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N° 3280

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 juillet 2020

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DENQUÊTE chargée
dévaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener
contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles

 

 

TOME I
RAPPORT

 

Président

M. Philippe NAILLET

 

Rapporteure

Mme Ramlati ALI

 

Députés

 

——

 

 

 

 

 

 Voir les numéros : 2269 et 2445.

 

 

 

La commission d’enquête chargée d’évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles est composée de :

– Mme Ericka Bareigts (jusquau 13 juillet 2020), puis M. Philippe Naillet, président ;

– Mme Ramlati Ali, rapporteure ;

– Mme Marine Brenier, M. Paul Christophe, M. Loïc Dombreval, Mme Sereine Mauborgne, vice-présidents ;

– M. Max Mathiasin, Mme Bérengère Poletti, Mme Valérie Thomas, Mme Élisabeth Toutut-Picard, secrétaires ;

– Mme Stéphanie Atger, Mme Delphine Bagarry (jusquau 5 mars 2020), Mme Annie Chapelier, M. Alain David, M. Marc Delatte, Mme Jeanine Dubié, Mme Françoise Dumas, M. Raphaël Gérard, M. Didier Martin, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, M. Philippe Michel-Kleisbauer, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Frédéric Reiss, M. Cédric Roussel (à compter du 12 mars 2020), M. Benoit Simian, M. Jean-Louis Touraine, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner (jusquau 8 mai 2020).

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Liste des propositions de la rapporteure

I. DÉsormais prÉsents sur tous les continents, les moustiques Aedes vont reprÉsenter un risque sanitaire majeur sur lensemble du territoire français lors des prochaines dÉcennies

A. Les moustiques AEDES sont en voie de coloniser une part croissante de la planÈte et lensemble des territoires français

1. Aedes aegypti, une espèce répandue sur lensemble de la zone intertropicale avec la première mondialisation

2. Aedes albopictus, une espèce exceptionnellement adaptable à toutes les conditions climatiques et devenue invasive avec le développement du commerce international

3. Dautres espèces de moustiques vecteurs menacent les territoires français

a. Les anophèles, vecteur du paludisme

b. Les autres espèces dAedes

B. FlÉau sanitaire chronique dans lOutre-mer, les arboviroses sont rÉcemment rÉapparues dans lhexagone

1. Une multiplication récente des épidémies darboviroses, provoquées par la présence endémique de virus connus mais également par lémergence de maladies nouvelles

a. Le paludisme, une réalité toujours présente

b. La dengue, une maladie touchant de plus en plus souvent les Outre-mer

c. Le chikungunya, une nouvelle maladie émergente avec des complications chroniques

d. Le Zika, dernier arbovirus ayant émergé

e. Le virus du Nil occidental ou West Nile, un pathogène animal pouvant toucher lHomme

2. Des épidémies de plus en plus virulentes dans les Outre-mer

a. Des épidémies ayant touché récemment tous les territoires ultramarins

b. Trois épisodes épidémiques récents ayant touché les Outre-mer

i. Le chikungunya à Mayotte et à La Réunion en 2005-2006

ii. La dengue, endémique à Mayotte et à La Réunion

iii. La pandémie de Zika dans locéan Pacifique et les départements français dAmérique de 2014 à 2016

3. Dans lHexagone, une apparition de cas autochtones depuis 2003

a. Les cas autochtones, signes de foyers épidémiques potentiels

b. La potentielle émergence de nouvelles arboviroses sur le territoire national : lexemple du virus Usutu

4. Lensemble du territoire français est désormais considéré comme à risque

II. Limiter les risques ÉpidÉmiques nÉcessite de repenser la politique de prÉvention, en la fondant sur linformation et la mobilisation sociale contre la propagation des vecteurs

A. La mobilisation sociale, meilleure arme contre le moustique tigre

1. En labsence déradication envisageable, il nous faut apprendre à vivre avec les moustiques Aedes

2. La lutte biocide présente de sérieuses limites

a. Les produits biocides sont dun emploi difficile contre les Aedes

i. La deltaméthrine, seule molécule véritablement utilisée en lutte anti-vectorielle…

ii. …malgré des limites importantes

iii. Les obstacles à une diversification des substances

b. Lutilisation de produits insecticides présente des risques spécifiques

i. Des risques environnementaux

ii. Une moindre acceptabilité sociale

3. La mobilisation sociale demeure la méthode la plus efficace à ce jour

B. La prioritÉ : dÉfinir un plan national de lutte contre les vecteurs fondÉ sur la mobilisation sociale contre les gîtes larvaires

1. Faire de lengagement des citoyens la priorité des actions de lutte anti-vectorielle

a. Accompagner les gestes de protection individuelle

b. Encourager la mobilisation individuelle

c. Réserver lusage de biocides à la stricte nécessité sanitaire

d. Associer la population à la surveillance

2. Profiter de la refonte du cadre légal pour définir une stratégie cohérente de prévention au niveau national, déclinée au niveau régional

a. Une stratégie encore trop axée sur la réaction épidémique

b. Définir une stratégie de prévention cohérente au niveau national…

c. … en la déclinant au niveau régional

3. Confier une mission dexemplarité aux organismes publics

4. Renforcer et affiner les actions de communication

a. Graduer le discours de mobilisation sociale selon la situation de chaque territoire, entre nuisance et risque sanitaire

i. Insister sur la nuisance dans les territoires pas encore touchés par les maladies vectorielles

ii. Adapter la communication au niveau de perception du risque dans les territoires déjà affectés

iii. Mieux impliquer les citoyens dans la préservation de leur propre santé

iv. Lutter contre le relâchement en période inter-épidémique

b. Utiliser un langage adapté à chaque territoire, en sappuyant sur des relais locaux (personnalités dinfluence, associations, volontaires)

c. Impliquer lécole pour faire des élèves daujourdhui les acteurs de la lutte anti-vectorielle aujourdhui et demain

d. Bien informer la population et les collectivités des spécificités des moustiques Aedes et des méthodes de lutte

5. Intégrer le risque vectoriel aux politiques durbanisme dans les territoires déjà colonisés comme dans les régions épargnées

a. Inscrire le principe que la construction et le bâtiment doivent prendre en compte la santé des habitants

i. Des ouvrages propices aux gîtes larvaires

ii. La nécessité dun respect des normes davantage que celle de leur révision

b. Former les professionnels (architectes, paysagistes, ingénieurs, maîtres douvrage, gérant des espaces verts)

c. Favoriser un travail de concert entre le secteur public et le secteur privé, à limage des actions menées dans la filière pneumatique

III. Fruit dun enchevÊtrement dobjectifs et dacteurs au fil des dÉcennies, le cadre institutionnel de la lutte anti-vectorielle doit Être remis À plat

A. Un cadre rÉglementaire devenu illisible du fait dobjectifs multiples et doutils inadaptÉs

1. LÉtat détient historiquement la compétence en matière de lutte anti-vectorielle, dans lHexagone comme dans lOutre-mer, au titre de ses missions de santé publique

2. Poursuivant un objectif de développement touristique, la loi du 16 décembre 1964 a fait du département le chef de file de la démoustication en métropole

3. La loi de décentralisation de 2004 a confié aux départements la compétence de lutte anti-vectorielle, selon des dispositions sibyllines qui demeurent mal appliquées

a. Des dispositions nouvelles pour faire face à larrivée du moustique tigre dans lHexagone

b. Des dispositions dapplication difficile, autant dans les objectifs de la lutte que dans la répartition des compétences

4. Les larges pouvoirs de police du maire sont obérés dans la pratique par des moyens techniques limités

B. La rÉforme engagÉe en 2019 na pas permis daboutir À une architecture cohÉrente

1. Le décret du 29 mars 2019 confie la compétence de surveillance et de lutte anti-vectorielle aux agences régionales de santé, mais laisse plusieurs questions en suspens

2. La proposition de loi relative à la sécurité sanitaire apporte une première réponse à la remise en ordre juridique de la lutte anti-vectorielle

C. Clarifier les responsabilitÉs pour engager tous les pouvoirs publics dans la lutte contre les vecteurs

1. Faire de lagence régionale de santé le chef dorchestre de la lutte anti-vectorielle, en lui confiant la surveillance entomologique, le traitement préventif et le traitement en cas de foyer épidémique

a. La lutte contre les vecteurs est au cœur des missions de santé publique des ARS

b. Veiller au positionnement stratégique de lARS

2. Maintenir la compétence exclusive des départements et de leurs opérateurs pour la lutte de confort

3. Concevoir localement un exercice adapté des missions de lutte sanitaire et de confort, garantissant le maintien des compétences existantes

a. Éviter de confier la lutte anti-vectorielle à des opérateurs pouvant privilégier le traitement à court terme sur ses effets à long terme

b. Maintenir les compétences existantes en matière de connaissances entomologiques et dintervention à léchelle locale

c. Favoriser la mutualisation des missions au profit dopérateurs assurant à la fois lutte de confort et lutte anti-vectorielle

4. Mieux impliquer les communes dans le dispositif de surveillance et dintervention

D. DÉployer le nouveau schÉma dans lOutre-mer, en mobilisant pleinement les collectivitÉs

1. Des organisations spécifiques en Outre-mer, fruit dune nécessité ancienne de lutte contre les maladies vectorielles

2. Renforcer la coopération entre agences régionales de santé et collectivités territoriales en Outre-mer

IV. La rationalisation des dispositifS DE SURVEILLANCE ET de lutte contre les foyers ÉPIDÉmiques est À poursuivre

A. Consolider le dispositif de surveillance ÉPIDÉmiologique

1. Améliorer et compléter la capacité de réaction aux situations épidémiques

a. Renforcer les capacités de détection des maladies vectorielles

b. Achever la modernisation du dispositif de déclaration des maladies à déclaration obligatoire

c. Achever dinscrire le virus du Nil occidental (West Nile) parmi les maladies à déclaration obligatoire

2. Mieux former les professionnels de santé à la détection et au traitement des formes chroniques de chikungunya et de Zika

a. Chikungunya : des formes chroniques avérées mais insuffisamment prises en charge

3. Sappuyer sur un réseau de laboratoires mis à niveau pour détecter toutes les arboviroses

4. Renforcer la capacité danticipation par la coopération régionale

a. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), acteur européen de la surveillance

b. Les réseaux de surveillance régionale dans lOutre-mer, un point à renforcer

B. Mieux lutter contre les ÉPIDÉmies avÉRÉes

1. Préparer et mobiliser les moyens nécessaires à la lutte contre les épidémies vectorielles relève dorénavant du dispositif Orsec

2. Se préparer aux prochaines épidémies de paludisme en disposant de stocks de moustiquaires imprégnées

3. Impliquer les ressources du service de santé des armées au plus près du terrain

4. Utiliser les retours dexpérience pour améliorer les dispositifs de lutte contre les épidémies Outre-mer

V. Porteuse dinnovations prometteuses, la recherche scientifique en matiÈre de lutte contre les vecteurs et les arboviroses requiert un cadre et des moyens pÉrennes

A. Des pÔles de recherche qui existent mais qui ne bÉNÉficient pas toujours dun financement et doutils adaptéNT

1. Une recherche structurée récemment

2. Un financement qui reste souvent réactif face aux évènements épidémiques

3. Construire une meilleure visibilité en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses pour attirer davantage de financements internationaux

4. Un focus à développer sur les virus endémiques dans lOutre-mer et sur les perspectives vaccinales

5. Un manque de filières de formation et de recherche en taxonomie, entomologie médicale et en impact sociologique des arboviroses

a. Au sein des facultés de sciences, un manque de formation et de recherche en taxonomie et en entomologie médicale

b. Mieux appréhender les aspects sociaux des problématiques liés à la présence du moustique tigre et à la lutte anti-vectorielle

B. AmÉliorer les connaissances et diversifier les outils pour lutter contre les vecteurs

1. Permettre une meilleure articulation entre le financement de la recherche fondamentale et celui de la recherche appliquée

2. Les effets des moyens actuels de lutte anti-vectorielle déployés sont peu évalués sur le terrain

3. Développer de nouveaux outils pour doter les décideurs dune palette adaptée de méthodes de lutte, notamment en cas de développement de bio-résistances

4. Utiliser de nouvelles solutions technologiques pour orienter et contrôler lutilisation des techniques de lutte anti-vectorielle

5. Lexpérimentation des nouvelles techniques de lutte contre les vecteurs doit être encouragée, avec une attention particulière pour lévaluation de leurs effets et de leurs conséquences sur les équilibres environnementaux

a. La technique dite de linsecte stérile (TIS)

b. La méthode RIDL (Release of Insects carrying Dominant Lethals) ou le mâle transgénique stérilisant

c. La technique de linsecte incompatible (TII) porteur de la bactérie Wolbachia

d. La technique dite du forçage génétique

e. Un cadre juridique demploi de ces techniques à préciser

f. Des techniques dont les avantages et les inconvénients ne sont pas encore parfaitement connus

C. DÉcloisonner la recherche en favorisant une approche transdisciplinaire et anticipatrice

1. Lexpérience du CNEV montre que larticulation entre animation de la recherche, expertise et pilotage des actions de lutte anti-vectorielle doit être mieux pensée

2. La nécessité dune expertise publique indépendante pour fonder les décisions publiques : le rôle du groupe de travail Vecteurs de lANSES, un outil à pérenniser

3. La nécessité parallèle dun forum danimation de la recherche interdisciplinaire impliquant les Outre-mer : une alliance Vecteurs et arboviroses

Examen du rapport

Annexes

Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnÉes

Annexe n° 2 : Liste des contributions écrites reçues

Annexe n° 3 : Liste des personnes rencontrées  par une délégation de la commission denquête  le 18 juin 2020 à lInstitut Pasteur de Paris


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   Introduction

« Les moustiques viennent de la nuit des temps (250 millions dannées), mais ils ne sattardent pas (durée de vie moyenne : 30 jours). Nombreux (3 564 espèces), volontiers dangereux (plus de 700 000 morts humaines chaque année), ils sont répandus sur les cinq continents » ([1]).

Les moustiques ont longtemps été considérés avant tout comme une source de nuisance personnelle. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la science médicale détermine que certaines espèces constituent les vecteurs de transmission de nombreuses maladies infectieuses. Depuis cette date, ils sont passés d’un objet d’études entomologiques à un enjeu sanitaire. Mais comme le montre avec brio Erik Orsenna dans son étude et journal de bord, les moustiques, et en particulier les moustiques Aedes, sont désormais un objet géopolitique. Son ouvrage pourrait servir de premier volume au présent rapport d’enquête, les récits de ses voyages et de ses rencontres complétant utilement les travaux de la commission, que les circonstances ont contrainte à l’immobilité.

Les Aedes ne sont qu’un des genres de moustiques (Culicidae) regroupant 263 espèces. Mais ils ont conquis la planète en accompagnant les déplacements des hommes. En entrant en contact avec eux dans les forêts tropicales qui sont leur habitat original, en les suivant dans leurs déplacements, ils sont devenus anthropophiles, c’est-à-dire qu’ils se sont adaptés à vivre dans les zones urbaines où se concentrent les êtres humains, se reproduisant dans les réservoirs d’eau qu’ils créent et se nourrissant de leur sang. Leur prolifération n’est donc pas due à une évolution naturelle, mais de leur adaptation à un milieu anthropisé où, par ses aménagements, volontaires ou fruits de négligences, et la concentration de sa population, l’Homme leur fournit, en quelque sorte, le gîte et le couvert.

Depuis lors, certaines espèces de moustiques Aedes utilisent les moyens de transport mis en place par les humains pour conquérir la planète. Aedes Aegypti a profité de la première mondialisation en voyageant d’Afrique aux Amériques et en Asie dans les cales et les réserves d’eau des navires esclavagistes, amenant avec lui la fièvre jaune. Ces quarante dernières années, à partir de l’Asie du Sud-Est, les larves d’Aedes Albopictus se sont répandues autour du globe, en empruntant les pneumatiques usagés ou les plants de « bambou de la chance » (lucky bamboo) comme réservoirs, permettant à ses œufs de survivre pendant plusieurs mois. On le retrouve souvent en premier lieu sur les étapes des grands axes de communication, ports, aéroports, stations d’autoroute, à partir desquels il colonise les espaces urbanisés.

Les maladies vectorielles que le moustique Aedes emporte avec lui, c’est-à-dire les pathologies causées par un agent parasite véhiculé et inoculé ou déposé par un vecteur vivant, ont longtemps été qualifiées de maladies tropicales ; il faudrait désormais les qualifier de maladies globales. Ces maladies vectorielles – ou « arboviroses » comme les scientifiques nomment ces maladies regroupées selon leur mode de transmission et non selon leur agent pathogène – sont essentiellement des infections causées par des virus : « Ce terme regroupe en fait un ensemble assez vaste de virus qui ont une aptitude particulière : celle dinfecter en alternance un hôte vertébré, souvent un primate ou un oiseau, et un hôte invertébré quon appelle un vecteur, qui peut être un moustique bien sûr, mais aussi une tique ou dautres insectes hématophages » ([2]).

Les principales maladies humaines à transmission vectorielle sont le paludisme, la dengue, la filariose lymphatique, la schistosomiase, le chikungunya, l’onchocercose, la maladie de Chagas, la leishmaniose, la maladie à virus Zika, la fièvre jaune et l’encéphalite japonaise. D’autres maladies à transmission vectorielle, comme la trypanosomiase humaine africaine, la maladie de Lyme, l’encéphalite à tiques et la fièvre à virus West Nile, ont une importance plus locale touchant certaines zones ou populations bien spécifiques.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, les principales maladies à transmission vectorielle représentent environ 17 % de la charge mondiale estimée des maladies transmissibles et sont responsables de plus de 700 000 décès annuels. Les zones tropicales et subtropicales sont les plus touchées. Plus de 80 % de la population mondiale vit dans des zones où il existe un risque de contracter l’une des principales maladies à transmission vectorielle, et plus de la moitié est exposée au risque de contracter au moins deux de ces maladies. En 2013, le coût mondial agrégé de la dengue a été estimé à 8,9 milliards de dollars ([3]).

Les espèces vectrices sont diverses : il s’agit souvent d’un arthropode comme un acarien, d’un insecte, essentiellement diptères, brachycères ou nématocères, ou plus rarement d’un invertébré piqueur ou suceur de type sangsue chez les animaux. Chez les végétaux, les pucerons ou autres suceurs de sève peuvent être vecteurs de maladies.

Comme le rappelle Erik Orsenna, les vecteurs et la transmission des maladies vectorielles forment un cycle avec trois acteurs :

– le moustique femelle, qui nécessite un repas de sang pour acquérir les protéines nécessaires au développement de ses œufs et à sa reproduction ;

– l’humain, qu’il pique pour s’alimenter ;

– le parasite, souvent un virus, que le moustique contracte, qui se développe dans son système digestif et salivaire et peut ensuite être transmis à un autre humain lors d’un repas sanguin.

L’objet de la commission d’enquête nous a conduit à nous concentrer sur les moustiques Aedes albopictus et Aedes Aegypti et les principales maladies qu’ils transmettent – la dengue, le chikungunya, le Zika, le West Nile – mais également à l’occasion sur le paludisme transmis par les moustiques Culex, laissant à d’autres travaux en cours la tâche de se concentrer sur les maladies transmises par les tiques comme la maladie de Lyme ou la fièvre Congo-Crimée.

*

Problème global, les moustiques Aedes et leur prolifération représentent donc un enjeu de santé publique, notamment dans les territoires ultramarins de l’océan Indien, de la Caraïbe et de l’océan Pacifique, confrontés à des épidémies de plus en plus fréquentes de dengue, de chikungunya et de Zika propagées par les Aedes.

Mais la colonisation en cours du territoire métropolitain par le moustique tigre Aedes albopictus en fait dorénavant un problème sanitaire au niveau national. En 2019, pendant la période de surveillance renforcée du 1er mai au 29 novembre 2019, Santé publique France a recensé 657 cas importés de dengue, dont 14 % des cas liés à un séjour sur l’île de la Réunion, 56 cas importés de chikungunya, 6 cas importés de Zika, 9 cas autochtones de dengue et 3 cas autochtones de Zika ([4]).

Si pendant cinquante ans le territoire métropolitain a vécu à l’abri des maladies transmises par les moustiques, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Il faudra apprendre à vivre avec eux, en limitant au mieux leur impact sur la santé des Français.

*

Les travaux de la commission d’enquête ont cependant été perturbés par une autre épidémie.

Les auditions prévues ont dû s’interrompre pendant la période du confinement. Une session d’auditions, consacrée à la prise en compte du risque vectoriel dans différents secteurs d’activité, a été annulée et remplacée par une interrogation des parties prenantes sous forme de questionnaires. Les déplacements envisagés ont également dû être annulés : l’Institut Pasteur de Paris a toutefois bien voulu nous accueillir pour présenter ses recherches en cours et à venir.

Prenant acte de ce contretemps, l’article 22 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a porté de six à huit mois la durée maximale des commissions d’enquête en cours.

Au total, la commission d’enquête aura pu réaliser 28 auditions et entendre près de soixante personnes, chercheurs en entomologie, biologie, médecine, sciences sociales, gestionnaires de structures de lutte anti-vectorielle, responsables de la santé publique nationaux et régionaux, dans les territoires ultramarins et métropolitains affectés.

Si elle n’a pas pu effectuer de visite, dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place et de droit à communication de tout document, prévus par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la rapporteure a cependant obtenu communication des rapports inédits de trois missions distinctes conduites par l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale de l’administration, rendus respectivement en décembre 2015, avril 2016 et octobre 2019 sur des sujets entrant dans le champ de la présente commission d’enquête. Elle regrette que le fruit de ces excellents travaux n’ait pas été publié en amont des auditions de la présente commission d’enquête.

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Les conséquences de la prolifération du moustique tigre et ses conséquences en termes d’épidémies n’étaient cependant pas inconnues du législateur et du Parlement.

En 2006, M. Bertho Audifax avait rendu un rapport d’information sur l’épidémie de chikungunya à La Réunion et à Mayotte ([5]).

Plus récemment en janvier et février 2020, le Sénat a examiné la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire ([6]) présentée par M. Michel Amiel et les membres du groupe La République en Marche du Sénat, qui a entrepris de moderniser le droit applicable à la lutte contre les vecteurs.

À l’initiative de Mme Erika Bareigts, la commission des Affaires sociales a réalisé en juillet 2019 une série d’auditions portant évaluation des mesures à mettre en œuvre pour éviter toute nouvelle épidémie de maladie vectorielle transmise par les moustiques ([7]).

Avant d’être nommé au Gouvernement, M. Olivier Véran, accompagné par les membres du groupe la République en Marche de l’Assemblée nationale, avait déposé une proposition de loi visant à prévenir des maladies vectorielles transmises par les insectes ([8]).

Aussi, lorsque Mme Ericka Bareigts a défendu en séance publique la proposition de résolution créant la présente commission d’enquête le 12 décembre dernier, les débats ont montré que les députés avaient conscience que la prolifération des moustiques Aedes est désormais plus qu’un simple désagrément estival.

En 1964, le législateur avait adopté une loi ([9]) pour lutter contre la prolifération des moustiques notamment pour permettre le développement touristique des espaces littoraux jouxtant des zones humides, en confiant le pilotage de cette politique aux départements. Depuis lors, l’enjeu sanitaire a progressivement recouvert l’enjeu en termes d’agrément, sans que les outils juridiques n’aient vraiment été adaptés à ce changement de priorités.

Par ailleurs, les actions menées sur le terrain pour lutter contre les moustiques manquent d’évaluation pour juger de leur efficacité.

Le décret n° 2019-258 du 29 mars 2019 relatif à la prévention des maladies vectorielles a entrepris une salutaire remise à plat, en faisant de la surveillance et de la lutte contre les moustiques vecteurs une politique nationale menée par l’État par l’intermédiaire des agences régionales de santé. Cependant, faute d’avoir articulé cette recentralisation avec les compétences des départements et des maires issus des textes précédents, cette réforme est restée au milieu du gué.

Les auditions de la commission d’enquête ont montré que le Gouvernement et le Parlement ont pris conscience des enjeux. Il importe à présent de refonder une politique nationale de lutte anti-vectorielle, pilotée par l’État mais déclinée au niveau local en fonction de la diversité des territoires, avec une attention redoublée pour le contexte et les difficultés spécifiques rencontrées dans les territoires ultramarins.

Son premier volet doit être celui de refonder une politique de prévention : grâce à une information et une mobilisation sociale repensées, le citoyen doit être le premier acteur de la lutte contre les moustiques et ainsi acteur de sa propre santé. Il n’est pas possible que l’information délivrée par les médias sur le moustique tigre provienne, dans une grande partie, du dossier de presse annuel d’un fabriquant d’insecticides.

Dans un second temps, il faut que la protection primaire contre le risque moustiques – et donc l’absence de gîtes larvaires où les moustiques Aedes peuvent se reproduire – irrigue l’ensemble des politiques publiques, notamment en matière d’urbanisme, de construction, de transports.

Enfin dans un troisième temps, il faut articuler les interventions des différents acteurs publics : des maires, détenteurs des pouvoirs de police et seuls à même d’être vigilants au plus près du terrain, aux départements, en charge de la lutte de confort, ainsi qu’aux agences régionales de santé en charge de la lutte anti-vectorielle, aux préfets en charge de la mobilisation des moyens en cas d’épidémies et aux agences chargées de piloter cette politique.

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Pour que cette politique se développe, il faut lui donner des outils. La lutte chimique dispose de moins en moins de solutions ; l’utilisation d’un nombre limité de produits ne peut que conduire à développer des résistances. La recherche fondamentale et appliquée travaille à de nouvelles approches dans la lutte contre les moustiques et contre les maladies vectorielles : il importe que ces projets de recherche soient soutenus de manière plus importante, notamment pour que les décideurs disposent d’une palette d’outils plus vaste.

Il faut également veiller à informer les populations sur les potentialités et les risques de ces techniques, afin de favoriser l’engagement personnel et l’acceptabilité des moyens de lutte.

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Lutter contre la prolifération des moustiques nécessite ainsi de mobiliser les énergies et les compétences autour du premier acteur de sa santé, le citoyen.

Répandus sur tous les continents, les moustiques Aedes vont représenter un risque sanitaire majeur sur l’ensemble du territoire français lors des prochaines décennies (I). Limiter les risques épidémiques nécessite de repenser une politique de prévention reposant sur l’information et la mobilisation sociale contre la propagation des vecteurs et la prolifération des maladies qu’ils induisent (II). Fruit d’un enchevêtrement d’objectifs et d’acteurs au fil des décennies, le cadre institutionnel de la lutte anti-vectorielle doit être remis à plat (III) et le dispositif de lutte contre les foyers épidémiques pourrait être revu (IV). Porteuse d’innovations prometteuses, la recherche scientifique en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses requiert un cadre et des moyens pérennes (V).

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   Liste des propositions de la rapporteure

Proposition n° 1 : Informer le public en continu des techniques de lutte anti-vectorielle mises en œuvre au niveau local, en privilégiant les actions de terrain.

Proposition n° 2 : Réserver lusage dinsecticides aux seuls traitements localisés autour de cas humains confirmés, en complément dune intervention contre les gîtes larvaires dans le voisinage des personnes infectées, à lexclusion de tout usage en lutte de confort.

Proposition n° 3 : Mettre en place dans les régions et territoires affectés un plan régional de prévention contre le développement des gites larvaires, avec des objectifs à cinq ans et une évaluation du résultat des actions menées.

Proposition n° 4 : En complément du site signalement-moustique.fr, développer un plan de communication, un site Internet et des supports explicatifs permettant aux citoyens de faire remonter les informations nécessaires à la détection de la prolifération et aux traitement des gites larvaires.

Proposition n° 5 : En partenariat avec l’Éducation nationale, l’agence régionale de santé et les relais locaux, mettre en place un dispositif d’éducation à la connaissance et à la lutte contre le moustique dans les écoles, adapté au contexte local.

Proposition n° 6 : En partenariat avec lÉducation nationale, lagence régionale de santé et les relais et médias locaux, organiser annuellement une journée de sensibilisation et de connaissance, au moment propice en fonction du cycle de vie du moustique dans le territoire concerné.

Proposition n° 7 : Mettre en place un réseau, animé par l’agence régionale de santé, mobilisant élus, référents municipaux, organismes de démoustication, associations et personnalités d’influence autour d’actions de formation et de sensibilisation à la lutte anti-larvaire.

Proposition n° 8 : Fournir aux maires, services municipaux et référents locaux un guide sur les actions quils peuvent mener pour lutter contre les moustiques Aedes.

Proposition n° 9 : Confier l’intégralité de la compétence de surveillance et de lutte anti-vectorielle aux agences régionales de santé, comportant la surveillance entomologique, la prévention par la formation et l’information, ainsi que les traitements préventifs et curatifs contre les moustiques Aedes.

Proposition n° 10 : Consolider le positionnement stratégique des agences régionales de santé dans le pilotage de la lutte-anti-vectorielle, par la délégation la plus large possible des mesures de lutte à des opérateurs existants sur le terrain.

Proposition n° 11 : Donner aux agents des organismes délégués par l’agence régionale de santé le pouvoir de pénétrer dans les propriétés privées, même habitées, pour procéder aux actions anti-vectorielles ordonnées par l’agence régionale de santé.

Proposition n° 12 : Conserver la compétence des départements et de leurs opérateurs publics en matière de lutte préventive contre les nuisances causées par les différentes espèces de moustiques.

Proposition n° 13 : Sécuriser la délégation de mesures de lutte anti-vectorielle à des organismes privés par la mise en place dun cahier des charges précis en amont et une évaluation rigoureuse des opérations effectuées en aval.

Proposition n° 14 : Doter les agents de la commune, ou ceux délégués par elle, de la capacité de pénétrer sur les propriétés privées après préavis pour surveiller la présence de vecteurs, de manière comparable aux agents délégués par le conseil départemental.

Proposition n° 15 : Rendre systématique, dans chaque commune, la désignation d’un référent technique « santé environnementale », incluant le risque vectoriel.

Proposition n° 16 : Mettre en place, dans chaque région, un réseau dinformation et déchange Vecteurs animé par lARS à destination des communes.

Proposition n° 17 : Créer une compétence facultative « surveillance et lutte contre les vecteurs » pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et permettre le transfert concomitant des pouvoirs de police spéciale associés.

Proposition n° 18 : Associer les établissements publics de coopération intercommunale à la plateforme Vecteurs animée par lagence régionale de santé.

Proposition n° 19 : Conserver la possibilité, pour le représentant de lÉtat sur le territoire et chaque fois que lurgence sanitaire le justifie, de se substituer aux exécutifs locaux pour la réalisation des mesures de lutte anti-vectorielle et de procéder à toutes les réquisitions nécessaires.

Proposition n° 20 : Construire, dans chaque territoire ultramarin et en collaboration avec l’ensemble de ses collectivités territoriales, une stratégie de lutte anti-vectorielle, définissant notamment les actions à entreprendre et les responsabilités respectives, dans le cadre d’un contrat local de santé conclu entre l’agence régionale de santé, les collectivités ou départements et les communes.

Proposition n° 21 : Achever la dématérialisation et l’automatisation de l’envoi par les médecins et les laboratoires des cas de maladies à déclaration obligatoire.

Proposition n° 22 : Dans le cadre de leur formation initiale et continue, former les médecins et les professionnels de santé à la prévention et à la détection des maladies vectorielles.

Proposition n° 23 : Organiser, dans chaque territoire ultramarin, en partenariat avec le Centre national de référence des arbovirus et les agences régionales de santé, la création ou laccréditation dun laboratoire danalyses biologiques capable de réaliser localement les tests des arboviroses.

Proposition n° 24 : Renforcer les moyens matériels et financiers confiés à la commission de locéan Indien pour lanimation du réseau de surveillance épidémique et de gestion des alertes (SEGA).

Proposition n° 25 : Pérenniser, étendre et inscrire au sein de la mission « santé » du budget la contribution française aux réseaux régionaux de surveillance épidémique.

Proposition n° 26 : Dans le cadre dun examen de la balance de risques, constituer un stock de moustiquaires imprégnées pouvant être distribuées dans les territoires confrontés à une épidémie avérée de paludisme.

Proposition n° 27 : Mieux utiliser les capacités dexpertise et de déploiement du service de santé des armées, en assurant un dialogue avec les agences régionales de santé.

Proposition n° 28 : Formaliser les dispositifs de retours dexpérience, avec production dun rapport à lissue de chaque épidémie.

Proposition n° 29 : Privilégier la mobilisation et la mise en réseau des moyens existants à la création d’une agence nationale de recherche sur les vecteurs et les arboviroses.

Proposition n° 30 : Organiser le financement public des recherches relatives aux arboviroses sur une base prospective et pérenne plutôt qu’en réaction aux épidémies constatées.

Proposition n° 31 : Faire de la recherche dans le domaine des vecteurs et maladies émergentes une priorité du prochain programme cadre de lUnion européenne pour la recherche Horizon Europe (2021-2027).

Proposition n° 32 : Créer un double prix de recherche « maladies vectorielles et vecteurs » financé par un grand institut de recherche ou une fondation publique et des sponsors institutionnels, pour donner de la visibilité à la recherche relative aux maladies vectorielles.

Proposition n° 33 : Développer les recherches sur les vaccins contre les arboviroses en déterminant les publics pouvant en bénéficier à moyen terme.

Proposition n° 34 : Développer les partenariats, notamment par des financements croisés, entre universités ultramarines et instituts de recherche, afin de construire des pôles de recherche et dexcellence en matière de maladies vectorielles et de biologie des moustiques Aedes dans les territoires concernés.

Proposition n° 35 : Développer, dans les facultés des sciences, notamment ultramarines, et en collaboration avec les institutions de recherche, des filières de formation et de recherche en taxonomie et en entomologie médicale.

Proposition n° 36 : Dans le cadre des projets de recherche, développer les approches transversales impliquant les sciences sociales, afin de mieux comprendre les comportements des populations face à la prolifération des moustiques Aedes et aux moyens de lutter contre les maladies vectorielles.

Proposition n° 37 : Mieux articuler recherche appliquée et recherche fondamentale, en incluant aux projets de recherche fondamentale une dimension de recherche appliquée.

Proposition n° 38 : Mettre en place un guide d’évaluation des effets des campagnes de lutte antivectorielle par le groupe de travail Vecteurs de l’Anses.

Proposition n° 39 : Prévoir une évaluation ex post des effets des opérations de lutte anti-vectorielle réalisées par les opérateurs des agences régionales de santé, avec indicateurs des résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés et aux moyens mis en œuvre.

Proposition n° 40 : Établir des lignes directrices à destination des agences régionales de santé et des opérateurs en matière de lutte anti-vectorielle pour éviter le développement de bio résistances.

Proposition n° 41 : Financer des programmes de recherche publics et privés sur le développement de molécules alternatives pour la lutte anti-vectorielle et leurs impacts sanitaires et environnementaux.

Proposition n° 42 : Accompagner le développement de start-ups innovantes en matière de techniques de lutte anti-vectorielle, en particulier dans les territoires ultramarins.

Proposition n° 43 : Développer les outils de suivi et de modélisation des populations de moustiques pour orienter les techniques de lutte anti-vectorielle.

Proposition n° 44 : Avant leur utilisation en conditions réelles, préciser le statut juridique de léventuelle dissémination des insectes et bactéries pouvant relever du statut de biocides ou du statut dorganismes génétiquement modifiés.

Proposition n° 45 : Encourager la recherche et l’expérimentation de nouvelles techniques de lutte contre les vecteurs, notamment à partir des techniques de l’insecte stérile.

Proposition n° 46 : Procéder à une évaluation des résultats et de l’impact environnemental des différentes techniques de lutte et leurs conséquences avant d’envisager leur utilisation à grande échelle.

Proposition n° 47 : Faire du groupe de travail Vecteurs de lAnses un pôle public dexpertise pour la lutte contre les arboviroses et les moustiques.

Proposition n° 48 : mettre en place une alliance « Vecteurs et arboviroses » chargée d’animer et de développer les approches interdisciplinaires de recherche, afin de donner une plus grande visibilité à la recherche sur les maladies vectorielles et encourager les échanges interdisciplinaires entre chercheurs.

 

 


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I.   DÉsormais prÉsents sur tous les continents, les moustiques Aedes vont reprÉsenter un risque sanitaire majeur sur l’ensemble du territoire français lors des prochaines dÉcennies

À ce jour, 3 546 espèces de moustiques (Culicidae), réparties en 111 genres, ont été inventoriées au niveau mondial. Parmi ceux-ci, seules une centaine d’espèces piquent les humains pour assurer le développement de leurs œufs ([10]).

La majorité des espèces susceptibles de transmettre un virus ou un parasite aux humains appartiennent aux genres Anopheles (paludisme), Aedes (dengue et fièvre jaune, chikungunya), Culex (fièvre du Nil occidental et diverses encéphalites) ainsi que des Eretmapodites (fièvre de la vallée du Rift) et Mansonia (filarioses).

Parmi ceux-ci, Aedes est un genre cosmopolite de moustiques de la sous-famille des Culicinae et de la tribu des Aedini, qui regroupe 263 espèces réparties en 21 sous-genres. La commission d’enquête s’est intéressée tout particulièrement aux deux espèces d’Aedes présentes en France et potentiels vecteurs d’infections virales : Aedes aegypti et Aedes albopictus.

Les arboviroses transmises par ces deux espèces représentent un risque sanitaire majeur sur l’ensemble du territoire français lors des prochaines décennies. Le risque est d’autant plus important que l’aire de répartition dAedes aegypti et Aedes albopictus devrait s’étendre de 2 % à 9 % d’ici 2080 ([11]).

A.   Les moustiques AEDES sont en voie de coloniser une part croissante de la planÈte et l’ensemble des territoires français

1.   Aedes aegypti, une espèce répandue sur l’ensemble de la zone intertropicale avec la première mondialisation

Aedes aegypti est un moustique originaire d’Afrique, qui s’est ensuite répandu dans l’ensemble des zones tropicales. Il se serait répandu en profitant de la traite d’esclaves liant l’Afrique à l’Amérique, voyageant dans les récipients d’eau présents sur les navires à voile. Il s’est ainsi répandu à travers le monde sur plusieurs siècles ([12]). On le retrouve dans les territoires français ultramarins de l’océan Pacifique (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna), de l’océan Indien (La Réunion, Mayotte) et d’Amérique (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin) ([13]).

Aedes aegypti a autrefois colonisé le pourtour méditerranéen, dont la façade méditerranéenne française, mais a disparu avec l’assèchement des marais, au traitement des zones humides et à la croissance des zones urbaines.

De plus, les œufs d’Aedes aegypti ne pouvant résister à des longues périodes de froid, celui-ci peine à s’installer durablement dans des zones climatiques tempérées. Bien qu’il ne circule plus actuellement en France hexagonale, Aedes aegypti a récemment été détecté en Géorgie et en Turquie, ce qui laisse supposer qu’il peut se propager en Europe en venant de l’Est ([14]). Il a également été détecté de façon ponctuelle aux Pays-Bas ([15]).

PrÉsence d’Aedes Aegypti en europe en mai 2020

Répertoriée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies ([16])

Aedes aegypti - current known distribution: May 2020

Aedes aegypti est un moustique anthropophile, c’est-à-dire qu’il a une préférence pour l’homme, même s’il peut également piquer d’autres vertébrés. Il pique la journée, ce qui rend plus difficile de s’en protéger. Il pond ses œufs dans des gîtes larvaires naturels, comme dans les troncs d’arbres, mais aussi dans des gîtes larvaires artificiels créés par l’homme : bidons de récupération d’eau de pluie, gouttières mal nettoyées…

Aedes aegypti est un vecteur potentiel des virus responsables, entre autres, de la dengue, du Zika et du chikungunya. En Guyane, il est également vecteur de la fièvre jaune. Il serait responsable de l’émergence de la dengue comme risque de santé publique depuis près de 30 ans environ : entre 1995 et 2010, l’incidence de la dengue à travers le monde a triplé, soit une progression identique à celle du nombre de régions infestées par Aedes aegypti « Cela reste une corrélation, mais on pense que Aedes aegypti a vraiment été un moteur de lexpansion de la dengue dans les années 1990 et 2000, à lépoque où elle est devenue un problème majeur de santé publique », précise le Dr Louis Lambrechts ([17]).

2.   Aedes albopictus, une espèce exceptionnellement adaptable à toutes les conditions climatiques et devenue invasive avec le développement du commerce international

Aedes albopictus, appelé couramment moustique tigre, est un moustique originaire d’Asie tropicale. Depuis la fin des années 1970, il s’étend progressivement à travers l’Amérique, l’Afrique et l’Europe, y compris en dehors de la zone tropicale.

Ses œufs sont dotés d’une coque imperméable, et peuvent résister à de longues périodes de froid et de sécheresse. Cela a permis à l’espèce de s’installer durablement en Europe.

Il sagit donc dune espèce invasive, qui nexistait pas dans lHexagone avant 2004. En 2019, 58 départements sur les 96 départements métropolitains étaient colonisés par Aedes albopictus.

PrÉsence d’Aedes albopictus en France hexagonale

Répertoriée par la direction générale de la santé ([18])

Les départements dans lesquels le moustique tigre est implanté et actif, sont répartis en deux catégories :

– les départements faiblement colonisés, si moins de 40 % des communes du département sont colonisées ;

– les départements fortement colonisés, si au moins 40 % des communes du département sont colonisées.

Il en résulte une exposition plus importante dans les départements de la moitié sud de l’Hexagone.

Exposition de la population mÉtropolitaine à Aedes albopictus ([19])

En Outre-mer, Aedes albopictus est endémique à La Réunion ; il s’est également répandu récemment dans plusieurs territoires ultramarins français, dont Mayotte, où sa présence est détectée depuis 2001 ([20]).

L’expansion de son aire de répartition s’est faite rapidement au cours de quelques décennies, à travers le développement des échanges internationaux, notamment du commerce des pneus usagés où il aurait pondu des œufs. Sa première introduction en Europe remonte à 1979, où il est détecté en Albanie, certainement transporté par des pneus usagés en provenance de Chine. L’Albanie étant à l’époque un pays communiste isolé, peu d’échanges ont eu lieu avec ses pays voisins et le moustique ne s’est pas rapidement répandu dans le reste du continent.

Arrivé en Italie dans les années 1990, il est détecté pour la première fois dans l’Hexagone en 2004 dans les Alpes-Maritimes. Il a ensuite progressé sur le territoire au fil des années, notamment grâce aux transports terrestres. Le Pr Anna-Bella Failloux indique que « des études ont été faites dans le couloir rhodanien, entre Marseille et Lyon. Nous avons installé des pondoirs-piège pour pouvoir récolter les œufs, en cas de présence du moustique tigre. Nous les avons placés sur les aires dautoroute. Et chaque mois, nous constations la progression géographique du moustique » ([21]). La propagation d’Aedes albopictus a donc suivi la trajectoire des axes routiers maillant le territoire français, du sud du pays vers le nord.

Du fait de sa grande adaptabilité, on le trouve aujourd’hui aussi bien dans des zones urbaines que dans des zones inhabitées. Très anthropophile, Aedes albopictus se trouve surtout dans des zones urbaines, où il pond des œufs dans des gîtes larvaires artificiels créés par l’Homme et ses activités.

PrÉsence d’Aedes albopictus en europe en mai 2020

Répertoriée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies ([22])

Aedes albopictus - current known distribution: May 2020

 

À l’échelle européenne, on constate qu’Aedes albopictus est durablement implanté dans l’Europe du sud, sur le pourtour méditerranéen. Ainsi, des populations établies d’Aedes albopictus ont été détectées sur les côtes espagnoles, italiennes, françaises, croates, grecques, albanaises et maltaises. Sa progression vers le nord de l’Europe se confirme, puisqu’on le retrouve également en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas ([23]). Le Pr Anna-Bella Failloux a indiqué que rien ne s’oppose à ce qu’il colonise l’ensemble du continent : « Ce moustique peut encore progresser vers le nord. Il nexiste pas de barrière climatique pour lempêcher denvahir toute la France ([24])». Le réchauffement climatique facilite également sa propagation, en rallongeant sa période d’activité et en accélérant son cycle de développement ([25]).

Au même titre qu’Aedes aegypti, Aedes albopictus est un vecteur des virus de la dengue, de Zika, et du chikungunya. L’espèce est responsable de la transmission d’arboviroses en France hexagonale, puisque à l’exception de Culex pipiens, susceptible de transmettre le virus du Nil occidental (ou West Nile), il s’agit du seul moustique vecteur présent en Europe. Il est à l’origine de cas autochtones de dengue, de Zika et de chikungunya dans le sud de la France, en Italie, en Espagne et en Croatie au cours de ces dernières années (cf. infra, I.B.3).

Cas importés, cas autochtones : définition

On distingue, en épidémiologie, les cas importés et les cas autochtones pour évaluer la circulation d’une pathologie infectieuse sur un territoire donné.

Le terme de « cas importé » désigne une personne malade ayant contracté la maladie dans une zone de circulation du virus, puis s’étant déplacée jusqu’au territoire considéré.

À l’inverse, un « cas autochtone » est une infection contractée sans que la personne ait voyagé, vraisemblablement par une piqûre de moustique effectuée localement – le moustique vecteur ayant été infecté lors d’une piqûre précédente d’un autre individu.

Pour une maladie vectorielle, le premier cas autochtone est toujours précédé d’un ou plusieurs cas importés, jouant le rôle de réservoir de virus pour des contaminations dans leur entourage. L’apparition de cas autochtones caractérise ainsi l’existence d’un foyer infectieux pouvant potentiellement concerner plusieurs personnes, et susceptible d’initier une épidémie sur le territoire.

3.   D’autres espèces de moustiques vecteurs menacent les territoires français

Bien que la propagation des moustiques Aedes aegypti et Aedes albopictus soit au cœur de la mission de la commission d’enquête, ses travaux montrent que d’autres espèces de moustiques capables de transmettre des maladies vectorielles représentent également une menace pour la santé publique en France.

a.   Les anophèles, vecteur du paludisme

Les moustiques du type Anopheles, appelés anophèles, représentent 15 % des espèces de moustiques. Alors que 450 espèces d’anophèles sont décrites, seules 60 d’entre elles seraient des vecteurs efficaces, capables de transmettre des agents pathogènes ([26]). On trouve ces anophèles en Guyane, ainsi qu’à Mayotte, où ils sont responsables de la transmission du paludisme et de la filariose lymphatique, plus rare.

b.   Les autres espèces dAedes

D’autres espèces du genre Aedes sont d’ores et déjà présentes sur le territoire français ou risquent de l’atteindre d’ici quelques années : Aedes polynesiensis, présent dans le Pacifique, Aedes japonicus, Aedes koreicus, Aedes caspius et Aedes detritus détectés en Europe.

Présent en Polynésie française ainsi que dans d’autres archipels de l’Océan Pacifique, Aedes polynesiensis est un vecteur d’arboviroses, notamment la filariose de Bancroft et le virus Zika. Des études en laboratoire ont démontré que Aedes polynesiensis était capable de transmettre le virus de la dengue : on le soupçonne donc d’avoir été à l’origine des épidémies de dengue sévissant dans les îles du Pacifique avant l’introduction de Aedes aegypti ([27]). Il aurait également contribué à l’épidémie de Zika en Polynésie française de 2013 ([28]).

Aedes japonicus, originaire d’Asie de l’Est, s’est installé dans les États-Unis à partir des années 1990, avant d’être détecté dans l’Est de la France en 2000. Depuis, il a été détecté dans plusieurs pays européens, dont la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas. Il s’agit d’un moustique diurne mais qui semble relativement peu anthropophile, sévissant plutôt en dehors des zones urbaines. Il aurait été introduit en Europe par des échanges commerciaux, notamment par le commerce de pneus usagés. Des analyses ont démontré sa compétence vectorielle multiple : Aedes japonicus peut transmettre la dengue, le chikungunya, la fièvre de la vallée du Rift, le virus West Nile et le virus de l’encéphalite japonaise ([29]).

PrÉsence d’Aedes japonicus en europe en mai 2020

Répertoriée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies ([30])

Aedes koreicus est endémique en Asie de l’Est et en Russie. Contrairement à Aedes japonicus, il semble plus résistant aux températures froides. Très anthropophile, c’est un moustique qu’on retrouve dans les zones urbaines. Comme Aedes japonicus, c’est un moustique diurne. Sa compétence vectorielle est moins connue : des cas de transmission du virus de l’encéphalite japonaise ont été décrits en Russie mais jamais en Corée, là où sa population est pourtant la mieux implantée. Aedes koreicus a été identifié en Italie en 2011, ainsi qu’en Belgique. Sa présence en France n’a jamais été démontrée. Son mode d’introduction en Europe reste encore inconnu. De ce fait, il est difficile d’évaluer le risque de sa propagation en France ([31]).

Aedes caspius est un moustique dont l’aire de répartition comprend l’ensemble de l’Europe dont la Russie occidentale, ainsi que le Maghreb ([32]). On le trouve en France, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, ainsi que dans les Balkans ([33]). En France, celui-ci est notamment présent dans les départements du sud. Ce moustique fait l’objet d’une vigilance accrue de la part des services de démoustication en raison de sa forte capacité de dispersion – de l’ordre d’une vingtaine voire une trentaine de kilomètres – qui le rend particulièrement nuisible ([34]). Ses capacités vectorielles sont encore peu connues, mais selon une étude publiée en 2019, Aedes caspius ne serait pas un vecteur efficace du virus Zika ([35]).

Aedes detritus possède quant à lui une aire de répartition comparable à celle d’Aedes caspius. On le retrouve sur le pourtour méditerranéen, notamment en Tunisie et au Maroc. En Europe, sa présence a été confirmée en France, en Espagne, en Allemagne, et même en Suède ([36]). Un climat tempéré ne semble donc pas être un frein à sa progression. Comme Aedes caspius, Aedes detritus est particulièrement nuisible du fait de sa capacité de dispersion très importante ([37]). Une étude britannique publiée en 2014 a confirmé la capacité vectorielle d’Aedes detritus qui serait capable de transmettre le virus de l’encéphalite japonaise ([38]).

B.   FlÉau sanitaire chronique dans l’Outre-mer, les arboviroses sont rÉcemment rÉapparues dans l’hexagone

Avec l’éradication du paludisme en Corse en 1973, la France hexagonale a été épargnée par les maladies vectorielles pendant une trentaine d’années. Cependant, cette absence de foyers épidémiques autonomes n’a été qu’une parenthèse dans l’histoire de la coévolution entre l’Homme et les moustiques. Mais dans le même temps, les arboviroses ont provoqué des épidémies de plus de plus régulières dans les territoires ultramarins.

1.   Une multiplication récente des épidémies d’arboviroses, provoquées par la présence endémique de virus connus mais également par l’émergence de maladies nouvelles

a.   Le paludisme, une réalité toujours présente

Le paludisme est une maladie infectieuse due à plusieurs espèces de protozoaires parasites appartenant au genre Plasmodium. Le parasite est transmis à l’homme par la piqûre de moustiques Anopheles infectés et non par les moustiques du genre Aedes, objet principal de la commission denquête.

Le paludisme serait connu depuis les premières civilisations humaines en Mésopotamie, comme lattestent des inscriptions cunéiformes gravées dans largile. Des traces de la maladie seraient également présentes dans les restes humains retrouvés en Égypte datant du deuxième au quatrième siècle avant notre ère. Le paludisme aurait été introduit en Europe au premier siècle, voyageant du Nil jusquà la Méditerranée, où il se serait alors introduit en Grèce. Profitant des échanges entre la Grèce et le reste de lEurope, le virus se serait propagé jusquau Danemark ([39]).

Le paludisme est aujourdhui présent dans plusieurs régions du monde, mais son impact est le plus grave en Afrique tropicale où sont comptabilisés 90 % des cas dinfection ([40]). En France, les cas de paludisme se concentrent principalement dans les territoires ultramarins situés dans la zone tropicale.

À Mayotte, le paludisme est un enjeu de santé publique de longue date, puisque le virus circule de façon endémique dans l’archipel des Comores. Le renforcement de la politique de lutte anti-vectorielle à Mayotte dans le début des années 2000 a porté ses fruits : 294 cas de contamination autochtones ont été déclarés en 2007, contre seulement un cas en 2014 et 2015. Néanmoins, une recrudescence importante du nombre de cas a été signalée en 2016, avec 18 cas recensés. Cette tendance s’est poursuivie en 2017, avec 9 cas de contaminations autochtones comptabilisés ([41]).

Le paludisme circule également en Guyane, mais là aussi les efforts de lutte anti-vectorielle ont été efficaces : plus de 4 000 cas avaient été recensés en 2005 contre seulement 900 en 2012 ([42]). Selon les données statistiques les plus récentes, entre janvier et mars 2020, 36 cas de paludisme ont été détectés en Guyane, dont 73 % seraient des contaminations autochtones ([43]).

b.   La dengue, une maladie touchant de plus en plus souvent les Outre-mer

La dengue est une infection virale transmise par les moustiques du genre Aedes. Elle est le plus souvent bénigne, mais des formes sévères et imprévisibles surviennent dans environ 1 % des cas, plus souvent chez les jeunes enfants. Les symptômes de la dengue sont multiples : fièvre, éruption cutanée, vomissements, douleurs articulaires. Les complications potentielles sont attribuées au caractère hémorragique que peut prendre l’infection.

La dengue était connue depuis très longtemps ; elle a commencé à devenir une maladie émergente au cours du XIXème siècle, mais surtout après la deuxième moitié du XXème siècle, avec des épidémies et des formes de plus en plus sévères ([44]).

La dengue sévit particulièrement mais non exclusivement dans les zones tropicales. Plus de 55 % de la population mondiale est aujourd’hui exposée au virus de la dengue. En raison de la circulation croissante d’Aedes albopictus, le moustique vecteur de la maladie dans les régions tempérées, l’Europe n’est plus épargnée par le risque de transmissions autochtones.

Bien que des cas de transmissions autochtones aient été signalés en France hexagonale dès 2010, les régions à risque sont avant tout les territoires ultramarins, où le risque est particulièrement important dans les Antilles, dans l’océan Pacifique et dans l’océan Indien. Concernant le risque d’une épidémie de dengue en France hexagonale, le Pr Frédéric Tangy se veut rassurant : « Il est clair que la dengue ne sera jamais une pathologie métropolitaine. Il fait trop froid chez nous. Le virus de la dengue aime la chaleur et a besoin de moustiques que lon retrouve davantage à la Guadeloupe et à La Réunion, même sil y a des Aedes albopictus dans le sud de la France » ([45]).

Lexistence de quatre sérotypes du virus de la dengue explique la récurrence des épidémies, qui peuvent de surcroît être particulièrement violentes : « Il ny a pas de croisement sérologique possible [entre les quatre sérotypes], cest-à-dire que les anticorps efficaces contre les uns ne protègent pas contre les autres. Les anticorps peuvent être non seulement non protecteurs mais facilitants. Dans le cas dune infection par la dengue – qui peut être asymptomatique –, vous allez développer des anticorps contre un premier sérotype : si, par la suite, vous êtes infecté par un deuxième sérotype, vos anticorps non protecteurs et facilitants peuvent augmenter la gravité de la maladie », précise le Pr. Frédéric Tangy ([46]). Ainsi, la présence de quatre sérotypes augmente le risque de développer une dengue sévère, dite hémorragique. Il convient de préciser que ce risque est bien constitué puisqu’il n’est pas rare que plusieurs sérotypes coexistent au sein d’un même territoire, comme ce fut le cas par exemple en Polynésie française en 2013 ([47]).

c.   Le chikungunya, une nouvelle maladie émergente avec des complications chroniques

Le chikungunya a été décrit pour la première fois en Tanzanie en 1952, où la maladie a reçu son nom qui signifie « qui marche courbé en avant » en langue makondé, évocateur de ses symptômes : fièvre intense, arthralgies diffuses.

La transmission du virus chikungunya se fait avant tout par transmission vectorielle, c’est-à-dire par un moustique du type Aedes albopictus ou Aedes aegypti, mais des cas de transmission materno-fœtale ont également été décrits à La Réunion lors de l’épidémie de 2006. Environ 34 cas ont été constatés pour 300 accouchements ; un décès d’enfant a également été attribué à l’infection au chikungunya par voie materno-fœtale ([48]).

Les symptômes décrits lors de la phase aiguë de la maladie, qui dure environ dix jours, sont principalement des douleurs articulaires, de la fièvre, des maux de tête ou encore des nausées. Concernant l’incidence de la mortalité, le Pr Fabrice Simon indique que « les données brésiliennes et les données colombiennes montrent que la mortalité est supérieure à celle de la dengue, ce qui est une nouveauté. Elle se rapproche de la mortalité de la grippe saisonnière, donc de lordre de 1 ‰, voire plus dans certains pays moins développés que la France ([49])». Bien que le taux de mortalité du chikungunya soit moins important que celui de la dengue, le chikungunya se caractérise par l’apparition possible d’une forme chronique, décrite dans 30 % à 50 % des cas ([50]).

Il n’existe ni antiviral ni traitement spécifique pour le chikungunya. Le traitement utilisé lors d’une phase aiguë est un traitement uniquement symptomatique.

Concernant la forme chronique du chikungunya, le Pr Fabrice Simon formule l’hypothèse « quil existe ces deux populations, dont ce petit sous-groupe qui évolue mal, avec un rhumatisme destructeur, qui est différent des autres. Après le chikungunya pour les adultes, les gens ont beaucoup dinflammations, en particulier au niveau des mains et des pieds. Ils ont des modifications posturales » ([51]). Il décrit également les aspects socio-psychologiques de cette chronicité, évoquant des patients souffrant de dépression et de difficultés sociales ou conjugales. Le passage vers un rhumatisme chronique semble plus fréquent chez les femmes ([52]).

L’infection sévit sur un mode épidémique dans les continents africain et asiatique, et a notamment frappé le Brésil et l’Afrique de l’Est en 2019 ([53]). Des foyers épidémiques notables ont également été observés en Italie, en 2007 et en 2017 ([54]).

Concernant l’incidence de chikungunya en France, le professeur Fabrice Simon estime qu’un demi-million de Français auraient déjà contracté le chikungunya dans leur vie, notamment à La Réunion, à Mayotte et aux Antilles ([55]). Il s’agit d’une maladie avec un « bilan humain extrêmement lourd » du fait du « poids de la chronicité » décrit chez certains patients.

d.   Le Zika, dernier arbovirus ayant émergé

En 1947, lors d’une étude générale sur la fièvre jaune en Ouganda, des médecins britanniques ont identifié pour la première fois le virus Zika et l’ont isolé chez un primate. À partir des années 1950 jusqu’en 2006, seuls quelques cas humains sporadiques de fièvres indifférenciées ont été identifiés en Afrique.

Concernant l’origine et la diffusion du virus, le Pr Philippe Deprès précise qu’« il existe un type africain et un type asiatique de Zika. Les chercheurs pensent que le Zika est originaire dAfrique et que probablement, entre la fin de la seconde guerre mondiale et les années 1960, il est apparu en Asie et sy est diffusé, du sous-continent indien jusquà lAsie du Sud-Est, dans des pays tels que le Vietnam, le Cambodge ou les Philippines. Ce virus ne concernait finalement que les spécialistes de ces virus, mais ne présentait aucun problème de santé publique » ([56]).

En 2007 une épidémie humaine est apparue en Micronésie, sur l’île de Yap, reliée au génotype asiatique en circulation depuis cinquante ans. Plusieurs centaines de cas humains ont été constatés, soit 30 % de la population de l’île de Yap. De là, une épidémie importante s’est produite en Polynésie française en 2013.

Alors que le virus n’était pas connu dans les Amériques, son introduction en provenance du Pacifique en 2014 a conduit à une épidémie notable. Selon le Pr Philippe Desprès, entre 500 000 et 800 000 cas ont été identifiés en deux ans en Amérique latine et aux Caraïbes, y compris dans les Antilles françaises ([57]). En 2016, et face à la propagation du virus à l’échelle mondiale, l’OMS a décrété une urgence sanitaire internationale. Aujourd’hui, entre 90 et 100 pays sont concernés.

S’agissant du risque d’une épidémie de Zika en France hexagonale, le Pr Philippe Desprès précise : « La France hexagonale est identifiée comme un pays à risque, puisquil y a eu des cas de transmissions interhumaines. Il ny a pas eu, à notre connaissance, de transmission par les moustiques, mais par des personnes qui ont séjourné dans les populations à risque » ([58]). Depuis, les flambées se font plus rares et moins sévères, mais des périodes de calme peuvent être suivies de résurgences à tout moment.

La majorité des infections au virus Zika sont asymptomatiques. Dans le cas d’une transmission vectorielle, par les moustiques, on estime qu’environ 20 à 50 % des individus présenteront des signes cliniques ; 1 % de ces cas évoluera vers des formes plus sévères. Ces formes plus sévères varient entre l’enfant et l’adulte. Chez l’adulte, l’une des complications possibles est un syndrome de Guillain-Barré, une affection rare dans laquelle le système immunitaire du patient attaque les nerfs périphériques. Cela a été constaté une première fois en Polynésie française lors de l’épidémie de 2013, mais aussi en Amérique latine en 2015.

Le Zika est également une maladie sexuellement transmissible. Le virus a été détecté dans les fluides séminaux ainsi que dans le tractus vaginal, et des cas de transmission sexuelle ont été documentés.

Des cas préoccupants de transmission mère-enfant ont été mis en évidence, lorsque la mère est elle-même infectée vraisemblablement avant ou au début de sa grossesse. Ces infections peuvent être à l’origine de microcéphalies chez l’enfant, comme l’a indiqué le Pr Philippe Desprès : « Dans le cadre de ce quon appelle un syndrome congénital du virus Zika on constate que dans 20 ou 30 % des cas, le virus passe au niveau placentaire et atteint lembryon dans les premières semaines : dans 10 % des cas parmi ceux-ci, des microcéphalies vont se développer. Il sagit denfants dont le volume crânien est à peu près de 30 % inférieur à la normale [et dont] le pronostic est assez engagé dans les prochaines années. Ce sont environ 5 % des cas, et les premiers ont été observés au Brésil » ([59]). Les enfants nés dans des conditions normales seraient également à risque de complications si leur mère a été infectée, puisque de nouvelles études organisant un suivi pendant trois ans ont démontré que 30 % des enfants nés sans microcéphalie d’une mère atteinte du virus souffraient de troubles neuro-développementaux.

e.   Le virus du Nil occidental ou West Nile, un pathogène animal pouvant toucher l’Homme

Le virus de la fièvre du Nil occidental, plus communément appelé selon sa dénomination anglophone West Nile, appartient à la famille des Flaviviridae. Il est divisé en huit lignées, en fonction des différentes caractéristiques génétiques qu’il présente, mais seules deux lignées – la lignée 1 et la lignée 2 – sont présentes en Europe.

Les vecteurs principaux de la maladie sont les moustiques, notamment ceux du genre Culex, avec, en France hexagonale, deux espèces en particulier : Culex pipiens et Culex modestus. Ce virus nest donc pas transmis par les moustiques du genre Aedes, mais constitue néanmoins une maladie vectorielle.

Le virus tient son nom de la rive occidentale du Nil, en Ouganda, où il a été isolé pour la première fois en 1937. Commentant l’histoire de la répartition du virus, le Dr Stéphan Zientara décrit : « De 1937 à 1999, très peu détudes ont été réalisées car le virus faisait relativement peu parler de lui. Cest en 1999 quil a vraiment commencé à défrayer la chronique, quand il est arrivé à New York, sur un continent qui était complètement indemne auparavant. Depuis lors, il a entièrement envahi le continent américain, se propageant du Canada jusquà la Patagonie. Selon les auteurs dun article publié dans Science en 2011, environ 1,8 million de personnes ont été infectées entre 1999 et 2010, avec environ 360 000 malades et 1 308 décès [aux États-Unis] » ([60]).

À lorigine de son cycle de transmission, le virus West Nile circule parmi les populations doiseaux. Il se propage ensuite par le biais de piqûres de moustiques : des moustiques infectés contaminent des oiseaux, qui vont eux-mêmes être à lorigine de la contamination de moustiques. Les tiques ont elles aussi été incriminées dans le cycle du virus, notamment les tiques molles doiseaux, mais leur rôle est bien plus limité que celui des moustiques. Le West Nile peut infecter à la fois les humains et les animaux. Des cas de transmission ont été décrits chez lhomme, par lintermédiaire de produits sanguins ou encore de greffes.

Chez les humains, on constate 80 % d’infections asymptomatiques, 20 % de formes fébriles et 1 % de formes neurologiques qui peuvent s’avérer mortelles. Les patients présentant des symptômes décrivent le plus souvent une forte fièvre, une irritation cutanée, des maux de tête et des nausées, mais dans les cas les plus graves on identifie parfois des encéphalites et des méningites. Les personnes âgées de plus de 55 ans, les jeunes enfants et les personnes immunodéprimées sont plus particulièrement à risque ([61]).

Le virus West Nile serait arrivé en Europe par l’intermédiaire d’oiseaux, notamment d’oiseaux migrateurs. Il a été isolé pour la première fois en France en 1962-1965 en Camargue. Le virus a ensuite disparu du territoire pendant trente-cinq ans, sans qu’il puisse être déterminé qu’il ne circulait plus ou qu’il n’était plus détecté. En 2000, des foyers ont été détectés en Camargue et, plus largement, dans le Sud-Est. Par la suite, des cas ont été décrits en 2003, dans les étangs de Villepey à Fréjus dans le Var, y compris chez l’humain. Entre 2003 et 2019 des cas chez les animaux ont été ponctuellement détectés, puis en 2018 on a vu le virus circuler chez l’animal et chez l’humain. En 2018, 27 cas ont été observés chez l’humain, dont 7 cas graves, avec des personnes présentant des formes neuro-invasives, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Aucun décès n’a été à déplorer, mais plusieurs patients ont été admis en réanimation ([62]).

Le Pr Isabelle Leparc-Goffart a constaté que « ces dernières années, lépidémiologie de West Nile a énormément changé. La plus grosse émergence a été en 2018 dans les Alpes-Maritimes et essentiellement dans la ville de Nice, dans un périmètre très urbain, pas du tout comme la Camargue, avec cette eau et cet environnement doiseaux qui arrivent. Nous sommes très surpris par cette nouvelle circulation. Lannée dernière, nous avons eu deux cas dans le Var. Cest un peu incompréhensible. Tous les ans maintenant, nous avons de nouveaux foyers de West Nile dans des zones auxquelles nous ne nous attendions pas forcément » ([63]).

À l’échelle européenne, en 2018 et 2019, des cas humains ont été détectés dans de nombreux pays : Espagne, Italie, Malte, France, Hongrie, Croatie, Roumanie et Grèce. L’Europe centrale et orientale semble avoir été particulièrement touchée : en Hongrie, par exemple, des cas ont été signalés dans toutes les régions administratives du pays ([64]).

Il n’existe pas de traitement spécifique de l’infection au virus West Nile, ni chez l’animal ni chez l’humain : des traitements symptomatiques sont utilisés. Il n’y a pas de vaccin chez l’humain, même si des candidats sont à l’étude. En revanche, plusieurs vaccins existent pour les chevaux.

2.   Des épidémies de plus en plus virulentes dans les Outre-mer

Les arboviroses restent un problème de santé publique récurrent dans les différents territoires ultramarins : ces dernières années, plusieurs épidémies de chikungunya, de dengue et de Zika ont touché ces territoires, souvent dans l’indifférence des médias nationaux.

Comme l’a souligné Mme Dominique Voynet, directrice générale de l’agence régionale de santé de Mayotte, c’est au présent qu’il faut rappeler que Mayotte et La Réunion font face, pendant le déroulement de la présente commission d’enquête, à deux épidémies simultanées de dengue et de Covid-19 ([65]).

a.   Des épidémies ayant touché récemment tous les territoires ultramarins

Si les différents territoires ultramarins sont affectés différemment par la prolifération des moustiques vecteurs et par les épidémies d’arboviroses, tous les territoires de la zone intertropicale sont touchés.

Ces dernières années, trois grandes pandémies ont touché, à des degrés divers, les territoires ultramarins.

Mayotte

Le climat tropical de Mayotte rend l’archipel particulièrement vulnérable au développement des moustiques. Plusieurs espèces de moustiques vecteurs y sont recensées : Aedes aegypti et Aedes albopictus pour les Aedes, mais aussi moustiques des genres Anopheles et Culex.

Au cours des dernières décennies, Mayotte a connu plusieurs épidémies de dengue d’une particulière gravité, dont la dernière est encore en cours en juillet 2020. Le chikungunya et le paludisme sont également endémiques à l’archipel, de façon plus modérée. Aucun cas de Zika n’a été détecté à Mayotte au moment de l’épidémie de 2015-2016.

Par ailleurs, la fièvre de la vallée du Rift a circulé à Mayotte entre novembre 2018 et août 2019. 143 cas humains dont 2 graves ont été signalés et 126 animaux (100 bovins et 26 petits ruminants) ont été déclarés aux autorités sanitaires.

 

La Réunion

Les deux moustiques Aedes albopictus et Aedes aegypti cohabitent à l’île de La Réunion. Néanmoins, seul Aedes albopictus pose un réel problème de santé publique, Aedes aegypti étant moins répandu.

Depuis 2018, La Réunion connaît une importante épidémie de dengue, particulièrement virulente lors de l’été austral 2019-2020.

La dernière épidémie majeure de chikungunya remonte à 2005-2006 où 165 000 Réunionnais avaient été infectés.

Le paludisme a été déclaré éradiqué de l’île par l’organisation mondiale de la santé en 1979. Plusieurs espèces du genre Anopheles demeurent toutefois présentes.

 

Guadeloupe

Aedes aegypti est le seul moustique de type Aedes présent en Guadeloupe. Culex est également présent.

Quatre épidémies majeures de dengue, de chikungunya et de Zika ont été déplorées au cours des sept dernières années, avec plusieurs dizaines de milliers de cas.

Malgré des cas humains détectés par le passé en Amérique et en France hexagonale, la Guadeloupe n’a à ce jour recensé aucun cas humain du virus West Nile. En revanche, le virus a été identifié à plusieurs reprises dans des populations d’oiseaux et de chevaux, signifiant que le risque pour la population guadeloupéenne, bien que faible, n’est pas nul.

 

Martinique

Parmi les moustiques du type Aedes, seul Aedes aegypti est présent en Martinique. Il est le principal responsable de la transmission de la dengue, qui est endémique à la Martinique, ainsi que le chikungunya qui sévit sur le territoire depuis 2013. Plusieurs espèces du genre Culex sont également présentes.

La Martinique a été frappée par plusieurs épidémies de maladies vectorielles au cours des dernières années. L’épidémie de chikungunya de 2013 aurait atteint plus de 60 000 personnes, causant une trentaine de décès. En 2015, au pic de l’épidémie de Zika, plus de 35 000 cas ont été décrits en Martinique. Bien qu’un seul décès ait été à déplorer, plusieurs cas de syndrome de Guillain-Barré ont été identifiés, de même que des cas de microcéphalie chez les fœtus de femmes enceintes infectées.

 

Guyane

Aedes aegypti est le seul moustique du type Aedes présent en Guyane. On y trouve également les moustiques du type Anopheles, capables de transmettre le paludisme.

En Guyane, Aedes aegypti est responsable de la transmission du virus Zika, de la dengue, et de la fièvre jaune. Il s’agit ainsi du seul territoire français touché par la fièvre jaune.

La Guyane est fréquemment confrontée à des épidémies de dengue. À partir de 1970, les différentes souches de dengue ont circulé en Guyane, avec des situations épidémiques tous les deux à six ans. Les deux dernières épidémies majeures remontent à 2006 et 2013, avec notamment plus de 10 000 cas signalés en 2006.

 

Saint-Barthélemy et Saint-Martin

Parmi les vecteurs Aedes, seul Aedes aegypti est présent à Saint Barthélémy et à Saint Martin. Aedes aegypti est responsable de la transmission de plusieurs maladies vectorielles, dont le chikungunya et la dengue.

La dengue est endémique à Saint-Barthélemy et à Saint Martin. En 2016, l’île de Saint-Barthélemy a connu une importante épidémie de dengue, avec 561 cas cliniquement évocateurs.

Lors de l’épidémie de chikungunya aux Antilles de 2014, 4 560 et 1 160 cas cliniquement évocateurs ont été respectivement observés à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

Si l’ouragan Irma a créé les conditions propices au développement des moustiques en septembre 2017, aucune épidémie n’a été constatée après son passage.

 

Nouvelle-Calédonie

Parmi les Aedes, seul Aedes albopictus est présent en Nouvelle-Calédonie. Il est le principal responsable des épidémies de dengue et de chikungunya qui sévissent sur le territoire calédonien.

Les épidémies de dengue sont fréquentes en Nouvelle-Calédonie. En 2017, la Nouvelle-Calédonie a connu une épidémie particulièrement grave. On constate chaque année une augmentation du nombre de cas de dengue, même hors période épidémique.

En 2011, la Nouvelle-Calédonie a été frappée par une épidémie de chikungunya. Depuis, des cas sont régulièrement signalés sur l’archipel, le plus souvent importés.

 

Polynésie française

Aedes aegypti et Aedes polynesiensis sont présents en Polynésie française, où ils sont responsables de la transmission du virus Zika, du chikungunya et de la dengue.

Deux sérotypes du virus de la dengue circulent dans l’archipel, ce qui rend les épidémies de dengue particulièrement violentes (cf. supra, I.B.1.). En 2001, 33 000 personnes ont consulté pour des cas de dengue suspectés, soit 17 % de la population. 633 cas d’infection sévère et 8 décès ont été dénombrés.

La Polynésie française a connu en 2013 la première grande épidémie mondiale de Zika. Celle-ci aurait infecté 11,5 % de la population polynésienne, avec jusqu’à 40 % d’incidence dans certaines îles.

 

Wallis-et-Futuna

Parmi les moustiques du type Aedes, seul Aedes aegypti circule dans les îles Wallis et Futuna.

La dengue est la principale arbovirose touchant les Wallisiens et les Futuniens. De mai 2017 à novembre 2019, 229 de cas de dengue ont été recensées.

Pour ce qui est des autres maladies vectorielles, notamment le Zika et le chikungunya, aucun cas n’a été répertorié à ce jour.

b.   Trois épisodes épidémiques récents ayant touché les Outre-mer

i.   Le chikungunya à Mayotte et à La Réunion en 2005-2006

Mayotte et La Réunion ont connu leur dernière grande épidémie de chikungunya en 2006.

En 2006, une étude clinique menée sur des femmes enceintes hospitalisées à La Réunion montre que 25 % des femmes de l’échantillon présentaient des marques sérologiques d’infection récente par le virus du chikungunya.

À Mayotte, 43 750 personnes, soit le quart de la population mahoraise, pourraient avoir contracté le chikungunya. Une autre enquête, menée par l’Institut national de veille sanitaire, révèle que le nombre de cas avéré serait en fait sept fois supérieur au nombre déclaré, soulignant les difficultés liées à la collecte de données fiables sur l’archipel ([66]).

Ces données sont confirmées par le rapport d’information de l’Assemblée nationale de 2006, qui précise : « En mars-avril 2006, 25 % de la population de lîle a été atteinte (soit 43 000 personnes) au lieu des 4 % annoncés par le système de surveillance au vu des 7 000 cas déclarés. Lépidémie à Mayotte est donc, en réalité, tout à fait comparable par son ampleur à celle de La Réunion. Le taux dattaque y est du même ordre de grandeur, lépidémie y a aussi frappé une population largement non immunisée (taux de prévalence en octobre 2005 : 2,5 %) et lon retrouve la même courbe épidémique avec un décalage dun mois dans le temps » ([67]).

ii.   La dengue, endémique à Mayotte et à La Réunion

Depuis 2018, l’île de La Réunion connait une importante augmentation du nombre de cas de dengue. Le mardi 10 juillet 2018, le préfet de La Réunion, en concertation avec la direction générale de l’agence régionale de santé, a décidé d’activer le niveau 4 du dispositif spécifique Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) de lutte contre les arboviroses correspondant aux « épidémies de moyenne intensité » ([68]) (cf. infra, IV.).

De janvier à avril 2019, 22 000 cas de dengue ont été signalés ; si seulement 12 hospitalisations pour cause de dengue ont été recensées en 2017, ce chiffre est passé à 156 en 2018 et 271 en 2019 ([69]).

L’épidémie se poursuit encore en 2020. Au 23 juin 2020, on comptait 14 900 cas de dengue décrits depuis le 1er janvier 2020, dont 1 589 passages aux urgences et 13 décès ([70]).

iii.   La pandémie de Zika dans l’océan Pacifique et les départements français d’Amérique de 2014 à 2016

De violentes épidémies de Zika ont émergé dans les îles du Pacifique à la fin de l’année 2013.

Durant les six mois d’épidémie en Polynésie française, un total de 32 000 cas suspects a été signalé dans les cinq archipels, soit 11,5 % de la population. La proportion de cas suspects consultants rapportée à la population locale variait de 10 % à 40 % selon les archipels ([71]).

Cette épidémie en Polynésie française aura permis à la communauté scientifique d’observer et de mieux comprendre le virus Zika. Plusieurs découvertes importantes sont issues de cette crise. C’est à cette occasion que les premières complications graves liées au virus Zika ont été décrites. Il s’agissait en particulier des cas du syndrome de Guillain-Barré. De surcroît, la possibilité d’une transmission materno-fœtale et le risque de transmission par voies sexuelle et transfusionnelle ont également été montrés pour la première fois lors de cette épidémie ([72]).

Concernant les implications à l’échelle internationale de cette épidémie, une étude publiée en 2016 précise : « La souche [du virus] qui a émergé aux Amériques [en 2015] est très proche génétiquement de celle qui a circulé dans le Pacifique et principalement en [Polynésie française], laissant supposer une introduction au Brésil en provenance du Pacifique. Ces données, ainsi que les nombreux signalements de cas importés en Europe et aux États-Unis en provenance de la [Polynésie française] soulignent que ces régions sont potentiellement des lieux démergence pour certaines arboviroses (Zika, dengue, chikungunya) et que la [Polynésie française] est une porte dentrée potentielle de ces pathologies pour les autres régions du monde, en particulier pour lEurope et la France métropolitaine dans les zones où Aedes albopictus est implanté » ([73]).

3.   Dans l’Hexagone, une apparition de cas autochtones depuis 2003

a.   Les cas autochtones, signes de foyers épidémiques potentiels

Depuis ces vingt dernières années, des cas de transmissions autochtones de maladies transmises par les Aedes ont été signalés de manière sporadique en France hexagonale. Ces cas de transmissions autochtones concernent le West Nile([74]) en 2003, mais essentiellement la dengue, le chikungunya et le Zika depuis 2020.

Chronologie des cas de transmissions autochtones en France hexagonale depuis 2010 ([75])

Année

Maladie

Nombre de cas

Localisation

Observations

2010

Chikungunya

2

Var

Premiers cas autochtones de chikungunya

2010

Dengue

2

Alpes-Maritimes

Premiers cas autochtones de dengue

2013

Dengue

1

Bouches du Rhône

 

2014

Dengue

4

Var
Bouches du Rhône

 

2014

Chikungunya

11

Hérault

 

2015

Dengue

6

Gard

 

2017

Chikungunya

17

Var

 

2018

Dengue

8

Hérault
Alpes-Maritimes

 

2019

Zika

3

Var

Premiers cas autochtones de Zika

2019

Dengue

9

Rhône
Alpes-Maritimes
Gard

 

 

Le tableau ci-dessus ne recense que les cas confirmés recensés par Santé Publique France et confirmés par des tests sérologiques. D’autres cas, asymptomatiques ou n’ayant pas été diagnostiqués, ont pu ne pas être détectés.

Ces pathologies ne sont donc plus des maladies tropicales, ramenées par des voyageurs de retour de zones infectées, mais un risque sanitaire à part entière dans lHexagone, dès lors qu’une population locale d’Aedes albopictus est susceptible de devenir vectrice.

b.   La potentielle émergence de nouvelles arboviroses sur le territoire national : l’exemple du virus Usutu

Si la commission d’enquête s’est penchée sur les cinq arboviroses les plus répandues, les spécialistes auditionnés ont mis l’accent sur l’émergence, toujours possible, de nouvelles arboviroses, qui sortiraient d’un environnement sylvestre pour s’adapter à notre mode de vie : « Les arbovirus sont généralement transmis dans un cycle que lon appelle "sylvatique" entre des primates non humains et des moustiques forestiers. Mais, à la faveur dun moustique quon appelle "bridge" qui fait le pont justement entre les hôtes non humains et les hôtes humains, un virus peut passer dans la population humaine, où il va créer un cycle de transmission humaine qui est pris, quant à lui, en charge par des moustiques domestiques, des moustiques qui vont piquer essentiellement lHomme. Cest de cette façon que les arbovirus émergent. » ([76]).

Parmi ceux-ci, le virus Usutu pourrait trouver les conditions favorables pour émerger.

Il s’agit d’un arbovirus comparable au virus West Nile, dont il est très proche. Il a été identifié en 1959 au Swaziland, désormais Eswatini, sur les berges de la rivière Usutu. Le virus Usutu suivrait quasiment le même cycle que West Nile, circulant parmi plusieurs espèces d’oiseaux, puis étant transmis de l’oiseau à l’humain par une piqûre de moustique. D’après M. Stéphan Zientara, « on a décrit vingt-huit cas dinfection humaine par le virus Usutu : deux en Afrique et vingt-six dans lUnion européenne. Cela sexplique sans doute en partie parce que la surveillance est plus intensive en Europe que dans dautres régions du monde. On a relevé des cas dencéphalites, de méningo-encéphalites ou, en Allemagne, dinfection dun donneur de sang » ([77]).

Le virus circulerait aujourd’hui à travers l’Europe, notamment en Italie où le premier oiseau mort infecté par le virus a été découvert en 1996, ou encore en Autriche, où la première épidémie d’Usutu chez les oiseaux a été détectée en 2001. À partir de 2009, des cas humains ont été identifiés en France, en Croatie, en Allemagne et en Autriche ([78]). Le premier cas humain détecté en France remonte à 2016, à Montpellier.

Bien que les cas humains dUsutu soient encore rares, son apparition sur le territoire européen invite à considérer que la liste des maladies vectorielles nest pas une catégorie close.

4.   L’ensemble du territoire français est désormais considéré comme à risque

La liste des départements où est constatée l’existence de conditions entraînant le développement ou un risque de développement de maladies humaines transmises par l’intermédiaire de moustiques et constituant une menace pour la santé de la population, définie en application de l’article L. 3114-5 du code de la santé publique, a été mise à jour par un arrêté du 23 juillet 2019 ([79]).

Les 101 départements français sont dorénavant considérés comme à risque de voir l’émergence d’arboviroses ; en outre, Guyane, Mayotte et Corse sont « concernés par lexistence de conditions entraînant le développement du paludisme ».

Selon les représentants de la direction générale de la santé (DGS), « lobjectif, in fine pour la DGS, était un système véritablement homogène – sous langle de la surveillance, mais aussi de la lutte contre ces maladies vectorielles – dans lensemble des régions. Lautre objectif aussi, par anticipation, était de mobiliser des régions – notamment le nord-ouest de la métropole – qui sont pour lheure moins touchées, mais qui le seront un jour ou lautre. » ([80])

Il est par conséquent indispensable de déployer un dispositif efficace de lutte contre les moustiques vecteurs sur lensemble du territoire, afin de prévenir lémergence darboviroses dans les territoires aujourdhui épargnés, et combattre les épidémies sévissant déjà dans lOutre-mer.

 


—  1  —

II.   Limiter les risques ÉpidÉmiques nÉcessite de repenser la politique de prÉvention, en la fondant sur l’information et la mobilisation sociale contre la propagation des vecteurs

Les travaux de la commission denquête ont mis en évidence la nécessité de concevoir la lutte contre les Aedes de façon radicalement différente de celle contre les autres moustiques.

Si l’usage de produits biocides constitue historiquement une composante essentielle de la lutte contre les moustiques, la progression des Aedes sur le territoire français oblige à la mise en œuvre d’une stratégie plus élaborée. Très urbains et très anthropophiles, Aedes aegypti et Aedes albopictus ne peuvent être combattus par la seule utilisation d’insecticides. Outre les conséquences à long terme, aujourd’hui bien établies, en termes d’apparition de résistances aux molécules utilisées, la taille réduite des gîtes larvaires – coupelles de fleurs, creux d’arbres, bidons – et leur proximité avec les habitations empêche un usage intensif de produits biocides au même titre que ceux-ci avaient pu être utilisés pour la lutte contre les culex et les anophèles.

Aussi, la lutte contre les vecteurs doit être planifiée et mise en œuvre de façon intégrée. Seule une démarche associant tous les échelons administratifs – de la commune à lÉtat –, et visant à engager pleinement la population dans la prévention des gîtes larvaires peut produire des résultats.

Cette démarche implique un haut niveau de mobilisation sociale, une modification des comportements individuels, une surveillance épidémiologique, des traitements biocides localisés et le maintien d’une recherche scientifique sur les vecteurs.

Recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 2004, la lutte intégrée est définie comme « un processus de gestion des populations de vecteurs, destiné à réduire ou interrompre la transmission de maladies » ([81]). Elle inclut notamment :

– « lutilisation de méthodes fondées sur la connaissance des facteurs influençant la biologie des vecteurs, le mode de transmission des maladies et la morbidité » ;

– « le déploiement dinterventions de diverses natures, de façon coordonnée » ;

– « la collaboration entre acteurs du secteur de la santé et avec les organismes publics et privés ayant un impact sur les vecteurs » ;

– « la mobilisation des communautés locales et autres acteurs dinfluence » ;

– « un cadre législatif et de régulation en matière de santé publique ».

Lélimination complète des moustiques Aedes nest pas envisageable. Mais, comme l’a rappelé le professeur Anna-Bella Failloux, « il faut contrôler leur densité, afin de labaisser jusquà un niveau compatible avec un faible risque de transmission et dépidémies » ([82]). Seule une approche intégrée de la lutte anti- vectorielle paraît aujourd’hui à même de produire un tel résultat pour contrôler la densité de moustiques.

Le principal objectif devra être la mobilisation de lensemble de la société et de tous les secteurs – privé comme public – pour une lutte efficace contre la prolifération des vecteurs et la propagation de maladies vectorielles.

A.   La mobilisation sociale, meilleure arme contre le moustique tigre

Si une pluralité de techniques de lutte anti-vectorielle existent aujourd’hui, celles-ci n’ont qu’une efficacité limitée. La refondation d’une politique de lutte anti-vectorielle repose donc d’abord sur un effort de prévention de sa prolifération et une modification des comportements par la formation, l’information et la mobilisation sociale.

1.   En l’absence d’éradication envisageable, il nous faut apprendre à vivre avec les moustiques Aedes

Si une pluralité de techniques de lutte anti-vectorielle existe aujourd’hui, celles-ci n’ont qu’une efficacité limitée. L’innovation scientifique et technique est donc un aspect essentiel de la lutte anti-vectorielle. Pour lutter contre l’accroissement de l’aire de répartition des moustiques et l’augmentation des cas de résistance aux insecticides, plusieurs techniques novatrices sont en cours de perfectionnement ([83]).

Prenant pour exemple les campagnes menées par l’Organisation panaméricaine de la santé contre Aedes aegypti entre 1947 et 1982 ([84]), certains auteurs ont proposé que les moustiques vecteurs d’arboviroses fassent l’objet d’une éradication totale et programmée au nom de la santé publique. Défendue par la biologiste Olivia Judson dans une tribune publiée dans le New York Times en 2003 ([85]), cette proposition ne fait pas l’unanimité chez les scientifiques. Le Professeur Anna-Bella Failloux a ainsi rappelé que malgré leurs nuisances, les Aedes jouent un rôle dans les écosystèmes : « Si nous supprimions les 3 500 espèces de moustiques, il y aurait des conséquences énormes. Dun point de vue écologique, ils font partie de la chaîne alimentaire des oiseaux, des batraciens et des poissons, qui se nourrissent des larves de moustiques. Ces dernières sont dailleurs des « filtreurs » importants : elles ont des brosses buccales qui filtrent la matière organique en suspension dans leau, et elles assainissent ainsi le milieu aquatique. Les moustiques peuvent être aussi des pollinisateurs. En dehors du sang, [les moustiques] prélèvent du nectar de fleurs. Ces espèces sont donc utiles » ([86]).

Les conséquences de leur disparition restent ainsi difficilement déterminables ex ante. Le professeur Frédéric Simard, cité dans un article du Figaro, commente : « leur disparition pourrait être compensée par larrivée dautres insectes, tels les chironomes, qui profiteraient de lespace ainsi libéré car la nature a horreur du vide. [Les moustiques] étaient là bien avant nous sur Terre, ils nont jamais cessé de sadapter et ils ne sont pas menacés par lérosion de la biodiversité » ([87]). Le Professeur Éric Marois met en garde contre les tentations d’interventions éradicatrices : « une espèce éradiquée sera probablement rapidement remplacée par dautres au niveau de la niche écologique. Il se peut quon ne voie pas la différence » ([88]).

À ce jour aucun scientifique n’a pu établir avec certitude les impacts écologiques que pourrait avoir l’éradication des moustiques.

Par ailleurs, parmi les plus de 3 500 espèces de moustiques, seule une centaine sont capables de piquer l’homme et de transmettre des pathogènes. Toute tentative d’éradication de moustiques invasifs risquerait de mettre en péril les espèces indigènes. Si des nouvelles techniques pourraient permettre à l’Homme d’envisager une éradication, les scientifiques s’accordent pour dire que seules quelques espèces de moustiques pourraient potentiellement être éradiquées.

Ainsi la rapporteure constate quil va falloir apprendre à vivre avec les Aedes en limitant au mieux leur prolifération, sans espérer à court terme une solution miracle.

2.   La lutte biocide présente de sérieuses limites

Si l’éradication du moustique tigre n’est pas, en l’état actuel des connaissances et des techniques, une perspective réaliste, la question est de savoir comment limiter la présence de moustiques vecteurs en maximisant l’efficacité des interventions, en réduisant autant que possible leur impact à long-terme et en limitant leur coût budgétaire pour les pouvoirs publics.

Au regard de ces critères, lutilisation de produits biocides présente de nombreux inconvénients et ne peut, en tout état de cause, servir doutil principal à une stratégie efficace de lutte contre les vecteurs.

a.   Les produits biocides sont d’un emploi difficile contre les Aedes

i.   La deltaméthrine, seule molécule véritablement utilisée en lutte anti-vectorielle…

Plusieurs produits sont aujourd’hui utilisés contre les moustiques du genre Aedes :

– un produit larvicide fabriqué à partir de la bactérie Bacillus thuringiensis israelensis, plus communément appelé « Bti »,

– la deltaméthrine, molécule de la famille des pyréthrinoïdes utilisée à des fins adulticides. Il s’agit de la molécule la plus utilisée à cette fin ;

– de façon plus limitée, le malathion et le fénitrothion, composés organophosphorés adulticides aujourd’hui interdits d’utilisation dans l’Union européenne, mais employés à titre dérogatoire en Guyane.

Le principal produit aujourd’hui utilisé en matière de démoustication « de confort » est un biocide d’origine biologique à base de la bactérie Bacillus thuringiensis israelensis, ou « Bti ».

Son utilité a été mise en évidence en 1977. Ingérées par les larves de moustiques, les protéines contenues dans le produit réagissent avec les enzymes intestinales et se transforment en toxines, qui perforent le tube digestif de la larve et entraînent sa mort.

Le Bti présente plusieurs avantages :

– il agit sur les moustiques avant leur passage au stade adulte et leur dispersion dans l’environnement ;

– il est très sélectif, et ne cible que les larves de diptères (mouches et moustiques) ; les données scientifiques disponibles à ce jour concluent à son innocuité sur la flore et la faune non ciblée ;

– la transformation du produit en quatre toxines différentes réduit le risque d’apparition de résistances.

Cependant, selon certains chercheurs, le Bti, qui s’accumule au fond des marais et peut rester toxique pendant longtemps, constituerait une menace pour la chaîne alimentaire de certaines espèces qui se nourrissent de certains insectes. Les populations de libellules, d’hirondelles et de passereaux paludicoles seraient tout particulièrement menacées. Une étude internationale, publiée en avril par la revue Science of the Total Environment, évoque des menaces pour d’autres espèces animales – chironomes, amphibiens… – avec des répercussions sur la biodiversité de ces milieux ([89]).

Le Bti demeure quasi-exclusivement utilisé pour la lutte « de confort », contre les moustiques Culex pondant en zone humide. La taille réduite et le grand nombre de gîtes larvaires dAedes en milieu urbain empêche en effet de recourir à grande échelle à des produits larvicides.

Le principal biocide utilisé contre les Aedes adultes est aujourd’hui la deltaméthrine, commercialisée par l’entreprise Bayer sous le nom d’Aqua K‑Othrine® et appartenant à la famille des pyréthrinoïdes.

La deltaméthrine est un produit adulticide, aujourd’hui utilisé en pulvérisation spatiale autour des cas humains confirmés de maladies vectorielles.

Selon le protocole en vigueur, la deltaméthrine est pulvérisée de nuit, en « ultra-bas volume » (moins d’un gramme par hectare) et dans un rayon de 150 mètres autour de la zone où se situait la personne malade. Il s’agit ainsi d’éliminer, dans son entourage, les moustiques adultes potentiellement vecteurs du virus.

En application de la réglementation européenne en vigueur, résultant des règlements « Produits biocides » de 2012 ([90]) et « Produits phytopharmaceutiques » de 2009 ([91]), la deltaméthrine est aujourdhui le seul produit adulticide de « classe A » ([92]), autrement dit de grande efficacité, autorisé dans lUnion européenne.

Appartenant à la famille des composés organophosphorés, le malathion est une substance insecticide de classe A et à large spectre – en d’autres termes, d’une toxicité élevée sur une grande variété d’insectes. N’étant pas incluse parmi les produits autorisés dans le règlement « Produits biocides » de 2012, son utilisation est interdite dans l’Union européenne.

Afin de lutter contre la propagation du chikungunya sur le territoire, et de remédier aux fortes résistances à la deltaméthrine développées par les populations d’Aedes aegypti en Guyane, le malathion a été brièvement utilisé à titre dérogatoire de 2014 à 2015.

Le malathion en Guyane : une utilisation dérogatoire rapidement arrêtée

Le 21 février 2014, le préfet de la Guyane a sollicité une autorisation temporaire d’utilisation du malathion, telle qu’ouverte par l’article 55 du règlement (UE) n° 528/2012, dit règlement « Produits biocides ». Cette molécule avait déjà été utilisée de façon dérogatoire en 2009, avant que son utilisation ne soit abandonnée en raison, selon le ministère des affaires sociales, du manque de soutien industriel et non de problèmes sanitaires ou environnementaux ([93]).

Dans un avis du 18 mars 2014 ([94]), l’Anses concluait à « la toxicité élevée pour les organismes aquatiques et terrestres non-cibles » du malathion, tout en jugeant que parmi les trois substances qui lui étaient soumises pour examen – le malathion, le fénitrothion et la deltaméthrine – présentait le profil toxicologique le plus favorable. En conclusion, l’avis de l’Anses ne s’opposait pas à l’utilisation de malathion, sous réserve du respect d’un certain nombre de recommandations, telles qu’un usage exclusivement en extérieur, l’application de mesures organisationnelles et techniques telles que l’évacuation ou le confinement des personnes à l’intérieur des habitations pendant le traitement, ou encore l’absence de traitement près de cours d’eau.

Les mesures de gestion ont ensuite été précisées par le Haut Conseil de la santé publique dans un avis du 9 mai 2014, qui préconisait notamment l’aspersion uniquement par voie terrestre et en ultra-bas volume, et des mesures spécifiques de protection des personnels en véhicule léger ou à pied et de la population générale.

Le reclassement du malathion en « cancérogène probable » (groupe 2A) par le Centre International de recherche sur le cancer (CIRC) en mars 2015, et non plus comme « inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’homme » (groupe 3), a toutefois conduit à un réexamen de la situation. Les pulvérisations de malathion ont été suspendues immédiatement par le président du conseil général, le préfet et l’ARS de la Guyane. Par mesure de précaution, le Gouvernement a, par arrêté du 27 mars 2015, levé l’autorisation dérogatoire d’usage de ce produit. Son utilisation n’a pas été réenvisagée depuis.

En définitive, la deltaméthrine est aujourdhui la seule substance dont disposent les pouvoirs publics pour lutter, à court-terme, contre les moustiques Aedes sur un lieu donné.

ii.   …malgré des limites importantes

En dépit de son efficacité à court-terme, la deltaméthrine présente un certain nombre de limites.

La deltaméthrine est en premier lieu un produit exclusivement adulticide, n’éliminant ni les larves, ni les œufs. En présence de gîtes larvaires, et quelle que soit l’intensité du traitement, des insectes sont donc amenés à réapparaître au bout de quelques jours.

Comme l’a expliqué le Professeur Anna-Bella Failloux à la commission d’enquête, « lœuf pondu ne peut pas être éliminé, même par les insecticides. Lorsquil est en contact avec leau, il éclot et produit des larves de moustiques qui, en fonction des espèces, se trouveront dans des eaux propres ou sales » ([95]).

Le mode de vie et de reproduction des Aedes rend ensuite très difficile le traitement par pulvérisation sur la totalité des lieux de présence de moustiques. Le nombre extrêmement élevé de gîtes larvaires potentiels à l’échelle d’une commune nécessiterait un traitement massif par voie aérienne. Or comme l’a souligné M. Bruno Tourre, directeur technique de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) Méditerranée, le caractère urbain du moustique tigre, qui nidifie à proximité des habitations, et le nombre de gîtes larvaire empêche la mise en œuvre de tels moyens sans de grandes difficultés :

« Nous voyons bien que, comme ce sont des moustiques qui vivent dans les zones pavillonnaires, les stratégies mises en œuvre dans les zones humides littorales, sur des dizaines de milliers dhectares, sont totalement inopérantes. Il fallait développer autre chose. Nous ne pouvons pas non plus rentrer chez les gens pour aller traiter dans chacun des gîtes larvaires qui sont chez eux. » ([96])

Enfin, et il s’agit là d’un problème commun à la quasi-totalité des produits insecticides, une utilisation trop intensive augmente le risque dapparition dune résistance au produit chez les moustiques, réduisant in fine considérablement lefficacité des traitements. L’utilisation d’un insecticide donné a en effet pour conséquence d’accroître la pression de sélection, autrement dit la vitesse de sélection « naturelle », au fil des générations de moustiques, d’individus dotés de gènes leur permettant de résister à la molécule.

En d’autres termes, et comme l’a résumé M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical au sein de l’EID Méditerranée, « plus le produit est utilisé, plus la pression de sélection est forte, plus la probabilité dapparition de résistances est grande » ([97]).

Cette résistance peut prendre des formes multiples, comme l’a expliqué le Dr Louis Lambrechts :

« Lépandage dinsecticides dits résiduels qui vont rester dans lenvironnement, […] la pulvérisation locale dinsecticides au niveau des gîtes larvaires ou des sites où les adultes se trouvent ou […] les protections personnelles de type répulsif […] sont, dune manière ou dune autre, menacées par lévolution de la résistance aux insecticides, quelle que soit la forme que prend cette résistance. Cela peut être une mutation de la cible de linsecticide. Cela peut être ce quon appelle une évolution de limperméabilité de la cuticule, cest-à-dire que, finalement, linsecticide ne perturbe plus la physiologie des moustiques parce quil narrive pas à pénétrer leur cuticule. Cela peut être ce quon appelle la résistance métabolique par détoxification des molécules insecticides. Enfin, cela peut être ce quon appelle la résistance comportementale où le moustique, dune manière ou dune autre, évite le contact avec linsecticide. » ([98])

Ce risque est particulièrement marqué chez les moustiques, en raison de leur cycle biologique court – seulement quelques jours pouvant séparer la ponte d’un œuf et la naissance d’une nouvelle génération et de leur grande variabilité génétique, comme l’a détaillé le Dr Louis Lambrechts :

« Les moustiques sont […] très variables génétiquement et peuvent évoluer dans un sens ou dans un autre. Cela pose de gros problèmes pour lévolution de la résistance aux insecticides. Si les moustiques deviennent résistants aux insecticides, cest parce que des variants résistants apparaissent spontanément et sont très fortement sélectionnés dans les zones où on utilise ces insecticides. […] Le plus souvent, la méthode fonctionne au début et ne fonctionne plus ensuite parce quil y a une évolution de résistance. » ([99])

Une résistance des populations d’insectes est d’ores et déjà constatée dans les départements français d’Amérique (DFA), selon le Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail Vecteurs de l’Anses : « Quand nous nous projetons en Guyane, la résistance est entre 40 et 50 % [de moustiques résistants]. Elle est également élevée aux Antilles, aux alentours de 20 à 30 %. » ([100])

S’agissant des autres territoires, davantage touchés par Aedes albopictus (cf. supra, I. A.) « sur les dernières données dont nous disposons à La Réunion, qui datent maintenant de 2018, le niveau de résistance était très faible » ([101]).

Aucune résistance particulière n’a été observée à ce jour dans l’Hexagone, d’après les personnes auditionnées.

Toutefois, son apparition sur lensemble du territoire français est inévitable, selon le Dr Fabrice Chandre : « ce nest pas encore le cas avec Aedes albopictus, mais on sait que ce nest quune question de temps, puisque des gènes de résistance ont déjà été identifiés, notamment en Italie et en Grèce : ils devraient donc être prochainement observés en France si on y augmente la pression de sélection » ([102]).

iii.   Les obstacles à une diversification des substances

À moins de renoncer entièrement à l’utilisation de produits biocides, la diversification des substances utilisées est le seul moyen déviter lapparition de résistances, ou, comme l’a expliqué le Dr Louis Lambrechts, « dune manière ou dune autre, [de] retarder un peu lapparition de la résistance » ([103]). Or cette diversification est aujourd’hui entravée par le très faible nombre de molécules substituables à la deltaméthrine.

Comme l’a expliqué M. Grégory L’Ambert, de l’EID Méditerranée, « un début dapparition de résistance à la deltaméthrine nécessiterait de reprendre les méthodes de lutte anti-vectorielle, par exemple davoir recours à dautres molécules. Le problème est que, actuellement, aucune autre molécule nest disponible » ([104]).

Le Pr Anna-Bella Failloux a partagé ce constat, et précisé qu’« il nexiste pas beaucoup dinsecticides performants. Nous utilisons six grandes familles dinsecticides, et les moustiques ont développé des résistances vis-à-vis de presque toutes » ([105]).

La faible disponibilité voire l’absence de molécules alternatives s’explique par deux éléments principaux :

– sur le plan juridique, par la réglementation européenne en vigueur, résultant des règlements « Produits biocides » de 2012 ([106]) et « Produits phytopharmaceutiques » de 2009 ([107]), qui n’autorisent à ce jour que les pyréthrinoïdes, dont fait partie la deltaméthrine ;

– de façon plus structurelle, par la faible mobilisation des entreprises industrielles, dont la cause peut être attribuée aux perspectives économiques limitées d’une éventuelle nouvelle molécule.

S’agissant du premier élément, et comme l’a détaillé le Dr Fabrice Chandre, « lobligation dappliquer la réglementation européenne partout en France, y compris dans les départements dOutre-mer, notamment en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, nous empêche dutiliser dautres insecticides que les pyréthrinoïdes – précisément la classe de substances auxquels les moustiques ont développé une grande résistance, sans doute lune des plus fortes au monde » ([108]).

Une autre explication plus structurelle doit toutefois être trouvée dans la taille réduite du marché de la lutte anti-vectorielle, et par conséquent la faible attractivité de la recherche pour les entreprises concernées.

M. Bruno Tourre en a résumé les enjeux :

« Le problème qui se pose est que les industriels ne font pas de recherches pour développer dautres produits. Pourquoi ? Tout simplement parce que la lutte anti-vectorielle est une niche, un tout petit marché qui ne justifie pas que les industriels dépensent des millions pour développer un autre produit et surtout pour le faire agréer ou homologuer. Plus que la réglementation européenne, le problème est quil ny a pas de recherche et que nous nous appuyons uniquement sur des produits existants sans développer de nouveaux produits en matière de lutte anti-vectorielle. » ([109]) 

Ces motifs permettent d’expliquer l’échec des tentatives de diversification menées par les pouvoirs publics lors de la période récente, selon le Dr Fabrice Chandre :

« Je sais que le ministère de lenvironnement avait essayé, avec les opérateurs, didentifier de nouvelles molécules susceptibles dêtre utilisées dans le cadre de la santé publique en France, mais encore faut-il pour cela que les industriels manifestent la volonté de mettre de nouvelles formules sur le marché européen. Il ne faut pas perdre de vue quen France, le marché de la santé publique ne représente que 3 % du marché des pesticides, et que ces 3 % correspondent essentiellement aux régions situées en zone tropicale. Pour vous donner un ordre didée, le marché des insecticides sur lîle de La Réunion ou en Guyane représente une quantité limitée à quelques dizaines, tout au plus quelques centaines de litres de produit par an, ce qui est extrêmement peu au regard du coût de la constitution dun dossier par les industriels souhaitant commercialiser de nouveaux produits : ce marché nétant absolument pas rentable pour eux, ils le délaissent. » ([110])

Lapparition dune résistance à la deltaméthrine serait pourtant un problème grave, en ce quelle risquerait de rendre inefficace la stratégie actuelle de réponse au risque épidémique, fondée sur des traitements localisés autour des cas humains confirmés de maladies vectorielles (cf. supra, II.A.1.).

La situation est particulièrement sérieuse dans les DFA, où les populations d’Aedes aegypti présentent déjà d’importantes résistances. Le Dr Fabrice Chandre l’a déploré : « il est compliqué de lutter contre les moustiques adultes avec un seul insecticide, mais cest malheureusement la situation à laquelle nous sommes confrontés dans les départements français dAmérique » ([111]).

Elle l’est également en Nouvelle-Calédonie : selon une note de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de 2017 ([112]), la résistance à la deltaméthrine s’y est aggravée suite aux épidémies d’arboviroses observées depuis 2003, sans toutefois atteindre les niveaux observés en Guyane. Cette moindre gravité s’explique notamment par la non-applicabilité des directives européennes en Nouvelle-Calédonie, qui permet aux services de démoustication d’utiliser en alternance deux familles d’insecticides – pyréthrinoïdes et organophosphorés – et ainsi limiter la généralisation des phénomènes de résistance. Néanmoins, et comme le relevait l’Anses, cette situation « est devenue précaire par le risque dinterdiction du [composé organophosphoré] malathion suite à de nombreuses controverses autour, notamment, des pratiques dérogatoires et donc par lutilisation dune molécule unique ».

De manière générale, le Pr Anna-Bella Failloux a alerté la commission denquête : « la situation est critique. Nous navons presque pas de moyens pour réduire les densités de moustiques » ([113]).

b.   L’utilisation de produits insecticides présente des risques spécifiques

i.   Des risques environnementaux

L’utilisation de biocides présente également des risques pour lenvironnement, dès lors que le produit est disséminé sur l’ensemble de la zone de traitement : sont dans ce cas touchés non seulement les moustiques, mais également les autres espèces présentes.

Or la deltaméthrine présente une toxicité non négligeable pour un certain nombre despèces, y compris à des niveaux d’exposition largement inférieurs au seuil de toxicité pour l’homme.

Un essai en laboratoire a ainsi pu mettre en évidence des effets néfastes sur les abeilles, pour des doses 50 fois inférieures à la dose homologuée pour les traitements (6,25 g/ha) ([114]).

De plus, ce risque s’accroît avec le niveau de résistance des moustiques à la molécule utilisée. Comme l’a souligné le Pr Anna-Bella Failloux, « lorsquils sont résistants, nous devons utiliser une dose dinsecticide plus élevée pour tuer la même quantité de moustiques. Vous pouvez ainsi imaginer les impacts quengendrent ces pulvérisations massives sur la faune non-cible, notamment les abeilles. Ces insecticides affectent lenvironnement […] » ([115]).

ii.   Une moindre acceptabilité sociale

Enfin, la lutte chimique fait davantage lobjet doppositions de la part des populations, souvent sensibles – à juste titre – à limpact environnemental et sanitaire des produits pulvérisés.

M. Jocelyn Raude, maître de conférences en sociologie à lÉcole des hautes études en santé publique (EHESP), a témoigné du problème à La Réunion, où, selon « les données qui ont été collectées fin 2018 démontrent que seuls 45 % des Réunionnais approuvent les traitements par insecticides dans le cadre de la lutte anti-vectorielle. Il existe donc un vrai problème dacceptabilité de ces mesures collectives » ([116]).

Plusieurs contestations locales ont par ailleurs eu lieu en différents points du territoire au cours des dernières années.

À titre dexemple, en mars 2019, Mme Vanessa Miranville, maire de La Possession (La Réunion) a écrit au préfet et à lagence régionale de santé (ARS) pour sopposer aux pulvérisations de deltaméthrine à proximité des habitations ([117]). À Lyon, une association a lancé en septembre 2019 un appel à la « désobéissance civile », incitant les habitants à s’opposer physiquement aux traitements insecticides ; cet appel a été assez largement relayé dans les médias ([118]).

Il apparaît également que lorsqu’elle repose sur l’usage de produits insecticides, la lutte anti-vectorielle fait l’objet d’une perception plus négative par la population. Ainsi, dans une étude menée en 2016 sur le littoral méditerranéen, 48 % des personnes interrogées estimaient que la démoustication peut être nocive ; parmi ces 48 %, un quart est défavorable à la démoustication dans le département, contre un cinquième seulement dans l’ensemble de la population ([119]).

Il paraît par conséquent nécessaire d’assurer une transparence totale de linformation au sujet des interventions prévues, en privilégiant une communication proactive de la part des organismes de démoustication et de l’ARS – faisant notamment usage du porte-à-porte, mieux à même de recueillir l’assentiment des populations.

Proposition n° 1 : Informer le public en continu des techniques de lutte anti-vectorielle mises en œuvre au niveau local, en privilégiant les actions de terrain.

En définitive, si la deltaméthrine demeure indispensable à ce jour pour endiguer la progression des arboviroses détectées sur un territoire, la diversification des molécules et, plus largement, des méthodes de lutte contre les vecteurs paraît essentielle à long-terme.

3.   La mobilisation sociale demeure la méthode la plus efficace à ce jour

De nouvelles techniques de lutte sont en cours de développement et pourraient constituer des armes essentielles au cours des prochaines années : bactérie wolbachia, technique de l’insecte stérile (TIS) ou encore moustiques génétiquement modifiés (cf. infra, V.B.5.).

Il ressort toutefois des travaux de la commission denquête quà ce stade, demeurent de loin les plus efficaces :

 la protection personnelle, cest-à-dire le fait de porter des vêtements couvrants et un répulsif pour éviter les piqûres de moustique dans les zones infestées,

 la lutte contre les gîtes larvaires, ou « lutte mécanique ».

Selon la définition du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), la lutte mécanique « consiste à intervenir physiquement sur les gîtes larvaires pour réduire leur productivité en moustiques. Concrètement, dans la lutte contre les Aedes domestiques, il peut sagir de vider ou de supprimer les gîtes larvaires potentiels (suppression des coupelles sous les pots de fleurs), de mettre en place des barrières physiques empêchant la ponte (couvrement des réserves deau) ou daménagements urbains visant à limiter la stagnation de leau » ([120]).

Le Dr Fabrice Chandre a résumé l’importance de cette lutte :

« Dans le cadre de la lutte contre les Aedes, notamment les espèces albopictus – le moustique tigre – et aegypti, on considère avoir affaire à des moustiques en quelque sorte domestiqués par lhomme, en tout cas parfaitement adaptés à lenvironnement humain et vivant dans des gîtes créés par lHomme – même si le moustique tigre a également la capacité de vivre dans des gîtes plus naturels tels que des trous darbre ou des creux de rocher. Dans ces conditions, la meilleure méthode de lutte en période inter-épidémique consiste à détruire le maximum de gîtes dans lesquels se développent les moustiques. Aux abords des habitations, il sagit ainsi de vider régulièrement tous les récipients dans lesquels leau peut saccumuler, y compris les soucoupes se trouvant sous les pots de fleurs, où les larves de moustiques peuvent se développer dans quelques millimètres deau. Dune manière générale, tous les endroits où leau stagne, même en faible quantité, doivent être asséchés à chaque fois quil est possible de le faire. » ([121])

La taille des gîtes larvaires, leur nombre et leur proximité avec les habitations rendent indispensable une action de tous les individus ; en effet, aucun opérateur ne dispose de moyens suffisants pour intervenir physiquement sur lintégralité des gîtes, sans compter les difficultés posées par leur présence sur des propriétés privées – que des moyens juridiques soient disponibles ou non pour y pénétrer.

Comme l’a résumé M. Bruno Tourre de l’EID Méditerranée, « nous voyons bien que, comme ce sont des moustiques qui vivent dans les zones pavillonnaires, les stratégies mises en œuvre dans les zones humides littorales, sur des dizaines de milliers dhectares, sont totalement inopérantes. Il fallait développer autre chose. Nous ne pouvons pas non plus rentrer chez les gens pour aller traiter dans chacun des gîtes larvaires qui sont chez eux. Le seul moyen de lutter contre lapparition et lémergence forte du moustique tigre, cest-à-dire de lutter contre les nuisances du moustique et dabaisser le risque vectoriel, est une mobilisation sociale » ([122]).

La mobilisation sociale en santé publique : définition

Une première définition de la mobilisation sociale a été fournie par la constitution de l’OMS, établie en 1948, qui affirme qu’ « une opinion publique éclairée et une coopération active de la part du public sont dune importance capitale pour lamélioration de la santé des populations ».

Cette notion a fait l’objet d’une attention croissante de la part de l’organisation à partir des années 1960. La charte d’Ottawa, signée en 1986 à l’occasion de la première conférence internationale pour la promotion de la santé, réaffirme que le renforcement de l’action communautaire constitue l’une des cinq priorités essentielles en vue d’une action sanitaire fondée sur la prévention. Les campagnes de lutte contre le SIDA, et l’efficacité des actions de sensibilisation de la population à la maladie et à la nécessité de modifier ses comportements ont également conduit à renforcer la place de cette notion.

Également appelée « mobilisation communautaire », eu égard notamment à l’utilisation des communautés sociales et religieuses du territoire concerné comme relais, la mobilisation sociale est définie par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), comme l’ensemble des processus permettant de « mobiliser et de motiver un grand nombre de partenaires et de collaborateurs au niveau national comme au niveau local afin daccroître lattention et la demande pour la réalisation de certains objectifs à travers le dialogue. Les représentants des institutions publiques, les réseaux sociaux ou citoyens, les groupes religieux et non-religieux sont invités à travailler de manière coordonnée pour impliquer des groupes de personnes spécifiques dans un dialogue autour de messages planifiés. En dautres termes, la mobilisation sociale cherche à faciliter le changement des comportements à travers lengagement dun ensemble dacteurs dans des efforts concertés et complémentaires ».

B.   La prioritÉ : dÉfinir un plan national de lutte contre les vecteurs fondÉ sur la mobilisation sociale contre les gîtes larvaires

Si des points damélioration notables ont été enregistrés, dus notamment à une prise de conscience dans différents territoires des enjeux sanitaires, les actions de prévention demeurent, dans lensemble, insuffisamment organisées et encouragées par les pouvoirs publics.

Le constat sévère dressé par le CNEV en 2016 demeure à cet égard pertinent : « en métropole, la prévention des maladies vectorielles est rendue complexe par le peu de moyens, financiers et humains, alloués à la LAV […], la multiplicité des acteurs et institutions impliqués dans la stratégie de lutte contre le moustique, notamment sur le plan de la prévention et de la communication (ARS, conseil départemental, conseil régional, élus municipaux, opérateurs territoriaux, etc., là où il nexiste outre‐mer quun seul voire deux opérateurs, ARS et conseil départemental), enfin la difficulté à intéresser et à mobiliser les différents partenaires (collectivités, professionnels de santé, etc.) et les populations sur un risque diffus, probable mais encore non avéré » ([123]).

Si les territoires ultramarins se distinguent par leur avance sur le sujet, qui s’explique à la fois par leur exposition plus précoce au moustique et par les initiatives qu’ils ont prises, aussi bien en matière de recherche que de santé publique, des progrès peuvent encore être réalisés pour mieux associer les habitants dans chaque territoire.

Il est aujourd’hui nécessaire de redéfinir la politique de prévention sur lensemble du territoire français, ultra-marin comme hexagonal, en établissant de façon claire les objectifs, le registre dactions à mener selon la situation de nuisance et de santé publique locale, les acteurs à mobiliser et le discours à adopter pour chacun de ces acteurs.

La redéfinition du cadre légal autour d’une compétence fondamentale de l’État, par l’intermédiaire des agences régionales de santé (ARS), doit également permettre de renforcer la politique de prévention (cf. infra, III.C.).

1.   Faire de l’engagement des citoyens la priorité des actions de lutte anti-vectorielle

La mobilisation sociale pour favoriser l’élimination des gîtes larvaires doit devenir le premier outil de la lutte anti-vectorielle.

a.   Accompagner les gestes de protection individuelle

Même si cela semble aller de soi, la première solution pour éviter la transmission des arboviroses consiste à éviter de se faire piquer par les moustiques vecteurs.

Il convient donc de relancer, dans les campagnes de prévention, les messages rappelant les gestes à tenir dans les zones infestées :

– porter des vêtements couvrants,

– utiliser des produits répulsifs,

– mettre en place des moustiquaires pour protéger les habitations.

Le plan de protection mis en place par le Service de santé des armées à Djibouti (cf. IV. C.) a montré l’importance de ce premier cercle de protection, fondé sur des gestes de bon sens souvent connus et parfois ignorés.

b.   Encourager la mobilisation individuelle

La mobilisation sociale doit être la priorité des plans de lutte anti-vectorielle, bien avant lutilisation de produits biocides.

Le Pr Didier Fontenille a largement insisté sur ce point lors de son audition :

« Il faut bien comprendre une chose : la lutte anti-vectorielle par insecticide représente 20 % de ce quil faut faire pour lutter contre les moustiques ; le comportement humain représente quant à lui 80 %. Si les gens suppriment les gîtes chez eux, nettoient les gouttières des maisons et évitent que de vieux pneus traînent partout, cela permet déjà de limiter les populations. Les agences et les opérateurs interviennent ensuite, quand nous navons pas su faire autrement. Si tout le monde laisse les moustiques proliférer, on ny arrivera jamais ! » ([124])

Ceci implique une mobilisation forte sur le plan individuel. M. Alexis Pernin, chef de bureau au sein de la direction générale de la santé, a ainsi appelé à ne pas oublier un acteur, « le citoyen pris individuellement ou dans le tissu associatif. En adoptant de bonnes mesures en amont, notamment par la lutte mécanique et la suppression des gîtes larvaires, le citoyen intervient dans la diminution de la densité des vecteurs » ([125]). Tirant des enseignements de la situation à Mayotte, le Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’ARS de Mayotte, a également rappelé que « si nous voulons être efficaces, il ne faut pas sous-traiter à lARS le soin de réussir une mobilisation qui suppose que, maison par maison, rue par rue, commune par commune, quartier par quartier, on ait vraiment un travail délimination des gîtes larvaires, de traitement des eaux stagnantes, denlèvement des ordures et des encombrants, sauf à répandre effectivement des insecticides de façon rituelle et régulière, avec une inefficacité patente à larrivée » ([126]).

c.   Réserver l’usage de biocides à la stricte nécessité sanitaire

En définitive, les risques inhérents aux produits biocides – limites inhérentes à leur utilisation, apparition de résistance à long-terme, risques environnementaux, moindre acceptabilité sociale –, conduisent la commission d’enquête à préconiser de limiter au maximum lutilisation de produits insecticides dans les stratégies de lutte anti-vectorielle.

Cette limitation passe principalement par l’usage d’insecticides pour des seuls motifs impérieux d’ordre sanitaire, à savoir autour de cas humains confirmés de maladies vectorielles, dans un objectif de limitation à court-terme des transmissions et en complément d’une intervention physique contre les gîtes. Cela a ainsi été préconisé par le Dr Marie-Claire Paty, coordonnatrice de la surveillance des maladies vectorielles au sein de Santé publique France :

« Nous tenons beaucoup à cela à Santé publique France et nous avons toujours argumenté et milité pour un dispositif qui soit adapté aux risques vectoriels. Pour nous, il sagit, malgré laugmentation des cas darboviroses et des épisodes épidémiques, comme on les connaît tous, dêtre en mesure de limiter lutilisation des insecticides, cest-à-dire de ne pas les utiliser larga manu, mais de les utiliser dune façon proportionnée au risque. Par exemple, nous avions fait des travaux et nous avions proposé de limiter, dans la situation métropolitaine notamment, lutilisation des insecticides aux cas humains confirmés et probables, de ne pas mettre dinsecticides avant dêtre sûr du diagnostic, et aussi davoir une utilisation efficiente de ressources humaines et techniques, qui sont quand même assez contraintes, en particulier en métropole – mais ce constat ne vaut pas que pour la métropole – où il ny a pas des milliers dagents de lutte anti-vectorielle ni déléments techniques. » ([127])

De façon incidente, une telle stratégie implique de renoncer entièrement à l’usage de biocides contre les Aedes pour des motifs de « confort », comme l’a défendu le Pr Philippe Quenel :

« [L]es biocides doivent être exclusivement réservés à la lutte anti-vectorielle et pas utilisés pour les usages contre les nuisants. Cest quelque chose dimportant, cest-à-dire que la nuisance sans conséquence sanitaire doit faire appel à dautres techniques de contrôle pour réserver ces quelques biocides que nous avons encore, qui sont très limités, aux usages spécifiques de la lutte anti-vectorielle. Cest vraiment un point sur lequel il faut être très vigilant […]. » ([128])

Proposition n° 2 : Réserver l’usage d’insecticides aux seuls traitements localisés autour de cas humains confirmés, en complément d’une intervention contre les gîtes larvaires dans le voisinage des personnes infectées, à l’exclusion de tout usage en lutte de confort.

Il est par ailleurs urgent de développer des molécules adulticides alternatives à la deltaméthrine, par l’intermédiaire de la recherche (cf. infra, V.B.3).

d.   Associer la population à la surveillance

Les citoyens sont associés depuis 2014 à la détection du moustique tigre par lintermédiaire dun outil de signalement en ligne, aujourdhui hébergé à ladresse « signalement-moustique.anses.fr ». Il s’agit aujourd’hui d’une composante essentielle du système de « surveillance passive » de l’implantation d’Aedes albopictus dans l’Hexagone.

Il n’est pas déployé dans l’Outre-mer, toutes les communes ultramarines étant considérées comme déjà colonisées soit par Aedes aegypti, soit notamment à La Réunion, par Aedes albopictus.

L’outil poursuit deux finalités :

– le suivi de la distribution des vecteurs et de leur dynamique saisonnière ;

– la détection des nouvelles implantations dAedes albopictus ou d’autres espèces vectrices de maladies humaines.

Il permet à tout particulier de faire état de la présence d’un moustique tigre, en répondant à un questionnaire – visant à s’assurer que l’espèce repérée correspond aux caractéristiques d’un Aedes albopictus – puis en téléchargeant une photo de l’insecte. La photo est ensuite transférée au système d’information de la lutte anti-vectorielle (SI-LAV) du ministère de la Santé, qui enregistre également les données envoyées par les opérateurs sur les traitements de lutte anti-vectorielle (LAV) qui sont effectués.

Pour tout signalement effectué sur la plateforme, l’ARS ou l’opérateur qui intervient pour son compte après avoir été habilité, intervient dans le secteur concerné et identifie si l’espèce signalée est vectrice. Une réponse est ensuite apportée au particulier ayant fait le signalement.

Trois cas de figures sont possibles lors du signalement :

– si lespèce nest pas vectrice, le déclarant en est informé ;

– en cas de signalement positif dans une commune déjà considérée comme colonisée, une réponse automatique est envoyée au déclarant depuis le site en précisant les bons gestes à tenir ;

– un signalement positif sur une commune non considérée comme colonisée entraîne l’intervention de l’ARS ou son opérateur, afin d’organiser une surveillance renforcée de la commune et éviter la propagation du moustique.

Page d’accueil de l’outil en ligne signalement-moustique.anses.fr


Loutil rencontre indéniablement un certain succès, et les particuliers sen sont assez largement saisis depuis sa création. Selon M. Alexis Pernin de la direction générale de la santé, on compte 44 000 déclarations depuis 2014, dont 1 000 entre le 1er janvier et le 15 juin 2020.

Ce succès peut s’expliquer par le volontarisme des ARS en la matière ; selon Mme Isabelle Estève-Moussion, de l’ARS d’Occitanie, « nous faisons une bonne publicité pour le site signalement-moustique.fr et les préfectures nous aident bien sur ce sujet. La plupart des préfectures sont de bons relais pour mettre le site en avant afin que les particuliers nous disent sil y a des moustiques chez eux » ([129]).

Son élargissement à lOutre-mer mériterait néanmoins une véritable réflexion, notamment dans les départements français dAmérique où Aedes albopictus nest pas implanté à ce jour.

Le travail actuellement en cours sur ce sujet à l’Anses, exposé par Mme Johanna Fite, pourra utilement réexaminer le dispositif de surveillance citoyenne :

« Aujourdhui, plus de la moitié des départements sont colonisés par le moustique tigre et nous nous interrogeons sur les objectifs de cette surveillance que nous pourrions améliorer et élargir. Une réflexion est inscrite à notre feuille de route et fait actuellement lobjet dun stage pour faire évoluer les objectifs de ce dispositif et létendre à dautres vecteurs dintérêt, comme Aedes japonicus par exemple ou dautres vecteurs invasifs que nous avons déjà observés. Pour linstant, ce dispositif est uniquement adapté à la métropole, mais il pourrait aussi être utilisé par lOutre-mer pour faire de la surveillance sur les autres territoires français. Nous sommes en train denvisager une réflexion sur la mise à jour de ces objectifs et de ce dispositif vers une nouvelle version de ce site de surveillance passive. » ([130])

La commission denquête salue ce travail dactualisation, et rappelle limportance dune surveillance entomologique fine sur lensemble du territoire français, y compris les territoires ultramarins.

2.   Profiter de la refonte du cadre légal pour définir une stratégie cohérente de prévention au niveau national, déclinée au niveau régional

a.   Une stratégie encore trop axée sur la réaction épidémique

Nonobstant les outils de signalement déployés depuis 2014 (cf. supra, II.B.1), la stratégie de lutte contre les vecteurs semble encore trop orientée vers la réponse à une situation sanitaire exceptionnelle, au détriment de la prévention.

Ainsi, le plan anti-dissémination du chikungunya, de la dengue et du Zika, publié par la direction générale de la santé (DGS) en 2006 et régulièrement actualisé depuis, demeure un plan de réaction, et non un plan préventif ([131]).

En effet, si le plan comprend bien un niveau spécifique en cas de détection d’Aedes albopictus sur le territoire, ou niveau « albopictus 1 », les mesures décrites concernent essentiellement la conduite à tenir par les services de l’État sur le territoire en cas de détection de cas humains.

En d’autres termes, les pouvoirs publics ne disposent aujourdhui pas de lignes directrices ni dinstructions cohérentes pour limiter la présence de moustiques tigre sur un territoire. Comme l’a soutenu devant la commission d’enquête Mme Marion Le Tyrant, chercheuse en anthropologie et consultante, le plan anti-dissémination « rencontre un certain nombre de limites. Tout dabord, il sapparente à un outil de gestion de crise sanitaire plutôt que de prévention. La gouvernance en matière de prévention y est assez floue, en particulier en ce qui concerne la population. Ce plan ne constitue pas un cadre de référence permettant dorganiser une mobilisation sociale autour du moustique tigre dans le contexte métropolitain, alors même que ce principe de mobilisation sociale, qui implique des actions dinformation, de communication et de mobilisation dacteurs relais, est promu dans la littérature et les guides dorientation de laction publique produits par lOMS » ([132]).

Cette situation présente des limites à plusieurs égards :

– elle soumet les territoires colonisés par le moustique à un risque sanitaire accru, par la multiplication des vecteurs ;

– les opérations de prévention sont laissées aux opérateurs publics de démoustication (OPD) volontaires, avec pour résultat une forte disparité de volume dactions selon la capacité d’intervention de ces organismes et selon la présence ou non d’un OPD sur le territoire (cf. infra, III.A.) ;

– elle donne « un tour de retard » aux démousticateurs et les oblige, en cas d’apparition d’un foyer épidémique, à des pulvérisations dinsecticide de suffisamment grande envergure pour contenir la population de vecteurs, avec tous les risques associés (cf. supra, II.A.1).

b.   Définir une stratégie de prévention cohérente au niveau national…

La refonte du cadre légal de la démoustication et de la lutte contre les vecteurs, en confiant la compétence pour cette dernière à l’État – par l’intermédiaire des ARS – doit être l’occasion de définir un plan national de lutte contre la présence des moustiques Aedes.

Il ressort des auditions que les actions de prévention ont été renforcées au cours des dernières années dans le pilotage effectué au niveau national.

M. Olivier Brahic, de la direction générale de la santé, en a détaillé la teneur : « Nous avons une mission de coordination nationale de la politique de prévention de ces maladies en nous appuyant sur lexpertise de Santé publique France et de lAnses. Je dirais quil sagit là de la partie "froide". Dans le cadre du plan ONDAM (objectif national des dépenses dassurance maladie) 2018-2022, la prévention des maladies vectorielles moustiques a été inscrite comme lune des actions phare en matière de prévention, ce qui permet de doter le fonds dintervention régional des ARS de 5,5 millions pour financer les nouvelles mesures de lutte anti vectorielle qui dépendent désormais de ces agences » ([133]).

Il s’agit là d’une évolution positive, qui doit être consolidée en des lignes directrices à même dengager collectivités et organismes souhaitant sengager dans une démarche de prévention.

Ce plan devrait notamment inclure :

– les différents acteurs à mobiliser, et les instruments juridiques et techniques pouvant être utilisés par ceux-ci ;

– un volet financier, avec une prise en charge par l’État ;

– un répertoire dactions à mener, selon la période de l’année ;

– la communication à tenir selon le niveau de nuisance et dexposition de la population au risque sanitaire.

S’agissant des actions à mener, l’inventaire publié par le CNEV pourrait notamment être mis à profit ([134]).

La nouvelle stratégie pourrait par ailleurs être pensée en cohérence avec le plan national santé-environnement (PNSE), dont un volet spécifique devrait être consacré au risque vectoriel.

Le plan national santé-environnement (PNSE)

L’article L. 1311-6 du code de la santé publique prévoit qu’un plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement est élaboré tous les cinq ans. Ce plan prend notamment en compte les effets sur la santé des agents chimiques, biologiques et physiques présents dans les différents milieux de vie, y compris le milieu de travail, ainsi que ceux des événements météorologiques extrêmes. Il est copiloté par les ministères de la transition écologique et de la santé.

Lancé en janvier 2019, le quatrième plan national santé-environnement (PNSE 4) est articulé autour de quatregrands axes :

– Mieux connaître les expositions et les effets de l’environnement sur la santé des populations (« exposome ») ;

– Informer, communiquer et former les professionnels et les citoyens ;

– Réduire les expositions environnementales affectant notre santé ;

– Démultiplier les actions concrètes menées dans les territoires.

c.   … en la déclinant au niveau régional

Une adaptation du plan au niveau régional serait également nécessaire, afin de prendre en compte les spécificités de chaque territoire, eu égard aux spécificités sociales et culturelles de chaque lieu et aux caractéristiques biologiques des insectes présents. Cette adaptation doit notamment passer par des stratégies de communication adaptées (cf. infra, II.B.4).

Proposition n° 3 : Mettre en place dans les régions et territoires affectés un plan régional de prévention contre le développement des gites larvaires, avec des objectifs à cinq ans et une évaluation du résultat des actions menées.

Elle permettrait également de tenir compte du niveau de résistance à la deltaméthrine observé chez les populations de moustiques locales, et dès lors de la place que doit occuper la lutte chimique (cf. supra, II.A.1.). Le Pr Philippe Quenel a défendu ce double niveau de planification : 

« Nous avons vraiment une situation très hétérogène. Cest pourquoi il me semble important de souligner le fait que les stratégies de lutte anti-vectorielle, si elles doivent être pensées de manière coordonnée à léchelle du pays, doivent être menées et ancrées dans la réalité des territoires. La situation de La Réunion nest pas la même que celle de Mayotte. La situation de Mayotte, même si nous faisons souvent la comparaison entre Mayotte et la Guyane, nest pas celle de la Guyane et la Guyane na rien à voir avec les Antilles. Et les Antilles nont rien à voir avec le Pacifique non plus parce que lépidémiologie nest pas la même, parce que la situation entomologique nest pas la même, les situations économiques ne sont pas les mêmes, les densités de population ne sont pas les mêmes. » ([135])

La mise en œuvre de la stratégie régionale pourrait donner lieu à lidentification des zones environnementales particulièrement sensibles sur le territoire, et pour lesquelles un suivi attentif devrait être mené, le cas échéant en lien avec les professionnels (agriculteurs, apiculteurs) et les associations.

Une telle politique a déjà été mise en œuvre par l’ARS de La Réunion s’agissant des pulvérisations d’insecticide, ainsi que l’a exposé M. François Cheize :

« À titre dexemple, pour limiter le risque pour les abeilles, les apiculteurs sont invités depuis de nombreuses années à déclarer leur rucher à lARS au moyen dun numéro vert. Plus de 800 ruchers sont connus de lARS et il y a une zone dexclusion de traitement dun rayon de 125 mètres autour des ruchers lors des traitements nocturnes. De même, pour la protection du gecko de Manapany, nous sommes en relation avec les associations de protection des espèces patrimoniales et les filières agricoles. » ([136])

3.   Confier une mission d’exemplarité aux organismes publics

Le risque vectoriel concerne autant les propriétés privées que publiques.

Comme l’a expliqué M. Alain Blateau, de l’ARS de la Martinique, « nous avons […] été obligés de nous orienter essentiellement vers la recherche des gîtes majeurs qui sont les plus gros producteurs dAedes : ce sont par exemple des vides sanitaires sous des bâtiments HLM ou des bâtiments publics importants » ([137]).

L’élimination des gîtes larvaires doit par conséquent devenir une priorité pour toutes les personnes publiques, dans un double intérêt sanitaire, à court-terme, et d’exemplarité auprès des acteurs du territoire, à long-terme.

Ceci semble particulièrement important pour les établissements scolaires, qui par leur nombre et leur étendue peuvent devenir des lieux de prolifération des Aedes en ville. Le Dr Dominique Voynet a fait état de la situation à Mayotte sur ce sujet :

« Nous trouvons énormément de gîtes larvaires dans les lycées, les collèges et les écoles fréquentées par des milliers denfants. Que la lutte contre les gîtes larvaires devienne un élément essentiel et normal de lentretien des bâtiments, comme de tondre le gazon ou ratisser les graviers ce qui est quand même moins intéressant du point de vue sanitaire, devrait être rappelé. » ([138])

Dans l’Hexagone, Mme Isabelle Estève-Moussion, de l’ARS d’Occitanie, est arrivée à des conclusions similaires : « 80 % des lieux de ponte sont chez les particuliers, il y en a quand même au moins 20 %, voire peut-être un peu plus, dans des lieux publics » ([139]).

Aussi, un travail de formation de tous les agents publics à ces problématiques mériterait dêtre mené, afin de les inciter à éliminer les gîtes et leur donner, plus largement, un rôle d« ambassadeurs » dans la lutte contre les vecteurs.

L’ARS d’Occitanie a mené de telles actions depuis 2017 auprès des communes de la région, avec un certain succès :

« Nous menons une campagne dimplication des agents des collectivités. […] Un dispositif pédagogique de lutte anti-vectorielle […] a été porté par une association du groupement régional danimation et dinformation sur la nature et lenvironnement (GRAINE) qui sappelle GRAINE Occitanie. Ce projet qui se déroule depuis lannée 2017 permet essentiellement de former des formateurs. Ainsi trente-six animateurs ont été formés et vingt-six associations interviennent, réparties sur tout le territoire de la région. Ces acteurs vont faire des actions de sensibilisation auprès du public ou auprès des agents publics, en particulier auprès des agents des collectivités territoriales. Depuis que ce dispositif a été lancé, 15 000 personnes ont été touchées par ce dispositif avec plus de 500 animations. Nous avons aussi essayé de travailler avec les collectivités territoriales par le biais de la formation des agents des collectivités territoriales, en travaillant avec le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Nous avons créé un kit de sensibilisation aux gestes professionnels à mettre en place depuis la colonisation de la métropole par le moustique tigre, des micro-vidéos par métier, un module spécifique aux formateurs. Je crois dailleurs que cette série de propositions, après lexpérience initiée en Occitanie, a été reprise au niveau national dans le cadre des travaux de formation de la fonction publique territoriale. » ([140])

Les OPD départementaux peuvent également être impliqués dans ces actions de formation, de façon d’autant plus efficace en raison des liens étroits entre le département et la commune, comme l’a rappelé M. Rémi Foussadier, directeur de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes :

« Le département du Rhône a souhaité lannée dernière mettre en place et financer des journées de formation du personnel communal ; cela va être reconduit cette année. Je vous parlais du périscolaire où nous étions intervenus ; nous avions développé aussi des animations dans le cadre des collèges : nous avions été cofinancés par lARS. » ([141])

Mme Isabelle Estève-Moussion a souligné la large capacité d’action des services territoriaux en la matière :

« Il est […] important que la collectivité soit mobilisée sur ces lieux pour donner lexemple, quelle soit consciente des risques et de la façon de gérer ces lieux de ponte pour pouvoir lexpliquer aux populations, pouvoir permettre aux populations de comprendre les messages et de bien les interpréter. » ([142])

En définitive, il revient aux collectivités territoriales, et plus généralement à toutes les personnes publiques, de faire preuve dexemplarité sur leur territoire. Cette exemplarité implique à la fois un renforcement du travail de communication, en adaptant le discours à la situation sanitaire, au public et au contexte local, et un travail transversal incluant les normes et pratiques en matière d’urbanisme (cf. infra, II.B.5).

4.   Renforcer et affiner les actions de communication

La notion de participation de la population aux actions de lutte contre les gîtes larvaires apparaît essentielle pour mobiliser la population.

L’objectif de la communication doit être de susciter un engagement chez les citoyens pour les inciter à éliminer les potentiels gîtes, et sensibiliser leur entourage à faire de même. Le Dr Vincent Pommier de Santi, du Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, en a résumé les enjeux en soulignant que « si nous voulons que les gens adhèrent, il faut les faire participer […]. Cette dynamique participative est essentielle pour nous. On ne fait pas de la santé pour ou contre, on fait de la santé avec les personnes concernées. » ([143])

Les auditions ont permis de mettre en évidence un certain nombre d’outils et démarches indispensables pour susciter cette participation.

a.   Graduer le discours de mobilisation sociale selon la situation de chaque territoire, entre nuisance et risque sanitaire

Il est en premier lieu primordial de choisir un bon registre de communication, afin de s’adapter au niveau de perception du risque vectoriel dans la population. De manière générale, un décalage trop important entre le contenu du message et la perception de la situation par les habitants peut limiter les effets des actions de sensibilisation, voire s’avérer contre-productives.

Un élément essentiel est le niveau de perception du risque, comme l’a expliqué M. Jocelyn Raude :

« La perception du risque est lun des facteurs entrant en compte pour expliquer les changements de comportement. La perception du risque, ce sont les jugements que nous portons, vous et moi, sur la gravité et la fréquence du risque. Plus nous percevons une maladie comme étant grave et fréquente, plus nous sommes motivés pour prendre des mesures de précaution. » ([144])

Résumant l’enjeu, Mme Marion Le Tyrant a souligné qu’ « une démarche préventive à long terme va impliquer auprès des usagers un travail en profondeur sur les croyances, les pratiques et les discours pour inverser lordre de ces valeurs » ([145]).

i.   Insister sur la nuisance dans les territoires pas encore touchés par les maladies vectorielles

Ainsi, si la mention du risque sanitaire peut faire réagir des personnes déjà bien sensibilisées aux maladies vectorielles, tel nest pas le cas de beaucoup de populations hexagonales, non exposées à ces pathologies et pour qui elles demeurent associées à des territoires lointains.

À titre d’exemple, une étude de 2001 auprès d’habitants de la Camargue – soit, de façon notable, avant l’arrivée d’Aedes albopictus sur le territoire métropolitain – trouvait que si 62 % des personnes interrogées qualifiaient le moustique de nuisible, 69 % considéraient aussi qu’il avait une utilité dans la nature ([146]).

En 2016, les sociologues Cécile Claeys et Elise Mieulet relevaient que les dispositifs de communication dans l’Hexagone « quils soient injonctifs ou imprégnés de la mouvance participative de ces dernières décennies, […] restent fidèles à leur objectif de changement de comportement des populations au nom dun impératif sanitaire non opposable. Or, la littérature rapporte que quel que soit lenjeu sanitaire, ces campagnes de sensibilisation nobtiennent pas ou peu les changements de comportement escomptés. […] Les enquêtes sociologiques qualitatives et quantitatives menées entre 2010 et 2012 sur lensemble du littoral méditerranéen dégagent plusieurs facteurs, sociaux, cognitifs, culturels, ergonomiques et politiques contribuant au faible respect des consignes diffusées par ces campagnes de prévention » ([147]).

En définitive, dans les territoires hexagonaux encore épargnés par les maladies vectorielles, il paraît nécessaire dinsister davantage sur la nuisance liée au moustique tigre que sur le risque sanitaire.

Comme l’a soutenu M. Alexis Pernin, de la direction générale de la santé, « pour identifier les meilleurs moyens de communication, il est intéressant de sappuyer sur les recommandations et les recherches en sciences humaines et sociales. Je parle de la métropole, car en dans les territoires ultramarins, la population est déjà bien informée sur les risques liés aux maladies vectorielles à moustiques En métropole, lorsquon parle de chikungunya, dengue ou Zika, on pense à des maladies tropicales et les gens ne savent pas forcément que ce sont des maladies transmises par les moustiques. Des études montrent ainsi quil vaut mieux passer par la communication autour du moustique et de ses nuisances plutôt quautour de ces maladies. Nous nous sommes tous fait piquer par un moustique et nous savons tous que cest désagréable : nous sommes dès lors plus sensibilisés » ([148]).

Mme Sylviane Oberlé, de l’Association des maires de France, a partagé ces préconisations, tirant parti des observations faites par les maires des territoires hexagonaux :

« Je pense que nous rencontrons des difficultés pour faire comprendre à la population la gravité du problème, cest-à-dire que pour une partie relativement importante de la population, même confrontée aux moustiques, ce problème est resté une nuisance, mais le côté sanitaire est moins bien perçu, à lexception des territoires dOutre-mer, où il sagit dune réalité concrète. Le problème na pas encore une réalité suffisamment claire pour un certain nombre des citoyens qui habitent en métropole. Si je peux faire une suggestion, une communication nationale denvergure ne serait pas complètement inutile en la matière. » ([149])

ii.   Adapter la communication au niveau de perception du risque dans les territoires déjà affectés

De façon analogue, une campagne de communication trop « alarmiste » peut être contre-productive dans les territoires où celles-ci circulent de manière endémique, à l’instar de la dengue dans les départements de l’océan Indien et d’Amérique, en raison d’un décalage trop important entre le niveau réel du risque et sa perception par les habitants.

Comme l’a résumé M. François Cheize, de l’ARS de La Réunion, au sujet de la communication sur la dengue à La Réunion, « la situation peut paraître simple mais, dune certaine façon, elle a eu du mal à être bien perçue au départ de lépidémie : la dengue est considérée, probablement en comparaison avec le chikungunya, comme une maladie bénigne, une « grippette » comme il a été dit à lépoque. Malheureusement, les décès qui se sont produits par la suite et les cas graves ont montré le contraire. Il a fallu intervenir, simplifier le contenu des messages, aller vers des publics cibles plus à risque » ([150]).

La réflexion en amont de chaque campagne de communication doit donc s’articuler autour de trois composantes :

– le choix des publics à cibler, les personnes à risque étant plus supposées plus réceptives ;

– le niveau de risque présenté dans les messages, et son articulation avec la dimension de nuisance ;

– la nature et la fréquence des gestes à accomplir.

S’agissant de ce dernier point, il doit être noté que la simplicité des actions de prévention n’est pas toujours un gage d’exécution par les personnes, comme l’a expliqué M. Jocelyn Raude :

« Une seconde dimension émerge : la manière dont nous nous représentons ces précautions ou ces protections qui nous sont recommandées. Les études montrent, quel que soit le sujet, quen matière de santé publique, lorsque les mesures de prévention sont perçues comme étant faibles, coûteuses et inefficaces, les citoyens, même très motivés, ne les mettent pas en pratique. Des phénomènes de dénégation ou de rationalisation du risque peuvent même apparaître. Des phénomènes de mise à distance psychologique du risque avec un imaginaire sorganisent autour de sa sécurité. » ([151])

iii.   Mieux impliquer les citoyens dans la préservation de leur propre santé

La remise à plat du cadre réglementaire et le rôle désormais dévolu aux ARS (cf. infra. III.B.) n’a pas fait l’objet d’une communication adaptée. Souvent, les citoyens qui détectent un gîte larvaire ne savent pas où sadresser pour quil soit neutralisé.

Ainsi en Guyane, la directrice générale de l’ARS note que « régulièrement, des Guyanais nous écrivent sur les réseaux sociaux parce quà côté de chez eux, une piscine nest pas entretenue, que des travaux ont été interrompus par le confinement et que les moustiques se développent. Il est parfois difficile pour eux de comprendre la répartition des compétences et surtout de savoir quoi faire. Nous ne pouvons pas seulement leur expliquer que nous ne sommes pas compétents pour quen fin de compte, ils se rendent compte quon ne peut soi-disant rien faire parce que cest dans un espace privé. Le fait de ne pas pouvoir mettre à disposition facilement les outils, non pas pour assurer la sécurité des citoyens, mais pour signaler et faire intervenir qui de droit, est dune complexité folle dans la lutte anti-vectorielle » ([152]).

La population victime des nuisances des moustiques serait souvent prête à aider, mais elle ne sait pas chez qui s’adresser. Si les communes ont parfois mis en place un référent sur la question, les moyens de le contacter sont rarement simples.

Aussi, comme il est possible de signaler la présence du moustique, il faudrait pouvoir disposer dun outil en ligne permettant de signaler la présence de gîtes larvaires qui pourraient nécessiter un traitement, en sachant que la réponse sera souvent une explication au citoyen sur la manière adéquate pour neutraliser le gîte larvaire situé sur sa propriété.

Ce dispositif pourrait également être mis à la disposition des communes pour qu’elles puissent exercer une vigilance particulière dans les zones signalées.

Proposition n° 4 : En complément du site signalement-moustique.fr, développer un plan de communication, un site Internet et des supports explicatifs permettant aux citoyens de faire remonter les informations nécessaires à la détection de la prolifération et aux traitements des gites larvaires.

iv.   Lutter contre le relâchement en période inter-épidémique

Le travail de sensibilisation doit également avoir pour objectif une mobilisation constante des populations, y compris en l’absence de phase épidémique active.

Le Pr Didier Fontenille, directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), a fait état du relâchement observé lors de la phase de ralentissement d’une épidémie :

« Les gens suivent-ils les recommandations ? En général, ils les appliquent quand il y a des malades, mais en période interépidémique, ou quand il ny a pas de malades, ils relâchent un peu leur action ; il faut donc sans arrêt se répéter. » ([153])

Ce phénomène a été décrit sous le nom d’effet « Peltzmann », ou de « compensation du risque », comme l’a détaillé M. Jocelyn Raude :

« Au Colorado, deux comtés adjacents, ceux de Loveland et de Fort Collins, étaient envahis de moustiques. Des actions communautaires très fortes ont été instaurées dans lun deux pour diminuer la population de moustiques. Menées avec laide des habitants, elles ont été extrêmement efficaces, puisquelles ont réduit par trois la densité des populations de moustiques dans cette région du Colorado. Cependant, il a ensuite été observé une augmentation très importante des cas dans le comté dans lequel les actions avaient été menées. Léquipe de psychologues envoyée sur place a constaté que la baisse de la pression de la nuisance sur la population entraînait une augmentation des comportements à risque – un usage moindre des répulsifs, une plus grande exposition dans les jardins, etc. Leffet bénéfique de laction collective avait été compensé, négativement, par un relâchement des pratiques individuelles. » ([154]) 

Il est dès lors essentiel de mener un travail constant auprès des populations pour limiter l’ampleur de ce phénomène. En particulier, la conjonction de mesures de communication avec le déploiement d’autres mesures de lutte, qu’il s’agisse de lutte chimique ou de nouvelles technologies, doit être privilégiée. M. Jocelyn Raude a précisé à ce sujet que seront surveillés « les relâchements de comportements lors des expériences qui seront réalisées sur le terrain, afin de nous assurer quune mesure efficace – un lâcher dinsectes stériles, par exemple – ne provoque pas un relâchement des comportements individuels » ([155]).

b.   Utiliser un langage adapté à chaque territoire, en s’appuyant sur des relais locaux (personnalités d’influence, associations, volontaires)

Un travail de sensibilisation efficace suppose une adaptation fine non seulement au contexte de chaque territoire, mais aussi aux perceptions culturelles et sociales de ses habitants.

Ceci signifie tout d’abord une diffusion des messages dans toutes les langues parlées sur le territoire, afin d’atteindre l’ensemble des habitants. M. Charles Giusti, adjoint au directeur général des Outre-Mer, a pu en donner un exemple pour les campagnes menées par le ministère des Outre-mer lors du passage de l’ouragan Irma dans les Antilles :

« Nous nous sommes rendu compte quil était pertinent de pouvoir diffuser des messages dinformation, de sensibilisation, non seulement en français, mais aussi en anglais, puisque cest une langue qui est largement répandue à Saint-Martin ou en créole. Nous avons pu mobiliser des ressources, notamment en interne, pour pouvoir enregistrer des messages adaptés aux populations. En matière de prévention et de sensibilisation des populations, il est essentiel de pouvoir adapter le message et la communication à chacune des populations concernées. » ([156]) 

La mobilisation de personnalités à rayonnement local, de relais associatifs et plus généralement de personnes issues des différentes communautés, est également un outil primordial pour mieux atteindre la population.

Comme l’écrivait le Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV) dans une note de 2016, « la recherche de relais non seulement institutionnels mais aussi de type associatif ou social, représentatifs de la diversité socioculturelle territoriale, est essentielle pour assurer la médiation entre les acteurs publics et les populations et parvenir à une communication au plus près des publics cibles » ([157]).

En Martinique, l’ARS a ainsi pu être aidée par les volontaires de service civique, et leur proximité avec la population, ainsi que l’a détaillé M. Olivier Coudin, directeur général de l’ARS de la Martinique :

« Beaucoup dactions sont menées avec des associations locales et des collectivités, avec notamment un bus démoustication qui permet daller dans les quartiers pour expliquer à en proximité les gestes à faire. Avec la phase épidémique, nous avons prévu dans les prochaines semaines le recrutement de volontaires de service civique qui iront directement à la rencontre de la population dans les quartiers pour rappeler les bons gestes pour éviter la propagation de la maladie et la prolifération des moustiques. » ([158])

De façon commune à tous les territoires d’Outre-mer, le régiment du service militaire adapté (SMA) peut être déployé à cette fin, grâce au recrutement de volontaires stagiaires issus de la population, capables de diffuser les messages de prévention dans leur cercle social, comme l’a expliqué M. Charles Giusti :

« Dans certains territoires, il est important de pouvoir sadapter à la culture et éventuellement aux langues qui sont parlées usuellement dans le cercle familial, pour pouvoir passer des messages de sensibilisation. Le SMA, ne serait-ce que par lintermédiaire de ces volontaires stagiaires qui sont vraiment issus de la population, peut assurer ces fonctions de communication. La formation des jeunes stagiaires comprend des actions de prévention, que ce soit en matière de conduites sexuelles ou daddictions, mais aussi de santé. Ce qui permet non seulement dinformer ces jeunes, mais aussi de les sensibiliser pour que cela puisse être diffusé dans le cercle familial. » ([159])

Le SMA peut également venir en renfort par l’intermédiaire de son comité de lutte anti-moustique :

« En interne, une organisation structurelle existe dans chaque région, cest le comité de lutte anti-moustique, constitué sous lautorité du commandant en second de chaque régiment, avec le médecin et les représentants de chaque unité du régiment. Cette organisation mène des actions de prévention, avec linformation des personnels et de leurs familles, didentification et délimination des zones de gîtes larvaires au sein des emprises de chaque régiment, ainsi que de traitement chimique des zones à risque. Des séances dinformation peuvent aussi être conduites sur les protections individuelles à adopter. »

Les opérations de sensibilisation à échéance régulière servent efficacement une communication de long-terme, à l’instar des opérations « Kass’Moustik » à La Réunion et « Toussaint » et « Fête des mères » en Martinique et en Guadeloupe.

L’opération « Kass’Moustik » à La Réunion

Conduite chaque année au début de l’été austral (octobre-décembre), l’opération « Kass’Moustik » vise à convaincre les Réunionnais de l’importance de supprimer les eaux stagnantes dans leur jardin, et ainsi réduire efficacement les risques de transmission de maladies et les nuisances occasionnées par les moustiques sur l’île.

La 16ème édition, en 2017 a été menée en collaboration Mme Aude Palant-Vergoz, ou « Madame Aude », juriste, ancienne présidente de l’Union des consommateurs de la Réunion et figure à rayonnement local important.

Parmi les actions engagées, on compte notamment l’opération « Ma maison sans moustique », donnant lieu à signature par les habitants d’une charte d’engagement individuel, par laquelle ils s’engagent à éliminer régulièrement les eaux stagnantes autour de notre habitation et à sensibiliser leur entourage. Un autocollant « Ma maison sans moustique » à apposer sur la boîte à lettres leur est distribué, pour montrer leur engagement et inciter leurs voisins à adopter le même comportement. Un jeu-concours a également été organisé.

Au total, l’opération a impliqué 69 partenaires institutionnels et associatifs, 511 personnes formées sur 32 sessions animées par l’ARS Océan Indien, 18 sponsors, et donné lieu à 110 actions sur 20 des 24 communes de l’île.

Comme l’a détaillé M. Alain Blateau, de l’ARS de Martinique, « tout au long de lannée, un certain nombre de temps forts balisent laction : une journée contre le moustique, des journées "coups de poing", une journée spéciale "fête des mères" – cest un moment où lon offre beaucoup de fleurs, or les pots de fleurs sont des gîtes à moustiques –, une opération spéciale au moment de la Toussaint, au mois de novembre, parce que les pots à fleur dans les cimetières peuvent être des gîtes importants. Ces temps forts dans la communication habituelle, tout au long de lannée, permettent de remotiver la population » ([160]).

Plaquette de communication pour l’opÉration « Toussaint » en Martinique


Source : site de l’ARS de la Martinique

De manière générale, un certain nombre denseignements peuvent être tirés des actions déployées Outre-mer. Selon Mme Marion Le Tyrant, les dispositifs de mobilisation sociale manquent en effet encore d’efficacité dans l’Hexagone :

« Il sagit dun concept qui sest imposé dans le vocabulaire des documents officiels, mais qui ne suffit pas à en faire un concept opérationnel. Pour ce faire, il requiert dêtre incarné par des acteurs relais, de proximité, cest-à-dire crédibles aux yeux de la population. En situation sanitaire, comme à Nîmes en 2015, ces acteurs relais – un comité de quartier, par exemple – ne bénéficient pas dune crédibilité suffisante auprès de la population. Le lien direct entre lusager et ladministration demeure privilégié. Cependant, limpossibilité pour lusager, à ce moment-là, dobtenir une information transparente de la part de ladministration est susceptible dexacerber les inquiétudes et les attitudes de défiance. En outre, ce concept de mobilisation sociale est encore relativement peu opérant. […] Conclusion : la nuisance est portée à lagenda de la collectivité locale si et seulement si la population transforme cette nuisance en problème public. » ([161])

c.   Impliquer l’école pour faire des élèves d’aujourd’hui les acteurs de la lutte anti-vectorielle aujourd’hui et demain

Le travail de sensibilisation doit être réalisé de manière répétée pendant une période longue pour que les publics ciblés modifient leur comportement.

M. Alain Blateau, de l’ARS de Martinique, a témoigné des difficultés rencontrées pour que la population martiniquaise, pourtant déjà très familière du moustique, modifie ses habitudes : « nous savons avec certitude que la population de Martinique connaît le moustique, les gestes quil faudrait faire et lécologie du moustique. Par contre, le passage à lacte suscite des difficultés importantes. La modification des comportements est quelque chose de compliqué, qui prend en général beaucoup de temps » ([162]).

Agir à long terme implique de sensibiliser les citoyens de demain à la lutte contre les gîtes larvaires ; or ces citoyens sont les enfants daujourdhui. Sils connaissent lécologie du moustique tigre et les bons gestes, ils pourront les appliquer et les expliquer au reste de leur famille.

Le Pr Anna-Bella Failloux, de l’Institut Pasteur, a souligné les bénéfices d’un tel travail, tel qu’il a été fait au Vietnam : « Léducation de la population est […] essentielle. Nous pouvons limiter le nombre de cas, si nous expliquons la situation à la population. Mais cest une tâche de longue haleine qui prend énormément de temps. La population la plus réceptive est les enfants. Dans des pays communistes, comme le Vietnam, la sensibilisation des enfants a très bien fonctionné. Et toutes les semaines, ils vont chasser les gîtes larvaires » ([163]).

Certaines personnes auditionnées ont toutefois déploré une certaine carence des contenus pédagogiques en la matière, à l’instar de M. Rémi Foussadier, directeur de l’EID de Rhône-Alpes :

« Il me semble, depuis vingt ans que je travaille sur la problématique du moustique et de la lutte anti-vectorielle, quun grand absent, systématiquement, était lÉducation nationale. Même actuellement, la mallette pédagogique à destination des écoles primaires que nous avons développée avec lARS sera utilisée dans le cadre du périscolaire. Pourtant, la thématique peut être raccordée avec les programmes nationaux sur les insectes, sur lenvironnement, sur la biodiversité. À chaque fois, ce qui est étonnant est la difficulté que nous avons à faire porter le message. Bien évidemment, en primaire, lobjectif nest pas forcément de parler de la maladie, mais de parler du moustique. Pourtant, à chaque fois, nous faisons au cas par cas, territoire par territoire, ou parce que nous avons de bons contacts personnels avec telle ou telle personne. Il me semble que lÉducation nationale est un acteur qui manque de manière importante. » ([164])

Il est donc indispensable d’engager pleinement l’Éducation nationale sur ce terrain, en menant des travaux de sensibilisation dans les classes.

Le Dr Vincent Pommier de Santi a souscrit à ces propos, rappelant que « nous ne savons pas quand lépidémie va survenir. On sait que, finalement, elle finira par arriver. Léducation est donc essentielle et elle doit cibler, à mon sens, prioritairement les enfants qui seront finalement demain les acteurs de leur propre santé et aussi de la santé collective » ([165]).

Il convient néanmoins de noter les actions menées dans plusieurs régions, sur initiative des ARS et, notamment, grâce au financement apporté au cours des dernières années par la direction générale de la santé en matière de prévention (cf. supra, II.B.2.). Ainsi, un « manuel de l’enseignant » illustré et comprenant diverses activités à destination des élèves a été rédigé et mis à disposition des professeurs par l’ARS de la Nouvelle-Aquitaine, en collaboration avec le centre de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) « Cap Sciences », basé à Bordeaux ([166]).

Extrait du manuel de l’enseignant
rÉalisÉ par l’ARS de Nouvelle-Aquitaine et le CCSTI « Cap Sciences »


Source : site de l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine

À l’image de ce support, et en prévoyant une adaptation à chaque territoire selon ses caractéristiques géographiques, sociales et culturelles, de tels outils mériteraient d’être mis à disposition des professeurs et de donner lieu à une séquence pédagogique spécifique.

Proposition n° 5 : En partenariat avec l’Éducation nationale, l’agence régionale de santé et les relais locaux, mettre en place un dispositif d’éducation à la connaissance et à la lutte contre le moustique dans les écoles, adapté au contexte local.

Cette sensibilisation pourrait avoir lieu à l’occasion d’une journée spécifiquement dédiée, dont la date serait fixée dans chaque territoire au début de la saison dactivité du moustique.

Proposition n° 6 : En partenariat avec l’Éducation nationale, l’agence régionale de santé et les relais et médias locaux, organiser annuellement une journée de sensibilisation et de connaissance, au moment propice en fonction du cycle de vie du moustique dans le territoire concerné.

d.   Bien informer la population et les collectivités des spécificités des moustiques Aedes et des méthodes de lutte

La mobilisation sociale implique une connaissance par la population des facteurs de développement de moustiques tigre, et de la transmission des maladies par leur intermédiaire.

Or cette connaissance est aujourdhui limitée à deux titres : le mode de vie du moustique tigre est encore trop souvent assimilé à celui des moustiques « communs » du genre Culex, tandis que la lutte antivectorielle demeure largement associée, dans l’esprit des citoyens comme des édiles locaux, à l’utilisation d’insecticides.

Les moustiques du genre Aedes pondent non dans des zones humides de grande surface, dans les eaux « sales » des zones marécageuses et des étangs qu’affectionnent les moustiques du genre Culex, mais dans des eaux « propres » dans des récipients de petite taille, souvent trouvées aux abords des habitations.

Ces éléments ne sont pas toujours sus des populations, qui attribuent encore parfois la présence d’Aedes albopictus à la proximité d’une zone humide, où ne pond pourtant pas le moustique. Comme le relevaient les sociologues Élise Mieulet et Cécilia Claeys à partir d’entretiens menés en Camargue en 2013, « des individus ayant eu accès aux campagnes de sensibilisation et retenu les messages diffusés, en contestent néanmoins explicitement le contenu. Par exemple, à Mandelieu-la-Napoule, cette habitante qui a reçu la visite des opérateurs de lEID-Med et qui est tout à fait en mesure de restituer les messages qui lui ont été adressés, conclut pourtant : "Mais à mon avis bon, il y a peut-être les problèmes comme vous dites de coupelles… Mais là on a plutôt un problème de vallon… On est, on n’est pas très loin non plus de l’eau, on entend les crapauds en bas". » ([167]).

Or, comme l’a indiqué M. François Cheize, de l’ARS de La Réunion, « il faut rappeler effectivement que le moustique tigre raffole des petits gîtes. Il ne se reproduit pas dans les grands lacs, il ne se reproduit pas dans les grands espaces. Cest […] un élément important » ([168]).

Une campagne de prévention efficace doit par conséquent inclure un large volet dédié à linformation des populations sur les caractéristiques biologiques spécifiques des moustiques du genre Aedes.

Cette information doit également bénéficier aux municipalités et intercommunalités. La commission d’enquête a ainsi eu connaissance de plusieurs communes souhaitant s’engager activement dans la lutte contre les moustiques vecteurs, mais associant cette lutte exclusivement à l’épandage d’insecticides sur un territoire large.

Afin d’éviter de telles situations, un dialogue technique avec les ARS pourrait être déployé. En effet, l’engagement du maire dans les campagnes de mobilisation implique de disposer de messages adéquats et d’éléments techniques suffisants sur les insectes. Comme l’a noté Mme Sylviane Oberlé, « certes, il revient aux maires dinformer la population sur les conduites à tenir ou à ne pas tenir, et sur les choses à faire ou à ne pas faire, mais cest un domaine dans lequel on ne peut pas se passer de laide de qui que ce soit pour atteindre lobjectif dinformation. Il est vrai quil y a quelques questions délicates sur le contenu du message et sur la nécessité dharmoniser un minimum les messages, dabord pour lefficacité de la communication et parce que sur un domaine pareil, il est inutile de diffuser des messages inexacts ou un peu fantaisistes » ([169]).

La mise en place d’un réseau dédié impliquant tous les acteurs du territoire dans la démarche de sensibilisation semble par conséquent être une priorité.

Proposition n° 7 : Mettre en place un réseau, animé par l’agence régionale de santé, mobilisant élus, référents municipaux, organismes de démoustication, associations et personnalités d’influence autour d’actions de formation et d’actions de sensibilisation à la lutte anti-larvaire.

5.   Intégrer le risque vectoriel aux politiques d’urbanisme dans les territoires déjà colonisés comme dans les régions épargnées

Les gîtes de reproduction d’Aedes albopictus sont des réservoirs d’eau de dimensions réduites, le plus souvent en milieu urbain, plus rarement en milieux naturels ouverts.

Ce sont soit des biotopes naturels tels que des creux d’arbres, soit des petites collections d’eau artificielles, telles que, par exemple :

– seaux, vases, soucoupes ;

– fûts et citernes ;

– écoulements de gouttières ;

– pneus, boîtes de conserve ;

– et tous petits réceptacles d’eaux pluviales ou domestiques à découvert.

La présence de moustiques peut dès lors être grandement facilitée par certains ouvrages, propices à la formation de collections d’eau de petite dimension. Aussi, c’est sur l’urbanisme et les normes de construction que peuvent agir les pouvoirs publics.

La santé dans le droit de l’urbanisme

Diverses dispositions du droit de l’urbanisme et de la construction traitent de la santé.

L’article L. 111-4 prévoit que « les règles générales de construction applicables aux bâtiments dhabitation » fixées par décret concernent notamment « la qualité sanitaire » du logement.

En application de l’article R. 151-30 du code de l’urbanisme, le règlement du plan local d’urbanisme (PLU) peut interdire certains usages et affectations des sols ainsi que certains types d’activités qu’il définit, de même que les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations.

Un projet d’urbanisme peut également être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ([170]).

Le code de la construction et de l’habitation comprend un livre V spécifiquement dédié à la lutte contre l’habitat indigne. Par ailleurs, et parmi d’autres dispositions, son article L. 111-5 rend obligatoire le raccordement des immeubles d’habitation aux égoûts destinés à recevoir les eaux usées domestiques.

a.   Inscrire le principe que la construction et le bâtiment doivent prendre en compte la santé des habitants

i.   Des ouvrages propices aux gîtes larvaires

Il ressort des auditions menées par la commission d’enquête que les types douvrages posant le plus de problèmes sont très variables selon le territoire considéré, du fait de pratiques de construction et de coutumes différentes, eu égard notamment à la récupération des eaux de pluie dans certaines régions.

Pour le littoral méditerranéen, M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical au sein de l’EID Méditerranée, a exposé les difficultés posées par les avaloirs pluviaux, les coffrets techniques de télécommunication et les terrasses sur plots :

« Nous constatons, sur le domaine public, que les coffrets techniques de télécommunication sont peu fréquents mais peuvent être sources de moustique tigre. Cest également le cas des avaloirs pluviaux, qui ont la particularité de laisser stagner une partie des eaux, pour permettre la décantation des particules et du sable et éviter lengorgement du réseau. On trouve aussi les ouvrages de type terrasse à plots, qui sont beaucoup plus rares en termes de fréquence mais qui peuvent générer, dans une seule de ces structures, des dizaines voire des centaines ou des milliers de moustiques. » ([171])

Les terrasses à plots sont parmi les ouvrages les plus complexes à traiter, comme l’a souligné M. Fabrice Chandre :

« Il existe des gîtes quil est non seulement impossible de supprimer, mais également très difficile de protéger ou de traiter. Je pense notamment aux terrasses sur plots, dans lesquelles leau peut sinfiltrer pour constituer des flaques où les moustiques se reproduisent en grand nombre, et quil nest pas évident de démonter – dautant quil faudrait le faire à plusieurs reprises. Enfin, certains gîtes ne sont pas traités tout simplement parce quils sont trop difficiles à identifier et localiser. » ([172])

Gîtes larvaires dans le bÂti par type d’ouvrage
d’aprÈs les observations de l’EID MÉditerranÉe

Aux Antilles et en Guyane, les gouttières, citernes et toits-terrasses ont davantage été mentionnés.

À La Réunion, fosses septiques et siphons extérieurs ont plus souvent été identifiés comme gîtes larvaires, selon M. François Cheize :

« Le premier constat reste que les gouttières et les citernes sont moins préoccupantes à La Réunion quaux Antilles. Lessentiel, soit 80 % des gîtes identifiés au cours des interventions, sont des petits objets ou des petits contenants permettant une collection temporaire deau et amenant la création de gîtes larvaires dits "gîtes de négligence". Il faut rappeler effectivement que le moustique tigre raffole des petits gîtes. Il ne se reproduit pas dans les grands lacs, il ne se reproduit pas dans les grands espaces. Cest donc un élément important. Pour la partie du bâti à proprement parler, les gîtes sont rares et les plus productifs identifiés sont les fosses septiques, non étanches bien sûr, et les siphons de sol extérieurs, qui sont relativement peu présents à La Réunion mais sur lesquels il faut malgré tout rester vigilant. » ([173])

ii.   La nécessité d’un respect des normes davantage que celle de leur révision

Plusieurs personnes auditionnées ont indiqué que le risque lié aux moustiques vient souvent non des normes en elles-mêmes, mais de leur inobservance.

Dès lors, l’ajout de nouvelles normes peut faire face à deux écueils :

– son inefficacité à diminuer le nombre de gîtes larvaires ;

– la complexification de l’action des municipalités en matière d’urbanisme.

Comme l’a présenté M. Grégory L’Ambert, les études menées par l’EID Méditerranée au sujet des terrasses sur plots ont en effet mis en évidence un problème de non-respect de la norme :

« Nous avons pu observer que les terrasses à plots ne sont pas censées poser de problème à partir du moment où la réglementation a été respectée pour leur construction, cest-à-dire quelles présentent une légère pente et un exutoire, ce qui permet déviter la stagnation deau. En pratique, lorsque ces consignes nont pas été respectées, des terrasses à plots deviennent des véritables usines à moustiques. Bien souvent, lexutoire est beaucoup trop haut : il y a donc une présence deau, une atmosphère humide invisible, mais qui permet quand même aux moustiques dentrer et de sortir, ce qui est très problématique pour le voisinage. […] Les terrasses à plots présentent des avantages et, dans certains contextes, on ne peut quasiment réaliser que des balcons ou des terrasses de ce type. Une norme supplémentaire nest peut-être pas nécessaire, mais il faut simplement veiller à la bonne application des règles de lart et au respect des lois lors de leur construction. » ([174])

De manière générale, Mme Sylviane Oberlé, de l’Association des maires de France, a partagé ce constat :

« Il y a peut-être des choses à revoir dans les normes de construction, mais ce nest pas cela qui pose le plus de problèmes. Ce sont beaucoup plus les usages, les pratiques des gens qui habitent ces constructions. Le fait davoir au fond du jardin un tonneau dans lequel on récupère leau de pluie et quon laisse sans surveillance nest pas forcément une bonne idée, mais nous ne pouvons pas la réglementer. Laisser traîner de leau dans des dépressions que lon a sur son terrain, cest aussi une chose que lon ne peut pas réglementer. En termes de normes de construction, je nai pas été informée de problèmes majeurs. Il y a quelques problèmes de gouttières, de bordures de toits, mais ce sont des choses qui relèvent du défaut dentretien plutôt que dun problème de construction en tant que tel. » ([175])

En outre, l’ajout de nouvelles normes entraîne nécessairement un risque de complexification de laction municipale en matière durbanisme. Mme Sylviane Oberlé a ainsi soutenu que « ces derniers temps, on a demandé beaucoup de choses aux documents durbanisme, au point de les rendre parfois à la limite de la lisibilité. En la matière, il nous semble préférable de sassurer que les pratiques sont en conformité avec la lutte contre les gîtes larvaires, plutôt que de réglementer à travers les documents durbanisme » ([176]).

M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales, a également appelé à la prudence sur ce point, rappelant que « sil existe des pratiques extrêmement positives, extrêmement concluantes, qui seraient à moindre coût et pas trop complexes, car le risque est davoir des enjeux financiers très lourds en termes de construction, cela mériterait sans doute un regard attentif. Faut-il passer par la norme ? Peut-être, peut-être pas. Cela peut aussi passer par la recommandation, y compris dans les communes les plus touchées. Cela peut être aussi une solution » ([177]).

Par conséquent, et eu égard à la diversité des ouvrages posant des difficultés selon les territoires, il paraît préférable de mener une réflexion au niveau local sur le rôle de lurbanisme et les modifications à y apporter dans la lutte contre les Aedes.

S’agissant du littoral méditerranéen, une réflexion pourra être menée sur les coffrets de télécommunication et les avaloirs, comme l’a envisagé M. Grégory L’Ambert :

« Il peut y avoir éventuellement des stratégies à appliquer qui ne sont pas encore définies. Actuellement, lorsque ces structures produisent des moustiques, elles font lobjet de traitements répétés. On peut peut-être envisager des choses un peu plus durables mais ce sera difficile de les « corriger », entre guillemets, puisquil est nécessaire de permettre la stagnation de sable et donc, par définition, il semble compliqué davoir un collecteur qui devienne sec très rapidement.

« Pour les coffrets techniques, ce sont des coffrets de télécommunication placés à des endroits possiblement soumis à un arrosage et qui ne sont pas étanches. Il y a des solutions qui pourraient sappliquer, mais qui peuvent poser dautres problèmes que les moustiques. Il faudrait permettre davoir une partie poreuse dans le coffret pour permettre lévacuation des eaux ; mais cela peut aussi poser des problèmes de contamination. » ([178])

Pour l’Outre-Mer, M. Charles Giusti a ainsi évoqué la possibilité d’interdire les toits-terrasses. Mme Valérie Denux, directrice générale de l’ARS de la Guadeloupe, a quant à elle suggéré l’introduction de nouvelles normes en matière de récupération des eaux, de gouttières et de regards.

Ce travail territorial pourrait avoir lieu dans le cadre de la stratégie régionale (cf. supra, II.B.2.) et du dialogue entre les municipalités et les ARS, qui inclurait un volet « urbanisme » faisant précisément état des types douvrages présentant le plus de gîtes larvaires, et préconisant le cas échéant linterdiction de certains ouvrages, une révision des normes techniques, ou des recommandations pour que celles-ci soient mieux respectées.

Par ailleurs, et au niveau communal et intercommunal, la mise au point d’un « plan local des risques » incluant la présence de vecteurs, est une piste à privilégier. Dans sa réponse écrite aux questions de rapporteure, Mme Dominique Chanaud, chargé de mission à la mairie de Marseille, a jugé souhaitable que soit rendue obligatoire la conception d’un plan communal de lutte contre Aedes albopictus, conjointement à la mise au point de l’évaluation d’impact en santé (EIS), avec un volet dédié aux moustiques vecteurs.

Ce plan pourrait également irriguer dautres secteurs de laction locale, à linstar de la commande publique, comme l’a souhaité devant la commission d’enquête Mme Isabelle Estève-Moussion, de l’ARS d’Occitanie :

« Lorsquil y a des commandes publiques également, il faudrait quil soit bien précisé que ce qui va être mis en place ne doit pas générer de lieu de ponte pour les moustiques ou quil doit être facile dentretien. » ([179])

Au niveau national, la mobilisation du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ([180]) vers un travail de veille, d’expertise et de mise à jour des normes paraît également incontournable.

b.   Former les professionnels (architectes, paysagistes, ingénieurs, maîtres d’ouvrage, gérant des espaces verts)

Qu’il s’agisse de rénovation ou de construction de nouveaux ouvrages, laction en matière durbanisme ne produit deffets quà long terme. La formation des professionnels peut ici servir de levier, afin de sensibiliser paysagistes, architectes et ingénieurs du bâtiment à la prévention des gîtes larvaires.

Ces enseignements seraient particulièrement pertinents pour les paysagistes,               ainsi que l’a expliqué Mme Isabelle Estève-Moussion, « cest vraiment la gestion de tout ce qui est espaces verts qui est importante. Je pense quun travail avec les paysagistes serait très intéressant. Nous avons travaillé avec lÉcole darchitecture de Montpellier pour attirer lattention des jeunes sur ce sujet parce que cest un sujet important, même si pour nous ce nest pas forcément le sujet prioritaire. Cest quand même important den parler et que ce soit mis à lordre du jour de la formation des architectes pour que cela devienne naturel pour eux » ([181]).

Les actions menées dans le cadre du projet TIGER (« Tri-national Initiative Group of Entomology in Upper Rhine valley ») dans la région Grand-Est et les collectivités frontalières allemandes et suisses peuvent ici faire figure d’exemple.

Parmi les actions proposées, on compte en effet des formations axées à destination de divers participants, parmi lesquels opérateurs de camping, agents municipaux et employés de décharges. Les formations sont axées sur la reconnaissance du moustique tigre ainsi que sa distinction des autres moustiques, l’identification des zones de reproduction (gîtes larvaires naturels et artificiels) de ce dernier et les mesures préventives contre les gîtes larvaires. Les participants sensibilisés depuis le début du projet sont pour la plupart directement concernés par la problématique : des opérateurs de campings, employés des mairies, employés des dépôts, employés des autorités sanitaires, etc. L’organisation de ces formations a été utilisée également pour diffuser, par la même occasion, des outils de prévention tels que des moustiquaires et des tendeurs pour protéger les fûts récupérateurs d’eau de pluie dans des jardins familiaux.

D’après M. Bruno Mathieu, coordinateur du projet, dans sa réponse écrite aux questions de la rapporteure, « les réactions sont positives, lidentification des gîtes larvaires ainsi que la reconnaissance du moustique tigre sont des thématiques jugées utiles pour les participants. Ainsi, ces derniers peuvent mesurer le risque et servir de relais pour la transmission des messages de prévention à dautres professionnels ou les citoyens en général ».

De même, à Marseille, le service de la santé publique et des handicapés (SSPH) a diffusé sur tous les chantiers une liste de recommandations pour lutter contre les Aedes. Ces recommandations incluent notamment le rangement des outils creux pouvant se remplir d’eau et des brouettes, l’usage du larvicide Bti pour les contenants ne pouvant être vidés, ou encore l’usage de répulsifs cutanés.

c.   Favoriser un travail de concert entre le secteur public et le secteur privé, à l’image des actions menées dans la filière pneumatique

La qualité du travail réalisé dans le secteur des pneus, dans une optique de traitement et de recyclage des déchets, montre la capacité d’un secteur économique, en collaboration avec les pouvoirs publics, à se mobiliser à des fins environnementales.

Pour mémoire, la propagation dAedes albopictus à travers le monde a été grandement aidée par le commerce international des pneus, et notamment des pneus usagés (cf. supra, I.A.2).

L’initiative RECYVALOR

Dans le cadre du principe de la responsabilité élargie du producteur (REP), posé au niveau européen par la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975, le coût de l’élimination des déchets doit être supporté par le détenteur qui remet des déchets à un ramasseur ou à une entreprise, les détenteurs antérieurs ou le producteur du produit générateur de déchets. Depuis la première directive qui a conduit certains États membres à mettre en œuvre une REP pour répondre aux exigences de la directive « Emballages » de 1994, l’Union européenne a élargi ce mode de gestion à d’autres produits via différentes directives. Ce principe a été clairement affiché dans le paquet économie circulaire 6è programme d’action communautaire en matière d’environnement (2001-2010) et intégré dans la directive cadre 2008/98/CE, transposée en droit français par l’ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010. L’article 8 de cette directive prévoit que les États membres peuvent prendre des mesures (législatives ou non) pour que le producteur du produit soit soumis au régime de responsabilité élargie du producteur en vue de renforcer le réemploi, la prévention, le recyclage et autre valorisation des produits usagés.

L’État, en association avec les acteurs de la filière de gestion des déchets de pneumatiques, a organisé la résorption des stocks de déchets de pneumatiques dits « historiques » (constitués avant 2003) à travers l’association Recyvalor.

Cette association, issue d’un accord interprofessionnel de 2008, a achevé dix ans après sa création sa mission : plus d’une cinquantaine de sites représentant 55 000 tonnes de déchets de pneumatiques (soit plus de 7 millions de pneus) ont ainsi pu être traités, pour un coût total de 8,3 millions d’euros.

En 2016, ce sont environ 504 000 t de pneus qui ont été mises sur le marché (485 000 t en 2015), importés ou fabriqués. Le taux de collecte de pneus est proche de 100 % et le taux de traitement s’établit à 90 % environ. Les principaux modes de valorisation sont la valorisation énergétique en cimenterie (44 % environ), suivie par la valorisation matière sous forme de granulation (24 %) et la vente en occasion (14 %).

La majorité des producteurs ont choisi de confier à des organismes collectifs la mission de remplir collectivement leurs obligations. Ces organismes pourvoient à la collecte et au traitement pour le compte de leurs adhérents, via des prestataires de collecte et de traitement. Les deux principaux sont aujourd’hui la société ALIAPUR et le groupement d’intérêt économique France Recyclage Pneumatique (GIE FRP), qui couvrent environ 80 % des mises de pneumatiques sur le marché national. On compte 4 organismes collectifs dans les départements et régions d’Outre-mer. Il est à noter que certains producteurs ont choisi de mettre en place un système individuel pour remplir leurs obligations.

Source : ministère de la transition écologique et solidaire.

L’action se poursuit aujourd’hui sur les gîtes larvaires potentiels que sont les pneus d’ensilage, utilisés dans les exploitations pour lester les bâches protégeant les fourrages. Le 15 juillet 2019, les acteurs de la filière pneumatique ont signé avec le ministère de la transition écologique et solidaire un accord volontaire comportant 5 engagements dont un portant sur le traitement des pneus d’ensilage sur les exploitations agricoles, avec un objectif de traitement 15 000 tonnes/an. Les collectes devaient démarrer en avril 2020, sur l’Ouest de la France, et ont été reportées suite à la crise sanitaire.

Par ailleurs, des technologies innovantes pour la lutte contre les gîtes larvaires, faisant usage de produits issus du recyclage des pneus ont été mises au point à cette occasion.

La société Aedes System, basée en Nouvelle-Calédonie, a notamment développé deux filtres pour gouttière et regard d’évacuation des eaux, destiné à éviter la stagnation des eaux dans ces ouvrages et leur utilisation comme gîtes larvaires.

M. Charles Giusti, adjoint au directeur général des Outre-mer, a évoqué la mise en place d’une initiative comparable pour éliminer les véhicules hors d’usage, qui peuvent également constituer des gîtes larvaires :

« En 2016, les constructeurs automobiles ont proposé un plan daction volontaire en Outre-mer pour pouvoir traiter le sujet des véhicules hors dusage (VHU) dans les territoires. Cest une obligation de gestion de leur part. Il sagissait à lépoque de traiter un objectif denviron 72 000 véhicules hors dusage […] En 2016, cette initiative des constructeurs a été accompagnée sous le pilotage du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES). Un accord-cadre a été signé en octobre 2018 avec les vingt et un plus grands constructeurs automobiles mondiaux, avec des objectifs assez volontaristes puisquils voulaient traiter 23 000 véhicules en 2019. La réalité est moins importante que cela puisque seuls 3 800 véhicules ont pu être traités, principalement en Guadeloupe et en Martinique. Pour le moment, nous avons des résultats limités. » ([182])

Sur le modèle de ces initiatives, un travail mené conjointement par le ministère de la santé et le ministère de la transition écologique et solidaire pourrait permettre de mieux connaître et faire connaître les innovations déjà déployées par les entreprises sur le sujet, et encourager le développement de nouvelles technologies, notamment dans le cadre de la mise en place de la responsabilité élargie du producteur à de nouvelles filières économiques.

Une telle initiative pourrait notamment être développée dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Selon Mme Dominique Chanaud, « les ministères de la santé, de lenvironnement, le CSTB, les associations du bâti comme Envirobat doivent ABSOLUMENT se parler et tenir compte du risque vectoriel » ([183]).


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III.   Fruit d’un enchevÊtrement d’objectifs et d’acteurs au fil des dÉcennies, le cadre institutionnel de la lutte anti-vectorielle doit Être remis À plat

Le cadre juridique actuel de la démoustication est, selon le témoignage unanime des personnes auditionnées par la commission denquête, dune complexité excessive.

Dans l’Hexagone, ce cadre est le fruit de l’action davantage que de la réflexion : faisant suite à la création des premiers opérateurs publics de démoustication (OPD), la loi du 16 décembre 1964 visait à faciliter l’intervention de ces organismes interdépartementaux et, en dernière instance, aider au développement touristique des régions concernées.

L’arrivée d’Aedes albopictus sur le territoire hexagonal, en 2004, a conduit le législateur à amender ces dispositions. Mais cette modification était trop marginale pour donner aux acteurs de la lutte anti-vectorielle toute la clarté et lefficacité dont ils ont besoin. Le dispositif mélange aujourd’hui lutte de confort, centrée autour des larves de moustiques du genre Culex proliférant en zone humide, et lutte contre les Aedes adultes en milieu urbain, sans que les responsables et financeurs ne soient clairement désignés. En dépit des nombreux projets de réforme ébauchés depuis quinze ans, ce dispositif légal demeure aujourd’hui. Un décret de mars 2019, suivi d’une proposition de loi adoptée en première lecture au Sénat avec l’accord du Gouvernement, sont venus apporter de nouvelles pistes de réflexion.

En Outre-mer, la nécessité ancienne, et permanente, de lutter contre les moustiques à des fins sanitaires a amené chacun de ces territoires à constituer des services de démoustication, selon des modalités très variables. En Guadeloupe, à Mayotte, à La Réunion, l’État prend en charge les mesures de lutte anti-vectorielle et assure leur financement. En Guyane, la lutte est assurée par un service rattaché à la collectivité territoriale de Guyane (CTG), qui bénéficie à cet effet d’un financement de l’État. La Martinique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française prennent en charge ces missions de façon plus autonome.

De manière générale, la difficulté à concilier en un même cadre juridique des politiques sédimentées de façon radicalement différentes, dans lHexagone dune part et dans lOutre-mer dautre part, semble expliquer les difficultés structurelles du législateur à mettre au point des dispositions générales claires et cohérentes.

Il paraît aujourd’hui nécessaire de remédier à cette situation, en continuant le travail de refondation engagé depuis 2019. Le transfert à lÉtat de la compétence « fondamentale » en matière de lutte anti-vectorielle, incluant celle den déléguer autant que de besoin la réalisation, doit en être la pierre angulaire. En matière de démoustication « de confort », et sous réserve de l’émergence d’épidémies liées aux moustiques du genre Culex, la compétence de principe, facultative, doit en demeurer aux départements et, par voie de conséquence, à leurs opérateurs.

Nonobstant cette éventuelle évolution, et considérant la priorisation indispensable de la mobilisation sociale par rapport à l’utilisation de produits biocides, il paraît nécessaire de réaffirmer lexpertise et la légitimité des OPD pour la mise en œuvre des mesures de lutte anti-vectorielle.

La prochaine étape que doivent emprunter les pouvoirs publics est aujourd’hui celle de la pleine mobilisation de toutes les municipalités, dont la proximité avec les citoyens et la connaissance du terrain font un acteur incontournable.

A.   Un cadre rÉglementaire devenu illisible du fait d’objectifs multiples et d’outils inadaptÉs

1.   L’État détient historiquement la compétence en matière de lutte anti-vectorielle, dans l’Hexagone comme dans l’Outre-mer, au titre de ses missions de santé publique

La compétence générale en matière de lutte anti-vectorielle a été historiquement exercée par lÉtat au titre de ses missions de santé publique, nonobstant les organisations particulières déployées dans certains territoires d’Outre-mer dès le début du XXe siècle (cf. infra, III.D.).

Les premières dispositions en la matière datent de 1944, avec l’ordonnance du Comité français de libération nationale du 3 avril 1944 relative à la lutte antipaludique. Non abrogé mais tombé en désuétude depuis, le texte créait un service de lutte antipaludique dans un certain nombre de départements, et confiait à l’État le financement des mesures correspondantes.

La circulation endémique de maladies vectorielles dans lOutre-mer et en Corse a par la suite conduit à ladoption de dispositions législatives spécifiques.

Les lois de décentralisation du 7 janvier et du 22 juillet 1983 ([184]) avaient eu pour conséquence une confusion dans la répartition des compétences et des dépenses entre l’État et les collectivités territoriales. Une circulaire du 7 octobre 1983 du ministre de l’intérieur et de la décentralisation semblait en effet implicitement laisser les dépenses correspondantes à la charge des communes et des départements, avec pour conséquence un « délaissement » de la lutte anti-vectorielle dans certains territoires ([185]).

La loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d’ordre social y répondait en prévoyant que « dans les départements où est constatée lexistence de conditions entraînant le développement de maladies humaines transmises par lintermédiaire dinsectes et constituant une menace pour la santé de la population, les mesures de lutte nécessaires relèvent de la compétence de lÉtat » ([186]). Il peut s’agir pour ces dernières d’enquêtes épidémiologiques et entomologiques, du dépistage clinique et biologique des affections, de mesures de lutte dans tous les lieux de développement des insectes, ou encore d’éducation sanitaire de la population ([187]). Le financement de ces mesures est pris en charge par l’État.

Lors des débats, le Gouvernement précisait toutefois que son objectif n’était pas de « perturber les dispositifs qui ont été mis en place dans certains départements en matière de lutte anti-vectorielle » ; aussi s’engageait-il à « respecter les dispositifs existants, dès lors que leur organisation et leur fonctionnement répondent de façon efficace aux objectifs de santé publique visés par larticle » ([188]). Les nouvelles dispositions visaient en fait non les départements métropolitains, mais ceux touchés par la dengue, le paludisme et la fièvre jaune que sont les deux départements corses ainsi que la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion ([189]).

Dans ces territoires, la loi de 1987 mettait en place un dispositif très centralisé, dont les conséquences en termes de structuration de la lutte anti-vectorielle demeurent importantes plusieurs décennies plus tard.

2.   Poursuivant un objectif de développement touristique, la loi du 16 décembre 1964 a fait du département le chef de file de la démoustication en métropole

De façon parallèle, un dispositif juridique conséquent est mis en place dès 1964 dans un objectif de lutte contre les moustiques non comme vecteurs, mais comme nuisances. Cette « lutte de confort » vise alors à stimuler le développement touristique du littoral méditerranéen, freiné par la prolifération de moustiques dans ses zones humides.

Dès la fin des années 1950, et alors que le tourisme à destination de l’Espagne rencontre un succès croissant auprès des Français – qui passent de 1,3 million en 1959 à 6,6 millions d’entrées sur le territoire espagnol en 1964 ([190]) – le Languedoc-Roussillon connaît en effet une certaine désaffection de la part des vacanciers. Outre des motifs structurels expliquant la popularité de l’Espagne (coût de la vie, exotisme), le littoral parcouru de zones humides et marécageuses souffre de son faible niveau d’urbanisation touristique et de la forte présence du moustique.

Afin de remédier à ces difficultés et « retenir » les touristes français, les conseils généraux des départements de l’Hérault, du Gard et des Bouches-du-Rhône créent en 1958 l’entente interdépartementale de démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée). L’action de ce nouvel organisme public rencontre toutefois des obstacles d’ordre juridique. Ses agents ne sont pas habilités à pénétrer dans les propriétés pour procéder à des actions de démoustication ; de plus, aucune obligation particulière n’est à la charge des propriétaires de terrains à forte densité de moustiques.

La loi  64-1246 du 16 décembre 1964 relative à la lutte contre les moustiques vise à surmonter ces difficultés, en créant des « zones de lutte contre les moustiques » à lintérieur desquelles les services départementaux peuvent librement intervenir.

Dans ces zones, les services habilités à la démoustication sont autorisés à procéder d’office aux prospections, traitements, travaux et contrôles nécessaires à la démoustication. À cette fin, ils peuvent pénétrer avec leurs matériels sur les propriétés publiques ou privées, même habitées, après que les occupants en ont été avisés à temps pour leur permettre de prendre toutes dispositions utiles pour la sauvegarde de leurs intérêts. Ceux-ci doivent obéir aux prescriptions des services de démoustication et procéder à tous les déplacements d’animaux et de matériels nécessaires à la bonne conduite des opérations de démoustication. Afin de faire respecter ces prescriptions, les agents des services assermentés à cet effet sont dotés d’un pouvoir répressif et peuvent à ce titre constater toute infraction aux dispositions de la loi.

De nouvelles obligations sont mises à la charge des propriétaires, locataires, concessionnaires, exploitants ou occupants de terrains situés dans les zones. Afin de faire disparaître les gîtes larvaires, ceux-ci doivent se conformer à toutes les prescriptions fixées par le préfet, et « remettre ou maintenir en état de fonctionnement et de salubrité » les ouvrages de stockage ou de transport des eaux. À défaut d’exécution, et à l’issue d’un délai de dix jours après la mise en demeure par le préfet, le service de démoustication habilité peut procéder à tous les travaux nécessaires à la charge de l’occupant. Des obligations déclaratives sont prévues pour les titulaires de terrains comportant des retenues ou étendues d’eau.

Le pouvoir de délimitation des zones, d’habilitation des organismes de démoustication et de définition des obligations incombant aux occupants revient à l’État, au moyen d’arrêtés préfectoraux. Des zones sont créées d’office dans les départements de l’Aude, du Gard, de l’Hérault et des Pyrénées-Orientales, et de nouvelles peuvent être créés de droit dans tout département qui en ferait la demande.

En définitive, la loi sert un objectif de développement touristique tout à fait distinct de préoccupations de santé publique : comme le déclare à l’Assemblée Raymond Marcellin, ministre de la santé publique et de la population, la loi devait permettre d’entreprendre, « pour la première fois en France, une vaste opération daménagement du territoire qui transformera toute une région en un complexe touristique et économique dune grande valeur » ([191]).

Le régime de financement des opérateurs publics de démoustication (OPD) a été précisé par la loi du 30 décembre 1974 de finances pour 1975, qui prévoit un financement mixte relevant à la fois des départements, dont la part doit être supérieure à 50 % des ressources de l’opérateur, et des communes concernées ([192]).

D’un point de vue pratique, les missions prises en charge par les départements volontaires – essentiellement dans le sud de la France – reposait sur la surveillance entomologique et au traitement préventif larvicide des espaces lacustres et zones humides susceptibles de voir la prolifération des différentes espèces de moustiques, Culex et Aedes.

3.   La loi de décentralisation de 2004 a confié aux départements la compétence de lutte anti-vectorielle, selon des dispositions sibyllines qui demeurent mal appliquées

a.   Des dispositions nouvelles pour faire face à l’arrivée du moustique tigre dans l’Hexagone

L’arrivée en 2004 du moustique tigre dans les Alpes-Maritimes (cf. supra, I.A.2.) et le besoin inédit depuis l’après-guerre de mesures de lutte anti-vectorielle sur le territoire hexagonal ont motivé l’adoption de dispositions législatives nouvelles, intégrées à la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ([193]).

Sappuyant sur le dispositif déjà en vigueur en matière de lutte de confort, la loi de 2004 confie une compétence de principe aux départements pour lexécution des mesures de lutte anti-vectorielle. LÉtat se voit confier un rôle de supervision. La lutte contre les moustiques comme nuisances demeure une compétence facultative du département.

S’agissant de la lutte anti-vectorielle (LAV), l’article 72 de la loi du 13 août 2004 confie à l’État une compétence de supervision sur l’ensemble du territoire. Aux termes de l’article L. 3114-5 tel que modifié par la loi précitée, l’État est désormais chargé non plus de l’exécution des mesures de LAV, mais de leur « définition ». La mention selon laquelle les dépenses correspondantes sont à sa charge est supprimée. Un arrêté du ministre de la santé établit la liste des départements « où est constatée lexistence de conditions entraînant un risque de développement de maladies humaines transmises par lintermédiaire dinsectes et constituant une menace pour la population » ([194]). Dans ces départements, des zones de lutte contre les moustiques sont créées d’office par arrêté préfectoral.

Les départements se voient dotés d’une compétence de principe en matière d’exécution. Dans ces zones, leurs agents ou ceux de l’organisme de démoustication habilité demeurent seuls titulaires des prérogatives conférées par la loi du 16 décembre 1964.

Les services départementaux sont désormais théoriquement placés sous la tutelle de l’État dans leur action, là où ils bénéficiaient auparavant une certaine autonomie. Un nouvel article 7-1 ajouté à la loi du 16 décembre 1964 dispose que dans les départements où est constaté un risque de développement de maladies vectorielles, les arrêtés préfectoraux délimitant les zones « prescrivent toutes mesures utiles à la lutte contre les moustiques vecteurs de ces maladies ».

Le décret n° 2005-1763 du 30 décembre 2005 d’application de l’article 72 de la loi du 13 août 2004 prévoit par ailleurs que l’arrêté préfectoral « définit les opérations à entreprendre et, en tant que de besoin, les procédés à utiliser en tenant compte de leurs effets sur la faune, la flore et les milieux naturels. Il fixe la date du début de ces opérations » ([195]). Le préfet peut également prescrire « des mesures de prospection, de traitement, de travaux et contrôles », « aux fins de réduire la prolifération des insectes vecteurs ».

M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales, a ainsi résumé la situation :

« Nous avons donc une intervention sur une politique sanitaire autour de la LAV qui est portée par le ministère en charge de la santé avec, au niveau déconcentré, des préfets de département qui prennent des arrêtés pour déterminer des zones où il faut lutter contre les moustiques vecteurs et, à la manœuvre bien évidemment, les ARS qui ont des compétences spécifiques en matière de prospection, de traitement, de travaux et de mesures de surveillance entomologique.

« Les départements sont en charge, dans les zones délimitées par le préfet de département, de conduire des opérations de démoustication, ce quon appelle plus classiquement la lutte de confort. » ([196])

b.   Des dispositions d’application difficile, autant dans les objectifs de la lutte que dans la répartition des compétences

Le choix dinclure les dispositions nouvelles relatives à la LAV dans la loi du 16 décembre 1964 a eu pour effet de brouiller la distinction jusqualors bien établie entre lutte de confort et lutte anti-vectorielle, au détriment de la lisibilité globale du droit en vigueur. Modifié par la loi du 13 août 2004, le texte fait référence tantôt à la LAV, tantôt à lutte de confort, sans que puissent bien être distingués les instruments juridiques relevant de l’un et de l’autre.

Le premier alinéa de l’article 1er de la loi du 16 décembre 1964, tel que modifié en 2004, habilite le préfet à délimiter des zones de lutte contre les moustiques dans les départements présentant un risque sanitaire lié aux « insectes », ce qui semble admettre un champ plus large que les seuls moustiques. Toutefois, le deuxième alinéa permet la création de ces zones dans les départements « où les moustiques constituent une menace pour la santé de la population ».

Ajoutant à la confusion, l’article 7-1 de la même loi permet la prescription de mesures de lutte par arrêté préfectoral « dans les départements où est constatée lexistence de conditions entraînant le développement de maladies humaines transmises par lintermédiaire de moustiques ».

En outre, la répartition des compétences et des charges financières entre lÉtat et les départements introduits en 2004 est confuse et difficile à appliquer, en raison de dispositions peu claires ne confiant pas expressément l’intégralité de la compétence aux départements.

Si le texte confie une compétence de principe au département, il le fait en effet de façon implicite, et n’empêche par conséquent pas l’État de réaliser, autant que de besoin, des mesures de LAV ([197]). Aussi les dispositions semblent-elles permettre une gestion du risque vectoriel au cas-par-cas selon le territoire, en confiant l’exécution tantôt au département lorsqu’il dispose des services adaptés et lorsqu’il souhaite se saisir de cette compétence, tantôt à l’État.

Cette liberté relative a toutefois pour contrepartie des divergences dinterprétation notable, source de contentieux dans certains territoires.

Alors que les propos du Gouvernement en séance lors de la discussion du texte au Sénat indiquaient, de façon équivoque, une compétence revenant « en règle générale » à l’État en matière de LAV et aux départements dans les « autres cas » ([198]), le ministère de la Santé a récemment fourni une interprétation en sens inverse dans une réponse à une question parlementaire, en jugeant que la loi du 13 août 2004 a « transféré aux départements la compétence de la mise en œuvre de la lutte anti-vectorielle » ([199]).

En définitive, le ministère de la Santé admettait en 2014 que le dispositif était « complexe dans sa mise en œuvre par les acteurs de la lutte anti-vectorielle », dans la mesure où « la répartition mise en place en 2004 décideur (État) / payeur (collectivités territoriales) – est difficile à appliquer dans certains territoires, ce qui peut conduire à des disparités dans la lutte » ([200]). Ce constat a été repris lors d’une mission de l’inspection générale des affaires sociales, qui observait en 2016 que « les bénéfices attendus du rapprochement fonctionnel entre démoustication et lutte anti-vectorielle néquilibrent pas les inconvénients liés à la confusion des compétences et des difficultés de financement quelle induit », que « même dans les départements qui exercent effectivement leur compétence de mise en œuvre de la LAV, la répartition des rôles entre lÉtat et les collectivités est complexe » ([201]).

Le Haut Conseil des biotechnologies notait pour sa part en 2017 que « sur le terrain, la division entre le niveau décisionnaire au sein de lÉtat [...] et les services chargés de la mise en œuvre (qui sont financés par les départements) conduit à une certaine ambiguïté concernant les responsabilités, rend parfois confuse la répartition des rôles, notamment en situation durgence, mais permet en fait de combiner une motivation régalienne avec la légitimité que donne laction locale ». Néanmoins, « il apparaît que ce transfert, amorcé puis suspendu, présente plus de difficultés que davantages et que les modalités de prise en charge de la lutte varient dans chacun des territoires métropolitains et des DROM-COM » ([202]).

M. Stanislas Bourron a confirmé ce constat devant la commission d’enquête :

« Il y a sans doute une difficulté à intervenir de façon fondée sur des bases juridiques qui sont, il faut bien le dire, complexes, pas toujours très précises. La façon dont les choses sont rédigées est le fruit de lhistoire et du fait que certaines collectivités, notamment départementales, se sont emparées de ces sujets, ont décidé de les traiter, notamment ces questions de lutte contre les moustiques. La question est aujourdhui un peu complexe puisque nous assistons à une montée en puissance de la lutte anti-vectorielle avec la diffusion du moustique tigre qui sest répandu sur le territoire. Par conséquent, nous avons une baisse assez naturelle de lintervention au titre de la lutte de confort puisque les deux sujets sont en train de fusionner, de se rejoindre. Cela rend dautant plus difficile à trouver et à tracer la ligne dintervention entre les uns et les autres selon quon est en confort ou en lutte anti-vectorielle. Sur le sujet des compétences, il y a donc effectivement une difficulté à tracer la ligne dintervention. » ([203])

En définitive, et malgré le constat unanime et récurrent de son inadéquation, le cadre législatif demeure inchangé depuis 2004.

4.   Les larges pouvoirs de police du maire sont obérés dans la pratique par des moyens techniques limités

Les maires peuvent intervenir contre les moustiques au titre de plusieurs polices administratives, dont les principales sont la police générale et la police spéciale des points deau.

Au titre de son pouvoir de police générale, dont la salubrité publique est un des objets, le maire est habilité à prendre des mesures de lutte contre la présence de moustiques sur le territoire de sa commune. L’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précise par ailleurs qu’il appartient au maire de « prévenir, par des précautions convenables, et par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que […] les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir durgence à toutes les mesures dassistance et de secours et, sil y a lieu, de provoquer lintervention de ladministration supérieure ».

Le Conseil d’État a ainsi pu juger qu’entraient dans les pouvoirs de police municipale du maire les mesures visant « à assurer la destruction des moustiques comme agent de propagation de maladies », de même que les mesures « contre la propagation des moustiques […], en vertu de ses pouvoirs de police concernant lhygiène » ([204]).

En plus de ce pouvoir de police général, le maire dispose d’un pouvoir de police spéciale des points deau. Défini comme un pouvoir de surveillance ([205]), il confère deux obligations aux maires :

– la première est d’ordonner les mesures nécessaires pour assurer lassainissement des mares communales placées dans l’intérieur des villages ou dans le voisinage des habitations, dès lors que ces mares « compromettent la salubrité publique » ([206]). Les dépenses correspondantes sont au nombre des dépenses obligatoires de la commune ([207]).

– la seconde est de prescrire aux propriétaires de mares ou de fossés à eau stagnante situés dans le voisinage des habitations les travaux ou mesures nécessaires pour faire cesser l’insalubrité. En cas de refus ou de négligence, le maire est tenu de dénoncer l’état d’insalubrité au représentant de l’État, qui peut alors prescrire que les travaux nécessaires seront exécutés d’office aux frais du propriétaire ([208]).

Il convient de noter que le projet de loi relatif à la biodiversité déposé le 26 mars 2014 et ayant abouti à la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, avait prévu, dans sa rédaction initiale, d’abroger les dispositions relatives à la police spéciale des points d’eau, au motif qu’elles ne seraient plus utilisées en pratique, en raison à la fois de la disparition des causes d’insalubrité des mares et de l’existence du pouvoir de police général et du règlement sanitaire départemental, qui permettraient d’atteindre les mêmes objectifs ([209]). Un amendement adopté en première lecture au Sénat est toutefois revenu sur ces suppressions, arguant de l’utilité de ces dispositions pour permettre au maire de lutte contre les maladies vectorielles, en particulier dans les territoires d’Outre-mer ([210]).

Par ailleurs, le maire dispose de prérogatives consacrées dans le code de l’environnement en matière de police des déchets sur la voie publique, lui conférant des pouvoirs de mise en demeure, d’injonction, d’astreinte et d’amende à l’encontre des contrevenants, d’un montant maximal de 150 000 euros ([211]).

Enfin, il est fondé à prendre des mesures contre la présence de moustiques dans les cimetières ([212]), les pots de fleurs qui y sont déposés pouvant servir de gîtes larvaires.

Pour chacun de ces pouvoirs de police, M. Stanislas Bourron a rappelé qu’« assez classiquement, le préfet peut se substituer si les maires nintervenaient pas » ([213]). Cependant, cette faculté est rarement mise en œuvre, les préfectures préférant la négociation avec les maires récalcitrants à la remise en cause de leurs prérogatives, même en cas de défaillance manifeste.

En dépit de ces compétences, laction des maires est souvent obérée par une expertise technique et des moyens humains et matériels trop limités pour lutter efficacement contre les moustiques vecteurs (cf. infra, III.C.4).

Dans ce cadre, les préfectures et les agences régionales de santé pourraient, en fonction du contexte local, mettre en place des guides permettant aux maires, aux services municipaux et aux référents existants de connaître les actions qu’ils peuvent envisager dans la lutte contre les vecteurs. Ce guide prendrait son sens une fois la réforme en cours du cadre juridique achevée.

Proposition n° 8 : Fournir aux maires, services municipaux et référents locaux un guide sur les actions qu’ils peuvent mener pour lutter contre les moustiques Aedes.

B.   La rÉforme engagÉe en 2019 n’a pas permis d’aboutir À une architecture cohÉrente

1.   Le décret du 29 mars 2019 confie la compétence de surveillance et de lutte anti-vectorielle aux agences régionales de santé, mais laisse plusieurs questions en suspens

Faisant suite au rapport rendu par une mission de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’administration en 2016 ([214]), le décret du 29 mars 2019 relatif à la prévention des maladies vectorielles est venu modifier largement la répartition des compétences en matière de lutte contre les vecteurs.

Ce décret entreprend de préciser le rôle des différents acteurs :

– en confiant aux agences régionales de santé (ARS) un rôle de surveillance entomologique et de complément aux opérateurs de démoustication en cas de crise épidémique,

– en faisant reposer la gestion des épidémies de maladies à vecteur sur le dispositif Orsec mis en place par les préfets ;

– en confiant à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) la coordination de l’expertise sur les vecteurs,

– en rappelant le rôle des maires dans la lutte contre l’implantation et le développement d’insectes vecteurs sur le territoire de leur commune.

Ses objectifs affichés sont la simplification du pilotage national par la diminution du nombre d’acteurs impliqués dans la lutte contre les vecteurs, le soutien des services de démoustication en situation de crise épidémique, et la mise en œuvre de mesures de LAV dans les territoires ne disposant ni de moyens ni dexpérience en matière de démoustication ([215]).

Le décret confère deux nouvelles missions aux ARS :

– la « surveillance entomologique des insectes vecteurs et lintervention autour des nouvelles implantations de moustiques » ;

– les actions « en matière de prospection, traitement et travaux autour des lieux fréquentés par les cas humains signalés afin de limiter la propagation des maladies vectorielles ainsi que le risque épidémique » ([216]).

L’exécution de ces mesures peut être déléguée par l’ARS à un organisme de droit public, ou, de façon inédite, à un organisme de droit privé, qu’elle habilite au préalable et qui est placé sous son contrôle. L’article 3 du décret prévoit que les agents de cet organisme sont autorisés à procéder d’office aux prospections, traitement, travaux et contrôles nécessaires à leurs missions. Selon le Gouvernement, ces dispositions doivent notamment permettre aux ARS non de privatiser leurs services de LAV quand ils existent, mais « didentifier les éventuels renforts » à leurs propres moyens en situation d’épidémie ([217]).

Par ailleurs, le décret réaffirme le rôle du maire par la création d’un nouvel article L. 1331-3 du code de la santé publique, qui détermine ses missions dans la lutte contre l’implantation et le développement d’insectes vecteurs sur le territoire de sa commune. Le maire doit ainsi prescrire toutes les mesures nécessaires à la lutte contre les vecteurs, et informer sans délai le préfet de toute détection inhabituelle d’insectes vecteurs de maladies sur le territoire de sa commune et des actions qu’il a entreprises. Il peut également mettre en place un programme de surveillance des vecteurs, et intégrer un volet relatif à la LAV déclinant le dispositif Orsec départemental dans le plan communal de sauvegarde.

Enfin, le texte confie à l’Anses la mission de coordonner l’expertise sur les vecteurs, en cohérence avec le transfert à l’Agence des missions du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV) opéré le 1er janvier 2018 (cf. infra, V.C.).

Le décret est entré en vigueur le 1er janvier 2020, à l’exception notable des dispositions relatives à la lutte anti-vectorielle en Guyane et en Martinique, où le transfert de compétences à l’ARS prendra effet le 1er janvier 2023.

La portée concrète de certaines dispositions du décret, voire même sa conformité aux dispositions législatives introduites en 2004, semblent toutefois sujettes à caution.

Le transfert de compétences vers l’ARS va en premier lieu à rebours du choix opéré avec la loi du 13 août 2004, dont l’objectif affiché était de confier en principe la lutte contre les insectes vecteurs aux départements. Le Gouvernement a indiqué récemment dans une réponse à une question parlementaire que le décret « clarifie la répartition des compétences entre laction des départements, circonscrite à la lutte contre les moustiques nuisants et laction de lÉtat, confortée en ce qui concerne la lutte contre les moustiques constituant une menace pour la santé publique » ([218]), soit une interprétation allant à l’encontre de précédentes interprétations au sujet des dispositions de 2004.

Le décret est également équivoque au sujet des pouvoirs dont disposent les organismes de démoustication délégués par lARS. Reprenant presque mot pour mot les termes de l’article 1er de la loi du 16 décembre 1964, l’article 3 du décret dispose que les agents de ces organismes sont autorisés à procéder « doffice » aux « prospections, traitement, travaux et contrôles nécessaires ». Cette formulation semble au premier abord octroyer à ces agents les mêmes prérogatives que celles confiées aux agents des services départementaux par la loi du 16 décembre 1964 ([219]).

Or l’article 2 de loi du 16 décembre 1964, toujours en vigueur, ne confère ces pouvoirs qu’aux agents du département ou à ceux de l’organisme public que celui-ci a habilité, et dans le périmètre géographique circonscrit des zones de lutte contre les moustiques. Il apparaît par conséquent qu’en l’état actuel du droit, les agents de l’organisme de droit public ou privé délégué par l’ARS et visé par le décret ne bénéficient pas des prérogatives ouvertes par la loi du 16 décembre 1964.

Par ailleurs, il laisse en suspens la question de la responsabilité des agents chargés de la LAV en cas de dommages : alors que la loi du 16 décembre 1964 rend explicitement applicable le régime juridique des « dommages résultant de l’exécution de travaux publics », son application aux opérateurs chargés par l’ARS de la LAV nécessiterait une construction jurisprudentielle : « En labsence daccord, nous avons retrouvé la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par lexécution de travaux publics, ce qui ne nous rajeunit pas, qui prévoit des garanties procédurales et que nous pourrions peut-être mobiliser pour intervenir en considérant quil sagit de travaux publics. Nous sommes quand même en train de mobiliser des textes qui commencent à être très anciens et qui sont assez éloignés du sujet, mais qui pourraient peut-être être un support juridique pour permettre une intervention sur le domaine privé » ([220]).

Enfin, le décret ne met pas fin à lenchevêtrement dobjectifs entre lutte de confort et lutte anti-vectorielle résultant de la loi du 13 août 2004.

2.   La proposition de loi relative à la sécurité sanitaire apporte une première réponse à la remise en ordre juridique de la lutte anti-vectorielle

Une proposition de loi, déposée par M. Michel Amiel et les sénateurs membres du groupe La République en Marche et adoptée le 7 février 2020 par le Sénat ([221]) tend à redessiner l’organisation de la lutte anti-vectorielle. Elle propose de confier la LAV à l’État et la lutte contre les moustiques comme nuisances aux départements. Le maire conserverait ses pouvoirs de police administrative.

Elle reprend ainsi les mêmes principes que ceux envisagés par une proposition de loi visant à prévenir des maladies vectorielles transmises par les insectes, déposée précédemment par M. Olivier Véran et les députés membres du groupe La République en Marche de l’Assemblée nationale ([222]).

L’article 1er de la proposition de loi adoptée par le Sénat attribue lintégralité de la compétence en matière de LAV à lÉtat. Une nouvelle section ajoutée au code de la santé publique et dénommée « Prévention des maladies vectorielles transmises par les insectes » confierait à l’ARS la responsabilité des mesures de prévention et de lutte contre la présence de vecteurs.

La réalisation de ces mesures pourrait être déléguée par l’ARS à un opérateur public ou privé.

Les agents de l’ARS, ou de l’opérateur délégué par elle, seraient autorisés à pénétrer avec leurs matériels sur les propriétés publiques et privées, même habitées, pour procéder aux prospections, traitements, travaux et contrôles nécessaires. Les personnes concernées seraient tenues de se conformer aux prescriptions des agents pour leur permettre d’effectuer leur travail, et procéder à tout déplacement de matériel ou d’animaux nécessaires.

L’accès pourrait avoir lieu entre 8 heures et 20 heures, ou à toute heure en « situation durgence ». Il ne serait possible que dans les zones définies par « lautorité compétente », ce que l’on peut interpréter comme le préfet ou le maire, et après que les personnes aient été avisées « à temps, par écrit et dans un délai raisonnable pour leur permettre de prendre toutes les dispositions utiles pour la sauvegarde de leurs intérêts ». En application de l’article L. 1421-2 du code de la santé publique, les agents chargés de l’inspection de la santé publique peuvent accéder à la propriété privée après autorisation par un juge en cas de refus. La sanction d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende prévue à l’article L. 1427-1 du même code est applicable aux personnes qui continueraient à s’y opposer.

La proposition de loi adoptée par le Sénat prévoit que ces pouvoirs bénéficient également aux agents de la commune, ou de l’organisme délégué.

La nature des mesures susceptibles d’être prises en application de ces dispositions est déterminée par décret en Conseil d’État.

L’article 2 de la proposition de loi recentre la compétence du département sur la lutte contre les moustiques comme nuisances. L’article 1er de la loi du 16 décembre 1964 est modifié de façon à remplacer les zones de lutte contre les moustiques par des « zones de lutte contre les nuisances de moustiques », et à supprimer les mentions de maladies vectorielles qui y figurent aujourd’hui. L’article 7-1 de la loi de 1964, qui permet au préfet de prescrire toutes mesures utiles contre la présence de vecteurs dans les départements touchés par des maladies vectorielles, serait supprimé. Ainsi modifiée, la loi du 16 décembre 1964 ne régirait plus que la lutte contre les moustiques comme nuisances, et non la lutte anti-vectorielle.

La compétence du département pour lutter contre ces nuisances demeurerait facultative.

Le texte adopté par le Sénat consacre également le rôle du maire dans la lutte contre les vecteurs, en précisant que la compétence de l’État en matière de LAV se fait « sans préjudice des missions dhygiène et de salubrité dévolues aux collectivités territoriales ». Le texte oblige également le maire à informer sans délai l’ARS en cas de détection d’insectes vecteurs sur le territoire de sa commune, reprenant ainsi des dispositions du décret du 29 mars 2019 ([223]).

Enfin, un nouvel article dans le code de la santé fournirait une base légale aux expérimentations en matière de lutte contre les vecteurs (cf. infra, V.B.5.). Des expérimentations innovantes pourraient être autorisées par le préfet sur le territoire du département, après avis du Haut Conseil de la santé publique et le cas échéant de l’Anses et du Haut Conseil des biotechnologies, pour une durée ne dépassant pas trois ans.

La commission denquête a pu constater lors des auditions que la proposition de loi bénéficiait dun accueil favorable de la part des différents acteurs de la lutte anti-vectorielle. La recentralisation de la lutte contre les vecteurs est vue favorablement par l’Assemblée des départements de France (ADF), pour qui la situation actuelle conduit à des dépenses obligatoires importantes à la charge des départements. L’EID Méditerranée a pour sa part estimé que le texte adopté était arrivé à un « équilibre », tout en indiquant juger préférable la prise en charge par un seul organisme de la lutte de confort et de la lutte anti-vectorielle. Les ARS des territoires d’Outre-mer ont également émis un jugement positif sur les clarifications apportées par le texte au sujet des responsabilités respectives des départements et des services de l’État.

C.   Clarifier les responsabilitÉs pour engager tous les pouvoirs publics dans la lutte contre les vecteurs

La proposition de loi adoptée par le Sénat a entrepris a minima de préciser les compétences des acteurs. Si elle venait à être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, elle pourrait fournir le vecteur législatif à une rationalisation plus ambitieuse des responsabilités des acteurs publics.

1.   Faire de l’agence régionale de santé le chef d’orchestre de la lutte anti-vectorielle, en lui confiant la surveillance entomologique, le traitement préventif et le traitement en cas de foyer épidémique

a.   La lutte contre les vecteurs est au cœur des missions de santé publique des ARS

Par les missions qui leur sont confiées dans la loi comme leur positionnement géographique et institutionnel, les services de l’État par l’intermédiaire des ARS apparaissent pleinement légitimes pour l’exercice de la compétence de lutte anti-vectorielle.

Les missions de veille sanitaire et de réaction aux situations de crise épidémique comptent parmi les principales missions des ARS.

Les missions des agences régionales de santé en matière de santé publique

De façon générale, l’article L. 1431-1 du code de la santé publique confie aux agences régionales de santé deux grandes missions, que sont d’une part la mise en œuvre au niveau régional de la politique de santé, et d’autre part la régulation, l’orientation et l’organisation de l’offre de services de santé.

Leur rôle de mise en œuvre de la politique de santé leur confère des missions particulières de veille sanitaire et de réaction en situation de crise épidémique :

– lorganisation lobservation de la santé dans la région, via un appui, en tant que de besoin, sur les observatoires régionaux de la santé, ainsi que la veille sanitaire, en particulier le recueil, la transmission et le traitement des signalements d’événements sanitaires ;

– la contribution, dans le respect des attributions du représentant de l’État territorialement compétent et, le cas échéant, en relation avec le ministre de la défense, à lorganisation de la réponse aux urgences sanitaires et à la gestion des situations de crise sanitaire ;

 la définition et le financement des actions visant à promouvoir la santé, à informer et à éduquer la population à la santé et à prévenir les maladies, les handicaps et la perte d’autonomie, en veillant à leur évaluation.

Au titre de leur seconde mission de régulation de l’offre de soins, les ARS ont également pour rôle, entre autres :

– de veiller à la qualité des interventions en matière de prévention, de promotion de la santé ;

– de favoriser des actions tendant à rendre les publics cibles acteurs de leur propre santé, dans une démarche de responsabilisation ;

– de participer, en lien avec les universités et les collectivités territoriales concernées, à l’analyse des besoins et de l’offre en matière de formation pour les professionnels des secteurs sanitaire et médico-social.

Dans un contexte de risque croissant d’épidémies liées aux maladies vectorielles sur le territoire hexagonal comme ultra-marin, il serait difficilement justifiable de ne pas en confier la supervision aux ARS, dont la veille sanitaire est une des principales missions depuis leur création. Un tel schéma aboutirait à une dichotomie artificielle entre maladies vectorielles d’une part et autres maladies d’autre part.

M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales, a présenté les enjeux d’un recentrage de la compétence sanitaire sur les ARS :

« Il y a […] une ligne assez nette, une évolution de la situation qui fait que la lutte antivectorielle prend une part de plus en plus importante dans le chiffre de la lutte contre les moustiques, au détriment de la lutte de confort qui était plutôt du ressort des collectivités. Il est donc assez naturel que nous arrivions à une répartition des rôles qui mette plus en avant la dimension sanitaire, donc portée par lÉtat, avec une compétence plus secondaire pour les collectivités, notamment départementales, en considérant quil y a une responsabilité en matière de politique sanitaire qui dépasse souvent le champ des circonscriptions géographiques des collectivités concernées. Les moustiques ne connaissent pas les limites communales et départementales. Évidemment, quand on est sur une île, le sujet est un peu différent, mais quand on est sur un territoire plus vaste, ce sujet prend rapidement une ampleur qui est au moins interdépartementale, régionale, voire interrégionale dans certains cas doù lintérêt davoir une dimension de gestion par lÉtat pour les questions sanitaires. » ([224])

La désignation d’un interlocuteur unique pour la détection de vecteurs ou de potentiels cas humains, qu’il s’agisse de particuliers ou d’administrations, rendrait nettement plus lisible le paysage administratif de la lutte anti-vectorielle et renforcerait par conséquent la réactivité et lefficacité globale du système.

Comme l’a indiqué Mme Marion Le Tyrant à la commission d’enquête sur la base de ses travaux de recherche, « à Nîmes, suite à lémergence de cas de dengue, la communication a rencontré plusieurs obstacles. Elle sest dabord faite par voie de presse, si bien que les habitants du quartier concerné par lémergence de ce foyer ont appris la nouvelle par les journaux. Ils ont ensuite cherché à obtenir la validation de ces informations et ils se sont heurtés à la difficulté didentifier le bon interlocuteur. Ils ont erré dadministration en administration, de service en service, tout le monde se renvoyait la balle, entre la commune, lARS, lantenne départementale et lantenne régionale de lARS… » ([225]).

En outre, la désignation de l’ARS comme chef de file de la lutte contre les vecteurs assure une liaison plus fluide entre les mesures délimination ou de réduction de la présence de vecteurs dune part, et dintervention sanitaire autour des cas humains dautre part. La segmentation pouvant résulter d’acteurs différents sur chacun de ces sujets nuirait nécessairement à l’efficacité de la réponse sanitaire, en l’absence notamment de traitement avéré pour les pathologies concernées.

Enfin, l’ARS paraît seule en mesure d’avoir une vision transversale des différentes maladies vectorielles sur un territoire, qui ne soit pas limitée à celles transmises par les moustiques. En aval, cette vision transversale doit permettre une meilleure mobilisation des compétences, et une préparation plus aboutie à l’émergence potentielle de nouvelles pathologies.

Un exemple de maladie vectorielle non transmise par les moustiques :
l’encéphalite à tiques

L’encéphalite à tiques est due à un virus (flavivirus) transmis à l’Homme par la piqûre d’une tique infestée, essentiellement du printemps à l’automne (période d’activité des tiques). De façon exceptionnelle, une contamination peut se faire par consommation de lait cru ou de fromage au lait cru de chèvre ou de brebis. Cette transmission n’a jamais été observée en France.

De 5 000 à 13 000 cas d’encéphalite à tiques sont rapportés chaque année dans le monde. Très rare en France, l’encéphalite à tiques sévit actuellement de l’Europe au nord du Japon et de la Chine.

La situation épidémiologique en France est mal connue. Une vingtaine de cas sont diagnostiqués par an, essentiellement en Alsace et en Haute-Savoie, ou contractés à l’étranger, en rapport avec les activités de loisirs, dans les zones boisées humides (campeurs, randonneurs, ramasseurs de champignons, chasseurs…).

En Europe, les pays les plus touchés sont la République tchèque, l’Allemagne, et les pays baltes, avec une extension de la maladie en direction de l’Europe du Nord et de l’Est.

Source : Santé Publique France

En conséquence, la rapporteure préconise le transfert de lensemble de la lutte anti-vectorielle aux ARS, sous la forme d’une quadruple compétence :

– la surveillance entomologique,

– la prévention de la constitution de gîtes larvaires par la formation, linformation et la mobilisation sociale,

– le traitement préventif de la prolifération des moustiques Aedes,

– et le traitement curatif en cas de transmission avérée risquant de constituer un foyer épidémique.

Proposition n° 9 : Confier l’intégralité de la compétence de surveillance et de lutte anti-vectorielle aux agences régionales de santé, comportant la surveillance entomologique, la prévention par la formation et l’information, ainsi que les traitements préventifs et curatifs contre les moustiques Aedes.

Il convient de noter que le transfert de la compétence à l’État, qui deviendrait alors autorité délégante en matière de LAV, aurait pour conséquence la prise en charge financière par lÉtat de dépenses actuellement assumées par les départements.

Il ressort des auditions menées par la commission d’enquête qu’une telle évolution bénéficie d’un accueil favorable auprès des départements, qui doivent encore prendre en charge par l’intermédiaire des OPD une part importante des dépenses liées à la lutte contre les vecteurs. Mme Alix Mornet, conseillère de l’Assemblée des départements de France (ADF), a ainsi fait part des motifs ayant conduit à la dissolution de l’EID Atlantique au 1er janvier 2020 :

« Les départements sont contraints par le Pacte de Cahors à un objectif dévolution de dépenses réelles de fonctionnement de 1,2 %. Cela contraint la majorité dentre eux, les moins aisés, à réinterroger les compétences quils exercent de façon facultative. Je pense que ce facteur a conduit les départements à se désolidariser de cette entente. » ([226])

Cela n’exclut pas l’exercice de la compétence par le département, comme l’a indiqué M. Stanislas Bourron avec l’exemple récent de la démoustication dans l’Aisne :

« Le conseil départemental de lAisne, notamment, sest vu confier cette compétence par lARS et peut donc intervenir au titre de ses compétences propres, mais aussi au titre de la délégation quil a reçue de lARS pour traiter de façon uniforme, sans se poser la question de savoir sil sagit de confort, de la démoustication classique ou de la lutte anti-vectorielle. » ([227])

La recentralisation de la compétence est également vue favorablement des maires, selon Sylviane Oberlé, chargée de mission à l’Association des maires de France (AMF) :

« La position de lAMF était que les questions de santé publique en tant que telles relèvent de lÉtat, qui est le seul compétent à lheure actuelle et le seul habilité à définir une politique de santé publique, et que les maires soccupent de salubrité, ce qui correspond à la fois à leurs compétences et à leur domaine daction. Nous avons reçu quelques alertes de personnes qui ne souhaitent pas que cette répartition soit trop remise en question. » ([228])

b.   Veiller au positionnement stratégique de l’ARS

L’attribution d’une compétence à l’ARS ne doit pas conduire à lui confier la réalisation, par ses propres moyens, des mesures de lutte contre les vecteurs.

Il apparaît en premier lieu que nonobstant leur pertinence sur un rôle de direction, les ARS ne sont pas dimensionnées pour la réalisation de mesures de lutte sur le territoire dont elles ont la responsabilité. Qu’il s’agisse de pulvérisations insecticides ou d’inspection des habitations, les mesures de lutte contre Aedes albopictus requièrent une grande quantité d’interventions. Cette difficulté semble d’autant plus préoccupante qu’elle serait considérablement aggravée au point de devenir ingérable en cas de multiplication des foyers épidémiques.

Par ailleurs, s’agissant des territoires d’Outre-mer et comme l’a indiqué dans sa réponse écrite aux questions de la rapporteure Mme Valérie Denux, directrice générale de l’ARS de la Guadeloupe, le maintien de l’ARS à un niveau stratégique et d’accompagnement opérationnel est davantage susceptible de recueillir ladhésion des collectivités.

De plus, les compétences requises pour la réalisation en interne des actions de lutte apparaissent en inadéquation avec le cœur de métier des agences, avec en aval un risque de difficultés de recrutement et de gestion des ressources humaines. Comme l’a souligné Mme Dominique Voynet, directrice générale de l’ARS de Mayotte, le statut des agents chargés de la LAV à l’ARS de Mayotte est très différent de celui des autres agents, en raison tant des conditions historiques de leur recrutement que du caractère purement opérationnel des missions qui leur sont confiées.

Aussi, la rapporteure préconise la délégation la plus large possible des mesures de lutte contre les vecteurs, afin de consolider les ARS dans un positionnement stratégique de « chef de file » sur le territoire régional.

Proposition n° 10 : Consolider le positionnement stratégique des agences régionales de santé dans le pilotage de la lutte-anti-vectorielle par la délégation la plus large possible des mesures de lutte à des opérateurs existants sur le terrain.

Ce positionnement stratégique devra être conforté par un travail de coordination avec le préfet, afin de définir de façon pluriannuelle des schémas régionaux et départementaux de lutte anti-vectorielle à même de répondre de façon coordonnée à l’apparition de foyers épidémiques dans la région. La stratégie ainsi définie doit permettre d’associer pleinement les communes et des intercommunalités (cf. infra, III. C. 3.).

Sur le plan opérationnel, une telle délégation nécessite de confier aux agents des ARS, et aux agents des organismes qu’elle aura habilités et délégués, les prérogatives ouvertes par la loi du 16 décembre 1964 aux seuls opérateurs départementaux. La proposition de loi relative à la sécurité sanitaire telle qu’adoptée par le Sénat est parvenue, à cet égard, à un bon équilibre.

Comme le rappelait M. Bruno Tourre de l’EID Méditerranée, l’objet de ces prérogatives n’est pas de permettre un passage en force, mais un appui pour pouvoir négocier avec d’éventuels propriétaires récalcitrants : « Comme toutes les armes atomiques, on lutilise une fois et on ne peut plus lutiliser après : si nous narrivons pas à pénétrer dans une propriété privée et que nous faisons appel à cet article 2 de la loi, nous pouvons être à peu près sûrs que nous aurons une opposition non seulement de la personne concernée, mais aussi certainement de tout le voisinage. Chaque fois que nous avons une opposition, et elles sont peu nombreuses, nous essayons plutôt de convaincre nos interlocuteurs du bien-fondé de nos actions et de la possibilité de pénétrer sur le terrain. La plupart du temps, nous y arrivons, ce qui nous évite dutiliser cette possibilité qui, tout compte fait, nous ferait rentrer dans un cercle vicieux. » ([229])

Proposition n° 11 : Donner aux agents des organismes délégués par l’agence régionale de santé le pouvoir de pénétrer dans les propriétés privées, même habitées, pour procéder aux actions anti-vectorielles ordonnées par l’agence régionale de santé.

2.   Maintenir la compétence exclusive des départements et de leurs opérateurs pour la lutte de confort

Une fois confiée aux ARS les missions de surveillance entomologique et sanitaire, la lutte de confort se résume à un traitement préventif larvicide des zones humides susceptibles de servir à la prolifération des moustiques, aussi bien Culex qu’Aedes.

Il paraît essentiel de réaffirmer la compétence facultative des départements et de leurs opérateurs publics pour exercer cette lutte de confort.

Les nuisances liées aux moustiques indigènes sont sans lien, dans leur évolution, avec la progression du moustique tigre : la nécessité de les contrôler demeure, et devrait continuer à être confiée aux départements et aux opérateurs publics qu’ils mettent en place.

Comme l’ont mis en évidence les débats au Sénat au sujet de la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire, et comme l’a souligné Mme Alix Mornet, le maintien d’une compétence facultative des départements pour la lutte de confort, sans caractère obligatoire et sans missions imposées en matière de LAV est souhaitée par les départements en raison de la charge financière importante associée.

En outre, la lutte de confort continue d’occuper une place majoritaire dans les actions et les dépenses des OPD. M. Bruno Tourre a indiqué que 85 % des actions menées par l’EID Méditerranée et de son budget étaient consacrées à la lutte de confort contre les Culex, essentiellement par un traitement larvicide préventif par Bacillus thuringiensis subsp. israelensis (Bti). M. Rémi Foussadier a pour sa part communiqué une proportion de deux tiers du volume d’action consacré par l’EID Rhône-Alpes à cette lutte.

En cohérence avec le transfert à l’État de la compétence de lutte contre les vecteurs, il apparaît par conséquent préférable de recentrer la compétence du département sur les enjeux de lutte de confort. Sur le plan juridique, un tel choix implique la soustraction de la loi du 16 décembre 1964 des références à la lutte anti-vectorielle.

Cette évolution, qui rejoint les conclusions du Sénat, clarifierait le cadre juridique de façon notable.

Proposition n° 12 : Conserver la compétence des départements et de leurs opérateurs publics en matière de lutte préventive contre les nuisances causées par les différentes espèces de moustiques.

3.   Concevoir localement un exercice adapté des missions de lutte sanitaire et de confort, garantissant le maintien des compétences existantes

La lutte de confort est à l’origine de la création des différents opérateurs publics de démoustication (OPD) et a constitué jusqu’à une période récente leur champ d’action exclusif, en raison de la disparition des maladies vectorielles du territoire hexagonal dans l’après-guerre (cf. supra, I. B.).

Si la nécessité de faire face à la progression du moustique tigre en Europe a justifié la mobilisation des organismes publics en charge de la démoustication en raison de leur expertise, nous nous trouvons aujourd’hui à un moment « charnière ». Le risque croissant d’apparition de foyers épidémiques liés à des maladies vectorielles justifie le renforcement des moyens dédiés et le positionnement des ARS sur un rôle de pilotage ; néanmoins, il est primordial que cette évolution ne conduise pas au dépérissement de compétences techniques et scientifiques et à la multiplication d’acteurs non coordonnés.

a.   Éviter de confier la lutte anti-vectorielle à des opérateurs pouvant privilégier le traitement à court terme sur ses effets à long terme

Le décret du 29 mars 2019 a procédé à une modification majeure du cadre juridique de la lutte anti-vectorielle, en permettant aux ARS de déléguer la réalisation des mesures de lutte à des organismes de droit public ou de droit privé, préalablement habilités (cf. supra, III.B.).

L’attention de la commission d’enquête a été plusieurs fois attirée sur ce sujet, eu égard à ses incidences possibles à long terme sur les populations de vecteurs.

Le Dr Fabrice Chandre a ainsi mis en évidence le risque dapparition de résistances aux biocides chez les moustiques, les opérateurs privés pouvant privilégier une plus grande fréquence de traitements pour des raisons financières :

« Faire appel à des opérateurs privés comporte un risque, celui de voir la fréquence et lintensité des traitements augmenter. Lorsque les traitements étaient effectués par lEntente interdépartementale de démoustication (EID), chacun des 200 à 300 signalements par an de cas suspects ou confirmés en France métropolitaine donnait lieu à une enquête entomologique, et il nétait procédé à un traitement que lorsque celui-ci était justifié, cest-à-dire dans 20 % à 25 % des cas seulement, ce qui représentait une cinquantaine de traitements. Les opérateurs privés qui sont désormais susceptibles dintervenir vont évidemment avoir tendance à effectuer plus de traitements que nécessaire, ce qui va augmenter la pression de sélection sur les moustiques, donc la résistance. Lintérêt financier de ces opérateurs privés sera en effet de faire le plus de traitements possible : avec une cinquantaine de traitements par an, ils ne pourraient en aucun cas rentabiliser les investissements que représentent le matériel utilisé – de gros pulvérisateurs chargés sur des véhicules 4 x 4 – et la formation des agents chargés de le mettre en œuvre. » ([230])

M. Didier Fontenille en a pour sa part souligné les dangers en termes dacceptabilité sociale :

« Le risque serait dintervenir à chaque fois que lon détecte un cas autochtone, sans vérifier auparavant sil y a un risque de propagation. Il y aurait alors une multiplication des interventions, lesquelles auraient un coût financier et environnemental et entraîneraient des perturbations sociales – vous savez bien comment cela se passe : quand on intervient trop, avec les gyrophares, les gens sinquiètent » ([231])

Il a également alerté la commission d’enquête sur la capacité de réponse des organismes privés en situation de multiplication des foyers épidémiques :

« De mon point de vue, il est important que lÉtat prenne ses responsabilités, mais il doit le faire jusquau bout : il ne devrait pas déléguer la lutte anti-vectorielle à des opérateurs qui nauront peut-être pas les moyens dagir face à des épidémies majeures. Mes propos concernent surtout la France métropolitaine, parce que les territoires ultramarins, notamment tropicaux, sont déjà rodés. Je connais moins bien la situation de Mayotte, mais je sais, pour my être rendu, que La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane sont bien préparées, parce quelles connaissent ce problème depuis très longtemps. Les opérateurs privés, pour le moment, sont de taille modeste : ils doivent se construire. Tout dépend donc de ce quon va leur demander. Si on leur demande de lutter sur un unique foyer de dengue, de Zika ou de chikungunya, je pense quils utiliseront les techniques habituelles : pièges et insecticides ; cela peut marcher. En cas de multiplication des foyers – cela va se produire –, va-t-on passer par cinq opérateurs privés à cinq endroits différents, ou deux, ou un seul, ou bien mobiliser les opérateurs historiques et les opérateurs privés ? Nous allons perdre de la cohérence. […] Si une épidémie survient, je ne suis pas tout à fait sûr que de jeunes opérateurs privés pourront assurer le service. […]. »

Aussi, il est crucial pour la réussite du nouveau cadre de compétences que soit réalisée de façon régulière une évaluation rigoureuse des délégations accordées au titre de la lutte anti-vectorielle, des actions menées en conséquence et de la capacité de réaction des opérateurs à une situation sanitaire exceptionnelle.

La rapporteure souscrit à cet égard pleinement aux recommandations suivantes, formulées par l’Anses dans son avis de juillet 2019 ([232]) :

«  veiller à la qualité de la chaîne de transmission entre, dune part, la détection et la confirmation des cas et, dautre part, la réactivité et la qualité des interventions de LAV pour lensemble des opérateurs habilités ;

«  privilégier la qualité du service (de la prévention et la surveillance aux traitements en passant par les enquêtes entomologiques, etc.) comme principal critère de sélection des opérateurs ;

«  prévenir lémergence de résistances des vecteurs aux biocides utilisés en LAV, notamment en exigeant que les opérateurs privés respectent les mêmes normes pour lapplication de biocides que les opérateurs publics, et en réalisant un suivi des résistances des insectes vecteurs ;

«  mettre en place un contrôle qualité des actions des opérateurs publics et privés, afin déviter déventuelles dérives opérationnelles ;

«  soumettre tous les opérateurs à lobtention dune habilitation instruite et décernée au niveau national et à des contrôles périodiques de qualité. »

Proposition n° 13 : Sécuriser la délégation de mesures de lutte anti-vectorielle à des organismes privés par la mise en place d’un cahier des charges précis en amont et une évaluation rigoureuse des opérations effectuées en aval.

b.   Maintenir les compétences existantes en matière de connaissances entomologiques et d’intervention à l’échelle locale

Si la surveillance entomologique des moustiques Aedes n’était pas une compétence des opérateurs publics de démoustication lors de leur création dans les années 1960, ils ont appris cette mission en développant expertise entomologique et équipes d’intervention.

Comme l’a souligné M. Didier Fontenille lors de son audition, dans de nombreuses régions, « nous avons des équipes qui connaissent leur métier. […] En métropole, les ententes interdépartementales pour la démoustication (EID) ont quarante ans dexistence et jespère quelles pourront continuer à mettre leur expérience au service de la population métropolitaine et à conseiller les partenaires, par exemple à travers lADEGE » ([233]).

De façon analogue, M. Bruno Tourre, directeur de l’EID Méditerranée ([234]), comme M. Rémi Foussadier, directeur de l’EID Rhône-Alpes ([235]), ont mis en garde la commission d’enquête contre le risque d’une « perte de compétence » des OPD, en cas de dessaisissement total au profit d’organismes privés. Cette préoccupation a été partagée par M. Olivier Brahic, sous-directeur de la veille et de la sécurité sanitaire à la direction générale de la santé ([236]).

Il ne faudrait pas que les compétences acquises en matière de surveillance et de lutte contre les moustiques Culex à des fins de confort soient perdues, car il ne peut être exclu que des moustiques aujourdhui considérés comme seules nuisances ne deviennent des vecteurs pour lavenir. Premières cibles de la lutte de confort, les Culex sont en effet des vecteurs avérés, entre autres, du virus du Nil occidental et du virus Usutu, dont l’émergence sur un mode épidémique en France constitue un risque notable (cf. supra, I.B).

M. Stanislas Bourron a par ailleurs rappelé que « la complexité de lexercice est que, aujourdhui, qui est capable de dire si on tue un moustique pour le confort ou parce quil est vecteur ? On ne demande pas aux moustiques ce quils portent avant de se chercher à savoir sil faut sen débarrasser. Cest toute la difficulté de cet exercice avec cette séparation » ([237]).

Les opÉrateurs dÉpartementaux de dÉmoustication membres de l’association « Agence nationale pour la dÉmoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués »


Ceci rejoint en outre les préconisations du groupe de travail Vecteurs de l’Anses, qui recommandait en juillet 2019 de « veiller à préserver les compétences, le savoir-faire et la réactivité développés par les opérateurs publics en matière de LAV et de surveillance entomologique » ([238]).

c.   Favoriser la mutualisation des missions au profit d’opérateurs assurant à la fois lutte de confort et lutte anti-vectorielle

Depuis les années 1960, les opérateurs publics de démoustication ont acquis une compétence de terrain irremplaçable pour lutter contre les moustiques Culex. Mobilisés à compter de 2004 pour développer de nouvelles compétences de lutte anti-vectorielle contre les moustiques Aedes, ils ont mis à profit leurs connaissances entomologiques et acquis une expertise notable en la matière.

Les auditions menées par la commission d’enquête ont par ailleurs mis en évidence un certain nombre d’avantages dont ces organismes disposent pour la lutte contre les vecteurs :

– leur statut de personne publique les rend moins sujets aux risques associés au recours à des organismes privés ;

– leur champ d’action large, à l’échelle de plusieurs régions, leur assure une vision plus globale de la propagation des vecteurs et des malades, et in fine une meilleure capacité daction ;

– la réalisation par un seul organisme des deux types de lutte permet daccumuler une expérience et une expertise comparative pouvant être mise à profit pour la suite. Selon M. Rémi Foussadier, « ce nest pas antinomique davoir des structures différentes qui font, dans un cas, de la lutte anti-vectorielle et, dans dautres cas, de la lutte de confort. Ceci étant dit, nous avons besoin davoir des entomologistes. Avoir la même structure qui fait les deux, comme cest le cas chez nous, permet tout de même une synergie de moyens puisque nimporte qui nest pas capable daller frapper à la porte dune personne en disant : "Bonjour, Madame, nous venons chez vous pour voir sil y a du moustique tigre." Même si la finalité nest pas la même, nous le faisons aussi bien dans la partie lutte anti-vectorielle que dans la partie lutte de confort. Ce ne sont pas deux fonctions radicalement différentes, mais cela aide lorsque cest une même et unique structure qui le fait » ([239]).

Ces considérations ont notamment conduit au choix d’un opérateur unique dans l’Aisne géré par le département, comme l’a indiqué M. Stanislas Bourron : « Il existe des cas où, pour éviter cette scission et le problème de cette frontière difficile à tracer entre le moustique vecteur et le moustique non vecteur, il a été choisi davoir un opérateur unique, commun entre État et collectivités, notamment dans le département de lAisne. Cela date davril 2019 et cest une démarche que je trouve intéressante pour essayer de surmonter ce tracé complexe de savoir, lorsque lon sattaque à tel moustique, si cest de la lutte anti-vectorielle ou autre chose. On peut ainsi trouver un opérateur qui traite globalement le sujet, sur la base darrêtés déterminés par le préfet, dans une logique à la fois sanitaire et de confort. » ([240])

Par conséquent, la rapporteure préconise que les solutions de mutualisation des missions confiées aux opérateurs, permettant le maintien des compétences existantes, soient privilégiées par les départements et ARS. Un opérateur qui assure la surveillance entomologique et le traitement curatif pour l’ARS, et parallèlement le traitement préventif de confort pour les départements, pourra ainsi mutualiser ses fonctions d’expertise et de détermination des zones à traiter.

Cette recherche de mutualisation n’exclut pas de confier des missions à des opérateurs entrants, notamment pour certaines tâches :

– laction auprès des communes et intercommunalités, par voie de marché public en lien avec la démoustication (assainissement des ouvrages de récupération des eaux, traitements et interventions sur le territoire de la commune) ;

– le renfort aux opérateurs publics de démoustication en situation de crise épidémique, afin de subvenir aux forts besoins en effectifs lors de ces périodes.

En outre, la colonisation de nouveaux territoires par Aedes albopictus, et notamment des régions où il nexistait pas de lutte de confort, ouvre de nouveaux marchés à des opérateurs entrants qui souhaiteraient monter en compétence en matière de surveillance et de lutte anti-vectorielle.

4.   Mieux impliquer les communes dans le dispositif de surveillance et d’intervention

Les auditions de la commission d’enquête ont mis en évidence limportance primordiale de léchelon local dans la lutte anti-vectorielle ; au premier chef, la commune en est un acteur incontournable.

Le maire est en premier lieu le dépositaire du pouvoir de police administrative, qui lui confère une large capacité d’action et de contrôle contre la présence de moustiques sur le territoire de sa commune, que ce soit au moyen de la police générale ou des polices spéciales des points d’eau, des déchets et des cimetières (cf. supra, III.A.4).

Mme Isabelle Estève-Moussion a mis en avant les atouts de la municipalité à cet égard, par sa proximité avec le terrain et les habitants : « En ce qui concerne la question sur lautorité en mesure dexercer un contrôle et une police, il faut quelquun qui soit très près du terrain. Au niveau des ARS, je ne pense pas que ce soit tellement possible parce que nous sommes un petit peu trop loin. Cest vraiment du porte-à-porte quil faut faire. Il faut être au plus près des habitants. Comme on le disait en introduction, le lien avec la collectivité locale a vraiment du sens à ce niveau. Ce sont eux qui vont pouvoir expliquer et, in fine, si nécessaire, avoir les moyens dexercer de la police même ce nest pas le premier volet. Il faut dabord expliquer mais in fine, en termes de répression, cest sans doute plus la collectivité locale qui sera la mieux placée » ([241]).

Cette proximité est essentielle à la mobilisation sociale, qui est une des meilleures armes dont nous disposons aujourd’hui contre les Aedes.

Enfin, par leur compétence générale, les communes disposent d’une capacité daction transversale, leur permettant de mobiliser de façon coordonnée une large étendue de politiques publiques contre le risque vectoriel ; or cette action globale est primordiale pour lutter efficacement contre les moustiques.

Comme l’écrivait le CNEV dans son guide à destination des collectivités territoriales, les moyens à disposition des collectivités sont très larges :

« Lintégration de la problématique « moustique » devrait idéalement être réalisée de manière transversale au sein de la collectivité étant donné que de nombreux secteurs peuvent contribuer à une politique générale de réduction des conditions propices au développement des moustiques. Ceci passe notamment par la gestion des espaces verts, propices au repos des moustiques adultes, par la prise en compte du risque moustique dans les projets daménagements urbains. Ainsi, le risque de stagnation de leau favorable au développement des moustiques, peut être pris en compte à travers les documents locaux durbanisme, en particulier le règlement durbanisme du Plan Local dUrbanisme (PLU) qui permet dinterdire ou dencadrer la conception de certains ouvrages (interdiction des toitures terrasses propices à la stagnation de leau, pose verticale de coffrets techniques, obligation de planéité et dune pente suffisante pour les terrasses sur plots…). En particulier, la collectivité pourra faire preuve dexemplarité lors de tout nouveau projet de construction […], en intégrant au cahier des charges une demande de description de la prise en compte du risque de stagnation de leau et donc du développement de moustiques. Dans ce cadre, le recours à certains ouvrages ou équipements particulièrement difficiles à suivre et traiter en routine (terrasses à plots, gouttières en particulier inaccessibles…) pourrait être limité ou proscrit. » ([242])

Sur le plan juridique, M. Olivier Brahic a rappelé les outils dont dispose le maire :

« Le maire peut sappuyer sur le règlement sanitaire départemental dont de nombreuses dispositions présentent un intérêt majeur dans la lutte contre le moustique en visant les lieux spécifiques, comme les ouvrages de récupération ou découlement des eaux pluviales, etc. De plus, le maire peut prescrire – dans les conditions prescrites à larticle L. 2113-13 du code général des collectivités territoriales – aux propriétaires des terrains bâtis ou non bâtis des mesures nécessaires à la lutte contre linsalubrité qui favorise le développement de ces insectes. Enfin, dans une logique dadaptation de lurbanisme et des aménagements urbains à la présence de ce type de moustiques, il est possible de prescrire certains ouvrages notamment par le biais du PLU. Cela relève dune décision communale voire intercommunale » ([243])

Il est ainsi notable quà lexception de lÉtat, la commune est la seule entité publique capable de mobiliser une telle variété de compétences pour limiter la propagation des moustiques.

Certaines collectivités se sont emparées de ces compétences, et ont réalisé un travail remarquable de limitation de la présence de vecteurs, à l’instar de la commune de Narbonne qui a lancé des initiatives de mobilisation de ses populations sur les gîtes et engagé un travail d’élaboration d’un plan local des risques.

Comme l’a affirmé M. Pierre Ricordeau lors de son audition, en région Occitanie, « les collectivités sont quand même très mobilisées. De nombreuses campagnes de communication et dinformation sont menées par les collectivités, les grandes comme les plus petites. Nous essayons de les appuyer lorsque cela nous est demandé » ([244]). Cette mobilisation doit être saluée.

La capacité daction des communes est toutefois entravée par des difficultés structurelles, qui méritent d’être mentionnées :

– les moyens humains limités dont disposent les communes, notamment les plus petites, peuvent faire obstacle à des interventions de grande envergure : comme l’a indiqué à la commission d’enquête Mme Sylviane Oberlé, « quand leur intervention est nécessaire pour faire cesser des désordres, [les maires] le font, mais ils ne peuvent pas, faute de moyens humains, se lancer dans des opérations de plus vaste envergure » ([245]);

– les agents communaux ne sont, à ce jour, pas habilités à pénétrer sur les propriétés privées comme le sont les agents des organismes départementaux en vertu de la loi du 16 décembre 1964 ;

– la capacité communale à prendre des décisions est obérée par une compétence technique nécessairement limitée en matière entomologique et médicale. En particulier, et comme l’a indiqué Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d’études sanitaires à l’ARS Occitanie lors de son audition, certaines communes peuvent avoir un réflexe d’utilisation de biocides, en dépit des risques à long-terme qui y sont associés et de l’inefficacité de tels traitements comparativement à la mobilisation sociale (cf. supra, II.B). Mme Sylviane Oberlé a confirmé que « dans le cas de foyers épidémiques, les maires sont alertés après la détection, mais ils nont pas de compétences spécifiques en matière de santé et ils sont dans lincapacité davoir connaissance de linformation autre que celle fournie par des autorités sanitaires ou des autorités préfectorales. Si le mot « curatif » sentend au sens du soin prodigué aux personnes atteintes de maladies, je ne vois pas bien ce quils pourraient faire et comment ils pourraient être associés » ([246]).

Parallèlement, le rôle des structures intercommunales est limité par deux écueils :

– la lutte anti-vectorielle relève de plusieurs compétences, mais ne fait pas en soi partie des compétences obligatoires ou optionnelles des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ;

Les compétences intercommunales obligatoires ou optionnelles
en lien avec le risque vectoriel

La communauté de communes dispose de plein droit de la compétence d’aménagement de l’espace, et peut être chargée de la protection et de la mise en valeur de l’environnement, de la politique du logement et du cadre de vie, de la création, de l’aménagement et de l’entretien de la voirie, ou de tout ou partie de l’assainissement ([247]).

La communauté dagglomération est compétente en matière d’habitat, et peut se voir confier la voirie d’intérêt communautaire, la gestion des eaux notamment pluviales, le cas échéant, et de l’assainissement, et la protection et la mise en valeur de l’environnement ([248]).

Aux termes de l’article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales, la communauté urbaine exerce de plein droit la compétence en matière d’eau et assainissement, de collecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés, et prend en charge les actions de réhabilitation et résorption de l’habitat insalubre, lorsqu’elles sont d’intérêt communautaire.

L’article L. 5217-4 confie une compétence de plein droit à la métropole pour l’eau et l’assainissement, la réhabilitation et la résorption de l’habitat insalubre ainsi que la collecte et l’élimination des déchets des ménages.

Outre ces structures à fiscalité propre, la compétence en matière de ramassage et de collecte des déchets est exercée sur une large partie du territoire par des syndicats intercommunaux ([249]).

– en outre, il est actuellement impossible pour le maire de transférer son pouvoir de police au président de lEPCI : si une communauté de communes ou une communauté d’agglomération souhaitait faire de la surveillance des points d’eau ou de la lutte anti-vectorielle une de ses compétences facultatives, les pouvoirs de police spéciale ne pourraient pas être transférés au président de l’EPCI, car seuls les pouvoirs de police limitativement énumérés à l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales peuvent faire l’objet d’une procédure de transfert.

Pourtant, par les contrats locaux de santé, les ARS peuvent développer des partenariats avec les communes autour dobjectifs communs de santé publique, comme l’a rappelé l’ARS d’Occitanie lors de son audition.

Les contrats locaux de santé

Introduit par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le contrat local de santé (CLS) est l’instrument de la consolidation du partenariat local sur les questions de santé dans ses différentes composantes : prévention, soin et médico-social.

Il incarne la dimension intersectorielle de la politique de santé dans le but de mieux répondre aux enjeux d’accès aux soins, aux services, et à la prévention, notamment pour les personnes vulnérables, et aux enjeux d’amélioration des contextes environnementaux et sociaux qui déterminent, à plus ou moins long terme, l’état de santé des populations au niveau local. En créant une synergie entre tous les acteurs de santé locaux, le CLS vise un objectif de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé.

Le contrat local de santé a vocation à soutenir l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan local de santé, notamment porté par les élus locaux, en veillant à son articulation et sa cohérence avec les priorités et objectifs du projet régional de santé. Ce projet, qui repose sur un diagnostic local de santé, contribue à l’instauration d’un débat local sur les problématiques de santé du territoire entre institutions, professionnels, associations et la population.

Deux milieux d’application sont privilégiés : les zones rurales isolées et quartiers urbains en difficulté. Il s’agit d’y faciliter les parcours de soins et de santé, avec des actions de prévention de la santé, une organisation des soins et un accompagnement médico-social, et de prendre en compte les autres facteurs ayant une incidence sur la santé et la vie des population, tels que le logement, l’environnement, l’éducation ou le travail.

A travers le CLS, les différentes parties prenantes s’engagent sur des actions coordonnées à mettre en œuvre, des coopérations, des moyens à mettre à disposition, un suivi et une évaluation des résultats attendus.

Considérant les limites soulignées par les personnes auditionnées, la rapporteure estime que plusieurs recommandations peuvent être formulées pour renforcer la place de l’échelon local dans la lutte anti-vectorielle.

En premier lieu, il importe de doter les agents communaux des prérogatives octroyées par la loi du 16 décembre 1964 aux agents des services départementaux, de sorte qu’ils puissent pénétrer dans les propriétés privées pour surveiller la présence de gîtes larvaires si nécessaire. La rapporteure se félicite à cet égard des modifications apportées en ce sens par le Sénat à la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire.

Proposition n° 14 : Doter les agents de la commune, ou ceux délégués par elle, de la capacité de pénétrer sur les propriétés privées après préavis pour surveiller la présence de vecteurs, de manière comparable aux agents délégués par le conseil départemental.

En second lieu, la possibilité de désigner un référent technique communal, encouragée par le CNEV dans son guide à destination des collectivités ([250]) et rappelée à l’article 2 du décret du 29 mars 2019, mérite d’être utilisée le plus largement possible. L’ARS d’Occitanie encourage ainsi la désignation d’un couple de référents, un élu et un technicien, dans chaque commune.

À des fins de simplification, ce référent sur les vecteurs pourrait être appelé à travailler sur l’ensemble des risques sanitaires sur le territoire de la commune. Comme l’a déclaré Mme Isabelle Estève-Moussion, la désignation d’un référent spécifique aux vecteurs « nest pas simple, en particulier pour les toutes petites communes, parce que dautres textes demandent aussi la désignation dun référent dans dautres domaines, par exemple pour lambroisie. Les collectivités se retrouvent à avoir des référents différents pour les différentes thématiques » ([251]).

Proposition n° 15 : Rendre systématique, dans chaque commune, la désignation d’un référent technique « santé environnementale », incluant le risque vectoriel.

Il apparaît enfin nécessaire d’encourager le dialogue entre la commune et l’agence régionale de santé en matière technique, afin de s’assurer de la bonne circulation d’information et de l’adéquation des décisions au risque vectoriel concerné. Selon Mme Sylviane Oberlé, « cette coopération est très proche du niveau zéro ». Il s’agit pourtant d’un point majeur. L’épidémie de Covid-19 a montré l’importance du dialogue entre les services de l’État et les collectivités territoriales : les enseignements de cette crise doivent servir à la lutte contre les maladies vectorielles.

Comme l’a souligné le Pr Philippe Quenel, « il y a la nécessité davoir un dispositif coordonné, homogène, au sens homogène pour chacun des territoires qui sont comparables, pour que nous ne fassions pas de choses différentes quand ce nest pas justifié, mais il faut que cette stratégie sancre dans la réalité des territoires. Cest quelque chose dextrêmement important. Pour ce faire, il doit y avoir une très bonne collaboration entre les services de lÉtat, notamment les ARS, mais aussi les collectivités territoriales, les opérateurs de démoustication et les structures de recherche qui sont impliquées localement et qui vont produire des données très utiles à lélaboration des stratégies » ([252]).

Aussi, la mise en place dune plateforme régulière déchange et de coopération entre les communes et les ARS constitue un prérequis incontournable à une meilleure implication des collectivités territoriales dans la lutte anti-vectorielle. Cette plateforme pourrait comporter des actions d’information mais aussi de formation. Elle serait doublement bénéfique : aux collectivités, qui disposeraient ainsi d’une meilleure information médicale et entomologique sur le risque vectoriel et les méthodes de lutte à privilégier, et aux ARS, qui seraient mieux informées des enjeux spécifiques à la commune et par suite mieux à même de recueillir l’assentiment de la population aux mesures de LAV.

Proposition n° 16 : Mettre en place, dans chaque région, un réseau d’information et d’échange Vecteurs animé par l’ARS à destination des communes.

La commission d’enquête a également pu juger de la nécessité de préciser le rôle de léchelon intercommunal, dont les compétences se sont régulièrement accrues ces dernières années et notamment avec l’entrée en vigueur des transferts de compétences prévus par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

Les intercommunalités peuvent, par létendue des compétences qui leur sont aujourdhui confiées, un rôle déterminant à jouer dans la lutte contre les vecteurs, comme l’a rappelé M. Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l’ELIZ (Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses) : « Lintercommunalité est vraiment le bon relais pour prendre en main les opérations de démoustication si elles ont besoin de lêtre, tout en assurant un dialogue permanent. Cest ce que nous appelons le bloc territorial entre les communes, lintercommunalité et le département » ([253]).

Il faudrait ainsi que la loi définisse une compétence facultative « surveillance et lutte contre les vecteurs » pour les EPCI et organise le transfert des pouvoirs de police aux présidents des EPCI qui acquerraient cette compétence.

Proposition n° 17 : Créer une compétence facultative « surveillance et lutte contre les vecteurs » pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et permettre le transfert concomitant des pouvoirs de police spéciale associés.

Leur association à la plateforme d’échange entre ARS et communes évoquées ci-dessus est par conséquent souhaitable, en lien avec les services préfectoraux pour l’identification des intercommunalités concernées.

Proposition n° 18 : Associer les établissements publics de coopération intercommunale à la plateforme Vecteurs animée par l’agence régionale de santé.

La réponse des pouvoirs publics aux situations de crise se heurte par ailleurs et à certaines occasions à des carences de la part des communes, en raison de spécificités locales. Mme Dominique Voynet, directrice générale de l’ARS Mayotte, en a rappelé les enjeux ([254]) :

« Beaucoup de maires nosent pas prescrire aux propriétaires des terrains les mesures dentretien de leurs mares ou de leurs fossés. On risque dêtre dans un système où ou le serpent se mord la queue parce que, en proposant que lintervention du maire soit limitée à une simple obligation de signalement des situations à risque à lARS, lARS va se retrouver en situation de dire au maire : « Mon ami, voilà une responsabilité qui vous incombe au titre de la police sanitaire. » […] Ce quon doit obtenir, cest que les maires soient désormais convaincus que cest une part importante de leurs responsabilités, comme pour dautres nuisibles sur lesquels ils peuvent être parfois un peu plus actifs. […] Nous sommes dans une situation étrange où le maire, qui a des services municipaux, qui connaît parfaitement les situations, qui sait où sont les endroits qui posent problème, se verrait invité à simplement signaler les situations à risque à lARS, qui est parfois localisée à 200 kilomètres de distance et qui na pas les services territoriaux pour agir. »

Le décret du 29 mars 2019, suivi en cela par la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire telle qu’adoptée par le Sénat, y répond partiellement en confiant aux maires de nouvelles obligations de surveillance de la présence de vecteurs sur le territoire communal et, le cas échéant, de signalement à lARS.

Or si ce rôle de surveillance et de signalement est indispensable, il népuise pas lensemble des actions incombant aux communes en situation sanitaire exceptionnelle liée à la présence de vecteurs.

En dernier ressort, la possibilité doit être laissée au préfet de se substituer aux exécutifs locaux, chaque fois que la situation sanitaire résultant des carences de leur action le justifie.

Proposition n° 19 : Conserver la possibilité, pour le représentant de l’État sur le territoire et chaque fois que l’urgence sanitaire le justifie, de se substituer aux exécutifs locaux pour la réalisation des mesures de lutte anti-vectorielle et de procéder à toutes les réquisitions nécessaires.

D.   DÉployer le nouveau schÉma dans l’Outre-mer, en mobilisant pleinement les collectivitÉs

1.   Des organisations spécifiques en Outre-mer, fruit d’une nécessité ancienne de lutte contre les maladies vectorielles

Lutte « de confort » et lutte contre les vecteurs sont le plus souvent concomitantes dans les territoires d’Outre-mer, où les épidémies de maladies vectorielles, et notamment de dengue sont endémiques : ainsi en Guyane, aux Antilles, à la Réunion et à Mayotte. Présents depuis plus longtemps que dans l’Hexagone, Aedes aegypti et Aedes albopictus sont en tout état de cause considérés comme des nuisances par la population et les autorités en charge de la démoustication.

À la différence de lHexagone, les services de lÉtat, par lintermédiaire des ARS de Guadeloupe, de Mayotte et de La Réunion, soccupent directement de la surveillance, de la prévention et de la lutte contre les moustiques vecteurs.

Le département de La Réunion a été historiquement le premier à se doter d’un service de lutte anti-vectorielle, avec le service de prophylaxie créé en 1914. L’action de ce service était alors tournée vers la lutte contre le paludisme, qui sévit encore sur l’île jusqu’à son éradication complète dans les années 1970 (cf. supra, I.B.). Son attention s’est ensuite progressivement déplacée vers la dengue à partir de la grande épidémie de 1977-1978, et le chikungunya après l’épidémie de 2005-2006.

La lutte est prise en charge par l’État, par l’intermédiaire d’un service de LAV intégré à l’ARS de la Réunion. En juin 2020, le service comptait 110 agents, dont 47 intérimaires, 20 encadrants et un entomologiste médical.

Ce dispositif est complété par un outil spécifique de coopération en situation de crise sanitaire, le groupement d’intérêt public pour la lutte anti-vectorielle (GIP-LAV). Créé en octobre 2006 lors de l’épidémie de chikungunya ([255]), le GIP-LAV rassemble les services de l’État dans le département, et notamment l’ARS de la Réunion, ainsi que les 24 communes de la Réunion, les intercommunalités, le conseil régional et le conseil départemental. Il peut également avoir recours à des moyens supplémentaires par la mobilisation du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) ; en juin 2020, 50 agents de ce service étaient mobilisés à cette fin. Le régiment du service militaire adapté (RSMA) de la Réunion peut aussi être mobilisé.

M. François Cheize, directeur de la veille et de la sécurité sanitaire à l’ARS de la Réunion, a dressé lors de son audition un bilan de l’activité du service de LAV sur les années récentes :

« Durant les années 2018, 2019 et 2020, le nombre maximum dagents sur le terrain oscille entre 160 et 200. Il diminue à 160 en 2020 et on peut comprendre les raisons pour lesquelles il a diminué en 2020. Il est important de souligner le nombre de périmètres dintervention contrôlés pendant les années 2018, 2019 et 2020 : pour 2018, 6 200 périmètres, pour 2019, 8 400 périmètres et, pour le début de lannée 2020, 2 300 périmètres. Il sagit du nombre de terrains sur lesquels nous intervenons. Cela fait un total de 16 960 périmètres, ce qui est un nombre assez important. Nous avons réalisé également 70 500 visites domiciliaires en 2018. En 2019, le nombre de visites est monté jusquà 101 000 et, en 2020, nous avons déjà fait 38 000 visites, et ce malgré la crise de Covid-19. Nous avons donc fait un nombre total de visites domiciliaires de 209 500, ce qui montre effectivement une intervention assez massive des équipes pour faire face. » ([256])

Historiquement orientée vers la lutte contre le paludisme, l’action anti-vectorielle à Mayotte couvre aujourd’hui plusieurs pathologies, dont la filariose (transmises par des moustiques du genre Culex), le chikungunya, la fièvre de la vallée du Rift et la dengue (cf supra, I.B).

La lutte est intégralement prise en charge par l’État par l’intermédiaire de l’ARS de Mayotte. En juin 2020, 65 agents sur un total de 144 étaient affectés à la lutte anti-vectorielle. Une autorisation exceptionnelle de recrutement de dix agents supplémentaires a été accordée au début de l’épidémie de dengue, en 2020 ; de même qu’à la Réunion, une aide a été apportée par le service départemental d’incendie et de secours et par le régiment du service militaire adapté.

La structuration du service de LAV s’est faite de façon spécifique au fil des décennies, comme l’a expliqué Mme Dominique Voynet, directrice générale de l’ARS Mayotte :

« Plus de 50 % des effectifs sont consacrés à la lutte anti-vectorielle, avec des agents qui ont connu de nombreux avatars professionnels, qui ont souvent commencé leur carrière de façon informelle, payés de la main à la main par les services de lÉtat dans les années 1970-1980. Ils sont passés par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), ont parfois été agents du Département avant dêtre fonctionnarisés et titularisés dans leur poste très tardivement, au cours des années 2000 ou même 2010 pour certains dentre eux. Ces agents ont un niveau de formation initiale très bas. Beaucoup ne savent pas conduire, ce qui complique les interventions de terrain. Certains ne sont pas francophones et lencadrement de ces agents, très nombreux, souvent très âgé, nest pas toujours à la hauteur de ce quon attend dun service de lutte anti-vectorielle efficace. » ([257])

En Guadeloupe, la lutte est principalement assurée par l’ARS, avec une contribution de la collectivité départementale de Guadeloupe de deux agents en 2020. Sur le terrain, l’ARS soutient l’action des municipalités par des actions de formation aux enjeux de la LAV, par l’intermédiaire des contrats locaux de santé.

Un programme de surveillance, d’alerte et de gestion des épidémies de dengue (Psage dengue) a été préparé en 2007 en collaboration avec la Cellule interrégionale d’épidémiologie (Cire) Antilles-Guyane, basée à Fort-de-France, et actualisé depuis.

Ce programme poursuit un double objectif :

– engager l’ensemble des acteurs guadeloupéens (ARS, collectivités) dans la lutte contre la dengue et contractualiser le rôle et les missions que chacun des partenaires impliqués s’engage à tenir ;

– fournir les outils nécessaires pour la conduite des différentes actions du programme dans les domaines de la surveillance épidémiologique et entomologique, de la démoustication, de la communication et de la prise en charge des malades.

Le Psage dengue a également pour objectif d’intégrer les activités de surveillance épidémiologique et de réponse de santé publique dans le cadre du Programme relatif à l’alerte et à la gestion des situations d’urgences sanitaires (Pragsus). Il distingue cinq phases opérationnelles, de la phase de transmission sporadique (phase 1) à l’alerte épidémique (phase 4) puis la fin d’épidémie (phase 5).

En Guyane, la lutte anti-vectorielle est assurée par la collectivité territoriale de Guyane (CTG), par l’intermédiaire de son service de démoustication et d’action sanitaire (DDAS), auquel l’ARS délègue les mesures de lutte. Reposant sur une convention signée avec l’État en 1993, le service est composé de 140 agents répartis sur le territoire. Le montant de la compensation au titre des missions prises en charge par la DDAS fait l’objet d’un contentieux ancien avec les services de l’État (cf. infra, III.D.2.).

L’ARS exerce une compétence résiduelle par ses propres moyens, avec des effectifs néanmoins très limités : un agent seulement, de catégorie C, était dédié à la lutte anti-vectorielle en juin 2020. Le pilotage scientifique est assuré par l’État, avec l’assistance scientifique de l’Institut Pasteur de Guyane.

En Martinique, la compétence est exercée de façon conjointe au moyen d’un service commun de l’ARS et de la collectivité territoriale de Martinique (CTM), le Centre de démoustication et de recherche en entomologie et de lutte anti-vectorielle (CEDRE-LAV). Créé en 1968 et régi par une convention de partenariat de 1991, le CEDRE-LAV comptait 34 agents en juin 2020, répartis entre agents de l’État (deux tiers des effectifs) et agents de la CTM (un tiers des effectifs). L’ARS fournit environ 60 % des moyens financiers.

Le service fait face à des difficultés de gouvernance récurrentes depuis sa création, dues notamment à la présence d’agents issus d’administrations différentes et régis par des dispositions distinctes.

Dans ces deux collectivités, le rôle des collectivités territoriales dans la LAV et la nécessité de clarifier le statut des services l’exerçant au quotidien ont justifié un délai supplémentaire avant le transfert de cette mission aux ARS, et un rapport d’inspection sur les difficultés propres à la réforme prévue par le décret du 29 mars 2020 ([258]).

La Polynésie française fait face à la présence dAedes aegyptii (dengue) et d’une espèce endémique plus rurale, Aedes polynesiensis (dengue, filariose). La lutte contre les vecteurs est prise en charge par la collectivité, par l’intermédiaire du centre d’hygiène et de santé publique (CHSP), doté d’une section dédiée à la lutte anti-vectorielle et rattachée à la direction de la santé de Polynésie.

Au cours des années récentes, la Nouvelle-Calédonie a été touchée par la dengue, le chikungunya et le Zika, transmis par Aedes aegyptii. La stratégie et les actions de LAV sont menées par la direction des affaires sanitaires et sociales de Nouvelle-Calédonie (DASS-NC), sous l’égide du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

En outre, dans chaque territoire ultramarin, un renfort spécifique des militaires du SMA peut être déployé, comme l’a expliqué M. Charles Giusti, adjoint au directeur général des Outre-mer :

« Ils sont assez régulièrement appelés en renfort pour intervenir et porter assistance aux populations, mais plus spécifiquement dans la lutte anti-vectorielle. En interne, une organisation structurelle existe dans chaque région, cest le comité de lutte anti moustique, constitué sous lautorité du commandant en second de chaque régiment, avec le médecin et les représentants de chaque unité du régiment. Cette organisation mène des actions de prévention, avec linformation des personnels et de leurs familles, didentification et délimination des zones de gîtes larvaires au sein des emprises de chaque régiment, ainsi que de traitement chimique des zones à risque. Des séances dinformation peuvent aussi être conduites sur les protections individuelles à adopter. Il sagit de laction sectorielle des régiments du service militaire adapté. Ils sont donc régulièrement mobilisés sur des demandes de concours. En 2018, trente-trois militaires ont été mobilisés à La Réunion sous la coordination de lagence régionale de santé (ARS) pendant deux mois ; en 2019, quarante militaires et une dizaine de véhicules ont été mobilisés sur deux mois, toujours à La Réunion et en 2020, il y a eu deux interventions, lune de trente militaires mobilisés pour la destruction de gîtes larvaires sur la commune de Mtsamboro à Mayotte et lautre de vingt militaires mobilisés pendant deux semaines en appui de lARS de Guadeloupe, toujours pour une campagne de lutte anti-vectorielle en Grande-Terre et à Marie-Galante. » ([259])

2.   Renforcer la coopération entre agences régionales de santé et collectivités territoriales en Outre-mer

De façon générale, la prévention des épidémies futures et de l’émergence de nouvelles arboviroses ne pourra avoir lieu sans une reconstruction des relations entre l’État et les collectivités territoriales sur de nouvelles bases. Il apparaît particulièrement indispensable de poursuivre le repositionnement des ARS sur une fonction stratégique, et détablir rapidement, et en collaboration avec les collectivités, une stratégie de LAV claire définissant les responsabilités respectives des acteurs sur le territoire, avec des compensations financières adaptées.

Dans ce nouveau schéma, limplication de toutes les communes et intercommunalités sera nécessaire, eu égard aux atouts dont ils disposent et que ne possèdent pas les ARS : connaissance fine du terrain, proximité de la population, positionnement territorial (cf. supra, III.C.3).

La rapporteure souhaite ici insister sur la nécessité d’une mobilisation générale contre la propagation des vecteurs, de la même manière en Hexagone et en Outre-mer. Mme Dominique Voynet a appuyé l’idée que « si nous voulons être efficaces, il ne faut pas sous-traiter à lARS le soin de réussir une mobilisation qui suppose que, maison par maison, rue par rue, commune par commune, quartier par quartier, on ait vraiment un travail délimination des gîtes larvaires, de traitement des eaux stagnantes, denlèvement des ordures et des encombrants, sauf à répandre effectivement des insecticides de façon rituelle et régulière, avec une inefficacité patente à larrivée » ([260]).

Mme Clara de Bort, directrice générale de l’ARS de Guyane, a abondé en ce sens : « nous avons […] la conviction que lARS doit se positionner dans un travail autour de la recherche, de la stratégie et de lanimation. Mais pour simplifier, ce nest pas lARS qui nettoiera les gouttières. Il est très important quil y ait une distribution et une coordination des activités. » ([261])

Dans toutes les communes, la mise au point dun plan communal de lutte, la désignation dun référent « santé environnementale » et lentretien dun dialogue technique régulier avec lARS sont une priorité.

La mise au point d’un suivi comptable et financier précis des dépenses et effectifs consacrés à la lutte anti-vectorielle est un autre prérequis, afin de faciliter la coopération avec les ARS.

Les communes ont par ailleurs un rôle particulier à jouer dans la prévention et de mobilisation sociale, par leur plus grande proximité culturelle et géographique avec la population (cf. supra, II.B.).

La contrepartie, s’agissant des services de l’État, doit être une remise à plat complète des relations financières et institutionnelles afin d’indemniser adéquatement la charge financière liée aux mesures de LAV et de donner aux collectivités une juste place dans les décisions prises comme dans leur exécution.

À titre d’exemple, à La Réunion, M. François Cheize a dressé un bilan mitigé de la décentralisation tentée avec la création du GIP-LAV en 2006 :

« On voit que cette démarche na pas réellement abouti. Les collectivités se réunissent, certes, mais qui dit GIP dit fonds dintervention de ces collectivités. Or, à ce jour, lorsque lon réunit ce GIP, cest le préfet qui le réunit avec lARS pour donner des informations, mais cette instance na pas de fonction réelle, ni sur le terrain, ni sur la mise en place de la modernisation de la lutte anti-vectorielle. » ([262])

Proposition n° 20 : Construire, dans chaque territoire ultramarin et en collaboration avec l’ensemble de ses collectivités territoriales, une stratégie de lutte anti-vectorielle, définissant notamment les actions à entreprendre et les responsabilités respectives, dans le cadre d’un contrat local de santé conclu entre l’agence régionale de santé, les collectivités ou départements et les communes.

 


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IV.   La rationalisation des dispositifS DE SURVEILLANCE ET de lutte contre les foyers ÉPIDÉmiques est À poursuivre

La surveillance des cas et des foyers épidémiques relève aujourd’hui de la compétence des agences régionales de santé. Dès lors qu’une épidémie est avérée, il revient dorénavant au préfet de prendre les mesures nécessaires à la lutte contre les transmissions et à la mobilisation des moyens nécessaires.

Ce dispositif a été rationalisé par le décret n° 2019-258 du 29 mars 2019 relatif à la prévention des maladies vectorielles. Cependant, plusieurs aspects pourraient être améliorés, afin de consolider le dispositif de surveillance épidémiologique, de mieux anticiper et préparer la réaction aux futures épidémies, de mieux impliquer les ressources du service de santé des armées et d’utiliser les retours d’expérience pour améliorer les plans de lutte contre les épidémies.

A.   Consolider le dispositif de surveillance ÉPIDÉmiologique

Le dispositif de réaction épidémique repose essentiellement sur la détection, puis le signalement par les professionnels de santé des éventuels cas de maladies vectorielles. Ce signalement est obligatoire pour le chikungunya, la dengue et le Zika, qui sont inscrits sur la liste des maladies à déclaration obligatoire (MDO).

La détection d’un potentiel cas humain pour l’une de ces trois pathologies entraîne une réaction rapide des pouvoirs publics, à partir du signalement effectué par le médecin ou responsable du service de biologie concerné.

En application de l’article R. 3113-4 du code de la santé publique, tout cas « avéré ou suspecté » donne lieu à signalement au médecin en charge de ce sujet à lARS. Ce dernier évalue alors la nécessité de mettre en place durgence des mesures de prévention individuelle et collective et, le cas échéant, de déclencher des investigations pour identifier lorigine de la contamination ou de lexposition.

En définitive, et s’agissant des maladies vectorielles susmentionnées, le déroulement de l’intervention a été décrit par M. Bruno Tourre :

« Si une personne rentrant dOutre-mer ou de la bande intertropicale a été infectée sur place et est porteuse de symptômes, elle est détectée par le réseau sanitaire puisque ces maladies sont à déclaration obligatoire. Lagence régionale de la santé déclenche immédiatement une enquête épidémiologique auprès de cette personne pour savoir où elle sest déplacée, où elle a séjourné pendant la période dite de virémie ; et nous sommes alertés pour réaliser dans ces mêmes endroits une enquête entomologique dans laquelle nous essayons de trouver la trace de moustiques adultes. Sil y a trace de moustiques adultes, il y a peut-être un moustique qui a été infecté en piquant cette personne rentrée malade et qui peut, lors dun repas sanguin ultérieur, aller piquer une autre personne qui se retrouverait alors infectée sans avoir voyagé. Cest ce qui constitue un cas autochtone. Tout lobjet de la lutte anti-vectorielle est de briser la chaîne vectorielle et, pour briser la chaîne vectorielle, il faut réaliser des traitements adulticides pour tuer les moustiques adultes qui se seraient infectés en piquant la personne rentrée de la bande intertropicale. Entre lalerte par le système dinformation de la lutte anti-vectorielle du ministère de la Santé (SI-LAV), lenquête épidémiologique, les enquêtes entomologiques et les traitements, il faut un délai de cinq jours au maximum. » ([263])

Les maladies à déclaration obligatoire (MDO), pierre angulaire du dispositif de surveillance épidémiologique

En application, de l’article L. 3113-1 du code de la santé publique, plusieurs maladies font l’objet d’une transmission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire par les médecins et les responsables des services et laboratoires de biologie médicale, publics comme privés.

Cette obligation concerne :

– les maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ou internationale :

– les maladies dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l’évaluation de la politique de santé publique.

En 2018, 34 pathologies étaient classées comme maladies à déclaration obligatoire (MDO). Parmi elles, 32 sont des maladies infectieuses et 2 sont non-infectieuses (mésothéliomes, et saturnisme chez les enfants mineurs).

On distingue deux groupes de MDO :

– 30 pathologies dont la détection entraîne à la fois une intervention urgente locale, nationale ou internationale et une surveillance pour la conduite et l’évaluation des politiques publiques ;

– 4 maladies pour lesquelles seule une surveillance est nécessaire au sens de la catégorie 2 de l’article L. 3113-1 du code la santé publique. Il s’agit de l’infection par le VIH quel que soit le stade, de l’hépatite B aiguë, du tétanos et des mésothéliomes.

L’inscription ou le retrait d’une maladie sur la liste des MDO se fait sur décision du ministre chargé de la Santé, par décret pris après avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP). Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), fixe pour chaque MDO les données individuelles cliniques, biologiques et sociodémographiques transmises à l’autorité sanitaire.

Source : Santé Publique France

Dans les départements d’Outre-mer, le suivi des situations épidémiques émergentes est assuré à un double niveau :

– la cellule dintervention en région (CIRE) de Santé Publique France est en charge du suivi de la situation épidémiologique ;

– des comités de gestion animés par lARS décident de la réaction à tenir par les autorités sanitaires dans le territoire.

En cas de crise, la gestion relève du préfet dans le cadre du plan Orsec ; ce dernier décide notamment du passage en phase épidémique.

1.   Améliorer et compléter la capacité de réaction aux situations épidémiques

Étoffé au fil des épidémiques ayant frappé le territoire français au cours des dernières décennies, le dispositif de surveillance épidémiologique en matière de maladies vectorielles peut encore être amélioré.

Les auditions de la commission d’enquête ont mis en évidence deux points sur lesquels les pouvoirs publics devront concentrer leur attention :

– le renforcement des capacités de détection dans les territoires encore non exposés à ces pathologies ;

– linclusion de linfection au virus West Nile à la liste des MDO.

a.   Renforcer les capacités de détection des maladies vectorielles

Le signalement et le déclenchement subséquent du dispositif de réponse sanitaire supposent la détection au plus vite, par les médecins, des cas potentiels de maladies vectorielles. Comme l’a relevé M. Olivier Brahic, de la direction générale de la santé, « une intervention rapide autour des cas nécessite quon dispose, au niveau national, dun système qui permette en amont un signalement réactif et efficace ; cest la clé de voûte de notre dispositif de réponse » ([264]). Le Dr Vincent Pommier de Santi a également rappelé que « plus on est précoce dans la détection dune épidémie, plus on a de chances de linterrompre » ([265]).

Si le dispositif de surveillance actuel a fait les preuves de son efficacité, il demeure nécessaire de le consolider sur lensemble du territoire.

La préparation et l’expérience dont disposent les médecins en matière de dengue, de chikungunya et de Zika demeure en effet limitée dans les territoires encore « naïfs », autrement dit ceux n’ayant pas connu de foyer épidémique ni cas importés significatifs sur la période récente.

M. Olivier Brahic a fait à cet égard une distinction entre les territoires ultramarins, où ces pathologies sont bien connues, et hexagonaux, où ces pathologies demeurent inhabituelles :

« Le dispositif est-il efficace ? Globalement, oui… En fait, je crois quil faut distinguer deux types de territoires : les territoires ultramarins et le territoire métropolitain. Pour les premiers, la déclaration est une habitude bien ancrée, bien entrée dans les mœurs et il ny a aucun problème. Pour la métropole, on demande chaque année aux ARS de sensibiliser leurs professionnels de santé à veiller non seulement à la déclaration, mais également, plus en amont, à la détection de ce type de patients. Pour un certain nombre darboviroses, les signes cliniques sont assez peu spécifiques, et il faut sensibiliser les professionnels à mettre en relation par exemple des symptômes et un voyage retour en provenance dune destination où il y a une circulation virale. » ([266])

Le dispositif de sensibilisation paraît avoir fait ses preuves. S’exprimant sur le foyer épidémique de dengue apparu dans le Var en 2019, M. Fabrice Simon a expliqué « quil sagissait bien dun phénomène autochtone, qui a été circonscrit par une réactivité dont on doit dire quelle reflète lentraînement quont les médecins généralistes pour la détection des cas, et lentente interdépartementale de démoustication et les équipes des agences régionales de santé. Cest quelque chose qui fonctionne depuis maintenant plus de dix ans, assez bien pour éviter la diffusion au-delà dune dizaine ou dune quinzaine de cas » ([267]).

S’exprimant plus largement sur la réaction aux maladies vectorielles connues sur le territoire français depuis quelques années, Mme Marie-Claire Paty de Santé publique France a conclu à un « bilan positif » et une « capacité de détection précoce des cas » ([268]). Cette capacité a notamment permis d’éviter l’apparition de foyers épidémiques de maladies vectorielles de grande ampleur, à la différence de l’Italie où deux épidémies de chikungunya en 2007 et 2017 ont atteint respectivement plus de 300 et plus de 500 personnes. De même, l’arrivée du chikungunya dans la Caraïbe et l’Amérique latine avait été détectée assez vite à Saint-Martin, premier territoire français alors concerné. De même, la surveillance de l’épidémie de Zika avait permis de mettre en évidence plusieurs cas de transmission sexuelle du virus dans l’Hexagone.

M. Olivier Brahic a abondé en ce sens, indiquant que « dans les régions du Sud de la France, notamment en Occitanie et en Provence-Alpes-Côte dAzur (PACA), lensemble des personnels de santé, de ville comme à lhôpital, sont clairement sensibilisés et le lien est très fluide avec les ARS » ([269]).

Pour les autres régions en revanche, « il y a un besoin de sensibiliser à nouveau chaque année. Mais on se rend compte aussi quun certain nombre de cas nous sont signalés dans des régions qui, à lheure actuelle, ne sont pas concernées par ce risque épidémique. Et si ces cas remontent aux ARS, on peut en déduire que le dispositif est efficace » ([270]).

b.   Achever la modernisation du dispositif de déclaration des maladies à déclaration obligatoire

Le dispositif de surveillance des maladies à déclaration obligatoire repose sur la transmission de données par les médecins et les biologistes (libéraux et hospitaliers) aux médecins inspecteurs de santé publique et leurs collaborateurs des Agences régionales de santé (ARS) puis aux épidémiologistes de Santé publique France, via des déclarations faites au moyen d’un formulaire papier.

Ce dispositif prend du temps lorsquil sagit de détecter lapparition dun foyer épidémique : ainsi Mme Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, regrettait que « le dispositif de déclaration obligatoire par le médecin sur papier, une fois quil a reçu les résultats, est beaucoup trop lourd, beaucoup trop incertain et beaucoup trop tardif surtout, pour être efficace dans la lutte anti-vectorielle » ([271]).

En 2016, Santé publique France a entrepris de moderniser le dispositif des maladies à déclaration obligatoire (MDO) avec, dans un premier temps, la télédéclaration de l’infection par le VIH et du sida par le biais d’une application web : e-DO ([272]). Ce nouveau dispositif permet aux autorités sanitaires de recevoir, en temps réel, les déclarations émises par les professionnels de santé.

À cette occasion, Santé Publique France indiquait que « conçue pour être souple et évolutive, lapplication e-DO devrait permettre dintégrer les autres MDO ». Cependant, trois ans après, ce basculement vers un dispositif numérique de déclaration des maladies n’est pas intervenu.

Il apparaît nécessaire de prendre appui sur lexpérience acquise avec la Covid-19, qui a justifié la mise en place du système dinformation de dépistage nommé SI-DEP qui transmet directement les résultats positifs à la Covid-19 des laboratoires aux autorités de surveillance ([273]).

Proposition n° 21 : Achever la dématérialisation et l’automatisation de l’envoi par les médecins et les laboratoires des cas de maladies à déclaration obligatoire.

c.   Achever d’inscrire le virus du Nil occidental (West Nile) parmi les maladies à déclaration obligatoire

S’il n’a pas encore donné lieu à des foyers épidémiques sur le territoire français à ce jour, le virus du Nil occidental représente un risque sanitaire notable pour les années à venir. On peut ici rappeler que la circulation du virus, transmis par les moustiques du genre Culex, est endémique sur le continent nord-américain depuis son introduction à New York en 1999 (cf. supra, I.B).

En France, la surveillance de cette zoonose sappuie en grande partie sur les réseaux vétérinaires, ainsi que l’a présenté à la commission d’enquête M. Stephan Zientara, directeur-adjoint du laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et directeur de l’unité mixte de recherche (UMR) en virologie :

« On sappuie aussi beaucoup sur le réseau dépidémio-surveillance en pathologie équine (RESPE), à la création duquel jai participé il y a vingt ans. À lorigine, je métais inspiré des groupements régionaux dobservation de la grippe humaine (GROG) et avais bâti une structure équivalente pour la grippe du cheval. À lheure actuelle, 700 vétérinaires sentinelles, qui sont léquivalent des médecins sentinelles, siègent au sein des commissions « grippe » et « troubles neurologiques », cette dernière traitant du virus West Nile. Lorsquils suspectent des cas, ces praticiens effectuent des prélèvements et contactent les laboratoires ad hoc. Ces "capteurs" de terrain jouent un rôle primordial. »

L’UMR dirigée par M. Stéphane Zientara assure ensuite la coordination des analyses et recherches épidémiologiques sur les cas suspectés :

« Mon unité est impliquée dans la surveillance aviaire et travaille, avec lOffice français de la biodiversité, le réseau SAGIR et lAnses, sur la mortalité des oiseaux sauvages. Nous contribuons également à la surveillance humaine, puisque nous rapportons les cas que nous détectons aux agences régionales de la santé (ARS), au Centre national de référence des arbovirus – plus précisément, à lIRBA, qui était, en 2000, lié à lInstitut Pasteur et qui est actuellement dirigé par Isabelle Leparc-Goffart , à Santé publique France et à la direction générale de la santé (DGS). Nous nous réunissons régulièrement avec eux. La surveillance équine est assurée par les vétérinaires, la direction générale de lalimentation (DGAL), les directions départementales de la protection des populations (DDPP), le RESPE et les laboratoires danalyses. Nous avons agréé sept laboratoires vétérinaires pour effectuer les analyses de première intention ; le cas échéant, ils peuvent nous envoyer des prélèvements pour obtenir confirmation de leurs résultats. Par ailleurs, nous assurons la surveillance entomologique en collaboration avec lEID Méditerranée. » ([274])

La collaboration avec Santé Publique France a permis de mettre au point un plan efficace de contrôle du West Nile, permettant de faire face à d’éventuels foyers épidémiques. Mme Henriette de Valk a ainsi pu expliquer qu’« en 2001, nous étions les premiers à monter un plan de surveillance et de contrôle du West Nile, avec laide des Américains qui venaient de le mettre en place chez eux » ([275]).

Ce dispositif demeure toutefois trop centré sur la surveillance vétérinaire. Or comme les épidémies observées aux États-Unis le montrent, une épidémie humaine est un risque avec lequel nous devons composer. Aussi, il paraît essentiel de mettre en place un système de surveillance active du West Nile au même titre que celle existant pour le chikungunya, la dengue et le Zika ; il ne s’agirait là en outre que d’un alignement sur les autres pays européens.

M. Stephan Zientara a défendu cette évolution devant la commission d’enquête, affirmant que « plusieurs pays de lUnion européenne pratiquent une surveillance, qui peut être passive – même si on parle plus volontiers, aujourdhui, de « surveillance événementielle » – ou active. La première consiste à effectuer des prélèvements lorsquon suspecte un cas. La seconde donne lieu à la réalisation denquêtes pour rechercher la circulation virale. Nombre de nos voisins ont institué des systèmes de surveillance active, chez le cheval et dautres espèces animales, comme les bovins, les oiseaux ou encore les moustiques. La France na quun système de surveillance passive : peut-être serait-il nécessaire de renforcer lefficacité de notre dispositif » ([276]).

La surveillance ÉPIDÉmiologique du virus du Nil occidental en Europe

Source : Stephan Zientara

Lors de son audition, la direction générale de la santé a indiqué que des travaux sont actuellement en cours pour remédier à cette situation, et inscrire le virus parmi les MDO. Le décret devrait être publié dans les prochains mois, dès réception de l’avis du HCSP requis par l’article L. 3113-1 du code de la santé publique. M. Olivier Brahic a ainsi affirmé avoir « reçu la saisine pendant notre période de gestion de la pandémie de Covid-19. Cest donc en cours dinstruction, mais cette maladie sera bien à déclaration obligatoire pour les professionnels de santé » ([277]). Ces travaux font suite à la demande de Santé Publique France en ce sens, comme l’a indiqué Mme Marie-Claire Paty à la commission d’enquête ([278]).

La commission denquête invite le Gouvernement à achever rapidement ce chantier, en publiant au plus vite le décret dinscription.

2.   Mieux former les professionnels de santé à la détection et au traitement des formes chroniques de chikungunya et de Zika

a.   Chikungunya : des formes chroniques avérées mais insuffisamment prises en charge

La commission d’enquête a pu constater les carences actuelles en matière de détection et de traitement de certaines formes chroniques. Encore mal connues, les conséquences à long terme d’une infection aux virus du chikungunya ou Zika sont souvent mal prises en charge.

Cette chronicité démarque le chikungunya de la dengue, dont les formes chroniques sont très rares. Comme l’a indiqué M. Fabrice Simon, le constat de formes chroniques de chikungunya « était vraiment quelque chose de tout à fait nouveau, totalement discordant par rapport à lexpérience que nous avions de la dengue. […] Il existe dautres maladies infectieuses qui, de la même façon, « fracassent » lors de la période aiguë, mais débouchent sur une bonne récupération ensuite. Là, ce nétait pas le cas : nous avions limpression que cette maladie était en quelque sorte une « double maladie », avec une double peine, voire une triple peine puisque, et cest malheureusement encore un peu le cas aujourdhui, les patients étaient désemparés face à une espèce de vide en termes de prise en charge médicale » ([279]).

À partir d’une cohorte de gendarmes infectés par le virus à La Réunion, un programme de recherche mené par le service de santé des armées a identifié les différents symptômes pouvant persister au-delà d’un ou deux ans. M. Fabrice Simon les a présentés à la commission d’enquête ([280]) :

« Jusquà la moitié des adultes se plaignaient encore de douleurs, de raideurs ou dœdèmes. Cétait lélément principal : notre surprise a été grande, quand nous avons poussé létude jusquà six ans, de voir la persistance de ces manifestations articulaires par rapport aux non infectés. La fatigue, les céphalées – maux de tête – et les éléments dépressifs étaient beaucoup plus marqués chez les gens qui avaient eu le chikungunya que chez ceux qui ne lavaient pas eu. Nous avions un comparatif en quelque sorte et cest vraiment quelque chose qui nous a surpris. Le début de la maladie est un rhumatisme aigu, une fièvre aiguë. Le patient est impotent, il ne peut plus bouger. Après, cela continue, il a mal partout. Ceci a un impact sur le long terme, en termes de symptômes généraux ; la qualité de vie est altérée. »

Ces formes chroniques touchent davantage certaines populations particulièrement à risque. Ainsi, les formes chroniques touchent davantage les adultes, en particulier les personnes âgées, atteintes de rhumatisme et ayant souffert d’une forme intense de la maladie en phase aiguë. Les femmes semblent davantage touchées.

La probabilité de développer des formes chroniques est par ailleurs élevée, de l’ordre de 30 à 40 % au minimum, voire 50 % selon le Pr Fabrice Simon, qui résumait la situation en précisant que « pour le chikungunya, chez ladulte, 80 % des adultes souffrent et ensuite, ils évoluent vers la chronicité dans un cas sur deux à peu près, à une échéance dun ou deux ans » ([281]).

En dépit de ces symptômes souvent graves et fortement incapacitants, la prise en charge des formes chroniques demeure encore largement insuffisante, selon le témoignage préoccupant fait par le Pr Fabrice Simon à la commission d’enquête : « Nous sommes en dessous de ce que nous pouvons faire. Il ny a pas eu de véritables essais cliniques permettant de dire quon améliore la situation des patients. Nous navons pas de réseau mis en place » ([282]). Pour le moment, la prise en charge des patients atteints de forme chronique relève de l’utilisation d’antalgiques ou d’anti-inflammatoires.

Aussi, il paraît essentiel de mieux former les professionnels de santé, en incitant notamment les ARS à poursuivre leur travail de sensibilisation et en améliorant le suivi des patients. Le Pr Fabrice Simon a présenté des pistes pour l’avenir à ce sujet :

« Cest une recette assez simple : bien examiner, mais encore fautil avoir bénéficié dun tutorat, dun compagnonnage pour voir quelles sont les zones à examiner, pour trouver les zones qui sont des cibles thérapeutiques. Nous avons mis en place en Guadeloupe un certain nombre de formations, mais je pense que la formation sur le post-chikungunya nest pas suffisante au regard du nombre de cas. En Guadeloupe, on pense quil y a plus de 20 000 cas chroniques actuellement. La Martinique est dans la même situation. Il y a une vraie réflexion sur la mise à disposition dune formation. Nous y travaillons et lorganisation panaméricaine de la santé, qui envisage de faire un cours en ligne, un massive open online course (MOOC), mais cela navance pas très vite. Nous avons un projet à lhôpital Laveran de Marseille, avec un budget du service de santé des armées et de donateurs, pour faire des films à mettre en accès libre. Un des objectifs est de mettre ces tutoriels en ligne pour que les gens puissent voir comment examiner. » ([283])

Ce travail de formation passe également par la rédaction de recommandations. Ainsi, des recommandations de prise en charge des formes chroniques de chikungunya ont été mises au point à la fin de l’année 2014 après saisine par la direction générale de la santé de la société de pathologie infectieuse de langue française. Le Pr Fabrice Simon les a exposées à la commission d’enquête :

« Pour les cas chroniques, nous recommandons une bonne identification des manifestations cliniques de façon à savoir dans quelle situation se trouve le patient. Sagit-il de troubles musculosquelettiques, de rhumatisme inflammatoire chronique ? Après ce bon examen clinique et cette bonne catégorisation, nous nous appuyons sur des antalgiques, des anti-inflammatoires et sur de la kinésithérapie. Cest ce dernier point qui a été extrêmement novateur. Les cas complexes sont orientés vers des niveaux supérieurs de rhumatologues, dinternistes ou autres. Les recommandations nont pas évolué depuis 2014, aucune donnée nouvelle nayant révolutionné ce champ. » ([284])

La commission denquête salue les avancées réalisées en la matière, et invite les agences régionales de santé à faire pleinement usage de ces recommandations pour bien sensibiliser les professionnels de santé des régions exposées.

Proposition n° 22 : Dans le cadre de leur formation initiale et continue, former les médecins et les professionnels de santé à la prévention et à la détection des maladies vectorielles.

3.   S’appuyer sur un réseau de laboratoires mis à niveau pour détecter toutes les arboviroses

La détection des arboviroses sur le territoire français s’appuie aujourd’hui sur l’expertise biologique du Centre national de référence (CNR) des arbovirus.

Les centres nationaux de référence (CNR), maillons du réseau de surveillance épidémiologique

La loi confie prévoit que pour l’exercice de ses missions, parmi lesquelles l’observation épidémiologique, la veille sanitaire et le lancement de l’alerte sanitaire, Santé Publique France s’appuie sur un réseau de centres nationaux de référence (CNR) pour la lutte contre les maladies transmissibles ([285]).

L’article D. 1413-46 du code de la santé publique confie 4 missions aux CNR :

– l’expertise concernant la microbiologie et la pathologie des agents infectieux, le développement, l’optimisation, la validation et la diffusion d’examens de biologie médicale, ainsi que l’identification et la confirmation des agents pathogènes, en particulier ceux pour lesquels il n’existe pas de dispositif médical de diagnostic in vitro ;

– le conseil scientifique ou technique en réponse à toute demande du ministre chargé de la santé, de l’Agence nationale de santé publique et des professionnels de santé ;

– la contribution à la surveillance épidémiologique, d’une part par l’animation d’un réseau de laboratoires auxquels peut être confiée la réalisation d’examens et qui en transmettent ensuite les résultats, d’autre part par la réalisation des analyses nécessaires à la surveillance des agents pathogènes ;

– l’alerte immédiate de l’Agence nationale de santé publique, du ministère chargé de la santé et, le cas échéant, de l’agence régionale de la santé de toute constatation de nature à présenter un risque ou une menace sur l’état de santé de la population.

Pour répondre à ces missions, un laboratoire coordonnateur, centre national de réfé–rence, peut s’associer au maximum à trois laboratoires dits « Centres nationaux de référence – Laboratoires associés ».

Depuis 2012, le CNR des arbovirus est l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), basé à Marseille et dirigé par Mme Isabelle Leparc-Goffart. Il est financé par Santé Publique France et l’assurance maladie.

Ce centre est impliqué dans deux plans nationaux importants en termes de surveillance :

– le plan de surveillance de la dengue, du chikungunya et de Zika ;

– le plan de surveillance du West Nile.

Le CNR remplit par ailleurs des missions de surveillance pour les forces armées déployées, notamment pour tout cas de fièvre. Cette surveillance épidémiologique s’appuie sur l’utilisation de papiers buvards, pour la récolte et le transport du sang à analyser. Comme l’a expliqué M. Vincent Pommier de Santi, dès l’observation de symptômes évocateurs d’une arbovirose, un papier buvard sur lequel est déposée une goutte de sang est envoyé au CNR des arbovirus, puis analysé par l’équipe de Mme Isabelle Leparc-Goffart.

Ce système permet ainsi de centraliser l’expertise de biologie médicale en matière d’arbovirus, comme l’a résumé Mme Isabelle Leparc-Goffart pour les quatre principales arboviroses surveillées :

« Nous avons essentiellement une grosse mission de surveillance épidémiologique et dexpertise sur la dengue, le chikungunya, le Zika et West Nile. Ces quatre virus constituent en quelque sorte notre fonds de commerce annuel. À côté de cela, nous avons finalement tous les ans des situations et des émergences nouvelles, ce qui fait que chaque mission est remplie en fonction de la situation épidémiologique de lannée. […] Lors de chaque événement épidémiologique, nous avons pour rôle dassurer la surveillance épidémiologique et lexpertise, tout en sachant quand même que les arbovirus sont très surprenants. » ([286]) 

Cette expertise permet au CNR des arbovirus de réagir rapidement à lémergence de nouvelles arboviroses, à l’instar du virus Zika (cf. supra, I.B.2.). Le CNR des arbovirus a travaillé sur la mise au point d’un diagnostic de première ligne et d’un algorithme de diagnostic puis le déploiement de kits et de recommandations à destination d’un réseau de laboratoires, habilités ensuite à réaliser des analyses.

Mme Isabelle Leparc-Goffart a ainsi signalé que durant lémergence du virus, en 2015 et 2016, le laboratoire de lIRBA a géré plus de 11 000 prélèvements en une année, avec plus de 20 conseils téléphoniques à des professionnels de santé sur linfection par le virus Zika. 

S’agissant du West Nile, le CNR des arbovirus travaille en étroite collaboration avec les services vétérinaires et l’unité de M. Stephan Zientara, qui lui signale tous les cas observés ([287]).

Si la tête du réseau de détection fait donc un travail tout à fait satisfait, un point dattention doit être soulevé sagissant des partenariats entre le CNR des arbovirus et les laboratoires situés dans les territoires dOutre-mer.

Les responsables de certaines ARS ultramarines ont fait part des difficultés de disposer localement des compétences et des équipements pour effectuer des tests de détection des virus. Trop souvent, les tests sont sous-traités dans un autre territoire ou en métropole, ce qui engendre des délais de diagnostic fâcheux pour identifier l’apparition d’un foyer épidémique.

Ainsi Mme Clara de Bort, directrice de l’ARS de Guyane regrettait que « nous navons pas doutils juridiques pour contraindre les laboratoires privés à fournir ce type de résultats dans un délai prescrit, qui les amènerait évidemment à envisager toutes sortes de coopérations. […] dès linstant quil ny a pas de possibilité de contraintes, dautres dimensions entrent en ligne de compte – qualité des analyses, accréditation par le Comité français daccréditation (Cofrac) – sur lesquelles il faudrait peut-être les interroger, pour savoir ce qui les a amenés à préférer lenvoi en métropole plutôt quà devoir développer ou maintenir la technologie sur place. Ceci provoque des retards dans le repérage du démarrage de foyers épidémiques, retards dautant plus importants que nous devons passer théoriquement par des déclarations par le médecin qui a prescrit le test. Nous avons donc une sous-optimisation du processus biologique dans la lutte anti-vectorielle » ([288]).

À partir de l’expertise du CNR des arbovirus, il pourrait être mis en place des conventions de partenariat permettant, dans le cadre dune procédure daccréditation par les ARS, de maintenir au moins un laboratoire danalyse biologique capable de détecter les arboviroses dans chaque territoire ultramarin.

Proposition n° 23 : Organiser, dans chaque territoire ultramarin, en partenariat avec le Centre national de référence des arbovirus et les agences régionales de santé, la création ou l’accréditation d’un laboratoire d’analyses biologiques capable de réaliser localement les tests des arboviroses.

4.   Renforcer la capacité d’anticipation par la coopération régionale

L’anticipation des crises épidémiques implique la détection en amont du risque d’importation de virus. Les auditions de la commission denquête ont mis en évidence le lien étroit entre lefficacité de la réponse sanitaire à une arbovirose, et sa détection avant quun foyer épidémique némerge sur le territoire.

Ce point a été particulièrement mis en évidence lors de l’épidémie de chikungunya de 2005-2006 à La Réunion, où la réaction des pouvoirs publics a été tardive, comme l’a exposé M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) :

« Lorsque nous avons eu une augmentation des cas de chikungunya à La Réunion en 2006, nous nous sommes rendu compte quen Afrique de lEst ou à Madagascar, nous avions eu une augmentation des cas dans les semaines ou les quelques mois qui avaient précédé ; faute dune très bonne coordination entre les agences internationales comme lOrganisation mondiale de la santé (OMS), lECDC au niveau européen et les agences françaises, nous avons vu assez tardivement la montée en puissance de linfection à La Réunion. » ([289])

Aussi, il paraît nécessaire de consolider les dispositifs de surveillance et dalerte existant au niveau régional, aussi bien dans l’Outre-mer, via les réseaux de surveillance comme le réseau SEGA dans l’océan Indien, que dans l’Hexagone grâce au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies.

a.   Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), acteur européen de la surveillance

Au niveau européen, les missions de surveillance épidémiologique et de coopération entre les différents États face au risque sanitaire sont assurées par le centre européen de prévention et de contrôle des maladies.

Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC)

Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, ou European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), a été fondé après l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) pour mieux identifier, évaluer et communiquer les menaces actuelles et émergentes pour la santé humaine liées aux maladies transmissibles dans l’Union européenne.

Les missions de l’ECDC sont :

– la surveillance des menaces pour la santé publique liées aux maladies transmissibles. Dans ce cadre, l’ECDC recueille, analyse et diffuse des données de surveillance sur 56 maladies transmissibles (dont 18 maladies émergentes et à transmission vectorielle) et autres problèmes de santé connexes dans tous les États membres de l’UE ainsi que l’Islande et la Norvège, membres de l’Espace économique européen (EEE) ;

– lévaluation des mesures mises en œuvre pour faire face à ces menaces. Cette seconde mission donne notamment lieu à la publication de documents d’évaluation des risques sur le territoire européen. En outre, et à la demande d’un État membre, l’ECDC peut mener des missions d’évaluation de la stratégie nationale en matière de lutte contre une maladie transmissible. Sur la période récente et sur demande du Portugal, le centre a mené une évaluation des mesures mises en œuvre pour faire face à l’épidémie de dengue à Madère ([290]) ;

– la préparation et le soutien aux États membres, afin de les aider à développer, renforcer et maintenir leurs capacités à surveiller, identifier et répondre aux menaces sanitaires transfrontalières graves. Pour ce faire, l’ECDC identifie et communique les bonnes pratiques, après collecte et évaluation des données scientifiques sur le sujet.

En 2020, le budget du Centre était de 60 millions d’euros, dont 1,4 million d’euros de subvention des États membres de l’EEE (Norvège, Islande et Liechtenstein).

Le Centre compte 280 agents statutaires et bénéficie en outre de quelques experts nationaux détachés.

Les arboviroses sont suivies dans le cadre programme sur les maladies émergentes et vectorielles, auquel est associée Santé Publique France.

Mme Henriette de Valk, correspondant en France du programme avec Mme Marie-Claire Paty, a exposé les missions et compétences en matière d’arboviroses, en collaboration avec Santé publique France (SPF) pour les données françaises.

Cela inclut en premier lieu la surveillance harmonisée de ces pathologies en Europe, qui comprend notamment la définition de cas et de protocoles de réponse sanitaire. Des données sont transmises par SPF à l’agence européenne de façon annuelle pour le chikungunya et la dengue, de façon trimestrielle pour Zika et de façon hebdomadaire voire en temps réel pour West Nile. À partir de ces données, l’ECDC établit des cartes de la circulation du virus chez l’animal et l’humain sur l’ensemble du continent. Ce volet inclut également linformation de tous les États membres dun risque sanitaire dans un territoire européen, y compris ultramarins, afin que ceux-ci puissent prendre toutes les mesures adaptées – par exemple le dépistage de la population ou l’exclusion du don de sang des personnes revenant du territoire concerné.

L’ECDC assure ensuite un partage dexpérience, eu égard aux situations épidémiologiques différentes entre les différents pays européens. Afin d’assurer une bonne circulation de l’information, l’ECDC organise ateliers, séminaires et visites d’études ou évaluations entre pays. Mme Henriette de Valk a souligné l’importance de ces échanges, rappelant qu’« en 2001, nous étions les premiers à monter un plan de surveillance et de contrôle du West Nile, avec laide des Américains qui venaient de le mettre en place chez eux. Quand lItalie a eu un problème, elle a copié nos plans ; maintenant elle possède un plan plus élaboré que le nôtre, qui nous inspire » ([291]).

Enfin, deux projets menés sous l’égide de l’ECDC peuvent être mentionnés en matière de surveillance entomologique et épidémiologique :

– VectorNet, qui consiste en un réseau dentomologistes travaillant en santé humaine ou animale. Mené conjointement avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority – EFSA), vise à mettre au point et diffuser des bonnes pratiques en matière de surveillance entomologique, avec un partage d’information entre pays ;

– le projet Labnet consiste quant à lui en un réseau de laboratoires de référence sur le continent, étudiant les maladies émergentes et les transmissions vectorielles. Le CNR des arbovirus en est membre pour la France. Comme l’a expliqué Mme Henriette de Valk, « pendant la crise de Zika, [Labnet] a permis une collaboration européenne pour mettre rapidement en place toutes les techniques de diagnostic, ce qui était difficile et urgent ».

b.   Les réseaux de surveillance régionale dans l’Outre-mer, un point à renforcer

Les territoires ultramarins de l’océan Indien et les départements français d’Amérique sont intégrés à des réseaux de surveillance épidémiologique, en collaboration avec les pays voisins. Ces réseaux sont indispensables pour bien identifier les arboviroses émergentes avant leur arrivée sur le territoire français, et préparer une réponse sanitaire adaptée. M. Roger Genet a souligné que « dans ces zones, la coopération internationale est absolument cruciale en termes de surveillance épidémiologique pour pouvoir se préparer à des scénarios épidémiques. Cest là où lECDC et les agences internationales comme lOMS peuvent vraiment jouer un rôle, en termes de prévention des crises et de préparation à la gestion de crises » ([292]).

Dans locéan Indien, le constat de défaillances dans l’anticipation et la coordination internationale lors de l’épidémie de chikungunya de 2005-2006 a donné lieu à la création du réseau de Surveillance épidémique et de gestion des alertes (SEGA).

Une initiative régionale dans l’océan Indien : le réseau SEGA

La première initiative de coordination régionale en matière épidémiologique a été le projet RSIE (Réseau surveillance et investigation des épidémies), lancé en 2008 par la Commission de l’océan Indien (COI) et financé par l’Agence française de développement (AFD).

Ce projet a donné lieu au lancement du réseau SEGA One Health, visant à partager les informations épidémiologiques fournies par les services de surveillance des États membres.

La phase 3 du projet RSIE a été engagée en février 2019 sous l’égide de la COI, avec un soutien financier de l’AFD à hauteur 8 millions d’euros. Cette phase a pour objectif la pérennisation du réseau SEGA-One Health (qui regroupe plus de 250 professionnels) et le renforcement de l’unité de veille sanitaire.

Source : Agence française de développement

Les auditions des ARS de Mayotte et de La Réunion ont mis en évidence la nécessité de renforcer ce réseau de surveillance, par de nouveaux moyens matériels et humains.

Mme Dominique Voynet, reprise par M. François Cheize, a insisté sur ce point : « Nous avons vraiment besoin de renforcer ce réseau pour avoir une meilleure vision de lenvironnement régional. Nous avons des cas importés de paludisme, de dengue et dautres maladies en provenance des Comores, de Madagascar ou dautres. Ce réseau est donc vraiment important et je crois que cest important aussi que la commission denquête soit consciente du fait que la mobilisation de moyens humains et matériels au profit de ce réseau peut nous aider à traiter mieux nos situations épidémiques à La Réunion et à Mayotte » ([293]).

Proposition n° 24 : Renforcer les moyens matériels et financiers confiés à la commission de l’océan Indien pour l’animation du réseau de surveillance épidémique et de gestion des alertes (SEGA).

Dans les départements français dAmérique, un travail dans le cadre de l’organisation panaméricaine de la santé (OPAS) – Pan American Health Organization (PAHO) et de l’OMS semble à privilégier. Un réseau de surveillance des arboviroses sur le continent américain existe déjà avec le Réseau de laboratoires de diagnostic des arbovirus dans les Amériques – Arbovirus Diagnosis Laboratory Network of the Americas (RELDA).

Le réseau Arbovirus Diagnosis Laboratory Network of the Americas (RELDA)

Le réseau RELDA fait suite à une initiative de 2008 de l’OPAS et de l’OMS, dans un double objectif de renforcement des capacités techniques et scientifiques en matière d’arboviroses, et d’établissement d’un protocole d’analyse standard pour le diagnostic de la dengue. Après les épidémies de chikungunya dans les Antilles en 2013 puis de Zika en Amérique du Sud et dans les Antilles en 2014-2015, l’expertise du réseau a été élargie de la dengue à l’ensemble des arboviroses.

Le réseau a aujourd’hui pour missions :

– la coordination des politiques de recherche étatiques sur les arbovirus ;

– l’échange de bonnes pratiques en matière d’analyse et de recherche dans les laboratoires partenaires ;

– la circulation de linformation entre les autorités sanitaires de chaque pays membre, afin d’assurer une réponse rapide aux situations de crise sanitaire sur le continent américain.

Source : Organisation panaméricaine de la santé.

En Guyane, la Croix-Rouge a initié en 2018 un projet international de lutte anti-vectorielle, dénommé Réseau d’expertise et de mobilisation participative (Rempart). Mme Clara de Bort, directrice générale de l’ARS de la Guyane, a expliqué qu’il s’agit « dun projet international de lensemble des pays du plateau des Guyanes, cest-à-dire la Guyane française, le Surinam et le Guyana, puisque les questions de lutte anti-vectorielle dépassent largement les frontières, avec un travail très intéressant autour de la mobilisation sociale et des volontaires » ([294]). En France, ce réseau bénéficie du soutien de l’ARS de la Guyane, de l’Institut Pasteur de Guyane.

Le projet repose en grande partie sur la mobilisation communautaire (cf. supra, II.B.), afin de sensibiliser les différentes communautés de Guyane et des régions limitrophes à la prévention contre les moustiques vecteurs.

Dans l’océan Pacifique, le Réseau océanien de surveillance de la santé publique (ROSSP) a récemment renforcé les capacités de surveillance et de réponse face aux maladies épidémiques dans la région grâce à l’appui de l’Agence française de développement (AFD).

Le Réseau océanien de surveillance de la santé publique (ROSSP)

Le ROSSP est un réseau de santé couvrant le Pacifique, coordonné par la Communauté du Pacifique (CPS).

Il complète et appuie les politiques nationales des 22 États membres, de la Papouasie Nouvelle-Guinée à la Polynésie française, en proposant un panel de services intégrés de surveillance de la santé publique sur une zone de 30 millions de km2.

Ce réseau a été créé en 1996 sous l’égide commune de la CPS et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Si sa priorité est la surveillance des maladies épidémiques, le ROSSP accentue désormais la coopération sur la lutte anti-vectorielle, l’antibiorésistance et la surveillance des impacts sanitaires du changement climatique.

Ce nouveau programme prévoit la formation de 80 professionnels de santé chargés de la surveillance sanitaire et du suivi des épidémies sur le terrain. Il œuvre également au renforcement des capacités de la recherche, via une consolidation des compétences des laboratoires.

Le réseau intégrera aussi les facteurs environnementaux et climatiques pour améliorer son suivi épidémiologique. À terme, grâce à ce nouvel outil perfectionné, la Communauté du Pacifique devrait être mieux préparée en cas de crise sanitaire. Elle comblera également le manque de capacités des petits États isolés du Pacifique, au bénéfice de l’amélioration de la santé des habitants de la région.

Source : Agence française de développement.

Pour soutenir le ROSSP, l’AFD a mis trois millions d’euros à disposition de la Communauté du Pacifique sur une durée de trois ans à compter de 2018.

Ces dispositifs de surveillance épidémique régionaux font donc lobjet de financement étatique français, mais dans des cadres limités et en mobilisation des ressources diverses.

L’importance de cette coordination régionale pour la santé publique justifierait quun financement pérenne soit mis en place au sein de la mission « santé » du budget de lÉtat.

Proposition n° 25 : Pérenniser, étendre et inscrire au sein de la mission « santé » du budget la contribution française aux réseaux régionaux de surveillance épidémique.

B.   Mieux lutter contre les ÉPIDÉmies avÉRÉes

1.   Préparer et mobiliser les moyens nécessaires à la lutte contre les épidémies vectorielles relève dorénavant du dispositif Orsec

Avant 2019, les plans de lutte contre les épidémies avérées étaient différents suivant les territoires : plan anti-dissémination en métropole, programme de surveillance, d’alerte et de gestion des épidémies de dengue (PSAGE dengue) dans les départements français d’Amérique, dispositif Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile) à Mayotte et à La Réunion.

Le plan anti-dissémination mis en place par la direction générale de la santé ([295])

En 2006, le ministère chargé de la santé a élaboré un plan national anti-dissémination du chikungunya et de la dengue. Ce plan prévoit, pour la métropole, la mise en place d’une surveillance entomologique et épidémiologique pour prévenir et évaluer les risques de dissémination, renforcer la lutte contre les moustiques vecteurs, informer et mobiliser la population et les professionnels de santé et développer la recherche et les connaissances.

Ce plan organise et guide les décisions à prendre, ainsi que les opérations à mettre en œuvre par les partenaires d’un dispositif pluridisciplinaire de surveillance entomologique, épidémiologique et virologique, et de gestion de la réponse de santé publique, face au risque d’émergence d’une transmission autochtone des deux arboviroses tropicales, sur le sol métropolitain.

Le plan comprend 6 niveaux de risque (0 à 5), caractérisés par des indicateurs de nature entomologique (niveaux 0 et 1) et épidémiologique (niveaux 2 à 5). À chacun des niveaux de risque correspond une série de mesures opérationnelles clairement attribuées aux différents partenaires du dispositif :

Niveau albopictus 0 : 0a absence d’Aedes albopictus.

   0b Présence contrôlée d’Aedes albopictus

Niveau albopictus 1 : Aedes albopictus implanté et actif.

Niveau albopictus 2 : Aedes albopictus implanté et actif et présence d’un cas humain autochtone confirmé de transmission vectorielle de chikungunya ou dengue.

Niveau albopictus 3 : Aedes albopictus implanté et actif et présence d’un foyer de cas humains autochtones. (Définition de foyer : au moins deux cas groupés dans le temps et l’espace)

Niveau albopictus 4 : Aedes albopictus implanté et actif et présence de plusieurs foyers de cas humains autochtones. (foyers distincts sans lien épidémiologique ni géographique entre eux)

Niveau albopictus 5 : Aedes albopictus implanté et actif et épidémie :

   5a répartition diffuse de cas humains autochtones au-delà des foyers déjà individualisés.

   5b épidémie sur une zone élargie avec un taux d’attaque élevé qui dépasse les capacités de surveillance épidémiologique et entomologique mises en place pour les niveaux antérieurs et nécessite une adaptation des modalités de surveillance et d’action.

Le plan est en place depuis juillet 2006, et fait l’objet d’une réactualisation annuelle par l’ensemble des partenaires avant le début de la saison d’activité vectorielle en métropole (1er mai – 30 novembre), pendant laquelle le plan est activé. Santé Publique France exerce la surveillance épidémiologique et évalue le risque de transmission virale autochtone, au sein de ce dispositif. À ce titre, l’agence appuie les agences régionales de santé (ARS) dans la surveillance épidémiologique et les investigations de routine (Cire) et dirige les investigations approfondies autour d’éventuels cas autochtones, afin d’orienter les mesures visant à interrompre la transmission du chikungunya et/ou de la dengue en métropole. En France, depuis juillet 2006, le chikungunya et la dengue sont des maladies à déclaration obligatoire sur l’ensemble du territoire métropolitain.

Dans la zone d’implantation vectorielle, le Plan anti-dissémination du chikungunya et de la dengue comprend la mise en œuvre d’une surveillance épidémiologique renforcée, en amont de la déclaration obligatoire des cas biologiquement confirmés. Pour accroître la réactivité de la mise en œuvre des mesures anti-dissémination, la surveillance renforcée cible les cas suspects cliniquement.

Devant tout cas suspect importé potentiellement virémique, les ARS informent immédiatement les acteurs de la lutte anti-vectorielle (LAV) et une prospection et/ou un traitement adapté sont mis en œuvre sans attendre les résultats des examens biologiques. La confirmation du diagnostic biologique est effectuée par le Centre national de référence (CNR) des arbovirus, ou son laboratoire associé. Dans l’éventualité d’une transmission locale des virus, les premiers cas autochtones doivent être systématiquement confirmés par le CNR ou son laboratoire associé, quel que soit le laboratoire ayant établi le diagnostic initial. Les dispositions du plan sont appliquées dans l’aire géographique où Aedes albopictus, potentiellement vecteur du chikungunya et de la dengue, est durablement implanté. La zone d’application du plan s’étendra en conséquence.

Le décret n° 2019-258 du 29 mars 2019 relatif à la prévention des maladies vectorielles a introduit dans le code de la santé publique un nouvel article R. 3114‑12 qui charge dorénavant le préfet d’établir, dans le cadre du dispositif Orsec, « un dispositif spécifique de gestion des épidémies de maladie à transmission vectorielle, en cas de risque sanitaire avéré » comprenant notamment trois volets :

« 1° Les mesures de désinsectisation, notamment pour lintervention autour des cas humains de maladies ou pour limiter la transmission des maladies vectorielles ainsi que le risque épidémique ;

« 2° Le recensement des organismes publics ou privés qui peuvent contribuer à la lutte contre les insectes vecteurs et leur mobilisation ;

« 3° Les actions dinformation et de sensibilisation du public aux mesures de prévention et de protection individuelles. »

Le dispositif Orsec

Le dispositif Orsec est institué par l’article 14 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, codifiée en 2012 au titre IV du livre VII du code de la sécurité intérieure.

Le décret n° 2005-1157 du 13 septembre 2005 relatif au plan Orsec et pris pour application de l’article 14 de la loi de modernisation de la sécurité civile est codifié dans la partie réglementaire aux articles R. 741-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.

Ces dispositions précisent que le plan Orsec s’inscrit dans le dispositif général de la planification de défense et de sécurité civiles. Il organise la mobilisation, la mise en œuvre et la coordination des actions de toute personne publique et privée concourant à la protection générale des populations.

Le dispositif opérationnel Orsec constituant une organisation globale de gestion des événements est adapté à la nature, à l’ampleur et à l’évolution de l’événement par son caractère progressif et modulaire. Il organise l’échange d’informations provenant des personnes publiques et privées afin d’assurer une veille permanente.

Cette organisation globale prévoit des dispositions générales traitant des éléments nécessaires à la gestion de tout type d’événement, complétées, le cas échéant, par des dispositions spécifiques pour faire face aux conséquences prévisibles de chacun des risques et menaces recensés.

Le dispositif ORSEC comprend :

– un inventaire et une analyse des risques et des effets potentiels des menaces de toute nature pour la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement, recensés par l’ensemble des personnes publiques et privées ;

– un dispositif opérationnel répondant à cette analyse et qui organise dans la continuité la réaction des pouvoirs publics face à l’événement ;

– les modalités de préparation et d’entraînement de l’ensemble des personnes publiques et privées à leur mission de sécurité civile.

Chaque plan Orsec fait l’objet d’une révision au moins tous les cinq ans portant sur l’inventaire et l’analyse des risques et des effets potentiels des menaces, le dispositif opérationnel et les retours d’expérience.

L’architecture du plan Orsec départemental est organisée en dispositions générales et en dispositions spécifiques.

Les dispositions générales forment le tronc commun du plan avec notamment l’organisation de gestion de crise, l’alerte, la remontée d’information, les structures de commandement, ainsi que l’organisation de missions pré-identifiées, appelées « modes d’action », correspondant au traitement de situations types que l’on rencontre lors d’événements graves selon le mode d’action « Secours à de nombreuses victimes » dit ORSEC NOVI (anciennement appelé plan Rouge)

– alerte et information des populations ;

– évacuation des populations ;

– hébergement, ravitaillement, soutien des populations sinistrées ;

– protection du patrimoine culturel ;

– rétablissement et approvisionnement d’urgence des réseaux électricité, communications électroniques, eau, gaz, hydrocarbures :

– procédures communes du mode de gestion des décès massifs.

Les dispositions spécifiques forment une boîte à outils intégrant les éléments spécifiques aux risques particuliers. Elles intègrent les éléments des anciens plans de secours spécialisés (PSS) et plans particuliers d’intervention.

Elles complètent les dispositions générales, en organisant une chaîne de commandement adaptée et en préparant les réponses adaptées à certains risques de nature particulière.

Les risques pouvant faire l’objet de dispositions spécifiques Orsec sont notamment :

– les risques naturels : inondations, avalanches, cyclones, séismes…

– les plans particuliers d’intervention (risques technologiques localisés) : installations nucléaires, usines chimiques, pétrolières, installations classées dites « Seveso », stockages souterrains de gaz, barrages, infrastructures liées au transport des matières dangereuses, laboratoires utilisant des micro-organismes pathogènes...

– les autres risques technologiques : transport de matières dangereuses, de matières radioactives, accident de transport collectif …

– les risques sanitaires : pandémies, canicules, épizooties…

– opérations de secours en site spécifique : secours en montagne, secours en milieu souterrain.

Le plan de lutte contre les arboviroses (dengue, chikungunya, Zika) est un dispositif spécifique du plan ORSEC départemental. Ce plan décrit la stratégie et les moyens de lutte contre ces maladies transmises par les moustiques sur le territoire en fonction de différents niveaux de risque. Chaque acteur dispose ainsi d’une fiche synthétique résumant par niveau les actions à mettre en œuvre.

Le plan comprend cinq niveaux. Le passage d’un niveau à l’autre et la coordination de la gestion de l’évènement sont assurés par le directeur général de l’ARS, pour ce qui concerne les niveaux de veille (niveau 1) et d’alerte (niveau 2) et par le préfet à partir du déclenchement du niveau épidémique (niveaux 3 et plus).

Les niveaux du plan Orsec arboviroses

 

La rapporteure se félicite que la lutte contre les épidémies fasse ainsi l’objet d’une rationalisation dans un cadre national décliné localement par les acteurs départementaux.

L’articulation entre le rôle de l’agence régionale de santé, en charge de la surveillance et de l’alerte, et le rôle du préfet, en charge de la réquisition des moyens nécessaires à l’endiguement des épidémies avérées.

2.   Se préparer aux prochaines épidémies de paludisme en disposant de stocks de moustiquaires imprégnées

À plusieurs occasions, des personnes auditionnées par la commission d’enquête ont mis en exergue le fait que les moustiquaires imprégnées à la deltaméthrine, pourtant recommandées par l’Organisation mondiale de la santé pour lutter contre le paludisme, ne pouvaient être utilisées dans l’Union européenne.

Le difficile recours aux moustiquaires imprégnées

Certaines moustiquaires imprégnées de deltaméthrine sont recommandées par l’Organisation mondiale de la santé pour éviter la transmission des maladies vectorielles transmises par les moustiques et notamment du paludisme, transmis par des moustiques Culex actifs la nuit.

En France, ces moustiquaires n’ont pas fait l’objet de demande d’autorisation de mise sur le marché : elles ne peuvent, par conséquent, pas être utilisées conformément au règlement (UE) n° 528/2012 du 22 mai 2012 relatif à la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (ou règlement « Biocides »).

L’article 55 du règlement européen précité prévoit cependant que l’utilisation d’un produit biocide qui ne remplit pas les conditions d’autorisation peut être autorisée pour une période n’excédant pas 180 jours, « en vue dune utilisation limitée et contrôlée sous la supervision de lautorité compétente si une telle mesure est nécessaire en raison dun danger menaçant la santé publique, la santé animale ou lenvironnement qui ne peut être maîtrisé par dautres moyens ».

Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Zika qui a sévi en 2016 dans les départements français d’Amérique, le Haut Conseil de la santé publique a préconisé que la France dépose auprès de l’Union Européenne une demande de dérogation pour l’utilisation de moustiquaires imprégnées à la deltaméthrine longue durée.

Dans ce contexte, l’Anses a recommandé l’utilisation de telles moustiquaires. Elle a recommandé toutefois, de fixer la moustiquaire autour du lit des nouveau-nés et des enfants de façon à ce qu’elle soit difficilement accessible, afin d’éviter la mise à la bouche. Elle a recommandé par ailleurs d’utiliser des moustiquaires dont l’efficacité a été validée par l’OMS et de limiter fortement les lavages étant donnée la forte toxicité de la deltaméthrine pour l’environnement aquatique ([296]).

En conséquence, un arrêté du 23 février 2016 a autorisé par dérogation la mise à disposition sur le marché et l’utilisation de moustiquaires imprégnées à la deltaméthrine dans les départements et collectivités d’Outre-mer pour une période de 180 jours ([297]).

Ainsi comme le Pr Fabrice Chandre, le Dr Vincent Pommier de Santi a souligné le rôle des moustiquaires imprégnées :

« Nous avons utilisé à Djibouti des moustiquaires imprégnées dinsecticide et nous avons toujours des difficultés lorsquil sagit dutiliser des moustiquaires imprégnées dinsecticide – qui sont des armes efficaces dans la lutte contre les vecteurs – parce que nous avons des restrictions en France alors que, en parallèle, nous soutenons par lintermédiaire du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et de lOrganisation mondiale de la santé lutilisation de ces mêmes moustiquaires pour les populations qui en ont besoin.

« Javais déjà rencontré cette problématique quand jétais en Guyane. Cela avait donné lieu à une expertise rapide et très efficace de lAgence nationale de sécurité sanitaire de lalimentation, de lenvironnement et du travail (Anses) qui nous avait permis dutiliser en situation exceptionnelle ces moustiquaires imprégnées de pyréthrinoïdes de synthèse. Je crois que la question des moustiquaires, dans la transmission vectorielle, est cruciale. Même si nous avons ici affaire à un moustique diurne, cela reste important pour protéger les malades. » ([298])

Tirant les conséquences des pénuries rencontrées dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, il propose ainsi de disposer de stocks pour faire face à de futures épidémies :

« Je pense quun vrai travail est à faire pour disposer dun stock de moustiquaires efficaces, des stocks stratégiques. Nous avons bien vu, avec la Covid-19, à quel point il est nécessaire de disposer de ces stocks stratégiques. Si un jour une épidémie doit survenir, il faut que ces stocks soient présents, quils soient validés dans leur utilisation par les autorités compétentes, ici lAnses, dans une situation spécifique dans laquelle la balance bénéfices-risques est forcément en faveur du bénéfice dutilisation. » ([299])

Proposition n° 26 : Dans le cadre d’un examen de la balance de risques, constituer un stock de moustiquaires imprégnées pouvant être distribuées dans les territoires confrontés à une épidémie avérée de paludisme.

3.   Impliquer les ressources du service de santé des armées au plus près du terrain

Comme les auditions de la commission d’enquête l’ont mis en valeur, le service de santé des armées possède une expertise forte sur les arboviroses.

Le service de santé des armées est composé de 14 700 d’hommes et femmes civils et militaires et de plus de 3 000 réservistes. Son rôle est d’assurer, en toutes circonstances, le soutien médical des forces armées (Terre, Air, Marine) et de la Gendarmerie en métropole comme sur les théâtres d’opérations.

Pour ce faire, le SSA a organisé une chaîne santé complète et autonome, de soins, d’expertises, de recherche, de formation et de ravitaillement en produits de santé.

Le service de santé des armées contribue à la politique de santé publique avec ses 8 hôpitaux ouverts à tous, sa participation à la gestion des risques dans le domaine de la santé et aux secours en cas de catastrophes naturelles.

La prise en charge des victimes, potentiellement « sous le feu », leur catégorisation, leur mise en condition « à l’avant », en prenant toujours en compte le facteur temps et sécuritaire, est l’aboutissement d’une longue expérience du service de santé des armées français, fortement éprouvée ces dernières années sur les divers théâtres d’opérations.

Ayant suivi le déploiement des troupes Outre-mer, le SSA a développé une compétence en santé publique et en maladies infectieuses, le déploiement de l’armée française sur de nombreux théâtres d’opérations extérieure explique le maintien de cette compétence. Ceci s’illustre dans une compétence historique, la formation médicale, à l’Institut de médecines tropicales au Pharo à Marseille, aujourd’hui fermé, et dans les hôpitaux militaires.

Salué pour sa réactivité lors des épisodes de crise épidémique aiguë, le service de santé des armées (SSA) est particulièrement opérationnel : sa gestion de la protection contre lépidémie de chikungunya à Djibouti, en 2019, a ainsi permis de circonscrire à quelques cas le nombre de membres touchés au sein de la communauté militaire de la base française (militaires, familles, personnels civils français et locaux), alors que dans le même temps la population djiboutienne a été particulièrement touchée.

Lors de son audition le Dr Vincent Pommier de Santi, a précisé, les différentes phases opérationnelles de la réussite de la maîtrise de l’épidémie de chikungunya à Djibouti : « Que doit-on retenir de cette expérience ? Lessentiel est dans lorganisation de la réponse. Pour reprendre les principaux points, la réponse comprend plusieurs phases : lanticipation et lévaluation, la quantification du risque ainsi quune phase dadhésion individuelle et collective aux mesures qui sont proposées. Nous avons cette chance dans les armées de pouvoir dialoguer directement avec le commandement pour construire les actions dun point de vue global pour lensemble de la population. Ici, cest quelque chose qui a parfaitement fonctionné. On peut sen féliciter » ([300]).

L’analyse de cette gestion de crise permet d’évaluer les actions qui fonctionnent sur le terrain même si tout n’est pas transposable du domaine militaire au domaine civil. Une meilleure articulation entre le service de santé des armées et les agences régionales de santé pourrait permettre de mieux coordonner les réponses en situation épidémique et post-épidémique.

Une gestion exemplaire :
le plan de protection contre lépidémie de chikungunya à Djibouti en 2019

Alerté de la présence d’une épidémie de chikungunya à Dire Dawa, une ville éthiopienne, reliée à Djibouti par voie ferroviaire, routière et aérienne, le Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, dépendant du service de santé des armées, a mené une action préventive précoce et a réussi à circonscrire la crise épidémique. Grâce à une action rapide, collective et coordonnée, seuls quelques cas ont été déclarés à Djibouti parmi le personnel formant le contingent armé présent.

Quelle gestion de la crise ?

Première étape : anticipation

Une veille opérationnelle aux alentours des théâtres d’opérations a permis d’anticiper le risque épidémique, risque épidémique qui s’est avéré. Tous les facteurs étaient réunis pour que l’épidémie se déclare : présence du vecteur, Aedes Aegypti, population naïve non immunisée, proximité du foyer infectieux.

Seconde étape : détection

Plus la détection est précoce, plus l’épidémie a des chances d’être circonscrite. La détection virologique est effectuée par le centre national de référence (CNR) des arbovirus en France, qui est également localisé au sein du service de santé des armées.

Troisième étape : envoi dune équipe de spécialistes multidisciplinaire sur le terrain

Médecins de santé publique, épidémiologistes, infectiologues, logisticiens et le CNR ont collaboré pour trouver sur le terrain une réponse appropriée. Cette réponse prend une double forme, de diagnostic et de surveillance épidémiologique d’une part, et d’organisation du parcours de soin d’autre part.

Quatrième étape : intervention sous la forme dune démarche de protection participative

Une fois les premiers cas déclarés, il est nécessaire de faire adhérer la population aux mesures de protection qui s’organisent en trois cercles, lhomme, lhabitat puis lemprise à savoir le camp militaire. Sans adhésion, la protection savère inefficace.

S’agissant de l’homme, des moustiquaires imprégnées ont été fournies au personnel et à leur famille (une moustiquaire individuelle par personne) ainsi que des répulsifs remboursés, accompagnés d’une campagne d’information de santé publique. La prise en charge matérielle par le régime social militaire a participé à la bonne adhésion à la politique de santé publique de protection.

Dans l’habitat, la protection s’est limitée à l’installation de grillages moustiquaires aux fenêtres, et aux portes lorsque cela s’avérait possible. Le choix conscient a été de ne pas utiliser d’insecticides au sein des habitations du fait de la méconnaissance des situations de bio-résistances.

Au niveau de l’emprise, la protection a été axée sur la destruction des gites larvaires, le drainage des eaux ainsi que leur assainissement par l’utilisation d’un biocide naturel, Bacillus thuringiensis israelensis.

Bilan : 57 cas de chikungunya déclarés, 56 cas de dengue, ce qui correspond à 2 % de leffectif. A contrario, les entreprises présentes ont déclaré plus d’un tiers de leurs salariés contaminés.

Cependant, les auditions ont également révélé que ces compétences en matière de santé publique et de lutte contre les épidémies pouvaient fonctionner en silo – les informations utiles en matière de surveillance des épidémies étant transmises aux autorités de tutelle à Paris et non à la cellule dintervention en région de Santé Publique France ou à lagence régionale de santé territorialement compétentes.

C’est pourquoi la rapporteure préconise de mieux utiliser les capacités dexpertise et de déploiement du service de santé des armées, en les reliant de façon plus horizontale avec les agences régionales de santé, afin que l’exercice de ces missions puisse également profiter au suivi épidémique de la population locale.

Proposition n° 27 : Mieux utiliser les capacités d’expertise et de déploiement du service de santé des armées, en assurant un dialogue avec les agences régionales de santé.

4.   Utiliser les retours d’expérience pour améliorer les dispositifs de lutte contre les épidémies Outre-mer

Les acteurs de la santé, et en particulier les responsables des agences régionales de santé ultramarines, ont souligné que l’épidémie de Covid-19 en cours a nécessité le déploiement de moyens inédits et ainsi dégagé des leçons utiles pour la conduite de la lutte contre de futures épidémies, notamment dans les territoires ultramarins.

Ainsi Mme Clara de Bort, directrice générale de l’ARS de la Guyane, a souligné les enseignements et améliorations pouvant être tirés de la lutte contre la Covid-19, et notamment grâce à la mise en place d’outils modernisés de remontée des cas de maladies à déclaration obligatoire (cf. supra, II.B.6).

Au niveau international, la 71ème Assemblée mondiale de la santé de mai 2018 a d’ailleurs adopté un plan stratégique mondial quinquennal pour améliorer la préparation et l’action de santé publique, qui propose entre autres le retour d’expérience comme outil d’évaluation et de suivi des capacités en vertu du Règlement Sanitaire International (RSI).

Au niveau européen, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a également publié en novembre 2018 un rapport technique visant à fournir des orientations aux professionnels de la santé publique souhaitant réaliser un retour d’expérience ([301])

La direction générale de la santé a récemment publié un guide méthodologique pour la formalisation des retours d’expérience ; comme le rappelle le Pr Jérome Salomon dans sa préface, « en contribuant à une meilleure maîtrise des risques sanitaires, la mise en place dun retour dexpérience constitue un processus fondamental dapprentissage permettant de renforcer les actions de prévention et la gestion des situations durgence sanitaire. Pour faire face aux situations futures, la constitution dune mémoire collective des situations durgence sanitaire constitue un enjeu majeur de la pratique des retours dexpérience. Cest pourquoi, la culture et la pratique du retour dexpérience doivent faire partie intégrante de lensemble des organisations sanitaires étatiques : directions ministérielles, agences sanitaires nationales et agences régionales de santé, services déconcentrés » ([302]).

Aussi, la rapporteure estime indispensable que cette culture se diffuse et qu’à l’issue de chaque épisode épidémique, un rapport de retour d’expérience, réalisée en partenariat avec les responsables, mais aussi les soignants ou les intervenants au plus près du terrain, soit réalisé par le ministère de la santé, en coopération avec les agences régionales de santé et les agences nationales.

Proposition n° 28 : Formaliser les dispositifs de retours d’expérience, avec production d’un rapport à l’issue de chaque épidémie.

 


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V.   Porteuse d’innovations prometteuses, la recherche scientifique en matiÈre de lutte contre les vecteurs et les arboviroses requiert un cadre et des moyens pÉrennes

L’intitulé de la résolution créant la présente commission d’enquête invitait celle-ci à « évaluer les recherches » concernant la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles. Les travaux de la commission d’enquête amènent un double constat :

 le niveau dexcellence de la recherche scientifique française en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses ;

 labsence de nécessité de créer une structure dédiée, notamment sous la forme dune agence.

Pour autant, ce choix n’est pas synonyme d’absence de recommandations, bien au contraire. Ne pas créer a priori une structure dédiée répond à un impératif : garder la souplesse nécessaire à la créativité inhérente à toute activité de recherche. En effet, non seulement la recherche gérée en silo est rarement fructueuse, mais certains choix opérés dans le passé ont eu des conséquences regrettables en termes de pertes de compétences, en particulier dans le domaine de lentomologie médicale ou de la taxonomie, alors que la recherche scientifique en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses requiert une transdisciplinarité essentielle.

Ne pas opter pour la création dune structure dédiée implique néanmoins de redessiner le cadre de la recherche scientifique en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses pour pallier les faiblesses de certaines de ses composantes et garder le niveau dexcellence atteint par la France dans ce domaine.

Le constat est, en effet, sans appel : si la recherche scientifique française en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses est d’un excellent niveau, reconnu internationalement comme tel, certains facteurs pourraient remettre en cause cette excellence, tant en termes de financement que de développement des compétences ne serait-ce que pour peser, tant au niveau international qu’européen sur les choix induits : les moustiques tigre ne connaissant pas, par définition, les frontières, comme l’ont rappelé, à juste titre, l’ensemble des chercheurs auditionnés par la commission d’enquête. ([303])

C’est pourquoi la rapporteure a fait le choix de mobiliser les acteurs et les financements existants plutôt que de créer une structure dédiée, structure dédiée qui pourrait s’avérer nécessaire en cas d’échec : à savoir en l’absence de suivi des recommandations émises par le présent rapport.

Proposition n° 29 : Privilégier la mobilisation et la mise en réseau des moyens existants à la création d’une agence nationale de recherche sur les vecteurs et les arboviroses.

A.   Des pÔles de recherche qui existent mais qui ne bÉNÉficient pas toujours d’un financement et d’outils adaptéNT

La recherche scientifique française en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses est à la fois riche et peu structurée : elle comprend de nombreux pôles de recherche quil appartient, selon la rapporteure non seulement de mieux coordonner mais également de mieux financer.

En effet, la diversité des pôles de recherche met en évidence l’excellence scientifique française sans que pour autant le financement associé soit à la hauteur des enjeux.

Pour le Pr Xavier de Lamballerie, « La France a lun des plus grands potentiels de recherche en arbovirologie, ce qui ne manque pas de fasciner nos collègues étrangers ! Avec nos territoires situés dans le Pacifique, dans locéan Indien, en Amérique du Sud et dans la Caraïbe, nous traitons dune variété darbovirus colossale, sans compter ceux présents en métropole. Ce potentiel unique nest pas correctement exploité, pour des raisons qui tiennent, encore une fois, au manque de financement et de coordination. » ([304])

1.   Une recherche structurée récemment

Plusieurs pôles organisent de la recherche en matière de lutte contre les maladies vectorielles et la lutte contre les arboviroses.

Ainsi lAlliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) regroupe plusieurs instituts thématiques, dont lInstitut thématique multi-organismes « Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie » (ITMO I3M), dédié aux maladies infectieuses.

Au sein de cet institut un consortium REACTing (pour Research and Action Targeting Emerging Infectious Diseases) a été mis en place en 2014 pour se consacrer à l’étude des pathologies infectieuses émergentes dans les situations de crise.

Comme son nom l’indique, REACTing a pour mission de débloquer des fonds en urgence pour amorcer des projets en cas de situation démergence ou de réémergence dune maladie infectieuse. Comme l’ont exposé les membres de REACTing lors de leur audition, « parmi nos autres missions figure en bonne place la recherche de financements. Nous aidons à lancer des projets de recherche, grâce à des financements dimpulsion, mais nous menons surtout tout un travail de plaidoyer auprès des ministères et des institutions européennes, pour obtenir de plus gros financements. Nous sommes, pour notre part, financés par le ministère de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation, à hauteur de 500 000 euros annuels. » ([305])

Jusqu’à la création dArbo-France, il y a environ un an, par le professeur Xavier de Lamballerie, REACTing « ne comportait pas de groupe sur les arboviroses – ce qui était anormal, les arboviroses ayant représenté trois quarts des émergences en France et dans le monde ces dix dernières années. Jai donc proposé de créer Arbo-France. » ([306])

L’ambition dArbo-France est de réunir la communauté qui travaille sur les arboviroses « sous une seule bannière afin que les acteurs se parlent, aient accès aux informations, conçoivent ensemble des projets de recherche et en demandent le financement Arbo-France est avant tout un réseau relationnel, sans moyens financiers propres, qui regroupe les membres de lInserm, du CNRS, du CEA, de lIRD, de lInstitut Pasteur, de lAnses et de Santé publique France, pour partager lensemble des données disponibles sur les arboviroses humaines et animales. » ([307])

En effet, la question du financement en matière de recherche sur les maladies vectorielles et la lutte contre les arboviroses, reste cruciale.

2.   Un financement qui reste souvent réactif face aux évènements épidémiques

Labsence de stratégie à long terme voire labsence de stratégie en matière de lutte contre les maladies vectorielles se révèle être la première des faiblesses de l’organisation de la recherche scientifique française.

En effet, l’un des reproches récurrents, apparu lors des auditions, est labsence dune stratégie de financement de la recherche sur le long terme, avec pour corollaire un saupoudrage des crédits en fonction de lactualité médiatique au détriment dune recherche efficace et adaptée à lémergence et la réémergence de maladies vectorielles.

Selon le Dr Louis Lambrechts, les programmes de recherche sur le long terme consacrés à des recherches fondamentales pour comprendre lémergence dune arbovirose, « parce quils sont longs et donc coûteux, que lon na aucune garantie de succès, sont abandonnés au profit de méthodes court-termistes qui consistent à financer sur trois, quatre ou cinq ans des programmes très ciblés, mais qui sarrêtent ensuite ou qui ne vont pas forcément avoir de suite. » ([308])

Or « pour étudier des phénomènes aussi compliqués que lémergence des arbovirus, il faut vraiment un suivi à long terme. On ne peut pas comprendre en réagissant dans lurgence mais nous navons aucune connaissance à long terme des écosystèmes qui favorisent ce type démergence. Je pense que sil fallait investir dans un domaine, ce serait justement dans ces observatoires naturalistes où lon étudie lécologie et lhistoire naturelle des arbovirus et des pathogènes émergents en général. » ([309])

Ces financements à courte vue ne permettent pas de développer une approche holistique – qui prenne en compte toutes les composantes de la maladie vectorielle, de l’émergence du virus jusqu’à son éradication – en matière de lutte contre les maladies vectorielles et les arboviroses, alors que le caractère endémique de leur émergence est aujourd’hui clairement avéré.

Le professeur Fabrice Simon, spécialiste du chikungunya, s’est notamment ému de ces financements limités dans le temps qui ne sont pas en phase avec le temps de la recherche mais avec celui de la crise épidémique et de lexposition médiatique : « Ce qui est assez difficile actuellement, cest que toutes ces épidémies darboviroses ressemblent à du pop-corn. Quand cela arrive, cela saute, cela fait beaucoup de bruit. Le temps que nous arrivions pour mettre notre protocole de recherche, lépidémie est déjà terminée et nous ne pouvons plus inclure de dossiers, nous ne pouvons plus inclure de malades. Nous ne pouvons pas avancer scientifiquement si nous nanticipons pas. » ([310])

L’exposition médiatique due à l’émergence d’une autre maladie vectorielle, le Zika, a ainsi eu pour corollaire l’arrêt des financements des programmes alloués au chikungunya : « la réponse médiatique, émotionnelle et financière sest portée sur le Zika et nous avons perdu lopportunité de construire quelque chose pour le chikungunya. Je pense que nous navons pas eu la possibilité de faire un travail de fond. En 2020, nous sommes encore, pour la prise en charge des cas, dans une situation qui est proche de celle de 2008-2009. » ([311])

Cette situation n’est pas sans conséquences sur la perte de chances des malades ayant développé une chronicité de la maladie du fait de l’absence de suivi post-épidémique.

Pour autant, le Pr Xavier de Lamballerie, coordonnateur du consortium de recherche Zikalliance qui a pu bénéficier de financements élevés (12 millions d’euros) lors de l’émergence de l’épidémie de Zika, nest pas moins critique sur lallocation des fonds ou sur labsence de suivi, une fois lexposition médiatique passée. Ainsi il reconnaît :

« Si je devais être cruel, je dirais que ce projet a pâti de trop faibles apports financiers. Même si la somme de 12 millions peut paraître élevée, elle est insuffisante. Pour donner un ordre de grandeur, et sans entrer dans les détails, lensemble des financements européens sur le virus Zika représentent entre un huitième et un dixième des sommes dont les scientifiques américains ont disposé pour faire le même travail ! Je ne crois pas quil y ait ce rapport en termes de ressources économiques entre lUnion européenne et les États-Unis. En outre, cet argent est arrivé trop tard : les méandres administratifs ont fait que nous lavons reçu alors que lépidémie touchait à sa fin. Si nous navions pas adopté rapidement des mesures de sauvegarde liées aux capacités nationales et à celles, individuelles, des chercheurs, nous naurions obtenu aucun résultat. Certes, largent a permis de financer par la suite des travaux – brillantissimes – en recherche fondamentale, mais six ou neuf mois auparavant, il aurait permis une intervention efficace en cours dépidémie.

« Enfin, aussi passionnant et efficace que soit ce type de programme, il ne se prolonge pas dun suivi à moyen et long termes – tout sarrête avec le projet. Dans ce domaine, une pathologie émergente chasse lautre ; à la fin dune épidémie, il ny a plus de financements pour continuer de travailler. Cette situation déternel recommencement interdit tout progrès. Chaque fois quun pathogène réémerge, nous navons pas fait le moindre progrès depuis lépidémie précédente. » ([312])

Outre les pertes de compétences induites dans des domaines de recherche majeurs, ce mode de financement, uniquement sur des projets à court terme, a des conséquences particulièrement regrettables, une fois lépidémie passée.

Le Pr Xavier de Lamballerie a cité, à titre d’exemple, labsence de suivi, faute de financement, dune cohorte denfants « Zika DFA BB » mise en place en Guadeloupe et en Martinique, qui regroupe les bébés nés de mères infectées durant la grossesse. Alors qu’il existe un consensus médical et scientifique pour un suivi d’une durée de six ans minimum, aucun financement nest prévu, ce qui emporte une double conséquence : une absence de prise en charge sanitaire des patients et aucune avancée scientifique pour un meilleur traitement lors de la survenue de la prochaine épidémie.

Selon lui, l’absence d’une structure dédiée en matière de financement en arbovirologie rend complexe le financement de la recherche sur le plan national et explique en partie l’absence de financement pérenne des projets : « Procéder ainsi, cest ignorer un fait scientifique très simple : limmense majorité des faits démergence sont des faits de réémergence. Si cette idée simple pouvait passer auprès des tutelles, peut-être pourrions-nous trouver une base pour justifier des financements qui soutiennent de façon continue la recherche ? » ([313]).

Sans opter pour la création dune structure dédiée, la rapporteure préconise dorganiser un financement public des recherches relatives aux arboviroses par lAgence nationale de la recherche et les institutions comme lInstitut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur une base prospective et pérenne plutôt quen réaction aux épidémies constatées.

En effet, dans le cadre de la création d’une « alliance Vecteurs et arboviroses », (cf. infra, V.C.) une feuille de route relative au financement des recherches sur les arboviroses permettrait d’aborder un financement stratégique sur le long terme, en association avec l’Anses pour la recherche appliquée, et l’ANR pour la recherche fondamentale.

Proposition n° 30 : Organiser le financement public des recherches relatives aux arboviroses sur une base prospective et pérenne plutôt qu’en réaction aux épidémies constatées.

3.   Construire une meilleure visibilité en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses pour attirer davantage de financements internationaux

Le financement de la recherche en matière de vecteurs est complexe et coûteux. Il ressort de lensemble des auditions la nécessité dune approche holistique, car linterdisciplinarité est au cœur de la lutte contre les vecteurs et les arboviroses. Cette approche holistique permettrait de donner une cohérence à la recherche scientifique en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses, cohérence qui implique de construire une meilleure visibilité en faisant de la lutte contre les vecteurs et les arboviroses une mission à part entière.

Si l’ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), M. Didier Fontenille ([314]), a appelé de ses vœux à construire une Alliance européenne des vecteurs, l’ensemble des chercheurs auditionnés ont également rappelé la nécessité d’une mutualisation des moyens, pas uniquement financiers, car le moustique tigre, comme nous le rappelions, ne connaît pas les frontières et « les virus et les maladies nont pas besoin de passeport ni de visa. » ([315])

La plupart des programmes de recherche font appel à des financements européens et internationaux car la recherche, notamment appliquée, nécessite des fonds importants et les financements nationaux demeurent insuffisants.

Une structuration de la recherche européenne sur les vecteurs et les maladies vectorielles permettrait en outre de postuler à des sources de financement privé, par exemple de la Fondation Bill & Melinda Gates œuvrant particulièrement dans le domaine de la lutte contre le paludisme.

Au niveau européen, le programme Horizon 2020, qui a succédé au 7ème Programme cadre pour la recherche et le développement (PCRD) pour les années 2013-2020, et les fonds régionaux (FEDER) ont ainsi permis de financer, en partie, certains appels à projet tels que Zikalliance notamment.

Le 9ème PCRD, programme cadre pour les années 2021-2027, Horizon Europe, dont le budget prévisionnel s’élève à 100 milliards deuros, sera lancé le 1er janvier 2021. Inscrire une « stratégie vecteurs » dans le programme Horizon 2021-2027 apparaît, d’ores et déjà, essentiel, pour construire une stratégie de financement pérenne en matière de lutte contre les vecteurs et les arboviroses.

Le Pr Fabrice Chandre s’est, ainsi, inquiété, lors de son audition, de labsence de mention du terme vecteur dans la dernière version du programme : « Pour ce que jai pu en voir, le neuvième PCRD parle beaucoup des maladies infectieuses mais, sur une dizaine de pages, ne mentionne quune seule fois le mot "vecteurs", placé entre parenthèses : il semble donc quil ne fasse pas une priorité du plan que vous évoquez.

« Il a été décidé, au niveau de notre unité, dappeler lattention de nos correspondants européens sur la nécessité de renforcer la présence du mot "vecteurs" dans le texte final, afin que chacun puisse prendre conscience de limportance de consacrer des moyens suffisants à la lutte contre les vecteurs en Europe.

« Aedes albopictus nest pas le seul vecteur contre lequel nous ayons à lutter : dautres moustiques invasifs commencent à se développer en Europe – je pense notamment à Aedes japonicus et Aedes koreicus, qui ne sont pas encore présents en France mais que lon trouve dans dautres pays européens – et il est très important que nous soyons en mesure de contrôler la population de ces nouvelles espèces qui, à défaut, pourraient constituer demain des foyers épidémiques.

« Comme je vous lai dit, nous allons demander aux correspondants européens de lIRD de veiller à ce que certains mots-clés soient présents dans la version finale du neuvième PCRD : si ce nest pas le cas, nous aurons ensuite beaucoup de difficultés à obtenir des financements. » ([316])

Horizon Europe : les premières orientations
des cinq « missions » de recherche et d’innovation dévoilées 

Nouveauté du futur programme-cadre de recherche et d’innovation (R&I) Horizon Europe (2021-2027), les missions visent à répondre à de grands défis contemporains tels que l’adaptation au changement climatique, la protection des océans, la lutte contre le cancer, les villes neutres en carbone et la santé des sols.

Dans des rapports publiés le 25 juin 2020, les comités de mission composés d’experts dans les différentes thématiques abordées ont présenté de premières orientations pour chacune de ces missions. Il est prévu que les comités de mission délivrent leurs recommandations finales à la Commission européennes lors des Journées européennes de la recherche et de linnovation en septembre 2020.

1. Mission Adaptation au changement climatique

L’objectif principal est de préparer au mieux les États membres de l’Union européenne aux impacts liés aux risques climatiques.

Pour ce faire, des plans de gestion des risques climatiques seraient adoptés par les autorités locales, tandis que les régions et communautés locales seraient équipées auraient accès à des systèmes améliorés d’alerte et à des profils de risques climatiques.

En outre, des actions pour encourager les innovations systémiques seraient mises en œuvre pour faire face aux dérèglements climatiques.

2. Mission Santé des océans, des mers ainsi que des eaux côtières et intérieures

L’objectif annoncé est le rétablissement complet des écosystèmes maritimes et d’eau douce d’Europe d’ici 2030.

Plusieurs volets prioritaires sont proposés, parmi lesquels la pollution des océans, la restauration des milieux aquatiques et la décarbonisation des eaux, cette dernière pouvant notamment être atteinte en augmentant l’utilisation de l’énergie marine renouvelable et en limitant l’impact négatif du transport maritime.

Par ailleurs, des actions de sensibilisation auprès des citoyens pourraient être mises en œuvre telles que des actions culturelles et sportives.

3. Mission Cancer

La mission vise à lutter contre le cancer dans tous ses stades, de la prévention de la maladie au soutien aux survivants en passant par la prise en charge des soins palliatifs, pour l’ensemble des tranches d’âge et des types de cancers.

Un volet important serait dédié à la réduction des inégalités à l’échelle européenne en matière de traitement contre le cancer.

La mise en place d’une plateforme européenne commune de lutte contre le cancer est proposée, de même que plusieurs programmes dédiés à l’identification des facteurs de risques génétiques, le développement de techniques de détection et de techniques de chirurgie mini-invasives.

4. Mission Villes intelligentes et neutres en carbone

Alors que près des trois quarts (72 %) des quantités de gaz à effet de serre sont émis par les villes qui ne couvrent pourtant que 3 % des terres émergées, l’objectif premier est de soutenir et promouvoir 100 villes européennes modèles dans leurs efforts pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2030.

Ce délai de 10 ans est plus ambitieux que celui fixé par le plan Green Deal (qui le fixe à 2050). Cet objectif pourrait être atteint en encourageant de nouvelles formes de gouvernance participative, de nouveaux modèles économiques et de financement, de la planification urbaine intégrée et du management de l’innovation.

La mise en œuvre de cette mission passerait notamment par la signature de Contrats Ville Climat (Climate City Contracts).

5. Mission Santé des sols et alimentation

L’objet de la mission est de s’assurer que d’ici 2030, 75 % des sols dans chaque État membre de l’UE soient « sains », autrement dit que ces sols soient en capacité de fournir l’ensemble des services écosystémiques essentiels.

Il s’agit de faire face aux conséquences négatives résultant des activités humaines (artificialisation des sols, usage d’engrais...) entraînant la pollution, la dégradation et l’érosion des sols.

Parmi les pistes d’action évoquées figurent notamment le lancement d’un nouveau programme de R&I dédié à l’étude des sols, la mise en place d’un réseau de laboratoires d’innovation (living labs) impliquant étroitement la société civile, et encourager chaque État membre à se doter d’un programme de contrôle des sols.

Source : Portail français du programme européen pour la recherche et l’innovation, Horizon Europe : les premières orientations des cinq "missions" de recherche et d’innovation dévoilées, 8 juillet 2020 https://www.horizon2020.gouv.fr/cid153040/horizon-europe-les-premieres-orientations-des-cinq-missions-de-recherche-et-d-innovation-devoilees.html

À ce jour, si les cinq missions qui composent le futur programme-cadre de recherche et innovation Horizon Europe sont plutôt centrées sur la question du changement climatique, la lutte contre les maladies vectorielles napparaît pas comme une priorité en tant que telle. Dans la mesure où le programme n’a pas encore été voté par le Conseil de l’Union européenne et par le Parlement européen, il est encore possible de faire de la lutte contre les maladies vectorielles une priorité, même si elle ne s’inscrit pas au cœur de la question du changement climatique.

Proposition n° 31 : Faire de la recherche dans le domaine des vecteurs et maladies émergentes une priorité du prochain programme cadre de l’Union européenne pour la recherche Horizon Europe (2021-2027).

Le manque de visibilité de la lutte relative aux maladies vectorielles a également des conséquences sur les financements internationaux autres qu’européens. Si les maladies vectorielles sont bien identifiées en tant que telles, paludisme, chikungunya, dengue, Zika, elles le sont moins dun point de vue générique, avec le risque davoir des programmes dédiés à une seule maladie au détriment des autres, comme les auditions ont pu le montrer pour l’épidémie de Zika qui a conduit à l’assèchement des crédits alloués au chikungunya.

Linitiative de lInstitut Pasteur consistant à construire un Centre de recherche sur les maladies vectorielles, qui devrait être opérant en 2025, répond à cette triple préoccupation : financement pérenne, visibilité internationale, mutualisation des connaissances pour construire une recherche holistique et efficace.

Lors de la table ronde sur la dengue, M. David Itier, directeur du cabinet du président de l’Institut Pasteur, a précisé cette ambition : « Nous ambitionnons dêtre, dans les cinq prochaines années, un des fleurons de la recherche française sur les maladies vectorielles, avec notamment la création dun centre de recherche sur les maladies vectorielles, qui rassemblera les dix laboratoires de lInstitut Pasteur, mais qui aura aussi vocation à être ouvert aux laboratoires de nos partenaires que sont lInstitut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), lInstitut de recherche pour le développement (IRD) et les laboratoires universitaires. Si le siège historique de lInstitut se trouve à Paris, nous collaborons également avec les laboratoires du réseau international des Instituts Pasteur, notamment en Guyane, en Guadeloupe et en Nouvelle-Calédonie, territoires où la dengue est présente et où nous travaillons tant sur la surveillance que sur lépidémiologie et la vaccinologie. » ([317])

Lors de la visite de l’Institut Pasteur d’une délégation de la commission d’enquête le 18 juin 2020, la rapporteure a pu apprécier la portée de cette initiative notamment du fait du réseau des Instituts Pasteur, présents notamment dans les territoires ultramarins français et sur l’ensemble des continents.

La création dun prix de recherche « maladies vectorielles et vecteurs » unique ou double, financé par un grand institut de recherche, comme l’Institut Pasteur, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le Centre national de recherche scientifique (CNRS) ou l’Institut de recherche pour le développement (IRD), voire une fondation regroupant l’ensemble de ces instituts, serait un moyen d’attirer davantage de crédits internationaux mais également des financements privés.

Tant la Fondation Bill & Melinda Gates que la Fondation Total et la Fondation Michelin, impliquées dans le financement d’actions de lutte et de recherche contre les arboviroses, du fait du rôle joué par les pneus usagés dans la dissémination des moustiques ([318]), pourraient en être les partenaires naturels. Sur le plan institutionnel, les ministères chargés de la recherche et de la santé pourraient soutenir cette initiative.

Outre une attractivité renforcée pour les financements, cela permettrait aussi d’encourager les jeunes chercheurs sur une voie qui nécessite de mobiliser de nombreux talents.

Proposition n° 32 : Créer un double prix de recherche « maladies vectorielles et vecteurs » financé par un grand institut de recherche ou une fondation publique et des sponsors institutionnels, pour donner de la visibilité à la recherche relative aux maladies vectorielles.

4.   Un focus à développer sur les virus endémiques dans l’Outre-mer et sur les perspectives vaccinales

La création d’un centre de recherche sur les maladies vectorielles par lInstitut Pasteur répond bien à la nécessité de mettre l’accent sur les virus endémiques en Outre-mer et de travailler sur les perspectives vaccinales.

En effet, les travaux de la commission d’enquête ont montré que si certains virus sont émergents, comme Usutu ou le West Nile, certaines arboviroses sont endémiques dans lOutre-mer : la dengue, le chikungunya, et le paludisme sont actuellement présents dans le département de Mayotte. Il est d’ailleurs à déplorer que sur ce territoire, l’attention médiatique et les priorités sanitaires se soient presque exclusivement focalisées sur l’épidémie de Covid-19, alors que la dengue y a fait davantage de victimes.

Lurgence consiste donc à mettre laccent sur les virus endémiques dans les territoires ultramarins. Tant le virus de la dengue, le chikungunya que le Zika sont connus, les perspectives vaccinales existent mais nécessitent pour certains vaccins une phase 3 et des mises sur le marché.

Focaliser la recherche appliquée sur les vaccins contre les arboviroses est lune des principales recommandations de la rapporteure ; car des Français meurent encore de la dengue comme dautres arboviroses aujourdhui.

Même si la rapporteure connaît les difficultés relatives à la mise au point d’un tel vaccin du fait des quatre souches virologiques de la dengue, la recherche sur un vaccin tétravalent existe.

En outre, se pose la question de quelle population vacciner, ainsi que de l’immunité à terme et des risques pour les personnes vaccinées. L’interaction entre les vaccins, et les risques potentiels liés à l’infection par une arbovirose après vaccination contre une autre, mérite sur ce sujet une attention particulière. Pour le professeur Xavier de Lamballerie « ces questions, bien quimportantes, ne doivent absolument pas nous dissuader davancer sur la recherche de vaccins efficaces. La communauté internationale saccorde à dire que le vaccin nécessaire serait un vaccin combiné qui protégerait contre tous les pathogènes transmis par Aedes aegypti – dengue, chikungunya, Zika. Techniquement, nous en sommes très loin » ([319]).

Outre le développement industriel des vaccins et le financement des études cliniques, il apparaît nécessaire de développer la recherche sur la compatibilité des vaccins entre les différentes maladies, de manière à mettre en œuvre une stratégie efficace de vaccination.

Ainsi, si Sanofi Pasteur a développé un vaccin contre la dengue (Dengvaxia ®), la Haute Autorité de santé a rendu deux avis défavorables en 2018 et 2019 ([320]) sur l’utilisation de ce vaccin dans la stratégie de lutte contre la dengue dans les départements français d’Outre-mer. Ce vaccin n’est aujourd’hui indiqué que chez les sujets âgés de 9 à 45 ans vivant dans des zones d’endémie, et nécessite de plus un contrôle sérologique prévaccinal afin d’écarter de la vaccination les personnes séro-négatives vis-à-vis de la dengue. Chez ces personnes, le vaccin présente en effet un risque de forme sévère de dengue, en cas d’infection ultérieure. Or il n’existe pas à l’heure actuelle de test de dépistage d’un antécédent d’infection par les virus de la dengue de qualité suffisante pour la mise en œuvre d’un tel dépistage au niveau d’une population.

L’intégration des vaccins, avec leurs avantages et les inconvénients de leur emploi dans une stratégie de lutte contre les maladies vectorielles, nécessite ainsi une maitrise de ces conséquences.

Proposition n° 33 : Développer les recherches sur les vaccins contre les arboviroses en déterminant les publics pouvant en bénéficier à moyen terme.

Les territoires ultramarins, du fait de leur exposition au risque endémique des maladies vectorielles, devraient également bénéficier dun renforcement de leurs capacités de recherche. Aujourd’hui, malgré l’excellence reconnue des programmes de recherche en cours et des équipes sur place, l’insularité explique pour beaucoup la difficulté à trouver des financements idoines alors quune recherche au plus près des territoires est essentielle tant sur un plan scientifique que sociologique.

Le Pr Philippe Desprès, de l’université de La Réunion, a alerté la commission d’enquête sur ces difficultés : « Sans faire la langue de bois, il est très difficile pour nous, en tant quultramarins, de soumettre des projets qui sont en compétition avec ceux de très grandes structures métropolitaines. Lorsque les représentants de lANR nous ont présenté la répartition des financements en France, nous avons pu constater que la région parisienne absorbe 75 % des financements. Nous navons pas plus de financements ANR à La Réunion que nous en avons dans certaines régions de France. Cest un problème global dune réorientation ; ils en sont conscients. Je leur avais suggéré de faire des appels doffres un peu orientés vers lultramarin. » ([321])

La structure créée par le Pr Philippe Desprès, PIMIT pour « Processus Infectieux en Milieu Tropical », est une unité mixte de recherche qui a permis « dimplanter, directement sur les lieux démergence, des équipes mixtes métropolitaines et locales, pour être capable dinteragir le plus rapidement possible. ». Cette unité « est un prototype, un noyau très important où nous pouvons associer les acteurs locaux, y compris les universités en termes de formation, pour être en mesure de créer, y compris sur place, des équipes de renommée internationale et dagir en amont dans les veilles. » ([322])

L’unité mixte de recherche PIMIT à La Réunion : histoire, projets et perspectives

L’unité de mixte de recherche « Processus infectieux en milieu insulaire tropical » (PIMIT) a été créée le 1er janvier 2015 avec quatre tutelles : l’université de La Réunion, l’INSERM, le CNRS, l’IRD.

Cette unité de 36 membres, dont 20 chercheurs et enseignants-chercheurs mène des recherches sur les risques infectieux endémiques et émergents à La Réunion et dans les îles du Sud-Ouest de lOcéan Indien en développant une démarche multidisciplinaire et systémique.

Son objectif est de décrire selon lapproche intégrée dite « One Health », les processus infectieux survenant chez lhomme en prenant en considération les réservoirs animaux émetteurs de pathogènes zoonotiques, les écosystèmes dans lesquels ils évoluent et leur dynamique propre.

Cela implique une investigation bioclinique, épidémiologique et écologique. Les programmes de recherche visent à identifier les facteurs microbiologiques, génétiques, entomologiques, écologiques et anthropiques qui concourent à l’émergence infectieuse, à sa diffusion épidémique et/ou son maintien endémique ainsi que la compréhension des mécanismes immunopathologiques et moléculaires qui participent à la diversité d’expression clinique de l’infection chez l’hôte.

PIMIT est structurée en 2 équipes de recherche : equipe dynamique des systèmes infectieux insulaires (acronyme DySIIs) et mécanismes moléculaires et cellulaires des agents biologiques infectieux (acronyme MOCA) qui participent au développement de la recherche en santé et environnement sur les maladies infectieuses par la mise en place de programmes de recherche fondamentale et translationnelle avec les chercheurs et enseignants-chercheurs, les praticiens hospitaliers, le personnel technique, les étudiants, et les acteurs de santé publique.

PIMIT résulte de la fusion de deux entités présentes sur l’île de La Réunion : le GIS CRVOI (Centre de recherche et de veille sur les maladies infectieuses dans l’océan Indien) créé en 2007 et implanté au CYROI et l’EA4517 GRI (Groupe de recherche en immunopathologie) de l’Université de La Réunion qui date de 2010. Ces deux structures s’investissaient dans l’étude des maladies infectieuses émergentes par des approches complémentaires qui se poursuivront dans l’unité PIMIT.

 L’action de l’UMR PIMIT a une vocation régionale, ouverte sur les risques infectieux prévalent dans le sud-ouest de l’océan Indien et les pays environnants, en particulier de la côte Est de l’Afrique. Elle inscrit son action dans le partenariat national, européen, et international pour la recherche sur les risques infectieux en milieu insulaire y compris ceux émergents en renforçant les capacités de lutte et d’intervention dans le sud-ouest de l’océan Indien.

Source : site internet de l’UMR PIMIT

Pour le Pr Desprès, le projet PIMIT correspond à l’avenir de la recherche sur les maladies vectorielles, permettant d’« avoir localement des équipes de renommée internationale Il faut convaincre des jeunes talents de venir dans les territoires ultramarins. Nous avons également à La Réunion un foyer de jeunes tout à fait remarquables, qui ont été formés ou que nous formons. Certains ont fait leurs études en Europe, dautres ont fait aussi des études post-doctorales aux États-Unis. Ils ont fait leffort de revenir, étant donné la perspective de pouvoir développer leurs acquis et leurs connaissances... Il serait dommage que la Nation ne donne pas tous les espoirs à ces jeunes que lon a formés et qui sont remarquable s » ([323]). 

Ainsi, outre des appels doffres orientés vers les territoires ultramarins, le développement de financements croisés entre universités ultramarines et instituts de recherche apparaît à la rapporteure comme un préalable à la stimulation de ces recherches sur le modèle du projet PIMIT. La création dunités mixtes de recherche similaires sur lensemble des territoires ultramarins est à encourager.

Le professeur Xavier de Lamballerie, fondateur dArbo-France, soutient cette démarche et Arbo-France pourrait participer à cette structuration : « Nous devons surtout œuvrer à une coordination plus grande entre ces sites métropolitains et les plateformes ultramarines. Létape majeure est de faire monter les sites ultramarins, qui regroupent des chercheurs de très grande qualité, en commençant par favoriser les échanges : lors de lépidémie de dengue, les questionnaires et les dossiers cliniques utilisés à La Réunion venaient de Martinique et de Guadeloupe. Cette normalisation est souhaitable. Faire travailler les gens ensemble, cest une des missions dArbo-France. » ([324])

Linitiative de lInstitut Pasteur de créer un centre de recherche sur les maladies vectorielles en partenariat avec les Instituts Pasteur ultramarins pourrait également jouer un rôle pilote en la matière dans le développement de ces partenariats et inciter davantage lAgence nationale de la recherche (ANR) à accorder des financements pour ces projets.

Proposition n° 34 : Développer les partenariats, notamment par des financements croisés, entre universités ultramarines et instituts de recherche, afin de construire des pôles de recherche et d’excellence en matière de maladies vectorielles et de biologie des Aedes dans les territoires concernés.

5.   Un manque de filières de formation et de recherche en taxonomie, entomologie médicale et en impact sociologique des arboviroses

La nécessité dune approche holistique en matière de lutte contre les maladies vectorielles et les arboviroses a été rappelée par l’ensemble des chercheurs auditionnés. Cette approche correspond au concept One Health, « Un monde, une santé », développé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les années 2000, qui met l’accent sur l’interdépendance entre le monde animal, végétal et l’humain.

Labsence de vision stratégique, outre un saupoudrage des crédits, conduit nécessairement à une perte de compétences dans certains secteurs de la recherche, utiles à la lutte contre les maladies vectorielles mais qui apparaissent aujourd’hui comme obsolètes voire désuets, tels que la taxonomie, lentomologie médicale et limpact social des arboviroses.

Si la rapporteure souligne ces trois manques, cest quils sont clairement apparus lors des auditions, dautres secteurs qui nont pas directement été portés à sa connaissance sont probablement également concernés. Le même constat s’impose, alors, de ne pas en faire les parents pauvres d’une recherche qui pourrait devoir s’appuyer dans le futur sur des socles de connaissances qui auraient dès lors, disparus.

a.   Au sein des facultés de sciences, un manque de formation et de recherche en taxonomie et en entomologie médicale

Corollaire d’une vision à court terme en matière de recherche scientifique, une perte de compétence et donc de connaissances en taxonomie n’est pas sans conséquences pour le maintien d’une recherche d’excellence nécessairement pluridisciplinaire. Pour le Dr Louis Lambrechts, « Il faut conserver des compétences traditionnelles, elles aussi considérées comme un peu désuètes, comme la taxonomie. Savoir identifier des moustiques, alors quils sont ma spécialité, je nen suis plus capable. Je sais à peine reconnaître les moustiques sur lesquels je travaille. Mais il y a des milliers despèces et cette connaissance fine de la taxonomie, savoir identifier un spécimen sur le terrain, est une expertise qui est en train de se perdre. Si lon veut pouvoir comprendre les phénomènes démergence et développer des méthodes de lutte qui soient ajustées aux différentes situations à travers le monde, il faut conserver cette compétence. Les taxonomistes constituaient autrefois le gros des bataillons de la science naturaliste au Muséum national dhistoire naturelle et dans dautres institutions mais ces gens-là sont une espèce en voie dextinction » ([325]).

Aussi la rapporteure invite les facultés des sciences et les institutions de recherche à mettre en place une filière de recherche et de formation en taxonomie afin de ne pas perdre ces compétences essentielles à la recherche en matière de lutte contre les maladies vectorielles et les arboviroses. Une localisation en priorité dans les territoires ultramarins sexpliquerait eu égard à la biodiversité entomologique ultramarine.

Dans le même registre, le Pr Anna-Bella Failloux a déploré l’extinction des formations en entomologie médicale, domaine également nécessaire à la compréhension des maladies vectorielles.

En 2009, le rapport de l’IRD sur la Lutte anti-vectorielle en France notait qu’« il nexiste que 2 formations diplômantes longues de type master en entomologie, incluant lentomologie médicale, en France. Le master dentomologie appliquée à Tours, et le master international dentomologie médicale et vétérinaire proposé par luniversité de Montpellier et par luniversité dAbomey Calavi, avec laide de lIRD. Dautres formations courtes ou spécialisées sont également proposées. » ([326]). Dix ans plus tard, il semble qu’un seul master subsiste.

La rapporteure propose ainsi de maintenir, au sein des départements de biologies des facultés de sciences, en collaboration avec les institutions de recherche, une filière de formation et de recherche en entomologie médicale. Ces pôles de formation et de recherche tireraient avantage à être localisés en priorité dans les universités et centres de formation ultramarins.

Proposition n° 35 : Développer, dans les facultés des sciences, notamment ultramarines, et en collaboration avec les institutions de recherche, des filières de formation et de recherche en taxonomie et en entomologie médicale.

b.   Mieux appréhender les aspects sociaux des problématiques liés à la présence du moustique tigre et à la lutte anti-vectorielle

Outre le maintien de ces matières fondamentales dans la lutte contre les maladies vectorielles et les vecteurs, la partie relative aux sciences sociales doit être encouragée.

En effet, il est particulièrement difficile d’assurer l’efficacité des actions de mobilisation sociale, et de s’assurer du consentement de la population aux mesures de LAV (cf. supra, II.B.4).

Lors de son audition, Jocelyn Raude, chercheur en sciences sociales, a montré limportance de la prise en compte des comportements sociaux dans la lutte épidémique.

Ne pas prendre en compte ces effets dans la lutte anti vectorielle compromettrait la réussite tant des actions de préventions que de lutte anti vectorielle, raison pour laquelle la rapporteure préconise de développer la transversalité de la recherche, notamment en sciences sociales.

Proposition n° 36 : Dans le cadre des projets de recherche, développer les approches transversales impliquant les sciences sociales, afin de mieux comprendre les comportements des populations face à la prolifération des moustiques Aedes et aux moyens de lutter contre les maladies vectorielles.

B.   AmÉliorer les connaissances et diversifier les outils pour lutter contre les vecteurs

Une partie de la recherche en matière de lutte contre les maladies vectorielles et les arboviroses dépend de l’avancée en termes de maîtrise des connaissances pour diversifier les outils pour lutter contre les vecteurs. En effet, outre la découverte de nouveaux outils, il importe de mieux évaluer ces techniques, leur efficacité. Ces questions entrent davantage dans le champ de la recherche appliquée mais n’en sont pas moins, pour autant, fondamentales.

1.   Permettre une meilleure articulation entre le financement de la recherche fondamentale et celui de la recherche appliquée

Les travaux de la commission d’enquête ont mis en exergue une seconde faiblesse de la recherche scientifique française en matière de lutte contre les maladies vectorielles et les arboviroses : la difficulté de trouver des financements pour la recherche appliquée. Cette difficulté s’explique du fait de la structure de la recherche française mais également en fonction du coût élevé des projets de recherche appliqués.

Cette difficulté emporte des conséquences notamment pour diversifier des outils de lutte contre les vecteurs, développer des applications médicales, et financer les essais cliniques.

Comme l’a justement rappelé le Pr Fabrice Chandre, « lANR sintéresse principalement aux projets qui se placent sur le plan de la recherche fondamentale ; ce sont ceux pour lesquels nous parvenons à trouver des crédits – cest par exemple le cas des travaux sur les mécanismes de résistance, qui sattachent à caractériser les gènes concernés et à observer leur évolution au sein des populations de moustiques ... Les projets de recherche appliquée sont plus difficiles à faire financer par lANR, dabord parce quils coûtent très cher  les essais de recherche opérationnelle coûtent en général plusieurs millions deuros, ensuite parce quils ne constituent pas la priorité de lagence.

« LANSES a davantage vocation à financer de tels programmes, mais na pas les moyens de les financer à elle seule, puisque ses crédits sélèvent en général à 100 000 ou 200 000 euros, ce qui nest pas suffisant. » ([327])

Les chercheurs de l’institut Pasteur ont abondé en ce sens :

« LANR et dautres structures participent au développement de la recherche fondamentale mais il est très difficile voire impossible de trouver largent pour favoriser le passage de la recherche aux applications médicales ou aux essais cliniques. » ([328])

Le Dr Isabelle Leparc-Goffart précise également « que le gros problème de la recherche en arbovirologie, lorsque cest de la recherche appliquée, est en effet malheureusement le financement » ([329]).

Ainsi les études de séroprévalence qui nécessitent des cohortes importantes et sont utiles pour mesurer le taux d’immunisation d’une population sont difficilement financées malgré leur utilité.

Proposition n° 37 : Mieux articuler recherche appliquée et recherche fondamentale, en incluant aux projets de recherche fondamentale une dimension de recherche appliquée.

2.   Les effets des moyens actuels de lutte anti-vectorielle déployés sont peu évalués sur le terrain

Lévaluation des techniques de lutte anti-vectorielle (LAV) demeure trop rare, voire inexistante, en dépit de son utilité évidente.

Lors de son audition, M. Roger Genet ([330]), directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a insisté sur la nécessité de développer une expertise sur ce sujet notamment du fait de l’apparition de bio-résistances.

Le groupe de travail Vecteurs de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), présidé par le Pr Philippe Quenel, a lancé des travaux dexpertise en ce sens, lun de ses quatre axes de travail étant justement de pouvoir évaluer, en détail, les conséquences des techniques de LAV sur le terrain. Il est en effet apparu à l’agence que ce travail d’expertise n’avait jamais été fait.

Le Pr Philippe Quenel a précisé que « lenseignement à tirer des principales expertises que nous avons menées jusquà ce jour est quavant de pouvoir proposer des réponses opérationnelles et pratiques sur le terrain, il y a une étape absolument fondamentale qui na jamais été menée au bout, aussi bien en France quà létranger, qui est lévaluation de lefficacité réelle des mesures de lutte anti-vectorielle pour contrôler les phénomènes épidémiques. Je vous parle essentiellement aujourdhui des arboviroses. » ([331])

En effet, les lignes directrices proposées par l’OMS ou le Centre européen de contrôle des maladies (ECDC), qui sont utilisées par les gestionnaires du risque épidémique « nont jamais été formellement évaluées quant à leur efficacité sur le terrain. » ([332])

Comme l’a précisé Mme Johanna Fite, responsable de la mission Vecteurs à la Direction de l’évaluation des risques (DER) : « Nous sommes en train dessayer de développer une méthode dévaluation systémique de la LAV pour prendre en compte à la fois son efficacité, ses effets sur lenvironnement, sur la biodiversité et son acceptabilité. Nous sommes en train de réfléchir à des indicateurs et des critères pour prendre en compte tous les aspects de la lutte anti-vectorielle qui vont au-delà des aspects sur la santé humaine. » ([333])

Ces travaux ont pour objectif, outre une évaluation des techniques de LAV existantes, de construire « un outil qui permettrait effectivement aux opérateurs de pouvoir autoévaluer leur stratégie » ([334]) ; en effet, « une stratégie de LAV cest un ensemble dactions de lutte contre les vecteurs, de lutte contre les LAV, lutte physique, lutte chimique, de mobilisation sociale, danimation aussi des collaborations intersectorielles et intra sectorielles. La stratégie, cest lensemble de toutes ces composantes. Pour cela, nous avons besoin de référentiels qui vont permettre dévaluer précisément quelles sont les actions qui sont les plus performantes, dont le coût est le plus efficace » ([335]).

À titre d’exemple, il paraît opportun d’interroger l’efficacité des pulvérisations nocturnes, et de suivre finement l’apparition de résistances.

Dici un an, le groupe de travail Vecteurs devrait être en mesure de proposer un guide dévaluation des effets des campagnes de LAV à destination des opérateurs afin qu’il puisse autoévaluer la pertinence de leurs actions.

Proposition n° 38 : Mettre en place un guide d’évaluation des effets des campagnes de lutte antivectorielle par le groupe de travail Vecteurs de l’Anses.

Dans la mesure où cette méthode d’évaluation s’appuiera sur des connaissances et des expertises scientifiques, la rapporteure préconise, un an après la mise en œuvre de ce guide dévaluation par les opérateurs, de prévoir une évaluation ex post des effets des opérations de LAV réalisées avec indicateurs de résultats.

Proposition n° 39 : Prévoir une évaluation ex post des effets des opérations de lutte anti-vectorielle réalisées par les opérateurs des agences régionales de santé, avec indicateurs des résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés et aux moyens mis en œuvre.

3.   Développer de nouveaux outils pour doter les décideurs d’une palette adaptée de méthodes de lutte, notamment en cas de développement de bio-résistances

Dans la même perspective, mais d’une manière moins transversale, il importe de développer de nouveaux outils pour doter les décideurs dune palette adaptée, notamment en cas de développement de bio résistances.

LAnses a été saisie dune mission en ce sens par la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de la prévention des risques (DGPR) pour analyser notamment les blocages à lélaboration de nouveaux produits biocides.

Cette saisine comprend deux volets, un volet préventif, pour établir de nouvelles lignes directrices à destination des décideurs afin de surveiller et évaluer les résistances aux biocides, un volet prospectif, pour « comprendre les freins au déploiement de nouvelles molécules, en alternative à la deltaméthrine » notamment labsence « de nouvelle demande dautorisation de mises sur le marché pour dautres substances. » ([336])

Première étape, pour la rapporteure, il est nécessaire détablir des lignes directrices à destination des décideurs en matière de LAV pour éviter le développement de bio-résistances. Une campagne d’information en ce sens devrait être menée au plus vite pour éviter une aggravation de la situation.

Proposition n° 40 : Établir des lignes directrices à destination des agences régionales de santé et des opérateurs en matière de lutte anti-vectorielle pour éviter le développement de bio résistances.

En outre, le financement de la recherche doit privilégier des programmes de recherche sur des molécules alternatives eu égard aux phénomènes de bio-résistances observés car il savère difficile de lutter contre les moustiques avec une seule molécule (cf. supra, II.A.2.).

Or dans les départements français d’Amérique cela correspond bien à la situation existante : Aedes aegypti est le seul moustique vecteur reconnu des virus de la dengue et du Chikungunya en Guyane. La deltaméthrine y a été largement utilisée comme adulticide pendant plus d’une décennie. Une résistance des vecteurs à cette molécule est aujourd’hui observée sur l’ensemble du territoire. La résistance à la deltaméthrine a notamment été associée aux mutations V1016I et C1534F présentes sur le gène codant pour le canal sodium voltage dépendant ([337]).

Pourtant, il est crucial de disposer d’une palette de molécules, et de pouvoir alterner les modes de traitement, pour éviter l’apparition de bio-résistances dans les populations de moustiques traitées.

L’Anses a entrepris une recherche exhaustive et rationalisée des insecticides utilisables en lutte anti-vectorielle, aboutissant à l’identification de 32 substances. L’Anses a ensuite sélectionné un nombre réduit de molécules adulticides ou larvicides potentiellement utilisables à moyen terme, dont l’utilisation serait conforme à la réglementation européenne. Des travaux d’évaluation des risques liés à l’utilisation de quatre substances actives identifiées comme de potentielles alternatives à la deltaméthrine : bendiocarbe, chlorpyriphos-méthyl, dinotéfurane et imidaclopride. Dans un avis publié en janvier 2017 ([338]), l’Agence conclut que trois des quatre substances évaluées pourraient être utilisées comme alternatives à la deltaméthrine, mais leur utilisation nécessiterait des contraintes fortes en termes d’équipements de protection. Par ailleurs, l’évaluation des risques pour l’environnement montre que les risques pour les organismes non cibles de l’environnement ne peuvent être exclus pour ces quatre substances. Si l’une de ces substances devait être utilisée en lutte anti-vectorielle, des mesures d’impact sur l’environnement devraient être mises en place au moment des traitements.

Dans ce cadre, seule une intervention publique destinée à soutenir des actions de recherche et développement destinées à la mise sur le marché de nouvelles molécules permettrait de débloquer cette situation.

Ces recherches devraient s’intéresser aux effets insecticides des molécules, mais également aux impacts sur la santé et sur l’environnement dans lequel ces produits seraient utilisés.

Proposition n° 41 : Financer des programmes de recherche publics et privés sur le développement de molécules alternatives pour la lutte anti-vectorielle et leurs impacts sanitaires et environnementaux.

Le Pr Fabrice Chandre ([339]) a fait part, devant la commission d’enquête, des difficultés qu’il avait à trouver des financements concernant lévaluation doutils innovants en matière de lutte anti-vectorielle.

Dans une publication récente ([340]), il a analysé un système mis au point par une start-up du sud de la France : des bornes diffusent du dioxyde de carbone et piègent ainsi les moustiques : ce sont des pièges pondoirs. Le système semble efficace : il repose sur une technologie propre et savère neutre pour la biodiversité car il capture essentiellement des moustiques. Si sa généralisation serait coûteuse, en raison du prix individuel élevé des bornes, son usage pourrait néanmoins être recommandé aux collectivités territoriales pour les lieux publics, écoles, crèches, comme une alternative aux pulvérisations d’insecticides. L’armée s’est également montrée intéressée pour une utilisation sur ces théâtres d’opérations extérieurs.

Létude qui mériterait dêtre poursuivie à une plus grande échelle na pu lêtre faute de financements. D’autres recherches innovantes existent pour mettre au point des pièges pondoirs ou des pièges à phéromones ; si elles ne se sont pas encore avérées concluantes à ce stade, elles mériteraient d’être approfondies.

Proposition n° 42 : Accompagner le développement de start-ups innovantes en matière de techniques de lutte anti-vectorielle, en particulier dans les territoires ultramarins.

4.   Utiliser de nouvelles solutions technologiques pour orienter et contrôler l’utilisation des techniques de lutte anti-vectorielle

La commission d’enquête a pu entendre Mme Annelise Tran([341]), co-conceptrice de loutil de modélisation AlboRun.

Alborun est un outil de modélisation spatiale qui présente sous forme de cartographie numérique la densité des moustiques Aedes Albopictus. Opérationnel à La Réunion depuis 2017, ce dispositif est aujourd’hui utilisé de manière routinière.

Le projet Arbocarto qui lui fait suite est un outil de cartographie prédictive pour la surveillance de la propagation des maladies à transmission vectorielle. La cartographie spatiale intègre deux types de données. Tout d’abord, les données issues d’un fichier environnemental précisent le découpage du territoire en zones dintervention et décrivent la présence des gites larvaires et de l’ensemble des espaces dans lesquels le moustique tigre est susceptible de se reproduire. Sont ensuite agrégées les données météorologiques journalières qui comprennent la pluie et la température. La chaleur accroît la reproduction et la densité des moustiques, là où les pluies abondantes ont un effet délétère.

Principe de fonctionnement du projet Arbocarto

Source : document présenté par Annelise Tran lors de son audition par visioconférence, 14 février 2020.

Comme l’a précisé Mme Annelise Tran, on obtient en sortie du modèle « un fichier géographique capable de prédire, pour chacune des parcelles, le nombre de moustiques présents. Il est possible de visionner les données dans Google Earth ou de les utiliser dans des systèmes dinformation géographiques (SIG). Et les données du SIG [système dinformation géographique] peuvent, par exemple, être croisées avec les données de localisation dun cas de dengue. » ([342])

Le modèle repose également sur le cycle de vie du moustique et nécessite pour être efficace des données fiables qui donnent, à défaut de prévisions certaines, des prévisions réalistes.

Exemple de rendu gÉographique du projet Arbocarto

Source : document présenté par Annelise Tran lors de son audition par visioconférence, 14 février 2020.

Ces cartes ont vocation à aider les services de LAV dans leurs actions ; le rouge représente une forte densité de moustiques, le vert une faible densité.

Le tableau ci-dessus met également en évidence l’efficacité prédictive du modèle. En matière de recherche une extension du modèle est prévue « sur le couplage du modèle de la dynamique de population de moustiques avec des modèles de transmission, notamment de la dengue » ([343]).

L’utilisation de ce modèle et de son extension paraît prometteuse, la rapporteure préconise le développement de leur utilisation pour orienter les techniques de LAV.

Proposition n° 43 : Développer les outils de suivi et de modélisation des populations de moustiques pour orienter les techniques de lutte anti-vectorielle.

5.   L’expérimentation des nouvelles techniques de lutte contre les vecteurs doit être encouragée, avec une attention particulière pour l’évaluation de leurs effets et de leurs conséquences sur les équilibres environnementaux

De nouvelles techniques innovantes de lutte contre les vecteurs sont actuellement à l’étude. Prometteuses, ces techniques ne sont pas, pour autant, sans peser des problèmes éthiques quil sagit dévaluer. Les travaux de la commission d’enquête ont permis d’évaluer leur pertinence tant en termes d’efficacité que de risques. La rapporteure préconise dencourager leur expérimentation non sans prendre toutes les précautions nécessaires tant vis-à-vis des territoires que de lenvironnement, en sassurant du plein consentement des populations concernées.

En effet, eu égard aux limites des techniques de LAV, à l’émergence de phénomènes de bio-résistances préoccupants, et aux perspectives lointaines d’un vaccin efficace pour toutes les populations concernées par une possible maladie vectorielle, ne pas prendre en compte les potentiels bénéfices de ces techniques serait irresponsable ; dautant que les risques semblent circonscrits.

Lors de son audition, Mme Stéphanie Blandin ([344]), a décrit avec précision les quatre techniques innovantes que l’on peut recouper sous les noms génériques de la technique de linsecte stérile (TIS), la méthode RIDL (Release of Insects carrying Dominant Lethals) qui crée des moustiques transgéniques, la méthode de linsecte incompatible porteur de la bactérie Wolbachia, la technique dite du forçage génétique.

a.   La technique dite de l’insecte stérile (TIS)

La technique dite de linsecte stérile (TIS) consiste à utiliser des mâles irradiés par exposition à des rayons X ou rayons gamma, et ainsi rendus inaptes à la reproduction. La femelle moustique ne s’accouplant qu’une seule fois au cours de sa vie, une rencontre avec un mâle irradié conduit par conséquent à l’extinction de sa lignée. La difficulté majeure rencontrée par cette technique tient en une vigueur possiblement inférieure des mâles irradiés, en compétition avec les mâles sauvages pour la reproduction.

La technique dite de linsecte stérile « boostée », sur laquelle travaille le Dr Fabrice Chandre, est similaire, si ce n’est que le moustique est également aspergé d’un produit biocide, le pypriproxyfène. Le mâle stérile agit non seulement comme un compétiteur sexuel, mais surtout comme un transporteur spécifique permettant de transmettre des biocides aux femelles, voire aux gîtes larvaires. Dans un récent article, les chercheurs ont démontré que cette technique pourrait réduire de plus de 95 % le nombre total de moustiques mâles stériles nécessaires pour contrôler les épidémies de dengue. Cette avancée engendrerait une réduction drastique du coût de la lutte anti-vectorielle ([345]).

Selon Stéphanie Blandin ([346]), la méthode TIS a une efficacité moindre que les techniques de modification génétique (RIDL et forçage génétique). Ces dernières sont toutefois moins bien acceptées des populations, et nont à ce jour fait lobjet que dun nombre limité dexpérimentations. Le risque le plus important avec la technique de forçage génétique réside dans son caractère irréversible.

b.   La méthode RIDL (Release of Insects carrying Dominant Lethals) ou le mâle transgénique stérilisant

Il sagit du même principe – la rencontre avec un mâle stérilisant – sauf que le moustique mâle n’est pas un mâle irradié mais un mâle transgénique qui a été modifié génétiquement pour devenir stérile.

Cette technique est proposée par la société Oxitec, seule à ce jour à produire ces mâles génétiquement modifiés. Pour des questions de communication, cette société préfère aujourd’hui l’emploi de l’expression « Friendly mosquitoe » à celle de RIDL.

Les conséquences à long-terme de la technique demeurent mal connues. Une étude parue dans la revue Nature ([347]) faisait état de persistance à long terme, chez des populations de moustiques sauvages visées, de parties du génome modifié.

c.   La technique de l’insecte incompatible (TII) porteur de la bactérie Wolbachia

Dans cette piste de recherche, le moustique est infecté par une bactérie du genre Wolbachia, présente naturellement au sein de lorganisme de certains moustiques, qui par incompatibilité cystoplasmique (IC), rend larthropode inapte à la reproduction. Le lâcher de moustiques incompatibles infectés par la bactérie Wolbachia permet dès lors une réduction de la population sauvage.

Selon Mme Stéphanie Blandin, la transmission de cette incompatibilité à la descendance ne s’explique pas mais fonctionne. Cette bactérie pourrait également avoir une action de diminution des capacités vectorielles des moustiques.

d.   La technique dite du forçage génétique

La technique du forçage génétique consiste à transmettre un gène à un moustique et à lui permettre de transmettre ce nouveau caractère à lensemble de sa progéniture. Cette technique pose des questions tant éthiques qu’environnementales.

Technique du forçage génétique à des fins d’éradication de la population

Le principe de cette technique repose sur un lâcher de mâles stérilisants, porteurs d’une cassette de forçage génétique qui confère un phénotype de stérilité femelle du fait de son insertion au sein d’un gène essentiel pour la fertilité femelle. Dès le premier accouplement avec des femelles sauvages, les mâles stérilisants initient la propagation, au sein de la population, de la stérilité femelle. Par forçage génétique dans les cellules germinales, les individus hémizygotes, mâles et femelles, transmettent la cassette à l’ensemble de leur descendance. L’augmentation rapide de la fréquence de la cassette de forçage génétique conduit à la chute de l’effectif de la population du fait de la stérilité des femelles homozygotes.

Technique de forçage génétique à des fins de modification de la population

Le principe de cette technique repose sur un lâcher de mâles qui, dès le premier accouplement avec des femelles sauvages, initient la propagation, au sein de la population, d’une cassette de forçage génétique conférant aux moustiques une résistance à la transmission du pathogène par le biais d’un transgène de « résistance » empêchant le pathogène de se développer au sein du moustique. Par forçage génétique dans les cellules germinales, les individus hémizygotes transmettent la cassette à l’ensemble de leur descendance. L’augmentation de la fréquence des individus porteurs du transgène de « résistance » dans la population de moustiques devrait se traduire par une réduction de la transmission du pathogène.

Source : Avis du comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies en réponse à la saisine du 12 octobre 2015 concernant l’utilisation de moustiques génétiquement modifiés dans le cadre de la lutte antivectorielle, 31 mai 2017,
http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/sites/www.hautconseildesbiotechnologies.fr/files/file_fields/2018/04/09/aviscshcbmoustiques170607rev180228.pdf

S’agissant du forçage génétique, les études ont été jusqu’à présent uniquement conduites en laboratoire. Le Haut Conseil des biotechnologies travaille à lédification de normes internationales car les essais en milieu naturel peuvent impacter n’importe quel pays, eu égard au caractère invasif de l’espèce. En l’absence de connaissances sur l’impact de la biodiversité, il paraît difficile de ne pas mettre au point des lignes directrices en attendant l’édiction d’une législation internationale.

e.   Un cadre juridique d’emploi de ces techniques à préciser

La nécessité d’un cadre réglementaire approprié est particulièrement soulignée par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) dans son avis du 28 juin 2018 sur le lâcher de moustiques stériles ([348]).

La réglementation nationale, européenne et internationale n’est en l’état pas définie : les moustiques stériles sont-ils des biocides ? Les moustiques transgéniques sont-ils des organismes génétiquement modifiés ?

Selon le HCSP, les moustiques non infectés sont des organismes nuisants au titre de l’article 3 (1) du règlement européen n° 528/2012 « Produits biocides », puisque leur présence n’est pas souhaitée ou ils entraînent des effets indésirables chez l’homme et l’animal. Le type de produit du règlement biocide cité concerne les insecticides, acaricides et produits de contrôle des autres arthropodes défini à l’article 5 du règlement européen n° 528/2012. Elle inclut les produits utilisés pour le contrôle des arthropodes par répulsion ou attraction.

Le moustique irradié n’est pas un microorganisme au sens de la définition de l’article 3 (1) (b) du règlement européen n° 528/2012. En effet, un biocide est lié à l’action d’une substance active qui se définit par une substance ou un microorganisme exerçant une action sur ou contre les organismes nuisibles. Il en serait de même si le règlement pour les autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments (humain ou animal) était souhaité. Le HCSP propose ainsi d’ajouter l’utilisation possible de « macroorganismes » dans la définition des biocides.

Selon l’analyse du comité scientifique du HCSB, « la TIS ne semble pas réglementée au niveau européen. En loccurrence, le lâcher de moustiques stérilisés par irradiation réalisé en Italie na pas nécessité dautorisation ou dévaluation de risques préalable ». Les moustiques stérilisés par irradiation seraient donc considérés comme des agents de lutte biologique et la TIS s’apparenterait à du biocontrôle.

Selon le Haut Conseil des biotechnologies, chargé d’appliquer la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement, « les moustiques relâchés dans le cadre dune stratégie de TIS classique sont stériles, et en tant que tels, ils ne correspondent pas à la définition réglementaire dun organisme et donc dun OGM. Quant aux éventuels moustiques irradiés qui auraient conservé leur fertilité, ils sont considérés OGM car leur matériel génétique a été modifié dune manière qui ne seffectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ; ils sont cependant exemptés de lapplication de la directive en tant que produits de mutagenèse qui nont pas impliqué lutilisation de molécules dacide nucléique recombinant » ([349]).

Enfin, la question du statut réglementaire des insectes artificiellement infectés par Wolbachia n’a pas encore été soulevée dans l’Union européenne car aucune demande de dissémination n’y a été soumise à ce jour. Selon le HCB, « Il est possible que, selon les définitions réglementaires de la directive 2001/18/CE, un moustique infecté de manière artificielle (transinfecté) par une bactérie endocellulaire puisse être considéré comme génétiquement modifié. Dans ce cas, lutilisation de tels moustiques pourrait soit être soumise aux exigences réglementaires correspondantes, soit être exemptée du champ dapplication de la directive après réflexion et décision au niveau communautaire. Il est également possible quune analyse juridique conclue à un statut de biocide pour Wolbachia utilisé ainsi en lutte antivectorielle. On note quau niveau international, lutilisation de ces moustiques na pas été considérée comme relevant du champ dapplication du Protocole de Cartagena à ce jour en raison de linterprétation de la définition des OVM (Marshall, 2011). Il est intéressant de noter que Wolbachia est réglementée en tant que biopesticide aux États-Unis (Dopons et al., 2016) et en tant que substance vétérinaire en Australie (De Barro et al., 2011 ; Dobson et al., 2016). »

Le statut juridique entourant la dissémination des insectes issus de ces recherches nécessitera donc d’être précisé, notamment dans le cadre des réglementations européennes applicables.

Proposition n° 44 : Avant leur utilisation en conditions réelles, préciser le statut juridique de l’éventuelle dissémination des insectes et bactéries pouvant relever du statut de biocides ou du statut d’organismes génétiquement modifiés.

f.   Des techniques dont les avantages et les inconvénients ne sont pas encore parfaitement connus

Mme Stéphanie Blandin a présenté devant la commission d’enquête les avantages et inconvénients de ces différentes méthodes en comparaison des méthodes traditionnelles de lutte anti-vectorielle.

Avantages et inconvÉnients des diffÉrentEs techniques avancÉes de LAV

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Source : document présenté par Mme Stéphanie Blandin lors de son audition, 24 février 2020.

Selon elle, les insecticides sont les méthodes de LAV les mieux acceptées parce que connues et immédiatement disponibles. Pour autant les phénomènes de bio-résistances amènent à privilégier la recherche sur les autres techniques innovantes. La méthode TIS a une efficacité moindre que les techniques de modification génétique (RIDL et forçage génétique), mais celles-ci sont socialement moins bien acceptées ses effets à long-terme demeurent mal connus. Le risque le plus important avec la technique de forçage génétique réside dans son caractère irréversible.

Le Haut Conseil des biotechnologies ([350]) a également analysé dans un avis paru le 31 mai 2017, après saisine du ministère de l’Environnement, en 2015 ([351]) les avantages et inconvénients de ces différentes techniques. Le tableau ci-dessous en retrace l’analyse comparée :

État des recherches sur les techniques de l’insecte stÉrile

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Source : avis du Haut Conseil des biotechnologies, op. cit.

Apparaissent en orange les points de vigilance concernant lefficacité des méthodes sur lesquels le Haut Conseil des biotechnologies appelle l’attention. Concernant la méthode TIS, la problématique essentielle est la vigueur moindre des mâles irradiés du fait de leur irradiation d’où l’importance de la technique « TIS boostée » qui paraît plus efficace.

Sagissant de la technique RIDL et du forçage génétique le HCB manifeste les mêmes craintes que Mme Stéphanie Blandin : manque de recul, risque dirréversibilité, faible acceptabilité sociale, nécessité de dessiner un cadre réglementaire international.

Ainsi selon les membres du HCB, « un article de Kyros Kyrou et dautres chercheurs ([352]), publié en 2018, montre pour la première fois un forçage génétique en cage qui atteint lélimination complète dune population. Cette avancée a été faite par lidentification de zones extrêmement conservées dans le génome et la conception du forçage génétique basé sur ces zones. Si mutation il y avait, ces moustiques ne seraient pas viables, donc ne permettraient pas à la population de rebondir. » ([353])

En revanche, la technique la plus prometteuse semble la TII, la technique de linsecte incompatible, même sil apparaît nécessaire de surveiller la résistance comportementale et la dérive fonctionnelle quelle peut induire.

Pour M. Pascal Boireau, vice-président du comité scientifique du HCB « lune des recommandations de lexpertise qui avait été faite est davoir beaucoup plus de recherche dans ce domaine pour faciliter cette utilisation de technologies, de même quil va falloir certainement plus de moyens. Cest ce que fait lOrganisation mondiale de la santé (OMS) aujourdhui en essayant de développer des aides à des essais de phase deux-trois pour la technologie de linsecte stérilisé et le relargage de moustiques stérilisés dans différentes parties du monde. » ([354])

La rapporteure souscrit entièrement à cette recommandation : la nécessité de poursuivre les recherches et de passer aux essais en phase 3, cest-à-dire lâcher des moustiques en milieu naturel ouvert, pour les techniques TIS, TIS boosté, et TII.

Un essai en milieu semi-ouvert (lâchers en conditions naturelles contrôlées) devrait avoir lieu à La Réunion prochainement concernant la technique TIS ([355]).

À cette occasion, le Haut Conseil de la santé publique a été saisi pour l’élaboration de recommandations pour le lâcher de moustiques mâles stérilisés par irradiation de l’espèce Aedes albopictus à des fins de lutte anti-vectorielle, sur l’île de La Réunion, dans le cadre d’une technique innovante de lutte contre les vecteurs de dengue et de chikungunya.

Ses recommandations insistent sur l’accessibilité de l’information à tous pour favoriser l’acceptabilité de la technique de l’insecte stérile (TIS) et sur le fait que l’information doit se faire en amont, de manière claire et transparente en prenant en compte les réactions et craintes de la population. Il faudra notamment communiquer sur les faibles risques et leur maîtrise démontrés par des études préparatoires, ainsi que sur les bénéfices attendus. Conjointement, le HCSP recommande des mesures pour prévenir les risques épidémiologiques pour les personnels impliqués et la population générale, ainsi que les risques technologiques et écologiques. Il faudra veiller à ce que la population continue à suivre les mesures déjà préconisées de prévention de la lutte anti-vectorielle.

Il est également préconisé de procéder à une évaluation en fin de phase 2, tant de l’impact de la campagne de communication en termes d’adhésion de la population que de l’efficacité de la TIS sur la densité de moustiques Aedes albopictus.

Il est enfin recommandé d’attendre la fin de l’épidémie de dengue pour lancer la phase 2 du projet.

Il va de soi qu’une telle expérimentation en milieu ouvert ne pourrait pas se faire sans lobtention dun accord express des populations concernées. Une enquête publique devrait alors être diligentée avant de procéder à une dissémination de ces moustiques.

Proposition n° 45 : Encourager la recherche et l’expérimentation de nouvelles techniques de lutte contre les vecteurs, notamment à partir des techniques de l’insecte stérile.

La poursuite des études et des travaux de recherche devrait par la suite conduire à évaluer leurs résultats avant d’envisager une utilisation à grande échelle. La combinaison de ces différentes techniques innovantes semble être une approche heuristique à encourager. Lévaluation notamment de la TII Wolbachia et ses différentes déclinaisons paraissent particulièrement prometteuses.

Pour autant, il va de soi que la prudence est de mise, et que la possibilité d’une utilisation à grande échelle devra évidemment être largement expertisée. Il faut néanmoins garder à l’esprit que ces techniques ne sont pas utilisables en situation d’urgence, elles sont des outils dans une palette plus composée, de manière à multiplier les chances d’une lutte efficace contre les vecteurs en l’absence d’une palette d’outils très fournis.

Des études de terrain en sciences sociales sur le niveau dacceptation des populations complèteraient utilement la recherche théorique et pratique sur les caractères génétiques des vecteurs et leur transmission aux espèces sauvages.

Proposition n° 46 : Procéder à une évaluation des résultats et de l’impact environnemental des différentes techniques de lutte et leurs conséquences avant d’envisager leur utilisation à grande échelle.

C.   DÉcloisonner la recherche en favorisant une approche transdisciplinaire et anticipatrice

« En arbovirologie, lorganisation de la recherche doit être interdisciplinaire » ([356]) a affirmé le professeur Xavier de Lamballerie à la commission denquête.

Pour développer pleinement la qualité de la recherche en matière d’arboviroses, la rapporteure préconise de développer une structure plus large qui réponde au concept de One Health, en englobant tous les aspects de la recherche fondamentale et appliquée.

1.   L’expérience du CNEV montre que l’articulation entre animation de la recherche, expertise et pilotage des actions de lutte anti-vectorielle doit être mieux pensée

Entendu par la commission d’enquête, M. Didier Fontenille est revenu sur la genèse du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV) qu’il a dirigé et dont son rapport d’expertise La Lutte antivectorielle en France ([357]) est à l’initiative.

En effet, le CNEV a répondu à un manque : celui dune structuration, dune coordination de la recherche sur les arboviroses prises dans leur ensemble. Outre la question du travail en silo, il s’agissait de construire une véritable multidisciplinarité et transversalité de la recherche sur les vecteurs, en construisant une culture commune mais également un réseau commun.

Comme l’a indiqué M. Didier Fontenille, le CNEV était « un consortium réunissant une quarantaine de partenaires – aussi bien des instituts de recherche que des opérateurs – travaillant dans tous les domaines dactivité liés aux vecteurs : insecticides, sciences sociales, santé publique, etc. Ce consortium reposait uniquement sur le bénévolat, ce qui montre que lorsque la France veut faire des économies, elle y arrive. Les gens qui se sont investis dans ce projet avaient la volonté de faire avancer les choses et de faire bouger les lignes, et cest effectivement ce qui sest passé.

Le CNEV a permis de créer du lien, de former des gens, de développer des projets communs. La technique de linsecte stérile (TIS), qui est appliquée sur lîle de La Réunion, est née de cette rencontre entre des opérateurs qui avaient des besoins et des scientifiques qui avaient des compétences » ([358]).

À ce titre, le CNEV a entièrement rempli son office. Certains opérateurs considèrent même qu’il n’a pas à ce jour était entièrement remplacé même si le groupe Vecteurs de l’Anses ou le réseau Arbo-France sont des initiatives utiles à encourager.

La particularité du CNEV était de mettre en relation – outre l’ensemble des chercheurs travaillant sur la question des arboviroses, les opérateurs publics de démoustication, dont notamment l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) Méditerranée.

L’expérience du Centre national d’expertise sur les vecteurs

À la suite du rapport d’expertise collégiale La Lutte antivectorielle en France établi par l’IRD en 2009, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) ont procédé à un appel à candidature en vue de la création du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), structure multidisciplinaire permettant de mobiliser rapidement et efficacement, dans une perspective d’aide à la décision, l’ensemble de l’expertise et des compétences françaises dans les domaines de l’entomologie médicale et vétérinaire, de la lutte anti-vectorielle et des sciences humaines et sociales appliquées à la lutte anti-vectorielle.

La décision relative à la création de ce centre d’expertise pour une période de cinq ans (2010-2015) a été portée et financée par les ministères chargé de l’agriculture et de la santé.

La réponse rétenue a abouti à une convention de partenariat prévoyant que le CNEV est constitué :

– d’un laboratoire central, l’unité mixte de recherche Maladies infectieuses et vecteurs : ecologie, génétique, evolution et contrôle MIVEGEC (IRD – CNRS – Université de Montpellier I – Université de Montpellier II), orientée vers les vecteurs de maladies humaines ;

– de trois laboratoires associés :

         l’unité CMAEE (CIRAD-INRA), plus particulièrement compétente sur les vecteurs de maladies animales ;

         le laboratoire de recherche opérationnelle de la direction technique de l’EID Méditerranée, compétent sur les aspects opérationnels ;

         l’Ecole des hautes etudes en santé publique (EHESP) orientée sur les aspects sciences humaines et sociales ;

– et de 36 partenaires aux compétences complémentaires, mais toujours en relation avec la lutte contre les vecteurs.

Le CNEV avait pour mission de cartographier, regrouper et organiser les compétences disponibles au plan national pour redéfinir le cadre juridique et la gouvernance de la lutte antivectorielle, préciser les stratégies d’intervention et les objectifs à atteindre en cas d’épidémies et / ou d’épizooties, évaluer les interventions en termes opérationnels et économiques, soutenir la recherche, améliorer la formation des acteurs de santé publique et vétérinaire et la communication et sortir les services de leur isolement.

L’organisation reposait sur un comité de pilotage, un comité restreint, un comité technique et un secrétariat. Aux termes de la convention, le CNEV était financé par des subventions de la DGS et de la DGAL à l’Anses, reversées à l’IRD pour le CNEV, pour un budget total annuel d’environ 400 000 euros.

Le CNEV a produit en cinq ans 29 études, rapports d’évaluation, expertises ou guides disponibles en ligne à l’adresse https://www.anses.fr/fr/content/bibliothèque-des-documents-du-cnev-liés-aux-vecteurs-et-à-la-lutte-anti-vectorielle.

Au terme du mandat de cinq ans, le rapport d’inspection réalisé en 2015 ([359]) soulignait plusieurs faiblesses majeures :

– un risque de conflit dintérêt entre experts chargés dévaluer les techniques et opérateurs de la lutte anti-vectorielle ;

 la fragilité dune organisation caractérisée par labsence de statut et de personnalité morale et le recours à la « bonne volonté » des protagonistes, ainsi que léloignement au fil du temps du suivi exercé par les directions et agences assurant le pilotage ;

 un manque dambition géographique, du fait dun tropisme méridional trop marqué.

Malgré les solutions proposées par le rapport, les tutelles – direction générale de la santé et direction générale de l’alimentation – ont jugé préférable de mettre fin au centre, au profit d’une reprise de ses missions par l’Anses.

Le témoignage des personnes auditionnées par la commission d’enquête a néanmoins été unanime : une structure commune, capable de fédérer les différents acteurs de la lutte contre les vecteurs et de la prévention des maladies vectorielles, est irremplaçable.

Aussi, il s’avère nécessaire de renforcer les structures existantes pour continuer à construire une culture commune sur ces sujets, organiser un échange continu entre les chercheurs et les acteurs de terrain sur les plans entomologique et médical, et favoriser une recherche de haut niveau à rayonnement international.

M. Didier Fontenille a acquiescé : « Il faut un plan vecteurs en France, sur le modèle de ceux que nous avons connus par le passé contre le cancer ou la maladie dAlzheimer ou de celui que la précédente ministre des solidarités et de la santé a lancé sur lantibiorésistance. Il faut un plan vecteurs associant toutes les forces vives, depuis la recherche fondamentale jusquaux décideurs et aux agences opérationnelles, quelles soient publiques ou privées – puisquun décret récent autorise lintervention du secteur privé. Un tel plan nous permettrait de faire un grand bond en avant. […] Il ne faut pas recréer le CNEV : il faut créer mieux que le CNEV ! Si jai demandé, à lépoque, que le CNEV soit évalué, ce nétait pas pour quil disparaisse, mais pour le rendre plus utile et plus efficace » ([360]).

Néanmoins, il semble important à la rapporteure que la séparation des opérations de recherche, dexpertise et de pilotage des actions de LAV soit maintenue, séparation qui n’empêche pas de créer des espaces de dialogue sous la forme d’une alliance, associant l’ensemble des acteurs.

2.   La nécessité d’une expertise publique indépendante pour fonder les décisions publiques : le rôle du groupe de travail Vecteurs de l’ANSES, un outil à pérenniser

Le transfert à l’Anses de la mission d’expertise des opérations de LAV, initialement confiée au CNEV, est à consolider. La rapporteure a été convaincue de la nécessité de séparer l’expertise publique au fondement des décisions publiques des activités de recherche proprement dites.

Comme l’a rappelé Roger Genet ([361]) : « Il est clair que lAnses navait pas et na pas de compétences en matière de lutte anti-vectorielle, mais en matière dévaluation des risques liés aux vecteurs. Le cas échéant, lagence peut émettre des avis qui sont des évaluations sur des scénarios de gestion. Elle peut évaluer la pertinence et limpact de scénarios de lutte anti-vectorielle qui sont proposés par les gestionnaires de risques, cest-à-dire les ministères en premier lieu, les administrations déconcentrées de lÉtat, les services départementaux ou régionaux, voire les services de lutte anti-vectorielle. Par contre, elle na pas pour mission de proposer ou de mettre en œuvre la lutte anti-vectorielle.

Cétait bien lobjectif recherché par les ministères, avec ce transfert. Il sagit de séparer lévaluation du risque et la mise en œuvre des scénarios de gestion, de façon à ne pas avoir de conflits dintérêts dans la mise en œuvre de tel ou tel scénario de gestion sur la lutte anti-vectorielle. »

Ce transfert de compétence a donné lieu, à la création en 2018, d’un « groupe de travail Vecteurs » au sein de lAnses. La feuille de route du groupe de travail ([362]) s’articule autour de quatre axes :

– le développement d’outils pour évaluer les stratégies de lutte anti-vectorielle ;

– lévaluation des risques liés à la transmission dagents pathogènes, en santé humaine, animale ou végétale ;

– lévaluation des stratégies de lutte anti-vectorielles mises en œuvre dans différentes situations, avec pour préalable le développement d’outils d’évaluation.

 la surveillance spatio-temporelle des vecteurs.

Pour la rapporteure, ce groupe de travail est une initiative à pérenniser : le groupe de travail Vecteurs doit devenir un pôle public d’expertise pour la lutte contre les arboviroses et les moustiques.

Proposition n° 47 : Faire du groupe de travail Vecteurs de l’Anses un pôle public d’expertise pour la lutte contre les arboviroses et les moustiques.

3.   La nécessité parallèle d’un forum d’animation de la recherche interdisciplinaire impliquant les Outre-mer : une alliance Vecteurs et arboviroses

S’il ressort des travaux la commission d’enquête un bilan globalement positif du transfert des missions du CNEV à l’Anses, plusieurs personnes auditionnées ont toutefois déploré certaines faiblesses persistantes, en termes de financement comme dinterdisciplinarité de la recherche.

La principale difficulté est dordre structurel : très interdisciplinaire par nature, la recherche en matière darboviroses et de vecteurs requiert, pour bien fonctionner, la coopération dun nombre important de structures. Comme la souligné M. Didier Fontenille devant la commission denquête, « il y a beaucoup de groupes de travail en France : le groupe de travail Vecteurs de lANSES, REACTing, Aviesan. À Montpellier, dans le Sud de la France, nous avons le Vectopole Sud, qui est très structurant : il sest construit sur le modèle du CNEV, avec luniversité, le CIRAD, lIRD et les opérateurs. Je suis président du conseil scientifique de lADEGE : cest lagence dun certain nombre dopérateurs » ([363]).

Or depuis la disparition du CNEV, et selon le témoignage de plusieurs personnes auditionnées par la commission denquête, les échanges entre ces différentes structures se sont fortement réduits. M. Didier Fontenille a ainsi déclaré que « du temps où le CNEV existait, tous ces groupes se rencontraient. Actuellement, jai limpression que chacun vit un peu sa vie » ([364]).

Si la dimension médicale paraît bien coordonnée et encouragée par le ministère de la santé, en lien avec l’Anses et les différents consortiums de recherche (REACTing, Aviesean, ZIKAlliance), un certain vide a notamment pu être regretté pour la recherche entomologique.

Mme Isabelle Leparc-Goffart, responsable du CNR des arboviroses, a ainsi estimé que « le point faible à lheure actuelle concerne la partie entomologie. Auparavant il existait le Centre national dexpertise sur les vecteurs (CNEV), avec lequel nous avions énormément de relations. Tous les ans, nous avions des réunions vraiment transversales entre entomologistes, infectiologues, vétérinaires, épidémiologistes, virologues pour essayer davancer sur la santé publique et tout ce qui est lié aux infections par les vecteurs. Depuis que le CNEV a disparu, lentomologie est beaucoup moins présente. Nous avions aussi énormément de relations avec les Ententes interdépartementales pour la démoustication (EID), essentiellement lEID Méditerranée, un opérateur public qui participait vraiment et nous permettait de monter des projets de recherche, de répondre à des foyers ; cette transversalité fonctionnait bien. Maintenant, depuis la disparition du CNEV et le changement des opérateurs pour la lutte anti-vectorielle liée à la santé publique, nous avons limpression que cela sera un point faible pour les années qui viennent » ([365]).

De plus, et outre les difficultés à trouver des financements sur le temps long, structurelles à la recherche médicale (cf. supra, IV.A.2), larbovirologie fait face à des problèmes de financement spécifiques.

Comme l’a expliqué le Pr Xavier de Lamballerie, « le financement de larbovirologie est très complexe. Nous passons sous les radars de lAgence nationale de la recherche (ANR), qui finance des recherches fondamentales, sous ceux du ministère de la santé, qui ne retient que les projets purement médicaux. Notre domaine est interdisciplinaire et requiert une alliance des recherches fondamentale, environnementale, médicale, interventionnelle. Je le dis simplement et sans rancœur, il est très difficile aujourdhui de trouver de largent national : ces quinze dernières années, nous sommes allés chercher la plupart de nos financements sous forme de consortium européen. Cela devrait être corrigé » ([366])

Pour surmonter ces obstacles, les chercheurs français ont fait preuve dune capacité dinitiative remarquable, que la rapporteure tient à saluer ; c’est le cas notamment du Pr Xavier de Lamballerie, avec le réseau Arbo-France.

Le réseau Arbo-France

Créé en 2019, Arbo-France est un réseau français d’étude des arboviroses, visant à améliorer la préparation et la réponse aux épidémies d’arbovirus humains et animaux en France. Le réseau est placé sous l’égide du consortium REACTing, lui-même coordonné par l’Inserm.

Il a pour objectifs :

– la veille et l’alerte sanitaire auprès de REACTing et Aviesan en matière d’arboviroses ;

– l’accroissement de la visibilité de la recherche sur les arbovirus en France et à l’international ;

– le développement d’une expertise spécifique sur les arbovirus ;

– l’aide aux chercheurs pour la constitution de projets de recherche.

Le réseau peut être missionné par REACTing pour des travaux d’expertise sur les arbovirus.

Source : Arbo-France.

Néanmoins, et malgré son utilité évidente, cette structure n’échappe pas entièrement aux difficultés structurelles évoquées ci-dessus :

– Arbo-France est une organisation encore informelle, et ne dispose par conséquent pas de financements pérennes ; comme l’a indiqué le Pr de Lamballerie lors de son audition, il s’agit « avant tout dun réseau relationnel, sans moyens financiers propres » ([367]) ;

– le réseau est dabord tourné vers larbovirologie avant létude des vecteurs. Tout en saluant sa création et son travail, le Pr Didier Fontenille a rappelé que « son nom dit bien son objet : elle étudie les arbovirus, pas les vecteurs » ([368]).

Aussi, la rapporteure a été convaincue de la nécessité dune nouvelle structure, capable de suppléer les carences actuelles.

Sans pour autant prendre la forme d’une agence à part entière, cette structure pourrait consister en une Alliance « Vecteurs et arboviroses », sur le modèle des Alliances telles que Avisian ou ZIKAlliance. Elle serait chargée danimer et de développer les approches interdisciplinaires de recherche. Elle permettrait d’organiser, à échéance régulière, des échanges entre chercheurs, médecins, sociologues, professionnels de la lutte antivectorielle et autres acteurs potentiellement intéressés – autorités de santé, collectivités locales – afin de définir les priorités de la recherche et, à terme, fédérer une communauté technique « vecteurs ». L’ensemble des structures mentionnées auraient vocation à y participer, du service de santé des armées au futur Centre de recherche sur les maladies vectorielles de l’Institut Pasteur.

Cette alliance permettrait également de mieux mettre à lhonneur, pour lavenir, les enjeux liés aux vecteurs et arboviroses en Outre-mer.

Sur le plan fonctionnel, elle pourrait prendre la forme d’une structure souple, dotée de moyens financiers propres. Cette nouvelle structure ne remettrait pas en cause les missions actuellement confiées à lAnses, notamment en matière dévaluation des mesures de lutte, dont l’indépendance fonctionnelle vis-à-vis des opérateurs paraît indispensable.

Proposition n° 48 : mettre en place une alliance « Vecteurs et arboviroses » chargée d’animer et de développer les approches interdisciplinaires de recherche, afin de donner une plus grande visibilité à la recherche sur les maladies vectorielles et encourager les échanges interdisciplinaires entre chercheurs.

 


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   Examen du rapport

Au cours de sa réunion du mardi 28 juillet 2020, la commission d’enquête procède à l’examen du rapport de Mme Ramlati Ali.

Mme Ramlati Ali, rapporteure. Longtemps, les moustiques ont été considérés avant tout comme une source de nuisance personnelle. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la médecine a établi que certaines espèces constituaient les vecteurs de transmission de nombreuses maladies infectieuses. D’objet d’études entomologiques, ils sont devenus un enjeu sanitaire.

Les Aedes ne sont qu’un des genres de moustiques, mais plusieurs espèces d’Aedes ont conquis la planète en accompagnant les déplacements des hommes. En entrant en contact avec eux dans les forêts tropicales, qui sont leur habitat originel, en les suivant dans leurs déplacements, ils sont devenus anthropophiles. Leur prolifération n’est donc pas due à une évolution naturelle, mais à leur adaptation à un milieu urbain où, par ses aménagements, volontaires ou fruits de négligences, et la concentration de sa population, l’homme leur fournit, en quelque sorte, le gîte et le couvert.

Depuis lors, certaines espèces de moustiques Aedes utilisent les moyens de transport employés par les humains pour conquérir la planète. Aedes aegypti a profité de la première mondialisation en voyageant d’Afrique aux Amériques et en Asie dans les cales et les réserves d’eau des navires esclavagistes, amenant avec lui la fièvre jaune. Ces quarante dernières années, à partir de l’Asie du Sud-Est, les larves d’Aedes albopictus se sont répandues autour du globe, en utilisant les pneumatiques usagés ou les plants de « bambou de la chance » comme réservoirs permettant à ses œufs de survivre pendant plusieurs mois. On le retrouve souvent en premier lieu sur les étapes des grands axes de communication – ports, aéroports, stations d’autoroute –, d’où il colonise les espaces urbanisés.

Les maladies vectorielles que le moustique Aedes emporte avec lui ont longtemps été qualifiées de maladies tropicales ; il faudrait désormais les qualifier de maladies globales. Ces maladies vectorielles – ou « arboviroses », comme les scientifiques les appellent – sont essentiellement des infections causées par des virus.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, les principales maladies à transmission vectorielle représentent environ 17 % de la charge mondiale estimée des maladies transmissibles et sont responsables de plus de 700 000 décès annuels. Les zones tropicales et subtropicales sont les plus touchées. Plus de 80 % de la population mondiale vit dans des zones où il existe un risque de contracter l’une des principales maladies à transmission vectorielle.

Les vecteurs et la transmission des maladies vectorielles forment un cycle dans lequel interviennent trois acteurs : le moustique femelle, qui a besoin d’un repas de sang pour acquérir les protéines nécessaires à sa reproduction et au développement de ses œufs ; l’humain, qu’il pique pour s’alimenter ; le parasite, souvent un virus, qui se développe dans le système digestif et salivaire du moustique et qui peut ensuite être transmis à un autre humain lors d’un repas sanguin ultérieur.

L’objet de la commission d’enquête nous a conduits à nous concentrer sur les moustiques Aedes albopictus et Aedes aegypti et les principales maladies qu’ils transmettent : la dengue, le chikungunya, le Zika. Nous nous sommes également intéressés aux moustiques Culex, vecteurs du West Nile, et aux anophèles, vecteurs du paludisme.

Problème global, la prolifération des moustiques Aedes représente un enjeu de santé publique, notamment dans les territoires ultramarins, de plus en plus confrontés à des épidémies propagées par les moustiques. Le chikungunya a touché Mayotte et La Réunion en 2005-2006 ; la pandémie de Zika a atteint l’océan Pacifique et les départements français d’Amérique de 2014 à 2016 ; la dengue est endémique à Mayotte et à La Réunion.

Mais la colonisation progressive du territoire métropolitain par le moustique-tigre Aedes albopictus depuis 2004 en fait également un problème sanitaire hexagonal. En 2019, Santé publique France a recensé 657 cas importés de dengue, 56 cas importés de chikungunya, 6 cas importés de Zika, mais également 9 cas autochtones de dengue et 3 cas autochtones de Zika. Sur l’ensemble du territoire français, il faudra désormais apprendre à vivre avec les moustiques Aedes et les maladies qu’ils transmettent.

Les travaux de la commission d’enquête ont été perturbés par une autre épidémie. Les auditions prévues ont dû s’interrompre pendant la période du confinement. Une session d’auditions, consacrée à la prise en compte du risque vectoriel dans différents secteurs d’activité, a été annulée et remplacée par l’envoi d’un questionnaire aux parties prenantes. Les déplacements envisagés ont également dû être annulés. L’institut Pasteur de Paris a cependant bien voulu nous accueillir pour présenter ses recherches en cours et à venir, ce dont je le remercie. Prenant acte de ce contretemps, la loi du 23 mars 2020 a porté de six à huit mois la durée maximale des commissions d’enquête en cours. Au total, la commission d’enquête a réalisé 28 auditions et entendu près de 60 personnes.

J’ai également demandé communication des rapports inédits de trois missions distinctes conduites récemment par l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale de l’administration sur des sujets entrant dans le champ de la commission d’enquête. Je regrette que le fruit de ces excellents travaux n’ait pas été publié en amont des auditions.

Celles-ci ont montré que le Gouvernement et le Parlement ont pris conscience des enjeux. Il importe dorénavant de refonder une politique nationale de lutte antivectorielle, pilotée par l’État mais déclinée au niveau local pour tenir compte de la diversité des territoires et des difficultés spécifiques des territoires ultramarins.

Le décret du 29 mars 2019 relatif à la prévention des maladies vectorielles a entrepris une salutaire remise à plat en faisant de la surveillance et de la lutte contre les moustiques vecteurs une politique nationale confiée par l’État aux agences régionales de santé. Cependant, faute d’avoir articulé cette recentralisation avec les compétences des départements et des maires, cette réforme est restée au milieu du gué.

La politique de lutte antivectorielle ne peut pas reposer uniquement sur une lutte insecticide. Son premier volet doit consister à refonder une politique de prévention : grâce à une information et une mobilisation sociale repensées, le citoyen doit être le premier acteur de la lutte contre les moustiques et, ainsi, devenir acteur de sa propre santé. Il n’est pas admissible que l’information délivrée par les médias sur le moustique-tigre provienne, pour une large part, du dossier de presse annuel d’un fabricant d’insecticides.

Dans un deuxième temps, il faut que la protection primaire contre le risque moustiques – c’est-à-dire l’absence de gîtes larvaires où les moustiques Aedes peuvent se reproduire – soit prise en compte dans l’ensemble des politiques publiques, notamment en matière d’urbanisme, de construction et de transports.

Dans un troisième temps, il faut articuler les interventions des différents acteurs publics, à savoir le maire, détenteur des pouvoirs de police administrative et seul à même d’être vigilant, les départements, chargés de la lutte de confort, les agences régionales de santé, qui mènent la lutte antivectorielle, les préfets, responsables de la mobilisation des moyens en cas d’épidémies, et les agences chargées de piloter cette politique.

Quatrième volet de cette politique : consolider le dispositif de surveillance épidémiologique, mieux former les professionnels de santé à la détection et au traitement des formes chroniques de chikungunya et de Zika et mieux lutter contre les épidémies avérées, en s’appuyant notamment sur les retours d’expérience.

Pour que cette politique se développe, il faut lui donner des outils. La lutte chimique dispose de moins en moins de solutions ; l’utilisation d’un nombre limité de produits ne peut que conduire au développement de résistances. La recherche fondamentale et appliquée travaille à de nouvelles approches dans la lutte contre les moustiques et contre les maladies vectorielles : il importe que ces projets de recherche soient soutenus de manière plus importante, notamment pour que les décideurs disposent d’une palette d’outils plus diversifiée. Il faut également veiller à informer les populations sur les potentialités et les risques de ces techniques, afin de favoriser l’engagement personnel et l’acceptabilité des moyens de lutte antivectorielle.

Comment lutter contre les Aedes ? Il ressort de nos auditions qu’un changement d’approche s’impose. Traditionnellement, lorsque l’on pense à la lutte contre les moustiques, on pense aux produits insecticides. C’est un réflexe que l’on peut comprendre, car les insecticides ont été beaucoup utilisés par le passé et continuent de l’être sous diverses formes. Du reste, ils fonctionnent plutôt bien contre les moustiques Culex ou les anophèles, qui vivent dans des zones humides, en milieu naturel, où ces produits peuvent être utilisés sans difficulté et avec un impact limité sur l’environnement.

Mais, nous devons, dans une certaine mesure, « désapprendre » ce réflexe pour ce qui concerne les moustiques Aedes, qui sont des moustiques urbains. Ils ne vivent pas dans de grandes étendues d’eau mais dans des gîtes de petite taille, liés à l’activité humaine et à proximité des habitations. L’utilisation massive d’insecticides serait donc dangereuse. Elle serait aussi totalement inefficace à terme car les moustiques développent rapidement des résistances aux produits utilisés.

Actuellement, les produits insecticides sont utilisés dans des cas précis. Lorsqu’un cas humain de maladie vectorielle est détecté, l’agence régionale de santé programme un traitement local d’épandage d’insecticide dans le voisinage de la personne malade. C’est une intervention d’envergure très réduite, dont le but est d’éliminer tous les moustiques adultes potentiellement porteurs de la maladie. En dehors de cette hypothèse, nous n’utilisons pas de produit insecticide contre les Aedes, pour les raisons que j’évoquais à l’instant. D’autres techniques sont en cours de développement mais elles ne sont pas, pour l’instant, utilisables à grande échelle.

Le premier volet d’une politique publique doit donc reposer sur la mobilisation sociale contre les gîtes larvaires, afin de prévenir la prolifération des moustiques. C’est ma première préconisation. Cela signifie que chacun doit vider les récipients d’eau et veiller à ce que les moustiques ne puissent pondre nulle part dans sa propriété. Coupelles de fleurs, bassines, bidons, gouttière, terrasse : il est du devoir de chacun d’éliminer toutes les eaux stagnantes. Il faut également se protéger contre les piqûres en portant des vêtements adaptés et des répulsifs.

Nous ne pouvons plus nous contenter de réagir aux épidémies quand elles surviennent. La crise du covid-19 nous l’a montré, nous devons nous préparer. S’agissant des maladies vectorielles, nous privilégions encore trop le curatif plutôt que la prévention. Il manque une vision d’ensemble, qui soit focalisée, non pas sur la lutte contre les foyers épidémiques quand ils apparaissent, mais sur la réduction durable du nombre de moustiques Aedes. Il nous faut donc, dès aujourd’hui, définir un plan national de prévention fondé sur la mobilisation sociale et décliné au niveau local. Ses objectifs devront tenir en trois mots-clefs : communication, implication, urbanisme.

Communication, d’abord, car c’est l’élément le plus important de la lutte contre le moustique-tigre : il faut communiquer, encore et toujours. Il faut expliquer à nos concitoyens que les moustiques Aedes ne sont pas les moustiques Culex : ils vivent chez nous, et pas dans les zones humides. Beaucoup pensent que l’on ne peut pas prévenir la prolifération des moustiques ; beaucoup connaissent les bons gestes mais ne les appliquent pas.

Pour agir de façon efficace, nous émettons, dans le rapport, un certain nombre de propositions. Il faudra, en premier lieu, adapter le registre de discours à la situation sanitaire de chaque territoire. En métropole, il est difficile de mobiliser la population en parlant des maladies vectorielles : les gens ne savent pas ce que sont la dengue, le chikungunya et le Zika, qui demeurent pour eux des maladies tropicales. C’est pourquoi insister sur la nuisance, dont tout le monde peut faire l’expérience, est souvent une piste à privilégier.

Il faudra également adapter la communication à chaque territoire. C’est, dans les outre-mer, un point essentiel qui a malheureusement souvent été négligé, voire bâclé. Il faut communiquer de la bonne manière, en s’appuyant sur les codes culturels et les acteurs locaux.

Il faudra enfin mobiliser les enfants. Si nous formons aujourd’hui les enfants à la lutte contre les gîtes larvaires, nous aurons demain des citoyens bien informés, mobilisés, et nous aurons moins de moustiques. On nous a parlé des remarquables résultats obtenus grâce aux campagnes menées dans les écoles au Vietnam. Je souhaite que l’on s’en inspire et que des actions soient menées dans toutes les classes.

Deuxième mot-clef : l’implication de la société, de toute la société. Il est en effet apparu, au cours des auditions, que si les particuliers sont responsables de la majorité des gîtes larvaires, les organismes publics sont également concernés. Les services de démoustication doivent souvent intervenir dans les lycées, par exemple. Ce n’est pas normal : les pouvoirs publics doivent être exemplaires. Aussi l’implication de tous les organismes publics devra-t-elle constituer un volet essentiel du plan national de prévention.

Enfin, troisième mot-clef : l’urbanisme. Le moustique-tigre raffole des coupelles des pots de fleurs et des bidons d’eau, mais il raffole tout autant, voire plus, des ouvrages mal entretenus dans lesquels l’eau peut stagner pendant des semaines. Le plan national de prévention devra en tenir compte, en identifiant dans chaque territoire les ouvrages à risque et en proposant des solutions. Nous avons constaté que ce n’étaient pas toujours les normes en elles-mêmes qui posaient problème, mais leur respect par les constructeurs. De ce point de vue, il convient également de former les paysagistes, les architectes et les ingénieurs du bâtiment au risque vectoriel.

Passons maintenant à une autre question essentielle, celle de l’organisation de la lutte contre les moustiques et du cadre juridique en vigueur. Cette question a été au cœur de nos travaux. Rappelons qu’elle est à l’origine de cette commission d’enquête, à la suite du décret du 29 mars 2019, sur lequel je reviendrai. Pour bien comprendre la répartition des compétences en vigueur, il faut faire deux distinctions : entre l’Hexagone et l’outre-mer, d’une part, entre la lutte antivectorielle et la lutte « de confort », d’autre part.

Il existe en effet plusieurs systèmes de lutte contre les moustiques en France : l’un dans l’Hexagone, et l’autre, voire les autres, dans les outre-mer. En outre-mer, les moustiques et les maladies qu’ils transmettent sont un problème ancien. À Mayotte, le paludisme est présent de longue date. En Guyane, la fièvre jaune sévit encore. Pour y faire face, des services de démoustication ont été créés, parfois gérés par l’État, comme à Mayotte, à La Réunion ou en Guadeloupe, parfois par la collectivité, comme en Guyane, parfois de façon conjointe, comme en Martinique. Cette organisation ne pose pas, en soi, de problème, si ce n’est peut-être dans deux territoires, où les relations entre l’État et la collectivité ne sont pas toujours au beau fixe.

Dans l’Hexagone, en revanche, la lutte antivectorielle est une politique plus récente. Si l’on a démoustiqué, à partir des années 1960, c’est pour rendre le littoral méditerranéen plus vivable et plus attractif pour les touristes. Pour ce faire, les départements se sont alliés et ont mis en place des organismes spécifiques, communément appelés « opérateurs publics de démoustication », dont le premier fut l’entente interdépartementale de démoustication du littoral méditerranéen. Ces opérateurs étaient chargés d’une lutte de confort, déconnectée des problématiques sanitaires. La loi du 16 décembre 1964 a confié un certain nombre de prérogatives aux départements et à leurs opérateurs, constituant ainsi le socle juridique de la démoustication. Pour résumer, la situation a été pendant plusieurs décennies la suivante : un cadre juridique et des organismes dédiés exclusivement à la lutte de confort dans l’Hexagone, tandis que la question des « moustiques vecteurs » était circonscrite aux outre-mer.

La situation a toutefois évolué avec l’arrivée d’Aedes albopictus dans l’Hexagone en 2004. Pour la première fois depuis plusieurs décennies, le moustique redevenait un risque sanitaire en métropole. Avec ce risque est apparu un nouvel impératif : celui de répondre à un éventuel foyer épidémique par des mesures de lutte contre les moustiques.

C’est là que les difficultés ont commencé. Le législateur a choisi, en 2004, de modifier la loi de 1964 pour y introduire des dispositions relatives à la lutte antivectorielle. De fait, celle-ci a été transférée aux organismes départementaux tout en demeurant, malgré tout, sous la supervision de l’État. Seize ans plus tard, nous sommes encore dans ce schéma juridique, malgré tous ses défauts. Les auditions et les documents recueillis aboutissent tous au même constat : ce schéma est confus et assez inefficace.

Pour y remédier, des efforts ont été entrepris au cours des dernières années. Un décret du 29 mars 2019 a ainsi recentré la compétence en matière de lutte antivectorielle autour des ARS. Il permet notamment à celles-ci de confier le traitement insecticide des zones où ont été détectés des cas humains de maladie vectorielle à des organismes publics ou privés habilités à cet effet. Cette possibilité a suscité des réserves de la part de plusieurs personnes auditionnées, qui craignent une utilisation excessive d’insecticides en cas de délégation à une entreprise. Une proposition de loi relative à la sécurité sanitaire, adoptée en première lecture au Sénat en janvier, reprend ces éléments.

Ces textes vont dans le bon sens, mais ils peuvent être étoffés. La solution que nous appelons de nos vœux pourrait être résumée par les quatre principes suivants.

Premièrement, il convient de centraliser la surveillance sanitaire, en confiant la compétence de la lutte antivectorielle aux agences régionales de santé, qui ont l’expertise nécessaire et la légitimité pour surveiller les départs d’épidémie et prendre les mesures qui s’imposent.

Mais centraliser la surveillance ne signifie pas que les ARS doivent tout faire elles-mêmes, d’où le deuxième principe : la délégation de l’exécution. En effet, il n’est pas normal que, dans un certain nombre de territoires – notamment le mien, Mayotte –, l’ARS doive prendre en charge en interne toutes les opérations de lutte contre les moustiques ; ce n’est pas son rôle. Il faut donc poursuivre sur la lancée du décret de 2019, en inscrivant la capacité de délégation dans la loi.

Troisièmement, il faut préserver l’expertise publique en matière de lutte contre les moustiques et s’assurer que la maîtrise acquise par les opérateurs publics n’est pas perdue. En effet, et j’insiste sur ce point, confier la lutte anti-vectorielle aux opérateurs existants présente l’avantage de mutualiser lutte de confort et lutte anti-vectorielle. Cette mutualisation est d’autant plus importante que ce que nous considérons aujourd’hui comme une lutte de confort pourrait devenir une lutte anti-vectorielle puisque le moustique Culex est vecteur du virus West Nile, qui pourrait très bien émerger dans l’Hexagone.

Enfin, il convient d’impliquer les communes. Il s’agit, là encore, globalement, d’un point à améliorer. Si certaines communes, qui s’appuient sur les pouvoirs de police du maire, sont très engagées dans la lutte contre les moustiques et mènent des actions remarquables en la matière, d’autres le sont moins : elles n’ont ni les effectifs ni la compétence technique pour s’armer contre les moustiques Aedes. Quoi qu’il en soit, il faut confier aux communes et intercommunalités un rôle de veille et d’alerte.

À cet égard, trois des propositions inscrites dans le rapport me semblent particulièrement importantes.

La première consiste à donner aux agents communaux la capacité de pénétrer dans les propriétés privées, notamment en cas d’urgence et lorsque personne ne peut les y autoriser, pour y surveiller l’apparition de gîtes larvaires. Cette mesure doit être entourée de toutes les garanties légales nécessaires.

Deuxièmement, nous préconisons que toutes les communes, même les plus petites, désignent un référent « santé environnementale » ou « vecteurs » qui participerait aux réunions et formations organisées par les services de l’ARS. Lutter efficacement contre le moustique-tigre, c’est d’abord, nous l’avons dit, changer les mentalités ; dans les territoires, ce référent y contribuerait.

Troisièmement, nous proposons d’impliquer dans la lutte non seulement les communes mais aussi les intercommunalités, qui exercent des compétences larges ; je pense notamment à la compétence « déchets », s’agissant de la lutte contre les moustiques Aedes. Cependant, elles ne disposent pas des pouvoirs de police du maire.

Un travail complémentaire sera nécessaire pour adapter ce dispositif aux territoires d’outre-mer où les rapports entre l’État et les collectivités sont parfois difficiles – c’est le cas en Guyane et en Martinique – et où les communes ne sont pas assez actives contre les moustiques. Il faudra que cela change.

Autre élément essentiel mis en évidence par les travaux de la commission d’enquête : le rôle crucial de la recherche en matière de lutte contre les maladies vectorielles. Si le niveau d’excellence de la recherche française sur les arboviroses est internationalement reconnu, celle-ci demeure peu structurée malgré les différentes initiatives prises par les chercheurs en ce sens. Trop souvent, les financements arrivent lorsqu’une épidémie est avérée puis se tarissent lorsque celle-ci est terminée, de sorte qu’ils manquent pour les projets à long terme. Par ailleurs, l’approche de ces projets est encore trop disciplinaire : l’interdisciplinarité doit être un préalable.

Il ne me semble pas utile de créer une nouvelle agence. Cependant, la création d’une alliance « Vecteurs et arboviroses », sur le modèle d’Aviesan (Alliance pour les sciences de la vie et de la santé) ou de ZIKAlliance, permettrait d’animer et de dynamiser la recherche. Pourraient ainsi être organisés à échéances régulières des échanges entre chercheurs, médecins, sociologues, professionnels de la lutte antivectorielle et d’autres acteurs potentiellement intéressés, afin de définir les priorités de la recherche et, à terme, fédérer une communauté technique « vecteurs ». L’ensemble des pôles organisant la recherche auraient vocation à y participer, notamment le réseau Arbo-France, le futur centre de recherche sur les maladies vectorielles de l’Institut Pasteur et le pôle d’excellence que représente le service de santé des armées. Les territoires ultramarins devraient, du fait de leur exposition au risque endémique des maladies vectorielles, bénéficier également d’un renforcement de leurs capacités de recherche.

Au plan fonctionnel, cette structure pourrait prendre une forme souple et être dotée de moyens financiers propres, sans que soient pour autant remises en cause les missions actuellement confiées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), notamment en matière d’évaluation des mesures de lutte, dont l’indépendance fonctionnelle vis-à-vis des opérateurs paraît indispensable. En tout état de cause, le financement de la recherche ne saurait se limiter à celui qui intervient en réaction aux événements épidémiques. Les travaux de notre commission d’enquête ont en effet montré que les maladies vectorielles étaient dues davantage à une réémergence qu’à une émergence.

Il faut notamment confier à la recherche publique la tâche de développer de nouveaux outils de lutte antivectorielle. Actuellement, la lutte insecticide repose sur l’utilisation d’une seule molécule, la deltaméthrine. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire. Seule la mise au point de nouveaux outils nous permettra de surmonter les résistances à cette molécule qui, à terme, ne manqueront pas d’apparaître.

La recherche de nouvelles techniques de lutte contre les vecteurs doit également être encouragée. Actuellement, quatre d’entre elles sont particulièrement prometteuses. Celles de l’insecte stérile et de l’insecte incompatible porteur de la bactérie Wolbachia sont encourageantes ; les deux autres utilisent des moustiques génétiquement modifiés : la méthode RIDL (Release of insects carrying a dominant lethal) et la technique dite du forçage génétique. Prometteuses, ces techniques soulèvent néanmoins des problèmes éthiques qu’il s’agit d’évaluer. Si je préconise d’encourager leur expérimentation, j’insiste sur la nécessité de prendre toutes les précautions nécessaires tant vis-à-vis des territoires que de l’environnement, en s’assurant du plein consentement des populations concernées.

Je soutiens la création d’un prix de recherche « maladies vectorielles et vecteurs » financé par un grand institut de recherche ou une fondation regroupant l’ensemble de ces instituts. Ce prix permettrait d’attirer davantage de crédits internationaux ainsi que des financements privés.

Mes chers collègues, au terme de ces huit mois de travaux, je tiens à remercier ceux d’entre vous qui m’ont accompagnée lors des auditions ainsi que les administrateurs de l’Assemblée nationale, sans qui ces travaux n’auraient certainement pas abouti.

Nous sommes encore au milieu du gué : la politique de lutte contre les moustiques et les maladies vectorielles doit être refondée. Aussi, je vous propose d’interroger le Gouvernement dès que possible afin que le Parlement puisse être saisi d’un texte reprenant nos préconisations.

M. Frédéric Reiss. Madame la rapporteure, je tiens à souligner le travail colossal que vous avez accompli : quarante-huit propositions sont désormais sur la table. Vous avez insisté notamment sur la nécessité de communiquer sur la lutte contre le moustique Aedes. J’ajouterai qu’il faut également sensibiliser nos concitoyens à ce problème, dont ils doivent absolument prendre conscience, afin de fixer ensuite des objectifs en nous donnant les moyens d’évaluer les actions mises en œuvre pour les atteindre. Le suivi me paraît donc très important.

Nous sommes très loin, vous l’avez dit, de la lutte de confort qui prévalait il y a plus d’un demi-siècle, dans les années 1960, notamment sur le littoral méditerranéen et dans ma région, le long de la plaine du Rhin. De fait, l’arrivée du moustique-tigre doit nous amener à évaluer la perspective d’un risque sanitaire majeur dans les années à venir. C’est pourquoi les pistes que vous avez évoquées concernant la recherche méritent d’être explorées.

Par ailleurs, la proposition n° 30, relative précisément à la recherche, et la proposition n° 14, qui consiste à donner aux agents communaux la possibilité d’intervenir, le cas échéant, dans les propriétés privées avec l’accord du propriétaire me semblent marquer une avancée. Je souhaite que les conclusions de nos travaux permettent de progresser dans le domaine important de la lutte contre la propagation des moustiques Aedes.

M. Paul Christophe. Madame la rapporteure, ayant eu le plaisir de vous accompagner lors de certaines auditions – trop peu, hélas –, j’ai pu apprécier la manière dont celles-ci avaient été préparées – je pense notamment aux questionnaires soumis aux personnes entendues.

Je soutiens, à mon tour, vos propositions. Vous insistez, dans votre rapport, sur le morcellement de la politique publique, qui réagit plus qu’elle ne prévient. Force est de constater en effet, et l’épidémie récente en témoigne, que nous sommes mal préparés à la gestion des crises et, surtout, à leur anticipation. C’est pourquoi je souscris particulièrement à la proposition n° 15, qui vise à désigner un référent « santé environnementale » par commune.

La réponse chimique, avez-vous dit, n’est pas la panacée ; certaines mesures de bon sens peuvent être prises. Vous avez mentionné, à ce propos, le caractère urbain de la prolifération de ces moustiques, alimentée par de petites pièces d’eau. Pour ma part, j’ai été amené à développer, à l’échelle d’un département, la lutte contre le moustique Aedes sticticus, le moustique des marais. À cette fin, nous avons eu recours à des outils tels que le bacille de Thuringe, mais nous avons aussi encouragé le retour de la biodiversité, car ces moustiques ont des prédateurs naturels : les dytiques, dans l’eau, les hirondelles, les chauves-souris ou les libellules. Certes, des mesures ce type sont plus difficiles à mettre en œuvre en milieu urbain, mais elles ne doivent pas être négligées.

Vos propositions sont très nombreuses. Je souhaite évidemment qu’elles prospèrent, et nous serons à vos côtés pour les défendre. Bravo à vous, et merci aux services qui ont concouru à la préparation des auditions dans des circonstances parfois difficiles. Je garde en mémoire, à ce propos, la visioconférence organisée avec des représentants de l’Association des maires de France, qui a illustré la méconnaissance de ces problématiques dans une partie du territoire puisque bon nombre de nos questions sont restées sans réponse. Ce constat renforce votre proposition de désigner un référent au sein de chaque collectivité afin de faciliter le travail en réseau.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Je souhaiterais, pour ma part, revenir sur la genèse de cette commission d’enquête, car l’adoption de la proposition de résolution tendant à la créer n’a pas été facile. La majorité, retrouvant en cela les réflexes du vieux monde politique, n’était, en effet, pas très favorable à cette proposition issue d’un groupe de l’opposition, qui aurait pu, en cette circonstance, user de son « droit de tirage ». Alors que mon groupe, fidèle à la majorité, avait décidé de s’abstenir, je suis heureux que mon intervention en séance publique ait convaincu certains collègues de voter la proposition de résolution, qui n’a été adoptée que par deux voix d’écart. Une telle réticence traduisait, au demeurant, la méconnaissance de l’utilité de cette commission d’enquête, dont j’étais moi-même convaincu, étant élu d’un territoire concerné par le problème.

Madame la rapporteure, vous avez brillamment défendu votre cause et je suis très fier d’avoir pu participer à certaines auditions à vos côtés.

La communication est d’autant plus importante que, précisément, certains de nos collègues peuvent se croire moins concernés que les députés de circonscriptions ultramarines ou lacustres. Or, votre rapport le démontre, le principal vecteur de propagation des moustiques, ce sont les petits récipients d’eau que chacun possède chez soi.

Je veux encore vous féliciter pour le travail accompli. Je m’associerai aux efforts que vous déploierez pour en propager les résultats.

M. Stéphane Viry. Madame la rapporteure, bravo ! La prolifération des moustiques Aedes représente un risque sanitaire majeur qui, cela a été dit, a été minoré par certains de nos collègues – animés peut-être par des arrière-pensées, et c’est assez moche. Or, vous l’avez parfaitement démontré, ce risque va croissant car les phénomènes de colonisation font de la présence de ces moustiques un fléau chronique qui ne frappe pas seulement les territoires ultramarins.

Pour lutter contre ce fléau, il faut développer la recherche et l’innovation, cela va sans dire : si nous étions plus avancés dans ce domaine, nous aurions peut-être déjà trouvé un certain nombre de remèdes. Je souscris également à vos propositions en matière de prévention, qu'il s’agisse de l’élaboration d’un plan national de prévention ou de l’importance de la mobilisation sociale. Surtout, vous avez identifié un problème d’importance, illustrant ainsi l’utilité des commissions d’enquête parlementaire, en démontrant que notre organisation administrative était dépourvue, non pas de moyens, mais d’une efficacité suffisante. C’est le message central que je retiens de vos quarante-huit propositions : si nous ne modifions pas notre approche du problème, nous n’y arriverons pas.

Je forme donc le vœu que ces travaux aient des suites, et je souscrirai sans réserve aucune aux initiatives que vous prendrez à cette fin ; ils témoignent de l’utilité, de la dignité et de la beauté du travail parlementaire lorsqu’il s’attache à évaluer des politiques publiques qui ne sont ni de droite ni de gauche.

M. Loïc Dombreval, président. Lorsque j’étais maire de Vence, commune des Alpes-Maritimes située à 300 mètres d’altitude, j’avais pris, pour lutter contre les moustiques, un arrêté qui m’avait valu l’ironie des médias locaux et les ricanements d’un artiste qui se produisait dans la commune. Nous avions ainsi organisé, avec la police municipale, une forme de traque des récipients favorisant la reproduction de ces moustiques qui pourrissaient la vie des habitants de la commune. La situation s’est depuis améliorée. Je crois beaucoup aux vertus de la communication en la matière, car beaucoup ignorent que les soucoupes de leurs pots de fleur favorisent la prolifération des larves de moustiques.

Je vous félicite, madame la rapporteure, pour ce rapport très complet. Je n’ai pas pu assister aux auditions, mais je suis très sensible à ce problème contre lequel il y a encore beaucoup à faire.

La commission adopte le rapport à l’unanimité et autorise sa publication.

 


—  1  —

   Annexes

Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes

(Par ordre chronologique)


Les comptes rendus des auditions de la commission d’enquête font l’objet du tome II du présent rapport

Toutes les auditions ont été ouvertes à la presse et sont disponibles en ligne à http://videos.assemblee-nationale.fr/commissions.propagation-des-moustiques-aedes-et-des-maladies-vectorielles-ce
 

– Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs

– Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes

 Pr Philippe Desprès, chef de l’unité Interactions Moléculaires Flavivirus-Hôtes de l’Institut Pasteur, membre expert pour les arbovirus à l’Organisation mondiale de la santé (OMS)

 Pr Fabrice Simon, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM Marseille), membre de l’unité de recherche sur les virus émergents et expert consultant sur le chikungunya pour l’OMS

– Haut conseil des biotechnologies (HCB) – Pr Jean-Christophe Pagès, président par intérim du HCB, président du comité scientifique du HCB, M. Emmanuel Roques, secrétaire général, M. Pascal Boireau, vice-président du comité scientifique, Mme Catherine Golstein, responsable scientifique et rédactrice de l’avis du comité scientifique relatif à l’utilisation de moustiques génétiquement modifiés dans le cadre de la lutte antivectorielle, et Mme Lucie Guimier, responsable scientifique en charge des questions de science et de société

 Mme Annelise Tran, chercheuse à lunité mixte de recherche Territoires, environnement, télédétection et information spatiale (Tetis) du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD)

– Table ronde : lapport des sciences sociales sur la perception du risque par les populations

– Dr Fabrice Chandre, entomologiste médical, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD)

 Pr Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité mixte de recherche des virus émergents (UVE) à l’Inserm, coordinateur du consortium de recherche pluridisciplinaire et multinational Zikalliance

 Consortium multidisciplinaire REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases) de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Avisean) :

– M. Didier Fontenille, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV)

– Mme Stéphanie Blandin, responsable du groupe Réponses immunitaires chez les moustiques vecteurs de maladies à l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg (Inserm – Université de Strasbourg – CNRS)

– Dr Stephan Zientara, directeur-adjoint du laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), directeur de l’unité mixte de recherche Virologie (INRAE – Anses – École nationale vétérinaire d’Alfort)

 Table ronde relative à la dengue :

 Centre national de référence des arbovirus – Dr Isabelle Leparc-Goffart, responsable du Centre national de référence des arbovirus au sein de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA)

– Audition conjointe :

 Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée) – – M. Christophe Morgo, président de l’EID Méditerranée, président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), M. Bruno Tourre, directeur général, M. Didier Moulis, directeur technique, M. Grégory LAmbert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche

 Association des maires de France – Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission Prévention des pollutions

 Santé publique France – Dr Henriette de Valk, responsable de lunité Infections zoonotiques, vectorielles et alimentaires au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France, et Dr Marie-Claire Paty, coordonnatrice de la surveillance des maladies vectorielles au sein de la direction des maladies infectieuses

 Agence nationale de sécurité sanitaire, de lalimentation, de lenvironnement et du travail (Anses)  M. Roger Genet, directeur général, M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), Mme Johanna Fite, responsable de la mission Vecteurs, et Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail Vecteurs de lAnses, directeur du laboratoire détude et de recherche en environnement et santé (LERES), co-directeur de léquipe Évaluation des expositions et recherche épidémiologique sur lenvironnement, la reproduction et le développement de lInstitut de recherche en santé, environnement et travail (IRSET)

 Audition conjointe :

 Assemblée des départements de France (ADF) – M. Franck David, vice‑président du conseil départemental du Jura, président de l’Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (ELIZ), M. Benoit Combes, directeur de l’ELIZ, M. Rémi Foussadier, directeur de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes, et Mme Alix Mornet, conseillère Développement durable au sein de l’ADF

 Direction générale des collectivités locales (DGCL) – Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales – M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales, Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux, et Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique

 Direction générale de la santé  Ministère des Solidarités et de la Santé – M. Olivier Brahic, sous-directeur de la veille et sécurité sanitaire, et M. Alexis Pernin, chef du bureau Risques infectieux émergents et vigilances

 Dr Vincent Pommier de Santi, médecin en chef, chef de l’unité de surveillance et investigations épidémiologiques du Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées

– Agence régionale de santé de lOccitanie  M. Pierre Ricordeau, directeur général, Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique, et Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure détudes sanitaires

 Direction générale des Outre-Mer (DGOM)  Ministère des Outremer – M. Charles Giusti, adjoint au directeur général des Outre-Mer

 


Annexe n° 2 :
Liste des contributions écrites reçues

– Dr Andrea Ammon, directrice du Centre européen de prévention et contrôle des maladies – European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC)

 M. Bruno Mathieu, coordinateur du projet transfrontalier TIGER Trinational Initiative Group of Entomology in Upper Rhine valley

En réponse à un questionnaire sur les actions de la filière construction et urbanisme :

– M. Yannick Prebay, directeur Territoires et ville au sein du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema)

 Mme Dominique Chanaud, responsable de la mission santé et environnement de la ville de Marseille

– Mme Julie Cardi, doctorante en urbanisme à l’Université Aix-Marseille

En réponse à un questionnaire sur les actions de la filière pneumatiques :

 M. François Dewerdt, président du groupement d’intérêt économique France Recyclage Pneumatique (GIE FRP)

– M. Hervé Domas, directeur général d’Aliapur


Annexe n° 3 :
Liste des personnes rencontrées
par une délégation de la commission d’enquête
le 18 juin 2020 à l’Institut Pasteur de Paris

– M. David Itier, directeur de cabinet du président de l’Institut Pasteur

 Pr Christophe dEnfert, directeur scientifique de l’Institut Pasteur

 Pr Philippe Bastin, directeur du laboratoire de biologie de biologie cellulaire des trypanosomes, en charge du projet de centre de recherche sur les maladies vectorielles

– Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes

 


([1])  Erik Orsenna, Isabelle de Saint-Aubin, Géopolitique du moustique : Petit précis de mondialisation IV, Fayard, 2017.

([2]) Audition du Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche en écologie à l’Institut Pasteur – CNRS, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes, 13 février 2020.

([3])  OMS, Action mondiale pour lutter contre les vecteurs 2017–2030, document de base pour éclairer les délibérations lors de la 70e session de lAssemblée mondiale de la Santé, 2017 https://www.who.int/malaria/areas/vector_control/Draft-WHO-GVCR-2017-2030-fre.pdf?ua=1

([4])  Santé publique France, Données de la surveillance renforcée dans les 58 départements métropolitains où le moustique Aedes albopictus est implanté https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/articles/donnees-en-france-metropolitaine

([5]) Assemblée nationale, commission des affaires culturelles familiales et sociales, Rapport dinformation sur lépidémie à virus chikungunya à La Réunion et Mayotte, déposé par M. Bertho Audifax, député, le 6 juillet 2006, http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i3242.asp

([6]) Proposition de loi relative à la sécurité sanitaire n° 180 (2019-2020) déposée au Sénat le 5 décembre 2019 par M. Michel Amiel et plusieurs de ses collègues, et adoptée par le Sénat le 5 février 2020.https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-180.html

([7]) Commission des Affaires sociales, auditions dans le cadre de l’évaluation des mesures à mettre en œuvre pour éviter toute nouvelle épidémie de maladie vectorielle transmise par les moustiques, 24 juillet 2019 http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion-soc/l15cion-soc1819084_compte-rendu#

([8])  Proposition de loi visant à prévenir des maladies vectorielles transmises par les insectes, n° 2056 , déposée le mercredi 19 juin 2019 par M. Olivier Veran et les membres du groupe La République en Marche http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2056_proposition-loi

([9]) Loi n° 64-1246 du 16 décembre 1964 relative à la lutte contre les moustiques https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000509754

([10])  Audrey Garric, « Et si on éradiquait tous les moustiques ? » Le Monde, 16 février 2016, https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/02/16/et-si-on-eradiquait-tous-les-moustiques_5993446_3244.html

([11]) Audition du Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche en écologie à l’Institut Pasteur – CNRS, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes, 13 février 2020.

([12]) Ibid.

([13]) Didier Fontenille et al., La lutte antivectorielle en France, 2009, p. 31-34. https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/ed-09-10/010047130.pdf

([14]) Audition du Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs, 13 février 2020.

([15])  Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Aedes aegypti – current known distribution, May 2020, https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-aegypti-current-known-distribution-may-2020

([16]) Ibid.

([17])  Audition du Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche en écologie à l’Institut Pasteur – CNRS, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes, 13 février 2020.

([18]) Direction générale de la santé, Cartes de présence du moustique tigre (Aedes albopictus) en France métropolitaine, https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine

([19]) Direction générale de la santé, Cartes de présence du moustique tigre (Aedes albopictus) en France métropolitaine, https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et-parasites/article/cartes-de-presence-du-moustique-tigre-aedes-albopictus-en-france-metropolitaine

([20])  Didier Fontenille, Christophe Lagneau, Sylvie Lecollinet, Régine Lefait Robin, Michel Setbon, Bernard Tirel et André Yébakima (dir.), La lutte antivectorielle en France, Expertise collégiale de lIRD, IRD Editions, 2009, p. 23 https://books.openedition.org/irdeditions/1214

([21]) Audition du Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs, 13 février 2020              .

([22]) Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Aedes albopictus – current known distribution, May 2020, https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-albopictus-current-known-distribution-may-2020

([23])  Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Aedes albopictus – current known distribution, May 2020, https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-albopictus-current-known-distribution-may-2020

([24]) Audition du Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs, 13 février 2020.

([25])  Ibid.

([26])  Didier Fontenille, Christophe Lagneau, Sylvie Lecollinet, Régine Lefait Robin, Michel Setbon, Bernard Tirel et André Yébakima (dir.), La lutte antivectorielle en France, Expertise collégiale de l’IRD, IRD Editions, 2009, p. 22 https://books.openedition.org/irdeditions/1214

([27])  François Rivière, Écologie de Aedes (Stegoymia) polynesiensis et la transmission de la filariose de Bancroft en Polynésie, Thèse de doctorat, Université Paris-Sud, 1988, p. 27, https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers10-08/26683.pdf

([28])   Elodie Calvez et al., Zika virus outbreak in the Pacific: vector competence of regional vectors, PLoS Neglected Tropical Diseases, 2018, https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers18-09/010073741.pdf

([29])  Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Aedes japonicus: factsheet for experts https://www.ecdc.europa.eu/en/disease-vectors/facts/mosquito-factsheets/aedes-japonicus

([30]) Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Aedes japonicus – current known distribution, May 2020, https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-japonicus-current-known-distribution-may-2020

([31])  Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Aedes koreicus: factsheet for experts https://www.ecdc.europa.eu/en/disease-vectors/facts/mosquito-factsheets/aedes-koreicus

([32])  Núñez AI, Talavera S, Aranda C, et al, « European Aedes caspius mosquitoes are experimentally unable to transmit Zika virus », Parasit Vectors, 2019 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31345269/

([33])  Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Aedes caspius – current known distribution, May 2020 https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-caspius-current-known-distribution-may-2020

([34]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, de M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([35])  Núñez AI, Talavera S, Aranda C, et al, « European Aedes caspius mosquitoes are experimentally unable to transmit Zika virus » Parasit Vectors, 2019 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31345269/

([36]) Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Aedes detritus/Aedes coluzzii – current known distribution May 2020, https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/aedes-detritusaedes-coluzzii-current-known-distribution-may-2020

([37]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, de M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([38])  Mackenzie-Impoinvil L, Impoinvil DE, Galbraith SE, et al, « Evaluation of a temperate climate mosquito, Ochlerotatus detritus (=Aedes detritus), as a potential vector of Japanese encephalitis virus » Medical Veterinary Entomology, 2015 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25087926/

([39])  Committee on the Economics of Antimalarial Drugs, Institute of Medicine, Saving Lives, Buying Time: Economics of Malaria Drugs in an Age of Resistance, 2004, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK215638/

([40])  Institut Pasteur, Fiche maladie : Paludisme, https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/paludisme

([41])  Santé Publique France, Surveillance du paludisme à Mayotte. Point épidémiologique au 29 janvier 2018 https://www.santepubliquefrance.fr/regions/ocean-indien/documents/bulletin-regional/2018/surveillance-du-paludisme-a-mayotte.-point-epidemiologique-au-29-janvier-2018

([42])  Agence régionale de santé de Guyane, Plan de lutte contre le paludisme en Guyane 2015-2018, 2015, https://www.guyane.ars.sante.fr/system/files/2017-06/palu%20plan%202015-2018.pdf

([43])  Santé publique France, Situation épidémiologique du paludisme en Guyane, 2020, https://www.guyane.ars.sante.fr/system/files/2020-04/2020-01_PE%20Palu%20Guyane.pdf

([44]) Audition du Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche en écologie à l’Institut Pasteur – CNRS, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes, 13 février 2020.

([45])  Audition du Pr Anavaj Sakuntabhai, directeur de l’unité mixte de recherche Génétique fonctionnelle des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur, du Pr Frédéric Tangy, professeur et chef du Laboratoire d’innovation vaccinale à l’Institut Pasteur, du Pr Félix Rey, chef de l’unité mixte de recherche Virologie structurale à l’Institut Pasteur, et de M. David Itier, directeur de cabinet du président de l’Institut Pasteur, 24 février 2020.

([46]) Ibid.

([47]) Henri-Pierre Mallet, Anne-Laure Vial, Didier Musso. « Bilan de l’épidémie de virus Zika survenue en Polynésie française entre octobre 2013 et mars 2014. De la description de l’épidémie au bilan des connaissances acquises après l’évènement », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2016, http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2016/20-21/2016_20-21_3.html

([48])  Assemblée nationale, commission des affaires culturelles familiales et sociales, Rapport dinformation sur lépidémie à virus chikungunya à La Réunion et Mayotte, op. cit.

([49])  Audition du Pr Fabrice Simon, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM Marseille), membre de l’unité mixte de recherche Virus émergents (INSERM-IRD), expert consultant sur le chikungunya pour l’OMS, 13 février 2020.

([50])  Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Factsheet about chikungunya, https://www.ecdc.europa.eu/en/chikungunya/facts/factsheet

([51])  Audition du Pr Fabrice Simon, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM Marseille), membre de l’unité mixte de recherche Virus émergents (INSERM-IRD), expert consultant sur le chikungunya pour l’OMS, 13 février 2020.

([52]) Assemblée nationale, commission des affaires culturelles familiales et sociales, Rapport dinformation sur lépidémie à virus chikungunya à La Réunion et Mayotte, op. cit.

([53]) Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Geographical distribution of chikungunya cases reported worldwide in 2019, 2020, https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/geographical-distribution-chikungunya-virus-disease-cases-reported-worldwide-2019

([54]) Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Autochthonous transmission of chikungunya virus in EU/EEA, 2007-2017, https://www.ecdc.europa.eu/en/all-topics-z/chikungunya-virus-disease/surveillance-and-disease-data/autochthonous-transmission

([55])  Audition du Pr Fabrice Simon, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM Marseille), membre de l’unité mixte de recherche Virus émergents (INSERM-IRD), expert consultant sur le chikungunya pour l’OMS, 13 février 2020.

([56]) Audition du Pr Philippe Desprès, professeur à l’université de La Réunion, responsable d’équipe à l’unité mixte de recherche Processus infectieux en milieu insulaire tropical, 13 février 2020.

([57])  Ibid.

([58])  Ibid.

([59])  Ibid.

([60]) Audition du Dr Stephan Zientara, directeur-adjoint du Laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), directeur de l’unité mixte de recherche Virologie (INRA – ANSES – École nationale vétérinaire d’Alfort), 24 février 2020.

([61])  Ibid.

([62])  Ibid.

([63])  Audition du Dr Isabelle Leparc-Goffart, responsable du Centre national de référence des arbovirus, Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), 8 juin 2020.

([64])Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, West Nile virus in Europe in 2020 – human cases compared to previous seasons, 2020, https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/west-nile-virus-europe-2020-human-cases-compared-previous-seasons-updated-25-june

([65]) Audition du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de Santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([66]) Jean-Michel Bader,« A Mayotte, l’épidémie de chikungunya plus importante que prévu », Le Figaro, 19 mai 2006 https://www.lefigaro.fr/actualite/2006/05/19/01001-20060519ARTFIG90042-a_mayotte_l_epidemie_de_chikungunya_plus_importante_que_prevu.php

([67])  Assemblée nationale, commission des affaires culturelles familiales et sociales, Rapport dinformation sur lépidémie à virus chikungunya à La Réunion et Mayotte, déposé par M. Bertho Audifax, député, le 6 juillet 2006, http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i3242.asp

([68])  ARS de La Réunion, Épidémie Dengue niveau 4 : chiffres et zones concernées, https://www.lareunion.ars.sante.fr/epidemie-dengue-niveau-4-chiffres-et-zones-concernees?parent=13129

([69]) Organisation mondiale de la santé, « Dengue à La Réunion (France) », Bulletin dinformation sur les flambées épidémiques, 20 mai 2019 https://www.who.int/csr/don/20-may-2019-dengue-reunion/fr/

([70]) ARS de La Réunion, Épidémie Dengue niveau 4 : chiffres et zones concernées, https://www.lareunion.ars.sante.fr/epidemie-dengue-niveau-4-chiffres-et-zones-concernees?parent=13129

([71]) Henri-Pierre Mallet, Anne-Laure Vial, Didier Musso. « Bilan de l’épidémie de virus Zika survenue en Polynésie française entre octobre 2013 et mars 2014. De la description de l’épidémie au bilan des connaissances acquises après l’évènement », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 5 juillet 2016 http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2016/20-21/2016_20-21_3.html

([72]) Ibid.

([73]) Ibid.

([74]) Ministère des Solidarités et de la Santé, Fièvre du Nil occidental ou infection par le virus West Nile https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/article/fievre-du-nil-occidental-ou-infection-par-le-virus-west-nile

([75])  Santé publique France, Données de la surveillance renforcée dans les 58 départements métropolitains ou le moustique Aedes albopictus est implanté https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/chikungunya/articles/donnees-en-france-metropolitaine

([76])  Audition du Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche en écologie à l’Institut Pasteur – CNRS, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes, 13 février 2020.

([77])  Audition du Dr Stephan Zientara, directeur-adjoint du Laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), directeur de l’unité mixte de recherche Virologie (INRA – ANSES – École nationale vétérinaire d’Alfort), 24 février 2020.

([78]) Cheng, Y., Tjaden, N.B., Jaeschke, A. et al, « Evaluating the risk for Usutu virus circulation in Europe: comparison of environmental niche models and epidemiological models », International Journal of Health Geographics, 2018, https://ij-healthgeographics.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12942-018-0155-7

([79])  Arrêté du 23 juillet 2019 fixant la liste des départements où est constatée l’existence de conditions entraînant le développement ou un risque de développement de maladies humaines transmises par l’intermédiaire de moustiques et constituant une menace pour la santé de la population, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038821610

([80]) Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire au sein de la direction générale de la Santé (DGS), de M. Alexis Pernin, chef du Bureau risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([81])  Organisation mondiale de la santé, Global Strategic Framework for Integrated Vector Management, 2004, p.7. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/68624/WHO_CDS_CPE_PVC_2004_10.pdf;jsessionid=9B870B9DA621CD9F04B070BB04C48212?sequence=1

([82])  Audition du Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs, 13 février 2020.

([83]) Cf. B du IV du présent rapport.

([84])  Raymond Corriveau, Philippe Barbazan, La dengue dans les départements français dAmérique: Comment optimiser la lutte contre cette maladie ?, IRD Éditions, 2013 https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers17-04/010032602.pdf

([85])  Olivia Judson, « A Bug’s Death »», The New York Times, 2003, https://www.nytimes.com/2003/09/25/opinion/a-bug-s-death.html

([86])  Audition du Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs, 13 février 2020.

([87])  Audrey Garric, « Et si on éradiquait tous les moustiques ? », Le Monde, 16 février 2016, https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/02/16/et-si-on-eradiquait-tous-les-moustiques_5993446_3244.html

([88]) Ibid.

([89])  Ghislain de Montalembert, « Comment le sud de la France fait la guerre au moustique », Le Figaro, 17 juillet 2020, https://www.lefigaro.fr/sciences/comment-le-sud-de-la-france-a-declare-la-guerre-au-moustique-20200717

([90])  Règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides.

([91])  Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([92])  Substance pour laquelle l’efficacité sur moustiques est connue et est ou a été utilisée en LAV selon les statistiques 2009 du Schéma d’évaluation des pesticides de l’organisation mondiale de la santé (World Health Organization Pesticide Evaluation Scheme – WHOPES).

([93])  Question écrite n° 13882 de M. Antoine Karam publiée au Journal officiel – Sénat du 27 novembre 2014 – Réponse du ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes publiée au Journal officiel – Sénat du 10 décembre 2015.

([94]) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), Avis relatif aux substances actives biocides pouvant être utilisées dans le cadre de la prévention dune épidémie de chikungunya en Guyane, 18 mars 2014 https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOC2014sa0060.pdf

([95]) Ibid.

([96]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([97]) Ibid.

([98]) Audition du Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche en écologie à l’Institut Pasteur – CNRS, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes, 13 février 2020.

([99]) Ibid.

([100]) Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([101]) Ibid.

([102]) Audition du Pr Fabrice Chandre, entomologiste médical, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), 17 février 2020.

([103]) Audition du Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche en écologie à l’Institut Pasteur – CNRS, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes, 13 février 2020.

([104]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([105]) Audition du Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs, 13 février 2020.

([106]) Règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides.

([107]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([108]) Audition du Pr Fabrice Chandre, entomologiste médical, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), 17 février 2020.

([109]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([110]) Audition du Pr Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité mixte de recherche des virus émergents (UVE) à l’Inserm, coordinateur du consortium de recherche Zikalliance, 17 février 2020.

([111])  Ibid.

([112]) Isabelle Dusfour, « Résistance aux pyréthrinoïdes chez Aedes aegypti : évaluation de nouveaux candidats insecticides et étude du phénomène de réversion ». Les cahiers de la Recherche. Santé, Environnement, Travail, Anses, 2017, https://hal-anses.archives-ouvertes.fr/anses-01795225/document

([113]) Audition du Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs, 13 février 2020.

([114]) Luc Belzunces et Marc-Edouard Colin, « Abeilles et pesticides. Effets synergiques des traitements phytosanitaires chez l’abeille à des doses sublétales ». LAbeille et le Miel, n° spécial, 1993.

([115])  Audition du Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs, 13 février 2020.

([116]) Audition de M. Jocelyn Raude, maître de conférences en sociologie à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de Mme Marion Le Tyrant, chercheuse en anthropologie et consultante, 14 février 2020.

([117]) « Lutte contre la dengue: Aux pesticides chimiques, Vanessa Miranville propose des alternatives citoyennes », Zinfos974, 20 mars 2019 https://www.zinfos974.com/Lutte-contre-la-dengue-Aux-pesticides-chimiques-Vanessa-Miranville-propose-des-alternatives-citoyennes_a138577.html

([118]) Mathieu Boudet, « Lyon : une ONG appelle à la "désobéissance civile" contre les démoustications », France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, 25 septembre 2019 https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/lyon-ong-appelle-desobeissance-civile-contre-demoustications-1727909.html

([119]) Elise Mieulet, Cécilia Claeys. « (In)acceptabilités environnementales et/ou sanitaires : dilemmes autour de la démoustication du littoral méditerranéen français », VertigO : La Revue Électronique en Sciences de lEnvironnement, 2016.

([120]) Centre national d’expertise sur les vecteurs, Guide à lattention des collectivités souhaitant mettre en œuvre une lutte contre les moustiques urbains vecteurs de dengue, de chikungunya et de Zika, juin 2016 https://www.anses.fr/fr/system/files/CNEV-Ft-Juin2016-Guide_collectivites_lutte_antivectorielle_versioncourte.pdf

([121])  Audition du Pr Fabrice Chandre, entomologiste médical, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), 17 février 2020.

([122]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([123])  Centre national d’expertise sur les vecteurs, La mobilisation sociale contre Aedes albopictus : éléments pour la définition dune stratégie, 11 février 2016 https://www.anses.fr/fr/system/files/CNEV-Ft-Avril2016-Mobilisation_sociale_aedes_albopictus_elements_strategie.pdf

([124])  Audition de M. Didier Fontenille, ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 24 février 2020.

([125]) Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire à la direction générale de la Santé (DGS) et M. Alexis Pernin, chef du bureau Risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([126]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([127])  Audition du Dr Henriette de Valk, responsable de l’Unité Infections zoonotiques, vectorielles et alimentaires au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France et du Dr Marie-Claire Paty, coordonnatrice de la surveillance des maladies vectorielles au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France, 9 juin 2020.

([128])  Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([129]) Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique au sein de l’ARS, et Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d’études sanitaires au sein de l’ARS, 8 juin 2020.

([130]) Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([131]) Direction générale de la santé, Instruction n° DGS/RI1/2015/125 du 16 avril 2015 mettant à jour le guide relatif aux modalités de mise en œuvre du plan anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en métropole, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Instruction_et_Guide_chik_dengue_16_avril_2015.pdf

([132])  Audition de M. Jocelyn Raude, maître de conférences en sociologie à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de Mme Marion Le Tyrant, chercheuse en anthropologie et consultante, 14 février 2020.

([133])  Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire au sein de la direction générale de la Santé (DGS) et M. Alexis Pernin, chef du Bureau risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([134]) Centre national d’expertise contre les vecteurs (CNEV), La mobilisation sociale contre Aedes albopictus : Inventaire des méthodes, outils et synthèse des expériences, 11 février 2016. https://www.anses.fr/fr/system/files/CNEV-Ft-Avril2016-Mobilisation_sociale_aedes_albopictus_inventaire_outils_synthese.pdf

([135]) Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([136]) Audition du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de Santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([137]) Audition de Mme Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, Mme Valérie Denux, directrice générale de l’Agence de santé de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Olivier Coudin, directeur général adjoint de l’Agence régionale de santé de la Martinique, et M. Alain Blateau, directeur de la santé publique au sein de l’ARS de la Martinique, 10 juin 2020.

([138]) Audition du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de Santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([139]) Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique au sein de l’ARS, et Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d’études sanitaires au sein de l’ARS, 15 juin 2020.

([140])  Ibid.

([141]) Audition de représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF) : M. Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l’Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (ELIZ), M. Benoit Combes, directeur de l’ELIZ, M. Rémi Foussadier, directeur de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes, et Mme Alix Mornet, conseillère Développement durable au sein de l’ADF, 11 juin 2020.

([142]) Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique au sein de l’ARS, et Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d’études sanitaires au sein de l’ARS, 15 juin 2020.

([143])  Audition du Dr Vincent Pommier de Santi, médecin en chef, chef de l’Unité de surveillance et investigations épidémiologiques au Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, 15 juin 2020.

([144]) Audition de M. Jocelyn Raude, maître de conférences en sociologie à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de Mme Marion Le Tyrant, chercheuse en anthropologie et consultante, 14 février 2020.

([145]) Ibid.

([146]) Elise Mieulet, Cécilia Claeys. « (In) acceptabilités environnementales et/ou sanitaires : dilemmes autour de la démoustication du littoral méditerranéen français », VertigO : La Revue Électronique en Sciences de lEnvironnement, 2016.

([147])  Ibid.

([148]) Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire à la direction générale de la Santé (DGS) et M. Alexis Pernin, chef du bureau Risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([149]) Audition de Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission Prévention des pollutions au sein de l’Association des maires de France (AMF), 9 juin 2020.

([150]) Audition du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de Santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([151]) Audition de M. Jocelyn Raude, maître de conférences en sociologie à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de Mme Marion Le Tyrant, chercheuse en anthropologie et consultante, 14 février 2020.

([152])  Audition de Mme Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, Mme Valérie Denux, directrice générale de l’Agence de santé de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Olivier Coudin, directeur général adjoint de l’Agence régionale de santé de la Martinique, et M. Alain Blateau, directeur de la santé publique au sein de l’ARS de la Martinique, 10 juin 2020.

([153]) Audition de M. Didier Fontenille, ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 24 février 2020.

([154]) Audition de M. Jocelyn Raude, maître de conférences en sociologie à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de Mme Marion Le Tyrant, chercheuse en anthropologie et consultante, 14 février 2020.

([155]) Ibid.

([156]) Audition de M. Charles Giusti, adjoint au directeur général des outre-mer, 18 juin 2020.

([157]) CNEV, La mobilisation sociale contre Aedes albopictus : éléments pour la définition dune stratégie, 11 février 2016. https://www.anses.fr/fr/system/files/CNEV-Ft-Avril2016-Mobilisation_sociale_aedes_albopictus_elements_strategie.pdf

([158]) Audition de Mme Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, Mme Valérie Denux, directrice générale de l’Agence de santé de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Olivier Coudin, directeur général adjoint de l’Agence régionale de santé de la Martinique, et M. Alain Blateau, directeur de la santé publique au sein de l’ARS de la Martinique, 10 juin 2020.

([159]) Audition de M. Charles Giusti, adjoint au directeur général des outre-mer, 18 juin 2020.

([160]) Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([161]) Audition de M. Jocelyn Raude, maître de conférences en sociologie à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de Mme Marion Le Tyrant, chercheuse en anthropologie et consultante, 14 février 2020.

([162]) Audition de Mme Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, Mme Valérie Denux, directrice générale de l’Agence de santé de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Olivier Coudin, directeur général adjoint de l’Agence régionale de santé de la Martinique, et M. Alain Blateau, directeur de la santé publique au sein de l’ARS de la Martinique, 10 juin 2020.

([163])  Audition du Pr Anna-Bella Failloux, entomologiste médicale, professeure à l’Institut Pasteur, responsable de l’équipe Arbovirus et insectes vecteurs, 13 février 2020.

([164])  Audition de représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF) : M. Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l’Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (ELIZ), M. Benoit Combes, directeur de l’ELIZ, M. Rémi Foussadier, directeur de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes, et Mme Alix Mornet, conseillère Développement durable au sein de l’ADF, 11 juin 2020.

([165])  Audition du Dr Vincent Pommier de Santi, médecin en chef, chef de l’Unité de surveillance et investigations épidémiologiques au Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, 15 juin 2020.

([166]) https://www.nouvelle-aquitaine.ars.sante.fr/system/files/2017-11/Manuel_enseignant_moustique_tigre.pdf

([167])  Elise Mieulet, Cécilia Claeys. « (In)acceptabilités environnementales et/ou sanitaires : dilemmes autour de la démoustication du littoral méditerranéen français ». VertigO : La revue électronique en sciences de lenvironnement, 2016.

([168]) Audition du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de Santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([169]) Audition de Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission Prévention des pollutions de l’Association des maires de France (AMF), 9 juin 2020.

([170]) Article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

([171]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([172]) Audition du Pr Fabrice Chandre, entomologiste médical, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 17 février 2020.

([173]) Audition du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([174]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([175]) Audition de Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission Prévention des pollutions de l’Association des maires de France (AMF), 9 juin 2020.

([176]) Ibid.

([177]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux à la DGCL, et Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique à la DGCL, 15 juin 2020.

([178]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, M. Didier Moulis, directeur technique et M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([179]) Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique au sein de l’ARS, et Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d’études sanitaires au sein de l’ARS, 15 juin 2020.

([180]) Sollicité, le CSTB n’a jugé utile de répondre aux questions écrites de la rapporteure sur son rôle actuel et potentiel dans la lutte contre les moustiques.

([181]) Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique au sein de l’ARS, et Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d’études sanitaires au sein de l’ARS, 15 juin 2020.

([182]) Audition de M. Charles Giusti, adjoint au directeur général des outre-mer, 18 juin 2020.

([183]) Réponse écrite aux questions de la rapporteure, 18 mai 2020.

([184]) Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État dite « loi Defferre » et loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

([185])  Sénat, commission des Affaires sociales, rapport n° 103 (1986-1987) sur le projet de loi portant diverses mesures d’ordre social, déposé par M. Claude Huriet le 10 décembre 1986.

([186]) Article 20 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d’ordre social.

([187]) Décret n° 88-49 du 12 janvier 1988 relatif à la lutte contre les maladies humaines transmises par les insectes.

([188]) Journal officiel, compte rendu de la 2e séance du 6 décembre 1986, p. 7234.

([189]) Arrêté du 23 avril 1987 concernant la lutte contre les maladies humaines transmises par des insectes https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006057457

([190])  Esther Sanchez, « Le tourisme des années 1960 à destination de l’Espagne : le cas des Français », Histoire, économie et société, 2002, n°3. pp. 413-430.

([191]) Assemblée nationale, séance unique du jeudi 12 novembre 1964.

([192]) Article 65 de la loi n° 74-1129 du 30 décembre 1974 de finances pour 1975.

([193]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

([194]) Article L. 3114-5 du code de la santé publique.

([195]) Article 3 du décret n° 2005-1763 du 30 décembre 2005 pris pour l’application des articles 71 et 72 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires), ainsi que le décret n° 65-1046 du 1er décembre 1965 pris pour l’application de la loi n° 64-1246 du 16 décembre 1964 relative à la lutte contre les moustiques.

([196]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux à la DGCL, et Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique à la DGCL, 11 juin 2020.

([197])  Cette subtilité juridique se comprend mieux par contraste avec un autre choix qu’aurait pu faire le législateur : si le texte de loi avait expressément confié la compétence aux départements, ceux-ci pourraient s’en prévaloir pour refuser l’intervention de l’État.

([198])  « Aux termes du texte qui vous est proposé, lorsquil sagit dinsectes vecteurs de maladies, cest en règle générale lÉtat qui assume la compétence. Cela suppose notamment quil exerce son devoir dalerte, que nous avons par ailleurs posé comme principe ; les autres cas relèvent en principe de la compétence départementale. Le texte prévoit donc simplement la possibilité pour lÉtat dintervenir, en accord avec les collectivités, dans un moment de doute, conformément au principe du devoir dalerte ». Propos de Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, Sénat, Séance du 13 novembre 2003.

([199]) Question écrite n° 02339 de M. Patrick Chaize publiée au Journal officiel - Sénat du 7 décembre 2017 ; Réponse de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, publiée au Journal officiel - Sénat du 1er février 2018.

([200])  Question n°55946 de M. Dominique Bussereau, publiée au Journal officiel - Assemblée nationale le 13 mai 2014 ; Réponse de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, publiée au Journal officiel - Assemblée nationale le 27 août 2014.

([201])  Dorothée Imbaud, Dr Patricia Vienne, Hayet Zeggar, Frédéric Perrin, La gouvernance de la lutte anti-vectorielle, rapport dune mission conduite par lInspection générale des affaires sociales et lInspection générale de l’administration, avril 2016, non publié mais communiqué à sa demande à la rapporteure.

([202])  Haut Conseil des biotechnologies, Rapport sur lutilisation de moustiques modifiés par les biotechnologies pour la lutte anti-vectorielle, 17 août 2017.

([203]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), de Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux de la DGCL, et de Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique de la DGCL, 11 juin 2020.

([204]) Conseil d’État, 30 juillet 1909, n°29442.

([205]) Article L. 2213-29 du code général des collectivités territoriales.

([206]) Article L. 2213-30 du code général des collectivités territoriales.

([207]) 17° de l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales.

([208]) Article L. 2213-31 du code général des collectivités territoriales.

([209]) Exposé des motifs du projet de loi relatif à la biodiversité, déposé à l’Assemblée nationale le 26 mars 2014.

([210]) Amendement n° COM-628 de M. Jérôme Bignon, rapporteur au nom de la commission du développement durable.

([211]) Article L. 541-3 du code de l’environnement.

([212]) Article L. 2213-8 du code général des collectivités territoriales.

([213]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux à la DGCL, et Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique à la DGCL, 11 juin 2020.

([214])  Dorothée Imbaud, Dr Patricia Vienne, Hayet Zeggar, Frédéric Perrin, La gouvernance de la lutte anti-vectorielle, rapport dune mission conduite par lInspection générale des affaires sociales et lInspection générale de l’administration, avril 2016, non publié mais communiqué à sa demande à la rapporteure.

([215])  Ministère des solidarités et de la santé, fiche d’impact pour le décret relatif à la prévention des maladies vectorielles transmises par les insectes, octobre 2018.

([216])  Article 3 du décret n° 2019-258 du 29 mars 2019 relatif à la prévention des maladies vectorielles.

([217])  Question n° 23730 de Mme Huguette Bello publiée au Journal officiel – Assemblée nationale le 15 octobre 2019 ; Réponse de Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé, publiée au Journal officiel – Assemblée nationale le 26 novembre 2019.

([218]) Question n° 23730 de Mme Huguette Bello publiée au Journal officiel – Assemblée nationale le 15 octobre 2019 ; Réponse de Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé, publiée au Journal officiel – Assemblée nationale le 26 novembre 2019.

([219]) Pour mémoire, elles comprennent le droit de pénétrer dans les propriétés privées pour procéder aux mesures mentionnées, de prescrire toute mesure nécessaire à la réalisation des traitements, ou encore de procéder à des verbalisations en cas d’infraction.

([220]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux à la DGCL, et Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique à la DGCL, 11 juin 2020.

([221])  Proposition de loi relative à la sécurité sanitaire n° 180 (2019-2020) déposée au Sénat le 5 décembre 2019 par M. Michel Amiel et plusieurs de ses collègues, et adoptée par le Sénat le 5 février 2020 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-180.html

([222])  Proposition de loi visant à prévenir des maladies vectorielles transmises par les insectes , n° 2056 , déposée le 19 juin 2019 par M. Olivier Veran et les membres du groupe La République en Marche http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2056_proposition-loi

([223])  Article 2 du décret n° 2019-258 du 29 mars 2019 relatif à la prévention des maladies vectorielles.

([224]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux à la DGCL, et Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique à la DGCL, 11 juin 2020.

([225])  Audition de M. Jocelyn Raude, maître de conférences en sociologie à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de Mme Marion Le Tyrant, chercheuse en anthropologie et consultante, 14 février 2020.

([226]) Audition de représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF) : M. Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l’Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (ELIZ), M. Benoit Combes, directeur de l’ELIZ, M. Rémi Foussadier, directeur de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes, et Mme Alix Mornet, conseillère Développement durable au sein de l’ADF, 11 juin 2020.

([227]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), de Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux de la DGCL, et de Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique de la DGCL, 11 juin 2020.

([228]) Audition de Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission Prévention des pollutions de l’Association des maires de France (AMF), 9 juin 2020.

([229]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, de M. Didier Moulis, directeur technique et de M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([230])  Audition du Pr Fabrice Chandre, entomologiste médical, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 17 février 2020.

([231]) Audition de M. Didier Fontenille, ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD),24 février 2020.

([232]) Note d’appui scientifique et technique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relative au « cahier des charges pour la lutte anti-vectorielle autour des cas humains de maladies dues à des agents pathogènes transmis par les insectes », 19 juillet 2019, https://www.anses.fr/fr/system/files/VECTEURS2019SA0098.pdf

([233]) Audition de M. Didier Fontenille, ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 24 février 2020.

([234]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, de M. Didier Moulis, directeur technique et de M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([235]) Audition de représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF) : M. Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l’Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (ELIZ), M. Benoit Combes, directeur de l’ELIZ, M. Rémi Foussadier, directeur de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes, et Mme Alix Mornet, conseillère Développement durable au sein de l’ADF, 11 juin 2020.

([236]) Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire au sein de la direction générale de la Santé (DGS) et de M. Alexis Pernin, chef du Bureau risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([237]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), de Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux de la DGCL, et de Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique de la DGCL, 11 juin 2020.

([238]) Avis ANSES, op. cit.

([239]) Audition de représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF) : M. Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l’Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (ELIZ), M. Benoit Combes, directeur de l’ELIZ, M. Rémi Foussadier, directeur de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes, et Mme Alix Mornet, conseillère Développement durable au sein de l’ADF, 11 juin 2020.

([240]) Audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), de Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux de la DGCL, et de Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique de la DGCL, 11 juin 2020.

([241]) Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, de Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique au sein de l’ARS, et de Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d’études sanitaires au sein de l’ARS, 15 juin 2020.

([242])  CNEV, Guide à lattention des collectivités souhaitant mettre en œuvre une lutte contre les moustiques urbains vecteurs de dengue, de chinkungunya et de zika, 2016, p. 21-22. https://www.anses.fr/fr/system/files/CNEV-Ft-Juin2016-Guide_collectivites_lutte_antivectorielle_versioncourte.pdf

([243])  Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire au sein de la direction générale de la Santé (DGS) et de M. Alexis Pernin, chef du Bureau risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([244]) Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, de Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique au sein de l’ARS, et de Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d’études sanitaires au sein de l’ARS, 15 juin 2020.

([245]) Audition de Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission Prévention des pollutions de l’Association des maires de France (AMF), 9 juin 2020.

([246]) Ibid.

([247]) Article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales.

([248]) Article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales.

([249]) Articles L. 5212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

([250]) Centre national d’expertise sur les vecteurs, Guide à lattention des collectivités souhaitant mettre en œuvre une lutte contre les moustiques urbains vecteurs de dengue, de chikungunya et de Zika, 2016 https://www.anses.fr/fr/system/files/CNEV-Ft-Juin2016-Guide_collectivites_lutte_antivectorielle_versioncourte.pdf

([251]) Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, de Mme Catherine Choma, directrice de la santé publique au sein de l’ARS, et de Mme Isabelle Estève-Moussion, ingénieure d’études sanitaires au sein de l’ARS, 15 juin 2020.

([252]) Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([253]) Audition de représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF) : M. Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l’Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (ELIZ), M. Benoit Combes, directeur de l’ELIZ, M. Rémi Foussadier, directeur de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes, et Mme Alix Mornet, conseillère Développement durable au sein de l’ADF, 11 juin 2020.

([254])  Audition du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([255]) Arrêté préfectoral n°3655 du 11 octobre 2006.

([256]) Audition du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([257]) Ibid.

([258])  Geneviève Auzel, Angel Piquemal, Maxime Tandonnet, Étude dimpact du nouveau dispositif réglementaire de prévention des maladies vectorielles sur les services de démoustication de Guyane et Martinique, rapport dune mission conduite par lInspection générale des affaires sociales et lInspection générale de lAdministration, octobre 2019, non publié mais communiqué à sa demande à la rapporteure.

([259]) Audition de M. Charles Giusti, adjoint au directeur général des outre-mer, 18 juin 2020.

([260]) Audition du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([261]) Ibid.

([262]) Ibid.

([263]) Audition de M. Christophe Morgo, président de l’Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée), président de l’Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE), de M. Bruno Tourre, directeur général de l’EID Méditerranée, de M. Didier Moulis, directeur technique et de M. Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle méthodes et recherche au sein de l’EID, 8 juin 2020.

([264]) Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire à la direction générale de la Santé (DGS) et M. Alexis Pernin, chef du bureau Risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([265]) Audition du Dr Vincent Pommier de Santi, médecin en chef, chef de l’Unité de surveillance et investigations épidémiologiques au Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, 15 juin 2020.

([266]) Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire à la direction générale de la Santé (DGS) et M. Alexis Pernin, chef du bureau Risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([267]) Audition du Pr Fabrice Simon, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM Marseille), membre de l’unité mixte de recherche Virus émergents (INSERM-IRD), expert consultant sur le chikungunya pour l’OMS, 13 février 2020.

([268]) Audition du Dr Henriette de Valk, responsable de l’Unité Infections zoonotiques, vectorielles et alimentaires au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France et du Dr Marie-Claire Paty, coordonnatrice de la surveillance des maladies vectorielles au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France, 9 juin 2020.

([269]) Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire à la direction générale de la Santé (DGS) et M. Alexis Pernin, chef du bureau Risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([270]) Ibid.

([271])  Audition de Mme Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, Mme Valérie Denux, directrice générale de l’Agence de santé de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Olivier Coudin, directeur général adjoint de l’Agence régionale de santé de la Martinique, et M. Alain Blateau, directeur de la santé publique au sein de l’ARS de la Martinique, 10 juin 2020.

([272])  Santé publique France, Avec e-DO, Santé publique France dématérialise la déclaration obligatoire du VIH-sida, 1er septembre 2016 https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2016/avec-e-do-sante-publique-france-dematerialise-la-declaration-obligatoire-du-vih-sida

([273]) Audition de Mme Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, Mme Valérie Denux, directrice générale de l’Agence de santé de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Olivier Coudin, directeur général adjoint de l’Agence régionale de santé de la Martinique, et M. Alain Blateau, directeur de la santé publique au sein de l’ARS de la Martinique, 10 juin 2020.

([274]) Audition du Dr Stephan Zientara, directeur-adjoint du Laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), directeur de l’unité mixte de recherche Virologie (INRA – ANSES – École nationale vétérinaire d’Alfort), 24 février 2020.

([275]) Audition du Dr Henriette de Valk, responsable de l’Unité Infections zoonotiques, vectorielles et alimentaires au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France et du Dr Marie-Claire Paty, coordonnatrice de la surveillance des maladies vectorielles au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France, 9 juin 2020.

([276]) Audition du Dr Stephan Zientara, directeur-adjoint du Laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), directeur de l’unité mixte de recherche Virologie (INRA – ANSES – École nationale vétérinaire d’Alfort), 24 février 2020.

([277]) Audition de M. Olivier Brahic, sous-directeur de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire à la direction générale de la Santé (DGS) et M. Alexis Pernin, chef du bureau Risques infectieux émergents et vigilances, 12 juin 2020.

([278]) Audition du Dr Henriette de Valk, responsable de l’Unité Infections zoonotiques, vectorielles et alimentaires au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France et du Dr Marie-Claire Paty, coordonnatrice de la surveillance des maladies vectorielles au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France, 9 juin 2020.

([279]) Audition du Pr Fabrice Simon, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM Marseille), membre de l’unité mixte de recherche Virus émergents (INSERM-IRD), expert consultant sur le chikungunya pour l’OMS, 13 février 2020.

([280]) Ibid.

([281]) Ibid.

([282]) Ibid.

([283]) Ibid.

([284]) Ibid.

([285])  Article L. 1413-3 du code de la santé publique.

([286]) Audition du Dr Isabelle Leparc-Goffart, responsable du Centre national de référence des arbovirus, Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), 8 juin 2020.

([287]) Audition du Dr Stephan Zientara, directeur-adjoint du Laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), directeur de l’unité mixte de recherche Virologie (INRA – ANSES – École nationale vétérinaire d’Alfort), 24 février 2020.

([288])  Audition de Mme Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, Mme Valérie Denux, directrice générale de l’Agence de santé de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Olivier Coudin, directeur général adjoint de l’Agence régionale de santé de la Martinique, et M. Alain Blateau, directeur de la santé publique au sein de l’ARS de la Martinique, 10 juin 2020.

([289])  Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([290]) Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), Mission report : Dengue outbreak in Madeira, Portugal, March 2013

https://www.ecdc.europa.eu/sites/default/files/media/en/publications/Publications/dengue-madeira-ECDC-mission-2013.pdf

([291])  Audition du Dr Henriette de Valk, responsable de l’Unité Infections zoonotiques, vectorielles et alimentaires au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France et du Dr Marie-Claire Paty, coordonnatrice de la surveillance des maladies vectorielles au sein de la direction des maladies infectieuses de Santé publique France, 9 juin 2020.

([292]) Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([293])  Visioconférence du Dr Dominique Voynet, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, et du Dr François Cheize, directeur de la veille et sécurité sanitaire, santé milieux de vie, coopération internationale, conseiller sanitaire de zone, au sein de l’Agence régionale de Santé de La Réunion, 8 juin 2020.

([294])  Audition de Mme Clara de Bort, directrice générale de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, Mme Valérie Denux, directrice générale de l’Agence de santé de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, M. Olivier Coudin, directeur général adjoint de l’Agence régionale de santé de la Martinique, et M. Alain Blateau, directeur de la santé publique au sein de l’ARS de la Martinique, 10 juin 2020.

([295]) Ministère des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Instruction n° DGS/RI1/2015/125 du 16 avril 2015 mettant à jour le guide relatif aux modalités de mise en œuvre du plan anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en métropole https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Instruction_et_Guide_chik_dengue_16_avril_2015.pdf

([296])  Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, avis sur lopportunité de permettre lutilisation par dérogation de moustiquaires imprégnées à la deltaméthrine dans les départements français dAmérique dans le contexte de lépidémie de Zika, 12 février 2016 https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOC2016SA0024.pdf

([297])  Arrêté du 23 février 2016 autorisant par dérogation la mise à disposition sur le marché et l’utilisation de moustiquaires imprégnées à la deltaméthrine dans les départements et collectivités d’Outre-mer pour une période de 180 jours.

([298])  Audition du Dr Vincent Pommier de Santi, médecin en chef, chef de l’unité de surveillance et investigations épidémiologiques au sein du Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, 15 juin 2020.

([299]) Ibid.

([300]) Ibid.

([301]) Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), Best practice recommendations for conducting after-action reviews to enhance public health preparedness, 2018 https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/best-practice-recommendations-public-health-preparedness

([302])  Direction générale de la santé, Retour dexpérience guide méthodologique – Situations durgence sanitaire et exercices de simulation, 2019. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_retex_bd.pdf

([303]) Audition du Pr Philippe Desprès, professeur à luniversité de La Réunion, responsable déquipe à lunité mixte de recherche Processus infectieux en milieu insulaire tropical, 13 février 2020.

([304]) Audition du Pr Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité mixte de recherche des virus émergents (UVE) à l’Inserm, coordinateur du consortium de recherche Zikalliance, 17 février 2020.

([305]) Audition du consortium multidisciplinaire REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases) de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Avisean) :Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’Institut thématique immunologie, inflammation, infectiologie, microbiologie de l’Inserm et de l’AviseanDr Éric d’Ortenzio, médecin épidémiologiste à l’Inserm, coordinateur scientifique du consortium REACTing, 24 février 2020.

([306]) Audition du Pr Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité mixte de recherche des virus émergents (UVE) à l’Inserm, coordinateur du consortium de recherche Zikalliance, 17 février 2020.

([307]) Ibid.

([308]) Audition du Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche en écologie à l’Institut Pasteur – CNRS, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes, 13 février 2020.

([309]) Ibid.

([310]) Audition du Pr Fabrice Simon, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM Marseille), membre de l’unité mixte de recherche Virus émergents (INSERM-IRD), expert consultant sur le chikungunya pour l’OMS, 13 février 2020.

([311]) Ibid.

([312]) Audition du Pr Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité mixte de recherche des virus émergents (UVE) à l’Inserm, coordinateur du consortium de recherche Zikalliance, 17 février 2020.

([313]) Ibid.

([314]) Audition de M. Didier Fontenille, ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 24 février 2020.

([315])  Audition du Pr Philippe Desprès, professeur à l’université de La Réunion, responsable d’équipe à l’unité mixte de recherche Processus infectieux en milieu insulaire tropical, 13 février 2020.

([316]) Audition du Pr Fabrice Chandre, entomologiste médical, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 17 février 2020.

([317]) Audition du Pr Anavaj Sakuntabhai, directeur de l’unité mixte de recherche Génétique fonctionnelle des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur, du Pr Frédéric Tangy, professeur et chef du Laboratoire d’innovation vaccinale à l’Institut Pasteur, du Pr Félix Rey, chef de l’unité mixte de recherche Virologie structurale à l’Institut Pasteur, et de M. David Itier, directeur de cabinet du président de l’Institut Pasteur, 24 février 2020.

([318])  Fondation Michelin, Lutter contre les moustiques avec laglostic, https://fondation.michelin.com/lutter-contre-les-moustiques-avec-laglostic ; Projet de recherches dans les plantations dhévéas, https://fondation.michelin.com/projet-de-recherche-sanitaire-dans-les-plantations-dhevea-au-laos-et-en-cote-divoire-le-bilan

([319]) Audition du Pr Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité mixte de recherche des virus émergents (UVE) à l’Inserm, coordinateur du consortium de recherche Zikalliance, 17 février 2020.

([320]) Haute Autorité de santé, Place du vaccin Dengvaxia® dans la stratégie de lutte contre la dengue dans les départements français dOutre-mer- Mayotte et territoires français dAmérique, avis du 26 mars 2019. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2912616/fr/place-du-vaccin-dengvaxia-dans-la-strategie-de-lutte-contre-la-dengue-dans-les-departements-francais-d-Outre-mer-mayotte-et-territoires-francais-d-amerique

([321])  Audition du Pr Philippe Desprès, professeur à l’université de La Réunion, responsable d’équipe à l’unité mixte de recherche Processus infectieux en milieu insulaire tropical, 13 février 2020.

([322])  Ibid.

([323])  Ibid.

([324])  Audition du Pr Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité mixte de recherche des virus émergents (UVE) à l’Inserm, coordinateur du consortium de recherche Zikalliance, 17 février 2020.

([325]) Audition du Dr Louis Lambrechts, directeur de recherche en écologie à l’Institut Pasteur – CNRS, responsable de l’équipe Interactions virus-insectes, 13 février 2020.

([326])  Didier Fontenille, Christophe Lagneau, Sylvie Lecollinet, Régine Lefait Robin, Michel Setbon, Bernard Tirel et André Yébakima (dir.), La lutte antivectorielle en France, Expertise collégiale de lIRD, IRD Editions, 2009 https://books.openedition.org/irdeditions/1214

([327]) Audition du Pr Fabrice Chandre, entomologiste médical, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 17 février 2020.

([328] Audition du Pr Anavaj Sakuntabhai, directeur de l’unité mixte de recherche Génétique fonctionnelle des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur, du Pr Frédéric Tangy, professeur et chef du Laboratoire d’innovation vaccinale à l’Institut Pasteur, du Pr Félix Rey, chef de l’unité mixte de recherche Virologie structurale à l’Institut Pasteur, et de M. David Itier, directeur de cabinet du président de l’Institut Pasteur, 24 février 2020.

([329]) Audition du Dr Isabelle Leparc-Goffart, responsable du Centre national de référence des arbovirus, Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), 8 juin 2020.

([330])Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([331])Ibid.

([332])Ibid.

([333])Ibid.

([334])Ibid.

([335])Ibid.

([336])Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([337]) Institut Pasteur de Guyane, Réunion scientifique sur la résistance à la deltaméthrine des populations dAedes aegypti, 30 juin 2015 https://www.pasteur-cayenne.fr/reunion-scientifique-sur-la-resistance-a-la-deltamethrine-des-populations-daedes-aegypti/

([338])  Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Avis relatif à lévaluation dinsecticides anti-moustiques adulticides dont lutilisation pourrait être autorisée par voie dérogatoire pour faire face à une éventuelle épidémie de fièvre jaune dans les territoires ultra-marins, 3 octobre 2017 https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOC2017SA0122.pdf

([339]) Audition du Pr Fabrice Chandre, entomologiste médical, directeur de recherche à lInstitut de recherche pour le réveloppement (IRD), 17 février 2020.

([340])Mohammad AkhoundiFrédéric JourdainFabrice Chandre, Pascal Delaunay, David Roiz, « Effectiveness of a field trap barrier system for controlling Aedes albopictus : a “removal trapping” strategy », Parasites & Vectors, volume 11, Article 101, 2018.

([341]) Audition de Mme Annelise Tran, chercheuse à lunité mixte de recherche Territoires, environnement, télédétection et information spatiale (Tetis) du CIRAD, conceptrice de loutil de modélisation AlboRun, 14 février 2020.

([342]) Ibid.

([343]) Ibid.

([344]) Audition de Mme Stéphanie Blandin, responsable du groupe Réponses immunitaires chez les moustiques vecteurs de maladies à l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg (Inserm/Université de Strasbourg/CNRS), 24 février 2020.

([345]) David R. J. Pleydell, Jérémy Bouyer, « Biopesticides improve efficiency of the sterile insect technique for controlling mosquito-driven dengue epidemics », Nature Communications Biology, volume 2, Article 201, 2019 https://www.nature.com/articles/s42003-019-0451-1

([346])  Ibid.

([347])  Evans, B. R., et al. (2019). « Transgenic Aedes aegypti Mosquitoes Transfer Genes into a Natural Population » Nature Scientific Reports, 2019 https://www.nature.com/articles/s41598-019-49660-6

([348])  Haut Conseil de la santé publique, Avis relatif à lélaboration de recommandations pour autoriser le lâcher de moustiques stériles à des fins de lutte anti-vectorielle, 28 juin 2018 https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=687

([349]) Avis du comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies en réponse à la saisine du 12 octobre 2015 concernant l’utilisation de moustiques génétiquement modifiés dans le cadre de la lutte antivectorielle, 31 mai 2017

http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/sites/www.hautconseildesbiotechnologies.fr/files/file_fields/2018/04/09/aviscshcbmoustiques170607rev180228.pdf

([350])Audition du Pr Jean-Christophe Pagès, président par intérim du Haut conseil des biotechnologies (HCB), président du comité scientifique du HCB, M. Emmanuel Roques, secrétaire général, M. Pascal Boireau, vice-président du comité scientifique, Mme Catherine Golstein, responsable scientifique et rédactrice de l’avis du comité scientifique relatif à l’utilisation de moustiques génétiquement modifiés dans le cadre de la lutte antivectorielle, et Mme Lucie Guimier, responsable scientifique en charge des questions de science et de société, 13 février 2020.

([351]) Avis du comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies en réponse à la saisine du 12 octobre 2015 concernant l’utilisation de moustiques génétiquement modifiés dans le cadre de la lutte antivectorielle, 31 mai 2017

http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/sites/www.hautconseildesbiotechnologies.fr/files/file_fields/2018/04/09/aviscshcbmoustiques170607rev180228.pdf

([352])  Kyros Kyrou, Andrew M Hammond, Roberto Galizi, Nace Kranjc, Austin Burt, Andrea K Beaghton, Tony Nolan & Andrea Crisanti, « A CRISPR–Cas9 gene drive targeting doublesex causes complete population suppression in caged Anopheles gambiae mosquitoes », Nature Biotechnology, volume 36, 2018. https://www.nature.com/articles/nbt.4245

([353])Audition du Pr Jean-Christophe Pagès, président par intérim du Haut conseil des biotechnologies (HCB), président du comité scientifique du HCB, M. Emmanuel Roques, secrétaire général, M. Pascal Boireau, vice-président du comité scientifique, Mme Catherine Golstein, responsable scientifique et rédactrice de l’avis du comité scientifique relatif à l’utilisation de moustiques génétiquement modifiés dans le cadre de la lutte antivectorielle, et Mme Lucie Guimier, responsable scientifique en charge des questions de science et de société, 13 février 2020.

([354])Ibid.

([355])  Haut Conseil de la santé publique, Avis relatif à lélaboration de recommandations pour autoriser le lâcher de moustiques stériles à des fins de lutte anti-vectorielle, 28 juin 2018. .https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=687

([356])  Audition du Pr Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité mixte de recherche des virus émergents (UVE) à l’Inserm, coordinateur du consortium de recherche Zikalliance, 17 février 2020.

([357])  Didier Fontenille, Christophe Lagneau, Sylvie Lecollinet, Régine Lefait Robin, Michel Setbon, Bernard Tirel et André Yébakima (dir.), La lutte antivectorielle en France, Expertise collégiale de lIRD, IRD Editions, 2009. https://books.openedition.org/irdeditions/1214

([358])  Audition de M. Didier Fontenille, ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 24 février 2020.

([359])  Daniel Nizri Bruno Andral, Pascale Briand, Mission dévaluation du Centre national dexpertise sur les vecteurs, rapport d’une mission conduite par l’Inspection générale des affaires sociales et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, décembre 2015, non publié mais communiqué à sa demande à la rapporteure.

([360]) Audition de M. Didier Fontenille, ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 24 février 2020.

([361])Audition de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques (DER), et Mme Johanna Fite, responsable de la mission vecteurs à la DER, et du Pr Philippe Quenel, président du groupe de travail « vecteurs » de l’ANSES, 10 juin 2020.

([362]) Lettre du directeur général de l’Anses au directeur général de la santé portant feuille de route en matière d’expertise sur les vecteurs à l’Anses, 18 février 2019, transmise à la rapporteure par le directeur général de l’ANSES.

([363])  Audition de M. Didier Fontenille, ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 24 février 2020.

([364])  Ibid.

([365]) Audition du Dr Isabelle Leparc-Goffart, responsable du Centre national de référence des arbovirus, Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), 8 juin 2020.

([366]) Audition du Pr Xavier de Lamballerie, directeur de l’unité mixte de recherche des virus émergents (UVE) à l’Inserm, coordinateur du consortium de recherche Zikalliance, 17 février 2020.

([367]) Ibid.

([368])  Audition de M. Didier Fontenille, ancien directeur du Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), 24 février 2020.