre. La rédaction du projet est très claire. La vraie question est celle de l’écart entre les pensions.

La Commission rejette l’amendement AS 232.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 91 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le projet fixe comme objectif « la réduction des écarts de pensions entre hommes et femmes ». Nous demandons pour notre part leur annulation, ce qui semble la moindre des ambitions. Notre législation ne vise-t-elle pas à l’égalité entre femmes et hommes ? Il convient de se donner un objectif clair, or se contenter de réduire les écarts revient à vouloir les maintenir.

M. le rapporteur. L’exposé des motifs de l’amendement qualifie de « préoccupation secondaire du Gouvernement » l’exigence d’égalité des pensions entre hommes et femmes, ce qui est tout à fait faux et excessif. Cela étant, je suis favorable à l’amendement.

M. le ministre. Il est vrai que parler d’une réduction des écarts peut laisser croire que l’on accepterait de les voir subsister. Avis favorable.

M. Pascal Terrasse. Une étude de l’Institut national des études démographiques montre que la loi de 2003 a eu un impact très négatif sur les pensions perçues par les femmes. Même si l’évolution de la sphère familiale, notamment du taux de divorce, a joué un rôle dans le phénomène, le système de décote a fortement contribué à la dégradation de leur montant. Mais, il ne faudrait pas que la question de l’égalité entre les hommes et les femmes en matière de retraite ne conduise à mettre au second plan le problème de l’égalité des salaires et des carrières professionnelles.

Quant à l’amendement, je me réjouis qu’il reçoive un avis favorable. Nous verrons dans la suite du débat quelle est la volonté du Gouvernement d’atteindre l’objectif fixé.

La Commission adopte l’amendement AS 91.

Elle examine ensuite l’amendement AS 92 de M. Roland Muzeau.

Mme Jacqueline Fraysse. Selon l’alinéa 12, le comité de pilotage « propose » l’ensemble des mesures correctrices justifiées par la situation des régimes de retraite. Le comité se voit ainsi confier des missions et des responsabilités qui sont en réalité celles du législateur.

Je rappelle, en outre, qu’il existe déjà une commission de garantie des retraites, créée par la loi de 2003 et chargée de rendre des avis sur les évolutions nécessaires en matière de retraite. De son côté, le COR dispose d’attributions du même ordre.

Enfin, dans la mesure où le comité de pilotage comprend parmi ses membres les ministres de la sécurité sociale, du budget et de la fonction publique, on peut juger qu’avec une telle structure le Gouvernement se donnera des conseils à lui-même.

Pour toutes ces raisons, cette disposition nous apparaît non seulement inutile, mais même dangereuse.

M. le rapporteur. Afin de garantir le retour à l’équilibre en 2018, il est essentiel que, chaque année, le comité de pilotage puisse proposer – j’insiste sur le mot – les mesures correctrices nécessaires en cas de dérapage financier. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

M. Dominique Dord. Les mêmes collègues nous ont proposé hier d’élargir les compétences du comité de pilotage en lui confiant le soin de faire des propositions au Parlement, je ne comprends pas bien.

Mme Catherine Génisson. Cet amendement illustre une fois de plus à quel point la mise en place de ce comité de pilotage serait dangereuse, parce qu’elle constituerait un déni de l’action politique et une méconnaissance des pouvoirs exécutif et législatif.

Mme Martine Billard. L’amendement auquel notre collègue a fait allusion correspondait à notre véritable souhait, mais il n’a pas été adopté. L’amendement AS 92 est donc de repli. Ce que nous refusons, c’est que le comité de pilotage ait un pouvoir de décision et cela vaut aussi pour le comité destiné à surveiller l’ONDAM : nous sommes opposés à ce type de structures. Il est d’ailleurs surprenant, à l’heure où la révision générale des politiques publiques conduit à la suppression de nombreuses instances, d’en créer une nouvelle. Mais, à défaut d’obtenir la suppression du comité, nous voulons que le Parlement ait toujours le dernier mot. C’est le sens de nos amendements de repli.

M. le ministre. Même s’il me paraît important de continuer à travailler sur les retraites avec les partenaires sociaux qui siégeront au sein du comité, il ne faut pas donner à ce dernier plus d’importance qu’il n’en a : il est destiné à coordonner les politiques et à faire des propositions à destination de l’exécutif comme du Parlement. Chacun est dans son rôle, et il ne s’agit pas d’ôter à quiconque une partie de ses prérogatives. En outre, il n’existe pas aujourd’hui d’instance de coordination des régimes de retraite.

La Commission rejette l’amendement AS 92.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 432 du rapporteur.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 93 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J’observe, monsieur le ministre, que le comité de pilotage pourra proposer des mesures de nature réglementaire, ce qui reviendrait à court-circuiter le Parlement.

Nouvel amendement de repli, l’amendement AS 93 porte sur la composition du comité de pilotage, car la seule présence des représentants des régimes de retraite ne nous satisfait pas. Nous proposons donc une composition proche de celle du COR, à la différence que les personnalités qualifiées seraient remplacées par des représentants des centrales syndicales non représentées aujourd’hui au COR, afin de donner une voix à des syndicats écartés par les nouvelles règles de représentativité.

Nous nous inquiétons de savoir si l’ensemble des syndicats de salariés ou d’employeurs seront représentés au sein du comité de pilotage, dont nous ignorons pour le moment le nombre de membres. Dans son état actuel, le texte du projet de loi donne au Gouvernement un blanc-seing pour déterminer la composition du comité. Au moins le ministre pourrait-il nous apporter plus de précisions.

M. le rapporteur. La définition détaillée de la composition du comité de pilotage est de nature réglementaire. Avis défavorable.

M. le ministre. Le comité sera composé, de façon classique, de représentants du Gouvernement, de représentants des régimes de retraite obligatoires et de personnalités qualifiées.

M. Roland Muzeau. Une fois de plus, le Rapporteur ne veut pas répondre. Quant au ministre, il vient de nous donner des indications sur la composition du comité, mais peut-il, a contrario, nous préciser quelles organisations ou institutions citées par notre amendement ne sauraient à ses yeux y être représentées ?

M. le ministre. Les syndicats qui siégeront au comité sont ceux représentés au niveau interprofessionnel, notamment ceux qui participent à la gestion des caisses de retraite. Mais, je ne suis pas hostile à ce que des parlementaires puissent par ailleurs y siéger.

La Commission rejette l’amendement AS 93.

Elle examine ensuite les amendements AS 229 et AS 230 de Mme Marisol Touraine.

M. Alain Vidalies. La question posée par cet amendement et par l’amendement AS 230 est celle de l’horizon de la réforme. Sur ce point, le débat politique et médiatique n’a pas eu lieu de façon acceptable : on se souvient des gros titres sur les perspectives en 2050, sur les milliards d’euros de déficit et sur la faillite généralisée du système. Pourtant, monsieur le ministre, lors de votre rencontre avec les responsables du Parti socialiste, vous n’étiez pas en mesure de préciser l’horizon de la réforme, tout en admettant que son contenu ne pourrait être le même selon que l’échéance serait 2050, 2030 ou un terme plus court. Nous avons donc été surpris qu’un projet de loi, comprenant des mesures systémiques comme l’allongement de la durée de cotisation, limite son horizon à l’année 2018.

Comparons avec ce que disait, en 2003, M. Fillon à la tribune de l’Assemblée : « Nous proposons d’assurer l’équilibre du régime général par une augmentation des cotisations à partir de 2008 et jusqu’en 2020. » Il ajoutait que les recettes disponibles étaient largement supérieures aux milliards nécessaires, avant de conclure que la réforme permettrait de couvrir l’intégralité des déficits de nos régimes tels qu’ils étaient alors prévus, et ce jusqu’en 2020. Quelques années plus tard, on comprend que, loin de proposer une réforme sur les retraites, on nous fait payer le prix de la crise.

Il y a deux sortes de Français : ceux qui se sentent concernés par la réforme en cours, et les plus jeunes, ceux de 20 ou 30 ans, pour qui la retraite n’est pas une préoccupation immédiate. Or on peut craindre une crise de confiance dans cette dernière catégorie si le système de retraite est de nature à subir, dans une période aussi courte – six ans –, des changements aussi importants que l’allongement de la durée de cotisation. Il en résulte une incertitude, non seulement sur la sincérité du discours politique, mais aussi sur la viabilité du système, de nature à perturber les jeunes générations.

À lire certaines propositions, nous en venons à douter que tous les membres de la majorité soient aussi attachés qu’ils le prétendent au système par répartition. Or, le fait d’annoncer en permanence des réformes portant sur des paramètres fondamentaux est justement une façon de le fragiliser – avant de prendre prétexte de cette fragilité pour préconiser la capitalisation.

M. le rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements. Dans notre dispositif, le rendez-vous de 2018 est essentiel. Une fois que l’équilibre financier sera établi, il reviendra au pouvoir politique, c’est-à-dire au Gouvernement et au Parlement, éclairés par le COR et le comité de pilotage, de prendre les décisions nécessaires pour assurer la pérennité du système par répartition.

M. le ministre. Monsieur Vidalies, nous ne définissons pas de la même manière l’horizon de la réforme. Le Gouvernement aurait pu fixer un rendez-vous en 2030, mais cette date paraît trop éloignée pour permettre de tester l’équilibre financier du système, qui est au cœur de notre projet. On pouvait aussi fixer un terme plus proche et prévoir ensuite la manière de maintenir l’équilibre pendant les vingt années suivantes. Mais, là encore, la prévision restait fragile.

Notre objectif est plus pragmatique : nous prévoyons un équilibre pendant huit à dix ans, pendant lesquels la réforme monte progressivement en puissance. Et nous prenons rendez-vous pour 2018, date à laquelle elle s’appliquera. Il faudra faire le point à ce moment-là, car nul ne peut savoir aujourd’hui ce que sera l’économie à cette date. Ce rendez-vous dans dix ans – que les Allemands, les Anglais et les Espagnols ont pris, eux aussi – sera préparé par des rendez-vous annuels. Vous n’êtes pas obligés d’approuver la réforme, mais contester cet horizon ne me semble pas pertinent.

M. Arnaud Robinet. Proposer un rendez-vous plus éloigné ne pourrait qu’inquiéter davantage les jeunes générations. La réforme proposée va dans le bon sens, puisqu’elle vise à sauver le système par répartition auquel nous sommes tous attachés. Il y a un an et demi, comme beaucoup de jeunes actifs, je pensais moi-même que je risquais de ne jamais percevoir de retraite, alors même que je cotisais… La date de 2018 rassurera pleinement la jeune génération, puisqu’elle lui permettra de croire en l’avenir du système par répartition.

Mme Marisol Touraine. Nous sommes évidemment convaincus de la nécessité de prévoir des rendez-vous réguliers, afin de faire le point de l’évolution du financement des régimes de retraite ou de l’assurance maladie. Les travaux du COR visent à préparer ces rendez-vous, de même que les projets de loi de financement de la sécurité sociale permettent aux parlementaires de reconsidérer régulièrement la situation.

Reste à savoir quelle place vous assignez à ce rendez-vous dans votre projet. Si, pour atteindre l’équilibre en 2018, vous ponctionnez le Fonds de réserve pour les retraites, vous ne disposerez plus d’aucune ressource après cette date. Dès lors, comment financerez-vous les régimes de retraite ? Cette inconnue peut créer une inquiétude dans les jeunes générations. La seule perspective dont vous disposerez sera de relever encore l’âge légal de départ en retraite.

D’autre part, quoi que laisse entendre l’exposé sommaire de l’amendement AS 230, nous nous fixons la date de 2025 non pour assurer le financement des régimes, mais pour vérifier si, étant parvenus à l’assurer, nous pouvons poursuivre dans la même voie. Le projet socialiste prévoit un financement à beaucoup plus court terme en faisant appel à des ressources nouvelles. Il prévoit aussi des mesures démographiques structurelles, sur lesquelles nous reviendrons. Pour nous, 2025 sera un point d’étape à mi-parcours par rapport à l’échéance de 2050. Mais, nous serons parvenus à l’équilibre beaucoup plus tôt.

J’insiste pour savoir comment vous considérez la date de 2018 : prévoyez-vous d’aller plus loin à cette occasion, par exemple en retardant l’âge légal de départ en retraite de 62 à 65 ans ?

M. le ministre. Nous n’avons pas dit cela. Pour nous, 2018 sera l’occasion de faire le point au moment où le régime s’autofinancera. L’utilisation du fonds de réserve, que vous contestez, permettra de ne pas aggraver l’endettement avant cette date. En 2018, lorsque le dispositif sera peu à peu monté en puissance, l’enjeu sera de maintenir l’équilibre pour les années suivantes. Puisque l’univers dans lequel nous vivons n’est pas stable, et que la situation économique peut changer, nous regarderons comment prolonger l’équilibre des régimes de retraite, compte tenu des circonstances. Tous les gouvernements agissent ainsi. La date de 2018 n’a pas été choisie en fonction de l’épuisement du fonds de réserve.

La Commission rejette successivement les amendements AS 229 et AS 230.

Puis, elle examine l’amendement AS 415 du rapporteur

M. le rapporteur. Il s’agit de préciser le champ du rapport du COR prévu à l’alinéa 13.

La Commission adopte l’amendement AS 415.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 94 de M. Roland Muzeau.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement propose de supprimer l’alinéa 14, qui, de manière scandaleuse, assigne au comité de pilotage un rôle qui incombe au législateur. En outre, ce rôle est déjà assumé par le COR, plus représentatif et pluraliste que ne l’est le comité, dont nous ignorons toujours la composition. Nous savons seulement que le Gouvernement aura tout loisir d’y nommer qui il veut !

M. le rapporteur. Ce sera de toute façon au Parlement de prendre les décisions nécessaires.

M. le ministre. Même avis que le Rapporteur.

La Commission rejette l’amendement AS 94.

Puis, elle adopte l’amendement rédactionnel AS 433 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 231 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. En 2003, M François Fillon annonçait déjà un financement à 100 % à l’horizon de 2020, objectif qu’il n’a pas tenu. Comment ceux qui ont entre 30 et 45 ans auraient-ils confiance dans le système, quand ils ont le sentiment que l’on change constamment les règles du jeu et ignorent quelles mesures le Gouvernement envisage encore de prendre. Au cas où il faudrait reconsidérer la situation en 2018, quels paramètres modifierez-vous ? Pour notre part, si la situation l’exige en 2025, nous n’excluons pas d’allonger encore la durée de cotisation. Il faut répondre honnêtement à cette question, si l’on veut gagner la confiance des jeunes générations.

M. le rapporteur. Avis défavorable. J’ai déjà répondu sur ce point.

M. le ministre. Avis défavorable. Pour 2018, nous n’écartons, par définition, aucun paramètre. Pourquoi ne pas envisager des recettes nouvelles ? Il faut laisser la porte ouverte. Au reste, s’il est toujours angoissant de prévoir le financement des retraites avec dix ans d’avance, on peut aussi avoir de bonnes nouvelles : reprise de la croissance, augmentation de la masse salariale, meilleures rentrées de cotisations…

M. Alain Vidalies. Le 10 juin 2003, M. Fillon déclarait que son objectif était de consolider la répartition pour les deux décennies suivantes. C’est dire que sa conviction n’était pas moins forte que la vôtre. Voyez pourtant où l’on en est. Je n’ignore rien des modifications induites par la crise, mais nous sommes face à un problème de fond. Une situation conjoncturelle peut créer un problème de financement, mais à crise conjoncturelle, solutions conjoncturelles. Vous auriez pu prévoir des mesures transitoires, sans remettre en cause l’évolution globale ni les objectifs du système. Ce que vous faites est d’une autre nature, puisque vous tirez des conséquences structurelles d’une crise conjoncturelle. C’est ce qui explique notre inquiétude pour les rendez-vous à venir. À chaque nouvelle échéance, vous réglez la facture par des mesures structurelles : en 2003, vous avez allongé la durée de cotisation ; aujourd’hui, vous retardez la date légale de départ et celle de l’accession à la retraite à taux plein.

M. le président Pierre Méhaignerie. En novembre 2007, quand nous avons examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le débat sur la branche vieillesse n’était pas à l’ordre du jour, puisque nous pensions transférer vers elle un point et demi de cotisation UNEDIC. Quant à la branche maladie, je rappelle que l’ONDAM avait augmenté moins vite que la richesse nationale. Il est nécessaire d’adapter de manière permanente le financement à la conjoncture.

M. Alain Vidalies. Je ne dis rien d’autre !

M. le ministre. Dans le domaine social – à la différence du domaine économique –, le conjoncturel est durable. Quand on perd de la masse salariale, parce que le chômage augmente, on met du temps, sept ou huit ans parfois, à remonter la pente. En outre, les dépenses sont très importantes, alors qu’elles sont plus faciles à maîtriser ou à piloter dans le domaine budgétaire. Sur une période de dix ans, le conjoncturel s’associe donc nécessairement au structurel.

La Commission rejette l’amendement AS 231.

Elle examine ensuite l’amendement AS 67 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il me paraît indispensable que les partenaires sociaux fassent partie du comité de pilotage, surtout s’il est créé pour leur faire plaisir…

M. le rapporteur. Avis favorable. Il sera très utile que les organisations représentatives des employeurs et des salariés participent au comité de pilotage. La précision étant générale, elle a sa place dans le texte.

M. le ministre. Avis favorable à ce très bon amendement.

M. Roland Muzeau. J’appelle votre attention sur le fait que l’adoption de l’amendement ferait tomber nos amendements AS 95 et AS 96 qui prévoient la présence au sein du comité de pilotage de représentants de chacun des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat.

M. le rapporteur. En effet.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous propose donc de modifier la rédaction de l’amendement AS 67 afin d’y faire figurer les mots : « des parlementaires ».

M. Jean-Luc Préel. En tant que membre d’un groupe minoritaire, je préférerais que l’on fasse référence à la présence « de parlementaires représentant chacun des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat ». Je crains, par ailleurs, que le comité de pilotage et le COR ne deviennent très proches, puisqu’ils auront les mêmes représentants et quasiment les mêmes missions.

M. le rapporteur. Nous avons rappelé hier que les missions de ces organismes seront très différentes. Par ailleurs, je suis très favorable à ce que des représentants de tous les groupes parlementaires siègent au comité.

M. le président Pierre Méhaignerie. Faut-il retenir cette rédaction ou le Gouvernement est-il disposé à prendre un engagement qui nous permettrait d’alléger le texte, ce qui, à mon sens, serait préférable ?

M. le ministre. Je m’engage à ce que des membres de tous les groupes parlementaires siègent dans le comité de pilotage. J’ajoute, pour répondre à M. Préel, que le Gouvernement y sera représenté, alors qu’il ne l’est pas dans le COR. Par ailleurs, les missions des deux organismes sont différentes.

M. Roland Muzeau. Nous aimerions disposer des projets de décrets lorsque l’examen du texte commencera en séance publique. Faute de quoi, nous risquons de parler dans le vide. En outre, nous pourrons ainsi vérifier que le ministre a tenu ses engagements.

M. Jean-Luc Préel. J’ai toute confiance dans la parole du ministre, mais son engagement devant la commission n’a pas valeur législative. Pourquoi ne pas reprendre dans l’amendement AS 67 la formule de l’amendement AS 95 ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Compte tenu de cette intervention et de l’avis favorable du Rapporteur, je vous propose de rédiger ainsi le quinzième alinéa de l’article : « Le comité de pilotage de régimes de retraite est composé de représentants de l’État, de représentants de chacun des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat, de représentants des régimes de retraite légalement obligatoires, etc. »

La Commission adopte l’amendement AS 67 ainsi rectifié.

Les amendements AS 95 de Mme Martine Billard et AS 96 de M. Roland Muzeau deviennent ainsi sans objet.

La Commission examine l’amendement AS 97 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous souhaitons que la composition du comité figure dans le texte, même si l’amendement AS 67 rectifié l’a un peu précisée. Toutes les confédérations syndicales ne siègent pas au COR. En outre, puisque les critères de représentativité ont été modifiés, le texte doit en tenir compte. À quoi bon avoir prévu une nouvelle forme de représentativité syndicale au niveau des branches et de l’interprofessionnel si nous n’en tirons pas les conséquences dans les nouveaux textes de loi ?

M. le rapporteur. Avis défavorable. La mesure relève du domaine réglementaire.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 97.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 434 et AS 435 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 371 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je propose que le comité de pilotage s’appuie non seulement sur les travaux du COR mais aussi sur ceux de l’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT), créé par décret dans le cadre du plan santé au travail 2005-2009. Le problème de la pénibilité concerne certes les retraites mais surtout les conditions de travail, le Gouvernement en a convenu.

Je suppose que cette proposition recevra un avis favorable du Rapporteur, car le dernier amendement examiné hier par notre commission a été rejeté au motif qu’une référence à l’observatoire de la pénibilité serait ajoutée au projet de loi.

Enfin, le Conseil d’orientation sur les conditions de travail étant présidé par le ministre, il n’y a pas lieu de craindre de dérive de ce côté.

M. le rapporteur. Je confirme les propos de notre collègue Francis Vercamer et je suis extrêmement favorable à son amendement.

M. le ministre. Le Gouvernement y est également favorable. Il conviendra cependant que l’observatoire de la pénibilité soit reconnu au niveau législatif ; jusqu’à présent, il ne l’était qu’au niveau réglementaire.

La Commission adopte l’amendement AS 379.

Puis, elle examine l’amendement AS 372 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Dans la même logique, il importe de préciser par décret les missions de l’observatoire de la pénibilité.

M. le rapporteur. Avis favorable, en dépit d’un petit problème rédactionnel.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement AS 372.

Elle adopte ensuite l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement AS 369 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Même si j’ai cru comprendre que le ministre serait favorable à une avancée concernant le régime unique universel, je crains que cet amendement, qui prévoit qu’un rapport parlementaire prévoyant un système unique de retraite par points ou en comptes notionnels soit déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avant le 30 septembre 2011, n’emporte pas le même succès que les deux précédents.

Marisol Touraine, notamment, s’est dite défavorable à tel système. Les régimes complémentaires fonctionnent pourtant déjà par points et les partenaires sociaux, copilotes de ces régimes, savent définir chaque année la valeur d’achat et de liquidation du point, ce qui permet d’atteindre l’équilibre financier. La retraite étant liée au travail, il conviendrait que la gestion de ce régime unique incombe aux partenaires sociaux.

M. le rapporteur. Le diagnostic du docteur Préel est excellent : le sujet a déjà été abordé et j’avais donné un avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

Mme Martine Billard. Je tiens à réaffirmer l’opposition du Parti communiste français et du Parti de gauche à cette tentative de modification du régime de retraite. C’est un vieux débat, qui, je l’imagine, va se poursuivre.

D’abord, le COR a rendu un rapport relatif aux systèmes en comptes notionnels. Un système par points ou en comptes notionnels ne saurait être plus équitable, car les pensions seraient alors complètement individualisées, ce qui casserait le système par répartition, solidaire et intergénérationnel. Le principe de notre système de retraite, c’est que les actifs d’aujourd’hui paient les pensions de ceux qui sont déjà en retraite. Un système par points ou en comptes notionnels signifierait, au contraire, que la pension de chacun serait fonction de ses propres cotisations. De surcroît, les systèmes de ce type sont fragiles, nous l’avons vu dans les pays qui les ont mis en œuvre : au moment de la crise, ils n’ont pas davantage garanti les pensions de retraite que nous ; nous les avons même mieux garanties, et surtout de manière plus solidaire et équitable.

Le seul système solidaire et équitable est le système actuel, à condition que nous le renforcions. Pour notre part, nous pensons que les richesses existent, en France, à cet effet. Il faut simplement cesser de réduire les impôts de ceux qui gagnent le plus, cesser de pratiquer des exonérations de cotisations sociales. Ce sont les orientations que nous avons défendues dans notre proposition de loi.

M. Arnaud Robinet. Martine Billard confond tout : un système par points ou en comptes notionnels n’équivaut pas à un système par capitalisation, cela reste de la répartition.

M. Gaëtan Gorce. Je regrette vivement la confusion qui prévaut en permanence entre points et comptes notionnels. Si ces deux systèmes s’inspirent de philosophies proches, ils sont distincts, notamment dans leurs effets. Le système par points soulève le problème de la valeur du point et de sa revalorisation régulière. Quant au système en comptes notionnels, c’est un système par répartition, jouant pour l’essentiel sur l’espérance de vie.

À l’instar de Pascal Terrasse, je considère que le système en comptes notionnels présente un intérêt réel et mérite réflexion. Nous gagnerions à distinguer clairement les deux systèmes. Je regrette que le Rapporteur, en les mélangeant, hypothèque un peu la qualité du débat.

M. Jean-Luc Préel. Une réforme systémique retenant la formule des points ou des comptes notionnels me paraît indispensable et porteuse d’équité. Le système par points reste un système par répartition. Si j’ai un peu mélangé les deux notions, c’est qu’il est très compliqué d’expliquer au public ce qu’est un compte notionnel. Je suis plutôt favorable à cette dernière formule, car elle prend en compte l’espérance de vie, ce qui permet de régler en partie le problème de la pénibilité. Cette réforme est difficile et longue à mettre en œuvre, mais elle est inévitable. C’est pourquoi, il serait souhaitable de ne pas perdre trop de temps.

M. le rapporteur. Le COR, aux travaux duquel je participe en compagnie de Pascal Terrasse et de Jean-Luc Préel, a rendu un rapport décrivant les différences énoncées à l’instant. Votre rapporteur est donc très à l’aise sur la question.

La Commission rejette l’amendement AS 369.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 1 de M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse. Il convient que le Conseil économique, social et environnemental remette, tous les cinq ans, au Parlement et au Gouvernement un rapport relatif aux perspectives et à l’évolution du système de retraite. Face à la précipitation dans laquelle ce projet de loi est examiné et à l’insuffisance des consultations, il est essentiel, pour les futures échéances, de créer les conditions d’une concertation élargie à l’ensemble des partenaires, notamment les institutions de retraite et les mutuelles, et planifiée de façon à aboutir à un consensus.

M. le rapporteur. Avis défavorable. D’après le texte portant création du COR, celui-ci a pour mission « de décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques, et d’élaborer, au moins tous les cinq ans, des projections de leur situation financière ». Le COR joue donc déjà ce rôle d’éclairage et d’expertise.

M. le ministre. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 1.

Article 2

(article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale)


Indexation des pensions

L’article 2 du projet de loi modifie l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale, qui fixe les conditions de revalorisation des pensions de vieillesse.

Depuis la loi d’août 2003, le coefficient de revalorisation des pensions est égal à l’évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l’année n, corrigé, le cas échéant, de la révision de la prévision d’inflation de l’année n-1, telle que figurant dans le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances de l’année n.

Par ailleurs, depuis l’article 79 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la revalorisation de l’ensemble des pensions intervient au 1er avril de chaque année et non plus au 1er janvier. La revalorisation pour l’année n est dorénavant égale à la prévision d’inflation, pour cette année, établie par la Commission économique de la Nation et ajustée sur la base de l’inflation définitive constatée pour n-1 (qui est connue en avril n de manière définitive).

Ainsi, l’hypothèse de revalorisation de 1,2 % en 2010 correspond à la dernière hypothèse d’inflation retenue pour 2010 (1,2 %). Il n’y a pas lieu pour le moment de prendre en compte de révision au titre de 2009, puisque la prévision actuelle de l’inflation pour 2009 (0,4 %) correspond à celle qui a été retenue pour la revalorisation du 1er avril 2009.

Le troisième alinéa de l’article L. 161-23-1 permet au Gouvernement de proposer au Parlement, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une correction au taux de revalorisation de l’année suivante sur proposition d’une conférence nationale. L’article D. 161-2-23 du code de la sécurité sociale, créé par le décret n° 2007-647 du 30 avril 2007, a fixé la composition de cette conférence présidée par le ministre chargé de la sécurité sociale : 15 représentants des syndicats de salariés et 15 représentants des employeurs. Cette conférence est censée se réunir au moins une fois tous les trois ans. Elle n’a jusqu’à présent jamais été réunie…

Aussi, l’article 2 du projet de loi propose-t-il de substituer à cette commission le Comité de pilotage des régimes de retraite créé par l’article 1er et dont les missions (« veiller à la pérennité des régimes de retraite, (…) au maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités ») le rendent totalement légitime pour exercer ce rôle de proposition.

Une difficulté néanmoins pourrait apparaître : la commission prévue jusque là réunissait de droit les partenaires sociaux alors que, dans le comité de pilotage, ces derniers ne sont, dans l’état actuel du texte, présents que dans le mesure où ils gèrent des régimes de retraite légalement obligatoires.

*

La Commission examine les amendements identiques AS 98 de Mme Martine Billard et AS 233 de Mme Martine Carrillon-Couvreur, visant à supprimer l’article 2.

M. Roland Muzeau. Nous souhaitons la suppression de l’article 2, qui transfère au comité de pilotage la mission de la commission tripartite. La Commission de garantie des retraites, créée par l’article 5 de la loi du 21 août 2003 et dont les règles de fonctionnement ont été fixées par décret, est chargée de rendre des avis à propos de l’évolution nécessaire des durées d’assurance ou de service et bonifications. Elle n’a d’ailleurs rendu qu’un avis public, en octobre 2007. Nous ne voyons pas pourquoi le comité de pilotage serait surchargé d’une mission, qui, au demeurant, ne semble pas nécessiter beaucoup de travail.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Aux termes de l’article L 161-23-1 du code de la sécurité sociale, le coefficient annuel de revalorisation des pensions de vieillesse est fixé, au 1er avril de chaque année, conformément à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, puis ajusté le 1er avril suivant si cette évolution n’est pas conforme aux prévisions. Une correction peut également être proposée au Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur proposition d’une conférence présidée par les ministres chargés de la sécurité sociale, de la fonction publique et du budget et réunissant les organisations syndicales et professionnelles représentatives au plan national.

Or, l’article 2 du projet de loi prévoit que la correction du taux de revalorisation s’effectuera désormais sur proposition du comité de pilotage. Notre amendement de suppression vise à maintenir les modalités de revalorisation en vigueur.

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’article 2 remplace un organisme qui ne s’est jamais réuni, par le comité de pilotage, qui, lui, sera opérationnel, et dans lequel siégeront les partenaires sociaux.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette les amendements AS 98 et 233.

Puis, elle adopte l’article 2 sans modification.

Article 3

(article L. 161-17 du code de la sécurité sociale)


Amélioration du droit à l’information des assurés

Après sa consécration par la loi du 21 août 2003, le droit à l’information des assurés en matière de retraite franchit ici une nouvelle étape.

L’article 3 du projet de loi vise en effet à renforcer l’information des assurés par l’envoi d’une information générale dès la constitution des premiers droits à la retraite ; la mise en ligne du relevé de situation individuelle créé en 2003 et la mise en place d’un entretien personnalisé à 45 ans.

A. LE DROIT À L’INFORMATION CONSACRÉ EN 2003

1. Le droit à l’information mis en place en 2003

La loi du 21 août 2003 a consacré un nouveau droit pour tous les assurés : le droit d’être informé sur l’état de leurs droits individuels. Pour cela, deux dispositifs ont été mis en place, codifiés à l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale :

– la fourniture, à la demande de l’assuré, d’un relevé de situation individuelle l’informant des droits acquis et trimestres cotisés auprès des régimes de retraite légalement obligatoires. Ce relevé est automatiquement envoyé dès l’âge de 35 ans et tous les cinq ans par la suite.

Il est conçu comme un relevé de la carrière professionnelle et un état de la situation personnelle et familiale de l’assuré, déterminant les conditions de liquidation de sa future retraite, et lui permettant de prendre à temps les décisions nécessaires pour s’y préparer au mieux. L’article L. 161-17 précise bien que le relevé de situation individuelle est adressé à « titre de renseignement » et n’engage pas les caisses sur le montant des droits accordés lors de la liquidation.

Chaque régime reste maître des données envoyées, mais l’organisme expéditeur récupère des informations auprès des autres régimes pour fournir une photographie globale de ses droits à l’assuré ;

– la fourniture à l’assuré, à partir de 55 ans, c’est-à-dire à l’approche de l’âge de liquidation de la retraite, d’une estimation indicative globale du montant de la pension qu’il sera susceptible d’obtenir à son départ à la retraite, tous droits réunis dans les régimes de base et complémentaires. Après 55 ans, ce document est envoyé tous les cinq ans à l’assuré jusqu’à l’âge de son départ à la retraite.

Contrairement au relevé de situation individuelle, il s’agit d’un véritable document de « préliquidation », très complet, dont le contenu est précisément déterminé par l’article D. 161-2-1-7 du code de la sécurité sociale. Cette estimation ne peut donc être fiable que si elle intervient peu de temps avant la liquidation des droits à pension.

La mise en œuvre du droit à l’information est coordonnée par le GIP Info retraite, organisme doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière composé de l’ensemble des organismes et services chargés de la liquidation des pensions de retraites soumises au droit à l’information.

Depuis sa création par l’article 10 de la loi du 21 août 2003, le GIP Info retraite a fait la preuve de son efficacité. Votre Rapporteur estime qu’il est donc essentiel que le droit à l’information continue d’être mis en œuvre sous son égide.

2. Une montée en charge progressive du droit à l’information qui satisfait les assurés et contribue au rapprochement des régimes

Le droit à l’information a connu sa première campagne en 2007. La montée en charge des envois est progressive. En 2010, tous les assurés de 35, 40, 45, 50, 55 et 60 ans ont reçu un relevé de situation individuelle ou une estimation indicative globale du montant de la pension.

En 2009, plus de 4,2 millions d’assurés de cinq générations ont reçu un courrier d’information. Ce sont en tout 1 459 792 estimations globales et 2 732 097 relevés de situation individuelle qui ont été expédiés par les régimes de retraite réunis au sein du GIP Info Retraite.

L’enquête de satisfaction, menée par le GIP Info retraite auprès des bénéficiaires de la campagne d’information de 2009, confirme les résultats des enquêtes précédentes : 94 % des personnes ayant reçu leur document sont satisfaites de la démarche.

L’augmentation du nombre de générations servies s’est accompagnée d’une amélioration des traitements : en 2009, 91,4 % des assurés de ces générations se sont vu envoyer un courrier par leurs régimes, alors qu’ils étaient respectivement 87 % en 2008 et 82,6 % en 2007.

Cette progression aurait été impossible sans un travail commun des trente-six régimes de retraite qui fonctionnent par ailleurs, à l’exception des régimes alignés sur le régime général, en relative autonomie. Le droit à l’information, par l’échange d’informations qu’il implique et grâce à la coordination assurée par le GIP Info retraite, œuvre donc indirectement au rapprochement des régimes.

3. Le droit général à l’information doit encore être développé

Le droit à l’information est une composante majeure de la confiance des assurés dans notre système de retraite et une véritable mission de service public devant se développer dans les années à venir, et ce pour plusieurs raisons.

Un nombre croissant d’assurés connaît une forte mobilité professionnelle, ce qui entraîne des changements de régime d’affiliation fréquents et complexifie le calcul des droits à pension. Selon les données recueillies par le GIP Info retraite, les assurés servis durant la campagne d’envoi de 2009 étaient 42 % à être rattachés à deux régimes de retraite, 31 % à trois régimes, 15 % à quatre régimes, et 9 % à cinq régimes. Le morcellement des régimes nécessite donc le renforcement du droit à l’information.

La généralisation des régimes de retraite complémentaire obligatoires accroît également la complexité de la fixation des droits globaux, d’autant que les règles de calcul sont souvent très différentes de celles du régime de base.

Les possibilités pour l’assuré de choisir un départ à la retraite avancé ou retardé, de valider certaines périodes d’assurance, de racheter des années d’études, de cumuler un emploi et une pension ou encore de surcotiser en période de temps partiel, sont des variables importantes agissant sur les droits à pension, et difficilement mesurables pour un particulier.

Enfin, les assurés sont souvent peu au fait des dispositifs d’épargne retraite prévus par la loi, alors même qu’ils constituent un complément utile à la pension.

Il est donc impératif d’améliorer encore le droit à l’information des assurés, pour leur permettre de mieux connaître leurs droits, de mesurer l’impact sur leur pension de certains choix de carrière, de préparer au mieux leur retraite et de garder confiance dans le système actuel.

B. LES AMÉLIORATIONS PROPOSÉES PAR LE TEXTE

1. Une information dès la constitution des premiers droits de retraite

L’article 3 du projet de loi complète l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que dans un délai déterminé suivant la première année au cours de laquelle il a validé au moins une période d’assurance dans un des régimes de retraite légalement obligatoires, l’assuré bénéficie d’une information générale sur le système de retraite par répartition, notamment sur les règles d’acquisition de droits à pension et l’incidence sur ces derniers des événements susceptibles d’affecter sa carrière. Il est précisé que les conditions d’application de cette mesure seront définies par décret.

Selon le Gouvernement, la diffusion d’une information générale sur le système de retraite devrait concerner, chaque année, 900 000 personnes. Il s’agit d’une mesure consensuelle, qui ne pose pas de problème particulier de mise en œuvre, dans la mesure où le GIP Info retraite coordonne déjà l’envoi de documents à 4,2 millions de cotisants.

À l’initiative de votre Rapporteur, la Commission a précisé que cette information générale devait également porter sur l’incidence de l’exercice d’une activité à temps partiel sur la constitution des droits à pension.

2. Un entretien personnalisé à 45 ans : une avancée considérable dont la mise en œuvre mobilisera des moyens importants pour les caisses

L’article 3 du projet de loi prévoit que les assurés bénéficient, à leur demande, à un âge et dans des conditions fixés par décret, d’un entretien sur les droits qu’ils se sont constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires et sur les perspectives d’évolution de ces droits.

Votre Rapporteur soutient tout à fait cette démarche. Cet entretien permettra aux assurés de mieux préparer leur retraite et de faire des choix professionnels en connaissant leur impact sur leur future pension.

Cependant, un certain nombre d’incertitudes quant à la mise en œuvre de ce nouveau droit doivent être levées par le Gouvernement.

Concernant le contenu de l’entretien, le Gouvernement indique dans l’exposé des motifs du projet de loi, que ce « point d’étape », qui aura lieu à 45 ans, devra permette aux assurés de recevoir, outre un relevé de leurs droits à retraite, toute information sur les perspectives d’évolution de ces droits en fonction notamment de leurs choix de carrière.

Votre Rapporteur estime qu’il faut choisir entre une logique de conseil et une logique de simple information. Dans la première hypothèse, le rôle des caisses et leur responsabilité changent considérablement. L’activité de conseil, pour être pertinente, doit prendre en compte des informations dont ne disposent pas aujourd’hui les régimes et suppose la maîtrise par le personnel de nouvelles connaissances relatives par exemple à l’épargne retraite, aux possibilités de surcotisation ou de rachat d’années d’études, aux conséquences d’un temps partiel sur les droits à pension. Enfin, la mise en place de l’entretien suppose une maîtrise minimale des règles des autres régimes de retraite obligatoires.

Autre incertitude qu’il conviendra de lever : l’entretien doit-il être l’occasion de fournir une première estimation indicative des droits à pension de l’assuré, dans ce cas l’âge de 45 ans n’est-il pas prématuré ? Ou bien doit-il être l’occasion de mesurer l’impact des choix de carrière à venir de l’assuré sur ses futurs droits, et dans ce cas, ne faut-il pas pratiquer ce point d’étape beaucoup plus tôt, notamment pour les femmes ? L’entretien pourrait avoir lieu à l’âge de 40 ans, au moment où le deuxième relevé de situation individuelle est envoyé à l’assuré. Celui-ci pourrait d’ailleurs inviter l’assuré à prendre contact avec sa caisse pour passer cet entretien. Votre Rapporteur estime que la question doit être rapidement tranchée.

Selon la CNAV, le point d’étape à 45 ans doit pouvoir être multiforme : une partie du public peut être reçue de façon individuelle dans les 300 agences de proximité de la branche retraite, mais une partie peut également bénéficier d’une démarche semi collective dans le cadre d’une offre de conseil à destination des entreprises.

Le point d’étape peut être l’occasion d’analyser, avec l’assuré et régime par régime, toute sa carrière pour la valider à ce stade. Les enfants peuvent également être pris en compte pour le calcul de la majoration de durée d’assurance. De même, les mesures favorisant le maintien dans l’emploi des seniors peuvent être expliquées avec différentes variantes.

En revanche, à 45 ans, il est peu pertinent de réaliser une estimation du montant de la retraite. Selon la CNAV, il est possible d’expliquer les modalités de calcul de la retraite du régime général et des retraites complémentaires, mais il n’est pas envisageable de proposer un calcul estimatif, d’autant que la législation peut être amenée à évoluer.

Concernant les moyens à mettre en œuvre pour assurer l’effectivité de ce nouveau droit pour tous les assurés, un certain nombre de caisses ont fait part de leurs inquiétudes, dont votre Rapporteur se fait l’écho.

Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, au total, public et privé confondus, dans l’hypothèse où 30 % des assurés d’une même classe d’âge demanderaient à bénéficier du point d’étape retraite à 45 ans, environ 170 équivalents temps plein devraient être mobilisés par les organismes gestionnaires pour mener 270 000 entretiens d’une heure.

Le régime général couvre plus de 70 % des actifs. Il devra à lui seul assurer environ 190 000 entretiens, ce qui correspond à 118 équivalents temps plein.

L’étude d’impact note que le dispositif d’entretien individuel veillera à « s’appuyer sur les compétences déjà en place dans les caisses de retraite, et d’autre part, à coordonner les actions de celles-ci afin d’éviter les doublons. Les moyens consacrés à l’information des personnes très proches de la retraite seront partiellement réorientés vers ce point d’étape»

C’est le cas de la CNAV, dont la convention d’objectifs et de gestion 2009-2013 prévoit la mise en place d’un diagnostic conseil personnalisé à 55 ans. Cette opération, qui porte en 2010 sur 15 000 cas, offre à l’assuré un entretien d’une heure trente avec un conseiller retraite, en accompagnement de l’estimation globale adressée au même age.

Le directeur de la CNAV a indiqué à votre Rapporteur que le point d’étape à 45 ans ne devrait pas remettre en cause ces orientations, mais les compléter. Une partie du diagnostic conseil personnalisé qui, selon le calendrier prévu par la CNAV, doit être proposé à 250 000 personnes dès 2013, peut être, en effet, proposé à des assurés plus jeunes.

En revanche, cette évolution aura un impact sur la charge de travail et nécessitera une réflexion inter régimes pour adapter l’offre à une population encore loin de l’âge de la retraite et ouverte aux nouvelles technologies.

Selon les informations fournies à votre Rapporteur par la direction de la sécurité sociale, la fonction publique, qui emploie 17 % des actifs, devrait assurer environ 46 000 entretiens, nécessitant 30 équivalents temps plein.

S’agissant du Service des retraites de l’État, la gestion d’une cohorte d’environ 60 000 personnes suppose la création d’un nouveau pôle de conseillers spécialisés. En l’absence de relais au niveau local, les entretiens individuels seraient téléphoniques.

Selon les estimations de la CNRACL, la mise en place par le régime d’un entretien d’une heure pour ses assurés, supposant deux heures de préparation et de suivi, nécessite la mobilisation de 130 équivalents temps plein pour 70 000 entretiens par an. Il convient d’y ajouter l’ensemble des frais de fonctionnement liés à la mise en place d’un réseau territorialisé, ou les frais de déplacements vers les lieux de rencontres. Une solution alternative consisterait à mobiliser les employeurs pour assurer l’entretien individuel à 45 ans. Les entretiens seraient répartis entre les 47 000 employeurs, soit, au maximum, 1 à 2 entretiens par an en moyenne. Bien entendu, les plus gros employeurs seraient davantage mobilisés. Un employeur disposant de 1 000 agents pourrait avoir à assurer 30 entretiens, si tous les actifs concernés par la mesure le demandaient. Le régime apporterait un soutien technique et fournirait toutes les informations nécessaires à la préparation de l’entretien.

Le RSI, qui a proposé, en 2009, 10 500 « entretiens retraite » à ses assurés, dont 6 181 rendez-vous physiques, a également insisté sur l’importance des frais de gestion liés à cette mesure. La mise en place du point d’étape à 45 ans concernerait 90 000 personnes environ, ce qui suppose en moyenne la mise en place de 3 000 entretiens par an dans les trente caisses du régime. Une entrée en vigueur du nouveau droit à l’information au 1er juillet 2011, soit dans à peine plus de six mois, suppose donc des investissements considérables.

3. La mise en ligne du relevé de situation individuelle

L’article 3 du projet de loi prévoit enfin qu’à la demande de l’assuré, les régimes de retraite communiquent le relevé de situation individuelle par voie électronique.

Les services du GIP Info retraite travaillent sur ce projet depuis un an. Il devrait être généralisé en mai-juin 2011. Un délai est en effet nécessaire, car il s’agit de faire communiquer tous les systèmes d’information des régimes.

Par coordination avec la mise en place du point d’étape à 45 ans, le relevé de situation en ligne pourrait également être utilisé comme un élément d’incitation pour les générations concernées à prendre contact avec leur caisse pour solliciter un entretien. De plus, selon la CNAV, en 2012, le relevé de situation individuelle devrait être enrichi par des signalements sur les périodes incomplètes ou incohérentes et servir ainsi de fil conducteur à un futur entretien. Le relevé de situation individuelle de 45 ans deviendrait alors le relevé individuel « pivot » de la carrière.

À terme, il serait souhaitable que tout assuré puisse consulter en ligne, tous les ans à partir de 35 ans, un relevé de situation individuelle actualisé. Cela suppose une nette amélioration des échanges d’information entre les régimes et la création d’un portail commun consultable en ligne. Votre Rapporteur estime que le droit à l’information des assurés doit tendre vers ce modèle.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 234 de Mme Marisol Touraine.

Mme Michèle Delaunay. Les carrières, de nos jours, sont mouvementées, aléatoires, incertaines et risquent de le devenir davantage encore. Il est important que les salariés se sentent soutenus et informés. C’est pourquoi, à la formule « dans un délai déterminé », qui n’est guère rassurante, nous préférerions les mots « dans un délai de deux ans » après le premier emploi.

M. le rapporteur. Avis favorable à cette précision utile.

M. le ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement AS 243.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 459 du rapporteur.

Puis, elle examine l’amendement AS 418 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il est nécessaire d’informer les salariés des conséquences sur la constitution de leurs droits à la retraite de l’exercice d’une activité à temps partiel et de la possibilité de surcotiser à l’assurance vieillesse pour le régime général et les régimes complémentaires.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement AS 418.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 235 de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Sur la question des retraites, les évolutions sont relativement fréquentes, avec des incidences importantes pour nos concitoyens. Par cet amendement, nous proposons que soit dispensée une information publique à chaque modification législative, réglementaire ou conventionnelle, portant notamment sur les conditions de constitution des droits à la retraite. Chacun se sent concerné et a besoin d’évaluer par lui-même le montant de sa future retraite. Ce souci d’information devrait tous nous rassembler.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Une information générale est d’ores et déjà assurée par le site internet du GIP Info Retraite. De plus, les personnels de tous les régimes sont à la disposition des assurés pour répondre à leurs questions. La proposition contenue dans cet amendement est impossible à mettre en œuvre du point de vue logistique et de surcroît inutile, car le relevé de situation individuelle et l’estimation du montant de la retraite prennent déjà en compte les évolutions législatives les plus récentes. Mieux vaut une information individualisée efficace qu’une information générale coûteuse et inutile. Je fais partie d’ailleurs de ceux qui ont poussé à la création du GIP Info Retraite et je tiens à dire qu’il fonctionne bien, avec peu de personnel et des moyens budgétaires faibles.

M. le ministre. Même avis. Une information très individualisée est préférable à une avalanche d’informations très difficiles à comprendre. Chacun est intéressé par son propre niveau de retraite.

La Commission rejette l’amendement AS 235.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 236 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. Dans le même esprit, nous souhaitons donner un caractère obligatoire à l’entretien avec les salariés à propos de leurs droits. Les jeunes sont peu préoccupés par leur retraite et il est à craindre qu’ils ne s’informent pas si nous ne faisons par cet entretien un passage obligatoire, d’autant que nous n’y voyons pas très clair au-delà de 2018, le ministre l’a répété plusieurs fois. Des entretiens d’évaluation sont bien organisés dans les entreprises et l’administration, pourquoi pas dans notre système de retraite?

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’entretien individuel doit rester une liberté accordée à chaque assuré. Le relevé de situation individuelle envoyé aux assurés dès l’âge de 35 ans pourra tout au plus, si nécessaire, les inviter à prendre contact avec leur régime pour organiser un entretien.

M. le ministre. Défavorable. Il faut tout faire pour que nos concitoyens se rendent à un entretien individuel, mais nous ne pouvons pas les y obliger. Tout dépendra de la qualité de ces rendez-vous.

La Commission rejette l’amendement AS 236.

Elle examine ensuite l’amendement AS 238 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Liebgott. En matière d’information, nous ne sommes visiblement pas tout à fait sur la même longueur d’onde. Nous avons le sentiment que la population est dans une situation d’angoisse et d’incertitude, et pas seulement à propos des retraites.

Vous avez contraint les demandeurs d’emploi à être régulièrement entendus, ce qui n’est d’ailleurs pas toujours possible compte tenu des effectifs de Pôle emploi. Ce que vous exigez des demandeurs d’emploi, nous l’exigeons pour les salariés en activité.

Rien ne dit que tous les salariés de France iront chercher l’information les concernant, car ils ne disposeront pas de la même information générale. Il existe, en effet, une grande différence entre celui qui a un plan de carrière et celui qui va de petit boulot en petit boulot. Il est absolument indispensable de ne pas laisser dans la nature les salariés les plus fragiles, en leur permettant d’accéder à un entretien tous les cinq ans. Il s’agit d’un amendement de bon sens, car, comme l’a dit le ministre, nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve, si la crise va s’aggraver ou se résorber.

M. le rapporteur. Je vous rassure, monsieur Liebgott, nous sommes sur la même longueur d’onde, mais la loi prévoit d’ores et déjà, à 35 ans, puis tous les cinq ans, l’envoi à chaque assuré d’un relevé de situation individuelle faisant le point sur la constitution de ses droits. S’y ajoutent, à partir de 55 ans et tous les cinq ans, une estimation globale du montant de sa future retraite, et, maintenant, un entretien à 45 ans. Enfin, tout assuré peut contacter son régime pour obtenir des informations sur l’état de ses droits à pension. Des sondages effectués par les différents régimes font apparaître un taux de satisfaction de 85 %. Le droit à l’information me semble suffisamment complet pour que nous n’ayons pas à ajouter un entretien tous les cinq ans. La plupart des régimes seraient au demeurant incapables de l’assurer et il transformerait le personnel des caisses en conseillers, ce pour quoi ils ne sont pas formés et, surtout, ce qu’ils ne souhaitent pas. J’émets par conséquent un avis défavorable.

M. le ministre. La fixation de l’âge ressort d’une mesure réglementaire. Avis défavorable.

M. Régis Juanico. Je décèle une contradiction de la part du Rapporteur et du ministre. Sur les retraites, il n’y a pas seulement un droit à l’information mais un devoir d’information de la part des pouvoirs publics. Dans l’entreprise, il existe déjà des entretiens obligatoires entre l’employeur et les salariés de l’entreprise, notamment pour la formation professionnelle, les secondes carrières et les bilans professionnels. Pourquoi un tel dispositif obligatoire ne serait-il pas mis en place pour les retraites, sujet au moins aussi importante ?

M. le ministre. Je vous entends, mais nous ne souhaitons pas que cet entretien soit obligatoire. Je serais prêt à donner un avis favorable à un amendement prévoyant la possibilité d’un entretien à partir de 45 ans – jouons la transparence – puis tous les cinq ans. Mais je ne souhaite pas que cet entretien soit obligatoire. Comment pourrait-il l’être d’ailleurs ? Comment obliger les gens à s’y rendre ? Il faut que le texte précise que l’entretien a lieu « à leur demande ».

Mme Marisol Touraine. Nous pouvons nous rallier à votre proposition, même si elle ne répond pas à notre préoccupation de sécurisation des salariés les plus fragiles, qui ne solliciteront pas l’entretien. Qu’adviendra-t-il de ceux qui ont des carrières hachées et qui travaillent à temps partiel ? Si vous imaginez d’autres solutions, nous sommes évidemment prêts à les entendre.

M. le rapporteur. Compte tenu de la rectification proposée par le ministre, j’émets un avis favorable.

M. le président Pierre Méhaignerie. L’alinéa 4 se lirait ainsi : « les assurés bénéficient à leur demande, à partir de 45 ans, puis tous les cinq ans et dans des conditions fixées par décret, d’un entretien… ».

La Commission adopte l’amendement AS 238 rectifié.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 100 de Mme Martine Billard.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement tend à mieux informer les assurés en précisant que les droits sur lesquels portera l’entretien sont notamment ceux acquis au titre des périodes d’études et de formation, de chômage, de travail pénible, d’emploi à temps partiel et de congé maternité. Ces différents aspects, qui suscitent de graves inquiétudes chez de nombreux assurés, car ils sont très pénalisants, méritent d’être abordés de façon spécifique dans chaque cas individuel.

M. le rapporteur. Avis favorable à cet excellent amendement.

M. le ministre. Même avis.

M. Christian Hutin. Ne pourrait-on pas faire référence non seulement au travail pénible, mais aussi au travail exposé ? Certaines victimes de l’amiante, par exemple, ne sont pas encore complètement informées de leurs droits. Sans l’action menée par les associations de défense des victimes de l’amiante, certains de nos concitoyens n’auraient jamais pu se faire connaître et les faire valoir.

M. Francis Vercamer. Je trouve délicat de faire référence au travail pénible sans définir précisément ce qu’est la pénibilité. Le ministre a indiqué hier qu’on ne pouvait le faire au plan législatif, ce qui pose un problème de fond.

M. le rapporteur. Je préférerais qu’on en reste à la rédaction actuelle de l’amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 100.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 237 de Mme Marisol Touraine.

Mme Michèle Delaunay. Par cet amendement, nous demandons que les assurés bénéficient également d’une information sur les dispositifs d’incitation à la prolongation d’activité ainsi que sur les dispositifs qui leur permettraient d’améliorer le montant futur de leur retraite. Cette précision serait tout à fait conforme à l’esprit général du projet de loi.

M. le rapporteur. Avis favorable

M. le ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement AS 237.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 239 de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Dans la rédaction actuelle du texte, seuls les assurés appartenant à une certaine catégorie d’âge et remplissant des conditions fixées par décret peuvent bénéficier de l’entretien. Nous demandons que tous puissent y accéder s’ils en font la demande

M. le rapporteur. Le code de la sécurité sociale permet déjà à chaque assuré de demander au régime dont il relève des informations générales sur ses droits à pension ainsi que des informatives relatives à sa propre situation à tout moment.

L’amendement AS 237 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS 240 de Mme Marisol Touraine.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. À l’image de ce qui existe déjà en Suède, nous proposons que les salariés reçoivent, chaque année, un courrier leur permettant de connaître leurs droits à la retraite, et que tous les régimes leur fournissent une estimation indicative globale du montant des pensions auxquelles leur durée d’assurance et de service ou leur nombre de points ouvriront droit, lorsque leur retraite pourra être liquidée. Cela devrait faciliter les choix de carrière, conformément à l’objectif formulé dans l’exposé des motifs de ce texte.

M. le rapporteur. Je suis d’accord avec vous sur le fond. Comme je l’indiquais dans un rapport de 2008, nous pourrions utilement nous inspirer du modèle allemand, qui fournit très tôt aux assurés une estimation indicative de leurs pensions futures, et qui leur transmet des informations actualisées chaque année. Il reste qu’une telle solution sera sans doute difficile à appliquer en France, car nous avons des régimes plus complexes et plus fragmentés.

En ce qui concerne l’information annuelle des assurés, je rappelle que le relevé de situation mis en ligne a vocation à se transformer en un récapitulatif actualisé tous les ans, et que le GIP Info retraite prépare un portail commun grâce auquel nos concitoyens pourront prendre connaissance, chaque année, d’une estimation de leur pension – il faudra pour cela réaliser une véritable prouesse technique.

Je rappelle, en outre, que les régimes de retraite travaillent à la réalisation d’une estimation globale qui serait communiquée aux assurés dès l’âge de 45 ans. La CNAV nous a indiqué qu’elle ne pouvait pas produire de calculs fiables à l’heure actuelle, et il faut être conscient que l’évolution de la législation ne facilite pas la tâche. Pour toutes ces raisons, l’amendement me semble en avance de quelques années. Avis défavorable.

M. le ministre. Même position. Le système français de retraite étant ce qu’il est, il serait très compliqué de fournir une estimation fiable à l’âge de 45 ans. Il ne faudrait pas tromper les assurés. Nous devons veiller à ce que seules soient communiquées des informations solides, qui leur permettent de faire évoluer leur carrière – on est loin, aujourd’hui, d’avoir terminé son parcours professionnel à 45 ans. L’amendement sert une belle ambition, mais il risquerait de fausser la donne dans les conditions actuelles.

Mme Catherine Génisson. Par cet amendement, nous souhaitons améliorer l’information des assurés qui en ont le moins, c’est-à-dire ceux qui se trouvent dans les situations les plus précaires. Il s’agit également de faire en sorte que chacun puisse être maître de sa carrière professionnelle et de l’ouverture de ses droits à pension, afin d’être en mesure de bénéficier éventuellement de congés sabbatiques ou, au contraire, de prolonger sa carrière au-delà de 62 ou 65 ans – c’est, en effet, le cœur du projet alternatif que nous défendons : un système de retraite universelle, mais choisie. Pour cela, il faut que chacun puisse bénéficier d’une information très régulière sur les droits qu’il se constitue.

La Commission rejette l’amendement AS 240.

L’amendement AS 101 de M. Roland Muzeau est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 102 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le code de la sécurité sociale fait obligation aux régimes de retraite d’envoyer à chaque assuré un relevé de situation. Aux termes du projet de loi, ils « communiquent ce relevé, à la demande de l’assuré, par voie électronique ». Notre amendement ajoute : « ou par courrier postal ».

Il y a, en effet, de plus en plus souvent une pression pour que les relations avec les administrés passent par la voie électronique. Or, tous nos concitoyens ne sont pas connectés à internet. Une fracture se creuse entre ceux qui y ont accès, soit à leur domicile, soit au travail – sachant que de nombreuses entreprises limitent fortement l’utilisation personnelle de l’accès professionnel à Internet. Dans certaines villes, comme Paris, on peut bénéficier d’un accès public à Internet, mais cette possibilité est encore assez limitée. C’est pourquoi, il nous semble important de préciser que les informations relatives aux retraites peuvent être obtenues par courrier postal. Sans cette précision, les assurés risquent de ne pouvoir les obtenir par courrier postal qu’en dernier ressort et après réclamation.

M. le rapporteur. Il est évident que la mise en ligne du relevé de situation individuelle ne remplacera pas un envoi par courrier. À mon sens, cet amendement est sans objet. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. L’assuré ne recevra le relevé par voie électronique qu’à sa demande. Sinon, il lui sera adressé par courrier.

La Commission rejette l’amendement AS 102.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 373 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je vais présenter ensemble les amendements AS 373, AS 374 et AS 375. Nous souhaitons la mise en place d’un véritable dossier informatisé unique, qui permettrait à chacun de s’informer, de façon très simple, à chaque fois qu’il le souhaite.

Le GIP Info retraite fonctionne assez bien aujourd’hui, mais il faudrait aller plus loin. Nous proposons que les régimes de base, obligatoires, complémentaires et supplémentaires, ainsi que les gestionnaires de produits d’épargne fournissent régulièrement des informations au GIP Info retraite, de façon à ce que chacun puisse consulter un dossier « retraite » informatisé.

M. le rapporteur. C’est une bonne idée, mais l’information délivrée en matière de retraite est déjà très complète : elle regroupe les régimes de base et les régimes complémentaires. À titre personnel, il me paraît difficile que le calcul réalisé prenne en compte la retraite supplémentaire : le GIP Info retraite ne dispose pas des informations nécessaires, et il serait hasardeux d’évaluer les pensions avant le déblocage des fonds. Par conséquent, avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. Il faut certainement aller dans ce sens, mais il est beaucoup trop tôt pour légiférer.

M. Alain Vidalies. L’amendement n’a rien d’anodin, car il vise les produits de l’épargne – c’est une première ! Si le GIP Info retraite regroupait des informations relatives à la retraite par répartition, à la retraite complémentaire, à la retraite supplémentaire et aux produits de l’épargne, on changerait de monde. Je tiens à exprimer notre hostilité absolue à ce mélange des genres.

La Commission rejette successivement les amendements AS 373 à AS 375.

Puis, elle adopte l’amendement rédactionnel AS 460 du rapporteur.

La Commission adopte ensuite l’article 3 modifié.

Article additionnel après l’article 3

Périmètre du répertoire national commun de la protection sociale

La Commission examine l’amendement AS 490 de la Commission des finances.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Le répertoire national commun de la protection sociale, instauré par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2007 et 2008, ne concerne que les régimes de base. L’amendement a pour objet de l’ouvrir aux régimes complémentaires, ce qui permettra de sécuriser l’échange des données, d’améliorer leur qualité et d’éviter les fraudes.

M. le rapporteur. Il s’agit d’une demande formulée par l’AGIRC-ARRCO pour sécuriser sa participation au répertoire commun au regard des exigences de la CNIL. Avis favorable à cet excellent amendement.

M. le ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement AS 490.

Article additionnel après l’article 3

Échanges entre régimes concernant les pensions de réversion

Puis, elle examine ensuite l’amendement AS 408 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans la continuité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, l’amendement vise à multiplier les échanges entre les différents régimes, afin de faciliter la liquidation des pensions de réversion. Cet amendement, de nature technique, favorisera la convergence des régimes et simplifiera la vie des assurés.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement AS 408.

Article additionnel après l’article 3

Création d’un répertoire de gestion des carrières unique

Elle examine ensuite l’amendement AS 409 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, en apparence très technique, prévoit une innovation très importante qui consiste à instaurer un répertoire unique de gestion des carrières, confié à la CNAV. Cette mesure facilitera en particulier la liquidation des retraites des polypensionnés.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Pascal Terrasse. Le président du conseil de surveillance de la CNAV soutient cet amendement relatif aux polypensionnés, dont nous devrons examiner la situation de très près : la proratisation du temps passé dans chaque régime est une véritable catastrophe pour de nombreux bénéficiaires, qui tombent des nues, lorsqu’ils découvrent le montant de leur pension. La proratisation n’a pas de sens, car elle pénalise considérablement ceux qui relèvent de régimes différents, en particulier les régimes alignés. Nous avons déposé des amendements à destination des futurs polypensionnés, mais il faudra aussi s’intéresser à ceux qui ont déjà subi les effets de la réforme de 2003 – il pourrait être nécessaire d’opérer un retour en arrière.

La Commission adopte l’amendement AS 409.

Après l’article 3

Puis elle examine l’amendement AS 491 de la Commission des finances.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Dans un but de simplification et de sécurisation, l’amendement propose de modifier la base de référence utilisée pour les pensions de réversion. Sur proposition de la CNAV, il s’agirait de reprendre les mêmes nomenclatures que celles des caisses d’allocations familiales.

M. le rapporteur. Cette solution permettrait sans doute de simplifier les processus, mais je vois mal comment elle pourrait s’appliquer aux pensions de réversion. On se heurte, dans ce domaine, à de sérieux obstacles techniques. Le ministre pourrait-il nous indiquer où en sont les travaux engagés sur cette question ?

M. le ministre. L’idée est bonne, mais il y a un problème de décalage dans le temps de l’information transmise à l’administration en matière fiscale ; en outre, on ne connaît pas nécessairement les ressources des foyers non imposables. Je suggère de retirer l’amendement pour continuer le travail sur ce sujet.

M. Alain Vidalies. Cette proposition est peut-être sympathique, mais elle manque de réalisme. Par ailleurs, elle n’est pas à la hauteur des problèmes qu’a provoqués la loi de 2003. Vous disiez hier, monsieur le président, que la majorité avait amélioré les pensions de réversion. Or, elle a surtout changé leur nature : elles ne constituent plus un droit, mais une allocation différentielle, ce qui change tout.

Au plan technique, la référence à des données fiscales ne correspond pas nécessairement au champ du décret nécessaire : le calcul du montant de la pension de réversion impose de prendre en compte un certain nombre de données qui n’entrent pas toutes dans le champ fiscal. Les sommes à déduire ont d’ailleurs fait l’objet de vifs débats : le champ très large du décret initialement prévu a suscité une telle mobilisation qu’il a fallu adopter un autre texte.

En tout cas, ce que vous proposez n’est pas compatible avec le système instauré en 2003.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Je retire l’amendement, quitte à ce qu’il soit redéposé dans le cadre de l’article 88 si nous parvenons à trouver une solution adaptée.

L’amendement AS 491 est retiré.

Article additionnel après l’article 3

Mensualisation des pensions

La Commission examine ensuite l’amendement AS 492 rectifié de la Commission des finances.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à mensualiser les pensions aujourd’hui versées par certains régimes de façon trimestrielle, ce qui permettra notamment de prévenir le surendettement. Pour éviter les problèmes de trésorerie, il faut mensualiser aussi bien les dépenses que les recettes. Afin de passer le cap de l’article 40, l’amendement ne porte que sur les pensions à échoir, mais on pourrait utilement aller plus loin en le retravaillant avec le Gouvernement.

M. le rapporteur. Avis très favorable. Cet amendement faciliterait la vie de nombreuses personnes.

M. le ministre. Avis favorable, étant entendu que seules les pensions à échoir sont concernées.

La Commission adopte l’amendement AS 492 rectifié.

Après l’article 3

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 493 de la Commission des finances.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Pour faire suite au rapport présenté en janvier dernier par le COR, la Commission des finances a adopté à l’unanimité cet amendement, qui demande au Gouvernement de présenter un rapport sur un passage éventuel d’un système de répartition à un système en comptes notionnels ou par points. Je crois savoir que d’autres amendements de même nature ont été déposés.

M. le rapporteur. Il me semble que le rapport du COR était suffisamment précis et approfondi. Nous disposons aujourd’hui de tous les éléments techniques nécessaires pour prendre éventuellement une décision politique dans ce domaine. Pour le moment, la majorité a préféré se concentrer sur le rétablissement de l’équilibre financier. Avis défavorable.

M. le ministre. Nous avons déjà abordé cette question, lorsque nous avons examiné les amendements déposés par M. Préel. Avis défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est pas une simple question de détail. Le passage à un système en comptes notionnels ou par points ne pourra pas se décider en un jour. C’est un processus très compliqué et très long qui nécessitera une véritable volonté politique.

On ne cesse de nous expliquer que les parcours professionnels sont de plus en plus changeants et les statuts de plus en plus divers. Nous avons, par ailleurs, adopté des amendements tendant à améliorer l’information des assurés. Or, il n’y aura pas d’information vraiment claire et lisible en l’absence d’un système par points ou en comptes notionnels. Il faut donc ouvrir le débat. Ce projet de loi ne propose malheureusement pas d’orientations à moyen et à long termes : il se concentre sur un prétendu équilibrage qu’il faudrait réaliser, alors que nous ne disposons même pas des comptes financiers. C’est une non-réforme et un cache-misère !

La Commission rejette l’amendement AS 493.

La Commission examine l’amendement AS 39 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement de bon sens précise que pour siéger au conseil d’administration d’un régime, il faut y être affilié.

M. le rapporteur. La présence des organisations syndicales au sein des conseils d’administration est non seulement légitime, elle est indispensable. Avis défavorable.

M. le ministre. Il revient aux partenaires sociaux de désigner, comme ils l’entendent, leurs représentants.

M. Dominique Tian. Certes, mais il est préférable qu’ils appartiennent au régime.

La Commission rejette l’amendement AS 39.

Elle examine ensuite l’amendement AS 68 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement vise à instituer un « rendez-vous Assurance maladie 2013 », à l’instar des « rendez-vous Retraite ».

M. le rapporteur. Nul ne conteste la nécessité de rétablir les comptes de l’assurance maladie parallèlement à ceux de l’assurance vieillesse, mais cet amendement n’entre pas dans le cadre du projet de loi que nous étudions. En outre, on ne peut comparer le pilotage de la branche maladie avec celui de la branche vieillesse, dont les paramètres sont de nature très différente. Enfin, il existe déjà plusieurs dispositifs permettant de faire le point chaque année de la situation de l’assurance maladie et de prendre, le cas échéant, des mesures correctrices, dispositifs que le Gouvernement entend renforcer, conformément aux recommandations du récent rapport de M. Raoul Briet.

M. le ministre. Ce rendez-vous n’est pas le sujet du projet de loi.

M. Roland Muzeau. Nous avons rendez-vous en 2012 avec les Français !

M. Jean-Marie Le Guen. On nous explique que le sujet du projet de loi est essentiellement l’équilibre des comptes sociaux, en l’occurrence des retraites. J’ai déjà indiqué qu’il ne contenait pas les éléments d’une réforme globale. Si nous allons vers un équilibre des comptes sociaux, l’amendement de Dominique Tian est recevable. Pour ma part, je pense qu’il n’y a pas de raison particulière d’attendre 2013 et je propose de fixer ce rendez-vous à 2011.

La Commission rejette l’amendement AS 68.

L’amendement AS 209 n’est pas soutenu.

Elle examine ensuite l’amendement AS 214 de M. Lionel Luca.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. La complexité et la multitude des régimes de retraite créent chez nos concitoyens un sentiment d’incompréhension, d’inquiétude et d’inégalité. Pour y remédier, il convient d’uniformiser de façon progressive les durées de cotisation, les taux et l’âge des départs en retraite dans les régimes du secteur privé et de la fonction publique, en créant un consortium de gestion unique.

M. le rapporteur. L’article 1er crée un comité de pilotage qui répond parfaitement aux préoccupations exprimées par cet amendement. Celui-ci est donc satisfait.

M. le ministre. Nous avons en effet adopté un amendement visant à rapprocher les règles et des paramètres cités.

L’amendement AS 214 est retiré.

Chapitre II

Durée d’assurance ou de services et bonifications

Article 4

(article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites)


Modalité d’allongement de la durée d’assurance jusqu’en 2020

L’article 4 du projet de loi modifie l’article 5 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites sur deux points : d’une part, la simplification du dispositif d’allongement automatique de la durée d’assurance (32) en fonction de l’allongement de l’espérance de vie ; d’autre part, l’aménagement du principe de garantie générationnelle compte tenu du décalage à 62 ans de l’âge d’ouverture des droits.

A. L’ALLONGEMENT DE LA DURÉE D’ASSURANCE

1. Le droit existant

L’article 5 de la loi de 2003 en constitue l’une des pièces maîtresses, dans la mesure où elle a posé le principe, jusqu’en 2020, d’un allongement de la durée d’assurance parallèle à l’allongement de la durée moyenne de retraite.

a) Le principe et son application en 2008

Ce principe est explicité au I de l’article 5, qui indique que « la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile ou militaire de retraite (…) évoluent de manière à maintenir constant, jusqu’en 2020, le rapport constaté, à la date de publication de la présente loi, entre ces durées et la durée moyenne de retraite ». En 2003, le rapport entre durée d’assurance et durée moyenne de retraite était en l’occurrence de 1,79.

Après la convergence des durées de référence du secteur privé et de la fonction publique à quarante annuités en 2008, la loi prévoyait au III de l’article 5 de majorer la durée d’assurance d’un trimestre par an entre 2009 et 2012 pour atteindre quarante et une annuités en 2012. Cette majoration a été confirmée lors du rendez-vous de 2008, après l’avis rendu par la Commission de garantie des retraites en octobre 2007 qui a pu vérifier, au vu des données de l’INSEE sur l’espérance de vie disponibles en octobre 2007, que le rapport entre durée d’assurance et durée moyenne de retraite atteignait bien une valeur proche de 1,79 pour l’année 2012 avec une durée d’assurance portée à quarante et une annuités

b) Les rendez-vous successifs

À partir de 2012, l’objectif reste de maintenir constant le rapport entre durée d’assurance et durée moyenne de retraite à sa valeur de 2003. Un trimestre supplémentaire serait donc requis chaque fois que le rapport descendrait au-dessous de sa valeur cible du fait de l’allongement de l’espérance de vie. A cet effet, le IV de l’article 5 prévoyait des rendez-vous quadriennaux qui acteraient les allongements ultérieurs de la durée d’assurance.

Ainsi, un rendez-vous était prévu en 2012, sur la base d’un rapport du Gouvernement faisant « apparaître, selon des modalités de calcul précisées par décret en Conseil d’État, l’évolution prévisible, pour les cinq années à venir, du rapport entre la durée d’assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite », au cours duquel aurait été fixé la durée d’assurance pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016. Des avis, publics, du COR et de la Commission de garantie des retraites étaient également prévus.

Un rendez-vous identique était planifié en 2016, au cours duquel auraient été fixées les durées d’assurance et de services pour les années 2017, 2018, 2019 et 2020.

c) Les défauts du système

Ce dispositif, s’il avait le mérite de prévoir une mise en œuvre transparente du principe posé par l’article 5, avait néanmoins deux défauts.

D’une part, il était potentiellement anxiogène car il obligeait à des rendez-vous quelque peu solennels alors même qu’il ne s’agissait que de l’application mathématique d’une règle posée par le législateur. Les Français sont aujourd’hui suffisamment inquiets pour le système de retraite pour ne pas créer, artificiellement, des rendez-vous sans véritable enjeux.

D’autre part, le système de rendez-vous quadriennaux était peu satisfaisant en termes de prévisibilité pour les assurés : les personnes atteignant 60 ans en 2013 ou 2017 n’auraient su qu’en 2012 ou 2016 s’ils devraient ou non cotiser un trimestre de plus pour bénéficier d’une pension au taux plein.

2. Le droit proposé : une simplification du dispositif

Le 1° de l’article 4 réécrit donc complètement le IV de l’article 5 de la loi de 2003. Le principe posé est que les assurés devront savoir dès 56 ans le nombre de trimestres qu’il leur faudra accumuler pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.

Ainsi, chaque année, un décret sera pris fixant pour l’année n+4 la durée d’assurance nécessaire. Par exemple, pour les assurés nés en 1957 et atteignant donc 60 ans en 2017, le nombre de trimestres nécessaires pour une retraite au taux plein sera fixé par un décret pris avant le 31 décembre 2013, c’est-à-dire avant la fin de leur 56ème année.

Un dispositif transitoire est prévu pour les générations nées en 1953 et 1954 qui ont, bien sûr, déjà dépassé leur 56ème année. Pour celles-ci, un décret fixant la durée d’assurance ou de services nécessaire sera pris avant le 31 décembre 2010.

Concernant le dispositif pérenne, il est prévu que le décret soit pris après avis du COR. L’objectif est de rendre la procédure absolument irréprochable en demandant à une instance indépendante du Gouvernement de valider ses calculs. La commission a souhaité préciser que cet avis serait purement technique, comme l’était celui de la commission de garantie des retraites.

Par ailleurs, la réécriture du IV de l’article 5 rend caduc le IX de ce même article qui prévoyait, avant les rendez-vous quadriennaux supprimés, l’organisation d’« une conférence tripartite rassemblant l’État, les représentants des salariés et les représentants des employeurs pour examiner les problématiques liées à l’emploi des personnes de plus de cinquante ans. » Dans la mesure où le nouveau Comité de pilotage des régimes de retraite a notamment pour mission de suivre la progression du taux d’emploi des seniors, ces conférences semblent inutiles, et la commission a décidé de les supprimer.

3. Les prévisions de durée d’assurance jusqu’en 2020 et après

Au-delà du principe posé par la loi de 2003 et rappelé ci-dessus, les modalités concrètes de calcul de la durée d’assurance sont relativement complexes. Elles sont rappelées dans l’encadré ci-dessous.

Modalités de calcul de la durée d’assurance

Plusieurs étapes sont nécessaires pour calculer le rapport entre durée d’assurance et durée moyenne de retraite pour une année n donnée, lequel sert à déterminer la durée d’assurance exigée pour les personnes qui atteignent l’âge minimum de liquidation des droits (60 ans en général) durant l’année n.

La première étape est de déterminer l’espérance de vie à 60 ans retenue pour l’année n : Bien que la durée d’assurance s’applique à la génération qui atteint 60 ans l’année n, l’espérance de vie retenue pour estimer la durée espérée de retraite ne correspond pas à une prévision de l’espérance de vie de cette génération, mais à une espérance de vie instantanée au moment où cette génération atteint l’âge de la retraite. La loi de 2003 instaure en outre un décalage temporel : l’espérance de vie retenue correspond, selon les termes de la loi, à « l’espérance de vie à l’âge de 60 ans telle qu’estimée cinq ans auparavant ». Le législateur a souhaité se fonder sur des données observées sur l’espérance de vie plutôt que sur des données projetées, susceptibles d’être révisées.

En pratique, le décalage temporel excède cinq ans. En effet, pour calculer le rapport « durée d’assurance » sur « durée de retraite » pour l’année n, la loi conduit à utiliser les dernières données définitives sur l’espérance de vie publiées par l’INSEE en n-5. Or, compte tenu du délai de production des données statistiques, l’INSEE publie en général durant l’année n-5 les données définitives sur l’espérance de vie portant sur les années n-9 à n-7 (l’INSEE recourt à une moyenne mobile sur trois ans afin de lisser les aléas). Au total, le décalage temporel atteint environ huit ans.

L’étape suivante consiste à déterminer la durée moyenne de retraite : celle-ci est déduite de l’espérance de vie à 60 ans en considérant une personne qui débuterait son activité à 20 ans et qui travaillerait continûment jusqu’à atteindre la durée exigée pour le taux plein. En effet, selon les termes de la loi de 2003, « la durée moyenne de retraite s’entend (…) de l’espérance de vie à l’âge de 60 ans telle qu’estimée cinq ans auparavant, dont est retranché l’écart existant » entre la nouvelle durée d’assurance applicable cette année-là et 40 ans (durée d’assurance de référence en 2003).

La durée moyenne de retraite est égale à l’espérance de vie à 60 ans applicable à l’année considérée (notée y) dont on retranche l’écart (x-40) entre la durée d’assurance (notée x) et la durée d’assurance de référence (40 ans), écart qui est interprété ici comme la prolongation d’activité au-delà de 60 ans : soit une durée moyenne de retraite égale à (y-x+40). Le rapport entre la durée d’assurance requise pour le taux plein et la durée moyenne de retraite vaut ainsi x/(y-x+40).

Pour l’année de référence 2003, le calcul repose sur le cas d’une personne travaillant de 20 à 60 ans, de sorte que la durée moyenne de retraite correspond à l’espérance de vie retenue pour l’année 2003 (compte tenu du décalage temporel, il s’agit de l’espérance de vie des années 1994 à 1996, qui était de 22,39 ans).

La valeur cible du ratio, à savoir 1,79 pour l’année 2003, correspond ainsi au ratio entre la durée d’assurance exigée en 2003 (40 ans) et l’espérance de vie retenue pour 2003

Le COR s’est livré à un exercice de projection tenant compte des dernières projections INSEE 2005-2050. Ainsi, la durée d’assurance requise pour le taux plein serait relevée d’un trimestre tous les trois ou quatre ans pour atteindre 41,5 annuités en 2020 et 43,5 annuités en 2050, comme le montre le graphique ci-dessous :

B. LE NÉCESSAIRE AMÉNAGEMENT DU PRINCIPE DE GARANTIE GÉNÉRATIONNELLE

Les 2° et 3° de l’article 4 aménagent le principe de garantie générationnelle posé aux V et VI de l’article 5 la loi de 2003 et réaffirmé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, principe simple puisqu’il revient à donner à l’assuré la certitude que, s’il retarde son départ en retraite pour telle ou telle raison, les règles ne changeront pas en sa défaveur. Le 2° concerne le régime général et les régimes alignés, le 3° les régimes de la fonction publique.

1. La garantie générationnelle des assurés des régimes de salariés et d’indépendants.

a) Le droit existant

La perspective d’un allongement de la durée d’assurance requise pour percevoir une retraite à taux plein peut inciter des assurés à liquider dès que possible leur pension alors même qu’ils étaient disposés à poursuivre leur activité professionnelle.

Pour écarter ce risque, le législateur, dès 2003, a prévu que cette durée d’assurance ne serait plus susceptible de varier dès lors que l’assuré atteindrait l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite prévu par le premier alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, soit 60 ans en l’état du droit.

Par exemple, pour un assuré né en 1948 liquidant sa pension à 64 ans en 2012, on lui appliquera la durée d’assurance applicable à 60 ans à sa génération (durée d’assurance requise de 160 trimestres) ; il ne sera donc pas concerné par l’allongement de la durée d’assurance entre 2008 et 2012 de 160 à 164 trimestres.

Ce principe a été étendu par l’article 109 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 à la durée d’assurance maximale susceptible d’être validée auprès de chaque régime et au nombre d’années retenu pour déterminer le revenu annuel moyen sur lequel la pension est calculée dans les régimes de salariés et des artisans – commerçants.

b) Les modifications proposées

Aujourd’hui donc, la durée d’assurance requise et le nombre d’années de salaires retenu pour calculer la pension sont ceux en vigueur l’année durant laquelle l’assuré atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension. Mais, en raison des modalités retenues pour l’évolution de cet âge, tous les assurés d’une même génération n’atteindront pas cet âge la même année civile, avec à la clef le risque de se voir appliquer des paramètres différents en terme de durée d’assurance et / ou de revenu annuel moyen.

Par ailleurs, le maintien de cette référence à l’âge d’ouverture des droits aurait obligé à prévoir un mécanisme transitoire particulièrement complexe entre 2011 et 2016.

C’est pourquoi le 2° de l’article 4 propos de remplacer la référence à l’âge d’ouverture du droit à pension par la référence à l’âge de 60 ans (c’est-à-dire « l’âge mentionné au troisième alinéa du I »). Non seulement la garantie générationnelle n’est donc pas remise en cause par le projet de loi mais elle est même renforcée puisque ce n’est plus une fois qu’ils atteignent l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite que les assurés auront la garantie que les paramètres susmentionnés deviendront définitifs, mais dès 60 ans même si l’âge auquel ils peuvent partir est supérieur.

Cette évolution est positive pour les assurés car elle les protège d’une évolution « potentielle » du nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une retraite au taux plein. Ainsi, pour un assuré né en 1956, ne pouvant donc partir à la retraite qu’en 2018 compte tenu de la remontée de l’âge d’ouverture des droits, on prendra la durée d’assurance fixée pour la génération atteignant soixante ans en 2016, quand bien même cette durée d’assurance serait rallongée en 2017 ou 2018.

2. Le mécanisme applicable aux fonctionnaires.

a) Un dispositif en vigueur adapté aux spécificités de la fonction publique

Pour les assurés relevant des régimes de la fonction publique, le VI de l’article 5 met en œuvre un dispositif de garantie qui fonctionne par référence à l’année d’ouverture des droits et non par référence à la génération de l’assuré : la durée de service exigée pour obtenir le pourcentage maximum de pension est celle en vigueur l’année au cours de laquelle le fonctionnaire remplit les conditions d’ouverture des droits à pension en application des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Ce dispositif met en œuvre un mécanisme de garantie adapté aux différentes possibilités de départ avant 60 ans existant dans la fonction publique :

– pour un fonctionnaire sédentaire, dont les droits sont ouverts à 60 ans, la durée d’assurance applicable est celle en vigueur l’année des 60 ans : ainsi un fonctionnaire sédentaire né en 1948 se voit appliquer la durée applicable en 2008, soit 160 trimestres ; s’il liquide sa pension après 2008, la durée d’assurance retenue reste celle applicable en 2008 ;

– pour un fonctionnaire en catégorie active, la durée d’assurance applicable est celle en vigueur l’année au cours de laquelle il atteint les conditions d’âge et de durée pour liquider sa pension, en fonction de sa catégorie : par exemple, un gardien de la paix qui remplit les conditions de départ en retraite à 50 ans en 2010, se voit appliquer la durée d’assurance applicable en 2010 (162 trimestres), même s’il prolonge son activité au-delà ;

– enfin, pour un fonctionnaire remplissant les conditions de départ sans condition d’âge pour motif familial (par ex. départ anticipé des parents de trois enfants), la durée d’assurance est celle applicable l’année au cours de laquelle il remplit ces conditions : par exemple, un fonctionnaire parent de trois enfants en 2002, ayant accompli à cette date quinze ans de service, se verra appliquer les paramètres applicables en 2002, quelle que soit la date effective de départ en retraite.

b) Une extension de la garantie générationnelle à 60 ans aux fonctionnaires

Comme on l’a vu, le projet de loi maintient dans le régime général le mécanisme de garantie générationnelle à 60 ans : la durée d’assurance applicable est celle applicable à 60 ans à sa génération, même si l’âge d’ouverture des droits est supérieur à 60 ans.

Pour les fonctionnaires, cette mesure suppose, en équité, de leur appliquer aussi le mécanisme de garantie générationnelle à 60 ans : c’est l’objet du a) du 3° de l’article 4 qui prévoit qu’on applique aux fonctionnaires la durée applicable l’année de leur soixante ans.

Dans le cas contraire, les fonctionnaires seraient pénalisés par rapport aux assurés du régime général dans la mesure où, pour eux, le relèvement de l’âge d’ouverture se doublerait d’un relèvement plus important de la durée d’assurance.

Par exemple, un assuré du régime général et un fonctionnaire nés tous les deux le 1er octobre 1951 ne pourront pas liquider leur pension avant 60 ans et quatre mois, c’est-à-dire pas avant le 1er février 2012. En l’absence de modification du VI de l’article 5 en cohérence avec celle proposée pour le V, le fonctionnaire se verrait appliquer la durée d’assurance requise l’année à compter de laquelle il remplit les conditions d’ouverture du droit, c’est-à-dire 2012 (soit 164 trimestres) alors que l’assuré du régime général se verrait appliquer la durée d’assurance requise l’année de ses 60 ans, c’est-à-dire 2011 (soit 163 trimestres).

Pour les fonctionnaires qui peuvent liquider leur pension avant 60 ans, il n’est néanmoins pas possible d’appliquer la durée d’assurance applicable l’année de leurs 60 ans car cette durée d’assurance ne sera pas toujours connue au moment où le fonctionnaire liquidera sa pension.

En effet, le 1° de l’article 4 prévoit que pour chaque génération, la durée d’assurance applicable à 60 ans est fixée l’année où cette génération atteint 56 ans. Or pour certains fonctionnaires, l’âge d’ouverture peut être inférieur à 56 ans : c’est le cas par exemple des agents des réseaux souterrains des égouts, de la plupart des services actifs de la police nationale et des personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire dont l’âge d’ouverture est fixé aujourd’hui à 50 ans et qui sera progressivement porté à 52 ans.

Pour ces fonctionnaires l’application de la règle générationnelle ne peut pas, en pratique, leur être rendue applicable car l’année où ils prendront leur retraite, la durée d’assurance applicable à leur 60 ans ne sera pas encore fixée.

Par exemple, pour un agent des réseaux souterrains des égouts né le 1er janvier 1962, la liquidation de la pension pourra intervenir à partir de 50 ans et 8 mois, soit à partir du 1er août 2012. Or à cette date, la durée d’assurance qui sera applicable à ses 60 ans ne sera pas encore fixée : elle ne sera fixée qu’en 2018.

Il convient donc, pour ces personnels, de maintenir une garantie fonctionnant par référence à l’année d’ouverture : c’est l’objet du b) du 3° qui prévoit que lorsqu’un fonctionnaire peut liquider sa pension avant 60 ans, la durée d’assurance qui lui est applicable est celle retenue pour les fonctionnaires qui atteignent 60 ans cette année là.

Ainsi, pour l’agent des réseaux souterrains des égouts né le 1er janvier 1962 et dont la liquidation de la pension pourra intervenir à partir du 1er août 2012 (à 50 ans et 8 mois), la durée d’assurance applicable sera celle applicable aux assurés qui atteignent 60 ans en 2012 c’est-à-dire 164 trimestres.

*

M. Roland Muzeau. Je rappelle que l’effort prévu par la réforme reposera à 85 % sur les épaules des salariés. Cet article est particulièrement discriminant pour les personnes nées en 1953 et 1954, dans la mesure où il permet de déroger aux dispositions qui imposent de prévoir quatre ans à l’avance la durée d’assurance ou de services et les bonifications qui fixent les conditions du départ en retraite, ainsi qu’à l’information des agents concernés. Nous proposons donc de le supprimer.

M. le rapporteur. L’article 4 simplifie le dispositif d’allongement de la durée de cotisation prévu par la loi Fillon pour le rendre plus lisible et permettre aux assurés de connaître leurs droits le plus tôt possible. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 103.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 69 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je regrette que l’application stricte de l’article 40 nous prive d’un beau débat sur les régimes spéciaux, les départs à la retraite anticipée, l’équilibre entre les sédentaires et les actifs, débat qui nous aurait permis d’apporter de l’équité à notre système de retraite.

M. Roland Muzeau. Comme le bouclier fiscal !

M. Dominique Tian. Il convient de s’assurer que l’avis du COR n’est qu’un avis technique. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le rapporteur. Je partage l’esprit de cet amendement, mais je suggère à Dominique Tian de le retirer, car il est satisfait par l’amendement AS 419 que nous examinerons dans quelques instants et dont il pourrait être cosignataire.

L’amendement AS 69 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 436 du rapporteur.

Puis, elle examine l’amendement AS 419 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’article 5 de la loi du 21 août 2003 pose le principe d’un allongement de la durée d’assurance en fonction des gains d’espérance de vie à 60 ans.

Le projet de loi prévoit de simplifier la procédure. Pour les générations nées à compter du 1er janvier 1955, la durée d’assurance permettant de maintenir constant le rapport entre le temps de travail et le temps de retraite est fixée par décret « pris après avis du Conseil d’orientation des retraites ».

Pour éviter toute ambiguïté, il faut s’assurer que l’avis du COR ne soit qu’un avis technique portant sur l’évolution des durées d’assurance et de la durée moyenne de retraite calculée, aux termes du 3ème alinéa du I de l’article 5 de la loi de 2003, à partir de l’espérance de vie.

M. le ministre. Avis favorable.

Mme Martine Billard. Je suis impressionnée par une telle innovation ! Qu’est-ce qu’un avis « technique » s’agissant de « durée d’assurance ou de services et bonifications » ? En clair, vous privez le COR du droit d’émettre des avis.

M. le rapporteur. Non, il n’y a aucun changement.

Mme Martine Billard. Si vous ajoutez « technique », ce n’est pas un hasard !

M. le rapporteur. Son rôle consiste à poser une question.

Mme Martine Billard. Hier, M. Woerth nous expliquait que le COR n’était qu’un conseil technique, ce qui suppose que le comité de pilotage, lui, peut être politique. En bref, vous interdisez au COR de faire de la politique.

M. le rapporteur. Le COR n’a pas vocation à faire de la politique !

Mme Martine Billard. Tout est politique, monsieur le Rapporteur ! Quand le COR remet un avis sur l’évolution des systèmes de retraite, cela ne peut être uniquement technique, même si ses avis s’appuient sur des supports techniques émanant de l’INSEE, de l’INED ou des différents régimes. Si ses conclusions sont uniquement techniques, il n’est pas en mesure de présenter au Parlement et au Gouvernement des estimations contradictoires. Vous voulez corseter le COR, et sur ce point, nous sommes en désaccord… Il y a bien une volonté politique derrière cet amendement, sans laquelle il ne présente aucun intérêt.

Mme Marisol Touraine. Je ne comprends pas la portée de cet amendement. Qu’entend-il clarifier ? Existe-t-il une ambiguïté quant au rôle du COR ? Il n’a jamais été dit que le Gouvernement était tenu de suivre ses avis. Le COR réalise des études dont le Gouvernement se sert pour faire des propositions. Si nous adoptons cet amendement, qu’est-ce qui était possible hier et ne le sera plus demain ?

M. le rapporteur. Le COR assumera désormais les tâches de la Commission de garantie des retraites, qui est supprimée. Cet amendement a pour objet de protéger le COR, qui n’a pas pour mission de valider des éléments comme la durée de cotisation, mais de donner un avis technique sur l’évolution des durées d’assurance et de retraite.

M. Roland Muzeau. Ne soyons pas naïfs, ces amendements ne sont pas anodins. N’y a-t-il pas un lien de cause à effet entre eux et ce qui s’est passé il y a quelques mois, lorsque le MEDEF a commandé au COR une étude avec des objectifs précis – demande qui n’a pas été couronnée de succès ? Je pense sincèrement que la modification que vous proposez n’est pas anodine et qu’elle vise à rendre possible ce qui ne l’était pas hier.

M. le rapporteur. La suppression de la Commission de garantie des retraites donne de nouvelles missions au COR. Loin de nous l’idée de le corseter. Nous sommes trois ici à siéger au COR : Jean-Luc Préel, Pascal Terrasse et moi-même. Tout membre constituant le COR peut l’autosaisir sur une question qu’il souhaite voir examiner, mais toutes les demandes ne peuvent être satisfaites. J’ajoute que le COR fait un excellent travail de fond. Je rappelle que son renouvellement, en 2003, fut la seule disposition votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

La Commission adopte l’amendement AS 419.

Puis, elle adopte l’amendement rédactionnel AS 437 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 104 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à supprimer la dérogation pour les personnes nées en 1953 et 1954. Il n’y a pas de raison de déroger d’emblée à des règles que nous venons d’adopter.

M. le rapporteur. Les personnes nées en 1953 et 1954 ne pourront connaître la durée d’assurance qui leur est nécessaire que fin 2012. La réforme leur permettra de la connaître dès la fin de cette année. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 104.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 438, AS 439 et AS 440 du rapporteur, ainsi que l’amendement AS 420 de cohérence rédactionnelle.

Puis, elle adopte l’article 4 ainsi modifié.

Après l’article 4

La Commission examine l’amendement AS 242 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Contrairement à ce qu’affirment le Gouvernement et la majorité, les socialistes préconisent des mesures démographiques, car nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie. Cet amendement illustre l’esprit dans lequel nous avons choisi ces mesures.

Mme Valérie Rosso-Debord. Quel virage !

Mme Marisol Touraine. Votre remarque prouve que vous n’avez pas lu le document que nous avons diffusé. Je vais donc vous expliquer notre position.

L’allongement de la durée de cotisation n’est pas la seule mesure démographique que nous proposons. D’ailleurs, elle ne nous paraît pas suffisante et atteindra vite ses limites – on ne peut pas allonger à l’infini une durée de cotisation. Nous acceptons l’allongement de la durée de cotisation jusqu’en 2020 à partir du moment où il s’inscrit dans le cadre d’une réforme globale comprenant la recherche de ressources nouvelles et la mise à contribution des revenus du capital. Nous ne donnons pas pour autant un blanc-seing à la réforme de 2003.

La réforme que nous proposons est équilibrée jusqu’en 2025, mais nous n’excluons pas la possibilité de poursuivre au-delà l’allongement de la durée de cotisation. C’est la raison pour laquelle, par cet amendement, nous proposons de prévoir un rendez-vous en 2025.

Considérant que la règle de répartition « deux tiers/un tiers » – deux tiers consacrés à la vie active, un tiers à la retraite – est trop stricte, nous préconisons de la porter à 50/50 – la moitié du temps gagné par l’espérance de vie consacré au travail, la moitié à la retraite.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est cohérent avec le souhait du groupe SRC de reporter le retour à l’équilibre de 2018 à 2025. Nous refusons ce report.

M. le ministre. Nous sommes tout aussi cohérents, préférant l’année 2018.

Mme Valérie Rosso-Debord. Avec sept années de retard, le groupe socialiste donne raison à François Fillon et admet qu’il ne faut pas revenir sur la réforme de 2003 !

La Commission rejette l’amendement AS 242.

Puis, elle examine les amendements AS 243 et AS 363 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Nous avons déposé une série d’amendements visant à inscrire dans la loi un nouveau titre : « Droit à la retraite choisie », dont beaucoup ont été écartés au titre de l’article 40. Il en reste toutefois quelques-uns, que je vais vous présenter. Contrairement à ce que pense la majorité, nous ne préconisons pas que tous les Français cessent de travailler à 60 ans, et nous ne nions pas la valeur du travail. Nous le considérons au contraire comme l’un des éléments constitutifs de l’utilité sociale de chacun.

Il va de soi que nos concitoyens devront travailler plus longtemps, et il est souhaitable qu’un nombre important d’entre eux travaille au-delà de l’âge légal de départ. Mais nous préférons proposer, et non pas imposer. Tel est le sens de la « retraite choisie » que nous déclinons par une série de mécanismes – surcotes, incitations…

Vous dites que notre seul horizon en matière de retraite est l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans. C’est faux, nous disons simplement que le maintien de l’âge légal est une protection et une liberté. Nous souhaitons que tous ceux qui peuvent ou qui souhaitent travailler plus longtemps, parce qu’ils n’ont pas effectué de travaux pénibles, puissent poursuivre leur activité.

Vous affirmez que les socialistes ne proposent pas de mesures démographiques. C’est faux, mais elles reposent sur le libre choix et l’arbitrage. Et je n’accepte pas les critiques d’un groupe politique qui n’a que le mot « liberté » à la bouche et qui accuse les socialistes de faire de l’égalitarisme systématique !

M. le rapporteur. J’avoue que je comprends mal l’expression « retraite choisie ». Dans le système actuel, les assurés peuvent choisir de partir à 60 ans – 62 ans en 2016. Dans l’attente de quelques éclaircissements, j’émets un avis défavorable.

M. le ministre. La « retraite choisie » existe déjà dans le système français. Chacun a le droit de partir à la retraite à 60 ans, à partir du moment où il en remplit les conditions, ou, plus tard, si son parcours personnel le lui permet.

Instaurer la retraite choisie mettrait fin aux retraites d’office, auxquelles d’ailleurs vous n’étiez pas favorables. La surcote est également une forme de retraite choisie.

Quant à la décote, elle accompagne inévitablement la possibilité de partir plus tôt. Dans les pays qui l’ont instaurée, elle atteint parfois des niveaux très importants. Le Gouvernement considère que ce dispositif augmenterait le nombre des petites pensions. Il ne saurait faire un tel choix. Même si le terme de « retraite choisie » nous convient, nous ne sommes pas favorables à vos amendements.

M. Arnaud Robinet. J’ai du mal à comprendre cette notion de « retraite choisie », ou retraite « à la carte », qui met à mal notre système par répartition et la notion de solidarité intergénérationnelle. Ce que vous proposez, chère collègue, c’est purement et simplement un système individuel, par capitalisation, dans lequel chacun prend sa retraite quand il le souhaite.

M. Roland Muzeau. Votre majorité a déjà beaucoup contribué à faire sauter tous les verrous. Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, vous nous avez imposé le report de 65 à 70 ans de la mise à la retraite d’office.

M. le ministre. Dans le secteur privé !

M. Roland Muzeau. Je me souviens fort bien des arguments que vous aviez avancés, en particulier ceux de notre collègue Yves Bur, qui n’est pas innocent en la matière. Ce sont les mêmes qui justifient la surcote, la décote et le fait de gagner plus à partir d’un certain âge. Cela n’a rien à voir avec un système solidaire et intergénérationnel ! C’est une avancée résolue vers un système totalement individualisé, dans lequel chacun perçoit selon ce qu’il a payé. Cette réforme aboutira à une individualisation totale, sous le vocable de solidarité, de notre système de retraite.

M. Jean Leonetti. J’écoute toujours avec un grand intérêt ce que dit Marisol Touraine. J’ai compris deux choses : d’une part, elle découvre ce qui existe et elle y est favorable ; d’autre part, si jusqu’à présent le Parti socialiste était attaché à la retraite à 60 ans pour tous et à taux plein, il semble qu’il soit passé à autre chose…

Marisol Touraine constate que la retraite choisie existe déjà dans notre pays. Elle interpelle Arnaud Robinet, qui défend pourtant notre système par répartition, donc solidaire. En prônant la retraite choisie, le groupe socialiste accepte l’idée selon laquelle on peut travailler au-delà de 60 ans, considérant que c’est la meilleure façon d’allier souplesse et solidarité. J’en prends acte. Le groupe UMP est très satisfait de cette évolution.

M. Michel Issindou. Nous ne demandons pas la retraite à 60 ans à taux plein. La retraite choisie est beaucoup plus moderne que votre système. Elle permet, en effet, à ceux qui ont cotisé quarante-deux annuités de s’arrêter de travailler à 60 ans, ce qui représente une compensation pour les carrières longues. Elle est ainsi une garantie contre un système que vous refusez de faire évoluer. En outre, elle laisse un choix et permet d’estimer qu’il y a, à 60 ans, un temps pour autre chose. Nous avons accepté le principe de quarante-et-une annuités en 2012 posé par la réforme Fillon. Ainsi, ceux qui auront commencé tard leur carrière continueront de travailler au-delà de 60 ans. Cependant, si cela semble possible pour les cadres, les salariés qui effectuent des travaux pénibles et les ouvriers devraient pouvoir partir à 60 ans. Par ailleurs, nous considérons que l’emploi des seniors est important et nous voulons améliorer le taux d’emploi entre 60 et 65 ans. Notre système est plus souple et, je le répète, plus moderne que le vôtre.

M. Alain Vidalies. Ne nous laissons pas enfermer dans un débat caricatural qui opposerait avancées sociales et liberté individuelle. Nous aborderons la vraie question de la solidarité intergénérationnelle, lorsque nous évoquerons le cumul emploi-retraite. Vous avez commis en la matière des erreurs très importantes, même si votre système présente une certaine cohérence.

Nous ne sommes pas favorables à un système qui fait payer le prix de la réforme par ceux qui sont le plus en difficulté – ceux qui n’ont pas de travail à 57-58 ans et ceux qui n’ont pas de travail à 63-64 ans, dont vous voulez repousser l’âge du départ à 62 ans pour les premiers et à 67 ans pour les seconds. Rien n’exclut qu’il y ait des formes de choix individuel dans ces parcours.

Il faudra trouver une solution équitable pour la valorisation des années d’études. Ceux qui entrent dans la vie active à 18 ans doivent pouvoir continuer à partir à 60 ans et ceux qui étudient tard doivent pouvoir opter pour des surcotisations volontaires durant leurs années d’activité. Il s’agit là d’un système souple, qui résulte d’une décision individuelle et peut s’étaler sur quinze ou vingt ans. Il s’inscrit dans le cadre de la retraite à la carte et ne s’oppose aucunement à la solidarité qu’incarne un système par répartition prévoyant le maintien de la retraite à 60 ans et l’absence de décote à 65 ans.

M. Francis Vercamer. C’est un monde renversé ! La retraite à la carte revient à permettre à ceux qui en ont les moyens de partir plus tôt, tandis que les autres doivent cotiser le plus longtemps possible. Il est curieux que ce soit une proposition du Parti socialiste…

Je ne suis certes pas opposé à la prise en compte de la pénibilité du travail, mais il est très antisocial de dire que chacun peut partir quand il veut.

Mme Marisol Touraine. À l’extérieur de cette salle, certains députés UMP déclarent que nous renonçons à l’âge légal de départ en retraite à 60 ans. C’est travestir la réalité. Sur les retraites comme sur l’ensemble des sujets sociaux, compte tenu de l’évolution de la société, de l’évolution du rapport au travail et de la diversification des modes d’exercice des carrières professionnelles, l’articulation entre le socle des droits collectifs et les droits individuels doit être redéfinie. Il n’est cependant pas question de renoncer au socle des droits collectifs. Nous restons donc fortement attachés à l’âge légal de départ en retraite à 60 ans, qui est une protection et une liberté. Nous n’avons pas dit pour autant que tout le monde doit partir en retraite à 60 ans. L’articulation que nous défendons est porteuse d’une véritable modernité.

Lorsque nous nous exprimons, vous faites preuve d’un spectaculaire manque de respect. Nous pourrons au moins dire que, lorsque les socialistes proposent, la majorité n’écoute pas.

M. Guy Lefrand. La majorité dispose !

Mme Marisol Touraine. Belle formule, monsieur Lefrand, qui illustre bien l’état d’esprit de la majorité actuelle.

M. le président Pierre Méhaignerie. Madame Touraine, vous ne pouvez pas dire que la majorité n’a pas écouté les arguments exposés ce matin.

Mme Marisol Touraine. La formule de Guy Lefrand est scandaleuse.

M. le ministre. Il faudrait entrer dans le détail de vos propositions. La surcote que vous proposez à partir de 60 ans devrait s’accompagner d’une décote, autour d’un âge pivot. Pour financer ce dispositif, vous prévoyez de lever massivement une fiscalité supplémentaire, ce qui ne nous semble pas une bonne idée. À l’inverse, le système par répartition est financé, non par la fiscalité, mais par les cotisations. Ce n’est pas du tout le même projet.

M. le président Pierre Méhaignerie. Certains de nos voisins européens ont mis en place des systèmes de décotes très lourdes, qui ne vont pas dans le sens de l’égalité des retraités. Yves Bur et moi-même avons vu, notamment avec le président SPD de la Commission des affaires sociales du Bundestag, le poids de ces décotes. La dégressivité qui accompagne le départ après trente-cinq ans de cotisation est telle qu’elle est loin de garantir un minimum de sécurité. Les courbes de la classification internationale montrent que la France est le pays où le taux de remplacement est le plus proche du pouvoir d’achat des actifs.

La Commission rejette les amendements AS 243 et AS 363.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 245 de Mme Marisol Touraine.

M. Pascal Terrasse. Cet amendement s’inscrit lui aussi dans la perspective d’une retraite à la carte. Vous avez décidé à la fois d’allonger la durée de cotisation et de reculer l’âge de départ à la retraite – c’est, pour faire écho à Arnaud Robinet, « fromage et dessert ».

D’abord, la retraite à taux plein à 60 ans n’a jamais existé – et il n’est pas question pour les socialistes de la réclamer. Par ailleurs, le nouveau dispositif conduira des femmes qui ont connu des interruptions de carrière à reculer leur départ à 67 ans. En outre, certains assurés sociaux qui auront commencé tôt seront obligés de cotiser quarante-quatre annuités, ce qui aura un impact sur le travail des salariés, notamment de ceux dont les carrières ont été interrompues. Il importe donc de donner à tout salarié qui le souhaite la possibilité de partir à l’âge de 60 ans. Pour ceux qui souhaitent aller au-delà, il conviendrait de créer des surcotes.

En revanche, les personnes souhaitant partir à 60 ans doivent pouvoir le faire avec des retraites pro rata temporis, mais sans décote. Nous ne voulons pas ajouter, comme vous le préconisez, de la misère à la misère. Le départ à 60 ans est pour les socialistes un marqueur très fort, sur lequel nous insisterons lors des débats en séance publique.

M. le rapporteur. La surcote a déjà été augmentée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ce qui semble suffisant. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable. La surcote de 5 % est équilibrée, car elle incite à continuer à travailler sans se traduire pour autant par des coûts trop élevés. De fait, cette mesure, qui s’inscrit dans la durée, aura des répercussions sur les régimes. Contrairement à ce qu’indique le texte proposé par les socialistes, une année de prolongation dans le cadre d’un mécanisme incitatif ne rapporterait pas une dizaine de milliards d’euros, compte tenu du niveau auquel il faudrait fixer la surcote. Le mécanisme doit être compatible avec l’équilibre général des retraites.

La Commission rejette l’amendement AS 245.

Elle examine ensuite l’amendement AS 246 de Mme Marisol Touraine.

M. Gaëtan Gorce. L’attitude de nos collègues de la majorité vis-à-vis des interventions de Marisol Touraine m’amène à rappeler les usages de respect mutuel qui devraient présider à nos travaux. Il est inadmissible de se comporter de cette façon, en faisant des remarques incessantes lorsque notre collègue s’exprime, et, lorsqu’elle quitte la salle pour s’exprimer à l’extérieur, des remarques directes pour caricaturer la position du groupe socialiste. Je compte sur vous, monsieur le président, pour faire assurer à l’avenir le respect dû à la porte-parole de notre groupe.

M. le président Pierre Méhaignerie. Un respect réciproque…

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 246.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 248 de Mme Marisol Touraine.

M. Alain Vidalies. L’objectif de cet amendement est de revenir au dispositif relatif aux carrières longues qui figurait dans la loi de 2003. D’une manière presque clandestine, en plein été, vous avez modifié ce dispositif et porté de quarante-deux à quarante-trois ans la durée de cotisation nécessaire, faisant chuter le nombre potentiel de bénéficiaires. Pour une fois que vous auriez pu revendiquer la paternité d’une avancée, vous vous êtes fait peur et êtes revenus en arrière, sans débat et sans négociation. Vous avez raboté le dispositif, au point que le nombre de bénéficiaires potentiels se limitait à 25 000 au début de l’année 2010.

Ayant voté pour les articles relatifs à ce dispositif dans la loi de 2003, nous souhaitons revenir à ce texte qui avait fait l’objet d’un consensus.

Le Gouvernement devrait peut-être nous indiquer les difficultés qui ont motivé cette modification. Il semble que les bénéficiaires se soient révélés beaucoup plus nombreux que prévu, et ce non pas uniquement à cause d’erreurs de calcul, mais aussi du fait des conditions d’application de la loi dans certains contextes. Selon la presse, en effet, ces conditions ont été interprétées si largement que des détournements ont pu avoir lieu et que des enquêtes ont donné lieu à des rectifications. Un tel débat ne doit pas se tenir seulement dans la presse et notre commission doit pouvoir s’en saisir. De fait, la validation de trimestres acquise, voilà quelques années, sur la base d’attestations évoquant des activités agricoles a probablement privé de ce droit ceux qui en avaient véritablement besoin.

Je ne confonds pas pénibilité et carrières longues. Nous souhaitons revenir au texte d’origine. Le passage à quarante-trois ans de cotisation a réduit la portée de ce qui était une démarche commune. Nous attendons du Gouvernement qu’il nous indique quels sont les dispositifs mis en œuvre pour éviter les interprétations larges, voire les détournements, dont la presse se fait régulièrement l’écho.

M. le rapporteur. Le dispositif applicable aux carrières longues, créé par la loi de 2003, a permis à près de 700 000 personnes, souvent des ouvriers, de partir avant 60 ans, certains même à 56 ans. Il s’agit d’une avancée sociale considérable que, si ma mémoire est bonne, le Gouvernement Jospin avait refusée en 2001, malgré le souhait de certains membres éminents de la majorité d’alors. Le Gouvernement a aujourd’hui la ferme intention de proroger ce dispositif et de l’étendre : désormais, les personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans pourront en bénéficier. Les modalités d’application de ce dispositif vont évoluer, pour tenir compte du relèvement de l’âgé légal et de l’augmentation de la durée d’assurance. À l’horizon 2015, près de 90 000 personnes pourront ainsi partir avant l’âge légal.

Le dispositif proposé par l’amendement étant moins favorable que celui qui est proposé par le Gouvernement, j’émets un avis défavorable.

M. le ministre. Il ne s’agit pas d’un durcissement du dispositif, mais de l’application aux carrières longues de la prolongation de la durée d’assurance, qui s’applique à tous.

Le texte du Gouvernement prévoit l’extension d’une année de ce dispositif, qui sera désormais ouvert aux personnes ayant commencé à travailler à 17 ans, et non plus seulement à 18 ans. Je ne suis donc pas favorable à votre amendement.

M. Pascal Terrasse. En 2003, nous avons voté l’article relatif au dispositif « carrières longues », auquel nous ne reprochons – comme d’ailleurs l’ensemble des organisations syndicales et le COR – que de n’être pas financé.

Le déficit de la CNAV est certes dû pour partie à la crise économique, mais aussi à ce non-financement du dispositif des carrières longues. Je rappelle, par ailleurs, que nous avons créé en 2000 l’allocation équivalent retraite qui, si elle s’adressait à d’autres types de salariés, permettait de faire bénéficier ces retraités d’une pension supérieure au minimum contributif.

L’allongement à quarante-trois ans de la durée de cotisation est un véritable sujet de désaccord et les organisations syndicales vous attendent sur ce point. Nous acceptons, je le rappelle, que la durée de cotisation soit portée à quarante-et-une annuités en 2012 et 41,5 annuités en 2020. Or, les carrières longues ne bénéficieraient pas de ce dispositif. Pourquoi un salarié, quel que soit l’âge de son entrée dans la vie active, ne pourrait-il pas partir à la retraite, lorsqu’il a atteint le nombre d’annuités de cotisation nécessaires ?

Monsieur le ministre, pour pouvoir affirmer que les dispositions de votre circulaire ne sont pas un recul, vous ne recevez sans doute pas les courriers de salariés qui pensent qu’après avoir cotisé quarante ou quarante-et-une annuités, ils peuvent bénéficier du dispositif des carrières longues – ce qui n’est pas le cas.

La Commission rejette l’amendement AS 248.

M. le président Pierre Méhaignerie. On peut réfléchir à l’âge légal du départ en retraite, mais le rabaisser suppose soit une décote très élevée, soit des prélèvements obligatoires en forte augmentation. Je suis ouvert sur le recours à l’impôt sur le revenu, mais, dans le contexte de la mondialisation, l’augmentation des prélèvements obligatoires serait suicidaire pour l’emploi. La fixation de l’âge légal de départ à 62 ans était le moins mauvais des systèmes.

La Commission examine l’amendement AS 249 de Mme Marisol Touraine.

M. Alain Vidalies. Cet amendement a été défendu ce matin.

M. le rapporteur. Il empêcherait tout simplement le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. Je ne puis en conséquence qu’y être défavorable.

M. le ministre. Avis également défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 249.

Elle examine ensuite l’amendement AS 250 de Mme Marisol Touraine.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nous demandons au Gouvernement de déposer devant le Parlement un rapport sur les conséquences de l’allongement de la durée d’assurance de 42 à 43 ans pour les carrières longues. De notre point de vue, il s’agit d’une véritable « double peine ». Ceux qui auront commencé à travailler à l’âge de 22 ou 24 ans devront réunir quarante et un ans de cotisation, et 41,5 en 2018, mais ceux qui auront commencé à travailler à l’âge de 17 ans devront cotiser quarante-trois ans ! Autrement dit, ceux qui seront dans une situation difficile, dont les parents ne pourront pas payer les études, qui n’auront pas eu de bons résultats scolaires car issus d’un milieu défavorisé seront doublement pénalisés. Nous demandons que l’on en revienne aux quarante-deux ans d’assurance.

M. le ministre. Mais le droit de partir plus tôt existe ! Si vous avez commencé à travailler plus jeune, vous justifiez d’un plus grand nombre de trimestres et vous avez le droit de partir avant les autres – lesquels, d’ailleurs, construisent certes un autre parcours, mais ne sont pas pour autant assurés de trouver du travail ni immunisés contre la précarité. Bref, ceux qui auront commencé plus jeunes auront cotisé plus longtemps et partiront bien plus tôt. Il n’y a pas de « double peine ».

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 250.

Elle est saisie de l’amendement AS 251 rectifié de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les périodes prises en compte pour calculer la durée d’assurance. Le dispositif carrières longues reposant sur une durée d’assurance supérieure à la durée de droit commun, il faut savoir précisément quelles sont les périodes qui seront comptabilisées. Or, beaucoup d’éléments du dispositif, dont vous vous prévalez d’ailleurs largement, seront précisés par décret, notamment pour ce qui est du secteur privé. Je ne conteste pas la nature du pouvoir réglementaire, mais dans ce cas le Parlement n’aura pas de droit de regard sur les périodes que vous entendez prendre en compte pour appliquer le dispositif carrières longues.

M. le rapporteur. La différence entre durée d’assurance et durée de cotisation a toujours existé dans le dispositif carrières longues, depuis sa création en 2003.

M. le ministre. La durée cotisée est une notion large, qui recouvre, outre le temps travaillé, d’autres systèmes de solidarité. Je ne suis pas favorable à un rapport supplémentaire.

M. Gaëtan Gorce. Quel est le nombre de personnes susceptibles de bénéficier du dispositif carrières longues avec les modifications que vous envisagez ?

M. le ministre. Environ 90 000 personnes par an à l’horizon 2015, plus les 10 000 concernés par les dispositions sur la pénibilité.

La Commission rejette l’amendement AS 251 rectifié.

En conséquence, l’amendement AS 247 de Mme Marisol Touraine n’a plus d’objet.

TITRE II

DISPOSITIONS APPLICABLES À L’ENSEMBLE DES RÉGIMES

Chapitre Ier

Âge d’ouverture du droit

Avant l’article 5

La Commission examine l’amendement AS 252 de Mme Marisol Touraine.

M. Alain Vidalies. Le Gouvernement se targue d’une grande avancée permise par le texte qui nous est soumis : l’ouverture du dispositif carrières longues aux personnes qui auront commencé à travailler à 17 ans, après quarante-trois ans de cotisation. La vérité est que cela ne change rien, puisqu’elles pouvaient déjà partir à la retraite à 60 ans. Ce n’est donc pas une avancée : disons plutôt que les personnes concernées sont exonérées des conséquences de la réforme.

M. le ministre. C’est en effet le cas.

M. Alain Vidalies. Le dispositif connaît d’ailleurs des difficultés d’application, et la presse fait régulièrement état de détournements. Où en êtes-vous sur ce dossier ? L’existence de ce dispositif est positive, et il ne faut pas que de telles pratiques occasionnent un durcissement. Par ailleurs, sur les 90 000 personnes qui bénéficieront du dispositif, combien auront commencé à travailler entre 17 et 18 ans ?

M. le ministre. Environ 30 000 personnes. Le dispositif « carrières longues » bénéficie aujourd’hui à 40 000 ou 50 000 personnes. Le passage aux 90 000, que j’ai évoquées à l’horizon 2015, s’explique par l’assouplissement des conditions, en particulier concernant le nombre de trimestres, et par l’élargissement du dispositif aux personnes qui auront commencé à travailler à 17 ans.

Les caisses ont beaucoup travaillé sur la fraude, rendue possible notamment par le fait que les validations reposaient sur des témoignages, et les conditions requises ont été resserrées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Avis défavorable.

M. le rapporteur. Avis défavorable : un rapport supplémentaire est inutile. Le Parlement, la Cour des comptes et la Commission des comptes de la sécurité sociale disposent de tous les outils pour dresser un bilan détaillé du dispositif.

La Commission rejette l’amendement AS 252.

M. le président Pierre Méhaignerie. Connaît-on le nombre de ceux qui, dans le cadre d’une rupture conventionnelle, sont pris en charge par l’UNEDIC à 58 ans, ou même 56 s’ils ont commencé à travailler à 14 ou 15 ans ? C’est une forme importante de contournement, qui ne disparaît pas avec le présent projet de loi.

M. Alain Vidalies. Vous avez raison de le signaler, et ce sera d’ailleurs un des problèmes d’application de la réforme. Certaines personnes sont parties à 57 ans, dans le cadre d’une rupture conventionnelle – surtout pour les cadres – ou d’un licenciement économique, avec, il faut bien le dire, une garantie de prise en charge par les ASSEDIC pendant trois ans. Pour elles, la réforme se traduira par une impasse. Un amendement a été déposé, mais qui ne couvre pas toutes les situations. Au final, des dizaines de milliers de personnes pourront se trouver en grande difficulté pour une durée allant de quatre à seize mois.

Mme Valérie Rosso-Debord. Un amendement réglera le problème.

M. le président Pierre Méhaignerie. Les ruptures conventionnelles servent effectivement parfois à partir plus tôt.

M. Roland Muzeau. Le groupe GDR a été à l’origine d’un débat sur la question à l’Assemblée, qui a fait apparaître toute la gravité de la situation. Les études de la DARES montrent que la rupture conventionnelle est beaucoup plus utilisée pour les tranches d’âge dont nous parlons. Cette possibilité de départ avec accès aux ASSEDIC a eu un effet d’entraînement que l’opposition avait dénoncé à l’époque, et elle est abusivement utilisée pour contourner les plans de suppression d’emplois et les procédures afférentes.

La Commission est saisie de l’amendement AS 253 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Nous entendons nous opposer au relèvement systématique de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, qui est une véritable injustice puisqu’il va surtout peser sur ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui ont eu les carrières les plus difficiles. Actuellement, 300 000 personnes par an partent à la retraite à 60 ans en ayant cotisé deux années de plus que ce qui est nécessaire pour valider leurs droits. Elles se retrouveront avec quarante deux annuités de cotisations et ne seront pas toutes repêchées par le dispositif carrières longues.

En outre, cette mesure uniforme est incroyablement peu moderne, au moment où l’on aurait plutôt besoin de s’adapter à des situations diverses.

Nous récusons l’idée de faire payer la réforme, certes nécessaire, par les plus modestes. Nous sommes d’accord pour appeler à l’effort collectif, mais à condition que les plus modestes en soient exonérés.

M. le rapporteur. Je suis totalement défavorable à cet amendement.

Le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans est une mesure phare de la réforme. Il est démographiquement logique, compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie, et responsable au vu de la situation financière de nos régimes de retraite. Il aura, au surplus, un effet très positif sur l’emploi des seniors, en élargissant l’horizon des salariés et des entreprises.

M. le ministre. Même avis défavorable. Je me suis expliqué à de multiples reprises sur le sujet.

M. Arnaud Robinet. J’avoue avoir du mal à saisir la position du Parti socialiste. À entendre Marisol Touraine, celui-ci ne serait pas favorable à un recul systématique de l’âge légal. Mais, à la lecture de l’amendement, le maintien des 60 ans serait une exigence.

M. Dominique Dord. Nous sommes bien entendu favorables à cette mesure de report, même si cela ne nous réjouit pas.

Je vois moi aussi des paradoxes dans les positions socialistes. Ce matin, nous avons constaté l’embarras de Marisol Touraine essayant d’exposer un système de retraite à la carte, qui montre qu’elle est au fond prête à transgresser le principe des 60 ans. Surtout, les socialistes font de l’emploi des seniors après l’âge de 60 ans une perspective essentielle de leur propre projet. Or, il existe une corrélation incontestable entre le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et le niveau d’emploi des seniors. On ne peut pas vouloir améliorer celui-ci sans relever celui-là !

M. Gaëtan Gorce. Le mécanisme que vous proposez est grossier et mal élaboré. C’est une « herse », avec une situation de blocage en amont et une obligation en aval. Chacun doit pouvoir conserver le droit de partir à la retraite à 60 ans – ce n’est pas une obligation – compte tenu de son parcours professionnel, de sa durée de cotisation et des droits qui lui auront été reconnus par ailleurs, au titre notamment de la pénibilité.

On pourrait peut-être comprendre le relèvement de l’âge légal, s’il s’accompagnait d’un véritable effort sur la pénibilité ou les carrières longues. En le faisant coïncider avec l’allongement de la durée de cotisation et un dispositif sur la pénibilité particulièrement restrictif, vous faites porter le poids de votre réforme surtout sur les catégories concernées par ces dispositifs.

On aurait pu maintenir l’âge légal de départ à 60 ans, tout en le faisant varier en fonction de l’espérance de vie par catégorie socioprofessionnelle. Cette solution, plus juste que la vôtre, aurait permis la mise en place d’un système en comptes notionnels. L’âge de départ de chaque cotisant, dès lors que celui-ci aurait fait le plein de droits, serait calculé en fonction de sa durée de vie espérée. Vous préférez imposer un âge qui ne tiendra pas compte des situations personnelles. Une autre option aurait été d’en revenir à la loi votée alors que M. Jacques Chirac était Premier ministre et qui avait créé, outre l’autorisation administrative de licenciement, un dispositif particulier pour toute une série de métiers pénibles, permettant de partir avant l’âge légal – 65 ans à l’époque – dès lors que certaines conditions d’activité étaient remplies. Voilà un correctif légitime et juste au dispositif de l’âge légal.

Votre système, lui, s’applique avec brutalité sans prendre ces différentes réalités en compte. L’explication en est que votre seule préoccupation, de bien court terme, est financière. Or, c’est une préoccupation de justice qui devrait primer, et c’est sur cette base qu’il faudrait trouver les aménagements financiers nécessaires, ce qui nous paraît possible sous réserve d’une vision globale du financement de nos comptes sociaux.

On ne nous parle que du déséquilibre des comptes des retraites. Mais comment se mettre d’accord sur un niveau de prélèvements obligatoires acceptable pour financer les retraites sans considérer aussi le besoin de financement des autres volets de notre système de protection sociale, à commencer par la santé, puisqu’on sait bien que les réformes de ces dernières années n’ont pas produit les effets attendus ?

Ainsi, le débat est entièrement biaisé. Il convient en conséquence de revenir au fond : il faut clarifier les conditions de départ à la retraite, l’âge de 60 ans étant la meilleure protection dont on dispose aujourd’hui, faute de précision sur les mécanismes de pénibilité et de carrières longues.

M. Alain Vidalies. On peut parfaitement être favorable au maintien du droit au départ à l’âge de 60 ans et conscient qu’il faut développer l’emploi des seniors pour l’équilibre du système. Je ne vois pas où est la contradiction. D’ailleurs, vous avez vous-mêmes mené une politique d’encouragement à l’emploi des seniors, alors même que l’âge légal de départ était à 60 ans ! Ce qu’il faut garder en tête, c’est la situation du marché du travail. Selon la DARES, la hausse globale du chômage, de 7,8 % sur un an pour les demandeurs de catégorie A, recouvre des réalités très différentes : si les chiffres stagnent pour les moins de 25 ans et augmentent de 7,3 % pour la tranche entre 25 et 49 ans, cette augmentation est de 19,4 % pour les chômeurs de plus de 50 ans ! C’est terrifiant ! Et je précise que ce sont les hommes qui sont le plus touchés, ce qui traduit l’importance des sinistres industriels.

Les gens de plus de 50 ans sont donc durement frappés par la crise, et c’est le moment que vous choisissez pour reculer l’âge légal à 62 ans. Pour eux, c’est la double ou la triple peine. Ils ont perdu leur travail et, s’ils sont indemnisés jusqu’à la retraite, ils subiront une rupture à ce moment-là, ou alors ils se trouveront en fin de droits, avec les interrogations qui pèsent sur l’allocation équivalent retraite. Bref, vous présentez la facture à des gens qui se trouvent dans une situation de très grande difficulté pour des raisons objectives.

En outre, vous ne faites aucun cas de la notion de liberté. Nous sommes tous dans des situations totalement différentes, même à parcours professionnel équivalent, compte tenu de nos carrières, de notre rapport au travail, de nos choix de vie. Certains peuvent avoir des projets professionnels, d’autres des contraintes familiales. Certains attendent de partir à 60 ans pour pouvoir s’occuper d’un enfant handicapé, d’autres pour mener des actions humanitaires ou changer d’activité. Du point de vue social comme de celui de cette liberté, vous ne pouvez pas nous reprocher d’exiger le maintien de l’âge légal de départ à 60 ans : c’est un droit, et la suppression de ce droit est une des pierres angulaires de votre réforme !

M. le ministre. Une partie non négligeable des Français conserveront la retraite à soixante ans au titre d’une carrière longue ou de la pénibilité : 100 000 personnes, soit 15 % des retraités chaque année, ce qui n’est pas rien. S’ils étaient beaucoup plus nombreux, on pourrait s’interroger sur la justice de la mesure ! Ce taux de 15 % me semble une juste proportion pour prendre en compte les situations particulières.

Par ailleurs, vous opposez la notion de justice à une réforme que vous dénoncez comme étant purement comptable. Mais, une justice qui n’est pas financée me semble condamnée à rester assez illusoire. Une réforme ne fonctionne que si elle est financée. Nous devons assumer cette charge pour faire fonctionner nos dispositifs de solidarité.

Enfin, l’âge de 60 ans n’est pas inscrit dans la biologie ! Le Parlement a simplement décidé à une époque de passer de 65 à 60 ans, sans plus de symbole qu’un chiffre rond. Ce n’est pas un dogme, contrairement au régime par répartition, qu’il soit en comptes notionnels ou non, et qui doit à mon sens relever du dogme. Parce que nous vivons plus longtemps, les personnes âgées de 62 ans paraîtront moins âgées que celles de 60 ans il y a quelques années.

Quant au chômage, particulièrement préoccupant, c’est un problème économique. La réponse ne se trouvera en aucune façon dans la réforme des retraites. On ne va pas attendre que plus aucun Français n’ait de difficulté à trouver du travail après 55 ans pour changer le régime des retraites ! Il faut certainement agir pour l’emploi des seniors et mettre en place des mesures transitoires entre la fin de droits et le début de la retraite, mais ce n’est pas une raison pour ne pas réformer les retraites.

La Commission rejette l’amendement AS 253.

Article 5

(articles L. 161-17-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale)


Relèvement de l’âge légal d’ouverture du droit à une pension

L’article 5 constitue la mesure-phare du projet de loi, puisqu’il relève l’âge d’ouverture des droits à la retraite de 60 à 62 ans à compter de la génération née en 1956. D’ici là, un relèvement progressif de quatre mois par an sera opéré, ce à compter du 1er juillet 2011.

Ce relèvement de l’âge légal prend acte à la fois de l’allongement de l’espérance de vie constaté depuis trente ans et de la situation financière particulièrement périlleuse dans laquelle se trouve notre système de retraite.

1. Le droit existant : une majorité de départs à 60 ans

Depuis l’ordonnance n° 82-270 du 26 mars 1982 relative à l’abaissement de l’âge de la retraite des assurés du régime général et du régime des assurances sociales agricoles, l’âge légal à compter duquel tout assuré peut prétendre bénéficier d’une pension de retraite est fixé à 60 ans. Cet âge n’a pas bougé depuis, alors même que l’espérance de vie s’allongeait décennie après décennie.

De fait, en 2009, la grande majorité des nouveaux retraités de droit propre à la CNAV ont liquidé à l’âge de 60 ans (60,5 %). Moins de 3,8 % étaient âgés de moins de 60 ans, 14,7 % étaient âgés de 61 à 64 ans et près de 17,6 % avaient 65 ans.

Répartition par âge au moment de la liquidation de la retraite
des 642 000 prestataires entrés dans le dispositif de retraite en 2009

Source : CNAV, flux exhaustif de nouveaux prestataires de 2009.

Cette répartition est moins marquée dans les autres régimes, comme le montre le graphique suivant. Par exemple, dans la fonction publique, plus du tiers des départs s’effectue avant l’âge de soixante ans alors qu’au RSI, s’agissant des commerçants, près de la moitié des départs s’effectue après 60 ans.

Répartition des âges de liquidation par caisse principale en 2007

Source : DREES ; d’après l’enquête annuelle auprès des caisses de retraites ; extrait de Deloffre (2009). Champ : Nouveaux pensionnés présents au 31 décembre 2007.

Au régime général, les départs à 60 ans s’effectuaient en 2009 dans les conditions suivantes : 85,4 % des pensions normales (hors ex-invalides et inaptitude) étaient au taux plein et 14,6 % étaient assorties d’une décote, faute pour leurs bénéficiaires de disposer de la durée d’assurance nécessaire.

Sur ces 85,4 %, soit un peu plus de 250 000 personnes, 58,4 % sont partis avec huit trimestres de plus que nécessaire et 71,3 % avec quatre trimestres supplémentaires.

Départs à 60 ans (hommes et femmes)

 

Condition remplie

Condition non remplie

Ensemble

 

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Pensions normales

252 164

85,4

43 102

14,6

295 266

100

Pensions d’ex-invalides

33 540

70,2

14 234

29,8

47 774

100

Pensions d’inaptitude

9 460

16,5

47 824

83,5

57 284

100

Total

295 164

73,7

105 160

26,3

400 324

100

Source : CNAV

Les âges et la durée
Assurés partis à 60 ans ou avant en retraite normale (flux 2009)
(*)

Source :CNAV

(*) : Départs hors invalides et inaptes

2. Le dispositif proposé : un relèvement progressif

Compte tenu de l’allongement de la durée de la vie et de la situation financière, le choix est donc fait de relever l’âge légal de 60 à 62 ans, à compter de la génération 1956.

a) Le choix d’une norme législative

Les bornes d’âge sont actuellement fixées à des niveaux de norme différents entre les régimes de la fonction publique, pour lesquels elles figurent dans la loi, et les régimes du secteur privé, dans lesquels l’âge est fixé au niveau réglementaire.

Dans un souci d’harmonisation des règles entre régimes, le projet de loi porte au niveau législatif dans l’ensemble des régimes la borne d’âge de 62 ans, dans un article commun à l’ensemble des régimes de retraite de base (à l’exception des régimes spéciaux autres que ceux de la fonction publique).

Il est donc créé un nouvel article L. 161-17-2 dans le paragraphe 2 de la sous-section 4 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire le paragraphe relatif à l’ouverture du droit et à la liquidation. Cet article vient donc s’insérer au sein des dispositions communes à l’ensemble des régimes.

b) Les régimes concernés

Seront concernés les assurés, nés à compter du 1er janvier 1956, relevant :

– du régime général ;

– du régime des salariés agricoles (qui sont soumis aux mêmes règles que les assurés du régime général, en application de l’article L. 742-3 du code rural) ;

– du régime des exploitants agricoles ;

– du régime d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales (aligné sur le régime général en matière d’âge d’ouverture en application des dispositions des articles L. 634-1 et L. 634-2 du code de la sécurité sociale) ;

– du régime des professions libérales et du régime des avocats (qui appliquent le même âge d’ouverture que le régime général en application respectivement des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale) ;

– du régime des ministres du culte (en application de l’article L. 382-27 du code de la sécurité sociale).

– du service des retraites de l’État (conformément aux articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite) ;

– de la CNRACL (qui est alignée sur les règles du code des pensions civiles et militaires de retraite en matière d’âge d’ouverture des droits en application de l’article 25 du décret n° 2003-1 306 du 26 décembre 2003).

Le relèvement de l’âge d’ouverture ne sera, en revanche, pas directement applicable dans les régimes complémentaires de retraite qui obéissent à des règles propres :

– en ce qui concerne les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO, l’accord de l’Association pour la gestion du fonds de financement de l’AGIRC et de l’ARRCO (AGFF) a permis, depuis 1983, de déroger à l’âge d’ouverture des droits à taux plein des régimes, fixés à 65 ans, via une possibilité de liquider sans décote à partir de 60 ans lorsque la pension servie par le régime de base a été liquidée sans décote. Il est vraisemblable que la négociation prévue à l’automne, l’accord arrivant à échéance à la fin de cette année, conduise à un alignement sur les nouvelles règles du régime général ;

– en ce qui concerne les régimes complémentaires des travailleurs non salariés non agricoles, les conditions d’ouverture de droits sont fixées par les règlements de ces régimes, adoptés par leur conseil d’administration et approuvés par arrêtés ministériels. Ces règlements fixent à 60 ans l’âge d’ouverture du droit, mais la plupart conditionnent cependant l’ouverture du droit à la liquidation de la pension vieillesse de base. En tout état de cause, ces règles seront adaptées ;

– s’agissant enfin de l’IRCANTEC, un arrêté, pris après avis de son conseil d’administration, sera nécessaire pour relever l’âge d’ouverture actuellement fixé à 60 ans.

c) Le rythme d’augmentation

Ainsi, à compter de la génération 1956, l’âge légal sera porté à 62 ans. D’ici là, une montée en charge progressive du dispositif est prévue, selon un calendrier encadré par le second alinéa de l’article L. 161-17-2.

Un décret fixera donc les conditions de relèvement de l’âge d’ouverture de 60 à 62 ans pour les assurés nés avant le 1er janvier 1956. Ce décret fixera une montée en charge croissante, au rythme de quatre mois par génération :

– pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951, l’âge d’ouverture sera maintenu à 60 ans ;

– pour les assurés nés à compter du 1er juillet 1951 et jusqu’au 31 décembre 1951, l’âge sera porté à 60 ans et 4 mois ;

– pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1952 et jusqu’au 31 décembre 1952, l’âge sera porté à 60 ans et 8 mois ;

– pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1953 et jusqu’au 31 décembre 1953, l’âge sera porté à 61 ans ;

– pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1954 et jusqu’au 31 décembre 1954, l’âge sera porté à 61 ans et 4 mois ;

– pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 et jusqu’au 31 décembre 1955, l’âge sera porté à 61 ans et 8 mois.

Le tableau ci-dessous récapitule ce calendrier :

Génération à compter de

Âge de départ

Date d’effet possible à compter de

Juillet 1951

60 ans et 4 mois

novembre 2011

Janvier 1952

60 ans et 8 mois

Septembre 2012

Janvier 1953

61 ans

Janvier 2014

Janvier 1954

61 ans et 4 mois

Mai 2015

Janvier 1955

61 ans et 8 mois

Septembre 2016

Janvier 1956

62 ans

Janvier 2018

3. Un impact financier très positif du relèvement

Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, pour l’ensemble des régimes, le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans (à raison de 4 mois par an à compter du 1er juillet 2011), le décalage au même rythme de l’âge automatique d’obtention d’une pension complète de 65 à 67 ans et la poursuite de l’allongement de la durée de cotisation selon le principe fixé par la loi du 21 août 2003 jusqu’en 2020, se traduirait par une économie de près de 2 milliards d’euros en 2011 et d’environ 20 milliards d’euros en 2020. Cette mesure comblerait ainsi près de la moitié du besoin de financement, tous régimes de retraite confondus, en 2020.

Sur le seul champ du régime général de retraite, la mesure aurait un impact positif sur le solde de la CNAV de plus de 1 milliard d’euros dès 2012 et de près de 10 milliards d’euros en 2020. Les projections réalisées par la CNAV ont permis d’estimer que le nombre de retraités au régime général serait minoré de 423 000 environ en 2015, de 900 000 en 2020, et de plus d’1 million à compter de 2030.

À l’horizon 2020, l’incidence du relèvement de l’âge d’ouverture de droit et de celui d’obtention du taux plein correspond pour 80 % à des économies sur les prestations (départs plus tardifs) et pour 20 % à des ressources supplémentaires (cotisations liées aux poursuites d’activité).

Pour la fonction publique, le report de l’âge légal, cumulé avec les autres mesures d’âge (limites d’âge, durées de services minimales) aurait l’impact financier détaillé dans le tableau ci-dessous :

(en milliards d’euros)

 

2015

2018

2020

Fonction publique d’État

1

1,9

2,6

CNRACL

0,6

1,2

1,6

Pour les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO, l’économie procurée par l’augmentation de la durée d’assurance et le report de l’âge légal serait en partie compensée par une augmentation du nombre de points acquis par les assurés et par une amélioration de la retraite complémentaire qui leur est servie. Les effets de la réforme ont été mesurés par les gestionnaires des régimes complémentaires AGIRC ARRCO, et à l’horizon 2020, la réforme permet, néanmoins, le retour à l’équilibre des régimes, avec un solde créditeur d’environ 0,5 milliard d’euros, alors qu’en l’absence de réforme, le déficit à cette date serait de plus de 5 milliards d’euros.

L’on ne dispose pas pour l’instant de données plus détaillées sur l’impact financier du relèvement, régime par régime, année après année. Le Gouvernement est en train d’y travailler et ces données devraient donc être rapidement disponibles.

*

La Commission est saisie des amendements AS 105 de M. Roland Muzeau et AS 254 de Mme Marisol Touraine, tendant à supprimer l’article 5.

Mme Martine Billard. Nous proposons de supprimer cet article qui porte l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans.

Pendant longtemps, le Gouvernement s’est justifié en se basant sur l’argument démographique. Depuis que l’INSEE a établi notre indice de descendance finale à 2,14 enfants par femme, l’argument ne tient plus. Mais ce qui compte surtout, c’est le rapport entre actifs et cotisants, car de lui dépendent les recettes des régimes de retraite. Notre principal problème de financement est donc causé par la crise. Vous avez choisi d’en faire payer les conséquences aux salariés et retraités. Nous considérons, au contraire, que ce sont les responsables de la crise qui doivent payer, notamment le secteur de la finance.

En outre, la modification que vous proposez est trop brutale. Jusqu’à présent, ce genre de réforme se faisait à coup d’un trimestre par an. Cette fois, vous montez à quatre mois. Ce n’est pas un hasard si l’on considère que toutes les études, notamment celles du COR, font apparaître que, de toutes les possibilités de financement, c’est celle qui rapporterait le plus et le plus rapidement. C’est donc bien un choix comptable qui est proposé : faire payer les salariés et les retraités au lieu du monde de la finance, pourtant responsable de la crise.

Enfin, pouvoir partir à l’âge de 60 ans est une avancée sociale : c’est pouvoir partir en retraite en pleine santé et en profiter pendant des années. Plus on repousse l’âge de départ, moins les salariés pourront profiter de leur retraite, et cela au moment même où le nombre des cancers explose, souvent déclarés entre 40 et 55 ans.

Voilà autant d’arguments pour contester le report : rien ne sert de supprimer le départ à la retraite à 60 ans si l’on allonge la durée de cotisation, car très peu de gens pourront en profiter.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour des raisons que j’ai longuement exposées auparavant.

M. le ministre. Nous avons choisi de ne pas dépasser l’âge de 62 ans, mais d’atteindre plus vite cet objectif – d’autres pays font l’inverse –, parce que nous devons garantir le financement des retraites. Nous assumons d’assurer une bonne part du financement par le biais de l’âge.

Je conteste l’idée que l’état de santé des retraités soit de moins en moins bon : l’espérance de vie progresse, c’est incontestable, et l’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite ira de pair avec l’augmentation du temps passé en retraite. C’est ce qui ressort des statistiques sur la santé globale de la population. Si ce n’était pas vrai, comment feraient les Anglais et les Allemands, qui baignent dans le même type de culture, d’économie et de contraintes que nous ?

Dans un système par répartition, il est logique que ce soient les salariés qui payent : ce sont eux qui payent la retraite de leurs prédécesseurs, avant d’en profiter à leur tour. Nous avons simplement accepté d’y ajouter un peu de fiscalité, parce qu’il est nécessaire de financer les régimes de solidarité.

M. Jean Mallot. L’âge de départ à 60 ans n’est pas un dogme mais Martine Billard a eu raison d’évoquer l’espérance de vie en bonne santé qui, je le rappelle, est aujourd’hui de 61,3 ans pour les hommes et de 62,4 ans pour les femmes. Si donc on repousse à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite, la moitié de la population prendra celle-ci en étant malade. Le droit à la retraite à 60 ans permet à la majorité de nos concitoyens de vivre une part de leur retraite en bonne santé.

Quand on considère l’âge réel de départ, qui est de 61,5 ans, on comprend que vous fixiez un nouveau seuil qui soit un peu supérieur.

Au cours du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, notre Rapporteur, soutenu par le ministre du travail de l’époque, M. Xavier Bertrand, a combattu les amendements visant à reporter l’âge légal de départ en retraite. Il indiquait alors qu’il fallait, avant d’envisager ce report, que les Français puissent déjà travailler jusqu’à 60 ans. Pourquoi avez-vous changé d’avis ? L’argument de la survenance de la crise n’est qu’un alignement sur la position dogmatique du Président de la République et du Gouvernement. Mais, la position que vous aviez ainsi prise au cours de l’hiver 2008-2009 était déjà postérieure à la crise : ce n’est donc pas le bon argument, et vous n’en fournissez aucun autre !

M. Jean-Luc Préel. Je suis sidéré par l’argumentation de Martine Billard. Certes, nous défendons la retraite par répartition, mais le taux de fécondité n’a rien à voir avec la retraite, car celle-ci dépend essentiellement de la durée de la cotisation.

Arrivent aujourd’hui à la retraite les enfants du baby boom, ce qui fait passer de 450 000 à 800 000 le nombre de départs annuels. Le deuxième élément fondamental réside dans l’augmentation de la durée de vie, d’un trimestre par an. De plus, l’espérance de vie en bonne santé s’accroît plus vite que l’espérance de vie globale. Soutenir que le report de deux ans aura pour conséquence de parvenir à la retraite en mauvaise santé est tout à fait faux du point de vue médical.

M. le rapporteur. Jean Mallot s’est référé aux déclarations de M. Xavier Bertrand et de moi-même : il a d’excellentes lectures !

Depuis la loi de financement pour 2009, est survenue la crise. De ce fait, en 2010, nous avons eu les chiffres que nous n’attendions qu’en 2030.

M. Jean-Marc Ayrault. Il s’agit d’une question essentielle sur laquelle vous devriez clarifier votre discours. Vous alternez en permanence l’évocation du problème démographique, qui est réel, et celle de la crise. Nous ne nions pas le premier problème : c’est pour y faire face que nous avions mis en place le Fonds de réserve pour les retraites, que vous voulez détruire. Mais, il vous faut choisir entre deux argumentations : soit le débat se fonde sur le problème démographique, pour lequel il existe des solutions, dont celles que nous proposons, soit vous vous référez à la crise. À cet égard, je me souviens d’une réponse du ministre du travail, à qui on rappelait l’engagement du Président de la République de ne pas toucher à la retraite à 60 ans et qui faisait valoir que, depuis lors, la crise était intervenue.

S’agit-il donc d’un problème démographique ou bien de la crise ? Dans la seconde hypothèse, il faut chercher d’autres sources de financement que les seuls revenus salariaux. En faisant peser 90 % de l’effort sur ceux-ci et seulement 10 % sur les revenus financiers, vous créez un déséquilibre fondamental. Comme vous ne voulez pas trancher la question qui est aujourd’hui au cœur du débat politique, celle du système fiscal que vous avez mis en place et qui prive l’État de ressources considérables, dont le bouclier fiscal, le paquet fiscal et les niches fiscales, vous faites payer le coût de la crise aux salariés et aux futurs retraités. D’où notre divergence fondamentale ! Il y a une réalité à laquelle vous ne pouvez échapper, et c’est pourquoi vous évoquez en alternance les deux justifications que j’ai indiquées, afin d’introduire une confusion supplémentaire.

Je vous demande d’avoir le courage de revenir sur les erreurs que vous avez commises, particulièrement depuis 2007, certaines d’entre elles remontant à 2002. Vous devriez, par exemple, avoir le courage, et la dignité, de reconnaître le scandale que représente le bouclier fiscal et de le supprimer…

Est-il vrai que Mme Bettencourt a reçu 100 millions d’euros au titre du bouclier fiscal ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Ne reprenons pas le débat qui s’est déjà tenu ce matin.

La facilité médiatique consiste à soutenir le principe de la retraite à 60 ans. Mais, la Confédération française des retraités a elle-même reconnu devant notre commission que le Gouvernement avait eu le courage de soulever la question. Elle a clairement indiqué que, si l’on maintenait l’âge de départ à la retraite à 60 ans, le seul choix résiderait dans la diminution des taux de pension ou dans l’augmentation des prélèvements obligatoires. Or, en France, ceux-ci sont déjà supérieurs de 5 points à la moyenne européenne. Si on les accroît encore, que restera-t-il de l’emploi dans les dix ans qui viennent ?

M. le ministre. Nous avons déjà eu le débat, relancé par M. Jean-Marc Ayrault, sur l’alternative entre démographie et conjoncture économique.

Vous nous reprochez d’apporter une réponse structurelle à un problème conjoncturel. Pour démêler les deux, nous nous fondons notamment sur les prévisions du COR qui, analysant une situation à un moment donné, la projette dans l’avenir en intégrant un certain nombre d’hypothèses, comportant des éléments de démographie et d’autres relatifs aux circonstances économiques. Même si celles-ci s’avèrent plutôt favorables, la situation financière des retraites n’est pas tenable. Nous y répondons par des mesures démographiques, à hauteur de 45 % ou 50 % et, pour le reste, par des dispositions d’une autre nature. Nous ne nous limitons pas à un seul dispositif, n’étant pas des monomaniaques de la démographie.

L’opposition propose une solution fiscale pour 70 % ou 80 %. Quant à nous, nous proposons une réponse démographique pour 45 % ou 50 %.

Est-il injuste de repousser l’âge de la retraite compte tenu de la santé des personnes ? L’espérance de vie en bonne santé est conforme à ce que vous avez indiqué. Les données en la matière proviennent d’Eurostat. La même définition normée s’applique dans tous les pays. Sur une base déclarative, elle qualifie une espérance de vie dans laquelle on ne ressent aucune gêne. Or, qui ne ressent une petite gêne à 60 ans ? Il existe une autre définition, fournie par l’INSEE et fondée médicalement : une espérance de vie sans incapacité, laquelle progresse au rythme de l’espérance de vie globale et se situe un an avant celle-ci. On ne peut donc dire aujourd’hui qu’à 61 ans, ou plus, on est en mauvaise santé, même si l’on est évidemment en moins bonne forme qu’à 25 ans.

Les amendements AS 105 et AS 254 sont rejetés.

Puis, la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 441, AS 442 et AS 443 du rapporteur.

L’amendement AS 4 n’est pas défendu.

Elle en vient à l’amendement AS 16 de Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Cet amendement tend à ce que les dispositions de l’article 5 ne soient pas applicables aux assurés qui atteignent l’âge de 60 ans au cours du second semestre de 2011. En effet, le recul de l’âge légal de départ à la retraite pour les assurés nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2011 entraîne pour ceux-ci une modification de leurs anticipations particulièrement dommageable pour ceux qui, chômeurs de longue durée, épuiseront leurs droits à l’assurance chômage au cours de l’année 2011. Ils risquent, si nous ne faisons rien, de se trouver sans ressources pendant quatre mois.

M. le rapporteur. Notre collègue pose une vraie question. Je sais que le Gouvernement travaille sur le sujet. Peut-il nous indiquer les pistes qu’il explore – je pense en particulier au prolongement de l’allocation équivalent retraite.

M. le ministre. Nous allons, en effet, prolonger et adapter le dispositif existant de l’allocation équivalent retraite, ce qui répondra à cette légitime question.

M. Alain Vidalies. L’amendement est justifié. La réponse du Gouvernement va dans le bon sens en traitant l’ensemble du problème et non celui posé aux seules personnes nées en 1951. Car, il sera encore plus grave pour celles nées en 1952, qui connaîtront une impasse de huit mois, et ainsi de suite. Le nombre des personnes concernées est difficile à établir, mais il pourrait être important.

Je suis donc heureux de constater que, dans la même réforme, le Gouvernement va utiliser le Fonds de réserve pour les retraites, que nous avions créé, et l’allocation équivalent retraite, que nous avions imaginée : ce sera notre contribution pour réparer les dégâts de votre réforme.

Mme Valérie Rosso-Debord. Je retire l’amendement.

L’amendement AS 16 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS 99 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous proposons de compléter l’article 5 par un alinéa indiquant que ses dispositions ne sont pas applicables aux agents ayant débuté antérieurement au 31 décembre 2010 une cessation progressive d’activité (CPA) en application de l’ordonnance du 31 mars 1982.

En effet, le projet de loi ne traite pas des agents de la fonction publique en cessation progressive d’activité, qui ont fait ainsi le choix irréversible d’un départ en retraite à 60 ans. Un certain nombre d’entre eux se trouvent donc dans une situation dramatique à laquelle cet amendement se propose de remédier.

M. le rapporteur. Le problème nous a été signalé par certaines organisations syndicales. Je souhaiterais connaître l’analyse qu’en fait le Gouvernement, étant précisé qu’environ 4 000 personnes seraient concernées au niveau national.

M. le secrétaire d’État. La cessation progressive d’activité constitue un dispositif de préretraite qui permet de travailler à temps partiel avec une sur-rémunération, et dont les conditions ont été durcies, selon la logique qui nous guide, depuis la loi de 2003. Ce sont 4 000 personnes qui sont effectivement concernées. Nous n’opérons pas de distinction pour le relèvement d’âge selon que l’emploi est à temps plein ou à temps partiel. Sans qu’il soit besoin d’adopter cet amendement, les dispositions nécessaires seront prises pour qu’il n’y ait aucune interruption de rémunération ni d’activité entre la cessation progressive d’activité et la retraite. On décale la limite d’âge, mais la rémunération demeure conforme au dispositif actuel.

Mme Martine Billard. Il faut être précis. À l’heure actuelle, quand un fonctionnaire entre en cessation progressive d’activité, une date limite, et irréversible, lui est opposable. Un fonctionnaire qui, par exemple, perdrait quatre mois, sera-t-il, pour la période correspondante, rémunéré dans le cadre de la cessation progressive d’activité ou dans celui de la retraite ?

M. le secrétaire d’État. Il s’agira de quatre mois de plus en cessation progressive d’activité.

M. Roland Muzeau. Dans ces conditions, je retire l’amendement.

L’amendement AS 99 est retiré.

La Commission adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

La Commission examine l’amendement AS 255 de Mme Marisol Touraine.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. La première borne d’âge, sur le droit à la retraite à 60 ou à 62 ans, a fait l’objet d’un dialogue de sourds. La deuxième borne d’âge concerne le relèvement de 65 à 67 ans du droit à bénéficier d’une retraite à taux plein.

Le Gouvernement a reconnu que, pour un certain nombre de femmes ayant souvent occupé des emplois précaires, connu des carrières morcelées et pâti de salaires inférieurs à ceux des hommes – de 20 % en moyenne, ce qui constitue toujours un problème non résolu –, on se trouvait confronté à une inégalité de traitement. Le passage de 65 à 67 ans donnant droit au taux plein les défavorise une fois de plus. Nous proposons donc de maintenir le seuil de 65 ans, sans décote.

Nous avons eu un débat sur l’état de santé des personnes partant à la retraite. À 67 ans, on est beaucoup moins en forme qu’à 62 ans, surtout lorsqu’on a exercé certains petits boulots tels que celui de caissière. Il suffit aussi d’avoir un compagnon un peu plus âgé, pour que l’espérance de vie paraisse plus courte. On a beau savoir que celle-ci est de 84 ans pour les femmes et de 82 ans pour les hommes, en réalité, dans de nombreux couples, l’un des deux faiblit vers les 74 ou 75 ans, réduisant ainsi le temps de retraite heureuse.

M. le rapporteur. Avis défavorable : le décalage de l’âge donnant droit au taux plein est la conséquence logique du relèvement de l’âge légal. Il est, en outre, très progressif : il ne concernera qu’en 2016 les personnes nées en 1951 et s’achèvera en 2023 avec la génération née en 1956.

M. le ministre. Les deux bornes existent depuis 1982, lorsque le droit au départ à la retraite fut abaissé à 60 ans. Elles ne constituent pas un dogme, mais signifient qu’on plafonne à cinq ans la durée de la décote. Le plafond pourrait ne pas exister : dans ce cas la décote perdurerait dès lors qu’on n’a pas le nombre de trimestres de cotisation requis. On maintient donc la règle actuelle, sinon la décote ne servira plus à grand-chose.

Aujourd’hui, environ 18 % d’une classe d’âge part en retraite à 65 ans. Le taux d’activité des seniors ayant atteint 65 ans est très faible, de l’ordre de 16 à 17 %. Mais, parmi les 18 %, la part des femmes est la plus importante – environ 63 % – et 80 % ne sont pas en activité. Enfin, 20 % de cette population a validé au moins un trimestre au cours de l’année précédente.

Nous avons absolument besoin de conserver les deux bornes, car elles sont attachées à la gestion même de notre système de retraite. La durée de cinq ans paraît bien adaptée au nécessaire délai d’annulation de la décote.

On peut toujours décrire des situations individuelles qui paraissent injustes, mais la CNAV confirme les chiffres que j’ai donnés concernant le nombre de personnes partant en retraite à la deuxième borne d’âge. C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à la remise en cause de celle-ci. Enfin, les 67 ans d’aujourd’hui pèsent moins que les 65 ans d’hier.

M. Patrick Lebreton. Au-delà de ce qui a été dit sur la retraite des femmes, et que j’approuve, je voudrais souligner, en tant que député de la Réunion, que le relèvement de 65 à 67 ans de l’âge donnant droit à une retraite à taux plein, va pénaliser fortement les Français d’outre-mer. La plupart connaissent, en effet, des carrières très morcelées, comportant souvent de longues périodes de RMI et de minima sociaux, dans des territoires où le chômage affecte durablement plus de 25 % de la population active.

M. Michel Issindou. Les lois sont souvent écrites par des personnes dont le travail n’est pas trop pénible. Il suffit d’entrer dans nos usines et nos ateliers pour se rendre compte qu’il est difficile d’expliquer aux travailleurs que 60 et 62 ans ne font pas grande différence quand on est en forme et qu’on peut encore occuper son emploi, comme entre 65 et 67 ans même si, selon le ministre, seule une infime minorité part à la retraite si tardivement. Mais, l’observation du terrain donne souvent une impression différente. Deux ans de travail supplémentaires, dans cette tranche d’âge, ne sont pas négligeables.

Nous sommes ici nombreux à approcher de la soixantaine et nous pouvons certainement travailler largement au-delà. Mais, regarder honnêtement la réalité du terrain nous ferait assurément changer d’avis sur la pénibilité du travail.

M. le ministre. Je rappelle que le nouveau dispositif ne prendra effet qu’en 2023.

L’amendement AS 255 est rejeté.

Article 6

(articles L. 351-1 et L. 351-8 du code de la sécurité sociale)


Relèvement de l’âge d’annulation de la décote

L’article 6 du projet de loi modifie les dispositions du code de la sécurité sociale relatives au régime général afin, d’une part de clarifier la rédaction de l’article L. 351-1 et, d’autre part, de relever l’âge du taux plein en modifiant l’article L. 351-8.

Le I de l’article rerédige donc le premier alinéa de l’article L. 351-1, afin de faire directement référence au nouvel article L. 161-17-2 créé par l’article 5 du projet.

Le II est beaucoup plus important, puisqu’il prévoit de relever l’âge d’annulation de la décote de 65 à 67 ans.

1. L’analyse des départs à 65 ans

Si, en 2009, la grande majorité des nouveaux retraités de droit propre ont liquidé leur pension à l’âge de 60 ans (60,5 %), près de 18 % avaient néanmoins 65 ans. Et en terme de genre, les femmes étaient davantage concernées par la liquidation à 65 ans, puisque cela concernait 22 % d’entre elles contre 12,6 % des hommes.

Parmi les liquidations à 65 ans, 13 % ont obtenu le taux plein au titre de la durée. Les 87 % autres ont donc bénéficié du taux plein en raison de leur âge. C’est davantage le cas des femmes que celui des hommes : respectivement 92,6 % contre 75,8 %. Il reste que, parmi les hommes qui liquident leur pension à 65 ans, une part relativement conséquente (24,2 %) la liquide au titre de la durée. Les liquidations à 65 ans ne renvoient donc pas à une population homogène, particulièrement pour les hommes.

Dans l’ensemble, c’est près de 15,3 % de l’ensemble des nouveaux retraités de 2009 qui ont donc liquidé à 65 ans au titre de l’âge (9,6 % des hommes et 20,3 % des femmes).

Répartition des nouveaux retraités de 2009 ayant liquidé à 65 ans
selon le motif de liquidation et le genre

 

Âge

Durée

Homme

75,8 %

24,2 %

Femme

92,6 %

7,4 %

Ensemble

87,0 %

13,0 %

Source : CNAV.

Au sein de l’ensemble des liquidants à 65 ans, ceux qui liquident au titre de l’âge se différencient nettement de ceux qui liquident à taux plein au titre de la durée. Dans le tableau joint, les deux catégories sont distinguées. Les assurés qui attendent 65 ans pour prendre leur retraite, et qui ont une durée d’assurance inférieure au taux plein, reçoivent des pensions plus faibles relativement aux autres retraités et bénéficient fréquemment du minimum contributif. Parmi ces assurés, les femmes en représentent les deux tiers.

À titre de comparaison, ces données sont également indiquées pour l’ensemble du flux de nouveaux retraités de l’année 2009 (les femmes représentent 53 % de ce flux).

 

Nombre de trimestres validés
(tous régimes)

Montant moyen de la pension du régime général
(mensuel €2009)

% des bénéficiaires du minimum contributif

HOMMES

Retraités partis à 65 ans en 2009

Liquidation au titre de l’âge

115

388

63 %

Liquidation avec la durée taux plein

175

678

29 %

Ensemble

129

459

38 %

 

Ensemble du flux 2009

Ensemble

153

695

31 %

FEMMES

Retraités partis à 65 ans en 2009

Liquidation au titre de l’âge

96

344

87 %

Liquidation avec la durée taux plein

176

677

48 %

Ensemble

102

369

75 %

 

Ensemble du flux 2009

Ensemble

146

548

56 %

HOMMES + FEMMES

Retraités partis à 65 ans en 2009

Liquidation au titre de l’âge

102

357

80 %

Liquidation avec la durée taux plein

175

677

37 %

Ensemble

111

399

63 %

 

Ensemble du flux

Ensemble

150

621

44 %

Source : CNAV, flux exhaustif 2009 (SNSP).

Une précision néanmoins : il est largement faux de dire que reporter l’âge du taux plein de 65 à 67 ans va obliger de nombreuses femmes à prolonger leur activité de deux ans. En moyenne, les femmes liquidant à 65 ans au titre de l’âge sont sans emploi depuis vingt ans. Il s’agit donc de femmes qui ont interrompu leur activité depuis de très nombreuses années et qui attendent l’âge d’annulation de la décote pour liquider leur retraite au taux plein.

2. Le dispositif proposé

Le II de l’article 6 modifie donc le 1° de l’article L.  351-8 du code de la sécurité sociale : il précise désormais que bénéficient du taux plein les assurés qui atteignent l’âge légal fixé à l’article L. 161-17-2 majoré de cinq ans.

Comme pour l’âge légal, ce relèvement sera progressif et son calendrier fixé par décret. Il sera par ailleurs décalé par rapport à l’âge légal. En effet, on ne peut décaler l’âge du taux plein qu’à compter de la génération 1951, c’est-à-dire à compter de juillet 2016. Pour les assurés nés avant le 1er juillet 1951, l’âge d’obtention du taux plein est donc maintenu à 65 ans et il évolue ensuite pour les assurés nés à compter de cette date en proportion de l’évolution de l’âge légal de départ soit :

Génération
à compter de

Âge taux plein

Date d’effet taux plein à compter de

Juillet 1951

65 ans et 4 mois

Novembre 2016

Janvier 1952

65 ans et 8 mois

Septembre 2017

Janvier 1953

66 ans

Janvier 2019

Janvier 1954

66 ans et 4 mois

Mai 2020

Janvier 1955

66 ans et 8 mois

Septembre 2021

Janvier 1956

67 ans

Janvier 2023

*

La Commission examine deux amendements, AS 106 de Mme Martine Billard et AS 258 de Mme Marisol Touraine, tendant à supprimer l’article 6.

M. Roland Muzeau. La suppression de cet article est largement motivée, notamment au vu des échanges précédents. Les inégalités existantes vont encore être aggravées par le recul du taux plein à 67 ans, une injustice supplémentaire au détriment des salariés les plus modestes qui vivent déjà souvent avec des moyens insuffisants. Les femmes en seront bien sûr les premières victimes, de même que les ouvriers et les salariés exposées à la pénibilité ou aux risques durant de longues carrières. La situation du monde du travail, qui a déjà souffert d’emplois discontinus et qui ne touche déjà que de faibles pensions, appelle la suppression de cet article. C’est une question de justice sociale !

Mme Michèle Delaunay. Le double report de deux ans obéit à une fausse logique.

Monsieur le ministre, vous êtes encore un homme jeune et dynamique, et je ne saurais trop vous en féliciter, mais les années ne pèsent pas du même poids au fur et à mesure que l’on avance en âge. Deux années, entre 60 et 62 ans, comptent médicalement, mais elles sont moins pourvoyeuses en troubles que celles entre 65 et 67 ans.

Notre collègue Jean Leonetti s’est lui-même dit choqué par le relèvement à 67 ans. Après 65 ans, de nombreuses personnes s’impliquent dans des activités associatives utiles à notre cohésion sociale : il est important d’en tenir compte.

On l’a déjà dit : les femmes sont le plus souvent concernées, après avoir connu des carrières difficiles et occupé des emplois exigeants par leurs conditions de travail et leurs horaires, en particulier dans les hôpitaux et les usines. La réforme ne serait donc acceptable qu’accompagnée de mesures d’évolution de carrière, que le projet de loi n’aborde nullement.

Nous devons rester attentifs à cette question : les femmes ont, certes, une longue espérance de vie mais, sur certains plans, elles s’usent davantage que les hommes. Plusieurs pays ont déjà pris cet aspect des choses en considération, en assurant aux femmes un âge de départ en retraite plus précoce.

Il convient en tout cas de réexaminer à ce titre le passage du seuil de 65 à 67 ans : c’est l’une des mesures, et pas seulement sur nos bancs, que nous acceptons le moins facilement. Le report mathématique de deux ans n’est pas une bonne formule. Il serait donc souhaitable qu’il figure parmi les dispositions dont le Gouvernement nous avait dit qu’elles seraient encore discutables.

M. Jean Leonetti. Je voudrais rectifier certains éléments qui viennent d’être évoqués.

Les médecins des hôpitaux partent en retraite à 65 ans. La plupart ont effectué de fréquentes gardes de nuit, ce qui fait aussi partie de la pénibilité, laquelle est généralement très difficile à apprécier.

De nombreuses personnes en inactivité continuent d’exercer une activité, elle-même productive, ou bien cherchent à en exercer une. Il convient donc de ne pas trop opposer l’actif et l’inactif. 62 ans est un âge jeune pour un homme d’aujourd’hui.

Enfin, si l’on considère l’âge des décès par catégories professionnelles, on remarque un paradoxe : les professions féminines réputées les plus pénibles, comme celles d’infirmières et d’aides-soignantes, n’empêchent pas les femmes qui les ont exercées de mourir cinq ou six ans après les hommes. Faudrait-il donc les faire partir plus tard en retraite ?

Ainsi, de nombreux paramètre interviennent et doivent nous inciter à éviter des interprétations trop simples à partir d’un seul élément comme celui de la mortalité.

M. François Bayrou. La mesure probablement la plus injuste de cette réforme est celle dont on parle le moins. Elle ne figure pas dans le débat public, qui porte sur la l’allongement de deux ans, entre 60 et 62 ans, de la durée de vie active, mesure acceptable et même inévitable.

Je regarde, en revanche, comme inacceptable le fait de considérer qu’il existerait un lien mécanique entre ce glissement et celui de 65 à 67 ans. Je ne sais pas qui a introduit cette idée, autrement que par habileté de communication, selon laquelle l’un entraînerait l’autre. Aucun autre pays n’a établi un tel lien. Dans ceux où l’âge de la retraite a été fixé à 65 ans, il n’existe pas de durée de cotisation. Le décalage de cinq ans fut créé en même temps qu’abaissé à 60 ans l’âge légal de la retraite. Auparavant, un seul âge comptait : 65 ans.

Je considère donc comme infondé le lien qu’on établit ainsi et que l’on prétend automatique, alors qu’il ne l’est nullement. Comme cela a déjà été dit au sein de cette commission, entre 65 et 67 ans les années ne pèsent pas du même poids que les années entre 60 et 62 ans.

D’autre part, il ne s’agit pas des mêmes publics. Les uns bénéficient de retraites complètes, souvent sans accidents, car ayant travaillé dans des entreprises qui les mettent à l’abri. Les autres ont des retraites très incomplètes. La prise de retraite à 65 ans concerne d’ailleurs, la plupart du temps, des personnes qui ne sont pas au travail. Ne s’opèrent ainsi que des « transferts entre caisses ». Je trouve terriblement choquant d’estimer que ces publics-là, qui ne disposent pas d’organisations collectives pour prendre leur parole en charge, doivent constituer une variable d’ajustement !

Cette question devrait faire partie du débat public.

M. le rapporteur. Nous avons longuement parlé du sujet à l’occasion de l’examen d’amendements précédents. Avis défavorable.

M. le ministre. On peut partir avant 65 ou 67 ans avec une décote. C’est un droit. Dans les autres pays, la retraite à taux plein intervient à 65 ans, et il existe parfois des âges pivots. En France, on pourra bénéficier du taux plein à 67 ans en 2018. Les différents systèmes sont difficilement comparables. En France, l’âge limite représentera une sorte de « solde de tous comptes », avec l’annulation de tout système de décote.

En ce qui concerne les carrières plus heurtées, je rappelle que nous avons, par exemple, maintenu le droit au minimum vieillesse à l’âge de 65 ans, même s’il est vrai qu’il ne suffit bien évidemment pas pour vivre correctement, bien qu’il augmentera de 25 % en cinq ans.

Dans ces conditions, pourquoi considérer comme injuste une annulation de la décote cinq ans après l’âge légal de départ à la retraite à taux plein ?

M. Dominique Dord. De surcroît, si l’âge de 67 ans est injuste, celui de 65 l’est tout autant, dès lors qu’existe le principe d’une borne d’âge supérieure.

M. Pascal Terrasse. Contrairement à ce que j’entends dire, ce principe ne va pas de soi en Europe : si l’Allemagne l’a acté, il ne sera pas effectif avant longtemps, les dirigeants de ce pays ayant souhaité mettre en place un système de décote plus fort avant 65 ans.

En outre, parce que cette question ne peut être abordée sans une approche concrète des différentes conditions de travail, un tel dispositif pèche par son incohérence – en particulier pour les travailleuses – et les injustices qu’il ne manquera pas de créer.

François Bayrou et Marisol Touraine l’ont dit : la majorité aurait tout intérêt – et elle y sera sans doute contrainte – à réviser son point de vue avant l’examen du texte en séance publique, nombre d’organisations syndicales étant hostiles à un tel relèvement.

M. François Bayrou. Selon la CNAV, le montant moyen de la pension mensuelle du régime de base des hommes qui partent en retraite au bénéfice de l’âge – à 65 ans, donc – est, avec 115 trimestres contre 96 pour les femmes, de 388 euros. L’équilibre du régime général est-il véritablement en péril ?

M. le ministre. Outre que la retraite, je le rappelle tout de même, est liée… au travail accompli, il convient d’inclure en l’occurrence les chiffres des retraites complémentaires et de souligner que nombre de retraités sont polypensionnés.

M. François Bayrou. Certes, mais c’est bien du régime général qu’il est principalement question avec ce texte.

La Commission rejette les amendements AS 106 et AS 258.

Elle adopte ensuite l’amendement AS 421 du rapporteur, corrigeant une erreur de référence.

L’amendement AS 24 n’est pas défendu.

Elle est saisie de l’amendement AS 495, deuxième rectification, de la Commission des finances.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Cet amendement vise à maintenir la deuxième borne d’âge à 65 ans pour les femmes ayant eu deux enfants ou plus.

M. le rapporteur. Avis défavorable, car cet amendement remettrait en cause la logique du projet, laquelle tend à repousser l’ensemble des bornes d’âge de deux ans.

Par ailleurs, une telle disposition irait à l’encontre d’un mouvement général d’alignement des règles applicables aux hommes et aux femmes : tous les pays européens qui avaient établi des conditions d’âge différentielles selon les sexes les ont supprimées.

Enfin, cet amendement se heurte à des obstacles constitutionnels non négligeables, la rupture d’égalité étant manifeste non seulement entre hommes et femmes, mais entre les femmes elles-mêmes selon le nombre d’enfants qu’elles ont eus.

M. le ministre. L’objectif est louable, mais pourquoi instituer ce décalage alors que les femmes nées dans les années 1970 n’ont cotisé en moyenne qu’un trimestre de moins que les hommes, hors majoration de durée d’assurance – laquelle, étant de deux ans par enfant, entraînera, pour les femmes concernées, en moyenne un départ avec une quinzaine de trimestres supplémentaires en moyenne par rapport aux hommes ?

De plus, les conditions de travail de ces femmes ne sont en rien comparables à celles qui avaient cours voilà encore vingt ou trente ans.

Enfin, la Grèce, l’Italie et la Grande-Bretagne – qui avaient instauré les conditions d’âge différentielles auxquelles le Rapporteur a fait allusion – les ont en effet supprimées sous la pression de la Commission européenne, la rupture d’égalité étant patente.

Avis défavorable.

Mme Marisol Touraine. En Commission des finances, cet amendement a suscité dans nos rangs des réactions variées, certains d’entre nous l’ayant même voté.

À titre personnel, je suis un peu gênée par le passage de l’exposé des motifs, selon lequel le cumul entre la vie professionnelle et la vie familiale des mères « peut être considéré comme un facteur de pénibilité » alors qu’il s’agit d’un enjeu majeur auquel nous devons répondre : il importe, surtout, de ne pas confondre pénibilité et égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Mme Valérie Rosso-Debord. Bravo !

Mme Martine Billard. Soit mais, plus globalement, comme nous avons déjà eu l’occasion d’en discuter dans le cadre de la réforme de la majoration de la durée d’assurance – notamment au sein de la Délégation aux droits des femmes – il est tout à fait possible, juridiquement, de mettre en place des mesures positives pour lutter contre des discriminations avérées en la matière. Ainsi, s’il est toujours loisible de répéter, sur un mode incantatoire, que la retraite n’a pas pour but de compenser les inégalités professionnelles entre hommes et femmes, les inégalités face à cette dernière n’en sont pas moins évidentes, par exemple quant au nombre de trimestres acquis. Nous nous devons donc de jouer sur les deux tableaux, en particulier en introduisant des mesures appropriées pour les femmes qui ont élevé des enfants seules et dont la carrière a été très heurtée, à moins de nous complaire dans une expectative délétère. Heureusement qu’on s’est battues pour nos droits, nous, les femmes, dans les années 1970 !

Même si cet amendement est loin d’être satisfaisant, son apport n’est donc pas négligeable.

Mme Valérie Rosso-Debord. Parce que l’équité ne se divise surtout pas entre hommes et femmes, je rappelle cette évidence que la retraite arrive au terme d’une vie professionnelle – si inéquitable soit-elle entre ceux-ci et celles-là comme l’a justement dit Marisol Touraine.

En outre, Michèle Delaunay, les pays européens qui avaient instauré des conditions d’âge différentielles font marche arrière, la Commission européenne les jugeant discriminatoires.

Pour ces deux raisons, je considère donc que cet amendement ne peut être adopté.

M. Jacques Myard. Si nous avons une situation démographique plus enviable que celle de nos voisins, c’est parce que le taux de renouvellement des générations est chez nous plus important. En ce qui me concerne, j’ai toujours pensé qu’il fallait faire des enfants sur une grande échelle, et je considère que cet amendement est pertinent, y compris au regard du principe d’égalité entre les sexes et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Je regrette que Chantal Brunel ne soit pas parmi nous pour défendre un amendement qu’elle a elle-même déposé. Non seulement, celui-ci a été adopté à une très courte majorité en Commission des finances, mais il a suscité des discussions nourries hors de tout esprit partisan. À titre personnel, j’y étais opposé. Outre, comme l’a dit M. le ministre, que la situation des femmes retraitées s’est améliorée en raison de l’accroissement de leur durée de cotisation, M. le rapporteur Jacquat et moi-même avons tenu, à travers un amendement commun à l’article 31, à privilégier une démarche préventive visant à favoriser l’égalité professionnelle entre hommes et femmes.

La Commission rejette l’amendement AS 495, deuxième rectification.

Elle adopte ensuite l’article 6 ainsi modifié.

Après l’article 6

La Commission examine l’amendement 259 rectifié de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise à maintenir l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans pour les pensionnés ayant un taux d’incapacité de travail de 50 %.

M. le rapporteur. Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite a pour conséquence logique de prolonger la période pendant laquelle la personne reconnue inapte pourra toucher une pension d’inaptitude. Maintenir un âge différent serait une source de complexité et réduirait la lisibilité de notre système social.

Je suis défavorable à l’amendement en l’état. Une réflexion sur le sujet serait cependant très utile.

M. le ministre. Parce que le décalage, en l’occurrence, sera suivi d’une retraite à taux plein sans aucune décote, il me semble préférable que cet amendement soit rejeté, même si une réflexion est, en effet, souhaitable.

Mme Marisol Touraine. Je rappelle que la population concernée est particulièrement fragile, comme vous le reconnaissez vous-même en lui accordant un départ à la retraite sans décote aucune. Que cette dérogation soit donc complétée par le maintien d’un départ légal à la retraite à l’âge de 60 ans !

M. le ministre. Outre que les retraites ne sont pas l’occasion de résoudre tous les problèmes qui se posent, je rappelle que les personnes dont nous évoquons la situation bénéficient, par exemple, d’une pension d’invalidité, et qu’il ne convient pas, selon moi, de les confondre à celles qui sont concernées par les critères de la pénibilité à travers la détermination d’un pourcentage d’incapacité.

M. Alain Vidalies. Cette démonstration me semble sujette à caution, dès lors que ces personnes ne peuvent absolument pas travailler et sont prises en charge par une pension d’invalidité, une rente d’accident du travail, l’assurance chômage, les minima sociaux ou le revenu de solidarité active. Parce que ce projet est injuste à leur égard et qu’il opère en fait un véritable transfert en faisant payer plus longtemps leur pension par les départements ou la sécurité sociale, il importe de les exclure de la réforme.

M. le rapporteur. Je le rappelle : autant je suis défavorable à cet amendement pour des raisons techniques, autant je suis favorable à ce qu’il soit retravaillé, les arguments qui viennent d’être échangés me semblant tout à fait pertinents.

M. Francis Vercamer. En effet ! De surcroît, il est ici davantage question de transferts financiers que de problèmes sociaux, dès lors que les personnes concernées ne peuvent pas travailler.

En l’occurrence, le Nouveau Centre s’abstiendra, en espérant que la Gouvernement apportera en séance publique une réponse satisfaisante.

M. le ministre. N’oubliez pas que, la pension d’invalidité étant parfois plus élevée que celle de la retraite, nombre de personnes n’ont pas envie de passer de la première à la seconde.

M. le rapporteur. Très juste !

La Commission rejette l’amendement AS 259 rectifié.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 256 rectifié de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise à ce que soient maintenus à 65 ans l’âge d’ouverture du droit au minimum vieillesse et à 60 ans l’âge d’ouverture de ce droit, en cas d’inaptitude au travail.

Si le Gouvernement et la majorité ont donné des assurances quant au premier point, nous ignorons toujours sur quel texte ils se fondent.

M. le rapporteur. Le minimum vieillesse est aujourd’hui ouvert à partir de 65 ans – âge fixé sur le plan réglementaire – et le Gouvernement a toujours indiqué ne pas vouloir faire évoluer cette disposition. La majorité, quant à elle, le soutient. Seul changement : la liquidation de la retraite avec une décote, laquelle sera donc intégralement compensée par le minimum vieillesse, dont vous savez fort bien qu’il s’agit d’une allocation différentielle. Les revenus des personnes concernées ne diminueront donc pas.

M. le ministre. Cette mesure réglementaire, madame Touraine, figure dans le code de la sécurité sociale.

Mme Marisol Touraine. Pourquoi le minimum vieillesse relève-t-il du domaine réglementaire ? Il me semble qu’afin de le consacrer durablement, son basculement dans le domaine législatif serait de bonne politique. Par ailleurs, je connais certes l’article 37 de la Constitution, mais celui-ci ne doit pas être un prétexte pour limiter exagérément la part de la loi.

M. le ministre. Dans ce cas-là, voteriez-vous l’augmentation du minimum vieillesse ?

Mme Marisol Touraine. Oui, si elle était significative. En l’occurrence, nous avons considéré que ses conditions d’attribution étaient insatisfaisantes.

M. le ministre. Je vous propose d’en référer au Conseil d’État même si, en ce qui me concerne, je ne suis pas favorable à une extension indéfinie du domaine de la loi.

Mme Marisol Touraine. Je retire l’amendement AS 256 rectifié.

L’amendement AS 256 rectifié est retiré.

La Commission en vient à l’amendement AS 257 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Liebgott. Je tiens tout d’abord à dénoncer l’absurdité de la liaison mécanique entre les deux bornes d’âge, laquelle pourrait entraîner demain un départ à la retraite sans décote à 70 ou 72 ans.

Il importe que le COR puisse vérifier les conséquences sociales, économiques et financières du relèvement des deux bornes d’âge et des transferts des dépenses sur les budgets sociaux des collectivités territoriales et, notamment, des départements. Nous proposons que le COR remette, avant le 31 mars 2011, aux commissions compétentes du Parlement un rapport à ce sujet.

M. le rapporteur. Comment le COR pourrait-il se livrer à des hypothèses autres que hasardeuses sur ce que sera le comportement des assurés à échéance aussi brève ? Il en ira toutefois différemment dans le cadre des rapports qu’il rédigera plus tard, avant le rendez-vous de 2018. Avis défavorable, donc.

M. le ministre. Avis également défavorable.

M. Régis Juanico. Encore un effort, monsieur Bayrou, pour être encore plus cohérent que vous ne l’êtes ! L’indissociabilité mécanique du relèvement des deux bornes d’âge étant justifiée par le rendement financier du plan gouvernemental – comme M. Woerth en a lui-même attesté hier soir –, rejoignez-nous pour condamner également le relèvement de la première borne !

M. Alain Vidalies. Le rapport fera-t-il état du nombre de salariés qui seront sans emploi, qui dépendront du revenu de solidarité active ou d’une pension d’invalidité ? Outre que les conséquences seront importantes pour les collectivités, il n’y a aucun intérêt à déshabiller Pierre pour habiller Paul ! Je regrette que ces éléments ne figurent pas dans l’étude d’impact. Une simple estimation aurait intéressé les parlementaires que nous sommes.

La Commission rejette l’amendement AS 257.

M. François Bayrou. Monsieur Juanico, c’est précisément le caractère mécanique du double relèvement que je conteste ! La plupart de ceux qui font valoir leur droit à une retraite sans décote à l’âge de 65 ans ne travaillent pas.

Article 7

(articles L. 732-18, L. 732-25 et L. 762-10 du code rural et de la pêche maritime)


Coordination pour les non-salariés agricoles

L’article 7 du projet de loi modifie les dispositions du code rural et de la pêche maritime relative au régime d’assurance-vieillesses des non-salariés des professions agricoles, afin de tirer les conséquences de l’article 5.

Le I de l’article rerédige donc l’article L. 732-18, afin de faire directement référence au nouvel article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale créé par l’article 5 du projet.

Le II procède, comme à l’article 6, au relèvement de l’âge d’annulation de la décote de 65 à 67 ans pour les non-salariés des professions agricoles de métropole (article L. 732-25) et des départements d’outre-mer (article L. 762-30).

*

La Commission est saisie de deux amendements AS 107 de M. Roland Muzeau et AS 406 de Mme Marisol Touraine, tendant à supprimer l’article 7.

Mme Jacqueline Fraysse. Compte tenu des niveaux particulièrement faibles des salaires et pensions de retraites des travailleurs des secteurs de la pêche et de l’agriculture mais, également, de la pénibilité de leurs conditions de travail, nous nous opposons, les concernant, au relèvement des deux bornes d’âge et proposons, par notre amendement AS 107, de supprimer l’article 7.

M. Pascal Terrasse. L’amendement AS 406 a le même objectif : outre que la majorité semble s’intéresser particulièrement au monde rural depuis les dernières élections régionales, je gage qu’elle aura d’autant plus à cœur d’adopter notre proposition qu’elle connaît la pénibilité des travaux agricoles.

M. le rapporteur. L’article 7 étant de coordination pure et le débat ayant déjà eu lieu, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur les deux amendements.

M. Arnaud Robinet. Afin d’éviter la création de nouveaux régimes spéciaux, ne pourrait-on préciser que les non-salariés agricoles peuvent bénéficier de la prise en compte de la pénibilité, telle qu’elle est définie pour les assurés du régime général ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous débattrons plus tard de la question.

M. le ministre. Un amendement, passé sous le couperet de l’article 40 de la Constitution, disposait que la définition de la pénibilité telle que définie dans la loi devait être adaptée au régime des salariés et exploitants agricoles. Le Gouvernement y était favorable et veillera, en séance publique, à ce que ce point soit établi.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous remercie de cet engagement.

Mme Catherine Génisson. Les propositions de nos collègues sont si pertinentes qu’il conviendrait de les appliquer également aux pêcheurs, lesquels exercent un métier particulièrement pénible. C’est également le cas des femmes qui travaillent dans les usines de transformation des produits de la pêche.

Non seulement ces amendements doivent être votés, mais il convient de se pencher sur la question de la pénibilité de ces professions.

La Commission rejette les deux amendements AS 107 et AS 406.

Elle examine ensuite l’amendement AS 422 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à corriger une erreur de référence.

J’ajoute que l’intervention de Catherine Génisson m’a fait penser que la première caisse de retraite créée voilà deux cent cinquante ans était pour les marins.

La Commission adopte l’amendement AS 422.

Puis, elle adopte l’article 7 ainsi modifié.

M. le rapporteur. Nous allons maintenant aborder une série d’articles consacrés à la mise en œuvre de la réforme dans la fonction publique, laquelle prévoit de relever de deux ans les trois paramètres suivants : l’âge d’ouverture des droits, la limite d’âge, ainsi que la durée minimale de service, et ce pour les catégories sédentaires et actives, les militaires ainsi que d’autres personnels relevant de statuts particuliers.

L’opposition, en cohérence avec son refus des mesures de relèvement de l’âge, a déposé des amendements visant à supprimer les articles 8 à 20. Je m’opposerai systématiquement à ces suppressions.

Article 8

Relèvement de l’âge d’ouverture du droit à pension
pour les catégories actives

L’article 8 du projet de loi pose le principe du relèvement de deux ans de l’âge d’ouverture des droits des fonctionnaires relevant des catégories actives, c’est-à-dire des fonctionnaires pouvant liquider leur pension avant l’âge de droit commun, c’est-à-dire, jusqu’à aujourd’hui, 60 ans.

Pour les catégories sédentaires, l’âge d’ouverture des droits est désormais fixé au même article L.161-17-2 du code de la sécurité sociale que pour les régimes du privé et sera porté à 62 ans pour la génération née en 1956.

1. Panorama des catégories actives

Outil de prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique, l’appartenance, pendant au moins quinze ans, à un corps classé en catégorie active permet un départ à la retraité anticipé. L’importance des catégories actives est très variable selon la fonction publique concernée :

– dans la fonction publique d’État, 187 500 agents titulaires occupaient un emploi classé en catégorie active au 31 décembre 2007, soit 11 % de l’ensemble des agents, appartenant principalement aux ministères de l’Intérieur, de l’Éducation, de l’Équipement et de la Justice ;

– dans la fonction publique territoriale, le classement en catégorie active concerne quelques corps, comme par exemple les sapeurs-pompiers professionnels et représente au total entre 5 % et 10 % de l’effectif total ;

– dans la fonction publique hospitalière en revanche, environ les deux tiers des effectifs (hors médecins) relèvent d’un corps classé en catégorie active : il s’agit principalement des personnels paramédicaux en contact avec les malades.

Le tableau ci-dessous reprend les principaux corps actuellement classés en catégorie active :

Emplois

Âge d’ouverture
des droits

Limite d’âge

Fonction publique de l’État

Personnels actifs de la police nationale

50 ans,

si 25 ans de services

55 ans (1)

Personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire

Ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne

50 ans

57 ans

Personnels de la surveillance des douanes

55 ans

60 ans

Instituteurs (2)

Agents d’exploitation des travaux publics de l’État

Éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse

Personnels paramédicaux des hôpitaux militaires

Contrôleurs des affaires maritimes et syndics des gens de mer

(certains emplois)

55 ans

62 ans

Fonction publique territoriale

Agents des réseaux souterrains des égouts

50 ans

60 ans

Sapeurs pompiers professionnels

55 ans

Agents de salubrité

Agents de police municipale

Agents de surveillance de la préfecture de police

Agents d’entretien (certains emplois)

Agents techniques (certains emplois)

Fonction publique hospitalière

Personnels paramédicaux, dont l’emploi comporte un contact direct et permanent avec des malades : surveillants, infirmiers, infirmiers spécialisés, aides soignants, agents de services hospitaliers, sages-femmes

55 ans

60 ans

Assistantes sociales, dont l’emploi comporte un contact direct et permanent avec des malades

Puéricultrice en fonction dans les services de pédiatrie

Maîtres ouvriers et ouvriers professionnels (certaines fonctions)

Agents de service mortuaire et de désinfection

(1) 57 ans pour les commissaires et les commissaires principaux ; 58 ans pour les commissaires divisionnaires.

(2) Corps mis en extinction par le décret n° 2003-1262 du 23 décembre 2003.

Concernant les départs à la retraite, l’on retrouve les proportions exposées ci-dessous. Parmi les pensions de titulaires entrées en paiement en 2008, 26,5 % concernaient des personnels comptant au moins quinze ans de services actifs dans la fonction publique d’État (soit 17 457 départs), 6,9 % dans la fonction publique territoriale (soit 2 249 départs) et 66,1 % dans la fonction publique hospitalière (soit 19 761 départs).

Répartition par type de départ en retraite du flux 2007 (droits directs)

Type de départ

Fonctionnaires de l’État

Fonctionnaires territoriaux

Fonctionnaires
hospitaliers

Catégorie sédentaire
(départs à 60 ans)

58,9 %

71,8 %

30,7 %

Catégorie active
(départs à 55 ans ou 50 ans)

26,1 %

5,6 %

41,3 %

Départs anticipés des fonctionnaires parents de 3 enfants

9,2 %

10,6 %

19,5 %

Invalides

5,8 %

12,1 %

8,6 %

Source : Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique (annexe au projet de loi de finances pour 2010.

Le tableau ci-dessous détaille l’impact des départs précoces en 2008 pour les principaux métiers de la fonction publique concernée (toutes catégories confondues) :

Métiers

Effectifs des liquidations

Âge moyen d’entrée en jouissance

Professeurs des écoles et instituteurs

12 015

56,1 ans

Professeurs agrégés et certifiés

18 169

60,3 ans

Police

4 551

54,4 ans

Administration pénitentiaire

795

54,9 ans

Ouvriers d’entretien et d’accueil et ouvriers professionnels des établissements d’enseignement

2 692

58,1 ans

Agents d’exploitation, chefs d’équipe et contrôleurs des TPE

1 544

56,9 ans

Administration des douanes

686

59,3 ans

Agents professionnels qualifiés de second niveau de La Poste

2 819

56,5 ans

Militaires – non officiers

9 161

42,4 ans

Militaires – officiers

1 354

50,3 ans

Catégories actives de la FP territoriale

1 580

56,4 ans

Catégories actives de la FP hospitalière

10 203

56,4 ans

Source : Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique (annexe au projet de loi de finances pour 2010.

Cette importance relative du nombre de départs en catégorie active a un impact direct sur l’âge moyen de départ en retraite, bien plus bas dans la fonction publique hospitalière : l’âge moyen toutes catégories est de 59 ans pour les titulaires civils de la fonction publique de l’État, de 58,7 pour la fonction publique territoriale et de 56,2 pour la fonction publique hospitalière.

Mais, il est de 61 ans pour les seuls sédentaires dans la fonction publique territoriale et de 60 ans et huit mois dans la fonction publique de l’État.

Répartition et âge moyen des nouveaux pensionnés vieillesse de droit direct en 2008
en fonction du type de départ à la retraite, de collectivité et du sexe

Type de départ
en pension

Effectif hospitalier

Effectif territorial

Total général

Hommes

Femmes

Total

Hommes

Femmes

Total

Pension normale

             

Âge moyen

60,8

60,7

60,7

60,9

61,0

61,0

60,9

Part de l’effectif

30,8 %

21,2 %

23,2 %

46,0 %

66,6 %

56,5 %

40,3 %

Catégorie active

             

Âge moyen

56,7

56,5

56,5

56,8

57,2

56,8

56,5

Part de l’effectif

37,7 %

50,2 %

47,6 %

10,8 %

0,9 %

5,7 %

26,0 %

Catégorie insalubre

             

Âge moyen

     

52,8

 

52,8

52,8

Part de l’effectif

     

0,7 %

0,3 %

0,2 %

0,2 %

Raisons familiales (1)

             

Âge moyen

54,0

50,7

50,8

55,8

54,1

54,1

52,0

Part de l’effectif

0,3 %

26,5 %

21,1 %

0,2 %

23,7 %

12,2 %

16,5 %

Carrière longue

             

Âge moyen

57,7

58,1

57,8

57,7

58,1

57,8

57,8

Part de l’effectif

30,5 %

2,0 %

7,9 %

41,6 %

8,5 %

24,7 %

16,5 %

Fonctionnaire handicapé

             

Âge moyen

57,5

57,3

57,4

57,6

58,2

57,7

57,6

Part de l’effectif

0,6 %

0,1 %

0,2 %

0,8 %

0,3 %

0,5 %

0,4 %

(1) Les conditions de départ anticipé pour raisons familiales pour les agents ayant 15 ans de service recouvrent trois cas, soit 3 enfants vivants ou élevés pendant 9 ans, soit un enfant âgé de plus d’un an et atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 %, soit un conjoint invalide.

Source : CNRACL.

2. Le dispositif proposé

Le I de l’article repousse de deux ans, à l’horizon 2018, l’âge d’ouverture du droit à la retraite des fonctionnaires et militaires dont la pension peut actuellement être liquidée avant 60 ans.

Comme pour l’augmentation de l’âge d’ouverture du droit à la retraite dans le régime général et pour les catégories sédentaires de la fonction publique, un traitement « générationnel » et progressif est prévu pour assurer la montée en charge de la réforme jusqu’à 2018 (II de l’article). À titre d’exemple, pour un corps de fonctionnaires de la catégorie active dont l’âge d’ouverture du droit à la retraite est aujourd’hui de 55 ans :

– le relèvement de l’âge d’ouverture des droits sera de deux années pour les agents de ce corps nés à partir du 1er janvier 1961. Pour ces derniers et les générations suivantes, l’âge minimum de liquidation sera donc de 57 ans ( du I de l’article) ;

– pour les agents de ce corps nés entre le 1er juillet 1956 et le 1er janvier 1961, le relèvement sera progressif, à raison de quatre mois par année et par génération, selon des modalités fixées par décret. Ainsi, un agent né en 1959 verra ses droits à la retraite ouverts à 56 ans et 4 mois, et non plus à 55 ans ( du I de l’article) ;

– pour les agents de ce corps nés avant le 1er juillet 1956, la réforme n’est pas applicable et le bénéfice de la retraite à 55 ans est conservé.

Exemple de montée en charge de la réforme pour un corps
dont l’âge d’ouverture du droit à la retraite est actuellement de 55 ans

Date de naissance

Âge d’ouverture du droit avant la réforme

Date de départ possible avant la réforme

Décalage de l’âge d’ouverture du droit

Âge d’ouverture du droit après la réforme

Date de départ possible après la réforme

1er juillet 1956

55 ans

1er juillet 2011

4 mois

55 ans et 4 mois

1er novembre 2011

1er janvier 1957

55 ans

1er janvier 2012

8 mois

55 ans et 8 mois

1er septembre 2012

1er janvier 1958

55 ans

1er janvier 2013

un an

56 ans

1er janvier 2014

1er janvier 1959

55 ans

1er janvier 2014

1 an et 4 mois

56 ans et 4 mois

1er mai 2015

1er janvier 1960

55 ans

1er janvier 2015

1 an et 8 mois

56 ans et 8 mois

1er septembre 2016

1er janvier 1961

55 ans

1er janvier 2016

2 ans

57 ans

1er janvier 2018

Par ailleurs, pour les catégories actives dont l’âge d’ouverture des droits était inférieur à 55 ans, la première génération concernée par le relèvement de deux ans est décalée d’autant suivant le principe que doivent être concernées les générations atteignant, en 2016, l’âge d’ouverture anticipé actuellement applicable. Et la montée en charge du dispositif sera ensuite adaptée à chaque cas pour commencer en 2011, conformément au II de l’article.

Rappelons par ailleurs que, pour les catégories actives, la durée minimale de services et de bonifications permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein est celle applicable aux fonctionnaires des catégories sédentaires atteignant 60 ans l’année d’ouverture du droit à la retraite du fonctionnaire actif considéré (VI de l’article 5 de la loi du 21 août 2003, tel que modifié par le b du 3° de l’article 4 du présent projet).

*

La Commission examine les amendements AS 108 de Mme Martine Billard et AS 262 de Mme Marisol Touraine, tendant à supprimer l’article 8.

Mme Jacqueline Fraysse. Certains fonctionnaires des catégories actives des trois fonctions publiques, ainsi que des salariés relevant de régimes spéciaux, bénéficient du droit de liquider leurs retraites avant 60 ans pour pallier la pénibilité de leur activité. Certes, les conditions de travail ayant changé au fil des ans, la liste des métiers pénibles de la fonction publique pourrait être toilettée. Toutefois un tel toilettage, qui doit reposer sur un examen de ces activités à toutes les étapes, relève de la négociation avec les syndicats. Nous contestons donc la suppression pure et simple des dispositifs existants, d’autant que les agents de la fonction publique ont signé un contrat au moment de leur engagement. Or, avec l’article 8, l’État remet en cause sa parole avec une grande légèreté.

M. Michel Issindou. Certains métiers sont reconnus comme étant non seulement pénibles mais également dangereux : je pense à celui qu’exercent les militaires. Je vous laisse expliquer à ceux qui sont aujourd’hui présents sur des théâtres d’opérations extérieures qu’ils n’exercent pas un métier dangereux !

M. Jacques Domergue. Madame Fraysse, loin de nous l’idée de nous moquer de votre découverte de l’évolution des conditions de travail au fil des ans : la gauche fait à nos yeux une avancée importante en percevant les changements de la société.

Cependant, à l’heure où nous nous apprêtons à retarder l’âge de départ à la retraite, il est difficile de faire accepter à nos compatriotes que certains salariés, notamment de la fonction publique, pourront continuer de partir de manière anticipée, dès 52  ans au lieu de 50. C’est pourquoi, nous sommes nombreux à avoir déposé un amendement visant à ce que les droits à la retraite ne puissent être ouverts avant 55 ans. Malheureusement, cet amendement a été refusé par la Commission des finances au titre de l’article 40, sous prétexte qu’un fonctionnaire coûte. Nous considérons, au contraire, qu’à partir du moment où il travaille, il rapporte, au même titre qu’un salarié du privé.

Monsieur le président, ne pourrait-on pas trouver un moyen de contourner ce blocage, afin de faire valoir notre argument, qui est entendu par tous les Français ? Le fait qu’une telle disposition ne soit pas reprise dans la réforme apparaîtra comme un facteur d’injustice et une source de mécontentement pour la majeure partie de la population qui devra partir à la retraite plus tard.

M. le président Pierre Méhaignerie. Vous avez posé deux problèmes : celui de l’application de l’article 40 – nous n’y pouvons rien – et un problème de fond, à propos duquel je partage l’essentiel de vos observations – je m’exprime à titre personnel. Sur le terrain, les salariés du secteur privé ont, dans leur grande majorité, un sentiment d’injustice. Nous ne devons pas l’oublier. Aussi, le relèvement pour tous de l’âge de départ à la retraite est-il le moins qu’on puisse demander.

N’oublions pas que le système français est un des plus favorables du monde, sinon le plus favorable.

M. Dominique Tian. Jacqueline Fraysse, avec un rare courage, a reconnu qu’il est certainement exagéré de prétendre que les fonctionnaires confrontés à des métiers pénibles ou dangereux sont au nombre d’un million, chiffre que nous avons dénoncé hier. Au fil des siècles – certains textes datent de 1825 –, les conditions de travail ont effectivement changé.

En revanche, je ne suis pas favorable à la solution qu’elle préconise, qui souhaite que les syndicats continuent de négocier les règles de pénibilité des fonctionnaires. Nous pouvons, dès lors, être certains que ce chiffre d’un million ne sera pas revu à la baisse ! Ce n’est pas aux fonctionnaires de fixer eux-mêmes les règles de pénibilité de leurs fonctions.

Comme l’a noté Jacques Domergue, un vrai problème de fond est posé. Nous sommes beaucoup à regretter l’application, très restrictive, de l’article 40 contre l’amendement qu’il a évoqué, car elle nous prive d’un très beau débat. Les Français sont demandeurs d’équité. Ce n’est pas parce que nous affirmons que personne ne saurait se satisfaire d’une situation profondément inéquitable que nous n’aimons pas les fonctionnaires.

M. Alain Vidalies. Chaque profession posant un problème distinct, il est difficile de procéder de manière générale, sauf en termes d’attractivité : les conditions de rémunération et de vie professionnelle liées à ces métiers font partie du choix effectué à l’origine par l’agent. Il est donc difficile de les modifier en cours de route. Je pense notamment aux agents des établissements pénitentiaires : la retraite à 50 ans fait partie de l’attractivité de leur métier.

Par ailleurs, monsieur le ministre, en raison de la suppression du service national et de la professionnalisation de l’armée, les effectifs ont été réduits : or, nous avons besoin d’une armée opérationnelle. L’âge des effectifs est donc, en soi, une question majeure, car il conditionne l’efficacité de cet outil de l’État qu’est l’armée. Les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans n’ont cessé de vanter le rajeunissement des cadres et le raccourcissement des carrières, dans le cadre de mesures d’accompagnement et de reconversion. Passer de quinze à dix-sept ans pour obtenir l’ouverture des droits à pension est donc une mesure lourde de conséquences sur le caractère opérationnel des armées. Qu’en pense le ministre de la défense ?

M. le rapporteur. Avis défavorable à ces amendements qui vont à l’encontre de notre volonté de convergence.

M. Jean-Luc Préel. Dans la mesure où le projet du Gouvernement est de relever de deux ans tous les âges légaux de départ à la retraite, il est logique d’appliquer cette disposition aux métiers pénibles de la fonction publique, même si une telle application peut se relever difficile pour les sapeurs-pompiers ou les militaires, notamment les gendarmes.

Je tiens à rappeler que le Nouveau Centre, en vue de garantir l’équité entre les régimes de retraite, est depuis longtemps favorable à l’instauration d’un régime unique universel à points avec mise en extinction des régimes spéciaux. Les nouveaux entrants appartiendraient à ce régime unique. Dans l’intervalle, nous sommes également favorables à la création d’une Caisse pour les fonctionnaires, proposition qui a été refusée au titre de l’article 40, ce qui est regrettable. Si un service a été mis en place à Bercy pour gérer les fonctionnaires, il n’en reste pas moins que la gestion paritaire par l’État et les syndicats de fonctionnaires d’une telle caisse permettrait de franchir un pas supplémentaire vers le régime unique universel.

M. Guy Lefrand. Je m’interroge à mon tour sur l’application – que l’on pourrait qualifier de tendancieuse – de l’article 40, laquelle nous interdit de débattre de sujets très importants.

Concernant les amendements identiques, je rapporterai simplement les propos qu’un ouvrier spécialisé, depuis peu à la retraite, m’a tenus récemment : il ne voyait pas comment nous pouvions demander à ses collègues qui travaillent à la chaîne de partir à la retraite à 62 ans, alors que d’autres salariés continueront de partir à 52  ans. C’est une question d’équité.

La majorité assume la réforme actuelle, qui est à la fois juste et justifiée. Toutefois, il convient de revenir sur la différence entre les régimes spéciaux, notamment des fonctionnaires, et le régime général, dont les salariés exercent, dans le privé, des métiers également pénibles.

M. Yanick Paternotte. Je rejoins les propos de mes collègues sur leur analyse du recours à l’article 40. Je souhaite que nous puissions revenir sur cette question dans l’hémicycle.

En effet, l’article 8 du projet de loi pose un problème, qui a déjà été évoqué à propos de l’article 5 : celui de la convergence, qui suppose un véritable débat de fond. Celui-ci sera difficile, personne ne l’ignore. Toutefois, les électeurs, qui sont aussi des contribuables, n’évoquent, sur le terrain, que la question de la convergence entre le public et le privé et celle du rattrapage des régimes spéciaux. Aux yeux de nos compatriotes, les dispositifs qui étaient justifiés à l’époque de la machine à vapeur ne le sont plus aujourd’hui. Je le répète : nous ne ferons pas l’économie de ce débat.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur Vidalies, lorsque j’étais ministre de la justice, les surveillants de l’administration pénitentiaire partaient à la retraite à 55 ans. Ils sont venus me demander la retraite à 50 ans : je leur ai répondu que jamais je ne la leur accorderai, tant que je verrai le maçon sur son mur ou le couvreur sur son toit à 60 ans. J’ai été insulté durant deux mois toutes les semaines sous les fenêtres du ministère. Quelques semaines plus tard, mon successeur leur a accordé la retraite à 50 ans : il m’a avoué l’avoir fait pour obtenir la paix.

Je pense qu’on a trop souvent cédé pour obtenir la paix de corporatismes qui se situaient dans un rapport de force. Les événements récents mêlant les aiguilleurs du ciel ou, à Nice, les pompiers professionnels, qui refusent de partir à 52 ans, sont inadmissibles. Les hommes politiques qui défendent de telles revendications ne favorisent ni l’équité ni la justice.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, si vous voulez défendre l’équité au profit des couvreurs, pourquoi ne pas proposer d’abaisser leur âge de départ à la retraite ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Madame Fraysse, si vous acceptez de remonter parallèlement l’âge de ceux qui partent très tôt à la retraite, alors, une négociation deviendra possible.

M. le secrétaire d’État. Mes propos vaudront, comme ceux du rapporteur, pour les articles qui suivront.

Nous sommes dans une logique d’équité : aussi, tous les âges de départ à la retraite doivent-ils évoluer de manière équivalente. C’est pourquoi, il n’était pas question pour le Gouvernement de prévoir des dispositifs écartant de ce mouvement collectif telle ou telle catégorie de Français. C’est une réforme de société : toutes les catégories de la population doivent y prendre une part active.

Cela étant, il n’y a aujourd’hui aucune fossilisation de la catégorie active de la fonction publique. Je tiens du reste à vous rappeler, madame Fraysse, qu’il n’y pas de lien contractuel entre l’administration et ses agents : ces derniers sont soumis à un statut. Les catégories actives de la fonction publique évoluent, d’année en année, de manière très importante : elles partent désormais à la retraite au-delà de 56 ans et le mouvement s’amplifie. Quant aux infirmiers, l’évolution de leur statut bouleverse la façon dont ils perçoivent leur propre évolution de carrière. Le Gouvernement a procédé de la meilleure façon possible, en offrant aux agents concernés un droit d’option. Ce sont eux qui détermineront s’ils veulent rester en catégorie active ou passer en catégorie sédentaire dans le cadre d’une revalorisation de carrière importante. D’autres évolutions sont à attendre.

En ce qui concerne la question de la pénibilité, je tiens à rappeler que les catégories actives de la fonction publique sont une construction particulière de l’histoire, du fait qu’une grande partie des métiers de la fonction publique n’est pas transposable dans le secteur privé – je pense notamment aux agents de la police ou de la justice, qui n’ont pas d’équivalent dans le privé. Le déroulement de leur carrière, et donc leur départ anticipé à la retraite, est fondé sur des textes vieux de deux siècles pour les plus anciens. La logique actuelle des catégories actives de la fonction publique les adosse à un système qui, pour l’instant, ne saurait être rapproché d’un autre dispositif qui n’est pas lui-même arrivé à maturité. Toutefois, l’instauration de dispositifs de convergence en matière de pénibilité est envisageable à terme. Tel n’est pas actuellement le cas.

Monsieur Vidalies, on ne saurait considérer que l’attractivité de la fonction publique est aussi liée que vous le dîtes au départ anticipé à la retraite. Ce n’est ni ce que j’observe, ni ce que j’entends de la part des organisations syndicales. Le désir d’avoir une carrière épanouissante est un facteur d’attractivité sans doute plus puissant. Du reste, si tel était le cas, une augmentation égale pour toutes les catégories de l’âge du départ à la retraite annulerait votre argument.

En ce qui concerne l’application du dispositif aux militaires, le ministre de la défense l’a jugée normale à plusieurs reprises, d’autant que la mesure ne concernera qu’un tiers d’entre eux, les deux autres tiers restant en moyenne six ans seulement dans l’armée. La réforme s’appliquera aux militaires de carrière, dont les gendarmes constituent la moitié des effectifs. Ils ont un profil de carrière proche de celui des catégories actives : aussi avons-nous considéré qu’il n’y avait pas de raison objective pour les écarter du dispositif.

Monsieur Préel, je n’ai pas à juger de l’application de l’article 40. En ce qui concerne la Caisse de retraite des fonctionnaires que vous avez évoquée, le compte d’affectation spéciale permet déjà de renseigner tous les éléments qu’il convient de connaître dans le cadre d’une caisse de retraite, qu’il s’agisse du taux de cotisation des agents ou de l’employeur, des masses financières ou de l’appréciation du montant total des engagements de l’État à l’égard des retraités, qui sont supérieurs à 1 000 milliards d’euros, comme vous le savez. La valeur ajoutée de votre proposition en termes de transparence ne me paraît donc pas évidente.

La réforme doit s’appliquer de manière homogène à toutes les catégories, y compris aux catégories actives de la fonction publique. Elle n’est en aucun cas attentatoire à l’évolution actuelle de ces catégories, qui est appelée à se poursuivre.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable aux amendements de suppression.

La Commission rejette les amendements AS 108 et AS 262.

Puis, elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 444 et AS 445 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 109 de M. Roland Muzeau.

Mme Martine Billard. Il est à la fois vrai, monsieur le secrétaire d’État, que la retraite de certaines catégories de fonctionnaires est une construction historique et que des différences existent pour certains métiers entre le secteur public et le secteur privé – je pense notamment aux conducteurs des autobus, selon qu’ils relèvent de la RATP ou de Veolia. Le problème, c’est que vous ne réalisez la convergence que par le bas : vous n’unifiez les secteurs qu’en recourant au moins-disant. C’est un point de désaccord entre nous.

L’alinéa 2 de l’article 8 concerne les fonctionnaires qui partent à la retraite à 50 ans, notamment certains fonctionnaires de police, les surveillants de prison et les égoutiers. Pour leur part, les surveillants de prison exercent une activité pénible du fait qu’ils vivent, comme les détenus, à l’intérieur d’une prison – certes, eux volontairement – et qu’ils sont de plus en plus souvent confrontés, sans avoir été formés pour cela, à des prisonniers relevant de la psychiatrie. Quant aux égoutiers, convient-il de rappeler les risques sanitaires liés à leur activité ?

Il n’est donc pas toujours inéquitable que des salariés de la fonction publique bénéficient de conditions de départ à la retraite différentes des autres salariés : les services qu’ils rendent à la collectivité le justifient.

M. le président Pierre Méhaignerie. Madame Billard, puis-je considérer que vous avez également défendu les amendements AS 110 à AS 113 ?

Mme Martine Billard. Oui, monsieur le président.

M. le rapporteur. Avis défavorable à ces cinq amendements.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement y est également défavorable.

Madame Billard, contrairement à ce que vous avez affirmé, toutes les mesures proposées tendent à revaloriser les statuts, qu’il s’agisse des mesures catégorielles lancées par M. Christian Jacob et M. Éric Woerth et qui concernent les trois catégories de fonctionnaires – A, B et C –, ou de celles relatives aux retraites, lorsqu’il sera donné à l’agent de choisir entre la catégorie B et la catégorie A. Le passage de la catégorie active à la catégorie sédentaire pour les infirmiers, au titre de l’article 37 de la loi sur la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, se fera avec un droit d’option dans le cadre d’une véritable revalorisation.

M. Régis Juanico. Je tiens à rappeler la spécificité, voire la dangerosité, plus encore que la pénibilité, du métier des armes, dans lequel existe un équilibre entre les contraintes professionnelles – mobilité géographique, disponibilité permanente, risque du sacrifice ultime – et les compensations – soldes plus élevées que les rémunérations de la fonction publique, congés plus importants et départ anticipé à la retraite. Il est vrai que la moyenne d’âge des militaires est de trente-trois ans et que l’ancienneté tourne autour de sept ans. Les deux tiers des militaires ne seront donc pas concernés par la réforme : ils entament du reste souvent une deuxième carrière dans le civil. Il n’en reste pas moins que la réforme touchera quelque 100 000 militaires. Il faut leur permettre de continuer de bénéficier du départ anticipé à la retraite, sous peine de voir le métier perdre en attractivité. Je vous rappelle que l’armée recrute, chaque année, entre 20 000 et 25 000 personnels pour compenser les départs à la retraite.

La Commission rejette successivement les amendements AS 109, AS 110, AS 111, AS 112 et AS 113.

Puis, elle adopte l’article 8 ainsi modifié.

Article 9

(articles L. 14, L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite)


Coordination pour le relèvement de l’âge d’ouverture des droits
des fonctionnaires

Cet article assure la coordination des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite avec les dispositions proposées aux articles 5 et 8 du présent projet.

Le  et le a du 3° du I de l’article modifient les articles L. 24 et L. 25 de ce code pour prévoir que, une fois la montée en charge de la réforme terminée, l’âge d’ouverture du droit à la retraite des fonctionnaires est porté de 60 à 62 ans pour les fonctionnaires civils des catégories sédentaires et de 55 à 57 ans pour les fonctionnaires civils des catégories actives (33). Signalons que l’âge de 62 ans ne sera pas explicitement mentionné aux articles L. 24 et L. 25 précités : il sera déterminé par renvoi au nouvel article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, introduit par l’article 5 du présent projet.

Les b et c du 3° du I de l’article modifient l’article L. 25 de ce code, afin de repousser de 50 à 52 ans l’âge d’ouverture du droit à la retraite pour certains militaires. Il s’agit des officiers de carrière et des officiers sous contrat n’ayant pas atteint la durée minimale de services.

Par coordination avec le relèvement de l’âge d’ouverture du droit à la retraite dans la fonction publique, le 1° du I de l’article modifie l’article L. 14 du même code, relatif à la durée d’assurance applicable aux fonctionnaires et au mécanisme de décote et de surcote mis en place par la loi du 21 août 2003.

Il s’agit, d’une part, d’adapter les dispositions spécifiques aux militaires en matière de calcul de la décote. Pour les militaires, coexistent en effet une décote dite « carrières longues » (identique à celle des fonctionnaires civils) et une décote dite « carrières courtes » (pour lesquelles la minoration de la pension est moindre).

Le a du 1° du I prévoit désormais que la décote « carrières longues » s’appliquera aux militaires dont la limite d’âge est supérieure ou égale à 57 ans, lorsqu’ils sont mis à la retraite à compter de l’âge de 52 ans (au lieu de, respectivement, 55 ans et 50 ans en l’état actuel du droit).

D’autre part, le b du 1° du I prévoit que la surcote – dispositif applicable à la seule fonction publique civile – ne pourra désormais bénéficier qu’à un fonctionnaire ayant atteint l’âge de 62 ans (34), et non plus 60 ans.

Pour les deux dispositions qui précèdent, un décret détaillera l’augmentation progressive des âges durant la période transitoire antérieure à 2018 (II de l’article).

*

La Commission est saisie des amendements AS 114 de Mme Martine Billard et AS 263 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l’article 9.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agissait d’établir une cohérence avec notre amendement – qui malheureusement a été rejeté – de suppression de l’article 8.

Mme Marisol Touraine. Même explication.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements AS 114 et AS 263.

Puis, après avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS 115 de M. Roland Muzeau, AS 116 de Mme Martine Billard et AS 117 de M. Roland Muzeau.

Elle examine alors l’amendement AS 481 de la Commission des lois.

M. Émile Blessig, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Cet amendement de précision rappelle que le texte ne remet pas en cause les conditions de départ anticipé à la retraite des fonctionnaires handicapés ; l’abaissement de l’âge d’ouverture du droit à la retraite continue bien à être fixé en référence à l’âge de 60 ans et non de 62 ans.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le ministre. Même avis.

M. Roland Muzeau. Si je comprends que le relèvement de l’âge minimal de départ à la retraite des fonctionnaires ne sera pas appliqué aux fonctionnaires handicapés, la Commission des lois maintient la condition d’un taux d’incapacité de 80 %, alors que les associations, notamment l’Association des paralysés de France, attendent un abaissement à 50 % de ce seuil.

Le renvoi de la fixation de la durée minimale de cotisation à un décret signifie-t-il que les conditions actuelles pourront être durcies ? L’ensemble des associations de handicapés continue à souhaiter la suppression de la durée minimale de cotisation.

M. Émile Blessig, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Nous avons juste voulu apporter une précision. Le projet de loi n’a pas pour objet la situation des travailleurs handicapés. À ma connaissance, elle fera l’objet d’un projet de loi spécifique.

La Commission adopte l’amendement AS 481.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ensuite successivement les amendements AS 118 de Mme Martine Billard, AS 119 de M. Roland Muzeau, AS 120 de Mme Martine Billard et AS 121 de M. Roland Muzeau.

Puis, elle adopte l’article 9 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 9

Modalités de remboursement de certains rachats de trimestres

La Commission est saisie de l’amendement AS 480 rectifié du Gouvernement.

M. le ministre. La loi Fillon du 21 août 2003 a permis le rachat de trimestres. Les nouvelles dispositions pouvant rendre certains de ces rachats inutiles, le Gouvernement souhaite que, dans ce cas, les intéressés puissent être remboursés.

M. le rapporteur. Cet excellent amendement répond à une difficulté apparue ces dernières semaines et sur laquelle nous avons été alertés.

Le Gouvernement pourrait-il néanmoins préciser les modalités fiscales du remboursement ? Celles des rachats étaient avantageuses.

Enfin, cet article additionnel aurait plutôt sa place après l’article 32.

M. Roland Muzeau. Quelle est la justification de la date du 13 juillet 2010 ?

M. le rapporteur. C’est la date de dépôt du projet de loi. C’est une pratique traditionnelle.

M. Roland Muzeau. Comment seront traitées les demandes de rachat dont le plan de versement a été échelonné jusqu’au-delà du 13 juillet ? La mesure vaut-elle pour la totalité de l’engagement pris ?

M. le rapporteur. La mesure me semble s’appliquer à l’ensemble des rachats engagés.

M. le ministre. La date est logique.

Les rachats d’années d’études ayant bénéficié d’avantages fiscaux, le remboursement des cotisations effectuées à ce titre sera soumis à l’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, un intérêt sera versé en fonction de l’ancienneté de chaque versement.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Un délai limite est-il fixé pour la présentation des demandes de remboursement ?

M. le ministre. Non. Aucun délai n’est fixé.

La Commission adopte l’amendement AS 480 rectifié.

Chapitre II

Limite d’âge et mise à la retraite d’office

Article 10

(article L. 1237-5 du code du travail)


Mise à la retraite d’office

L’article 10 est une disposition de coordination qui neutralise l’effet du relèvement de l’âge du taux plein sur le dispositif de mise à la retraite d’office, en modifiant l’article L. 1237-5 du code du travail qui encadre ce dispositif.

1. Un dispositif de mise à la retraite d’office récemment rénové

Afin de permettre à chaque salarié de pourvoir retarder, s’il le souhaite, le moment de son départ en retraite, l’âge de la mise à la retraite d’office, auparavant fixé à 65 ans, a été repoussé de cinq ans à compter du 1er janvier 2009 par l’article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Il s’agissait d’une des mesures du plan gouvernemental en faveur de l’emploi des seniors, mis en œuvre lors du rendez-vous 2008 sur les retraites.

Dans ce nouveau dispositif, chaque année à partir de son 65ème anniversaire et jusqu’à son 70ème anniversaire, le salarié est désormais interrogé par son employeur sur son souhait de poursuivre son activité, et ne peut en aucun cas être mis en retraite au motif de son âge contre son gré.

Le décret n° 2008-1515 du 30 décembre 2008 est venu préciser le dispositif législatif en créant un article D. 1237-2-1 qui fixe le délai de réponse du salarié à un mois.

2. La nécessaire modification du dispositif

La rédaction de l’article L. 1237-5 fait directement référence au 1° de l’article L.351-8 du code de la sécurité sociale, qui fixe l’âge du taux plein dans le régime général.

Le relèvement progressif de cet âge à 67 ans par l’article 6 du projet de loi implique que les salariés seront donc à terme interrogés sur leur souhait de poursuivre leur activité au sein de l’entreprise avant leur soixante-septième anniversaire. Et qu’une telle demande ne sera plus nécessaire avant les soixante-cinq et soixante-sixième anniversaires. En revanche, cette demande devra être répétée année après année conformément au dernier alinéa de l’article.

Mais la rédaction de ce dernier alinéa (« la même procédure est applicable les quatre années suivantes ») ne convient plus car elle pourrait amener un salarié à rester, de droit, à son poste jusqu’à sa soixante-douzième année. Situation certes assez théorique, mais qui ne correspond pas à la volonté du législateur en 2009 qui entendait permettre le maintien en activité jusqu’à 70 ans seulement.

L’article 10 propose donc de remplacer les mots « les quatre années suivantes » par les mots « jusqu’au soixante-neuvième anniversaire du salarié ».

*

La Commission examine l’amendement AS 122 de M. Roland Muzeau.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 10 instaure une prolongation de l’activité des fonctionnaires jusqu’à l’âge de 69 ans. Cette mesure n’est pas raisonnable. Elle institue un frein au renouvellement des générations. Il paraît aussi légitime à cet âge de quitter son poste de travail pour d’autres activités.

M. le rapporteur. Cet article, relatif au régime général, est de cohérence rédactionnelle. Il s’agit de garantir au salarié qu’avant l’âge de 70 ans, il ne pourra pas être mis à la retraite d’office contre son gré. Il est la conséquence d’une disposition votée l’an dernier pour les salariés du privé.

M. le ministre. L’article vise tout simplement à maintenir la situation actuelle. Nous ne modifions pas l’âge limite. Sans ces dispositions, il aurait été repoussé de deux ans.

M. Pascal Terrasse. À titre personnel, mais en cohérence avec la notion de libre choix défendue par le groupe dont je suis membre, que des personnes – de grands professeurs ou médecins, des hommes ou des femmes exerçant d’importantes responsabilités, en politique par exemple – puissent travailler au-delà de 70 ans ne me pose aucune difficulté d’ordre philosophique.

Autant pouvoir accéder à la retraite à 60 ans est à mon avis essentiel, autant je suis hostile à l’institution de barrières d’âge.

Du reste, la première opposition au recul de 65 à 70 ans de l’âge de mise à la retraite d’office est venue du MEDEF.

M. le ministre. En votant l’amendement de M. Muzeau, vous repousseriez à 72 ans l’âge de mise à la retraite d’office des salariés.

M. Pascal Terrasse. À titre personnel, je n’y vois pas d’inconvénient.

M. Roland Muzeau. Je ne peux pas laisser dire au Rapporteur et au ministre que notre objectif serait de repousser l’âge limite à 72 ans au lieu de 70 ! Nous avons contesté le recul à 70 ans de la limite d’âge dès son adoption en 2009 par amendement.

M. le rapporteur. Un excellent amendement de Denis Jacquat !

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 122.

Puis, elle adopte l’article 10 sans modification.

Article 11

Relèvement de 65 à 67 ans de la limite d’âge dans la fonction publique

Selon des modalités comparables au relèvement de l’âge du taux plein dans le secteur privé (articles 6 et 7), cet article pose le principe du relèvement de la limite d’âge de 65 à 67 ans dans la fonction publique à l’horizon 2023. Des dispositions spécifiques aux catégories actives étant proposées à l’article 14, le présent article s’applique aux seules catégories sédentaires (35).

1. Éléments sur la limite d’âge

La limite d’âge dans la fonction publique a une double fonction.

D’une part, l’accession à la limite d’âge entraîne de plein droit la rupture du lien unissant l’agent à l’administration – et donc sa radiation des cadres. Des dispositifs dérogatoires existent cependant :

– soit sous forme de recul de la limite d’âge : recul d’un an par enfant à charge au moment de l’atteinte de la limite d’âge et sans que la prolongation excède trois années ; recul d’une année pour le parent ayant au moins trois enfants vivants à l’âge de 50 ans (article 4 de la loi du 18 août 1936) ;

– soit sous forme de maintien en activité, en particulier pour obtenir une pension à taux plein, dans la limite de dix trimestres supplémentaires (depuis la loi du 21 août 2003).

D’autre part, depuis la loi du 21 août 2003, la limite d’âge sert de pivot pour la détermination de l’âge d’annulation de la décote (prévue au 1°du I de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite). À partir de 2020, les deux âges coïncideront : la décote sera supprimée pour les agents prenant leur retraite lors de l’atteinte de la limite d’âge de leur grade. Tel n’est cependant pas encore le cas : l’article 66 de la loi du 21 août 2003 prévoit une montée en charge progressive de la décote, en fonction de l’année d’ouverture du droit à la retraite. Par exemple, pour les fonctionnaires nés en 1950, âgés de 60 ans en 2010, les paramètres de la décote consistent en un abattement de 0,625 % par trimestre manquant par rapport à la durée d’assurance requise pour obtenir le taux plein ou par rapport à la limite d’âge de leur grade diminuée de dix trimestres (36).

2. Le dispositif proposé

Le I de l’article prévoit que la nouvelle limite d’âge de 67 ans s’appliquera aux fonctionnaires nés à compter du 1er janvier 1956, à l’instar de l’âge du taux plein dans le régime général.

Le II de l’article prévoit qu’un dispositif transitoire et progressif, similaire à celui proposé à l’article 5 du présent projet, sera fixé par décret pour régir le cas des fonctionnaires nés entre le 1er juillet 1951 et 31 décembre 1955, pour lesquels la limite d’âge sera augmentée de quatre mois par an. Le calendrier qui devrait être prévu par le décret est présenté dans le tableau ci-après.

Montée en charge du relèvement de 65 à 67 ans de la limite d’âge dans la fonction publique (hors catégories actives)

Date de naissance

Âge limite avant la réforme

Date limite avant la réforme

Décalage de la limite

Âge limite après la réforme

Date limite après la réforme

1er juillet 1951

65 ans

1er juillet 2016

4 mois

65 ans et 4 mois

1er novembre 2016

1er janvier 1952

65 ans

1er janvier 2017

8 mois

65 ans et 8 mois

1er septembre 2017

1er janvier 1953

65 ans

1er janvier 2018

un an

66 ans

1er janvier 2019

1er janvier 1954

65 ans

1er janvier 2019

1 an et 4 mois

66 ans et 4 mois

1er mai 2020

1er janvier 1955

65 ans

1er janvier 2020

1 an et 8

66 ans et 8 mois

1er septembre 2021

1er janvier 1956

65 ans

1er janvier 2021

2 ans

67 ans

1er janvier 2023

En rehaussant progressivement les limites d’âge dans la fonction publique, le présent projet a un impact direct sur le calcul de l’âge d’annulation de la décote et sur le calendrier de relèvement de cet âge figurant à l’article 66 de la loi du 21 août 2003.

*

La Commission est saisie des amendements AS 25 de Mme Marie-Jo Zimmermann, AS 123 de Mme Martine Billard et AS 350 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l’article 11.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Nous souhaitons maintenir à 65 ans la limite d’âge des personnels sédentaires dans la fonction publique, qui correspond pour eux à l’âge d’annulation de la décote.

Très souvent en effet, les personnels contraints d’attendre 65 ans ont eu des carrières très morcelées. Ce sont aussi souvent des femmes ayant interrompu leur activité professionnelle pour élever leurs enfants.

Mme Marisol Touraine. Nous sommes, nous aussi, favorables à la suppression de l’article 11, qui décline le projet de loi envers une catégorie spécifique de la population, les personnels sédentaires de la fonction publique. Le relèvement de la deuxième borne d’âge est particulièrement préoccupant : ses cibles sont, en effet, des personnes en situation plutôt précaire, dont les carrières ont été hachées.

Il me semble que si nos collègues, femmes et hommes, de l’UMP qui ont présenté un amendement maintenant l’âge de 65 ans comme deuxième borne pour certaines catégories de femmes poussaient leur raisonnement jusqu’au bout, ils devraient en élargir fortement la portée. Notre amendement ne concerne pas uniquement les personnels sédentaires de la fonction publique. Sa portée est, à mon avis, nettement plus générale.

Mme Martine Billard. Si notre amendement est cohérent avec notre argumentation générale à l’encontre du report à 67 ans de la borne d’âge de 65 ans, ses dispositions vont aussi créer des difficultés spécifiques. D’abord, elles vont aggraver les effets de la politique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux envers le recrutement des jeunes : il n’y en aura pas ! Une opposition est ainsi créée entre jeunes et seniors en matière d’emploi. Les fonctionnaires, qui seront maintenus dans la carrière, ne seront évidemment pas remplacés par des jeunes.

Il ne faut pas non plus sous-estimer les effets nocifs de ces dispositions pour certaines catégories de fonctionnaires : si un professeur d’université peut sans doute travailler sans difficultés jusqu’à 67 ans, quelles seront leurs conséquences sur une enseignante d’école maternelle, qui doit sans cesse se baisser pour s’occuper des tout-petits, ou même sur un professeur de collège d’un secteur difficile ? Aujourd’hui, nombre d’enseignants ne le sont devenus que tardivement. Pour échapper à la décote, ils sont contraints d’aller jusqu’à la limite d’âge.

M. Arnaud Robinet. Je conteste cette intervention qui procède de l’idéologie de gauche du partage du travail ! Opposer les générations n’est pas l’objectif de ce magnifique projet de loi sur la réforme des retraites ! Le travail n’est pas un gâteau qu’il faudrait partager entre les générations. Son abondance est fortement liée à la croissance économique et à la richesse.

La réforme qui avait le partage du travail pour objectif, c’était celle des 35 heures, mise en place par Mme Martine Aubry et le Parti socialiste. Alors qu’elle coûte chaque année 15 milliards d’euros à l’État, elle n’a eu aucun impact sur le taux de chômage des jeunes. Il faut en finir avec cette idéologie dépassée !

M. le rapporteur. L’article 11 porte de 65 à 67 ans la limite d’âge des catégories sédentaires de la fonction publique, de même que l’âge de la retraite à taux plein l’a été par l’article 6. Le supprimer créerait une différence injustifiable entre salariés du secteur privé et fonctionnaires. Avis défavorable.

Je rappelle à notre collègue Marisol Touraine que l’amendement dont elle a déploré la non-discussion a bien été annoncé, mais que, aucun de ses cosignataires n’étant présent, il n’a pu être défendu.

La Commission rejette les amendements AS 123 et AS 350.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS 446 et AS 447 du rapporteur.

Puis, elle adopte l’article 11 ainsi modifié.

Article 12

(art. 1er, 1-2 et 7 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984)


Coordination résultant du relèvement de 65 à 67 ans
de la limite d’âge dans la fonction publique

Par coordination avec le relèvement de 65 à 67 ans de la limite d’âge pour les catégories sédentaires de la fonction publique, le présent article vise à modifier la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public (37). Il s’agit :

– de poser le principe de la limite d’âge à 67 ans à l’article 1er de la loi du 13 septembre 1984 précitée (sans modifier la limite d’âge spécifique de 68 ans applicable au vice-président du Conseil d’État et au premier président et au procureur général de la Cour des comptes) ;

– d’adapter le dispositif permettant aux fonctionnaires, ayant accompli au moins quinze ans de services dans un emploi de la catégorie active et étant intégrés, à la suite d’une réforme statutaire, dans un nouveau corps (dont la limite d’âge serait désormais de 67 ans), de conserver le bénéfice de la limite d’âge de son ancien emploi (article 1-2 de la même loi) ;

– de rendre applicable, sauf dispositions particulières contraires, la nouvelle limite d’âge de 67 ans aux présidents de conseil d’administration, directeurs généraux et directeurs des établissements publics de l’État (article 7 de la même loi).

Votre Rapporteur s’interroge néanmoins sur la rédaction choisie : il est directement inscrit dans la loi l’âge de 67 ans, alors que l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, dispositif équivalent pour le régime général, fait référence à « l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 majoré de cinq années ». Dans la perspective d’un rapprochement continu des réglementations des différents régimes, ne serait-il pas plus simple de reprendre la même terminologie ?

*

La Commission examine les amendements AS 124 de M. Roland Muzeau et AS 352 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l’article 12.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS 124 est un amendement de coordination avec l’amendement AS 25, qui a, hélas, été rejeté.

Mme Marisol Touraine. Notre amendement poursuit le même objectif.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements AS 124 et AS 352.

Puis, elle adopte l’article 12 sans modification.

Article 13

Dispositif dérogatoire en faveur de certains
personnels infirmiers et paramédicaux

L’article 13 du projet de loi a pour objet de prévoir un dispositif spécifique, en termes d’âge d’ouverture des droits et de limite d’âge, pour les infirmiers et autres professionnels paramédicaux ayant fait le choix, ouvert par l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, d’intégrer les nouveaux corps de catégorie A créés à cette occasion.

Pour ces personnels, appartenant pourtant désormais à des corps classés en catégorie sédentaire, l’âge d’ouverture du droit sera maintenu à 60 ans et la limite d’âge à 65 ans.

A. LE DROIT D’OPTION OUVERT PAR LA LOI RELATIVE À LA RÉNOVATION DU DIALOGUE SOCIAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE (38)

L’article 37 de la loi du 5 juillet 2010 est le volet législatif du vaste plan de revalorisation statutaire et salariale de la profession d’infirmière et d’autres professions paramédicales, contenu dans le protocole d’accord présenté aux organisations syndicales par la ministre de la santé et des sports le 2 février dernier. Ce protocole d’accord est lui-même l’aboutissement d’un long processus de concertation et de négociation, entamé suite à la promesse du Président de la République d’intégrer le corps des infirmiers dans la catégorie A de la fonction publique.

1. Une forte revalorisation salariale

Le protocole d’accord met en œuvre cette promesse en prévoyant la création d’un nouveau corps des infirmiers, classé en catégorie A et bénéficiant d’une grille indiciaire bien plus favorable. Le reclassement de l’ensemble des infirmiers qui le souhaitent est prévu dès décembre 2010 sur la nouvelle structure de grille de rémunération. Il sera suivi de deux glissements de la grille indiciaire, l’un en juillet 2012, l’autre en juillet 2015.

Au terme de cette réforme, qui sera donc conduite sur cinq années, les infirmiers seront rémunérés sur des bases très proches des infirmiers spécialisés actuels. Cela représentera, à l’issue des opérations de reclassement, en 2015, en moyenne, une majoration de plus de 2 000 euros nets par an.

2. La contrepartie : le passage en catégorie sédentaire

La principale contrepartie à cette importante revalorisation salariale est le classement du nouveau corps de catégorie A en catégorie sédentaire. Ce qui impliquait un départ à la retraite à 60 ans, et non plus à 55 ans et une limite d’âge portée à 65 ans.

Dans un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche consacré à l’évaluation de l’impact du dispositif « licence-maîtrise-doctorat » (LMD) sur les formations et le statut des professions paramédicales, les arguments suivants étaient avancés pour justifier le passage en catégorie sédentaire :

« 1) La possibilité actuelle de départ en retraite à 55 ans ne concerne que les infirmières du secteur public et non les infirmières des établissements privés ou celles exerçant en secteur libéral ; c’est une inégalité de traitement que les conditions de travail ne justifient pas, comme le montre l’exemple des autres pays (départ à 65 ans en Allemagne).

2) Un grand nombre d’infirmières utilisent la faculté de perception anticipée de la pension fonction publique pour reprendre ensuite une activité professionnelle (notamment comme infirmières libérales), ce qui souligne le caractère « d’effet d’aubaine » de cette possibilité de départ anticipé.

3) L’impact financier du LMD sur le régime de retraite serait très lourd si l’âge de départ spécifique des infirmières de la fonction publique n’était pas modifié. Face au coût important de la réforme LMD (surcharge salariale immédiate de 500 millions d’euros puis surcharge de retraite différée de 250 millions d’euros annuels à horizon 2050), il paraîtrait dès lors logique au plan économique d’opérer simultanément le recul de l’âge de départ à la retraite des infirmières et autres corps assimilés. Ajoutons que, dans ce cas, pour les infirmières qui prolongeraient leur activité jusqu’à 60 ans au lieu de 55 ans, la pension serait améliorée grâce aux 5 années d’assurance supplémentaires. »

Le II de l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010 organise le droit d’option qui est ouvert aux agents déjà en poste : en effet, la revalorisation salariale s’accompagne, aux termes du protocole, d’un choix, offert aux infirmiers déjà en poste, entre le maintien dans leur situation actuelle ou l’intégration dans la catégorie A, avec une durée de carrière prolongée. Chaque professionnel concerné est invité, à partir du mois de juillet 2010, à faire connaître son choix, en fonction de sa situation et de ses projets propres.

Un choix analogue sera offert aux autres professionnels de santé six mois avant le reclassement dans les nouveaux grades de catégorie A, c’est-à-dire en janvier 2012 pour les cadres de santé et cadres supérieurs de santé et les infirmiers spécialisés.

3. Les conséquences du choix de la catégorie A

Outre le passage en catégorie sédentaire, le choix pour les personnels en place de rejoindre le nouveau corps de catégorie A implique de renoncer à un certain nombre d’avantages liés à la catégorie active. C’est l’objet du III de l’article 37.

Le 1° précise que, même s’ils ont passé quinze ans en catégorie active, les personnels ayant fait le choix de l’intégration, ne pourront se prévaloir de ces quinze années pour bénéficier d’un départ à 55 ans, contrairement à ce que prévoit l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il s’agit là d’un point essentiel pour l’équilibre financier de la réforme et de la principale différence avec le dispositif adopté lors de la transformation du corps des instituteurs en celui des professeurs des écoles.

Le 2° prévoit que les personnels ayant fait le choix de l’intégration ne pourront bénéficier de la majoration de durée d’assurance d’une année par période de dix ans passée en catégorie active prévue par l’article 78 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, article qui avait été alors négocié pour limiter pour les infirmiers de la fonction publique hospitalière les effets de l’instauration d’une décote.

Enfin, le 3° exclut les personnels ayant fait le choix de l’intégration du bénéfice de l’article 1-2 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, qui permet aux personnels ayant intégré un corps dont la limite d’âge est de 65 ans, mais qui ont passé quinze ans dans un corps classé en catégorie active, de continuer à bénéficier de la limite d’âge de leur ancien corps, c’est-à-dire 55 ans. Cette disposition avait été introduite en 2003 pour éviter que l’instauration de la décote ne pénalise trop les anciens instituteurs devenus professeurs des écoles, mais ayant passé quinze ans en catégorie active.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

À bien des égards, l’article rend, relativement, encore plus favorable le passage en catégorie A, sédentaire, du point de vue des droits à la retraite. En effet, il exonère les personnels exerçant ce droit d’option du relèvement de deux ans de toutes les bornes d’âge, qui est prévu pour l’ensemble des fonctionnaires et des salariés.

Trois catégories d’infirmiers devront donc être distinguées :

– les futurs infirmiers, ceux relevant automatiquement d’un corps de catégorie A sédentaire, seront concernés par le relèvement progressif des limites d’âges de deux ans : 62 ans pour le droit au départ à la retraite, 67 ans pour la limite d’âge ;

– les infirmiers qui opteront pour le maintien en catégorie active seront soumis au relèvement progressif de l’âge d’ouverture des droits de 55 à 57 ans, au relèvement de la limite d’âge de 60 à 62 ans ainsi qu’à l’allongement de quinze à dix-sept ans de la durée minimale de services effectifs en catégorie active pour bénéficier du départ anticipé.

– enfin, les infirmiers qui opteront pour le passage en catégorie A, bénéficieront du maintien de l’âge d’ouverture du droit à pension à 60 ans et de la limite d’âge à 65 ans.

*

La Commission examine l’amendement AS 482 de la Commission des lois.

M. Émile Blessig, rapporteur pour avis de la Commission des lois. L’article 13 exempte du relèvement de l’âge d’ouverture du droit à la retraite et de l’augmentation de la limite d’âge les fonctionnaires infirmiers et paramédicaux qui choisissent d’intégrer les nouveaux corps et cadres d’emploi de catégorie A dans les conditions fixées par la loi du 5 juillet 2010, laquelle comporte notamment diverses dispositions relatives à la fonction publique. Pour des raisons de coordination, la rédaction proposée par la Commission des lois transfère cette exception temporaire dans le texte de la loi du 5 juillet 2010 elle-même.

M. le rapporteur. Avis favorable à cet amendement de simplification rédactionnelle, qui accroît la lisibilité de la loi.

M. le secrétaire d’État. Avis également favorable, pour les mêmes raisons.

La Commission adopte l’amendement AS 482.

En conséquence, l’article 13 est ainsi rédigé.

Article 14

Relèvement de deux années des limites d’âge
des catégories actives de la fonction publique

Cet article vise, à l’horizon 2023, à repousser de deux ans les limites d’âge applicables aux catégories actives de la fonction publique.

Le I de l’article augmente de deux ans la limite d’âge pour les différents cas de figure susceptibles d’être rencontrés. En règle générale, et tout particulièrement pour les corps des fonctions publiques territoriale et hospitalière, la limite d’âge des catégories actives est de 60 ans. La présente réforme la portera donc, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1961, à 62 ans (5° du I de l’article). Les autres situations visées concernent de rares cas de limites d’âge supérieures à 60 ans (par exemple, 62 ans pour les syndics des gens de mer) et, plus nombreux, des cas de limites d’âge inférieures à 60 ans : 55 ans pour les surveillants pénitentiaires, 57 ans pour les aiguilleurs du ciel et, en fonction de leur grade, de 55 à 60 ans pour les personnels actifs de la police nationale.

La période transitoire de relèvement de la limite d’âge (II de l’article), qui s’étendra de 2016 à 2023, concernera des agents nés après le 1er juillet 1954 (pour ceux dont la limite d’âge est aujourd’hui de 62 ans) et avant le 1er janvier 1966 (aucune limite d’âge actuelle n’étant inférieure à 55 ans).

Il convient de rappeler que, depuis l’entrée en vigueur de l’article 93 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, l’accession à la limite d’âge ne constitue plus, pour les catégories actives, un « couperet » : l’article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public permet à ces catégories de bénéficier, sur leur demande et sous réserve de leur aptitude physique, d’un maintien en activité. Les périodes correspondantes sont prises en compte dans la constitution des droits à pension et peuvent ouvrir droit à la surcote prévue à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le maintien en activité, qui ne peut actuellement excéder l’âge de 65 ans, pourra désormais durer jusqu’à l’âge de 67 ans (article 17 du présent projet).

*

La Commission est saisie des amendements AS 125 de Mme Martine Billard et AS 353 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l’article 14.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 14 remet en cause les limites d’âge des agents classés en catégorie active de la fonction publique. Comme ceux qui le suivent, il ne comporte que des reculs sur les droits des salariés, sans la moindre proposition positive tenant compte de l’évolution de la société. Nous pensons, quant à nous, que mouvement, harmonisation et modernisation ne doivent pas toujours être synonymes de régression. Les nouveaux dangers et contraintes, que peut entraîner la modernisation, doivent être pris en compte.

Mme Marisol Touraine. Même argumentation.

M. le rapporteur. Avis défavorable à ces amendements. L’article 14 assure la symétrie du relèvement des limites d’âge.

M. le secrétaire d’État. Avis également défavorable.

La Commission rejette les amendements AS 125 et AS 353.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l’amendement AS 126 de M. Roland Muzeau.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 448 du rapporteur.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite successivement les amendements AS 127 de Mme Martine Billard, AS 128 de M. Roland Muzeau, AS 129 de Mme Martine Billard, AS 130 de M. Roland Muzeau, AS 131 de Mme Martine Billard et AS 132 de M. Roland Muzeau.

Puis, elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 449 et AS 450 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 14 ainsi modifié.

Article 15

(art. L. 5421-4 du code du travail)


Âges limites de versement des indemnités
versées aux travailleurs privés d’emploi

L’article 15 est un article de mise en cohérence du code du travail avec les nouvelles bornes d’âge de 62 et 67 ans, fixées aux articles 5, 6 et 7. Il concerne plus particulièrement l’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi.

Il existe, en effet, un certain nombre de règles communes, fixées au chapitre Ier du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail, aux différents revenus de remplacement dont peut bénéficier le travailleur en situation de chômage, qu’il s’agisse d’une allocation d’assurance ou de solidarité. L’une de ces règles concerne les bornes d’âge.

En l’état actuel de l’article L. 5421-4, les demandeurs d’emploi cessent de bénéficier de leur allocation à 60 ans, sauf s’ils ne disposent pas de la durée d’assurance nécessaire. Et, logiquement, la prestation cesse définitivement d’être versée, quand l’assuré atteint 65 ans, âge auquel il est sûr de pouvoir liquider sa pension sans décote.

Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à 62 ans et de l’âge du taux plein à 67 ans oblige à faire évoluer parallèlement les bornes retenues par le code du travail. Sans quoi, une personne pourrait voir le versement de son allocation interrompue à 65 ans, alors même qu’elle ne pourra pas encore liquider sa pension sans décote.

Le présent article propose donc :

– de modifier l’article L. 5421-4 du code du travail, afin de substituer à la référence des 60 ans celle de l’âge mentionné au nouvel article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale crée par l’article 5 du projet (c’est-à-dire 62 ans à compter de la génération 1956),

– de remplacer la référence aux 65 ans par le renvoi à l’âge prévu au 1° de l’article L.351-8 du même code, c’est-à-dire, dans sa version issue de l’article 6 du projet, l’âge fixé à l’article L. 161-17-2 majoré de 5 ans.

*

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 424, AS 423 et AS 451 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 15 ainsi modifié.

Chapitre III

Limite d’âge et de durée de services des militaires

Article 16

(art. 91 de loi n° 2005-270 du 24 mars 2005)


Relèvement de deux années des limites d’âge des militaires et des durées de services des militaires sous contrat

Selon l’article L. 4139-14 du code de la défense, « la cessation de l’état militaire intervient d’office (...) dès l’atteinte de la limite d’âge ou de la limite de durée de service pour l’admission obligatoire à la retraite ». Compte tenu de ces modalités spécifiques de cessation des fonctions, le présent article tend à augmenter de deux années les limites d’âge applicables aux fonctionnaires militaires, ainsi que les durées de services des militaires sous contrat. Les durées de services des militaires de carrière sont relevées à l’article 18 du présent projet.

Le I de l’article a pour objet de relever de deux années les limites d’âge applicables aux militaires. Sont explicitement visées, une fois la montée en charge de la réforme achevée, les différentes bornes d’âge concernées, qui s’échelonnent actuellement de 45 ans à 64 ans. L’augmentation progressive de ces différentes limites d’âge, détaillées dans un décret, se déroulera entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2015.

Les limites d’âge des militaires ont déjà été modifiées par les articles 90 et 91 de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires : le premier est désormais codifié à l’article L. 4139-16 du code de la défense ; le second, qui contenait des dispositions transitoires, est supprimé par le III du présent article. En moyenne, le nouveau statut de 2005 a progressivement reculé d’une à cinq années les limites d’âge des officiers (pour lesquels elles s’échelonnent aujourd’hui de 50 à 65 ans) et d’une à trois années les limites d’âge des sous-officiers (pour lesquels elles s’échelonnent aujourd’hui de 45 à 64 ans).

Les officiers généraux connaissent de surcroît un âge maximal de maintien en première section, situé au-delà de la limite d’âge de leur grade. Par cohérence, le dernier alinéa du I du présent article prévoit donc le relèvement de deux années des différents âges maximaux de maintien en première section, prévus à l’article L. 4139-16 du code de la défense.

Enfin, le II de l’article repousse de deux années, dans les mêmes conditions que les limites d’âge, les durées de services des militaires sous contrat. Sont ainsi portées de 15 à 17 ans et de 25 à 27 ans les durées de services respectivement applicables aux militaires commissionnés (39) et aux militaires engagés.

*

La Commission examine les amendements AS 133 de Mme Martine Billard et AS 264 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l’article 16.

Mme Martine Billard. Les militaires, qui ne seront plus aptes au service actif sur des théâtres d’opérations, ne pourront pas tous être affectés dans les services des bureaux. Pour cette raison, nous sommes favorables au maintien de leurs conditions actuelles de départ à la retraite.

M. Michel Liebgott. Je suis consterné par les propos de notre collègue Arnaud Robinet sur l’allongement de l’âge au travail jusqu’à 67 ans alors que, faute de postes disponibles, des lauréats de concours de la fonction publique territoriale ne trouvent pas de travail.

La problématique de l’allongement de la vie active des militaires pose le même type de difficultés. Le Rapporteur connaît, comme moi, les effets nocifs de la suppression de régiments entiers. Nombre de personnels civils de la défense, notamment, se retrouvent aujourd’hui sans aucune possibilité de reclassement.

La conjonction des facteurs structurels induits par la réforme et de facteurs conjoncturels, tels que la disparition ou le transfert de régiments, va aboutir à une impossibilité totale de reclasser certains personnels. Les collectivités locales sont déjà sollicitées ! Une fois de plus, l’État, qui les pousse à reprendre des personnels dont il ne veut plus, organise un transfert de ses charges à leurs dépens.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Quoique je partage l’opinion de Michel Liebgott sur les difficultés des personnels civils de la défense, cette question n’a pas sa place dans un débat sur les retraites.

M. le ministre. Les armées sauront gérer le décalage de deux ans créé par la réforme. Je rappelle que les deux tiers des militaires quittent l’armée, après six ans de services en moyenne, sans pension militaire, et rejoignent, dans leur nouveau métier, le régime général.

La Commission rejette les amendements AS 133 et AS 264.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 452 du rapporteur.

Après avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l’amendement AS 483 de la Commission des lois.

En conséquence, l’amendement rédactionnel AS 453 du rapporteur n’a plus d’objet.

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 454 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 16 ainsi modifié.

Chapitre IV

Maintien en activité au-delà de la limite d’âge

Article 17

(art. 1-3 de la loi n° 84-834 du 13  septembre 1984)


Coordination du dispositif de maintien en activité au-delà de la limite d’âge

Cet article vise à assurer la coordination entre le relèvement des limites d’âge pour les catégories actives de la fonction publique et le dispositif de maintien en activité, jusqu’à l’âge de 65 ans, introduit en 2009 à l’article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public. En conséquence de la présente réforme, les agents qui, à la suite de leur demande, bénéficieront de ce dispositif pourront se maintenir en activité jusqu’à l’âge de 67 ans.

*

La Commission est saisie de deux amendements AS 134 de M. Roland Muzeau et AS 356 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l’article 17.

Mme Jacqueline Fraysse. Si nous demandons la suppression de cet article, ce n’est pas pour des motifs idéologiques, mais pour des raisons tout à fait concrètes : c’est qu’il met en cause le dispositif de limite d’âge dans la fonction publique, alors que celui-ci est tout à fait utile pour assurer le renouvellement des personnels et l’accès des plus jeunes à l’emploi. Il est quand même dommage de contraindre certains à travailler jusqu’à 70 ans au moment où les trentenaires ne trouvent pas d’emploi.

M. le rapporteur. Défavorable.

M. le secrétaire d’État. Cet article est conforme à la logique de la retraite choisie que vous défendiez tout à l’heure.

Mme Jacqueline Fraysse. À la différence du groupe socialiste, je n’ai jamais défendu la retraite choisie !

La Commission rejette les amendements AS 134 et AS 356.

Puis, elle adopte l’article 17 sans modification.

Chapitre V

Durées de services

Article 18

Relèvement de deux années des durées de services des catégories actives
de la fonction publique et des militaires de carrière

Cet article vise à augmenter de deux années les durées minimales de services autorisant la liquidation de la pension des catégories actives de la fonction publique et des militaires de carrière.

Conformément à la démarche générale suivie dans la présente réforme, le relèvement des durées de service sera progressif : un décret prévu au II du présent article en détaillera la montée en charge, de quatre mois par année, entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2015.

Toutefois, à la différence des articles 8, 11, 14 et 16, le I du présent article procède à une énumération de différents textes législatifs qu’il vise, sans pour autant les modifier directement, la coordination étant assurée par les articles 19 et 20 du présent projet. Votre Rapporteur s’interroge d’ailleurs sur cette méthode légistique : au final, la norme inscrite dans les différents supports législatifs (code des pensions civiles et militaires de retraite, lois) sera celle applicable à compter de 2023, tandis que les dispositions transitoires seront fixées par un décret pris sur le fondement d’un autre texte législatif, c’est-à-dire la présente loi. La lisibilité de la norme sera donc assez faible… La même remarque peut d’ailleurs être faite s’agissant des articles 8 et 9.

Les textes concernés par ce relèvement sont donc :

– le 1° du I de l’article L. 24 et le 1° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui constituent le « droit commun » de la catégorie active ; la durée de services actifs conditionnant le départ à la retraite des fonctionnaires de cette catégorie, à un âge désormais porté à 57 ans, passera ainsi de 15 à 17 ans ;

– le II de l’article L. 24 du même code, relatif à la liquidation des pensions militaires ; la durée de services passerait ainsi pour les non officiers de quinze à dix-sept ans (2° du II de l’article L. 24 du code des pensions) et de vingt-cinq à vingt-sept ans pour les officiers (1° du II du même article) ;

– le 3° de l’article L. 416-1 du code des communes, relatif aux agents communaux des réseaux souterrains des égouts, dont le départ à la retraite est aujourd’hui possible à 50 ans, sous condition de dix années de services dont cinq années consécutives lors de l’admission à la retraite ; ces deux durées seront progressivement relevées de deux années ;

– le premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police, notamment conditionné par une durée de services de vingt-cinq années, désormais progressivement portée à vingt-sept années ;

– l’article 4 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, pour lesquels le départ à la retraite est possible à 50 ans, s’ils ont accompli au moins quinze ans de services actifs ; cet âge d’ouverture des droits et cette durée minimale seront relevés de deux années ;

– le troisième alinéa du II de l’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire ; sont concernés les corps du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire qui, à l’issue de la présente réforme, pourront être admis à la retraite s’ils justifient de vingt-sept années de services effectifs et s’ils se trouvent à moins de cinq ans de la limite d’âge de leur corps (soit un âge minimal de 52 ans, compte tenu d’une limite d’âge portée à 57 ans).

Enfin, le III du présent article introduit une dérogation au relèvement des durées de services au bénéfice des personnels ayant déjà effectué les durées de services minimales actuellement requises et qui, avant l’entrée en vigueur de la présente loi, ont soit quitté la fonction publique, soit intégré un corps classé en catégorie sédentaire.

Sont principalement visés les anciens instituteurs devenus professeurs des écoles qui, lors de la création de ce dernier corps en 1990, ont conservé le bénéfice du droit à la retraite à 55 ans, à la condition de comptabiliser au moins quinze années de services. Par construction, ces agents devenus fonctionnaires sédentaires ne peuvent plus aujourd’hui compléter leur durée de services pour satisfaire à une condition de durée qui serait majorée de deux années.

*

La Commission est saisie de deux amendements AS 135 de Mme Martine Billard et AS 265 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l’article 18.

Mme Martine Billard. L’amendement AS 135 est défendu.

Mme Marisol Touraine. Notre amendement également.

M. Jacques Domergue. Nous avions pour notre part proposé un amendement modifiant la durée de services ouvrant droit à pension, qui a été déclaré irrecevable en application de l’article 40. En allongeant cette durée, cet article me semble contrevenir à la logique de rapprochement entre public et privé en ne favorisant pas le passage d’un secteur à l’autre. Ainsi, une infirmière ayant commencé à travailler dans le secteur public pourrait poursuivre sa carrière dans le secteur privé voire comme infirmière libérale sans perdre son droit à pension.

M. le ministre. Si je vous comprends bien, vous soulevez la question des titulaires sans droit. L’exigence de passer au moins quinze ans dans la fonction publique pour avoir droit à une retraite pose effectivement problème et nous comptons encore travailler sur ce point.

M. Jacques Domergue. Dans ce cas, pourquoi rallonger la durée de services nécessaire, plutôt que d’en rester au statu quo ?

M. le ministre. Les titulaires sans droit n’appartiennent pas nécessairement aux catégories actives.

La Commission rejette les amendements AS 135 et AS 265.

Elle examine ensuite l’amendement AS 221 de M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Il convient de maintenir le régime spécifique des militaires non-officiers, qui leur permet de liquider leur pension dès lors qu’ils totalisent quinze années de services actifs. L’article L.14 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoyant que leur pension est minorée à raison de 1,25 % par trimestre, ils doivent à ce jour totaliser 17,5 années de service pour obtenir une pension sans décote.

Le projet de loi prévoit de porter la durée de service de quinze à dix-sept ans. Dans ce cas, les militaires non-officiers devraient totaliser 19,5 années de service pour obtenir une pension sans décote. Les jeunes d’aujourd’hui se projetant à un horizon de cinq ans maximum, les armées ont construit pour leurs militaires contractuels des parcours professionnels prenant cette durée pour référence : cinq ans de service pour le premier contrat et six pour le second, afin d’atteindre un total de onze années de service. Une fois ces deux caps franchis, un jeune poursuit sa carrière jusqu’à quinze ans de service, sachant qu’il peut bénéficier alors d’une retraite à jouissance immédiate ou du minimum garanti.

En revanche, si notre projet de loi modifie ce statut, il hésitera à franchir le cap des onze ans, pour éviter de rester dans une situation très incertaine pendant encore huit ans. Or les armées ont besoin d’un vivier de 25 000 jeunes ayant effectué entre cinq et quinze ans de service, formés et expérimentés, et ce vivier est déjà difficile à constituer dans les conditions actuelles.

Cette mesure poserait notamment des difficultés en termes de lisibilité des carrières : les armées pourront difficilement s’engager à garder un militaire non-officier pendant une période aussi longue, dans la mesure où elles ont davantage besoin de jeunes recrues que de militaires plus gradés et aguerris. Son application risquerait de fragiliser le recrutement et donc le caractère opérationnel de nos forces.

C’est pourquoi mon amendement prévoit de maintenir le régime actuel, ouvrant droit au départ après quinze ans de service, avec l’application d’une décote, et une pension sans décote à partir de 17,5 ans de service.

M. le rapporteur. Je suis partagé entre le respect du principe de la convergence entre public et privé, qui est un des éléments clés de la réforme et la prise en compte de la réalité que Étienne Pinte vient de nous décrire. Il faut cependant noter que la durée moyenne de service de ces militaires non-officiers est supérieure à vingt ans.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. L’application stricte du principe de convergence nous aurait conduits à supprimer totalement le bénéfice du minimum garanti pour ceux qui quittent l’armée sans avoir effectué une durée de service leur ouvrant droit à la retraite. Le Gouvernement a préféré adapter le dispositif du minimum garanti à la situation des militaires, en retenant la durée minimale de 19,5 ans de services, sachant que la durée moyenne d’activité des non-officiers bénéficiant d’une pension militaire de retraite dépasse les vingt ans.

M. Étienne Pinte. Je maintiens mon amendement, qui, selon le ministre de la défense lui-même, sera utile pour assurer le recrutement de 25 000 sous-officiers chaque année.

M. le secrétaire d’État. Il faut savoir que 90 % de ces 25 000 personnes ne toucheront pas de pension militaire. L’incidence de cette mesure sera donc beaucoup plus limitée que ce que le ministère de la défense semble croire.

La Commission rejette l’amendement AS 221.

Elle examine ensuite l’amendement AS 484 de la Commission des lois.

M. Émile Blessig, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Amendement de précision.

M. le rapporteur. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement AS 484.

Puis, elle adopte l’article 18 ainsi modifié.

Article 19

(art. L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite)


Coordination résultant du relèvement de deux années des durées de services

Par coordination avec l’article 18, le présent article tend à modifier les articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, afin de relever de deux années les durées de services exigées pour la liquidation des pensions des fonctionnaires civils de la catégorie active (dix-sept ans, au lieu de quinze ans) et des militaires (vingt-sept ans, au lieu de vingt-cinq ans pour les officiers ; dix-sept ans, au lieu de quinze ans pour les non officiers).

*

La Commission examine les amendements AS 136 de M. Roland Muzeau et AS 266 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l’article 19.

M. Roland Muzeau. Coordination.

M. Michel Issindou. Parce que nous voulons une armée jeune et dynamique – et apparemment nous sommes les seuls – nous refusons d’augmenter de deux ans la durée de services minimum.

M. le rapporteur. Défavorable.

La Commission rejette les amendements AS 136 et AS 266.

Puis, elle adopte l’article 19 sans modification.

Chapitre VI

Dispositions relatives à certains statuts particuliers

Article 20

(article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; articles 3 et 4 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 ; article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 ; article L. 952-10 du code de l’éducation ; article L. 416-1 du code des communes ;
article 86 de la loi n° 52-432 du 28 avril 1952 ; article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 ; article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ; article 20 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947 ; article L. 422-7 du code des communes)


Mesures de coordination relatives à certains statuts particuliers

Cet article a le double objet de réformer les différents statuts particuliers et de traiter le cas des régimes spéciaux.

1. Les statuts particuliers

Par coordination avec les articles 8, 14 et 18 du présent projet, cet article tend donc à modifier une série de dispositions législatives régissant des statuts particuliers de fonctionnaires classés dans la catégorie active.

Les statuts particuliers mentionnés aux I à IX de l’article sont, pour la plupart, ceux déjà visés à l’article 18 du projet :

– au premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police, la durée de services de vingt-cinq années est portée à vingt-sept années et les différentes limites d’âge sont repoussées de deux années ;

– aux articles 3 et 4 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, l’âge d’ouverture des droits (actuellement 50 ans), la durée minimale de services (quinze ans) et la limite d’âge (57 ans) sont relevés de deux années ;

– à l’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire, la limite d’âge et la durée minimale de services effectifs applicables aux personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire sont portées, respectivement, à 57 ans et vingt-sept années ;

– à l’article L. 952-10 du code de l’éducation, la limite d’âge des professeurs de l’enseignement supérieur, des directeurs de recherche des établissements publics à caractère scientifique et technologique et des personnels titulaires de l’enseignement supérieur assimilés aux professeurs d’université passe de 65 à 67 ans ;

– à l’article L. 416-1 du code des communes, les nouvelles conditions de départ à la retraite des agents communaux des réseaux souterrains des égouts consisteront en une ouverture des droits à 52 ans, sous condition de douze années de services, dont six années consécutives ;

– à l’article 86 de la loi n° 52-432 du 28 avril 1952 portant statut général du personnel des communes et des établissements publics communaux, l’âge d’ouverture du droit à la retraite des agents des services insalubres est porté de 50 à 52 ans ;

– à l’article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat, l’âge minimal permettant de bénéficier de l’ouverture des droits du régime public de retraite additionnel obligatoire passe de 60 à 62 ans  ;

– à l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, la limite d’âge des nouveaux corps d’infirmiers et de personnels paramédicaux de la catégorie A est portée à 67 ans ;

– à l’article 20 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947 relative à certaines dispositions d’ordre financier et à l’article L. 422-7 du code des communes, le maintien en activité des agents non titulaires des communes, des départements et de leurs établissements publics pourra durer jusqu’à l’âge de 67 ans.

Le X du présent article rappelle, de façon redondante aux yeux de votre Rapporteur, que toutes les modifications relatives aux catégories actives précitées s’appliquent à l’issue d’une montée en charge progressive, régie par les décrets prévus aux articles 8, 14 et 18 du présent projet.

2. L’application de la réforme aux régimes spéciaux

a) Une importante réforme des régimes spéciaux a été menée à bien en 2008

Les principales modifications introduites par la réforme de 2008 dans les six régimes spéciaux réformés sont analogues à celles introduites dans les régimes de la fonction publique en 2003 avec, sauf exception, un décalage de calendrier de 4 ans et demi (la réforme est entrée en vigueur au 1er juillet 2008, alors que celle de la fonction publique était entrée en vigueur le 1er janvier 2004).

Ainsi, la réforme de 2008 modifie les règles de calcul du montant des pensions :

– allongement de la durée d’assurance exigée pour le taux plein (de 37,5 ans jusqu’au 30 juin 2008 à quarante ans au 1er décembre 2012, puis quarante et un ans en 2016) ;

– instauration d’une surcote au 1er juillet 2008, passant à 5% par annuité à compter du 1er janvier 2009 ;

– instauration d’une décote à compter du 1er juillet 2010, dont le taux rejoindra progressivement celui du régime général (5 % par annuité manquante à partir du 1er juillet 2019).

Par ailleurs, les pensions sont désormais revalorisées sur les prix.

En matière de droits familiaux, les majorations de durée d’assurance ont été réformées dans un souci de conformité au droit européen :

– pour les enfants nés avant le 1er juillet 2008, la majoration de durée d’un an est ouverte aux hommes et aux femmes sous condition d’une interruption d’activité de deux mois ;

– pour les enfants nés après le 1er juillet, la majoration de durée pour les mères est ramenée à six mois par enfant, et les interruptions d’activité des pères et des mères pour élever un enfant de moins de trois ans peuvent être compensées jusqu’à douze trimestres par enfant.

La réforme laisse, en revanche, inchangés, comme pour la fonction publique :

– l’âge minimal de liquidation, variable selon les catégories (en général 50, 55 ou 60 ans) ;

– le salaire de référence, qui demeure le traitement hors primes des six derniers mois (sauf à la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) qui se basait déjà avant la réforme sur les dix meilleures années).

Pour un bilan détaillé de cette vaste réforme, votre Rapporteur vous renvoie à l’excellent rapport de notre collègue sénateur Dominique Leclerc : avis n°103 présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2010, Régimes sociaux et de retraite.

b) Le projet de loi prévoit l’application de la réforme à ces régimes à compter de 2017

L’intention du Gouvernement en ce domaine est claire : il souhaite appliquer à ces régimes spéciaux le relèvement des bornes d’âge prévu par le projet de loi, dès que la montée en charge de la réforme de 2008 sera achevée, c’est-à-dire à la fin de l’année 2017.

Ces régimes spéciaux étant, conformément à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale (40), régis par des textes de niveau réglementaire, il reviendra au Gouvernement alors en fonction de prendre les dispositions nécessaires.

C’est pourquoi le XI de l’article dispose que le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er janvier 2017, un rapport sur les mesures de relèvement des âges d’ouverture du droit à pension et des limites d’âge prises, par voie réglementaire, pour les autres régimes spéciaux de retraite.

*

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements AS 137 de Mme Martine Billard et AS 357 de Mme Marisol Touraine, tendant à la suppression de l’article 20.

Puis, après avis favorable du rapporteur, elle adopte les amendements de coordination AS 485 et AS 486 de la Commission des lois.

Elle examine ensuite l’amendement AS 13 du Gouvernement.

M. le secrétaire d’État. Il convient de modifier le code de justice administrative, afin de maintenir à 68 ans l’âge maximal de maintien en surnombre des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, comme cela est fait pour les magistrats de l’ordre judiciaire dans le cadre du projet de loi organique.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement AS 13.

Puis, après avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement de coordination AS 487 de la Commission des lois, ainsi que l’amendement rédactionnel AS 455 du rapporteur.

Puis, la Commission adopte l’article 20 ainsi modifié.

Après l’article 20

La Commission examine l’amendement AS 496 de la Commission des finances.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Cet amendement prend acte des remarques de la Cour des comptes sur la situation particulière des inspecteurs de l’académie de Paris, notamment au regard du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il s’agit de savoir comment l’État compte régulariser la situation de ces agents.

M. le rapporteur. Votre amendement est déjà satisfait.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement a pris acte de cette situation particulière, en mettant un terme à l’existence administrative des inspecteurs de l’académie de Paris. Un décret du 26 octobre 2009 prévoit, en outre, un concours sur titres pour accéder au corps des inspecteurs académiques régionaux. Par ailleurs, votre amendement n’a pas sa place dans une réforme des retraites. Pour ces raisons, je vous invite à le retirer.

L’amendement AS 496 est retiré.

Article additionnel après l’article 20

Mesures de coordination dans le code de la défense

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement de coordination AS 488 de la Commission des lois.

Après l’article 20

La Commission est saisie de l’amendement AS 276 de Mme Marisol Touraine.

M. Jean Mallot. À la différence de la réforme du Gouvernement, le projet alternatif du Parti socialiste est équilibré, parce qu’il propose des efforts partagés, notamment en mettant à contribution les revenus du capital. Le présent amendement tend ainsi à établir une taxe additionnelle de quinze points à l’impôt sur les sociétés pesant sur les établissements de crédit. Cette mesure s’inscrit dans un plan global de financement prévoyant 25 milliards d’euros de recettes nouvelles pour notre système de retraite à l’horizon 2020. Le produit de cette taxe pourrait abonder le Fonds de réserve pour les retraites à hauteur de 140 milliards d’euros, afin de lisser la bosse démographique à l’horizon 2020-2040.

M. le rapporteur. Cet amendement ne laisse pas de poser des questions : pourquoi taxer les seuls établissements de crédit ? Pourquoi affecter ces recettes nouvelles au fonds de réserve, alors que le plus urgent est de résorber les déficits des caisses ? En outre, ce type de mesures portant sur les recettes de l’État relève d’une loi de finances.

M. le ministre. Évidemment défavorable. Comment comptez-vous obtenir trois milliards de l’impôt sur les sociétés acquitté par les banques, alors que celui-ci n’a rapporté que 2 milliards d’euros en 2009 et 2,5 milliards en 2008 ?

M. Christian Paul. Avouez qu’il ne s’agit pas de très bonnes années.

M. le ministre. 2008 si !

M. Jean Mallot. Nos chiffres résultent de nos calculs, mais nous sommes prêts à les confronter aux vôtres, monsieur le ministre.

Nous sommes là au cœur du débat : alors que vous avez abandonné l’ambition de lisser la bosse démographique à l’horizon 2020 et avez fait le choix de consommer le fonds de réserve pour boucher les déficits que vous avez creusés, nous voulons, nous, reconstruire sur le long terme notre système par répartition, et préserver le fonds de réserve dans cette perspective. Je regrette que le Rapporteur ne défende plus l’objectif de lissage.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il vaut mieux concentrer la discussion des mesures de résorption du déficit dans la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale.

La Commission rejette l’amendement AS 276.

La Commission examine l’amendement AS 281 de Mme Marisol Touraine.

M. Pascal Terrasse. Si la crise n’a pas été sans incidence sur l’équilibre de nos régimes de retraite, des déficits tendanciels existaient déjà dans l’ensemble des caisses entre 2003 et 2007, c’est-à-dire avant même la crise. Comme en 2003, vous tentez de faire croire que votre réforme permet d’atteindre l’équilibre financier. Or, il n’en est rien. Il manque toujours 15 milliards d’euros à l’horizon que vous vous êtes fixé. Il faut donc impérativement trouver des recettes nouvelles. Par cet amendement, nous proposons de revenir sur la défiscalisation des plus-values de cessions de filiales, adoptée par votre majorité. Cette niche fiscale, dite « niche Copé », a fait perdre quelque 12 milliards d’euros de recettes au budget de l’État. La raboter permettrait de retrouver 12 milliards d’euros de recettes supplémentaires, qui pourraient être affectées au financement des régimes de retraite.

M. le rapporteur. D’un coût très élevé pour les entreprises, cet amendement nuirait gravement à l’attractivité de notre pays. Par ailleurs, affectant une recette nouvelle au budget général de l’État, il serait mieux à sa place dans un projet de loi de finances. Avis défavorable donc.

M. le ministre. À combien évaluez-vous la recette escomptée ?

M. Pascal Terrasse. 12 milliards d’euros. La Cour des comptes elle-même a formulé des observations sur le coût de ce dispositif. Quant à l’argument de l’attractivité de notre pays, il me paraît de peu de poids. D’ailleurs, le nombre d’entreprises délocalisant leur siège fiscal au Luxembourg, en Belgique ou ailleurs, n’a pas diminué du tout.

M. le ministre. Je ne suis pas du tout favorable à cet amendement. Les sommes que vous escomptez récupérer sont totalement virtuelles. L’assiette de cet impôt ne ferait que s’évaporer. En effet, presque aucun autre pays européen ne fiscalise à tel niveau les plus-values de cessions de titres de participations. Je comprends que vous rêviez de récupérer ainsi, d’un coup de baguette magique, plus de 10 milliards d’euros, mais dans la réalité, il n’en serait rien.

M. Pierre-Alain Muet. Les niches fiscales existant pour l’impôt sur les sociétés aboutissent à ce paradoxe que le taux de taxation des petites entreprises avoisine 30 % – pour un taux théorique de 33,3 % – quand celui des plus grandes ne dépasse pas 13 %. L’une des raisons de cette inégalité tient à cette « niche Copé ». Nous proposons seulement de rétablir une certaine équité, non pas en supprimant cette niche, mais en relevant de 5 % à 50 % la quote-part prise en compte pour la détermination du résultat imposable dans le cas des plus-values de cessions.

M. le ministre. Ce n’est pas le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Je me permets, par ailleurs, de vous faire remarquer que cette « niche Copé » s’inspire d’un rapport de l’un de vos anciens collègues, M. Michel Charzat. Je le redis, sa suppression ne rapporterait pas un euro de plus pour les retraites, tout simplement parce que les entreprises délocaliseront leurs titres de participation.

La Commission rejette l’amendement AS 281.

Puis, après avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS 282 de Mme Marisol Touraine.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 278 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. Cet amendement porterait de 1,5 % à 2,25 % le taux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, que le Gouvernement a substituée à la taxe professionnelle, et rapporterait quelque 7 milliards d’euros. Il ne nous paraîtrait pas anormal que les entreprises participent, comme tout le monde dirais-je, à l’effort nécessaire pour sauver nos régimes de retraite, d’autant que la part patronale des cotisations retraite n’a pas été augmentée depuis des années. On ne cesse d’alléger les prélèvements sur les entreprises au nom de la sacro-sainte compétitivité, avec d’ailleurs de piètres résultats. La mesure que nous proposons, qui permettrait seulement de retrouver les recettes perdues du fait de la suppression de la taxe professionnelle, ne toucherait pas les petites entreprises, tout en mettant à contribution celles qui le peuvent. Ce serait un beau geste citoyen de leur part.

M. le rapporteur. Comme les précédents, cet amendement aurait mieux sa place en première partie d’un projet de loi de finances. Il grèverait, lui aussi, la compétitivité de nos entreprises. Enfin, monsieur Issindou, vous dites que la recette serait affectée à la branche vieillesse. Il n’en est pas moins écrit dans l’amendement que cette nouvelle taxe serait établie « au profit du budget de l’État ». Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

M. le ministre. Cet amendement est cohérent dans votre logique. À nos yeux, c’est augmenter de manière massive et insupportable les prélèvements obligatoires.

Nos propositions nous paraissent raisonnables et supportables pour un pays sortant tout juste de la crise. La potion très amère que vous préconisez au contraire entraverait la reprise et nuirait à la création de richesses.

M. Alain Vidalies. M. Juppé disait la même chose en 1997 !

M. le ministre. Peut-être obtiendriez-vous quelques recettes supplémentaires au tout début, puis très vite elles s’amoindriraient. Au final, vos propositions seraient même contre-productives pour les régimes de retraite. Je comprends bien, et c’est toute votre logique, que vous comptez ainsi pouvoir vous dispenser de mesures d’âge. Ce n’est pas notre approche. Je me permets d’ailleurs de vous faire remarquer qu’il y a beaucoup d’autres déficits à combler dans notre pays, comme celui de l’assurance maladie. Il paraît logique en matière de retraites de recourir aux mesures d’âge. L’impôt sur les sociétés rapporte bon an mal an, hors période de crise, 50 milliards d’euros par an. Avez-vous conscience de ce que représentent les 37 milliards d’euros que vous recherchez ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Il n’y a pas de miracle à attendre des entreprises, si on ne veut pas grever leur compétitivité. Tous nos voisins sont extrêmement attentifs à cet aspect. Taxer davantage les entreprises desservirait vraiment l’emploi.

M. Pierre-Alain Muet. Vous dites souvent, monsieur le ministre, que les déficits des régimes de retraite ont vingt ans d’avance. Ce n’est pas vrai. Rien n’a changé dans les prévisions démographiques depuis les dernières prévisions du COR. Pourquoi 30 milliards d’euros de déficit dès 2011 ? Tout simplement parce que l’emploi a diminué et que la masse salariale n’a pas augmenté comme prévu. Ce n’est pas par des mesures démographiques qu’on résoudra ce problème conjoncturel.

M. Dominique Tian. Et en 2050 ?

M. Pierre-Alain Muet. À cet horizon-là, se posent, en effet, des problèmes démographiques. Et l’une des façons d’y répondre est l’allongement de la durée de cotisation prévu dans la loi de 2003. Mais, ce n’est pas une réponse d’ici à 2018. Ce qu’il faut d’ici là, c’est agir sur l’emploi et trouver des recettes nouvelles, toutes choses que ne fait pas le Gouvernement. Si on alignait simplement la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, et tel est l’objet de l’essentiel de nos amendements, on trouverait largement les ressources fiscales nécessaires. Repousser l’âge légal de départ en retraite de 60 à 62 ans n’est pas une mesure d’âge, mais en réalité un impôt supplémentaire. Des salariés qui auraient pu partir en retraite vont devoir payer des cotisations pour rien.

Profondément injuste, votre réforme ne garantit de surcroît pas l’équilibre financier. Sur les 30 milliards de déficit en 2011, vous n’en résorbez que 5. Pour les 42 milliards de déficit en 2018, vous faites une impasse de 15 milliards et à l’horizon 2050, ce n’est pas moins de la moitié du déficit qui n’est pas financée.

Tous nos amendements, en revanche, visent, d’une part, à combler le déficit des régimes de retraite à l’euro près, d’autre part à rétablir l’équité fiscale entre revenus du capital et revenus du travail.

M. le ministre. Votre projet ne finance rien du tout à l’euro près. Je l’ai déjà dit, tous les montants que vous avancez sont des plus virtuels. Il est évident que les recettes repartiront à la hausse avec la reprise de la croissance, mais cela prend du temps, et il faut en tenir compte. Les propositions du Gouvernement apportent le financement nécessaire à l’horizon 2018, contrairement à ce que vous affirmez. Pour le reste, s’agissant des 15 milliards d’euros concernant les régimes de la fonction publique, c’est en son sein qu’il serait logique de les chercher. Et là, je vous souhaite bon courage…

M. Jean-Luc Préel. La retraite par répartition, à laquelle nous sommes tous attachés, repose sur la solidarité entre les générations, les cotisations des actifs servant à financer les pensions des retraités. Faire financer les retraites par l’impôt, c’est en finir avec la répartition et étatiser les régimes de retraite. Nos collègues socialistes devraient être cohérents, qui prétendent défendre la répartition. Certaines mesures relèvent certes d’un financement par la solidarité nationale, mais on est très loin des montants qu’ils annoncent.

M. Alain Vidalies. Il faut, en effet, être cohérent. Et le Gouvernement ne l’est pas, disant tantôt que le problème résulte de la crise, tantôt qu’il est imputable aux évolutions démographiques. Les déficits actuels sont bel et bien le résultat de la crise, et nous, nous ne voulons pas en présenter la facture à ses victimes. C’est cela aussi qui différencie votre projet du nôtre. L’important derrière tout cela, c’est la politique économique. Vos arguments aujourd’hui me rappellent singulièrement ceux que vous nous opposiez lors de la campagne électorale de 1997 au sujet des 35 heures ou de la couverture maladie universelle. Et pourtant, force est de constater que la seule période où ne s’est pas posée la question du financement des comptes sociaux, c’est bien entre 1997 et 2002. Certes, la croissance y a aidé, mais nous sommes convaincus qu’aujourd’hui, une autre politique macro-économique que la vôtre donnerait d’autres résultats et permettrait de mieux équilibrer les comptes sociaux.

M. le président Pierre Méhaignerie. J’aurais aimé que le ministre allemand des finances, qui se trouvait en France aujourd’hui, entende vos propositions ! Ignorez-vous tout ce qu’a fait l’Allemagne, y compris lorsque M. Schröder était chancelier, pour relever le défi de la compétitivité mondiale et dont les résultats se traduisent, aujourd’hui, notamment en matière d’emploi et d’exportations ? Vos propositions, chers collègues, éloigneraient à jamais notre économie de toute compétitivité.

Quand aux 35 heures, j’avais en son temps soutenu la proposition de M. de Robien de les instituer au profit de ceux qui exerçaient des métiers pénibles, mais les généraliser comme vous l’avez fait à l’ensemble du secteur public et de la fonction publique, nous a fait perdre des milliards d’euros qui auraient été aujourd’hui des plus utiles.

Vos propositions, si elles devaient être mises en œuvre, se heurteraient irrémédiablement à la réalité comme les mesures des années 1982-1983, période où le pouvoir d’achat des salariés et la part du travail dans la valeur ajoutée ont diminué.

M. Pierre-Alain Muet. Vous ne rappelez jamais que la compétitivité de la France s’est améliorée entre 1997 et 2002 et que les excédents commerciaux représentaient alors entre 20 et 30 milliards d’euros par an. Le déficit extérieur n’a commencé de se creuser qu’en 2003 et c’est depuis lors que l’écart entre l’Allemagne et la France n’a cessé de croître. Tous les chiffres contredisent vos affirmations.

Vous ne rappelez non plus jamais que l’Allemagne avait, elle, ramené ses déficits à zéro en 2008, à la veille de la crise, ce qui lui a permis, bien que la crise l’ait affectée plus fortement que la France, son PIB se rétractant de 5 % contre 2,5 % pour le nôtre, de contenir en 2009 son déficit total à 3 % de son PIB. Nous n’avons cessé de vous dire à l’époque qu’il fallait profiter des périodes de croissance pour réduire les déficits, afin d’être mieux armés en cas de crise. Si les finances de notre pays sont dans l’état où elles sont aujourd’hui, vous en portez la responsabilité.

M. le ministre. Profiter des périodes de croissance est précisément ce que vous n’avez pas fait de 1997 à 2002.

La Commission rejette l’amendement AS 278.

Elle examine ensuite l’amendement AS 376 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Nous avons quelques doutes sur le financement global de la réforme du Gouvernement. En effet, le COR a montré qu’un report de l’âge de départ à 63 ans et un allongement de la durée de cotisation à 43,5 ans ne permettraient de financer que 36 % des besoins. Or, le Gouvernement se limite à 62 ans pour l’âge de départ et ne va pas au-delà de 41,5 ou quarante-deux ans pour la durée de cotisation. Nous proposons donc d’augmenter de 1 % la CSG, impôt à base très large et donc juste. Il n’est certes jamais agréable d’augmenter un prélèvement obligatoire mais c’est acceptable lorsqu’il s’agit de sauver nos régimes de retraite. Les 11 milliards d’euros supplémentaires ainsi trouvés serviraient aussi à financer des mesures améliorant la situation des polypensionnés, des veuves, des bénéficiaires d’une pension de réversion, des parents qui ont, à un moment de leur vie, dû cesser de travailler pour élever un enfant handicapé, toutes mesures qui nous paraissent relever d’un financement par la solidarité nationale.

M. le rapporteur. Relatif aux recettes de la sécurité sociale, cet amendement devrait être présenté dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ensuite, sur le fond, il est vrai qu’il faut trouver des ressources complétant les mesures d’âge et de convergence public-privé. Mais le projet du Gouvernement, qui met notamment à contribution les hauts revenus, nous paraît préférable. Une augmentation de la CSG concernerait tous les ménages.

M. le ministre. Augmenter la CSG ne nous paraît pas, en effet, une bonne idée. J’observe, par ailleurs, que l’exposé des motifs de l’amendement indique que la mesure servirait à financer l’alignement des régimes de retraite des fonctionnaires sur ceux des salariés du privé.

M. Jean-Luc Préel. Notamment.

M. le ministre. Concernant la fonction publique, les 15 milliards d’euros nécessaires doivent être trouvés en son sein. Il n’y a aucune raison de faire payer les salariés du privé.

M. Jean-Luc Préel. Il ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre, que nous sommes favorables à un régime unique et universel.

M. Pascal Terrasse. La réforme proposée n’en est pas une, car une grande part de l’équilibre tient, en réalité, à un report des déficits portés aux comptes de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Or, celle-ci devra disposer de ressources satisfaisantes pour équilibrer ses comptes, et le seul report de deux ou trois ans ne suffira pas. Par conséquent, le débat sur l’assiette de la CSG et de la CRDS devra être posé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur Préel, selon les organisations syndicales, les ressources à affecter aux retraites doivent d’abord s’appuyer sur les revenus du travail, et tout ce qui doit relever de la fiscalisation doit aller, comme le Parti socialiste le propose, vers les avantages dits non contributifs. Il faut donc trouver l’équilibre entre ce qui relève des avantages non contributifs, d’un côté, et de la relation forte entre travail et cotisations, de l’autre.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous ne sommes pas d’accord avec vous et considérons que le relèvement de 0,1 point de cotisations sociales patronales et salariales serait le meilleur moyen d’équilibrer les comptes des régimes de retraite.

La Commission rejette l’amendement AS 376.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS 200 de M. Roland Muzeau et AS 287 de Mme Marisol Touraine.

Mme Jacqueline Fraysse. Notre amendement décline le contenu de notre proposition de loi visant à garantir le financement du droit à la retraite à 60 ans. Des moyens sont mobilisables, mais il y faut une volonté politique et un choix de société : la divergence fondamentale entre nous est là. Le débat de fond porte sur les richesses produites, la façon dont elles sont réparties et utilisées au service de l’intérêt général ou d’intérêts privés. Or, les questions de financement ne sont pas traitées dans le projet de loi.

La main sur le cœur, vous nous dites qu’il n’y a plus d’argent, et que s’impose à nous l’obligation d’allonger la durée du travail, de retarder l’âge légal d’accès à la retraite, d’allonger la durée de cotisation. Mais, dans le même temps, par le biais du bouclier fiscal, vous remboursez des millions d’euros à des gens fortunés ou ayant de gros revenus. C’est pour nous une attitude incohérente et profondément injuste.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer le dispositif du bouclier fiscal, car l’intérêt général exige que les sommes colossales versées à des gens qui n’en ont pas besoin soient utilisées pour les retraites.

M. Christian Paul. Notre vision de « l’espace du sacrifice », expression souvent employée par M. François Fillon lors de la réforme de 2003, est différente de celle du Gouvernement et de la majorité. Nous pensons que, au moins pour la moitié de l’effort à accomplir, il faut faire appel aux revenus du capital, à l’imposition des très hauts revenus, notamment des rémunérations excessives qui ont fait exploser les inégalités dans les entreprises françaises – je pense aux stock-options et aux parachutes dorés –, à l’impôt sur les profits des banques, mais aussi, et c’est l’objet de notre amendement, mettre fin à un certain nombre de privilèges fiscaux, dont le bouclier fiscal.

En 2006, monsieur le ministre, les bénéfices du secteur bancaire français étaient évalués à 28 milliards d’euros. En 2008, ils étaient de 3 milliards pour la BNP, de 2 milliards pour la Société générale…

M. le ministre. Vous parlez de bénéfice mondial, monsieur le député, et non des bénéfices en France. On ne peut pas taxer au titre de l’impôt sur les sociétés l’ensemble du bénéfice mondial de la BNP !

M. Christian Paul. L’amendement ne vise pas à la création d’un impôt nouveau, mais tout simplement à l’abolition d’un privilège fiscal. Un certain nombre de contribuables français ont bénéficié du bouclier fiscal, dont Mme Bettencourt, à qui ont été reversés 100 millions d’euros au total, et la liste des 400 contribuables français les plus fortunés devrait vous inciter à redonner de l’oxygène au système de retraite.

Monsieur Préel, selon vous, faire appel à l’impôt revient à étatiser. Or, nous ne sommes plus en 1945, dans un pays essentiellement fondé sur une économie industrielle, où nos prédécesseurs avaient assis le système de retraite presque exclusivement sur les revenus du travail, notamment du secteur industriel. Aujourd’hui, l’économie mondiale voit la création de richesses dans le système financier, notamment bancaire, assortie d’enrichissements excessifs sur lesquels doit porter l’espace du sacrifice.

Ainsi, selon nous, la moitié du problème peut être traité par la fiscalisation. C’est pourquoi notre amendement défend l’abrogation du bouclier fiscal,...

M. Dominique Dord. Il ne pèse que 500 millions d’euros !

M. Christian Paul. ...en réponse à votre abrogation de la retraite à 60 ans.

M. le rapporteur. Relatifs aux recettes de l’État et de la sécurité sociale, ces amendements devraient figurer dans une loi de finances. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis également défavorable.

M. le président Pierre Méhaignerie. Les 7 milliards supplémentaires que notre pays a affectés aux prestations sociales en 2009 ont été totalement occultés par les 500 millions du bouclier fiscal…

La Commission rejette les amendements AS 200 et AS 287.

Elle est saisie de l’amendement AS 279 de Mme Marisol Touraine.

M. Jean Mallot. À chaque prise de parole de notre groupe, les conseillers du ministre ricanent ! Je n’ai jamais vu cela ! Merci de revenir à un comportement plus traditionnel et respectueux du Parlement.

Le Parti socialiste propose un plan global de financement à hauteur de 25 milliards d’euros de recettes nouvelles à l’horizon 2020-2025. L’amendement vise à appliquer la CSG sur les revenus issus des plus-values immobilières, actuellement exonérés, tout en maintenant son exonération sur les livrets d’épargne et les plus-values sur la résidence principale. Il est ainsi proposé de réintégrer dans l’assiette de la CSG la totalité des revenus des plus-values de long terme, sans prise en compte de l’abattement de 10 % au titre de l’impôt sur le revenu par année de détention.

En proposant une ressource supplémentaire et une forme d’égalité dans le traitement des différentes sources de revenus, cet amendement est cohérent avec la recherche de ressources nouvelles, la philosophie du financement de la protection sociale rappelée par Jean-Luc Préel, et la démarche qui est la nôtre.

M. le rapporteur. Un tel amendement a sa place dans une loi de finances.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 279.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je voudrais demander à Gaëtan Gorce qui a twitté que je présidais en bretelles, si je pourrai continuer à le faire ce soir. Ce sont mes racines rurales qui reviennent de temps en temps.

M. Gaëtan Gorce. Il me semblait que c’était une information intéressante à l’heure où vous demandez aux Français de se serrer la ceinture.

Elle est d’abord saisie de l’amendement AS 280 de M. Marisol Touraine.

M. Jean Mallot. Les amendements que nous proposons après l’article 20 reprennent les dispositions contenues dans notre contre-projet, qui diffère du vôtre sur le partage de la charge entre les mesures démographiques et les mesures de financement, en proposant des ressources nouvelles d’un montant total de 25 milliards d’euros à l’horizon 2020.

Le présent amendement vise à appliquer la CSG sur les revenus fonciers issus de l’investissement locatif actuellement exonérés, tout en maintenant son exonération sur les livrets d’épargne et les plus-values sur la résidence principale.

Il est ainsi proposé de réintégrer dans l’assiette de la CSG la totalité des revenus concernés, y compris ceux bénéficiant par ailleurs d’un abattement de 30 % des revenus bruts au titre de l’impôt sur le revenu.

M. le rapporteur. Même avis que pour les amendements précédents de même teneur. Portant sur les recettes de la sécurité sociale, cet amendement devrait donc en principe figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale. En outre, la dissociation des assiettes fiscale et sociale n’est pas de bonne pratique.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 280.

Elle examine ensuite l’amendement AS 290 de M. Marisol Touraine.

M. Jean Mallot. Comme je viens de l’indiquer, l’exigence de justice sociale et l’impératif de responsabilité financière que nous prônons imposent de rechercher de nouvelles sources de financement, en mettant aussi à contribution les revenus du capital. Il n’est pas acceptable qu’ils soient exonérés de l’effort de solidarité nationale. En particulier, il n’y a aucune raison que les propriétaires de chevaux le soient.

Aujourd’hui, la plus-value brute réalisée lors de la cession d’un cheval de course ou de sport est réduite d’un abattement supplémentaire de 15 % par année de détention entre la date d’acquisition du cheval et la fin de sa septième année, cet abattement conduisant à minorer l’assiette de la CSG comme celle de l’impôt sur le revenu.

Il convient donc d’y mettre fin, en intégrant ces revenus dans l’assiette de la CSG et dans le calcul du revenu pouvant bénéficier du bouclier fiscal. C’est un des moyens que nous proposons pour « sauter l’obstacle » des difficultés démographiques, qui sont, en fait, vous l’avez, vous-même, démontré, monsieur le ministre, des difficultés financières résultant de la politique que vous menez depuis 2007, puisque vous avez laissé filer les déficits.

Sans vouloir faire des rapprochements hâtifs comme nous pouvons en trouver dans la presse, un certain nombre de personnes propriétaires de chevaux peuvent également être concernées par le bouclier fiscal. C’est pourquoi nous considérons que la disposition que nous proposons est une mesure de justice à la fois sociale et fiscale.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 290.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 288 de M. Marisol Touraine et AS 196 de M. Roland Muzeau.

M. Michel Issindou. L’amendement AS 288 vise à supprimer l’exonération de CSG et de cotisations sociales prévue pour les contributions des employeurs au financement des régimes de retraite chapeau relevant de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale et à remettre ainsi ces dispositifs dans le droit commun.

Les sommes que l’on peut espérer retirer de cette mesure ne sont pas considérables mais elles sont symboliques, compte tenu de la grande disparité qui existe entre certaines retraites chapeaux et le minimum vieillesse dont nous parlions tout à l’heure. Le minimum de solidarité que l’on puisse demander aux personnes qui en bénéficient est de contribuer à sauver les retraites. Cela les honorerait et peut-être même en seraient-elles ravies.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Portant sur les recettes de la sécurité sociale, cet amendement devrait donc en principe figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale.

J’appelle l’attention du Gouvernement sur le fait qu’il existe deux types de retraites chapeaux : celles octroyées par les conseils d’administration et celles dont bénéficient, en particulier, les ouvriers, les employés, techniciens et agents de maîtrise et certains cadres de la sidérurgie, qui ont peur que l’on confonde les deux.

Mme Martine Billard. Les retraites ne doivent pas être du même montant !

L’amendement AS 196 vise à relever les différents taux de la contribution sur les régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestations à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise, ainsi des fameuses retraites chapeaux, et à soumettre ces contributions à la CSG et la CRDS.

Cette disposition fait partie de la proposition de loi de financement des retraites que nous avons déposée. Il est, en effet, un peu bizarre qu’il nous soit répondu, quand nous proposons de nouvelles recettes, qu’elles ne peuvent figurer que dans une loi de financement de la sécurité sociale. Nous ne pouvons, aux termes de la Constitution, proposer des mesures ayant pour conséquence d’augmenter ou de créer une nouvelle dépense. Vous nous interdisez également de discuter des recettes lors de l’examen d’un projet de loi global. Cela restreint beaucoup le débat. Or, le problème principal des retraites est leur financement.

Je donne deux exemples.

À 64 ans, M. Owen-Jones, PDG de L’Oréal de 1988 à 2006, a reçu, en 2009, 2 millions d’euros de salaire annuel comme président non exécutif du groupe, ce qui est déjà beaucoup – au groupe GDR, nous sommes favorables à la fixation d’un revenu maximum car, au-delà d’un certain seuil, il ne sert à rien sinon à gaspiller –, mais, ce salaire s’est ajouté, grâce à la loi permettant le cumul emploi-retraite voulue par l’UMP, aux 3,3 millions d’euros de retraite qu’il touche chaque année. Nous pensons qu’une partie de cette somme peut revenir à la solidarité, d’autant que, contrairement à ce qui nous est généralement reproché, cela ne porterait pas atteinte à l’investissement, lequel a peu augmenté, à l’inverse des revenus du capital. Si encore tous ces dividendes servaient à l’investissement, à la modernisation de notre pays et à la réalisation de projets bénéfiques à notre planète, notamment dans les pays du Sud. Mais, il n’en est rien. Ils nourrissent le gaspillage et la spéculation. C’est la raison pour laquelle nous proposons de les taxer.

Second exemple : La pension annuelle moyenne des trente plus hauts dirigeants d’entreprises françaises s’élève à 720 000 euros. Or, la rente d’un PDG est en général calculée sur la base de ses trois meilleures années alors que, dans le secteur privé, les salariés sont soumis à la règle des vingt-cinq meilleures années. J’attends des députés de l’UMP, qui parlent souvent d’équité, qu’ils proposent un amendement tendant à aligner le calcul des pensions de retraites des PDG du CAC 40 sur celui des pensions des salariés.

M. le rapporteur. Portant sur les recettes de la sécurité sociale, cet amendement devrait donc, en principe, figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale.

Sur le fond, la dernière loi de financement a déjà doublé la contribution patronale sur les retraites chapeaux.

Avis défavorable.

M. Michel Issindou. C’est toujours remis à plus tard. Nous allons avoir du travail au mois d’octobre !

M. le ministre. Je tiens à rappeler que c’est notre gouvernement qui a créé une contribution sociale sur les retraites chapeaux. Donc, il est faux de dire qu’il n’y a pas de fiscalité.

Comme vient de l’indiquer le Rapporteur, nous avons doublé, lors de la dernière loi de financement, la contribution patronale sur les retraites chapeaux, faisant passer les trois taux de 6 %, 8 % et 12 %, respectivement à 12 %, 16 % et 24 %.

En outre, dans la version financière du projet de loi portant réforme des retraites, qui sera présentée au moment de l’examen du projet de loi de finances et de celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il est prévu de créer une contribution salariale au taux de 14 %, qui s’ajoutera à l’impôt sur le revenu et aux 8,1 % de prélèvements sociaux déjà applicables.

Nous faisons ce que nous devons. Donc, avis défavorable.

M. Roland Muzeau. Il ne faut pas raconter d’histoire : de nombreuses tentatives de taxation issues des groupes de gauche comme du Nouveau Centre – et même d’Yves Bur, qui a dû maintes fois manger son chapeau – se sont soldées par un échec.

Mais les faits sont têtus. Les dispositifs, dont nous demandons la taxation, sont scandaleusement inégalitaires. La Cour des comptes a, à plusieurs reprises, dénoncé l’utilisation abusive qui était ainsi faite de l’argent public : ce sont des cadeaux sans efficacité ni économique, ni sociale, ayant conduit aux déficits gigantesques auxquels nous devons faire face aujourd’hui.

La Commission rejette successivement les amendements AS 288 et AS 196.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 195 de Mme Martine Billard, et AS 285 et AS 286 de Mme Marisol Touraine.

Mme Martine Billard. Il me semble important de rappeler que, si vous avez taxé les stock-options, monsieur le ministre, c’est parce qu’un rapport de la Cour des comptes a montré que, s’ils avaient été soumis aux mêmes cotisations que les revenus du travail, cela aurait rapporté plus de 3 milliards d’euros à la sécurité sociale. Le mouvement d’opinion qui s’en est suivi vous a alors conduit à créer une petite cotisation, qu’Yves Bur a essayé d’augmenter, mais sans succès.

Les stock-options étant normalement liées à une activité de travail, nous demandons, par l’amendement AS 195, d’aligner les taux de cotisation auxquels ils sont soumis sur ceux du travail.

M. Christian Hutin. Comme tout le monde l’a compris, les amendements que nous présentons mettent en exergue les différences idéologiques qui existent entre nous. M. le président ne s’y est pas trompé, puisqu’il intervient régulièrement par des remarques brillantes sur Zola, l’Allemagne ou encore le couvreur sur le toit.

Les amendements AS 285 et AS 286 pourraient, dans ce contexte, s’intituler « Le violon sur le toit », avec pour refrain « Ah, si j’étais riche ! ».

Au risque de vous paraître archaïque, je ferai quelques rappels historiques qui montrent que les arguments qui nous sont opposés sont les mêmes depuis 200 ans.

Au XIXe siècle, l’entrée des syndicats dans les entreprises allait sonner la fin de ces dernières. En 1936, il paraissait complètement impossible de payer des ouvriers à ne rien faire – cela figure dans les comptes rendus des commissions de l’Assemblée nationale. En 1981, l’octroi d’une cinquième semaine de congé pays allait tuer les entreprises.

Tout cela est de la vieille histoire, me direz-vous. Pas du tout. Il y a encore quelques semaines, un syndicat patronal a marqué sur un gros médaillon : « Non aux syndicats ! », et un député de la majorité a proposé une deuxième journée de solidarité…

En matière de solidarité, nous proposons, quant à nous, le relèvement à 20 % – contre 10 % actuellement – de la contribution patronale sur les stock-options et sur les attributions d’actions gratuites.

L’amendement AS 285 tend à taxer les entreprises. Mais, pour contrer la critique que vous ne manquerez pas de nous faire en nous rétorquant que le fait de faire payer les entreprises poussera ces dernières à quitter le pays, l’amendement AS 286 vise à taxer les individus. Quand l’excellence est invoquée au sujet de professeurs de faculté pour leur permettre de continuer à travailler jusqu’à 67 ou 70 ans, je suis d’accord. Mais, quand on évalue la valeur d’individus jusqu’à des dizaines de millions d’euros, je trouve cela excessif et indécent, par rapport aux 600 euros de minimum vieillesse touchés par certains retraités, qui ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous enverrai, monsieur Hutin, les meilleures pages d’un document que je suis en train de réaliser qui pourrait s’intituler « Les ouvriers ont été les grands perdants des deux septennats de Mitterrand » ! C’est une étude scientifique, basée sur des faits.

M. le rapporteur. Portant sur les recettes de la sécurité sociale, ces trois amendements devraient donc en principe figurer dans une loi de financement de sécurité sociale. Comme vous le savez, c’est dans un tel cadre qu’Yves Bur, ici présent, nous parle chaque année des stock-options.

Le Gouvernement a annoncé qu’il proposera à l’automne, dans un cadre plus approprié, d’une part, de porter le taux de la contribution salariale de 2,5 % à 8 % et, d’autre part, de faire passer le taux de la contribution patronale de 10 % à 14 %.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable sur les trois amendements.

M. le ministre. La question des stock-options est débattue régulièrement depuis trois ans lors de l’examen des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

Les mesures que nous proposons d’introduire ne sont pas très éloignées de celles du groupe socialiste, puisque nous envisageons de porter la contribution payée par le bénéficiaire de stock-options de 2,5 % à 8 % – vous proposez 10 % – et la contribution patronale de 10 % à 14 % – contre 20 % pour vous. Nous allons un peu moins loin que vous, mais nous sommes sur le même chemin.

Ces augmentations sont importantes par rapport à celles intervenues pendant les trois dernières années, qui étaient déjà importantes. Pour les salariés, les stock-options sont taxées à peu près comme les salaires puisque, si on ajoute les contributions sociales, on arrive à un taux supérieur à 20 %.

M. Yves Bur. Ce qui fait la différence entre la majorité et l’opposition, c’est que nous essayons, nous, par nos propositions, de maintenir la recette tandis que, par les vôtres, mesdames, messieurs de l’opposition, vous la tuez. Laisser croire aux Français que, sur les 2 milliards d’euros de stock-options et les 700 millions de bonus, vous allez prélever 2 milliards d’euros et que cette recette est destinée à durer, c’est vraiment vendre du rêve. Vous faites miroiter des recettes virtuelles.

Le niveau de taxation que j’avais proposé était compatible avec ce qui se passe en Europe et dans le monde. Il ne sert à rien de vouloir taxer à l’excès. Il faut que les personnes qui perçoivent des stock-options et des attributions gratuites restent en France. Là est le problème.

Pour notre part, nous faisons des propositions permettant d’assurer des recettes pérennes. La taxation des stock-options, que nous avions proposée, devait rapporter quelque 220 millions d’euros. Ce n’est pas rien.

N’oubliez pas, monsieur Muzeau, la CRDS, la CSG et la taxation des plus-values.

M. Roland Muzeau. Qui, elles-mêmes, échappent au bouclier fiscal !

M. Pierre-Alain Muet. La différence entre nous me semble porter sur l’augmentation des taux de contribution.

Alors que les stock-options ont été créées pour financer l’innovation, elles ont été dévoyées de leur but initial et ont, depuis le début, été utilisées pour verser une rente à des chefs d’entreprise, laquelle rente est la plupart du temps déconnectée des résultats de l’entreprise. Devenues une rémunération comme une autre, les stock-options doivent donc être soumises aux mêmes cotisations qu’une rémunération.

Mais pourquoi vous limiter à un taux de 14 % ? La justice fiscale exigerait que vous taxiez les stock-options et les actions gratuites à la même hauteur que les revenus du travail !

M. le ministre. Ces rémunérations correspondent à un risque et n’ouvrent aucun droit social. La valorisation que vous attendez de cette mesure est contestable, tout comme l’ensemble des chiffres, irréalistes, de votre plan de financement.

La Commission rejette successivement les amendements AS 195, AS 285 et AS 286.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 197 de Mme Martine Billard.

M. Roland Muzeau. Cet amendement, inspiré de l’article 9 de notre proposition de loi, a pour objet d’instaurer une nouvelle contribution sur l’ensemble des éléments de rémunération, indemnités et avantages visés aux articles
L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code du commerce, soit les contrats instaurant des rémunérations différées au bénéfice des mandataires des sociétés cotées, lesquels sont soumis, depuis la loi du 26 juillet 2005, au régime des conventions réglementées. Nous proposons de fixer le taux de cette contribution à 40 %.

Soyez assurés que nous présenterons tous nos amendements relatifs au financement lors de l’examen des projets de loi de finances et de financement. Mais, il nous paraît logique d’aborder dès aujourd’hui la question des retraites dans sa globalité, et pas uniquement sous l’angle de la démographie ou de la conjoncture. Nous faisons preuve de responsabilité et de cohérence en nous préoccupant du financement de droits dont nous exigeons le maintien. Entendez nos propositions et cessez de nous renvoyer toujours à plus tard.

M. le rapporteur. Et pourtant, je maintiens que cet amendement devrait figurer dans un projet de loi de financement. L’article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a déjà prévu l’assujettissement, dès le premier euro, des parachutes dorés dont le montant est supérieur à 500 000 euros.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Roland Muzeau. Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, vous avez osé, avec l’amendement Copé, fiscaliser les indemnités journalières versées pour les accidents du travail. Les recettes que vous en escomptez – 180 millions d’euros – sont bien en dessous du coût des nombreux cadeaux fiscaux et sociaux faits par votre majorité : un sale coup pour l’égalité et pour l’équité !

La Commission rejette l’amendement AS 197.

Elle examine ensuite l’amendement AS 283 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Il nous faut prendre le temps d’expliquer des amendements qui se trouvent au cœur de notre projet et marquent une différence avec celui du Gouvernement. Il est quelque peu ubuesque de n’inclure dans un projet de réforme des retraites aucune mesure de financement, en renvoyant systématiquement cette partie à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ! Comment allez-vous expliquer aux Français que votre plan est équilibré et qu’il ne repose pas uniquement sur des mesures d’âge ?

M. le rapporteur. Les trois quarts du financement sont assurés par les mesures d’âge.

Mme Marisol Touraine. Accordez-vous avec le ministre, qui a dit qu’elles n’en représentaient que la moitié !

À défaut de mesures de financement, nous avons demandé, en vain pour le moment, un tableau récapitulatif des mesures que le Gouvernement compte introduire dans les projets de loi de finances et de financement.

S’agissant de la taxation des stock-options et des parachutes dorés, nous ne divergeons pas sur le principe, mais sur le taux. Pourquoi une telle hostilité de votre part ? Que le taux auquel sont soumis les revenus tirés des parachutes dorés soit de 14 % ou, comme le propose le présent amendement, de 20 %, le problème des droits ouverts est le même ! Par ailleurs, vous savez bien que les stock-options et les parachutes dorés ne compensent plus des risques, mais sont dévoyés pour constituer une forme de rémunération complémentaire.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu que les parachutes dorés soient assujettis aux cotisations, au même niveau que les salaires. De manière générale, les taux que nous proposons sont compatibles avec la réalité économique. Par ailleurs, je tiens à votre disposition le tableau des mesures de recettes.

La Commission rejette l’amendement AS 283.

Elle en vient à l’amendement AS 284 de Mme Marisol Touraine.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement vise à inclure dans l’assiette du forfait social les attributions de stock-options et d’actions gratuites, qui constituent une forme de rémunération comme une autre

M. le rapporteur. Cet amendement aurait dû figurer dans un projet de loi de financement.

La logique du forfait social est de porter sur des revenus non soumis à prélèvements sociaux. Or, depuis 2008, les stock-options font l’objet de contributions salariales et patronales.

M. le ministre. J’ai œuvré à la création du forfait social, dont le taux a été doublé. Sachez que les stock-options sont davantage taxées que les éléments de rémunération inclus dans le forfait social

La Commission rejette l’amendement AS 284.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 194 de M. Roland Muzeau et AS 277 de Mme Marisol Touraine.

Mme Martine Billard. Il serait irresponsable de notre part de ne pas proposer de nouveaux modes de financement pour un système de retraite que nous entendons sauver. Je ne comprends pas que vous reportiez la question à l’automne.

L’objet de cet amendement est de porter de 4 à 20 % le taux du forfait social, contribution qui porte sur les éléments de rémunération soumis à la CSG, mais exclus de l’assiette des cotisations sociales de la sécurité sociale. Nous savons bien que ce dispositif permet aux entreprises de moduler les rémunérations en fonction des années et, surtout, de ne pas payer de cotisations. Les recettes qui pourraient être tirées d’une telle mesure avoisineraient les 800 millions d’euros. Cette piste, déjà étudiée par le Cour des comptes, ne devrait donc pas être négligée.

M. Michel Issindou. Cela fait maintenant trois ans que nous demandons la taxation de l’intéressement et de la participation, qui ne sont rien d’autre que des éléments de salaires, versés sous une autre forme. Certes, ils permettent de motiver les personnels, mais la politique salariale ne serait-elle pas meilleure s’ils n’existaient pas ? Yves Bur s’est beaucoup battu pour doubler le taux du forfait social : mais avec un taux à 4 %, l’effort s’avère insuffisant. Nous voulons aider au sauvetage de la protection sociale. N’attendez plus et écoutez nos propositions !

M. le rapporteur. Vous retrouverez les mesures de financement, dont certaines ont déjà été annoncées, dans les projets discutés à l’automne.

Porter le taux du forfait social à 20 % reviendrait à condamner l’intéressement et la participation.

M. le ministre. Nous avons déjà doublé le taux du forfait social. Si nous le portions à 20 %, nous tuerions l’intéressement et la participation. Cela vaut d’ailleurs pour toutes vos propositions, qui ont tendance à dégrader l’assiette sur laquelle elles s’appuient. L’intéressement et la participation constituent des formes particulières de rémunération et procèdent d’un autre état d’esprit. Il est logique qu’ils ne soient pas soumis aux mêmes contributions.

M. Alain Vidalies. Il nous importe guère de dégrader l’assiette que constituent les retraites chapeaux, et les parachutes dorés... Il n’en va pas de même pour l’intéressement et la participation, qui, c’est vrai, occupent une place particulière dans la vie des entreprises.

Si nous faisons cette proposition, ce n’est pas parce que nous sommes à la recherche de nouvelles recettes, mais parce qu’il s’agit d’une demande partagée par les organisations syndicales. Celles-ci ont considéré que cette forme de rémunération était de nature, dans le débat du financement de la protection sociale, à poser des difficultés.

La Commission rejette successivement les amendement AS 194 et AS 277.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 198 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement a pour objet d’instaurer une nouvelle contribution patronale au taux de 40 % sur la part variable de rémunération des traders qui excède le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 34 620 euros en 2010. Les pays les plus avancés dans ce domaine ont déjà pris des dispositions de ce type, les pays les plus en retard en parlent tous. Plus personne ne peut ignorer le scandale que représente, en pleine crise économique et financière, le versement de milliards d’euros aux traders. Il est temps de remettre les choses à l’endroit, de se préoccuper de l’économie réelle et d’orienter l’argent du travail vers la production de biens et l’investissement : la part spéculative dans la valeur ajoutée a crû de façon exponentielle cette dernière décennie !

M. le rapporteur. Un tel amendement aurait des conséquences considérables pour le secteur bancaire et financier français. Avis défavorable.

M. le ministre. Nous avons instauré une taxe sur les bonus des traders en 2009 et une taxe sur les banques : le milieu financier a été mis à contribution.

La Commission rejette l’amendement AS 198.

Puis, elle est saisie des amendements AS 192 de M. Roland Muzeau et AS 404 de M. Jean-Luc Préel, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. Roland Muzeau. Les allégements faramineux des cotisations jusqu’à 1,6 SMIC représentent un manque à gagner pour les finances de l’État de 22 milliards d’euros en 2009. Il n’est plus possible d’ignorer les remarques que la Cour des comptes a formulées s’agissant de l’efficacité du dispositif Fillon, improductif aussi bien pour les salaires que pour la création d’emplois. Je me souviens des deux dernières interventions de Philippe Séguin, invitant la représentation nationale à se saisir de cette question. Notre amendement vise à supprimer ce dispositif.

M. Jean-Luc Préel. Mon amendement, moins radical, vise à limiter les exonérations de cotisations aux PME, qui en ont le plus besoin et qui sont les plus créatrices d’emplois. Les entreprises employant plus de 2 000 salariés, sauf dans le secteur automobile, seraient donc exclues du dispositif.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La mission d’information présidée par Gérard Bapt, et dont le rapporteur était Yves Bur, a confirmé que 800 000 emplois avaient été créés grâce à ce dispositif. Dans le cadre de la réforme des retraites, le Gouvernement propose d’annualiser les allégements généraux, ce qui permettra une économie de 2 milliards d’euros. En outre, monsieur Préel, votre amendement pose un problème de constitutionnalité en réservant un sort particulier au secteur automobile.

M. le président Pierre Méhaignerie. Plusieurs études ont montré que la suppression brutale de ce dispositif provoquerait la disparition d’un grand nombre d’emplois. Monsieur Préel, au moment où la France manque de grosses entreprises familiales pour solidifier la base de son économie, je ne pense pas qu’il soit judicieux de distinguer les firmes selon leur taille. La moins mauvaise solution est d’annualiser les charges sociales.

M. le ministre. En proposant d’augmenter de 22 milliards d’euros les charges sociales sur les bas salaires, l’amendement de M. Muzeau coûte tout bonnement 800 000 suppressions d’emplois. D’une part, une telle mesure nuirait à la compétitivité et, d’autre part, elle serait insupportable socialement. Le Gouvernement s’est orienté vers une modification du calcul des allégements de charges par le biais de l’annualisation, ce qui permettra de récupérer 2 milliards d’euros, sans peser sur le coût du travail jusqu’à 1,6 SMIC.

M. le rapporteur. Yves Bur indique page 122 de son rapport, rédigé sous le regard de Gérard Bapt, que les allégements de charges sont un instrument relativement peu coûteux.

M. Alain Vidalies. Vous réécrivez l’histoire des exonérations de charges à votre façon. Vous avez pris une décision politique lourde de conséquences, lorsque vous avez fusionné les abattements Juppé avec les abattements 35 heures en supprimant toutes les contreparties qui existaient. Je rappelle que les exonérations de charges étaient subordonnées à des accords dans les entreprises et à des créations d’emploi. Nous y reviendrons en séance publique. Par ailleurs, votre argumentation est contradictoire. Il faut choisir : ou bien les 35 heures n’ont abouti qu’à détruire des emplois et, dès lors, il n’y a pas d’assiette, et votre argument ne tient pas ; ou bien il tient, et les 35 heures ont permis de créer 800 000 emplois.

L’amendement de Jean-Luc Préel mérite plus de considération. Le clivage entre PME et grandes entreprises doit être surmonté en différenciant l’impôt sur les sociétés selon que les dividendes sont distribués ou réinvestis, de façon à encourager l’investissement. S’agissant du financement de la protection sociale, traiter différemment les PME et les grandes entreprises est une piste que notre projet explore d’autant plus que certaines grandes entreprises n’ont pas besoin d’exonérations de ce type.

Mme Martine Billard. Distinguer selon les entreprises ne nous choque pas, mais il faudrait plutôt faire la différence entre celles qui ont les moyens de délocaliser et celles qui ne les ont pas – certaines petites entreprises peuvent être des filiales de grands groupes. En tant qu’écologiste, je ne peux pas approuver le traitement de faveur réservé au secteur automobile.

La Commission rejette successivement les amendements AS 192 et AS 404.

Elle examine ensuite l’amendement AS 193 de M. Roland Muzeau.

Mme Martine Billard. Cet amendement revient sur les exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires votées dans le cadre de la loi dite « TEPA » et qui coûtent 3 milliards d’euros aux finances de l’État. Nous ne nous retrouvons pas dans le slogan de Nicolas Sarkozy « Travailler plus pour gagner plus ». Tout travail mérite un salaire décent sans qu’il faille courir constamment derrière les augmentations du temps de travail. En outre, ces mesures sont de peu d’effet et, au pire, elles risqueraient d’empêcher des embauches. Bref, il s’agit de supprimer un dispositif inefficace, injuste et très coûteux.

M. le rapporteur. Outre que la mesure aurait davantage sa place dans la loi de financement, elle serait contre-productive au moment où le volume des heures supplémentaires repart à la hausse. Avis défavorable.

M. le ministre. Défavorable également.

La Commission rejette l’amendement AS 193.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 289 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Notre amendement introduit une nouvelle source de financement : une augmentation modérée de la cotisation assurance vieillesse à la fois patronale et salariale, mais à partir de 2012 seulement pour ne pas prendre le moindre risque avec le pouvoir d’achat en période de crise. La hausse serait de 0,1 point par an sur dix ans.

Contrairement à ce vous avez déclaré, notre projet repose aussi sur l’idée que les salariés doivent participer à l’effort demandé pour pérenniser nos régimes de retraite : à la fois par l’augmentation de la durée de cotisation, la taxation des revenus de la participation et de l’intéressement, et par une hausse minime des cotisations, sans oublier l’incitation à travailler plus longtemps.

M. le rapporteur. La fixation des taux de cotisation relève du pouvoir réglementaire. En outre, augmenter d’un point les charges sociales sur les entreprises ne paraît pas souhaitable, d’autant que le coût du travail est excessivement élevé dans notre pays. Enfin, le Gouvernement prévoit déjà un effort de 2 milliards d’euros de la part des entreprises pour financer la réforme des retraites. Avis défavorable.

M. le ministre. Le Gouvernement est défavorable à toute augmentation des cotisations sociales. Ce n’est pas le moment.

M. Pascal Terrasse. Étant donné la conjoncture économique, il n’est pas question d’augmenter les cotisations. Le groupe socialiste tient à rappeler que la retraite est un revenu de remplacement et que son financement doit être lié au travail. Toutes les organisations sociales sont d’accord pour une fiscalisation d’une partie du financement des retraites, mais elles conviennent aussi que la force du régime par répartition réside dans le lien entre le travail, la cotisation et le revenu de remplacement.

Je m’adresse au Rapporteur qui est aussi président du conseil de surveillance de la CNAV, dont les comptes ne sont plus certifiés depuis 2007, soit dès avant la crise financière. Faire l’impasse sur une hausse des cotisations sociales nous expose à de graves déconvenues. Marisol Touraine propose une augmentation modérée des cotisations patronales et salariales après la crise, qui rapporterait tout de même plus de 4,5 milliards d’euros.

La Commission rejette l’amendement AS 289.

Elle est saisie ensuite de l’amendement AS 202 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Il s’agit d’une disposition essentielle de la proposition de loi que nous avons déposée pour un autre financement de notre système de retraite. Pour mettre un terme à la spéculation qui gagne les entreprises après le secteur financier, il faut modifier radicalement le calcul des cotisations employeur en les modulant de façon à privilégier l’emploi, la qualité de l’emploi et les salaires. Cela renforcerait l’emploi et la protection sociale.

M. le président Pierre Méhaignerie. C’est sûr que l’on créera des emplois dans l’administration !

M. Roland Muzeau. On nous a rétorqué que, en voulant supprimer 22 milliards d’euros d’exonérations, nous ferions disparaître 800 000 emplois : j’en déduis donc que chaque emploi coûte 27 500 euros, ce qui n’est pas rien. Toutefois, c’est bien peu à côté de ce que coûte la baisse de la TVA dans la restauration : 3 milliards d’euros pour seulement 5 000 emplois créés, soit un coût de 600 000 euros par emploi !

M. le rapporteur. Ces coûts par emploi sont calculés en brut, mais ces emplois génèrent aussi des recettes sociales et fiscales. Cet amendement est une véritable usine à gaz et il entraînerait une réforme fondamentale du financement de la sécurité sociale. Avis défavorable.

M. le ministre. Défavorable également.

La Commission rejette l’amendement AS 202.

Elle examine ensuite l’amendement AS 199 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il s’agit de porter de 2 % à 12 % le prélèvement social sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values, gains ou profits réalisés sur les marchés financiers. Le financement des retraites repose sur les cotisations, mais aussi sur l’impôt au titre de la solidarité et de la compensation. Songez seulement à la taxe versée par les grandes surfaces au régime des commerçants.

M. le rapporteur. Le Gouvernement proposera à l’automne une hausse de 1 point de l’ensemble des prélèvements proportionnels sur les revenus du capital, la suppression du crédit d’impôt sur les dividendes et l’imposition des plus values de cessions de valeurs mobilières au premier euro. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable à une augmentation de 10 % des prélèvements.

L’amendement AS 199 est rejeté.

La Commission est saisie de l’amendement AS 203 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement propose d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux serait égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse à la charge des employeurs du secteur privé, soit 9,9 %. La mesure, qui rapporterait 30 milliards d’euros, permettrait un financement rapide des régimes obligatoires de retraite et constituerait une incitation forte à privilégier le facteur travail.

M. le rapporteur. Cet amendement ferait peser une charge excessive sur les prestataires de services financiers de notre pays. Avis défavorable.

M. le ministre. Défavorable également.

La Commission rejette l’amendement AS 203.

Puis, elle en vient à l’amendement AS 211 de M. Lionnel Luca.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Il est proposé que, au-delà de 50 000 euros, les dividendes perçus par les personnes, à moins qu’elles n’exercent des fonctions dans l’entreprise et qu’elles ne détiennent au moins 25 % des droits sociaux, soient assujettis aux cotisations sociales salariales. Il convient de ne pas exclure des cotisations sociales les revenus perçus sous forme de dividendes, sans toutefois pénaliser les petites entreprises et leur outil de travail.

M. le rapporteur. Certains dividendes sont déjà soumis aux cotisations sociales. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable. Il y a déjà des prélèvements sociaux sur les dividendes, tels que la CSG et la CRDS qui n’ouvrent pas de droits pour la retraite. Par ailleurs, des mesures anti-abus ont été prises pour éviter que des salaires versés sous forme de dividende n’échappent aux cotisations. Et le Gouvernement est prêt à en prendre d’autres.

La Commission rejette l’amendement AS 211.

Elle examine ensuite les amendements AS 212 et AS 213 de M. Lionnel Luca, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. Michel Heinrich. L’amendement AS 212 propose de soumettre à cotisations salariales la part de l’indemnité journalière d’assurance maladie supérieure au SMIC qui génère des droits et qui est souvent supérieure au salaire. L’amendement AS 213 propose le même dispositif pour les indemnités de chômage.

M. le rapporteur. Les indemnités journalières supportent la CSG et la CRDS. Le principe demeure que les revenus de nature indemnitaire ne sont pas assujettis aux cotisations sociales.

Dans un cas comme dans l’autre, la validation des périodes concernées est assurée par la solidarité nationale.

Avis défavorable pour les deux amendements.

M. le ministre. Avis défavorable. Ces indemnités proviennent déjà des cotisations et elles supportent la CSG et la CRDS.

La Commission rejette successivement les amendements AS 212 et AS 213.

L’amendement AS 275 de Mme Marisol Touraine devient sans objet.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 378 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Il s’agit de donner à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales la liberté de fixer la valeur de liquidation du point, répondant ainsi à la demande de son président et de son directeur.

M. le ministre. Avis défavorable, car c’est l’État qui garantit l’équilibre du régime.

M. Jean-Luc Préel. La question de fond est de savoir quelle est la responsabilité réelle des conseils d’administration des caisses.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 378.

Puis elle est saisie des amendements AS 494 de la Commission des finances, et, AS 273, AS 274 et AS 271 de Mme Marisol Touraine, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Il s’agit d’un amendement d’appel pour attirer l’attention sur le cas des polypensionnés. Faute de pouvoir proposer des amendements sur le sujet en raison de l’article 40, la Commission des finances souhaiterait disposer d’un rapport permettant de poser un diagnostic sur la situation des polypensionnés. Certains polypensionnés se trouvent parfois dans une situation plus défavorable que s’ils avaient cotisé à un seul régime.

M. le ministre. C’est un des sujets qui reste ouvert. Demander un rapport aujourd’hui n’a pas grand sens. La question des polypensionnés est posée.

Mme Martine Billard. À l’heure actuelle, on est dans le flou total. On a besoin d’une étude pour faire le point sur les situations existantes, les problèmes qui se posent et le coût. Si le Gouvernement ne la fait pas, on la demandera au COR, pour pouvoir procéder à des choix.

Mme Marisol Touraine. J’abonde dans le sens de ma collègue. Un de nos amendements propose de faire sauter le verrou des quinze années de stage dans la fonction publique nécessaires pour l’ouverture des droits à pension. Cette règle ne correspond plus aujourd’hui à la réalité des parcours professionnels et elle ne contribue pas à fluidifier les passages entre privé et public.

Pourquoi ne pas mettre dès à présent sur la table les éléments de la réflexion, monsieur le ministre ? Cela fait des semaines que l’on parle des polypensionnés.

M. le ministre. Je mesure votre impatience et je la comprends. Mais, nous ne pouvons pas encore faire des propositions. Plusieurs pistes sont possibles. Vous aurez les éléments le moment venu, mais le sujet n’est pas simple. Monsieur Hénart, je vous suggère de retirer cet amendement.

M. Pascal Terrasse. Lors de son audition par notre commission, le Médiateur de la République est intervenu sur le sujet des polypensionnés. Le ministre prétend que la question est complexe. Pourtant, techniquement, la solution est fort simple ; c’est financièrement que cela pose problème !

À l’occasion de l’examen en séance plénière, nous présenterons ainsi un amendement tendant à ce que l’on prenne en compte, pour le calcul de la pension, les vingt-cinq meilleures années tous régimes confondus. Le mécanisme de la proratisation en fonction du temps passé dans les différents régimes diminue en effet le montant des retraites des polypensionnés, avec des pertes de revenus pouvant aller jusqu’à 300 euros par mois. Sur ce sujet, les organisations syndicales attendent des réponses de votre part !

M. le ministre. Il y a certes des contingences financières, mais ce n’est pas le seul élément à prendre en considération : il existe aussi des cas de figure, qui ne sont pas si rares, où le polypensionné se trouve dans une situation avantageuse, le mécanisme conduisant à valider un plus grand nombre de trimestres, ce qui permet d’améliorer le revenu de référence. Les situations varient beaucoup d’un type de polypension à l’autre. Nous allons donc continuer à étudier la question et, s’il le juge opportun, le Gouvernement proposera en temps utile des avancées. Soyez en tout cas assurés que nous sommes sensibles à vos préoccupations.

M. le président Pierre Méhaignerie. Un jalon est posé. Nous attendrons le mois de septembre pour avoir la réponse du Gouvernement.

M. le rapporteur. Je soutiens la position du Rapporteur pour avis. Je souhaite, moi aussi, que le Gouvernement étudie cette question complexe afin qu’une solution équilibrée soit apportée. Il s’agit d’un problème essentiel, qui concerne un nombre croissant de nos compatriotes. M. le ministre a indiqué que des dispositions étaient en cours d’étude. Je lui demande ardemment qu’il nous présente un ou plusieurs amendements sur le sujet lors de l’examen du texte en séance plénière.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Je retire l’amendement AS 494.

L’amendement AS 494 est retiré.

La Commission rejette successivement les amendements AS 273, AS 274 et AS 271.

TITRE III

MESURES DE RAPPROCHEMENT ENTRE LES RÉGIMES DE RETRAITE

Article additionnel avant l’article 21

 
Demande de rapport sur la création
d’une Caisse de retraite des fonctionnaires d’État

La Commission est saisie de l’amendement AS 428 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans le prolongement de la loi organique relative aux lois de finances, cet amendement tend à poursuivre l’effort de lisibilité en faisant en sorte qu’à l’instar de ce qui se passe pour les autres fonctions publiques
– territoriale et hospitalière –, les pensions et les cotisations des fonctionnaires civils et des militaires d’État soient gérées par une caisse de retraite. C’est pourquoi nous demandons un rapport sur cette question.

M. le secrétaire d’État. Le Gouvernement partage bien entendu le souci de transparence et de lisibilité du Rapporteur. Toutefois, le compte d’affectation spéciale apporte d’ores et déjà un certain nombre d’informations précises, notamment sur le taux de cotisation des agents – et, par déduction, sur celui des employeurs –, sur le volume des masses financières concernées et sur le montant des engagements de l’État.

Par ailleurs, lors de la discussion que, à la demande de M. Éric Woerth, j’ai engagée avec les syndicats sur le sujet, ceux-ci nous ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas siéger au conseil d’administration d’une telle caisse.

Il reste que l’on peut étudier les éventuels avantages qu’aurait la création d’une caisse de retraite. Il est vrai, par exemple, que les frais de gestion ne sont pas pris en compte et que l’on peut vouloir obtenir des informations supplémentaires. Commandons donc un rapport sur le sujet, sur la base duquel on étudiera la question.

M. Pascal Terrasse. Cet amendement méconnaît l’existence du compte d’affectation spéciale qui nous renseigne à la fois sur les contributions des agents de la fonction publique et sur la part financée par l’État. On connaît donc d’ores et déjà le volume des masses financières contribuant au financement des retraites des agents de l’État, qu’ils soient fonctionnaires civils ou militaires.

Quant aux frais de gestion, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) et le ministère des finances sont probablement capables de nous renseigner sur leur montant, qui doit être comparable à ceux des autres caisses. Cet amendement est superfétatoire !

M. Jean-Luc Préel. Je suis cosignataire de l’amendement. Nous recherchons l’équité et la transparence : ce n’est pas parce que la loi organique prévoit qu’une information doit être apportée que l’on doit renoncer à créer une vraie caisse de retraite, gérée de manière paritaire par l’État et par les syndicats de fonctionnaires. Que ceux-ci prennent leurs responsabilités !

La Commission adopte l’amendement AS 428.

Article 21

(article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite)


Rapprochement des taux de cotisation

L’une des différences entre les régimes du secteur privé et le régime de la fonction publique tient à l’écart existant entre les taux de cotisations salariales. Le présent article s’emploie donc à réduire progressivement cet écart jusqu’à l’annuler au terme d’une période transitoire de dix ans.

1. L’écart entre les taux de cotisations salariales

Dans le régime général comme dans la fonction publique, le taux des cotisations aux régimes de base est fixé par le pouvoir réglementaire.

a) Le régime général

L’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale se contente, en effet, de disposer que « la couverture des charges de l’assurance vieillesse est […] assurée par […] des cotisations assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés, dans la limite d’un plafond […] ».

C’est l’article D. 242-4 du même code qui en précise le taux :

– d’une part, la part du salaire inférieure au plafond de la sécurité sociale (34 620 euros par an) est soumise à un taux de 6,65 % ;

– d’autre part, la totalité du salaire est soumise à un taux de 0,1 %.

Les régimes complémentaires obligatoires sont, eux aussi, financés par des cotisations plafonnées :

– pour les salariés relevant de l’ARRCO, le taux s’élève à 3 % sous un plafond (tranche 1), puis à 8 % entre un et trois plafonds (tranche 2) ; s’y ajoute la cotisation destinée à l’Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF), qui finance la retraite avant 65 ans, aux taux de 0,8 % puis 0,9 % selon les tranches ;

– pour les salariés relevant de l’AGIRC, le taux s’élève également à 3 % sous un plafond (tranche 1), puis à 7,70 % jusqu’à huit plafonds (tranches B et C) ; s’y ajoutent la cotisation AGFF dans les mêmes conditions que pour les non-cadres ainsi qu’une contribution exceptionnelle et temporaire (non créatrice de droits), au taux de 0,13 % sur la totalité du salaire jusqu’à huit plafonds.

Autrement dit, pour le salaire plafonné, la cotisation salariale au régime général et aux régimes complémentaires obligatoires s’élève à 10,55 %.

b) La fonction publique

Jusqu’au 31 décembre 2005, le taux de la retenue pour pension était fixé par l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Dans sa nouvelle rédaction issue de l’article 63 de la loi de 2003, il revient désormais au pouvoir réglementaire de fixer ce taux. En effet, le 2° de l’article L. 61 dispose désormais que « la couverture des charges résultant, pour l’État, de la constitution et du service des pensions […] ainsi que des dispositions du code de la sécurité sociale applicables aux régimes spéciaux d’assurance vieillesse est assurée par […] une cotisation à la charge des agents […], assise sur les sommes payées […] à titre de traitement ou de solde, à l’exclusion d’indemnités de toute nature, dont le taux est fixé par décret ».

En revanche, pour les agents des collectivités locales, le I de l’article 3 du décret n° 2007-173 du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales précise que « les fonctionnaires [des collectivités locales] sont tenus de supporter une retenue sur les sommes qui sont payées à titre de traitement indiciaire brut, à l’exclusion des indemnités de toute nature. Le taux de cette retenue est fixé par décret. »

Ce taux est fixé à 7,85 % :

– pour la fonction publique d’État, par l’article 1er du décret n° 2006-391 du 30 mars 2006 portant fixation du taux de la cotisation prévue au 2° de l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

– pour les agents des collectivités locales, par l’article 5 du décret n° 91-613 du 28 juin 1991 fixant les taux des cotisations de divers régimes spéciaux de sécurité sociale.

– pour les bénéficiaires de l’organisation de la sécurité sociale dans les mines, par le a du 1° de l’article 90 du décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines ;

– pour les ouvriers des établissements industriels de l’État, par l’article 1er du décret n° 91-239 du 1er mars 1991 relatif aux taux des cotisations du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État.

Il s’applique en outre à un certain nombre de régimes spéciaux, en vertu de plusieurs articles du décret de 1991 susmentionné, pris en application de l’article 13 de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, qui, suite à l’instauration de la CSG, a réduit de 1,05 point le taux de cotisation et a transféré au pouvoir réglementaire la fixation du taux applicable dans ces régimes spéciaux (article L. 711-12 du code de la sécurité sociale) :

– Opéra national de Paris (article 6) ;

– Comédie-Française (article 7) ;

– industries électriques et gazières (article 9) ;

– pour le personnel de la Banque de France (article 13) ;

– Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) (article 14).

Le taux de 7,85 % s’applique également à France Télécom, à La Poste, à la SEITA et port autonome de Strasbourg.

Concernant le régime de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), l’article 1er du décret n° 2005-1638 du 26 décembre 2005 fixant les taux des cotisations dues à la caisse de retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens fixe le taux de la retenue salariale à 12 %. En effet, la création de la caisse s’est effectuée dans une logique d’adossement du régime au régime général ; à ce titre, une étude actuarielle a conclu que le taux requis pour financer les cotisations qui seraient dues lors de la mise en place de l’adossement à la CNAV et à l’AGIRC-ARRCO était de l’ordre de 12 %.

2. Vers un taux unique

L’écart entre les taux de cotisation entre salariés du privé et agents publics est donc élevé, puisqu’il se monte à 2,7 points (soit 25,6 %). À l’heure où l’effort, pour mieux être accepté et compris de nos concitoyens, doit impérativement être partagé par tous, il serait totalement anormal qu’une telle différence puisse persister, d’autant plus injustifiable que malgré un taux de cotisation inférieur, les pensions de la fonction publique sont supérieures à celles des régimes du privé.

Cela étant, comme on l’a vu, la question du taux des cotisations est et demeure d’ordre réglementaire. Le dispositif proposé au présent article ne peut donc que définir un cadre général. Il consiste en un complément apporté au 2° de l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le taux de la cotisation à la charge des agents devra désormais « prendre en considération » le total du taux de cotisation salariale plafonnée du régime général (CNAV) et des institutions de retraite complémentaire (ARRCO et AGIRC).

Bien sûr, l’inscription de ce principe dans la loi a valeur de symbole, mais la portée de l’article est bien plus que symbolique.

Il était certes difficile d’envisager une rédaction plus contraignante. Non seulement établir un lien fixe entre les cotisations à deux régimes servant des prestations différentes aurait risqué de soulever un problème de constitutionnalité, mais comme les régimes complémentaires obligatoires sont à gestion paritaire, le pouvoir réglementaire de fixer le taux des cotisations du public se serait ainsi trouvé dépendant des taux définis par les partenaires sociaux, ce qui n’aurait été ni juridiquement ni politiquement acceptable.

Le dispositif n’est pas pour autant de nature purement déclarative. En effet, il ne fait pas de doute qu’il interdit toute évolution divergente des taux entre le régime général et la fonction publique. Si, par exemple lors du rendez-vous 2018, le taux de cotisation salariale du régime général devait être augmenté, il pourra soit y avoir, comme pour la montée en charge du calendrier de convergence des durées de cotisations entre le régime général et les régimes spéciaux, une application différée de la hausse des taux du régime général, soit une application simultanée induisant une hausse accélérée de la convergence.

En tout état de cause, il importe de souligner que le présent article ne modifie en rien l’assiette des cotisations. En outre, comme pour les autres mesures de cette réforme, le Gouvernement indique qu’il sera procédé de façon progressive. Il ne s’agira donc pas d’une hausse brutale de 2,7 points du taux de la cotisation salariale, mais d’un étalement de cette hausse sur une décennie complète, à raison de 0,27 point par an, selon le tableau ci-dessous :

Alignement du taux de cotisation de la fonction publique (2010-2020)

(en %)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

7,85

8,12

8,39

8,66

8,93

9,20

9,47

9,74

10,01

10,28

10,55

Cette majoration du taux de cotisation a bien évidemment une double conséquence :

– majorer les cotisations à la charge des fonctionnaires, l’alignement étant évalué, pour une rémunération de 2 000 euros, à 6 euros par mois chaque année pendant dix ans ;

– majorer les recettes de l’ensemble des régimes concernés.

C’est d’abord le cas dans la fonction publique d’État, au travers des deux premières sections (« Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité » et « Ouvriers des établissements industriels de l’État ») du compte d’affectation spéciale Pensions. Selon les indications figurant dans l’étude d’impact, chaque tranche annuelle d’augmentation rapporte environ 160 millions d’euros au budget de l’État. L’impact atteindrait donc 730 millions d’euros en 2015 et, à la fin du processus, 1,5 milliard d’euros en 2020.

Pour le régime des mines, l’augmentation des cotisations salariales devrait contribuer à minorer la dotation d’équilibre de l’État inscrite au programme 195 (« Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers ») de la mission Régimes sociaux et de retraite.

La CNRACL sera elle aussi bénéficiaire, l’apport de 0,27 point de cotisation étant évalué à 120 millions d’euros, soit environ 1,45 milliard d’euros en fin de période.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 138 de M. Roland Muzeau, tendant à supprimer l’article.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons de supprimer cet article inéquitable et injuste, qui aligne le taux de cotisation des fonctionnaires de l’État et des militaires sur ceux du secteur privé. Il s’agit d’une nouvelle harmonisation par le bas, qui va pénaliser davantage encore les salariés du secteur public, alors qu’ils ont déjà perdu 9 % de leur pouvoir d’achat durant la dernière décennie. C’est inacceptable !

M. le rapporteur. Avis défavorable : la convergence des régimes privés et publics est nécessaire, à la fois en termes d’équité et d’équilibre, car les régimes des fonctions publiques sont, eux aussi, en déficit.

M. le secrétaire d’État. Même avis : le principe d’équité auquel le Gouvernement est attaché le conduit à considérer qu’à rémunérations et pensions à peu près équivalentes, les coûts d’acquisition de la retraite devraient être équivalents – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

La Commission rejette l’amendement AS 138.

Elle examine ensuite l’amendement AS 139 de Mme Martine Billard.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’un amendement de repli.

Votre souci de l’équité est fluctuant : les fonctionnaires vont subir une perte de 5 milliards d’euros de leur pouvoir d’achat, alors que les prélèvements sur le capital et les hauts revenus s’élèveront à seulement 4,6 milliards d’euros !

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

D’une part, vos chiffres sont erronés. Si vous faites allusion à l’augmentation des taux de cotisation, le rendement attendu pour l’État est de 700 millions d’euros en 2015, de 1,2 milliard en 2018 et de 1,5 milliard en 2020
– auxquels il faut ajouter respectivement 600 millions, 1,1 milliard et 1,5 milliard si l’on tient compte du régime de la CNRACL. On est loin des 5 milliards d’euros évoqués !

D’autre part, nous avons discuté avec les syndicats de la rémunération, et pas seulement du point d’indice. Sachez que, depuis dix ans, quelle que soit l’augmentation du point d’indice – y compris en 2003 où elle était nulle –, l’augmentation de la rémunération moyenne des personnes en place a été supérieure à 0,5 ou 0,6 %, ce qui signifie que l’augmentation des cotisations, qui sera de quelque 6 euros par an en moyenne, sera entièrement absorbée par l’augmentation naturelle du pouvoir d’achat.

M. Dominique Dord. Étant pour la plupart d’entre nous des élus locaux, nous sommes amenés à gérer des masses salariales de fonctionnaires. Dans ma mairie, quoi que je fasse, celles-ci augmentent au minimum de 3,5 % par an ! Comment peut-on soutenir sérieusement que le pouvoir d’achat des fonctionnaires a baissé ?

La Commission rejette l’amendement AS 139.

Puis, elle adopte l’amendement rédactionnel AS 467 du rapporteur, corrigeant une erreur de référence.

Elle examine ensuite l’amendement AS 359 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. Cette mesure est présentée comme assurant la convergence des secteurs privé et public. Or, les pensions de retraite de la fonction publique d’État n’ont rien à voir avec celles du secteur privé, puisqu’elles ne sont pas gérées par une caisse de retraite et qu’il existe une couverture financière par l’État. Pour assurer une réelle convergence, il faudrait revoir tout le dispositif : se contenter de comparer les taux de cotisation est réducteur !

De surcroît, quand nous vous avons proposé d’augmenter de 0,1 % pendant dix ans les cotisations des salariés, le Gouvernement nous a répondu qu’il ne fallait pas toucher au pouvoir d’achat dans cette période de crise. Pourquoi ce qui était néfaste tout à l’heure devient maintenant bénéfique, s’agissant des fonctionnaires ?

M. le rapporteur. Avis défavorable : la convergence n’est pas principalement affaire de conjoncture économique et de pouvoir d’achat, mais d’équité.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable.

En premier lieu, la rémunération dans la fonction publique est assurée par différents dispositifs, dont la garantie individuelle du pouvoir d’achat, qui a bénéficié à plus de 100 000 agents de la fonction publique d’État en 2009.

En second lieu, je vous retourne votre argument : le pouvoir d’achat des fonctionnaires étant maintenu, pourquoi ce qui est valable pour cet amendement ne l’était pas pour un autre de vos amendements ?

La Commission rejette l’amendement AS 359.

Elle est ensuite saisie de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune : l’amendement AS 20 de M. Guy Lefrand et l’amendement AS 78 de M. Jacques Domergue.

M. Guy Lefrand. Dans un souci d’équité et afin de ramener rapidement nos caisses de retraite à l’équilibre, l’amendement AS 20 tend à assurer la convergence des taux de cotisations entre le public et le privé dans un délai de cinq ans, et non de dix.

M. Jacques Domergue. Mon amendement va dans le même sens. Soyons cohérents : s’il y a réellement urgence, il faut assurer la convergence en cinq ans !

M. le rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements. L’étalement sur dix ans proposé par le Gouvernement constitue une solution équilibrée. Vous oubliez les contraintes économiques ! Par ailleurs, la rédaction des amendements pose des problèmes techniques et juridiques.

M. Régis Juanico. Le Gouvernement met en avant le principe d’équité, mais c’est un jeu de dupes ! M. le secrétaire d’État se garde bien d’évoquer l’évolution future du pouvoir d’achat des fonctionnaires : le Gouvernement a déjà annoncé le gel des salaires pour les trois prochaines années et il l’envisage pour bien plus longtemps encore. Si la période de convergence passe de dix à cinq ans, leurs rémunérations vont considérablement baisser. C’est inacceptable !

M. le ministre. Monsieur Juanico, pour ce qui est du passé, le pouvoir d’achat des fonctionnaires n’a pas été réduit de 9 % ; au contraire, si l’on regarde la rémunération moyenne des personnes présentes physiquement dans l’administration, il aurait plutôt augmenté de 9 % – ce qui est d’ailleurs très satisfaisant.

Pour ce qui est de l’avenir, le Gouvernement a, en effet, annoncé un gel du point d’indice en 2011, mais il a tenu ses engagements pour 2010, alors que, compte tenu de la situation, il aurait pu y renoncer.

Par ailleurs, vous savez fort bien, en tant qu’élu local, que les fonctionnaires gagnent chaque année, quoi qu’il arrive, environ 2 %, du fait des évolutions de carrière et de la progression dans la grille indiciaire. En outre, les fonctionnaires de l’État bénéficient de retours catégoriels très importants. Sur la feuille de paie, le gel du point d’indice représentera donc peu de chose. Les fonctionnaires verront bien en 2011 une augmentation de leur pouvoir d’achat, en dépit de l’augmentation de 0,27 point des cotisations.

Avis défavorable sur les deux amendements.

La Commission rejette les amendements AS 20 et AS 78.

Puis, elle adopte l’article 21 ainsi modifié.

Après l’article 21

L’amendement AS 381 de M. Jean-Luc Préel est retiré.

Article 22

(article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
article 57 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004)


Aménagement du dispositif carrières longues dans la fonction publique

L’article 22 vise à aligner le dispositif de retraite anticipée pour longue carrière existant dans la fonction publique sur celui mis en place dans le régime général en 2003. Ce dispositif, dont les modalités d’application seront fixées par décret, prévoira un maintien du dispositif actuel, complété d’une possibilité supplémentaire de départ anticipé : les assurés qui ont commencé à travailler à dix-sept ans pourront, en effet, partir en retraite à compter de 60 ans.

1. Le dispositif existant et les bénéficiaires

Ce dispositif a été instauré par l’article 23 de la loi du 21 août 2003 pour les salariés de droit privé et les contractuels de droit public. Il a été étendu aux fonctionnaires et ouvriers des établissements industriels de l’État par l’article 119 de la loi de finances pour 2005 codifié à l’article L. 25 bis du code des pensions. Il est également ouvert par l’article 57 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 aux fonctionnaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

Il s’agit de permettre aux agents ayant commencé jeunes leur activité professionnelle de bénéficier de leur retraite avant l’échéance normale. Comme pour les assurés du régime général, l’accès à une retraite anticipée est subordonné à la justification de conditions de durée d’assurance, de durée d’activité cotisée et d’âge de début de carrière. La combinaison de la progressivité de la montée en charge du dispositif et des conditions requises, elles mêmes évolutives en fonction de l’âge de départ en retraite, se présente comme suit :

Ainsi, depuis le 1er janvier 2008, les agents concernés doivent justifier de 168 trimestres d’activité cotisée, avoir au minimum 56 ans et être entrés dans la vie professionnelle avant l’âge de 16 ans.

31 612 départs « carrière longue » ont été dénombrées dans la fonction publique jusqu’à fin 2009, la très grande majorité concernant la fonction publique territoriale, comme l’illustre le graphique ci-dessous :

Il est à noter que ces chiffres, qui sont bien inférieurs à ceux constatés dans le régime général, ne sont pas directement comparables. En effet, d’autres dispositifs de départ avant 60 ans viennent réduire la population de fonctionnaires éligible à la retraite anticipée « longue carrière » : c’est le cas des fonctionnaires qui ont accompli au moins quinze ans de services dans un emploi classé en catégorie active, qui peuvent partir en retraite à 55 ans, voire à 50 ans ; il existe, par ailleurs, un départ anticipé sans condition d’âge pour les femmes fonctionnaires mères de trois enfants ayant quinze ans de services.

2. Le dispositif proposé

Les dispositions en matière de retraite anticipée « longues carrières » figurent donc in extenso dans la loi pour les régimes de la fonction publique, tandis que, s’agissant du régime général, le principe du dispositif figure dans la partie législative du code de la sécurité sociale et les modalités d’application dans la partie réglementaire du même code.

En conséquence, l’article 22 modifie la partie législative du code des pensions civiles et militaires de retraite, afin de rétablir l’identité des normes juridiques applicables dans les secteurs privé et public, sachant que les dispositifs sont donc d’ores et déjà en pratique identiques.

L’article L.25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite rerédigé par le I de l’article est donc une reprise quasiment à l’identique de l’article L.351-1-1 du code de la sécurité sociale, adaptée en fonction des spécificités de la fonction publique.

Le II de l’article précise que l’article L. 25 bis est applicable aux fonctionnaires relevant de la CNRACL et le III abroge, en conséquence, le dispositif spécifique à ceux-ci, qui figurait auparavant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 141 de Mme Martine Billard, tendant à supprimer l’article.

Mme Martine Billard. Les députés du groupe GDR sont favorables à une amélioration du dispositif des carrières longues – ce que ne permet pas le projet de loi, d’autant plus qu’il repousse l’âge légal de la retraite.

Tout d’abord, il faut que les salariés qui ont commencé à travailler avant 18 ans puissent bénéficier de ce dispositif.

Par ailleurs, nous avions déposé des amendements en faveur des apprentis, qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. A priori, on penserait que les apprentis auraient droit au dispositif des carrières longues, puisqu’ils commencent à travailler à l’âge de 16 ans. Or, ce n’est pas le cas, car ils ne valident pas suffisamment pas de trimestres au titre de l’apprentissage.

J’ai reçu, de même que certains députés de l’UMP, un courrier présentant la situation d’un jeune entré en apprentissage à l’âge de 16 ans. La première année, à 16 ans donc, il ne peut valider aucun trimestre compte tenu de sa rémunération ; la deuxième année, à 17 ans, il a droit à un trimestre ; la troisième année, à 18 ans, à deux trimestres. Au final, les trois années d’apprentissage ne lui permettent de valider en tout et pour tout trois trimestres ! Bien qu’ayant commencé à travailler à l’âge de 16 ans, il n’a donc pas droit au dispositif des carrières longues.

Il nous semble donc nécessaire d’améliorer la situation des apprentis de moins de 18 ans, liée au fait que, contrairement aux autres, ils n’ont pas droit au SMIC.

Par ailleurs, nous souhaitons une amélioration du dispositif des carrières longues.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il s’agit d’une mesure de convergence : cet article reprend, pour la fonction publique, le dispositif qui figure dans le code de la sécurité sociale pour l’inscrire dans le code des pensions civiles et militaires de retraite. Pour mémoire, cela concerne, pour la fonction publique territoriale, 3 309 personnes en 2009.

M. le ministre. Même avis.

Fort heureusement, les apprentis valident des trimestres de cotisations – qui sont payées par l’État ! Une grande partie des bénéficiaires du dispositif des carrières longues ont été en apprentissage.

Par ailleurs, les organisations syndicales ont peu critiqué ce volet du projet de loi. Au contraire, elles apprécient l’extension du dispositif des carrières longues.

Enfin, cela concerne, pour la fonction publique, environ 4 000 personnes en 2009. Il paraît dans ces conditions logique d’assurer la convergence entre les secteurs public et privé.

La Commission rejette l’amendement AS 141.

Puis, elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 456, AS 457 et AS 458 du rapporteur.

Enfin, elle adopte l’article 22 ainsi modifié.

M. Jean Mallot. Avant que nous en venions à l’examen de l’article 23, j’aimerais interroger le Gouvernement sur une bizarrerie de l’étude d’impact. On lit d’abord que « le relèvement des bornes d’âge dans la fonction publique, conjointement avec celui opéré dans les régimes de retraite du secteur privé, devrait permettre de diminuer de près de la moitié le besoin de financement, tous régimes de retraite confondus, en 2020. » C’est votre postulat ; dont acte.

Mais, on lit ensuite que « sous réserve d’une modification des comportements des agents qui ne peut être que difficilement anticipée, l’impact de la modification des bornes d’âge ne devrait modifier que marginalement… » – entendez : pas du tout – «… la politique de recrutement des administrations publiques » – autrement dit, on ne recrutera ni plus ni moins de fonctionnaires. On lit également que « La montée en charge progressive du relèvement de l’âge d’ouverture des droits devrait en effet n’avoir que des effets modérés… » – entendez : aucun effet– « … sur l’évolution du nombre de départs à la retraite compte tenu des pyramides des âges de chacune des fonctions publiques. »

Il me paraît étrange que la politique de recrutement ne change pas, alors même que l’âge légal de la retraite sera reporté de deux ans ; il y aura donc davantage de fonctionnaires ? Dire que la montée en charge progressive du relèvement de l’âge d’ouverture des droits n’aura pas d’effet financier est incompréhensible. Si c’est cela, pourquoi prendre cette mesure ?

Article 23

(article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite)


Fermeture de la possibilité de départ anticipé pour les parents de trois enfants

L’article 23 du projet de loi vise à fermer, à compter du 1er janvier 2012, la possibilité pour les fonctionnaires parents de trois enfants, de partir en retraite anticipée après quinze ans de service. Cette fermeture est assortie d’un dispositif transitoire fonctionnant par paliers jusqu’en 2012.

A. LES LIMITES DU DROIT EXISTANT

1. Le droit au départ anticipé pour les parents de trois enfants

L’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite permet aux fonctionnaires civils et aux militaires, parents de trois enfants (41) et ayant effectué quinze ans de services effectifs, de partir en retraite anticipée. Ce droit est également ouvert aux fonctionnaires parents d’un enfant handicapé à 80 %.

Initialement, le droit au départ anticipé était uniquement reconnu aux femmes fonctionnaires. Un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes (42) ayant jugé cette restriction contraire au principe d’égalité entre hommes et femmes prévus aux articles 141 du Traité instituant la Communauté européenne et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, le dispositif a du être mis en conformité avec le droit européen.

Aussi, le bénéfice du départ anticipé a été étendu aux hommes fonctionnaires en 2004 (43) et militaires en 2005 (44)et subordonné, par la même occasion à une période d’inactivité d’au moins deux mois, liée à l’arrivée de l’enfant au foyer ou à son éducation. L’interruption d’activité doit intervenir dans le cadre d’un congé de paternité ou de maternité, d’un congé d’adoption, d’un congé parental, d’un congé de présence parentale ou d’une disponibilité pour élever un enfant de moins de 8 ans. S’il s’agit de l’enfant du conjoint, l’interruption d’activité doit intervenir avant le seizième ou vingtième anniversaire de l’enfant. Pour mémoire, il existe encore des dispositions plus favorables aux mères en termes de condition d’âge d’ouverture ou de durée de cotisation dans les régimes des marins et de la RATP.

En moyenne, le dispositif de départ anticipé permet aux mères de trois enfants qui l’utilisent de bénéficier de leur pension environ sept à douze ans plus tôt que celles qui n’y recourent pas.

En 2006, 10 % des départs en retraite dans la fonction publique d’État et 11 % des départs en retraite à la CNRACL relevaient du dispositif de départ anticipé. Les femmes sont les plus nombreuses à y recourir : 14 % des nouvelles retraitées ont fait valoir leurs droits à ce titre dans la fonction publique d’État et 18 % à la CNRACL, contre respectivement 3 % et 1 % pour les hommes.

2. Un dispositif obsolète et critiquable

a) Ce dispositif a perdu de sa pertinence

L’examen détaillé des bénéficiaires du droit au départ anticipé et de leurs conditions de liquidation (voir les tableaux ci-dessous), montre que ce dispositif est devenu obsolète.

Conditions de départ des fonctionnaires civils

Type de départ

Catégorie sédentaire

Catégorie active

Départ anticipé des parents de 3 enfants

Invalidité

Départ à 55 ans

Départ à 50 ans

Nombre de départ

50 387

17 611

2 675

6 446

4 337

En  % des départs

61,9 %

21,6 %

3,3 %

7,9 %

5,3 %

Âge moyen à la radiation des cadres

60 ans 8 mois

56 ans 9 mois

52 ans 7 mois

53 ans 1 mois

55 ans 4 mois

Durée totale

35 ans 10 mois

36 ans 5 mois

35 ans 11 mois

29 ans 7 mois

29 ans 5 mois

– services effectifs acquis

– bonifications acquises

34 ans 8 mois

1 an 2 mois

34 ans 8 mois

1 an 9 mois

31 ans 6 mois

4 ans 5 mois

26 ans 8 mois

2 ans 11 mois

28 ans 5 mois

1 an

Montant mensuel moyen

2 071 euros

1 878 euros

1 939 euros

1 646 euros

1 433 euros

Indice de liquidation 

626

571

592

534

480

Taux de liquidation :

         

– avec surcote ou décote

68,5 %

69,0 %

68,4 %

58,5 %

55,9 %

– sans surcote ni décote

67,1 %

69,1 %

68,9 %

58,5 %

55,6 %

Part de la majoration pour enfant dans le montant principal de la pension

1,6

2,3

2,9

7,9

1,7

Pensions portées au minimum garanti

9,8 %

6,8 %

3,0 %

18,4 %

30,2 %

Pensions au taux de 80 % (hors décote, surcote et pensions portées au minimum)

2,8 %

4,1 %

3,6 %

6,4 %

1,2 %

Source : Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexe au projet de loi de finances pour 2010, données 2008.

Conditions de départ des fonctionnaires territoriaux

Type de départ

Catégorie sédentaire


Catégorie active

Départ anticipé des parents de 3 enfants

Invalidité

Départ à 55 ans

Départ à 50 ans

Nombre de départs

24 308

1 706

99

3 633

2 972

En % des départs

74,3 %

5,2 %

0,3 %

11,1 %

9,1 %

Âge moyen

60 ans

56,8 ans

52,8 ans

54,1 ans

55,1 ans

Durée totale

29 ans 4 mois

33 ans 11 mois

38 ans 7 mois

23 ans 11 mois

22 ans 2 mois

– services effectifs

29 ans 1 mois

31 ans 10 mois

29 ans 8 mois

22 ans 5 mois

21 ans 10 mois

– bonifications

3 mois

2 ans 1 mois

8 ans 11 mois

1 an 6 mois

4 mois

Montant mensuel moyen

1 247,9 euros

1 538,5 euros

1 456,2 euros

1 069,8 euros

928,3 euros

Indice de liquidation

428,4

476,1

407,6

391,9

355,3

Taux de liquidation

55,8 %

65,4 %

75,2 %

47,3 %

44,2 %

Pensions avec majoration enfants

19,9 %

31,1 %

30,3 %

78,3 %

24,0 %

Taux de majoration pour enfants

12,3 %

12,3 %

11,7 %

11,4 %

12,7 %

Pensions portées au minimum garanti

44,2 %

20,4 %

1,0  %

62,1 %

67,0 %

Pensions au taux de 80 %

0,8 %

4,2 %

22,2 %

2,5 %

0,2 %

Source : Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexe au projet de loi de finances pour 2010, données 2008.

Conditions de départ des fonctionnaires hospitaliers

Type de départ

Catégorie sédentaire

Catégorie active

Départ anticipé des mères de 3 enfants

Invalidité

Nombre de départs

8 761

13 333

5 902

1 878

En % des départs

29,3 %

44,6 %

19,8 %

6,3 %

Âge moyen

60 ans

56,5 ans

50,8 ans

53,6 ans

Durée totale

32 ans

32 ans 9 mois

26 ans 7 mois

26 ans 11 mois

– services effectifs

31 ans 5 mois

31 ans 9 mois

24 ans 1 mois

26 ans 2 mois

– bonifications

7 mois

1 an

2 ans 6 mois

9 mois

Montant mensuel moyen

1 399,2 euros

1 439,1 euros

1 214,5 euros

1 198,5 euros

Indice de liquidation

453,1

456,2

427,1

397,2

Taux de liquidation

61,2 %

62,8 %

52,7 %

52,6 %

Majoration pour enfants

12,0 %

11,7 %

11,1 %

11,8 %

Pensions portées au minimum garanti

26,0 %

19,3 %

35,8 %

47,8 %

Pensions au taux de 80 %

2,2 %

1,4 %

3,0 %

0,6 %

Source : Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexe au projet de loi de finances pour 2010, données 2008.

Le droit au départ anticipé, qui n’a pas d’équivalent dans le régime général, a été initialement créé en 1924 dans une perspective nataliste. Conçu comme un revenu de remplacement permettant aux femmes fonctionnaires d’arrêter de travailler pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants, le droit au départ anticipé a largement perdu de son sens.

En effet, la mère ou le père peut cumuler un revenu d’activité dans le secteur privé avec une pension au titre du départ anticipé. De plus, comme le note le rapport du COR de 2008 (45), en l’absence de condition d’âge, pour les assurés et pour les enfants concernés, cette mesure peut bénéficier de facto à des assurés qui n’ont plus la charge d’enfants en bas âges.

Or, les chiffres fournis ci-dessus montrent que l’âge moyen de départ anticipé est de 53 ans dans la fonction publique de l’État, de 50 ans dans la fonction publique hospitalière et de 54 ans dans la fonction publique territoriale.

Le départ pour trois enfants ne correspond donc plus à son objectif initial. Il est utilisé soit comme un instrument de reconversion professionnelle – c’est souvent le cas dans la fonction publique hospitalière, dont la moitié environ des agents concernés exercent ensuite dans le secteur privé ou libéral, soit comme un instrument de départ à la retraite anticipée.

Enfin, depuis 1924, ce dispositif a été largement complété non seulement par les prestations familiales universelles, mais par d’autres dispositifs familiaux bénéficiant aux fonctionnaires tels que le supplément familial de traitement, le temps partiel de droit rémunéré au-delà de la quotité de travail, les majorations de pension pour les parents ayant au moins trois enfants, les majorations de durée d’assurance pour chaque enfant.

Non seulement le départ anticipé s’ajoute à des dispositifs qui remplissent plus efficacement leur rôle de compensation pour les parents de trois enfants, mais il contribue de fait à réduire le taux d’activité des femmes fonctionnaires et par suite le montant de leur pension, celle-ci étant proportionnelle à la durée des services effectifs.

En effet, les études récentes montrent que les mères de trois enfants et plus entrant dans le dispositif perçoivent des pensions beaucoup plus faibles que celles parties sans anticipation. Les femmes qui partaient en 2006 au titre du départ anticipé justifient d’une carrière plus courte d’environ huit ans pour les nouvelles retraitées de la CNRACL, de deux à trois ans dans la fonction publique d’État et d’un taux de liquidation inférieur. Selon le COR, pour les mères de trois enfants et plus parties en retraite en 2006, l’écart de pension entre celles qui ont bénéficié du dispositif et les autres est de 28 % dans la fonction publique territoriale et hospitalière, et de 6 % dans la fonction publique d’État.

Proportion de pensions portées au minimum garanti

   

Pension « normale »

Départ anticipé L. 24

   

Fonction publique d’État

Fonction publique territoriale et hospitalière

Fonction publique d’État

Fonction publique territoriale et hospitalière

2004

Hommes

7,0 %

32,0 %

8,9 %

30,1 %

Femmes

11,3 %

37,0 %

27,3 %

57,4 %

Ensemble

9,1 %

35,0 %

26,3 %

56,3 %

2005

Hommes

8,0 %

33,0 %

9,0 %

31,8 %

Femmes

11,6 %

37,2 %

23,7 %

56,4 %

Ensemble

9,8 %

35,7 %

19,1 %

55,3 %

Source : Direction du Budget.

b) Son articulation avec le mécanisme de décote et avec l’allongement de la durée d’assurance entraîne de véritables injustices

Depuis la loi du 21 août 2003, les régimes de retraite des fonctions publiques appliquent, depuis 2006, un coefficient de minoration à la pension quand n’est pas remplie la condition de durée d’assurance requise pour liquider au taux maximum (75 %). Le pourcentage maximum de la pension est diminué de 1,25 % par trimestre manquant, dans la limite de vingt trimestres. La loi a cependant prévu une phase de transition avec un calendrier de montée en charge progressive de ces barèmes. Ce n’est qu’à partir de 2015 que le taux de décote atteindra 1,25 % et à partir de 2020 que s’appliquera le plafond de vingt trimestres. La principale caractéristique de la phase de transition est qu’elle a été conçue selon un principe générationnel : les règles applicables à la liquidation de la pension sont celles de l’année où est atteint l’âge d’ouverture des droits.

Parallèlement, la loi de 2003 a prévu une augmentation, par génération, de la durée d’assurance requise pour liquider au taux plein, d’abord pour l’aligner sur celle en vigueur au régime général, ensuite pour stabiliser le rapport entre cette durée d’assurance et la durée moyenne de retraite. La durée d’assurance requise pour liquider au taux plein est ainsi passée de 150 trimestres en 2003 à 160 trimestres en 2008 dans les régimes de la fonction publique et devrait augmenter jusqu’à 164 trimestres en 2012.

Or, le dispositif de départ anticipé pour les parents de trois enfants échappe à ces règles, ce qui crée des inégalités entre des personnes de même génération.

Les conditions de liquidation de la pension applicables dans ce cas sont, en effet, celles qui prévalaient au moment de l’ouverture des droits : une mère de trois enfants, atteignant quinze ans de service en 2002 et qui poursuit son activité, liquidera à terme sa pension selon la législation en vigueur en 2002. De fait, les agents remplissant les conditions d’un départ anticipé, avant la réforme de 2003, ne sont soumis ni à l’allongement de la durée d’assurance, ni à la progression du taux de décote, applicables au reste des fonctionnaires.

Comme le souligne le rapport du COR de 2008, l’une des conséquences de cette disposition est que l’intérêt du départ anticipé pour les bénéficiaires potentiels va croître de façon importante à l’avenir. Par exemple, selon la législation actuelle, les mères de trois enfants des générations nées dans les années 1960 pourront liquider leurs droits sur la base de 37,5 annuités et sans décote, si elles ont atteint quinze ans de service et eu trois enfants avant 2003, alors que les autres assurées de leur génération devraient liquider leurs droits sur la base de plus de quarante et une annuités et une décote a priori de 5 % par an – paramètres qui seront en vigueur lorsque ces femmes auront 60 ans, dans les années 2020.

De fait, pour deux assurés nés la même année et liquidant leur retraite au même moment, les règles de calcul sont différentes et cet écart devrait s’accentuer au fil des générations.

B. LA SOLUTION PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT

1. La fermeture du droit à départ anticipé à compter du 1er janvier 2012

L’article 23 du projet de loi propose de mettre fin au dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires parents de trois enfants à compter du 1er janvier 2012.

Le I de l’article modifie le 3° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui fixe les conditions de liquidation de pension des fonctionnaires civils, afin d’exclure du bénéfice du départ anticipé les parents de trois enfants ayant accompli quinze années service, et ayant interrompu leur activité à l’occasion de la naissance de l’enfant ou pendant leur éducation.

La possibilité, pour les parents d’un enfant handicapé à 80 %, de partir en retraite anticipée, est conservée. Elle s’exerce dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.

Le II de l’article modifie le 1° bis de l’article L. 24 du même code, qui fixe les conditions de liquidation de pension des militaires, pour procéder à la même suppression du droit à retraite anticipée pour les parents de trois enfants.

Le projet de loi reprend ainsi la préconisation figurant dans le rapport du COR de 2008, qui critiquait le caractère exorbitant et contraire au principe générationnel de ce dispositif.

L’impact financier à court et moyen terme pour les régimes de retraite dépend fortement du choix des agents en matière d’exercice de l’option de départ anticipé, les gains dépendront notamment de la modification des comportements de départ à la suite de l’application du principe générationnel.

Selon le Gouvernement, si l’on suppose que les agents privilégieront le maintien de leur pension par rapport à l’anticipation du départ, l’impact sur les régimes de retraite serait le suivant.

Impact financier prévisionnel de la fermeture
du départ anticipé pour trois enfants

(en millions d’euros)

 

2015

2020

Budget de l’État

410

450

CNRACL

470

530

2. La mise en place d’un dispositif transitoire

L’option consistant à fermer le droit à retraite anticipée y compris pour les fonctionnaires remplissant les conditions à la date d’entrée en vigueur de la loi, a été écartée, au motif qu’elle aurait pu remettre en cause brutalement les choix de vie des personnes concernées. Pour les mêmes raisons, la restriction des modalités d’ouverture du droit n’a pas été retenue.

Le III et le IV de l’article prévoient un dispositif transitoire qui fonctionne par palier.

Le III de l’article prévoit que le fonctionnaire civil ou le militaire ayant accompli quinze années de services civils et militaires effectifs avant le 1er janvier 2012, parent à cette date de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, conserve la possibilité de liquider sa pension par anticipation s’il a interrompu son activité.

Le IV de l’article introduit une différence, parmi les fonctionnaires qui auront rempli les trois conditions avant le 1er janvier 2012, entre les fonctionnaires qui auront déposé leur dossier avant le 1er janvier 2011 et ceux qui l’auront déposé après, concernant l’application des règles de durée d’assurance et de décote :

 les fonctionnaires ayant déposé leur dossier avant le 1er janvier 2011 liquideront leur retraite dans les conditions actuelles, à savoir selon les règles qui prévalaient au moment où ils ont rempli ces conditions au départ anticipé.

Ainsi, une femme qui dépose son dossier avant le 31 décembre 2010 et a rempli les conditions de départ en 2003 partira sans décote. Une femme qui a rempli les conditions de départ en 2008 et dépose son dossier avant le 31 décembre 2010 partira avec une décote de 0,375 % par trimestre manquant, dans la limite de huit trimestres.

Le texte précise que, pour les demandes présentées avant le 1er janvier 2011, la radiation des cadres doit prendre effet au plus tard le 1er juillet 2011. Il s’agit ainsi d’éviter les effets d’aubaine et le cas de fonctionnaires qui déposeraient leur dossier avant le 1er janvier 2011 pour liquider effectivement leur retraite dix ans plus tard.

 les fonctionnaires ayant déposé leur dossier après le 1er janvier 2011 liquideront leur retraite selon les règles s’appliquant à leur génération.

Ainsi, un fonctionnaire âgé de 51 ans ayant réuni les conditions de départ en 2010, qui dépose son dossier après le 1er janvier 2011, partira selon les règles de durée d’assurance et de taux de décote qui s’appliqueraient au moment où il aurait 60 ans, c’est-à-dire en 2019. S’appliquera alors une décote de 1,25 % par trimestre manquant par rapport à la durée d’assurance requise, ou par rapport à la limite d’âge, telles que modifiées par le présent projet de loi, dans la limite de dix-neuf trimestres. Il est précisé que lorsque la durée de services et bonifications correspondant à cette année n’est pas fixée, la durée exigée est celle correspondant à la dernière génération pour laquelle elle a été fixée.

Si cet âge est atteint après 2019, le coefficient de minoration applicable est celui prévu au I de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, c’est-à-dire 1,25 % par trimestre manquant dans la limite de vingt trimestres.

*

La Commission est saisie de l’amendement de suppression AS 143 de M. Roland Muzeau.

Mme Jacqueline Fraysse. Par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement revienne sur l’abrogation extrêmement brutale et fortement pénalisante du dispositif de départ à la retraite anticipé pour les parents de trois enfants ayant effectué quinze années de services effectifs. La présentation de cet amendement vaut défense de tous nos amendements rédigés dans le même esprit.

M. le rapporteur. Ce dispositif est devenu totalement obsolète. Initialement, il devait permettre aux femmes de s’arrêter de travailler pour élever leurs enfants. Or, ce n’est absolument pas l’usage qui en est fait. Les chiffres du COR montrent que l’âge moyen de départ anticipé est de 53 ans dans la fonction publique d’État, 50 ans dans la fonction publique hospitalière et 54 ans dans la fonction publique territoriale, âge auquel les enfants sont élevés.

J’ajoute que le dispositif a, depuis, été complété par d’autres droits, tels que le supplément familial de traitement et les diverses majorations et bonifications de pension. Non seulement le départ anticipé s’ajoute à des dispositifs qui remplissent plus efficacement leur rôle de compensation pour les parents de trois enfants, mais il contribue à réduire le taux d’activité des femmes fonctionnaires et le montant de leur pension, qui est en moyenne largement inférieure – de 6 à 28 % – à celle des femmes qui ne partent pas en retraite anticipée.

Ensuite, le dispositif est injuste. De nombreux bénéficiaires continuent à exercer un travail en touchant une pension. Le dispositif est utilisé comme un outil de reconversion professionnelle. C’est une source d’iniquité majeure par rapport aux femmes qui cotisent au régime général. Surtout, les règles applicables aujourd’hui sont injustes. Pour deux assurées nées la même année et liquidant leur retraite au même moment, les règles de calcul sont différentes : une femme qui a atteint 15 ans de service avant 2003 part sans décote comme si elle avait cotisé 37,5 ans. Une femme ayant réuni les conditions après partira avec une décote qui peut atteindre 25 %. Le COR, mais aussi la Commission européenne, ont critiqué vivement ce dispositif et préconisé sa suppression. Je pense qu’elle répond à un principe d’équité.

M. le secrétaire d’État. Je partage l’avis du rapporteur. Ce dispositif a été créé en 1924 avec un objectif nataliste. Depuis lors, outre les allocations familiales, de multiples dispositifs favorisant la natalité ont été institués dans la fonction publique et, votre Rapporteur l’a souligné, l’âge moyen du départ anticipé tel qu’indiqué dans le rapport de décembre 2008 du COR montre que l’usage, qui est fait du dispositif, n’est plus celui pour lequel il avait été instauré.

De plus, l’abrogation du dispositif répond à un souci d’équité. En effet, les règles qui le fondent n’étant pas celles du principe générationnel, la pension des parents ayant choisi de partir à la retraite dans ce cadre avant 2003 n’est soumise ni à décote ni à la règle des quarante années de cotisation.

Enfin, le dispositif est jugé discriminant à l’égard des hommes par la Commission européenne.

Pour toutes ces raisons, il doit être réformé.

Pour répondre à M. Jean Mallot, je rappelle qu’étant donné la démographie française, nous sommes entrés, depuis quelques années, dans une période de départs massifs en retraite. De ce fait, même en appliquant la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, le nombre de postes ouverts au concours demeure très élevé – de l’ordre de 35 000 à 40 000 par an. L’État continue d’être le premier employeur de France.

M. Jean Mallot. Soit, mais qu’en est-il des conséquences financières ?

La Commission rejette l’amendement AS 143.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS 144 et AS 145 de M. Roland Muzeau ainsi que l’amendement AS 150 de Mme Martine Billard.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels AS 461 et AS 462 du rapporteur.

Puis, le rapporteur ayant émis un avis défavorable, la Commission rejette successivement les amendements AS 151 et AS 153 de M. Roland Muzeau.

L’amendement AS 207 n’est pas défendu.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 463 du rapporteur.

La Commission est saisie de deux amendements identiques, l’amendement AS 497 rectifié de la Commission des finances et l’amendement AS 154 de Mme Martine Billard.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. En 2008, 16 000 fonctionnaires mères de trois enfants ayant effectué quinze ans de service sont parties à la retraite en utilisant le dispositif de liquidation de pension par anticipation qui va être supprimé. Ces départs à la retraite anticipés représentaient 8 % des départs à la retraite dans la fonction publique d’État, presque 12 % des départs en retraite dans la fonction publique territoriale, mais 20 % des départs en retraite dans la fonction publique hospitalière, femmes et hommes confondus. Cela montre l’impact qu’auraient des départs anticipés massifs décidés par les femmes qui remplissent les conditions pour le faire.

Depuis la loi de 2003 portant réforme des retraites, les pensions servies dans ce cadre se voyaient appliquer une décote, mais l’année prise en compte pour le calcul de cette décote étant celle où le droit était constitué et non l’année de la liquidation de la pension. Autrement dit, le droit étant acquis, les fonctionnaires concernées savaient exactement à quoi s’en tenir.

Le projet fixe au 31 décembre 2010 la fin du dispositif dans sa forme actuelle et prévoit un dispositif transitoire d’une durée d’un an. Pendant cette période s’appliquera le principe générationnel : la décote ne sera pas calculée en prenant en compte l’année où le droit est acquis, mais en fonction des droits définis pour l’année où l’assurée concernée aura 60 ans. Par exemple, une femme née en 1955, qui imaginerait partir à la retraite en 2012 et qui aurait acquis ses droits en 2002, ne se verra pas appliquer les conditions de 2002, mais celles de 2015, année de ses 60 ans, et le taux de décote aura augmenté. Certes, la décote ne peut en aucun cas excéder 25 % de la pension mais, sachant que la pension moyenne s’établit à 1 200 euros dans la fonction publique hospitalière, on comprend l’impact d’une décote de 25 % sur ces pensions.

Je rappelle, par ailleurs, que, chaque année, des agents partant à la retraite dans ce cadre font jouer le droit au minimum garanti. En 2008, 20 % des mères de trois enfants parties à la retraite après 15 ans de services effectifs dans la fonction publique d’État, 50 % de celles qui ont quitté dans ce cadre la fonction publique hospitalière et plus de 60 % de celles qui quittaient la fonction publique territoriale ont bénéficié de ce droit. Or, le minimum garanti ne sera désormais accessible qu’aux assurés pouvant justifier du plein des trimestres de cotisation – ce qui, pour ces femmes qui prennent une retraite par anticipation, ne sera, par définition, pas possible.

Par l’amendement AS 497 rectifié, nous demandons que l’on prenne le temps de retravailler les alinéas 12 et 13 de l’article et qu’au moins on garantisse l’information des fonctionnaires concernées qui, en l’état, si j’ai bien compris les dispositions du projet, ont intérêt à liquider leur pension au plus vite. Cela va contre l’esprit d’un texte qui vise à prolonger leur durée d’activité. De plus, des départs en masse créeraient des difficultés, singulièrement dans la fonction publique hospitalière où, je l’ai dit, en 2008, 20 % de l’effectif partant en retraite a liquidé sa pension dans le cadre du dispositif actuellement en vigueur.

Si le dispositif proposé par le projet de loi est maintenu, il faut au moins informer les fonctionnaires potentiellement concernés des conséquences exactes de l’évolution à venir. Il serait dommage que certains voient leur pension subir une décote très pénalisante, parce qu’ils auront laissé passer l’échéance fixée dans le texte. Il faut au moins garantir les droits individuels. Ainsi, il faut savoir que les agents de l’éducation nationale qui souhaite liquider leur pension doivent demander un dossier à leur rectorat en septembre ou octobre
– précisément au moment où le projet sera débattu en séance publique.

Cet amendement non partisan est un amendement d’appel que je vais retirer, mais je demande que l’on réfléchisse aux moyens d’améliorer le dispositif et, en tout cas, l’information sur une évolution dont je ne suis pas certain que les implications soient toutes comprises – j’ai moi-même eu du mal à cerner la question –, et que l’on reprenne la discussion dans le cadre de l’examen prévu en application de l’article 88 du Règlement.

Mme Martine Billard. L’amendement AS 154 demande, comme l’amendement AS 497 rectifié qui vient d’être excellemment présenté et pour les mêmes raisons, la suppression des alinéas 12 et 13 de l’article 23. Je rappelle que l’avant-projet de loi prévoyait une mesure relative au service actif des instituteurs et institutrices devenus professeurs des écoles. Le texte a été modifié sur ce point, car on s’est rendu compte que tous les intéressés se précipitaient dans les rectorats pour déposer leur dossier de demande de liquidation de pension. De même, une expertise est absolument nécessaire pour la mesure considérée, sinon les femmes fonctionnaires concernées vont se trouver dans une situation impossible.

M. le rapporteur. J’ai cru comprendre que l’amendement allait être retiré mais, compte tenu des explications qui viennent d’être données, je demande au Gouvernement de proposer un dispositif transitoire permettant de lisser les départs en retraite, et de s’engager à informer individuellement tous des fonctionnaires potentiellement concernés. Cette question doit être étudiée et réexaminée en septembre.

M. le secrétaire d’État. La question est complexe, et je répondrai à M. Hénart point par point.

S’agissant de l’impact prévisible de la réforme sur le nombre des demandes de liquidation de pension, j’ai eu l’occasion d’indiquer hier, en réponse à Mme Oget, que l’on pouvait effectivement s’attendre à de plus nombreux départs la première année. Ce fut le cas la première année qui a suivi la réforme de 2003, où l’on a constaté une augmentation de 15 % du nombre des départs à la retraite par rapport à 2002, mais le chiffre s’est stabilisé dès l’année suivante, avec des départs en diminution de 5 %.

Ensuite, appliquer le principe générationnel, c’est traduire dans les faits le souci d’équité du Gouvernement, une équité qu’au demeurant réclament aussi bien le COR dans son rapport de décembre 2008 sur les droits familiaux et conjugaux dans les régimes de retraite que la Commission européenne. Nous avons donc mis au point un dispositif transitoire que nous avons nous-mêmes rectifié en prolongeant jusqu’au 31 décembre 2010 la période, initialement prévue pour prendre fin le 13 juillet 2010, pendant laquelle les conditions actuelles du départ anticipé seront maintenues pour une liquidation de la pension avant le 1er juillet 2011. On pourra continuer d’entrer dans le dispositif en 2011, mais les règles générationnelles s’appliqueront. Enfin, à partir du 1er janvier 2012, même si le dispositif est fermé, ceux qui avaient auparavant réuni les conditions qui leur permettaient d’y avoir accès pourront continuer d’en demander le bénéfice. Vous le voyez, l’équité est respectée.

L’information est-elle suffisante ? Des mailings vont être envoyés pour expliquer les mesures prévues concernant la fonction publique, et celle-ci particulièrement. Toutes les directions des ressources humaines des ministères ont été mobilisées pour relayer ces informations. Nous avons aussi saisi toutes les associations d’employeurs des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, les CHU et les établissements hospitaliers, et informé les organisations syndicales. Les informations diffusées aux agents seront complétées en septembre.

En résumé, il est vrai que l’on peut s’attendre à ce que la réforme ait un impact sur le nombre de départs à la retraite, mais si l’on se réfère à ce qui s’est produit en 2003, ces départs supplémentaires sont absorbables. Ensuite, l’équité commande de fonder le dispositif transitoire sur l’application de règles générationnelles. Enfin, la direction générale de l’administration et de la fonction publique s’emploie à diffuser l’information auprès de tous les intéressés. Vous pouvez donc, monsieur Hénart, retirer l’amendement comme vous en avez exprimé l’intention, et nous reparlerons de ces questions.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Le dispositif prévu est beaucoup plus violent que celui qu’a instauré la loi Fillon, car l’application du principe générationnel fait que la décote sera calculée en fonction de l’année où la fonctionnaire considérée aura atteint l’âge de 60 ans, et non plus en prenant pour base l’année où le droit à départ anticipé a été acquis parce qu’elle remplissait les deux conditions nécessaires : trois enfants et quinze ans de service. De ce fait, il pourra se produire que l’année prise en compte pour le calcul de la décote soit postérieure à l’année où la pension est liquidée. De nombreuses personnes sont concernées par cette disposition, qui aura un impact non négligeable sur leur pension, d’autant qu’elles n’auront plus le filet de sécurité du minimum garanti, auquel elles ne seront plus éligibles.

Adopter la mesure est une chose mais, étant donné le niveau des pensions – assez faible et qui, avec une décote et en l’absence de minimum garanti, va baisser encore –, au moins faut-il prévoir une information individualisée sur les conséquences qu’elle aura. Je retire l’amendement mais je souhaite préparer avec Denis Jacquat, s’il en est d’accord, et en lien avec le Gouvernement, un autre amendement donnant la garantie que tous les intéressés recevront une information circonstanciée – à moins que l’on parvienne à définir un dispositif de transition plus doux, car je persiste à penser que toute personne concernée, bien informée et sensée, aura tout intérêt à activer son droit à pension anticipée au plus vite, si bien que le nombre des départs sera sans commune mesure avec celui qui a suivi la loi Fillon. Je souhaite donc travailler sur ce sujet en concertation avec le rapporteur de la Commission des affaires sociales, et que le Parlement puisse intervenir.

M. le rapporteur. Certainement.

L’amendement AS 497 est retiré.

M. le président Pierre Méhaignerie. Compte tenu des engagements pris, l’amendement AS 154 est-il maintenu ?

Mme Martine Billard. Je m’attendais à entendre le ministre admettre qu’il fallait réfléchir à une solution permettant de lisser les départs en organisant une sortie du dispositif moins brutale. J’aurais alors retiré l’amendement AS 154 et nous aurions repris la discussion lors de l’examen des amendements en application de l’article 88. Au lieu de cela, nous avons entendu une réponse que je peux traduire aisément : « Tant mieux, une quantité de fonctionnaires va partir à la retraite, ce qui nous arrange ; voilà une mesure qui va efficacement accélérer le mouvement » ! Mais les départs massifs que l’abrogation du dispositif existant va provoquer – car les intéressées auront effectivement tout intérêt à partir vite – auront aussi pour conséquences de déséquilibrer la proportion d’hommes et de femmes dans la fonction publique et de créer des difficultés considérables dans certains corps de métiers dont les effectifs sont très féminisés, qui demandent une formation précise et que l’on ne peut remplacer facilement. Que fera-t-on si les infirmières des Hôpitaux de Paris partent en masse, alors que l’on éprouve déjà les plus grandes difficultés à en recruter et qu’il faut du temps pour les former ? Nous risquons d’être confrontés à des situations dramatiques, avec, en outre, une concurrence locale entre les établissements les mieux dotés et les autres, et l’aggravation de la fracture territoriale. Il faut prévoir un dispositif plus mesuré, sinon on court à la catastrophe.

La Commission rejette l’amendement AS 154.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS 464 et AS 465 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 155 de M. Roland Muzeau.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 466 du rapporteur.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements AS 360 et AS 292 de Mme Marisol Touraine.

La Commission adopte l’article 23 ainsi modifié.

Article 24

(article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite)


Réforme de la pension minimale garantie dans la fonction publique

Le régime général et les régimes de la fonction publique prévoient des mécanismes de garantie d’un minimum de pension – à ne pas confondre avec le minimum vieillesse, prestation sociale relevant de la solidarité nationale.

Mais, l’analyse comparée des minima de pension dans les différents régimes révèle d’importantes inégalités que le présent article s’emploie à corriger pour partie.

1. Le minimum contributif du régime général

L’article 2 de la loi n° 83-430 du 31 mai 1983 portant diverses dispositions relatives aux prestations de vieillesse a institué, dans le régime général et dans les régimes alignés (salariés agricoles, indépendants), un « minimum contributif » dont l’objectif était d’éviter que les salariés ayant toujours cotisé sur des rémunérations très modestes ne perçoivent une pension trop proche du minimum vieillesse, garanti quant à lui à des bénéficiaires n’ayant pas cotisé. Une sorte de bonus était ainsi accordée à ceux qui avaient accompli une carrière complète.

Il se distingue du minimum vieillesse, allocation de solidarité versée par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), par sa nature contributive et assurancielle, car il constitue un supplément de base calculé de manière différentielle entre un montant fixé par décret et des droits propres à la retraite de base, financé par la caisse gestionnaire du régime de base (CNAV, MSA ou RSI).

Le dispositif en est défini à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que « la pension de vieillesse au taux plein est assortie, le cas échéant, d’une majoration permettant de porter cette prestation, lors de sa liquidation, à un montant minimum tenant compte de la durée d’assurance accomplie par l’assuré dans le régime général, le cas échéant rapportée à la durée d’assurance accomplie tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires ».

Autrement dit, si la pension a été calculée au taux maximum (50 %), elle ne peut pas être inférieure à un montant minimum calculé compte tenu de la durée d’assurance et réduit proportionnellement si la durée d’assurance est inférieure à la durée maximale.

Les majorations pour enfants, pour conjoint à charge ou pour tierce personne peuvent s’ajouter au montant minimum.

L’article 26 de la loi du 21 août 2003 a renforcé le caractère contributif de ce dispositif, en introduisant une distinction entre trimestres cotisés et trimestres validés (dans le régime général et dans les autres régimes) : les trimestres donnent désormais lieu à une majoration, second « étage » du dispositif, s’inscrivant dans le cadre de l’objectif consistant à garantir un niveau de retraite (de base et complémentaire) au moins égal à 85 % du SMIC net pour tous les salariés ayant accompli une carrière complète (le minimum contributif n’atteignait que 53,5 % du SMIC net en 2003). À la différence du minimum simple, calculé sur la durée validée, cette majoration est proportionnelle à la durée cotisée. À la différence de la durée validée, la durée cotisée ne comprend ni les périodes assimilées, ni les majorations de durée d’assurance pour enfants, ni les majorations de durée d’assurance accordées aux assurés prenant leur retraite après 65 ans, ni l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

Alors que le montant du minimum contributif, fixé à l’article D. 351-2-1 du code de la sécurité sociale, est revalorisé dans les mêmes conditions que les pensions de vieillesse, c’est-à-dire par indexation sur les prix, la majoration du minimum contributif a fait l’objet de revalorisations exceptionnelles (3 % en moyenne) en 2004, en 2006 et en 2008. Depuis le 1er janvier 2004, le minimum contributif majoré a donc progressé de 16,5 %, passant de 558,86 euros par mois à 650,88 euros (au 1er avril 2010), soit 61,7 % du SMIC net. Il demeure toutefois inférieur au minimum vieillesse (708,95 euros par mois pour une personne seule) et, a fortiori, au montant maximal de la pension servie par le régime général (1 442,50 euros par mois).

L’article 80 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a confirmé cet effort porté sur la revalorisation de la partie majorée du minimum contributif. Toutefois, après que la Cour des comptes eut fait observer en septembre 2008, dans son rapport annuel sur la sécurité sociale, que le minimum contributif était insuffisamment ciblé, il a soumis, à compter du 1er avril 2009, le bénéfice de la partie majorée à une condition de durée minimale d’assurance cotisée, à savoir 120 trimestres (article D. 351-2-2 du code de la sécurité sociale).

Depuis le 1er avril 2009, la formule de calcul du minimum contributif est donc la suivante :

– premier étage : le montant du minimum entier est multiplié par le quotient entre durée validée au régime général et durée de proratisation, à savoir 160 trimestres (égal au maximum à 1) ;

– second étage : le montant de la majoration est multiplié par le quotient entre durée cotisée au régime général et durée de proratisation (égal au maximum à 1).

Le même article 80 prévoit, en outre, que la surcote n’est plus incluse dans le montant calculé de la retraite avant la comparaison avec le montant du minimum contributif, mais qu’elle est ajoutée, après cette comparaison, au montant calculé de la retraite augmenté du minimum contributif.

Enfin et surtout, à compter du 1er janvier 2011 au plus tard, il réserve l’attribution du minimum contributif aux assurés dont la retraite totale (de droit propre), de base et complémentaire, n’excède pas un montant fixé par décret. Cette mesure se heurte à des difficultés techniques de mise en œuvre, de telle sorte que le décret n’est pas encore paru. Toutefois, selon les informations communiquées à votre Rapporteur, ce montant serait fixé à 990 euros par mois.

Au 31 décembre 2009, le nombre de bénéficiaires était de 4 565 263 (en augmentation de 4,5 % par rapport à 2008), soit près de 40 % de l’ensemble des pensionnés, dont une forte proportion de femmes (70 %). Leur durée d’assurance est en moyenne inférieure à celle des non-bénéficiaires, l’écart étant plus marqué pour les hommes (18 trimestres en 2007) que pour les femmes (12 trimestres). La moitié des bénéficiaires ont une durée d’assurance inférieure à la durée nécessaire pour le taux plein : ils obtiennent le minimum contributif du fait d’une liquidation à 65 ans ou bien d’une reconnaissance de leur inaptitude. La durée d’assurance validée au régime général est plus élevée pour les femmes (93 trimestres en 2007) que pour les hommes (57 trimestres), plus fréquemment polypensionnés, pour une durée d’assurance tous régimes très proche (respectivement 134 et 139 trimestres).

Au total, peu de retraités (environ 10 %) bénéficient d’un minimum contributif entier. En moyenne, la pension du régime général perçue par les bénéficiaires du minimum contributif est donc légèrement inférieure à 50 % du montant du minimum contributif entier. Mais en 2007, le minimum contributif aura permis en moyenne de faire passer la pension annuelle moyenne de 2 378 à 3 493 euros, le différentiel s’élevant même à 1 330 euros pour les femmes.

S’agissant plus spécifiquement de la majoration du minimum contributif, la part de la durée cotisée au sein de la durée d’assurance est plus faible pour les femmes que pour les hommes : elle n’est que de 58 % pour les femmes bénéficiaires, contre 87 % pour les hommes. En outre, la condition de 120 trimestres cotisés (tous régimes), qui exclut à terme 5 % des bénéficiaires du minimum contributif et 55 % d’entre eux de l’attribution de la majoration, touche environ 60 % des femmes bénéficiaires, mais réduirait davantage le montant de pension des hommes (de l’ordre de – 6 %).

Les profils de carrière contribuent en grande partie à expliquer ces caractéristiques. Comme le dispositif date de 1983, le taux de bénéficiaires parmi les nouveaux retraités (près de 44 %, en excluant les départs avant 60 ans), supérieur au taux moyen, donne une idée de ce qu’il sera lorsque la montée en charge sera complètement achevée. Globalement, les sommes versées au titre du minimum contributif ne correspondent toutefois qu’à 7 % des masses de droits propres versés par le régime général, soit environ 4,8 milliards d’euros.

2. Le minimum garanti dans la fonction publique

L’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit l’existence d’un minimum de pension, dit « minimum garanti », dans les régimes de la fonction publique. Des dispositifs de minimum garanti sont également prévus dans les autres régimes spéciaux, soit comparables car se référant aux régimes de la fonction publique (RATP, Opéra national de Paris, Comédie-Française), soit avec des paramètres spécifiques (SNCF, industries électriques et gazières).

Le mécanisme en est simple. Lors de la liquidation d’une pension, le service gestionnaire procède systématiquement à un double calcul. Il calcule d’abord le montant de la pension selon les règles en vigueur (durée de services, bonification, indice détenu, durée d’assurance), puis il compare le montant obtenu avec celui issu du calcul du minimum garanti. C’est alors le montant le plus favorable qui est retenu.

Les articles 51 et 66 de la loi du 21 août 2003 ont procédé à un double aménagement du minimum garanti, étalé sur dix ans :

– une durée de services plus longue est exigée, dans la logique d’allongement de la durée de prise en compte des carrières, pour le bénéfice du taux plein du minimum garanti ; la durée exigée passe donc progressivement de vingt-cinq à quarante ans ;

– parallèlement, l’indice de référence du minimum garanti passe, par étapes, de l’indice majoré 216 au montant correspondant à la valeur, au 1er janvier 2004, de l’indice majoré 227.

Au 1er janvier 2013, au terme de cette transition, le minimum garanti sera calculé comme suit : au-delà de quinze années de services effectifs, la valeur de l’indice majoré 227 au 1er janvier 2004 est multipliée par un taux de 57,5 %, ce taux étant majoré de 2,5 % par an pour chaque année supplémentaire entre quinze et trente ans puis de 0,5 % pour chaque année supplémentaire entre trente et quarante ans. Pour quarante années de services effectifs au moins, le taux est donc égal à 100 %. Lorsque la pension rémunère moins de quinze années de services effectifs, le minimum garanti est égal, pour chaque année de services effectifs, à un quinzième de 57,5 % (soit 3,83 %) de la valeur de l’indice majoré 227 au 1er janvier 2004.

Par conséquent, au fur et à mesure des périodes de services effectifs, la valeur d’une année décroît, puisqu’elle s’élève à 3,83 % durant les quinze premières années, puis passe à 2,5 % les quinze années suivantes, et tombe à 0,5 % les dix dernières années. Au bout de trente années de services effectifs, le niveau de minimum garanti atteint 95 % et est donc très proche du taux plein.

Enfin, le montant du minimum garanti est revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16, à savoir par décret en Conseil d’État conformément à l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année considérée.

En pratique, le minimum garanti bénéficie principalement aux agents radiés des cadres pour invalidité, dont la carrière est généralement plus courte. Un agent sur deux en situation d’invalidité bénéficie ainsi du minimum garanti, cette proportion dépassant même 60 % dans la fonction publique territoriale. En outre, le nombre d’annuités d’un agent bénéficiant du minimum garanti est, en moyenne, inférieur de 11 par rapport à celui de l’ensemble des pensionnés : dans la fonction publique territoriale, la part importante des « carrières courtes » explique la fréquence importante de l’attribution du minimum garanti (plus de 40 % des agents relevant de la CNRACL). Ce phénomène n’est sans doute pas sans lien avec le fait que la rétribution de chaque année effectivement travaillée décroît au fur et à mesure de la carrière. Corrélativement, l’indice terminal moyen des agents bénéficiant du minimum garanti n’est que de 360, contre 558 pour l’ensemble des retraités. Ici encore, la prédominance des agents de catégorie C au sein de la fonction publique territoriale contribue à expliquer la plus forte proportion de ses agents se trouvant au minimum garanti.

À l’instar du régime général, le lien entre carrières courtes et minimum garanti se retrouve également dans le fait que près des deux tiers des bénéficiaires sont des femmes. De même, la proportion des polypensionnés s’élève à 40 %, contre un peu plus de 20 % pour l’ensemble des pensionnés de la fonction publique d’État.

En revanche, un agent ayant effectué une carrière complète dans la fonction publique jouit d’une pension largement supérieure au minimum garanti. En effet, la liquidation sur la base de l’indice terminal, pour une carrière accomplie au sein du grade le moins élevé de la fonction publique, aboutit à une pension supérieure au minimum garanti.

Il importe enfin d’indiquer que le mécanisme ne tient compte d’aucune règle de coordination avec les pensions perçues dans d’autres régimes.

En 2005, pour les nouveaux entrants dans le dispositif, le gain moyen apporté par le minimum garanti était de 135 euros par mois, à rapporter à une pension totale de 836 euros. Le coût pour les régimes s’élevait à un peu moins de 2 % de la masse des pensions de droit direct servies à ces mêmes personnes.

3. L’alignement des régimes public et privé

Si les caractéristiques des populations bénéficiaires sont assez proches, il ressort clairement de la présentation de ces deux régimes que le minimum garanti de la fonction publique est plus avantageux que le minimum contributif du régime général.

 

Minimum contributif

Minimum garanti

Conditions d’obtention

Être âgé de plus de 60 ans et pouvoir prétendre à une pension au taux plein (durée d’assurance requise, ou âge > 65 ans)

Durée de services de plus de 15 ans

Pas de condition de durée d’assurance

Pas d’âge minimum pour invalidité, parents de trois enfants ayant effectué 15 années de services et militaires

Base de calcul

Durées validées (simple)

Durées cotisées (majoré)

Années de services (taux maximum pour 40 ans de carrière)

Moindres durées validées

Proratisation en fonction du nombre de trimestres validés

Progression en fonction des années de services

Montant maximal mensuel

596 euros (simple)

651 euros (majoré)

1 067 euros

Montant annuel moyen versé

1 115 euros (2007)

1 620 euros (2005)

Bénéficiaires/Ensemble des pensionnés

38,5 %

26 %

Femmes/Ensemble des bénéficiaires

70 %

64 %

Polypensionnés/Ensemble des bénéficiaires

51 %

40 % (fonction publique d’État)

Alors que la situation de l’assurance vieillesse rend encore moins justifiables les écarts entre régimes, leur rapprochement apparaît, ici aussi, nécessaire.

Le I du présent article modifie donc l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite, afin de subordonner le versement du minimum garanti à plusieurs conditions alternatives :

– disposer de la durée d’assurance nécessaire pour atteindre le taux plein ;

– avoir atteint la limite d’âge ;

– liquider sa pension pour l’un des motifs prévus aux 2° à 5° de l’article L. 24 ou aux 1° et 2° du II du même article.

Il s’agit des cas suivants :

– le fonctionnaire est mis à la retraite pour invalidité et il n’a pas pu être reclassé dans un emploi compatible avec son état de santé (2° du I) ;

– le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d’un enfant vivant, âgé de plus d’un an et atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu’il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité ou cessé de verser une cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base (3° du I) ; par enfants, il faut également entendre les enfants légitimes, les enfants naturels dont la filiation est établie et les enfants adoptifs du titulaire de la pension, les enfants du conjoint issus d’un mariage précédent, ses enfants naturels dont la filiation est établie et ses enfants adoptifs, les enfants ayant fait l’objet d’une délégation de l’autorité parentale en faveur du titulaire de la pension ou de son conjoint, les enfants placés sous tutelle du titulaire de la pension ou de son conjoint, lorsque la tutelle s’accompagne de la garde effective et permanente de l’enfant, et les enfants recueillis à son foyer par le titulaire de la pension ou son conjoint, pour peu que l’intéressé les ait élevés, à l’exception des enfants décédés par faits de guerre, pendant au moins neuf ans, soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l’âge où ils ont cessé d’être à charge ;

– le fonctionnaire ou son conjoint est atteint d’une infirmité ou d’une maladie incurable le plaçant dans l’impossibilité d’exercer une quelconque profession, sous réserve que le fonctionnaire ait accompli au moins quinze ans de services (4° du I) ;

– le fonctionnaire handicapé totalise, alors qu’il était atteint d’une incapacité permanente d’au moins 80 %, une durée d’assurance au moins égale à une limite fixée par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à versement de retenues pour pensions (5° du I) ;

– la pension du militaire est liquidée pour motif d’infirmité (1° – pour les militaires officiers – et 2° – pour les militaires non officiers – du II).

Autrement dit, la modification des conditions d’attribution du minimum garanti n’a d’incidence ni sur la situation des fonctionnaires admis à la retraite pour invalidité ni sur la retraite anticipée des fonctionnaires handicapés, qui ne se verront pas appliquer la condition nouvelle de carrière complète ou d’atteinte de la limite d’âge.

En outre, la plupart des bénéficiaires du minimum garanti ne seront pas touchés, parce qu’ils ont validé plus de 160 trimestres d’assurance. C’est ainsi le cas de 70 % des bénéficiaires dans la fonction publique territoriale. Quant aux militaires, l’exigence de carrière complète s’élève à 19,5 années, soit bien en deçà de la durée moyenne de services effectifs (vingt-deux ans pour les militaires du rang).

Enfin, il est important de relever que la réforme ne modifie en rien le montant du minimum garanti, ce qui est non seulement conforme à l’engagement pris par le Gouvernement de ne pas baisser le niveau des pensions, mais constitue une incitation à la prolongation d’activité.

Le II prévoit que l’âge auquel le taux plein est atteint, résultant de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite et du tableau figurant au III de l’article 66 de la loi de 2003, est minoré d’un nombre de trimestres qui sera précisé en fonction des générations par décret en Conseil d’État. Il faut, en effet, se souvenir que le processus d’évolution entamé en 2006 ne parviendra à son terme qu’en 2020, à savoir un taux de coefficient de minoration égal à 1,25 % par trimestre et une concordance entre l’âge auquel le coefficient de minoration s’annule et la limite d’âge du grade.

Actuellement, les fonctionnaires peuvent bénéficier du minimum garanti avant l’âge d’annulation de la décote et quelle que soit leur durée d’assurance. La réforme du minimum garanti leur impose pour en bénéficier soit d’avoir accompli la durée d’assurance nécessaire pour avoir le taux plein, soit d’atteindre l’âge d’annulation de la décote, soit de partir en retraite de manière anticipée. En conséquence, le II abaisse de manière transitoire l’âge d’annulation de la décote mais uniquement pour l’application du dispositif de minimum garanti (pas pour le dispositif de décote lui-même) afin que les agents qui ne remplissent aucune de ces conditions, compte tenu de la montée en charge des divers paramètres (durée d’assurance ou âge d’annulation de la décote) puissent néanmoins bénéficier du minimum garanti à compter d’un âge inférieur à l’âge d’annulation de la décote. Cette disposition transitoire bénéficie aux personnes qui n’auront pas encore de droit à pension ouvert à la date d’entrée en vigueur de la loi.

Le III décrit les conditions d’application dans le temps du nouveau dispositif. Celui-ci s’applique en principe aux pensions liquidées à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi. Une exception est cependant prévue pour les fonctionnaires civils et les magistrats qui auraient atteint, avant cette date, l’âge de liquidation qui leur est applicable en l’état actuel du droit. Il s’agit de l’âge d’ouverture du droit à pension à compter duquel ces agents peuvent liquider leur pension en vertu des dispositions législatives actuellement en vigueur. Dès lors, les fonctionnaires qui ont déjà à la date d’entrée en vigueur de la présente loi un droit à pension ouvert conserveront le bénéfice du minimum garanti, tel que régi par les dispositions antérieures à la réforme de 2010.

Les économies de dépenses induites par cette réforme du minimum garanti atteindraient, dès 2015, 140 millions d’euros pour le compte d’affectation spéciale Pensions et 350 millions d’euros pour la CNRACL. Les montants s’élèveraient respectivement à 270 millions d’euros et à 650 millions d’euros en 2020.

*

La Commission est saisie de deux amendements identiques, l’amendement AS 361 de Mme Marisol Touraine et l’amendement AS 159 de M. Roland Muzeau, tendant à supprimer l’article 24.

M. Alain Vidalies. Notre amendement fait le lien avec la discussion précédente, au cours de laquelle il a été souligné que l’impossibilité de fait d’accéder au minimum garanti durcira encore le dispositif de transition prévu. On peut, certes, décider de supprimer un droit en arguant de ce qu’il n’existe pas ailleurs, mais encore faut-il être attentif aux personnes concernées. L’alignement par le bas est une démarche d’une autre nature que la recherche de l’égalité ! La restriction des conditions d’accès au minimum garanti touchera les plus modestes des agents de la fonction publique. Nous sommes opposés à la suppression de ce qui est un filet de sécurité pour les plus pauvres.

Mme Jacqueline Fraysse. Encore une fois, sous prétexte d’équité et au motif d’on ne sait quelle convergence, le Gouvernement pénalise gravement des retraités qui ont de faibles pensions. Cette disposition punitive est inacceptable.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Aujourd’hui, les différences entre minimum contributif du régime général et minimum garanti de la fonction publique sont nombreuses et importantes. L’article 24 n’en corrige qu’une, en soumettant le bénéfice du minimum garanti à la condition de disposer de la durée d’assurance nécessaire pour atteindre le taux plein ou d’avoir atteint la limite d’âge. Les différences entre les deux dispositifs resteront donc significatives : le montant du minimum garanti est supérieur de 64 % ; le minimum garanti progresse en fonction des années de service, de façon dégressive, alors que pour le minimum contributif, les moindres durées validées sont proratisées. Il s’agit bien d’un alignement partiel.

M. le secrétaire d’État. Il est tout à fait normal, dans l’esprit d’équité qui nous anime, de procéder à cet alignement des conditions d’accès. Il aurait été possible d’agir également sur les deux éléments rappelés par le Rapporteur : d’une part, le montant du minimum garanti, puisqu’il est supérieur de 170 à 180 euros à celui du minimum contributif ; d’autre part, sa non-linéarité, beaucoup plus avantageuse que le dispositif du minimum contributif, le taux d’acquisition particulièrement élevé des premières années amenant le fonctionnaire, après vingt-cinq ans de carrière, aux deux tiers voire aux trois quarts de la courbe. Si nous avons renoncé à le faire, comme aurait pu nous y conduire la logique d’équité, c’est pour tenir notre engagement de ne pas baisser les pensions.

La Commission rejette les amendements AS 159 et AS 361.

Puis, elle adopte successivement les amendements AS 468 et AS 469 du rapporteur, le premier de précision, le second corrigeant une erreur de référence.

Elle est saisie de l’amendement AS 10 de M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Comme cela vient d’être rappelé à l’instant, dans le dispositif du minimum garanti de la fonction publique le pourcentage retenu est beaucoup plus élevé les premières années de service et il est faible les dernières années – ce qui n’incite pas les agents à poursuivre leur carrière. Je propose donc l’application d’un barème linéaire, fixé à 2,5 % par an.

M. le rapporteur. En effet, le barème du minimum garanti est particulièrement favorable pour ceux qui ont une durée de cotisation courte, en particulier les quinze premières années, et n’incite pas à la prolongation d’activité au-delà de l’âge minimum de liquidation dans la fonction publique.

Cela étant, l’un des principes essentiels de ce projet de loi est de réformer de manière progressive. Or, il est déjà proposé de conditionner le bénéfice du minimum garanti au fait de disposer de la durée d’assurance nécessaire pour atteindre le taux plein ou d’avoir atteint la limite d’âge. Dans la fonction publique territoriale, par exemple, cette mesure touchera déjà 30 % des agents.

M. le secrétaire d’État. Cet amendement porte sur l’un des deux points que j’évoquais tout à l’heure. Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement ne souhaite pas procéder à un alignement total du dispositif du minimum garanti sur celui du minimum contributif, pour éviter de pénaliser financièrement nombre d’agents – et aussi pour ne pas bouleverser un dispositif qui a été mis en place en 2003. En conséquence, avis défavorable.

L’amendement AS 10 est retiré.

La Commission adopte l’article 24 ainsi modifié.

Après l’article 24

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 24.

Elle examine l’amendement AS 45 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Des bonifications de dépaysement au profit de fonctionnaires affectés hors du continent européen résultent de dispositions prises au milieu du XIXe siècle – par une loi en date du 9 juin 1853 – afin de favoriser la mobilité internationale et de compenser l’effort qu’impliquaient les conditions de transport de l’époque. Aujourd’hui, il est un peu difficile à comprendre qu’un fonctionnaire ait droit à une année gratuite tous les quatre ans quand il est affecté en Afrique du Nord, une tous les trois ans quand il est affecté au Japon et une tous les deux ans quand il est en poste dans un pays ayant un lien fort avec la France, par exemple l’ancienne Indochine ou l’ancienne Afrique équatoriale. C’est pourquoi nous proposons l’abrogation de ces dispositions.

M. le rapporteur. J’attire l’attention de mes collègues sur le fait que ce sont surtout des militaires qui bénéficient de ces dispositifs. Je ne pense pas que l’adoption de cet amendement et des autres amendements qui vont dans le même sens soit un bon signal à envoyer à nos armées.

M. Dominique Tian. Ce n’est pas un argument !

M. le secrétaire d’État. La question des bonifications est complexe, car certaines demeurent évidemment justifiées, en particulier celles qui résultent de missions dans des zones dangereuses – je pense aux militaires envoyés en Afghanistan, au Liban ou plus généralement en opérations extérieures –, ou dans certains territoires et départements d’outre-mer. En revanche d’autres, concernant tant les fonctionnaires civils que les militaires, semblent devoir être remises en cause en vertu du principe d’équité. Il me paraît ainsi justifié que plusieurs d’entre vous proposent de revenir sur la double validation d’une même période d’activité pour certains enseignants de la filière technique.

Nous sommes tout à fait ouverts à un examen de ce sujet, mais en tenant compte des spécificités, en particulier militaires, qui viennent d’être évoquées. Je propose aux auteurs de cet amendement de le retirer, afin de travailler la question pendant l’été.

M. Jean Leonetti. Puis-je comprendre que vous vous engagez à faire des propositions concrètes de toilettage ?

M. le secrétaire d’État. Exactement. Je le répète, certaines bonifications sont parfaitement justifiées – c’est le cas pour les militaires exerçant sur les théâtres d’opérations extérieures –, d’autres sont totalement injustifiées – c’est le cas de la double validation des trimestres pour les enseignants de la filière technique –, d’autres encore méritent un examen attentif. Nous allons y procéder, afin de présenter nos propositions au mois de septembre.

L’amendement AS 45 est retiré.

M. Dominique Tian retire également ses amendements AS 43, AS 44, AS 46, AS 47, AS 48 et AS 49.

Article additionnel après l’article 24

Suppression d’une bonification
pour les professeurs de l’enseignement technique

La Commission examine l’amendement AS 11 de M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Je propose de supprimer, conformément à l’avis de la Cour des comptes, la double validation dont bénéficient des professeurs de l’enseignement technique recrutés au titre d’une expérience professionnelle dans le domaine enseigné. Les fonctionnaires recrutés avant le 1er janvier 2011 conserveraient, pour les périodes antérieures à cette date, le bénéfice de ces dispositions.

Mme Marisol Touraine. Si je comprends bien, les militaires vont conserver leurs bonifications, mais ce ne sera pas le cas des professeurs de l’enseignement technique. Pourrait-on savoir sur quel critère se fera le toilettage annoncé par le secrétaire d’État ? Est-ce un critère objectif ? Serait-ce un critère objectivement électoral ?

M. le secrétaire d’État. Avis favorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 11.

Article additionnel après l’article 24

Modification des règles de la surcote dans la fonction publique

La Commission examine l’amendement AS 516 du rapporteur.

M. Michel Heinrich. Cet amendement répond à un souci d’équité. Afin de traiter de façon égale les salariés du public et ceux du privé, il est proposé que les règles de calcul de la surcote soient alignées sur les modalités en vigueur dans le régime général : seules les périodes de service effectif et les bonifications et majorations à caractère familial, ou ayant un lieu avec un handicap, sont prises en compte pour le calcul de la surcote. Les avantages de durée d’assurance attribués au titre des enfants ou du handicap demeurent pris en compte pour le bénéfice de la surcote, dès lors que ceux-ci tendent à compenser l’impact de la naissance et de l’éducation des enfants et du handicap sur la carrière.

M. le secrétaire d’État. Cet amendement apporte une première réponse à la question de la prise en compte des bonifications dans le calcul de la surcote.

Cela dit, l’équité voudrait aussi que l’on supprime le plafond de vingt trimestres qui existe dans le public et pas dans le privé.

Je propose donc un sous-amendement tendant à ajouter à l’amendement AS 516 le paragraphe suivant :

« Au dernier alinéa du III de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, supprimer les mots : ", dans la limite de vingt trimestres”. »

M. le rapporteur. Avis favorable à ce sous-amendement.

M. Pascal Terrasse. Ce sont les femmes qui subissent le plus les décotes – 7,1 % en moyenne selon le COR – résultant de l’allongement de la durée de cotisation. Le COR précise, en outre, que les femmes travaillant dans la fonction publique sont particulièrement touchées. Je crains que cet amendement n’aggrave les choses.

La Commission adopte le sous-amendement du Gouvernement.

Puis, elle adopte l’amendement AS 516 ainsi sous-amendé.

Après l’article 24

La Commission est saisie des amendements AS 383 et AS 382 de M. Jean-Luc Préel, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. Jean-Luc Préel. Si aujourd’hui le taux de remplacement est sensiblement le même dans le privé et dans le public, les deux différences majeures entre les deux régimes concernent le taux de cotisation et la période de référence. Le Gouvernement nous propose dans son projet un alignement des taux de cotisation en dix ans. Je propose de procéder aussi à un alignement des périodes de référence – en précisant qu’il faudrait aussi tenir compte des primes, mais sur ce point je suis contraint par l’article 40 de la Constitution –, dans mon premier amendement en douze ans et demi, dans le second en vingt-cinq ans.

M. le rapporteur. Le Gouvernement est arrivé à la conclusion qu’une telle modification du mode de calcul ne changerait pas significativement les niveaux de pension. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Je me suis déjà exprimé plusieurs fois sur le sujet.

La Commission rejette les amendements AS 383 et AS 382.

Puis, elle est saisie des amendements AS 50, AS 51 et AS 52 de M. Dominique Tian, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Dominique Tian. Ces trois amendements visent à mettre fin à la pratique du « coup de chapeau », qui consiste à faire bénéficier nombre de fonctionnaires, dans leur dernière année d’exercice, de promotions leur faisant gravir un ou plusieurs échelons.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique. De même.

La Commission rejette les amendements AS 50, AS 51 et AS 52.

Article additionnel après l’article 24

Suppression de la majoration de pension pour conjoint à charge

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 498 de la Commission des finances.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. La loi du 23 août 1948 a mis en place une majoration de pension pour conjoint à charge. Depuis, sont intervenues la création du minimum vieillesse – en 1956 –, qui prend en compte les ressources du ménage, et celle de l’allocation vieillesse des parents au foyer – en 1972. La Commission des finances propose donc d’éteindre le dispositif de la majoration pour conjoint à charge, en ne l’accordant plus à partir du 1er janvier 2011, mais en continuant à la servir aux bénéficiaires actuels tant qu’ils remplissent les conditions.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le ministre. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement AS 498.

Après l’article 24

Elle est saisie de l’amendement AS 15 de M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Avec plusieurs de mes collègues, je propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 juin 2011, un rapport relatif à la détermination du salaire annuel moyen servant de base au calcul des pensions des personnes ayant travaillé à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé. Ce rapport détaillerait notamment les mesures envisageables, afin que soient prises en compte les vingt-cinq meilleures années.

Le décret du 13 février 2004 relatif aux polypensionnés ne traite pas, en effet, de ce cas, sur lequel nous souhaitons que le Gouvernement précise sa position.

M. le rapporteur. Nous avons déjà tous les éléments. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable également, compte tenu des engagements que nous avons pris.

L’amendement AS 15 est retiré.

La Commission examine l’amendement AS 140 de M. Roland Muzeau.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre prochain, un rapport sur les conditions dans lesquelles peut être envisagée l’intégration des primes et indemnités dans le calcul de la pension des agents de la fonction publique. La part de ces éléments dans la rémunération augmente en effet de manière préoccupante, alors qu’il n’en est pas tenu compte pour calculer les droits à pension. Cette intégration serait une mesure d’équité, et nous savons que l’équité vous tient à cœur !

M. le rapporteur. Les primes sont déjà pour partie prises en compte par le régime additionnel créé en 2003. C’est justement le souci d’équité qui me conduit à émettre un avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable également, puisque la préoccupation des auteurs de cet amendement est, en effet, en grande partie satisfaite. Le régime additionnel de la fonction publique, entré en vigueur le 1er janvier 2005, prend certes en compte les primes dans la limite de 20 % du traitement brut, mais il couvre en réalité 70 à 80 % des primes versées. De plus, comme je l’ai dit en répondant à M. Préel, il ne vaut pas la peine de transformer le mode de calcul en passant des six mois aux vingt-cinq meilleures années, car on n’aboutirait pas à des résultats très différents.

La Commission rejette l’amendement AS 140.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 219 de M. Lionnel Luca.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Certaines catégories de fonctionnaires pouvant prendre leur retraite dès 50 ans, il est nécessaire de permettre à ceux qui le souhaitent d’assurer leur reconversion dans le secteur privé. Or, les formations nécessaires ne sont pas toutes dispensées par le Centre national de la fonction publique territoriale. Nous proposons donc d’étendre le champ de compétences des organismes de formation professionnelle continue à la formation des agents de la fonction publique, le financement des cours étant assuré au moins pour partie par le centre national ou par l’administration d’origine. Les personnels de la fonction publique pourraient ainsi prolonger dans le privé leur durée d’activité, et donc de cotisation.

M. le rapporteur. Cet amendement soulève une question réelle, celle des modalités de reconversion de certaines catégories de fonctionnaires, mais on peut s’interroger sur sa présence dans ce projet de loi sur les retraites.

La loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a déjà prévu une revalorisation des aides à la réorientation professionnelle des fonctionnaires. Par ailleurs, la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui a transformé en profondeur le champ et le financement de la formation professionnelle, a créé le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

En conséquence, avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Avis défavorable également, la formation professionnelle continue des fonctionnaires n’étant pas destinée à organiser leur reconversion dans le secteur privé.

La Commission rejette l’amendement AS 219.

Elle en vient à l’amendement AS 358 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Nous proposons la création d’une commission de rapprochement des régimes de retraite. La question de l’équité, dont on parle parfois de façon erronée en prêtant aux fonctionnaires des avantages qu’ils n’ont pas, doit être examinée de manière globale, en étudiant les moyens d’assurer la convergence de l’ensemble des régimes.

M. le rapporteur. Le comité de pilotage, dont nous avons adopté la création à l’article 1er, aura déjà pour mission de veiller à la convergence des régimes. Avis défavorable.

M. le ministre. Même position.

La Commission rejette l’amendement AS 358.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 489 de la Commission des lois.

M. Émile Blessig, rapporteur pour avis de la Commission des lois. La situation des titulaires sans droit à pension dans les régimes de retraite de la fonction publique a déjà été évoquée dans nos débats. La Commission des lois a voulu appeler l’attention de la Commission des affaires sociales et du Gouvernement sur la nécessité d’avancer sur cette question, des ouvertures ayant été promises. Son amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le sujet avant le 31 décembre prochain, mais si des propositions étaient faites d’ici au mois de septembre, cette demande serait inutile.

M. le rapporteur. Le Gouvernement a indiqué qu’il allait se pencher sur ce problème pendant l’été et présenter un amendement en septembre. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. le ministre. Le Gouvernement est, en effet, en train de réfléchir à ce sujet. Il a entendu le message de la Commission des lois, dont il partage le sentiment.

M. Émile Blessig, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Dans ces conditions, donnons-nous rendez-vous en septembre ! Je retire l’amendement.

L’amendement AS 489 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS 272 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je me permets de signaler un problème de classement. Cet amendement aurait dû venir en discussion en même temps que d’autres amendements relatifs aux polypensionnés. Il est défendu.

La Commission rejette l’amendement AS 272.

Puis, elle examine l’amendement AS 208 de M. Jacques Remiller.

M. Dominique Tian. L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Pascal Terrasse. Cet amendement est un « copié-collé » en provenance de l’association « Sauvergarde retraites ». C’est aussi un tissu de mensonges.

L’IRCANTEC et la CNRACL sont aujourd’hui largement excédentaires, mais se retrouveront dans quelques années en situation de surcompensation démographique. De plus, l’IRCANTEC a dû récupérer toute une série d’entreprises publiques après leur privatisation, telle La Poste tout récemment. L’adoption de cet amendement la mettrait en grande difficulté et conduirait à mettre à contribution les collectivités territoriales gestionnaires.

Or, nous avions décidé par un vote commun que, chaque fois qu’un dispositif législatif ou un règlement pourrait avoir un impact financier sur les collectivités territoriales, la Commission des finances devait donner préalablement son avis. Ce n’est pas le cas.

M. le rapporteur. Le sujet soulève des interrogations chez de nombreux parlementaires auxquels certaines associations ont écrit. J’ai expliqué que les procédures d’adossement se déroulaient de façon satisfaisante. En l’espèce, l’AGIRC, l’ARRCO et l’IRCANTEC ont conclu, il y a quelques jours, un accord qui satisfait toutes les parties. L’amendement est donc inutile.

M. le secrétaire d’État. La situation de la CNRACL, à l’instar de celle de l’IRCANTEC, est moins florissante qu’il y paraît. Les projections du COR font apparaître une stabilisation en 2013 et 2014, puis un effondrement des recettes les années suivantes. Les mesures du projet de loi permettront de consolider le régime.

Je souscris à la remarque de M. Terrasse au sujet de l’avis de la Commission des finances.

Du reste, le dispositif présenté dans l’amendement est contraire au principe de la répartition et de la compensation. Le rendement de l’IRCANTEC devant se réduire de façon sensible dans les prochaines années, il faut faire très attention.

Enfin, nous privilégions les accords conclus avec les partenaires sociaux. Or, le 8 juillet dernier, le conseil d’administration de l’IRCANTEC et les commissions paritaires de l’AGIRC et de l’ARRCO ont validé un protocole entre elles.

Cela justifie notre avis défavorable à cet amendement.

M. Dominique Tian. Je le retire.

L’amendement AS 208 est retiré.

TITRE IV

PÉNIBILITÉ

M. le rapporteur. Nous abordons maintenant les articles du projet de loi relatifs à la pénibilité.

À la suite de la présentation des principales orientations du projet de loi, le 16 juin dernier, le Président de la République a souhaité que, sur ce sujet essentiel et complexe, la réflexion soit approfondie en dialogue avec les partenaires sociaux. Cette concertation doit se poursuivre tout au long des six semaines qui nous séparent de la discussion du projet de loi en séance publique, prévue en septembre. Il est très important de ne pas en préempter les conclusions. Lors des nombreuses auditions auxquelles j’ai procédé au début du mois, la plupart des partenaires sociaux m’ont dit leur attachement à ces rencontres. Nous examinerons toutefois attentivement les propositions concrètes qui nous seront soumises à leur issue.

En attendant, il ne faut pas légiférer trop hâtivement et je me suis personnellement gardé, à ce stade, de présenter des amendements, à l’exception de deux pour demander au Gouvernement des rapports d’information ou d’évaluation. Dans la même logique, je vous inviterai à retirer les amendements proposés sur la pénibilité, notamment après l’article 27. A défaut, je donnerai un avis défavorable à leur adoption.

M. Francis Vercamer. Les mesures concernant la pénibilité comptent parmi les mesures phares de ce projet de loi et le Nouveau Centre tient particulièrement à leur adoption. Les principes de justice, de responsabilité et d’efficacité maintes fois invoqués à l’appui de ce texte exigent, en effet, que l’on prenne en compte l’usure professionnelle qui peut affecter un salarié exposé à des produits dangereux ou à un environnement préjudiciable à sa santé.

Notre groupe a déposé un certain nombre d’amendements – pour la plupart après l’article 27 – qui me semblent importants. Si je comprends le souhait du Rapporteur et du Gouvernement de poursuivre le dialogue avec les partenaires sociaux, je serais heureux d’avoir leur avis sur ces propositions.

Un premier type d’amendements porte sur la définition de la pénibilité. Même si celle-ci peut être assez large, il faut au moins dire ce que l’on entend par ce mot. Nous avons d’ailleurs déjà adopté un amendement parlant de « travail pénible » et si la loi ne dit pas en quoi celui-ci consiste, il y a fort à parier que la justice s’en chargera à notre place !

Pour autant, il est important de ne pas figer cette définition dans le temps : elle peut évoluer en fonction des apports de la recherche, des modifications des conditions de travail ou de la jurisprudence, y compris pénale – en relation, par exemple, avec la notion de faute inexcusable de l’employeur. Par ailleurs, la pénibilité peut aussi faire l’objet de compensations prévues par les conventions collectives ou sous forme de mesures de réduction du temps de travail. C’est pour cela que j’ai fait adopter avec le soutien du Rapporteur et du Gouvernement – ce dont je les remercie – un amendement créant un Observatoire de la pénibilité, afin de pouvoir mesurer dans la durée cette évolution et apprécier ses implications en matière de retraites.

Surtout, plus que de compenser, donnons-nous les moyens de prévenir cette pénibilité. Il me paraît important de réformer les services de santé au travail – et je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez annoncé le dépôt d’un texte sur le sujet. Il faut que ces services puissent faire leur travail de prévention et que les employeurs soient incités à améliorer les conditions de travail dans l’entreprise.

Enfin, il faut aller plus loin dans la prise en compte de la pénibilité. Le texte ne prend en compte que l’incapacité au travail. J’estime, pour ma part, qu’il faut tenir compte des effets différés : un certain nombre de métiers s’exercent au contact de produits dangereux qui provoquent inéluctablement une maladie, à terme.

Je comprends néanmoins que le Gouvernement veuille discuter avec les partenaires sociaux et nous retirerons, le cas échéant, nos amendements. Mais, ne doutez pas pour autant que nous serons très vigilants en séance publique, afin d’améliorer ces dispositions touchant à la pénibilité.

M. le rapporteur. J’ai précisé que j’inviterais au retrait des amendements ou que je me prononcerais contre leur adoption, cela par respect pour le Gouvernement et pour les partenaires sociaux, qui nous l’ont demandé !

M. Roland Muzeau. Le préambule du Rapporteur n’est pas acceptable. Nous ne sommes pas là pour enfiler des perles ou pour constater que nous n’avons pas le droit de faire de propositions ! Nous y avons travaillé en amont, nous devons en débattre, même si nous avons une idée du sort réservé à ces amendements. C’est le travail des parlementaires ! Annoncer que rien ne pourra se décider aujourd’hui parce que le Président de la République a déclaré qu’il rouvrait la concertation avec les partenaires sociaux, c’est tout de même aller un peu fort ! Le texte a été déposé au Parlement ; nos institutions ne prévoient pas que les commissions puissent renoncer à travailler ! Il est vrai que Jean-François Copé a annoncé, en début de semaine, que rien ne bougerait pendant les travaux de notre commission. Il a satisfaction : rien n’a bougé ou presque… Et voilà que, sur un volet aussi important que la pénibilité, vous écartez jusqu’à l’hypothèse d’accepter la moindre proposition ! En quoi les parlementaires seraient-ils moins qualifiés pour formuler des propositions ? Les partenaires sociaux, que nous avons rencontrés hier encore, nous ont donné leur sentiment sur la négociation en cours sur le thème de la pénibilité : ils n’y croient pas une seule seconde ! Martine Billard, Jacqueline Fraysse et moi-même défendrons donc nos amendements.

M. Régis Juanico. Le Gouvernement nous dit que l’inclusion d’un volet consacré à la pénibilité dans ce plan sur les retraites serait une première. C’est faux. Je puis citer deux décisions, remontant à moins de six mois, qui remettent en cause la pénibilité au travail en relation avec la retraite : l’une retire aux infirmières la possibilité de partir à 55 ans, et l’autre – c’est le décret du 31 décembre 2009 – prive les mineurs retraités de l’accès gratuit aux soins !

Le Gouvernement nous dit aussi que nous sommes le premier pays d’Europe à traiter de la pénibilité dans une réforme des retraites. Mais, l’étude d’impact jointe au projet de loi précise qu’en réponse à un questionnaire envoyé à différents pays, deux des sept qui ont répondu – l’Italie et la Pologne – ont déjà adopté des mesures de retraite anticipée, ou en ont posé le principe, pour prendre en compte la pénibilité.

Je suis surpris qu’alors qu’ils mentionnent notamment les rapports de M. Struillou, de 2003, et de M. Lasfargues, de 2005, le rapport de Denis Jacquat et l’étude d’impact ne fassent pas la moindre référence à la mission d’information parlementaire, créée au sein de notre commission, à laquelle plusieurs d’entre nous ont participé pendant huit mois. Elle était pourtant parvenue à un consensus sur la définition de la pénibilité au travail et sur les critères de pénibilité, qui avaient déjà fait l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux.

Que manque-t-il à ce volet pénibilité qui n’en est pas un ? D’abord, précisément, une définition de la pénibilité au travail et des critères de celle-ci, qu’il faudra introduire dans la loi par voie d’amendements. Ensuite, un volet prévention et amélioration des conditions de travail – renforcement de la formation et de l’information des comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, document unique, rôle des services de santé au travail.

Si ce volet fait défaut, c’est parce qu’il y a un volet incapacité physique permanente, qui étend les dispositifs existants en matière de maladies professionnelles et d’accidents du travail. Ce dispositif est extrêmement limité : il bénéficiera à moins de 9 000 salariés par an – chiffre auquel on parvient en additionnant les maladies professionnelles et les accidents du travail, sans tenir compte des accidents de trajet. On est loin des 2,3 à 2,7 millions de personnes concernées par des conditions de travail pénibles et des 700 000 salariés qui cumulent deux facteurs ou 20 heures par semaine de pénibilité.

Nous n’avons pas avancé d’un iota sur ce volet incapacité depuis l’avant-projet de loi, alors que vous vous étiez engagés à lancer une concertation pour l’améliorer. Vous nous dites maintenant qu’il faut six semaines supplémentaires. À quoi cela va-t-il servir ? Rappelons que le texte est déjà en recul par rapport à l’avant-projet de loi, puisqu’il ne s’agit plus de prendre en compte l’exposition à des conditions de travail pénibles tout au long de la carrière, mais les « conséquences » de cette exposition. On revient donc à l’état de santé, c’est-à-dire à une conception restrictive, individuelle et médicale de la pénibilité.

M. Dominique Dord. La prise en compte de la pénibilité est incontestablement l’une des avancées majeures de ce projet de loi. Cependant, on a rarement vu sujet aussi difficile à appréhender et à décliner dans un texte. Ceux qui prétendent le contraire n’ont eux-mêmes jamais réussi à le faire.

Notre commission a entendu plus de trente spécialistes de ces sujets. Si tous ont réaffirmé l’importance qu’ils attachaient à cette prise en compte, nous avons eu fort peu de commencements de débuts de réponse sur la manière dont il convient de procéder… J’entends bien les critiques qui sont adressées au dispositif proposé par le Gouvernement, mais il a au moins un mérite : celui d’être simple et objectif. Il se fonde sur des critères définis par des médecins. Par ailleurs, traiter le problème des carrières longues – ce que fait le texte –, c’est une autre manière de prendre en compte la pénibilité – et au moins aussi bien, à mon sens.

M. Dominique Tian. Ces articles sur la pénibilité sont suspendus à un accord dont nul ne sait s’il sera signé avant la discussion en séance publique. Voilà en effet deux ans et demi que les partenaires sociaux négocient sans parvenir à conclure. Espérer cet accord d’ici à septembre n’est-il pas illusoire ?

La définition de la pénibilité est extrêmement importante. Actuellement, elle ne s’appliquerait qu’à 10 000 ou 11 000 personnes. Il faudra sans doute aller plus loin dans les années qui viennent.

Reste le problème de fond : est-ce vraiment à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de financer cette nouvelle mesure ? Les hausses de cotisations vont affecter au premier chef les entreprises qui emploient le plus de personnel, qui sont aussi les plus fragiles. Notre souci majeur ne doit-il pas être de préserver la compétitivité des entreprises et d’éviter la délocalisation des activités à fort taux de main-d’œuvre ? Je m’inquiète donc de ce transfert de charges.

M. le président Pierre Méhaignerie. La pénibilité est un sujet très important, qui nourrit l’angoisse des salariés dans certains secteurs – très limités. Le Gouvernement y a déjà répondu – 2003 a marqué à ce titre une étape décisive. Le départ anticipé à la retraite – à 60 ans, voire plus tôt – de 100 000 personnes chaque année n’est pas négligeable, au regard de ce qui se fait dans les autres pays européens. J’ai moi-même changé de position au cours des auditions. Nous avons en effet reçu trois types de messages. L’Union professionnelle artisanale (UPA) a dit redouter que les métiers de l’artisanat ne soient étiquetés « métiers pénibles ». Nombre d’organisations, y compris des syndicats, ont craint qu’en transférant la responsabilité de l’entreprise à la collectivité, on ne dissuade la première de faire des efforts de prévention. Enfin, on nous a fait valoir qu’aucun pays d’Europe n’a traité collectivement le problème de la pénibilité dans le cadre de son système de retraite. Nous l’avons fait, nous, indirectement, via les carrières longues et le dispositif des 20 % d’incapacité.

Il reste qu’un effort supplémentaire s’impose, à condition qu’il soit consenti par l’entreprise ou par la branche, et financé essentiellement par celle-ci. Rien n’empêche de mettre en place des systèmes d’incitation pour développer le tutorat ou le travail à temps partiel – à partir d’un certain âge et dans certains métiers –, mais les financer par les déficits sociaux serait trop facile ! Nous avons le système social le plus développé d’Europe, mais aussi le plus coûteux. En revanche, il existe des systèmes particulièrement avantageux qui donnent à penser qu’une solidarité interprofessionnelle pourrait jouer. L’UNEDIC permet, par exemple, des départs contractuels avec deux ans d’indemnités pouvant monter jusqu’à près de 6 000 euros par mois, ce qui n’a d’équivalent nulle part ailleurs en Europe.

C’est dans cet esprit que je déposerai avec le Rapporteur un amendement qui, contournant comme nous y sommes obligés l’obstacle de l’article 40, n’en sera pas moins une incitation pour le Gouvernement à travailler, d’ici à septembre – ce qui est une façon de participer à la concertation !

M. le rapporteur. J’approuve vos réflexions, monsieur le président. La pénibilité est un sujet difficile, mais qui devait être abordé, et nous savons gré au Gouvernement de l’avoir fait. Faut-il rappeler à ceux qui étaient des nôtres en 2003 les nuits que l’Assemblée nationale a passées à débattre de ce problème ? Un certain nombre de députés avaient alors expressément souhaité que les partenaires sociaux en discutent d’abord et donnent leur avis. C’était les respecter, et ce respect fait toujours partie de nos grands principes.

Je n’ai pas cité le rapport de Jean-Frédéric Poisson dans les commentaires d’articles qui ont un caractère technique, monsieur Juanico, mais je le ferai dans l’exposé général que je suis en train d’élaborer. Vous pouvez donc être rassuré.

M. le ministre. La prise en compte de la pénibilité est au cœur de nos préoccupations dans ce projet de loi. La vraie question est de savoir comment s’y prendre pour ne pas faire naître d’injustice, que ce soit vis-à-vis de ceux qui ont un travail vraiment pénible ou vis-à-vis des autres, ou encore en se trompant de critères. Dès lors que l’on accorde à certains la possibilité d’un départ en retraite précoce, par exemple, il faut que le dispositif soit compréhensible pour ceux qui ne bénéficient pas de cet avantage.

Nous avons longuement réfléchi. Comme vous, nous avons rencontré des experts et travaillé des semaines durant avec les partenaires sociaux. Nous sommes arrivés à plusieurs conclusions. Tout d’abord, le dispositif ne peut concerner tous les Français.

Mme Michèle Delaunay. Personne ne le demande !

M. le ministre. Ensuite, il ne doit pas être complexe et administratif au point de devenir ingérable. Enfin, il doit respecter l’équilibre général du projet – dont l’objectif reste d’assurer le financement de notre système de retraite.

Se pose alors une nouvelle question : s’intéresse-t-on à la pénibilité uniquement lorsque l’effet en est immédiat, ou également lorsqu’il est différé ? Le Gouvernement a fait le premier choix. On ne pose donc pas la question de la définition de la pénibilité, qui peut toujours être remise en cause. J’observe, d’ailleurs, que le code de la sécurité sociale ne définit pas la maladie, et ne s’intéresse qu’à ses conséquences. C’est la même chose que nous essayons de faire s’agissant de la pénibilité – et c’est sans doute une approche plus sûre.

Dès lors, nous avons voulu nous inscrire dans un dispositif connu et qui fonctionne, celui des accidents du travail et des maladies professionnelles. Qui dit conséquences de la pénibilité dit mesure de la pénibilité. Celle-ci tient à une usure physique prématurée due au travail. Contrairement à d’autres pays, nous entendons faire une distinction claire entre ce qui relève du travail et ce qui n’en relève pas, autrement dit entre ce qui relève de l’incapacité et ce qui relève de la notion d’invalidité. À partir d’un taux d’incapacité fixé à 20 %, on estime qu’il y a bien une conséquence de la pénibilité et un lien entre le travail et cette conséquence. Les salariés concernés conserveront donc la possibilité de partir à la retraite à 60 ans quand les autres progresseront vers la retraite à 62 ans.

Est-ce suffisant ? Je conviens que non. Il faut sans doute aller plus loin. Et la meilleure façon de lutter contre la pénibilité, c’est de supprimer ses conséquences, autrement dit d’éviter l’usure physique prématurée. Il y a donc un travail à conduire sur les conditions de travail. Le texte comporte déjà des dispositions à cet égard ; on peut les améliorer. Ce volet préventif est essentiel. S’il n’est pas le plus spectaculaire, c’est sans doute le plus efficace et le plus juste.

Il faut ensuite poser la question de la traçabilité, qui est la condition d’un traitement individualisé. Cette traçabilité ne peut être établie aujourd’hui en France : nous avons, certes, des services de médecine du travail performants 
– d’autres moins – et des matrices d’exposition aux facteurs de risque, mais aucun système global. Or, cette traçabilité est indispensable : il faut bien se pencher sur la carrière des salariés, pour savoir s’ils ont été exposés à des facteurs de pénibilité identifiés en liaison avec les partenaires sociaux. Nous aimerions donc pouvoir proposer un dispositif avant la discussion en séance publique – car sans traçabilité, il n’y a pas de pénibilité.

Nous avons répondu à une partie des questions qui se posent en prenant en compte les effets immédiats de la pénibilité. Nous pouvons encore avancer sur les effets différés, comme sur le suivi médical post-professionnel. Nous avons achevé nos rencontres avec les partenaires sociaux il y a quelques jours. Le Gouvernement a encore un certain nombre de choix à faire ; nous reviendrons ensuite vers votre Assemblée pour voir comment la France peut se doter d’un dispositif sérieux, responsable et juste sur la pénibilité et la retraite.

M. Alain Vidalies. On a renoncé à une grande idée partagée. En 2003, nous avions retenu le concept de pénibilité. Les négociations, qui se sont déroulées entre les partenaires sociaux, nous ont donné des espoirs. Elles ont achoppé, mais pas sur les concepts que vous remettez en cause aujourd’hui – et c’est là qu’il y a reculade. Le Gouvernement et la majorité ont-ils contesté le rapport de M. Struillou en 2003 ? Avez-vous refusé à un quelconque instant que le débat sur la pénibilité s’engage à partir de la définition très forte que je cite : « il s’agit des expositions qui réduisent l’espérance de vie sans incapacité des travailleurs » ? Le rapport sur la base duquel s’est engagée la négociation, comme le rapport Lasfargues qui a repris ces principaux concepts, vont à l’exact inverse de ce que vous proposez aujourd’hui. C’est sur cette base que les partenaires sociaux ont négocié. Ils ont achoppé précisément sur ce que l’on retrouve dans votre texte, la mesure individuelle de l’usure au travail.

Vous abandonnez donc l’idée même de pénibilité. Vous changez le concept en rebaptisant pénibilité ce qui relève en fait de l’invalidité. Les députés de la majorité ont invoqué à leur bénéfice, durant toutes ces années, les travaux qui étaient conduits – je vous relirai le moment venu les déclarations de certains d’entre eux reprenant la définition que je viens de citer et se targuant d’avoir inventé le concept de pénibilité !

Pour ma part, j’étais favorable à ce que nous nous engagions collectivement dans ce sens. Mais il y a alors eu une rupture, sous la forme de ce projet de loi – non pas parce que vous avez renié votre orientation initiale – je ne vous fais pas ce procès –, mais parce que vous avez pris conscience de contraintes de nature financière. Vous avez analysé les chiffres, et cela vous a conduits à proposer tout autre chose : une disposition qui, comme l’a rappelé M. le ministre dans sa présentation, bénéficiera à 10 000 personnes sur les 700 000 qui partent à la retraite chaque année. Ainsi, la pénibilité, sujet majeur pour les partenaires sociaux, ne concernerait que 1,5 % des Français en âge de prendre leur retraite ? C’est ridicule, convenez-en !

Mme Valérie Rosso-Debord. Vous oubliez le dispositif des carrières longues !

M. Alain Vidalies. Ne mélangez pas tout ! Comme le savent ceux qui travaillent sérieusement sur le sujet, les carrières longues n’ont rien à voir avec la pénibilité. Ce qui vous gêne, c’est d’avoir pris le contre-pied d’une définition de la pénibilité que vous aviez commencé par revendiquer.

Vous dites, monsieur le président, qu’il faut combler les déficits. Je veux bien, mais lesquels ? Celui qui importe, c’est le déficit d’espérance de vie. Or, nous disposons sur ce sujet d’une série de rapports qui doivent nous permettre d’avancer. Je pense effectivement, monsieur le ministre, que la reconnaissance de la pénibilité ne peut reposer sur des critères subjectifs, sur le ressenti personnel. Il est nécessaire de s’appuyer sur un lien statistique entre les conditions de travail et l’évolution de la santé. De même, il est vrai qu’adopter une conception trop extensive de la pénibilité reviendrait à renoncer à cette notion. C’est pourquoi nous devons agir rationnellement et prendre en compte ce dont on est sûr, à savoir qu’il existe, dans un certain nombre de domaines – rythmes de travail, exposition à des produits toxiques, etc. –, un lien direct entre les conditions de travail et l’espérance de vie.

Est-ce que cela recouvre tous les cas de pénibilité ? Peut-être pas. Mais au moins, ce lien est confirmé par les statistiques et les travaux scientifiques. C’est pourquoi, au moment où vous reculez l’âge légal de départ à la retraite, la seule mesure progressiste et juste consiste, selon moi, dans la mise en place d’un système de bonification des annuités en fonction de la durée d’exposition.

M. le ministre. Il n’existe pas, actuellement, de traçabilité en ce domaine. On peut réfléchir à un tel dispositif pour le futur, mais, en dehors de quelques cas particuliers, il n’est pas possible d’établir de façon sérieuse l’historique de la carrière de chaque personne. Certes, certains éléments peuvent être recueillis, notamment auprès des services de la médecine du travail, mais on ne peut pas remonter sur quarante ans. En outre, l’état de la connaissance scientifique change tous les cinq ans.

Sans données stables, le système serait extraordinairement injuste. Une personne dont la carrière serait plus facile à retracer, parce qu’elle a travaillé dans une grande entreprise dotée d’un service de médecine du travail performant, en bénéficierait alors que le salarié d’une PME en serait écarté.

Il est aisé d’invoquer le concept de pénibilité, mais dès que l’on cherche à définir un dispositif opérationnel, tout devient beaucoup plus malaisé. Nous aurions pu nous abriter derrière cette difficulté pour ne rien faire, mais cela n’a pas été notre choix. Ce que nous proposons est déjà beaucoup.

M. Alain Vidalies. Pour certains, on dispose d’outils de traçabilité. Il est vrai que pour d’autres, les choses sont plus compliquées, mais est-ce une raison de décider que, puisque ce n’est pas possible pour certains, personne ne devrait bénéficier de cette prise en compte de la pénibilité ? Il vous appartient, en tant que représentant du pouvoir exécutif, d’imaginer un système de compensation à destination de ceux dont on ne peut pas retracer la carrière. D’ailleurs, rien n’interdit de combiner les deux systèmes, l’un fondé sur l’usure constatée, l’autre sur l’exposition aux risques.

La fixation d’un certain nombre de principes dans la loi est le seul moyen d’éviter que la question de la pénibilité ne soit définitivement enterrée. Une solution de facilité consisterait à renvoyer le problème aux négociations de branche, afin de déterminer quels sont les postes de travail pénible, mais je ne crois pas un instant à une telle solution. Notre expérience au sein des collectivités locales montre qu’il existe, dans ce domaine, une grande différence entre le ressenti des gens et la réalité. Il s’agit donc d’une fausse piste.

Compte tenu du travail scientifique déjà accumulé et des négociations qui ont déjà eu lieu entre partenaires sociaux, nous disposons de tous les éléments pour trancher. Le temps est venu de la décision politique. Mais, pour des raisons strictement financières, vous avez pris le contre-pied de la démarche initialement engagée. Et ce choix de faire prévaloir les exigences financières sur une réforme qui s’impose est ce qui nous paraît le moins acceptable dans votre projet.

Mme Marie-Christine Dalloz. On le voit depuis le début de nos débats : la vraie difficulté réside dans la définition de la pénibilité, dans l’impossibilité d’établir des critères en ce domaine.

Et cette difficulté est encore plus grande quand, comme Alain Vidalies, on pratique sans cesse l’amalgame entre l’invalidité et l’incapacité. On ne doit pas parler d’invalidité pour désigner la prise en compte d’une incapacité permanente d’au moins 20 %. Car l’invalidité, pour beaucoup, est synonyme d’un état définitif et d’une inaptitude à exercer un emploi, ce qui n’est pas le cas avec un taux de capacité de 80 %. La confusion entre ces notions est un écueil qu’il faut absolument éviter.

En revanche, Alain Vidalies défend une excellente idée lorsqu’il suggère de combiner les approches fondées sur l’exposition au risque et sur le constat d’incapacité. C’est exactement ce que prévoit le projet de loi. Peut-être ne sommes-nous pas d’accord sur certains points secondaires, mais sur le principe, la grande avancée de ce texte réside dans la prise en compte de données objectives. Le risque aurait justement été de se fonder sur des critères tels que l’espérance de vie, car dans ce domaine, il existe des disparités importantes entre les catégories de population : hommes et femmes, habitants du Nord ou du Sud. Ainsi, alors que l’espérance de vie pour une femme est de 85 ans en Midi-Pyrénées, elle tombe à 82 ans dans le Nord-Pas-de-Calais.

Si, en plus, on distingue selon les catégories socioprofessionnelles, les écarts deviennent impressionnants. Il était matériellement impossible, dans un texte de loi, d’atteindre un tel niveau de détail. Cela étant, la combinaison des facteurs d’exposition aux risques et du constat d’incapacité me paraît offrir les garanties d’une bonne prise en compte de la pénibilité.

Mme Marisol Touraine. L’intervention du ministre a eu le mérite de faire clairement apparaître en quoi nos approches divergent. Selon lui, il existe deux façons d’envisager les choses : soit prendre en compte l’exposition immédiate à certains facteurs de pénibilité, soit s’interroger sur leurs effets à long terme. C’est la deuxième approche que nous défendons. Toutes les analyses existantes, qu’elles proviennent des partenaires sociaux ou des milieux universitaires, montrent que la pénibilité ne peut pas s’apprécier ponctuellement. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines personnes ont le sentiment d’exercer un métier pénible, alors que ce n’est objectivement pas le cas, et qu’inversement d’autres sous-estiment les risques liés à la tâche qu’ils doivent accomplir, parce qu’ils n’en ressentent pas les effets. C’est ainsi que de nombreuses études ont montré les effets à long terme du travail de nuit ou de l’exposition à certains produits toxiques.

Si vous maintenez l’idée selon laquelle la pénibilité doit être appréhendée en fonction de ses effets immédiats, mesurés ponctuellement, nous n’avancerons pas.

Nous nous rejoignons évidemment pour juger que la prévention est essentielle et, dans ce domaine, nous sommes prêts à aller plus loin que vous. Même si les risques psychosociaux, que nous sommes nombreux à avoir étudiés, ne peuvent être pris en compte comme facteurs de pénibilité, nous insistons sur la nécessité de repenser l’organisation du travail dans un souci de prévention. En Suède, en Finlande et aux Pays-Bas, le gouvernement a imposé aux entreprises soit de reclasser les salariés d’un certain âge dans d’autres filières, soit de permettre leur départ anticipé.

Enfin, j’entends l’argument du ministre sur la traçabilité de l’exposition aux risques : il ne suffit pas de claquer les doigts pour procéder à une réforme. Pour notre part, nous ne parlons pas de métiers pénibles, car notre but n’est pas de recréer des régimes spéciaux.

M. le ministre. Je ne vous fais pas ce procès.

Mme Marisol Touraine. Mais, puisqu’il s’avère que les conditions dans lesquelles on exerce certains métiers sont pénibles, pourquoi ne pas progresser au moins dans deux directions ?

En premier lieu, nous pouvons nous appuyer sur un certain suivi professionnel : il existe un recensement qui permet d’établir une traçabilité de l’exposition à la pénibilité dans certains métiers publics ou privés. Il y a même une jurisprudence à cet égard.

D’autre part, on pourrait mettre en place des commissions – commission AT-MP classique ou commission spécifique composée de partenaires sociaux et de médecins du travail – auprès desquelles le salarié pourrait faire valoir qu’il a été exposé à des facteurs de pénibilité, à charge pour lui d’apporter les éléments le démontrant. Ceux-ci seraient examinés en cas de contestation. Plusieurs dispositifs peuvent être envisagés, mais on ne peut s’arrêter à l’argument selon lequel cette pénibilité ne pourrait être prise en compte pour le passé. Nous disposons de suffisamment d’éléments pour traiter la très grande majorité des cas.

Monsieur le ministre, si vous voulez que votre texte ne soit pas seulement une loi de financement, mais constitue une réelle avancée sociale, vous devez vous engager sur cette question. La loi de 2003 annonçait une réflexion qui, à cause du MEDEF et de la CGPME, n’a pas abouti à un accord entre les partenaires sociaux. Vous avez une responsabilité historique pour résoudre un problème de société majeur.

M. Guy Lefrand. Le projet de loi apporte plusieurs avancées en matière de prise en charge de la pénibilité. Il comporte des mesures automatiques, notamment le maintien de la retraite à 60 ans pour les salariés qui, du fait d’une situation d’usure professionnelle constatée, souffrent d’un taux d’incapacité physique supérieure ou égale à 20 %. Je suis également favorable à l’organisation d’une traçabilité – qui ne peut bien sûr s’exercer de façon rétroactive – en ce qui concerne l’exposition aux produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Je souhaite aussi que le Gouvernement étudie la possibilité de créer une filière individuelle de prise en compte de la pénibilité, comme l’ont fait certains pays. Le ministre peut-il s’y engager et, par exemple, constituer à cet effet une commission réunissant des représentants des partenaires sociaux et des professions de santé ? Cela permettrait de ne pas prendre de mesures automatiques pour tel type de filière ou d’entreprise.

Enfin, le ministre annonce une réforme de la santé au travail. Quels que soient les problèmes qu’elle rencontre en matière de démographie médicale, la France est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre de médecins du travail, rapporté au nombre de salariés – à elle seule, elle en compte quasiment autant que tout le reste de l’Union. Il faut redéfinir leur rôle, en leur assignant clairement une mission de prévention et de suivi post-professionnel.

M. Gaëtan Gorce. J’approuve les propos d’Alain Vidalies, et je veux répondre aux objections du ministre, qui a mis en avant la difficulté d’établir une traçabilité en ce qui concerne la pénibilité. Pour ne pas abaisser à 60 ans l’âge légal de départ en retraite, la loi du 30 décembre 1975 a institué un dispositif, essentiellement tourné vers le milieu ouvrier et vers les travailleurs manuels, qui a permis le départ anticipé de catégories professionnelles exposées à certains risques, au travail de nuit et au bruit. En 2000, pour élaborer le dispositif de cessation d’activité de certains travailleurs salariés (CATS), notamment dans la construction automobile, nous avions également pris en compte la notion d’exposition aux risques. Cela signifie qu’il faut accepter de définir un périmètre, en tenant compte de facteurs objectifs qui concernent surtout les ouvriers et les employés : travail de nuit, travail alterné, exposition au bruit ou à des matières toxiques. Si l’on veut prendre en compte tous les champs, même les risques psychosociaux, nous n’y parviendrons pas. Concentrons-nous au moins sur les atteintes physiques, d’autant qu’elles s’aggravent. Cela nous permettra d’avancer de manière concrète.

La négociation entre les partenaires sociaux n’a achoppé que sur le financement, mais a pour le reste dégagé des éléments sur lesquels le législateur peut s’appuyer. Il n’y a donc pas lieu de prétendre que le Gouvernement n’a pas d’autre choix que de confondre pénibilité et invalidité.

Mme Martine Billard. La loi de 2003 a ouvert des négociations qui, sans déboucher sur un accord final, ont en effet permis de dégager un consensus sur les critères de pénibilité. Contrairement à ce que laissent entendre certains de nos collègues de l’UMP, nul ne prétend que tout travail senti comme pénible doive donner droit à un départ anticipé à la retraite. Le tout est de prendre en compte certains facteurs – travail de nuit, travail posté, port de charges lourdes, exposition à des produits toxiques – qui réduisent l’espérance de vie. Mais, ce même critère exclut qu’on considère les troubles musculo-squelettiques, qui ne font que réduire l’espérance de vie en bonne santé. Qu’on cesse donc de nous opposer l’absence de définition de la pénibilité. Une définition existe, il faut nous y tenir.

Un point m’inquiète dans les déclarations du ministre : il s’arrête aux effets immédiats de la pénibilité, à l’usure physique, à l’incapacité égale ou supérieure à 20 %. Or, les effets du port de charges lourdes ou de l’exposition à certains produits toxiques sont parfois différés dans le temps. Les maladies liées à l’exposition à l’amiante ou aux éthers de glycol ou, pour les agriculteurs, aux pesticides peuvent se développer après le départ à la retraite.

Enfin, actuellement, quand, n’étant plus en état de travailler, les salariés sont placés en longue maladie ou en invalidité, ils sont pris en charge par la sécurité sociale. Reste à savoir si le droit au départ anticipé en retraite doit être supporté par le Fonds solidarité vieillesse, ou s’il faut prévoir une augmentation des cotisations AT-MP, voire une cotisation additionnelle. Il serait juste que les entreprises, qui ne font pas suffisamment d’efforts de prévention, assument les conséquences financières de leur politique. C’est ce que nous attendons d’un texte qui ne viserait pas uniquement, au nom d’intérêts comptables, à réduire les possibilités de départ anticipé pour des travailleurs qui ont été réellement exposés à des risques.

M. Jean Bardet. Nous tournons en rond depuis une heure, faute de distinguer handicap et pénibilité. On peut être handicapé, en fauteuil roulant, et faire un travail qui n’aura rien de pénible, comme on peut parfaitement effectuer un travail pénible – par exemple casser des cailloux sur les routes – sans être handicapé. Il est bon que la loi prenne en compte le handicap, mais je pense, comme mes collègues socialistes, qu’il faut redéfinir la pénibilité et formuler les critères qui permettent de la mesurer.

Mme Michèle Delaunay. Je suis heureuse de cette discussion car, après les quatre-vingts années de progrès sociaux et sanitaires qu’a connues notre pays, il serait inadmissible que ce texte marque un recul sur une question aussi importante.

À mon sens, la distinction entre risque immédiat, risque secondaire et risque potentiel est fragile : bien des risques immédiats peuvent s’aggraver de manière secondaire, ou comporter un risque potentiel d’altérer les conditions de vie des retraités. Nous devons donc nous efforcer de prendre tout cela en considération.

D’autre part, la prévention ne doit pas être exclue du texte. Les études de médecine du travail montrent que les couvreurs âgés tombent plus souvent que les jeunes, parce que leur vigilance est moindre. Dans leur cas, le report de l’âge de la retraite serait lourd de conséquences.

Enfin, j’aimerais savoir précisément comment on a déterminé le chiffre de 10 000 personnes – 1,5 % de celles qui partent en retraite, a calculé Alain Vidalies – susceptibles de bénéficier d’un départ anticipé au titre de la pénibilité.

M. Pascal Terrasse. Il ne saurait être question d’exonérer les entreprises de leurs responsabilités en matière d’ergonomie ou de prévention. C’est sur ce point que doit porter l’essentiel de notre réflexion, comme celle des branches professionnelles. Par ailleurs, envisage-t-on d’accorder des bonifications à ceux qui effectuent des tâches pénibles ? Ne pourrait-on, pour certaines activités professionnelles, organiser des sorties « en sifflet », par le moyen du tutorat, du travail à temps partiel ou de la cessation progressive d’activité ?

Cela dit, ne confondons pas l’usure prématurée et l’invalidité ou le handicap. Pour ceux-ci, des dispositifs sont en place : dès lors qu’un travailleur atteint un certain taux d’invalidité, il peut faire valoir ses droits à la retraite anticipée. Quant à l’usure prématurée, elle doit être définie en fonction de l’espérance de vie en bonne santé après 60 ans qui, dans certaines professions, est très limitée. À cet égard, on peut travailler dans trois directions : majorations du nombre de trimestres, financement de temps partiels ou cessation d’activité.

Enfin, un carnet de traçabilité pourrait permettre un suivi médical des postes professionnels. Puisque les carrières ne sont pas linéaires – l’ascenseur social doit permettre d’accéder avec le temps à des postes moins pénibles –, chacun devrait disposer d’un livret de traçabilité grâce auquel des majorations ou des bonifications pourraient intervenir, par exemple tous les dix ans. Elles seraient prises en compte lors de la liquidation des droits à pension.

Mme Valérie Rosso-Debord. Pour notre part, c’est en fonction de ses conséquences que nous définissons la pénibilité, tout en tenant compte du fait qu’au cours d’une carrière longue, on est davantage exposé à certains facteurs de risques. En 2015, cette loi concernera à ces deux titres 100 000 personnes par an, sur 650 000 départs.

M. Jean Mallot. La question des carrières longues n’a rien à voir avec la pénibilité !

Mme Valérie Rosso-Debord. Je comprends les difficultés de nos collègues socialistes. Puisqu’ils ont raté le cap des carrières longues en 2003, ils ne veulent pas rater celui de la pénibilité en 2010. Pour ma part, je suis fière d’appartenir à la majorité. Ceux qui auront pris ces mesures, comme celles qui concernent les carrières longues, appartiennent à notre majorité.

Mme Catherine Génisson. Nous divergeons sur un point essentiel. Pour nous, la pénibilité doit être définie en fonction des conditions de travail et non de ses conséquences. Si l’espérance de vie n’est pas le seul critère à prendre en compte, elle a son importance. Celle d’un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d’un cadre supérieur et, quoi qu’en dise Marie-Christine Dalloz, si celle des habitants de la région Nord-Pas-de-Calais n’est pas élevée, c’est du fait des conditions de travail dans la mine, la métallurgie, la sidérurgie et l’industrie textile. Beaucoup de mineurs n’ont profité de leur retraite que quelques mois, voire quelques semaines seulement ! Distinguons donc conditions de travail et conséquences, et évitons de mélanger incapacité, invalidité et pénibilité.

Je me suis beaucoup occupée de la législation sur le travail de nuit. Il se trouve que l’homme est un animal diurne, dont le rythme chronobiologique est extrêmement perturbé par le travail nocturne. Pourtant, les travailleurs de nuit préfèrent souvent les compensations salariales aux repos compensateurs. C’est dire si la prévention et l’information sont cruciales dans ce domaine. Or, elles sont absentes du projet.

Enfin, le carnet de santé au travail – appellation que nous préférons à celle de « dossier médical » – doit être établi avec les partenaires sociaux et les professionnels de santé. Si le médecin du travail doit jouer son rôle, il ne doit pas être le seul à intervenir. Les ergonomes ou les psychologues peuvent aussi apporter leur contribution.

Mme Jacqueline Fraysse. Certains députés, comme Valérie Rosso-Debord, ont lié carrière longue et pénibilité. Ne mélangeons pas les deux sujets : à temps de carrière égal, l’usure et l’espérance de vie ne sont pas les mêmes selon qu’on occupe tel ou tel poste.

Le Gouvernement prétend que la notion de pénibilité serait trop subjective, trop individuelle pour faire l’objet d’une approche collective. Même si tout le monde ne résiste pas de la même manière aux mêmes agressions, des travaux scientifiques montrent que certains éléments réduisent objectivement l’espérance de vie. Les partenaires sociaux ont reconnu le rôle que jouent les facteurs physiques et chimiques, ainsi que le travail en horaires décalés. Ainsi, même s’ils travaillent souvent de nuit, l’espérance de vie des médecins est supérieure à celle des salariés qui effectuent un travail posté, de nuit et qui font les trois-huit.

Une approche collective de la pénibilité est possible, grâce à des critères sérieux et précis, dans certains secteurs d’activité. Est-il nécessaire de produire des certificats médicaux pour prouver certaines évidences ? Un homme de 65 ans, qui a travaillé pendant plusieurs dizaines d’années par tous les temps, ne peut plus porter des charges aussi lourdes qu’à 20 ans. Il est donc juste de prévoir un droit au départ anticipé pour certaines professions. J’ajoute qu’il serait honteux de laisser chaque salarié gérer individuellement son départ en retraite en fonction de son état de santé, surtout quand il s’agit de travailleurs d’origine étrangère, qui ont souvent du mal à s’exprimer par écrit.

Mme Valérie Fourneyron. J’aborderai un sujet qui, totalement absent du texte, trouve assez mal sa place dans cette discussion, mais qui mériterait de faire l’objet d’un de ces amendements que le Gouvernement envisage de déposer à la rentrée pour nous permettre de contourner l’obstacle de l’article 40 : je veux parler de la retraite des sportifs de haut niveau.

Les sportifs en question ne sont pas ceux qui occupent les médias, mais les autres qui, n’étant pas salariés, perçoivent des revenus très insuffisants, alors qu’ils donnent plus de dix ans de carrière à notre pays. Au cours de l’olympiade 2004-2008, ils ont été 200 seulement à avoir pu cotiser pour leur retraite !

Ce sujet, lors de chaque examen du budget des sports, fait consensus entre les différents groupes politiques. Jean-François Lamour a même déposé, lorsqu’il était ministre des sports, un projet de loi au Sénat, en 2007. Des critères précis pourraient être retenus : inscription sur la liste des sportifs de haut niveau, limites d’âge maximum et minimum, conditions de ressources.

Le moment sera venu, en septembre, de lever l’injustice qui les frappe. Comme ils sont peu nombreux, il n’en coûterait que 4 millions d’euros environ, somme qui pourrait être prélevée sur les économies réalisées grâce à la disparition du droit à l’image collective.

M. François Bayrou. Je ne trouve ni normal ni juste de réduire la pénibilité au handicap constaté médicalement, a fortiori si l’on traite le problème en rapport avec la retraite. La pénibilité ne doit pas être confondue avec le handicap.

Plus on approche de l’application, plus l’horizon d’une solution à ce problème de la pénibilité s’éloigne ! Nous ne pourrons en sortir qu’en créant, sur le modèle de la caisse des accidents du travail, une caisse financée par les entreprises des branches concernées, au prorata de la pénibilité subie par leurs salariés. Cela empêcherait les entreprises de se défausser sur leurs sous-traitants, comme il arrive assez couramment aujourd’hui. Nous devrions étudier plus attentivement cette piste, envisagée, je crois, par la CFDT et infiniment plus juste que les dispositions proposées dans le texte.

M. Jean Mallot. Bien que ma carrière parlementaire ne soit pas si longue, c’est au moins la troisième fois que je vois la droite repousser le moment de trancher cette question de la pénibilité.

L’article 12 de la loi de 2003 prévoyait une négociation sur trois ans, en vue de prendre en compte la pénibilité dans le calcul des pensions. Cette négociation n’a pas abouti, alors même que c’était, pour certains partenaires sociaux, la condition de leur acceptation – toute relative – de cette réforme des retraites, et le Gouvernement n’a pas tiré les conséquences de cet échec. Pour m’exprimer avec plus de modération qu’un dirigeant syndical important, je dirai que les partenaires sociaux se sont fait « berner »…

Par la suite, même si nous avons voté contre le rapport de Jean-Frédéric Poisson, la mission d’information sur les risques psychosociaux au travail a eu le mérite d’avancer plusieurs idées intéressantes, notamment celle du curriculum laboris, qui aurait permis de gagner quelques années dans l’organisation de la traçabilité, et celle de départ anticipé à la retraite. Ce rapport parlementaire, rédigé par un membre de votre majorité, n’a toutefois eu aucune suite.

Le troisième report de l’échéance, c’est celui qui résulte du présent projet, dont Valérie Rosso-Debord vient de nous livrer la philosophie officielle, en confondant traitement de la pénibilité et prise en compte des carrières longues et en assumant un glissement abusif de la pénibilité vers l’incapacité.

Bref, le Gouvernement, une fois de plus, a reculé et berné les partenaires sociaux.

M. Bernard Perrut. Nous constatons ce matin combien il est difficile de définir la pénibilité et d’assurer sa reconnaissance. Pourtant, alors que les salariés vont être appelés à travailler plus longtemps, il est capital de permettre à chacun d’entre eux de travailler dans de meilleures conditions tout au long de son parcours professionnel. Plutôt donc que de nous attarder sur cette question de définition, ne vaudrait-il pas mieux rechercher les moyens de faire reculer la pénibilité, de la prévenir concrètement, par des mesures relatives aux conditions de travail, à la médecine du travail, à la gestion des rapports au travail ? Il ne faut pas attendre qu’un salarié soit usé par des années de labeur pour préparer sa reconversion ou pour l’adapter à un nouveau poste de travail.

M. le ministre. Cette discussion sérieuse et intéressante ouvre la voie à des progrès, j’en suis convaincu.

Quoi qu’on en dise, nous nous efforçons de ne pas mélanger les notions, mais le sujet est extrêmement compliqué : il est aisé de broder sur les concepts, mais nettement plus malaisé de passer à la phase opérationnelle. Quand des droits spécifiques sont accordés à certains salariés, cela doit être parfaitement juste, mesurable et objectif, faute de quoi de nouvelles inégalités apparaissent et doivent être compensées à leur tour. Nombre de pays ont d’ailleurs refermé le dossier et en sont restés aux notions d’incapacité ou d’invalidité. La France étant un pays de forte tradition sociale, nous pensons qu’il convient de s’attaquer à cette question, posée depuis des années sans qu’un lien très fort ait été établi avec la retraite, hormis la mesure relative aux 50 % d’invalidité. Des tentatives ont été faites vers 1975, mais elles ont abouti à des généralités, qui ne sont plus de mise aujourd’hui. Nous ne mélangeons donc rien, nous essayons d’agir le plus justement possible. Je ne prétends pas que notre solution soit idéale, mais elle va vraiment dans le bon sens et peut d’ailleurs être encore améliorée.

Madame Billard, madame Fraysse, l’espérance de vie ne saurait être le critère unique : il importe beaucoup aussi que cette vie après la retraite soit ou ne soit pas accompagnée d’une incapacité. Le port de charges très lourdes dans le bâtiment, par exemple, n’a pas d’incidence sur l’espérance de vie, mais les salariés concernés ne vieilliront peut-être pas dans les mêmes conditions que les autres. Il importe donc de considérer l’incapacité.

Le vrai enjeu consiste à choisir entre un traitement collectif et un traitement individuel, et entre un traitement des effets différés et un traitement des effets immédiats. Nous avons opté pour un traitement individuel des effets immédiats. En effet, en l’état des choses, nous sommes dans l’incapacité de proposer une approche collective : nous ne savons tout simplement pas faire. Il existe, certes, des matrices d’exposition en fonction des emplois, par exemple pour l’exposition au benzène, pendant telle durée, dans tel type de métier, mais elles ne couvrent qu’une toute petite partie du monde du travail et, n’aboutissant qu’à des critères très généraux et collectifs, ne permettent pas une traçabilité individuelle. Tel est précisément le chaînon manquant. Le carnet de santé que nous proposons établira cette traçabilité individuelle de façon fine, et nous sommes prêts à ouvrir ce débat, dans un esprit de responsabilité.

Nous sommes incapables de traiter les situations du passé. Il ne suffirait pas, pour le faire, de réunir une commission départementale. Quant aux scientifiques, ils sont très hésitants. S’agissant du travail de nuit par exemple, ils avancent qu’il peut favoriser le cancer du sein chez la femme, les cancers digestifs chez l’homme, mais, d’autres fois, ne parlent que de stress ou de problèmes cardiaques. D’autre part, les salariés qui y sont soumis bénéficient souvent de repos compensateurs, mais parfois aussi d’une rémunération supplémentaire. Dans ce cas, certains pourront produire des feuilles de paie prouvant qu’ils ont perçu des primes à ce titre, mais qu’adviendra-t-il des pauvres malheureux qui n’en ont pas touché ? Faute de traçabilité, nous choisissons un dispositif permettant d’établir un lien entre travail effectué et mesure de l’usure physique.

Le groupe socialiste et certains syndicats – la CFDT notamment –, préconisent l’attribution de bonifications sous forme de trimestres supplémentaires, mais la plupart des salariés en ont accumulé le nombre requis. Une réduction de l’âge de la retraite serait donc plus pertinente.

Monsieur Perrut, les conditions de travail et le rôle de la médecine du travail sont effectivement déterminants. Un deuxième plan de santé au travail vient d’être élaboré et j’espère que nous pourrons introduire dans le texte quelques éléments relatifs aux conditions de travail.

Nous prenons en compte, dans le cadre du régime AT-MP, les effets immédiats de la pénibilité, qui peuvent se mesurer objectivement. La discussion entre partenaires sociaux a certes porté sur les facteurs d’exposition, mais selon une approche collective. Or, il vient un moment où l’approche est forcément individuelle.

M. le président Pierre Méhaignerie. Entre le traitement individuel, assuré correctement mais un peu insuffisamment par la prise en compte des carrières longues et du handicap, et le traitement collectif, qui conduit à l’irresponsabilité et que personne n’a jamais engagé, il existe une troisième voie, évoquée par François Bayrou notamment : une certaine forme de mutualisation. Des entreprises ont pris conscience de la nécessité d’agir, mais les coûts sont substantiels et l’on pourrait donc envisager aussi une certaine solidarité interprofessionnelle, ce qui éviterait de faire appel à la collectivité au risque de créer de nouveaux acquis sociaux abusifs. Je rappelle que nous touchons à la limite, en matière de comptes sociaux : nous détenons le record d’Europe et nous ne sommes pas loin du moment où l’emploi peut s’en trouver étouffé.

M. François Bayrou. Si les entreprises entreprenaient de réfléchir à la pénibilité à laquelle leurs salariés sont soumis, je suis persuadé qu’elles seraient puissamment incitées à faire reculer ce phénomène. Il existe, en effet, plusieurs façons d’organiser le travail, et de l’organiser au fil du temps, afin que la pénibilité ne soit pas continuelle, tout au long d’une vie. C’est sans doute une piste à explorer, même si l’on voit mal comment cela pourrait se traduire du point de vue normatif.

Article 25

(articles L. 4624-2 et L. 4121-3-1 [nouveaux] du code du travail)


Dossier médical en santé au travail – Document d’information
sur l’exposition du travailleur aux risques professionnels

Cet article, le premier du titre IV du projet de loi dédié à la pénibilité (titre composé des articles 25 à 27), consacre dans la partie législative du code du travail le dossier médical en santé au travail et crée, pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, un document dans lequel est consignée cette exposition.

Ces mesures sont destinées à favoriser la mise en œuvre d’une véritable politique de prévention des risques professionnels. Comme le souligne l’étude d’impact, la compensation de la pénibilité au travail ne peut être dissociée de la prévention de cette pénibilité, ce qui requiert l’amélioration de la traçabilité des expositions des travailleurs aux différents facteurs de risques.

1. La consécration du dossier médical en santé au travail

a) Les limites du dossier médical en santé au travail tel qu’il existe aujourd’hui

Le dossier médical en santé au travail est défini aujourd’hui à l’article D. 4624-46 du code du travail, aux termes duquel, au moment de la visite d’embauche, le médecin du travail constitue un dossier médical, qui sera ensuite complété après chaque examen médical ultérieur. À ce titre, comme l’ont rappelé à votre Rapporteur les services du ministère du travail, « tous les travailleurs bénéficiant d’une surveillance médicale (ce qui exclut les employés de maison à temps partiel) doivent avoir un dossier médical ».

Les avis du médecin du travail sur l’inaptitude du salarié doivent être consignés dans le dossier médical. Le dossier est couvert par le secret professionnel. L’accès à ce dossier, sa circulation et sa transmission répondent à des règles particulières. Le modèle du dossier médical a été fixé par un arrêté du 24 juin 1970, mais celui-ci a depuis été complété pour intégrer les conclusions d’un groupe de travail composé de membres de la direction générale du travail du ministère du travail et de médecins du travail.

En pratique, aujourd’hui, le dossier médical contient les informations suivantes (46) :

– l’identification du salarié, de l’entreprise qui l’emploie et du médecin du travail ;

– les caractéristiques du travailleur, sans rapport direct avec son emploi : nationalité, habitus, conditions de vie extérieure ;

– un certain nombre de renseignements administratifs : date de consultation, motif de la visite (embauche, visite annuelle systématique, reprise de travail…) ;

– les particularités du poste de travail : identification claire des risques et des exigences du métier, nuisances présentes sur le poste de travail ;

– les résultats de l’interrogatoire du salarié, les antécédents personnels et familiaux, les résultats de l’examen clinique et des examens complémentaires éventuels dont la nature et la fréquence peuvent être fixées par arrêté comme pour le cas du plomb ou du benzène, ou laissées à l’appréciation du médecin du travail ;

– les conclusions : bilan médical et professionnel, nécessité d’une orientation vers un autre médecin, conclusion d’aptitude ou d’inaptitude au poste de travail, limitation d’aptitude.

Comme l’a montré la Haute Autorité de santé (47), le dossier est le plus souvent le seul document où sont enregistrés en France les éléments de suivi médical des travailleurs exposés à des risques professionnels. Or, il présente un certain nombre de limites, que l’on peut ainsi résumer :

– Le dossier médical laisse trop peu de place aux éléments d’information sur les risques professionnels, comme l’a rappelé la Haute Autorité de santé dans son étude. De manière générale, le dossier médical est en pratique insuffisamment alimenté par les éléments qui figurent, par ailleurs, dans les différentes fiches sur les risques professionnels (cf. infra(48). C’est pourquoi le rapport établi en 2008 par M. Daniel Lejeune sur la traçabilité des expositions professionnelles a proposé de mieux alimenter le dossier médical à partir des données pouvant être extraites des différents documents à la disposition des médecins du travail : fiches d’exposition au risque établies par l’employeur, résultats des mesurages de l’exposition aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (article R. 4412-76 du code du travail), document unique d’évaluation des risques rédigé par l’employeur et accessible au médecin du travail (article R. 4121-1 du code du travail), plans de prévention des risques (articles R. 4512-6 et R. 4512-7 du code du travail), liste des postes occupés par les travailleurs susceptibles de relever de la surveillance médicale renforcée (article R. 4512-9 du code du travail), etc. On pourrait ajouter la fiche d’entreprise, établie par le médecin du travail dans chaque entreprise pour consigner notamment les risques professionnels et les effectifs de salariés qui y sont exposés (article D. 4624-37 du code du travail).

– En outre, le dossier médical gagnerait à être « modernisé », selon l’expression de M. Daniel Lejeune dans le rapport précité, notamment pour tenir compte des évolutions législatives et réglementaires intervenues depuis cette date.

– Enfin, le dossier médical est aujourd’hui rempli « de manière hétérogène d’un médecin à l’autre », selon la Haute Autorité de santé (49).

b) Le dispositif proposé

En proposant la consécration dans la loi du dossier médical en santé au travail, jusqu’ici resté dans la partie réglementaire, le projet de loi vise à favoriser, conformément à la précision figurant dans l’étude d’impact, la mise en œuvre d’un suivi médical renforcé des salariés concernés. Il crée à cet effet un nouvel article L. 4624-2 dans le code du travail, après l’article L. 4624-1 consacré aux actions mises en œuvre par le médecin du travail.

Interrogés par votre Rapporteur, les services du ministère du travail ont précisé le cadre dans lequel intervient cette mesure :

« D’abord, elle permet de répondre à certaines remarques formulées par la commission supérieure de codification au moment de la recodification du code du travail (50). L’accroche législative actuelle avait été jugée trop ténue au regard des enjeux forts en termes de liberté individuelle, d’indépendance professionnelle et de secret de la vie privée. (…)

Ensuite, elle s’insère dans la perspective de la future réforme de la médecine du travail, qui vise notamment à développer les missions des services de santé au travail en précisant le rôle de l’équipe de santé au travail, et de chacun de ses membres, du médecin du travail aux intervenants en prévention des risques professionnels. Il s’agit de promouvoir leurs visées préventive et pluridisciplinaire. Ainsi, les médecins du travail devraient avoir plus de temps pour les visites médicales et pour remplir le dossier médical dans les éléments qui relèvent exclusivement de leurs compétences (…) ».

Aux termes du nouvel article L. 4624-2 du code du travail, le dossier médical en santé au travail sera constitué par le médecin du travail. Cet élément, inchangé par rapport au droit existant, est conforme à la nature première de ce document qui se distingue, de ce point de vue, du document sur l’exposition aux risques qui sera établi par l’employeur (cf. infra). Cette constitution devra intervenir « dans le respect du secret médical » ; cet élément figurait jusqu’ici à l’article D. 4626-33 du code du travail concernant les services de santé au travail des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, mais était appliqué de manière générale par la jurisprudence (51).

Le dossier retracera des informations de trois types :

– Le dossier médical en santé au travail contiendra des informations relatives à l’état de santé du travailleur : cet élément de nature très générale, qui n’était pas prévu expressément par l’article D. 4624-46 jusqu’ici, n’en était pas moins implicite ; il correspond à la vocation première de ce dossier, telle qu’elle a été rappelé, notamment, par le Conseil national de l’ordre des médecins (52).

– Le dossier devra comporter des informations relatives aux conséquences constatées des expositions auxquelles le travailleur a été soumis ; comme le souligne l’étude d’impact, cette disposition permettra d’assurer un suivi médical renforcé des salariés concernés, quelle que soit l’exposition en cause.

En faisant mention de cet élément, contrairement à ce qui prévalait jusqu’ici, le dispositif proposé répond directement à ce qui apparaît aujourd’hui comme l’une des principales lacunes du dossier médical en santé au travail.

Aujourd’hui, seuls certains textes réglementaires particuliers prévoient que le dossier médical doit contenir des éléments sur l’exposition aux différents risques. En outre, cet élément fait le lien entre le dossier médical et le document servant de support à l’information sur les risques auxquels le salarié est exposé (cf. infra) : en effet, les services du ministère du travail ont indiqué à votre Rapporteur que ce document aura vocation à être versé au dossier médical.

– Enfin, le dispositif proposé prévoit que le dossier médical devra contenir les avis et propositions du médecin du travail : cet élément de portée générale correspond au droit réglementaire existant, qui mentionnait déjà la nécessité de compléter le dossier après chaque examen médical. Devront notamment être mentionnées les propositions « formulées en application de l’article L. 4624-1 » du code du travail, à savoir les propositions de mutation ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs.

Bien qu’il n’y soit pas fait référence expressément dans le dispositif, il est probable qu’un décret d’application sera nécessaire, au moins pour supprimer les dispositions réglementaires consacrées au plan législatif, et qu’un arrêté viendra modifier l’arrêté du 24 juin 1970 fixant le modèle du dossier médical.

Selon les services du ministère du travail, « il est d’ores et déjà possible de dire que ces textes réglementaires s’inspireront de la recommandation de la Haute Autorité de santé de janvier 2009 relative au dossier médical en santé au travail. À cet égard, elle recommande de faire figurer plusieurs rubriques :

– des informations socio-administratives qui permettent d’identifier sans risque d’erreur un travailleur : elles sont disponibles au sein de l’entreprise et doivent être transmises par l’employeur ;

– des informations concernant l’emploi et les activités professionnelles qui visent à identifier les expositions professionnelles actuelles et antérieures : cette partie pourrait être alimentée par la fiche de consignation ;

– des informations relatives à la santé du travailleur avec en particulier les examens médicaux réalisés ;

– les propositions et avis du médecin du travail, notamment les modalités de la surveillance médicale (éventuellement post-exposition), les propositions d’amélioration ou d’adaptation du poste de travail, de reclassement, etc. (…) ».

Le nouvel article L. 4624-2, reprenant la disposition prévue aujourd’hui à l’article D. 4624-46, dispose que le dossier médical « ne peut être communiqué qu’au médecin du choix de l’intéressé à sa demande ».

De même, s’inspirant de la possibilité déjà mentionnée à l’article D. 4624-46, le nouvel article L. 4624-2 prévoit qu’en cas de risque pour la santé publique, le médecin du travail doit remettre le dossier au médecin inspecteur du travail.

L’ensemble de ces nouvelles dispositions sur le dossier médical au travail s’appliqueront au secteur privé, mais non aux fonctions publiques d’État et territoriale (53). En revanche, le nouvel article L. 4624-2 s’applique à la fonction publique hospitalière, directement soumise aux dispositions du code du travail en matière d’hygiène et de sécurité, en application du 3° de l’article L. 4111-1 du code du travail.

2. La création d’un document retraçant les expositions aux facteurs de risques professionnels

a) Le droit existant

Sans doute, il existe déjà aujourd’hui des documents permettant de renseigner le dossier médical sur l’exposition des salariés à certains risques, conformément à l’encadré présenté ci-dessous.

La réglementation existante sur les fiches d’exposition aux différents risques

– l’employeur établit pour chaque travailleur exposé à des agents chimiques dangereux une fiche d’exposition indiquant la nature du travail réalisé, les caractéristiques des produits, les périodes d’exposition et les autres risques du poste du travail, ainsi que les dates et les résultats des contrôles de l’exposition au poste de travail et la durée et l’importance des expositions accidentelles (article R. 4412-41 du code du travail) ; le médecin du travail constitue, pour chaque travailleur exposé aux agents chimiques dangereux, un dossier médical spécifique qui doit comporter la fiche d’exposition, ainsi que les dates et résultats des examens médicaux complémentaires (article R. 4412-54 du code du travail) ;

– pour les salariés exposés à des poussières d’amiante (considérées comme une forme particulière d’agents chimiques dangereux), une même fiche d’exposition est établie par l’employeur ; cette fiche doit, en outre, préciser les procédés de travail et les équipements de protection collective et individuelle utilisés (article R. 4412-110 du code du travail) ;

– pour les salariés susceptibles d’être exposés aux rayonnements ionisants, l’employeur doit aussi établir une fiche d’exposition comprenant : la nature du travail accompli, les caractéristiques des sources émettrices auxquelles le travailleur est exposé ; la nature des rayonnements ionisants ; les périodes d’exposition ; les autres risques du poste de travail (article R. 4453-14 du code du travail) ; le médecin du travail doit constituer pour chaque travailleur exposé un dossier individuel contenant le double de cette fiche, les dates et résultats du suivi dosimétrique de l’exposition individuelle aux rayonnements ionisants, les doses efficaces reçues, les dates des expositions anormales et les doses reçues au cours de ces expositions, ainsi que les dates et résultats des examens médicaux complémentaires (article R. 4454-7 du code du travail) ;

– pour les salariés intervenant en milieu hyperbare, le médecin du travail tient un dossier médical spécial, dont mention est faite au dossier médical, et qui doit contenir une fiche relative aux conditions de travail du travailleur, dans laquelle doivent être notamment mentionnés la nature du travail effectué, la durée des périodes d’hyperbarie et les autres risques auxquels le travailleur peut être exposé, ainsi que les dates et résultats des analyses et examens médicaux pratiqués et les accidents survenus en cours de travail et les manifestations pathologiques (article 35 du décret n° 90-277 du 28 mars 1990 relatif à la protection des travailleurs intervenant en milieu hyperbare) ;

– pour tout salarié susceptible d’être exposé à des agents biologiques pathogènes, il est prévu un dossier médical spécial, dont mention est faite au dossier médical (article R. 4426-8 du code du travail).

Il reste que ces éléments d’information revêtent un caractère hétérogène et ne permettent pas de couvrir l’ensemble des risques d’exposition.

Par ailleurs, il est vrai qu’une attestation d’exposition au risque, établie par l’employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur au moment du départ de l’établissement, s’il a été l’objet d’une exposition à des agents chimiques dangereux, notamment en cas d’exposition à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (article R. 4412-58 du code du travail).

Mais, outre que ce document ne concerne pas l’ensemble des facteurs de risque, « la question de la pérennité de documents transmis aux travailleurs se pose : la production d’une nouvelle attestation d’exposition pour chacune des entreprises ayant employé le travailleur a pour corollaire un risque élevé de perte d’une partie des documents au cours d’une carrière qui dure 35 à 40 ans » (54).

Les données de nature collective contenues dans les autres documents déjà prévus par le code du travail que sont la fiche d’entreprise, le document unique d’évaluation des risques ou encore le plan de prévention des risques, ne répondent pas davantage à l’objectif de traçabilité individuelle de l’exposition au risque d’un salarié donné.

b) Le dispositif proposé

Pour l’ensemble de ces raisons, le II de l’article 25 crée un nouvel article L. 4121-3-1 dans le code du travail, après l’article L. 4121-3 relatif à l’évaluation par l’employeur des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Est ainsi créé un document servant de support à l’information sur les risques auxquels les salariés sont exposés.

● Les salariés concernés

Tous les travailleurs ne sont pas concernés par ce nouveau document. Celui-ci sera créé pour les seuls travailleurs exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels. Seraient visés les salariés du secteur privé, mais aussi l’ensemble des travailleurs des fonctions publiques de l’État, territoriale et hospitalière, selon les informations transmises à votre Rapporteur par les services du ministère du travail, les deux décrets précités de 1982 et 1985 ne comprenant pas de dispositions particulières applicables aux agents de l’État et des collectivités territoriales.

Ces facteurs de risques devront être liés à trois éléments :

– soit des contraintes physiques marquées ;

– soit un environnement physique agressif ;

– soit certains rythmes de travail.

Comme l’indique le Gouvernement dans l’étude d’impact, le projet de loi reprend les critères d’identification de la pénibilité qui avaient fait l’objet d’un certain consensus lors des négociations sur la pénibilité menées par les partenaires sociaux de 2005 à 2008.

Ces critères recouvrent en outre, dans une large mesure, les principaux facteurs de pénibilité identifiés par les scientifiques : à partir des travaux du professeur Lasfargues ont ainsi été identifiés les facteurs de pénibilité suivants, exploités dans le cadre de l’enquête SUMER : la pénibilité physique (port de charges lourdes, travail sous cadences imposées, postures pénibles), les horaires atypiques (horaires alternants ou de nuit) ; les produits cancérogènes (55).

Le dispositif proposé renvoie à un décret le soin de détailler, en fonction de chacun de ces trois critères, les différents facteurs de risques.

Interrogés par votre Rapporteur, les services du ministère du travail ont indiqué qu’« il est actuellement difficile [de] préciser le contenu [de ce décret], ce sujet figurant parmi ceux susceptibles d’ajustements dans le cadre des concertations avec les partenaires sociaux pendant l’été. (…) L’élaboration de ce décret nécessitera une expertise précise et approfondie supplémentaire » (56).

● Le principe retenu

L’employeur procède à l’établissement de ce document, « en lien avec le médecin du travail ». Conformément à la vocation de chacun, et au partage déjà retenu dans le droit en vigueur, si le dossier médical est établi par le médecin du travail, le document retraçant les expositions au risque relève de l’employeur, au titre de la compétence générale que lui reconnaît le code du travail en matière de prévention des risques. Pour autant, dans un souci de cohérence, l’employeur devra se rapprocher du médecin du travail pour la réalisation de ce document. On rappelle, au demeurant, que le document sur les expositions aura vocation à être versé au dossier médical.

Le dispositif du projet de loi prévoit la consignation par l’employeur dans ce document de deux éléments :

– les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé : c’est l’objet même d’un tel document que de répertorier les risques encourus par le travailleur ;

– la période au cours de laquelle cette exposition est survenue : il s’agit d’un élément indispensable pour apprécier la réalité de la pénibilité.

L’ensemble de ce dispositif sera précisé par voie réglementaire. Selon les informations transmises à votre Rapporteur par les services du ministère du travail, « puisque cette fiche de consignation élargit le principe de la fiche d’exposition à d’autres facteurs de risques professionnels, elle en reprend les principales modalités. Il est ainsi envisagé de s’appuyer sur les dispositions de la circulaire du 24 mai 2006 qui prévoit que :

– l’employeur établit une fiche d’exposition au moment de l’arrivée du travailleur sur un poste l’exposant à certains facteurs de risques professionnels ;

– l’employeur l’actualise lors de tout changement des conditions de travail pouvant affecter l’exposition du travailleur ;

– l’actualisation doit aussi prendre en compte l’évolution des connaissances sur les produits utilisés.

La fiche de consignation étant un instrument de suivi des expositions, elle est renseignée au fur et à mesure des expositions successives et doit être archivée.

Il conviendra donc également de se fonder sur le retour d’expérience de la mise en œuvre de la fiche d’exposition pour assurer à la réglementation toute son efficacité ».

Le projet de loi prévoit, comme il en va déjà pour le dossier médical ou la fiche d’entreprise aujourd’hui, qu’un arrêté ministériel (du ministre en charge du travail) fixera le modèle du document servant de support à cette information. Selon les services du ministère du travail, « une fois que l’ensemble du dispositif législatif aura été stabilisé, la teneur de l’arrêté pourra être précisée. Pour l’instant, il s’agit de reprendre la fiche d’exposition et de l’adapter aux expositions à d’autres risques professionnels ».

Le dernier alinéa du nouvel article L. 4121-3-1 prévoit qu’une copie de ce document est remise au salarié à son départ de l’établissement. Cette remise est indispensable pour permettre au travailleur de disposer, pour l’ensemble de sa carrière, compte tenu de sa mobilité professionnelle, de l’ensemble des informations sur son exposition aux risques.

Le nouvel article L. 4121-3-1 ne comporte pas d’éléments sur l’accès d’autres personnes à ce document. Selon les services du ministère du travail, il est envisagé de prévoir la transmission de ce document « au médecin du travail, au travailleur à tout moment à sa demande [en plus de la remise à son départ de l’établissement ou de l’entreprise]. Il pourra être tenu à la disposition de l’inspecteur du travail, du médecin inspecteur du travail ainsi que des agents des services de prévention des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail ».

*

La Commission est saisie des amendements de suppression de l’article, AS 160 de M. Roland Muzeau et AS 299 de Mme Marisol Touraine.

M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, souvenez-vous : lorsque le dispositif de cessation d’activité des travailleurs de l’amiante a été instauré, on ne pouvait s’appuyer sur aucune traçabilité et on a donc recouru à des attestations d’exposition, ce qui a tout de même permis de faire face à ce problème dramatique.

Par notre amendement AS 160, nous proposons de supprimer l’article 25, relatif au dossier médical en santé et au document individuel d’information.

Tous les rapports le disent : les pénibilités physiques sont réelles dans notre pays, les expositions – des ouvriers notamment – aux produits chimiques et reprotoxiques se sont accrues et les rythmes de travail sont devenus de plus en plus exigeants pour les salariés les moins qualifiés. Les contraintes organisationnelles se font plus dures et le travail s’intensifie, ce qui altère fortement la qualité de vie des salariés, comme en atteste l’affaire France Télécom et comme l’a démontré la mission d’information présidée par Marisol Touraine. Quant aux maladies professionnelles, elles ne cessent de se développer.

Un renforcement de la prévention de l’ensemble des risques professionnels et l’amélioration collective des conditions de travail sont, dès lors, des objectifs prioritaires et nous nous interrogeons sur l’opportunité du dispositif de traçabilité individuelle des expositions à certains facteurs de risques professionnels, proposé par le Gouvernement. Les médecins du travail, dont le rôle est central dans le suivi des salariés, refusent d’être chargés de décerner des bons ou des autorisations de retraite anticipée. Il est donc nécessaire de retravailler la question du dossier médical, de sa finalité et de sa confidentialité.

Mme Marisol Touraine. L’amendement AS 299 est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’article 25 vise à traiter la pénibilité par une meilleure prévention, donc par une meilleure traçabilité. Il s’appuie sur le travail effectué par les partenaires sociaux, en vue de définir les critères de pénibilité. Il inscrit, dans le code du travail, l’existence d’un dossier médical en santé au travail, qui fera état des conséquences constatées des expositions aux facteurs de risque, auxquelles aura été soumis le travailleur, et il institue un document dédié à la consignation de ces mêmes expositions. Autant d’éléments qui militent pour son maintien.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements AS 160 et AS 299.

La Commission examine l’amendement AS 70 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Nous instituons donc un dossier médical en santé au travail en lui donnant même valeur législative. Parallèlement, nous imposons une nouvelle obligation déclarative à l’employeur, ce qui sera très utile, mais l’articulation entre les deux documents n’est pas précisée. Afin de lever toute ambiguïté, il convient de créer un document unique, sur lequel l’employeur consignerait à la fois les expositions et les mesures de prévention.

M. le rapporteur. Je comprends votre souci de simplification, mais votre amendement revient à supprimer le dossier médical en santé au travail. Je ne puis donc qu’y être défavorable.

M. le ministre. Le texte du Gouvernement simplifie déjà, mais nous en avons bien besoin de deux documents distincts. Le premier ne concernera pas seulement la pénibilité et, en outre, il sera soumis au secret médical.

Mme Catherine Génisson. Secret qui est intangible.

M. Dominique Tian. Je retire cet amendement.

L’amendement AS 70 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement AS 161 de M. Roland Muzeau.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous ne contestons l’utilité ni du dossier médical ni de la traçabilité, mais nous pensons qu’il faut absolument préciser les objectifs assignés à la médecine du travail, afin de prévenir efficacement l’altération de la santé des salariés. Le médecin du travail doit pouvoir recevoir le salarié individuellement et se rendre dans l’entreprise, afin d’apprécier ses conditions de travail et de proposer éventuellement des améliorations – dans bien des cas, les chefs d’entreprise ont encore la possibilité de s’opposer à cette venue, surtout en l’absence du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Enfin, il doit pouvoir travailler dans le respect du secret médical et avec une indépendance suffisante. À cet égard, la formule proposée à l’instant par Dominique Tian, « l’employeur, en lien avec le médecin du travail, consigne […] les facteurs auquel le salarié est exposé », est particulièrement préoccupante. D’où notre volonté de préciser les conditions dans lesquelles il exercera sa mission.

M. le rapporteur. Si l’on peut approuver l’objectif, le dispositif que vous proposez est malheureusement trop complexe.

M. le ministre. Défavorable. L’employeur n’aura évidemment pas accès au dossier médical. Notre texte est très protecteur.

La Commission rejette l’amendement AS 161.

Elle est saisie des amendements AS 425 du rapporteur, AS 499 de la Commission des finances, AS 301 rectifié et AS 300 rectifié de Mme Marisol Touraine, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. le rapporteur. L’amendement AS 425 est un amendement de précision, qui correspond à une demande parfaitement justifiée émanant de partenaires sociaux : il s’agit de substituer à l’appellation « dossier médical en santé au travail » celle de « carnet de santé au travail ».

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. L’amendement AS 499 est défendu.

M. Pascal Terrasse. L’amendement AS 301 rectifié s’inscrit dans la continuité de la discussion de ce matin. Le ministre lui-même a laissé entrevoir qu’il était assez favorable à l’idée d’un dispositif de traçabilité et de suivi médical post-professionnel. La notion de « dossier d’exposition aux risques professionnels tout au long de la vie » correspond à cette exigence de traçabilité et répond à une sollicitation très forte des partenaires sociaux, ainsi que des associations intervenant dans le domaine du handicap.

M. Jean Bardet. On confond souvent maladie professionnelle et pénibilité au travail. Or, on peut être exposé à l’amiante dans un bureau pendant toute sa carrière ou bien développer une maladie professionnelle sans exercer, pour autant, un métier pénible.

M. Jean Mallot. L’amendement AS 300 rectifié est un amendement de repli. Les études d’impact, auxquelles nous nous habituons progressivement, sont toujours très intéressantes, aussi bien par ce qu’elles disent que par leurs silences. Celle-ci précise que « l’exigence d’équité implique également d’apporter une réponse à la question de la pénibilité au travail : l’effort demandé aux assurés pour assurer l’équilibre des régimes de retraite ne peut méconnaître l’usure professionnelle à laquelle certains travailleurs sont confrontés ». On pourrait en déduire que vous allez aborder la question de l’usure au travail, notion distincte de la maladie et de l’incapacité professionnelles. Or, vous n’en faites rien.

Par cet amendement, nous demandons la création de dossiers d’exposition aux risques, destinés à retracer l’usure professionnelle, et nous souhaitons donner une consécration législative aux critères de pénibilité retenus par les partenaires sociaux : des contraintes physiques marquées, un environnement agressif et certains rythmes de travail. Bien que les discussions entre les partenaires sociaux n’aient pas permis de prendre en compte ces critères en matière de retraite, il existe entre eux un consensus sur leur définition.

M. le ministre. Avis favorable à l’amendement du Rapporteur.

M. Roland Muzeau. Je m’étonne qu’on remplace le terme de « dossier » par celui de « carnet ». On peut penser qu’un « dossier médical » fera naturellement l’objet d’une confidentialité totale, mais en sera-t-il de même d’un simple « carnet » ? Sauf explications supplémentaires, je ne suis guère favorable à un tel changement.

M. le rapporteur. Aux termes de l’alinéa 2, les informations relatives à l’état de santé du travailleur devront être recueillies dans le respect du secret médical.

M. François Bayrou. Mais pourquoi remplacer « dossier » par « carnet » ?

M. le rapporteur. C’est une demande technique des partenaires sociaux : la référence à un « dossier » pouvait suggérer une sorte de flicage. D’où le terme de carnet de santé.

M. François Bayrou. Qui renvoie curieusement à la période de l’enfance.

La Commission adopte l’amendement AS 425.

En conséquence, les amendements AS 499, AS 301 rectifié et AS 300 rectifié deviennent sans d’objet.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 345 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. On vous sent mal à l’aise sur la question de la pénibilité. Vous en parlez, l’exposé des motifs y fait référence, mais vous bottez en touche, sans doute parce que l’exercice est complexe et onéreux – nous avons évalué le coût à 5 ou 6 milliards d’euros dans le projet alternatif que nous défendons. Certaines de vos propositions ne manquent pourtant pas de complexité. Il faudrait aller jusqu’au bout de votre démarche au lieu de vous contenter de présenter, sous le nom de pénibilité, des mesures en fait relatives à l’invalidité.

Par cet amendement, nous demandons que l’on ne retrace pas les « conséquences constatées » des expositions aux risques, mais les expositions elles-mêmes. Chacun sait, en effet, que certaines maladies professionnelles ne se manifestent pas tout de suite. Celles qui sont liées à l’amiante se déclarent souvent entre 63 et 68 ans.

M. le rapporteur. La rédaction du texte n’a rien de restrictif. L’ensemble des expositions aux risques sera consigné dans une fiche additionnelle versée au dossier.

M. Régis Juanico. Le texte est en recul par rapport à l’avant-projet de loi, car il n’est plus question de recenser les expositions aux risques, mais leurs conséquences constatées. Pour garantir une véritable traçabilité, il faudrait retracer la durée des expositions, leur fréquence, leur intensité et leur cumul. Sinon, le carnet de santé ne servira qu’à constater l’usure au terme de la carrière professionnelle. Il conviendrait donc de rétablir la rédaction initiale du texte.

M. le ministre. Je peine à comprendre cet amendement : il est normal de s’intéresser avant tout aux conséquences de l’exposition au risque. Par conséquent, avis défavorable.

Mme Catherine Génisson. Ne confondons pas les conditions de travail et leurs conséquences. Il est essentiel que les conditions de travail tout au long de la vie professionnelle soient mentionnées dans le carnet de santé. Puisqu’il a été question de traçabilité, il faut être cohérent.

M. le rapporteur. Les expositions aux risques seront, je le répète, retracées dans la fiche additionnelle. Il n’y a donc pas d’oubli.

M. Jean Leonetti. Le suivi est essentiel pour la prévention. Il faut certes constater les conséquences, mais il faut aussi recenser les expositions aux risques susceptibles d’être pathogènes. La première rédaction du texte me semblait donc préférable. Il faut concilier prévention et évaluation des conséquences.

M. le ministre. Les deux approches sont défendables, même si je préfère tout de même la rédaction du projet de loi – il est bon qu’un professionnel de santé évalue les conséquences. Sur ce point, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement AS 345.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 302 de Mme Marisol Touraine.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La question de la couverture de tous les salariés par la médecine au travail ne relève pas de ce projet de loi. Le Gouvernement a d’ailleurs indiqué qu’un texte serait bientôt déposé sur le sujet.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 302.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 472 du rapporteur.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 346 de Mme Marisol Touraine.

Mme Catherine Génisson. Le projet de loi permet la communication du dossier à un médecin choisi par l’intéressé, sur la demande de celui-ci, et il impose sa communication au médecin inspecteur du travail en cas de risque pour la santé publique. Nous demandons qu’il puisse en être de même, sur simple demande de l’intéressé, et que le dossier soit transmis à un second médecin inspecteur du travail en cas de contentieux. Ces dispositions permettront d’améliorer la prise en compte des risques encourus par le salarié.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le code de la santé publique.

M. le ministre. C’est vrai, mais avis plutôt favorable.

M. le rapporteur. Dans ce cas, par coordination, il faut remplacer le terme « dossier » par le terme « carnet ».

La Commission adopte l’amendement AS 346.

Elle examine ensuite l’amendement AS 347 rectifié de Mme Marisol Touraine.

M. Christian Hutin. Le scandale de l’amiante a causé 150 000 morts en France, soit l’équivalent des pertes militaires françaises en 1940. Tous les deux ou trois jours, on découvre un faire-part de décès lié à l’amiante dans l’édition dunkerquoise de la Voix du Nord. J’ajoute qu’il existe d’importantes inéquités territoriales en matière de retraite : le report de l’âge légal aura une forte incidence à Dunkerque. Il ne faut pas non plus oublier que l’espérance de vie des victimes de l’amiante est de 62,5 ans, ce qui ne leur laissera bientôt que six mois de retraite, sauf dispositions particulières.

Afin d’éviter de nouveaux scandales, nous proposons que la forme et le contenu du dossier soient fixés par la puissance publique.

Le premier amendement adopté par notre commission tendait à améliorer l’information de nos concitoyens sur l’incidence, en matière de retraites, d’un certain nombre de phénomènes tels que le chômage et les études. J’avais proposé un sous-amendement tendant à ce que la pénibilité du travail et l’exposition aux risques soient prises en compte, mais il a été refusé. Dans le cas de l’amiante, certains savaient, mais ils se sont tus par faiblesse, comme la médecine du travail, ou bien par goût du profit, et ceux qui ne savaient pas meurent. Pour éviter la répétition d’un tel drame, nous proposons que les travailleurs soient informés tous les cinq ans du contenu de leur dossier d’exposition aux risques.

M. le rapporteur. L’amendement renvoyant l’application de ces mesures à un arrêté ministériel, je m’en remets à l’avis du Gouvernement.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 347 rectifié.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 162 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement tend à pénaliser le fait d’obtenir ou de chercher à obtenir la communication des informations médicales mentionnées dans les nouveaux carnets de santé au travail. Les salariés peuvent être en position de faiblesse en raison du lien entre l’employeur et le médecin, que notre collègue Dominique Tian proposait tout à l’heure de reconnaître, mais aussi à cause du contexte actuel de difficultés d’accès à l’emploi : il faut éviter que certains salariés ne soient licenciés en priorité après la révélation d’éventuels problèmes de santé.

M. le rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait en droit positif, tant en ce qui concerne les employeurs que les médecins.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 162.

Elle examine ensuite l’amendement AS 164 de Mme Martine Billard.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’inciter les chefs d’entreprise à adopter des conditions de travail respectant davantage la santé des salariés et à instaurer des mesures de prévention. Connaissant la sensibilité des employeurs aux incitations financières, nous proposons de porter les contributions dont ils sont redevables à des niveaux dissuasifs.

M. le rapporteur. Je comprends bien l’esprit de l’amendement, qui consiste à responsabiliser les employeurs : c’est le principe auquel obéissent déjà les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, lesquelles évoluent en fonction des résultats obtenus par les entreprises en matière de prévention des risques. Étant donné que le projet de loi instaure un dispositif de cotisations supplémentaires au titre du nouveau régime de prise en compte de la pénibilité, et que ce dispositif pourra être modulé en fonction des secteurs d’activité, selon qu’ils sont ou non concernés par la pénibilité, cet amendement ne me paraît pas nécessaire. Mieux vaudrait réfléchir à d’autres moyens de prévention de la pénibilité d’ici au mois de septembre.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 164.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 348 rectifié de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 4 ne permettra d’établir qu’une traçabilité minimale de l’exposition aux risques des salariés. Nous proposons de faire expressément référence aux risques chimiques, mutagènes et reprotoxiques, qui sont les plus dangereux de tous. Bien qu’ils passent fréquemment inaperçus au cours de la vie professionnelle, leurs conséquences sont souvent dramatiques. Nous demandons, en outre, que l’on remplace les termes « conditions de pénibilité » par « risques professionnels ».

M. le rapporteur. Nous reviendrons sur la déclinaison des critères, lorsque nous examinerons l’article 27. Il me semble, par ailleurs, que cette question devrait être abordée au cours des consultations qui seront menées par le Gouvernement au mois d’août. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 348 rectifié.

Elle examine ensuite l’amendement AS 479 de Mme Martine Billard.

M. Roland Muzeau. Cet amendement demande la prise en compte des risques psychosociaux, dont témoignent de nombreuses études. Nous en sommes particulièrement conscients dans cette commission, qui a multiplié les missions et adopté de nombreux rapports sur ce sujet. Au demeurant, nous devrions bientôt connaître les conclusions de la mission d’information sur les risques psychosociaux au travail, présidée par Marisol Touraine, qui a presque achevé ses travaux.

Selon la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNAT), la rédaction actuelle du texte contribuera à exclure du dispositif une majorité de victimes – celles dont les affections ne sont pas inscrites aux tableaux de maladies professionnelles ou celles qui ne réussissent pas à franchir la barrière des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, notamment les salariés atteints de souffrances psychiques causées par le harcèlement ou par la dégradation de l’organisation du travail. Ces phénomènes sont bien connus, mais ils donnent rarement lieu à la reconnaissance d’une maladie professionnelle.

M. le rapporteur. Cet aspect de la pénibilité du travail est très difficile à appréhender, tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Il semble délicat de retenir un tel critère pour le moment. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. Contrairement aux risques physiques, les risques psychosociaux sont impossibles à définir. Leur traitement relève, avant tout, d’actions quotidiennes au sein des entreprises.

La Commission rejette l’amendement AS 479.

Elle examine ensuite l’amendement AS 303 de Mme Marisol Touraine.

Mme Martine Pinville. L’amendement tend à préciser l’expression : « certains rythmes de travail ». Les études scientifiques ont montré que le bouleversement de ceux-ci a des conséquences indéniables sur l’état de santé.

M. le rapporteur. La rédaction proposée me paraît restrictive et peu protectrice des salariés. Elle ne vise que le travail de nuit et les horaires variables, et non le travail répétitif, qui est pourtant une cause de la pénibilité du travail.

M. le ministre. La rédaction actuelle du texte est plus claire et plus compréhensible.

La Commission rejette l’amendement AS 303.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 473 du rapporteur.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 304 de Mme Marisol Touraine.

Mme Odette Duriez. Nous proposons que le modèle du document, fixé par un arrêté du ministre chargé du travail, soit élaboré par une commission spéciale composée de médecins du travail et de représentants syndicaux des différentes branches. Cela permettra d’élaborer un document complet, prenant en considération toutes les formes de pénibilité. La composition de cette commission devra respecter la diversité des professions concernées et celle des risques qui leur sont propres.

M. le rapporteur. Je m’en remets à l’avis du Gouvernement.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 304.

Elle examine ensuite l’amendement AS 163 de M. Roland Muzeau.

Mme Martine Billard. Le projet de loi impose qu’une copie du document soit remise au salarié lors de son départ de l’établissement. Or, les employeurs sont parfois indélicats : certains salariés ont le plus grand mal à récupérer les documents nécessaires à leur inscription aux ASSEDIC. Nous proposons donc des sanctions à l’encontre des employeurs qui ne remettraient pas ce document, très important pour la suite des carrières et pour la liquidation des retraites.

M. le rapporteur. La Cour de cassation veille déjà à la bonne application des obligations de l’employeur dans le domaine de la santé et de la sécurité, parfois même dans un sens extensif. Cet amendement ne me paraît donc pas utile.

M. le ministre. Avis défavorable.

Mme Martine Billard. Mais la jurisprudence n’est pas la loi ! Il faut inscrire ces obligations dans la loi, pour que les salariés n’aient pas besoin de recourir à la justice pour faire reconnaître leurs droits.

La Commission rejette l’amendement AS 163.

Les amendements AS 391 et AS 79 ne sont pas défendus.

La Commission adopte l’article 25 ainsi modifié.

Article 26

(article L. 351-1-4 [nouveau] du code de la sécurité sociale)


Abaissement de la condition d’âge pour le départ à la retraite et bénéfice du taux plein au profit des assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie ou d’un accident professionnels

Cet article ouvre la possibilité aux assurés qui justifient d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail de bénéficier, sous certaines conditions, d’une double mesure : un abaissement de la condition d’âge pour le départ à la retraite ; la liquidation de leur pension de vieillesse au taux plein. Cette mesure, destinée à favoriser la prise en compte de la pénibilité, est la seconde du titre IV du projet de loi dédié à cette question.

1. Le dispositif proposé

Cet article 26 crée après l’article L. 351-1-3 du code de la sécurité sociale un nouvel article L. 351-1-4, qui complète la section première, consacrée aux conditions d’âge, du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale. Ce nouvel article ouvre la possibilité aux assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite et d’une pension au taux plein.

a) Les assurés concernés

Aux termes du premier alinéa du nouvel article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale, seront concernés par le nouveau dispositif « les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale au moins égale à un taux déterminé par décret, lorsque cette incapacité est reconnue au titre d’une maladie professionnelle mentionnée à l’article L. 461-1 ou au titre d’un accident de travail visé à l’article L. 411-1 et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle ». Cette détermination du public concerné appelle les observations suivantes :

● Le choix de principe : l’inscription de la mesure dans le système des accidents du travail et des maladies professionnelles.

L’article 26 centre la définition des assurés concernés sur celle du public bénéficiaire du dispositif des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ce choix présente un double intérêt :

– d’une part, il correspond à l’inspiration du projet de loi (cf. sur ce point la partie générale du rapport), à savoir favoriser la prise en compte des situations individuelles des personnes dont l’état de santé est affecté par les conditions de la vie professionnelle ;

– d’autre part, conformément aux orientations présentées par le Gouvernement dès le 16 juin 2010, ce choix est compatible avec le souhait de mettre en place un dispositif juste, immédiatement opérationnel et dans le même temps maîtrisable ; le système de reconnaissance des maladies professionnelles et accidents du travail (dont les principales caractéristiques sont rappelées dans l’encadré figurant ci-après) peut être aujourd’hui considéré comme satisfaisant à ces exigences.

La reconnaissance des maladies professionnelles et des accidents du travail

– Aux termes de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans l’un des quelque cent tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale, et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Les deux premiers tableaux, qui remontent à 1919, sont consacrés aux affections causées par le plomb et par le mercure.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge entre la cessation de l’exposition au risque et la première constatation médicale de la maladie, à la durée d’exposition, ou encore à la liste limitative des travaux susceptibles d’être à l’origine de la maladie, ne sont pas remplies, la maladie peut néanmoins être reconnue comme d’origine professionnelle, s’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime. De même, peut être reconnue comme professionnelle une maladie non répertoriée par les tableaux, s’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime, et qu’elle entraîne le décès de la victime ou un taux d’incapacité permanente d’au moins 25 %. Dans ces cas, la caisse primaire d’assurance maladie reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, composé d’un médecin-conseil régional, d’un médecin inspecteur régional du travail et d’un praticien hospitalier.

En pratique, une personne victime d’une maladie professionnelle adresse à la caisse primaire d’assurance maladie une déclaration de maladie professionnelle, et joint à sa demande un certificat médical. La caisse doit informer l’inspecteur du travail, l’employeur et le médecin du travail. Après la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, le cas échéant, la caisse apprécie le taux d’incapacité permanente, soit à titre prévisionnel, dans le cas où la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie est effectuée hors du cadre des tableaux, soit une fois l’instruction terminée, sur l’avis du médecin-conseil.

– L’accident du travail est défini par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale comme un accident survenu, quelle qu’en soit la cause, par le fait ou à l’occasion du travail, le salarié concerné bénéficiant d’une présomption d’imputabilité (simple) du caractère professionnel de l’accident.

Lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail, il doit en informer l’employeur, à qui il incombe de déclarer l’accident à la caisse primaire d’assurance maladie dont relève la victime. La caisse procède à l’instruction du dossier, si cela lui paraît nécessaire.

– Tout salarié victime d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail bénéficie de : la prise en charge de ses frais médicaux ; la fourniture des appareils nécessités par l’infirmité ; les frais de transport de sa résidence habituelle à l’établissement hospitalier ; la prise en charge des frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation ou le reclassement ; le versement des indemnités journalières pendant la période d’incapacité temporaire qui l’oblige à interrompre son travail. Dans le cas où la personne est atteinte d’une incapacité permanente de travail, elle peut bénéficier d’une indemnité en capital lorsque le taux de l’incapacité est inférieur à 10 %, ou d’une rente si ce taux est de 10 % ou plus.

La notion de maladies professionnelles, bien identifiée, ne doit donc pas être confondue avec des notions distinctes, en particulier :

– la notion d’invalidité : l’état d’invalidité est reconnu par le médecin-conseil de la caisse d’assurance maladie pour un salarié qui, à la suite d’une maladie ou d’un accident dont l’origine n’est pas professionnelle, voit sa capacité de travail réduite d’au moins deux tiers : elle est donc en principe, par définition, exclusive de la notion de maladie professionnelle ; lorsque son titulaire atteint l’âge légal requis pour la liquidation d’une pension de vieillesse, la pension d’invalidité est transformée en pension de retraite pour inaptitude, au sens du code de la sécurité sociale ;

– la notion d’inaptitude au travail, au sens du code du travail, qui correspond à l’impossibilité totale ou partielle pour un salarié d’assurer sa charge de travail ; elle est constatée par le médecin du travail, notamment à l’occasion d’une visite de reprise à l’issue d’une période d’arrêt de travail ; il s’agit d’une notion de droit du travail, qui entraîne une obligation pour l’employeur de reclassement du salarié inapte et peut, en cas d’impossibilité de reclassement ou de refus de reclassement par le salarié, conduire au licenciement du salarié pour inaptitude, sans lien avec la question des droits à la retraite ;

– la notion d’incapacité, que l’on peut définir comme une notion générique, relative à l’état d’un individu qui se trouve empêché d’exercer son activité du fait d’une maladie ou d’un accident. Elle est évaluée selon des exigences distinctes dans les différents cas de figure : la notion d’incapacité permanente, appréciée en fonction d’un barème indicatif donné, ne s’applique qu’aux maladies professionnelles et accidents du travail. L’incapacité de travail appréciée dans le cadre de l’invalidité, par exemple, est estimée indépendamment de tout barème au sens strict.

● Le choix du champ de la mesure

L’article 26 ne couvre pas le champ de l’ensemble des risques pris en charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles :

– Les maladies professionnelles sont envisagées sans restriction, au sens de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : on peut donc en déduire que sont visées les maladies qui figurent dans les tableaux des maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale, et qui bénéficient de la présomption du caractère professionnel de la maladie comme celles qui peuvent être reconnues comme telles par les caisses primaires d’assurance maladie après instruction par un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (57).

En pratique, les principales maladies professionnelles sont les affections articulaires (souvent évoquées sous la dénomination de « troubles musculo-squelettiques »), recensées au tableau 57, qui représentent 74,2 % des maladies professionnelles en premier règlement (58), loin devant les affections provoquées par les poussières d’amiante, recensées au tableau 30, qui représentent 10,1 % des maladies professionnelles indemnisées en premier règlement.

Cette répartition est un peu différente si l’on retient les seules maladies professionnelles qui occasionnent une incapacité permanente : les affections articulaires représentent 59 % des maladies professionnelles, et les affections dues à l’inhalation de poussière d’amiante 22 %.

– Les accidents du travail sont aussi visés, au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, dans leur acception habituelle comme accidents survenus quelle qu’en soit la cause, par le fait ou à l’occasion du travail, à tout salarié, celui-ci bénéficiant d’une présomption d’imputabilité (simple) du caractère professionnel de l’accident.

Compte tenu de l’objectif poursuivi par le Gouvernement – la prise en compte de la pénibilité –, sont toutefois retenus les seuls accidents comparables, dans leurs effets, aux maladies professionnelles, caractérisés par le dispositif proposé comme les accidents « ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle ». L’objectif est, en effet, de prendre en compte l’ensemble des situations où la réalisation d’un travail pénible a eu un impact sur la santé du salarié, indépendamment, le cas échéant, du fait générateur de la lésion. Comme l’ont exposé à votre Rapporteur les services du ministère du travail, « le fait de retenir cette expression permet de faire bénéficier du dispositif pénibilité les salariés victimes d’un accident du travail résultant d’un épisode aigu et entraînant les mêmes conséquences médicales qu’une maladie professionnelle, afin de respecter le principe d’égalité. À titre d’exemple, la répétition du port de charges lourdes peut conduire à une maladie professionnelle reconnue au titre du tableau 98 « Affections chroniques du rachis lombaire » qui provoque des douleurs liées à une hernie discale. Cependant, un effort soudain et brutal, dû à ce même port de charges lourdes, peut entraîner une hernie discale avec les mêmes conséquences médicales. Ainsi, si cet accident aigu le conduit à avoir des lésions durables, la disposition du projet de loi lui permettra de bénéficier du dispositif pénibilité, ce qui est logique puisque les deux personnes ont été confrontées aux mêmes contraintes, et en subissent les mêmes conséquences ».

– En revanche, les accidents de trajet ne sont pas expressément mentionnés dans le dispositif proposé, conformément aux explications apportées par les services du ministère du travail à votre Rapporteur : « le dispositif pénibilité vise à prendre en compte, au moment de la retraite, la situation des salariés dont l’état de santé s’est dégradé pour des raisons imputables au travail. Autre est la situation des salariés victimes d’un accident de trajet, défini (à l’article L. 411-2 du code de la sécurité sociale) comme l’accident survenu pendant le trajet d’aller et de retour entre :

– la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu du travail ;

– le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d’une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l’emploi.

Pour qu’il y ait accident de trajet (et non accident du travail), il faut donc d’une part, que le salarié ne se trouve pas sur le lieu d’exécution de son contrat de travail, d’autre part qu’il ne soit pas sous l’autorité de l’employeur. À la différence des maladies professionnelles (ou des accidents du travail ayant entraîné des lésions identiques), il n’y a donc pas de lien direct entre l’activité professionnelle effectivement exercée et l’accident de trajet ».

● Le choix du taux de l’incapacité permanente

Pour bénéficier du dispositif, l’assuré devra justifier d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale au moins égale à un taux qui devra être fixé par décret. Le Gouvernement a indiqué, dès la conférence de presse au cours de laquelle a été présentée la réforme, le 16 juin 2010, que ce taux serait de 20 %.

Aux termes de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelles. Cette détermination intervient à partir d’un barème dit « d’invalidité », mais qui n’est qu’indicatif : le fait qu’une séquelle n’y soit pas inscrite n’est pas à lui seul de nature à exclure l’existence d’une incapacité permanente, et les taux indiqués ne lient pas la caisse d’assurance maladie dans son appréciation.

En application de l’article R. 434-35 du code de la sécurité sociale (modifié par le décret n° 99-323 du 27 avril 1999), sont annexés au code de la sécurité sociale deux barèmes d’invalidité, qui prévalent respectivement pour la détermination du taux d’incapacité permanente en matière d’accidents du travail et en matière de maladies professionnelles. À titre d’exemple, aux termes de ce barème, en matière d’affections provoquées par les vibrations ou les chocs, une arthrose hyperostosante du coude s’accompagnant éventuellement de chondromatose selon l’importance des douleurs et l’enraidissement correspond à un taux d’incapacité pouvant aller jusqu’à 25 %. En pratique, en 2009, des incapacités permanentes de plus de 20 % ont été reconnues au titre d’une épaule enraidie, d’une épaule douloureuse, de l’état du poignet de la main ou d’un doigt (syndrome du canal carpien), ou encore d’une sciatique par hernie discale.

On dénombrait, en 2009, quelque 10 000 rentes attribuées au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ou de trajet, pour une incapacité de plus de 20 %, conformément aux tableaux présentés ci-après.

Nouvelles rentes de plus de 20 % attribuées en 2009 par taux d’incapacité permanente

Taux d’incapacité permanente

Accidents du travail

Maladies professionnelles

Accidents de trajet

Total

20-29 %

2 825

2 021

510

5 356

30-39 %

969

534

204

1 707

40-49 %

377

223

100

700

50-59 %

173

107

47

327

60-69 %

119

182

36

337

70-79 %

64

172

36

272

80-89 %

67

163

36

266

Plus de 90 %

67

761

27

855

Total

4 661

4 163

996

9 820

Source : CNAMTS.

Nouvelles rentes de plus de 20 % attribuées en 2009 par secteur d’activité

Comité technique national (CTN)

AT

MP

Trajet

Total

Industries de métallurgie

444

533

115

1 092

Industries du bâtiment et des travaux publics

1 154

475

105

1 734

Industries des transports, de l’eau, du gaz, de l’électricité, du livre et de la communication

593

139

105

837

Services, commerces et industries de l’alimentation

535

352

134

1 021

Industries de la chimie, du caoutchouc et de la plasturgie

108

134

20

262

Industries du bois, de l’ameublement, du papier-carton, du textile, du vêtement, des cuirs et peaux, des pierres et terres à feu

253

198

37

488

Commerces non alimentaires

369

132

90

591

Activités de service I

228

85

121

434

Activités de services II et travail temporaire

857

253

227

1 337

Sous-total

4 541

2 301

954

7 796

Autres (dont compte spécial)

120

1 862

42

2 024

Total

4 661

4 163

996

9 820

Source : CNAMTS.

b) Un double avantage pour les assurés

Le nouveau droit ainsi institué est double.

D’une part, est abaissée pour les assurés concernés la condition d’âge prévue au premier alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, autrement dit l’âge légal pour demander la liquidation d’une pension de retraite : cet âge, qui sera en principe de 62 ans à partir de 2018, sera abaissé par décret. Le Gouvernement a annoncé que ce dispositif devra permettre aux intéressés de partir à la retraite à 60 ans, autrement dit de bénéficier du maintien du droit au départ à la retraite à l’âge légal de départ qui prévaut aujourd’hui.

D’autre part, en application du II du nouvel article L. 351-1-4, la pension de vieillesse liquidée sera calculée au taux plein, même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires.

Les intéressés pourront donc liquider leur retraite au taux plein de 50 % et ne subiront pas de décote pour le calcul de leurs droits à pension, quelle que soit leur durée de cotisation, alors que l’article 5 du projet de loi prévoit le report de l’âge dit d’annulation de la décote à 67 ans en 2023.

Exemples figurant dans le dossier établi par le ministère du travail le 16 juin 2010

« Denise, 56 ans, est manutentionnaire dans une usine fabriquant des équipements automobiles. À la suite de ports répétés de charges lourdes, elle souffre de raideurs de l’épaule et de sciatique chronique. Celles-ci ont été reconnues comme maladies professionnelles à un taux supérieur à 20 %. Elle a été reclassée dans un emploi de bureau. Jusqu’à la réforme des retraites de 2010, elle ne pouvait en aucun cas partir à la retraite avant les autres : son âge légal de départ était fixé à 60 ans. Compte tenu du relèvement de l’âge légal à 62 ans en 2018, elle aurait dû partir à 61 ans et 4 mois. Mais grâce à la mise en place du dispositif « pénibilité », elle pourra toujours prendre sa retraite à 60 ans, en 2014.

Max, 57 ans, est éboueur. Il souffre, en raison du port répété de poubelles, d’une hernie discale reconnue en maladie professionnelle. Il n’aura pas tous ses trimestres au moment de partir à la retraite, car il a eu un début de vie professionnelle difficile. Au lieu de partir à 61 ans, et avec une décote, il partira à 60 ans avec une pension complète ».

2. Les bénéficiaires du dispositif proposé

Le Gouvernement estime à environ 10 000 le nombre de personnes qui, pourraient bénéficier chaque année de ce dispositif, après montée en charge (59).

Le financement de ce dispositif sera mis à la charge de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, sous la forme du versement d’une contribution au profit de la branche vieillesse (voir sur cette question le commentaire de l’article 27).

Les personnes, qui bénéficient d’une rente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, pourront cumuler le bénéfice de leur rente et leur pension de retraite, comme il en va aujourd’hui (60). C’est ce qui résulte expressément de l’article L. 434-6 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence (voir par exemple Cour de cassation, 2ème chambre civile, 22 octobre 2009). En pratique, le montant de la rente est égal au salaire annuel de base multiplié par le taux d’incapacité, taux qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci.

Tous âges confondus, le nombre de rentes servies en janvier 2010 s’élève à 1,3 million, conformément au tableau présenté ci-après.

Nombre total de rentes servies en janvier 2010,

tous âges confondus

 

Nombre

Taux

Nombre total des rentes servies

1 307 147

100,0 %

Après sélection des rentes taux d’IP > 20 %

386 992

29,6 %

Source : direction de la sécurité sociale.

Si l’on observe la situation des assurés âgés de 55 à 65 ans, le nombre de rentes et leur montant sont les suivants :

Dénombrement et montant annuel moyen des rentes servies à des bénéficiaires
de la tranche 55-65 ans, par intervalle de taux d’incapacité permanente

Source : CNAMTS.

Pour ces mêmes assurés âgés de 55 à 65 ans, en 2010, le service d’une rente par la branche accidents du travail et maladies professionnelles au titre d’incapacités permanentes égales ou supérieures à 20 % est réparti de manière relativement uniforme entre les différentes générations, à hauteur d’environ 10 000 cas, avec un pic pour les générations nées en 1946, 1947 et 1948, conformément au tableau présenté ci-après.

Répartition des rentes servies par la branche AT-MP au titre des incapacités permanentes de 20 % et plus, à des victimes de 55 à 65 ans, par intervalle de taux d’incapacités permanentes (répartition en nombre)

Année de naissance

Âge au
31 décembre 2010

De 20 à 29 %

De 30 à 39 %

De 40 à 49 %

De 50 à 59 %

De 60 à 69 %

De 70 à 79 %

De 80 à 89 %

Plus de 90 %

Total

1955

55

4 336

1 757

704

356

305

209

128

200

7 995

1954

56

4 493

1 881

751

397

308

211

131

158

8 330

1953

57

4 833

1 984

850

448

311

256

150

207

9 039

1952

58

5 592

2 324

933

469

328

285

145

218

10 294

1951

59

5 711

2 424

924

496

374

283

182

221

10 615

1950

60

6 219

2 609

996

549

455

300

183

241

11 552

1949

61

6 288

2 671

1 059

589

422

349

205

240

11 823

1948

62

6 490

2 726

1 110

559

435

332

187

251

12 090

1947

63

6 501

2 880

1 059

588

474

334

183

286

12 305

1946

64

6 341

2 689

1 172

573

449

315

170

275

11 984

1945

65

5 159

2 259

920

492

410

313

178

229

9 960

Total

61 963

26 204

10 478

5 516

4 271

3 187

1 842

2 526

115 987

Source : CNAMTS.

Ces éléments permettent de préciser les données du débat, même si une certaine prudence s’impose :

– ces dénombrements portent sur les rentes servies par la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles et non sur les personnes attributives de rentes : une même personne peut être titulaire de plusieurs rentes ; toutes rentes confondues, la proportion de « poly-rentiers » s’élèverait à plus de 10 % ;

– ces données doivent, comme il en va de manière générale en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles, être interprétées avec précaution en raison du phénomène dit de « sous-déclaration » des maladies professionnelles (61;

– ces données portent sur l’ensemble des accidents du travail et incluent les accidents de trajet ; en outre, la répartition entre les différents faits générateurs est variable dans le temps : sur l’ensemble des rentes versées au titre des incapacités permanentes de plus de 20 % et plus, à des victimes de la tranche d’âge 55-65 ans en 2010, elle est de l’ordre de 67 % pour les accidents du travail, de 14 % pour les accidents de trajet et de 19 % pour les maladies professionnelles ; pour les seules nouvelles rentes attribuées depuis les années 2000, ces proportions sont respectivement de 50 %, 7 % et 43 %.

*

La Commission examine les amendements de suppression AS 165 de M. Roland Muzeau et AS 306 de Mme Marisol Touraine.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à supprimer l’article 26, qui traduit votre volonté de ne pas prendre totalement en compte la pénibilité. Nous contestons vigoureusement la façon dont vous traitez une injustice fragrante. Comme vous le savez, l’espérance de vie diffère selon la profession – il y a sept ans d’écart entre un ouvrier et un cadre – et cet écart s’est creusé au cours des dix dernières années. Les ouvriers jouiront donc moins longtemps de leur pension de retraite en bonne santé. Cette injustice, à laquelle vous devriez être sensible, monsieur le ministre, doit être compensée par un départ anticipé à la retraite pour ces salariés pénalisés. Au lieu de cela, vous nous proposez un dispositif individualisé, médicalisé, qui n’a pas l’envergure que nous pourrions attendre dans un pays comme le nôtre.

Nous avions déposé des amendements posant le principe d’un droit au départ anticipé en raison d’une bonification en fonction d’un quantum d’années d’exposition aux trois facteurs de pénibilité retenus par les partenaires sociaux – contraintes physiques, contraintes environnementales agressives et rythmes de travail – mais on leur a opposé l’article 40.

M. le président Pierre Méhaignerie. En matière de pénibilité, je rappelle qu’en 2002, les ouvriers partaient en retraite après quarante-cinq ou quarante-six années d’activité. Dans ce domaine, nous avons su prendre nos responsabilités et je n’accepte pas votre accusation, qui pour moi relève de la caricature !

Mme Martine Billard. M. Nicolas Sarkozy regrette que la retraite n’ait pas été maintenue à 65 ans : cela représenterait de nombreuses années de cotisations pour les ouvriers !

M. le rapporteur. Le dispositif proposé par le Gouvernement doit être maintenu, car il prend en compte les situations individuelles. En outre, il est immédiatement opérationnel et compréhensible. Je rappelle, enfin, que la concertation sur la pénibilité se poursuit jusqu’en septembre prochain.

La Commission rejette les amendements AS 165 et AS 306.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel, AS 474 du rapporteur.

Puis, elle adopte l’article 26 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 26

Rapport au Parlement sur l’adaptation aux
travailleurs non salariés du dispositif prévu à l’article 26

La Commission examine l’amendement AS 411 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les organismes que nous avons auditionnés nous ont interpellés quant à la possibilité d’appliquer le nouveau droit, ouvert à l’article 26, aux personnes qui ne sont pas affiliées au régime général de sécurité sociale et ne bénéficient pas d’une couverture accidents du travail-maladie professionnelle – je pense en particulier aux ressortissants du régime social des indépendants. J’attends donc du Gouvernement qu’il propose, dans les meilleurs délais, la solution la plus adéquate pour adapter les dispositions de l’article 26 à ces situations.

M. Régis Juanico. La possibilité offerte aux salariés de partir à taux plein à l’âge légal pour une incapacité permanente déclarée supérieure ou égale à 20 % est présentée comme un progrès. Je voudrais introduire un élément de doute compte tenu du calendrier d’application de cette mesure. En effet, si le carnet de santé au travail doit être mis en place avant la fin de l’année 2011, au plus tard le 1er janvier 2012, la mesure d’incapacité permanente, elle, le sera dès le 1er juillet 2011. À partir de cette date, les salariés concernés pourront partir à 60 ans, mais le relèvement de l’âge légal de départ se faisant progressivement jusqu’en 2018, ceux qui pourront partir au titre d’une incapacité permanente à cette date gagneront deux ans, alors que ceux qui le feront en juillet 2011 ne gagneront qu’un ou deux trimestres. Pour ces derniers, il y a là un marché de dupe.

M. le ministre. Je suis favorable à l’amendement du Rapporteur.

La Commission adopte l’amendement AS 411.

Article 27

(articles L. 241-3 et L.242-5 du code de la sécurité sociale)


Modalités de financement de la mesure d’abaissement de l’âge requis pour la liquidation de la pension de retraite des assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail

Cet article fixe les modalités du financement de la mesure prévue à l’article 26, à savoir l’abaissement de l’âge légal mentionné à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, sous certaines conditions.

Comme l’indique l’étude d’impact, le financement du dispositif ne pèsera pas sur la branche vieillesse : la pénibilité étant liée aux conditions de travail, le financement sera assuré par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui couvrira à due concurrence les dépenses supplémentaires générées par les départs en retraite à raison de la pénibilité. Ce financement sera donc assuré par des cotisations exclusivement patronales.

1. Une contribution de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles à la branche vieillesse

Le I de l’article 27 modifie l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, relatif au financement de la couverture des charges de l’assurance vieillesse, qui fixe les différentes formes de recettes de la branche vieillesse.

Ce paragraphe complète l’énumération déjà existante d’une nouvelle recette, à savoir « une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge prévu à l’article L. 351-1-4 » : en d’autres termes, la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles versera désormais une contribution à la branche vieillesse, contribution définie par son objectif, le financement des départs en retraite anticipés tels qu’ils sont rendus possibles par le nouvel article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale (introduit par l’article 26 du projet de loi) pour les personnes justifiant d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail.

Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, le Gouvernement évalue les dépenses de prestations supplémentaires générées par ce nouveau dispositif à 200 millions d’euros par an environ après 2018, année de fin de montée en charge du dispositif. Ce montant rejoint l’ordre de grandeur de l’évaluation réalisée, par ailleurs, par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés.

2. Une majoration des cotisations

Le financement de la contribution prévue par le I de l’article 27 devrait reposer sur la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, le montant des cotisations dues par les employeurs au titre des maladies professionnelles et des accidents du travail étant révisé à cet effet.

Aux termes du II de l’article 27, l’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale, aujourd’hui consacré aux modalités de fixation du taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, est complété d’un nouvel alinéa aux termes duquel « le montant de la contribution mentionnée à l’article L. 241-3 est pris en compte dans les éléments de calcul de la cotisation qui peuvent être modulés par secteur d’activité dans des conditions déterminées par décret ».

Aujourd’hui, la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles est établie selon les modalités rappelées dans l’encadré présenté ci-après.

La tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles

Le système de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles repose sur les principes suivants :

– une prise en charge par le seul employeur ;

– un objectif de prévention : le montant de la cotisation est fixé en fonction du risque identifié dans chaque entreprise (que le risque soit pris en compte au niveau de chaque entreprise considérée en soi ou de manière collective, au plan statistique) : aucune uniformité des taux ne prévaut, l’unité de tarification étant l’établissement ;

– un principe de mutualisation entre les entreprises.

En application de ces principes, le taux de cotisation est actualisé chaque année et déterminé, pour chaque entreprise, en fonction de ses effectifs et de la nature de son activité, par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). En moyenne, ce taux s’élève à 2,285 % depuis 2006.

On distingue trois modalités de tarifications pour l’établissement du taux brut de cotisation :

– une tarification collective, applicable, pour l’essentiel, aux entreprises de moins de 10 salariés : un taux collectif est déterminé chaque année par arrêté ministériel, qui établit la liste des différents codes risques et des taux collectifs s’y rapportant. Ces taux sont fixés après avis des comités techniques nationaux, sur la base des résultats statistiques nationaux des trois dernières années connues, selon les différents secteurs professionnels ;

– une tarification individuelle, applicable, pour l’essentiel, aux entreprises de plus de 200 salariés : un taux brut de cotisation résulte du rapport entre le coût du risque pour l’employeur au cours des trois dernières années (à savoir le montant global des prestations versées aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle) et les salaires bruts déclarés au cours de cette même période ;

– une tarification mixte pour les entreprises entre 10 et moins de 200 salariés, par l’addition d’une fraction du taux collectif et d’une fraction du taux réel.

Le taux net (dit aussi taux réel) est ensuite calculé à partir de la prise en compte de trois types de majorations forfaitaires : une majoration M1 pour la couverture des accidents de trajet (0,28 % en 2010) ; une majoration M2 pour la couverture des charges générales (dépenses de prévention et de rééducation professionnelle, dotation à l’assurance maladie au titre de la sous-déclaration,… – 0,39 % en 2010) ; une majoration M3 pour la couverture des charges spécifiques (compensation entre régimes, versements au profit du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) et du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA),… – 0,63 % en 2010).

La commission des accidents du travail et des maladies professionnelles est chargée de fixer, avant le 31 janvier, les éléments de calcul des cotisations, conformément aux conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale déterminées par les lois de financement. À défaut, ils sont fixés par arrêté ministériel.

Les caisses disposent, en outre, de la possibilité d’appliquer soit des cotisations supplémentaires, soit des ristournes, pour inciter les entreprises à mieux encadrer les risques professionnels.

*

À la suite, notamment, du protocole d’accord conclu par les partenaires sociaux sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels le 12 mars 2007, est aujourd’hui mise en œuvre une réforme de la tarification, qui devrait prendre son plein effet à partir de 2014. Le décret n° 2010-753 du 5 juillet 2010 vient de préciser les modalités du nouveau système de tarification, qui entrera en vigueur à compter de l’année de tarification 2012, selon les principes suivants :

– les seuils aujourd’hui applicables sont modifiés : le taux collectif s’appliquera aux entreprises de moins de 20 salariés, et le taux individuel aux entreprises à partir de plus de 150 salariés, le périmètre de la tarification mixte étant ainsi resserré.

– la part individuelle des taux de cotisation ne sera plus calculée sur la base du coût de chaque sinistre considéré isolément, mais sur la base d’une grille de coûts moyens dépendant de la gravité des sinistres, revalorisée chaque année par arrêté, sur le modèle indicatif suivant diffusé par la CNAMTS :

Catégorie de sinistre

Coût moyen 2006-2008

Sinistres sans arrêts et avec arrêts de moins de 4 jours

200

Sinistres avec arrêt de 4 à 15 jours

400

Sinistres avec arrêt de 16 à 45 jours

1 350

Sinistres avec arrêt de 46 à 90 jours

3 900

Sinistres avec arrêt de 91 à 150 jours

7 800

Sinistres avec arrêt de plus de 150 jours

27 000

Sinistres avec incapacité permanente < 10 %

2 000

Sinistres avec incapacité permanente de 10 % à 19 %

43 000

Sinistres avec incapacité permanente de 20 % à 39 %

84 000

Sinistres avec incapacité permanente de 40 % et plus ou mortels

356 000

– en principe, un sinistre ne sera pris en compte que pour les années n + 2 à n + 4 à compter de sa survenance et ne sera donc imputé qu’une seule fois sur le compte employeur (sauf en cas de séquelle, où interviendra une seconde imputation).

La réduction des délais entre la survenance du sinistre et sa prise en compte vise à favoriser les efforts de prévention des entreprises. En outre, un repreneur d’entreprise, dans ce nouveau système de tarification, ne subira plus le risque de voir resurgir les conséquences financières d’un sinistre remontant à la période antérieure à la reprise.

La nouvelle contribution, prévue à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, sera donc financée par des recettes nouvelles issues des cotisations des employeurs au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, un décret devant préciser les modalités de ce financement.

L’étude d’impact, rappelant que les dépenses de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles s’élèvent à 11 milliards d’euros, souligne que le financement par cette branche de la retraite à raison de la pénibilité représentera pour les employeurs un surcoût de l’ordre de 0,05 point, un point de cotisation représentant 450 millions d’euros. En pratique, s’ajouterait donc aux majorations déjà existantes une majoration spécifique au titre de ce nouveau dispositif.

La possibilité d’une modulation de ces éléments de calcul par « secteur d’activité » est ouverte par l’article 27. L’étude d’impact souligne que la majoration, mutualisée sur l’ensemble des employeurs, pourra être plus importante dans les secteurs d’activité plus particulièrement concernés par la pénibilité au travail.

Au total, comme l’ont exposé à votre Rapporteur les services du ministère du travail, « il est proposé d’instaurer une quatrième majoration pour couvrir le montant de cette contribution. Cette majoration serait additive au taux brut, au même titre que les majorations M1 et M3. La différence par rapport à ces deux précédentes majorations, qui s’appliquent uniformément à toutes les entreprises réside dans la possibilité de la faire moduler par secteur d’activité. Ainsi, il est possible d’envisager qu’une part du montant de celle-ci soit mutualisée sur l’ensemble des entreprises et que le reste soit supporté en sus et réparti sur les différents secteurs d’activité (62) en fonction du nombre de salariés relevant du dispositif pénibilité. La détermination du taux de contribution de chaque comité technique national serait ainsi calculée annuellement en fonction du nombre de personnes total entrées dans le dispositif. Le secteur pris en compte serait celui dans lequel est intervenue la maladie professionnelle. Cette quatrième majoration permet donc d’avoir une marge de manœuvre sur cette majoration plutôt que d’intégrer le financement de la pénibilité dans une majoration existante ».

L’étude d’impact ajoute enfin que, s’agissant des régimes complémentaires, une modification de l’accord de l’Association pour la gestion du fonds de financement des régimes de retraite complémentaires (AGFF) devra aussi intervenir pour que la retraite complémentaire soit liquidée dans les mêmes conditions que la retraite de base, c’est-à-dire sans coefficient de minoration. Elle rappelle que jusqu’ici, les partenaires sociaux gestionnaires de l’ARRCO et de l’AGIRC ont toujours suivi les conditions de départ à la retraite à taux plein.

*

La Commission examine les amendements de suppression AS 71 de M. Dominique Tian et AS 167, de M. Roland Muzeau.

M. Dominique Tian. Il serait dangereux pour la compétitivité des entreprises de faire financer par la seule branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) le dispositif de prise en compte de la pénibilité, car cela pénaliserait les entreprises qui utilisent une importante main-d’œuvre. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 27.

M. Roland Muzeau. Nous proposons également de le supprimer, mais nos arguments sont très éloignés de ceux de Dominique Tian. Pour nous, le financement du dispositif devrait reposer sur une cotisation mutualisée, à la charge de l’employeur. Nous refusons donc les modalités que vous avez retenues à cet égard, car elles ne font nullement appel à la solidarité nationale et n’inciteront pas les employeurs à réduire les risques professionnels.

M. le rapporteur. Le financement par la branche AT-MP se justifie pleinement, car il s’agit de financer des départs à la retraite pour pénibilité, donc des départs justifiés par l’état de santé des travailleurs. Il n’est donc pas illogique de majorer les cotisations au titre des maladies professionnelles. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette les amendements AS 71 et AS 167.

Puis elle adopte les amendements rédactionnels AS 475 et AS 477, ainsi que l’amendement de coordination AS 476 du rapporteur.

La Commission adopte l’article 27 ainsi modifié.

Après l’article 27

La Commission est saisie de 17 amendements portant articles additionnels après l’article 27.

Article additionnel après l’article 27

Utilisation du compte épargne-temps pour une cessation progressive d’activité

Elle examine d’abord l’amendement AS 500 de la Commission des finances.

M. Hervé Mariton. Cet amendement, adopté à l’unanimité par la Commission des finances, vise à ouvrir la possibilité à tout salarié, en accord avec son employeur et nonobstant les stipulations de la convention ou de l’accord collectif ayant institué le compte épargne-temps, d’utiliser les droits affectés sur ce compte pour cesser, de manière progressive ou totale, son activité.

Ce dont notre pays a besoin, c’est que les Français travaillent davantage. Cependant, si certains salariés souhaitent anticiper leur départ à la retraite, il faut leur en laisser le choix.

M. le rapporteur. Cet amendement présente un réel intérêt, mais il serait préférable de n’autoriser qu’une cessation progressive de l’activité.

M. le ministre. Le Rapporteur a raison. Il faut éviter ce qui s’apparente à une préretraite. L’utilisation des comptes épargne temps pour faciliter la fin de carrière est un dispositif clair, cohérent avec l’esprit du projet de loi.

M. Hervé Mariton. J’accepte la rectification proposée.

M. Pascal Terrasse. Cet amendement est, en effet, très intéressant. Un certain nombre de collectivités territoriales et d’entreprises, dans le cadre des 35 heures, ont mis en place les comptes épargne-temps et ont pu ainsi faire bénéficier leurs salariés de départs anticipés. Le problème vient de ce que le dispositif est limité dans le temps, ce qui oblige l’employeur, soit à permettre au salarié d’interrompre son activité, soit à lui payer les heures qu’il n’a pas effectuées. Il faut donc laisser le choix au salarié d’utiliser son compte épargne temps lorsqu’il décide de cesser son activité.

La Commission adopte l’amendement AS 500 rectifié.

Après l’article 27

Les amendements AS 388, AS 386, AS 387, AS 389 et AS 390 ne sont pas défendus.

La Commission examine l’amendement AS 205 de Mme Cécile Dumoulin.

Mme Cécile Dumoulin. Il faut donner au médecin du travail un rôle central dans l’évaluation de la pénibilité de l’emploi. Son avis tient compte de l’âge de la personne, de sa résistance physique et de son état physique et mental. Nous proposons d’y ajouter les facteurs de risques professionnels déterminés par décret.

M. le rapporteur. Cette proposition est très intéressante, mais elle relève de la réforme de la médecine du travail que le Gouvernement nous présentera dès la rentrée. Vous pourrez présenter cet amendement à cette occasion.

M. le ministre. Ce texte est prêt, nous vous le soumettrons dès que le calendrier parlementaire le permettra.

Mme Cécile Dumoulin. J’accepte donc de retirer mon amendement.

L’amendement AS 205 est retiré.

L’amendement AS 80 n’est pas défendu.

La Commission examine l’amendement AS 294 rectifié de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Cet amendement vise à inscrire dans la loi une définition de la pénibilité et des facteurs de pénibilité, en précisant les éléments à prendre en compte à l’occasion de la fin de carrière ou au long du parcours professionnel du salarié.

Vous allez nous opposer qu’une définition relève au mieux du domaine réglementaire. Mais, outre que la loi de 2003 contient de nombreux articles de nature similaire, nous avons intérêt, pour faciliter le traitement individuel de la pénibilité comme pour déterminer les risques à prendre en considération, à distinguer dans la loi deux formes de pénibilité : la première génère des affections à long terme qui entraînent une diminution de l’espérance de vie, la seconde procède du ressenti chez un salarié dont l’état de santé est déficient.

M. le rapporteur. Nous avons déjà longuement discuté de la définition de la pénibilité. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 294 rectifié.

Puis, elle examine l’amendement AS 295 de Mme Marisol Touraine.

M. Alain Vidalies. Cet amendement, qui vise à définir les critères d’exposition à la pénibilité, fait un peu la synthèse de ce qu’ont apporté les négociations des partenaires sociaux et divers rapports.

La pénibilité n’est en rien théorique. S’agissant du port de charges lourdes, le nombre de salariés concernés a doublé entre 1984 et 2005. Les maladies du dos, notamment celles affectant les vertèbres lombaires, constituent la première cause d’invalidité professionnelle pour les moins de 45 ans. 100 000 travailleurs de plus de 50 ans travaillent régulièrement la nuit, dont la moitié plus de 200 nuits par an ! En 2005, 28 % des ouvriers déclaraient travailler sous contrainte automatique, c’est-à-dire sur une chaîne de production : ils n’étaient que 17 % en 1984 ! Seul le nombre de salariés exposés à des agents toxiques est en diminution – sur ce plan, nous avons fait des progrès.

Le travail de nuit est inévitable dans la police, les hôpitaux, les services de garde et certaines industries, mais cette contrainte sociale a des conséquences individuelles. Il convient donc de retenir ces critères qui concernent potentiellement des centaines de milliers de personnes.

M. François Bayrou. Je trouve cet amendement intéressant et si je pouvais, je le voterais. Il a le mérite, plutôt rare, de prendre en compte les résultats des discussions des partenaires sociaux, de les inscrire dans la loi, et ainsi de circonscrire les situations de pénibilité. Tout le monde, le ministre en particulier, reconnaît à quel point il est difficile de définir, donc de traiter la pénibilité. Cette difficulté disparaîtra si vous adoptez cet amendement.

M. le rapporteur. Nous avons déjà longuement évoqué cette question et défendu nos arguments respectifs. Avis défavorable.

M. le ministre. La pénibilité est définie dans l’article 25, qui mentionne les contraintes physiques marquées, l’environnement physique agressif, les rythmes de travail. Je ne vois pas ce que cet amendement apporte de plus. Peut-être faudra-t-il la redéfinir dans le texte que nous vous présenterons à la rentrée, mais il n’est pas utile d’insérer un article additionnel dans ce texte.

M. Jean Mallot. Monsieur le ministre, dois-je comprendre que, si vous aviez à reprendre de façon plus détaillée les critères mentionnés de façon synthétique à l’article 25, vous utiliseriez les termes que propose Alain Vidalies ?

M. le ministre. Que les rythmes de travail, l’environnement agressif ou les contraintes physiques soient des facteurs d’exposition aux risques professionnels, c’est un fait dont nous sommes convenus au cours de nos discussions avec les partenaires sociaux. L’article 25 est très clair sur ce point.

La Commission rejette l’amendement AS 295.

Elle examine ensuite l’amendement AS 296 rectifié de Mme Marisol Touraine.

M. Régis Juanico. À travers ces quelques amendements, nous vous proposons un dispositif cohérent, comprenant une définition, des critères et un dossier d’exposition aux risques professionnels. Le Gouvernement, quant à lui, a renoncé à une belle idée en ne dotant pas son projet de loi d’un volet consacré à la pénibilité au travail.

C’est pourtant le moins que nous pouvions attendre, compte tenu des engagements pris en 2003 par la majorité, en particulier par votre ami M. Xavier Bertrand, rapporteur du texte et auteur de l’article 12, lequel prévoyait une négociation interprofessionnelle entre les partenaires sociaux dans un délai de trois ans. Certes, cette négociation ne s’est pas conclue par un accord, mais elle a donné des résultats, puisque le texte contient un volet prévention, approuvé par tous les partenaires sociaux. Ceux-ci se sont également mis d’accord sur une définition, reprise par la mission d’information parlementaire dont le rapporteur était Jean-Frédéric Poisson, ainsi que sur des critères détaillés devant être fixés par décret : environnement agressif, contraintes horaires et contraintes physiques ou psychiques.

Le présent amendement demande la constitution d’un dossier d’exposition aux risques professionnels. Certains salariés n’ayant pas de dossier médical qui permette le suivi précis de cette exposition, nous proposons qu’ils remplissent une déclaration, qu’ils joindront à leur dossier de liquidation de retraite, reprenant tous les éléments en leur possession susceptibles de démontrer le niveau de l’exposition, et nous souhaitons qu’ils puissent bénéficier pour cela de l’aide d’un représentant d’une organisation syndicale.

M. le rapporteur. J’ai écouté avec attention notre collègue Régis Juanico, mais son amendement en dit trop ou pas assez. Trop, car pourquoi prévoir un dispositif transitoire alors qu’il faut aller au plus vite ? Pas assez, dans le sens où nous ne connaissons pas les seuils à partir desquels une exposition a des effets sur l’espérance de vie en bonne santé. Cependant, cette question délicate des effets différés sera évoquée au cours du mois d’août, avec les partenaires sociaux, dans le cadre de la préparation du projet de loi portant réforme de la médecine du travail. En attendant, avis défavorable.

M. le ministre. Même position.

La Commission rejette l’amendement AS 296 rectifié.

Elle examine l’amendement AS 305 de Mme Marisol Touraine.

M. Pascal Terrasse. Le Gouvernement a refusé la quasi-totalité des amendements proposés par l’opposition. Celui-ci devrait cependant s’inscrire dans votre logique, car il propose que « toute réforme du régime des retraites donne lieu à une réflexion préalable et à une négociation sur la pénibilité du travail ». Cet amendement, qui pourrait être retiré en septembre, montrerait aux partenaires sociaux que vous allez engager avec eux, avant l’examen du texte en séance publique, une véritable négociation préalable.

M. le rapporteur. On ne peut qu’être d’accord avec l’intention qui inspire cet amendement. Cependant, sa mise en pratique est problématique. Que se passerait-il, par exemple, en cas d’échec de cette négociation ? Par ailleurs, pourquoi privilégier la pénibilité en négligeant tous les autres sujets ? Je m’en remets à la sagesse du Gouvernement.

M. le ministre. Avis négatif. Une réforme des retraites exige évidemment une réflexion et des consultations préalables, qui portent du reste sur bien d’autres sujets que la pénibilité.

La Commission rejette l’amendement AS 305.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 393 de M. Francis Vercamer.

M. Jean-Luc Préel. L’amendement tend à ce que des conventions ou accords de branche puissent prévoir des modalités de cessation anticipée d’activité pour les salariés exposés à des facteurs de pénibilité. Ces dispositifs seraient financés par un fonds alimenté par les cotisations des entreprises de la branche.

M. le rapporteur. Il s’agit d’une piste intéressante, mais il faudrait proposer un véritable dispositif conventionnel. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 393.

Article additionnel après l’article 27

 
Rapport au Parlement sur l’application des dispositions sur la pénibilité

Puis, elle examine l’amendement AS 405 de M. le président Pierre Méhaignerie.

M. le président Pierre Méhaignerie. Un traitement collectif de la pénibilité n’est pas possible, mais certains éléments du traitement individuel peuvent néanmoins paraître insuffisants. Il faut faire confiance et ne pas tuer la responsabilité individuelle des entreprises, ni transférer la politique de prévention de l’entreprise à la collectivité.

Certaines entreprises ont la volonté de s’engager dans le traitement de la pénibilité en le finançant en grande partie. Il faut tirer parti de la possibilité d’expérimenter – je crois en effet à la contagion des bonnes expériences – pour valoriser le travail, en particulier le travail ouvrier. Des voies existent, même si nous nous heurtons aujourd’hui à l’article 40. Je souhaite qu’au cours du débat en séance publique, le Gouvernement nous dise comment avancer dans ce traitement de la pénibilité. Le tutorat ou le travail partiel sont des solutions. En tout état de cause, il faut anticiper.

Il serait trop facile de recourir systématiquement, pour financer ces dispositifs, aux comptes sociaux ou au déficit. Tous ceux qui participent aux travaux de la Commission des affaires sociales savent que nous sommes arrivés aux limites de l’État providence. La France est, de tous les pays d’Europe, celui où il atteint le plus grand développement. La mondialisation et la compétitivité exigent d’être très vigilants à cet égard : l’exemple de tous nos voisins nous y invite.

Je souhaite que nous ayons sur ce point un débat approfondi et mettions en place des solutions expérimentales.

M. le rapporteur. Avis d’autant plus favorable que je suis cosignataire de cet amendement.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, votre proposition exprime votre bonne volonté, mais aussi votre mauvaise conscience, car vous sentez bien qu’il manque, dans ce texte, des éléments consacrés à la situation des travailleurs. Nous avons déjà préconisé plusieurs solutions et je suis persuadé que nous avons les moyens de définir concrètement les conditions de prise en compte de la pénibilité pour les ouvriers.

Il faudra sans doute envisager mieux que la simple augmentation des prélèvements fiscaux et sociaux. De fait, le recours à ces deux instruments ne saurait suffire à remédier à la situation financière de notre pays. En entendant hier la droite imputer cette situation à la gauche à cause des 35 heures et la gauche l’imputer – plus légitimement selon moi – à la droite à cause des déficits qu’elle a laissé filer, il m’a semblé qu’elle s’expliquait précisément par notre incapacité commune à en assumer collectivement, pour l’avenir, la responsabilité. Nous devrions donc réfléchir à des solutions adéquates.

Ainsi, si des mesures fiscales sont nécessaires pour assurer l’équilibre et le financement du système, sans doute ne peuvent-elles être que ponctuelles et provisoires. Du moins faut-il que chacun soit soumis à une contribution égale pour améliorer la situation de nos comptes de retraite et de nos comptes sociaux.

M. Roland Muzeau. Votre intervention, monsieur le président, exprime votre conscience du ressentiment que le monde du travail éprouvera dans les prochaines heures face à l’échec patent de la réunion de ce matin sur la définition et la reconnaissance de la pénibilité. Vous mesurez, avec vos mots, la déception de ceux qui souffrent.

Mais, cette déception sera partagée par certains employeurs. Ainsi, le directeur des ressources humaines de Rhodia sera atterré par la conclusion de nos débats, qui n’ont rien fait avancer. Dans une interview que je lisais à l’instant, il constatait qu’aucun des 1 500 salariés de son entreprise ne serait concerné par le projet de loi, et s’en félicitait d’ailleurs, car le contraire eût impliqué qu’ils fussent frappés d’une incapacité de 20 %. Il ajoutait qu’il est anormal de conditionner un départ anticipé à une usure physique déjà avérée – c’est du reste ce que nous ne cessons de répéter –, situation dont le traitement relève selon lui de la branche AT-MP et non des systèmes de retraite.

Les déçus seront donc nombreux et les salariés n’espèrent pas grand-chose des échanges, dont vous annoncez la poursuite pour le mois d’août.

M. le président Pierre Méhaignerie. La mauvaise conscience, monsieur Gorce, est également partagée sur tous les bancs, en particulier lorsqu’il s’agit de passer des intentions aux actes. Ainsi, le président du Parti socialiste européen, M. Rasmussen, n’évoquait-il pas la mauvaise conscience des dirigeants sociaux-démocrates, due aux raisons qui leur ont fait perdre le pouvoir.

M. Alain Vidalies. Ces dirigeants ont mauvaise conscience d’avoir mené une politique qui ressemble étrangement à celle que vous voulez mener aujourd’hui. Malraux disait qu’il faut transformer l’expérience en conscience. Je vous invite à le faire.

M. le président Pierre Méhaignerie. Pour relativiser votre projet, songez à 1981 et 1982.

La Commission adopte l’amendement AS 405.

Après l’article 27

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 298 rectifié de Mme Marisol Touraine.

M. Jean Mallot. Reprenons le débat à son point de départ. La campagne de publicité, que nous avons stigmatisée hier et que vous aviez lancée voici plusieurs mois sur la base d’un avant-avant-projet de loi, distinguait clairement les carrières longues et la pénibilité du travail, démentant ainsi l’amalgame que vous tentez de faire entre ces deux thèmes. Vous devriez bien aussi, au terme de nos débats de ce matin, distinguer la pénibilité de l’incapacité, car nous avons démontré que ce sont deux choses différentes.

Cependant, nous avons compris que vous ne souhaitez pas avancer réellement sur cette question de la pénibilité, mais seulement en parler pour préparer le terrain – au rugby, on dirait que vous voulez « garder la balle sous la mêlée » – en vue d’une annonce que pourrait faire le Président de la République dans quelques semaines. Gardez-vous cependant de l’abus de tactique, car la surprise risque d’être éventée. Mieux vaudrait vous appuyer sur les travaux de notre commission pour réaliser de réelles avancées et indiquer quelles sont réellement vos intentions.

Alors qu’il aurait dû vous obliger à de tels progrès, l’article 12 de la loi de 2003 vous a permis de berner les partenaires sociaux et de leur faire avaler la pilule. Le rapport Poisson n’a été suivi d’aucun effet. Nous craignons qu’il en soit de même des débats de ce matin. L’amendement AS 298 vous invite donc à avancer dans la prise en compte de la pénibilité et dans la définition des modalités d’une majoration de la durée d’assurance acquise, ainsi que des conditions d’un départ anticipé. Il serait temps, en effet, de passer à l’acte.

M. le rapporteur. Serge Volkoff déclarait que les outils scientifiques actuels ne permettent pas de déterminer les seuils à partir desquels l’exposition à des facteurs de pénibilité a des conséquences néfastes sur l’espérance de vie.

Nous devons poursuivre ensemble nos réflexions. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 298 rectifié.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 394 de M. Francis Vercamer.

M. Jean-Luc Préel. L’amendement propose la remise au Parlement d’un rapport sur les travaux de l’observatoire de la pénibilité, portant sur la définition de la pénibilité au travail. Le Parlement doit, en effet, être régulièrement informé des connaissances en la matière de façon à pouvoir en tenir compte dans les politiques sociales.

M. le rapporteur. Cet amendement me semble satisfait par l’amendement AS 405 que nous avons adopté tout à l’heure. Cependant, je m’en remets à la sagesse du Gouvernement.

M. le ministre. L’observatoire étant créé, il semble aller de soi qu’il rendra des rapports.

La Commission rejette l’amendement AS 394.

Titre IV du projet de loi

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 293 de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement exprime la nécessité de prendre en compte la pénibilité tout au long du parcours professionnel dans l’intitulé du titre IV du projet de loi.

M. le rapporteur. Avis très favorable.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement AS 293.

TITRE V

MESURES DE SOLIDARITÉ

Chapitre Ier

Dispositions applicables au régime des exploitants agricoles

Article 28

(articles L. 732-56, L. 732-58, L. 732-59, L. 732-60 et L. 732-62
du code rural et de la pêche maritime)


Extension de la retraite complémentaire obligatoire
du régime des exploitants agricoles aux aides familiaux
et aux collaborateurs de chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole

Le présent article étend le bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire agricole (RCO) aux aides familiaux et aux conjoints collaborateurs, qui en sont aujourd’hui exclus, alors qu’ils sont par ailleurs obligatoirement affiliés au régime de base des non-salariés agricoles.

1. La retraite complémentaire obligatoire du régime des exploitants agricoles

Mise en place à compter du 1er avril 2003 par la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles, la RCO bénéficie :

– aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole déjà retraités au 1er avril 2003, qui perçoivent alors une pension de retraite complémentaire uniquement constituée de droits gratuits ;

– aux chefs d’exploitation dont la retraite est liquidée après le 1er janvier 2003, qui perçoivent une pension de retraite complémentaire constituée de droits gratuits, sous certaines conditions, et/ou de droits acquis par cotisations.

Pour les périodes d’activité en qualité de chef d’exploitation antérieures à 2003, sont octroyés des points gratuits sous certaines conditions de durée d’assurance :

– les chefs d’exploitation dont la retraite a pris effet avant le 1er janvier 1997 bénéficient de droits gratuits, lorsqu’ils justifient à la date d’effet de leur retraite de base de 32,5 années d’assurance en qualité de non-salarié agricole dont 17,5 années d’activité en qualité de chef d’exploitation ;

– les chefs d’exploitation dont la retraite a pris effet entre le 1er janvier 1997 et le 1er janvier 2003 inclus bénéficient de droits gratuits, à condition de justifier d’une durée d’activité (tous régimes confondus) au moins égale à 37,5 années d’activité à la date d’effet de leur retraite de base, dont 17,5 années en qualité de chef d’exploitation ;

– les chefs d’exploitation retraités après le 1er janvier 2003, justifiant de la durée d’activité nécessaire (tous régimes confondus) pour obtenir la liquidation de la retraite de base à taux plein dans le régime des non-salariés agricoles, dont 17,5 années en qualité de chef d’exploitation, bénéficient de l’attribution de 100 points pour les années de chef d’exploitation accomplies avant le 1er janvier 2003, dans la limite de la différence entre 37,5 ans et le nombre d’années d’affiliation à la RCO.

Les cotisations sont assises sur les revenus professionnels au taux de 2,97 %, avec une assiette minimale fixée à 1820 fois le SMIC horaire. Les droits acquis sont proportionnels aux cotisations, sans plafond. Si les cotisations sont calculées sur l’assiette minimale, le paiement de la RCO donne droit à 100 points par an. Si les cotisations sont calculées sur une assiette supérieure, le nombre de points acquis est déterminé selon la formule suivante : nombre annuel de points de RCO = revenus professionnels x 100 ÷ 1820 SMIC.

Le montant annuel de la RCO est obtenu en multipliant le nombre de points de retraite complémentaire cotisés et gratuits par la valeur de service du point. Pour 2010, la valeur annuelle du point de RCO est de 0,327 euro.

Soumise à de fortes contraintes financières, la loi de 2002 n’avait prévu une possibilité de réversion en faveur du conjoint survivant que si le chef d’exploitation décédé avait procédé à la liquidation de sa RCO avant son décès. Cette pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait l’assuré décédé, le calcul s’effectuant sur l’ensemble des points de RCO (droits gratuits et droits cotisés).

La loi du 21 août 2003 a étendu la réversion en faveur du conjoint survivant de chef d’exploitation décédé avant la liquidation de sa retraite complémentaire. Cette pension de réversion est d’un montant égal à 54 % des droits cotisés dont aurait bénéficié l’assuré décédé et ne porte donc pas sur les droits gratuits. Le conjoint survivant doit justifier des conditions suivantes : un âge de 55 ans au moins – aucune condition d’âge n’étant toutefois exigée si le survivant est invalide au moment du décès ou ultérieurement, ou s’il a au moins deux enfants à charge au moment du décès – et une durée de mariage de deux ans (sauf si le couple a eu un enfant).

Rien n’avait donc été prévu pour le conjoint en cas de décès de l’exploitant qui a liquidé sa retraite de base avant le 1er janvier 2003 et qui peut, dans certains cas, bénéficier tout de même d’une retraite complémentaire au titre des seuls points gratuits. Pour le conjoint survivant, cette situation entraînait une diminution du revenu alors même que la pension personnelle des agricultrices est, en règle générale, modeste du fait des faibles cotisations versées.

L’article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a réglé la situation de ces conjoints. L’ouverture du droit à réversion, avec effet au 1er janvier 2010, a donc contribué à l’effort de résorption des situations de grande fragilité financière au sein des pensionnés du régime agricole, situations qui frappent majoritairement les conjoints survivants des pensionnés. Pour cette raison, elle a été intégrée à l’ensemble des mesures de revalorisation des petites retraites agricoles, qui se déploient sur les exercices 2009 à 2011.

Le conjoint survivant doit remplir les conditions personnelles prévues par le régime (cf. ci-dessus). La pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait l’assuré. Selon les indications alors fournies par le Gouvernement, l’amélioration moyenne de la pension annuelle serait de 570 euros pour les 70 000 personnes concernées.

Évalué à 40 millions d’euros pour sa première année d’application, le dispositif a été financé par l’affectation d’une fraction de 0,37 % du produit du droit de consommation sur les tabacs. Initialement envisagée, une augmentation du taux de cotisation des actifs de 2,97 % à 3 % ne s’est finalement pas révélée nécessaire.

La RCO bénéficie à 535 000 personnes, pour 507 000 cotisants. En 2008, les prestations avoisinaient 450 millions d’euros, équilibrées par un peu plus de 300 millions d’euros de cotisations et une participation de l’État de 150 millions d’euros, consistant en une fraction du produit des droits de consommation sur les tabacs.

2. L’extension de la RCO aux aides familiaux et aux collaborateurs de chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole

Les conjoints exerçant une activité au sein de l’exploitation agricole peuvent relever de trois statuts différents :

– salarié, bénéficiant dès lors d’une affiliation aux régimes de retraite complémentaire des salariés ;

– associé (co-exploitants), emportant l’affiliation obligatoire à la retraite complémentaire ;

– collaborateur (collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole définis par l’article L. 321-5 du code rural et de la pêche maritime), entraînant l’affiliation au régime de base des exploitants agricoles, mais ne pouvant ouvrir le bénéfice de la RCO.

Quant aux aides familiaux, le 2° de l’article L. 722-10 du code rural et de la pêche maritime précise les contours de cette catégorie : « ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré du chef d’exploitation ou d’entreprise ou de son conjoint, âgés de plus de seize ans, vivant sur l’exploitation ou l’entreprise et participant à sa mise en valeur comme non-salariés ».

On comptait en 2008, sur les 561 480 cotisants au régime de retraite de base des non-salariés agricoles, 49 463 conjoints collaborateurs et 6 565 aides familiaux. 10 % des cotisants au régime de base ne peuvent donc valider de droits à RCO, à la différence de la situation prévalant pour les artisans, commerçants et professions libérales.

Le présent article vise donc à remédier à cette situation inéquitable.

À cette fin, le complète l’article L. 732-56 du code rural et de la pêche maritime en prévoyant, à compter du 1er janvier 2011, l’affiliation au régime de l’assurance vieillesse complémentaire obligatoire des personnes ayant la qualité d’aide familial ou de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole.

Le tire les conséquences de cette affiliation sur les recettes du régime complémentaire définies à l’article L. 732-58 du code rural et de la pêche maritime. De même, le complète l’article L. 732-59 afin de préciser que l’assiette des cotisations acquittées par les chefs d’exploitation pour ces nouvelles catégories affiliées est égale à un montant forfaitaire qui sera fixé par décret. Modifiant l’article L. 732-60, le indique qu’elles bénéficieront, comme les autres ressortissants du régime, d’une retraite exprimée en points de retraite complémentaire.

Enfin, l’extension aux aides familiaux et conjoints collaborateurs porte sur le droit à une pension de réversion.

Le du présent article précise qu’en cas de décès d’un aide familial ou d’un collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole après le 31 décembre 2010, son conjoint survivant a droit, au plus tôt au 1er janvier 2011, à une pension de réversion de la RCO égale à 54 % de la pension de RCO dont bénéficiait ou aurait bénéficié l’assuré. Les conditions d’ouverture de ce droit sont celles applicables au chef d’exploitation ou d’entreprise agricole. Toutefois, lorsque la pension de retraite n’a pas été liquidée au jour du décès de l’assuré, cette pension de réversion est versée sans condition d’âge si le conjoint survivant est invalide au moment du décès ou après le décès de l’assuré, ou bien s’il a au moins deux enfants à charge au moment du décès.

Les incidences de l’extension de la RCO aux aides familiaux et conjoints collaborateurs sont globalement neutres pour l’équilibre du régime. En effet, les nouveaux affiliés apporteront un volume supplémentaire de cotisations : l’assiette forfaitaire sera fixée par décret, mais selon les informations communiquées à votre Rapporteur, il s’agirait de la même assiette que dans le régime de base, soit 1200 fois le SMIC horaire. Dans ces conditions, la charge supplémentaire, s’élèverait à 313 euros par an, apportant au régime plus de 17 millions d’euros de recettes supplémentaires. Pour les intéressés, le montant annuel de la pension servie à l’issue d’une carrière complète serait ainsi de 840 euros (soit 70 euros par mois).

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 470 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 28 ainsi modifié.

Article 29

(article L. 815-13 du code de la sécurité sociale)


Exclusion du capital d’exploitation de l’assiette du recouvrement sur les successions du minimum vieillesse des exploitants agricoles

Le présent article a pour objet d’exclure les terres agricoles et l’ensemble des bâtiments qui en sont indissociables de l’assiette du recouvrement sur succession de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

1. Le minimum vieillesse et l’allocation de solidarité aux personnes âgées

Les régimes de retraite versent des avantages non contributifs afin de permettre aux personnes âgées disposant de faibles ressources d’atteindre un revenu minimal. Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) rembourse aux régimes le coût de ces prestations sociales.

Mise en place en 2007 (articles L. 815-1 et suivants du code de la sécurité sociale), l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) est ouverte aux personnes résidant en France, âgées d’au moins 65 ans (ou 60 ans si elles sont inaptes au travail). La demande d’allocation est déposée auprès de l’organisme liquidateur, qui est l’organisme débiteur de la pension de vieillesse que le demandeur perçoit ou à laquelle il peut prétendre.

L’ASPA permet de porter les revenus d’une personne seule à 708,95 euros par mois et d’un ménage à 1 157,46 euros par mois. Elle est exonérée de CSG et de CRDS et n’est pas soumise à la cotisation d’assurance maladie. Sous certaines conditions, les bénéficiaires peuvent également être exonérés d’impôt sur le revenu, de taxe d’habitation et de contribution à l’audiovisuel public.

Conformément à l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse, l’ASPA s’est substituée, depuis le 1er janvier 2007, au minimum vieillesse et à ses prestations constitutives. Leurs bénéficiaires continuent de les percevoir selon les règles antérieurement applicables, à moins qu’ils n’y aient renoncé expressément et irrévocablement en faveur de l’ASPA ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI).

D’un montant identique à celui de l’ASPA, le minimum vieillesse comprend plusieurs niveaux et plusieurs prestations :

– une retraite ou une allocation non contributive – allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS), allocation aux vieux travailleurs non salariés (AVTNS), allocation de vieillesse agricole, allocation aux mères de famille, secours viager, allocation, allocation spéciale de vieillesse, allocation simple à domicile des personnes âgées (265,13 euros par mois pour une personne seule) ;

– une allocation supplémentaire, soit 443,81 euros par mois pour une personne seule (627,19 euros pour un ménage).

2. Le recouvrement sur les successions

En vertu de l’article L. 815-13 du code de la sécurité sociale, les sommes servies au titre de l’ASPA (et de l’ASI) sont récupérées, au décès de l’allocataire, sur sa succession, et ce dans la limite d’un montant fixé par décret. L’article D. 815-3 précise que ce montant est égal, au titre des allocations versées pendant la période du 1er avril au 31 mars de l’année suivante :

– pour une personne seule, à la différence entre le montant maximum de l’ASPA et le montant de l’AVTS applicables pendant cette période (soit 5 325 euros) ;

– lorsqu’un couple en bénéficie, à la différence entre le montant de l’ASPA et deux fois le montant de l’AVTS applicables pendant cette période (soit 7 526 euros).

Lorsque l’allocation n’a pas été servie pendant l’année complète, ces montants sont diminués au prorata de la durée effective de service de l’allocation.

L’article D. 815-4 prévoit, par ailleurs, que la récupération elle-même n’est opérée que sur la fraction de l’actif net successoral – évaluation de l’ensemble des biens du défunt, après déduction du passif – excédant un seuil dont le montant est également fixé par décret et elle ne peut avoir pour conséquence d’abaisser l’actif net en dessous de ce seuil, qui est de 39 000 euros depuis le 1er janvier 2006.

L’étude d’impact accompagnant le projet de loi donne ainsi l’exemple d’une personne seule ayant bénéficié de l’ASPA du 1er novembre 2006 au 30 juin 2008, date de son décès, et dont l’actif successoral s’élève à 45 000 euros. Pour déterminer le montant éventuel de la récupération sur succession, il faut d’abord déduire 39 000 euros, ce qui laisse une assiette de récupération de 6 000 euros. La personne a perçu au total un montant de 12 444,42 euros d’allocations, dont 7 330,66 euros, compte tenu des montants alors en vigueur, sont récupérables. En pratique, seuls 6 000 euros sont donc récupérés, soit un taux de reprise de 48,2 % par rapport aux prestations qui ont été servies.

Le recouvrement est opéré par les organismes ou services assurant le service de l’ASPA. Les sommes recouvrables sont garanties par une hypothèque légale prenant rang à la date de son inscription.

L’action en recouvrement se prescrit par cinq ans à compter de l’enregistrement d’un écrit ou d’une déclaration mentionnant la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l’adresse de l’un au moins des ayants droit. Enfin, lorsque l’allocation est versée à un couple dont les deux membres sont bénéficiaires, elle est réputée avoir été perçue pour moitié par chacun d’entre eux.

Le troisième alinéa de l’article L. 815-13 du code de la sécurité sociale apporte une précision relative aux successions comprenant en tout ou partie un capital d’exploitation agricole : ce dernier n’est retenu que pour 30 % de sa valeur. L’article D. 815-5 fixe la liste des éléments constitutifs du capital d’exploitation agricole : terres, cheptel mort ou vif, bâtiments d’exploitation, éléments végétaux constituant le support permanent de la production, tels que arbres fruitiers et vigne, ainsi que les éléments inclus dans le fonds agricole créé, le cas échéant, par l’exploitant en application de l’article L. 311-3 du code rural et de la pêche maritime.

3. L’exclusion totale du capital d’exploitation agricole

Le recouvrement sur les successions est justifié par l’insuffisance de solidarité familiale au regard du versement d’une prestation de solidarité, mais il est souvent mal vécu, ne serait-ce qu’en raison des circonstances douloureuses dans lesquelles il intervient.

Comme on l’a vu, le jeu de l’abattement sur l’actif successoral et du plafond annuel de récupération contribue certes à atténuer la rigueur du dispositif. En outre, la prise en compte de la valeur du capital d’exploitation agricole dans la définition de l’actif net successoral a été minorée au fil des années : le coefficient de prise en compte était de 70 % avant 1993, puis de 50 % jusqu’en 2000 et, depuis lors, de 30 %. Mais, le principe d’une récupération sur succession n’en comporte pas moins encore un effet dissuasif, qui constitue souvent un frein, pour certains retraités agricoles, à demander le bénéfice de l’ASPA.

De fait, parmi les 1 747 480 bénéficiaires d’un avantage de vieillesse recensés par la Mutualité sociale agricole (MSA) en 2009, seuls 40 290 relevaient du minimum vieillesse ou de l’ASPA, soit une proportion de 2,3 %. Ce phénomène s’explique notamment par le problème spécifique posé par l’habitation, qui, dans le monde agricole, tient à la fois lieu de résidence et de bien d’exploitation.

Répondant à une revendication ancienne de la profession agricole, le I du présent article modifie donc le troisième alinéa de l’article L. 815-13 du code de la sécurité sociale afin de répondre aux deux problèmes posés :

– d’une part, il exclut de l’actif net successoral la totalité du capital d’exploitation agricole ;

– d’autre part, il précise que les bâtiments indissociables de l’exploitation agricole sont exclus de l’actif net successoral.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article L. 815-28 du code de la sécurité sociale prévoyant que les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 815-13 sont applicables au recouvrement sur succession de l’ASI, la présente modification s’appliquera automatiquement à cette allocation.

Compte tenu de la date de création de l’ASPA, l’essentiel des personnes concernées demeure encore au minimum vieillesse. C’est pourquoi le II prévoit explicitement que l’aménagement de l’assiette du recouvrement sur succession de l’ASPA vaut également pour les bénéficiaires actuels du minimum vieillesse.

L’étude d’impact ne dissimule pas les difficultés d’évaluation d’une mesure destinée à faire évoluer des « comportements liés à des représentations culturelles ». En tout état de cause, elle devrait exercer un double effet augmentant les dépenses à la charge du FSV :

– d’une part, les exploitants agricoles seront davantage incités à demander le bénéfice de l’ASPA ;

– d’autre part, le montant des récupérations sur succession diminuera, étant rappelé qu’il atteint aujourd’hui 50 millions d’euros par an dans le seul secteur agricole.

Cette mesure s’inscrit en outre dans le cadre de l’effort continu d’amélioration des petites retraites agricoles rappelé dans l’introduction au présent rapport.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 471 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 29 ainsi modifié.

Après l’article 29

La Commission est saisie de 34 amendements portant articles additionnels après l’article 29.

L’amendement AS 5 n’est pas défendu.

Elle examine ensuite l’amendement AS 53 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je présenterai en même temps cet amendement et l’amendement AS 54, lui aussi consacré à la réversion. Les dispositions en vigueur sont très inégalitaires. De fait, à la différence du secteur privé, le bénéfice de la réversion dans le secteur public n’est soumis à aucune condition d’âge ou de ressources dans le secteur public – pour autant que le bénéficiaire ne soit pas remarié ou pacsé.

M. le rapporteur. La convergence est une bonne chose, à condition de respecter des règles d’équité. La remise en question des conditions d’attribution des pensions de réversion dans la fonction publique devrait s’accompagner de la même démarche dans les régimes complémentaires, sous peine d’injustice. Avis défavorable aux deux amendements.

M. le secrétaire d’État. Même avis. Historiquement, les systèmes de réversion du public et du privé, conçus à 200 ans d’écart, reposent sur des principes radicalement différents. Le régime du privé, qui date du milieu du xxe siècle, tenait compte du travail des femmes.

D’autre part, alors que le régime public est un régime intégré, le régime privé comporte deux étages, qui ne sont pas soumis aux mêmes conditions, de telle sorte que la transposition serait très difficile.

Mme Marie-Françoise Clergeau. La proposition de Dominique Tian est injuste. S’il faut réformer les pensions de réversion, mieux vaudrait aligner celles du privé sur celles du public. Les veufs et veuves du privé devraient pouvoir bénéficier des droits acquis.

La Commission rejette les amendements AS 53 et AS 54.

Elle examine alors l’amendement AS 377 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. En tant que président du groupe d’étude sur les conjoints survivants, j’avais déposé plusieurs amendements tendant à améliorer le système actuel. Ils sont tous tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution, à l’exception de celui-ci.

Il n’est pas équitable que la pension de réversion des veuves de militaires ou de certains fonctionnaires soit calculée non seulement en fonction de la durée du mariage, mais aussi du nombre de lits. Une veuve a ainsi vu sa pension de réversion divisée de moitié en même temps qu’elle a appris que son mari avait eu un enfant d’un autre lit.

M. le rapporteur. Les lits extraconjugaux sont une affaire bien compliquée ! Je refile le bébé au Gouvernement !

M. le secrétaire d’État. L’article 45 du code des pensions civiles et militaires dispose que la pension est répartie entre plusieurs conjoints divorcés ou survivants au prorata de la durée. Mais, dans la fonction publique, lorsqu’il existe un enfant issu du premier lit et s’il est orphelin de père et mère, la pension est divisée entre cet orphelin et la veuve jusqu’à ce que le premier atteigne l’âge de 21 ans, après quoi elle est versée à nouveau au prorata de la durée de mariage. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 377.

Article additionnel après l’article 29

Prorogation de l’assurance veuvage

Elle examine ensuite l’amendement AS 412 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement tend à rétablir l’assurance veuvage. En réponse à une question que j’ai posée la semaine dernière, le Gouvernement s’est d’ailleurs engagé à la prorogation de ce dispositif abrogé par la loi de 2003.

M. le secrétaire d’État. Avis favorable.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’est pas moi qui, en 2003, ai voté la suppression de la condition d’âge pour le bénéfice de la réversion et la suppression du dispositif de l’assurance veuvage pour les jeunes veuves. C’est également votre Gouvernement qui a rétabli, en 2008, la condition d’âge. Depuis deux ans, bon nombre des 400 000 jeunes veuves que compte notre pays sont dans l’inquiétude, ignorant ce qu’il adviendra au 31 décembre 2010. Il est inadmissible que l’on n’envisage qu’aujourd’hui de trouver une solution. C’est se moquer de personnes qui n’ont pas toujours les moyens de se défendre.

La Commission adopte l’amendement AS 412.

Après l’article 29

La Commission examine l’amendement AS 400 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Il convient d’assurer l’équité entre les différents régimes de réversion, de base et complémentaires. Compte tenu des limites apportées à l’initiative parlementaire, nous demandons au Gouvernement de présenter un rapport sur ce sujet.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 400.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 171 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous demandons qu’un décret détermine le montant du salaire mentionné à l’article L. 6222-27 du code du travail et les conditions dans lesquelles les avantages en nature peuvent en être déduits – le salaire minimum perçu par l’apprenti ne pourra être inférieur à 50 % du SMIC.

Il s’agit de permettre l’acquisition de droits dès l’apprentissage, de façon à améliorer les conditions des apprentis, tout en augmentant les recettes provenant des cotisations.

M. le rapporteur. La question du statut des apprentis est capitale, mais elle doit être envisagée de façon globale. Or, un plan de relance de l’apprentissage a justement été annoncé par le secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 171.

Puis elle examine l’amendement AS 170 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Suite, notamment, à la mobilisation de l’association « Génération précaire », une petite indemnisation est désormais prévue pour les stages de plus de deux mois. Mais ces stages, qui peuvent parfois être d’une durée assez longue, n’ouvrent pas de droits à la retraite. À partir du moment où l’on repousse l’âge de départ en retraite, il convient de permettre aux stagiaires de percevoir une rémunération ouvrant droit à cotisation, sur la base de 50 % du SMIC.

M. le rapporteur. Une évaluation de la loi est prévue à l’automne. Attendons d’en avoir les résultats avant de procéder à une nouvelle modification.

M. le président Pierre Méhaignerie. N’oublions pas que les collectivités, quelle que soit la couleur politique de leurs responsables, sont les premières à renoncer à l’emploi de stagiaires, lorsqu’on leur demande une participation importante.

M. le ministre. La règle d’enregistrement des trimestres sur la base de 200 heures de SMIC, hors gratification, vaut également pour les stagiaires.

M. Pascal Terrasse. Selon la présidente de la CNAV, des validations pour les stagiaires ou les étudiants devraient être décidées en contrepartie de l’allongement de la durée de cotisation ou du report de l’âge légal. Je ne vois rien de tel dans le projet de loi. Au contraire, le projet alternatif présenté par les socialistes prévoit la prise en compte des années d’études et de stages de façon à ne pas pénaliser les personnes qui suivent des études longues.

La Commission rejette l’amendement AS 170.

Article additionnel après l’article 29

Rapport du Gouvernement relatif au bénéfice des bonifications de pension pour les fonctionnaires

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 156 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Depuis mardi, on entend beaucoup parler de convergence et d’équité, mais c’est toujours pour justifier une réduction des droits. Or, les modalités de la bonification pour enfant sont différentes dans le secteur privé et dans la fonction publique. Dans le privé, la mobilisation des associations a permis de la maintenir à deux ans, mais elle est d’un an seulement dans le public. En outre, pour en bénéficier, les fonctionnaires doivent avoir interrompu leur activité pendant au moins deux mois consécutifs. Cette condition n’est presque jamais remplie par les hommes, et elle ne l’est pas non plus par les enseignantes qui ont accouché au début des vacances scolaires d’été. Elles perdent donc le bénéfice de la bonification.

Nous demandons donc au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur cette question. Ainsi, pour une fois, la convergence se ferait au bénéfice des fonctionnaires.

M. le rapporteur. Je suis d’accord avec le raisonnement de Martine Billard : cette question doit être étudiée. Avis favorable.

M. le secrétaire d’État. On peut être d’accord avec ce raisonnement tout en mesurant à quel point les distinctions entre régimes public et privé sont complexes. Ainsi, dans le public, la validation peut aller jusqu’à trois ans.

En ce qui concerne les enseignantes, la durée minimale du congé de maternité correspond à celle des congés scolaires d’été, soit environ deux mois. Sans cette possibilité de s’arrêter deux mois, la mère enseignante qui n’aurait pas pris ses congés de maternité, ou en aurait pris seulement une partie, tomberait dans l’illégalité. Sur ce problème mis en avant par le Médiateur de la République, on peut donc trouver des réponses.

En revanche, pour les adoptantes, le problème est réel. Nous avons demandé à nos services d’évaluer le nombre de personnes concernées, mais elles devraient être très peu nombreuses, car la durée du congé d’adoption, dix semaines, correspond à peu près aux vacances d’été.

En ce qui me concerne, je suis plutôt défavorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement AS 156.

Après l’article 29

Puis, elle examine l’amendement AS 407 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. La prise en charge d’un enfant handicapé peut avoir pour conséquence de perturber, voire d’empêcher une carrière. C’est pourquoi la majoration de pension accordée aux assurés ayant élevé au moins trois enfants devrait être accordée avec la même générosité aux parents ayant eu un enfant handicapé. L’amendement vise à réclamer un rapport sur ce sujet.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis. Les avantages consentis aux personnes se trouvant dans cette situation ne sont pas remis en cause.

La Commission rejette l’amendement AS 407.

Elle examine ensuite l’amendement AS 311 de Mme Marisol Touraine.

Mme Martine Pinville. L’amendement prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les conditions de suppression de la condition d’âge prévue pour la majoration de la pension de réversion.

M. le rapporteur. Le système vient d’être modifié ; il fonctionne bien et il est juste. Pourquoi le modifier à nouveau ? Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Le Président de la République avait pris l’engagement de faire passer de 54 à 60 % le taux de la pension de réversion.

M. le ministre. Cela a été fait, sous conditions de ressources.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Cela ne concerne qu’un petit nombre de veuves.

M. le ministre. 600 000 personnes !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il y a environ quatre millions de veuves en France. Cet amendement se justifie donc par les engagements non tenus du Président de la République et du Gouvernement.

M. le président Pierre Méhaignerie. C’est tellement facile ! Demander toujours plus !

M. le ministre. Je m’étonne que vous vous fassiez les défenseurs d’engagements avec lesquels vous étiez en désaccord.

Mme Martine Billard. Les engagements du Président de la République concernent tous les Français !

La Commission rejette l’amendement AS 311.

Article additionnel après l’article 29

Rapport du Gouvernement sur la réforme de l’allocation de veuvage

Puis, elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS 413 du rapporteur et AS 312 de Mme Marisol Touraine.

M. le rapporteur. La loi de 2003 prévoit une suppression de l’allocation veuvage au 1er janvier 2011.

Dans l’urgence, il a été proposé dans un autre amendement de proroger le dispositif, afin de ne pas mettre en difficulté financière les veuves de moins de 55 ans qui ne bénéficient pas de la pension de réversion.

Cependant, les critiques adressées à l’allocation veuvage montrent que la prise en compte du veuvage précoce peut être améliorée, dans ses conditions d’attribution – notamment par la prise en compte des enfants à charge et par la revalorisation du montant de la prestation – et de financement – le cas échéant, un financement par la branche famille mériterait d’être étudié. La prorogation du dispositif actuel ne clôt pas le débat.

C’est pourquoi cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la prise en charge du veuvage précoce.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il importe, en effet, d’observer la situation des jeunes veuves et d’évaluer leurs moyens de subsistance.

M. le ministre. Avis favorable à l’amendement AS 413.

La Commission adopte l’amendement AS 413.

Après l’article 29

En conséquence, l’amendement AS 312 devient sans objet.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 501 de la Commission des finances, AS 313 de Mme Marisol Touraine et AS 142 de Mme Martine Billard.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. L’éventualité d’étendre le bénéfice de la pension de réversion aux couples liés par un pacte civil de solidarité a été évoquée par le COR et par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Même si le PACS n’est pas assorti des mêmes obligations alimentaires que le mariage, la question se pose de l’équité de traitement au regard de la réversion. Pour étudier cette question complexe, la Commission des finances a jugé utile de réclamer un rapport.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. La question de l’égalité des droits en matière de réversion entre personnes pacsées et mariées se pose depuis plusieurs années. Marisol Touraine l’évoquait d’ailleurs à l’occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. En 2001, un arrêt du Conseil d’État reconnaissait que la question de la pension était soumise aux critères européens de non-discrimination. De même, le 1er avril 2009, la Cour de justice des communautés européennes a donné raison au compagnon d’un homme qui souhaitait toucher l’allocation veuvage. De leur côté, un certain nombre de députés UMP ont interpellé, il y a quelques mois, la secrétaire d’État chargée de la famille sur cette question. On leur a répondu que le Gouvernement était « disposé à approfondir la réforme de la réversion engagée en 2003 sur la base des engagements présidentiels et des questions qui lui auront été soumises dans le cadre des questions et des rapports parlementaires ». Enfin, le Médiateur de la République a évoqué la question dans le cadre de ses recommandations.

Notre amendement prévoit qu’un rapport soit présenté avant mars 2011 sur ce sujet dont on se préoccupe sur tous les bancs.

Mme Martine Billard. Cette question a fait l’objet de nombreux avis – de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale en 2007, du COR et de la Cour de justice des communautés européennes en 2008, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE)… Or, toutes ces institutions disent la même chose : il faut aligner les droits des couples pacsés – sous condition de durée – avec ceux des couples mariés. À entendre les propos de Laurent Hénart, je crois comprendre que la différence de traitement se justifierait par le fait que les personnes pacsées n’ont pas d’obligation en matière de pension alimentaire. Mais, la réversion concerne la retraite, donc un moment de la vie complètement différent. Sur la question de la pension de retraite, tous les avis convergent pour estimer qu’il y a discrimination. En matière d’égalité des droits entre couples mariés et couples pacsés, nous avons connu plusieurs avancées – sur l’imposition, par exemple. La réversion est le seul domaine dans lequel une différence subsiste, et il est donc temps d’avancer sur cette question. L’article 40 ne nous permettant pas de proposer directement cette mesure d’égalité, nous ne pouvons que réclamer un rapport sur le sujet.

Je sais que cette disposition a un coût, mais cela ne peut justifier qu’on laisse une discrimination perdurer. D’ailleurs, la France finira par être condamnée pour ce motif.

M. Hervé Mariton. C’est justement parce que la véritable intention de l’amendement est l’extension des droits à pension de réversion, et non la présentation d’un rapport, qu’il convient de le rejeter.

Le législateur ne pourrait qu’être hostile à une discrimination fondée, par exemple, sur l’orientation sexuelle. Par contre, il me paraît légitime d’établir une différence entre la situation d’un couple pacsé et d’un couple marié, car l’engagement n’est pas le même et la logique de la réversion non plus. La réversion n’a de sens que dans le cas d’un lien inscrit dans la durée et dont on peut supposer la stabilité. C’est toute la différence entre le mariage et le PACS : le premier est un engagement public, le second un contrat privé.

En réalité, je crains que l’extension du bénéfice de la réversion aboutirait, à terme, à la disparition de celle-ci, et à une approche purement individuelle des droits de retraite. Si une telle vision est souvent défendue par la présidente de la CNAV, ce n’est en tout cas pas la mienne.

M. Dominique Tian. Je n’ai rien à ajouter aux propos d’Hervé Mariton, si ce n’est que je suis violemment opposé à cet amendement.

M. le rapporteur. Si l’on reconnaît aux pacsés le droit à la pension de réversion, pourquoi ne pas le faire aussi pour les personnes vivant en concubinage ?

Cela a été dit, la question a déjà fait l’objet de nombreux avis. Nous n’avons pas besoin d’un nouveau rapport.

M. le ministre. Il existe bien un lien entre la pension alimentaire et la retraite, même si cela concerne des temps différents de la vie. En l’absence d’une solidarité individuelle, la solidarité publique ne se justifie pas.

Le débat est important, mais il va au-delà de la question des retraites. En tout état de cause, nous n’avons pas besoin d’un rapport supplémentaire. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements AS 501, AS 313 et AS 142.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Vous le savez bien, à cause de l’article 40, il est parfois plus facile de demander un rapport que d’obtenir l’application immédiate d’une disposition.

Je rappelle que M. Nicolas Sarkozy, en 2007, avait promis une égalité des droits allant « jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ». Si un candidat à l’élection présidentielle fait une telle promesse, c’est que le débat mérite d’être posé.

La Commission en vient ensuite à l’amendement AS 315 de Mme Marisol Touraine.

M. Jean-Patrick Gille. La revalorisation du minimum vieillesse, opérée en 2008, ne concerne que les personnes seules, allocataires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Cet amendement propose que le Gouvernement évalue les conditions d’une extension de cette revalorisation à tous les couples, qu’ils soient mariés, pacsés ou concubins.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 315.

Puis, elle examine l’amendement AS 317 de Mme Marisol Touraine.

Mme Gisèle Biemouret. Il s’agit de demander au Gouvernement d’évaluer la modification des conditions d’attribution de la majoration du minimum contributif au titre des périodes effectivement cotisées. En effet, les conditions actuelles pénalisent fortement les femmes qui ne bénéficient, encore aujourd’hui, que de durées cotisées plus brèves.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Mme Marisol Touraine. J’entends certains collègues dire « Halte aux rapports ! ». Mais, dès lors que l’on fait une application stricte de l’article 40, on ne peut pas nous reprocher de déposer des amendements de ce type. C’est pour nous le seul moyen de proposer des options différentes de celles du Gouvernement. D’ailleurs, combien de rapports demandés dans ces conditions ont-ils été effectivement rédigés ? Je pense que ce chiffre tend vers zéro, et que de tels amendements n’ont pas pour conséquence une surcharge de travail pour l’administration.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 317.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 319 de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement prévoit également la remise d’un rapport par le Gouvernement. Mais, nous n’aurions pas été amenés à le déposer si l’étude d’impact avait analysé l’incidence du texte proposé sur les personnes en situation de précarité, et notamment sur les titulaires du revenu de solidarité active et sur les chômeurs en fin de droits, qui n’acquièrent pas de trimestres validés d’assurance vieillesse pour la retraite de base. De nombreuses personnes sont dans cette situation, et le rapport demandé est donc essentiel.

En particulier, il est important de savoir quel sera le sort des personnes durablement concernées par le revenu de solidarité active, dans la mesure où personne n’a jamais été capable de nous dire comment on pouvait sortir d’un tel dispositif.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes tous sensibles à la situation des personnes en fin de droits, mais le Gouvernement a prévu d’ouvrir par voie réglementaire la possibilité de valider six trimestres au lieu de quatre, au titre de la première période de chômage non indemnisée. La mesure devrait profiter à 6 000 personnes.

M. le ministre. Avis défavorable. La mesure prévue par la loi est une grande avancée.

M. Christophe Sirugue. Une grande avancée ?

M. le ministre. Bien entendu : dans bien des pays, elle n’existe pas.

M. Christophe Sirugue. On ne peut tout de même pas s’aligner sur la Chine !

M. le ministre. On ne peut pas non plus dénigrer systématiquement notre modèle social.

La Commission rejette l’amendement AS 319.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur Sirugue, vous étiez présent lorsque le président des Semaines sociales de France, M. Jérôme Vignon, a indiqué que le volume des prestations sociales versées par la France dépassait celui de la Suède. C’est sur l’efficience des dépenses qu’il faut travailler. Regardez ce que font nos voisins. Nous ne vivons pas à l’écart du reste du monde !

M. Christophe Sirugue. Nous connaissons l’argument. Il revient souvent dans votre bouche. Quant au ministre, sa seule réponse consiste à répéter que certaines mesures, qui s’appliquent en France, n’existent pas à l’étranger. Voilà qui ouvre la voie à bien des remises en cause !

Mme Marisol Touraine. N’oublions pas que, grâce à son modèle social, la France a mieux traversé la crise que d’autre pays.

La Commission examine l’amendement AS 320 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. L’amendement propose une solution pour atténuer l’impact sur les retraites des carrières hachées, des emplois précaires ou du temps partiel subi. Quand une personne a connu de telles conditions de travail pendant au moins quinze ans, ne pourrait-on pas calculer le montant de sa pension, non sur ses vingt-cinq, mais sur ses vingt meilleures années ?

M. le rapporteur. Le texte contient plusieurs mesures destinées à améliorer la prise en compte des périodes de chômage non indemnisées. Attendons qu’elles soient appliquées avant de demander un rapport ou de formuler de nouvelles propositions.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 320.

M. Alain Vidalies. Si les mécanismes de rattrapage a posteriori ne permettent pas de corriger les carrières incomplètes, la proratisation sur les vingt-cinq meilleures années me semble intéressante. Est-ce une piste que le Gouvernement envisage d’explorer ?

M. le ministre. Dès lors qu’on se fonde sur les vingt-cinq meilleures années, on procède déjà à une proratisation de la vie professionnelle, ce qui peut permettre de ne pas prendre en compte les années de chômage ou de précarité.

La Commission étudie l’amendement AS 183 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Dans son rapport, la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale a soulevé le problème des femmes travaillant à temps partiel, qui ne peuvent valider quatre trimestres par an. C’est le cas de beaucoup de celles qui travaillent dans le secteur des services à la personne, qui exige un dévouement important.

On peut envisager deux solutions. La première consisterait à abaisser le seuil de 200 heures, ou de 800 heures par an ; la seconde, à mettre en place un cumul glissant sur plusieurs années, afin que ces femmes ne subissent pas, en fin de carrière, un déficit important de trimestres. Le Gouvernement est-il prêt à faire un geste envers cette catégorie très particulière de salariées ?

M. le rapporteur. Face à ce problème réel, le cumul glissant me semble une bonne idée. Je m’en remets à la sagesse du Gouvernement.

M. le ministre. Le Gouvernement n’entend pas travailler sur cette piste. Les 200 heures de SMIC sont elles-mêmes glissantes sur l’année.

Mme Martine Billard. Mais pas les 800 heures !

M. le ministre. Aujourd’hui, le système de solidarité en place est déjà important, puisqu’il suffit d’effectuer un mi-temps au SMIC pour valider une année complète. Au reste, je ne suis pas certain que le problème concerne beaucoup les salariés. Il se pose plutôt dans le cadre du Régime social des indépendants. Aujourd’hui, pour les femmes, le nombre de trimestres pris en compte a considérablement augmenté, ce dont je me réjouis.

La Commission rejette l’amendement AS 183.

La Commission est saisie des amendements identiques AS 174 de Mme Martine Billard et AS 502 de la Commission des finances.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. L’amendement est défendu.

M. Roland Muzeau. L’amendement aborde la question de la prise en compte de la période d’apprentissage.

Le Gouvernement affirme, depuis des années, son ambition en matière d’apprentissage. Le plan Borloo avait fixé pour objectif la signature de 500 000 contrats. Or, le bilan n’est pas glorieux, tant il est difficile de trouver des entreprises demandeuses, surtout quand on vient des banlieues. Je regrette que l’État ne cherche pas à fortifier ce dispositif, notamment en le prenant en compte dans le calcul des retraites.

Pour éviter que notre amendement ne tombe sous le coup de l’article 40, nous demandons la rédaction d’un rapport – c’est le jeu parlementaire –, mais nous espérons que des mesures concrètes permettront bientôt de revaloriser la retraite des apprentis.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable. L’État paie déjà les cotisations salariales et patronales des apprentis, sur une base forfaitaire, compte tenu de certaines normes.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur Muzeau, en partie grâce à Laurent Hénart, qui a fait un travail exceptionnel, des efforts considérables ont été consentis pour développer l’apprentissage, parfois malgré l’Éducation nationale.

Cela dit, vous avez raison sur un point : les jeunes qui ne trouvent pas de contrat d’apprentissage dans les banlieues sont sans avenir. Certaines entreprises se sont liguées pour les aider. C’est une pièce essentielle du plan de paix et de cohésion sociale, sans doute bien plus importante que certains travaux d’urbanisme très lourds.

M. Jean-Patrick Gille. Je voterai ces amendements. Le ministre oppose que l’État paie déjà les cotisations salariales et patronales pendant les années d’apprentissage, mais le problème n’est pas là. Il est anormal qu’à cause de la faiblesse de leur rémunération et de leurs cotisations, les apprentis ne puissent pas valider leurs trimestres, alors même qu’ils ont signé un contrat de travail à temps plein.

Compte tenu de son importance, il faut travailler sur le sujet, qui n’est pas uniquement technique. Peut-être faut-il mettre au point un système de périodes assimilées. Quoi qu’il en soit, il est anormal qu’un apprenti travaille pendant un an sans pouvoir faire valider ses trimestres.

La Commission rejette les amendements AS 174 et AS 502.

La Commission examine l’amendement AS 169 de M. Roland Muzeau.

Mme Martine Billard. L’amendement propose la rédaction d’un rapport sur les modalités d’affiliation des étudiants à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale.

Parmi les cadres qui partent en retraite aujourd’hui, bien peu ont fait de longues études, un grand nombre d’entre eux étant issu de la promotion interne. La situation sera différente dans quelques années : cette génération suivante, qui comprendra plus de cadres ayant fait de longues études, risque fort de ne pouvoir partir à la retraite avant d’avoir atteint la borne supérieure.

Dans un souci d’équité, il faut penser non seulement à ceux qui n’ont pas la chance de faire des études, et commencent à travailler jeunes, mais aussi à ceux dont les études apportent quelque chose au pays, et qui ne parviendront pas à cotiser suffisamment longtemps. Veillons à ne pas pénaliser ces derniers.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. Jean Bardet. Je voterai l’amendement, qui rejoint la proposition que j’ai faite tout à l’heure pour les étudiants et les carrières longues.

La Commission rejette l’amendement AS 169.

La Commission examine l’amendement AS 336 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Lorsqu’ils prennent leur premier emploi, les étudiants devraient pouvoir opter pour une sur-cotisation vieillesse, pouvant s’étaler sur dix ou quinze ans, afin de valider jusqu’à trois années d’étude. Je souligne qu’il ne s’agit en aucun cas de créer un droit sans cotisation.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable. Cette possibilité existe déjà.

La Commission rejette l’amendement AS 336.

Article additionnel après l’article 29

Rapport du Gouvernement relatif à la validation des périodes de stage au titre de la retraite

La Commission examine l’amendement AS 338 de Mme Marisol Touraine.

M. Jean-Patrick Gille. Il s’agit d’un amendement de repli. Si l’on ne tient pas compte des années d’études, validons du moins les périodes de stage. Le dispositif est désormais bien encadré, puisque, même si le décret n’est pas totalement satisfaisant, il ne peut plus y avoir aujourd’hui de stage hors cursus.

M. le rapporteur. Avis favorable. Le problème est réel. D’ailleurs, au hit parade des demandes de rapport, ce sont les stages qui arrivent pour moi en tête.

M. le ministre. Pourquoi pas ?

La Commission adopte l’amendement AS 338.

Après l’article 29

La Commission en vient à l’amendement AS 340 de Mme Marisol Touraine.

M. Christian Hutin. L’amendement propose à nouveau la création d’un rapport, afin d’appeler l’attention du Gouvernement sur la situation très difficile des jeunes qui bénéficient du RSA. Puisqu’il s’agit d’un revenu de solidarité active, il y a bien activité : les intéressés travaillent, certes à temps réduit, pendant deux des trois ans durant lesquels ils se trouvent dans ce dispositif. Cette période devrait être prise en compte pour la retraite qu’ils percevront en 2062.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 340.

La Commission est saisie de l’amendement AS 344 de Mme Marisol Touraine.

Mme Odette Duriez. L’amendement demande le dépôt, avant le 30 juin 2011, d’un rapport du Gouvernement sur la suppression de l’actuelle clause de condition de ressources et de plafond pour l’affiliation des aidants familiaux, à titre gratuit, à l’assurance vieillesse. Leurs ressources étant faibles et leurs conditions de travail particulièrement difficiles, nous souhaitons que ce droit leur soit maintenu.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Tout dispositif d’assurance gratuite – par exemple l’assurance vieillesse des parents au foyer – est assorti de conditions de ressources.

M. le ministre. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 344.

En conséquence, les amendements AS 308, AS 334, AS 321, AS 318 et AS 341 de Mme Marisol Touraine sont devenus sans objet.

La Commission examine l’amendement AS 316 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marie-Françoise Clergeau. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a remplacé la majoration de durée d’assurance actuelle, de huit trimestres, pour toute femme qui accouche ou qui adopte un enfant, par deux majorations distinctes. L’une, de quatre trimestres, est attribuée aux femmes, au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité. L’autre, également de quatre trimestres, est instituée au bénéfice du père ou de la mère, au choix des parents. Cette seconde possibilité remet en cause l’objectif visé par la majoration de durée d’assurance, qui vise à compenser – du moins en partie – les inégalités de fait entre les hommes et les femmes en matière de retraite. Les femmes perçoivent une pension inférieure et valident, en moyenne, moins de trimestres que les hommes. Il semble donc logique d’abroger cette disposition et de revenir à la situation antérieure.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il n’y a pas lieu de revenir sur la réforme votée l’an dernier dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisqu’elle a permis de sécuriser juridiquement le dispositif, tout en préservant les droits des femmes.

M. le ministre. Avis défavorable, évidemment. La question relève du droit européen.

La Commission rejette l’amendement AS 316.

Chapitre II

Dispositions relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes
et à l’emploi des seniors

Article 30

(articles L. 135-2 et L. 351-1 du code de la sécurité sociale)


Amélioration de la compensation des interruptions
de carrière liées à la maternité

L’article 30 du projet de loi vise à mieux prendre en compte les interruptions de carrière liées à la maternité, en permettant le report au compte de l’assurée des indemnités journalières perçues durant son congé maternité.

En l’état actuel du droit, le congé maternité, conformément à l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale, est pris en considération en vue de l’ouverture du droit à pension de l’assurée. Le 2° de l’article R. 351-12 du même code prévoit ainsi que le trimestre civil au cours duquel est survenu l’accouchement est compté comme une période d’assurance.

Cette validation forfaitaire permet de neutraliser l’impact du congé maternité sur la durée d’assurance de l’assurée. Il s’ajoute à d’autres dispositifs destinés à compenser les aléas de carrière des femmes, tels que l’assurance vieillesse des parents au foyer, la majoration de durée d’assurance, ou encore la validation de trimestres au titre du chômage indemnisé ou de l’invalidité. Une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques de 2009 (63), montre que pour les générations récentes, les durées non cotisées représentent 20 % du total des trimestres validés. Ces dispositifs contribuent, avec la participation accrue des femmes au marché du travail, à la convergence des durées validées entre les hommes et les femmes.

Cependant, les sommes perçues par la salariée au titre des indemnités journalières versées pendant le congé maternité dans les conditions fixées à l’article L. 331-3 du code de la sécurité sociale, ne sont pas prises en compte dans le salaire annuel moyen qui va servir au calcul de la pension. Il n’y a pas de « report au compte » des sommes touchées pendant le congé de maternité. Le salaire annuel moyen s’en trouve donc diminué et par suite le montant de la retraite perçue par les femmes. Cette problématique a été soulevée à plusieurs reprises par la CNAV et par la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale (64).

Le projet de loi remédie à cette situation, en prévoyant la prise en compte des indemnités journalières perçues au cours du congé maternité dans le salaire de base permettant de calculer le montant de la pension versée par le régime général.

Le I de l’article complète l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale en prévoyant le financement de la mesure par le FSV, qui a vocation à financer les avantages vieillesse non contributifs relevant de la solidarité nationale servis par les régimes de retraite de base de la sécurité sociale. Cela suppose concrètement de transformer le montant des indemnités journalières perçues en trimestres fictifs pour appliquer un tarif forfaitaire, à l’instar des périodes de chômage assimilées à des trimestres cotisés aujourd’hui financées par le FSV.

D’après l’évaluation des services de la CNAV, le nombre de femmes susceptibles d’être touchées par cette mesure serait relativement important : plus de 200 000 femmes liquidant leur pensions en 2050 verraient leur pension modifiée par rapport à la situation de référence, soit près de 50 % des départs chez les femmes cette année. En moyenne, ces femmes bénéficieraient d’un gain de 1,6 % sur leur pension. Il faut noter cependant que cette évaluation est réalisée selon l’hypothèse où le montant des indemnités journalières serait égal au dernier salaire perçu, ce qui n’est pas le cas pour la majorité des femmes.

Le coût pour la branche vieillesse serait nul jusqu’en 2022, date à laquelle les premières bénéficiaires du dispositif atteindront l’âge de liquidation. L’impact financier augmenterait ensuite pour atteindre 50 millions d’euros en 2040 et 320 millions d’euros en 2050.

Le II de l’article complète le quatrième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, fixant les modalités de calcul des pensions de retraite, afin de prévoir que les indemnités journalières mentionnées au 2° de l’article L. 330-1 sont incluses dans le salaire de base.

Selon l’article 33 du projet de loi, l’entrée en vigueur de cette mesure est différée au 1er janvier 2012, pour tenir compte des délais d’adaptation des échanges informatiques entre les organismes de retraite et ceux servant les indemnités journalières de maternité, à savoir la CNAMTS.

*

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous en sommes arrivés à l’article 30.

La Commission adopte l’article 30 sans modification.

Article 31

(article L. 2323-51-1 [nouveau] du code du travail ;
article L. 135-3 du code de la sécurité sociale ;
article L. 2323-59-1 [nouveau] du code du travail)


Mesures en faveur de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes

L’article 31 du projet de loi introduit deux nouveaux articles dans le code du travail afin d’améliorer les outils existants en faveur de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Il crée ainsi :

– une pénalité financière, pour les employeurs de plus de 300 salariés, qui ne respecteraient pas l’obligation, prévue par l’article L. 2323-57 du code du travail, de transmettre annuellement au comité d’entreprise un rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des hommes et des femmes dans l’entreprise ;

– une obligation, pour les entreprises de plus de 300 salariés, de publier les indicateurs et objectifs présents dans le rapport de situation comparée avant le 31 décembre 2011, date à laquelle l’employeur sera tenu de les communiquer à toute personne qui en formulera la demande.

1. Les obligations légales des entreprises en matière d’égalité professionnelle : de nombreux outils pour un résultat mitigé

a) L’obligation d’information : des dispositifs anciens et peu utilisés

Depuis la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les entreprises disposant d’un comité d’entreprise sont tenues de lui transmettre, chaque année, des informations sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise.

Il convient de distinguer la situation des entreprises de 50 à moins de 300 salariés et celle des entreprises d’au moins 300 salariés :

– pour les entreprises de 50 à moins de 300 salariés, l’article L. 2323-47 du code du travail prévoit que l’information en matière d’égalité entre les femmes et les hommes est intégrée au rapport sur la situation économique de l’entreprise, dit « rapport unique », qui traite également de la situation financière de l’entreprise, de l’évolution de l’emploi et des qualifications ou encore de l’emploi des personnes handicapées ;

– pour les entreprises de plus de 300 salariés, l’information en matière d’égalité fait l’objet d’un rapport dédié, le rapport de situation comparée, dont le contenu est fixé par les articles L. 2323-57 et D. 233-12 du code du travail. Y figurent notamment des indicateurs relatifs aux conditions générales d’emploi, à la rémunération, à la formation, aux conditions de travail, aux congés et à l’organisation du temps de travail.

Le contrôle de l’information repose sur la vigilance des représentants du personnel élus du comité d’entreprise, des délégués syndicaux ainsi que sur celle des services de l’inspection du travail, également destinataires des informations légalement obligatoires.

En effet, le rapport de situation comparée, de même que le rapport sur la situation économique de l’entreprise, est soumis chaque année, pour avis, au comité d’entreprise, éventuellement par l’intermédiaire de la commission de l’égalité professionnelle créée au sein des comités des entreprises d’au moins 200 salariés et qui a notamment pour mission de préparer la consultation du comité sur le rapport de situation comparée. Les délégués syndicaux en sont également destinataires. Le comité d’entreprise peut demander la réalisation de certaines actions et doit être informé l’année suivante des motifs expliquant, le cas échéant, leur inexécution. L’article L. 2328-1 du code du travail dispose que le défaut de consultation ou la consultation irrégulière du comité d’entreprise est constitutif d’un délit d’entrave (un an d’emprisonnement et/ou 3 750 euros d’amende) et peut donner lieu à des dommages et intérêts en raison du préjudice subi.

Par ailleurs, l’inspecteur du travail est destinataire du rapport de situation comparée et de l’avis motivé du comité d’entreprise issu de sa consultation. Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le rapport sur la situation économique de l’entreprise, accompagné de l’avis du comité d’entreprise, est tenu à la disposition de l’inspecteur du travail.

Aujourd’hui, le rapport de situation comparée n’est établi que dans la moitié des entreprises de plus de 300 salariés (65). Quant aux entreprises de moins de 300 salariés, il est difficile de contrôler leur respect de l’obligation d’information en matière d’égalité professionnelle prévue par le code du travail.

b) L’obligation de négociation collective : outil privilégié de lutte contre les inégalités qui n’a pas rempli toutes ses promesses

La loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a créé une obligation de négociation sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes qui s’applique au niveau des branches et des entreprises.

L’article L. 2241-3 du code du travail dispose ainsi que les organisations liées par une convention de branche doivent se réunir tous les trois ans, pour négocier sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et à remédier aux inégalités en matière de conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle ainsi que de conditions de travail et d’emploi.

La même obligation pèse sur chaque entreprise, puisque l’article L. 2242-5 du code du travail prévoit que l’employeur engage chaque année une négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre, qui s’appuie sur les éléments figurant dans le rapport de situation comparée, complété éventuellement par des indicateurs tenant compte de la situation particulière de l’entreprise. Cette négociation porte sur les conditions d’accès à l’emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle, les conditions de travail et d’emploi et en particulier celles des salariés à temps partiel, et l’articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales.

La loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes a introduit une obligation de négociation portant sur les écarts salariaux. Elle impose ainsi aux partenaires sociaux de négocier chaque année, au niveau de la branche professionnelle (article L. 2241-9 du code du travail) comme de l’entreprise (article L. 2242-7 du même code), pour définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010 dans le cadre des négociations annuelles sur les salaires.

Les obligations légales de négociation de branche et d’entreprise
en matière d’égalité professionnelle

Obligation de négocier au niveau des branches

Négociation annuelle :

– Objectif d’égalité professionnelle : art. L. 2241-1

– Suppression des écarts de rémunération : art. L. 2241-9 à L. 2241-12

Négociation triennale :

– Mesures d’égalité professionnelle : art. L. 2241-3

Négociation quinquennale :

– Objectif d’égalité professionnelle : art. L. 2241-7

– Suppression des écarts de rémunération : art. L. 2241-9 à L. 2241-12

Obligation de négocier au niveau des entreprises

Négociation annuelle :

– Objectif d’égalité professionnelle : art. L.2242-5 et L. 2242-6

– Suppression des écarts de rémunération : art. L. 2242-7 et L. 2242-10

Négociation triennale :

– Objectif d’égalité professionnelle : art. L.2242-5 et L. 2242-6

Source : Rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes établi par Mme Brigitte Grésy.

Quatre ans après la promulgation de la loi, et à l’approche de l’échéance prévue par le texte, le bilan est plus que mitigé.

Tout d’abord, la thématique de l’égalité professionnelle et salariale, en dépit de l’obligation légale de négocier et d’une progression constante du nombre des accords signés, reste insuffisamment traitée au niveau des branches. Selon le ministère du travail, il s’agit du septième thème le plus souvent abordé dans les accords interprofessionnels, professionnels nationaux et infra nationaux. En moyenne depuis 2007, 6 % des accords de branche abordent le thème de l’égalité. Le rapport de Mme Brigitte Grésy précité, notait qu’en 2008, 69 branches, soit 43 % du total, n’avaient pas entamé de négociation sur ce sujet.

Accords de branches abordant
le thème de l’égalité professionnelle et salariale

Années

Nombre total d’accords

Accords de branche abordant le thème de l’égalité

2007

1 038

33 (soit 3,18 %)

2008

1 215

53 (soit 4,5 %)

2009

1 161

110 (soit 9,5 %)

Total

3 414

196 (soit 6 %)

Source : Direction générale du travail.

Répartition entre les accords portant spécifiquement sur l’égalité professionnelle et les accords abordant le thème de l’égalité professionnelle et salariale

Années

Accords spécifiques égalité professionnelle

Accords de branche abordant le thème de l’égalité

Total

2007

9

24

33

2008

19

34

53

2009

35

75

110

Total

63

133

196

Source : Direction générale du travail.

Au-delà du nombre d’accords traitant spécifiquement d’égalité, l’objectif de diffusion de la problématique de l’égalité entre hommes et femmes dans les différents champs de la négociation n’est pas satisfait. Ainsi, parmi les 500 accords salariaux signés annuellement, qui sont tenus aux termes de la loi de prendre en compte l’objectif d’égalité professionnelle, seuls un peu plus de 10 % abordent la question des écarts salariaux entre les sexes. Il convient de préciser que, parmi les 75 accords abordant le thème de l’égalité, 68 d’entre eux concernent les négociations salariales obligatoires.

Certes, le thème de l’égalité commence à émerger dans d’autres négociations. C’est le cas de la formation professionnelle pour la branche des bois et scieries, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour la branche du commerce de détail non alimentaire ou de l’emploi des seniors. Mais, les trois quarts des accords généraux ne prévoient aucune mesure concrète. Selon le rapport de Mme Brigitte Grésy, « les accords abondent en rappels de la loi et en déclarations de bonnes intentions et ne contiennent pas suffisamment de mesures concrètes, d’indicateurs et de diagnostics»

Concernant les entreprises, on enregistre un certain progrès depuis l’adoption de la loi de 2006, avec une multiplication par six du nombre d’accords évoquant le thème de l’égalité professionnelle. Ce nombre demeure cependant limité : le ministère du travail recense un peu plus de 2 000 accords abordant la question des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes en 2009, soit seulement 6,3 % de l’ensemble des textes signés par des délégués syndicaux.

De plus, si la relative progression des signatures d’accords semble refléter la volonté des entreprises de satisfaire à l’obligation légale, elle ne permet pas de juger du contenu des dispositifs mis en œuvre pour réduire les écarts salariaux entre les femmes et les hommes.

Enfin, en 2009, 40 % de ces textes concernent des entreprises ou des groupes de plus de 300 salariés. Des progrès considérables restent donc à accomplir pour les entreprises employant entre 50 et 300 salariés.

2. Face à l’ampleur du problème, le projet de loi ne va pas assez loin

L’article 31 du projet de loi vise à garantir le respect de l’obligation légale de diagnostic de situation comparée des femmes et des hommes dans les entreprises par la création d’une nouvelle pénalité financière.

Votre Rapporteur rejoint l’objectif de cette démarche, mais estime qu’au regard du faible bilan des lois relatives à l’égalité professionnelles entre hommes et femmes adoptées depuis une vingtaine d’années, il faut aller plus loin.

a) La création d’une sanction en l’absence de transmission du rapport de situation comparée au comité d’entreprise

Partant du constat que la réduction des inégalités professionnelles entre hommes et femmes doit s’effectuer sur la base d’un diagnostic objectif, rendu public par l’employeur, l’article 31 du projet de loi renforce le dispositif actuel d’information.

Pour cela, le nouvel article L. 2323-57-1 du code du travail prévoit qu’à défaut de la transmission du rapport de situation comparée au comité d’entreprise prévue à l’article L. 2323-57 du même code, une sanction financière égale à 1 % de la masse salariale brute s’appliquera à l’employeur.

L’article précise que le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect de l’obligation de transmission du rapport de situation comparée.

Cette modulation, compréhensible sur le principe, pourrait cependant poser d’importants problèmes de mise en œuvre et créer de nombreux contentieux.

En outre, il est prévu que l’employeur qui se voit infliger une pénalité financière ne peut faire l’objet d’autres sanctions ou poursuites sur les mêmes motifs, notamment au titre de l’article L. 2328-1 du code du travail, désignant le délit d’entrave. Il s’agit ainsi d’éviter un cumul de sanction pour un même manquement et de choisir la plus opérationnelle. À ce titre, le différentiel entre le coût de l’amende en matière de délit d’entrave (3 750 euros, 7 500 euros en cas de récidive) et le coût potentiel de la contribution touchant 1 % de la masse salariale annuelle (72 000 euros pour une entreprise de 300 salariés avec salaire moyen de 2 000 euros) rend la deuxième plus dissuasive. De plus, la dimension pénale du délit d’entrave implique des exigences procédurales substantielles qui limitent de fait la mobilisation de cette procédure à des cas particulièrement lourds d’atteinte au fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel.

Concernant le champ d’application de la mesure, il faut noter que la contribution financière créée par l’article 31 ne concerne que les entreprises de plus de 300 salariés, au motif que ces dernières disposent en interne des informations et des ressources pour établir de manière complète un rapport de situation comparée et peuvent être sensibles à la pression sur leur image.

Enfin, l’article prévoit d’affecter le produit de la pénalité appliquée aux entreprises au FSV qui a, comme on sait, pour mission de prendre en charge financièrement les avantages de retraite relevant de la solidarité nationale servis par les régimes de base de sécurité sociale. De nombreuses mesures bénéficiant aux femmes, telles que les droits familiaux de retraite ou encore le minimum vieillesse, sont financées par le Fonds de solidarité vieillesse. Il n’est donc pas illogique de lui affecter le produit de cette pénalité. Il aurait été possible cependant d’imaginer la création d’un fonds spécifique dédié au financement de mesures en faveur de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes.

Selon les informations communiquées à votre Rapporteur par le ministère du travail, sont potentiellement concernées les 5 870 entreprises d’au moins 300 salariés. Ces entreprises représentent 6,7 millions de salariés d’après la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques. À titre indicatif, en considérant que toutes les entreprises d’au moins 500 salariés réaliseront le rapport de situation comparée et que seule une fraction de celles de 300 à 500 salariés seraient passibles de la contribution, le produit de la sanction créée par l’article 31 serait de 3 millions d’euros par an.

Votre Rapporteur considère, comme le Gouvernement, que le principal remède aux inégalités entre hommes et femmes en matière de retraite est la lutte contre les inégalités professionnelles.

À ce titre, il estime que le dispositif proposé souffre de certaines insuffisances.

Tout d’abord, il exclut de fait la majorité des salariées, puisque les entreprises de plus de 300 salariés sont au nombre de 6 000 en France, sur un total de 1, 456 million. À titre de comparaison, selon les informations communiquées par le ministère du travail, les entreprises employant entre 50 et 300 salariés sont 33 200 en France. Cet article répond donc insuffisamment au retard pris par les entreprises moyennes en matière de connaissance de la réalité des écarts de situation professionnelle entre les femmes et les hommes, susceptible pourtant d’avoir un effet réel d’entraînement et d’aboutir à un accord au sein de l’entreprise.

Par ailleurs, votre Rapporteur rappelle que l’obligation de fournir annuellement des informations relatives à l’égalité professionnelle au comité d’entreprise existe depuis 1983 pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Le bilan des négociations, dressé par le rapport de Mme Brigitte Grésy, montre que de toute évidence, l’information ne permet pas à elle seule de déboucher sur des mesures concrètes en faveur de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes au sein de l’entreprise. Il faut donc aller plus loin.

C’est pourquoi votre Rapporteur propose de mettre en place non pas une simple obligation d’information mais une véritable obligation de résultat pour les entreprises, en prévoyant, sur le modèle des dispositifs relatifs à l’emploi des « seniors », une contribution égale à 1 % de la masse salariale brute en cas d’absence d’accord d’entreprise ou de plan d’action relatif à l’égalité professionnelle.

Pour mémoire, l’article 5 de la loi du 23 mars 2006 prévoyait, si nécessaire, le dépôt d’un projet de loi « instituant une contribution assise sur les salaires, et applicable aux entreprises ne satisfaisant pas à l’obligation d’engagement des négociations » sur la réduction des écarts salariaux entre hommes et femmes avant le 31 décembre 2010.

Il s’agit donc de s’appuyer sur ce dispositif en l’élargissant à l’égalité professionnelle. En effet d’une part, la réduction des écarts salariaux n’opère qu’un rattrapage à l’instant « t » sans que les véritables facteurs des inégalités dans les carrières ne soient abordés et donc résolus. D’autre part, le contrôle de l’obligation sera plus effectif, car cette négociation n’est plus annuelle mais doit avoir lieu tous les trois ans dès lors qu’un accord a été conclu.

b) La publication obligatoire d’informations relatives à l’égalité entre hommes et femmes

Le rapport de situation comparée a été adapté et simplifié en 2008, pour répondre aux besoins de simplification et de meilleur ciblage des informations.

Cependant, les indicateurs y figurant ne sont pas toujours lisibles et mériteraient d’être simplifiés pour faire l’objet d’une publication appropriée par l’entreprise. De plus, si l’article L. 2323-59 du code du travail dispose que ces indicateurs sont portés à la connaissance des salariés par l’employeur par voie d’affichage sur les lieux de travail et éventuellement par tout autre moyen, il n’y a pas de communication obligatoire à l’égard de tiers à l’entreprise, à l’exception de l’inspection du travail.

L’article 31 du projet de loi ajoute donc un nouvel article L. 2323-59-1 au code du travail, prévoyant que dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’employeur organise, après consultation du comité d’entreprise, la publicité d’indicateurs et d’objectifs de progression permettant d’analyser la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise et son évolution.

Le texte prévoit que ces indicateurs seront fixés par décret. Selon le ministère du travail, les indicateurs communicables pourront être les suivants :

– la répartition des effectifs selon la durée du travail (temps complet, temps partiel) et par catégorie professionnelle ;

– la répartition des embauches par catégorie professionnelle et type de contrat de travail ;

– la rémunération moyenne ou médiane mensuelle par sexe et par catégorie professionnelle.

L’article précise, enfin, que l’employeur qui, au plus tard le 31 décembre 2011, n’a pas respecté cette obligation, communique à toute personne qui en fait la demande les indicateurs et objectifs mentionnés à l’alinéa précédent.

L’objectif de cette disposition est d’organiser la diffusion au-delà des acteurs internes de l’entreprise des éléments clefs du rapport de situation comparée. Le dispositif de publicité de certains indicateurs du rapport et de leur évolution vise à aller au-delà de l’obligation de moyen de réaliser le rapport de situation comparée, en instaurant une forme de pression par l’image pour les entreprises.

Selon le ministère du travail, l’expérience d’entreprises s’étant engagées dans ce type de démarche montre qu’il est possible de faire de l’égalité un levier de compétitivité, d’attractivité et de communication de l’entreprise vis-à-vis de l’extérieur. La réalisation du rapport de situation comparée et la publicité de certains de ses éléments doivent ainsi permettre à l’entreprise de s’approprier la thématique et de l’assumer vis-à-vis de l’extérieur.

Votre Rapporteur soutient cette démarche et estime que cette logique de « baromètre » de l’égalité peut être un levier puissant en ce qu’elle engage l’entreprise dans une logique de résultat.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 426 rectifié du rapporteur.

M. le rapporteur. Depuis 1983, les entreprises de plus de cinquante salariés doivent produire un rapport sur la situation comparée de leurs employés hommes et femmes en matière de rémunération, conditions de travail, avancement et formation. S’y sont ajoutées, en 2001, une obligation de négociation sur l’égalité professionnelle et, en 2006, une obligation de négocier avant le 31 décembre 2010 pour réduire les écarts salariaux, qui s’appliquent aux branches et aux entreprises. Une pénalité était prévue pour le cas où les résultats à mi-parcours ne seraient pas concluants. Or, à quelques mois de l’échéance, le bilan est plus que décevant : 35 accords sur l’égalité salariale ont été signés en 2009, 6 % des accords de branche abordent le thème de l’égalité en moyenne depuis 2007, et 69 branches, soit 43 % du total, n’avaient pas entamé de négociations sur ce sujet en 2008.

Pour essayer de remédier à cela, le projet institue une sanction pour les entreprises qui manqueraient à leur obligation d’information, et oblige celles de plus de trois cents salariés à publier leurs données sur l’égalité professionnelle. J’estime qu’il faut aller plus loin, et soumettre les entreprises à une obligation de résultat. Cet amendement propose, dans la lignée de la loi de 2006, la création d’une pénalité en cas d’absence d’accord professionnel ou de plan d’action relatif à l’égalité professionnelle, pénalité qui pourrait servir à financer des actions en faveur de l’égalité. Par ailleurs, il lève la date butoir de la négociation relative aux écarts salariaux, qui était fixée au 31 décembre de cette année. Enfin, il maintient l’obligation de publier des indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle pour les entreprises de plus de trois cents salariés, qui sont sensibles à leur image extérieure.

Cet amendement réécrit entièrement l’article 31. S’il était adopté, il ferait donc tomber les autres amendements déposés sur l’article, mais il en reprend largement l’esprit et surtout bénéficie de l’accord unanime de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée.

M. le ministre. Avis favorable. Nous avons toujours voulu favoriser l’élaboration de rapports de situation comparée et la négociation sur les écarts salariaux. Cet amendement va plus loin en créant une sanction financière forte – 1 % de la masse salariale – qui met la pression sur les entreprises. Il les soumet, en outre, à l’obligation de publier des informations relatives à l’égalité professionnelle dès cinquante salariés, au lieu de trois cents auparavant. Le but n’est certes pas de compliquer la tâche des entreprises : l’idée est qu’aucune ne paye, mais que toutes signent des accords sur l’égalité professionnelle. Sans sanction, l’obligation perd de sa force.

Mme Martine Billard. Cet amendement converge pour partie avec ceux que nous avions déposés. Lors du débat de 2006, nous vous avions prévenus de l’issue que pouvait connaître une loi sans sanction, surtout en matière de relations du travail. Vous ne nous aviez pas crus, mais les résultats ont été encore plus décevants que prévu. On aurait pu espérer un tout petit peu plus de volontarisme de la part des entreprises… Je me félicite donc de l’introduction de sanctions financières, surtout à partir du seuil de cinquante salariés. Puisque vous dites que vous ne pouvez rien faire pour les femmes qui partent en retraite avec une toute petite pension, il faut bien prendre des dispositions pour éviter que cette situation ne perdure ! Nous aurions préféré une sanction plus forte – 3 % de la masse salariale – mais nous voterons tout de même cet amendement, à défaut de mieux.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Je salue le travail qu’a mené Denis Jacquat, en lien avec Marie-Jo Zimmermann. La Commission des finances avait déposé un amendement allant dans le même sens. Mais, je continue à trouver plus sain un processus qui commence par identifier le problème et laisse le temps du dialogue social et de la responsabilité, avant d’engager une démarche de sanction et de coercition. Si le taux de 1 % n’est pas suffisant, peut-être irons-nous plus loin mais en matière de droit du travail, il faut être capable de constance.

M. Alain Vidalies. Nos amendements allaient dans le même sens, avec parfois des sanctions plus fortes ou un champ d’application plus large. Quoi qu’il en soit, votre proposition constitue une étape intéressante. Je ne sais pas si les auteurs de la loi de 2006 avaient suivi le raisonnement de Laurent Hénart ou considéraient simplement que l’encouragement est toujours plus efficace que les sanctions mais peu importe, maintenant que vous nous rejoignez et que nous pouvons avancer dans la bonne direction.

M. Roland Muzeau. L’ambition de nos amendements était d’en finir avec les déclarations d’intention. L’égalité professionnelle et salariale entre hommes et femmes a fait l’objet de cinq lois, dont aucune, malgré l’expérience qui s’accumulait, n’a jamais posé d’obligation de résultats. Du coup, seules quelques entreprises ont mené des négociations, dans très peu de secteurs… L’enseignement à tirer est que l’obligation de résultat fait partie de l’efficacité législative. Même si elle est repoussée à une certaine échéance en attendant que les partenaires sociaux se mettent d’accord, c’est dans cet ordre-là qu’il faut légiférer.

Mme Martine Billard. L’amendement fixe une échéance au 31 décembre 2011 pour appliquer une loi qui date de 2006. Ne pourrions-nous l’avancer à la fin de cette année ?

M. le rapporteur. Il faut laisser aux entreprises le temps de s’organiser. Le point de départ, c’est le texte d’aujourd’hui.

La Commission adopte l’amendement AS 426 rectifié.

En conséquence, les amendements AS 503 de la commission des finances, AS 323, AS 324, AS 325 et AS 327 de Mme Marisol Touraine, AS 178 de Mme Martine Billard, AS 326 de Mme Marisol Touraine, AS 179 et AS 177 de M. Roland Muzeau, AS 180 de Mme Martine Billard, AS 181 de M. Roland Muzeau, AS 328 de Mme Marisol Touraine et AS 182 de Mme Martine Billard sont devenus sans objet.

M. le rapporteur. Merci d’avoir adopté cet amendement à l’unanimité.

L’article 31 est ainsi rédigé.

Après l’article 31

La Commission est saisie de cinq amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 31.

Elle examine d’abord l’amendement AS 414 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le code du travail prévoit une négociation annuelle sur l’égalité professionnelle, portant notamment sur les conditions d’accès à l’emploi, la formation, la promotion, les conditions de travail, en particulier en cas de temps partiel, ou l’articulation entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales. L’amendement y ajoute un sujet : la possibilité de surcotiser à l’assurance vieillesse en cas de temps partiel, une disposition qui existe, mais est restée lettre morte.

M. le ministre. Avis défavorable.

L’amendement AS 414 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS 186 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Il s’agit d’imposer aux entreprises, qui ne respectent pas les obligations concernant le rapport sur la situation comparée des hommes et des femmes, une majoration de 10 % de leurs cotisations au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales.

M. le rapporteur. Cet amendement a été satisfait par celui que nous avons adopté à l’article 31.

M. le ministre. Même avis. C’est redondant.

La Commission rejette l’amendement AS 186.

Elle est saisie de l’amendement AS 206 de Mme Cécile Dumoulin.

M. Arnaud Robinet. Il est défendu.

M. le rapporteur. L’idée est intéressante, mais il pose un problème de rédaction. Je vous invite à le redéposer au titre de l’article 88.

L’amendement AS 206 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS 322 de Mme Marisol Touraine.

M. Pascal Terrasse. Les entreprises d’au moins vingt salariés, dont au moins un quart sont à temps partiel, doivent être soumises à une majoration de 10 % pour l’ensemble de leurs cotisations sociales. Un certain nombre privilégient, en effet, le temps partiel subi et profitent de ce dispositif pour bénéficier d’exonérations. Cet amendement est un moyen d’améliorer les conditions de travail dans ces entreprises tout en dégageant des ressources pour le financement de la protection sociale.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le système de retraite prend déjà en compte le temps partiel. La sanction que vous proposez est vraiment excessive.

M. le ministre. Une bonne partie – environ 70 % – du temps partiel reste choisi, quoi que vous en disiez. Cet amendement n’est pas opportun.

La Commission rejette l’amendement AS 322.

Elle examine l’amendement AS 176 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Cet amendement sur l’accueil de la petite enfance peut sembler hors débat, mais pas du tout. Pour que la présence des enfants dans les familles soit une joie, les parents – les deux – doivent avoir la possibilité de travailler sans être obligés d’arbitrer constamment, de manière douloureuse, avec leur vie familiale. Il faut donc un système qui leur permette de faire garder leurs enfants avant l’entrée à l’école. Tous les élus connaissent le problème, pas seulement à Paris ou dans les grandes agglomérations. Or, le Gouvernement ne finance plus de nouvelle place en crèche. Il faut mettre en place un grand service public de la petite enfance.

M. le rapporteur. Je suis totalement d’accord. L’égalité professionnelle passe avant tout par une meilleure conciliation de la vie familiale et professionnelle.

Quoi qu’il en soit, il faut augmenter le nombre des places de garde. Mais, de nombreuses mesures ont déjà été prises : assouplissement des conditions d’exercice des assistants maternels, création des jardins d’éveil et des maisons d’assistants maternels, convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales. L’effort est déjà considérable. Par ailleurs, c’est dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont on se plaint toujours que le volet sur les familles ne soit pas assez dense, qu’une telle proposition a sa place. Nous nous retrouverons donc pour en discuter en octobre.

M. le ministre. Avis défavorable.

M. le président Pierre Méhaignerie. Des efforts financiers non négligeables ont été fournis au cours de ces dernières années, qu’il s’agisse du statut des assistants maternels ou des crèches interentreprises par exemple.

La Commission rejette l’amendement AS 176.

Article 32

(article L. 5133-11 [nouveau] du code du travail)


Aide à l’embauche des seniors

Cet article institue une aide versée aux employeurs qui embauchent des demandeurs d’emploi de 55 ans ou plus.

1. Le fondement de la mesure proposée : faciliter le retour à l’emploi des seniors

Le taux d’emploi des seniors a connu des résultats encourageants ces dernières années, jusqu’à s’élever à 38,9 % en 2009. Il reste cependant encore très en deçà de la moyenne de l’Union européenne (taux de 45,6 %) et, à la palette d’instruments déjà mobilisés en faveur de l’emploi des seniors (cf. sur ce point la partie générale du rapport), il convient d’ajouter une mesure nouvelle pour répondre à une difficulté particulière, celle de la faible « ré-employabilité » des demandeurs d’emploi seniors. En effet, comme le note la direction statistique du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, « les seniors au chômage peinent à en sortir, particulièrement les hommes » (66). En 2008, 59 % des chômeurs masculins âgés de 50 à 64 ans sont au chômage depuis plus d’un an, contre 38 % pour les 30-49 ans. Les trois quarts des hommes de 50 à 64 ans se déclarant au chômage en 2007 disent toujours y être un an après, contre 56 % des hommes entre 30 et 49 ans, la tendance étant toutefois il est vrai moins marquée pour les femmes. Le tableau présenté ci-après retrace ces résultats.

Ancienneté au chômage et transitions par sexe pour les 50-64 ans et les 30-49 ans

(Chiffres 2008, en %)

 

50-64 ans

dont : 50-54 ans

30-49 ans

 

Hom.

Fem.

Ens.

Hom.

Fem.

Ens.

Hom.

Fem.

Ens.

Ancienneté des chômeurs BIT de 2008

Moins de 3 mois

13

20

16

16

20

18

25

26

26

De 3 mois à moins d’un an

28

39

33

28

45

37

37

36

36

De un à moins de 3 ans

32

25

29

34

22

28

24

25

24

3 ans et plus

27

16

22

21

12

16

14

14

14

Ensemble

100

100

100

100

100

100

100

100

100

Situation en 2008 des personnes se déclarant au chômage un an avant

Chômage

75

72

73

74

61

68

56

59

57

Emploi

15

15

15

23

34

28

42

36

39

Retraite ou préretraite

8

9

9

0

1

0

0

0

0

Inactivité

3

4

3

3

4

4

2

4

4

Ensemble

100

100

100

100

100

100

100

100

100

Source : enquête Emploi 2008, Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ; calcul effectué par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l’emploi.

Cette préoccupation n’est pas nouvelle, et des mesures de retour à l’emploi des seniors ont déjà été prévues par le passé, en particulier le contrat à durée déterminée seniors. Dans leur accord du 13 octobre 2005 relatif à l’emploi des seniors, signé le 9 mars 2006, les partenaires sociaux avaient considéré que l’aménagement des dispositions relatives au contrat à durée déterminée pouvait favoriser l’emploi des seniors et prévu le recours à un contrat à durée déterminée d’une durée maximum de dix-huit mois, renouvelable une fois, pour les personnes de plus de 57 ans en recherche d’emploi depuis plus de trois mois ou bénéficiaires d’une convention de reclassement personnalisé. Cette disposition avait été transposée dans le code du travail par le décret n° 2006-1070 du 28 août 2006, mais très peu utilisée (67), en raison, ainsi que l’explique l’étude d’impact, de son peu d’intérêt par rapport à un contrat à durée déterminée classique ou d’un contrat à durée indéterminée.

2. Le dispositif proposé : une aide à l’embauche

C’est dans ce contexte que le présent article 32 crée une aide aux employeurs procédant à l’embauche des demandeurs d’emploi de plus de 55 ans. Ce dispositif se veut à la fois incitatif et simple d’utilisation. Le projet de loi prévoit de le faire figurer, de manière cohérente, à la fin du chapitre consacré aux aides favorisant le retour à l’emploi, au sein de l’ensemble des dispositifs en faveur de l’emploi de la cinquième partie du code du travail, entièrement dédiée à l’emploi.

Cet article complète donc ce chapitre d’une nouvelle section 3, intitulée « Aide à l’embauche des seniors », qui comprend un nouvel article unique, l’article L. 5133-11.

● Le premier alinéa de l’article L. 5133-11 ouvre le bénéfice de la nouvelle aide à l’embauche à l’ensemble des employeurs « qui se trouvent dans le champ d’éligibilité de la réduction prévue à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale », à savoir l’allègement général de cotisations de sécurité sociale patronales, dit aussi « allègement Fillon ».

L’embauche doit concerner un demandeur d’emploi senior, en l’espèce un demandeur d’emploi de 55 ans ou plus : cet âge est celui à compter duquel, dans les statistiques tant nationales qu’européennes, on apprécie souvent la situation de l’emploi des « seniors » aujourd’hui.

Le demandeur d’emploi doit être « inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi mentionnée à l’article L. 5411-1 » du code du travail, autrement dit la liste tenue par Pôle emploi. L’étude d’impact précise que cette inscription préalable permettra à Pôle emploi d’assurer le contrôle du dispositif, mais souligne que, pour autant, l’institution d’un critère d’ancienneté au chômage ne semble pas opportune dans la mesure où ce public connaîtrait déjà des durées moyennes d’inscription particulièrement longues.

C’est en effet Pôle emploi, qui sera chargée de la gestion de cette aide, compte tenu, selon l’étude d’impact également, de l’expérience que l’institution nationale a acquise dans la gestion des aides spécifiques (dispositif « zéro charge » pour les très petites entreprises). Une convention de gestion pourrait être conclue pour préciser les modalités d’utilisation des crédits alloués par l’État à Pôle emploi, définir les frais destinés à rémunérer les opérations de gestion et de promotion de l’aide, établir des données et une périodicité du suivi statistique.

L’employeur qui souhaite bénéficier de cette aide doit en faire la demande, comme le souligne expressément le texte de l’article L. 5133-11 (les employeurs perçoivent l’aide « sur leur demande »). Dans un souci de rapidité et de simplicité, l’étude d’impact prévoit que cette procédure pourra être déclarative : l’employeur attestera sur l’honneur remplir les conditions prévues pour bénéficier de l’aide. En pratique, un site internet pourrait permettre aux entreprises d’obtenir les formulaires d’aide et la communication des textes législatifs et réglementaires fixant ses modalités.

Dans la mesure où cette aide tend à favoriser le retour à l’emploi stable des seniors, l’embauche doit avoir lieu « en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins six mois ». Selon l’étude d’impact, l’exclusion des contrats à durée déterminée de moins de six mois correspond à une réduction de 26 % du public éligible.

● Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 5133-11, l’aide sera accordée « pour une durée déterminée » et représentera « une fraction du salaire brut versé chaque mois au salarié », dans la limite du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale : il s’agit du plafond général des cotisations de sécurité sociale, fixé depuis le 1er janvier 2010 à 34 620 euros par année, soit 2 885 euros par mois.

L’étude d’impact indique que l’aide sera accordée pendant douze mois et serait proportionnelle, à hauteur de 14 % du salaire brut, dans la limite du plafond précité, quel que soit le niveau du salaire : le dispositif entend représenter une incitation suffisante pour tous les salariés de plus de 55 ans, quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle.

● Le dernier alinéa de l’article L. 5133-11 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer la durée et la fraction précitées.

Ce même décret devrait, en outre, contenir les autres conditions d’obtention de l’aide. L’étude d’impact évoque, en effet, les conditions, usuelles en matière d’aides à l’embauche, selon lesquelles l’employeur devrait être à jour du paiement des charges sociales ou n’avoir pas procédé à un licenciement économique sur le même poste au cours des six derniers mois.

3. Éléments d’évaluation

Aux termes de l’étude d’impact, le coût de la mesure est estimé par la direction générale du Trésor à 55 millions d’euros en année pleine. Ce calcul est fondé sur l’hypothèse selon laquelle chaque année, en moyenne, 75 000 demandeurs d’emploi de plus de 55 ans, inscrits comme demandeurs d’emploi auprès du service public de l’emploi, retrouvent un emploi ; sur ce total, environ 35 000 retrouvent un emploi stable.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 189 de M. Roland Muzeau, supprimant l’article 32.

M. Roland Muzeau. La seule disposition de ce projet de loi relative à l’emploi des seniors est totalement inadaptée, voire dangereuse. Nous proposons donc de la supprimer, étant donné que les employeurs bénéficient déjà de la réduction générale de cotisations sociales sur les bas salaires, dite allègement Fillon.

M. Dominique Dord. Il n’y a pas d’exception : dans toute l’Europe, lorsque l’âge légal de la retraite augmente, l’emploi des seniors augmente aussi. Or, nos collègues ont voté contre le report de l’âge légal de départ à la retraite. Ils sont donc malvenus à nous donner des leçons sur le sujet.

M. le rapporteur. Ce constat est bien connu, en effet. Les seniors subissent des difficultés liées au chômage de longue durée, et leur taux de réemployabilité est particulièrement faible. La mesure de l’article 32 est à la fois incitative et simple d’utilisation. Elle s’ajoute au tutorat des seniors que le Gouvernement veut encourager, puisqu’il apparaît, dans les expériences menées dans notre pays comme à l’étranger, comme un bon moyen de favoriser l’emploi de cette catégorie. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le ministre. Il ne faut surtout pas supprimer un article, qui crée une aide supplémentaire pour l’emploi des plus de 55 ans. Cette aide tient compte de la qualité de l’emploi, puisqu’elle ne s’applique qu’aux contrats de plus de six mois, qu’ils soient à durée déterminée ou indéterminée, et revient à annuler les cotisations sociales employeurs. Je ne prétends pas que cela suffira à résoudre le problème, mais c’est une mesure utile et nécessaire. Tout ce qui peut être fait pour remettre les seniors sur le marché du travail est bon, et il faut inciter les entreprises à le faire.

M. Jean-Patrick Gille. Il est évident que le recul de l’âge légal de départ à la retraite s’accompagne mécaniquement d’une augmentation du taux d’activité, c’est-à-dire du nombre des personnes qui demandent à travailler ! Le vrai sujet, c’est l’augmentation du taux de chômage dans cette tranche d’âge. Dans ce cadre, que vont devenir l’allocation équivalent retraite, qui concerne la même population, ainsi que le dispositif du contrat à durée déterminée senior, sur lequel est calqué votre article 32, mais qui n’a pourtant pas donné de très bons résultats ?

M. le ministre. Ainsi que je l’ai déjà dit, le dispositif de l’allocation équivalent retraite va être prolongé. Quant au contrat senior, il reste inscrit dans notre droit, mais force est de constater qu’il ne fonctionne pas.

La Commission rejette l’amendement AS 189.

Elle examine l’amendement AS 190 de Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Si l’on n’a plus le droit de partir en retraite avant 62 ans, il serait effectivement très étonnant que le taux d’emploi des 60-62 ans n’augmente pas un peu !

Le ministre vient de nous dire que le contrat senior n’avait pas fonctionné. Pourquoi nous propose-t-il alors un dispositif quasiment semblable, portant sur les contrée à durée indéterminée ou déterminée d’au moins six mois ? Et comment se fait-il que le Rapporteur accepte cette mesure, alors qu’il passe son temps à refuser toute proposition qui créerait une niche sociale ou fiscale, pour les renvoyer au projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Cet article crée pourtant une exonération !

M. le rapporteur. Ce n’est pas une exonération, c’est une aide.

Mme Martine Billard. Vous avez refusé toutes nos propositions qui avaient une conséquence budgétaire. Enfin, cette aide est censée favoriser le retour à l’emploi stable des seniors. Je ne comprends pas bien comment un emploi stable peut se réduire à un contrat de six mois, surtout à cet âge-là. Voilà pourquoi, par cet amendement de repli, nous demandons au moins de circonscrire l’aide aux contrats à durée indéterminée. Si les contrats à durée déterminée en bénéficient, l’employeur pourra multiplier les contrats, puisqu’il trouvera pléthore de travailleurs seniors qualifiés sur le marché du travail.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je rappelle que la durée minimale de six mois représente une garantie. Le point d’équilibre se situe, en effet, à ce niveau pour que les personnes visées aient une bonne chance de trouver un emploi stable.

M. le ministre. Avis défavorable également. Il ne s’agit pas d’un contrat spécifique aux seniors, mais seulement d’une condition d’accès au dispositif. Il ne faut pas fermer toutes les portes.

M. Jean Mallot. M. le ministre nous explique que l’article 32 n’apportera pas de solution au problème posé. Ce n’est pas la première fois : les dispositifs antérieurs n’ont pas fonctionné. Pourquoi donc croirions-nous maintenant à un dispositif auquel le ministre ne croit pas lui-même ?

Dominique Dord vient d’inventer la machine à résoudre le problème du chômage dans ce pays, puisqu’en reportant l’âge légal de la retraite on travaillera plus longtemps. Pourquoi alors ne pas supprimer cet âge légal ? On travaillerait jusqu’à la mort, ce qui simplifierait les choses !

En Suède, dont on parle beaucoup, l’emploi des seniors atteint 70 %, quand il ne représente que 38 % chez nous. C’est bien pourquoi l’UMP se trouve enfermée dans le cercle vicieux qu’exprime la campagne de publicité, qui a coûté sept à huit millions d’euros. Dans sa partie consacrée aux mesures destinées à encourager l’emploi des seniors, il est dit que : « l’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite n’a de sens que si elle s’accompagne d’un changement profond de la place des seniors dans le monde du travail. » Or, vous ne proposez aucune mesure dans ce but. Le recul de l’âge légal de la retraite n’a donc pas de sens : c’est vous-même qui le dites.

L’amendement AS 190 est rejeté.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 478 du rapporteur.

Puis, elle examine l’amendement AS 427 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement prévoit qu’un rapport du Gouvernement procèdera à évaluation de cette aide à l’embauche des seniors.

La Commission adopte l’amendement AS 427.

Puis, elle adopte l’article 32 ainsi modifié.

M. Pascal Terrasse. Je souhaiterais demander quelques informations à notre Rapporteur en vue du débat que nous aurons en séance publique et que lui seul peut nous fournir, peut-être en liaison avec la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et avec l’INSEE.

Depuis 2006, trois dispositifs successifs sont intervenus afin de rendre le vieillissement actif plus proche de l’emploi, l’employabilité des seniors étant étroitement liée au débat que nous avons aujourd’hui. Quel est l’impact de la loi du 29 août 2006 sur les contrats seniors ? Un accord national interprofessionnel était intervenu auparavant, le 13 octobre 2005, entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, sur l’emploi des seniors. Quel effet a-t-il eu ? Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoyait un plan en faveur de l’emploi des seniors comportant une allocation de solidarité intergénérationnelle.

Avant donc de nous engager davantage dans le débat sur ce sujet, il serait utile que nous disposions d’un bilan des mesures déjà intervenues.

M. le rapporteur. Je répondrai à ces questions durant le débat en séance publique. Concernant le premier dispositif, il s’agit d’un décret. Quant au deuxième, ce fut un échec, puisqu’une vingtaine d’accords seulement ont été conclus.

Après l’article 32

La Commission est saisie de 48 amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 32.

Elle examine d’abord l’amendement AS 188 de Mme Martine Billard.

M. Roland Muzeau. Nous proposons d’augmenter les pénalités imputées aux entreprises de plus de cinquante salariés, qui ne sont pas couvertes par un accord collectif ou par un accord relatif à l’emploi des salariés âgés. Pour ce faire, l’amendement remplace le taux de 1 % des rémunérations par un taux de 10 % : voilà une solution efficace !

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le dispositif actuel des accords sur l’emploi des seniors me paraît bien équilibré. Il ne requiert pas d’incitation supplémentaire.

M. le ministre. Avis également défavorable.

L’amendement AS 188 est rejeté.

La Commission en vient à l’amendement AS 330 de Mme Marisol Touraine.

M. Michel Issindou. Cet amendement permet de revenir sur ce qu’a introduit la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 concernant le cumul entre emploi et retraite. Il paraît indécent, dans cette période de fort chômage, d’autoriser aussi largement et aussi librement ce cumul, quand tant de jeunes cherchent un emploi et que tant de seniors souhaitent continuer de travailler. La libéralisation du cumul peut se comprendre en période de croissance, mais elle perd tout son sens dans un contexte faiblement créateur d’emplois. En outre, elle encourage le dumping social : un retraité bénéficiant déjà d’une bonne retraite se vendra plus facilement à un employeur pour un faible salaire. Un documentaire télévisé sur l’emploi aux États-Unis nous montrait des vieux au travail, vision pitoyable. On peut, bien sûr, approuver un système qui fait travailler des personnes de 80 ans. Ce n’est pas le modèle social que nous défendons. Considérer les petits boulots comme une manière de compléter les petites retraites ne nous semble pas digne de notre pays.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La loi de 2009 a produit des résultats très positifs : à la fin de 2008, 238 000 personnes bénéficiaient du cumul. Depuis lors, leur nombre est en constante augmentation. Le système mis en place répondait à une forte demande exprimée depuis bien des années, et le modèle social français se fonde aussi sur le principe de la liberté.

M. le ministre. Avis très défavorable. Il faut pouvoir cumuler emploi et retraite, même quand on bénéficie de celle-ci à taux plein. Pourquoi vouloir toujours empêcher les gens de travailler ? Mais, on ne va pas rouvrir ici le débat sur le partage du travail, qui s’est déjà tenu mille fois.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous restons l’un des seuls pays d’Europe où l’on croit encore à l’arithmétique du gâteau non extensible. C’est une idée archaïque et fausse.

M. Jacques Myard. Nos collègues socialistes devraient relire la matrice de Leontief, qui montre clairement que plus on travaille, plus on fait travailler les autres. Le savoir-faire en entreprise se diffuse : les personnes expérimentées le transmettent aux jeunes générations et contribuent ainsi à créer des emplois. Ce serait une ineptie d’aller à l’encontre de cette évidence économique.

M. Alain Vidalies. Voilà un débat important sur lequel nous divergeons. Du reste, l’évidence dont vous vous réclamez, ne date pour vous que d’un an et demi. Pendant des décennies, jusqu’en 2009, vous raisonniez autrement.

Il n’existe pas de dogme en la matière. En situation de plein emploi, rien ne s’oppose à une liberté totale du travail. Mais aujourd’hui, on ne peut ignorer les effets déstructurants qu’exerce le cumul emploi et retraite sur le marché du travail. Vous arrivez donc à un paradoxe : avoir mis en place des mesures favorisant l’emploi des seniors déjà à la retraite, alors que l’objectif consistait à faire travailler un maximum d’entre eux avant qu’ils ne parviennent à l’âge de la retraite. La contradiction est totale, et vous vous tirez une balle dans le pied.

L’amendement AS 330 est rejeté.

La Commission examine l’amendement AS 184 de M. Roland Muzeau.

Mme Martine Billard. Cet amendement a pour objectif de sanctionner les entreprises qui imposent un travail à temps partiel, principalement aux femmes, en majorant la cotisation correspondante de façon à les décourager de multiplier les temps partiels, tout en procurant des ressources complémentaires aux comptes sociaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Martine Billard avait déjà déposé un amendement sur le même thème lors de la discussion d’un autre article. Nous lui avons alors fourni toutes les réponses nécessaires.

M. le ministre. Avis défavorable.

L’amendement AS 184 est rejeté.

La Commission examine l’amendement AS 191 de M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement remet en cause la rupture conventionnelle. Cette disposition génère un effet d’aubaine pour contourner le régime des licenciements économiques, et affecte largement les seniors. Une étude de la DARES le confirme, montrant que les salariés de 58 ans et plus sont surreprésentés dans les entreprises de plus de cinquante salariés et que les ruptures conventionnelles représentent près de 14 % des sorties, contre 9 à 11 % par licenciement. 15 % des séparations à l’amiable conclues dans le secteur des mines et de la métallurgie s’appliquent à des salariés de plus de 50 ans.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La Direction générale du travail veille à l’annulation des ruptures de contrat conclues en vue de contourner les garanties offertes en matière de licenciement économique et collectif. Nous n’avons pas recueilli de critique négative de ce mécanisme.

M. le ministre. Le régime de la rupture conventionnelle est le fruit d’un accord entre les partenaires sociaux, que seule la CGT n’a pas signé. Je ne vois pas pourquoi on le supprimerait.

M. Jean-Patrick Gille. Cet accord entre les partenaires sociaux a été transcrit dans la loi, une veille étant assurée pour empêcher une dérive. Mais, il est rapidement apparu, comme l’a souligné le livre de Pierre Cahuc, Les réformes ratées du Président Sarkozy, qu’un problème spécifique se pose pour les seniors : le dispositif fonctionne comme une sorte de substitut aux préretraites, financé de fait par l’UNEDIC. Sans revenir complètement sur le régime de la rupture conventionnelle, on pourrait essayer d’en corriger la dérive dont sont victimes les seniors – celle-ci se manifestant du côté des employeurs, mais aussi parfois du côté des salariés. Une réflexion est donc à mener sur le sujet : les réponses du Rapporteur et du ministre ne sont pas satisfaisantes.

L’amendement AS 191 est rejeté.

La Commission en vient à l’amendement AS 216 de M. Lionnel Luca.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Afin de faciliter le maintien des seniors dans la vie professionnelle, il convient de permettre aux organismes de gestion des fonds de la formation continue de financer des formations pour les personnes qui souhaitent poursuivre leur activité après 60 ans et cumuler un emploi avec leur retraite.

M. Michel Issindou. Pourquoi quitter l’entreprise si l’on souhaite travailler après 60 ans ? Les fonds publics consacrés à la formation professionnelle doivent d’abord bénéficier aux jeunes et aux chômeurs. Cet amendement n’est pas très sérieux.

M. Jean Ueberschlag. Je serais plutôt d’accord avec l’esprit de cet amendement. Mais, je m’interroge sur la faisabilité de ce qu’il propose. Les organismes paritaires collecteurs agréés comme ceux du congé individuel de formation ont pour but de financer la formation professionnelle. Il faut les laisser s’engager dans le tutorat, qui peut être assuré par des seniors. Voter cet amendement nuirait à leur action. La disposition proposée trouverait mieux sa place dans une loi sur la formation professionnelle instaurant un tutorat qui mettrait à contribution ces organismes.

M. le rapporteur. La loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie exige, avant d’être éventuellement revue, une évaluation qui ne pourra pas intervenir avant l’automne prochain. Cet amendement est donc prématuré. Je souhaite qu’il soit retiré.

M. le ministre. Avis défavorable. La possibilité que veut instaurer l’amendement existe déjà dans de nombreux cas.

L’amendement AS 216 est retiré.

L’amendement AS 2 n’est pas défendu.

La Commission examine l’amendement AS 332 de Mme Marisol Touraine.

M. Christophe Sirugue. Dans la campagne de publicité fort coûteuse lancée par le Gouvernement sur la réforme des retraites, on met en avant la nécessité d’un changement profond de la place des seniors dans le monde du travail. Mais, les incantations ne suffisent pas. Il faut aussi tenir compte de la réalité, à savoir que le travail des seniors constitue malheureusement aujourd’hui une variable d’ajustement dans la gestion du personnel des entreprises. C’est pourquoi l’article additionnel que nous proposons vise à établir, à compter du 1er janvier 2011, une majoration des cotisations dues par les employeurs au titre des assurances sociales, afin de procurer les moyens nécessaires à l’ambition que vous affichez.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. le ministre. Avis défavorable.

L’amendement AS 332 est rejeté.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 333 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Selon une dépêche de l’AFP, Monsieur le président, nous ferions de l’obstruction…

M. le président Pierre Méhaignerie. Je n’ai jamais rien dit de tel.

Mme Marisol Touraine. … et l’UMP jugerait nécessaire de « mener une contre-offensive ». Est-il raisonnable de tenir de tels propos alors que nous terminerons nos travaux, selon toute probabilité, dès la fin de l’après-midi ? La discussion de ce matin concernant la pénibilité avait permis d’exposer clairement nos divergences dans un climat de sérénité, et permis de vérifier que ce sont bien deux projets différents qui s’affrontent. Si vous revenez à la polémique, je gage que la discussion en séance publique sera très délicate.

M. le président Pierre Méhaignerie. Personne n’a prétendu dans cette enceinte que l’opposition se livrait à de l’obstruction. Nous avons eu, au contraire, des débats longs et approfondis auxquels le ministre et le secrétaire d’État ont constamment assisté, ce dont je les remercie.

Mme Marisol Touraine. C’est vrai, M. Woerth a exposé clairement son point de vue, en particulier ce matin, et j’estime que notre confrontation a été parfaitement républicaine.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous sommes donc d’accord.

M. Christian Hutin. Il est, en effet, dommage que notre débat de ce matin ait été pollué par certaines interventions extérieures – en l’occurrence, celles d’Arnaud Robinet – mais nous considérons comme vous, Monsieur le Président, que pas plus que celles du président du groupe UMP, mardi matin, considérant cette commission comme nulle et non avenue, elles ne sont paroles d’Évangile.

Cet amendement, monsieur Myard, vous montrera que mes amis socialistes et moi-même ne faisons pas preuve de dogmatisme quant à la pérennité du savoir. Il existe deux manières pour continuer à diffuser les savoir-faire : obliger des salariés qui pourraient avoir droit à la retraite de continuer à travailler – alors que des jeunes pourraient être embauchés – ou, comme le dispose cet amendement, que les travailleurs de plus de 55 ans exerçant un tutorat voient une partie de leur salaire pris en charge au titre de la contribution de la formation professionnelle continue.

M. le rapporteur. Proche de l’esprit de la mesure qu’a annoncée le Gouvernement, cet amendement ne manque pas d’intérêt mais, outre qu’il est de nature réglementaire, le tutorat doit porter sur les jeunes en contrat de professionnalisation. Avis défavorable.

M. Gérard Cherpion. De surcroît, cela figure déjà dans la loi du 24 novembre 2009, avec un seul ajout qui est de nature réglementaire.

M. le ministre. Le Gouvernement est bien entendu favorable au développement du tutorat, mais à travers l’augmentation réglementaire des fonds dédiés à la formation professionnelle. Je note, à ce propos, que de grandes entreprises sont attentives à promouvoir ce dispositif, y compris d’une manière inversée, de jeunes salariés étant dans un certain nombre de domaines les tuteurs de salariés plus âgés.

M. Gaëtan Gorce. Je reconnais votre souci d’équilibre dans l’organisation des débats, Monsieur le président, et je ne crois pas que l’on ait eu jusqu’ici à déplorer quelques débordements que ce soit. Or, quelle n’a pas été ma surprise de lire dans le communiqué injurieux partiellement cité par Marisol Touraine les propos de M. Dominique Paillé, porte-parole de l’UMP, estimant que « ceux qui viennent nous les briser menu avec des considérations honteuses se regardent avant d’intervenir dans le débat » ! Chacun appréciera le niveau où l’on descend ! Je demande au responsable du groupe UMP de faire à son tour une déclaration à l’AFP se désolidarisant de pareille déclaration !

M. le président Pierre Méhaignerie. Outre que des collègues ont devancé vos désirs et s’expriment en ce moment même face à la presse, je rappelle qu’en aucun cas ces propos n’ont été tenus dans cette enceinte. Mais, nous avons connu d’autres propos excessifs ces dernières semaines.

La Commission rejette l’amendement AS 333.

Elle examine ensuite l’amendement AS 331 de Mme Marisol Touraine.

Mme Gisèle Biemouret. Il serait bon que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 mars 2011, un rapport sur la limitation du cumul emploi-retraite, dispositif dont les effets peuvent être pervers pour les travailleurs pauvres en raison du défaussement de l’État.

M. le rapporteur. Contrairement à ce que prétend l’exposé des motifs et à la différence de ce qui est en vigueur aux États-Unis, nous ne tenons en rien à faire du cumul emploi-retraite le quatrième pilier de la retraite. Nous répondons ainsi aux sollicitations de personnes souhaitant continuer à travailler, et chacun sera libre de choisir ou non cette possibilité. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 331.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 364 de Mme Marisol Touraine.

M. Alain Vidalies. Des dizaines de milliers de préretraités, souvent suite à un licenciement économique, sont pris en charge par les ASSEDIC avant de pouvoir faire valoir leur droit à la retraite. Or, la réforme gouvernementale risque de les abandonner – et encore, sous condition – au RSA ou à l’allocation de solidarité spécifique, faute de pouvoir remplir les conditions d’âge pour bénéficier de leur retraite à taux plein. La situation sociale de ces personnes, qui peuvent par ailleurs avoir des emprunts à rembourser, ou qui doivent financer les études de leurs enfants sera donc particulièrement difficile. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur les conditions dans lesquelles les conventions en cours concernant la cessation anticipée d’activité de certains travailleurs salariés seront modifiées.

M. le rapporteur. Puisque c’est le Gouvernement qui est sollicité, je lui cède la parole. Mais, je reconnais que c’est une vraie question.

M. le ministre. La plupart des accords faisant référence à l’âge de la retraite, le prolongement sera mécanique, sans qu’il soit besoin de mettre en place un dispositif de raccord.

M. Alain Vidalies. Ceci vaut peut-être sur un plan juridique mais seulement au cas par cas : quid lorsque le paiement est contractuellement limité ?

M. le ministre. Dans mon esprit, l’adaptation du cadre juridique était automatique mais je vais étudier ce point de plus près.

La Commission rejette l’amendement AS 364.

Elle examine l’amendement AS 365 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Outre que le Gouvernement devra remettre un rapport sur les conditions d’amélioration de l’accès à l’emploi des seniors, l’ensemble des mesures incitatives allant dans ce sens doivent être inscrites dans la loi afin d’être généralisées. Ce ne sont d’ailleurs pas uniquement les plus coercitives ou les mieux ciblées d’entre elles – en l’occurrence, sur les personnes âgées de plus de 55 ans – qui, comme le montre l’exemple des pays d’Europe du Nord ou du Québec, permettent d’accroître le taux d’emploi de ces dernières. Il faut également compter avec le tutorat, la retraite progressive, l’aménagement et l’adaptation des postes de travail, mais aussi avec une politique volontariste d’accompagnement des salariés pendant toute leur carrière. J’ajoute que de grandes entreprises françaises, telles que Rhodia ou Danone, ont signé des accords en ce sens.

M. le rapporteur. Des rapports ayant déjà été publiés par le Conseil d’analyse économique et le COR, il me semble plus important de s’engager désormais de façon concrète comme nous y invite ce projet. Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission rejette l’amendement AS 365.

Titre V bis du projet de loi

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 329 de Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Les dispositions relatives à l’emploi des seniors ne relevant pas de la solidarité, nous souhaitons insérer un titre supplémentaire dans le projet de loi.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement AS 329.

Article additionnel après l’article 32

Alimentation des PERCO par des journées de RTT non utilisées

Elle examine ensuite les amendements AS 56 de M. Dominique Tian et AS 504 rectifié de la Commission des finances.

M. Dominique Tian. Le code du travail permet que les droits existants dans un compte épargne-temps puissent alimenter un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO). Or, toutes les entreprises ne disposant pas du premier, cet amendement permet à un salarié qui ne souhaite pas prendre tous ses jours de réduction du temps de travail (RTT) de transférer leur équivalent en argent sur le second – à condition que le chef d’entreprise soit d’accord.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Mon amendement a le même objectif que le précédent mais son périmètre est plus restreint : outre qu’un tel dispositif contribue à assouplir les contraintes liées à l’accumulation de jours de RTT, il aide également les salariés, des petites entreprises en particulier, à améliorer le financement de leur retraite.

M. le rapporteur. L’amendement de Laurent Hénart me semble mieux ciblé que celui de Dominique Tian.

M. le ministre. Avis favorable à l’amendement AS 504 rectifié auquel je souhaite que Dominique Tian se rallie.

M. Dominique Tian. Je retire mon amendement.

M. le ministre. Il me semble de bonne politique qu’aucune journée de RTT ne soit perdue faute de compte épargne-temps et que son montant soit versé au PERCO. Outre qu’une telle opération ne pèse pas sur la trésorerie des entreprises, un plafond de cinq jours par an est prévu.

Mme Martine Billard. La Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) a gagné ! Ses représentants avaient expliqué à la Commission des affaires sociales qu’avec un montant de 1 600 milliards d’euros sur l’assurance-vie, il convenait maintenant d’orienter les Français vers une épargne bloquée, l’assurance-vie pouvant être transférée sur les PERCO avec une défiscalisation totale ou partielle. Face à de tels propos, le président de la commission avait alors bondi sur son siège, la période étant à la réduction des niches fiscales et sociales. Qu’à cela ne tienne, la FFSA a donc trouvé les relais qui lui étaient nécessaires pour revenir à l’assaut. M. le ministre étant contraint de lever le gage, l’antienne financière du Rapporteur ne semble servir qu’à refuser nos propositions.

M. le ministre. Outre qu’il ne s’agit pas là du cœur de la réforme, il me semble qu’une amélioration des dispositifs d’épargne retraite est de fort bon aloi. J’ajoute que cette réorientation sera non seulement limitée, mais fondée sur le volontariat.

M. Pascal Terrasse. La question de l’épargne est, en effet, fondamentale et je souscris aux propos de M. le ministre, l’ensemble des dispositifs d’épargne retraite – qui cumulent environ 7 à 8 milliards d’euros – manquant de lisibilité et leur coût étant important pour les budgets sociaux. Ce qui me gêne, c’est plutôt la dimension financière. J’aurais souhaité que l’ensemble des dispositifs supposément coûteux pour l’État soient étudiés au vu de leur impact financier réel, et j’escompte que cet amendement sera examiné en séance publique avec l’ensemble des éléments permettant d’évaluer le coût de la dépense fiscale qu’il induit.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Je remercie Pascal Terrasse de son objectivité, mais je lui rappelle que l’avantage fiscal et social du PERCO existe depuis la loi Fillon et que l’on ne sait pas ce qu’il en adviendra dans les futurs débats budgétaires. Le gage, dû à l’intransigeance du président de la Commission des finances, est quant à lui technique.

Je n’ai absolument pas apprécié les propos de Martine Billard. S’il est coutumier, ces temps-ci, de s’attaquer à l’honneur des gens, je souhaite ardemment que cela cesse.

Mme Martine Billard. La FFSA a été très claire !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Vous avez déversé votre flot de bile, mais on saurait d’autant moins suspecter un collègue de défendre tel ou tel intérêt particulier que l’on fait une lecture erronée des points de vue des organisations professionnelles : non seulement la FFSA défend d’autres produits de placement que le PERCO, mais elle considère que ce dernier ne doit pas être trop mis en avant ! Vos propos sont sans fondement et indignes d’une parlementaire ! En vous exprimant de la sorte, vous ne vous êtes vraiment pas grandie.

Mme Martine Billard. La FFSA a présenté ses propositions devant la Commission des affaires sociales, et nombre d’amendements n’en sont que la copie. Tels sont les faits ! En ce qui me concerne, il m’arrive de reprendre des amendements syndicaux et je n’ai pas peur de le dire, car cela relève du combat politique au sens le plus noble du mot. Assumez donc vos propres choix au lieu d’inventer n’importe quoi ! Il n’y a là nulle mise en cause personnelle !

La Commission adopte l’amendement 504 rectifié.

Après l’article 32

L’amendement AS 8 n’est pas défendu.

La Commission examine ensuite les amendements identiques AS 505 de la Commission des finances et AS 57 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Ces amendements visent à augmenter de dix à vingt le nombre de jours annuels transférables en provenance d’un compte épargne temps.

M. le rapporteur. Ces amendements auraient pour effet d’étendre une niche sociale, ce qui n’est pas souhaitable à l’heure actuelle. Avis défavorable.

M. le ministre. Il serait préférable d’examiner ces amendements lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les amendements AS 505 et AS 57 sont retirés.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 28 de M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. Il s’agit d’orienter la participation et l’intéressement aux résultats de l’entreprise vers le PERCO pour 50 % de leur montant. Alors que les sommes affectées représentent aujourd’hui entre 12 et 15 milliards d’euros par an, la mesure serait susceptible de générer, sur dix ans, 100 milliards d’encours, ce qui permettrait de consolider le deuxième pilier de la retraite d’avenir, que représentent l’épargne individuelle et l’épargne collective par l’entreprise, et donc de garantir l’emploi dans notre pays en préservant son tissu économique et social.

M. le rapporteur. Cet amendement sera en grande partie satisfait par les amendements identiques AS 507 rectifié de la Commission des finances et AS 512 rectifié que je présenterai au nom de la commission.

M. le ministre. Le Gouvernement est prêt à avancer dans ce domaine, mais par un chemin quelque peu différent du vôtre, monsieur Paternotte. Les amendements cités par le Rapporteur vous donneront partiellement satisfaction.

M. Yanick Paternotte. Ils ne vont pas aussi loin que le mien.

M. le ministre. L’intéressement et la participation relèvent de deux logiques différentes : l’intéressement est plus orienté vers la consommation, alors que la participation relève davantage du produit d’épargne, même si l’argent peut être débloqué sous certaines conditions. C’est pourquoi nous souhaitons, dans le cadre de l’épargne retraite, flécher la seule participation.

M. Yanick Paternotte. Mon amendement fixant à 50 % la part des sommes orientées sur le PERCO, il assure un bon équilibre entre la participation et l’intéressement – la part pouvant être portée à 100 % à la demande du salarié. Sinon, quand arriverons-nous à assurer un encours suffisant pour garantir le deuxième pilier de la retraite ?

M. le ministre. Les amendements AS 507 rectifié et AS 512 rectifié prévoient que la participation alimente par défaut le PERCO dans la limite de 50 % au plus, chaque salarié restant libre de l’affecter en tout ou partie. Nous restons dans le volontariat.

M. Yanick Paternotte. Si je retire l’amendement AS 28, ceux qui l’ont signé devront pouvoir cosigner l’amendement AS 512 rectifié du rapporteur.

M. le rapporteur. Cela ne présente aucune difficulté.

L’amendement AS 28 est retiré.

L’amendement AS 9 n’est pas défendu.

Puis, la Commission est saisie des amendements identiques AS 506 de la Commission des finances, AS 511 du rapporteur et AS 224 de M. Arnaud Robinet.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ces amendements ont pour objet d’orienter par défaut le produit de l’intéressement vers le PERCO.

M. le rapporteur. Il s’agit de favoriser le développement du PERCO, en prévoyant son alimentation par une partie de l’intéressement versé aujourd’hui au salarié.

Toutefois, si j’ai été séduit dans un premier temps par cette idée, il m’est ensuite apparu qu’une telle disposition pourrait avoir une incidence négative sur le pouvoir d’achat. En effet, l’intéressement est un complément de salaire pour chaque salarié, qu’il peut choisir de placer sur un plan d’épargne d’entreprise (PEE), de débloquer quand il le souhaite ou de percevoir directement. Prévoir un transfert automatique, ou même facultatif, serait contre-productif.

C’est pourquoi je retire l’amendement AS 511 et émets un avis défavorable aux amendements AS 506 et AS 224.

M. Arnaud Robinet. Pour accélérer le taux de couverture des salariés, l’intéressement pourrait alimenter automatiquement, par défaut, le PERCO, chaque salarié restant libre de l’affecter au PEE ou de le percevoir directement.

Dans une même entreprise ayant mis en place l’intéressement, le taux d’adhésion des salariés au PERCO augmenterait de manière significative, toutes catégories de salariés confondues.

M. le ministre. Comme je l’ai souligné précédemment, l’intéressement et la participation ne sont pas de même nature : l’intéressement est plus orienté vers la consommation que la participation, qui relève du produit d’épargne. Je souhaite le retrait de ces amendements pour concentrer le dispositif sur la participation.

M. Roland Muzeau. Tous les amendements que nous examinons actuellement sont gagés, alors qu’un grand nombre des amendements de l’opposition ont été refusés au titre de l’article 40, même lorsqu’ils étaient gagés. J’en suis d’autant plus étonné qu’à aucun moment, monsieur le président, vous n’avez soulevé la question de l’application de l’article 40, alors que, vous nous l’avez rappelé le premier jour, vous en aviez la possibilité.

De plus, aucun de ces amendements concernant le PERCO n’a fait l’objet d’une étude d’impact.

Dois-je conclure à une inégalité de traitement au sein de la commission entre les amendements de la majorité et ceux de l’opposition ? Les règles de fonctionnement de la commission, que le président a rappelées à plusieurs reprises, doivent s’appliquer à tous les amendements.

Martine Billard a rappelé comment ces amendements ont été déposés à la Commission des affaires sociales : c’est votre droit le plus strict de les présenter. C’est le mien de vous rappeler que le fonctionnement de la commission et, plus généralement, celui de l’Assemblée exigent, lorsqu’un amendement est gagé, la levée du gage par le Gouvernement. Tel n’a pas été le cas : c’est pourquoi je demande que tous ces amendements tombent sous le couperet de l’article 40.

M. le président Pierre Méhaignerie. Monsieur Muzeau, les pertes de recettes sont toujours gageables. L’article 40 ne s’applique qu’aux dépenses nouvelles.

Par ailleurs, je ne peux que noter le grand retard de la France en matière de convergence européenne des systèmes d’épargne retraite.

Quant au Gouvernement, il donnera le coût des mesures proposées lors du débat public.

Mme Martine Billard. Et les études d’impact ? Nous devons en disposer avant l’examen du texte.

M. Pascal Terrasse. Certes, je l’admets, ces amendements ne peuvent être sanctionnés par l’article 40. Ils ont trait, toutefois, à la dépense fiscale et il ne convient pas d’ignorer les débats actuels sur l’équilibre des comptes sociaux et sur celui des comptes de l’État.

Le président a eu raison d’évoquer la question du taux d’épargne : la France dispose d’un taux d’épargne considérable – un des premiers en Europe. Or, il ne s’agit pas d’une épargne active, puisqu’elle sert très souvent à financer des fonds d’obligations ou à compenser des déficits endogènes à notre pays.

Il conviendra un jour, dans le cadre d’un vrai débat sur l’épargne, de traiter la question de l’assurance-vie, laquelle, en France, n’est pas placée dans des fonds éthiques, comme cela se pratique dans d’autres pays européens. Elle ne contribue pas à l’activité économique, tout en coûtant énormément en termes de dépenses fiscales.

Or, les amendements que nous examinons accroîtront encore la dépense fiscale.

M. Yves Bur. Ces amendements organisent des transferts d’un dispositif à un autre : qu’il s’agisse de l’intéressement, de la participation ou de l’épargne retraite, tous ces dispositifs bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux. Le sort que les projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale réserveront à ces avantages est une autre question. Ces amendements ne modifient qu’à la marge la dépense sociale.

Je refuserai, le moment venu, c’est-à-dire lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, toute création de nouvelle niche sociale : je veillerai au respect de ce principe, vous pouvez en être assurés.

Les amendements AS 506, AS 511 et AS 224 sont retirés.

Les amendements AS 58 à AS 60 ne sont pas défendus.

Article additionnel après l’article 32

Alimentation des PERCO par la participation

La Commission examine ensuite les amendements identiques AS 507 rectifié de la Commission des finances et AS 512 rectifié du rapporteur.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Il s’agit d’orienter par défaut les fonds de la participation sur le PERCO, dans la limite de 50 % de celle-ci.

M. le ministre. Favorable.

M. Roland Muzeau. Les services du ministre pourraient-ils nous indiquer les compensations envisagées pour les pertes de recettes, puisque ces deux amendements sont gagés ?

M. le ministre. M. Yves Bur a bien souligné qu’il ne s’agit pas d’augmenter un avantage fiscal, mais de transférer des crédits d’un dispositif à un autre. Le gage est purement technique.

Je suis toutefois sensible à votre remarque, monsieur le député : il s’agit d’un effet de volume que je demanderai au ministère du budget de chiffrer pour la rentrée en fonction du nombre de salariés qui choisiront cette option. Mais, cette mesure ne devrait presque rien coûter.

M. Roland Muzeau. La définition du régime fiscal du PERCO est spécifique, notamment en termes d’exonération. Telle est la raison pour laquelle, je suppose, la Commission des finances, et son Rapporteur, n’écoutant que leur bon sens, ont gagé l’amendement AS 507 rectifié, tout comme vous, monsieur le Rapporteur, avez tenu à gager l’amendement AS 512 rectifié.

M. le ministre. Les avantages du PERCO sont, à l’entrée et à la sortie, identiques à ceux du PEE. Il ne s’agit donc que d’un transfert d’un dispositif à un autre. De plus, le salarié n’est pas obligé de procéder à ce transfert.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Le président de la Commission des finances a choisi de pratiquer immédiatement le gage pour moindres recettes. Les crédits issus de la participation sont, en vertu de la loi actuelle, orientés par défaut vers le PEE. Cet amendement ne vise qu’à changer la destination automatique de ces sommes, c’est-à-dire pour le cas où le salarié n’aura fait aucun choix : elles alimenteront désormais le PERCO. Le régime fiscal et social du PERCO est le même que le régime du PEE à l’entrée et à la sortie.

Je comprends que le président de la Commission des finances ait maintenu la règle du gage systématique, mais le Gouvernement ne pourrait-il lever ce gage technique dès l’examen du texte en commission ?

M. le ministre. J’accepte bien volontiers de lever le gage.

La Commission adopte les amendements AS 507 rectifié et AS 512 rectifié, ainsi modifiés.

Après l’article 32

Les amendements AS 7, AS 225, AS 61 à AS 66 et AS 72 ne sont pas défendus.

Article additionnel après l’article 32

Négociation de branche sur la mise en place d’un PERCO

Puis, elle examine les amendements, AS 509 rectifié de la Commission des finances, AS 514 rectifié du rapporteur et AS 33 de M. Yanick Paternotte.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la Commission des finances. Les amendements identiques AS 509 rectifié et AS 514 rectifié visent à favoriser l’utilisation par les entreprises, notamment par les PME et les TPE, du PERCO. À cette fin, ils prévoient un cycle de négociations par branche, qui deviendrait obligatoire à compter du 31 décembre 2012. De plus, si un PERCO de branche a été mis en place, l’entreprise pourrait ne présenter que cette forme d’épargne. Je rappelle que le droit positif actuel ne prévoit la mise en place d’un PERCO qu’accompagnée de deux autres formes d’épargne à plus court terme, ce qui est contraignant pour les PME et TPE qui sont confrontées à des choix difficiles d’éventail de produits financiers.

Le système, qui repose à la fois sur la négociation et sur l’incitation, serait ainsi orienté exclusivement vers la retraite.

M. le rapporteur. Je reprends à mon compte l’argumentation de M. le Rapporteur pour avis.

La rédaction de ces deux amendements me semblant préférable à celle de l’amendement de Yanick Paternotte, je lui propose de se rallier à l’amendement AS 514 rectifié.

M. Yanick Paternotte. L’essentiel est de permettre aux TPE d’entrer dans des accords interprofessionnels. Je me réjouis que ces amendements visent à favoriser la diffusion du PERCO au sein de ces entreprises.

Mon amendement me semblait avoir un meilleur effet en termes d’affichage, ce qui est important dans les négociations paritaires, surtout dans le monde des TPE. Bien que les amendements identiques soient un peu faibles en la matière, je m’y rallie.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements des deux commissions.

L’obligation de négociation existe déjà, mais aucune date n’était prévue. Ce sera désormais le cas. Ces amendements pragmatiques ont de plus l’avantage de permettre la mise en place du PERCO au niveau des branches, indépendamment d’autres produits d’épargne.

L’amendement 33 étant retiré, la Commission adopte les amendements AS 509 rectifié et AS 514 rectifié.

Après l’article 32

Puis, elle examine l’amendement AS 29 de M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. Cet amendement vise à introduire, à l’instar du PERCO, une possibilité de sortie anticipée du plan d’épargne retraite populaire (PERP) avant la retraite pour l’acquisition ou la remise en état de la résidence principale.

La sortie anticipée est déjà prévue pour d’autres motifs : cet amendement prévoit un motif supplémentaire.

Mme Martine Billard. C’est la proposition de la Fédération française des sociétés d’assurance, qui se trouve page 219 du rapport d’information du président de la commission.

Quant à la différence entre le PEE et le PERCO, elle est fondamentale, puisque, dans le cas du PEE, et contrairement au PERCO, l’employeur est obligé d’abonder le plan à hauteur des sommes versées par le salarié. L’orientation par défaut de l’épargne vers le PERCO, où l’épargne est bloquée, avantagera donc l’employeur.

Je suis en désaccord avec les propositions de la Fédération française des sociétés d’assurance, mais il faut reconnaître à celle-ci le mérite de poursuivre ses objectifs en toute clarté : augmenter la part de la retraite par capitalisation en réduisant celle de la retraite par répartition. Elle est donc parfaitement dans son rôle.

Soyons dans le nôtre en ouvrant ce débat au sein de la commission. À cette fin, cessons de nous cacher derrière je ne sais quels prétextes pour faire adopter des mesures qui sont de nature politique.

M. Yanick Paternotte. Chacun est dans son rôle, mais avec ses convictions, madame Billard. On peut très bien épouser des thèses par conviction et non seulement par intérêt. En tant que membre d’une profession libérale, j’ai toujours eu la conviction que l’épargne retraite était un deuxième pilier incontournable. Confondre cette question avec l’influence des lobbies, c’est réduire le débat à son degré zéro.

M. le rapporteur. Le PERP est un produit d’épargne retraite dont la sortie doit être effectuée en rente, sans quoi il risque d’être dénaturé. Avis défavorable.

M. le ministre. Cet amendement, qui relève du domaine fiscal, demande à être approfondi. En effet, la sortie anticipée en capital devant être fiscalisée, elle risque de ne présenter aucun intérêt. Cet amendement mériterait d’être examiné dans le cadre du projet de loi de finances et non dans celui du présent texte.

M. Roland Muzeau. L’exposé des motifs de cet amendement révèle sa provenance : la FFSA. Par ailleurs, il ne nous indique pas le régime fiscal prévu lors de la sortie anticipée en capital.

L’amendement AS 29 est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements AS 30 à AS 32, et AS 26 de M. Yanick Paternotte.

M. le président Pierre Méhaignerie. Si j’ai bien compris la position du Gouvernement, il souhaite également le retrait de ces quatre amendements.

M. Yanick Paternotte. Je les redéposerai lors de la discussion du projet de loi de finances.

Les amendements AS 30 à AS 32 et AS 26 sont retirés.

Article additionnel après l’article 32

Obligation de couverture de l’ensemble des salariés
par un dispositif d’épargne retraite

Puis, la Commission examine les amendements identiques AS 508 rectifié de la Commission des finances et AS 513 rectifié du rapporteur.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ces amendements pourraient être sous-titrés : « Pas de retraite chapeau sans PERCO », puisqu’ils visent à obliger les entreprises, qui souhaitent mettre en place des retraites supplémentaires dites chapeaux pour leurs principaux dirigeants, à mettre également en place un PERCO ainsi que des formes d’épargne retraite collective.

M. le rapporteur. Je tiens à appeler l’attention sur le fait que les retraites chapeaux recouvrent différents types de dispositifs. Certaines sont décidées par les conseils d’administration de grands groupes en faveur de leurs dirigeants ; d’autres concernent notamment 14 000 salariés de la sidérurgie, à la suite de la restructuration de leur secteur : ils bénéficient d’un taux de remplacement de 62 %, dans lequel l’épargne retraite supplémentaire est incluse. Alors que leurs retraites sont déjà liquidées, ils ne comprendraient pas que la taxation de 14 %, prévue par le Gouvernement, puisse s’appliquer à eux.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques, qui permettent d’étendre à toutes les catégories de salariés des avantages dont jusque-là une seule catégorie bénéficiait.

Les amendements AS 508 rectifié et AS 513 rectifié sont adoptés.

Après l’article 32

L’amendement AS 6 n’est pas défendu.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 215 de M. Lionnel Luca.

M. Guy Lefrand. Pour des raisons de justice et d’équité, nous proposons de faire bénéficier les salariés du secteur privé d’un dispositif identique au dispositif PREFON de retraite par capitalisation réservé aux agents de la fonction publique. Les salariés du secteur privé doivent disposer des mêmes droits que ceux du secteur public.

M. le rapporteur. Le plan d’épargne retraite populaire (PERP), mis en place en 2003, répond déjà à cette préoccupation fort légitime.

M. le ministre. L’amendement est satisfait. Les salariés du secteur privé disposent des mêmes droits que ceux du public. Les avantages fiscaux de la PREFON et du PERP sont les mêmes.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le succès prodigieux de la PREFON montre que l’épargne-retraite est très populaire dans la fonction publique.

M. Pascal Terrasse. Le ministre a eu raison de rappeler que le secteur privé bénéficie de mesures identiques à celles dont dispose le secteur public.

En revanche, je suis inquiet des menaces que le régime additionnel de la fonction publique (RAFP) pourrait faire peser sur l’avenir de la PREFON. Pourriez-vous, monsieur le ministre, lors du débat en séance publique, nous informer sur la nature de ce régime complémentaire et le profil de ses adhérents ? Les souscripteurs de la PREFON sont essentiellement des cadres de la fonction publique, mais c’est aussi à eux que s’adresse le régime additionnel.

M. le secrétaire d’État. Comme l’a indiqué M. le ministre, depuis la création du PERP en 2003, le secteur privé bénéficie de dispositions identiques à celles que met en œuvre la PREFON.

Je rappelle que la PREFON n’est pas subventionnée par l’État et qu’il n’est pas obligatoire d’y cotiser. Les avantages dont bénéficient ses assurés étant les mêmes que ceux dont disposent ceux qui cotisent au PERP, les deux dispositifs sont donc équivalents.

Au contraire, la cotisation au régime additionnel est obligatoire. Elle se monte à 5 % pour l’agent et pour l’État employeur, et est plafonnée à 20 % du traitement indiciaire, pourcentage qui correspond à peu près à 70 % de la totalité des primes versées. Toutefois, les chiffres devraient évoluer à l’avenir.

Je vais recevoir dans le courant du mois d’août à la fois le président de la PREFON et, pour la deuxième fois, celui de l’établissement public du régime additionnel. Lors du débat en séance publique, je pourrai donc, monsieur Terrasse, répondre sans difficulté à vos questions.

M. Guy Lefrand. Je retire l’amendement.

L’amendement AS 215 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS 27 de M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. Puisqu’il m’a été demandé de retirer l’ensemble de mes amendements, j’agis de même pour celui-ci. J’espère que lors d’un prochain débat, au moins l’un des amendements élaborés et présentés par cinquante parlementaires pourra être accepté.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le Gouvernement vous a entendu.

L’amendement AS 27 est retiré.

TITRE VI

DISPOSITIONS FINALES

Article 33

Entrée en vigueur

L’article 33 fixe les conditions d’entrée en vigueur du présent projet de loi :

– en l’absence de dispositions spécifiques, les articles 1, 2, 4, 21, 23, 24, 27, 28, 29 et 32 entreront en vigueur dès la promulgation de la loi ;

– les nouvelles dispositions en matière de droit à l’information en matière de retraite prévues à l’article 3 du projet seront applicables à compter du 1er juillet 2011, compte tenu des délais de mise en œuvre indispensables pour les organismes chargés de les mettre en œuvre (I) ;

– les personnes proches aujourd’hui de la retraite ne seront pas touchées par le relèvement des bornes d’âge et des durées de service dans la fonction publique, les dispositions du titre II étant applicables aux pensions liquidées à compter du 1er juillet 2011 (II) ;

– les dispositions de l’article 26 (abaissement de l’âge d’ouverture pour les salariés atteints d’une incapacité permanente résultant d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entraîné des lésions de même nature) seront également applicables aux pensions liquidées à compter du 1er juillet 2011 (II) ;

– les dispositions de l’article 22 (retraite anticipée longue carrière) sont applicables aux demandes de pension déposées à compter du 1er juillet 2011, dans l’intervalle les dispositions actuelles demeurent applicables (III) ;

– l’article 25 (suivi des expositions des salariés aux risques professionnels) s’appliquera aux expositions intervenues à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012, afin de laisser aux employeurs les délais nécessaires pour appliquer ces nouvelles dispositions (IV) ;

– pour les mêmes motifs, les I et II de l’article 31 (pénalité des entreprises n’ayant pas respecté l’obligation d’établir un rapport de situation comparée) seront applicables à compter du 1er janvier 2012 (VI) ;

– enfin, l’article 30 (prise en compte des indemnités journalières maternité pour le calcul de la pension) sera applicable aux congés de maternité débutant à compter du 1er janvier 2012, ce délai étant nécessaire à la mise en place des échanges inter-régimes nécessaires pour que les organismes de retraite aient connaissance du montant des indemnités servies par les régimes d’assurance maternité (V).

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 349 de Mme Marisol Touraine.

M. Régis Juanico. Aux termes de l’article 33, les dispositions de l’article 25, qui est relatif au dossier médical de santé au travail et aux risques auxquels un salarié est exposé, entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier 2012. Aux termes du même article 33, les dispositions de l’article 26, qui accorde aux assurés justifiant d’une incapacité permanente d’au moins 20 % au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail la possibilité d’un départ anticipé à la retraite, entreront en vigueur le 1er juillet 2011.

Par souci de précision, et pour que l’ensemble des expositions tout au long de la carrière professionnelle soient prises en compte, nous souhaitons, par notre amendement AS 349, remplacer à l’article 33 les termes d’expositions « intervenues » par ceux d’expositions « en cours ou prenant effet ».

Par ailleurs, les conditions d’application dans le temps des dispositions relatives au mécanisme d’incapacité physique ne sont pas suffisamment claires. À partir de 2018, l’âge légal de la retraite sera de 62 ans, et, sur justification de l’incapacité physique prévue à l’article 26, le salarié pourra avancer à 60 ans son départ à taux plein. Toutefois, étant donné qu’à partir du 1er janvier 2011, l’âge légal de départ à la retraite sera progressivement retardé d’un ou deux trimestres après l’âge de 60 ans, le salarié atteint d’une incapacité physique permanente qui liquidera sa retraite à 60 ans gagnera non pas deux ans par rapport au régime de droit commun mais seulement un ou deux trimestres. Je souhaiterais donc que l’on me précise les modalités d’application des dispositions de l’article 26 entre le 1er janvier 2011 et 2018 ?

M. le rapporteur. Monsieur Juanico, vous oubliez un élément : la pension de vieillesse des personnes concernées par l’article 26 est calculée aux taux plein, même si celles-ci ne justifient pas de la durée requise d’assurance.

Quant à l’amendement : avis défavorable.

M. le ministre. Les termes « expositions intervenues » sont ceux qui conviennent : nous ne disposons pas aujourd’hui de la capacité d’établir la traçabilité des expositions en cours. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 349.

Elle examine ensuite l’amendement AS 362 de Mme Marisol Touraine.

M. Régis Juanico. Pour assurer la convergence la plus large possible entre les secteurs public et privé, cet amendement vise à étendre à la fonction publique le dispositif de pénibilité donnant aux salariés du secteur privé la possibilité de partir en retraite plus tôt que prévu.

Selon le document établi par notre Rapporteur, « l’ensemble de ces nouvelles dispositions sur le dossier médical au travail s’appliqueront au secteur privé, mais non aux fonctions publique d’État et territoriale En revanche, le nouvel article L. 4624-2 – introduit par l’article 25 – s’applique directement à la fonction publique hospitalière… » Pourquoi ce manque de cohérence ? Les articles 25 et 26 s’appliqueront-ils ou non à l’ensemble des trois fonctions publiques ?

M. le rapporteur. J’éprouve quelque difficulté à comprendre : le texte de l’amendement vise l’article 25, mais l’exposé des motifs fait référence à l’article 26…

M. le secrétaire d’État. La pénibilité s’appréhende de façon radicalement différente dans la fonction publique et dans le secteur privé. Certains métiers de la fonction publique font, en effet, l’objet d’un classement à ce titre. De plus, le dispositif des carrières longues y est bel et bien appliqué : 4 000 agents environ sont concernés. La pénibilité y est ainsi doublement reconnue.

La différence de traitement entre les trois fonctions publiques ne tient qu’à la traçabilité de la pénibilité, différente dans la fonction publique hospitalière.

Enfin, même si, comme je l’ai expliqué hier, les dispositions qui régissent le secteur public évoluent, celui-ci, par son histoire et ses méthodes, obéit à des règles bien établies. C’est plutôt dans le secteur privé qu’il faut désormais rechercher des règles consensuelles.

La Commission rejette l’amendement AS 362.

Puis, elle adopte l’article 33 sans modification.

*

La Commission adopte alors l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

M. le président Pierre Méhaignerie. Voilà longtemps que je suis parlementaire, mais c’est la première fois que je vois soixante à quatre-vingt députés être présents en permanence pendant trois jours de débat en commission. Au terme de l’examen de ce projet de loi, je tiens vraiment, mes chers collègues, à vous en remercier tous chaleureusement.

*

En conséquence, la Commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø Fond de solidarité vieillesse (FSV) – M. Jacques Lenain, directeur

Ø  Confédération française démocratique du travail (CFDT) –M. Jean-Louis Malys, secrétaire confédéral, et M. Yves Canévet, secrétaire confédéral en charge des retraites

Ø  Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe en charge de la protection sociale, et M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral

Ø  Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – M. François Joliclerc, secrétaire national, M. Luc Bérille, secrétaire national, et M. Jean-Louis Besnard, conseiller national chargé des retraites

Ø  Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) – M. Jacques Escourrou, président, et M. Gérard Péllissier, directeur

Ø  Service des Retraites de l'État – M. Jean-Yves Raude, directeur, et M. Philippe Fertier Pottier, sous-directeur, chef du département des retraites et de l'accueil au service des retraites de l'État

Ø  Mutualité sociale agricole (MSA) – M. Gérard Pelhate, président, M. François Gin, directeur général, et M. Denis Nunez, directeur de la protection sociale

Ø  Confédération générale du travail (CGT) – M. Éric Aubin, membre de la direction confédérale, en charge du dossier retraite, M. Gérard Rodriguez, conseiller confédéral, et M. Gilles Oberrierer, en charge des questions retraites sur la fonction publiques

Ø  Fonds de réserve des retraites (FRR) – M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance, et M. Yves Chevalier, membre du directoire

Ø  Conseil d’orientation des retraites (COR) – M. Raphaël Hadas-Lebel, président

Ø  Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Jean Lardin, président, et M. Pierre Burban, secrétaire général

Ø  Union nationale des professions libérales (UNAPL) – M. Christian Guichardon, président de la commission « retraites », et Mme Françoise Devaud, présidente de la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO)

Ø  Comité national des retraites et des personnes âgées (CNRPA) –M. Sylvain Denis, vice-président, et M. Benoît Jayez, membre du bureau

Ø  Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – Mme Geneviève Roy, vice-président chargé des affaires sociales, M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales et Mme Sandrine Bourgogne, adjointe au secrétaire général

Ø Direction de la sécurité sociale – M.  Dominique Libault, directeur, M. Jean-Luc Izard, sous-directeur des retraites et des institutions de protection sociale complémentaire

Ø Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) – M. Jean-François Verdier, directeur général de l’administration et de la fonction publique, et M. Thomas Andrieu, directeur adjoint

Ø Direction générale du travail – M. Combrexelle, directeur général

Ø Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO) –M. Bernard Devy, secrétaire confédéral chargé des retraites, Mme Anne Baltazar, secrétaire générale de la fédération FO des fonctionnaires, M. Gérard Rivière, conseiller technique, et Melle Sandra Tchadjiane, conseiller technique

Ø Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) –M. Gérard Perfettini, directeur

Ø Fédération des associations des veuves chefs de famille (FAVEC) –Mme Christiane Poirier, présidente, et Mme Geneviève Lobier, secrétaire générale

Ø Association générale des institutions de retraite des cadres - Association des régimes de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO) – M. Jean-Jacques Marette, directeur général, M. Gilles Pestre, directeur technique, et M. Pierre Chaperon, directeur délégué de l’ARRCO

Ø Groupement d’intérêt public Info Retraite – M. Jean-Marie Palach, directeur

Ø Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) – M. Jean-François Lequoy, délégué général, M. Gilles Cossic, directeur des assurances de personnes, M. Pierre de Villeneuve, président du comité « vie » et M. Jean-Paul Laborde, conseiller parlementaire

Ø Régime social des indépendants (RSI) – M. Gérard Quévillon, président, M. Dominique Liger, directeur général, et M. Patrick Roy, directeur des retraites

Ø Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) – M. Pierre Mayeur, directeur, Mme Annie Roses, directrice de la retraite et du contentieux, et M. Vincent Poubelle, directeur des statistiques et de la prospective

Ø Fédération syndicale unitaire (FSU) – M. Didier Horus, représentant au sein du COR (SNUIPP)

Ø Confédération française des retraités (CFR) – M. François Bellanger, président, et M. Sylvain Denis, vice-président

Ø Direction du budget – M. Guillaume Gaubert, sous-directeur

Ø Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) –M. Bertrand Martinot, directeur

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Jean-François Pilliard, président de la commission « protection sociale », M. Julien Guez, chef du service « retraites et prévoyance », et M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques

Ø Direction du budget – M. Philippe Jarraud, chef du bureau des retraites et des régimes spéciaux, M. Olivier Meilland, adjoint au chef du bureau

Ø Union nationale des associations familiales (UNAF) – M. François Fondard, président, Mme Christiane Basset, administratrice chargée du pôle « protection sociale », et Mme Claire Ménard, chargée des relations institutionnelles

© Assemblée nationale

1 () Retraites : Perspectives actualisées à moyen et long terme en vue du rendez-vous de 2010, Huitième rapport du Conseil d'orientation des retraites, 14 avril 2010 : http://www.cor-retraites.fr/article368.html

2 () Voir sur ce sujet le rapport établi en 2003 par M. Yves Struillou pour le COR sur la question du lien entre pénibilité et retraite, où M. Struillou expose les transformations de la notion de pénibilité au travail sur une longue et moyenne période.

3 () Pour une analyse détaillée de ces différents enjeux, évoqués de manière synthétique par le présent développement, on se référera à ces rapports, ainsi qu’au rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de la Commission des affaires sociales du Sénat sur le rendez-vous 2010 pour les retraites (mai 2010).

4 () Mais des rapports récents ont essayé, de multiples manières, qui attestent la difficulté de l’exercice, de le faire. La mission d’information de l’Assemblée nationale avait dégagé, en 2008, des éléments de définition (« la pénibilité au travail est le résultat de sollicitations physiques ou psychiques qui, soit en raison de leur nature, soit en raison de la demande sociale, sont excessives en regard de la physiologie humaine et laissent, à ce titre, des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé et l’espérance de vie d’un travailleur »), tout en distinguant dans le même temps différentes catégories de pénibilité (voir les développements approfondis consacrés à la notion de pénibilité, présentés en tome 1 du rapport, en particulier pp 47 à 76). Le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat précité a distingué trois acceptions de la pénibilité : la pénibilité comme « situation de travail qui influe, à plus ou moins longue échéance, sur l’espérance de vie du travailleur et sur sa qualité de vie au grand âge » ; la pénibilité en référence aux « déficiences de santé avec lesquelles vivent certains salariés » ;  la pénibilité qui se rapporte à « la perception qu’ont les intéressés de la pénibilité de leur travail ».

5 () Sur les obligations des entreprises, voir aussi la partie du rapport consacrée à l’emploi des seniors ; s’agissant des accords de branche, ceux-ci prévoient le plus souvent la mise en place d’actions de prévention de la pénibilité pour les seniors, comme l’a montré le bilan de la négociation collective en 2009 établi par les services du ministère du travail.

6 () Cette même loi avait aussi recentré le dispositif des conventions de cessation d’activité de certains travailleurs salariés (CATS) sur les situations de pénibilité.

7 () Voir sur cette question le cinquième rapport du COR dans la fiche qu’il consacre à la question de la pénibilité du travail (novembre 2007).

8 () À la lecture des différentes propositions des parties prenantes à la négociation interprofessionnelle sur la pénibilité, c’est sur cette question de la définition et de l’identification de la pénibilité que les positions ont semblé les plus proches, en dépit d’un certain nombre de nuances. On retrouve ainsi des critères de pénibilité voisins susceptibles d’être identifiés : les contraintes physiques, l’environnement agressif et les rythmes de travail (cf. aussi sur ce point le commentaire de l’article 25).

9 () Le rapport précité de la mission sur la pénibilité au travail de l’Assemblée nationale revient de manière détaillée sur le déroulement des négociations et les raisons de cet échec, à savoir, tout particulièrement, les divergences entre partenaires sociaux sur deux conceptions de la réparation.

10 () Le dictionnaire Robert la définit comme le caractère exactement repérable d’une évolution ou d’une origine.

11 () C’est ce qu’a notamment mis en évidence le rapport sur le bilan de la réforme de la médecine du travail établi conjointement par l’inspection générale de l’éduction nationale et de la recherche et par l’inspection générale des affaires sociales en octobre 2007.

12 () Voir par exemple : « Aptitude et inaptitude médicale au travail : diagnostic et perspectives », rapport de M. Hervé Gosselin au ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes (janvier 2007) ; « L’avenir de la médecine du travail », Avis présenté au nom du Conseil économique et social par M. Christian Dellacherie, 2008.

13 () « Le travail de nuit : impact sur les conditions de travail et de vie des salariés », avis du Conseil économique, social et environnemental sur le rapport présenté par M. François Édouard au nom de la section du travail.

14 () Voir sur ce sujet « La traçabilité des expositions professionnelles », rapport établi par M. Daniel Lejeune au nom de l’inspection générale des affaires sociales, octobre 2008.

15 () L’étude d’impact montre que seules la Pologne et l’Italie connaîtraient un mécanisme de prise en compte de la pénibilité au travail.

16 () La notion de « retraite pour inaptitude » se réfère à un régime spécifique de liquidation des droits à retraite, décrit aux articles L. 351-7 et L. 351-8 du code de la sécurité sociale : elle ne se confond pas avec l’inaptitude entendue au sens du code du travail, constatée par le seul médecin du travail, susceptible d’entraîner une obligation pour l’employeur de reclassement du salarié inapte.

17 () Dès la présentation de la réforme le mercredi 16 juin 2010.

18 () Voir par exemple les déclarations de M. Serge Volkoff, directeur de recherches au Centre d’études de l’emploi, directeur du centre de recherches et d’études sur l’âge et les populations, lors de son audition par la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de la commission des affaires sociales du Sénat sur le rendez-vous 2010 pour les retraites, le mardi 23 mars 2010, à l’occasion de laquelle il a jugé que « la science ne permet pas de définir les seuils à partir desquels la soumission à ces facteurs influe sur l’espérance de vie et la qualité de vie des travailleurs ». Et plus loin : « (…) les outils scientifiques actuels ne permettent pas de déterminer le seuils à partir desquels l’exposition à des facteurs de pénibilité a des conséquences néfastes sur la longévité », même s’il est vrai qu’il existe un continuum, autrement dit que plus certaines expositions sont fortes et longues, plus les risques d’altération de la santé sont importants.

19 () Selon M. Engin Yilmaz, dans une étude consacrée à la pénibilité du travail, « la notion de métier paraît insuffisante, dans le sens où les conditions de travail sont dépendantes de l’entreprise où l’on se trouve, de ses efforts de prévention plus ou moins importants, etc. » (Centre d’études de l’emploi, 2006). Citant M. Serge Volkoff, il ajoute : « l’évaluation la plus équilibrée consisterait donc à reconstituer non seulement la série des métiers réalisés par un individu, avec les durées correspondantes, mais les caractéristiques plus précises des conditions de travail qu’il a vécues ». C’est pourquoi M. Engin Yilmaz préfère, dans son rapport, mettre l’accent sur des « conditions de travail pénibles » plutôt que sur des « métiers pénibles ». Enfin, dans un article consacré au parcours professionnel des éboueurs (2006), M. Serge Volkoff avait mis en évidence, au sein d’une même profession, « un travail à pénibilité variable », selon les villes, selon les époques, selon les tâches effectuées (chauffeurs et non chauffeurs)… et conclu que « « montrer la pénibilité » implique d’intervenir dans des situations réelles de travail » et de « se préoccuper du contexte de l’entreprise ou du secteur ».

20 () Source Eurostat. Sur la question de l’emploi des seniors à l’étranger, se reporter notamment à : « Emploi des seniors : les leçons des pays de réussite », Revue de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), juillet 2008. L’article évoque entre autres la situation de la Finlande, « exemple de mobilisation sociale autour de l’objectif d’emploi des seniors, axée sur la prise de conscience collective de l’importance de l’enjeu social, mettant en œuvre une stratégie de formation permanente et d’amélioration du bien-être au travail » ; sur cet exemple finlandais, voir aussi Anne-Marie Guillemard, « Une nouvelle gestion des âges en réponse au vieillissement de la population » (2005).

21 () Cette situation s’explique en grande partie par la politique massive d’incitation au retrait d’activité, mise en œuvre par les pouvoirs publics au cours des trente dernières années pour lutter contre le chômage, qui s’est notamment traduite par un recours important aux préretraites ou l’abaissement de l’âge de la retraite. Voir sur cette question, par exemple, les analyses de MM. Antoine d’Autume, Jean-Paul Betbèze et Jean-Olivier Hairault, « Les seniors et l’emploi en France », Conseil d’analyse économique, 2005.

22 () Voir aussi pour un aperçu général de la politique menée en faveur de l’emploi des seniors le rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la Commission des affaires sociales du Sénat sur le rendez-vous 2010 pour les retraites (mai 2010).

23 () Les résultats présentés ci-après sont extraits de ce bilan établi par les services de la présidence de la République.

24 () Voir pour un bilan récent détaillé « Emploi et chômage des 50-64 ans en 2009 », Analyses de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l’emploi, juin 2010, n° 39.

25 () Informations contenues dans le dossier de presse du 16 juin 2010.

26 () Son article 14 a notamment prévu que la négociation triennale de branche sur la formation professionnelle portera sur la valorisation de la fonction de tuteur, en particulier les conditions de son exercice par des salariés âgés de plus de 55 ans.

27 () Quatrième rapport du COR, janvier 2007.

28 () Voir par exemple : « Génération 2004, des jeunes pénalisés par la conjoncture », Bref, n° 248, janvier 2008. Les données sur la génération 2007 ne sont pas encore disponibles (étude menée de mars à juin 2010).

29 () À l’article R. 351-12.

30 () Chiffre figurant dans le dossier de presse du 16 juin 2010.

31 () Septième rapport du Conseil d’orientation des retraites p 91.

32 () Pour être précis, il faudrait systématiquement utiliser la notion de « durée d’assurance et de services et bonifications » qui permet de viser précisément la fonction publique dont le vocabulaire juridique est différent. Par souci de simplification rédactionnelle, on utilisera la notion de « durée d’assurance » en considérant qu’elle désigne également la durée de services et bonifications.

33 () La durée minimale de services actifs sera portée de 15 ans à 17 ans par l’article 19 du présent projet.

34 () À condition, naturellement, que sa durée d’assurance soit supérieure à la durée de référence exigée par l’article 5 de la loi du 21 août 2003.

35 () Le cas des magistrats de l’ordre judiciaire fait, par ailleurs, l’objet d’un projet de loi organique distinct du présent projet.

36 () Des deux modalités de calcul de la décote, c’est celle qui aboutit au résultat le plus favorable à l’agent qui est finalement retenue.

37 () Cette loi est également modifiée par l’article 17 du présent projet.

38 () Pour une analyse complète de ce dispositif, votre Rapporteur vous renvoie à l’avis n°2346 fait, au nom de la Commission des affaires sociales, par notre collègue Jacques Domergue.

39 () Aux termes du décret n° 2008-959 du 12 septembre 2008, les militaires commissionnés sont recrutés par contrat pour satisfaire des besoins immédiats des armées ou des formations rattachées, aux fins d’occuper des emplois de spécialistes à caractère scientifique, technique ou pédagogique qui ne sont pas pourvus par les autres modes de recrutement et de formation ou qui font l’objet d’une vacance temporaire. La liste de ces emplois est fixée par arrêté du ministre de la défense (cf. arrêté du 28 novembre 2008).

40 () « Parmi celles jouissant déjà d’un régime spécial le 6 octobre 1945, demeurent provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale, les branches d’activités ou entreprises énumérées par un décret en Conseil d’État.

Des décrets établissent pour chaque branche d’activité ou entreprises mentionnées à l’alinéa précédent une organisation de sécurité sociale dotée de l’ensemble des attributions définies à l’article L. 111-1. Cette organisation peut comporter l’intervention de l’organisation générale de la sécurité sociale pour une partie des prestations ».

41 () Selon l’article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il s’agit des enfants légitimes, naturels ou adoptifs, vivants au moment de la radiation ou, s’ils sont décédés, élevés au moins pendant neuf ans avant leur seizième ou vingtième anniversaire, des enfants naturels, légitimes ou adoptifs du conjoint, des enfants ayant fait l’objet d’une délégation de l’autorité parentale, des enfants placés sous tutelle, des enfants recueillis, à condition d’avoir été élevés au moins pendant neuf ans avant leur seizième ou vingtième anniversaire.

42 () CJCE aff. 366/99 Griesmar du 29 novembre 2001.

43 () Article 136 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.

44 () Article 95 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires.

45 () Retraites : droits familiaux et conjugaux, Conseil d’orientation des retraites, décembre 2008.

46 () L’énumération ainsi présentée a été établie par la direction générale du travail du ministère du travail.

47 () Voir sur cette question « Le dossier médical en santé au travail », Haute Autorité de santé, janvier 2009.

48 () Comme le note la Haute Autorité de santé, « la traçabilité des expositions doit constituer une priorité. Les dispositifs existants ne permettent pas aux médecins de connaître les informations pertinentes concernant les expositions aux risques d’un travailleur et les données médicales. En effet, le suivi des travailleurs manque de continuité (…). Or, l’évaluation du cumul des doses reçues de certains produits est fondamentale pour évaluer le risque d’exposition à venir et se prononcer sur le caractère professionnel de certaines pathologies ».

49 () Dans le rapport précité, la Haute Autorité de santé fait part d’une étude menée en 2000 dans une entreprise donnée, qui a montré par exemple que, concernant les renseignements relatifs à l’exposition à l’amiante, la nature de l’exposition à l’amiante était manquante dans 31,1 % des cas, les dates de début et fin d’exposition dans 33,3 % des cas.

50 () En particulier lors de la séance du 2 octobre 2007 relative à l’examen des dispositions réglementaires de la partie IV du code du travail.

51 () Par exemple, la jurisprudence a considéré que, couvert par le secret médical qui s’impose au médecin du travail, le dossier médical d’un salarié ne peut en aucun cas être communiqué à l’employeur ; ce dernier ne saurait, dès lors, se voir reproché une absence de transmission d’informations tirées de ce document (Cassation sociale, 10 juillet 2002).

52 () Voir par exemple : « Le dossier médical du travail », M. C. Gayet, Documents pour le médecin du travail, 2006. Pour le conseil national, le dossier médical du travail est constitué de ce qu’il a défini comme étant les éléments « objectifs » (symptômes constatés, résultats des examens complémentaires) et les éléments « subjectifs » (confidences du salarié, appréciations personnelles du médecin du travail).

53 () Elles sont soumises en cette matière aux dispositions spécifiques des décrets n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique, et n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale.

54 () R. Garnier, « De la surveillance des expositions à la surveillance médicale : les liens entre ces surveillances, leurs intérêts individuels et collectifs », Congrès national de médecine et de santé au travail, Lyon, 2006.

55 () Voir sur cette question l’étude réalisée par M. Engin Yilmaz pour le Centre d’études pour l’emploi (CEE) en 2006, « Pénibilité du travail, évaluation statistique ».

56 () À titre purement indicatif, les services du ministère du travail ont fait part des hypothèses de travail provisoires suivantes : le décret pourrait « s’appuyer, au moins en partie, sur le projet d’accord de juillet 2008 des partenaires sociaux portant sur l’amélioration des conditions de travail et sur la réduction de la pénibilité du travail ». Ils ont rappelé, à titre illustratif et non exhaustif, les éléments suivants, évoqués lors des négociations :

« – pour les contraintes physiques marquées : port de charges lourdes, c’est-à-dire manutention manuelle, répétitive, pendant plus de 20 heures par semaine, de charges de plus de 55 kg pour les hommes, sachant que pour les femmes le port de charges lourdes d’un poids supérieur à 25 kg est interdit ; postures pénibles, tenues par les travailleurs plus de 20 heures par semaine (position forcée des articulations ; maintien des bras en l’air) ; vibrations ;

– pour l’environnement agressif : produits toxiques ie contact quotidien, effectif et répété avec des agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) de classe 1 et/ou avec des poussières et fumées au sens de l’article R. 4422-10 ; températures extrêmes ie supérieures à 30°C ou inférieures à -10°C pendant plus de 20 heures par semaine ; bruits intenses ; milieu hyperbare ie atmosphère où la pression est supérieure à 0,1 bar par rapport à la pression ambiante ;

– pour les rythmes de travail : travail de nuit ie salariés qui travaillent plus de 200 nuits par an au sens du travail de nuit tel que défini par la loi ou les accords collectifs qui leur sont applicables ; horaires alternants ie salariés qui ont travaillé au moins 15 ans en équipes successives alternantes ; travail répétitif pendant plus de 20 heures par semaine à une cadence élevée, imposée ou non par le déplacement automatique d’une pièce, avec un temps de cycle de moins de 1 minute ».

57 () Ces dernières ne représentent toutefois qu’une part marginale de l’ensemble des maladies professionnelles reconnues chaque année (5 % environ).

58 () Au total, les troubles musculo-squelettiques représentent même 81,2 % des maladies professionnelles indemnisées (si on ajoute aux affections articulaires les affections provoquées par les chocs transmis par certaines machines – tableau 69 –, les lésions du ménisque – tableau 79 – et les affections du rachis lombaire – tableaux 97 et 98 – chiffres 2008). Les maladies dites « en premier règlement » sont celles qui sont décomptées au titre de l’année pour laquelle elles entraînent pour la première fois des prestations d’arrêt de travail.

59 () Présentation de la réforme le 16 juin 2010.

60 () On rappelle qu’outre la prise en charge des divers frais médicaux et du versement des indemnités journalières pendant la période d’incapacité temporaire, si la victime est atteinte d’une incapacité permanente de travail au moins égale à 10 %, elle peut prétendre à l’attribution d’une rente, qui peut être partiellement convertie en capital.

61 () Voir sur cette question le rapport de juillet 2008 établi par la commission instituée par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale, chargée d’évaluer les montants financiers concernés. Depuis 1997, la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles effectue, chaque année, un reversement à la branche maladie pour compenser ces sommes indûment mises à sa charge.

62 () Soit les 9 comités techniques nationaux qui correspondent aux principales branches d’activités professionnelles dans lesquelles sont réparties les différents codes risques pour le calcul des taux collectif.

63 () « Les durées d’assurance validées par les actifs pour leur retraite », Études et résultats, DREES, mai 2009.

64 () Voir le rapport d’information sur les femmes et leur retraite déposé par Mme Claude Greff au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale.

65 () Rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes établi par Mme Brigitte Grésy, membre de l’Inspection générale des affaires sociales, juillet 2009.

66 () « Emploi et chômage des 50-64 ans en 2008 », Premières informations et premières synthèses de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, septembre 2009.

67 () En octobre 2007, soit après une année d’application, une vingtaine de contrats avaient été signé (Les Échos, lundi 10 septembre 2007, sur la base d’un bilan établi par le ministère du travail).