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N° 4630

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 novembre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
 

relative à la promotion du multilinguisme et à l’usage de la langue française au sein des institutions européennes, en particulier durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022

PAR Mme Aude BONO-VANDORME

Députée

——

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

Voir les numéros : 4077, 4223 et 4520


 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. consacré juridiquement, le multilinguisme connaÎt dans les institutions européennes un important recul, QUI N’épargne pas la langue française

A. Le droit européen garantit une protection juridique du multilinguisme dans les institutions européennes

B. dans les faits, on constate toutefois un important recul du français et du multilinguisme

1. La tendance observable dans les institutions européennes est au recul du français et du multilinguisme, à des degrés variables selon les institutions

2. Le recul du multilinguisme et du français dans les institutions européennes peut s’expliquer par différents facteurs

a. Le constat d’une baisse des budgets alloués à la traduction et à l’interprétariat

b. Le rôle de plusieurs tendances structurelles défavorables au français et au multilinguisme

II. la mobilisation de la France en faveur du français et du multilinguisme dans les institutions européennes doit être poursuivie et renforcée

A. un engagement qui doit être resitué dans une strategie globale en faveur de la francophonie et du plurilinguisme

B. UNE PROPOSITION DE Résolution visant à renforcer l’engagement de la France

recommandations

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE :  texte adopté par la commission

 

introduction

I. consacré juridiquement, le multilinguisme connaÎt dans les institutions européennes un important recul, QUI N’épargne pas la langue française

A. Le droit européen garantit une protection juridique du multilinguisme dans les institutions européennes

B. dans les faits, on constate toutefois un important recul du français et du multilinguisme

1. La tendance observable dans les institutions européennes est au recul du français et du multilinguisme, à des degrés variables selon les institutions

2. Le recul du multilinguisme et du français dans les institutions européennes peut s’expliquer par différents facteurs

a. Le constat d’une baisse des budgets alloués à la traduction et à l’interprétariat

b. Le rôle de plusieurs tendances structurelles défavorables au français et au multilinguisme

II. la mobilisation de la France en faveur du français et du multilinguisme dans les institutions européennes doit être poursuivie et renforcée

A. un engagement qui doit être resitué dans une strategie globale en faveur de la francophonie et du plurilinguisme

B. UNE PROPOSITION DE Résolution visant à renforcer l’engagement de la France

recommandations

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE :  texte adopté par la commission


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   introduction

La commission des affaires étrangères est saisie de la proposition de résolution européenne relative à la promotion du multilinguisme et à l’usage de la langue française au sein des institutions européennes, en particulier durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022.

Dans un contexte où le nombre de langues parlées dans le monde recule chaque année, l’Union européenne fait face à un appauvrissement linguistique qui trouve une traduction flagrante au sein de ses institutions. Si le droit européen consacre le multilinguisme, la tendance est à un recul de cette pratique dans les faits, auquel la langue française n’échappe pas malgré un sort relativement plus favorable que d’autres langues officielles de l’Union européenne. La langue anglaise, perçue comme plus pratique et facilitant les échanges directs, a ainsi progressé au détriment des autres langues, sous une forme qui s’apparente à un anglais fortement simplifié et empreint d’autres langues européennes. 

Face à ce constat alarmant, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a été saisie de deux propositions de résolution européenne portant sur cette thématique. La première a été déposée le 13 avril 2021 par M.  Julien Aubert et plusieurs de ses collègues et vise à « faire du français l’unique langue de travail de l’Union européenne ([1]) ». La seconde, déposée par M. Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues le 4 juin 2021, vise quant à elle à « favoriser l’utilisation de la langue française dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne de janvier à juin 2022 ([2]) ». Si ces deux résolutions présentent des différences, elles ont fait l’objet de la première séquence des travaux menés par votre rapporteure, en commission des affaires européennes, en association étroite avec les auteurs de ces deux propositions.

La résolution adoptée en commission des affaires européennes et envoyée à la commission des affaires étrangères, saisie au fond en application de l’article 151‑5 du Règlement, constitue la synthèse de ces travaux, qui se sont confrontés à un double constat de départ : un nombre élevé de langues officielles (24) face à la nécessité pratique d’utiliser une langue d’intercommunication. Or, la langue n’est pas un véhicule neutre. Pour la France, la promotion du français, dans un cadre résolument plurilingue, relève ainsi directement de notre diplomatie d’influence dans le monde.

Si la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a réduit à 1,1 % la proportion de citoyens européens dont l’anglais est la langue maternelle et a fait ressortir avec une force nouvelle la problématique de la domination de la langue anglaise dans les institutions, la nécessité de préserver l’usage du français et le multilinguisme n’est pas nouvelle. Le problème a ainsi déjà été traité dans plusieurs rapports parlementaires, en particulier celui de M. Michel Herbillon en 2003 ([3]).

Dans la perspective de la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022, le secrétaire d’État en charge des affaires européennes et le secrétaire d’État en charge de la francophonie ont mis en place en avril 2021 un « groupe de travail sur la langue française et la diversité linguistique au sein des institutions européennes », présidé par le professeur Christian Lequesne. Composé de personnalités d’origines et aux parcours divers, engagées pour la francophonie, ce groupe a formulé des propositions concrètes et opérationnelles, présentées le 20 octobre 2021 ([4]).

La présente résolution s’inscrit en complémentarité avec les travaux du groupe de travail et vise à formuler des propositions concrètes dans le but d’enrayer le recul du français et du multilinguisme au sein des institutions européennes. Si le déclin observé est indéniable, il n’a rien d’une fatalité et doit faire l’objet d’une véritable mobilisation, que la présidence française du Conseil de l’Union européenne est à même de favoriser.

 

 


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I.   consacré juridiquement, le multilinguisme connaÎt dans les institutions européennes un important recul, QUI N’épargne pas la langue française

A.   Le droit européen garantit une protection juridique du multilinguisme dans les institutions européennes

En première analyse, il faut rappeler que le français, au même titre que les autres langues officielles de l’Union européenne, bénéficie d’une protection juridique qui s’est progressivement mise en place dans le droit européen, créant un cadre favorable au multilinguisme.

Le traité de Rome (1957) ne prévoit pas de règles spécifiques en la matière mais précise que « le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé (…) par le Conseil statuant à l’unanimité ». Dans des termes très proches, l’article 342 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)  prévoit un cadre clair pour le régime linguistique des institutions : il est fixé à l’unanimité des États membres par voie de règlements, preuve du consensus qui s’y applique ([5]).

Le Traité de l’Union européenne (TUE) en son article 3.1 et le TFUE en son article 18 fixent par ailleurs de grands principes qui contribuent à ce cadre juridique garant du multilinguisme, en énonçant pour le premier que l’UE « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen » et en affirmant pour le second le principe de non-discrimination. On peut également citer l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui dispose que l’UE « respecte la diversité religieuse, culturelle et linguistique ».

C’est un acte de droit dérivé, le règlement n°1/58 du 15 avril 1958, qui est venu fixer le régime linguistique européen. Il définit les langues officielles de l’Union, dont seul le nombre a été adapté mécaniquement lors des élargissements successifs. L’actuel article premier précise ainsi que les 24 « langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont le bulgare, l’espagnol, le tchèque, le danois, l’allemand, l’estonien, le grec, l’anglais, le français, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le finnois, le croate et le suédois ».

Ce règlement indique également que les documents adressés aux institutions peuvent être rédigés, au choix de l’expéditeur, dans l’une des langues officielles et que la réponse est rédigée dans la même langue. En outre, les textes adressés à un État membre doivent être rédigés dans la langue de celui-ci. Les règlements et textes de portée générale sont quant à eux rédigés dans les 24 langues officielles, condition indispensable pour assurer l’impératif de sécurité juridique. 

Conformément à l’article 1 du règlement n° 1/58 du 15 avril 1958, les 24 langues officielles de l’Union sont également les langues de travail des institutions. En pratique et pour leur fonctionnement interne quotidien, les institutions ont toutefois choisi d’appliquer un « multilinguisme rationalisé », c’est-à-dire un nombre restreint de langues de travail.

S’agissant du Conseil européen, des Conseils des ministres et du COREPER, le français est systématiquement utilisé. Une interprétation dans toutes les langues est prévue au niveau du Conseil européen et du Conseil des ministres, tandis que le COREPER fonctionne, dans un système qui lui est propre, selon un régime trilingue français-allemand-anglais. Par ailleurs, trois régimes différents existent s’agissant des groupes de travail du Conseil.

En outre, l’article 14 du règlement intérieur du Conseil indique que ce dernier ne peut délibérer que sur la base des documents traduits dans toutes les langues officielles. Un État membre est donc en mesure de bloquer un texte s’il n’est pas traduit dans sa langue ou même si un amendement n’a pas été traduit. Pour les amendements présentés au sein du Conseil, la traduction peut en revanche se faire oralement par le président.

Au sein de la Commission européenne, selon une règle non écrite, le collège des commissaires et les services de la Commission travaillent en trois langues : l’anglais, le français et l’allemand.

Concernant la Cour de justice de l’Union européenne, le français est la langue du délibéré dans le système juridictionnel européen, même si la CJUE est théoriquement multilingue comme toutes les institutions ([6]). Cet usage ne bénéficie donc pas d’une protection juridique formelle, ce qui justifie une vigilance particulière eu égard à la position dont bénéficie le français.

Enfin, au sein du Parlement européen, une interprétation multilingue est mise en place pour toutes les réunions formelles, afin de garantir la transparence et l’accessibilité des travaux de l’institution pour tous les citoyens européens. Les traducteurs constituent ainsi près d’un tiers des effectifs du Parlement européen (environ 1500 personnes) ([7]).

À noter que des textes dits de « droit mou », non contraignants, sont aussi venus contribuer à l’élaboration d’un cadre européen promouvant la diversité linguistique. Parmi les exemples récents, on peut notamment citer la recommandation du Conseil du 22 mai 2019 sur l’apprentissage obligatoire de deux langues vivantes pendant la scolarité ([8]). Parmi les outils mentionnés par cette recommandation, on trouve notamment le programme de mobilité Erasmus +. Ce programme vise à favoriser la mobilité des étudiants, enseignants ou encore des formateurs, la coopération en matière d’innovation et d’échanges de bonnes pratiques dans le domaine de l’éducation ainsi que le soutien à la réforme des politiques publiques contribuant à ces objectifs. Il s’agit là d’un des programmes européens à même de favoriser le multilinguisme en Europe et devant être pleinement soutenus. Votre rapporteure avait déjà eu l’occasion de souligner les mérites – et perspectives d’amélioration – de ce programme en déposant une proposition de résolution européenne « relative au bilan et aux perspectives d’Erasmus + », portée avec Mme Marguerite Deprez-Audebert ([9]).

B.   dans les faits, on constate toutefois un important recul du français et du multilinguisme

1.   La tendance observable dans les institutions européennes est au recul du français et du multilinguisme, à des degrés variables selon les institutions

Malgré un cadre juridique favorable au multilinguisme, le français connaît depuis les années 1990 un recul, qui touche aussi la majorité des autres langues européennes dans la mesure où il s’est accompagné d’une prédominance croissante de l’anglais ([10]).

Ce recul peut être documenté par l’analyse du nombre de documents dits « sources » - c’est-à-dire la première version d’un document, avant toute traduction - rédigés en français.

PROPORTION DES LANGUES UTILISEES PAR LES INSTITUTIONS EUROPEENNES
POUR LA REDACTION DES DOCUMENTS

Langue de production des documents

Anglais

Français

Autres langues

Commission européenne (2019)

85,5 %

3,7 %

4,9 %

Conseil (2018)

95 %

2 %

3,1 %

Parlement européen (2016)

68,6 %

14,4 %

17 %

Service européen d’action extérieure (2019)

98,7 %

0,9 %

0,4 %

Source : secrétariat général des affaires européennes

À titre indicatif, en 1999, 34 % des documents sources de la Commission européenne étaient rédigés en français. Par ailleurs, si certaines pages Internet de la Commission européenne sont traduites dans toutes les langues, les situations varient fortement en fonction des différentes directions générales. Pour certaines d’entre elles, seules les premières pages sont traduites, et le reste des informations est disponible uniquement en anglais.  Concernant le Conseil, il faut aussi préciser que lorsque les textes sont en cours de négociation, les versions discutées sont le plus souvent en anglais, tout comme les amendements transmis par les délégations nationales.

Si au Parlement européen, le multilinguisme semble préservé, on constate toutefois une tendance à la baisse concernant le français : en 2019, la proportion de documents sources rédigés en français était ainsi passée à 11,7 %, contre 14,3 % en 2016.

Concernant le Service européen d’action extérieure (SEAE), la domination de l’anglais est quasi absolue puisque 98,7 % des documents sont produits en anglais, contre 0,9 % en français et 0,3 % en allemand.

La Banque centrale européenne (BCE) fonctionne également presque exclusivement en anglais, contrairement aux autres institutions majeures de l’Union européenne. Cette situation peut s’expliquer par le fait que la BCE est née plus tardivement, dans un environnement où la langue anglaise dominait déjà largement. De plus, son emplacement à Francfort en fait la seule grande institution européenne qui ne se situe pas dans une ville francophone.

De façon générale, les règles liées au multilinguisme sont insuffisamment suivies et la communication avec les citoyens, pourtant cruciale pour nourrir l’espace public européen, n’y échappe pas. On le voit concernant les pages Internet de plusieurs institutions mais aussi pour les documents préparatoires (livres blancs) qui ne sont pas suffisamment traduits.

D’autres signes attestent d’un recul du français et du multilinguisme au niveau des institutions européennes. Ainsi, en 2014, le débat entre têtes de liste lors de la campagne pour les élections européennes s’est tenu exclusivement en anglais, à l’exception d’Alexis Tsipras, alors même qu’il s’agit d’un moment crucial de la démocratie européenne, auquel tous les citoyens devraient pouvoir participer.

Autre exemple plus récent, la restriction du régime linguistique du Parquet européen, qui a pris ses fonctions le 1er juin 2021. Le collège des procureurs s’est en effet prononcé pour que l’anglais soit la langue exclusive de communication et de travail de l’institution. Pour ses échanges avec les autres institutions, et notamment avec les procureurs délégués chargés de mener les enquêtes dans chaque État membre, les 24 langues seront utilisées, conformément au règlement 1/58.

Enfin, au début de la crise provoquée par la pandémie de Covid-19, en mars 2020, les institutions européennes n’avaient pas pu fournir immédiatement une interprétation lors des réunions à distance, faute d’équipement technique adapté.

2.   Le recul du multilinguisme et du français dans les institutions européennes peut s’expliquer par différents facteurs

Plusieurs facteurs permettent d’apporter des éléments d’explication au recul du français et du multilinguisme dans les institutions européennes, que la baisse des budgets consacrés à la traduction et à l’interprétariat ne suffit pas à expliquer.

a.   Le constat d’une baisse des budgets alloués à la traduction et à l’interprétariat

Au sein de la Commission européenne, entre 2012 et 2018, la réduction générale de 5 % des effectifs s’est couplée à une réduction spécifique de 5 % de plus au Service commun d’interprétation et de conférence. L’effectif de la Direction générale de l’interprétation a mécaniquement été réduit de 10 % pendant cette même période. 

Une même tendance peut être observée au niveau du Conseil : on note un passage de 86,7 millions d’euros de crédits à 80 millions d’euros entre 2012 et 2021 ([11]).  Au niveau des groupes de travail du Conseil, les services d’interprétation ne sont pas systématiquement proposés. Lorsque le service existe, les autorités françaises veillent à ce que l’interprétation en français soit bel et bien assurée, dans le cas contraire, les délégués s’expriment en français et/ou en anglais.

Plusieurs facteurs explicatifs peuvent être avancés. Ils sont d’ordre :

-         logistique : la Commission européenne en particulier manque de salles équipées de cabines pour assurer un nombre suffisant d’interprétations pour une même réunion ;

-         réglementaire : la durée maximale de travail des interprètes est strictement encadrée ;

-         budgétaire : l’institution qui accueille une réunion dans ses locaux doit prendre en charge le coût de l’interprétation, de même, c’est à l’État membre qui souhaite une interprétation de prendre en charge une partie du coût, règles qui peuvent diminuer l’incitation à agir dans ce sens.

Au total, la traduction et l’interprétation dans toutes les institutions européennes représentent moins de 1 % du budget annuel de l’Union, soit à peine deux euros par personne et par an. Une baisse drastique des budgets utilisés pour la traduction et pour l’interprétation est constatée depuis la crise économique de 2008.

Cette tendance a aussi pu trouver une justification institutionnelle. En 2016, la Commission européenne a ainsi publié une communication justifiant la limitation en pratique des langues proposées « de manière rationnelle », rappelant qu’il n’existe pas de règles claires prévoyant de réserver du temps pour la traduction dans le processus d’élaboration des documents écrits ([12]).

Malgré cette baisse continue des budgets de traduction, des progrès ont été réalisés en matière de traduction automatique, notamment pour la traduction des pages Internet. Le système de traduction automatique dont l’usage se généralise au sein des institutions, « e-translation », est un outil de travail pour les traducteurs et au service des utilisateurs du site Internet. Depuis la fin de l’année 2020, un système proposant à tous les utilisateurs la traduction automatique des pages non-manuellement traduites est en cours de déploiement. Il est désormais possible de traduire automatiquement les pages qui auparavant n’étaient généralement proposées qu’en anglais.

b.   Le rôle de plusieurs tendances structurelles défavorables au français et au multilinguisme

Parmi les facteurs explicatifs, il faut aussi mentionner les élargissements des années 1990 et 2000, qui ont étendu l’Union européenne vers les pays du Nord et de l’Est et qui ont favorisé le développement de l’anglais comme langue d’usage dans les institutions. Les ressortissants des pays scandinaves, baltes et est-européens ont en effet une tradition d’apprentissage du français moins élevée que d’autres pays comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce ou l’Allemagne. Ces ressortissants ont par ailleurs pu préférer l’anglais à leurs propres langues par peur d’être mal compris ou incompris, ou en raison d’un niveau insuffisant en français ou en allemand. Cette remarque est également valable pour les fonctionnaires d’origine espagnole, italienne ou portugaise, chez lesquels une certaine rupture générationnelle est constatée dans l’apprentissage du français au profit de l’anglais.

De façon générale, l’apprentissage du français et de l’allemand comme première langue vivante a baissé dans les États membres au profit de l’anglais ces dernières années. Ainsi, l’anglais est la langue étrangère la plus répandue au niveau de l’enseignement primaire dans tous les États membres, à l’exception de la Belgique et du Luxembourg, pays multilingues.

Langue étrangère la plus enseignée au Luxembourg, l’allemand était la deuxième langue étrangère étudiée par les élèves de l’enseignement primaire dans huit autres États membres, en particulier en Hongrie (20,1 %) et en Croatie (20 %). Le français occupait cette position à l’échelle européenne et dans sept États membres, les plus forts pourcentages étant relevés au Luxembourg (83,5 %), en Grèce (16,1 %) et en Roumanie (13,2 %).  Au total, l’allemand et le français se situent dans le même étiage en ce qui concerne la proportion d’élèves apprenant ces langues dans l’Union européenne en 2014, loin derrière l’anglais.

Source : Eurostat, 2016

Le rapport remis par le groupe de travail présidé par Christian Lequesne sur la langue française et la diversité linguistique dans les institutions européennes fait également valoir le rôle de « l’acceptation sociale de l’anglais » qui a conduit à un monolinguisme de fait. Pour les auteurs du rapport, « le déclin du multilinguisme est moins un problème technique et budgétaire qu’un problème d’acceptation d’une nouvelle pratique sociale dans le monde des élites contemporaines  ([13]) ».

À cela s’ajoute le recours à un argument de « pragmatisme » : en d’autres termes, le recours à l’anglais est justifié par la nécessité de se faire comprendre. Cela avait par exemple été le cas lors de l’introduction de l’anglais dans les briefings quotidiens de la Commission européenne, alors que seul le français était utilisé jusqu’en 1995.

Le rapport précité cite également l’influence de la hiérarchie dans le choix de la langue utilisée : or, force est de constater que dans plusieurs directions générales, l’anglais est devenue la seule langue utilisée pour s’adapter aux compétences du directeur ou de la directrice en poste, y compris dans des cas où la direction bénéficiait d’une tradition de bilinguisme anglais-français.

Ce facteur est étroitement lié à un autre élément plus général auquel est notamment confrontée la France : un nombre décroissant de fonctionnaires français ou francophones dans les institutions européennes. Si le statut de la fonction publique européenne comporte plusieurs dispositions qui consacrent la pratique du multilinguisme et si le mode de recrutement suppose de parler deux voire trois langues ([14]), la combinaison des effets générationnels – les nouveaux arrivants sont tendanciellement moins enclins à parler le français – et des vagues de départs à la retraite à venir dans les prochaines années et concernant une part importante de fonctionnaires ayant une pratique courante du français doivent constituer des points d’attention.

II.   la mobilisation de la France en faveur du français et du multilinguisme dans les institutions européennes doit être poursuivie et renforcée

A.   un engagement qui doit être resitué dans une strategie globale en faveur de la francophonie et du plurilinguisme

Pour préserver et protéger la place du français dans les institutions européennes, les autorités françaises sont pleinement mobilisées. Ces efforts et moyens s’inscrivent dans une stratégie globale de promotion du français dans un cadre plurilingue.

Ainsi, l’administration française rappelle régulièrement à ses agents et au public les règles applicables au sein des institutions européennes en matière de multilinguisme et de francophonie en particulier. Des fiches d’information et de procédure sont mises à disposition des agents, disponibles sur le site du SGAE, et cette question est systématiquement abordée lors de l’entretien préalable au départ des experts nationaux détachés par la France. Ces derniers sont d’ailleurs invités à donner des informations sur la pratique du français au sein de l’institution au sein de laquelle ils sont affectés à l’occasion des rapports intermédiaires et finaux qu’ils remettent à la représentation permanente et au SGAE. 

Le SGAE a également publié en 2017 un vadémécum sur les conditions d’usage de la langue française au sein de l’Union européenne ([15]). Depuis sa publication, il est systématiquement adressé à chaque expert national détaché au moment de son départ dans une institution ou un organe européen. Il est également accessible à tous sur le site internet du SGAE et continue d’être diffusé.

Par ailleurs, le SGAE a contribué à hauteur de 1,8 million d’euros par an en moyenne – sur les dix dernières années - aux frais d’interprétation en langue française pour les réunions des groupes de travail du Conseil.

La représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne est également très impliquée. Ce fut par exemple le cas au moment de la crise du covid-19, pour demander à ce qu’un système d’interprétation des réunions ministérielles informelles ayant lieu par visioconférence soit mis en place (voir supra).

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans son ensemble est mobilisé pour la défense du français et du plurilinguisme. Cela passe par exemple par le programme « Millefeuille », destiné à la formation linguistique des fonctionnaires et diplomates européens, qui est monté en puissance en vue de la présidence française de l’Union européenne. L’enveloppe de Millefeuille, qui s’élève traditionnellement à un montant compris entre 30 à 50 000 € par an, a été dotée de 200 000 € pour 2021 afin de former 140 agents, tandis que 389 600 € ont été prévus pour 2022, afin de former près de 500 fonctionnaires et de faire face à la très grande demande exprimée par les conseillers des Représentations permanentes dans le contexte de la Présidence française.

La France, premier contributeur au budget de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ([16]), soutient les programmes d’IFN (Initiatives francophones nationales) et IFE (Initiatives francophone d’établissement). L’IFN a pour objectif la formation linguistique au français des relations internationales, la tenue de séminaires de formation techniques, la certification au diplôme de français professionnel des relations internationales (DFP-RI) et la tenue de séjours en immersion pour environ un millier de fonctionnaires et diplomates d’États membres de l’OIF et de l’UE ou non membres de l’UE par an. L’IFE offre la même formation à destination des élèves ou agents d’établissements publics de formations de pays membres de l’OIF et de l’UE ou non membres de l’UE.

On peut aussi mentionner le rôle crucial joué par l’assemblée consultative de l’OIF, l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), pour faire connaître et promouvoir l’apprentissage et l’utilisation du français. En 2019, l’APF a notamment réalisé un important rapport sur la place du français dans les institutions européennes ([17]).

De façon générale, la mobilisation de la France pour l’usage du français dans les instances européennes s’inscrit dans une action globale en faveur de la langue française, que le président de la République a souhaité replacer dans un cadre plurilingue. Comme l’a rappelé le Professeur Christian Lequesne lors de la remise du rapport sur la diversité linguistique et la langue française le 20 octobre 2021 ([18]), « l’objectif n’est pas de remplacer un monolinguisme par un autre monolinguisme et le français ne sera sauvé que si on l’intègre dans une défense plus large ([19]) ».

Le plan pour la langue française et le plurilinguisme, présenté le 20 mars 2018 à l’Institut de France et dont la mise en œuvre se poursuit aujourd’hui, se décline selon trois axes (apprendre, communiquer et créer) et 33 propositions.

Le soutien au programme Millefeuille s’inscrit ainsi dans le cadre du volet « communiquer ». Il s’accompagne d’un soutien à la formation linguistique des hauts-fonctionnaires en charge des questions européennes au sein de l’Union européenne et dans les pays voisins, pour lequel 80 000 € ont été budgétisés dans le cadre du fonds d’intervention linguistique (FIL) qui a fait l’objet d’un appel à projets pour l’année 2021.

Dans le volet « apprendre », on trouve entre autres axes l’objectif de développement du réseau d’enseignement français à l’étranger ([20]) – avec un doublement des effectifs souhaité à horizon 2030 – et l’impulsion donnée à l’enseignement bilingue francophone, via notamment les filières et établissements détenant le LabelFrancEducation ([21]). Le MEAE soutient également la Fédération internationale des professeurs français et ce soutien financier a été doublé entre 2017 et 2019, conformément à l’engagement pris par le président de la République - pour s’établir à 140 000 euros. S’il s’agit là d’objectifs mondiaux, ils sont à même de répondre aux besoins de formation au français et au multilinguisme et s’inscrivent en pleine cohérence avec les ambitions portées au niveau de l’Union européenne. À titre indicatif, l’Europe représentait à la rentrée 2020 20 % des effectifs du réseau d’enseignement français à l’étranger et 128 établissements sur 540.

Le volet « créer » enfin, permet de soutenir des dispositifs comme « Contxto » qui vise à favoriser la traduction des textes d’auteurs francophones, leur diffusion et leur création dans le monde ou des évènements comme les États généraux du livre en langue française ou le congrès mondial des écrivains en langue française.

Enfin, l’action de la France en faveur de la francophonie et du multilinguisme passe aussi par des canaux bilatéraux. Ainsi, le traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier 2019, comporte un chapitre dédié à la culture, l’enseignement, la recherche et la mobilité, dont l’un des articles – l’article 10 – prévoit un soutien de chaque État à l’apprentissage de la langue du partenaire, pouvant prendre différentes formes : développement de l’apprentissage mutuel de la langue de l’autre, adoption de stratégies visant à accroître le nombre d’élèves étudiant la langue du partenaire, action en faveur de la reconnaissance mutuelle des diplômes, mise en place d’outils d’excellence franco-allemands pour la recherche, la formation et l’enseignement professionnels et de doubles programmes franco-allemands intégrés relevant de l’enseignement supérieur ([22]).

Il faut aussi mentionner l’article 9 du traité, qui prévoit la création d’une « plateforme numérique destinée en particulier aux jeunes », et le 3ème des 15 projets prioritaires annexés au document, qui porte sur la « création d’une plateforme numérique franco-allemande de contenus audiovisuels et d’information ». Ce projet comporte deux piliers, l’un porté par Arte et l’autre par France Médias Monde en coopération avec la Deutsche Welle. Intitulé « ENTER », il s’agit d’un offre numérique plurilingue et participative à l’attention des jeunes européens, qui atteste également de la richesse des outils déployés aujourd’hui pour faire vivre le français et la diversité linguistique en Europe.

B.   UNE PROPOSITION DE Résolution visant à renforcer l’engagement de la France

La présente résolution et les recommandations qu’elle porte vise à consolider et à renforcer l’engagement déjà réel de la France en faveur de la francophonie et du multilinguisme dans l’Union européenne et tout particulièrement dans les institutions européennes. Elle s’inscrit en complémentarité avec les recommandations du groupe de travail présidé par Christian Lequesne, qui a remis ses conclusions à MM. Beaune et Lemoyne le 20 octobre 2021.

 recommandations

1) Rénover les concours européens et en faire la promotion :

- diversifier le recrutement des fonctionnaires européens en prêtant une attention particulière aux candidats maîtrisant au moins deux langues en sus de l’anglais ;

- promouvoir beaucoup plus fortement les concours européens auprès des ressortissants français ;

- favoriser un stage de moyenne durée au sein des institutions européennes pour l’ensemble des élèves fonctionnaires français ;

- améliorer le suivi des carrières des Français dans les institutions européennes.

2) Inciter à l’apprentissage du français et des autres langues européennes :

- poursuivre et amplifier les programmes de type « Millefeuille » ;

- prêter une attention particulière aux villes accueillant des institutions européennes dans le développement du réseau d’enseignement français à l’étranger et du réseau ;

- plaider pour que la Commission européenne élabore un plan spécifique dédié à l’apprentissage des langues européennes.

3) Pleinement mettre à profit la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour promouvoir l’usage du français et le multilinguisme :

- favoriser la rédaction de documents préparatoires en français ;

- demander que les réunions informelles se déroulent en français, en proposant des services de traduction au moins en anglais ;

- faire en sorte que le site internet de la présidence française favorise une lecture initiale des articles en français ;

- proposer aux commissaires européens francophones de s’exprimer en français durant les réunions du Conseil.

4) Garantir au niveau des institutions européennes une traduction et une interprétation efficaces, en garantissant un budget stable pour la traduction tout en continuant à investir dans les innovations technologiques et l’intelligence artificielle en matière de traduction.

5) S’assurer du respect des règles liées au multilinguisme :

 - prescrire aux commissaires européens de s’exprimer dans leur langue plutôt qu’en anglais, en particulier lorsqu’ils s’adressent à un public ;

- veiller à avoir une signalétique multilingue des bâtiments et des réunions afin que le paysage linguistique reflète également cette diversité européenne ;

- renforcer les relations entre les institutions européennes et l’Assemblée parlementaire de la francophonie dans le but de favoriser une attention particulière à l’utilisation du français ;

- créer un observatoire européen du multilinguisme qui sera chargé de veiller à la bonne application du règlement 1/58.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du 3 novembre 2021, la commission examine la proposition de résolution européenne.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La proposition de résolution européenne relative à la promotion du multilinguisme et à l’usage de la langue française au sein des institutions européennes, en particulier durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022, a été adoptée le 6 octobre par la commission des affaires européennes, sur le rapport de Mme Aude Bono‑Vandorme. Il m’a paru cohérent de permettre à notre collègue d’en être aussi la rapporteure devant notre commission, saisie au fond.

En vertu de l’article 151-6 du règlement de l’Assemblée, nous disposons d’un délai d’un mois à compter du dépôt du rapport de la commission des affaires européennes – le 7 octobre –, pour déposer notre propre rapport. À défaut, le texte issu de la commission des affaires européennes serait considéré comme adopté par la commission saisie au fond.

En accord avec notamment Jean François Mbaye, j’ai considéré que la défense de la francophonie et du multilinguisme au sein de l’Union européenne nous tenait à cœur et que nous devions saisir cette occasion pour prendre concrètement position sur le sujet. C’est pourquoi l’examen de cette proposition de résolution est inscrit à notre ordre du jour.

Nous suivrons la même procédure que pour l’examen des propositions de loi. N’étant saisie d’aucun amendement, la commission s’exprimera par un vote unique sur l’ensemble de la proposition de résolution.

Dans l’hypothèse de son adoption, le Gouvernement, les présidents de groupe, les présidents de commission permanente et la présidente de la commission des affaires européennes disposeront d’un délai de quinze jours suivant la publication du texte pour demander à la conférence des présidents d’en inscrire l’examen à l’ordre du jour de la séance publique. En l’absence d’une telle demande, il sera considéré comme définitivement adopté par l’Assemblée nationale. La réunion de ce jour constitue donc un maillon essentiel de la procédure.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. La présente proposition de résolution, fruit d’un travail collectif mené en commission des affaires européennes, est la synthèse de deux textes ayant pour ambition commune d’apporter une réponse au recul de l’usage du français dans les institutions européennes : la proposition de résolution de Julien Aubert, déposée en avril et proposant de faire du français la langue unique de travail des institutions européennes ; et celle de Fabrice Brun, datant de juin et visant à favoriser l’usage du français dans le cadre de la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne.

La place du français et du multilinguisme au sein de l’Union européenne, et tout particulièrement dans la pratique institutionnelle, est un sujet essentiel, et la perspective de la présidence française du Conseil au cours du prochain semestre nous invite à nous en saisir pleinement. Le multilinguisme est une valeur fondamentale de l’Union européenne, inscrite dans les traités et dans la Charte des droits fondamentaux. C’est le premier règlement européen jamais adopté, le règlement n° 1/1958, qui a fixé le régime linguistique européen : il définit les langues officielles de l’Union, dont le nombre s’est mécaniquement accru au fil des élargissements successifs. On compte désormais vingt-quatre langues officielles, qui constituent les langues de travail des institutions européennes : c’est dans ces langues que les institutions doivent s’adresser aux citoyens européens et que les textes doivent être rédigés ou traduits. Il s’agit d’un principe fondamental.

Toutefois, ce que l’on observe dans la réalité contraste avec cette consécration juridique du multilinguisme.

D’une part, les institutions ont défini des langues dites procédurales, afin de répondre aux nécessités de la communication au quotidien. Ainsi, la Commission européenne, selon une règle non écrite, travaille en trois langues : l’anglais, le français et l’allemand. Au sein du Conseil, les réunions ministérielles se font dans toutes les langues officielles et le Comité des représentants permanents (COREPER) se déroule dans un régime trilingue, en français, anglais et allemand. La Cour de justice de l’Union européenne rend ses délibérés en français uniquement, selon une pratique qui n’est pas gravée dans les textes. C’est au Parlement européen que le multilinguisme est le plus respecté et le plus vivant, afin de garantir la transparence des travaux et d’assurer leur accessibilité à tous les citoyens européens.

D’autre part, force est de constater que le multilinguisme connaît depuis plusieurs années un important recul. Si la langue française est relativement mieux lotie que la plupart des autres langues officielles de l’Union européenne, elle n’échappe pas à cette tendance, qui s’accompagne d’une nette progression de la langue anglaise.

Ainsi, pour ce qui concerne la Commission européenne, en 2019, seulement 3,7 % des documents envoyés pour traduction avaient le français comme langue source, et 85,5 % l’anglais ; en 1999, la proportion de documents initialement rédigés en français était de 34 %. On observe le même phénomène au sein du Conseil. Seul le Parlement européen se distingue : 11 % des documents y sont encore produits en français, mais la tendance est là aussi à la baisse.

Des exemples récents confirment le recul du français et du multilinguisme. Ainsi, les réunions en visioconférence organisées dans le contexte de la crise du covid-19 se sont déroulées sans traduction, jusqu’à ce que la France exige qu’une solution soit trouvée. Quant au parquet européen, en place depuis juin 2021, il a décidé que l’anglais serait sa seule langue de travail.

Cette situation s’explique par plusieurs facteurs. On ne peut que constater la baisse continue, qui s’est accentuée depuis la crise économique de 2008, du budget annuel consacré à la traduction et à l’interprétation : il représente aujourd’hui moins de 1 % du budget de l’Union, soit à peine 2 euros par personne.

En outre, les élargissements successifs à l’est et au nord ont favorisé l’anglais, souvent mieux maîtrisé que le français ou l’allemand par les ressortissants des nouveaux États membres. De façon générale, l’apprentissage du français et de l’allemand comme première langue vivante n’a cessé de reculer au sein de l’Union. Aujourd’hui, l’anglais est appris par 17 millions d’élèves dans le secondaire, contre moins de 5 millions pour le français et à peine 3 millions pour l’allemand.

S’y ajoutent un effet générationnel défavorable au français, ainsi qu’une tendance à promouvoir l’anglais en faisant valoir un certain pragmatisme dans la communication quotidienne, au risque d’ailleurs de répandre une forme dégradée de l’anglais.

C’est à ces constats préoccupants que la présente proposition de résolution européenne souhaite répondre. Elle vise à formuler des recommandations opérationnelles, définies selon les cinq axes qui nous ont guidés durant nos travaux préparatoires. J’ajoute qu’elle s’inscrit en complémentarité avec les recommandations formulées par le groupe de travail sur la diversité linguistique et la langue française en Europe, groupe d’experts indépendants présidé par le professeur Christian Lequesne et formé à la demande des secrétaires d’État Clément Beaune et Jean-Baptiste Lemoyne en vue de la présidence française du Conseil de l’Union européenne : ses travaux ont abouti à la remise le 20 octobre d’un rapport dont je vous invite à prendre connaissance.

Le premier axe de la proposition de résolution porte sur la revalorisation des concours européens, afin de permettre à un plus grand nombre de ressortissants francophones d’intégrer les institutions européennes. Ces concours, méconnus, nécessitent la maîtrise parfaite – niveau C1 – de l’une des vingt-quatre langues de l’Union, ainsi que la connaissance d’une autre langue, au niveau B2 ou C1 selon les concours. Il paraît nécessaire de diversifier le recrutement des fonctionnaires européens en prêtant une attention particulière aux candidats maîtrisant au moins deux langues à l’exception de l’anglais. Cela permettrait de valoriser les candidats parlant des langues moins pratiquées dans les institutions européennes et obligerait les différents services administratifs à ne pas utiliser automatiquement l’anglais.

Il convient en outre de promouvoir beaucoup plus fortement ces concours auprès des ressortissants français et de favoriser les stages au sein des institutions européennes pour l’ensemble des élèves fonctionnaires français. En 2020, sur 27 000 candidats aux concours européens, à peine 2 000 étaient français !

Le deuxième axe de travail porte sur l’apprentissage du français et de toutes les langues européennes. Il faut remédier à la domination sans partage de l’anglais, sous peine de voir la situation empirer. Pour cela, il serait bon de renforcer les programmes de formation au français destinés aux fonctionnaires européens – d’ailleurs, certains l’ont déjà été, dans la perspective de la présidence française. La formation la plus importante, « Millefeuille », a ainsi été dotée d’un budget de plus de 550 000 euros pour 2021 et 2022, contre une moyenne de 30 000 à 50 000 euros annuels auparavant. Ce programme s’inscrit dans le volet « Communiquer » du plan pour la langue française et le plurilinguisme – les deux autres étant « Apprendre » et « Créer ».

Un plan de diversification de l’apprentissage des langues doit en outre être demandé à la Commission européenne. Il ne s’agit certes pas d’une compétence de l’Union européenne, mais la Commission pourrait avec profit dresser régulièrement un état des lieux des langues apprises par les jeunes européens – le dernier a été réalisé à partir de données datant de 2014. La Commission pourrait aussi formuler des recommandations aux États dans ce domaine.

Troisième axe de travail : la présidence française doit être l’occasion de faire du retour du français une exigence absolue. Durant cette période, il faudra d’abord, pour des raisons symboliques et pratiques, favoriser la rédaction de documents préparatoires en français – tout en proposant, bien entendu, des traductions. Les réunions informelles, moments importants qui ont trop souvent tendance à se dérouler en anglais, devront avoir lieu en français, avec un service de traduction. Le site internet de la présidence française devra favoriser la lecture initiale des documents en français, là encore avec des traductions ; il ne faut pas que le français soit plus difficile d’accès que l’anglais. Enfin, il pourrait être proposé aux commissaires européens francophones de s’exprimer en français durant les réunions du Conseil.

Le quatrième axe de travail porte sur les services de traduction. Sans un budget important dédié à la traduction et à l’interprétation, les règles européennes en matière de multilinguisme resteront lettre morte. Il importe donc de garantir à ces services un budget constant et d’investir dans les innovations technologiques en la matière, afin d’être le plus efficace possible. Un meilleur partage des coûts entre les institutions européennes et les États membres devrait aussi être envisagé.

Dernier axe de travail : combler le fossé entre le droit et la pratique. Il faudrait que les commissaires européens montrent l’exemple, par exemple en s’adressant au public, lors des conférences de presse, dans leur langue d’origine et non pas systématiquement en anglais. On pourrait créer un observatoire européen du multilinguisme, chargé de s’assurer du respect du règlement n°1/1958. Il manque en effet une « tour de contrôle » du multilinguisme, qui soit un organe interne au système européen tout en disposant d’une certaine indépendance. Si le Médiateur européen joue en partie ce rôle, il ne peut se consacrer entièrement à cette question.

La promotion du français dans un cadre plurilingue est l’une des priorités assignées à notre action extérieure par le Président de la République. La présente proposition de résolution traite d’un aspect particulier de cette ambition globale, qui, je le crois, importe à tous les membres de cette commission. Elle vise, dans un même mouvement, à assurer la promotion du français et celle du plurilinguisme : pour faire face à la domination de l’anglais dans les institutions européennes, il ne serait pas réaliste de promouvoir un autre monolinguisme, fondé sur l’usage du seul français.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci, madame la rapporteure, pour cet exposé extrêmement stimulant sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Ce déclin que vous décrivez, je l’ai personnellement vécu puisque, lorsque j’ai été élu pour la première fois député européen en 1989, on parlait presque exclusivement français dans les instances européennes.

M. Jean-François Mbaye (LaREM). Je me réjouis que l’on aborde la question de l’usage du français et du multilinguisme au sein de la commission des affaires étrangères.

La France prendra à partir du 1er janvier 2022 la présidence du Conseil de l’Union européenne. À l’ordre du jour seront inscrites des questions comme l’autonomie stratégique de l’Europe, sa mobilisation en faveur de la protection de l’environnement ou l’accompagnement de la sortie de la crise sanitaire. À l’occasion de cette présidence, la France sera placée au centre des institutions européennes et exercera une influence accrue en leur sein.

C’est dans cette perspective que nous sommes appelés à examiner la proposition de résolution issue des différents travaux de nos collègues Bono‑Vandorme, Brun et Aubert. Le multilinguisme, érigé en principe fondamental par les traités, appelle les institutions de l’Union à s’exprimer dans les vingt-quatre langues officielles pratiquées par ses citoyennes et ses citoyens. Or, à la suite des élargissements successifs de l’Union, seuls le français, l’allemand et l’anglais sont parvenus à s’imposer en pratique, provoquant un net recul de l’usage des autres langues et mettant en péril le multilinguisme. Parmi ces trois idiomes, la langue de Shakespeare se taille la part du lion : 95 % des documents édités par le Conseil en 2018 étaient rédigés en anglais, et 2 % seulement en français. Cette marge de 5 % n’existera même pas au sein du parquet européen, puisque l’anglais y a été décrété seule langue officielle. Si cet appauvrissement de la diversité linguistique est regrettable en soi, elle l’est d’autant plus que le Royaume-Uni ayant quitté l’Union, aucun des États membres n’a l’anglais pour langue officielle. Cela nous invite à porter un regard neuf sur le mode d’expression au sein des institutions européennes, a fortiori dans la perspective de la présidence française.

Le groupe La République en marche soutient bien évidemment les recommandations de la rapporteure relatives à la revalorisation de l’accès aux concours européen pour les francophones et à la diversification du recrutement des fonctionnaires européens, auxquels la maîtrise de l’anglais est actuellement imposée. Nous considérons que cette volonté politique doit s’accompagner de l’attribution d’un budget cohérent aux services de traduction et d’interprétariat et d’un investissement ambitieux en faveur du développement d’outils recourant à l’intelligence artificielle, de manière à garantir une conversion fluide de l’information dans toutes les langues de l’Union. Il ne s’agit pas pour autant de remplacer une hégémonie linguistique par une autre : parmi les valeurs que nous défendons, et qui se retrouvent dans notre langue, la diversité occupe une place de choix. C’est pourquoi, à travers l’adoption de cette proposition de résolution, notre assemblée appellera l’exécutif à promouvoir, à côté de celui du français, l’usage de l’espagnol, de l’italien, du portugais et de toutes les autres langues employées au sein de l’Union européenne.

Notre groupe votera en faveur de la proposition de résolution.

M. Michel Herbillon (LR). Si je vous remercie pour votre présentation, madame la rapporteure, ce que vous avez dit ne me rend pas très optimiste, car on ne peut que constater le déclin inexorable de l’usage du français au sein des institutions européennes, déclin qui n’est pas récent. Pardon de me citer, mais j’en veux pour exemple un rapport sur la diversité linguistique dans l’Union européenne, intitulé Les langues dans l’Union élargie : pour une Europe en VO, que j’avais rédigé juste avant l’élargissement de 2005 ; depuis lors, les choses n’ont pas vraiment changé, elles se sont même aggravées. À cet égard, le chiffre que vous avez cité – 95 % des documents rédigés par le Conseil en 2018 sont en anglais – est éloquent.

Est-ce une fatalité ? Je ne le crois pas, mais pour aller à l’encontre de cette tendance, il faut une volonté politique, et que celle-ci perdure au-delà d’une présidence française quelque peu tronquée par le calendrier électoral. Je crains que ce ne soit pas le cas, puisque, dans le cadre européen, les représentants de notre pays, à commencer par le Président de la République, s’expriment généralement en anglais. Non que j’appelle à un choc frontal avec l’anglais – nous n’allons pas lutter contre sa prédominance dans le monde, cela n’aurait aucun sens –, mais c’est en Europe et au sein des institutions européennes que se joue l’avenir du français. La dernière fois que nous l’avons auditionné, Alain Juppé avait exprimé son effarement que les publicités télévisées pour les marques françaises d’automobiles soient en anglais – on dit « Renew » pour Renault, par exemple. Où en est-on de la mise en œuvre de l’ambitieuse stratégie de promotion de la francophonie présentée par le Président de la République au début de son mandat ?

Le groupe Les Républicains votera en faveur de la proposition de résolution mais je souhaiterais, mes chers collègues, que nous puissions assurer le suivi de ces recommandations afin qu’elles ne restent pas des vœux pieux.

M. Bruno Fuchs (Dem). Je félicite à mon tour la rapporteure, ainsi que le président pour avoir mis à notre ordre du jour un sujet à propos duquel je suis engagé comme vice-président de l’Assemblée parlementaire de la francophonie. Ce sujet, c’est l’hégémonie de l’anglais, que nous abordons au moment même du Brexit – paradoxe cynique.

En 1960, au sein de la Commission européenne, 60 % des textes étaient initialement écrits en français, 40 % en allemand. En 1978, 46 % l’étaient en anglais, contre 34 % en français et seulement 2,80 % en allemand. En 2019, la proportion était de 86 % pour l’anglais, 2,51 % pour le français et 2,01 % pour l’allemand.

On parle de dérive, de déclin, mais il s’agit à certains égards d’un abandon de la part de générations de politiques. Pour les uns, c’est l’empathie qui les a poussés à utiliser une langue compréhensible par tous au fil des élargissements successifs ; d’autres voulaient manifester leur appartenance à une élite mondialisée anglophone.

Cela pose la question de la nature du projet européen : peut-on construire un tel projet, singulier, original, dans une langue qui n’est pas celle des peuples d’Europe ? C’est impossible ! C’est aussi la démocratie qui est en jeu : comment impliquer les citoyens dans une communauté où la langue n’est pas partagée ? On voit le résultat : les citoyens européens se sentent très éloignés de l’Europe. Les traductions arrivent avec cinq à sept jours de décalage, de sorte que les députés votent sur des textes en anglais, qu’ils ne comprennent pas très bien.

Merci, madame la rapporteure, de vos propositions, qui rejoignent celles de mon rapport de 2019 au nom de l’Assemblée parlementaire de la francophonie. Michel Herbillon en avait également formulé ; nous le faisons tous chaque année. Mais, au-delà des propositions, l’enjeu est la volonté politique. En l’occurrence, elle n’est présente ni chez les Allemands, ni chez les Italiens. Qui sont nos alliés à l’échelle européenne pour défendre le multilatéralisme et le plurilinguisme ? Les Européens ne sont pas à nos côtés dans cette démarche ; comment les rallier ? Les textes des députés Brun et Aubert se focalisent uniquement sur le français, alors que remplacer une hégémonie par une autre n’aurait pas de sens et ne nous gagnera pas d’alliés.

M. Alain David (SOC). Merci de cette synthèse, madame la rapporteure.

Nous serons sans doute unanimes à admettre que la promotion du français comme langue de travail en Europe et au sein des institutions internationales en général constitue un outil de notre diplomatie d’influence. Pour cette raison, mon groupe soutiendra évidemment toute initiative visant à promouvoir la francophonie et la diversité linguistique au sein des institutions européennes.

Vous recommandez de mettre pleinement à profit la présidence française du Conseil de l’Union européenne en favorisant la rédaction en français de documents préparatoires, en demandant que les réunions informelles se déroulent en français avec une traduction au moins en anglais, en faisant en sorte que le site internet de la présidence française favorise une lecture initiale des articles en français et en proposant aux commissaires européens francophones de s’exprimer dans notre langue pendant les réunions du Conseil. Ne faudrait-il pas adresser la même recommandation au président Macron, surtout quand il s’agit de parler de la pêche après sa rencontre avec le Premier ministre du Royaume-Uni ? C’est bien qu’il montre sa maîtrise de l’anglais, mais ce serait mieux s’il s’exprimait en français…

Par ailleurs, cette réflexion ne peut être dissociée des travaux de l’Organisation internationale de la francophonie, dont la France reste évidemment le premier financeur. Vous y faites brièvement référence dans votre rapport. Avez-vous rencontré ses représentants ? Quelle est l’actualité de l’organisation, dont on a peu entendu parler pendant la crise sanitaire, alors que la situation aurait permis d’engager des actions ?

Mme Frédérique Dumas (LT). Au sein des institutions européennes, la langue française connaît une perte de vitesse impressionnante. En témoigne le rapport « Diversité linguistique et langue française en Europe » remis le 20 octobre aux secrétaires d’État compétents. En 2018, seuls 2 % des 69 000 documents publiés par le Conseil de l’Union européenne ont été d’abord rédigés en français, contre 95 % en anglais. Quant à la Commission européenne, 7 % des documents envoyés en traduction avaient le français pour langue source, contre 85,5 % pour l’anglais. Au sein du Parquet européen, lancé en juin 2021, l’anglais est la seule langue utilisée. Une autre institution européenne, la Cour des comptes européenne, est passée fin octobre à l’anglais unique, supprimant l’interprétation.

Dans une récente tribune publiée par Le Monde, le philosophe Michel Guérin souligne qu’« une langue n’est jamais seulement une langue, qu’elle enveloppe une vision du monde, qu’elle est porteuse d’habitus et de modes de sentir ». Winston Churchill l’avait bien compris, pour qui « contrôler la langue offre bien plus d’avantages que prendre des provinces ou des pays pour les exploiter ».

Face à ce constat accablant, la présidence du Conseil de l’Union européenne devrait être l’occasion d’amorcer un changement de direction. Il est encore possible de remettre le plurilinguisme et la traduction au premier plan.

Toutefois, la France serait bien plus crédible pour défendre le multilinguisme au niveau européen si elle le faisait véritablement au niveau interne. Nous demeurons l’un des rares pays de l’Union européenne à ne pas avoir ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, alors que sa ratification est désormais un préalable à l’adhésion de tout nouvel État. La République ne reconnaît qu’une langue officielle, ce qui a pour conséquence la lente disparition de la diversité linguistique interne de la France. La censure partielle par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi de Paul Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion en est l’illustration la plus récente.

En revanche, l’anglais est de plus en plus utilisé par nos propres institutions et dans l’espace public français. C’est encore davantage le cas depuis le début de la présidence d’Emmanuel Macron, qui dit vouloir faire de la France une start-up nation ; en usant de ce genre de vocables, le Président de la République et les décideurs publics font peu à peu de l’anglais la langue de la réussite sociale.

Certaines décisions prises ces dernières années et allant dans le sens de la promotion de l’anglais sont particulièrement inquiétantes. Le 16 mars 2021 a été présentée la nouvelle carte nationale d’identité : pour la première fois, alors que la France interdit un simple tilde sur un prénom breton, tous les intitulés sont traduits en anglais et exclusivement dans cette langue. Pourtant, la directive bruxelloise proposait l’utilisation de la traduction dans deux langues de l’Union européenne – en Allemagne, la carte d’identité nationale est rédigée dans les trois langues officielles de la Commission : l’anglais, l’allemand et le français.

Le 4 février 2020 paraissait un arrêté énonçant les règles à respecter pour participer à l’enseignement français à l’étranger, parmi lesquelles « faire valoir un niveau au moins B2 du cadre européen commun de référence pour les langues en anglais », y compris dans les pays francophones.

Le 3 avril 2020, un décret et un arrêté ont subordonné l’obtention du brevet de technicien supérieur (BTS) et de la licence à une certification du niveau en anglais. En 2013, la loi Fioraso avait déjà modifié la loi Toubon relative à l’emploi de la langue française pour favoriser l’anglais dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Mon groupe soutiendra la proposition de résolution, mais regrette qu’elle fasse trop facilement abstraction des devoirs de la France quant à la défense de son multilinguisme interne, constitué des langues régionales, et qu’elle passe sous silence la responsabilité de nos propres institutions publiques dans la diffusion et la promotion de l’anglais.

M. Jean-Luc Mélenchon (FI). Merci pour ce rapport utile.

Je pense voter la proposition de résolution, tout en en mesurant d’avance la limite : le pouvoir, dans notre pays comme dans les autres, ne fera strictement rien pour changer une situation qui s’est dégradée, et ce malgré nos protestations. On a rappelé notre triste sort de députés européens. Je l’ai été deux fois ; nous n’obtenions pas les textes en français, pas même s’agissant des modifications opérées dans le cours de la nuit et sur lesquels nous devions nous prononcer le lendemain matin.

Cela montre qu’au niveau européen, l’usage abusif de l’anglais aboutit à un déni de démocratie. En effet, tout le monde ne parle pas la langue anglaise ni n’a envie de la parler – c’est mon cas : je refuse systématiquement de m’exprimer en anglais, parce que c’est quelque chose que l’on m’impose ; en revanche, j’accepte d’employer une autre langue, l’espagnol, que j’ai appris à parler couramment. Cela vient d’être dit, l’usage d’une langue est porteur d’un modèle de civilisation, de société, d’un certain type de préoccupations. Pourquoi nous, Français, n’en tirons-nous pas toutes les leçons ?

L’organisation de l’Union européenne, c’est la langue anglaise, plus les directeurs de service allemands. Au Parlement européen, il n’y a plus un seul Français directeur de service. Cela a un sens politique. Faire parler tout le monde anglais, c’est visser toutes les nations d’Europe au corps des États-Unis d’Amérique. C’est d’autant plus stupide que l’anglais n’est pas la langue officielle des États-Unis d’Amérique : ces derniers n’ont jamais pu avoir une langue officielle, puisqu’il s’en parlait beaucoup sur leur sol, et il est à peu près certain que, dans les cinquante ou soixante années qui viennent, la langue la plus parlée y sera l’espagnol, bien qu’aujourd’hui, 96 % des Nord-Américains parlent l’anglais. Tout cela est mouvant et épouse les changements du monde. Y voir une fatalité n’est rien d’autre qu’un choix politique.

L’un des arguments à faire valoir dans le rapport pourrait être que nous ne cherchons pas, nous, Français, à nous enfermer dans notre bien-aimée langue maternelle, mais que nous voulons que l’Europe parle au monde – si jamais cela l’intéresse – et peut-être pour parler d’autre chose que de business. Or, pour parler au monde, il faut parler les langues qui se parlent dans le monde, pas nécessairement les langues que parlent certains seulement. Et les langues qui se parlent dans le monde, ce sont notamment le français – langue officielle de vingt-neuf nations, elle n’est pas seulement la langue des Français, mais une langue commune –, l’espagnol – si la francophonie concerne environ 300 millions de locuteurs, l’hispanophonie en touche 500 millions –, le chinois, première langue qui se parle dans le monde, et le russe, première qui se parle en Europe, depuis bien longtemps.

Les Français sont fort mal placés pour défendre leur langue si eux-mêmes cèdent. Le Président de la République ne doit pas s’exprimer en anglais. Ce n’est pas la langue des Français ; or tous les Français doivent pouvoir comprendre continuellement ce que dit la personne qui les représente, quelle qu’elle soit. J’espère que, pendant toute la durée de la présidence française, le Président de la République ne parlera rien d’autre que le français : c’est la condition pour que l’on comprenne ce qu’il dit.

Je dénonce également la manière dont la francophonie a évolué. Seul à l’Élysée, nommer secrétaire générale de la francophonie une Rwandaise qui parle anglais, et tenir au Rwanda le sommet des villes francophones dont un seul article, en anglais, a rendu compte, c’est annoncer soi-même que l’on a capitulé ; je le déplore.

M. Nicolas Dupont-Aignan. La situation dont nous parlons est le fruit d’une démission politique. Comment se fait-il que Bercy réponde en anglais à la Commission européenne, qui lui écrit en anglais ? Comment se fait-il que le Président de la République s’exprime en anglais, et pas qu’une fois ? Comment se fait-il que les titres de programmes publics internationaux de la France soient en anglais ? Comment se fait-il que des Français, parlementaires, ministres, hauts fonctionnaires, s’expriment en anglais dans les instances européennes ?

On peut multiplier les rapports – le vôtre, ma chère collègue, est excellent, et je voterai avec joie votre proposition de résolution –, mais soit nous quittons la salle quand aucun texte n’est disponible en français et nous refusons de nous exprimer quand on ne peut le faire qu’en anglais, soit nous ne serons jamais respectés. Voilà vingt ans que la France n’est plus respectée. Je me souviens du président Chirac quittant immédiatement la salle parce que le président du MEDEF s’exprimait en anglais devant les chefs d’État de l’Union européenne. Personne n’utilisera le français si les Français eux-mêmes ne l’utilisent pas ! Nous n’obtiendrons de résultats que si la France fait la politique de la chaise vide, par exemple s’agissant du Parquet européen et de la Cour des comptes européenne, laquelle vient de choisir l’anglais pour seule langue de travail.

Que proposer d’autre ? Je me méfie du multilinguisme, un prétexte à l’inaction. Ne devrions-nous pas, pour reprendre du terrain, nous arcbouter sur les langues de travail et exiger qu’elles soient utilisées toutes les trois ? Sinon, je crains que nous n’en restions aux vœux pieux.

Je suis très inquiet de ce qui se passe concernant les Jeux olympiques : lors de leur dernière édition, l’obligation d’utiliser le français, langue officielle des JO à l’égal de l’anglais, n’a pas été respectée ; j’espère qu’elle le sera en 2024 en France. À l’ONU, le fait que le français soit la deuxième langue de travail, là aussi à l’égal de l’anglais, n’est plus respecté non plus.

Enfin, quand notre propre ministère de l’intérieur traduit en anglais la carte nationale d’identité, on peut dire adieu à la langue française. C’est uniquement un problème de volonté et de détermination. Si nous cherchons des alliés, cher collègue du MODEM, nous n’y arriverons jamais, car cela voudra dire que nous avons déjà démissionné. Il faut que l’Europe sache que la France ne renoncera pas à sa langue ; c’est une question de principe.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je me permettrai quelques commentaires sur une affaire qui a dominé ma vie politique et l’a colorée de mélancolie.

À titre tout à fait personnel, je ne crois pas du tout à vos hymnes à la volonté. Professeur de français à l’origine, je me souviens de ce que disait mon ami Antoine Rufenacht à l’époque où j’ai rejoint l’Union européenne : quand il était fonctionnaire au temps de Pompidou, on n’y parlait qu’une seule langue, le français. Ensuite, les Anglais sont arrivés et ont négocié : ils ont accepté que le français reste la langue unique, mais, comme on l’a vu à diverses reprises, ils ont pour habitude d’interpréter les accords qu’ils passent, et, par la suite, ils ont fait valoir que cela posait problème non à eux, mais à leurs amis danois, qui voulaient absolument parler anglais. On s’est donc mis à l’anglais. L’étape suivante fut l’ouverture, après le Danemark, à la Suède et à la Finlande. Lorsque j’étais arrivé au Parlement européen, M. Pannella, par exemple, s’exprimait toujours en français, plutôt qu’en italien, parce que, disait-il, c’est une langue que tout le monde comprend. Mais cet élargissement, qui concernait également l’Autriche, a entraîné un basculement. C’est un phénomène mondial : les gens veulent s’exprimer directement dans une langue que le plus grand nombre comprend. Or, quand on demande quelle est la langue que chacun comprend, la réponse est en général l’anglais. C’est ainsi !

Certains ont lutté courageusement. Une anecdote : M. Roland Dumas, ministre français des affaires étrangères, s’exprime en français au Conseil des ministres de l’UE. Le représentant du Royaume-Uni demande, avec une rare insolence, que « M. Dumas parle dans une langue que le plus grand nombre d’entre nous connaissent ». Dumas s’arrête et enchaîne très brillamment, puisqu’il connaissait cette langue, en allemand. Il obtint un vrai succès diplomatique en montrant ainsi combien l’attitude britannique était incroyable.

Mais c’est un rouleau compresseur dont nous parlons, et je ne crois ni à la possibilité de rétablir notre hégémonie, ni, cher Nicolas Dupont-Aignan, au fait qu’il suffise de parler français pour mettre fin au processus : nous ne ferions que nous ridiculiser en étant les seuls à refuser de parler anglais. Il n’y a donc pas d’autre stratégie que la défense du multilinguisme. Il y a de plus en plus de langues au sein de l’Union européenne, où la règle est l’égalité entre les États, qu’ils soient petits, moyens ou grands : le maintien de trois langues de travail n’est donc pas possible. Les Allemands eux-mêmes n’y tiennent pas.

La situation est donc très difficile et très pénible, alors même que, désormais, seuls deux États membres, qui ne sont pas parmi les plus importants – l’Irlande et Malte –, ont l’anglais pour langue.

Vous pouvez toujours dire que c’est une question de volonté, mais ce n’est pas vrai. Même M. Chirac, quand il était en visite en Israël et a menacé de partir, l’a fait en anglais – à sa manière…

Deux stratégies sont possibles : outre le multilinguisme, il faut veiller, comme le dit le rapport, à empêcher l’inégalité linguistique, exiger des documents, des interprètes, etc. Notre rapporteure a rappelé que 1 % du budget de l’Union est consacré à l’interprétation : c’est déjà énorme ! Nous ne devons pas lésiner sur ce point. Et nous devons nous battre, car dans une négociation – vous avez tous raison de le dire –, celui qui ne parle pas sa langue est en position d’infériorité.

Notre problème de stratégie nationale se pose au niveau mondial, et non pas seulement européen. À titre personnel, je préconise que l’on couple le français et l’anglais, par exemple dans les lycées français : il faut offrir à toutes les populations du monde un cocktail des deux langues, de sorte que, quand on adhère au français, on apprenne les deux. Les élites et les populations de tous les pays auront ainsi accès à l’anglais, ce qui est commode, et au français, langue de civilisation à laquelle elles sont attachées.

Le rapport est excellent, mais, hélas, la volonté ne suffit pas en la matière, car, je le répète, la situation est très difficile. L’Union européenne a beaucoup de mal à affirmer son identité en s’exprimant dans une langue parlée par des gens qui lui sont extérieurs.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Merci infiniment, monsieur le président : votre expérience, votre vécu, votre analyse donnent toujours lieu à des interventions mémorables.

Merci à tous de votre soutien.

Monsieur Mbaye, comme le président l’a rappelé, il reste tout de même deux pays membres, Malte et l’Irlande, qui ont l’anglais pour langue officielle.

Monsieur Herbillon, vous avez peut-être raison d’être pessimiste plus de quinze ans après votre rapport, mais tout combat mérite d’être mené. Nous tous ici, nous sommes déjà un bon nombre de représentants de notre beau Parlement à y croire : montrons notre volonté et faisons-en sorte que les choses avancent dans le sens que nous voulons.

Je ne suis pas du tout d’accord avec vous en ce qui concerne le plan présidentiel pour la francophonie : il est bel et bien mis en œuvre. Venez voir les travaux du château de Villers-Cotterêts, emblème de la francophonie !

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est un musée !

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Non, ce n’est pas un musée ! Demandez à Jacques Krabal, député de la circonscription, de vous y inviter. Bruno Fuchs peut en témoigner également.

M. Bruno Fuchs. Joker : le cœur de la francophonie est plutôt à Dakar ou à Brazzaville.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Son emblème en France, c’est quand même bien ! Je vous laisse en parler avec le président de l’Assemblée parlementaire de la francophonie.

Vous avez employé, monsieur Fuchs, les mots de déclin, de dérive, d’abandon du français. Battons-nous ! Lorsque j’interviens dans le cadre de la PESC (politique étrangère et de sécurité commune) de l’Union européenne, je le fais en français, et, le plus souvent, Federica Mogherini, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, me répondait en français ; j’ai bien l’intention de continuer ainsi. Chacun de nous peut agir à son niveau.

Nombre d’entre vous ont été choqués par la proposition de résolution européenne de M. Julien Aubert visant à faire du français l’unique langue de travail de l’Union européenne. Permettez-moi de défendre mon collègue, qui n’a jamais envisagé sérieusement un monopole de la langue française au sein des institutions européennes : son but était de nous provoquer pour nous obliger à réagir. On peut dire qu’il a réussi son pari, puisque nous avons travaillé ensemble pour aboutir au texte dont nous discutons ce matin.

Monsieur David, je vous remercie de votre soutien. Nous avons auditionné des représentants de l’OIF, de même que les responsables de nombreux organismes. C’étaient d’ailleurs de vrais moments de bonheur : nous constations tous que l’objectif était ambitieux et difficile à atteindre, mais nous partagions la même envie de faire avancer les choses. Or, quand il y a une envie, il y a une possibilité de réussite. L’OIF nous y aidera assurément.

Madame Dumas, le rapport remis par M. Lequesne aux secrétaires d’État chargés des affaires européennes et de la francophonie préconise avec insistance de « surmonter les obstacles à la ratification en France de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires ». Je pense donc que ce dossier va avancer.

Monsieur Mélenchon, je vous remercie également de votre soutien. Je connais votre expérience des institutions européennes, et je ne peux qu’être d’accord avec vous lorsque vous dénoncez l’usage abusif de l’anglais et que vous dites que l’Europe doit parler au monde. Nous sommes nombreux à parler français et espagnol. Du reste, les pays du sud de l’Europe, notamment l’Espagne et l’Italie, sont de vrais alliés dans notre combat.

Non, monsieur Dupont-Aignan, on ne peut pas parler de « démission politique ». Je vous rejoins s’agissant des Jeux olympiques et de l’ONU, mais il n’est pas trop tard pour agir. Soyons tous déterminés à défendre notre belle langue au sein des institutions européennes !

Enfin, monsieur le président, je reconnais votre sagesse lorsque vous préconisez de coupler l’anglais et le français. C’est le modèle adopté par les lycées français, qui nous aident beaucoup à défendre l’usage du français dans les institutions européennes. Pour promouvoir efficacement le multilinguisme, je proposerais que les concours européens vérifient la maîtrise de deux langues vivantes autres que l’anglais. Je vous invite par ailleurs à parler de ces concours aux jeunes Français, qui ne sont que 2 000 à s’y inscrire chaque année ; ils doivent être beaucoup plus nombreux à s’y porter candidats, à la hauteur de ce que la France représente au sein de l’Union !

M. Michel Herbillon. Madame la rapporteure, nous sommes tous deux très attachés au château de Villers-Cotterêts, mais l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi d’un plan très ambitieux pour la francophonie vont bien au-delà.

Je souscris entièrement aux propos de M. le président : l’éducation est au cœur du problème. Quand l’Espagne a réintroduit une deuxième langue vivante obligatoire dans son système éducatif, le nombre d’élèves espagnols apprenant le français a été multiplié par six. Le recul de l’apprentissage de l’allemand en France et du français en Allemagne est aussi lié à des questions d’éducation.

Les Québécois, les Haïtiens et les Sénégalais nous montrent le chemin. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que deux écrivains haïtien et sénégalais figurent parmi les quatre finalistes du prix Goncourt qui sera remis aujourd’hui.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je me réjouis des travaux réalisés au château de Villers-Cotterêts, mais ce n’est pas d’un musée de la francophonie que nous avons besoin.

Vous dites, madame la rapporteure, que nous devons nous battre, et nous sommes tous d’accord avec vous. Que tous les Français parlent français au sein des institutions européennes ! Quelles décisions concrètes prenons-nous pour que la Cour des comptes européenne et le parquet européen rétablissent le français comme langue de travail, et que tous les textes de la Commission et du Parlement soient publiés dans notre langue ? Cela fait vingt ans que nous formulons cette demande, qui n’est pas suivie d’effet. Nous ne pouvons plus nous contenter de vœux pieux : je vous invite donc à passer à la vitesse supérieure, c’est-à-dire au bras de fer. Nous ne pouvons plus continuer à accepter cette dérive.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez raison, il est important de défendre le français à la Cour de justice de l’Union européenne. Il faut aussi le défendre au Vatican, car il y est menacé. Le pape actuel est certainement francophile, mais il ne fait pas partie des amoureux de la langue française.

Mme Nicole Le Peih. Depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’usage de l’anglais a perdu sa raison d’être. Même si l’anglais reste la langue nationale de l’un des États membres, à savoir l’Irlande, le Brexit doit remettre en cause sa domination au sein des institutions européennes.

La tendance à l’utilisation croissante de cette langue n’est pas réjouissante. Vous avez noté, madame la rapporteure, que les premières versions des documents européens, les fameux « documents sources », étaient majoritairement rédigées en anglais – c’est le cas de 85 % des documents émanant de la Commission européenne, de 95 % des documents produits par le Conseil et de 98 % des documents issus du service européen d’action extérieure. Vous avez nommé le mal qui nous ronge : le pragmatisme, qui voit dans l’usage de l’anglais un moyen de faciliter nos communications, comme s’il s’agissait d’une langue universelle. C’est une habitude qu’il apparaît indispensable de remettre en cause, de manière transpartisane, car force est de constater que l’utilisation de l’anglais est un instrument et une conséquence du soft power américain, et non des moindres. Les outils de traduction sont à la portée de tous : il suffit de quelques clics sur le web pour traduire un texte. Plus que jamais, la langue doit être considérée comme un instrument de culture et d’ouverture.

Vous avez formulé plusieurs recommandations, auxquelles je ne peux que souscrire. Dans quelle mesure pensez-vous que la promotion du multilinguisme est un élément de l’autonomie stratégique européenne que nous sommes en train de construire ?

Mme Amélia Lakrafi. Les chiffres que vous avez présentés sont éloquents. Comment ne pas s’offusquer que seuls 3,7 % des documents produits par la Commission européenne sont rédigés dans notre langue ? C’est surtout cette évolution rapide, depuis une vingtaine d’années, au détriment du français qui est préoccupante.

Ainsi, l’anglais est devenu totalement dominant en tant que langue de travail interne des institutions européennes. Mais au-delà, qu’en est-il pour les entreprises françaises innovantes qui œuvrent dans le secteur de la recherche, où les enjeux sont énormes ? Le programme-cadre Horizon Europe pour la recherche et l’innovation, qui prend le relais du programme Horizon 2020, est doté d’un budget de 95,5 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Si les dossiers de candidature peuvent théoriquement être remplis dans une autre langue que l’anglais, les instructions officielles appellent expressément à utiliser l’anglais, pour plus de commodité. Dans les faits, tout se fait donc dans cette langue, ce qui éloigne un certain nombre d’acteurs français de la recherche, notamment des PME, des TPE et des start-up, du bénéfice de ces fonds colossaux. Quand elles le peuvent, nos entreprises ont recours à des cabinets spécialisés, qui traduisent ces dossiers scientifiques complexes – c’était mon premier métier – mais dont le tarif est assez élevé, de l’ordre de 20 000 à 30 000 euros par dossier. Au-delà de nos frontières, l’effet est aussi délétère pour la francophonie dans la communauté scientifique et universitaire de certains pays où demeure une tradition francophone. Vous semble-t-il opportun de mettre en avant ce phénomène dans la perspective de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ?

M. Jérôme Lambert. Comme certains d’entre vous, je représente notre assemblée dans certaines institutions internationales comme le Conseil de l’Europe ou l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Le français y est considéré comme une langue à part entière, à égalité avec l’anglais. Or je constate de plus en plus souvent que les documents distribués ne sont pas traduits dans notre langue. J’ai entendu récemment des hauts fonctionnaires français en poste dans ces institutions s’exprimer en anglais, même pour répondre à un Français ayant posé sa question en français. Lorsqu’on a fait remarquer à l’un de ces responsables qu’il aurait pu s’exprimer en français, il a récidivé, répondant une seconde fois en anglais ! Cela m’a donné envie de quitter la salle. Je n’en dirai pas plus, car notre commission n’est pas un tribunal populaire, mais je sais que la situation est la même à la Banque mondiale, par exemple.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Dans un établissement d’enseignement supérieur sis 27 rue Saint-Guillaume, à Paris, où j’ai été professeur associé pendant vingt ans, on demande désormais à des enseignants français d’assurer des cours en anglais, même lorsqu’ils parlent mal cette langue. Le comble de l’absurde a été atteint !

Mme Liliana Tanguy. Madame la rapporteure, je partage vos constats et souscris à la plupart de vos recommandations. La diversité linguistique est une valeur fondamentale de l’Union européenne, qu’il convient de respecter. Il est important de promouvoir la francophonie en Europe et ailleurs dans le monde. Lorsque je représente le Parlement français dans une instance européenne ou au Conseil de l’Europe, je mets un point d’honneur à m’exprimer en français, bien que parler anglais ne soit pas un problème pour moi ; je considère en effet qu’en tant que députée française, je dois montrer l’exemple et promouvoir la langue française.

M. le président l’a dit, nous devons exiger plus de moyens pour l’interprétariat. Le plus souvent, en effet, l’anglais s’impose de fait car il n’y a pas assez d’interprètes. Ce manque de moyens est d’ailleurs souvent la raison qu’on nous oppose pour nous dissuader de parler dans notre langue.

Dans ce combat en faveur du multilinguisme, vous préconisez notamment la mise en place d’une signalétique multilingue dans les bâtiments et les réunions afin que le paysage linguistique reflète la diversité européenne. Concrètement, la mise en œuvre de cette très bonne idée risque cependant de se heurter à de nombreux obstacles financiers et logistiques. Comment pourrions-nous les surmonter ?

Mme Sira Sylla. Le constat est sans appel. Avec Michel Herbillon, nous avons publié en 2018 un rapport d’information intitulé « La diplomatie culturelle et d’influence de la France : quelle stratégie à dix ans ? », qui contenait des propositions très concrètes. Mme la rapporteure vient de formuler de nouvelles préconisations. On peut toujours se féliciter de la qualité de ces propositions mais, à un moment, il faut avancer. La promotion de la langue française est une question de volonté politique.

Dans notre rapport, M. Herbillon et moi-même écrivions que la France vivait sur une « rente de situation ». Chacun doit assumer sa part de responsabilité. Certes, le français n’est pas que la langue des Français, mais nous devrions favoriser sa diffusion en Afrique plutôt que de nous contenter de répondre à la demande. Nous écrivions également que l’avenir du français passait par l’Europe et que nous devions profiter du Brexit pour renforcer l’axe franco-allemand. On peut déplorer la faible place de notre langue au sein des institutions européennes, mais c’est d’abord au niveau de la jeunesse et de l’enseignement supérieur qu’il faut agir : nous devons donc capitaliser sur l’Université franco-allemande et soutenir l’internationalisation de notre enseignement supérieur en Europe, notamment en créant une université européenne. Où en sommes-nous dans ce domaine ?

M. Meyer Habib. Une fois n’est pas coutume, j’ai trouvé beaucoup d’interventions très pertinentes, y compris celles de M. Mélenchon, de M. Dupont-Aignan et la vôtre, monsieur le président. Vous avez rappelé avec beaucoup de justesse et d’humour le voyage de Jacques Chirac à Jérusalem, au cours duquel l’ancien président s’était exprimé en anglais. Il aurait parfaitement pu le faire en français, d’autant qu’Israël compte 180 000 Français, 800 000 francophones et au moins 1,5 million de francophiles. Malgré cela, ce pays n’est pas admis au sein de l’OIF. Au lendemain de mon élection à l’Assemblée nationale, en 2012, j’avais interpellé à ce sujet Mme Yamina Benguigui, alors ministre déléguée chargée des Français de l’étranger et de la francophonie. Pour une fois, laissons de côté nos divergences politiques et essayons de voir ce qui peut nous unir ! Pour ma part, partout où je vais, je ne m’exprime officiellement qu’en français, même si je comprends l’anglais. Alors que le Qatar, qui ne doit compter qu’une quinzaine de francophones, et le Vietnam sont membres de l’OIF, il est incompréhensible qu’un pays de 800 000 francophones en soit exclu. Cette situation est notamment le fait d’un veto opposé par le Liban, un pays défiguré par le Hezbollah, qui accepte l’aide du monde entier mais a refusé celle de son voisin qui proposait de donner du lait à des enfants crevant de faim. Il convient de faire entrer Israël à l’OIF : c’est moral, c’est facile, ce n’est pas politique et cela nous unirait tous.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous sommes sûrs que vous défendez la francophonie et que vous le faites, comme toutes choses, avec passion !

Mme Laurence Dumont. J’ai beaucoup entendu dire que l’Irlande et Malte, qui comptent 1 % de la population de l’Union européenne, étaient depuis le Brexit les seuls États membres officiellement anglophones. Permettez-moi de corriger vos propos, madame la rapporteure : la première langue officielle de l’Irlande n’est pas l’anglais, mais le gaélique, tandis que la première langue officielle de Malte est le maltais. Finalement, l’anglais n’est pas la langue parlée dans les pays européens ; c’est un comble qu’il reste aujourd’hui prédominant et fasse presque figure de langue officielle de l’Union européenne.

Effectivement, il faut faciliter l’accès des étudiants français aux concours européens. À Bruxelles, 80 % des 30 000 fonctionnaires parlent le français comme première, deuxième ou troisième langue : c’est un atout que nous devons absolument valoriser.

On a beaucoup dit que l’avenir de la francophonie ne se jouait pas uniquement en Europe, tant s’en faut. Notre langue est aujourd’hui parlée par près de 300 millions de locuteurs ; en 2050, ils seront environ 750 millions, dont 85 % en Afrique, ce qui pourrait faire du français la langue la plus parlée au monde.

Ne nous focalisons pas sur l’utilisation du français au sein des institutions européennes. Vous avez évoqué l’éducation et le fait que seuls 5 millions d’élèves apprenaient le français dans l’enseignement secondaire en Europe. Je ne connaissais pas le programme Millefeuille qui, si j’ai bien compris, est doté d’un budget de 500 000 euros ; en revanche, je connais le programme Erasmus. Dans ma circonscription, j’ai développé avec la Grèce, qui voit l’apprentissage de l’allemand progresser au détriment du français, un projet autour des valeurs de l’olympisme. Des classes françaises sont jumelées avec des classes grecques afin d’y encourager l’apprentissage de notre langue. Dans le cadre du programme Erasmus+, nous avons obtenu un financement de 1,7 million d’euros qui permettra la mobilité de 1 600 élèves, pour moitié français, pour moitié grecs. En promouvant la langue française, qui reste notre principal facteur d’influence, nous défendons aussi des valeurs et favorisons les échanges.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Monsieur Herbillon, j’ai bien noté la nécessité d’un véritable plan en faveur de la francophonie.

Monsieur Dupont-Aignan, vous nous avez appelés à « passer à la vitesse supérieure » et à engager un « bras de fer ». Je pense que cela résume assez bien votre positionnement.

Madame Le Peih, vous avez parlé d’autonomie stratégique européenne. Or l’autonomie stratégique et la défense du multilinguisme vont dans le même sens ; elles se nourrissent l’une l’autre. Nous devons les favoriser toutes les deux.

Vous avez raison, madame Lakrafi, la maîtrise de la langue anglaise est exigée dans nos entreprises et nos universités, qui en subissent le coût. Nous devons tout faire pour améliorer la situation de notre économie, de nos entreprises et de nos jeunes. À ce sujet, Mme Dumont a précisé que 80 % des fonctionnaires européens parlaient français. Hélas, compte tenu de la pyramide des âges, beaucoup partiront prochainement à la retraite : nous devons donc agir vite.

Monsieur Lambert, vous avez déploré que des hauts fonctionnaires français travaillant pour des organisations internationales répondent en anglais lorsqu’on les interroge en français. En effet, c’est inadmissible. Ne cédons rien, même à notre niveau : continuons à nous exprimer en français et à demander à nos hauts fonctionnaires de faire de même. Nous pouvons être fiers de ce que représente notre belle langue.

Madame Tanguy, je n’ai aucune idée du coût que représenterait la mise en place d’une signalétique multilingue, mais ce serait déjà un beau symbole.

Madame Sylla, vous m’avez interrogée sur la création d’universités européennes. Quarante et un projets sont en cours : c’est énorme, et ce n’est qu’une première étape. Trente-deux établissements français sont impliqués dans vingt-huit de ces alliances : notre pays se place donc au cœur de ces universités européennes.

Monsieur Habib, vous m’avez appris qu’il y avait 800 000 francophones en Israël. Pour le reste, votre demande excède le cadre de mon rapport.

Madame Dumont, l’anglais est bien l’une des langues officielles de l’Irlande et de Malte, même si ce n’est pas la première. J’ai rédigé un rapport d’information sur le bilan et les perspectives d’Erasmus+ : je regrette que ce programme très intéressant ne soit pas davantage mis en avant, car de tels échanges apporteraient beaucoup à la France et aux Français.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de résolution européenne sans modification.

 


—  1  —

 

   ANNEXE :
texte adopté par la commission

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vus les articles 151-4 et 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 3 du traité sur l’Union européenne,

Vu l’article 342 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu le règlement n°1 du 15 avril 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne, modifié par les règlements n°920/2005 du Conseil du 13 juin 2005, n°1791/2006 du 20 novembre 2006 et n°517/2013 du 13 mai 2013,

Vues la proposition de résolution européenne n° 4077 visant à faire du français l’unique langue de travail de l’Union européenne, présentée par M. Julien Aubert et plusieurs de ses collègues, et la proposition de résolution européenne n° 4223 visant à favoriser l’utilisation de la langue française dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne de janvier à juin 2022, présentée par M. Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues,

Considérant que les traités font du multilinguisme l’une des valeurs fondatrices de l’Union européenne ;

Considérant, à ce titre, que les vingt-quatre langues officielles de l’Union européenne doivent être utilisées par les institutions européennes afin de communiquer efficacement en leur sein, entre elles et avec les citoyens européens ;

Considérant que le français fait partie des trois langues les plus enseignées dans l’Union européenne et qu’il bénéficie d’un statut spécifique assurant son utilisation dans de nombreuses organisations internationales ;

Considérant que le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a pour conséquence que les citoyens européens dont la langue maternelle est l’anglais ne comptent plus désormais que pour environ 1,1 % de la population totale de l’Union européenne ;

Considérant que l’anglais constitue, depuis les années 1990, la langue la plus utilisée par les institutions européennes (dans une moindre mesure par le Parlement européen et à l’exclusion de la Cour de justice de l’Union européenne), en particulier pour la rédaction des différents documents européens, et que ce phénomène ne cesse de s’aggraver chaque année un peu plus ;

Considérant que la langue n’est pas un véhicule neutre et que par conséquent la promotion du multilinguisme est une nécessité ;

Considérant que les budgets européens dédiés à l’interprétation et à la traduction sont en baisse, notamment au sein de la Commission européenne et du Conseil, rendant ainsi de plus en plus difficile de disposer de traduction dans les délais impartis et d’un service d’interprétation pour l’ensemble des réunions européennes ;

Considérant que les différents élargissements ont entraîné une réduction certaine de la maîtrise et la pratique de la langue française ;

Considérant que le nombre de ressortissants français en tant qu’agents des institutions européennes sera affecté par les départs en retraite, en particulier dans l’encadrement intermédiaire et supérieur ;

Considérant que la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022 devra être une occasion majeure pour promouvoir le multilinguisme et prendre des actions fortes en vue de mettre un terme à la tendance vers le monolinguisme ;

Pour rénover les concours européens et en faire la promotion :

1. Propose de diversifier le recrutement des fonctionnaires européens en prêtant une attention particulière aux candidats maîtrisant au moins deux langues en dehors de l’anglais ;

2. Demande au Gouvernement et aux institutions européennes d’assurer une plus grande promotion auprès du public français des concours de la fonction publique européenne, afin de remédier au départ à la retraite dans les prochaines années d’une part importante de fonctionnaires ayant une pratique courante du français ;

3. Suggère de favoriser un stage de moyenne durée au sein des institutions européennes pour l’ensemble des élèves fonctionnaires français ;

4. Demande au Gouvernement d’améliorer le suivi des carrières des ressortissants français au sein des institutions européennes ;

Pour inciter à l’apprentissage du français et des autres langues européennes :

5. Propose de favoriser une forte montée en puissance des formations à la langue française pour les agents des institutions européennes ;

6. Met en garde sur la nécessité de pérenniser les investissements publics dans les lycées français, en particulier ceux présents dans les villes qui accueillent des institutions européennes, car il s’agit de vecteurs importants du rayonnement de la langue française ;

7. Suggère que la Commission européenne propose un plan dédié au renforcement et à la diversification des langues étrangères apprises au sein de l’Union européenne ;

Pour saisir l’occasion de la présidence française du Conseil :

8. Souhaite que, durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, l’ensemble des documents émanant de cette institution soient initialement rédigés en français, avant d’être traduits ;

9. Estime que le site internet de la future présidence française du Conseil devra favoriser une lecture initiale en français ;

10. Juge indispensable que les réunions informelles durant la présidence française se déroulent en français, en proposant un service de traduction ;

11. Propose que les commissaires européens francophones s’expriment en français durant les réunions du Conseil sous présidence française ;

Pour garantir une traduction et une interprétation efficaces :

12. Demande l’augmentation progressive du budget consacré par chaque institution européenne au service de traduction et d’interprétation ;

13. Juge indispensable que les institutions européennes augmentent leurs investissements dans le développement et l’accompagnement des innovations technologiques en matière de traduction et d’interprétation ;

Pour s’assurer du respect des règles liées au multilinguisme :

14. Préconise que, dans leurs relations avec la presse et le public, les commissaires européens s’expriment de préférence dans leurs langues ;

15. Demande à veiller à la signalétique multilingue des bâtiments et des réunions, afin que le paysage linguistique reflète également cette diversité européenne ;

16. Reste vigilante quant à la mobilisation toujours intensive des services de l’État pour faire respecter le multilinguisme au sein des institutions européennes ;

17. Demande la création d’une équipe de fonctionnaires français chargée d’un dispositif de veille, d’alerte et d’action en faveur de la langue française au sein des institutions européennes ;

18. Juge indispensable de créer un observatoire européen du multilinguisme chargé de s’assurer du respect du règlement n°1 du 15 avril 1958 susvisé.


([1])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4077_proposition-resolution-europeenne

([2])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4223_proposition-resolution-europeenne

([3])  Assemblée nationale, rapport d’information déposé par la délégation pour l’Union européenne sur la diversité linguistique dans l’Union européenne et présenté par M. Michel Herbillon, 11 juin 2003 https://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/europe/rap-info/i0902.pdf

([4])  https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapportlequesne_complet_avec_couverture_-_10.21_002__cle055dd6-1.pdf

([5]) Le même article décline par ailleurs une forme de séparation des pouvoirs en écartant le statut de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) des dispositions qui pourraient être adoptées à travers ces règlements.

 

([6])  Article 29§1 du règlement de procédure de la Cour. La même règle s’applique au Tribunal.

([7])  Pingel, Isabelle, « Le régime linguistique de l’Union européenne. Enjeux et perspectives », Revue de l’Union européenne, n°579, juin 2014

 

([8])  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019H0605(02)

([9])  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/ppre_erasmusplus

([10]) A noter que les craintes des autorités françaises eu égard à la place du français dans les institutions européennes sont antérieures aux années 1990,  dès les années 1970, le président de la République Georges Pompidou demande ainsi à ce que le français reste la « première langue de travail » de la Communauté économique européenne.

([11])  L’exécution du budget pour 2020 et 2021 devrait se révéler particulièrement faible en raison de la situation liée à la pandémie, qui a conduit à une baisse d’ensemble du nombre de réunions organisées au Conseil (avec ou sans interprétation).

([12])  https://ec.europa.eu/transparency/documents-register/detail?ref=C(2016)2000&lang=fr

([13])  https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapportlequesne_complet_avec_couverture_-_10.21_002__cle055dd6-1.pdf

([14]) Les concours européens supposent la maîtrise de deux langues et la maitrise d’une troisième est requise pour obtenir une première promotion. En revanche, on peut noter que le statut des fonctionnaires européens ne prévoit aucun prérequis linguistique pour la nomination des agents aux postes hiérarchiques les plus élevés.

([15]) https://sgae.gouv.fr/files/live/sites/SGAE/files/contributed/SGAE/01_SGAE/documents/Vade-mecum-Le%20fran%C3%A7aisUE.pdf  

([16]) Conformément au barème des contributions statutaires adopté au sommet d’Erevan en 2018, la France versera en 2022 une contribution statutaire à l’OIF à hauteur de 15 828 202 euros.

([17])  Assemblée parlementaire de la francophonie, région Europe, rapport de la mission parlementaire, « 31 recommandations pour promouvoir le français et le multilinguisme dans les institutions européennes », 14 et 15 novembre 2019 http://apf.francophonie.org/Rapport-de-la-mission.html

([18])  https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapportlequesne_complet_avec_couverture_-_10.21_002__cle055dd6-1.pdf

([19])  https://www.lefigaro.fr/international/un-rapport-pointe-l-hegemonie-de-l-anglais-a-bruxelles-20211022

([20]) Pour rappel,  le réseau d’établissements homologués compte aujourd’hui 540 établissements et scolarise 370 000 élèves dont 122 000 élèves français et 248 000 élèves étrangers. À la rentrée 2021, le réseau comptera 3 000 élèves de plus et 5 nouveaux établissements.

([21]) Avec 73 nouvelles labélisations lors de la commission du 2 juillet 2021, le réseau LabelFrancEducation compte actuellement 523 filières ou établissements scolaires bilingues implantés dans 62 pays. L’objectif de 500 établissements labélisés fixé par le Président de la République dans le plan pour la langue française et le plurilinguisme est donc désormais atteint.

([22]) https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/traite-d-aix-la-chapelle-sur-la-cooperation-et-l-integration-franco-allemandes/