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ASSEMBLÉE NATIONALE

 

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

SESSION ORDINAIRE 2021 - 2022

Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale

 

Enregistré à la présidence du Sénat

le 9 juin 2022

 

le 9 juin 2022

 

 

RAPPORT

 

 

 

au nom de

 

 

 

L’OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

 

 

 

sur

 

 

Les effets indésirables des vaccins contre la Covid-19
et le système de pharmacovigilance français

 

 

par

 

M. Gérard LESEUL, député, Mmes  Sonia de La ProvÔtÉ et Florence Lassarade, sénatrices
 

 

 

 

 

 

 

Déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale

par M. Cédric VILLANI,

Président de l’Office

 

 

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Gérard LONGUET

Premier vice-président de l’Office

 


  1  

 

 

 

Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques
et technologiques

 

 

Président

M. Cédric VILLANI, député

 

 

Premier vice-président

M. Gérard LONGUET, sénateur

 

 

Vice-présidents

 

 M. Didier BAICHÈRE, député Mme Sonia de LA PROVÔTÉ, sénatrice              M. Jean-Luc FUGIT, député                            Mme Angèle PRÉVILLE, sénatrice

 M. Patrick HETZEL, député  Mme Catherine PROCACCIA, sénateur

 

 

 

DÉputés

 

 

SÉnateurs

M. Julien AUBERT

M. Philippe BOLO

Mme Émilie CARIOU

M. Claude de GANAY

M. Jean-François ELIAOU

Mme Valéria FAURE-MUNTIAN

M. Thomas GASSILLOUD

Mme Anne GENETET

M. Pierre HENRIET

M. Antoine HERTH

M. Jean-Paul LECOQ

M. Gérard LESEUL

M. Loïc PRUD’HOMME

Mme Huguette TIEGNA

 

 Mme Laure DARCOS

 Mme Annie DELMONT-KOROPOULIS

 M. André GUIOL

 M. Ludovic HAYE

 M. Olivier HENNO

 Mme Annick JACQUEMET

 M. Bernard JOMIER

 Mme Florence LASSARADE

 M. Ronan Le GLEUT

 M. Pierre MÉDEVIELLE

 Mme Michelle MEUNIER 

 M. Pierre OUZOULIAS

 M. Stéphane PIEDNOIR

 M. Bruno SIDO

 

 

 


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SOMMAIRE

___

Pages

Saisine

SynthÈse

introduction

I. Le dispositif d’Évaluation et de surveillance des produits de sAntÉ

A. Le processus de mise sur le marché

1. Des essais cliniques à la mise sur le marché

2. Pour les vaccins contre la Covid-19 : une procédure adaptée mais strictement encadrée

B. La pharmacovigilance

1. Un dispositif hautement dépendant de l’information collectée en amont

2. Une analyse complexe de ces déclarations

3. Une organisation particulière pour faire face à une campagne vaccinale sans précédent

4. Un système menacé ?

5. Le rôle de l’ANSM et de l’EMA

C. La pharmaco-épidémiologie

1. Un outil complémentaire

2. Une organisation à consolider

D. L’Évaluation de la balance bénéfices/risques

1. Une appréciation complexe

2. Une réévaluation régulière

3. Une évaluation adaptée aux sous-groupes de la population

4. Un objet difficile à appréhender

II. Les effets indésirables associés aux vaccins contre la Covid-19

A. Les effets indésirables étudiés par la pharmacovigilance

B. Exemple du traitement de quelques effets indésirables observés après la mise sur le marché

1. Syndromes pseudo-grippaux

2. Thromboses atypiques

3. Myocardites

4. Troubles menstruels

C. La demande d’indemnisation

III. La communication autour des effets indésirables

A. L’enjeu principal : inciter à la vaccination sur fond d’hésitation vaccinale

1. La place prépondérante de la crainte d’effets secondaires dans l’hésitation vaccinale

2. L’hésitation vaccinale, une évolution au gré de l’actualité sanitaire et de l’état des connaissances scientifiques

3. Un contexte de l’information changeant

4. Un phénomène lié à une défiance envers les autorités sanitaires

a. Une volonté de renouer avec la confiance en fondant les décisions sur les connaissances scientifiques

b. Une confiance abîmée par les polémiques et nourrie par les ajustements liés au contexte exceptionnel

c. L’utilisation de passes pour inciter à la vaccination

5. La défiance envers l’industrie et le rôle des professionnels de santé de proximité

B. Une place insuffisante pour la communication sur les effets indésirables dans la campagne vaccinale

1. Une communication pour inciter à déclarer les effets indésirables

a. À destination des professionnels de santé

b. Et des usagers

2. Mais une communication sur l’existence d’effets indésirables peu visible

a. L’obligation d’une information loyale des citoyens

b. Une non-reconnaissance des effets indésirables qui peut avoir des conséquences à l'échelle individuelle

ConClusion

EXAMEN DU RAPPORT PAR L’OFFICE

Annexe 1 : liste des personnes entendues par les rapporteurs

Annexe 2 : COMPTE RENDU de l’audition publique du 24 mai 2022

Annexe 3 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES lors de l’audition publique du 24 mai 2022


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   Saisine

 


   SynthÈse

 


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Depuis maintenant plus d’un an, la vaccination fait partie de nos instruments de lutte contre la pandémie de Covid-19. Cette campagne vaccinale d’une envergure sans précédent a toutefois été source d’inquiétudes pour une partie de la population, notamment en ce qui concerne la sécurité de vaccins qui ont été développés à une vitesse inédite et grâce à de nouvelles plateformes vaccinales.

À la suite d’une pétition déposée au Sénat, la commission des affaires sociales du Sénat a saisi l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur l’état des lieux des effets indésirables consécutifs à la vaccination contre la Covid-19 et sur le système français de pharmacovigilance. Les trois rapporteurs désignés pour ce travail ont conduit 23 auditions sous forme d’entretien, ayant permis d’entendre plus de 50 intervenants du 28 mars au 30 mai 2022. Conformément à ses habitudes de travail et pour répondre pleinement aux demandes de la conférence des Présidents et de la Commission des affaires sociales du Sénat, l’Office s’est attaché à entendre l’ensemble des parties prenantes, notamment celles à l’origine de la pétition citoyenne. Ce cycle d’auditions a été complété par une audition publique, tenue le 24 mai 2022, dans un format contradictoire.

Le présent rapport d’étape rend compte de ces travaux.

1)     Le dispositif d’évaluation et de surveillance s’assure de l’efficacité et de la sécurité des vaccins à plusieurs niveaux

a)     Un système adapté aux urgences mais source d’incompréhension

Afin d’accélérer la mise à disposition des vaccins contre la Covid-19 au vu des conséquences sanitaires des premiers temps de la pandémie, l’Agence européenne du médicament (EMA) a mis en place un système d’évaluation en continu appelé « rolling review », qui a permis d’analyser les données fournies par les laboratoires initiateurs des vaccins au fur et à mesure de leur transmission à l’Agence.

La mise à disposition des vaccins a également été accélérée par l’attribution d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle, procédure permettant l’octroi d’une AMM sur la base de données cliniques momentanément incomplètes si, et seulement si, le bénéfice de la disponibilité immédiate l’emporte sur le risque représenté par les données manquantes.

Cet aspect conditionnel a été source de nombreuses critiques, certains citoyens ayant le sentiment de « faire partie d’une expérimentation ». Pourtant, l’octroi d’une AMM conditionnelle n’est pas un procédé nouveau et il est particulièrement légitime dans un contexte de besoin médical non couvert, comme c’était le cas en 2020. En outre, le choix du régime d’AMM conditionnelle permet de laisser la porte ouverte à de nouveaux vaccins.

Si les données de sécurité des vaccins dont l’Agence européenne a disposé pour les AMM avaient peu de recul, il faut souligner qu’en raison de leurs effectifs limités, les essais cliniques ne sont de toute façon pas en mesure de déceler les effets indésirables rares.

b)     La pharmacovigilance détecte en continu les effets indésirables

Une fois les vaccins utilisés en population générale, c’est le système de pharmacovigilance qui a assuré la détection des effets indésirables y étant associés. Ce système s’est remarquablement mobilisé pour accompagner la campagne vaccinale, d’une échelle inédite.

Tout d’abord à l’échelon des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) qui ont examiné les déclarations d’évènements indésirables dans un volume tout aussi inédit et qui ont fait remonter une centaine de signaux à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Ils réalisent à la fois un examen individuel des cas cliniques mais également une analyse d’ensemble des évènements indésirables déclarés à la suite d’une vaccination contre la Covid-19. L’efficacité de ce dispositif, quasi-unique en Europe, a été soulignée ; la France est l’un des pays qui contribuent le plus aux bases de données internationales. Le réseau mérite d’être conforté alors que les financements n’ont pas été à la hauteur du surplus d’activité et que des réformes structurantes menacent son fonctionnement.

Ce système reposant sur la déclaration des événements constatés, il importe que la procédure de déclaration soit accessible à tous, professionnels de santé comme personnes directement concernées, et rendue plus facile. En effet, les professionnels de santé n’ont majoritairement pas la culture de la déclaration et ont très peu de temps à consacrer à des tâches qu’ils considèrent administratives. Cependant, la déclaration doit rester suffisamment informative, avec une « présentation du cas clinique » détaillée, pour que les Centres qui les analysent puissent établir l’existence ou l’absence d’un lien avec la vaccination.

Cette mobilisation a également été constatée à l’ANSM, qui a fait montre d’une transparence inédite en publiant régulièrement les rapports de pharmacovigilance sur son site internet.

c)      La pharmaco-épidémiologie quantifie ces effets et évalue l’efficacité des vaccins

Si la pharmacovigilance repère des signaux à partir de l’observation d’un nombre de cas qui peut être relativement réduit, la pharmaco-épidémiologie est en mesure de déceler si, à l’échelle de larges groupes de personnes ou à l’échelle populationnelle, un symptôme survient plus fréquemment qu’attendu, à la suite d’une vaccination. Les deux démarches sont donc très complémentaires. L’exploitation par le GIS EPI-PHARE des bases de données de santé médico-administratives – qualifiées de « trésor national » – complétées par les systèmes d’information ad hoc SI-DEP et VAC-SI a effectivement permis de quantifier des signaux observés par la pharmacovigilance et d’apporter des éléments utiles à l’estimation de la balance bénéfices/risques associée à chaque vaccin.

  1. L’évaluation de la balance bénéfices/risques est l’élément central de l’élaboration des recommandations vaccinales pour garantir le meilleur niveau de sécurité des vaccins

a)     Une balance difficile à déterminer

Cette balance n’est pas le résultat rigoureux et objectif d’une formule mathématique mais le produit d’une appréciation collégiale prenant en compte de multiples paramètres et les incertitudes qui y sont liées ; elle est au cœur des discussions d’experts qui conduisent à formuler les recommandations vaccinales. À cet égard, elle doit être régulièrement actualisée, au vu des connaissances apportées par la pharmacovigilance et la pharmaco-épidémiologie (sur la sécurité et l’efficacité des vaccins) mais également parce qu’elle dépend du contexte épidémique (circulation actuelle et prévue du virus et évolution de la maladie). Cette dépendance au contexte épidémique rend son appréciation difficile alors que les mesures prises par les autorités doivent être cohérentes avec la situation sanitaire et que les citoyens doivent percevoir cette cohérence – les rapporteurs saluent le récent avis de la Haute Autorité de santé, qui, en ce sens, anticipe différents scénarios de reprise épidémique à l’automne prochain. De plus, si elle est appréciée à l’échelle populationnelle, elle doit être évaluée différemment pour les différents sous-groupes de la population (selon l’âge, la présence de comorbidités, etc.), qui sont concernés par des bénéfices et des risques différents.

b)     Une balance difficile à appréhender

L’aspect qualitatif et populationnel de la balance bénéfices/risques et les nombreux paramètres dont elle dépend la rendent difficile à appréhender par la population. Ils peuvent aussi entraîner des incompréhensions, voire créer de la défiance. Aussi, un effort d’objectivation et de transparence est nécessaire afin d’éclairer le bien-fondé des décisions prises par les instances sanitaires.

  1. L’adhésion à la vaccination dépend de nombreux facteurs

a)     La crainte des effets indésirables

La crainte d’effets indésirables, qui existent pour tout produit de santé, demeure la principale raison de non-adhésion à la vaccination, dans un contexte où les vaccins utilisés en France reposent sur de nouvelles technologies. Beaucoup ont redouté qu’une partie du génome viral soit intégrée au génome des cellules humaines, mais cette crainte se serait atténuée au fur et à mesure de l’utilisation de ces vaccins, la démonstration de leur efficacité prenant le pas sur les doutes exprimés.

b)     L’évolution de la pandémie

L’adhésion à la vaccination a beaucoup fluctué au cours de la pandémie de Covid-19, en raison d’un contexte épidémique changeant, du ressenti de la population vis-à-vis de la pandémie et du traitement médiatique de la question de la vaccination – ce dernier point pouvant faire varier l'adhésion sur des échelles de temps très courtes. Si la couverture vaccinale est aujourd’hui bien supérieure aux intentions initiales pour la primo-vaccination, l’adhésion à la dose de rappel est en revanche moins élevée. Plusieurs facteurs ont contribué à diminuer les bénéfices perçus de la vaccination : la moins grande dangerosité intrinsèque du variant Omicron et des variants qui en sont proches ; la déception quant à l’efficacité des vaccins contre la transmission du virus, notamment observée dans le contexte de la circulation des derniers variants, alors que la possibilité d’atteindre une immunité collective est ce qui a amené à se faire vacciner une partie des personnes non à risque de forme grave de la Covid-19.

c)      L’information sur les vaccins

Le rôle de l’information dans l’adhésion est important et le fait que peu de médias majeurs aient questionné ouvertement l’intérêt et la sécurité de la vaccination a vraisemblablement contribué au succès de la campagne. Les réseaux sociaux, qui ont permis à des « entrepreneurs de la défiance » de véhiculer des messages décourageant la vaccination, auraient finalement eu une influence limitée.

La prise de parole de scientifiques dans les médias, tels que le Pr. Axel Kahn militant pour la vaccination des professionnels de santé, a également été très bénéfique à l’adhésion. Plus généralement, la place des scientifiques dans la gestion de cette crise a été importante : la mise en place de comités scientifiques créés spécialement pour la crise du Covid-19 a pu envoyer une image de proximité des gouvernants avec la science et de recherche du conseil scientifique le plus pertinent. Cependant, elle a aussi marginalisé les institutions établies, d’autant que les missions des comités ad hoc étaient parfois redondantes avec celles desdites institutions, ce qui a donné une impression de cacophonie.

d)     La politique de communication

La communication qui accompagne une campagne vaccinale de cette ampleur est tout autant essentielle que délicate à mettre en œuvre. Il a été regretté que la campagne vaccinale ait été menée par des acteurs politiques et non par les institutions telles que la Direction générale de la santé et Santé publique France – qui ont, dans les faits, été à la manœuvre, mais en second plan. La campagne de vaccination risquait en effet de pâtir de la défiance qui perdure vis-à-vis des gouvernants en France, ravivée à plusieurs reprises, notamment au début de la crise sanitaire par la polémique sur les masques. D’autres épisodes ont instauré un doute sur l’articulation effective de la décision publique avec les meilleures connaissances scientifiques disponibles : on peut citer les promesses de retour à la vie normale avec la vaccination alors que les connaissances scientifiques à date ne permettaient pas de l’affirmer avec certitude, la non prise en compte de la capacité du virus de se transmettre par aérosol ou encore le débat sur la pertinence d’un allongement du délai entre les deux premières doses de vaccin.

e)      Le traitement d’une situation d’urgence

La portée limitée des données cliniques obtenues par les industriels et la prise en compte, en conséquence, d’études observationnelles ou dites de vie réelle, jugées moins robustes que des études cliniques, pour établir certaines recommandations vaccinales ont ainsi été mal perçues. C’est le cas du recours aux AMM conditionnelles, procédure qui n’est pourtant pas inédite et qui présente un certain nombre d’avantages dans le contexte de la pandémie de Covid-19, comme la possibilité d’une mise sur le marché bien plus rapide. C’est aussi le cas de l’extension des recommandations vaccinales à des populations (enfants, femmes enceintes) qui ne figuraient pas dans les essais cliniques initiaux. Si l’on sait que les études observationnelles offrent un niveau de preuve moindre, elles ont concerné en l’espèce une partie très significative de la population générale.

Ces décisions sanitaires ont été motivées par l’urgence et les bénéfices supposés de la vaccination ; le bienfondé de nombre d’entre elles est aujourd’hui avéré. Il n’en reste pas moins que cela a donné le sentiment à de nombreuses personnes de faire partie d’un essai clinique grandeur nature. Les auditions menées ont permis de constater que cet argument est sans cesse repris, même un an et demi après le début de la vaccination.

  1. L’incitation à la vaccination a laissé peu de place à la communication sur les effets indésirables

a)     L’incitation par les passes

Dans le cas présent, il était important d’emporter l’adhésion de la population pour rapidement réduire la morbi-mortalité associée à la Covid-19, directement en vaccinant les personnes à risque de forme grave, et indirectement en réduisant la circulation du virus, les vaccins permettant bien de limiter cette circulation, sans toutefois bloquer la transmission à l’échelle individuelle.

Le début de la campagne vaccinale a été marqué par une bonne dynamique d’adhésion. À la fin du printemps 2021, alors que l’efficacité de la vaccination contre la transmission du virus apparaissait satisfaisante et que la dynamique de vaccination baissait, les autorités ont mis en place un passe sanitaire pour à la fois protéger certains lieux du virus mais aussi inciter la population hésitante à se faire vacciner. Cette politique a été efficace et a atteint ses objectifs sanitaires. Puis, pour tenter de faire aller à la vaccination les 5 à 10 % de personnes qui s’en tenaient à l’écart, un passe vaccinal a été mis en place début 2022. Force est de constater que ses objectifs n’ont pas été atteints et il est à craindre que cette politique plus contraignante ait des conséquences sur l’adhésion à la vaccination en général.

b)     La nécessaire transparence

La communication institutionnelle sur les effets indésirables a été relativement discrète par rapport à la communication incitant à la vaccination, sauf par exemple lorsqu’il a été question des effets indésirables graves associés au vaccin Vaxzevria. Cet épisode a illustré le « coût » de la transparence en matière d'adhésion à la vaccination puisque la réputation du vaccin a été définitivement entachée, ce qui a conduit à ce qu’il soit sous-utilisé, à un moment où la France ne disposait pas encore de suffisamment de doses pour protéger sa population et alors que la balance bénéfices/risques restait positive pour la majorité des personnes.

S’agissant des autres effets indésirables, si l’information est disponible dans les rapports publiés par l’ANSM – une démarche de transparence par ailleurs saluée – il faut connaître leur existence pour les consulter et leur contenu n’est pas adapté au grand public. En témoigne la mésinterprétation qui conduit à penser à tort que les évènements indésirables rapportés sont tous attribuables à la vaccination. Dans la mesure où la portée des moyens de communication de l’ANSM est limitée, le fait que l’Agence soit seule responsable de cette communication ne permet pas une bonne appropriation de la notion d’effet indésirable. Or, le fait de connaître leur existence – normale, pour tout produit de santé – mais aussi leur fréquence, rare, contribue à la bonne information des citoyens.

c)      Une communication réactive pour informer de façon complète et adaptée

La déclaration d’effets indésirables suspectés d’être dus à un produit de santé n’étant pas dans les habitudes des médecins, il convient d’encourager la pratique dans le cadre d’une campagne vaccinale conduite avec des vaccins sur lesquels le recul est relativement faible. C’est la démarche qui a été entreprise par les autorités sanitaires. Néanmoins, les associations et collectifs ont dénoncé le refus de certains médecins de déclarer des effets indésirables.

Au-delà de la communication pour inciter à la déclaration, il était important d’organiser la bonne transmission de l’information sur les effets indésirables avérés, suspectés et en cours d’étude auprès des professionnels de santé, pour s’assurer de leur vigilance mais aussi les guider dans leur pratique.

L’information ayant trait aux effets indésirables, pourtant disponible sur le site internet de l’ANSM, mais aussi aux différents schémas vaccinaux – les doctrines ayant évolué à plusieurs reprises, par exemple, au sujet des délais préconisés – aurait dû être fournie de manière active aux professionnels de santé. C’est la vocation des « DGS-Urgent », mais ceux-ci n’apportent pas la clarté requise.

  1. Une confiance à restaurer

a)     Apprendre à gérer la nouveauté

L’adoption d’un discours de vérité par les autorités, en accord avec les avis émis par les agences sanitaires, était nécessaire pour éviter que tout interstice entre les recommandations nationales et l’état des perspectives scientifiques soit investi par les désinformateurs. Dans un contexte où à la fois l’agent pathogène et le vaccin sont relativement nouveaux, cela implique également de ne pas trop s’avancer sur les connaissances à moyen et long terme – en témoigne la déception suscitée par l’efficacité finalement modeste du vaccin sur la transmission du virus.

b)     Faire de la transparence une priorité

Une communication transparente et complète sur l’existence d’effets indésirables, une action vigoureuse pour encourager les professionnels de santé à déclarer des évènements indésirables mais aussi un soutien adapté au système de pharmacovigilance dans son ensemble sont nécessaires pour garantir les conditions de la confiance des citoyens dans la capacité des autorités sanitaires à assurer leur sécurité. Ceci est d’autant plus important que les plateformes vaccinales utilisées pour faire face au SARS-CoV-2 ont montré leur pertinence et qu’elles seront certainement à nouveau mobilisées si un nouvel agent pathogène émerge.

c)      Reconnaître la souffrance liée aux effets indésirables

Enfin, la confiance se construisant sur la reconnaissance, il semble important de reconnaître l’existence de certains effets indésirables, qu’ils prennent une forme le plus souvent bénigne ou parfois grave. À ce titre, les rapporteurs regrettent que l’ANSM ne se soit pas prononcée à l’échelle nationale sur l’existence d’un lien entre les troubles menstruels et certains vaccins contre la Covid-19, en l’absence de prise de position du Comité de pharmacovigilance européen, alors que les CRPV ont reconnu la pertinence de ce signal. En effet, leur non-reconnaissance alimente la défiance des citoyens dans le système tout entier. La reconnaissance des personnes souffrant d’effets indésirables est également essentielle, d’autant qu’une partie d’entre elles se trouve marginalisée et parfois en situation d’errance médicale. Alors que le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale alertait sur le risque d’une stigmatisation des personnes non vaccinées dans sa note publiée le 3 février 2022, il apparaît essentiel que les autorités prennent la mesure de cette autre stigmatisation.

d)     S’en tenir aux vérités scientifiques

En dernier lieu, les rapporteurs tiennent à affirmer solennellement que nul ne peut accepter une telle polarisation de la société entre les défenseurs du vaccin et ceux qui craignent qu’ils soient la cause d’effets indésirables nombreux et graves. La vérité scientifique, qui n'exclut pas les nuances et peut évoluer, doit être la référence qui guide les décisions politiques et permet d'apaiser les tensions trop nombreuses.

 


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   introduction

Depuis maintenant plus d’un an, la vaccination fait partie de nos instruments de lutte contre la pandémie de Covid-19. À l’heure actuelle, près de 80 % de la population française a reçu une primo-vaccination complète et plus de 59 % a reçu une dose de rappel. Comme tout produit de santé, les vaccins contre la Covid-19 présentent des risques, qui doivent être appréciés au regard des bénéfices apportés. De fait, ces vaccins ont été source d’inquiétudes pour une partie de la population, notamment liées à leur développement rapide et aux nouvelles plateformes vaccinales utilisées.

Le 12 janvier 2022, une pétition demandant la création d’une commission d’enquête sur les effets secondaires des vaccins contre la Covid-19 a été déposée sur la plateforme e-pétitions du Sénat[1]. En moins d’un mois, cette pétition a reçu 33 623 signatures. Constatant la forte dynamique de signatures et l’existence d’autres pétitions ayant le même objet, la Conférence des présidents du Sénat a décidé d’y donner suite sans attendre l’obtention des 100 000 signatures normalement nécessaires[2]. Lors de sa réunion du mardi 8 février 2022, elle a décidé de transmettre cette pétition à la commission des affaires sociales du Sénat, afin que celle-ci puisse déterminer les suites à lui donner[3]. En application de l’article 6 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, la commission a décidé de saisir l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l’état des lieux des effets indésirables consécutifs à la vaccination contre la Covid-19, ainsi que du système français de pharmacovigilance.

Trois des parlementaires qui ont travaillé depuis plus d’un an sur l’épidémie de Covid-19 et élaboré plusieurs rapports sur ce sujet se sont rendus disponibles pour la présente étude : M. Gérard Leseul (Seine-Maritime – Socialiste), député, et Mmes Sonia de La Provôté (Calvados – Union centriste) et Florence Lassarade (Gironde – Les Républicains), sénatrices. L’Office les a désignés rapporteurs lors de sa réunion du 22 février. Les rapporteurs ont conduit 23 auditions sous forme d’entretien, ayant permis d’entendre plus de 50 intervenants du 28 mars au 30 mai 2022. Conformément à ses habitudes de travail et pour répondre pleinement aux demandes de la conférence des Présidents et de la commission des affaires sociales, l’Office s’est attaché à entendre l’ensemble des parties prenantes, notamment celles à l’origine de la pétition citoyenne. Ce cycle d’auditions a été complété par une audition publique, tenue le 24 mai 2022 et dédiée à la déclaration, l’analyse et la communication autour des effets indésirables des vaccins contre la Covid-19, dans un format contradictoire. Ces entretiens et cette audition publique ont permis de porter un certain nombre d’éléments à la connaissance des rapporteurs, à partir desquels ils proposent, dans le présent document, une synthèse et leur analyse de ce sujet.

Le présent rapport d’étape rend compte des travaux menés et s’intéresse au dispositif de surveillance et d’évaluation des produits de santé, aux effets indésirables induits par les vaccins contre la Covid-19, et à la communication ayant entouré ces effets indésirables tout au long de la campagne de vaccination.


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I.   Le dispositif d’Évaluation et de surveillance des produits de sAntÉ

A.   Le processus de mise sur le marché

1.   Des essais cliniques à la mise sur le marché

Comme tout nouveau médicament, les vaccins sont développés dans le cadre d’essais cliniques. Après de premières expériences précliniques in vitro et chez l’animal qui vérifient l’innocuité, la tolérance et le pouvoir immunogène du vaccin, ces essais cliniques permettent d’évaluer sa sécurité et son efficacité chez l’homme. Standardisés et strictement encadrés, ces essais sont indispensables pour que le vaccin puisse être mis à disposition de la population.

Selon le schéma classique, les essais cliniques se déroulent en plusieurs phases qui incluent à chaque étape un nombre croissant de volontaires :

-          la phase 1, première administration chez l’homme, est réalisée sur un petit groupe de volontaires (moins d’une centaine) et a pour principal objectif de s’assurer qu’il n’existe aucun problème de tolérance du vaccin et de mesurer son pouvoir immunogène ;

-          la phase 2 est ensuite réalisée sur un groupe plus important (plusieurs centaines de personnes) pour déterminer la dose minimale efficace et le schéma vaccinal nécessaire pour obtenir une réponse immunitaire satisfaisante tout en minimisant les effets indésirables ;

-          la phase 3 permet l’étude de la formulation finale du vaccin et du schéma vaccinal déterminé précédemment, elle est conduite sur une échelle beaucoup plus grande (plusieurs milliers de personnes). Le candidat vaccin y est comparé à un placebo ou à un vaccin comparateur déjà autorisé afin d’estimer la fréquence de la maladie et des effets indésirables parmi les deux groupes et d’évaluer les bénéfices et les risques associés au candidat vaccin.

À l’issue de ces différentes phases, si les résultats s’avèrent satisfaisants, le laboratoire peut demander une autorisation de mise sur le marché (AMM). Les agences sanitaires examinent alors le dossier transmis par le laboratoire, qui comprend les données de qualité pharmaceutique du médicament ainsi que les données d’efficacité et de tolérance, issues des essais précliniques et cliniques.

Au sein de l’Union européenne, c’est la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 qui régissent l’attribution de ces autorisations. Plusieurs procédures existent selon le contexte :

-          la procédure centralisée : coordonnée par l’Agence européenne du médicament (EMA), l’AMM est délivrée par la Commission européenne et est valable pour l’ensemble des États membres ;

-          la procédure décentralisée, destinée à la commercialisation de médicaments dans au moins deux États membres (mais pas pour l’ensemble de l’Union) : un État de référence est alors chargé de la procédure d’AMM ;

-          la procédure de reconnaissance mutuelle pour les médicaments déjà autorisés dans un des États membres : l’AMM est alors délivrée par les autorités compétentes des États membres nouvellement intéressés, le pilotage de celle-ci étant réalisé par l’État ayant déjà octroyé une autorisation ;

-          la procédure nationale lorsque la commercialisation ne concerne qu’un seul État membre : l’AMM est alors octroyée par l’autorité compétente de cet État (l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans le cas de la France) et n’est valable que dans cet état.

2.   Pour les vaccins contre la Covid-19 : une procédure adaptée mais strictement encadrée

Dans le cas des différents vaccins contre la Covid-19, c’est la procédure centralisée, obligatoire pour les médicaments issus des biotechnologies, qui a été utilisée. La demande est alors instruite par un État membre rapporteur et un État membre co-rapporteur qui réalisent des évaluations des données fournies par le laboratoire initiateur du vaccin.

L’agence française – l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) – a par exemple été désignée co-rapporteur pour l’autorisation du vaccin Comirnaty de Pfizer, le rapporteur principal étant l’Agence nationale du médicament suédoise (Läkemedelsverket)[4]. Les évaluations réalisées sont ensuite examinées par le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA, au sein duquel chaque État membre dispose d’une voix. Ce comité émet alors un avis sur la base duquel la Commission européenne décide – ou non – d’attribuer l’AMM.

Face à l’urgence sanitaire et dans un souci d’efficacité, l’Agence européenne du médicament a mis en place pour la première fois pour les vaccins contre la Covid-19 un système d’examen en continu pour les demandes AMM, appelé « rolling review ». Les données obtenues par les laboratoires (concernant la qualité pharmaceutique du vaccin et issues des essais précliniques et cliniques) sont communiquées en temps réel aux agences sanitaires, afin de réduire le temps nécessaire à leur évaluation qui dure environ un an en temps normal[5] (voir Figure 1). Si ce système permet d’accélérer le processus d’attribution de l’AMM, il ne transige en rien quant à l’exigence des données d’efficacité et de sécurité qui doivent être communiquées par le laboratoire.

Processus d'évalutation et d'autoridation d'un vaccin COVID-19 à l'échelle européenne

Figure 1 : Processus d'évaluation et d'autorisation d'un vaccin COVID-19 à l'échelle européenne[6]

À travers ce processus et sur la base des données fournies par les laboratoires, les différents vaccins contre la Covid-19 ont pu bénéficier d’autorisations de mise sur le marché conditionnelles, telles que définies par l’article 14 bis du règlement (CE) n° 726/2004. Cette procédure permet l’octroi d’une AMM sur la base de données cliniques – momentanément – incomplètes si, et seulement si, le bénéfice de la disponibilité immédiate l’emporte sur le risque représenté par les données manquantes.

Cet aspect conditionnel a été source de nombreuses critiques, certains citoyens ayant le sentiment de « faire partie d’une expérimentation ». Pourtant, l’octroi d’une AMM conditionnelle, strictement encadré par le règlement (CE) n° 507/2006, doit répondre à de nombreuses règles. En plus du bénéfice représenté par la disponibilité immédiate (qui doit être supérieur au risque représenté par les données manquantes), plusieurs conditions sont requises :

       un rapport bénéfices/risques positif en l’état des données disponibles ;

       une probabilité élevée quant à la capacité du laboratoire à fournir les données complètes après l’autorisation ;

       une réponse à un besoin médical non satisfait.

Par ailleurs, une AMM conditionnelle n’est valable que pour un an – un renouvellement étant ensuite nécessaire – et son octroi s’accompagne d’une obligation pour le laboratoire de produire et de communiquer les données manquantes[7]. La liste des documents requis et le calendrier de remise sont indiqués dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP), publiés sur le site de l’EMA. Si de nouvelles données démontrent une inversion de la balance bénéfices/risques ou si le laboratoire faillit à ses obligations, l’AMM peut être suspendue ou retirée. Comme pour toute AMM, ces décisions (octroi, suspension ou retrait) sont fondées sur un avis rendu de manière collégiale par le CHMP, qui juge du bon respect de ces différents critères.

Si le principal intérêt de ce type d’AMM est de répondre à l’urgence sanitaire en accélérant le processus de mise sur le marché – une AMM pleine et entière nécessitant un recul plus important –, cela permet également de laisser la possibilité d’un recours à d’autres AMM conditionnelles pour de nouveaux vaccins contre la Covid-19. En effet, comme les AMM conditionnelles ne peuvent être utilisées que dans le cas d’un besoin médical non satisfait, la délivrance d’une AMM pleine et entière à un premier vaccin aurait empêché d’avoir recours à des AMM conditionnelles pour de nouveaux vaccins sans preuve d’un bénéfice supérieur au vaccin déjà autorisé.

Ce procédé n’est pas nouveau : il a été utilisé à de nombreuses reprises au cours des dernières années, comme par exemple pour des vaccins contre les grippes H1N1 ou H5N1 – qui ont cependant été administrés moins massivement que ceux contre la Covid-19. Il a pleinement montré son utilité pour répondre à des besoins médicaux non satisfaits, tout en assurant un niveau élevé de sécurité pour les patients[8].

Le caractère partiel des données fournies par les laboratoires a pu susciter des craintes parmi la population, certains estimant que le recul n’était pas suffisant quant au profil de sécurité de ces vaccins. Il faut cependant souligner qu’historiquement, les effets indésirables des vaccins sont toujours survenus lors des premiers mois suivant l’injection vaccinale, comme l’a rappelé le Pr. Antoine Pariente au cours de son audition. S’il a pu arriver que le lien entre la vaccination et un effet indésirable ait été démontré plusieurs années après la vaccination du fait de la rareté de l'effet (c’est par exemple le cas de la narcolepsie provoquée par la vaccination contre H1N1[9]), celui-ci était bel et bien apparu dans les mois suivant l'administration du vaccin. Aussi, même si elles ne portaient que sur les premiers mois suivant la vaccination, les données acquises sur les vaccins contre la Covid‑19 disposaient d’un recul qui pouvait être jugé suffisant quant au profil de sécurité des vaccins.

Il est également nécessaire de souligner qu’en raison de leurs effectifs limités, les essais cliniques ne sont de toute façon pas adaptés pour déceler les effets indésirables ayant une faible fréquence, même lorsque la durée des essais est plus longue. En effet, statistiquement, pour avoir 95 % de chance d’observer le cas d’un événement indésirable de fréquence 1/n, il faut disposer d’un effectif d’une taille au moins égale à 3n, soit un effectif de 30 000 personnes pour un effet qui se produirait à une fréquence 1/10 000[10]. Or, l’observation d’un unique cas ne permet pas nécessairement de conclure au rôle du médicament concerné. On comprend dès lors que, même lorsqu’ils incluent plusieurs dizaines de milliers de personnes comme cela a été le cas pour les vaccins contre la Covid-19[11], les essais cliniques ne permettent d’identifier que les effets indésirables les plus fréquents.

C’est pourquoi des essais dits de « phase 4 » sont réalisés après la mise sur le marché du vaccin, afin d’étudier en vie réelle l’efficacité et la sûreté auprès de patients plus nombreux et plus divers (personnes âgées, femmes enceintes, personnes atteintes d’une maladie chronique, etc.). Cela permet de faire émerger les éventuels effets indésirables rares mais aussi d’évaluer de nouveaux critères de jugement non pris en compte au cours des essais cliniques (par exemple, dans le cas de la Covid-19, l’impact de la vaccination sur les hospitalisations, sur les hospitalisations en unité de soins intensifs, sur la mortalité ou sur la transmission virale). Ces données permettent alors d’apprécier de manière plus universelle le caractère favorable du rapport bénéfices/risques et d’éventuellement étendre ou restreindre les indications du vaccin. Cette surveillance postérieure à la mise sur le marché est le champ de la pharmacovigilance et de la pharmaco-épidémiologie.

B.   La pharmacovigilance

La pharmacovigilance a pour objectif la surveillance des médicaments après leur mise sur le marché et la prévention du risque d’effet indésirable résultant de leur utilisation. En France, l’ANSM exerce cette responsabilité, à travers sa direction de la surveillance, en s’appuyant sur le réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) qu’elle anime, structure et coordonne.

Au nombre de 31, ces centres sont implantés au sein des Centres hospitaliers universitaires (CHU) sur l’ensemble du territoire national et recueillent, enregistrent, évaluent et exploitent les événements indésirables déclarés par les professionnels de santé et le grand public. Outre ce travail, ils assurent une mission d’information en matière de pharmacovigilance, en répondant notamment aux questions des professionnels de santé et des citoyens. Dans le cadre des vaccins contre la Covid-19, ils ont notamment apporté de l’aide pour les diagnostics étiologiques[12] et des conseils-avis pour la deuxième injection, les doses de rappel et la vaccination de certaines catégories de personnes, comme les femmes enceintes ou allaitantes.

1.   Un dispositif hautement dépendant de l’information collectée en amont

Au cours des essais cliniques, le suivi des évènements indésirables est réalisé de façon dite « active ». L’ensemble des évènements indésirables observés chez les patients enrôlés dans l’essai sont, quelle que soit leur nature ou leur gravité, systématiquement enregistrés. Par comparaison avec le groupe témoin, il est possible d’évaluer l’éventuel lien entre ces événements et la prise du médicament. Une première liste d’effets indésirables peut alors être dressée et est renseignée dans les résumés des caractéristiques du produit, publiés par les agences sanitaires.

Dans le cas de la pharmacovigilance, puisque l’étude a lieu en vie réelle, il n’est pas possible de mettre un tel suivi en place. La pharmacovigilance fonctionne dès lors via un système de déclaration « passif », fondé sur la notification spontanée des événements indésirables, par les professionnels de santé les constatant ou directement par les usagers.

Les médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et sages-femmes sont ainsi tenus de déclarer « tout effet indésirable suspecté d’être lié à l’utilisation d’un médicament » en application du Code de la santé publique[13] et des bonnes pratiques de pharmacovigilance. Cette déclaration peut être faite grâce au formulaire Cerfa 10011*05 mais également en ligne sur le site signalement-sante.gouv.fr ou directement par courrier, téléphone ou mail auprès des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), chargés de les recueillir.

Depuis 2011, la déclaration des événements indésirables a également été ouverte aux patients et aux associations de patients agréées. Si cette possibilité était relativement peu utilisée jusqu’à la crise sanitaire récente (13 % de l’ensemble des déclarations en 2019 et 2020), elle a considérablement augmenté avec la mise en place de la vaccination contre la Covid-19 (39 % de l’ensemble des déclarations ont été réalisées par des patients en 2021). D’après le réseau des CRPV, ce système est particulièrement utile pour la détection d’effets inattendus non graves. En revanche, et bien qu’un intérêt potentiel existe pour les effets graves, ces déclarations manquent souvent des détails cliniques qui permettraient leur traitement optimal. Les CRPV doivent alors contacter les patients concernés afin d’obtenir des informations supplémentaires, ce qui – en plus d’être chronophage – ne s’avère in fine que peu efficace puisque le taux de réponse est inférieur à 50 %.

Il a été porté à la connaissance des rapporteurs que, dans certains cas, des professionnels de santé auraient refusé la déclaration à certains patients. Le dispositif de déclaration directe permet alors à ceux-ci de notifier tout de même leur cas à la pharmacovigilance. Cependant, il semblerait que la nécessité de renseigner le numéro de lot du vaccin injecté ait pu être un frein à cette déclaration, de nombreuses personnes ayant perdu la synthèse de vaccination remise le jour de l’injection et sur laquelle figure cette information. Or, contrairement à l’attestation de vaccination certifiée, les personnes vaccinées n’ont pas accès à ce document. Bien que l’ensemble des professionnels de santé vaccinateurs puisse aisément y avoir accès à partir du numéro de sécurité sociale, cette information a manqué à certains patients qui se sont trouvés dans l’incapacité de réaliser la déclaration. Rendre cette synthèse de vaccination rééditable en autonomie par les usagers, de la même manière que l’attestation de vaccination, permettrait de résoudre cette difficulté. La possibilité d’un accès direct, via son compte personnel Ameli ou l’application TousAntiCovid, à une déclaration où les informations personnelles (dont le numéro de lot) seraient automatiquement renseignées pourrait faciliter cette démarche de déclaration. Des patients se sont également plaints du manque d’information quant au traitement de leur déclaration. Si cette situation est tout à fait compréhensible au vu de la quantité importante de déclarations à traiter par les CRPV, qui ont donc dû prioriser les demandes d’avis au suivi des déclarations, elle n’en demeure pas moins regrettable.

Afin de faciliter la déclaration, des professionnels de santé comme du grand public, l’ANSM a publié des guides expliquant la marche à suivre[14]. Il semblerait néanmoins que ceux-ci ne soient pas assez accessibles ou détaillés puisque plusieurs usagers ont réalisé des tutoriels pour aider les gens à déclarer.

Par nature, et bien qu’obligatoire, ce système de déclaration passif est associé à une certaine sous-déclaration ; on admet habituellement que seuls 5 à 10 % des événements indésirables sont notifiés[15]. Celle-ci peut entrainer un retard dans la détection d’un signal ou une sous-estimation de l’ampleur d’un problème sanitaire. Cette sous-déclaration peut être expliquée par plusieurs raisons : une négligence ou un manque de temps pour certains professionnels de santé, un doute sur l’origine iatrogène[16] de la manifestation observée ou une formation insuffisante quant à la pharmacologie, son importance et les circuits de déclarations existants. Aussi, outre une meilleure formation initiale et continue à la pharmacovigilance pour les professionnels de santé, il apparaît important de faciliter le processus de déclaration pour le favoriser.

Il a été constaté que, dans les grands centres hospitaliers qui hébergent un CRPV, le processus de déclaration est jugé facile par les praticiens, qui utilisent la voie téléphonique ou l’intranet de leur hôpital. Pour les autres professionnels de santé qui, même s’ils en ont la possibilité, sont moins susceptibles de déclarer par téléphone, l’ergonomie du portail de signalement en ligne – dont le volet dédié aux professionnels de santé a été développé en collaboration avec le Collège de la médecine générale afin de favoriser son accessibilité – est essentielle.

Pour autant, cette plateforme doit également répondre aux besoins des pharmacovigilants. La déclaration d’un événement indésirable est un acte médical et non une simple démarche administrative ; elle ne doit donc pas être simplifiée outre mesure, au risque de perdre son informativité. C’est la « présentation d’un cas clinique » détaillée, qui permet d’identifier des cas marquants et d’argumenter en faveur d’un lien entre la prise d’un médicament et l’effet indésirable observé. Au cours de son audition, le réseau des CRPV a ainsi regretté que ce portail, mis en place en 2017 dans cette optique de facilitation, incite les professionnels de santé à réaliser des déclarations courtes et non documentées. Il est en effet nécessaire pour les CRPV de recontacter les déclarants afin d’obtenir davantage de détails cliniques, ce qui s’avère source de perte de temps. Aussi, plutôt qu’une simplification excessive, il semble essentiel de former convenablement les professionnels de santé à cette déclaration afin qu’elle puisse être réalisée le plus efficacement possible. Il apparaît important de valoriser cet acte de santé publique auprès des professionnels de santé, en les informant des suites données à la déclaration et son éventuelle contribution à l’émergence d’un signal.

Il faut néanmoins noter que les événements indésirables des vaccins sont généralement les mieux notifiés[17] – probablement parce qu’ils sont administrés à des personnes en bonne santé, de manière préventive – et que les professionnels de santé ont fait preuve d’un engagement particulièrement important dans le cas des vaccins contre la Covid-19 : comme plusieurs personnes auditionnées l’ont remarqué, aucun produit de santé n’avait jamais été autant surveillé. La sous-déclaration a donc probablement été plus faible pour ces vaccins que pour d’autres produits de santé.

Par ailleurs, le rôle de la pharmacovigilance n’est pas d’aboutir à une quantification précise du nombre de cas d’effet indésirable mais de faire émerger des signaux, c’est-à-dire une relation entre le médicament et un effet n’ayant pas ou peu été documenté, afin de préciser les précautions d’emploi ou, si nécessaire, de suspendre l’autorisation de mise sur le marché. Ce signal peut correspondre à un effet iatrogène du médicament, à un facteur de risque de survenue, à une interaction médicamenteuse, etc. Or, un signal peut être obtenu à partir d’un nombre très faible de cas : à titre d’exemple, un signal potentiel pour la maladie de Willebrand acquise a pu être identifié pour le vaccin Comirnaty à partir de 3 déclarations.

Aussi, quand bien même elle serait possible, une déclaration exhaustive de tous les effets apparaissant en population générale n’est pas nécessaire. La déclaration des effets non graves et déjà connus n’a qu’un faible intérêt pour la pharmacovigilance et peut en revanche conduire à une embolisation des CRPV et, par conséquent, retarder l’émergence de signaux d’intérêt.

2.   Une analyse complexe de ces déclarations

La pharmacovigilance examine les événements déclarés, survenus après une vaccination et susceptibles d’être liés à celle-ci, sans pour autant qu’un lien autre que temporel avec le vaccin ne soit forcément connu. Or, une concomitance n’implique pas nécessairement une causalité. À titre d’exemple, une publication avait estimé que, pour 10 millions d'individus vaccinés, 21,5 cas de syndrome de Guillain-Barré et 5,75 cas de mort subite sont attendus au Royaume-Uni lors des 6 semaines suivant la vaccination[18]. Après une campagne de vaccination aussi importante que celle mise en place contre la Covid-19, il est donc tout à fait normal qu’un nombre significatif de pathologies soient observées après la vaccination, sans qu’elles soient pour autant toutes liées à celle-ci. Les CRPV ont pour mission d’apprécier l’existence éventuelle d’un lien de causalité.

Pour cela, une méthode d’imputabilité reposant sur 3 critères est utilisée. Le critère chronologique prend en compte le délai de survenue de l’événement indésirable après l’administration du médicament. Dans le cadre général, l’influence de l’arrêt du médicament (« dechallenge ») et les conséquences d’une ré-administration (« rechallenge ») peuvent être également prises en compte. Dans le cas d’un vaccin, il n’est pas possible de « dévacciner » un individu, cependant l’administration d’une dose supplémentaire peut être vue comme une sorte de « rechallenge ». Le critère sémiologique regroupe les signes et symptômes évocateurs du rôle du médicament dans la survenue de l’effet, l’existence de facteurs favorisants, les résultats d’examens complémentaires spécifiques fiables et la recherche d’une autre étiologie. Ces deux premiers critères constituent un score d’imputabilité intrinsèque, auquel s’ajoute un score extrinsèque basé sur un critère bibliographique qui évalue la notoriété de l’effet indésirable. Le score obtenu ne permet cependant pas de confirmer ou d’infirmer avec certitude la causalité entre le médicament et l’effet indésirable et dépend des connaissances pharmacologiques disponibles lors de son évaluation.

L’ensemble des déclarations sont ensuite enregistrées dans la base nationale de pharmacovigilance (BNPV)[19], qui est utilisée par les CRPV pour identifier les éventuels signaux, notamment en réalisant des calculs de comparaison entre les cas observés et les cas attendus et en utilisant des facteurs correctifs pour prendre en compte la sous-notification. Une très grande prudence s’impose dans l’utilisation directe des données de cette base, qui contient tous les cas déclarés quelle que soit leur imputabilité, et ne peut en aucun cas être utilisée sans retraitement pour calculer un taux d’incidence de risque. Il en va de même pour l’ensemble des bases de données de pharmacovigilance : Eudravigilance, VAERS, VigiBase, etc.

Outre les données acquises via ces déclarations et la littérature scientifique, les CRPV opèrent une veille de la presse et des réseaux sociaux, sur lesquels les usagers décrivent les effets indésirables. Le projet Vigi4MED (Vigilance dans les forums sur les médicaments)[20], mis en place par l’ANSM en 2014, avait démontré que des données en quantité et qualité suffisantes pouvaient y être trouvées afin d’évaluer certains problèmes médicamenteux et y détecter des signaux de pharmacovigilance. En outre, cette technique permet d'obtenir davantage de renseignements sur des évènements fréquents mais peu déclarés. Dans le cas des vaccins contre la Covid-19, cela a notamment permis de recueillir des informations en lien avec les troubles menstruels.

Au 18 février 2022, les vaccins contre la Covid-19 avaient conduit à 153 452 déclarations analysées et saisies par les CRPV, soit une activité 4 à 6 fois plus importante (selon les centres) que la normale. Parmi ces déclarations, 969 cas marquants ou potentiels signaux ont été transmis à l’ANSM en 2021.

3.   Une organisation particulière pour faire face à une campagne vaccinale sans précédent

Pour faire face à l’important nombre de déclarations faisant suite à la campagne de vaccination contre la Covid-19, tout en poursuivant le suivi des autres médicaments, une organisation spécifique a été mise en place. Des binômes de centres rapporteurs ont été désignés, afin d’effectuer un suivi efficace des effets indésirables rapportés :

-          les CRPV de Bordeaux et de Marseille ont été désignés rapporteurs pour le vaccin Comirnaty (Pfizer-BioNtech) ainsi que, depuis juin 2021, les CRPV de Toulouse et Strasbourg (en raison de l’importante volumétrie) ;

-          les CRPV de Lille et Besançon ont été désignés rapporteurs pour le vaccin Spikevax (Moderna) ;

-          les CRPV d’Amiens et de Rouen ont été désignés rapporteurs pour le vaccin Vaxzevria (AstraZeneca-Oxford) ;

-          les CRPV de Lyon et de Grenoble ont été désignés rapporteurs pour le vaccin de Jcovden (Johnson & Johnson) ;

-          les CRPV de Toulouse et Lyon ont été désignés rapporteurs pour la grossesse et l’allaitement ;

-          les CRPV de Tours et de Dijon jouent le rôle de coordinateurs.

Ces CRPV rapporteurs doivent assurer un certain nombre de tâches spécifiques liées au vaccin pour lequel ils ont été désignés. Ils sont tout d’abord chargés d’analyser l’extraction quotidienne de la BNPV réalisée par l’ANSM. Lorsque nécessaire, ils demandent des compléments d’informations auprès du CRPV ayant transmis le cas ou sollicitent l’avis d’un autre CRPV avec double expertise pharmacologique et clinique. Ils rédigent des synthèses qualitatives des cas d’intérêt, complétés par une recherche bibliographique ciblée, et les rapports à destination de l’ANSM. Enfin, ils répondent aux questions des autres CRPV concernant les cas complexes et aux sollicitations des représentants de l’ANSM à l’EMA. Régulièrement, ils communiquent avec l’ANSM lors de Comités de suivi, chaque semaine au début de la campagne de vaccination puis toutes les deux semaines depuis quelques mois.

Si ces Comités de suivi sont à saluer, le réseau des CRPV a regretté que les CRPV rapporteurs soient les seuls à y être conviés – bien que tous les CRPV soient tenus informés des conclusions de ces réunions –, la communication et la circulation des informations étant essentielles en pharmacovigilance. Cette organisation fait d’ailleurs écho à l’arrêt en 2019 des Comités techniques de pharmacovigilance, réunions scientifiques mensuelles entre l’ensemble du réseau des CRPV et l’ANSM, elles aussi regrettées par les CRPV.

Des comités spécifiques ou des réunions ad hoc ont été mis en place sur certaines thématiques : thromboses liées à Vaxzevria, myocardites liées aux vaccins à ARN (Comirnaty et Spikevax), morts subites, maladie de Creutzfeldt-Jakob, hypertension artérielle, syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique (PIMS), troubles menstruels chez les 12-17 ans.

En outre, de manière à permettre aux autorités de santé de prendre des mesures rapides de réduction des risques, un système de priorisation a été mis en place pour documenter et expertiser le plus rapidement possible les cas graves ou inattendus, tout en gérant la totalité des cas. Un prototype de système basé sur une intelligence artificielle a été utilisé pour cette priorisation, notamment pour les cas déclarés par les patients, mais le long temps d’apprentissage nécessaire pour celle-ci n’a pas permis un réel gain de temps, les questions médicales pointues étant mieux gérées par des experts humains que par l’informatique. Les critères de gravité ont également été adaptés puisque les fièvres supérieures à 40 °C et les arrêts de travail prolongés ont été considérés comme « graves », ce qui n’est habituellement pas le cas[21]. Le système a également fait preuve d’une certaine agilité pour pouvoir faire face aux conditions changeantes de la vaccination, tel que le développement de la vaccination hétérologue en raison des changements d’indication pour certains vaccins.

Ce dispositif de surveillance a représenté une charge de travail considérable pour les CRPV, dont les équipes se sont remarquablement mobilisées, alors même qu’elles sont relativement restreintes puisque composées de 5,5 équivalents temps plein en moyenne (1 médecin, 3 pharmaciens, 0,5 attaché de recherche clinique et 1 assistant médico-administratif). Si des moyens supplémentaires ont été octroyés par l’ANSM (1,9 million d’euros), cette somme s’est trouvée être insuffisante, puisque non proportionnée à l’augmentation des déclarations. De plus, des difficultés ont pu être rencontrées pour recruter des experts en pharmacologie, peu nombreux, cantonnant principalement cette aide au soutien des tâches administratives, et non à l’analyse. Les rapporteurs souhaitent saluer l’effort réalisé par l’ensemble des CRPV et déplorent qu’ils n’aient pu bénéficier d’un soutien plus important en dépit de leur rôle primordial quant à la surveillance des vaccins.

Grâce à cette formidable mobilisation et à l’expertise pharmacologique des CRPV, la France avait émis en avril 2022 un total de 49 signaux pour les différents vaccins autorisés (17 concernant Comirnaty, 14 pour Spikevax, 13 pour Vaxzevria et 5 pour Jcovden), dont 19 avaient été lancés par la France seule ou en premier. La France est le sixième contributeur du programme VigiBase de l’OMS et parmi les trois premiers en ce qui concerne l’informativité, ce qui témoigne de la performance du système français. Au niveau national, ce sont 60 rapports d’expertise (20 pour Comirnaty, 17 pour Vaxzevria, 17 pour Spikevax et 6 pour Jcovden) qui ont été réalisés, ainsi que 18 rapports « focus » sur des problématiques spécifiques, participant à un effort de transparence essentiel au vu des doutes et inquiétudes de la population vis-à-vis de la vaccination.

4.   Un système menacé ?

En décembre 2019, une réforme des vigilances (pharmacovigilance, hémovigilance, matériovigilance, etc.) relatives aux produits de santé a été publiée par décret[22]. Comme recommandé par le rapport Grall réalisé après l’affaire du Mediator[23], cette réforme a pour objectif la régionalisation des vigilances : leur organisation est transférée aux ARS tandis que l’ANSM n’est plus chargée que du pilotage et de la coordination. L’entrée en vigueur de cette réforme a été reportée à deux reprises, une première fois au 1er janvier 2022[24] puis au 31 mars 2022[25]. Pour le réseau des CRPV, cette réforme fait craindre une déstabilisation du système existant, la pharmacovigilance ayant une dimension nationale qui pourrait s’en trouver impactée. Le réseau redoute également que le maillage actuel des CRPV puisse être modifié par les ARS et un risque de paupérisation, du fait d’une mise en commun des moyens entre les différentes vigilances. Enfin, la stabilité des équipes des CRPV est également susceptible d’être fragilisée par la réforme des statuts de praticien réalisée dans le cadre du Ségur de la santé, les praticiens attachés ne pouvant plus obtenir de contrats à durée indéterminée en tant que contractuels.

Par ailleurs, une part de la pharmacovigilance est également réalisée par les industriels, qui sont tenus de surveiller leurs produits mis sur le marché et organisent à ce titre un recueil parallèle des événements indésirables. Les déclarations sont traitées en interne par les laboratoires, qui ne sont pas tenus d’utiliser la méthode d’imputabilité française, et directement transmises à l’ANSM. Au cours de la campagne de vaccination contre la Covid-19, les laboratoires communiquaient hebdomadairement les déclarations portées à leur connaissance et ont été sollicités à plusieurs reprises pour réaliser des rapports spécifiques, par exemple au sujet des femmes enceintes ou allaitantes.

Un désengagement croissant des industriels vis-à-vis de la pharmacovigilance a toutefois pu être constaté par plusieurs acteurs auditionnés. Le Collège de médecine générale a également indiqué une diminution des visiteurs médicaux qui permettaient aux médecins généralistes de déclarer certains événements indésirables observés. Si cette situation témoigne d’une indépendance de la pharmacovigilance vis-à-vis des firmes pharmaceutiques – qui est indispensable pour assurer une confiance de la population dans les produits de santé –, elle induit néanmoins un transfert du financement de cette surveillance à la solidarité nationale.

Les rapporteurs ont pu constater l’importance et l’efficacité du réseau des CRPV au cours de la campagne de vaccination. Aussi, il apparaît essentiel que le système actuel ne se trouve pas fragilisé mais au contraire renforcé, notamment en le dotant de moyens humains et financiers suffisants pour traiter convenablement l’ensemble des déclarations qui lui sont adressées et ainsi prévenir tout risque médicamenteux. Une possibilité pourrait consister en l’instauration d’une taxe sur les médicaments qui, en respectant des règles de non-affectation des recettes et en respectant le principe d'indépendance, permettrait à nouveau la participation financière des laboratoires au système de pharmacovigilance.

5.   Le rôle de l’ANSM et de l’EMA

Au cours de la campagne de vaccination, l’ANSM a mis en place des Comités de suivi assurant l’interface entre l’ANSM et le réseau des CRPV, en réunissant les centres rapporteurs d’un vaccin et les experts de l’agence pour analyser collégialement l’ensemble des signaux identifiés. Dans certains cas, des mesures d’investigations complémentaires et de suivi peuvent être décidées par l’ANSM. À l’issue de ce nouveau travail, l’ANSM publie un point de situation au sujet de la surveillance des vaccins contre la Covid-19. Parallèlement, les événements indésirables collectés par les CRPV (et déjà enregistrés dans la BNPV), tout comme ceux répertoriés par les entreprises, sont transmis par l’ANSM à la base européenne Eudravigilance.

Si un signal de sécurité est validé par l’ANSM à la suite de ces comités, des mesures adaptées à la nature du risque sont mises en place (contre-indication pour certaines populations, information, retrait de l’autorisation, etc.) afin de prévenir ou réduire sa survenue. Lorsqu’un signal est validé, il est transmis à l’EMA, où les signaux de pharmacovigilance sont discutés de manière collégiale au sein d’un Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee, PRAC). Il est alors nécessaire que le signal soit également validé au niveau européen pour que le résumé des caractéristiques du produit, et éventuellement l’AMM, soient modifiés. Les États restent cependant libres de prendre toute mesure estimée nécessaire concernant leur propre territoire.

C.   La pharmaco-épidémiologie

1.   Un outil complémentaire

La pharmaco-épidémiologie consiste à appliquer des méthodes épidémiologiques pour l’étude de l’efficacité et de la sécurité des médicaments en vie réelle. Elle se distingue des essais cliniques par une approche purement observationnelle – et non expérimentale – et de la pharmacovigilance par une approche populationnelle – et non individuelle. Ses apports sont à la fois complémentaires aux essais cliniques, qui ne peuvent être menés que sur des populations restreintes (tant en nombre qu’en diversité puisqu’ils excluent généralement certains sous-groupes spécifiques tels que les personnes âgées, les femmes enceintes ou les personnes atteintes de maladies chroniques), et à la pharmacovigilance, qui ne permet pas la quantification des risques à une échelle populationnelle.

Ces études sont généralement conduites à partir de bases de données médico-administratives, telles que le Système national des données de santé (SNDS) utilisé en France. Cette base, créée par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, regroupe les principales bases de données de santé publiques existantes, notamment le Système national d'information inter-régimes de l'Assurance maladie (SNIIRAM) contenant les données de l’assurance maladie, le Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) contenant les données issues de l’activité des établissements de santé et le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) contenant les données sur les causes de décès.

L’utilisation de ces bases de données, contenant des informations détaillées sur des patients et sur les soins dont ils ont bénéficié, revêt plusieurs avantages. L’inclusion des données y étant réalisée de manière systématique et à large échelle, ces bases peuvent prétendre à une certaine exhaustivité, exempte des biais pouvant affecter les études déclaratives. La pharmaco-épidémiologie permet de s’affranchir des biais de notification inhérents à la pharmacovigilance et, grâce à l’utilisation d’un groupe de comparaison, de confirmer et de quantifier l’existence d’un risque potentiel. Cette approche comparative est particulièrement utile pour les pathologies fréquentes en population générale, pour lesquelles l’imputabilité de la vaccination peut être difficile à estimer. Les données d’hospitalisation permettent d’évaluer l’impact des effets indésirables graves sur la santé des populations. Par ailleurs, l’exhaustivité de ces données permet de conduire des investigations sur un nombre élevé de patients – et donc d’étudier des évènements rares – ainsi que sur des sous-groupes de population peu ou pas représentés lors des essais cliniques. Enfin, la pharmaco-épidémiologie permet de détecter des bénéfices d’un médicament inconnus initialement (efficacité sur un sous-groupe de population non étudié lors de l’essai clinique, efficacité sur de nouveaux critères de jugement, etc.).

L’utilisation de ces bases de données a cependant des limites structurelles. Tout d’abord, leur richesse peut se traduire par des difficultés d’exploitation, tout en ne permettant de détecter que les effets indésirables nécessitant une prise en charge hospitalière ou une prescription médicamenteuse. Elles s’avèrent donc d’une utilité limitée pour les effets les moins graves, tels que les troubles menstruels bénins dans le cas des vaccins contre la Covid-19. De plus, l’utilisation a posteriori de ces données, qui ne sont pas initialement destinées à des études pharmaco-épidémiologiques, ne permet pas de conduire des examens complémentaires ou d’obtenir des informations additionnelles. Or, certaines données cliniques ou biologiques peuvent s’avérer manquantes et ainsi être sources de biais de confusion. Pour ces différentes raisons, la pharmaco-épidémiologie ne permet pas d’identifier de nouveaux signaux avec l’efficacité et la rapidité de la pharmacovigilance, qui bénéficie en temps réel de déclarations riches en données médicales. Ces deux approches apparaissent donc pleinement complémentaires et ne doivent en aucun cas être opposées l’une à l’autre.

Une partie des inconvénients liés à l’utilisation a posteriori de bases de données peut être minimisée par la mise en place d’études de terrain (études transversales, études cas-témoin, études de cohorte). Cependant, celles-ci s’avèrent très onéreuses par rapport à l’utilisation de bases de données qui ne sont pas initialement destinées à des fins de recherche et dont le coût est par conséquent relativement faible.

Si les études observationnelles sont considérées d’un niveau de preuve moindre que les essais cliniques randomisés par les agences sanitaires, le contrôle des différents biais permet de minimiser cet écart[26], des études ayant montré que dans la grande majorité des cas les résultats de ces deux types d’études étaient similaires[27]. Dès lors, lorsque les données cliniques ne sont pas conclusives pour un certain critère de jugement ou des sous-groupes de population particuliers, les études pharmaco-épidémiologiques apparaissent tout à fait légitimes comme compléments pour évaluer l’efficacité et la sécurité d’un médicament. En outre, dans le cas des vaccins contre la Covid-19, l’important nombre de personnes vaccinées confère à ces résultats un pouvoir statistique important.

2.   Une organisation à consolider

En France, la pharmaco-épidémiologie s’est développée à la suite de l’affaire du Mediator avec la création d’un Pôle épidémiologie des produits de santé à l’ANSM et un Département des études de santé publique à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Fin 2018, ces deux structures ont été fusionnées pour former le Groupement d’intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE, afin de disposer d’une structure d’expertise publique et indépendante en matière de pharmaco-épidémiologie.

Cette structure a pour mission de piloter et de coordonner des études épidémiologiques en vie réelle dans le but d’éclairer les pouvoirs publics. Pour cela, elle recourt au Système national des données de santé (SNDS) ainsi que, dans le cas de la crise de la Covid-19, au Système d'informations de dépistage (SI-DEP) et au Système d'information vaccin Covid (VAC-SI). Elle ne conduit cependant pas, à l’heure actuelle, d’études de terrain.

Le programme d’études du GIS est construit par son Comité de direction, à partir de demandes des autorités sanitaires (ANSM, CNAM, Ministère de la Santé) et de signaux issus de la littérature scientifique, selon des axes stratégiques validés par son Conseil scientifique et ses deux tutelles. Le réseau des CRPV intervient via ce Conseil scientifique, auquel participe le Pr. Joëlle Micallef, directrice du Centre régional de pharmacovigilance Marseille Provence Corse. Cette articulation entre pharmacovigilance et pharmaco-épidémiologie est particulièrement importante en raison de la complémentarité de ces deux approches : c’est grâce aux détails cliniques fournis par la pharmacovigilance qu’il est possible de conduire des études pharmaco-épidémiologiques pertinentes. Les études peuvent être conduites par les équipes d’EPI-PHARE ou par des équipes de recherche académiques sélectionnées dans le cadre d’appels d’offres. Il serait intéressant que la gouvernance du GIS soit ouverte à des représentants des usagers du système de santé afin que les propositions des associations de patients, par exemple, puissent être recueillies.

EPI-PHARE a été naturellement mobilisé depuis le début de la crise sanitaire et a produit 23 rapports publics sur des thématiques variées[28]. Concernant la vaccination contre la Covid-19, plusieurs rapports ont démontré le niveau élevé d’efficacité de la vaccination, notamment via l’impact de la vaccination sur le risque de formes graves chez les personnes âgées de 50 à 74 ans[29] et de 75 ans et plus[30]. Ces études ont également permis de montrer une moindre efficacité du vaccin Jcovden sur le risque d’hospitalisation en comparaison avec Comirnaty (Pfizer-BioNTech)[31] et d’identifier les facteurs de risque résiduel de forme grave malgré la vaccination : âge, immunodépression, polypathologie[32]. Concernant la sécurité des vaccins, les travaux menés ont montré l’existence d’un risque de myocardite et péricardite dans les 7 jours suivant une vaccination avec un vaccin à ARN chez les personnes âgées de 12 à 50 ans, particulièrement chez les jeunes hommes de 12 à 29 ans et avec le vaccin Spikevax de Moderna[33]. Les risques d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral et d’embolie pulmonaire chez les adultes de 18 à 74 ans ont également fait l’objet d’une enquête, les vaccins à adénovirus apparaissant alors associés à une légère augmentation du risque d’infarctus du myocarde et d’embolie pulmonaire[34].

Ces différents résultats ont été salués par une partie importante des personnes auditionnées, qui ont souligné la nécessité de développer la structure EPI-PHARE afin de doter la France d’une capacité de haut niveau en pharmaco-épidémiologie, pouvant exploiter pleinement la richesse remarquable de la base SNDS, l’une des plus complètes au monde. Il pourrait être intéressant que, sur des thématiques le nécessitant, EPI-PHARE soit également en mesure de co-piloter des études de terrain. Cela n’étant ni dans les compétences ni dans le budget d’EPI-PHARE, ces études pourraient être menées par les agents de la Caisse nationale d’assurance maladie, dont les équipes se sont mobilisées pendant la crise pour réaliser le suivi des cas contacts des patients Covid.

À la suite des recommandations de l’Inspection générale des affaires sociales et de la Cour des comptes suggérant de renforcer la pharmaco-épidémiologie comme outil de surveillance des médicaments, EPI-PHARE a élaboré un plan stratégique en concertation avec son Conseil scientifique et ses tutelles. Il a été identifié qu’un effectif de 80 personnes et un budget global de 15 millions d’euros étaient nécessaires pour remplir pleinement ces missions, à comparer avec une équipe d’une quarantaine de personnes actuellement (dont 7 doctorants) et un budget compris entre 6 et 7 millions d’euros. Les moyens nécessaires à cette croissance n’ont cependant toujours pas été mobilisés par les pouvoirs publics. La crise sanitaire et la campagne vaccinale ayant rappelé l’importance d’un système de sécurité sanitaire efficace, il semble important qu’une trajectoire de développement du GIS puisse rapidement être fixée pour les prochaines années afin de remplir ces objectifs.

Par ailleurs, outre EPI-PHARE, l’engagement du monde académique doit pouvoir être mis à contribution. À l’heure actuelle, cette possibilité se trouve freinée par le fractionnement des bases de données. La récente inclusion des bases SI-DEP et VAC-SI au sein du SNDS représente à cet égard une amélioration. L’accès à ces données sensibles doit cependant être strictement encadré et respecter les obligations en matière de secret médical.

D.   L’Évaluation de la balance bénéfices/risques

1.   Une appréciation complexe

La pertinence de toute intervention médicale est appréciée par la comparaison des bénéfices et des risques qui y sont associés, généralement qualifiée de balance ou rapport bénéfices/risques. Cependant, et malgré cette appellation, celle-ci ne repose pas sur une approche quantitative, qui serait basée sur une formule mathématique, mais sur une appréciation qualitative[35]. En effet, les différents bénéfices et les risques peuvent être qualitativement différents, les rendant difficiles à opposer d’un point de vue strictement quantitatif : comment compare-t-on un éventuel risque de séquelle à un risque de décès ?

Dans le cas des vaccins, la situation est particulière puisqu’ils permettent de protéger un patient sain d’un risque hypothétique de contamination. La balance bénéfices/risques doit alors prendre en compte les conséquences d’une éventuelle contamination – y compris sublétales comme le Covid long –, le risque – actuel et futur – d’exposition du patient qui dépend du contexte épidémique, l’efficacité du vaccin envers la contamination et les conséquences de celles-ci, ainsi que les effets indésirables associés au vaccin. Il faut également inclure toutes les incertitudes qui peuvent exister sur ces différents paramètres, notamment vis-à-vis des risques qui peuvent ne pas avoir été identifiés dans leur totalité.

Dès lors, il apparaît clairement difficile de mathématiser cette balance, qui revêt par nature une part de subjectivité. Aussi, son évaluation n’est pas réalisée par une unique personne mais de manière collégiale et critique par des comités d’experts discutant de chacun des différents aspects à partir de données scientifiques. Le présent rapport n’a pas vocation à se substituer à ce travail d’experts et à se prononcer sur la balance bénéfices/risques des vaccins contre la Covid-19.

2.   Une réévaluation régulière

Dans le cas des vaccins contre la Covid-19, une évaluation de la balance bénéfices/risques a tout d’abord été réalisée par l’EMA, à travers le CHMP. Pour accorder les autorisations de mise sur le marché conditionnelles, cette balance bénéfices/risques a été discutée par l’ensemble de ses membres, sur la base des rapports remis par les rapporteurs et co-rapporteurs de chaque vaccin. Les différents éléments utilisés dans cette détermination (bénéfices escomptés, effets négatifs possibles, incertitudes existantes, etc.) sont détaillés dans les « assessment report » de chaque vaccin, publiés sur le site de l’EMA.

Cependant, cette évaluation ne détermine que la balance bénéfices/risques « absolue » (c’est-à-dire l’intérêt d’autoriser ce vaccin par rapport à une situation hypothétique où il n’y aurait aucun autre vaccin disponible, dans la mesure où les autres autorisations déjà accordées sont conditionnelles). Au niveau national, chaque pays est ensuite libre de déterminer une balance « relative » afin d’élaborer des recommandations vaccinales. Ces décisions sont prises en tenant compte de l’indication des différents vaccins mais également de données d’évaluation du risque au travers des données épidémiologiques, d’évolution de la maladie, des caractéristiques populationnelles ou sociétales, et de la disponibilité des spécialités vaccinales disponibles. Cet aspect peut être illustré par les différentes décisions prises concernant le vaccin Vaxzevria d’AstraZeneca à la suite de la découverte des thromboses qu’il avait pu provoquer. Au Danemark, où le virus circulait peu et où la couverture vaccinale des populations à risque de formes graves était élevée, il a été décidé de suspendre totalement ce vaccin et de poursuivre la campagne avec les autres vaccins disponibles. Au Royaume-Uni, plus touché par le virus et disposant d’une moins grande proportion de vaccins Comirnaty et Spikevax, le vaccin Vaxzevria n’a été déconseillé qu’aux moins de 30 ans.

En France, c’est à la Commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé qu’incombe le rôle de déterminer les recommandations vaccinales. Elle est composée de 29 membres représentant différentes spécialités médicales mais aussi issus des sciences humaines et sociales et d’associations de malades et d’usagers du système de santé. Dans le cadre de la campagne de vaccination contre la Covid-19, un Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, présidé par le Pr. Alain Fischer, a été créé afin de conseiller le gouvernement dans ses décisions. Si cette multiplication de structures a pu être regrettée, les rapporteurs ont constaté que ces deux instances travaillaient en bonne intelligence et communiquaient régulièrement l’une avec l’autre.

Par ailleurs, la balance bénéfices/risques n’est pas immuable et doit être régulièrement actualisée. La pharmacovigilance et la pharmaco-épidémiologie s’avèrent primordiales dans cette réévaluation, grâce à l’apport de nouvelles informations sur les effets indésirables et sur l’efficacité des vaccins. Au cours de la pandémie de Covid-19, l’émergence de nouveaux variants a notamment nécessité de réévaluer au travers d’études observationnelles l’efficacité des différents vaccins et les risques représentés par la contamination afin de vérifier la positivité de cette balance bénéfices/risques. Des études spécifiques réalisées en vie réelle ont permis de mieux apprécier cette balance pour des sous-groupes de population pour lesquels des données étaient initialement manquantes, à l’instar des femmes enceintes et allaitantes.

3.   Une évaluation adaptée aux sous-groupes de la population

L’appréciation de la balance bénéfices/risques est réalisée à l’échelle populationnelle et prend en compte les bénéfices et les risques collectifs (par exemple le bénéfice quant à l’ouverture des écoles et lycées ou le risque d’une saturation des services hospitaliers). Cette balance est cependant appréciée différemment pour les différents sous-groupes de la population (selon l’âge, la présence de comorbidités, etc.), qui sont concernés par des bénéfices et des risques différents. C’est notamment pour cette raison que la possibilité d’une seconde dose de rappel n’a été souhaitée par la Haute Autorité de santé que pour les personnes de plus de 65 ans[36].

C’est également cette approche par sous-groupe qui justifie les contre-indications à la vaccination, les risques représentés par certaines pathologies pouvant modifier l’opportunité de la vaccination. Les résumés des caractéristiques du produit de chaque vaccin établissent une liste des antécédents faisant obstacle à la vaccination : allergie documentée à l’un des composants du vaccin, réaction anaphylactique ayant atteint au moins deux organes à la suite d’une précédente injection de vaccin contre la Covid-19, épisode de syndrome de fuite capillaire (uniquement pour les vaccins Jcovden et Vaxzevria) et syndrome thrombotique et thrombocytopénique à la suite d’une précédente injection de vaccin Vaxzevria ou Jcovden. À cette liste, s’ajoute un déconseil de la vaccination par la Haute Autorité de santé pour les personnes ayant été touchées par un syndrome inflammatoire multi systémique pédiatrique (PIMS) à la suite d’une précédente injection de vaccin contre la Covid-19 ou par une myocardite ou une péricardite à la suite d’une infection par SARS-CoV-2. La Haute Autorité de santé déconseille également temporairement la vaccination pour les personnes traitées par anticorps monoclonaux contre le SARS-CoV-2, celles concernées par une myocardite ou une péricardite non liée au SARS-CoV-2 mais toujours évolutives et celles ayant été touchées par un syndrome inflammatoire multi systémique pédiatrique (PIMS) à la suite d’une infection par SARS-CoV-2 dans les trois derniers mois.

Enfin, une approche plus individuelle peut avoir lieu au travers de concertations médicales pluridisciplinaires pour les personnes atteintes de maladies rares ou pour lesquelles un effet indésirable d'intensité sévère ou grave a été attribué à la première dose de vaccin.

4.   Un objet difficile à appréhender

L’aspect qualitatif de la balance bénéfices/risques et sa détermination collégiale dans des structures peu connues et « à dires d’experts » sont susceptibles d’entraîner des incompréhensions et un manque de confiance parmi une partie de la population, qui y voit un argument d’autorité discréditant sa perception des effets indésirables. Un effort d’objectivation et de transparence est donc nécessaire afin d’éclairer le bien-fondé des décisions prises par les instances sanitaires. L’ensemble des éléments sur lesquels s’appuient ces décisions doivent être indiqués de manière transparente à la population, afin qu’elle puisse mieux appréhender cette notion.

Dans certains cas, des représentations graphiques à visée pédagogique ont pu être réalisées pour illustrer cette notion. L’EMA a notamment diffusé plusieurs infographies, permettant de comparer le risque de thromboses dues au vaccin Vaxzevria avec les risques d’être hospitalisé, admis en soins intensifs ou de décéder en raison de la Covid-19 (voir Figure 2) [37]. Elle a proposé plusieurs scénarios en fonction du taux de circulation du virus afin de montrer le caractère déterminant de ce paramètre. Similairement, plusieurs publications scientifiques ont comparé les risques d’effets indésirables à la suite de la vaccination et d’une infection à la Covid-19 (voir Figures 3 et 4)[38]. Si ces représentations peuvent favoriser une meilleure appréhension de la balance bénéfices/risques, elles ne permettent pas cependant de matérialiser toute sa complexité et doivent être contextualisées.

Figure 2 : Comparaison du risque de thrombose associé au vaccin Vaxzevria avec le risque de décès du fait de la Covid-19 (cas d’une circulation virale d’intensité moyenne)

Figure 3: Comparaison des effets indésirables graves rapportés par plus de 29 millions de personnes vaccinées par Vaxzevria (violet) ou par Comirnaty (orange) avec les effets indésirables graves survenant après une infection à la Covid-19 (mauve)

Figure 4 : Sur-risque associé à divers effets indésirables après la vaccination avec Comirnaty (gris) ou après infection par le SARS-CoV-2 (orange)

 

II.   Les effets indésirables associés aux vaccins contre la Covid-19

En préambule, ainsi qu’il a été expliqué par les experts de la pharmacovigilance entendus en audition, il faut noter que si un effet indésirable peut être attribué à la vaccination chez un individu donné – son cas clinique étant étayé et le rôle du vaccin ne faisant pas de doute – cela n’implique pas que cet effet soit systématiquement lié à la vaccination dans les autres cas où il a été observé. Cela n’implique pas non plus qu’on puisse observer une hausse de l’incidence de ce symptôme en population générale, suite à la campagne vaccinale. En effet, un effet indésirable n’est pas une propriété intrinsèque du vaccin, mais le résultat de la rencontre entre ce vaccin et la personne à qui il a été administré.

Jean-Daniel Lelièvre, professeur de virologie, a rappelé que les effets indésirables liés à l’administration d’un vaccin sont d’origine immunologique. Ils peuvent être liés à la composante innée du système immunitaire, c’est le cas de la réactogénicité, qui provoque des douleurs au point d’injection, notamment. Ils peuvent également être dus à la composante adaptative de l’immunité et provoquer une inflammation ou une allergie. Plusieurs effets indésirables résultent d’un mécanisme inflammatoire – c’est le cas des paralysies de Bell (faciales) ou des myo- et péricardites.

Selon M. Lelièvre, si les effets indésirables dus à une inflammation ne sont pas plus fréquents suite à la dose de rappel qu’ils ne l’ont été après la 2e dose, cela atteste l’hypothèse d’un mécanisme inflammatoire et confirme que le vaccin n’a pas induit la production d’anticorps dirigés contre un organe en particulier.

La nouveauté des plateformes vaccinales utilisées a fait craindre que des effets indésirables nouveaux puissent survenir, mais les effets inattendus observés ne sont pas particulièrement différents de ceux qui peuvent être associés à la vaccination en général. Alors que l’inquiétude s’est un temps focalisée sur la protéine virale de spicule, que les vaccins contre la Covid-19 font produire aux cellules humaines et qui ont été qualifiées de toxiques, il semblerait que c'est plutôt la réaction du système immunitaire vis-à-vis de la plateforme vaccinale qui soit susceptible d'induire des effets indésirables. En effet, parmi les plus marquants, les thromboses atypiques sont associées aux vaccins à adénovirus (Vaxzevria et Jcovden) quand les myocardites sont majoritairement liées aux vaccins à ARN (Comirnaty et Spikevax).

Aucun produit de santé n’est totalement exempt d’effets indésirables, et les raisons pour lesquelles chaque personne réagit différemment à un vaccin ne sont pas vraiment connues et font l'objet d'études. La réaction immunitaire varie d’un individu à l’autre : âge, sexe, polymorphisme génétique. L’inflammation chronique (pour les sujets obèses ou âgés) qui stimule le système immunitaire en permanence, conduit à une moins bonne réponse à la vaccination. D’autres facteurs, comme les propriétés connues du microbiote sur les phénomènes inflammatoires, peuvent éventuellement jouer.

A.   Les effets indésirables étudiés par la pharmacovigilance

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est chargée de faire la synthèse des évènements surveillés par les Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV). Elle recense, pour chaque vaccin, tous les effets indésirables avérés dans un tableau qui les classe en fonction de leur fréquence. Dans les fiches de synthèse qu’elle élabore, mais aussi dans les rapports de pharmacovigilance établis par les CRPV rapporteurs des vaccins, figure la liste des effets indésirables sous surveillance, pour lesquels il y a une suspicion de lien, mais pas, ou pas encore, de lien avéré.

Parmi ces effets indésirables, avérés ou suspectés, figurent aussi bien des symptômes classiques, tels que fatigue ou fièvre, que des syndromes rares tels que la myocardite ou le syndrome de Parsonage-Turner. L’échec vaccinal est également surveillé – il est considéré comme un effet indésirable puisque le vaccin a vocation à empêcher la maladie. Étant donné l’efficacité déclinante des vaccins contre l’infection symptomatique dans le contexte de la circulation des nouveaux variants, seuls les échecs vaccinaux observés dans le cas d’une forme grave de Covid-19 sont considérés.

Figure 5 : Liste des effets indésirables connus du vaccin Comirnaty (Pfizer/BioNTech) en fonction de leur fréquence – communication de l’ANSM à destination des professionnels de santé

Figure 6 : Liste des signaux potentiels ou évènements déjà sous surveillance figurant dans la synthèse du suivi des cas d’effets indésirables des vaccins Covid-19 pour la période du 8 au 21 avril 2022, s’agissant du vaccin Comirnaty

B.   Exemple du traitement de quelques effets indésirables observés après la mise sur le marché

Parmi les effets indésirables suspectés ou avérés, les travaux engagés par les rapporteurs ont mis en lumière ceux dont le traitement a été particulièrement illustratif de l’importance des différents aspects du processus de pharmacovigilance. Les exemples donnés ci-dessous n’ont pas vocation à dresser une liste exhaustive des effets indésirables avérés ou suspectés.

1.   Syndromes pseudo-grippaux

Dans les premiers temps de la campagne vaccinale, alors que le vaccin Vaxzevria d’AstraZeneca était réservé aux moins de 65 ans en l’absence de données étayées sur son efficacité chez les personnes d’âge supérieur, ce vaccin était surtout administré au corps médical, qui a eu accès aux vaccins contre la Covid-19 de façon prioritaire[39]. Dans la semaine qui a suivi le début de l’administration du vaccin aux professionnels de santé, les CRPV ont recueilli de nombreuses déclarations d’effets indésirables de type syndrome pseudo-grippal (avec une fièvre à 39 °C en moyenne). Sur les 10 000 injections réalisées, 150 déclarations ont été faites[40].

Si l’effet indésirable était connu et attendu, c’est l’intensité des symptômes qui a surpris, ainsi que la fréquence à laquelle ces symptômes survenaient. Le vaccin étant conditionné en multidoses, il était administré aux soignants de services hospitaliers entiers, causant des absences qui perturbaient l’organisation de ces services. Sans qu’il y ait de gravité à l’échelle individuelle, l’ANSM a très rapidement alerté sur la nécessité d’échelonner la vaccination du personnel soignant d’un même service pour éviter la désorganisation des soins, et a vivement recommandé la prise de paracétamol pour atténuer les symptômes ressentis.

À la suite de cette observation, les CRPV ont fait évoluer les critères de gravité utilisés au sens de la pharmacovigilance afin de qualifier de graves les arrêts de travail prolongés.

2.   Thromboses atypiques

Assez rapidement après son autorisation de mise sur le marché, survenue le 29 janvier 2021, un lien entre le vaccin Vaxzevria d’AstraZeneca et des cas de thromboses atypiques a été soupçonné. Le 10 mars, à la suite d’un décès dû à une thrombose disséminée survenue en Autriche et alors que plusieurs accidents thromboemboliques avaient été signalés dans l'Espace économique européen (30 cas sur un total de près de 5 millions de personnes vaccinées à cette même date[41]), le PRAC a mis en place une enquête préliminaire concernant ces complications[42]. Dans l’attente de l’avis faisant suite à cette enquête, le Danemark – ayant observé plusieurs cas sur son territoire national dont un décès – a fait le choix de suspendre l’utilisation de ce vaccin le 11 mars, suivi par de nombreux pays européens dont la France le 15 mars[43].

Le 18 mars, le PRAC a indiqué que, bien qu’il s’agisse de cas très rares (empêchant leur identification lors des essais cliniques), le vaccin d’AstraZeneca pouvait être associé à des cas de caillots sanguins liés à une thrombocytopénie et que des informations en ce sens seraient ajoutées au résumé des caractéristiques du produit[44]. L’avis fait état de 7 cas de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et de 18 cas de thrombose veineuse cérébrale (TVC) – conduisant à 9 décès – pour environ 20 millions de doses administrées au Royaume-Uni et dans l'Espace économique européen au 16 mars. À cette même date, un cas de CIVD et deux cas de TVC avaient été recensés en France pour 1,4 million de doses du vaccin d’AstraZeneca administrées[45]. La plupart de ces cas étaient intervenus chez des femmes de moins de 60 ans, dans les 14 premiers jours suivant la vaccination. De plus, les calculs réalisés indiquaient un nombre de cas de CIVD et de TVC supérieur à ce qui pouvait être normalement attendu chez les individus âgés de moins de 50 ans vaccinés avec le vaccin Vaxzevria (ceci n’étant pas le cas pour les individus plus âgés). Le PRAC a toutefois estimé que l'efficacité du vaccin l'emportait sur ce risque jugé extrêmement faible et ce, pour l’ensemble de la population. Dans un avis publié le 19 mars, la Haute Autorité de santé a néanmoins recommandé d’utiliser le vaccin Vaxzevria uniquement chez les personnes âgées de 55 ans et plus.

De la même manière, à la suite de premières données provenant des États-Unis, l’EMA a étudié et confirmé la survenue de syndromes similaires consécutifs à la vaccination avec le vaccin Jcovden, également à vecteur viral avec adénovirus[46]. Aussi, dès sa mise à disposition en France le 24 avril 2021, ce vaccin a été restreint aux personnes âgées de plus de 55 ans[47].

Les estimations de l’incidence de ces événements thrombotiques varient en fonction des différentes études : en Norvège, celle-ci a pu être estimée à environ 1 cas pour 26 000 doses de Vaxzevria, tandis que les données de l’agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé (Medicines and Healthcare products Regulatory Agency, MHRA) indiquent environ un cas toutes les 67 000 doses administrées[48]. Ces variations peuvent être potentiellement expliquées par des différences de profil des populations vaccinées, les femmes et les individus de moins de 50 ans étant plus touchés. Il existe également d’importantes variations concernant le niveau de mortalité associé à ces événements qui a notamment décru au cours du temps, probablement grâce à la sensibilisation du public et des cliniciens[49]. Initialement supérieure à 50 % lors des premières séries de cas suivies dans différents pays européens[50], des études ont ensuite rapporté une mortalité de 22 % au Royaume-Uni[51] et même 5 % en Australie[52].

D’un point de vue mécanistique, il a pu être montré que ces événements étaient associés à la présence d’anticorps qui réagissent avec les plaquettes (ou plus exactement, avec « le facteur plaquettaire 4 »), les agrégeant et entrainant la formation de caillots sanguins.

3.   Myocardites

Le risque de myocardites après la vaccination contre la Covid-19 a été identifié initialement en Israël en avril 2021. Celles-ci intervenaient alors majoritairement après la seconde dose, chez des sujets masculins âgés de 16 à 30 ans. Dans la plupart des cas, la durée d’hospitalisation ne dépassait pas quatre jours et la symptomatologie était modérée (douleurs thoraciques, essoufflement ou palpitations cardiaques rapides)[53].

Dès avril 2021, l’Agence européenne du médicament a débuté l’analyse de ce potentiel signal. La base de données EudraVigilance recensait alors 122 myocardites suivant une vaccination avec le vaccin Comirnaty, 16 après Spikevax, 38 après Vaxzevria et aucune après Jcovden[54]. En juillet 2021, le PRAC a recommandé de mentionner les myocardites et les péricardites dans les résumés des caractéristiques du produit et les notices des vaccins Comirnaty et Spikevax.

Une étude pharmaco-épidémiologique de type cas-témoins a alors été mise en place par EPI-PHARE, incluant l’ensemble des hospitalisations pour myocardite ou péricardite survenues entre le 15 mai et le 31 août 2021 parmi les Français et Françaises âgés de 12 à 50 ans, soit 919 cas de myocardites et 917 cas de péricardites[55]. Le risque de myocardite s’est alors avéré particulièrement marqué chez les jeunes de moins de 30 ans, notamment pour la deuxième dose du vaccin Spikevax. Une actualisation de cette étude[56], incluant également les cas intervenus entre le 1er septembre et le 31 octobre, a permis d’affiner ces estimations : chez les hommes de 18 à 24 ans, le vaccin Spikevax est associé à un excès de 17 cas de myocardite pour 100 000 deuxièmes doses administrées (et 0,48 cas pour 100 000 premières doses), tandis que cet excès est de 4,7 cas pour le vaccin Comirnaty (et 0,42 cas pour 100 000 premières doses). Chez les femmes, cet excès est moins marqué puisqu’il ne s’élève sur cette même tranche d’âge qu’à 5,3 cas pour 100 000 deuxièmes doses du vaccin Spikevax et 0,63 cas pour 100 000 deuxièmes doses du vaccin Comirnaty. Un sur-risque est également observé chez les jeunes hommes de 12 à 17 ans avec un excès de 3,2 cas de myocardite pour 100 000 deuxièmes doses de Spikevax et de 1,9 cas pour 100 000 deuxièmes doses de Comirnaty. L’évolution clinique semble cependant favorable dans la majorité des cas et aucun décès n’a été rapporté sur la période. La durée d’hospitalisation est de l’ordre de 2 à 4 jours en moyenne, ce qui correspond à la durée de diagnostic d’une myocardite, comme l’a rappelé le Dr Joëlle Micallef lors de l’audition publique, contre deux semaines pour les myocardites graves nécessitant un traitement. À la suite de la première analyse publiée par EPI-PHARE, et au vu de la disponibilité de vaccins montrant un moindre excès de risque, la HAS a pris la décision de déconseiller le vaccin Spikevax à la population âgée de moins de 30 ans[57].

Comme l’a indiqué le Dr Kerneis lors de son audition, les vaccins contre la Covid-19 ne sont pas les premiers vaccins à induire des cas de myocardites, ceux-ci étant responsables de 15,5 % des cas de myocardites médicamenteuses avant la crise sanitaire[58]. Il apparaît d’ailleurs que les vaccins contre la Covid-19 induisent moins de myocardites que de nombreux autres vaccins[59]. Par ailleurs, une étude réalisée au Royaume-Uni a comparé l’excès de myocardites faisant suite à la vaccination à celui faisant suite à l’infection par le SARS-CoV-2 : ce dernier est alors bien plus élevé, si ce n’est pour les individus de moins de 40 ans où la tendance s’inverse dans le cas du vaccin Moderna[60].

4.   Troubles menstruels

Des troubles menstruels ont été signalés à la pharmacovigilance dès l’été 2021 (la vaccination étant ouverte à tous les adultes depuis le 31 mai 2021), dans un volume qui est apparu surprenant et alors que les cas rapportés étaient en majorité non graves. Ces évènements étant inattendus, ils ont été explorés par les centres rapporteurs des vaccins Comirnaty et Spikevax, seuls vaccins pour lesquels ils ont été observés.

Une première analyse, limitée aux 261 cas déclarés jusqu’au 31 juillet 2021, a été réalisée dans le rapport de pharmacovigilance n° 18, publié le 24 septembre 2021 par l’ANSM[61]. Le rapport note que la majorité des troubles ne présentent pas de gravité et que les cas auxquels ils se rapportent ont été classés graves pour d’autres symptômes, mais les pharmacovigilants remarquent l’inquiétude suscitée par ces troubles et relèvent d’ailleurs que ce sujet est l’objet de nombreux articles et commentaires sur les réseaux sociaux.

Les pharmacovigilants ont décrit l’absence de données dans la littérature scientifique permettant de comprendre ces observations, mis à part le fait que des troubles du cycle à la suite de l’infection par le SARS-CoV-2 survenaient également. Ils ont cependant relevé que peu de patientes parmi les dossiers analysés avaient une contraception orale, et que des cas de saignements ont été observés chez des femmes ménopausées. Les vigilants ont conclu que ces éléments méritaient d’être discutés avec les sociétés savantes de gynécologie et d’endocrinologie.

En août 2021, le Pharmacovigilance Risk Assessment Committee (PRAC) de l’Agence européenne du médicament a été saisi du potentiel signal que constituent les troubles menstruels, mais n’a pas conclu à l’existence d’un lien avec l’administration des vaccins.

Sur décision du comité de suivi de pharmacovigilance des vaccins contre la Covid-19 de l’ANSM, une deuxième analyse a été conduite. Elle a porté cette fois sur 3 870 cas, déclarés jusqu’au 4 novembre 2021, et figure dans le rapport de pharmacovigilance n° 19, publié le 21 décembre 2021[62].

Cette analyse note tout d’abord que 80 % des déclarations ont été faites directement par les patientes elles-mêmes. Ces effets concernent majoritairement des jeunes femmes entre 18 et 30 ans (78 %). Cette analyse met en évidence le fait que 2,3 % des troubles menstruels peuvent être qualifiés de graves.

Les symptômes décrits par les patientes sont très divers, ils ont été classés en deux catégories : saignements anormaux d’une part et aménorrhées et retards de menstruations d’autre part. Les symptômes décrits et la littérature scientifique n’ont pas permis aux pharmacovigilants d’identifier une hypothèse physiopathologique. À nouveau, il a été relevé que peu de patientes étaient sous contraception hormonale.

Les CRPV ont néanmoins estimé que ces observations constituaient un signal potentiel à examiner avec les sociétés savantes. Ce signal a à nouveau été porté au niveau européen devant le PRAC en février 2022 ; le comité a annoncé lancer une expertise sur ce signal potentiel, dont les résultats sont attendus pour le mois de juin 2022[63].

La réaction des autorités sanitaires a consisté à souligner le caractère majoritairement non grave et spontanément résolutif des effets observés et, sur le plan de la conduite à tenir, à inviter les patientes à consulter si les symptômes se prolongeaient sur plusieurs cycles. Les professionnels de santé ont été invités à vérifier que d’autres causes ne soient pas responsables de ces troubles (problème d’observance d’une contraception hormonale, grossesse ou maladie gynécologique se développant concomitamment).

Le Collège national des gynécologues obstétriciens a été sollicité par l’ANSM pour expertise. L’analyse du Collège, exposée en audition, alors que la littérature scientifique s’est étoffée depuis, est plutôt favorable à l’existence d’un lien entre la vaccination et l’apparition de troubles menstruels.

Elle note d’ailleurs l’existence d’un lien entre Covid symptomatique et troubles menstruels (jusqu’à 40 %, ce qui est similaire à ce qui a pu être observé après le vaccin). Deux mécanismes expliquent vraisemblablement ces liens : l’influence de la réaction immunitaire sur l’axe hypothalamo-hypophysaire, qui contrôle l’ovulation ; le rôle de certaines cellules immunitaires dans la destruction de l’endomètre qui fait qu’infection et vaccination peuvent induire des saignements, témoignant d’un rôle de l’inflammation en général.

Cette possible perturbation de la fonction ovarienne semble ne pas perdurer et il a été constaté, pour des femmes suivies dans le cadre d’un parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP), que la vaccination n’a pas induit de baisse de la fertilité ni de baisse de la réserve ovarienne (ou des cas de baisse temporaire du paramètre utilisé pour l'estimer, ce qui est d’ailleurs également observé après la prise d’autres traitements).

Dans leurs deux analyses, les CRPV ont fait état de l’inquiétude suscitée par la survenue de ces troubles, bien que sans gravité dans la majorité des cas. C’est également ce qui ressort de l’audition du collectif « Où est mon cycle ? », qui recueille le témoignage de nombreuses femmes ayant eu des troubles menstruels ou de la sphère gynécologique à la suite de leur vaccination.

Pour la population, la crainte d’un effet sur la fertilité est bien la plus prégnante. Des collectifs et associations ont rapporté des cas d’aménorrhées chez des jeunes femmes ou de baisse de la réserve ovarienne chez des femmes en protocole d’AMP. Ils rapportent également de nombreux troubles gynécologiques (endométriose, adénomyose) découverts chez des femmes à la suite d’explorations consécutives à des troubles menstruels, chez des personnes qui n’avaient jusque-là eu aucun problème gynécologique. Des cas graves d’hémorragies conduisant à une ablation de l’utérus ont également été relatés. Le CNGOF n’a cependant pas connaissance d’une augmentation de cet acte médical, qui peut être lourd de conséquences.

Étant donné leur volumétrie et donc le caractère peu vraisemblable d’une coïncidence temporelle avec la vaccination chez toutes les femmes qui ont expérimenté ces troubles, il est très étonnant qu’ils ne soient pas déjà considérés comme un effet indésirable avéré du vaccin. Ceci ne peut que renforcer la défiance envers le système de pharmacovigilance et les doutes concernant la sécurité des vaccins. La communication qui a tenté de rassurer au motif que les troubles menstruels sont fréquents, spontanément résolutifs et peuvent être dus au stress n’est pas acceptable pour des personnes qui n’avaient jamais expérimenté de telles situations. En outre, l’absence d’explication des pistes de mécanismes sous-jacents a conduit les personnes concernées à imaginer le pire.

L’initiative de l’ANSM de réunir courant mai 2022 les CRPV, le CNGOF et les associations et collectifs de femmes victimes d’effets indésirables est à saluer – cette initiative aurait néanmoins mérité de se concrétiser plus tôt. Le dialogue, le partage des informations et l’explication des mécanismes probablement en jeu est certainement la meilleure des stratégies.

C.   La demande d’indemnisation

Les victimes d’effets indésirables liés à la vaccination contre la Covid-19 peuvent, si elles le souhaitent, engager une procédure en justice ou effectuer une demande d’indemnisation amiable auprès de l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), établissement public administratif de l’État sous tutelle du Ministère des solidarités et de la santé. L’instruction des demandes et les modalités d’indemnisation sont identiques à celles mises en place dans le cas de vaccinations obligatoires. En conséquence, il n’existe pas de conditions de seuil de gravité des dommages et tous les préjudices extrapatrimoniaux et patrimoniaux, temporaires et permanents, sont indemnisables, à l’exception des troubles attendus, brefs et transitoires de la vaccination (douleur au point d’injection, fièvre, nausées, fatigue, etc.).

La procédure d’indemnisation amiable devant l’ONIAM est gratuite et ne nécessite pas de recours à un avocat. La victime communique le formulaire de demande d’indemnisation[64] assorti de pièces justificatives[65]. Une fois le dossier complet, la demande est instruite par l’ONIAM. Au vu des pièces fournies, de la nature des troubles et de la littérature scientifique, une expertise médicale – prise en charge par l’ONIAM – peut être demandée auprès d’experts inscrits sur les listes des cours d’appel ou sur celle de la Commission nationale des accidents médicaux (CNAMED). Les experts disposent d’un délai de 3 mois pour réaliser leur rapport, l’ONIAM disposant elle-même d’un délai de 6 mois pour notifier une décision aux victimes[66]. Bien que souvent demandée, cette expertise n’est pas obligatoire : par exemple, dans les cas d’hommes jeunes atteints par une myo- ou péricardite, dont la sur-incidence a été démontrée par EPI-PHARE, une indemnisation peut être directement proposée. Les victimes sont libres d’accepter l’offre d’indemnisation émise par l’ONIAM ou de la refuser et de recourir à une procédure devant les tribunaux[67].

Au 31 mars 2022, l’ONIAM avait reçu 440 demandes amiables d’indemnisation. Lors de l’audition réalisée par les rapporteurs, 54 % des dossiers étaient au stade de l’instruction avant expertise, 23 % en cours d’expertise, 3 % en cours de finalisation de la décision et 9 % avaient fait l’objet d’une décision. Parmi ces décisions, 10 % correspondent à des clôtures de dossier à la suite du refus du demandeur de transmettre les documents nécessaires à l’instruction, 10 % à des offres d’indemnisation et 80 % à des rejets, notamment en raison de demandes pour des troubles attendus, brefs et transitoires non indemnisables par l’ONIAM ou pour l’absence de lien établi entre les troubles et la vaccination ou l’absence de dommage.

Figure 7 : Nombre de demandes d’indemnisation amiables reçues par l’ONIAM au 31 mars 2022

Les rapporteurs ont été surpris par ce nombre relativement faible – bien qu’en hausse – de demandes, au regard du nombre de déclarations faites dans le cadre de la pharmacovigilance. Bien qu’il existe généralement un délai entre l’apparition d’un effet indésirable et la demande d’indemnisation y faisant suite – les personnes affectées prenant le temps de se soigner avant d’engager une procédure –, les rapporteurs regrettent que les possibilités d’indemnisation n’aient pas été plus largement communiquées auprès de la population.

Dans le cadre de la campagne de vaccination contre la Covid-19, le financement de l’indemnisation est assuré par l’ONIAM grâce à une subvention de l’État. L’ONIAM a engagé un travail de prévisions budgétaires en lien avec ses tutelles ministérielles afin de pouvoir prendre en charge l’ensemble des demandes susceptibles de lui parvenir. En outre, au vu du nombre croissant de demandes, les moyens humains de l’ONIAM ont été renforcés pour l’année 2023 avec le recrutement en CDD d’un médecin et d’un juriste supplémentaires. Il apparaît essentiel aux rapporteurs que l’ONIAM soit doté des moyens humains et financiers nécessaires pour mener à bien sa mission.

III.   La communication autour des effets indésirables

A.   L’enjeu principal : inciter à la vaccination sur fond d’hésitation vaccinale

Le succès d’une campagne de vaccination se mesure principalement à l’adhésion de la population à celle-ci. Avec un peu plus de 5 millions de personnes vaccinées en 2010, soit environ 8 % de la population nationale, la campagne vaccinale qui visait à lutter contre la grippe pandémique H1N1 a été qualifiée d’échec[68].

Depuis cette campagne, la question de l’adhésion à la vaccination a resurgi dans les débats lorsque le nombre de vaccinations pédiatriques obligatoires a été revu à la hausse début 2018[69]. Une partie des citoyens s’étant exprimée contre cette extension, l’Office s’est alors intéressé à la notion d’hésitation vaccinale en organisant une audition publique réunissant des experts de la question en novembre 2019[70]. Le terme « hésitation vaccinale » caractérise l’ensemble des attitudes qui ne sont ni tout à fait opposées à la vaccination ni tout à fait en faveur de celle-ci.

1.   La place prépondérante de la crainte d’effets secondaires dans l’hésitation vaccinale

Les Français sont souvent pointés comme des mauvais élèves de l’adhésion à la vaccination dans des études internationales réalisées sur la base de sondages d’opinion[71]. Nos concitoyens répondent en effet davantage « je ne suis pas d’accord » et « je ne suis plutôt pas d’accord » à l’affirmation « les vaccins sont sûrs » que de nombreux autres pays. Jocelyn Raude et Jeremy Ward, entendus au cours de la présente étude, ont confirmé que la crainte de subir des effets indésirables à la suite de la vaccination est un élément central du refus de la vaccination ou de l’hésitation. Il s’agit cependant d’un ensemble : souvent, à la crainte d’effets indésirables, s’ajoute une défiance envers les autorités sanitaires. La peur de la piqûre en elle-même (et non du vaccin), souvent sous-estimée, est une autre source de non-adhésion à la vaccination[72].

La crainte d’effets indésirables est prégnante car, contrairement à des traitements médicaux qui peuvent également induire des effets indésirables, les vaccins sont administrés à des personnes en bonne santé, le risque éventuel est donc moins bien accepté. Or, les citoyens procèdent de la même manière que les autorités sanitaires à l’échelle de la population : ils estiment la balance bénéfices/risques que représente la vaccination pour eux-mêmes, à titre individuel. Cet exercice de pensée rationnel ne se fondant pas sur des données objectives, il comporte le risque de sous-estimer le bénéfice de la vaccination si l’on ne se sent pas concerné par un risque de forme grave de la Covid-19, dans le cas de la pandémie actuelle, mais aussi le risque de surestimer la probabilité d’effets indésirables dus à la vaccination.

Alors que la question des adjuvants des vaccins, et notamment les adjuvants aluminiques, cristallisait jusqu’ici les craintes d’effets secondaires, c’est le caractère inédit de la technologie utilisée par les nouvelles plateformes vaccinales – vaccin à ARN ou à vecteur viral avec adénovirus – qui a été l’objet de toutes les attentions. Beaucoup ont redouté qu’une partie du génome viral soit intégrée au génome des cellules humaines. Jocelyn Raude et Jeremy Ward ont néanmoins estimé que cette crainte s’était atténuée au fur et à mesure de l’utilisation de ces vaccins, la démonstration de leur efficacité prenant le pas sur les doutes exprimés.

2.   L’hésitation vaccinale, une évolution au gré de l’actualité sanitaire et de l’état des connaissances scientifiques

À la fin des années 1990, c’est la polémique à l’égard du lien supposé entre la vaccination contre l’hépatite B et des cas de sclérose en plaques qui a abîmé la confiance des citoyens dans la vaccination. Bien que de nombreuses études aient démenti ce lien, des craintes persistent. Ensuite, en 2009, la grippe pandémique H1N1 a ouvert une nouvelle ère dans l’hésitation vaccinale en France : alors que la non-adhésion à la vaccination (partielle ou totale) était estimée dans la population à un peu moins de 10 % dans les années 2000, elle est passée à 40 % en 2010 dans le contexte de la polémique autour de la campagne vaccinale qui s’est déroulée à la fin de l’année 2009. Elle s’est ensuite stabilisée à un niveau relativement élevé – environ 20 %.

Dans l’histoire de la pandémie de Covid-19, on a vu l’adhésion à la vaccination fluctuer. Celle-ci peut dépendre du contexte épidémique, du ressenti de la population vis-à-vis de la pandémie et du traitement médiatique de la question de la vaccination – ce dernier point pouvant faire varier l'adhésion sur des échelles de temps très courtes.

Globalement, tandis que l’hésitation ou le refus de recevoir un vaccin (alors hypothétique) était plutôt bas en début de pandémie (26 % des personnes interrogées 10 jours après le début du premier confinement en mars 2020 répondaient qu’elles ne se feraient pas vacciner contre la Covid-19 si un vaccin était disponible[73]), ce paramètre a progressivement augmenté (39 % des personnes interrogées dans l’enquête CoviPrev[74] en juillet n’avaient pas l’intention de se faire vacciner, 47 % en novembre et 60 % en décembre) puis a diminué à nouveau au fur et à mesure de la progression de la campagne vaccinale (46 % en janvier, puis de l’ordre de 44 % ensuite, pour se stabiliser à moins de 15 % à partir de l’été 2021).

Si la couverture vaccinale est aujourd’hui bien supérieure aux intentions initiales pour la primo-vaccination, l’adhésion à la dose de rappel est en revanche moins satisfaisante. L’observation de la moins grande dangerosité intrinsèque du variant Omicron et des autres variants qui en sont proches, la bonne couverture vaccinale de la population ainsi que la connaissance des facteurs de risque de forme sévère de la Covid-19 ont probablement contribué à la moins bonne adhésion de la population à la dose de rappel en diminuant les bénéfices perçus de la vaccination. À cela s’ajoute la déception s’agissant de l’efficacité des vaccins contre la transmission du virus, notamment observée dans le contexte de la circulation des derniers variants, alors que la possibilité d’atteindre une immunité collective, fortement mise en avant dans la campagne de promotion, est ce qui a motivé une partie de personnes non à risque de forme grave de la Covid-19 à se faire vacciner.

3.   Un contexte de l’information changeant

Le traitement médiatique des bénéfices de la vaccination et des risques a été déterminant dans l’évaluation individuelle de la balance bénéfices/risques opérée par les citoyens. D’après Jocelyn Raude et Jeremy Ward, la pandémie de Covid-19 intervient dans un contexte où le marché de l’information s’est radicalement transformé par rapport à la campagne de vaccination de 2009 : la place des médias traditionnels a diminué et celle des réseaux sociaux a augmenté. En proposant par le biais d’algorithmes à leurs utilisateurs un contenu qu’ils sont susceptibles d’apprécier, ils favorisent le renforcement des convictions et non l’exposition à un argumentaire contradictoire.

De plus, ils laissent la possibilité à de nouveaux acteurs de diffuser largement un contenu dont la qualité scientifique n’est soumise à aucune régulation. S’ajoute à cela la défiance dans les autorités sanitaires, entretenue sur ces réseaux d’information ; par ces biais, de réels « entrepreneurs de la défiance » émergent. Une utilisation habile de ces réseaux par certains, grâce à des discours relativement modérés, leur permet de dénoncer plus facilement ce qui serait selon eux un scandale sanitaire, et de légitimer leur discours.

Les sociologues nuancent néanmoins leur portée : elle serait restreinte à des cercles relativement circonscrits et le traitement des informations ayant trait à la vaccination dans les médias traditionnels aurait finalement une résonance plus grande. C’est ainsi que la diminution des prises de parole critiquant la vaccination sur les chaînes de télévision et de radio s’est accompagnée d’une meilleure adhésion à la vaccination. Début 2021, l’expression régulière de scientifiques en faveur de la vaccination, dont le Pr. Axel Kahn qui a vivement défendu l’inclusion des professionnels soignants dans les premières catégories de personnes à vacciner, a eu un effet très positif sur les intentions de vaccination et a conduit à avoir une bonne dynamique de vaccination avant même la mise en place du passe sanitaire.

Quelques médias majeurs continuent néanmoins à questionner ouvertement l’intérêt et la sécurité de la vaccination. L’un d’entre eux a récemment été dénoncé par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique pour la conduite de débats sans discours contradictoire et la possibilité de présenter un autre point de vue[75]. Les sociologues ont estimé qu’on assistait à une politisation des débats scientifiques.

4.   Un phénomène lié à une défiance envers les autorités sanitaires

a.   Une volonté de renouer avec la confiance en fondant les décisions sur les connaissances scientifiques

Si, en France, la confiance placée dans la science en général est bonne, celle placée dans les autorités sanitaires l’est moins que dans d’autres pays européens, notamment en Europe du Nord. Les autorités sanitaires pâtissent de la défiance généralisée envers les institutions et de la politisation de la crise sanitaire. C’est la raison pour laquelle il a été regretté, notamment par des personnes entendues, que la campagne vaccinale ait été menée par des acteurs politiques et non par les institutions telles que la Direction générale de la santé et Santé publique France – qui ont, dans les faits, été à la manœuvre, mais en second plan.

À ceci s’ajoute la mise à l’écart des institutions habituellement référentes (Haute Autorité de santé et Haut Conseil de la santé publique) au profit de comités créés spécialement pour la crise du Covid-19 aux missions parfois redondantes avec celles des institutions existantes[76]. Certes, l’instauration d’un Conseil scientifique ad hoc placé auprès du Gouvernement, d’un Conseil scientifique vaccination ou d’un Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale a pu envoyer une image de proximité des gouvernants avec la science et de recherche du conseil scientifique le plus pertinent possible en lien avec la crise, mais elle a marginalisé les institutions établies.

Si la proximité entre décisionnaires et scientifiques a été positivement perçue par une partie de la population, elle a également pu contribuer à donner du crédit à quelques scientifiques critiquant les décisions prises, au nom d’une « vraie science », non liée aux politiques et s’exprimant librement. Ce positionnement « hors système » leur a donné un auditoire.

Une partie des citoyens ont pu estimer que leur voix n’était pas entendue. Le Conseil citoyen installé en janvier 2021 par le Conseil économique social et environnemental (Cese) avait vocation à être l’interprète de la société civile ; ses travaux se sont arrêtés à l’été 2021. Créé pour répondre à la demande du Premier ministre qui souhaitait « que les citoyens et la société civile puissent avoir connaissance des débats scientifiques, qu’ils puissent dialoguer avec les experts et accompagner le Gouvernement afin d’améliorer la réponse à leurs préoccupations »[77], il a surtout émis des recommandations d’actions à destination du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale et du Gouvernement. Ses recommandations[78] ont été peu mises en avant et il n’a pas donné le sentiment d’être utile à ceux qu’il devait représenter. Critiqué notamment sur sa composition, il aurait pu se voir préférer un organe établi, comme le conseil pour l’engagement des usagers de la HAS[79] – l’Office estimait d’ailleurs en décembre 2020 qu’il ne devait pas se substituer aux institutions de la démocratie sanitaire[80].

b.   Une confiance abîmée par les polémiques et nourrie par les ajustements liés au contexte exceptionnel

La confiance dans les autorités sanitaires a été ébranlée au début de la crise sanitaire par la polémique sur les masques. D’autres épisodes ont instauré un doute quant à l’articulation effective de la décision publique avec les meilleures connaissances scientifiques disponibles : on peut citer les promesses de retour à la vie normale avec la vaccination alors que les connaissances scientifiques à date ne permettaient pas de l’affirmer avec certitude, la non prise en compte de la capacité du virus de se transmettre par aérosol ou encore le débat sur la pertinence d’un allongement du délai entre les deux premières doses de vaccin. Ce débat a donné l’impression d’un désaccord entre les autorités sanitaires, le monde scientifique et les industriels. Les décisions prises n’ont pas été suffisamment expliquées, notamment quant aux marges d’appréciation que laissaient ouvertes à l’époque les essais cliniques et les connaissances scientifiques.

Divers ajustements vis-à-vis des procédures jugées habituelles, qu’ils soient exceptionnels ou moins, ont été mal perçus. Cela est notamment le cas de l’utilisation d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle, procédure qui n’est pourtant pas inédite et qui présente un certain nombre d’avantages dans le contexte inédit de la pandémie de Covid-19, comme la possibilité d’une mise sur le marché bien plus rapide. C’est aussi le cas de l’extension des recommandations vaccinales à des populations (enfants, femmes enceintes) qui ne figuraient pas dans les essais cliniques initiaux.

La portée limitée des données cliniques obtenues par les industriels et la prise en compte, en conséquence, d’études observationnelles ou dites de vie réelle, jugées moins robustes que des études cliniques, pour établir des recommandations vaccinales pour les doses de rappel ou la vaccination des femmes enceintes ont ainsi été mal perçues. Si l’on sait que les études observationnelles offrent un niveau de preuve moindre, le Pr. Alain Fischer a estimé que cet inconvénient s’efface puisqu’elles concernent en l’espèce une partie très significative de la population générale. De même, s’agissant des enfants et adolescents, l’émission de recommandations vaccinales par les autorités alors que les instances sanitaires se montraient prudentes, en l’absence de données étayées, a particulièrement suscité de l’inquiétude.

Ces décisions sanitaires ont été motivées par l’urgence et les bénéfices supposés de la vaccination ; pour beaucoup, leur bienfondé est aujourd’hui avéré. Il n’en reste pas moins que cela a donné le sentiment à de nombreuses personnes de faire partie d’un essai clinique grandeur nature. Les auditions menées ont permis de constater que cet argument est sans cesse repris, même un an et demi après le début de la vaccination.

Comme l’ont indiqué Les Entreprises du Médicament (LEEM), la non-uniformité des recommandations vaccinales à l’échelle européenne a également été source d’incompréhension pour les citoyens. Si elles ont pu tenir à des considérations industrielles et économiques (utilisation majoritaire du vaccin Vaxzevria d’AstraZeneca au Royaume-Uni), c’est surtout le contexte épidémique, parfois différent d’un pays à l’autre, qui a motivé les différences de politique vaccinale (exemple du retrait total et précoce du vaccin Vaxzevria au Danemark).

Finalement, le Ministère de la santé a, à plusieurs reprises, communiqué sur des recommandations vaccinales avant que l’avis de la Haute Autorité de santé soit rendu public, probablement pour agir vite, donnant l’image d’un Gouvernement réactif et soucieux de ne pas perdre de temps pour protéger les citoyens. Si, en réalité, aux dires de la présidente de la Commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé, l’avis avait déjà été validé en interne et avait été communiqué aux autorités, l’image d’une décision qui s’affranchit de l’expertise scientifique a été délétère.

c.   L’utilisation de passes pour inciter à la vaccination

Juste avant le début de la campagne vaccinale, seule la moitié de la population française avait une intention probable ou certaine de se faire vacciner[81]. En mai 2022, près de 80 % de la population avait reçu une primo-vaccination complète et près de 60 % une dose de rappel[82]. La campagne de vaccination contre la Covid-19 a donc été un succès et la France se situe en 8e position des pays européens les mieux vaccinés, le Portugal, Malte et l’Espagne étant les pays qui ont adopté le plus largement la vaccination, avec respectivement 95, 92 et 88 % de leur population vaccinée[83].

L’observation de l’efficacité de la vaccination en population élargie, notamment par la baisse de la part des formes sévères dues à la Covid-19, mais aussi les propos de scientifiques axés sur les bénéfices de la vaccination ont certainement contribué à cette adhésion à la vaccination. Mais l’hésitation vaccinale n’a probablement été surmontée que grâce à une politique mêlant de plus en plus étroitement incitation et contrainte. La mise en place d’un passe sanitaire a été décidée par les autorités en juillet 2021, au tout début de la vague liée au variant Delta et alors qu’un peu plus de 15 % de la population n’avait pas l’intention de se faire vacciner.

Selon Jeremy Ward et Jocelyn Raude, le passe sanitaire a été efficace pour la vaccination des personnes favorables à celle-ci mais un peu frileuses à l’idée de recevoir le vaccin. Étant donné le caractère contraignant de cette politique, et le fait qu’un passe était nécessaire pour accéder à de nombreux lieux de vie sociale, de nombreuses personnes qui étaient réticentes (parfois très fortement) se sont fait vacciner. Les objectifs sanitaires ont en partie été atteints grâce à la mise en place du passe sanitaire, mais cette politique risque d’avoir abîmé la confiance des citoyens dans les autorités, dans la mesure où les sociologues ont observé, par sondage d’opinion, une hausse du nombre de personnes regrettant de s’être fait vacciner de façon concomitante à son annonce et à sa mise en place[84].

L’instauration du passe vaccinal a ensuite cristallisé les réticences car cette décision politique est intervenue alors que se dessinait une amélioration de la situation sanitaire et que les connaissances scientifiques indiquaient que la vaccination ne protégeait pas pleinement de la transmission du virus. La décision est donc apparue à contre-courant. En outre, si l’annonce du passe sanitaire a eu un impact réel sur la couverture vaccinale, cela n’a pas été le cas du passe vaccinal.

Le Pr. François Alla a regretté que cette politique prolonge le paternalisme des autorités de santé, qui partent du principe que les citoyens n’ont pas un comportement rationnel ; paternalisme qui maintiendrait cette distance entre citoyens et autorités.

Les conséquences de cette politique sont aujourd’hui insaisissables : les sondages d’opinion réalisés dans le cadre de l’enquête CoviPrev se bornent à identifier la part de personnes complètement vaccinées ou la part de personnes n’ayant pas l’intention de se faire vacciner. Ces indicateurs ne reflètent pas finement l’adhésion à la vaccination dans la mesure où cette dernière fraction de la population représente en réalité la part de personnes prêtes à faire de nombreux sacrifices quant à leur vie sociale pour ne pas se faire vacciner. Il faudra ainsi être vigilant quant à l’adhésion des Français à la vaccination – toutes vaccinations confondues, incluant les pédiatriques – dans les prochains mois et années. En effet, Judith Mueller, professeur d’épidémiologie à l’École des hautes études en santé publique, a évoqué devant l’Office en février 2022 des éléments suggérant que la contrainte à se faire vacciner pouvait décourager à recevoir de futures vaccinations. Des vaccinations recommandées mais non obligatoires, telles que celle contre le virus HPV, pourraient pâtir d’une perte de confiance de la population.

Selon Judith Mueller, la confiance des citoyens dans les autorités « est corrélée entre autres avec la perception d'une cohérence et d'une adéquation des mesures prises ». L’adhésion des Français dans la vaccination en général et dans d’éventuelles futures doses de rappel de vaccin contre la Covid-19 dépendra donc largement de la perception de la crise sanitaire. Cette perception et le risque de lassitude et d’incompréhension des Français dans la vaccination contre la Covid-19 ont d’ailleurs été pris en compte dans les recommandations vaccinales. Dans son avis du 19 janvier 2022, le COSV tenait compte du « risque de désengagement à l'égard d'une vaccination perçue comme trop fréquente » dans sa recommandation de ne pas mettre en place de seconde dose de rappel en population générale[85]. Il a en outre alerté sur les conséquences possibles sur les futures vaccinations d’une « adhésion « au forceps » risqu[ant] aussi de laisser des traces qui pourraient compromettre de futures campagnes de vaccination, que ce soit pour la COVID ou d’autres infections »[86].

Finalement, il y a lieu de rappeler que confiance dans les autorités et le système de santé vont souvent de pair avec l’accessibilité du vaccin. Ainsi, parmi les 10 % de Français n’ayant reçu aucune dose figurent des personnes qui ne sont pas tout à fait opposées à la vaccination, mais qui sont isolées ou marginalisées, éloignées du système de soin et non réceptives aux incitations mises en place. À titre d’exemple, les plus de 80 ans en France sont les moins bien vaccinés à l’exception des enfants et adolescents (5-17 ans), avec 10 points de couverture vaccinale en moins que les 70-79 ans.

5.   La défiance envers l’industrie et le rôle des professionnels de santé de proximité

La défiance des Français envers l’industrie pharmaceutique est connue ; il semble néanmoins qu’elle ait été particulièrement prégnante dans cette campagne de vaccination. La thèse d’une influence des industriels sur la campagne vaccinale a clairement été formulée au cours des auditions. La défiance et les accusations de manipulation formulées à l’encontre de la firme américaine Pfizer, l’une des principales entreprises du « Big Pharma », tiennent certainement au fait que la France a largement plus administré le vaccin Comirnaty (Pfizer/BioNTech) que les autres vaccins disponibles.

Le LEEM a tenu à rappeler en audition que si les laboratoires signalent bien des effets indésirables à la pharmacovigilance, ils n’interviennent pas dans le processus d’évaluation des signaux. Dans le cadre d’une telle campagne, ils ont d’ailleurs l’interdiction de faire la promotion du vaccin qu’ils commercialisent.

Des actions en justice intentées aux États-Unis ont exigé que la Food and Drug Administration, l’agence sanitaire responsable de l’attribution des AMM, rende publique une série de documents qui ont été communiqués par la firme dans le cadre de l’obtention d’une mise sur le marché outre-Atlantique. La publication de ces documents confidentiels, dès lors rendus facilement accessibles sur les réseaux sociaux, a donné un sentiment d’informations cachées jusque-là à la population et la mauvaise interprétation de ceux-ci a alimenté les suspicions.

À l’inverse, les professionnels de santé de proximité sont connus pour être un levier majeur d’incitation à la vaccination[87]. Ce point de vue est partagé par les experts en santé publique mais aussi par les médecins eux-mêmes. Deux épisodes ont illustré en France l’importance du dialogue médecin – patient : la frilosité des gynécologues et autres professionnels de la périnatalité à recommander la vaccination de la femme enceinte dans les premiers temps de la campagne et la frilosité des pédiatres à recommander celle des enfants. En effet, ces deux catégories de personnes étaient ou sont toujours relativement mal vaccinées.

B.   Une place insuffisante pour la communication sur les effets indésirables dans la campagne vaccinale

C’est l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé qui est responsable de la communication sur les effets indésirables. Le dispositif de communication mis en place pour accompagner la campagne vaccinale a été tout autant inédit que la campagne elle-même, comme l’a affirmé l’Agence ; cela a également été souligné par d’autres personnes entendues. Le dispositif a à la fois consisté à faire connaître le fonctionnement de la pharmacovigilance et la possibilité de déclarer mais aussi à porter à la connaissance du grand public l’existence d’effets indésirables.

1.   Une communication pour inciter à déclarer les effets indésirables

a.   À destination des professionnels de santé

Comme cela a été expliqué précédemment, la déclaration d’effets indésirables suspectés d’être dus à un produit de santé n’est pas dans les habitudes des médecins. Ils y sont peu formés et pour ceux dont l’emploi du temps est surchargé, cette déclaration est un processus fastidieux et administratif. Il convient donc d’encourager la pratique dans le cadre d’une campagne vaccinale conduite avec des vaccins sur lesquels le recul est relativement faible – les instances sanitaires ont indiqué s’être inscrites dans cette démarche.

L’Agence a mis à la disposition des professionnels de santé vaccinateurs des infographies sur des supports affichés dans les centres de vaccination pour indiquer la démarche à suivre pour déclarer des effets indésirables. Ces moyens de communication ont été élaborés en lien avec la Task force vaccination du Ministère des solidarités et de la santé.

Une grande partie des vaccinations a néanmoins été effectuée par des médecins, pharmaciens ou infirmiers libéraux, en cabinet ou à domicile, qu’il convenait également d’informer. Tous les professionnels de santé susceptibles de constater des effets indésirables potentiellement dus à la vaccination étant légalement tenus de les déclarer, ils doivent donc tous être ciblés par cette communication. L’Agence a mis à disposition sur son site internet les informations ad hoc à destination des professionnels de santé.

Figure 8 : Extrait du guide de déclaration à destination des professionnels de santé[88]

Une démarche active s’assurant de la mise à disposition de l’information et de la bonne réception de celle-ci par les professionnels de santé sur le terrain aurait été bienvenue. Elle peut être directe – de l’Agence vers les professionnels de santé – ou indirecte, en sollicitant les ordres, syndicats ou sociétés savantes pour organiser la transmission de l’information. Le Collège de médecine générale serait sur le point de signer une convention avec l’Agence pour rédiger des notes d’information à destination des médecins, sur des thèmes sur lesquels l’Agence souhaite alerter les médecins généralistes.

La sous-déclaration aura probablement moins été un problème dans cette campagne vaccinale qu’elle ne l’est le reste du temps, dans la mesure où les vaccins contre la Covid-19 ont fait l’objet d’une attention particulière et où le nombre de personnes recevant le vaccin était tellement important qu’un effet indésirable rare survenait forcément chez un nombre de personnes plus important qu’un effet survenant avec la même fréquence mais pour un médicament rarement utilisé. Il convient donc de réfléchir à l’incitation des professionnels de santé à déclarer les effets indésirables de façon générale et pas uniquement dans ce contexte exceptionnel.

Comme évoqué précédemment[89], les associations et collectifs ont dénoncé le refus de certains médecins de déclarer des effets indésirables. Au-delà des facteurs précédemment évoqués – la faible culture de déclaration, le manque de temps pour le faire, le jugement médical considérant que le rôle du vaccin était improbable – les personnes entendues ont aussi attribué de tels refus à une ambiance générale qui consisterait à minimiser la portée des effets indésirables.

Si la loi prévoit, depuis 2012, que les professionnels déclarent tout effet indésirable dont ils ont connaissance, certains acteurs de la pharmacovigilance considèrent toujours que cette obligation devrait se cantonner aux effets indésirables graves ou inattendus, comme le prévoyait la version antérieure de la loi. C'est par exemple le cas de Didier Lambert, président de l’association de patients E3M et membre du comité scientifique permanent de pharmacovigilance de l’ANSM, qui suggérait dans la presse de « remettre à plat la pharmacovigilance pour que seule la déclaration des effets indésirables graves et des effets indésirables nouveaux (c’est-à-dire non encore répertoriés) soit obligatoire » [90].

Au-delà de la communication pour inciter à la déclaration, il était important d’organiser la bonne transmission de l’information sur les effets indésirables avérés, suspectés et en cours d’étude auprès des professionnels de santé, pour s’assurer de leur vigilance mais aussi les guider dans leur pratique. Les cardiologues hospitaliers interrogés ont assuré que la suspicion d’un lien entre myocardites et vaccination contre la Covid-19 a très rapidement été connue de la profession, néanmoins, de nombreux témoignages attestent d’une méconnaissance des professionnels de santé, notamment libéraux, à l’égard des effets indésirables connus et à l’étude. Dans la mesure où les visiteurs médicaux ont également un rôle d’informateur, leur diminution – qui n’est pas à déplorer pour autant puisqu’il n’y a pas de garantie sur l’objectivité des informations données – a potentiellement induit un défaut d’information des professionnels de santé au sujet des vaccins. Il convient que les autorités sanitaires tiennent pleinement ce rôle.

L’information ayant trait aux effets indésirables, pourtant disponible sur le site internet de l’ANSM, mais aussi aux différents schémas vaccinaux – les doctrines ayant évolué à plusieurs reprises quant aux délais préconisés – aurait dû être fournie de manière active aux professionnels de santé. Cela a été le cas par le biais des « DGS-Urgent »[91] qui ne sont toutefois par satisfaisants car ils n’apportent pas la clarté requise.

b.   Et des usagers

L’Agence a indiqué avoir communiqué vers le grand public pour l’informer de la possibilité ouverte aux usagers de déclarer directement les effets indésirables qu’ils suspectent d’être en lien avec la vaccination via le portail dédié. La communication a en particulier été faite par voie d’affiche, notamment dans les centres de vaccination. L’affiche proposée par l’Agence est une infographie simple, permettant aux usagers de comprendre quels effets indésirables nécessitent une déclaration et facilitant l’accès au portail de déclaration via un QR code.

Dans cette communication, il peut être regretté que certains effets indésirables soient considérés comme non graves – c’est le cas des réactions allergiques suscitant de l’urticaire ou un gonflement du visage, situations médicales qui nécessitent une vigilance particulière, selon leur ampleur. Dans la mesure où ils peuvent être impressionnants pour ceux qui les expérimentent, le fait que l’infographie décourage leur déclaration peut être mal perçu.

Figure 9 : Extrait de l’affiche « Comment déclarer les effets indésirables ? » à destination des patients

Cette communication a également eu lieu dans les médias, sur le site internet de l’Agence et sur les réseaux sociaux, ainsi que par l’intermédiaire des associations de patients. Par ces moyens, l’Agence a également communiqué plus largement sur le processus de pharmacovigilance en lui-même et sur le fait qu’un dispositif exceptionnel était mis en place pour surveiller l’apparition d’effets indésirables au cours de cette campagne vaccinale et ce, dès décembre 2020. La portée de cette communication semble néanmoins avoir été limitée, ce que suggère le faible engagement vis-à-vis de tweets émis par l’Agence (nombre de réponses, de « j’aime » et de retweets) ou le faible nombre d’abonnés à sa chaîne Youtube (moins de 3 000).

Figure 10 : Tweet réalisé par l’ANSM

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Figure 11 : Infographie mise en ligne sur le site de l’ANSM rappelant le fonctionnement de la pharmacovigilance et de la pharmacoépidémiologie pour suivre les effets indésirables dus aux vaccins contre la Covid-19
 

Si les personnes entendues semblent bien avoir eu connaissance de la possibilité de déclarer elles-mêmes les effets indésirables observés, les associations et collectifs ont cependant regretté la complexité de la déclaration et ont affirmé que de nombreuses personnes n’ont pas réussi à aller au bout du processus. En outre, la possibilité de déclarer par téléphone ou simple mail n’est pas connue. Il est apparu que le fait de devoir reporter le numéro de lot du vaccin dans la déclaration via le portail pouvait constituer une difficulté, même si cette information figure dans le certificat de vaccination et que celui-ci peut être à nouveau édité par tout professionnel de santé vaccinateur. Si l’exhaustivité des déclarations n’est pas recherchée, chaque difficulté étant vue comme un obstacle à la déclaration pour beaucoup, il conviendrait d’actionner tous les leviers facilitant la déclaration mentionnée précédemment[92].

Finalement, devant la hausse des déclarations à la pharmacovigilance observées en 2021 par rapport à 2020 (près de 160 000 au lieu d’un peu plus de 40 000), l’ANSM a estimé que l’incitation à la déclaration avait bien fonctionné. Il convient de remarquer que ces incitations doivent nécessairement s’accompagner d’un redimensionnement du réseau de pharmacovigilance en lui attribuant les financements nécessaires à la gestion de ce volume de déclarations. Les ajustements réalisés en 2021 et 2022 bien que réels n’ont pas été suffisants et n’ont pas permis aux centres de traiter les déclarations aussi complètement qu’ils en avaient l’habitude (réponse aux patients ou aux professionnels déclarants, suivi des cas non guéris au moment de la déclaration). Cette absence de réponse ou de suivi de la part des CRPV a été regrettée à maintes reprises. La rendre possible améliorerait très certainement la confiance de la population dans le processus de pharmacovigilance. A contrario, les CRPV ont également déploré avoir un taux de réponse assez faible (entre 25 et 50 % selon les centres) lorsque des précisions sont demandées aux patients à la suite d’une déclaration sur le portail.

2.   Mais une communication sur l’existence d’effets indésirables peu visible

a.   L’obligation d’une information loyale des citoyens

Le Code de la santé publique prévoit que le corps médical doit aux patients une « information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose »[93]. Des témoignages ont illustré l’hétérogénéité de la complétude de l’information donnée au cours de l’entretien avec le médecin précédant la vaccination.

En outre, il semblerait que les notices imprimées sur feuille volante par les industriels à destination des usagers se faisant vacciner en centre de vaccination n’aient pas été systématiquement mises à disposition. Ces feuilles volantes avaient pour objectif de pallier le fait que le conditionnement multidoses ne permet pas de délivrer une notice avec chaque dose de vaccin ; y est pourtant dressée la liste des effets indésirables figurant dans le résumé des caractéristiques du produit.

La communication des autorités pour inciter à la vaccination s’est heurtée à deux objectifs qu’il est malaisé de bien articuler : d’une part, promouvoir la vaccination, d’autre part, informer de façon complète sur les effets indésirables existant et les incertitudes.

Des critiques ont été émises, estimant que la communication était disproportionnée en faveur de la vaccination, ne mettant pas le citoyen en situation de prendre une décision libre et éclairée. Certaines voix critiques ont regretté que la communication soit surtout accentuée sur les bénéfices de la vaccination, en donnant plus de visibilité aux rares cas de forme grave de la Covid-19 chez des personnes sans comorbidités qu'aux rares cas d’effets indésirables – qu’il s’agisse de la communication des autorités (via la publicité affichée et des spots télévisuels augurant d’un retour à la vie normale) ou de l’information donnée par les médias. Ce point de vue dénonçait la persistance d’un certain paternalisme des autorités sanitaires, ainsi qu’une propension des autorités à nier l’existence des effets secondaires.

Néanmoins, il y a bien eu une transparence sur les effets indésirables, quitte à diminuer l’adhésion à la vaccination alors que la balance bénéfices/risques restait très positive, pour certaines tranches d’âge. Notamment, et alors qu’il y avait une tension sur les doses (notamment lorsque les thromboses atypiques liées au vaccin Vaxzevria sont apparues). Les Pr. Alain Fischer, Bernard Bégaud et Antoine Pariente, ont d’ailleurs affirmé que les bénéfices liés à la vaccination n’ont pas été suffisamment mis en avant. C’est le cas de la capacité du vaccin à jouer sur l’infection et la transmission du virus qui, si elle est moins bonne qu’escompté, n’est pas nulle et devrait toujours être prise en compte.

Dans un contexte où, au début de la campagne, beaucoup de voix critiques s’exprimaient dans les médias, les citoyens pouvaient légitimement s’attendre à un discours de probité de la part des autorités sanitaires et politiques. L’humour ne paraît alors pas la façon la plus adaptée de faire la promotion de la vaccination, quand le message[94], pris au premier degré, nie l’existence d’effets indésirables pourtant classiques.

S’agissant des acteurs de la pharmacovigilance, soumis aux bonnes pratiques de pharmacovigilance[95], la transparence dont ils ont fait preuve a été saluée : les rapports de surveillance établis par les CRPV rapporteurs – dont ceux-ci sont les seuls auteurs – ainsi que les fiches de synthèse réalisées par l’Agence ont été publiés sur son site internet de manière régulière et fréquente. Cependant, ces rapports sont restés relativement confidentiels dans la mesure où il faut en connaître l’existence pour les consulter.

L’Agence, dans ses infographies, a également indiqué aux citoyens les conduites à tenir (ne pas s’inquiéter et attendre que les effets passent, consulter un professionnel de santé si l’effet ne passe pas ou consulter immédiatement un professionnel de santé, en fonction de la sévérité de ces troubles), même dans le cas d’effets indésirables non encore avérés, tels que les troubles menstruels.

L’information est la clef de la confiance des citoyens envers les autorités sanitaires. Le traitement de la suspicion du lien entre vaccination et troubles menstruels en est révélateur. Lorsque ces troubles ont commencé à faire l’objet de déclarations, les autorités sanitaires ont tenu à rassurer la population en faisant passer un message insistant sur la non gravité de ces troubles – alors que certains ont pu légitimement surprendre et inquiéter, comme les métrorragies et ménorragies[96] soudaines et massives. L’absence de thèse avancée sur l’origine de ces troubles, si ce n’est l’hypothèse de l’influence du stress – hypothèse perçue comme une véritable non-considération des problèmes déclarés par les femmes qui n’avaient jusqu’ici jamais eu de tels effets sur leur cycle menstruel – a conduit à imaginer que la vaccination pouvait être risquée pour la femme enceinte. Ce sujet est un exemple emblématique de la nécessité de communiquer à grande échelle car du fait que les troubles menstruels soient largement tabous, il est possible que des femmes n’aient pas consulté et soient restées sans réponse.

Par ailleurs, ces effets indésirables sont toujours au stade de suspicion en attente de la décision du Comité européen de pharmacovigilance. Étant donné l’avis des CRPV et de la société savante de gynécologie, plutôt favorables à considérer que le lien avec le vaccin est avéré, il est regrettable que cette reconnaissance n’ait pas déjà eu lieu au niveau national, en attente de la décision européenne.

L’information sur les effets indésirables donnée au grand public gagnerait également à inclure des éléments de comparaison avec d’autres pays européens. En effet, la base de données de pharmacovigilance européenne ainsi que son équivalent américain a été utilisée à plusieurs reprises dans les analyses réalisées par des acteurs extérieurs à la pharmacovigilance. Une telle comparaison, réalisée par l’Agence, en termes de volume et de nature des effets déclarés, aurait été bienvenue. Actuellement, l’Agence se borne à faire un compte-rendu des réunions du Pharmacovigilance Risk Assessement Committee de l’Agence européenne du médicament.

Il est apparu que les analyses réalisées à partir de ces banques de données et des rapports de pharmacovigilance français ne tenaient pas compte du fait que toutes les déclarations d’évènements y sont enregistrées, que le rôle du vaccin ait été exclu ou non. Il serait utile que des éléments pédagogiques de mise en contexte destinés au grand public figurent sur ces rapports afin d'éviter toute mésinterprétation.

Une communication se basant sur les données, qu’il s’agisse de la démonstration de l’efficacité du vaccin ou de l’existence d’effets indésirables (et plus claires quant à l’imputabilité du vaccin en ce qui concerne ce dernier point) aurait le mérite d’être plus objective et de mieux apprécier les bénéfices et les risques associés à la vaccination. Sans nier l’existence de situations individuelles dramatiques, la communication doit surtout chercher à transmettre une information objective sur les risques et les bénéfices, qui est la moins susceptible de biaiser le jugement.

b.   Une non-reconnaissance des effets indésirables qui peut avoir des conséquences à l'échelle individuelle

Les témoignages reçus ainsi que les représentants d’associations et collectifs ont fait état d’un manque de reconnaissance de leur qualité de victime d’effets indésirables, non seulement auprès des médecins – qui, d’après eux, opposent souvent, et sans chercher à en savoir plus, un non catégorique sur la possibilité d’un lien entre les symptômes et la vaccination – mais aussi vis-à-vis de la population générale. Ont été décrites des situations de mise au ban du cercle social, voire familial, parce que l’entourage réfute la thèse d’un lien entre les symptômes d’une personne et le vaccin.

Ces personnes déplorent être catégorisées « antivax » et « complotistes » alors qu’elles ont justement adhéré à la vaccination. D’après elles, c’est l’ambiance générale qui consiste à minimiser la portée des effets indésirables qui est responsable de cette stigmatisation. Certaines personnes ont d’ailleurs souhaité médiatiser ce qui leur arrivait et ont le sentiment d’avoir été confrontées à un « mur médiatique » les en empêchant, ce qui a été très mal perçu. Alors que le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale alertait sur le risque d’une stigmatisation des personnes non vaccinées dans sa note publiée le 3 février 2022, il apparaît essentiel que les autorités prennent la mesure de cette autre stigmatisation. Le manque d’écoute ressenti a probablement participé à alimenter la défiance qui s’est installée dans une partie de la population.

En effet, ce phénomène a des conséquences psychologiques qui parfois se rajoutent à la détresse directement liée aux symptômes ressentis. Des cas de tableaux complexes ont été rapportés, pour lesquels les patients subissent une errance thérapeutique, une absence d’amélioration, ainsi qu’un isolement social progressif à cause des symptômes, notamment lorsqu’ils ne permettent pas de continuer une activité professionnelle – situation difficile, similaire à celle dans laquelle se trouvent les patients atteints de Covid-long.

Donner les moyens aux centres de faire un retour, tant aux usagers qu’aux professionnels, permettrait aux personnes déclarant un évènement indésirable d’avoir un avis médical expert sur la probabilité d’un lien avec la vaccination et ainsi de restaurer la confiance dans le système de pharmacovigilance.

En outre, il est important d’agir pour les patients en situation d’errance médicale. Pour les cas complexes où des explorations pluridisciplinaires sont nécessaires, notamment proches de la symptomatologie du Covid-long, une prise en charge des patients par les parcours de soins mis en place sur le territoire apparaît opportune. Il importe qu’une communication des autorités de santé en ce sens ait lieu pour que cette prise en charge soit possible partout. La prise en charge des patients qui le nécessitent dans ce type de structure permet également un examen pluridisciplinaire de la pertinence d’une contre-indication à la vaccination, puisque c’est la procédure requise à la suite de l’avis de la Haute Autorité de santé en cas d’effet indésirable d’intensité modérée ou grave consécutif à une dose de vaccin[97].

 


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   ConClusion

Les rapporteurs soulignent que la présente étude a été conçue comme un rapport d’étape, qu'ils recommandent de compléter étant donné l'évolution rapide des connaissances et le fait que certains effets indésirables sont encore en cours d'évaluation. Après le prochain renouvellement de l’Office, il appartiendra à un groupe éventuellement élargi de rapporteurs de déterminer ce que pourrait être la substance d’un rapport final. 

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À l’issue de leurs présents travaux, les rapporteurs estiment que le système de pharmacovigilance s’est remarquablement mobilisé et a accompagné efficacement la campagne vaccinale massive de lutte contre la pandémie de
Covid-19.

Cette mobilisation est tout d’abord visible à l’échelon des Centres régionaux de pharmacovigilance qui ont examiné les déclarations d’évènements indésirables dans un volume inédit et qui ont fait remonter une centaine de signaux. L’efficacité de ce dispositif, quasi-unique en Europe, a été soulignée – la France est l’un des pays qui contribuent le plus aux bases de données internationales. Cependant, certaines difficultés rencontrées dans le processus de déclaration, tant au niveau des professionnels de santé que des particuliers, ont nourri chez certains le sentiment – infondé – d’être confronté à une volonté d’opacité. Le réseau de pharmacovigilance mérite d’être conforté alors que les financements n’ont pas été à la hauteur du surplus d’activité et que des réformes structurantes pourraient affecter son fonctionnement.

Cette mobilisation a également été constatée à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui a fait montre d’une transparence inédite. Du médecin aux autorités sanitaires et politiques, celle-ci est la pierre angulaire d’un système qui, lorsque des effets secondaires graves – tels que les thromboses atypiques – sont apparus, a rapidement réagi pour réévaluer la pertinence d’utiliser le vaccin qui en était la cause. Néanmoins, les rapporteurs regrettent que l’Agence ne se soit pas prononcée à l’échelle nationale sur l’existence d’un lien entre les troubles menstruels et certains vaccins contre la Covid-19, en l’absence de prise de position du Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance européenne. En effet, leur non-reconnaissance alimente la défiance des citoyens dans le système tout entier.

Si la pharmacovigilance repère des signaux à partir de l’observation d’un nombre de cas qui peut être relativement réduit, la pharmacoépidémiologie est en mesure de déceler si, à l’échelle de larges groupes de personnes ou à l’échelle populationnelle, un symptôme survient plus fréquemment qu’attendu, à la suite d’une vaccination. Les deux démarches sont donc très complémentaires. Ce type d’analyse permet également la comparaison avec l’incidence du même symptôme à la suite de la maladie Covid-19, un élément supplémentaire à prendre en compte dans l’évaluation de la balance bénéfices/risques. L’exploitation par le GIS EPI-PHARE des bases de données de santé médico-administratives – qualifiées de « trésor national » – complétées par les systèmes d’information ad hoc SI-DEP et VAC-SI a effectivement permis de quantifier des signaux observés par la pharmacovigilance et d’apporter des informations quant à l’efficacité des vaccins en vie réelle et au vu de l’évolution de la pandémie.

Ce dispositif de surveillance a permis d’identifier plusieurs effets indésirables associés aux vaccins contre la Covid-19, qui peuvent parfois s’avérer graves. Ceux-ci doivent néanmoins être appréciés au regard des bénéfices apportés par la vaccination. La balance bénéfices/risques, utilisée à cet effet, n’est pas le résultat rigoureux et objectif d’une formule mathématique mais le produit d’une appréciation collégiale prenant en compte de multiples paramètres ; elle est au cœur des discussions d’experts qui conduisent à formuler des recommandations vaccinales. Le fait qu’elle dépende du contexte épidémique rend son appréciation difficile alors que les mesures prises par les autorités doivent être cohérentes avec la situation sanitaire et que les citoyens doivent percevoir cette cohérence – à cet égard, les rapporteurs saluent le récent avis de la Haute Autorité de santé[98], qui anticipe différents scénarios de reprise épidémique à l’automne prochain.

Comme cela a été souligné au cours des entretiens, la communication qui accompagne une campagne vaccinale de cette ampleur est tout autant essentielle que délicate à mettre en œuvre. Dans le cas présent, il était important d’emporter l’adhésion de la population pour rapidement réduire la morbi-mortalité associée à la Covid-19, directement en vaccinant les personnes à risque de forme grave, et indirectement en réduisant la circulation du virus – les vaccins permettant bien de limiter cette circulation, sans toutefois bloquer la transmission à l'échelle individuelle.

Le début de la campagne vaccinale a été marqué par une bonne dynamique d’adhésion. À la fin du printemps 2021, alors que l’efficacité de la vaccination contre la transmission du virus apparaissait satisfaisante et que la dynamique de vaccination baissait, les autorités ont mis en place un passe sanitaire pour à la fois protéger certains lieux du virus mais aussi inciter la population hésitante à se faire vacciner. Cette politique a été efficace et a atteint ses objectifs sanitaires. Puis, pour tenter de faire aller à la vaccination les 5 à 10 % de personnes qui s’en tenaient à l’écart, un passe vaccinal a été mis en place début 2022. Force est de constater que ses objectifs n’ont pas été atteints et il est à craindre que cette politique plus contraignante ait des conséquences sur l’adhésion à la vaccination en général.

La crainte d’effets indésirables demeure la principale raison de non-adhésion à la vaccination, dans un contexte où les vaccins utilisés en France reposent sur de nouvelles technologies. Or la communication institutionnelle sur les effets indésirables a été relativement discrète en comparaison de la communication incitant à la vaccination, sauf lorsqu’il a été question des effets indésirables graves comme ceux associés au vaccin Vaxzevria. Cet épisode a illustré le « coût » de la transparence en matière d'adhésion à la vaccination puisque la réputation du vaccin a été définitivement entachée, ce qui a conduit à ce qu’il soit sous-utilisé, à un moment où la France ne disposait pas encore de suffisamment de doses pour protéger sa population et alors que la balance bénéfices/risques restait positive pour la majorité des personnes.

L’adoption d’un discours de vérité par les autorités, en accord avec les avis émis par les agences sanitaires, était nécessaire pour éviter que tout interstice entre les recommandations nationales et l’état des perspectives scientifiques soit investi par les désinformateurs. Dans un contexte où à la fois l’agent pathogène et le vaccin sont relativement nouveaux, cela implique également de ne pas trop s’avancer sur les connaissances à moyen et long terme – en témoigne la déception suscitée par l’efficacité finalement modeste du vaccin sur la transmission du virus, notamment les variants les plus récents, alors qu’atteindre une immunité collective était l’un des objectifs mis en avant pour promouvoir la vaccination.

Une communication transparente et complète sur l’existence d’effets indésirables, une action vigoureuse pour encourager les professionnels de santé à déclarer des évènements indésirables mais aussi un soutien adapté au système de pharmacovigilance dans son ensemble sont nécessaires pour garantir les conditions de la confiance des citoyens dans la capacité des autorités sanitaires à assurer leur sécurité. Ceci est d’autant plus important que les plateformes vaccinales utilisées pour faire face au SARS-CoV-2 ont montré leur pertinence et qu’elles seront certainement à nouveau mobilisées si un nouvel agent pathogène émerge à l’avenir.

Enfin, la confiance ne peut se construire que si l’on reconnaît que certaines personnes souffrent d’effets indésirables, qui, pour une part d’entre elles, se trouvent marginalisées et parfois en situation d’errance médicale.

En dernier lieu, les rapporteurs tiennent à affirmer solennellement que nul ne peut accepter une telle polarisation de la société entre les défenseurs du vaccin et ceux qui craignent qu’ils soient la cause d’effets indésirables nombreux et graves. La vérité scientifique, qui n'exclue pas les nuances et peut évoluer, doit être la référence qui guide les décisions politiques et permet d'apaiser les tensions trop nombreuses.

 


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   EXAMEN DU RAPPORT PAR L’OFFICE

 

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques s’est réuni le 9 juin 2022 afin d’examiner le projet de rapport sur « Les effets indésirables des vaccins contre la Covid-19 et le système de pharmacovigilance français », présenté par Gérard Leseul, député, et Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, sénatrices.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. ‑ Je vous souhaite la bienvenue pour notre toute dernière réunion de la législature. Nous devons examiner un rapport d’étape très attendu sur les effets indésirables des vaccins contre la Covid-19 et le système de pharmacovigilance français, élaboré par Gérard Leseul, député, et Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, sénatrices. Je propose d’entrer directement dans le vif du sujet.

Durant les cinq ans pendant lesquels j’ai siégé à l’OPECST, il s’agit – de très loin – du sujet sur lequel j’ai été le plus interpellé, aussi bien virtuellement que physiquement, avec des dizaines de demandes en circonscription sur ce qu’il allait advenir du rapport, sur les raisons de tel ou tel entretien ou absence d’entretien. Nous avons été pris à partie par des représentants de groupes extraordinairement méfiants, pour ne pas dire davantage, mais aussi par leurs adversaires, qui se sont également montrés très durs envers nous. J’ai même reçu, de façon tout à fait inédite, une sommation d’huissier pendant l’audition publique du 24 mai dernier, nous enjoignant d’auditionner telle et telle personne et de répondre à telle et telle question, les auteurs de cette sommation se fondant notamment sur l’argument selon lequel le vaccin serait un poison. Bien évidemment, je n’ai tenu aucun compte de cette sommation, mais ceci témoigne du fait que cette étude s’est déroulée dans un contexte de grande tension.

La grande majorité des personnes qui m’ont interpellé ont toutefois reconnu que l’audition publique avait bien été menée, de façon respectueuse et contradictoire, et que l’Office n’avait pas versé dans un parti pris flagrant. Que les rapporteurs, auxquels je laisse la parole sans plus tarder, soient félicités pour ce premier satisfecit.

Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. Depuis maintenant plus d’un an, la vaccination fait partie de nos instruments de lutte contre la pandémie de Covid-19. À l’heure actuelle, près de 80 % de la population française a reçu une primo-vaccination complète et plus de 59 % une dose de rappel. Cette campagne vaccinale d’une envergure sans précédent a toutefois été source d’inquiétudes pour une partie de la population, notamment en ce qui concerne la sécurité de vaccins développés à une vitesse inédite et grâce à de nouvelles plateformes vaccinales.

À la suite d’une pétition déposée au Sénat, la commission des affaires sociales du Sénat a saisi l’Office sur l’état des lieux des effets indésirables consécutifs à la vaccination contre la Covid-19 et sur le système français de pharmacovigilance. Avec mes collègues, nous avons conduit 23 auditions sous forme d’entretiens, qui nous ont permis d’entendre plus de 50 intervenants du 28 mars au 30 mai 2022, ainsi que l’audition publique du 24 mai 2022 dont il a été question dans le propos introductif de Cédric Villani, conduite dans un format contradictoire comme c’est l’usage à l’Office.

Nous vous présentons aujourd’hui notre rapport d’étape, qui rend compte de ces travaux et s’intéresse au dispositif de surveillance et d’évaluation des produits de santé, aux effets indésirables induits par les vaccins contre la Covid-19 et à la communication ayant entouré ces effets indésirables tout au long de la campagne de vaccination.

Afin d’accélérer la mise à disposition des vaccins contre la Covid-19 au vu des conséquences sanitaires des premiers temps de la pandémie, l’Agence européenne du médicament (EMA) a mis en place un système d’évaluation en continu appelé « rolling review », qui a permis d’analyser les données fournies par les laboratoires initiateurs des vaccins au fur et à mesure de leur transmission à l’Agence.

La mise à disposition des vaccins a également été accélérée par l’attribution d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle, procédure permettant l’octroi d’une AMM sur la base de données cliniques momentanément incomplètes si, et seulement si, le bénéfice de la disponibilité immédiate l’emporte sur le risque représenté par les données manquantes.

Cet aspect conditionnel a été source de nombreuses critiques, certains citoyens ayant le sentiment de « faire partie d’une expérimentation ». Pourtant, l’octroi d’une AMM conditionnelle n’est pas un procédé nouveau et est particulièrement légitime dans un contexte de besoin médical non couvert, comme c’était le cas en 2020. En outre, le choix du régime d’AMM conditionnelle permet de laisser la porte ouverte à de nouveaux vaccins.

Si les données de sécurité des vaccins dont l’EMA a disposé pour les AMM avaient peu de recul, il faut souligner qu’historiquement les effets indésirables liés à des vaccins sont toujours apparus dans les mois suivant leur administration et que les essais cliniques ne sont de toute façon pas en mesure de déceler les effets indésirables rares et/ou inattendus en raison de leurs effectifs limités.

Une fois les vaccins utilisés en population générale, c’est le système de pharmacovigilance qui a assuré la détection des potentiels effets indésirables associés. Ce système s’est remarquablement mobilisé pour accompagner la campagne vaccinale, d’une échelle inédite.

Ceci s’est traduit tout d’abord à l’échelon des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), qui ont examiné les déclarations d’évènements indésirables dans un volume tout aussi inédit et fait remonter une centaine de signaux à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Les CRPV réalisent à la fois un examen individuel des cas cliniques, mais également une analyse d’ensemble des évènements indésirables déclarés à la suite d’une vaccination contre la Covid-19. L’efficacité de ce dispositif, quasi-unique en Europe, a été soulignée. Le réseau mérite d’être conforté, dans un contexte où les financements n’ont pas été à la hauteur du surplus d’activité et où des réformes structurantes menacent son fonctionnement.

Ce système reposant sur la déclaration des événements constatés, il importe que la procédure de déclaration soit accessible à tous, professionnels de santé comme personnes directement concernées, et rendue plus facile. En effet, les professionnels de santé n’ont majoritairement pas la culture de la déclaration et disposent de très peu de temps à consacrer à cette tâche, qu’ils considèrent administrative. Cependant, la déclaration doit rester suffisamment informative, avec une « présentation du cas clinique » détaillée, pour que les Centres qui les analysent puissent établir l’existence ou l’absence d’un lien avec la vaccination.

Cette mobilisation a également été constatée à l’ANSM, qui a fait montre d’une transparence inédite en publiant régulièrement les rapports de pharmacovigilance sur son site internet.

Si la pharmacovigilance repère des signaux à partir de l’observation d’un nombre de cas qui peut être relativement réduit, la pharmaco-épidémiologie est en mesure de déceler si, à l’échelle de larges groupes de personnes ou à l’échelle populationnelle, un symptôme survient plus fréquemment qu’attendu, à la suite d’une vaccination. Les deux démarches sont donc très complémentaires. L’exploitation par le GIS EPI-PHARE des bases de données de santé médico-administratives, qualifiées de « trésor national », complétées par les systèmes d’information ad hoc SI-DEP et VAC-SI a effectivement permis de quantifier des signaux observés par la pharmacovigilance, mais également d’apporter des informations sur l’efficacité des vaccins en vie réelle, utiles à l’estimation de la balance bénéfices-risques associée à chaque vaccin.

Cette balance est un élément central dans l’élaboration des recommandations vaccinales, permettant de garantir le meilleur niveau de sécurité des vaccins. Elle n’est pas le résultat rigoureux et objectif d’une formule mathématique, mais le produit d’une appréciation collégiale prenant en compte de multiples paramètres et les incertitudes qui y sont liées ; elle est au cœur des discussions d’experts qui conduisent à formuler les recommandations vaccinales. Elle doit être régulièrement actualisée, au vu des connaissances apportées par la pharmacovigilance et la pharmaco-épidémiologie (sur la sécurité et l’efficacité des vaccins) mais également parce qu’elle dépend du contexte épidémique (circulation actuelle et prévue du virus et évolution de la maladie). Cette dépendance au contexte épidémique rend son appréciation difficile, alors que les mesures prises par les autorités doivent être cohérentes avec la situation sanitaire et que les citoyens doivent percevoir cette cohérence. À cet égard, nous souhaitons saluer le récent avis de la Haute Autorité de santé, qui anticipe différents scénarios de reprise épidémique à l’automne prochain.

De plus, si cette balance est appréciée à l’échelle populationnelle, elle doit être évaluée différemment pour les différents sous-groupes de la population (selon l’âge, la présence de comorbidités, etc.), concernés par des bénéfices et des risques différents.

L’aspect qualitatif et populationnel de la balance bénéfices-risques et les nombreux paramètres dont elle dépend la rendent difficile à appréhender par la population. Ils peuvent aussi entraîner des incompréhensions, voire créer de la défiance. Aussi, un effort d’objectivation et de transparence est nécessaire afin d’éclairer le bien-fondé des décisions prises par les instances sanitaires.

Mme Sonia de la Provôté, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. Les effets indésirables liés aux vaccins sont d’origine immunologique : ils peuvent être liés à la composante innée du système immunitaire comme à sa composante adaptative. Si l’inquiétude s’est un temps focalisée sur la protéine virale de spicule, que les vaccins contre la Covid-19 font produire aux cellules humaines et qui a été qualifiée de toxique, il semble que c’est plutôt la plateforme vaccinale qui soit susceptible d’induire ces effets indésirables. En effet, parmi les effets les plus marquants, les thromboses atypiques sont associées aux vaccins à adénovirus (les vaccins d’AstraZeneca et de Janssen), alors que les myocardites sont majoritairement liées aux vaccins à ARN (les vaccins de Pfizer/BioNTech et Moderna). Nous présentons dans le rapport le traitement de certains des principaux effets indésirables, dont ces thromboses atypiques et ces myocardites qui ont toutes deux conduit à une modification des recommandations vaccinales.

L’adhésion à la vaccination dépend de nombreux facteurs. La crainte d’effets indésirables demeure cependant, comme l’ont confirmé les auditions, la principale raison de non-adhésion, dans un contexte où les vaccins utilisés en France reposent sur de nouvelles technologies. Beaucoup ont redouté au tout début qu’une partie du génome viral soit intégrée au génome des cellules humaines ; mais cette crainte se serait atténuée au fur et à mesure de l’utilisation de ces vaccins, la démonstration de leur efficacité prenant le pas sur les doutes exprimés.

L’adhésion à la vaccination a beaucoup fluctué au cours de la pandémie de Covid-19, en raison d’un contexte épidémique changeant, du ressenti de la population vis-à-vis de la pandémie et du traitement médiatique de la vaccination, ce dernier point pouvant faire varier l’adhésion sur des échelles de temps très courtes.

Si la couverture vaccinale est aujourd’hui, il convient de le souligner, bien supérieure aux intentions initiales pour la primo-vaccination, l’adhésion à la dose de rappel est en revanche moins satisfaisante. Plusieurs facteurs y ont contribué en diminuant les bénéfices perçus de la vaccination : la moins grande dangerosité intrinsèque du variant Omicron et des variants qui en sont proches, ainsi que la déception quant à l’efficacité des vaccins contre la transmission du virus, notamment observée dans le contexte de la circulation de ces derniers variants, alors même que la possibilité d’atteindre une immunité collective était un argument très prégnant, qui avait amené une partie des personnes ne présentant pas de risque de forme grave de la Covid-19 à se faire vacciner.

À ce titre, la communication officielle a été difficile à appréhender. Le rôle de l’information dans l’adhésion est important et le fait que peu de médias majeurs aient questionné ouvertement l’intérêt et la sécurité de la vaccination a vraisemblablement contribué dans un premier temps au succès de la campagne vaccinale. Les réseaux sociaux, qui ont permis à des « entrepreneurs de la défiance » de véhiculer des messages décourageant la vaccination, ont finalement eu une influence limitée.

La prise de parole de scientifiques dans les médias, tels que le Pr. Axel Kahn militant pour la vaccination des professionnels de santé, a également été très bénéfique à l’adhésion.

Plus généralement, la place des scientifiques dans la gestion de cette crise a été importante : la mise en place de comités scientifiques créés spécialement pour la crise du Covid-19 a pu envoyer un message de proximité des gouvernants avec la science et de recherche du conseil scientifique le plus pertinent. Cependant, elle a aussi marginalisé les institutions établies qui portaient officiellement la parole scientifique depuis de nombreuses années, d’autant que les missions des comités ad hoc étaient parfois redondantes avec celles desdites institutions. On pense ici par exemple à la Haute autorité de santé ou à l’ANSM.

La communication qui accompagne une campagne vaccinale de cette ampleur est tout autant essentielle que délicate à mettre en œuvre. Il s’agit là d’un point fondamental, que nous avions soulevé avec force dans notre premier rapport, en décembre 2020, en insistant sur la nécessité que cette communication soit de bonne qualité et transparente. Il a été regretté que la campagne vaccinale ait été menée par des acteurs politiques et non par les institutions telles que la Direction générale de la santé et Santé publique France, qui certes, dans les faits, ont été à la manœuvre, mais en second plan. La campagne de vaccination risquait en effet de pâtir de la défiance qui perdure vis-à-vis des gouvernants en France, ravivée à plusieurs reprises, notamment au début de la crise sanitaire, par la polémique sur les masques, qui a constitué un événement majeur. D’autres épisodes ont instauré un doute sur l’articulation effective de la décision publique avec les meilleures connaissances scientifiques disponibles : on peut citer les promesses de retour à la vie normale grâce à la vaccination, alors que les connaissances scientifiques à date ne permettaient pas de l’affirmer avec certitude, la non prise en compte de la capacité du virus de se transmettre par aérosol ou encore le débat sur la pertinence d’un allongement du délai entre les deux premières doses de vaccin.

La portée limitée des données cliniques obtenues par les industriels comme par les scientifiques (nous avions évoqué dans nos précédents rapports la difficulté à mettre en place des cohortes suivies par plusieurs équipes) et la prise en compte, en conséquence, d’études observationnelles ou dites « de vie réelle », jugées moins robustes que des études cliniques et dont les cohortes ont par ailleurs été difficiles à mettre en place, pour établir certaines recommandations vaccinales ont ainsi été mal perçues. C’est le cas du recours aux AMM conditionnelles, procédure qui n’est pourtant pas inédite et qui présente un certain nombre d’avantages dans le contexte de la pandémie de Covid-19, comme la possibilité d’une mise sur le marché bien plus rapide. Rappelons-nous de l’urgence sanitaire qui régnait au moment où cette décision a été prise. C’est aussi le cas de l’extension des recommandations vaccinales à des populations (enfants, femmes enceintes) qui ne figuraient pas dans les essais cliniques initiaux. Si l’on sait que les études observationnelles offrent un niveau de preuve moindre, elles ont au bout du compte concerné en l’espèce une partie beaucoup plus significative de la population générale.

Ces décisions sanitaires ont été motivées par l’urgence et les bénéfices supposés de la vaccination ; pour beaucoup, leur bien-fondé est aujourd’hui avéré. Il n’en reste pas moins que cela a donné le sentiment à de nombreuses personnes de faire partie d’un essai clinique grandeur nature. Les auditions menées ont permis de constater que cet argument est sans cesse repris, même un an et demi après le début de la vaccination. Au regard de l’évolution de la pandémie, le rapport bénéfices-risques, lui aussi évolutif, a été mal ou moins bien communiqué et s’est donc avéré source d’un déficit d’adhésion à la parole publique.

M. Gérard Leseul, député, rapporteur. Dans le cas présent, il était important d’emporter l’adhésion de la population pour rapidement réduire la morbi-mortalité associée à la Covid-19, directement en vaccinant les personnes à risque de forme grave, et indirectement en réduisant la circulation du virus. Il faut en effet rappeler clairement que l’administration des vaccins réduit la circulation du virus, même si elle ne la bloque pas.

Le début de la campagne vaccinale a été marqué par une bonne dynamique d’adhésion. À la fin du printemps 2021, alors que l’efficacité de la vaccination contre la transmission du virus apparaissait satisfaisante et que la dynamique de vaccination baissait, les autorités ont mis en place un passe sanitaire pour à la fois protéger certains lieux du virus, mais aussi inciter la population hésitante à se faire vacciner. Cette politique a été efficace et a atteint ses objectifs sanitaires.

Puis, pour tenter de convaincre de recourir à la vaccination les 5 à 10 % de personnes qui s’en tenaient à l’écart, un passe vaccinal a été mis en place début 2022. Force est de constater que ses objectifs n’ont pas été atteints et il est à craindre que cette politique plus contraignante ait des conséquences sur l’adhésion à la vaccination en général.

La communication institutionnelle sur les effets indésirables a été relativement discrète par rapport à la communication incitant à la vaccination, sauf lorsqu’il a été question des effets indésirables graves associés au vaccin Vaxzevria. Cet épisode a illustré le « coût » de la transparence en matière d’adhésion à la vaccination, puisque la réputation du vaccin a été définitivement entachée, conduisant à sa sous-utilisation, à un moment où la France ne disposait pas encore de suffisamment de doses pour protéger sa population et alors que la balance bénéfices-risques restait positive pour la majorité des personnes.

S’agissant des autres effets indésirables, si l’information est disponible dans les rapports publiés par l’ANSM – dont la démarche de transparence a été saluée lors des auditions –, encore faut-il connaître leur existence pour les consulter. Il apparaît par ailleurs que leur contenu n’est pas adapté au grand public. En témoigne par exemple la mésinterprétation qui a conduit à penser, à tort, que les évènements indésirables rapportés sont tous attribuables à la vaccination.

Dans la mesure où la portée des moyens de communication de l’ANSM auprès du grand public est limitée, le fait que l’Agence soit seule responsable de cette communication ne permet sans doute pas une bonne appropriation par le grand public de la notion même d’effet indésirable. Or, le fait de connaître leur existence (normale, pour tout produit de santé), mais aussi leur fréquence (rare), contribue à la bonne information des citoyens.

La déclaration d’effets indésirables suspectés d’être dus à un produit de santé n’étant pas dans les habitudes des médecins, il convient d’encourager cette pratique dans le cadre d’une campagne vaccinale conduite avec des vaccins sur lesquels le recul est relativement faible. C’est la démarche qui a été suivie par les autorités sanitaires. Pour autant, divers associations et collectifs ont dénoncé le refus de certains médecins de déclarer des effets indésirables.

Au-delà de la communication pour inciter à la déclaration, il était important d’organiser la bonne transmission de l’information sur les effets indésirables avérés, suspectés et en cours d’étude auprès des professionnels de santé, pour s’assurer de leur vigilance mais aussi les guider dans leur pratique.

L’information ayant trait aux effets indésirables, pourtant disponible sur le site internet de l’ANSM, mais aussi aux différents schémas vaccinaux (les doctrines ayant évolué à plusieurs reprises quant aux délais préconisés), aurait dû être fournie de manière active aux professionnels de santé. C’est la vocation des « DGS-Urgent » ; mais ceux-ci ne sont pas satisfaisants, car ils n’apportent pas la clarté requise. Nous en avons encore eu la démonstration ce matin.

L’adoption d’un discours de vérité par les autorités, en accord avec les avis émis par les agences sanitaires, était nécessaire pour éviter que tout interstice entre les recommandations nationales et l’état des perspectives scientifiques soit investi par les désinformateurs. Dans un contexte où à la fois l’agent pathogène et le vaccin sont relativement nouveaux, cela implique également de ne pas trop s’avancer sur les connaissances à moyen et long terme. En témoigne la déception suscitée par l’efficacité finalement modeste du vaccin contre la transmission du virus.

Une communication transparente et complète sur l’existence d’effets indésirables, une action vigoureuse pour encourager les professionnels de santé à déclarer de tels évènements, mais aussi un soutien adapté au système de pharmacovigilance dans son ensemble sont nécessaires pour garantir les conditions de la confiance des citoyens dans la capacité des autorités sanitaires à assurer leur sécurité. Ceci est d’autant plus important que les plateformes vaccinales utilisées pour faire face au SARS-CoV-2 ont montré leur pertinence et seront certainement à nouveau mobilisées si un nouvel agent pathogène émerge.

Enfin, la confiance se construisant sur la reconnaissance, il semble important de reconnaître l’existence de certains effets indésirables, même majoritairement bénins. À ce titre, nous regrettons que l’ANSM ne se soit pas prononcée à l’échelle nationale sur l’existence d’un lien entre les troubles menstruels et certains vaccins contre la Covid-19, en l’absence de prise de position du Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance européenne. En effet, leur non-reconnaissance alimente la défiance des citoyens dans le système tout entier. La reconnaissance des personnes souffrant d’effets indésirables est également essentielle, d’autant qu’une partie d’entre elles se trouvent marginalisées et parfois en situation d’errance médicale. Alors que le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale alertait sur le risque d’une stigmatisation des personnes non vaccinées dans sa note publiée le 3 février 2022, il apparaît essentiel que les autorités prennent la mesure de cette autre stigmatisation.

En dernier lieu, nous tenons à affirmer solennellement que nul ne peut accepter une telle polarisation de la société entre les défenseurs du vaccin et ceux qui prétendent qu’ils sont la cause d’effets indésirables nombreux et graves. Le dernier mot doit rester à la science, dont la vérité, qui n’exclut pas les nuances, peut seule apaiser des tensions trop nombreuses.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. Je salue le travail accompli par les rapporteurs, aussi bien pour entrer dans le cœur du dossier et être précis sur un certain nombre de présentations, statistiques et déclarations, que pour réussir cet exercice d’équilibre, voire d’équilibriste.

Je vous soumettrai quelques observations, remarques et suggestions. Je souhaite au préalable entendre les autres membres de l’Office qui voudraient s’exprimer.

M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l’Office. Je souhaite tout d’abord exprimer ma reconnaissance aux trois rapporteurs pour la qualité du travail fourni, l’effort que ceci représente et la contribution très positive qu’ils apportent ainsi à l’image, à laquelle je suis très attaché, d’un Parlement lieu naturel d’échanges, d’analyses, de rencontres et de décisions. Votre rapport n’est en effet pas simplement factuel, mais s’engage en prenant une position exprimée dans une très belle phrase de conclusion, à laquelle j’imagine que tous nos collègues parlementaires peuvent souscrire.

Au moment où nos collègues députés sont en campagne, ils pourront apporter la preuve, à travers ce document qui me semble incontestable, que le Parlement sait travailler et apporte une contribution utile aux débats de société, y compris les plus complexes et les plus actuels.

J’aimerais à présent revenir sur quelques points. Le premier est que la responsabilité du politique est considérable dans un monde où la rapidité de communication rend l’opinion extraordinairement sensible, émotive, pour ne pas dire vulnérable à des informations maladroites ou mal contrôlées. Souvenons-nous que lorsque nous avons commencé à travailler sur le sujet du Covid et des vaccinations, se posait précisément la question de l’acceptation de ces vaccins et de la crainte d’un rejet. En réalité, on a observé une situation très particulière, que vous restituez bien : une opinion majoritaire disciplinée et responsable, et l’émergence progressive d’une minorité extrêmement active et inlassablement mobilisée. Ceci montre qu’il existe dans notre pays des clivages profonds. Toute la question réside dans l’impact de ces minorités très convaincues sur la grande opinion. C’est dans ce contexte que la responsabilité du gouvernement est essentielle : s’il ne commet pas d’erreur de communication sur des sujets touchant directement le grand public, alors les opposants les plus fermés à toute idée de progrès ou d’approche scientifique de la situation restent isolés. Si en revanche il commet une maladresse, l’audience de ces opposants peut progresser considérablement dans l’opinion et déborder très largement le champ des seules minorités convaincues.

Je prendrai deux exemples à l’appui de mon propos. Le premier, flagrant, est celui du masque, dont l’effet a été destructeur. Le deuxième est celui du passe sanitaire : il apparaît comme un succès, mais il a créé dans une partie de l’opinion un sentiment de tension, voire de rupture qui, en raison d’une gestion compliquée de ces passes, était susceptible de déboucher sur des réactions plus fortes que ce qui a été constaté.

Ainsi, dans une société extraordinairement informée, avec une rapidité et un degré d’émotivité absolus, le pouvoir politique doit être d’une prudence extrême. Je pense que ce rapport dit vrai. À mes yeux, il montre que la communication politique portée par le gouvernement a été assez équilibrée et le partage avec les autorités techniques relativement bon.

Je souscris totalement à votre analyse sur le fait que cette information technique s’est faite parfois au détriment des institutions qui ont une légitimité historique et sont de ce fait plus apaisantes dans leur communication. Tout comité ad hoc, né dans l’actualité, est dans une situation fragile, car il est toujours en risque d’en dire trop (dans le but d’exister médiatiquement) ou pas assez (pour éventuellement protéger la communication politique). Le réflexe consistant à mobiliser d’abord et avant tout les institutions permanentes compétentes sur ces sujets de santé eût été une sécurité pour le gouvernement.

Le vaccin est une réussite en termes de rapidité. Il convient de saluer à la fois les scientifiques, les entreprises et les administrations pour ce formidable succès. Mais dans un pays où les procédures sont généralement interminables dans tous les domaines (songez qu’il faut 5 ou 6 ans pour installer une éolienne), il n’est pas surprenant que l’on s’étonne qu’il ne faille que 5 ou 6 semaines pour autoriser un vaccin. Le gouvernement a ainsi subi l’influence d’une société animée par une culture du doute, relayée par une information rapide, immédiate, concurrentielle, donc abonnée à la surenchère du sensationnel. Il s’est également trouvé pris dans le souci de sécurité et la politique de consultation générale qui préside généralement aux décisions en matière d’infrastructures collectives et qui se retourne contre lui lorsqu’il s’agit d’aller vite, car la démarche devient alors suspecte, alors même qu’il s’agit d’un talent que les pouvoirs politiques doivent cultiver, puisque l’actualité l’impose.

Je trouve, en conclusion, que ce rapport soulève implicitement la question de la gestion de la communication politique. Cette problématique n’était toutefois pas au cœur du sujet et vous avez eu raison de ne pas la traiter. Des politologues avertis travailleront certainement sur ce sujet à partir des analyses figurant dans le rapport tel que vous l’avez conduit, c’est-à-dire avec un esprit de réalisme, de mesure et la conviction, qui légitime l’OPECST et plus généralement l’action parlementaire, selon laquelle la raison commande le bien.

Mme Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l’Office. Je souhaiterais formuler une question et une remarque.

Ma question concerne la campagne anti-vaccin menée par certains de nos concitoyens. Avez-vous pu analyser si ces personnes étaient les opposants habituels aux vaccins ou s’il s’agissait aussi de personnes ayant eu spécifiquement peur d’une éventuelle modification du génome par les vaccins à ARN ?

Ma remarque concerne les effets indésirables des vaccins. J’apprécie que votre travail invite clairement à ne pas nier l’existence des effets secondaires et les rapporte à la notion de balance bénéfices-risques. Je m’interroge seulement sur la façon de l’exprimer, au regard de tous ceux qui estiment que « le vaccin tue ». Ne faudrait-il pas, dans la conclusion, souligner cela de façon plus nette, plutôt que de se focaliser sur la polarisation entre les anti-vaccins et les pro-vaccins ? J’aurais ainsi aimé que la conclusion soit plus claire sur le fait qu’il existe des effets secondaires, exceptionnellement graves, comme pour tous les vaccins. Ceci est très bien dit dans le corps du rapport, mais n’apparaît pas suffisamment dans la conclusion.

S’agissant de la communication politique, dont Gérard Longuet nous dit que le rapport l’évoque de façon implicite, je trouve au contraire que le rapport l’aborde avec clarté et sans agressivité.

Je vous félicite d’avoir résisté aux nombreuses tentatives d’influence auxquelles vous et les membres de l’Office avez été soumis. Elles m’ont pour ma part conduit, bien qu’étant beaucoup moins exposée que vous, à installer des filtres de façon à ne pas trouver 200 mails sur les vaccins ou la publication des auditions chaque matin en ouvrant mon ordinateur.

J’adresse un bravo tout particulier à Gérard Leseul, qui est en campagne électorale et a malgré tout trouvé du temps à consacrer à ce dossier compliqué et sensible.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. Tout ce dont je peux témoigner concernant la nature de la contestation est que les personnes que j’ai pu rencontrer en circonscription au hasard de la campagne sont bien plus nombreuses que celles qui se sont manifestées auparavant à propos d’autres campagnes vaccinales. S’agissait-il de personnes déjà contestataires, qui se sont trouvées davantage mises en lumière, ou d’une population plus large ? Je pense que la sensibilité d’une partie de ce public a été avivée par l’extraordinaire exposition médiatique de cette campagne de vaccination. Je laisse toutefois les rapporteurs vous faire part de leur point de vue à ce propos.

Mme Sonia de la Provôté, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. Ces questions m’apparaissent comme le nœud du sujet. En ce qui concerne la contestation, trois éléments ont, à mon sens, été majeurs. Il s’agit tout d’abord de l’apparition d’effets secondaires qui n’avaient pas été nécessairement mis en lumière par les premières études de cohortes menées par les laboratoires et ont constitué des éléments intercurrents et perturbateurs de l’information. Parfois, l’information sur ces effets secondaires n’a été donnée que ponctuellement, ce qui a conduit à une cristallisation du doute et fait germer des questions y compris chez les personnes qui n’étaient pas nécessairement hostiles aux vaccins.

Le deuxième aspect se situe au niveau des politiques publiques, avec l’apparition du passe sanitaire et la contrainte associée, entraînant une modification drastique de la vie sociale pour les personnes n’acceptant pas de se faire vacciner. Ce passe sanitaire a été transformé très tardivement en passe vaccinal, pour finalement être supprimé au bout de deux mois. Cet élément a fédéré des anti-passe, qui n’étaient pas nécessairement tous anti-vax. Ceci a néanmoins conduit à créer une nébuleuse globale qui communique beaucoup sur les réseaux sociaux et génère une ambiance négative autour de la vaccination.

Le troisième élément, très prégnant, renvoie à la balance bénéfices-risques, laquelle n’est pas une science absolue, purement arithmétique. Or dans le discours public, cette notion n’a pas toujours été explicitée de façon aussi précise qu’au début, où l’accent avait été mis sur la nature du risque. L’existence d’une forme d’échappement vaccinal sur la transmission, avec des virus de plus en plus contagieux, a contribué progressivement à ce que la balance bénéfices–risques soit explicitée de moins en moins clairement auprès de nos concitoyens. La difficulté réside notamment dans la compréhension de la balance bénéfices–risques collective, avec certes des vagues épidémiques, mais moins d’hospitalisations en réanimation, donc un risque moindre à l’échelle individuelle. Les risques liés au virus diminuant, ceux liés à la vaccination ont davantage pesé dans la balance. C’est dans ce contexte que les effets secondaires ressentis, avérés ou non ou en cours d’élucidation, prennent toute leur part dans le discours. Je pense que les pouvoirs publics devraient être beaucoup plus explicites en la matière et communiquer davantage en direction du public sur les effets secondaires, accompagner et faciliter les déclarations, y compris pour des éléments susceptibles d’être des non-sens sur un plan médical ou scientifique. Ce serait certainement un élément important en termes de dialogue national pour apporter plus de transparence, donc davantage de confiance.

M. Gérard Leseul, député, rapporteur. Je partage l’avis de Sonia de La Provôté. Il existe des opposants habituels anti-vaccins, mais aussi des personnes qui ont été inquiétées par la nouveauté de la plateforme vaccinale. De façon plus globale, on observe actuellement un climat de défiance générale vis-à-vis de la parole politique. Comme l’a rappelé Gérard Longuet, le fait que l’on ait un peu trop confié à des comités ad hoc et aux politiques le soin de prendre la parole sur des questions strictement médicales n’a pas facilité les choses. Je veux souligner un point important, qu’il ne faut pas minimiser car on le retrouve dans d’autres situations : tout ceci renvoie à l’émergence d’un courant libertarien, au sens anglo-saxon du terme, qui se développe de plus en plus en Occident et en France. Enfin, l’apparition trop tardive de l’idée de passe vaccinal a finalement abimé le débat.

L’addition de ces différents éléments a contribué à créer un socle important de contestation.

Je remercie Catherine Procaccia pour sa proposition de renforcer, dans la conclusion, la mention de la possibilité d’effets secondaires graves, mais extrêmement rares.

Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. La recherche a permis d’aboutir à un vaccin qui a suscité des espoirs formidables et permis de franchir une phase aiguë dramatique. Mais il est vrai que dans la temporalité, il est apparu au fur et à mesure de la modification du virus que le vaccin n’empêchait que partiellement la transmission, ce qui a causé une déception majeure et a fait dire à certains que ce vaccin n’était pas aussi efficace que ce à quoi l’on était habitué avec d’autres vaccins. Nous avions pour notre part clairement précisé dans notre premier rapport que rien n’indiquait que ce vaccin bloquait la transmission. Je me félicite que ceci ait été écrit noir sur blanc. La crédibilité des travaux de l’OPECST dépend aussi de cette rigueur scientifique.

Pour ce qui est de l’opposition au vaccin, on constate qu’elle compte tout d’abord les opposants classiques anti-vax, que nous connaissions dès le départ et dont il n’a été guère surprenant d’observer les manifestations parfois assez violentes. Lorsque l’on présente un nouveau vaccin, il faut savoir que l’on s’attend toujours à la survenue d’effets secondaires que l’étude clinique initiale ne permet pas nécessairement d’anticiper. Il existe parfois des effets inattendus, qui ont mobilisé la partie de la population qui n’était pas formellement anti-vaccins, mais s’est sentie quelque peu rejetée. Je pense en particulier aux troubles menstruels. Nous avons reçu des associations qui étaient dépitées de constater que ni les gynécologues, ni les médecins ne prenaient véritablement en compte ces effets secondaires dont ils disaient aux femmes qu’ils seraient bénins et réversibles, ce qui d’ailleurs était le cas pour la plupart. Je suis médecin et il me semble important de reconnaître la situation des personnes ayant eu à subir des effets graves ; mais je crois que la confiance ne peut persister que si l’on entend et prend en considération tous les effets, y compris ceux sans véritable gravité.

Moi qui suis pédiatre, j’ai pu constater avec de nombreux collègues, vaccinateurs ou pas, que la question de la vaccination chez l’enfant avait fait d’emblée l’objet d’un malentendu. Il a été très largement dit qu’il fallait vacciner les enfants pour protéger l’entourage et l’on s’est mis à vacciner collégiens et lycéens lorsqu’on a observé un ralentissement de l’adhésion de la population adulte au vaccin. Les médecins de l’enfance ont, par le biais du syndicat national des pédiatres français, refusé ce dogme de vaccination de l’enfant de 5 à 11 ans, qu’ils ne recommandent toujours pas. Je suis pour ma part partagée sur le sujet, dans la mesure où le bénéfice individuel est très réduit pour l’enfant. En effet, les effets secondaires de la maladie chez l’enfant, sous forme de PIMS, sont exceptionnels et peuvent être diagnostiqués et traités.

Un autre élément, que nous n’avons pas abordé aujourd’hui, est la possibilité de traitement de la maladie, qui peut modifier la stratégie vaccinale.

La déception majeure est venue de l’échappement progressif des variants au vaccin. J’ai ainsi attrapé le Covid à deux reprises, malgré trois doses de vaccin. Il est important d’expliquer le phénomène et de bien faire comprendre aux gens que si la vaccination n’empêche pas nécessairement l’infection, elle prévient la survenue de formes sévères et graves, qui peuvent conduire en réanimation, voire à la mort. Je pense qu’il reste encore à communiquer sur le sujet. Dans tous les cas, la transparence est toujours un atout.

Certains critiques de la campagne vaccinale nous ont montré des analyses avancées des données de pharmacovigilance, qui paraissaient scientifiquement solides mais qui partaient d’une mésinterprétation initiale biaisant le raisonnement. Il est important, dans ces situations, de bien comprendre et montrer ce qu’est une approche scientifique rigoureuse. Je ne suis pas certaine qu’un statisticien, si doué soit-il dans sa discipline, puisse devenir du jour au lendemain expert en vaccination. Ceci requiert de disposer de connaissances médicales et scientifiques sur la santé.

Je pense enfin qu’il faudra bien mettre en avant et expliquer la balance bénéfices–risques en fonction de l’âge. J’ignore si ceci ressort suffisamment dans le rapport, mais cet élément est très important. Il faut faire preuve de transparence à propos des différentes tranches d’âge.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office. Je remercie les rapporteurs pour ce travail nécessaire et courageux, sur un sujet hautement sensible, épineux, voire controversé. Des paroles devaient s’exprimer ; j’ignore si cette étude contribuera à apporter de l’apaisement, mais elle a en tout cas donné l’occasion à certains, presque de façon institutionnelle et officielle, de faire valoir leur point de vue. Sans doute fallait-il un lieu et un moment pour que ces différentes visions puissent s’exprimer. Ceci a toujours une vertu.

Nous avons par ailleurs pu réaffirmer ce qui relevait véritablement de la science. Je partage tout à fait le contenu de ce rapport, qui rend bien compte de la gestion de cette campagne vaccinale, des difficultés rencontrées dans les déclarations et les effets secondaires, ce qui montre la nécessité d’améliorer le système, ainsi que de la nécessité de transparence.

Je souhaite revenir brièvement sur le passe vaccinal. Le sujet est éminemment complexe. Il faut avoir conscience que le Covid-19 n’est pas une épidémie telle que nous en avons connu par le passé, que sa gestion est complexe et qu’elle n’est pas terminée. Mais pour ce qui concerne le passe vaccinal, le vaccin ne protégeant pas totalement contre la propagation du virus, une réflexion devra être menée sur la manière de gérer, dans un futur peut-être proche, l’équilibre entre les libertés et la protection de la population.

Merci encore pour ce rapport, auquel je souscris.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. Je suis tout à fait d’accord avec les propos de Catherine Procaccia. Le rapport sera de toute façon critiqué : certains affirmeront que nous taisons des informations et sommes par conséquent complices d’un génocide, d’autres considèreront que nous nous sommes abaissés à écouter des arguments de gens qui ne méritent pas qu’on les entende, ou que nous nous mêlons de critiquer la politique du gouvernement, alors que celui-ci a fait au mieux. Mais pour tout le reste de la population, notamment ceux qui sont inquiets sans être pour autant dans une démarche radicale, le rapport tend à trouver le juste équilibre, en réaffirmant qu’il existe des effets indésirables, rares, parfois graves, mais que pourtant, jusqu’à présent, la balance bénéfices-risques a toujours été favorable à la vaccination, en l’état actuel des connaissances, de façon plus évidente pour certaines tranches de la population. Il ne faut surtout pas donner l’impression que nous voulons minimiser ou cacher l’existence de ces rares effets indésirables graves. Il m’apparaît dans cette optique que quelques formulations sont à revoir.

Dans l’avant-dernier paragraphe de la première page de la synthèse, il est écrit à propos de la vaccination que « le système de pharmacovigilance assure la détection des potentiels effets indésirables y étant associés ». Je me demande s’il ne serait pas opportun de supprimer l’adjectif « potentiels ». Une autre option pourrait consister à ajouter une phrase indiquant que des effets indésirables ont effectivement été recensés grâce à ce système et soulignant que la France a été l’un des principaux contributeurs aux bases de données internationales, notamment celle de l’OMS.

On peut aussi indiquer dans la synthèse que la pharmacovigilance a permis très rapidement de donner l’alerte sur les troubles menstruels, qui n’étaient pas des effets attendus. Ceci montre que ce système de primo alerte, bien que certainement perfectible, joue son rôle. Cet exemple est important car ces troubles créent parfois des inquiétudes quant à de possibles conséquences sur la fertilité, et ils sont actuellement ceux dont on parle le plus, après qu’il a été davantage question de myocardites et de thromboses. Il s’agit d’un sujet intime et très sensible, qu’il faut prendre au sérieux. Le fait que le PRAC ait dans un premier temps balayé cette question comme non significative est, selon moi, globalement désastreux. J’ai compris que le dossier avait été rouvert et j’espère que la situation va évoluer, mais cette attitude n’est pas acceptable. Sachant par ailleurs que cet effet, non attendu au départ, a été clairement documenté par la pharmacovigilance et la forte mobilisation des personnes concernées, je serais très surpris qu’à la fin des fins on ne détecte aucun lien.

Vous avez noté avec raison que le système était perfectible. Vous écrivez ainsi en début de deuxième page que « le réseau mérite d’être conforté », ce qui constitue une forme de recommandation. Le paragraphe suivant comporte également en filigrane une recommandation sur le fait que la déclaration doit rester suffisamment informative. Je suggère de faire apparaître plus clairement ces éléments, en utilisant par exemple des caractères gras, ou en notant dans les dernières phrases de conclusion que le système peut être amélioré. Il est important de montrer que nous avons entendu un certain nombre de propos, parfois contradictoires, et que certaines critiques fondées ont été reprises dans le rapport et nous ont conduits à formuler de telles propositions.

Ma remarque suivante concerne la deuxième colonne de la deuxième page, où il est question de la crainte des effets indésirables comme principale raison de non-adhésion à la vaccination. Il faudrait trouver ici la bonne formule pour indiquer qu’il existe effectivement des effets indésirables et que ceci n’est pas contestable. De la même façon, on ne peut contester ni la forte mortalité associée à certains variants, ni la gravité de certaines des vagues épidémiques.

Divers effets indésirables (myocardites, thromboses, etc.) sont mentionnés ici et là dans le texte, mais il me semble nécessaire d’ajouter une phrase indiquant très clairement que les effets indésirables, dont certains sont inattendus, existent et que ceci est vrai pour tous les vaccins.

Le rapport précise un peu plus avant, page 2, que « l’adhésion à la dose de rappel est en revanche moins satisfaisante ». Je suggère de remplacer « moins satisfaisante » par « moins élevée », qui me semble plus neutre. Ceci reste à l’appréciation des rapporteurs.

Il est écrit ensuite que « plusieurs facteurs y ont contribué en diminuant les bénéfices perçus de la vaccination » : ma position est que les facteurs auxquels il est fait référence ont diminué aussi les bénéfices objectifs de la vaccination. Le fait qu’il existe une moindre dangerosité intrinsèque des variants proches, et que les vaccins soient moins efficaces que prévu au regard de la transmission diminue selon moi ces bénéfices objectifs. La balance reste favorable, mais moins que lors de la deuxième vague par exemple. Je suggère donc de supprimer le mot « perçus ».

Mme Sonia de la Provôté, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. La difficulté tient au fait qu’il n’y a pas uniquement la question de la transmission, mais aussi celle des effets secondaires graves et de la capacité hospitalière à pouvoir les assimiler sans causer de pertes de chances pour les patients atteints d’autres pathologies. Il y a là un bénéfice collectif potentiel, puisqu’il n’y a pas eu de solutions miracles concernant la prise en charge hospitalière.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. Il ne faut pas oublier qu’au tout début de la crise sanitaire, l’indicateur clé sur lequel tout reposait était le taux d’occupation des lits des services d’urgences et de réanimation. Finalement, la clé était une notion de bénéfices-risques collectifs plutôt qu’individuels. Le sujet est complexe. Souvenez-vous : lorsque le variant Omicron est arrivé en décembre 2021, des personnes sérieuses nous disaient craindre que tout soit saturé ; or quinze jours plus tard, ces mêmes personnes nous indiquaient que les données étaient finalement rassurantes. Les informations fluctuaient d’un jour à l’autre. Ce qui semblait incontournable mi-décembre en termes de bénéfices–risques pour éviter la saturation dramatique de l’hôpital paraissait beaucoup moins important deux semaines plus tard. « Bénéfice perçu » peut laisser supposer que l’on distingue cette notion du bénéfice objectif, mais en réalité il est très difficile de faire la part des deux, dans la mesure où l’on est toujours dans une prédiction qui doit s’effectuer en fonction de données.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice. Je trouve ce travail exceptionnel et très courageux, sur un sujet extrêmement compliqué. Je suis fière du résultat, qui est transparent et va permettre à l’avenir d’avoir des avis reposant sur des données scientifiques.

Je partage les propos de Florence Lassarade sur l’importance de fournir la balance bénéfices–risques pour chaque tranche d’âge.

Merci beaucoup aux rapporteurs.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. Page 3, à la fin du deuxième paragraphe, vous mettez l’accent sur le fait que la démarche a conduit à marginaliser les institutions établies. J’ajouterais que l’on a observé parfois une certaine cacophonie entre les institutions. Il est arrivé que des dissensions se produisent, notamment sur les délais entre doses successives, la nécessité ou non de porter un masque ou l’opportunité de vacciner les enfants. Bien évidemment, le doute et la contradiction sont à la base de la démarche scientifique. Ceci n’est donc pas choquant en soi. Mais lorsque les différentes institutions sont exposées médiatiquement et que les médias se font un malin plaisir à les faire jouer les unes contre les autres, alors la communication qui en résulte crée un sentiment de désordre et de cacophonie. Ceci mériterait d’être souligné. Je crois d’ailleurs que cet aspect était déjà identifié dans le premier rapport de l’Office, qui indiquait que la complexité et le nombre d’institutions impliquées faisaient courir ce genre de risque.

Dans le paragraphe suivant relatif à la politique de communication, le passage concernant les promesses fausses ou faites à la légère est excellent. Il est important d’adopter un discours laissant la place à une certaine évolution. Ceci a été particulièrement vrai pour la question de l’utilité des masques, à propos de laquelle la valse hésitation a été extrêmement délétère. Je me souviens d’une époque où l’Académie de médecine incitait discrètement au port du masque, alors même que le gouvernement ne voulait pas en reconnaître l’utilité.

« Immunité collective » est un terme inapproprié. Au départ, il avait été dit, équations mathématiques à la clé, que lorsque 80 % de la population aurait été vaccinée ou contaminée, alors on atteindrait l’immunité collective. Or finalement, bien que la quasi-totalité de la population soit vaccinée, cette immunité n’est toujours pas atteinte. De plus, le fait de jeter le blâme dans le discours sur les quelques pourcents non vaccinés plutôt que de reconnaître, comme l’a fait par exemple le Pr. Delfraissy, que l’on s’est trompé et que les vaccins sont moins efficaces que prévu sur la transmission du virus, a également eu un effet négatif.

Le ministre de la santé Olivier Véran a indiqué dans une interview récente qu’il s’agissait peut-être de la dernière vague ; à sa place, je ne me serais pas risqué à affirmer cela. Si une nouvelle vague survient en septembre, il est évident que cette interview va ressurgir.

Dans la quatrième colonne de la page 3, vous parlez des décisions sanitaires et écrivez plus loin que « pour beaucoup, leur bien-fondé est aujourd’hui avéré ». J’aimerais que l’on précise : ce « pour beaucoup » renvoie bien aux décisions. Si ceci laisse entendre que pour d’autres décisions le bien-fondé n’est pas avéré, alors ceci me convient. Avec du recul, le port du masque en plein air n’a servi à rien, sauf éventuellement dans les attroupements les plus massifs.

Je suis complètement d’accord avec le fait que le passe sanitaire a été un succès et le passe vaccinal particulièrement contre-productif, dans la mesure où il est intervenu à contretemps et a contribué à braquer les gens, sans réel bénéfice. Deux semaines après avoir été voté, le passe vaccinal ne présentait déjà plus aucune utilité. Vous indiquez ainsi à juste titre dans le rapport qu’« il est à craindre que cette politique plus contraignante ait des conséquences sur l’adhésion à la vaccination en général » ; je me demande même s’il ne faudrait pas faire figurer cette phrase en caractères gras.

Je passe à la page 4, où il est écrit que « le fait que l’agence soit seule responsable de cette communication ne permet pas une bonne appropriation par le grand public ». Or j’ai le sentiment que ceci va au-delà du grand public, puisque même les experts et les praticiens ont été déboussolés à plusieurs reprises. Les « DGS-Urgent », dont j’ai lu avec stupéfaction le contenu, sont des éléments dont j’ai l’impression, si j’étais médecin, qu’ils me plongeraient plus dans la perplexité que dans la confiance. Je suggère donc de supprimer « par le grand public » et de finir la phrase après « appropriation » ou en ajoutant éventuellement « par le public concerné ».

Dans l’avant-dernier paragraphe de la première colonne de la dernière page, vous faites référence aux « doctrines ayant évolué à plusieurs reprises quant aux délais préconisés ». Or ces doctrines n’ont pas évolué uniquement sur les délais, mais aussi sur les masques, sur certains seuils, etc. Peut-être faudrait-il plutôt indiquer par exemple : « les doctrines en matière de schéma vaccinal ayant évolué à plusieurs reprises ».

Mme Sonia de la Provôté, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. Il me semble important de citer l’exemple des délais, que tout le monde a perçu.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. On peut en effet ajouter : « par exemple pour les délais ».

Je suis par ailleurs très en phase avec ce que vous mentionnez en haut de la dernière colonne, où vous invitez à « ne pas trop s’avancer sur les connaissances à moyen et long terme ». Il s’agit selon moi d’une recommandation générale, qui mériterait de figurer en caractères gras. Faire une promesse forte et engendrer au final une déception est pire selon moi que d’adopter une attitude prudente au début.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. Certaines affirmations ministérielles ont été contredites dans des délais parfois extrêmement courts. La parole scientifique ayant elle-même beaucoup fluctué, ceci a apporté de la défiance.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. Ceci s’est vu jusqu’au plus haut niveau de l’État. Le président de la République lui-même avait assuré qu’il n’y aurait jamais de passeport sanitaire. Il avait également dit, un mois avant que Pfizer n’annonce la mise au point de son vaccin, que ceux qui promettaient un vaccin avant une année étaient des menteurs. Ce type de déclarations est assurément très délétère. J’ai de même trouvé choquant qu’un débat ait eu lieu à propos de l’obligation vaccinale après que l’on avait répété au début sur tous les tons que la vaccination ne serait pas obligatoire.

L’avant-dernier paragraphe sur l’importance de reconnaître l’existence de certains effets indésirables est très satisfaisant. Ceci pourrait figurer en caractères gras. Il est indiqué que ces effets sont « majoritairement bénins » ; peut-être pourrait-on ajouter une formule comme « et de façon exceptionnelle sous des formes graves », afin de bien montrer que nous ne minimisons pas le phénomène. La question des troubles menstruels est également mentionnée ici, en spécifiant bien que 2 % des cas semblent graves, ce qui n’est pas considérable, mais implique néanmoins que l’on n’en fasse pas abstraction. Ces troubles existent et doivent être pris en compte.

Ma dernière remarque concerne les deux dernières phrases. Je ne peux pas adhérer à la conclusion telle qu’elle est rédigée actuellement. Je considère en effet que l’avant-dernier mot est à la science, tandis que le dernier revient toujours aux politiques. Ceci correspond à la doctrine de l’Office. Dans notre rôle d’expert scientifique parlementaire, nous ne devons surtout pas outrepasser nos droits en prenant les décisions. Notre mission est d’aller aussi loin que possible dans l’instruction des dossiers scientifiques, de formuler éventuellement des recommandations, mais à la fin, c’est aux politiques qu’il incombe de trancher.

Le positionnement du curseur entre le bénéfice et le risque est également une question importante. Il existe toujours une balance bénéfices-risques collective et il revient à la société de déterminer le choix de l’endroit où elle souhaite placer le curseur en matière par exemple de prudence ou de niveau de mortalité acceptable. Voici 50 ans, sévissait la grippe de Hong Kong, qui a causé à peu près autant de dégâts que les deux premières vagues du Covid, avec plusieurs dizaines de milliers de morts à l’échelle française. La société avait alors trouvé normal de ne faire quasiment rien. La balance bénéfices-risques entre libertés publiques et prudence penchait alors très clairement du côté des libertés publiques. Aujourd’hui, le contexte de notre société est différent. À état de connaissances scientifiques identique, je suis persuadé que l’on n’aurait pas pris il y a 50 ans les mêmes mesures qu’aujourd’hui. Les Suédois ont, dans un premier temps, agi comme la France d’il y a cinq décennies, avant de le regretter et de considérer qu’il aurait fallu adopter une attitude intermédiaire. Il s’agissait d’une décision politique, sur la base des mêmes schémas scientifiques. Cette démarche était démocratiquement respectable. Il me semble nécessaire de trouver une autre formulation pour indiquer que la science doit faire partie du débat et guider la décision finale, mais que celle-ci revient aux politiques et relève d’un choix de société, en particulier dans l’appréciation bénéfices-risques globale.

M. Gérard Leseul, député, rapporteur. Je partage cet avis. Il faut en effet modifier la dernière phrase pour indiquer clairement que l’avant-dernier mot revient à la science et que le dernier mot relève de l’arbitrage politique et de la représentation nationale.

Mme Sonia de la Provôté, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. Nous avons connu plusieurs épisodes sanitaires itératifs, dont celui du Mediator, qui a montré que les décisions publiques étaient le fruit de divers éléments intercurrents, parmi lesquels des considérations échappant complètement à la dimension sanitaire. Même si la décision ne doit pas revenir exclusivement à la science, il m’apparaît que le dernier mot porté, y compris par la sphère publique, doit majoritairement s’appuyer sur la science et l’intérêt public. Je pense qu’il existe, dans la communication publique en matière sanitaire, de nombreux sujets intercurrents, à commencer par le principe de précaution, qui ne procèdent pas nécessairement de l’intérêt général. Si ce principe avait été mis en œuvre lors de la crise Covid, nous n’aurions par exemple pas utilisé les vaccins à ARN messager. Ce sujet est complexe et ne peut selon moi se résumer au fait de dire que l’avant-dernier mot revient à la science.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. Le verbe « éclairer » peut, dans ce contexte, être utilisé à bon escient. Le Mediator est en effet un exemple dont il y aurait beaucoup de conclusions à tirer. J’ai longuement discuté avec Irène Frachon et en suis ressorti médusé par la façon dont l’ensemble du dossier avait été conçu et consterné de la présence d’un grand laboratoire, en l’occurrence le laboratoire Servier, qui a pignon sur rue dans ma circonscription au vu de l’histoire passée. Ce genre de sujet reviendra à coup sûr.

Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. Ne serait-il pas possible d’écrire que « le politique doit toujours être éclairé par la science dans ses décisions » ?

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. En effet, le scientifique évalue et conseille et le politique décide : tel doit être notre mantra.

Quand un gouvernement explique que la science impose telle ou telle décision, il s’agit bien souvent pour lui de se défausser de ses responsabilités.

Mme Sonia de la Provôté, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. De la même manière, c’est l’état des stocks de masques et pas nécessairement l’intérêt général qui a guidé la décision publique dans ce domaine.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. La bonne attitude à l’époque aurait été de l’expliquer.

Vous écrivez par ailleurs, avec raison, que « la vérité n’exclut pas les nuances ». Il faut également reconnaître qu’elle évolue : au fur et à mesure de la crise, l’état de l’art scientifique a changé, parfois d’une semaine à l’autre. Ceci n’était pas le fruit de l’incompétence ou de la mauvaise foi, mais simplement de l’arrivée de nouvelles informations conduisant à réévaluer tel ou tel paramètre. Je pense important de souligner cette notion d’évolution, mais aussi d’indiquer, dans ce rapport relatif aux effets indésirables, que certains sont encore en cours d’élucidation. C’est le cas notamment pour les troubles menstruels. La matière est donc encore amenée à évoluer et il importe de continuer à l’évaluer, et pour le politique d’en tenir compte.

Je souhaite à présent évoquer un point sur lequel j’aurai besoin, chers rapporteurs, de votre arbitrage. Permettez-moi un bref rappel du contexte : nous n’avons pas réussi à convaincre notre collègue et ami Jean-François Eliaou, aujourd’hui en campagne, de s’associer à ce rapport ; les différentes composantes politiques majeures n’y sont par conséquent pas toutes représentées. C’est la raison pour laquelle, après discussion avec les groupes de la majorité, nous sommes parvenus à un compromis consistant à indiquer qu’il s’agit ici d’un rapport d’étape et qu’une fois les élections passées, l’actuelle majorité parlementaire prenait un engagement moral pour qu’un panel de rapporteurs plus complet, incluant a priori Sonia de La Provôté, Florence Lassarade et Gérard Leseul si, comme nous le souhaitons, il est réélu, puisse travailler à un rapport définitif. Au fur et à mesure des auditions et du travail mené, vous avez si bien progressé que la présente version du rapport constitue quasiment un document complet et finalisé. Pour autant, il me semble important de laisser ouverte la possibilité d’une reprise des travaux après les élections, par exemple si l’actuelle majorité veut y contribuer ou si des nouveautés apparaissent qui justifieraient une poursuite de la réflexion. Il est déjà indiqué au tout début de l’introduction que le document est un rapport d’étape. Souhaitez-vous qu’une phrase soit ajoutée en conclusion, soulignant qu’il appartiendra à l’Office, après le renouvellement de l’Assemblée, de se prononcer sur l’approfondissement de ces considérations et conclusions ou préférez-vous que les choses soient laissées en suspens ?

Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. Je crois que nous aurons quelques préconisations supplémentaires. Je pense notamment à l’exemple de cette femme qui souffre d’un Covid long après vaccination. Nous avons, le lendemain de son audition, parlé à son médecin qui a insisté sur le fait qu’il aurait fallu ne pas revacciner les personnes atteintes de Covid long post-vaccinal. Il s’agit d’un détail, mais ceci vise à montrer qu’il reste, me semble-t-il, quelques compléments à apporter à notre travail.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. ‑ Ceci est d’autant plus pertinent que, sur ces questions de symptômes de longue durée, des recherches et évaluations sont toujours en cours.

Mme Sonia de la Provôté, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. J’ai moi aussi noté un certain nombre de sujets qui pourraient être repris et complétés. Nous avons eu le sentiment, en menant ce travail, d’ouvrir la boîte de Pandore. Il nous a fallu faire des choix. Je pense par exemple que la question de la balance bénéfices-risques mériterait d’être creusée, notamment autour des modalités d’évaluation du risque, des avancées thérapeutiques et de leur impact dans la stratégie vaccinale. Nous n’avons pas traité cette question en soi.

Quid par ailleurs de la vaccination dans l’avenir ? À qui sera-t-il proposé de recevoir une dose supplémentaire ?

Le sujet des capacités hospitalières est également majeur et a un fort impact sur les décisions publiques.

La cacophonie observée par moments en termes de communication est aussi un vrai sujet, car elle a été très délétère et a minimisé la dimension relative aux effets secondaires. Je pense que nous devrons traiter cette question et évaluer, à la suite de notre rapport, la manière dont la communication sur les effets secondaires va se mettre en œuvre.

La question de la vaccination de l’enfant est aussi un sujet qu’il faudra creuser. Certains enfants non vaccinés n’ont pas pu, pendant un temps, pratiquer leurs activités extrascolaires. Les choses sont allées très loin et ont contribué à un rejet de la vaccination. De nombreux parents se sont sentis concernés et ont versé dans l’opposition à la vaccination.

Un autre sujet que nous n’avons pas évoqué dans ce travail est celui de la dimension interministérielle. En effet, les communications et les orientations prises par le ministère des Solidarités et de la santé, celui de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et celui de l’Éducation nationale n’étaient souvent pas les mêmes, ce qui a généré de la défiance.

Le dernier élément enfin concerne le suivi scientifique de l’épidémie : où en est-on dans ce domaine ? Des cohortes ont-elles été mises en place ? Les données utilisées sont essentiellement fournies par le SNDS : or les troubles menstruels n’en font pas partie. Des cohortes ad hoc vont-elles être constituées ?

Je pense donc qu’il nous reste plusieurs sujets à traiter autour de cette vaste thématique des effets secondaires de la vaccination contre le Covid-19.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice. Je partage ces réflexions. En tant que médecin, j’ai vu apparaître des maladies systémiques, des collagénoses, notamment après le troisième vaccin, et suis persuadée qu’il existe un lien. Nous sommes d’ailleurs en train d’essayer d’en apporter la preuve. Je pense donc qu’il ne faut pas clore le dossier et laisser la porte ouverte à des travaux complémentaires.

M. Gérard Leseul, député, rapporteur. Doit-on considérer par conséquent qu’il s’agit de la première partie d’un rapport qui en comptera par la suite une deuxième ?

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. Je préconise de ne pas être si explicite et d’indiquer simplement que le caractère évolutif des dossiers et des éléments à considérer, que l’on pourrait citer, nous conduit à recommander que l’Office approfondisse ce sujet dans les mois à venir, lors de la prochaine législature.

Chers amis, je crois que nous avons passé en revue l’ensemble des sujets. Il faut à présent agir vite et ne pas retarder la publication de ce rapport, faute de quoi nous risquerions d’être accusés de vouloir dissimuler des éléments. Je propose que nous adoptions le rapport, sous réserve de la prise en compte des observations sur lesquelles nous nous sommes accordés, afin de publier sans tarder une version provisoire, qui sera ensuite complétée par le compte rendu de l’audition publique et par celui de notre réunion d’aujourd’hui.

L’Office adopte le projet de rapport sur « Les effets indésirables des vaccins contre la Covid-19 et le système de pharmacovigilance français » et en autorise la publication.

 


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   Annexe 1 :
liste des personnes entendues par les rapporteurs

 

Lundi 28 mars

9 heures 30 : Audition de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

 

Jeudi 31 mars

9 heures 30 :

11 heures :

 

Vendredi 1er avril

9 heures 30 :

 

Lundi 4 avril

9 heures 30 : Audition du réseau des Centres régionaux de Pharmacovigilance

 

Mardi 5 avril

9 heures 30 :

10 heures 30 :

 

Mercredi 6 avril

9 heures 30 : Audition du GIS EPI-PHARE

10 heures 30 : Audition des associations et collectifs de personnes souffrant d'effets indésirables

 

Jeudi 7 avril

9 heures 30 : Audition de l’Office d’indemnisation des accidents médicaux des Affections iatrogènes et des Infections nosocomiales (ONIAM)

10 heures 30 : Audition du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale

11 heures 30 :

 

Vendredi 8 avril

9 heures :

10 heures :

11 heures : Audition de la Commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé

 

Lundi 25 avril

8 heures 30 :

 

Vendredi 29 avril

9 heures 30 :

10 heures 30 :

11 heures 30 : Audition du LEEM – Les Entreprises du médicament

 

Lundi 2 mai

9 heures 30 :

10 heures 30 : Audition du Collège national des gynécologues obstétriciens

11 heures 30 :

 

Mardi 3 mai

9 heures :

10 heures :

 

Lundi 30 mai

11 heures :

 



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   Annexe 2 :
COMPTE RENDU de l’audition publique du 24 mai 2022

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Chers collègues parlementaires, chers invités, chers concitoyennes et concitoyens qui nous suivez en ligne, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) tient cet après‑midi une audition publique sur les effets indésirables de la vaccination contre la Covid‑19 ‑ plus précisément sur le thème « Déclaration, analyse et communication autour des effets indésirables des vaccins contre la Covid‑19 » ‑, qui sera animée par le député Gérard Leseul et les sénatrices Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, les trois rapporteurs de l’Office sur cette question.

Je rappelle que nous avons été saisis, le 9 février dernier, par la commission des affaires sociales du Sénat d’une étude sur les effets indésirables des vaccins contre la Covid‑19 et le système français de pharmacovigilance. Cette saisine faisait suite à une pétition citoyenne déposée sur le site internet du Sénat et qui a recueilli plus de 30 000 signatures. La Conférence des présidents du Sénat a confié l’instruction de cette question à la commission des affaires sociales, laquelle a donc sollicité l’Opecst.

Le contexte de ce travail est singulièrement compliqué par le calendrier électoral : l’instruction du dossier sera nécessairement à cheval sur deux législatures.

Après discussions avec les groupes politiques, nos trois rapporteurs ont été désignés pour représenter adéquatement toutes les sensibilités. Ils rendront un rapport d’étape d’ici à la fin de la législature, au début du mois prochain. L’instruction sera complétée, le cas échéant par un panel de rapporteurs élargi, après les élections législatives. Cette organisation complexe est une conséquence du calendrier électoral et de notre attachement au caractère bicaméral de l’Office, qui suppose que députés et sénateurs instruisent les dossiers conjointement.

Le 28 mars dernier, les rapporteurs, qui ont déjà travaillé sur la stratégie vaccinale pour le compte de l’Office, ont commencé leurs auditions sous forme d’entretiens. Ils dresseront, en préambule de cette audition publique, un bilan, nécessairement très succinct, de leurs dizaines d’heures d’entretien.

Presque tous les intervenants de cette audition publique ont déjà été entendus en audition de rapporteurs. Le format public permet d’élargir le débat et donne la possibilité aux citoyens qui le souhaitent de poser des questions en ligne ; je me chargerai d’en sélectionner certaines, en particulier parmi les plus « likées ». Nous donnerons ainsi une ouverture citoyenne particulière à cette audition.

J’insiste sur deux points, qui font partie des habitudes de l’OPECST comme de la feuille de route que nous a donnée la commission des affaires sociales du Sénat : d’abord, le caractère contradictoire des débats et la nécessité de prendre le temps d’écouter les parties prenantes, en particulier celles citées par la pétition citoyenne ; ensuite, la nécessité d’un débat serein et approfondi fondé sur la science, pour reprendre les termes de la lettre de mission.

Débat approfondi, je l’espère. Serein, l’expérience a montré que non... La tension qui a entouré les échanges précédemment tenus par les rapporteurs est inédite pour l’Office à l’échelle de la présente législature. Pour ma part, je reçois environ mille mails quotidiens sur ce sujet, les uns pour nous reprocher d’écouter tel intervenant, les autres pour nous accuser d’en bâillonner tel autre... Un climat assez tendu en est résulté, dont les rapporteurs ont tâché de faire abstraction. Je garantis que, dans ce contexte, ils travaillent sans a priori et avec le souci de prendre en considération les différents aspects de cette question le plus complètement possible, dans un esprit ouvert.

Je souhaite que ces ambitions soient respectées au cours de nos échanges de cet après‑midi.

Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. – La vaccination contre la Covid‑19 fait partie des instruments de lutte contre la pandémie. À l’heure actuelle, près de 80 % de la population française a reçu une primo‑vaccination complète et plus de 59 % une dose de rappel.

Plusieurs sujets d’inquiétude ont émergé dans la population, avec en toile de fond la sécurité des vaccins utilisés : la rapidité avec laquelle ont été mis au point les vaccins actuellement disponibles, la technique sur laquelle reposent certains d’entre eux et l’évolution de leurs indications à la suite d’effets indésirables avérés. Je pense aussi à la limitation dans le temps de l’efficacité du vaccin : des doutes ont également été émis sur ce point.

Mes deux corapporteurs et moi‑même menons un très large cycle d’auditions. Nous avons déjà entendu plus de cinquante parties prenantes : acteurs institutionnels de la pharmacovigilance et de la campagne de vaccination, professionnels de santé, chercheurs, voix critiques sur la campagne vaccinale, qu’elles émanent de scientifiques ou de victimes d’effets indésirables.

Nous avons identifié trois axes d’étude.

D’abord, nous nous sommes intéressés au système d’évaluation et de surveillance des vaccins, pour nous assurer de son efficacité, de son bon fonctionnement pendant la crise sanitaire et de l’adaptation de son fonctionnement au caractère inédit de cette campagne vaccinale.

Ensuite, nous nous sommes penchés sur les principaux signaux d’effets indésirables, leur prévalence et leur gravité, ainsi que sur la manière dont ils ont été identifiés et pris en compte par les autorités sanitaires dans les recommandations vaccinales.

Enfin, nous avons étudié l’organisation de la campagne de vaccination et la place des effets indésirables dans la communication qui l’a accompagnée.

Cette audition publique se concentrera sur certains points, à propos desquels des interrogations subsistent. Elle portera principalement sur la déclaration et l’analyse des effets indésirables, ainsi que sur la communication à leur sujet.

Dans un premier temps, nous interrogerons les acteurs institutionnels de la pharmacovigilance et de la campagne vaccinale sur plusieurs points ayant attiré notre attention au cours du premier cycle d’auditions.

Dans un second temps, un échange se tiendra avec des scientifiques ayant pu faire entendre une voix critique sur l’analyse ou la prise en compte des effets indésirables ou sur la communication à leur sujet.

Les internautes qui nous suivent peuvent poser des questions par l’intermédiaire de la plateforme dont le lien figure sur les pages internet de l’Office ; dans la mesure du possible, nous tenterons d’en relayer un certain nombre.

M. Gérard Leseul, député, rapporteur. – Je vous parle en visioconférence depuis l’Assemblée nationale : les deux assemblées sont donc présentes, ce qui reflète bien le caractère bicaméral de notre Office.

Dans la première partie de cette audition, nous entendrons Bernard Celli, responsable de la task force Vaccination à la Direction générale de la santé, et Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui est accompagnée de Rose‑Marie Tunier, directrice de la communication, Céline Mounier, directrice de la surveillance, et Tiphaine Vaillant, membre titulaire du Pharmacovigilance Risk Assessment Committee (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA).

Nous accueillons aussi Annie‑Pierre Jonville‑Bera, présidente du réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), accompagnée de Joëlle Micallef, Sophie Gautier, Valérie Gras‑Champel et Marina Atzenhoffer, référents pour les différents vaccins, ainsi que le Professeur Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale.

Nos questions portent d’abord sur les autorisations de mise sur le marché (AMM). Au cours de nos auditions, nous avons compris l’intérêt et la légitimité qu’il y a eu à accorder aux vaccins contre la Covid‑19 des AMM conditionnelles – ce point ayant donné lieu à un certain échauffement. Comment s’est déroulé le processus de renouvellement de ces AMM conditionnelles ? De nouvelles données de sécurité et d’efficacité, notamment contre les nouveaux variants, ont‑elles été demandées aux laboratoires ?

Les essais cliniques ne sont pas terminés, et les laboratoires se sont engagés à en fournir les résultats finaux dès qu’ils seraient disponibles. Or il nous a été rapporté qu’une partie des personnes participant à ces essais ont finalement été vaccinées. Quels vaccins sont concernés par cette dérogation à la procédure ? Quelle incidence cela aura‑t‑il sur la validité des essais ? Cette dérogation a‑t‑elle reçu une autorisation préalable des agences sanitaires et d’évaluation ? De votre point de vue, cela peut‑il remettre en cause l’obtention d’une AMM pleine et entière pour les vaccins concernés ?

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – Une autre série de questions porte sur l’évaluation de la balance bénéfices‑risques, centrale pour les recommandations par tranches d’âge et catégories d’usagers, en fonction des risques identifiés. Cette évaluation est réalisée par la Haute Autorité de santé. Au cours de la pandémie, les décisions ont été accompagnées par le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale.

Des tensions sont liées à l’utilisation de données dites de vie réelle pour mieux caractériser les vaccins et formuler ou ajuster les recommandations, notamment en ce qui concerne l’efficacité des vaccins contre les formes graves ou la mortalité. Des critiques se font entendre à cet égard. Je précise que nous ne les reprenons pas à notre compte : nous nous en faisons l’écho. Elles reposent sur le fait que ces études ont un niveau de preuve moindre que les essais cliniques randomisés et contrôlés, et que les données sont obtenues a posteriori. De ce point de vue, la situation est tout à fait particulière, compte tenu de l’ampleur du phénomène et du nombre de personnes concernées.

Une question revient souvent : est‑il prudent de vacciner les personnes en bonne santé, en l’état actuel des connaissances, au niveau d’immunité collective aujourd’hui atteint ? Comment pouvez‑vous répondre aux personnes inquiètes à cet égard, légitimement ou non ?

Comme parlementaires, nous n’avons pas vocation à prendre position sur le fait que la balance bénéfices‑risques est ou non favorable ; elle est de surcroît très évolutive. Le virus lui‑même évolue, et la façon dont nos concitoyens se protègent à travers les gestes barrières est un élément de cette balance. La connaissance évolue aussi sur les conséquences des virus et des vaccinations.

Or, toutes les politiques de vaccination reposant sur cette balance bénéfices‑risques, nous avons besoin d’une connaissance plus fine, peut‑être plus transparente, de son actualisation, en tout cas d’éléments réguliers à présenter à la population.

S’agissant enfin du système de pharmacovigilance, au sujet duquel nous avons mené de nombreuses auditions, de nombreux professionnels ont salué le volume et la transparence des informations fournies par le réseau. La qualité des dossiers médicaux réalisés en France est reconnue à l’échelle européenne et internationale, ce qui garantit la qualité du signal lorsqu’il est repéré dans le cadre des procédures actuelles.

Une alerte peut ainsi être lancée, comme pour les thromboses atypiques apparues avec le vaccin AstraZeneca. Pourtant, nous sommes étonnés que les troubles menstruels, dont on parle beaucoup et depuis des mois, ne soient toujours pas reconnus comme effets indésirables. Comment cela est‑il possible ? Que manque‑t‑il pour que cet effet soit reconnu ? S’il est manifestement sans gravité dans la majorité des cas, sa non‑reconnaissance nous empêche de disposer de plus de précisions pour les cas les plus graves. Ces troubles interpellent par leur fréquence et ont inquiété des femmes, notamment jeunes. « Ce n’est pas grave » n’est pas une réponse étayée sur un plan scientifique et médical.

Ce sujet pourrait apparaître comme faisant l’objet d’une dissimulation. C’est un facteur d’inquiétude et d’étonnement, au sujet duquel un certain nombre de nos concitoyennes n’ont pas eu de réponse ou de réassurance factuelle.

Enfin, nos dernières questions concernent la communication, dont nous disons depuis le début qu’elle est centrale pour l’adhésion et la bonne information de toutes les parties prenantes. Toute erreur de communication peut se payer cher.

Je pense en particulier à la communication vers le grand public pour inciter à accepter la vaccination. Il faut un discours de vérité, mais des effets indésirables, graves ou non, sur lesquels on est transparent peuvent aussi être contreproductifs par rapport à la promotion de la vaccination. Où trouver l’équilibre ? La transparence est néanmoins un élément essentiel de l’adhésion. L’identification a posteriori d’une non‑transparence pourrait être délétère pour l’ensemble de la prise en charge vaccinale, au‑delà même de la Covid.

En particulier, la balance bénéfices‑risques est un élément majeur sur lequel il faut communiquer. Or elle n’a pas toujours été lisible pour le grand public. Par exemple, les notices imprimées qui devaient être mises à disposition des personnes vaccinées, mentionnant les effets indésirables, ne l’ont pas toujours été. Comment expliquer que cette dimension n’ait pas été pleinement prise en compte ?

La communication vers les professionnels de santé est également essentielle, pour guider les prises en charge et mieux conseiller les patients. Nous avions dit dès le début que les médecins traitants joueraient un rôle central pour l’adhésion vaccinale, ce qui s’est confirmé. Les fameux « DGS Urgent » sont nombreux, sur des sujets divers et d’importance inégale du point de vue de la pharmacovigilance et de la détection des effets secondaires. Dans ces conditions, il est difficile pour un médecin généraliste ou un professionnel de santé de faire le tri.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Je rappelle que l’instruction des dossiers appartient aux rapporteurs. Pour ma part, je m’assure que le travail avance, dans le respect des procédures.

Nous demandons à présent aux intervenants de répondre à celles des questions posées qu’ils s’estiment légitimes à traiter.

M. Bernard Celli, responsable de la task force Vaccination au sein de la Direction générale de la santé. – La task force Vaccination a été créée en octobre 2020 pour mettre en œuvre la campagne de vaccination voulue par le Gouvernement. Il s’agissait notamment d’assurer une forme de coordination entre les ministères concernés, les administrations concernées au sein du ministère des solidarités et de la santé et les autres structures impliquées, dont les autorités scientifiques – Haute Autorité de santé et Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale –, mais aussi les opérateurs comme Santé publique France et l’ANSM.

Au sein de la task force, un pôle est chargé de la stratégie vaccinale et de l’élaboration de la doctrine, à travers notamment les « DGS Urgent » – nous pourrons revenir sur leur fréquence, mais, en temps de crise, il faut produire de la doctrine pour informer les professionnels de santé. Un autre pôle s’occupe de l’approvisionnement, en liaison avec les laboratoires et la Commission européenne. Un autre traite de la logistique, en collaboration avec Santé publique France. La task force dispose également d’un pôle pour les systèmes d’information, d’un pôle territorial, en relation avec les agences régionales de santé et les collectivités territoriales, d’un pôle indicateur, qui s’assure que les chiffres collectés ont du sens et modélise les scénarios d’évolution de la campagne, et d’un pôle communication.

Nous sommes aujourd’hui 25 personnes environ. À des moments plus intenses de la campagne, nous étions beaucoup plus nombreux.

Depuis le 27 décembre 2020, 144,3 millions d’injections ont été réalisées, dont 54,4 millions de premières injections et 41,9 millions de rappels. Ces nombres sont vertigineux : on n’a jamais autant vacciné dans notre pays que ces dix‑huit derniers mois.

La vaccination assure une protection importante de la population, en particulier des personnes les plus fragiles. Elle a permis d’éviter des drames humains, que des personnes décèdent ou partent en réanimation. Elle a permis au plus grand nombre d’entre nous de retrouver progressivement une vie normale.

Par comparaison avec les autres pays, la France a mené une campagne de vaccination très encourageante. Quelques pays ont une meilleure couverture en termes de primo‑vaccination, comme l’Espagne ou l’Italie. Mais la plupart des pays européens, dont le Royaume‑Uni et l’Allemagne, affichent une campagne plutôt moins bien réussie. Nos chiffres sont meilleurs que la moyenne européenne.

Nous partions pourtant de loin, puisque, en décembre 2020, près de 60 % de nos concitoyens étaient réticents face à la vaccination. L’adhésion s’est améliorée parce que nous avons pu convaincre de la qualité et de la sécurité des vaccins proposés.

Cette campagne vaccinale est une prouesse humaine. Elle a mobilisé de nombreux acteurs de la sphère santé et a conduit à l’ouverture de centres massifs – un engouement s’est manifesté chez les professionnels pour y travailler. Les professionnels de ville se sont aussi largement mobilisés.

Les prouesses ont été aussi logistiques, au vu notamment des températures de conservation des vaccins. Nous avons apporté les vaccins dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), alors que, dans d’autres pays, ce sont les personnes fragiles qui ont dû se déplacer.

Nous avons mobilisé des vaccins sûrs et efficaces. Ce caractère sûr et efficace a été attesté par des autorisations délivrées par des institutions indépendantes – Agence européenne des médicaments (EMA) et HAS. En aval, le système de pharmacovigilance piloté par l’ANSM, intrinsèquement très performant, a été encore renforcé dans le cadre de la campagne.

La campagne a été guidée par un maître mot : transparence. Dès qu’un signal était identifié, il était traité et analysé. Rien n’a jamais été caché. Cette transparence a largement contribué à l’adhésion de la population à la vaccination.

Dr Christelle RatignierCarbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). – Je vous remercie d’avoir associé à cette audition l’ANSM ainsi que les centres régionaux de pharmacovigilance, un maillon indispensable dont le réseau territorial est assez unique en Europe et dans le monde.

L’AMM conditionnelle suscite légitimement de nombreuses questions. Ce procédé n’est pas nouveau : il existe depuis 2004. Il garantit un accès rapide à un médicament ou un vaccin lorsqu’un besoin médical n’est pas couvert et que la situation sanitaire est particulière. Tel était le cas pour la mise à disposition des vaccins contre la Covid‑19.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Pouvez‑vous donner des exemples d’autres cas où cette procédure s’est appliquée ?

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – J’allais y venir : en 2020, il y a eu 13 AMM conditionnelles, et près d’une cinquantaine ont été accordées depuis que cette procédure existe, notamment en oncologie.

L’AMM conditionnelle repose sur la mise en évidence d’un rapport bénéfices‑risques positif, sur la base de données certes non complètes, mais suffisamment importantes. L’évaluation de ce bénéfice est collégiale à l’échelon européen. Lorsque le bénéfice est attesté et qu’il serait délétère pour les patients d’attendre la mise à disposition des données complètes, l’AMM conditionnelle permet d’éviter des pertes de chance.

Le terme « conditionnel » peut prêter à confusion. Il s’agit bien d’une autorisation de mise sur le marché précoce pour donner accès à un médicament ou un vaccin dans une situation sanitaire précise, avec un rapport bénéfices‑risques positif et la garantie que l’industriel sera en mesure de fournir des données complètes.

Une AMM conditionnelle est assortie d’obligations spécifiques, disponibles en toute transparence sur le site de l’EMA. Pour les cinq vaccins déjà disponibles – d’autres sont en cours d’évaluation –, elles définissent les données qui doivent encore être fournies : rapports finaux d’étude ou nouvelles études.

En matière de vaccins, les données proviennent d’essais cliniques. Des études randomisées ont ainsi été réalisées. Un suivi est assuré de l’ensemble des personnes incluses dans les essais. Au moment de l’AMM conditionnelle, nous disposions donc d’un certain recul sur l’efficacité comme sur la sécurité des vaccins. Le suivi au fil du temps permet d’apprécier la durabilité de l’efficacité et l’évolution des effets indésirables. De manière assez classique, les participants aux essais cliniques sont suivis pendant environ deux ans après la fin de l’essai.

Ainsi, des données fournies par les industriels comme par les acteurs de la surveillance ‑ pharmacovigilance et pharmacoépidémiologie ‑ parviennent en permanence à l’EMA, qui coordonne les agences sanitaires nationales, chargées de l’évaluation. Nous sommes corapporteurs pour le vaccin Comirnaty.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – Vous parlez d’un suivi pendant deux ans après la première dose. Mais que se passe‑t‑il en cas d’itération des injections, en particulier quand on mélange différents vaccins ?

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – Un suivi d’une durée moyenne de deux ans est assuré dans le cadre de l’essai d’origine. Les indications des vaccins évoluant, un suivi est également assuré avec d’autres participants. Il y a donc tout un corpus de données qui doivent être fournies par les industriels dans le cadre des essais cliniques ‑ les PASS (postauthorization safety studies) et PAES (postauthorization efficacy studies), qui traitent respectivement de la sécurité et de l’efficacité. Ces données sont évaluées collégialement par les autorités sanitaires européennes. L’évolution de la connaissance se traduit au fur et à mesure dans les résumés des caractéristiques des produits (RCP) et les notices.

Une AMM, conditionnelle ou non, évolue en permanence. Le suivi est lui aussi permanent.

Une AMM conditionnelle est révisée annuellement, avec un objectif d’évolution vers une AMM pleine et entière, une fois remplies les obligations spécifiques dont j’ai parlé. Hors vaccins, le délai moyen de transformation en AMM pleine et entière est de trois ans et demi. La révision intervenue fin 2021 repose sur une évaluation synthétisant l’ensemble des données disponibles. Nous sommes dans une situation extraordinaire, au sens propre du terme, avec une vaccination massive : nous avons donc acquis une quantité de données extrêmement importante, sur l’efficacité comme sur la sécurité.

Le dispositif de surveillance renforcée mis en place par l’ANSM repose sur deux jambes : pharmacovigilance et pharmacoépidémiologie. Il a permis une actualisation en temps réel et la production des données en vie réelle, possiblement considérées comme moins probantes qu’un essai randomisé en double aveugle, encore considéré comme le gold standard. En l’occurrence, la combinaison des deux est indispensable.

J’en viens aux variants et aux études d’immunobridging. De fait, la situation actuelle rend difficile, voire impossible, la constitution d’un groupe témoin non vacciné. Les premiers vaccins ont été réalisés sur la base d’essais cliniques d’efficacité. Pour les nouveaux vaccins en cours d’évaluation, il est difficile de mettre en place un groupe témoin. C’est là qu’intervient l’immunobridging, qui consiste à comparer les réponses immunitaires obtenues par les différents vaccins. Il s’agit d’établir si le candidat vaccin fait aussi bien, ou peut‑être mieux, que les vaccins déjà autorisés. Le même principe est appliqué pour les vaccins annuels contre la grippe. Il n’y a donc là rien de nouveau.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Pour bien comprendre : sur une population encore « naïve », on peut pratiquer des essais in vivo, en comparaison avec un groupe témoin. Dans le contexte lié aux nouveaux vaccins et aux nouveaux variants, on fait des comparaisons et on extrapole, c’est bien cela ?

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – Pour être tout à fait précis, on compare les vaccins entre eux, et non plus un vaccin avec le placebo. Par ailleurs, les données en vie réelle permettent d’apprécier finement l’évolution de l’efficacité comme de la sécurité sur un très grand nombre de personnes.

Le groupement d’intérêt scientifique (GIS) EPI‑PHARE est une force d’expertise publique, dénuée de tout lien d’intérêts – comme, du reste, moi‑même et l’ensemble de mes collaborateurs –, qui mobilise des données extrêmement précieuses sur les 68 millions d’assurés sociaux. Il publie régulièrement et en toute transparence les études réalisées ; cinq ont été menées sur l’efficacité des vaccins en vie réelle, trois sur la sécurité, notamment sur les myocardites.

Une autre procédure existant depuis de nombreuses années a été mobilisée : la rolling review, initiée lors de l’arrivée des premiers antirétroviraux contre le VIH. Il s’agit d’accélérer la mise à disposition des médicaments ou des vaccins sans compromettre l’évaluation de leur qualité. Dans ce cadre, les industriels fournissent des données en continu, et les rapporteurs également travaillent en continu.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Plusieurs internautes signalent que vous avez parlé de traitements, contre le cancer ou le VIH. Est‑ce la première fois que l’AMM conditionnelle est employée pour un produit préventif ?

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – D’autres vaccins ont été concernés par la rolling review. Je pense au vaccin contre Ebola – il s’agissait d’une autorisation européenne à destination de pays tiers.

S’agissant de l’AMM conditionnelle, je n’ai pas la réponse à l’esprit, mais je ferai vérifier.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – De manière générale, si nous avons besoin de compléments, ils pourront nous être transmis par écrit. Cela vaut aussi pour les questions posées par les internautes, d’autant qu’elles sont extrêmement nombreuses.

Notre collègue Catherine Procaccia signale que les anticorps ne sont pas forcément des indicateurs très significatifs de la protection immunitaire. Peut‑être le professeur Alain Fischer peut‑il prendre le relais à ce stade de l’audition.

Pr. Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale. – Il faut distinguer l’évaluation des anticorps à l’échelle individuelle et à l’échelle de la population. Pour un individu donné, sauf s’il est profondément immunodéprimé, le titre des anticorps ne prédit pas le niveau de protection, d’autant qu’il y a différents types d’anticorps et qu’ils ne sont pas tous neutralisants. En revanche, les études dont a parlé Mme Ratignier‑Carbonneil visent précisément les anticorps neutralisants contre plusieurs variants ; sur des milliers de personnes, ces données sont statistiquement puissantes et donnent une indication certes imparfaite, mais pertinente.

Jamais dans l’histoire de la médecine, et de la vaccination en particulier, un niveau de surveillance et d’évaluation aussi élevé n’a été mis en œuvre : en France, avec notre réseau qui est réellement impressionnant ; en Europe, avec un travail en commun au niveau de l’EMA ; et à l’échelle internationale, au moins dans les pays développés. La masse d’informations quotidiennement recueillies, sur l’efficacité comme sur la sécurité des vaccins, est inégalée.

Tout cela est assurément unique et justifié par la gravité d’une pandémie qui, je le rappelle, a causé 17 ou 18 millions de morts dans le monde. En France, elle a entraîné près de 150 000 décès et 800 000 hospitalisations.

Je puis témoigner de l’absolue transparence dans la transmission des informations, en particulier sur les questions de sécurité, même quand cela a coûté. Ainsi, dès les premiers jours des premiers essais cliniques, on a su qu’il y avait un risque faible – de l’ordre de 1 pour 100 000 – de choc anaphylactique avec les vaccins ARN. En ce qui concerne les accidents thrombo‑emboliques avec AstraZeneca, l’alerte a été lancée à l’échelle européenne alors que le nombre de cas était encore extrêmement limité. La France, en particulier, a fait un travail exhaustif d’enregistrement de ces cas, au vu de leur gravité.

Il fallait le faire. Malheureusement la conséquence en a été, au moins en France, une perte de confiance du public dans le vaccin AstraZeneca et, dans une certaine mesure, dans le vaccin Janssen, à un moment où nous n’avions pas assez de vaccins ARN pour toute la population. C’est un contre‑effet négatif, mais qu’il faut assumer, d’une transparence qui n’aurait pas pu être plus complète.

Les myocardites constituent le dernier effet indésirable indiscutable des vaccins. Là aussi, les informations ont circulé immédiatement, sans aucune retenue, au point d’entraîner, probablement, un excès de précaution de la part de la population.

Plus généralement, 1 500 personnes meurent chaque jour en France. Si 100 000 personnes sont vaccinées un jour donné, statistiquement, 25 mourront dans les dix jours et 75 dans le mois. Sont‑elles mortes de la vaccination ou d’une autre étiologie ? Il s’agit de distinguer la concomitance de la causalité. En confondant les deux, on risque d’arriver à des chiffres astronomiques, mais qui n’ont aucun sens, qu’il s’agisse de mortalité ou de complications de tous ordres.

Où en serions‑nous aujourd’hui s’il n’y avait pas eu de vaccin ? Combien de morts, d’hospitalisations, de mois de confinement supplémentaires ? Je vous pose la question, à tous. Des travaux ont déjà été menés sur ce sujet, en France et aux États‑Unis. En août dernier, une équipe de Saint‑Étienne a estimé à 25 000 le nombre de vies sauvées en France. Ce travail n’est pas simple, mais doit être mené. Ayons à l’esprit que beaucoup de personnes sont en vie parce qu’elles ont été vaccinées.

Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. – Nous en sommes tous à peu près persuadés, mais ce sera l’objet d’une autre enquête, je pense...

Pr. Alain Fischer. – Au‑delà des études randomisées, qui s’arrêtent au bout de six mois ou un an, il y a les études observationnelles, certes un peu moins rigoureuses, mais portant sur des effectifs considérables. Ces études sont faites à tous les stades de la vaccination et en fonction des variants.

Par ailleurs, une méthode est utilisée, le testnegative design, qui consiste à calculer la proportion de personnes atteintes de la Covid‑19 et la proportion de personnes vaccinées parmi celles qui présentent un signe clinique. Il s’agit d’une méthode assez rigoureuse, plus que les études observationnelles. Or les multiples études menées confirment l’analyse bénéfices‑risques des vaccins.

En matière de communication, il n’y a pas eu de dissociation entre le traitement des effets indésirables et celui de l’efficacité. Ou plutôt, on a plus parlé des premiers que de la seconde, typiquement dans le cas des accidents thrombo‑emboliques – ce qui est compréhensible. En l’absence d’événement particulier, l’analyse bénéfices‑risques, à chaque fois largement positive, a été globalement abordée.

Mme Laurence MullerBronn, sénatrice. – De jeunes enfants ont été vaccinés avec des doses pour adultes avant l’arrivée des vaccins pédiatriques, à la mi‑décembre 2021. Selon les données de Santé publique France et un article du Monde du 18 novembre 2021, 22 490 enfants français de moins de 12 ans sont concernés par une dose au moins ; 17 199 ont été complètement vaccinés. On recense parmi eux des enfants de moins de 5 ans : 4 512 ayant reçu une dose et 2 436 deux doses. Or il n’y a ni étude clinique ni autorisation légale pour ces injections.

Un dispositif de pharmacovigilance a‑t‑il été mis en place pour suivre les 22 490 enfants vaccinés par un régime d’exception, notamment ceux qui ont moins de 5 ans ? Dans le cas contraire, pourquoi l’ANSM ne rapporterait‑elle pas les données relatives à ces enfants ?

Dr AnniePierre JonvilleBera, présidente du réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV). – Les centres de pharmacovigilance sont des structures hospitalières indépendantes, hébergées dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), composées de pharmacologues, médecins et pharmaciens qui sont chargés du recueil, de l’analyse et de l’expertise médicale des effets indésirables des médicaments ou de leur suspicion. Nous avons assuré la surveillance des vaccins avec toute la rigueur nécessaire, malgré une surcharge de travail particulièrement importante au cours de l’année concernée.

La finalité de notre activité n’est pas d’enregistrer tout ce qui se passe, mais de détecter les signaux potentiels, c’est‑à‑dire des effets indésirables nouveaux, graves ou non, qui pourraient conduire à modifier le bénéfice‑risque d’un produit, y compris d’un vaccin, ou bien encore la campagne de vaccination. Il ne s’agit donc pas d’un enregistrement exhaustif.

L’organisation de notre réseau favorise un niveau de sensibilité très intéressant pour la détection de signaux faibles, avec une précocité que ne permettent pas les bases d’enregistrement d’événements. En effet, c’est grâce à l’intelligence humaine, et pas artificielle, que nous parvenons à détecter des cas et à lancer un signal, dès que nous en constatons l’existence, quelle que soit l’imputabilité du phénomène observé. Que ce soit pour les vaccins ou pour les autres médicaments, celle‑ci n’entre pas en ligne de compte pour détecter un effet nouveau ou pour lancer un signal.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Pouvez‑vous préciser la notion d’imputabilité ?

Dr AnniePierre JonvilleBera. – Il s’agit d’une méthode que l’on utilise en pharmacovigilance. Elle fonctionne sur une comparaison entre les médicaments pour mesurer les effets indésirables de tel ou tel. Elle fournit des indications sur le délai de survenue et permet de prendre en compte les autres diagnostics étiologiques puisque, en dehors de quelques cas exceptionnels, le médicament n’est jamais la seule cause d’une pathologie. La note d’imputabilité sert d’aide‑mémoire pour éliminer les autres pathologies et éventuellement prendre en compte la bibliographie. Elle n’est toutefois pas utilisée, ni pour faire des enquêtes ni pour faire remonter des signaux.

À l’échelle européenne, un signal est plus facile à défendre si les cas ont une imputabilité très élevée, car le critère du nombre sera alors moins important.

Les centres ont souhaité mettre en place toutes les mesures nécessaires pour favoriser une détection de signal la plus précoce et la plus rapide possible. Sur les 155 000 signalements reçus en 2021 au sujet des vaccins et à partir des 50 000 questions posées par les professionnels de santé et les patients sur le lien éventuel entre telle ou telle pathologie et le vaccin, les centres de pharmacovigilance ont fait remonter plus de 1 153 cas marquants, parmi lesquels les rapporteurs des vaccins et le comité de suivi de l’ANSM ont identifié 82 pathologies, au cours de l’année, qui ont fait l’objet soit d’un signal européen, soit d’une procédure de surveillance particulière. L’agence a ainsi transmis 50 signaux potentiels à l’Europe, dont 19 de novo. Certains d’entre eux n’ont pas été retenus par les instances européennes comme les hypertensions artérielles, que nous continuons cependant de suivre, à juste titre, puisque, cette semaine, une publication a établi un lien entre le vaccin et l’élévation de la pression artérielle. Ce niveau de détection mis en œuvre par les centres de pharmacovigilance permet une grande réactivité.

En ce qui concerne les troubles menstruels, il faut rappeler que la pharmacovigilance fonctionne à deux niveaux, dont l’un est individuel et l’autre populationnel. Dans le premier cas, un patient rapporte une pathologie et à l’issue d’une analyse nous pouvons établir un lien avéré entre celle‑ci et le vaccin ; dans le second cas, l’étude peut ne pas confirmer que le vaccin augmente le risque de la pathologie, à l’échelle de la population. Cela s’explique par la particularité de certaines pathologies, par les facteurs de risques des patients ou par certains biais.

L’ANSM ne peut établir un lien avéré entre une pathologie et un vaccin qu’au terme d’une procédure réglementaire. Dès lors que les signaux lui ont été transmis, elle les fait suivre à l’Europe qui choisit d’ouvrir ou pas le signal. Une fois le signal ouvert, les études nécessaires sont lancées pour pouvoir le confirmer. L’Europe peut toutefois ne pas confirmer des signaux, même si le lien entre le vaccin et la pathologie semble évident chez certains patients.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – L’Agence ne prend pas la responsabilité de signaler des éléments d’effets indésirables potentiels si l’Europe ne les acte pas ? Il faut donc attendre l’avis de l’Europe, en quelque sorte.

Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. – L’Agence retient‑elle les effets indésirables qui sont considérés comme bénins ‑ c’est le cas des troubles menstruels ?

Pr. Sophie Gautier, référent Moderna du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance. – L’Agence prend en charge tous les signaux, que les effets indésirables soient bénins ou pas, et les transmet à l’Europe. Le réseau est surtout là pour identifier de potentiels signaux. Il revient à l’Agence de s’occuper de l’aspect réglementaire et d’échanger avec l’EMA. Notre rôle est de faire remonter tous les effets indésirables liés à la vaccination.

En ce qui concerne les troubles menstruels, la vaccination des femmes en âge de procréer a débuté en avril 2021. Dès le mois de juin, nous avons indiqué au comité de suivi l’existence de troubles menstruels et manifesté notre volonté de les suivre particulièrement. Nous avons opéré deux autres suivis, l’un en juillet, l’autre en septembre. Les tableaux, très larges, allaient du saignement jusqu’à l’aménorrhée et aux douleurs utérines violentes. Pour établir un descriptif précis, nous avons étudié 4 000 cas, en les traitant un par un. Au mois de décembre 2021, nous avons publié un rapport qui décrivait très précisément les caractéristiques des événements qui nous étaient rapportés.

Au niveau français, nous avons considéré dès le mois de juin 2021 qu’il fallait suivre ces cas à titre individuel, sans avoir toutefois les moyens de réaliser une estimation collective, tâche qui revient normalement à l’Europe. Celle‑ci a été saisie de la question à l’été 2021, mais a décidé de clore le signal en décembre 2021, en estimant qu’il était compliqué de trancher quant à l’existence d’un lien avec le vaccin, dans la mesure où les troubles menstruels sont multifactoriels.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Quand vous parlez de « l’Europe », de quelle institution s’agit‑il exactement ?

Pr. Sophie Gautier. – De la commission de pharmacovigilance européenne, qui se réunit tous les mois pour examiner les signaux qu’on lui a fait remonter et qui décide, après expertise, de les clore ou pas. Lorsque la commission clôt un signal, elle ne cesse pas forcément de le suivre ; elle ne fait qu’apporter une première réponse négative sur l’existence d’un lien avec le vaccin.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – C’est donc l’agence qui identifie les signaux à partir du recueil de témoignages.

Pr. Sophie Gautier. – À partir des déclarations de pharmacovigilance.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Une fois que l’ANSM a fait le signalement auprès de la commission de pharmacovigilance européenne, celle‑ci peut décider de clore l’instruction pour absence de preuves ?

Pr. Sophie Gautier. – En tout cas pour absence d’éléments établissant un lien avec la vaccination.

À la suite d’études réalisées aux États‑Unis, l’Europe a décidé de rouvrir le signal sur les troubles menstruels, en février dernier, sur deux points particuliers : les saignements abondants qui gênent la vie quotidienne et les aménorrhées, soit les absences de règles pendant plus de trois mois. L’enquête est en cours et ses résultats devraient être publiés au mois de juin prochain. La France n’était pas la seule à faire remonter le signal. La Norvège, la Suède et la Grande‑Bretagne ont insisté sur la quantité de cas enregistrés. Même si les effets de ces troubles sont considérés comme bénins, car ils ne conduisent pas à l’hospitalisation, leurs conséquences sur la vie des personnes concernées restent préoccupantes.

Pr. Joëlle Micallef, référent Comirnaty du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance. – Je confirme les propos de ma collègue, en tant que référent pour le vaccin Pfizer avec les trois autres centres de Bordeaux, Strasbourg et Toulouse. En effet, dès l’été 2021, nous avons analysé 230 cas de troubles menstruels. Tous nos rapports figurent sur le site de l’ANSM. Nous avons poursuivi l’enquête et publié, dans notre rapport de décembre 2021, l’analyse de 3 870 cas de troubles menstruels sur dix pages. Ce niveau de détail est révélateur d’une analyse à la française, presque chirurgicale.

Quand on parle de troubles menstruels, cela couvre en médecine différentes situations. Il a donc fallu mener un travail d’investigation très important et très fin pour identifier un certain nombre de situations cliniques dont nous avons suivi l’évolution. Nous avons pour cela recueilli l’histoire individuelle de chacune des patientes – cycle, aménorrhée, retard de règles. Il était indispensable de réaliser cette analyse à partir des symptômes plutôt que du diagnostic, même si le recueil de ces précisions médicales et pharmacologiques exigeait davantage de temps.

Enfin, concernant les enfants, en pharmacovigilance, nous réceptionnons et nous analysons toutes les déclarations qui nous parviennent, quel que soit l’âge des patients concernés. Nous n’avons aucun a priori quant aux populations et nous n’opérons aucun tri. Dès lors qu’un effet indésirable nous est signalé, nous le réceptionnons, nous l’analysons et le documentons. Actuellement, aucun signal ne concerne les enfants, malgré l’existence d’un suivi spécifique.

Mme Laurence MullerBronn, sénatrice. – La situation exceptionnelle des enfants qui ont été vaccinés avec des doses pour adultes, avant l’arrivée des doses pédiatriques, ne fait pas l’objet d’une pharmacovigilance particulière ?

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – Le dispositif de pharmacovigilance est global. Toute vaccination comme toute déclaration d’effet indésirable est suivie avec la même acuité, rigueur, intensité et professionnalisme, qu’il s’agisse de jeunes enfants ou de personnes âgées. Nous nous sommes adaptés en fonction de l’évolution de la campagne de vaccination, en facilitant par exemple la déclaration pour les professionnels de santé.

Pour ce qui est de l’articulation de la surveillance et des mesures à mobiliser, les centres de pharmacovigilance ont toute latitude à l’échelon national. Ils réalisent un travail important en collaboration avec l’ANSM pour faire remonter les signaux à l’échelon européen. Le sujet des troubles menstruels est toujours en cours d’évaluation, sans décision à ce stade. Toutefois, à l’échelon national, dès le mois de juin 2021, la communication a été transparente sur le sujet et l’Agence a publié, en décembre 2021, une conduite à tenir, réalisée avec les professionnels de santé. Même si l’évaluation reste en cours à l’échelon européen, nous avons toute latitude, à l’échelon national, pour mettre en place les mesures permettant de garantir la sécurité sanitaire des patientes.

Nous avons réuni en visioconférence, la semaine dernière, des collectifs de patientes et des professionnels de santé pour partager l’information sur la situation des troubles menstruels. En effet, il faut renforcer l’accès à l’information si l’on veut favoriser la déclaration en matière de pharmacovigilance.

Pr. Alain Fischer. – Faut‑il vacciner les personnes en bonne santé ? Oui, car elles ne sont pas à l’abri de développer une forme grave de la maladie – les cas sont malheureusement nombreux. En outre, la vaccination diminue le risque de transmission du virus, environ d’un facteur deux – du moins pour omicron –, ce qui n’est pas négligeable. En se faisant vacciner, les personnes en bonne santé se protègent elles‑mêmes ainsi que les personnes immunodéprimées ou les personnes âgées de leur entourage.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Nous abordons à présent la deuxième partie de notre audition publique qui va nous permettre d’entendre quelques voix critiques sur l’analyse et la prise en compte des effets indésirables dans la campagne de vaccination contre la Covid‑19.

Le panel d’intervenants sélectionné par les rapporteurs au terme des échanges et des entretiens qu’ils ont menés n’a pas la prétention d’être exhaustif ou de donner une légitimité plus ou moins grande à tel ou tel. Toutefois, les rapporteurs ont estimé que les trois personnes invitées seraient les plus à même de fournir un ensemble cohérent et représentatif des critiques qui ont pu s’élever. Leur parole sera l’occasion d’un débat contradictoire.

M. François Alla, professeur de santé publique à l’université de Bordeaux. – Je m’exprime en tant que chercheur, comme praticien de santé publique et de prévention et comme acteur de la démocratie sanitaire. En ce sens, je fonde mon analyse sur des méthodes et sur des principes, qui sont ceux de la démocratie sanitaire. Ces derniers interrogent à la fois le processus de décision – c’est le volet « démocratie » – et la nature des décisions elles‑mêmes – c’est le volet « sanitaire ».

Je n’ai pas de critique majeure à formuler au titre de la pharmacovigilance et de la pharmacoépidémiologie. Qu’il s’agisse du recueil, de l’analyse ou de la mise à disposition des données, inédite à une telle échelle, en France comme à l’international, je tiens plutôt à féliciter les équipes mobilisées. Je connais d’expérience la lourdeur d’un tel travail.

Pour moi, ce qui pose problème, ce ne sont pas tant les données que la manière dont elles ont été utilisées, ou non, au titre des politiques publiques.

La communication sur les effets indésirables n’a pas été loyale : elle n’a pas permis le consentement « libre et éclairé » qu’exige le code de la santé publique.

En réalité, cette communication ne pouvait qu’être inadaptée, car elle était au service d’une stratégie inadaptée.

La France a explicitement mis en œuvre une stratégie de masse visant une immunité collective que l’on sait pourtant inaccessible par la vaccination, du moins par la vaccination seule. S’ils ralentissent la diffusion de l’infection, les vaccins ne permettent pas de l’arrêter. Ils permettent surtout – c’est leur principale qualité – de réduire la probabilité des formes graves.

La mesure de santé publique la plus évidente était donc de tout mettre en œuvre pour vacciner les personnes les plus à risque de formes graves, du fait de leur âge, de leur état de santé ou de la combinaison des deux. Or on a clairement fait l’inverse en France – les chiffres le confirment jusqu’à aujourd’hui – en vaccinant tous azimuts.

Une mesure universelle est par nature génératrice d’inégalités : qui va s’emparer des modalités de vaccination ? Les plus jeunes et les plus favorisés. Les statistiques françaises le prouvent : les personnes les plus âgées, les plus malades, les plus vulnérables socialement, ainsi que les personnes atteintes d’un handicap sont encore aujourd’hui les moins vaccinées, alors qu’elles en ont le plus besoin.

On s’est targué d’avoir l’une des meilleures couvertures vaccinales d’Europe en population générale ; on se targue un peu moins d’avoir toujours la pire en Europe de l’Ouest pour les plus de 80 ans, qui ont pourtant le plus besoin d’être vaccinés.

C’est un vrai paradoxe, un non‑sens sanitaire et un gâchis médicoéconomique, à l’heure où notre système de santé souffre d’un cruel manque de moyens financiers et humains. En santé publique, il faut aussi se pencher sur l’usage relatif des moyens mis en œuvre.

Cette stratégie d’immunité collective assumée nous a fait oublier des principes éthiques élémentaires, qui font notre contrat social : c’est extrêmement choquant du point de vue de la santé publique.

Je pense en particulier aux enfants et aux adolescents, vaccinés, non pour leur propre bénéfice, mais d’abord pour protéger les adultes.

Je vous renvoie, à ce titre, aux déclarations du début de l’année 2021 : il s’agissait d’abord d’atteindre l’immunité collective faute d’adultes en nombre suffisant.

En juin 2021, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rappelé à quel point cette instrumentalisation des enfants heurtait les principes fondamentaux de l’éthique en santé. Puis, le discours a changé : faute de pouvoir justifier un bénéfice clinique majeur individuel pour les enfants, on a inventé un bénéfice psycho‑éducatif tout en gardant, en filigrane et sans l’assumer, la communication relative à l’immunité collective.

En annonçant la vaccination des enfants le 6 décembre 2021, le Premier ministre déclarait avoir été contaminé par sa fille de 11 ans. Il expliquait ainsi que les enfants devaient être vaccinés car ils sont des transmetteurs. Il ne s’agissait pas de les protéger, mais de s’en protéger en tant qu’adulte, au mépris des principes fondamentaux de la santé publique.

En matière de vaccination, on ne peut pas mettre en avant le bénéfice collectif sans le fonder sur un bénéfice individuel, qui plus est quand il s’agit de personnes vulnérables comme les enfants.

J’en viens aux questions de communication. Pour vacciner en masse, il fallait vacciner des personnes qui n’en avaient pas un besoin impérieux. Il fallait donc manipuler.

À cet égard, je vous renvoie aux travaux que j’ai consacrés à l’hésitation vaccinale. On se vaccine si l’on se pense vulnérable face à la maladie ; si l’on pense que le vaccin est efficace ; et si l’on pense qu’il est dénué d’effets indésirables. Il fallait donc forcer le trait sur ces trois points pour pousser des personnes jeunes et en bonne santé à se vacciner.

Premièrement, pour renforcer le sentiment de vulnérabilité, on a employé la fameuse stratégie de la peur dès le début de la crise du Covid. Tous les soirs, on a égrainé le nombre de morts à la télévision ; on a multiplié les reportages télévisés sur les jeunes adultes sportifs et en bonne santé, sans comorbidité, hospitalisés en réanimation ; puis, en janvier dernier, lors de la campagne vaccinale des enfants, on a mis l’accent sur le grand nombre de décès d’enfants.

Cette manipulation des esprits était très clairement assumée. Elle est également passée par la manipulation des chiffres : je vous renvoie au compte rendu de l’audition, au Sénat, d’Alice Desbiolles en janvier dernier.

Cette stratégie a par elle‑même de graves effets indésirables. Elle a notamment contribué à l’explosion des problèmes de santé mentale.

Santé publique France le souligne dans un rapport datant de la semaine dernière : près d’un tiers des Français présentent, aujourd’hui, un état anxieux ou dépressif. La France connaît la pire évolution d’Europe en matière de santé mentale. La stratégie de la peur est d’ailleurs proscrite depuis longtemps par toutes les sociétés savantes internationales en matière de santé publique.

Deuxièmement, pour survendre les bénéfices des vaccins, on a multiplié les slogans, comme « Tous vaccinés, tous protégés », qui relèvent des fake news au sens premier du terme.

Troisièmement, on a mis les risques sous le tapis, alors qu’ils avaient été identifiés, et même très tôt pour certains, en France ou à l’étranger. Je pense par exemple aux myocardites, détectées en Israël, l’un des premiers pays à vacciner les adolescents.

J’ai été choqué du traitement réservé aux victimes des vaccins. Elles souffrent dans leur corps, dans leur vie, et méritent considération dans tous les cas. Or, globalement, elles ont été méprisées.

Ainsi, on a rarement employé le terme de myocardite sans ajouter l’adjectif « bénigne », même si, selon les séries, 4 % à 20 % des jeunes en bonne santé qui font une myocardite post‑vaccinale se retrouvent en réanimation ; même si, pendant six mois, ces jeunes ne peuvent plus pratiquer d’activité physique ou subissent des arrêts de travail.

Le discours public et médiatique a procédé, en permanence, à la minimisation des effets ressentis et le mépris est allé jusqu’à la censure sur les réseaux sociaux : je ne parle pas de fake news propagées par les antivax, mais de témoignages de victimes s’exprimant depuis leur lit d’hôpital.

Ainsi, le bénéfice est survendu, notamment pour ce qui concerne l’immunité collective, et les risques sont mis sous le tapis, non au titre des mesures, mais en matière de communication. Or le rapport bénéfices‑risques est un enjeu essentiel.

Quelle est la démarche éthique classique en matière de santé publique, qui aurait dû être celle de la campagne vaccinale dans son ensemble ? La première règle, c’est d’objectiver préalablement ce rapport bénéfice‑risques. La seconde, c’est de garantir la transparence pour que chacun puisse consentir de manière libre et éclairée, en fonction de ses caractéristiques.

Or, à ma connaissance, aucun des avis de la HAS ou de l’ANSM n’a présenté de telles données à l’appui de leurs préconisations. Je pense en particulier au critère de l’état de santé. J’ajoute qu’il était essentiel de contextualiser les informations à la France, car il est extrêmement difficile d’extrapoler les données d’un contexte ou d’un moment à l’autre.

Ces avis se contentaient d’arguments d’autorité pour déclarer que le rapport bénéfices‑risques était favorable, sans donner de chiffres, de preuves ou simplement d’éléments. Dans le pire des cas, les autorités concernées reconnaissaient elles‑mêmes qu’elles n’en savaient rien. L’avis de l’ANSM du 18 janvier 2022, portant sur la dose de rappel chez les adolescents, commençait ainsi : « L’ANSM et l’EMA ne disposent pas encore des données d’immunogénicité, d’efficacité et de sécurité portant sur une dose de rappel chez les personnes âgées de 12 à 17 ans qui permettent d’établir un rapport bénéfices‑risques. » Dans les heures ou les jours suivants, les services du Premier ministre annonçaient que les adolescents de 12 à 17 ans pouvaient désormais recevoir une dose de rappel. Or, en janvier 2022, chez les adolescents doublement vaccinés, le risque de formes graves de la maladie n’était pas nul, mais extrêmement minime.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Monsieur le professeur, je vous invite à conclure.

M. François Alla. – Je conclus, monsieur le président.

L’arrivée si rapide de vaccins si efficaces a été l’un des leviers de sortie de la crise. Malheureusement, le vaccin est souvent présenté comme le seul levier. Une stratégie en cohérence avec les caractéristiques des vaccins et les besoins de la population aurait pu contribuer à de meilleurs résultats.

Si l’on avait mieux ciblé le vaccin, on aurait encore évité beaucoup de morts : tous les jours, plusieurs dizaines de non‑vaccinés meurent encore du Covid ; ce sont des personnes extrêmement vulnérables, du fait de leur âge, de leur isolement ou de leur situation sociale. On aurait évité une casse monstrueuse dans le domaine de la santé mentale, notamment chez les jeunes. On aurait aussi évité la perte de confiance et l’atteinte à la cohésion sociale.

Je n’oublie pas non plus les conséquences en matière de santé publique : tous les autres vaccins non obligatoires ont chuté, à l’instar des dépistages de cancers. C’est un véritable gâchis.

Souvent, la démocratie sanitaire a été mise entre parenthèses de manière délibérée. Or l’information et le consentement sont non pas des obstacles à la santé, mais des conditions de la santé.

Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d’information indépendante et d’avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet. – Je suis honoré de votre invitation à ce débat contradictoire si utile : il a manqué depuis le début de la crise. Nous n’avons d’ailleurs cessé de le demander et nous n’en serions pas là aujourd’hui s’il avait eu lieu plus tôt.

À titre liminaire, je déclare n’avoir aucun lien ni aucun conflit d’intérêts. Après avoir été auditionné par Mmes et M. les rapporteurs, j’ai fourni un rapport circonstancié de quatre‑vingt‑douze pages, sur la base des seules données provenant des autorités officielles – la HAS, l’Agence européenne du médicament, l’ANSM et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Le 26 avril dernier, deux nouvelles informations ont été publiées sur le site de l’ANSM.

La première figure dans les communications pour le bon usage des vaccins et des médicaments indiqués contre la Covid‑19, dont la première partie s’intitule : « Bon usage des vaccins et des médicaments indiqués dans la Covid‑19 ; mise en place d’une communication non promotionnelle à destination des professionnels de santé ». On y lit : « [...] L’évolutivité permanente et rapide de la stratégie vaccinale aux thérapeutiques ainsi que des données de sécurité et de bon usage sont incompatibles avec l’obligation de diffuser auprès des professionnels de santé une information exacte et à jour. »

Le même jour, sans doute en réaction aux informations que j’ai transmises aux rapporteurs, le site de l’ANSM mettait en évidence les trois compositions du vaccin Comirnaty actuellement disponibles. Il me semble que la composition initiale, qui avait fait l’objet de l’essai clinique randomisé en double aveugle de Pfizer, n’est plus en circulation. J’ai découvert ces compositions par hasard – deux formulations pour l’adulte et une formulation pédiatrique.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – J’entends des dénégations de la part des experts de l’ANSM.

Dr Amine Umlil. – Nous ne les avons pas interrompus ! Nous les avons écoutés attentivement et longuement, même si, pour ma part, j’étais loin d’être d’accord avec eux : nous avons assisté à un véritable festival d’affirmations générales, destinées à nourrir une appréciation d’ordre général.

Pour ma part, j’aborderai des faits précis, extraits du rapport que j’ai transmis aux rapporteurs, et je répondrai à toutes les questions qui me seront posées.

Je centrerai mon propos sur le vaccin Pfizer‑Comirnaty – c’est le plus prescrit, le premier autorisé et celui pour lequel on a le plus de recul –, mais mon raisonnement est bien entendu transposable aux autres vaccins.

Étant donné le statut retenu, celui d’une AMM européenne, centralisée, conditionnelle et dérogatoire d’urgence, nous étions en attente d’informations complémentaires, qu’il s’agisse du rapport bénéfices‑risques ou de la composition même du vaccin, ce que je considère comme inédit, en tant que pharmacien.

La phrase suivante figure dans un document publié par l’Agence européenne du médicament, auquel on peut accéder par le site de l’ANSM. Ce constat était dressé en avril 2021 et il me semble toujours valable : « L’Agence européenne du médicament attendait des preuves complémentaires concernant la caractérisation de la substance active et du produit fini, le renforcement de la stratégie de contrôle afin d’assurer une qualité constante du produit, des données de validation supplémentaires en vue de confirmer la reproductibilité du procédé de fabrication du produit fini, le procédé de synthèse et la stratégie de contrôle de deux excipients qui seraient nouveaux, l’ALC‑0315 et l’ALC‑0159, en vue de confirmer leur profil de pureté et d’assurer un contrôle de qualité et une reproductibilité entre les lots tout au long du cycle de vie du produit fini. »

En tant que pharmacien, je ne sais pas comment on a pu libérer un lot, étant donné que le procédé de fabrication n’était pas complètement caractérisé.

Un vaccin est un médicament avec deux facettes inséparables, rappelant étrangement une pièce de monnaie : le bénéfice et le risque. L’appréciation du risque se fait au regard du bénéfice escompté par catégories d’âge, démontré par des preuves de haute qualité. Le vaccin s’adresse à des personnes en bonne santé ; et, si le bénéfice n’est pas démontré, le rapport bénéfices‑risques est nécessairement défavorable. Je vous renvoie, à cet égard, à la définition de l’OMS.

Comme l’a dit Mme la rapporteure, l’information de la population est le cœur du conflit qui nous réunit aujourd’hui. Elle rejaillit en effet sur les règles de prescription et sur le consentement libre et éclairé.

Les documents officiels permettent de l’affirmer sans difficulté aucune : en décembre 2020, le jour où la campagne de vaccination a été lancée, la preuve d’une quelconque efficacité du vaccin n’avait pas été apportée, qu’il s’agisse des formes graves ou de la transmission virale. On a également oublié de dire que l’essai clinique restait en cours et que l’on était face à un produit expérimental.

Il s’agit bien d’un pari biologique. Cela ne me pose pas de problème ; mais la population a‑t‑elle été informée ?

Le Covid‑19 a tué, c’est certain. Mais il ne figure toujours pas sur les deux listes réglementaires des maladies à déclaration obligatoire, consacrées par les articles D. 3113‑6 et D. 3113‑7, associés à l’article L. 3113‑1 du code de la santé publique.

Dans un document daté du 17 juillet 2021 et intitulé « Covid‑19 et vaccins », l’organisation professionnelle Les Entreprises du médicament (LEEM) l’affirme : le Covid est plus contagieux que le SRAS et le MERS, mais présente un moindre taux de mortalité.

Malgré l’insuffisance et même l’absence de données, on a injecté le vaccin aux plus de 75 ans, par qui on a même commencé, aux immunodéprimés – à ce titre, je répondrai au représentant de la task force Vaccination tout à l’heure –, aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent et bien sûr aux enfants.

Je parle également en qualité de juriste, spécialisé en droit de la santé et responsable de la pharmacovigilance depuis vingt ans au centre hospitalier de Cholet.

La pharmacovigilance au sens du code de la santé publique ne consiste pas uniquement à répertorier les effets indésirables, mais à prévenir ces effets indésirables, notamment graves, comme les décès.

Le problème, c’est le lien de causalité, dont nous serons appelés à parler.

Pour prévenir les effets indésirables et, ce faisant, éviter de surcharger les centres de pharmacovigilance, il faut commencer par respecter les règles de prescription : un médecin doit prescrire selon les données acquises de la science ; un médecin comme un pharmacien, en vertu de son indépendance professionnelle, a le devoir de faire barrage aux prescriptions qui ne sont pas conformes aux données acquises de la science.

Le 11 avril 2021, nous recevons un courriel « DGS Urgent » indiquant que l’on peut aller jusqu’à trois doses chez les immunodéprimés. Or qu’indique l’AMM conditionnelle, dans sa rubrique « mise en garde spéciale » ? Que l’on ne dispose pas de données pour cette population.

Au titre du code de la santé publique, cela s’appelle un mésusage, autrement dit un comportement intentionnel inapproprié, s’écartant du cadre défini par l’AMM.

« L’urgence ne justifie pas tout ». Vous avez opposé ce principe à des traitements anciens, comme l’hydroxychloroquine, et je ne le conteste pas. Ce que je conteste, c’est le fait qu’il y ait deux poids, deux mesures.

L’information est un droit pour toute personne. Le paternalisme médical est révolu, depuis au moins la loi Kouchner. Je pose cette question au professeur Fischer : avez‑vous demandé l’avis de la population ?

Je vous renvoie au code de la santé publique et aux bonnes pratiques de pharmacovigilance, établies le 2 février 2018 par la direction générale de l’ANSM. Ces dernières sont annexées au code de la santé publique et sont donc, elles aussi, opposables.

En vertu de ces textes, l’information doit être claire, loyale et appropriée.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – On m’informe que des problèmes techniques perturbent la diffusion de cette table ronde sur le site internet du Sénat. Je suis donc dans l’obligation de suspendre nos travaux pour quelques instants.

(L’audition, suspendue à 16 heures 10, reprend à 16 heures 35.)

Dr Amine Umlil. – Les constats que j’ai présentés précédemment conduisent à s’interroger sur les conditions de prescription et de dispensation pharmaceutique, d’autant que la méthode d’imputabilité utilisée en pharmacovigilance a deux limites, connues et admises par tous.

Premièrement, elle présente une importante sous‑notification. En novembre 2021, le réseau français des trente‑et-un centres de pharmacovigilance twittait que seul un effet indésirable sur dix remontait.

Deuxièmement, cette méthode ne permet pas d’affirmer avec certitude un lien de causalité. Je vous renvoie aux nombreuses conférences que j’ai consacrées à cette question : si la pharmacovigilance ne peut affirmer ce lien avec certitude, ce n’est pas pour cacher quoi que ce soit, mais à cause d’une limite propre à la méthode.

Cela étant, dans un rapport de 2011, l’IGAS a formulé de sévères critiques à l’égard de la pharmacovigilance française, en soulignant que celle‑ci refusait de faire évoluer ses méthodes : dès lors, ses outils sont en décalage avec les objectifs affichés de la pharmacovigilance.

Je prendrai un premier exemple : les chiffres des décès. D’après le rapport n° 2 du 28 janvier 2021 publié sur le site de l’ANSM, une méthode d’imputabilité a été fixée, mais elle ne semble pas avoir été respectée. Que dit cette méthode ? Que l’on peut écarter la responsabilité du vaccin « dès lors qu’une autre cause, certaine, permet d’expliquer l’effet indésirable, notamment le décès ».

Or le rapport n° 18 publié sur le site de l’ANSM, dont les données s’arrêtent, de mémoire, au 26 août 2021, répertorie 905 décès. On y lit que seules les personnes nées vivantes et de moins de 50 ans ont fait l’objet d’une analyse approfondie : pourquoi ? De ce fait, 35 décès ont fait l’objet d’une analyse approfondie et 16 d’entre eux sont considérés comme étant « de cause inconnue ». En d’autres termes, il n’y a pas d’autre cause certaine permettant d’expliquer le décès. On aurait donc dû publier la conclusion suivante : on ne peut pas écarter le rôle du vaccin.

Je prendrai un second exemple : le cas d’un enfant qui a perdu la vue. À la demande de ses conseils juridiques, je lui ai consacré deux expertises juridiques.

Toute la batterie des tests menée selon la méthode de l’ANSM s’étant révélée négative pour cet enfant, j’ai rendu la conclusion suivante : présomption simple de causalité et non présomption irréfragable, car aucune autre cause certaine ne permet d’expliquer pourquoi, quatre jours après la première injection, cet enfant est devenu aveugle.

Au sein de l’hôpital de l’Assistance publique ‑ Hôpitaux de Paris (AP‑HP) qui avait pris cet enfant en charge, la pharmacovigilance officielle a rendu la même conclusion que moi. Elle figure dans un courrier en notre possession : on ne peut pas exclure le rôle du vaccin. Je n’ai pas vu cette phrase dans le rapport de l’ANSM à la date du 26 août 2021.

Quand j’ai constaté que l’on écartait si facilement des cas précis, j’ai cessé de lire les documents publiés sur le site de l’ANSM. Pourtant, depuis le début de la crise, je n’avais eu de cesse de les diffuser.

Le premier décès a été constaté en janvier 2021 ; il s’agissait d’une personne en Ehpad. « Aucun effet indésirable immédiat n’est intervenu », écrivait‑on à son sujet avant d’ajouter : « Le décès est intervenu deux heures après. » Qu’est‑ce donc, sinon un effet immédiat ? Je ne comprends pas.

De plus, des autorités officielles ‑ l’ANSM et la HAS ‑ nous ont recommandé de passer outre l’AMM.

Dès janvier 2021, alors que l’AMM du laboratoire Pfizer nous recommandait un délai de 21 jours entre la première et la seconde injection, l’ANSM indiquait que l’on pouvait aller jusqu’à 42 jours. Elle a été suivie, quelques jours plus tard, par la HAS.

L’Académie de médecine elle‑même a dû rappeler les risques d’un tel allongement de délai entre deux injections, ce que le laboratoire lui‑même a dit. J’avais l’impression que ce dernier était plus prudent que le gendarme du médicament. Les risques rappelés par l’Académie de médecine étaient l’apparition d’anticorps facilitants et de variants résistants.

L’information est un droit. Or l’on n’a pas entendu un mot du consentement lors de la première table ronde : il a fallu que le professeur Alla le mentionne.

Le consentement est une liberté fondamentale. La première partie du code de la santé publique est intitulée « Protection générale de la santé ». Elle s’ouvre par un chapitre préliminaire intitulé « Droits de la personne ».

Parmi ces droits figure le respect de la dignité de la personne humaine ; celle‑ci repose sur le respect de l’autonomie de la volonté, qui, avec le respect du secret médical, est la pièce maîtresse de la relation de confiance unissant le patient à son médecin lors de ce colloque singulier que vous connaissez.

Refuser de diffuser une information claire, loyale et appropriée, c’est prendre le risque de vicier le consentement libre et éclairé, donc de porter atteinte à la dignité de la personne humaine.

Le nœud du problème, ce n’est pas le vaccin ‑ Mme la rapporteure l’a dit elle‑même ‑, c’est l’information ; c’est l’obligation d’être inclus dans un essai clinique de force, en vertu d’une « loi » qui n’a toujours pas été validée par le Conseil constitutionnel. Je pense à l’article 12, qui consacre l’obligation vaccinale pour différentes catégories, notamment les professionnels de santé et les pompiers. Je pense aussi à l’article 14, qui crée un régime de sanctions conduisant à « désactiver » socialement ces professionnels de manière extra‑judiciaire, sans entretien préalable, au mépris de tous les droits de la défense. De telles dispositions nous ont projetés un siècle en arrière en matière de droit du travail.

Le Conseil constitutionnel a été saisi par les parlementaires dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori ; mais la question de la constitutionnalité de l’article 12 pour les professionnels de santé n’a pas été soulevée. Le Conseil constitutionnel avait la possibilité de relever ce point d’office : il ne l’a pas fait. Par la suite, toutes les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées ont été bloquées, notamment par le Conseil d’État.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – Nous sortons du débat.

Dr Amine Umlil. – Le défaut d’information et le mésusage peuvent faire encourir à ces produits la qualification juridique de produits défectueux, ce qui serait regrettable.

Je rappelle que le principe, c’est l’inviolabilité du corps humain, et que l’exception, c’est l’intervention médicale.

Je vous donne à présent quelques exemples de ce à quoi nous avons eu droit en matière de communication.

Le 9 juillet 2021, on publiait sur le compte Twitter du ministre des solidarités et de la santé : « Vaccination Covid‑19. Si vous avez des courbatures après le vaccin, pas d’inquiétude c’est que vous avez trop pédalé. » En illustration, on voit la photo d’un jeune sur un pédalo à la surface de l’eau. Je pense aussi à une affiche diffusée sur le site d’une agence régionale de santé (ARS) : « Oui, le vaccin peut avoir des effets désirables. »

Je pourrais vous citer nombre de slogans, d’affiches et de bidouillages publicitaires montrant que tout a été fait pour minimiser les effets indésirables et embellir le bénéfice du vaccin, notamment auprès des jeunes.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Vous êtes déjà à vingt minutes de temps de parole total : allez à l’essentiel, s’il vous plaît.

Dr Amine Umlil. – Certains journaux ou factcheckers ont assuré que l’on ne pouvait déclarer que les effets indésirables graves et inattendus. Or la loi et le code de la santé publique indiquent que l’on peut tout déclarer.

À la demande de professionnels de santé, nous avons mis en œuvre, dans la région des Pays de la Loire, une aide à la déclaration pour les professionnels de santé comme pour les citoyens. Il s’agissait simplement de jouer un rôle d’intermédiaire entre le centre de pharmacovigilance et les citoyens qui se sentaient perdus. S’en est suivie une attaque frontale, par voie de presse, de la part du directeur de l’hôpital lui‑même, contre 119 médecins et pharmaciens. Ces derniers avaient simplement affirmé qu’il n’y avait pas de sous‑notification en pharmacovigilance.

L’ANSM affirme mener des analyses « observé/attendu », mais, du fait des sous‑notifications, le numérateur observé attendu est nécessairement sous‑estimé.

Je dispose d’un cas choletais, un seul, ayant conduit à la modification d’AMM, en introduisant l’effet indésirable de pneumopathie interstitielle sous Flécaïnide, un médicament de cardiologie. La base de données de pharmacovigilance répertoriait vingt‑quatre cas de 1983 à 2007, dont un seul décès suspect.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Il faut vous diriger vers la conclusion, sinon nous n’aurons plus de temps pour le contradictoire.

Dr Amine Umlil. – Enfin, au sujet du rapport bénéfices‑risques, je vous invite à lire ce que le ministre des solidarités et de la santé en personne déclarait lors de la conférence de presse du 18 février 2021 : aucun pays européen n’avait apporté de preuve quant aux formes graves, alors que l’on avait commencé à vacciner deux mois auparavant. Regardez également le rapport qu’il a remis au Conseil d’État le 28 mars 2021 pour justifier le maintien de personnes doublement vaccinées confinées dans les Ehpad, au même titre que les non‑vaccinés. Quand on lit ses quatre arguments, on se demande à quoi sert ce vaccin. J’ai d’ailleurs listé toutes les contradictions des autorités entre elles, qu’il s’agisse des formes graves ou de la transmission virale : il n’y a aucune affirmation de ma part.

Enfin, je renvoie le professeur Fischer à la note d’alerte diffusée par le conseil scientifique, mettant au jour des clusters dans les Ehpad. Ce document était rédigé au conditionnel et ses auteurs savaient pertinemment que l’efficacité du vaccin n’était pas celle qui était diffusée dans les médias : cette note l’évalue à 35 % et, j’y insiste, elle est rédigée au conditionnel.

Monsieur le président, vous êtes mathématicien...

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Mathématicien, mais pas épidémiologiste !

Dr Amine Umlil. – Certes, mais, la logique, vous connaissez : on ne peut pas se prévaloir de ses contradictions, suivre un raisonnement et en tirer la conclusion inverse. On ne peut pas obliger les gens à se faire vacciner : il faut arrêter l’obligation vaccinale au plus vite.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Bien entendu, toutes les informations écrites communiquées ont été transmises aux rapporteurs.

Mme Aure Saulnier, virologue indépendante. – Je tiens à préciser, en préambule, que je m’exprime en mon nom propre.

J’aborderai tout d’abord l’impact socio‑économique de la tolérance vaccinale. L’absentéisme post‑vaccinal s’étend d’un à plus de trois jours, du fait de l’incapacité à travailler. Il concerne 20 % de la population générale et atteint 37 % pour le personnel hospitalier. La réactogénicité est plus élevée pour les sujets les moins à risque de Covid grave.

Le recueil des événements indésirables en France repose sur un dispositif déclaratif, donc passif. Il en est de même dans le reste de l’Europe et aux États‑Unis d’Amérique. En revanche, les États‑Unis disposent également d’un recueil actif permettant le suivi de près de 8 millions d’individus.

En France, pour le vaccin contre le Covid, 25 % des événements indésirables sont graves, contre 6 % pour un vaccin grippal. Quand on compile les données figurant dans les rapports spécifiques publiés par l’ANSM jusqu’au 28 avril 2022, on observe un effet indésirable grave toutes les 1 434 vaccinations au Covid, un décès toutes les 28 300 vaccinations ‑ pour la grippe, c’est un pour 660 000 ‑ et une hospitalisation toutes les 4 430 vaccinations, contre une sur 120 000 pour la grippe.

À l’échelle de l’Europe, on enregistre une hospitalisation toutes les 2 651 vaccinations. Aux États‑Unis, avec le système de recueil actif, baptisé VSafe, on constate une hospitalisation toutes les 2 764 vaccinations pour la deuxième dose, lesquelles s’ajoutent à une hospitalisation toutes les 3 573 vaccinations pour la première dose.

Pour mieux qualifier les événements post‑vaccinaux, certains auteurs ont comparé les vaccins contre le Covid et contre la grippe en travaillant à nombre équivalent de vaccinés.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – Sauf erreur de ma part, il s’agit du calcul du risque relatif, destiné à définir un risque par individu.

Mme Aure Saulnier. – En l’occurrence, le risque relatif se trouve multiplié par un facteur allant de 28 à 926 selon les catégories.

Je prendrai pour exemple les myopéricardites, déjà longuement abordées aujourd’hui. Cet événement indésirable grave a été signalé par la Food and Drug Administration (FDA) dès la mi‑août 2021, avec une incidence vingt à quarante fois supérieure à celle attendue en population générale, principalement pour les jeunes hommes.

Chez les 18‑24 ans, on constate une myopéricardite pour 3 500 vaccinés Covid sur la base canadienne. Cette dernière est tout à fait intéressante, car elle est stratifiée par âge et par dose et couvre toute la durée de la vaccination, à savoir dix‑sept mois.

De plus, une étude américaine dédiée aux 12‑15 ans constate une myopéricardite pour 6 000 vaccinés, ce qui est largement supérieur au taux d’hospitalisation pour Covid, qui est d’un sur 16 000.

On a également observé des signaux proches pour les vaccins Pfizer et Moderna, alors qu’à ce jour seul ce dernier est suspendu pour les moins de 30 ans.

De plus, des lésions cardiaques persistantes ont été observées chez les adolescents suivis plusieurs mois après cet événement grave.

Pour ce qui concerne la mortalité, toutes causes confondues, un certain nombre de signaux doivent être suivis et examinés. Une étude observationnelle montre une association entre les appels pour les arrêts cardiaques des syndromes coronariens aigus chez les 16‑39 ans et le déploiement de la vaccination contre le Covid en Israël, et non pas avec l’infection.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – Et non pas l’infection ?

Mme Aure Saulnier. – Cette étude, bien entendu critiquable et méritant d’être examinée plus avant, montre bel et bien une association avec le déploiement de la vaccination.

S’y ajoute une intéressante étude danoise, s’appuyant sur les essais à haut niveau de preuve, ou essais randomisés contrôlés. Elle montre que les vaccins à ARN messager n’ont pas été associés à une réduction du risque global de mortalité toutes causes, du fait, selon les auteurs, des décès de causes cardio‑vasculaires.

Ainsi, à court terme, les vaccins contre le Covid ont d’indéniables effets immédiats. En particulier, ils provoquent un important absentéisme. On constate la pertinence du recueil actif des effets indésirables. Il serait également intéressant de montrer son intérêt pour le suivi des effets indésirables.

À moyen terme, ces vaccins présentent une proportion inédite d’effets indésirables graves, attestée par le nombre d’hospitalisations en France : il est de plus de 12 000, soit vingt‑cinq fois plus que la grippe.

Outre la cardiotoxicité de l’ARN messager vaccinal et de sa formulation, on aurait pu évoquer la neurotoxicité ou d’autres sujets encore.

Les effets à long terme ne sont actuellement pas documentés dans les résultats disponibles des essais cliniques. Toutefois, on s’interroge notamment sur l’impact de la stimulation répétée du système immunitaire par les rappels vaccinaux. À cet égard, il y aurait beaucoup à dire.

Enfin, je précise que je n’ai pas de lien d’intérêt en la matière et je remercie toutes les personnes qui m’ont aidée à faire cette analyse.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – Je reviens sur le bénéfice‑risque individuel rapporté au bénéfice‑risque collectif. N’est‑ce pas sur ce sujet en particulier qu’il faudrait faire davantage preuve de pédagogie ? Je mesure la complexité de la question, notamment pour ce qui concerne les enfants. Elle soulève de nombreux enjeux et peut dès lors susciter des ambiguïtés.

Madame Saulnier, vous insistez sur le risque relatif de deux vaccins. Néanmoins, il eût été indispensable de montrer le risque relatif entre la grippe et la Covid‑19, car le bénéfice et le risque se calculent par rapport au risque de la maladie elle‑même. Ces travaux ont‑ils été effectués ? Ces éléments sont‑ils accessibles ?

Mme Aure Saulnier. – Avant de parler de rapport bénéfices‑risques, il s’agissait de comparer les risques pour améliorer le risque actuellement observé, lequel est assez élevé ; de comparer un vaccin très bien connu et un vaccin nouveau, peu éprouvé, suivant un procédé moins bien maîtrisé…

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – Ce n’est pas une critique, mais une question de méthode et d’arbitrage pour les politiques publiques.

Mme Aure Saulnier. – M’étant focalisée sur le risque, je ne peux pas vous répondre au sujet des bénéfices ; mais ce sont évidemment des points que l’on peut documenter.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Continuons le contradictoire en donnant à présent la parole au professeur Alain Fischer.

Pr. Alain Fischer. – Les responsables des autorités sanitaires de tous les pays européens, des États‑Unis, du Canada, de l’Australie ou du Japon, bref de tous les pays riches, qui ont la chance de disposer de vaccins, ont peu ou prou mené la même politique, avec des nuances au demeurant très intéressantes. Il s’agissait d’utiliser les vaccins disponibles, tout d’abord pour les personnes prioritaires et, ensuite, d’en proposer la généralisation, y compris aux adolescents et aux enfants.

On peut estimer que tout le monde se trompe, voire que tout le monde est criminel ; mais le constat précédent pousse à réfléchir. Les experts de ces pays connaissent un tant soit peu la vaccination, la santé publique et l’épidémiologie ; ils ont apporté des bases concordantes pour proposer une politique mise en œuvre avec succès dans tous ces pays.

Il s’agit là d’une remarque générale, qui a trait aux trois présentations que nous venons d’entendre. J’insisterai plus particulièrement sur la première.

Premièrement, M. Alla parle d’une communication « non loyale » : je ne sais pas ce que cela veut dire. Cette communication fut extrêmement rapide, complète et peut‑être même contre-productive sur tous les effets secondaires indiscutables. Elle a sans doute rendu un vaccin inopérant en France, contrairement à ce qui s’est passé dans les autres pays, et je ne regrette pas qu’il en ait été ainsi. Mais on ne pouvait pas être plus transparent et public qu’on ne l’a été : l’expression publique a été assurée dans les jours, voire dans les heures suivant les observations.

Deuxièmement, on n’a pas privilégié la vaccination générale aux dépens des personnes fragiles : c’est absolument faux. Du 27 décembre 2020 à la fin mai 2021, soit pendant cinq mois, on a réservé la vaccination aux personnes fragiles, en commençant par les plus âgés, en Ehpad, et les plus vulnérables, notamment immunodéprimés.

Ce n’est que fin mai 2021, alors qu’une fraction importante des personnes à risque avait déjà été vaccinée, que l’on a entrepris la vaccination générale, fondée sur les observations liées aux essais cliniques et aux études en vie réelle menées dans d’autres pays.

Ces travaux montraient qu’il y avait un risque pour la population générale, mais qu’il était infiniment plus faible que celui de contracter la maladie. Ils prouvaient également que le vaccin assurait un effet de protection collective ‑ il était encore plus fort en 2021 qu’aujourd’hui, car les virus de l’époque étaient moins transmissibles ‑, même si l’on n’a pas atteint d’immunité collective. En vaccinant les jeunes de 20, de 30 ou de 40 ans, ou encore les adolescents, on a aussi protégé leurs grands‑parents ou telle personne de leur entourage ayant subi, par exemple, une transplantation rénale.

Pour les personnes à risque, les résultats sont parfois insuffisants : c’est clair. En effet, 10 % des personnes de plus de 80 ans n’ont pas été vaccinées : c’est un échec relatif. Néanmoins, la grande majorité des personnes fragiles ont été vaccinées. Les données de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) le montrent : plus de 90 % des personnes atteintes de maladies chroniques, qui sont 17 millions au total, ont été complètement vaccinées.

Il existe une difficulté indiscutable pour les malades dialysés, mais l’immense majorité des personnes à risque ont été vaccinées et continuent heureusement de l’être. À ce titre, chacun se rappelle que nous avons commencé par la vaccination des personnes en Ehpad, qui n’était pas simple à mettre en œuvre.

Troisièmement, je m’étonne des propos relatifs aux enfants et aux adolescents : on aurait inventé une justification à cette vaccination car on voulait à tout prix mettre en avant l’immunité collective.

Or deux arguments ont été invoqués. Je pense, tout d’abord, à la protection contre les risques d’isolement des enfants, faute de scolarité. Je suis assez étonné d’entendre que c’est la vaccination qui a entraîné les problèmes de santé mentale des enfants. Non seulement les moins de 11 ans ne sont pas encore vaccinés, mais le nombre de tentatives de suicide a augmenté considérablement bien avant la vaccination du fait de l’isolement et des conditions de vie, notamment pour les plus défavorisés. La vaccination, sans être parfaite, était donc une mesure raisonnable à proposer.

Je pense, ensuite, au risque pour les enfants de faire des formes graves : il existe, même s’il est faible. Au total, 1 000 d’entre eux ont été hospitalisés en France du fait du syndrome PIMS, pathologie inflammatoire propre aux enfants. Je précise qu’un seul est décédé ; c’est déjà un de trop. La vaccination aurait permis d’éviter des hospitalisations, des séjours en réanimation, voire des séquelles.

Évidemment, le bénéfice individuel direct est beaucoup plus faible pour les enfants que pour les adultes et, a fortiori, les personnes âgées, mais il existe. Malheureusement, la Société française de pédiatrie n’a pas suivi nos préconisations de manière adéquate et je le regrette. Dans les pays voisins, la vaccination des enfants se poursuit et se passe bien.

Quatrièmement, je ne peux pas laisser passer l’accusation selon laquelle nous aurions développé une stratégie de la peur dans notre communication, fondée sur l’exagération des risques et la minimisation des effets secondaires. Des centaines de publications scientifiques sérieuses sur les essais cliniques ou les études observationnelles démontrent, quels que soient le pays, la classe d’âge ou la strate de morbidité concernés, l’efficacité de la vaccination. Il n’y a pas eu non plus, à l’inverse, de minimisation des effets secondaires. Je suis donc étonné qu’un collègue universitaire relaie ce type de propos.

De même, lorsque vous affirmez que 4 % à 20 % des patients qui ont développé des myocardites post‑vaccination ont été en réanimation, le chiffre est en réalité très inférieur, car l’immense majorité des cas restent bénins.

Monsieur Umlil, je préfère ne répondre que sur les points sur lesquels vous m’avez mis en cause. Vous dites que l’on a vacciné certaines personnes sans leur demander leur avis ‑ en l’occurrence, lorsqu’elles étaient immunodéprimées. C’est absolument faux. Personne n’a été vacciné de force. Je vous suggère de prendre contact avec les associations de malades atteints d’insuffisance rénale, de maladies auto‑immunes, de cancers ou de lymphomes : elles considèrent, au contraire, que nous ne les avons pas assez sollicitées.

Enfin, vous mentionnez les cas de clusters en Ehpad. Or ces cas ne démontrent en rien l’inefficacité de la vaccination. En effet, personne n’a jamais prétendu que la vaccination était efficace à 100 %. Toutefois, les études qui démontrent qu’elle protège les personnes très âgées contre les formes graves de la maladie ne manquent pas.

Madame Saulnier, il faut distinguer l’événement et les effets. La différence est grande. Si l’on suit vos chiffres, on arrive à un nombre d’hospitalisations et de décès liés à la vaccination tout à fait irréaliste, que ce soit en France ou dans le monde.

Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. – Je vous remercie de la qualité de vos contributions. Alors que l’épidémie ralentit, sans que nous soyons à l’abri d’un nouvel épisode, il est de notre rôle d’adopter un certain recul. La notion de temporalité est essentielle : on ne peut pas juger aujourd’hui de faits qui ont eu lieu il y a deux ans, dans un contexte beaucoup plus critique.

En tant que pédiatres, nous ne sommes pas tous d’accord sur l’analyse de la situation. Quoi qu’il en soit, les faits montrent que l’arrêt du port du masque pénalise les plus fragiles d’entre nous, de sorte que la vaccination reste un élément de protection. Nous avons progressé dans le diagnostic du PIMS, si bien que tout pédiatre ou médecin généraliste est désormais en mesure d’éviter les décès liés à ce syndrome.

Notre rôle, en tant que membres de l’Office, était d’identifier tous les effets secondaires de la vaccination, y compris ceux qui restent relativement mineurs, sans condamner personne et avec l’ambition de faire progresser la situation.

Dr Amine Umlil. – Professeur Fischer, je ne vous attaque pas personnellement, j’en reste au débat d’idées.

Pr. Alain Fischer. – Ce n’est pas le cas et c’est précisément ce qui pose problème.

Dr Amine Umlil. – Restons‑en aux faits. Vous affirmez que le produit est bon parce que « tout le monde a vacciné ». Or les critères d’évaluation d’un médicament ne dépendent ni d’une célébrité médicale ni de la pluralité des utilisateurs. Je vous renvoie sur ce point à l’affaire Vioxx, à celle du Thalidomide ou du Distilbène – les exemples ne manquent pas.

En ce qui concerne les plus de 75 ans, je vous rappelle que la HAS énonçait clairement dans une publication du 23 décembre 2020 que les éléments manquaient pour trancher.

Vous niez l’obligation du vaccin, mais la plupart des gens que je rencontre dans la vie quotidienne ont été obligés de se faire vacciner : rappelez‑vous qu’il fallait un passe sanitaire, puis vaccinal, pour aller manger un sandwich ou pour jouer au football ! L’enfant dont j’ai mentionné le cas car il a perdu la vue s’était précisément fait vacciner pour pouvoir continuer à jouer au football... Sans parler de l’obligation faite aux professionnels de santé.

Quant aux clusters, le seul critère juridique qui permet d’imposer l’obligation vaccinale à une population, c’est la démonstration que le vaccin empêche la transmission virale. Il ne suffit pas que le vaccin assure une protection personnelle contre les formes graves de la maladie, à supposer qu’on en ait la preuve. Ce critère ne tient pas juridiquement.

En ce qui concerne les enfants, j’ai consulté l’autorisation de mise sur le marché du vaccin, délivrée en décembre 2021. Elle mentionne explicitement que, pour la population pédiatrique, l’Agence européenne du médicament a différé l’obligation de présenter le résultat des études. Comment expliquer, dans ces conditions, que l’on ait autorisé le vaccin pour les enfants, dès l’année suivante, alors que l’Agence n’avait pas le résultat des études ?

Mme Aure Saulnier. – Notre discussion doit rester constructive. J’ai surtout parlé du risque, moins des bénéfices. Toutefois, il est évident que la vaccination est un outil indéniable de santé publique et il ne s’agit pas de la remettre en cause en tant que telle. J’ai travaillé assez longtemps dans l’industrie de la vaccination pour défendre aisément cette position.

Dès lors que les risques seront acceptables, il sera plus facile de développer une logique de bénéfices‑risques qui vaudra par tranche d’âge et par dose. On pourra ainsi ajuster l’obligation de vaccination selon les individus. En effet, dans certaines tranches d’âge ou catégories de population, les risques restent supérieurs aux bénéfices.

Je tiens à préciser que les tableaux que nous avons présentés sont imputés, puisque les données qui y figurent sont considérées comme des effets indésirables par l’ANSM, dont nous avons repris les chiffres. Ceux‑ci figurent de manière cohérente dans les différentes bases de données. Quand il s’agit d’hospitalisation ou de déclaration d’événement dans le cadre d’un hôpital, la gravité est bien présente.

M. François Alla. – Sur l’opposition entre la stratégie de vaccination collective et celle qui ne vise que les personnes à risques, les faits sont têtus. Nous sommes, en France, dans un paradoxe, puisque la couverture vaccinale est meilleure chez les jeunes adultes que chez les plus de 80 ans, tranche d’âge pour laquelle notre pays est le plus mal classé en Europe de l’Ouest. Tous les pays y ont un taux de couverture entre 95 % et 100 % pour les personnes de plus de 80 ans ; en France, ce taux oscille entre 85 % et 90 %, ce qui est un échec relatif, dans la mesure où de nombreuses personnes fragiles, y compris socialement, ne sont pas vaccinées, alors qu’elles présentent un fort risque d’être infectées et de développer une forme grave de la maladie. Encore aujourd’hui, en mai 2022, cette situation contribue à plusieurs dizaines de décès par jour.

Par conséquent, les faits sont têtus : la stratégie globale n’a pas permis de protéger de façon optimale les personnes les plus fragiles.

Pourquoi vacciner les enfants ? L’immunité collective a été le premier argument avancé. En mai 2021, M. Fischer indiquait que, « faute d’adultes en nombre suffisant, il va falloir vacciner les enfants ».

Pr. Alain Fischer. – La citation est tronquée.

M. François Alla. – Je vous enverrai le lien de référence et chacun jugera.

Quant à l’évolution de la santé mentale des Français, ce n’est pas le vaccin qui en est la cause, mais la stratégie globale incluant la communication sur la crise pour faire accepter le confinement, le couvre‑feu, les restrictions et la fermeture des écoles. À considérer cela, il est malheureusement indéniable que la stratégie de la peur a été déterminante. Dans le travail en cours que nous menons avec de jeunes suicidants, elle nous est désignée comme un motif extrêmement fort d’anxiété pouvant entraîner des comportements tels que l’anorexie mentale chez de très jeunes sujets, à peine plus âgés que 9, 10 ou 12 ans. Le choix de la communication par la peur n’est pas sans conséquences.

Pr. Alain Fischer. – Vous m’avez cité de manière tronquée, ce qui manque d’honnêteté. J’ai toujours mis en avant trois arguments, en commençant par celui du bénéfice individuel sur les PIMS et les formes aiguës de la maladie chez les enfants fragiles.

La discussion ne peut rester que circulaire dès lors qu’elle oppose une analyse critique des faits et ce qui relève des opinions – car c’est malheureusement de cela qu’il s’agit. Toutefois, les problèmes mentaux des enfants sont apparus au moment du confinement, soit un an avant la campagne de vaccination. Dire que la vaccination a contribué à développer ces problèmes relève de la malhonnêteté intellectuelle.

M. François Alla. – Je ne dis pas que ces problèmes n’existaient pas avant, mais que l’ensemble de la communication depuis le début de la crise a contribué à les développer. Regardez les chiffres de la semaine dernière : ils ne cessent d’augmenter !

Dr Amine Umlil. – J’aimerais revenir sur la notion de non‑loyauté. En droit, être loyal signifie qu’il ne faut ni minimiser ni maximaliser les risques et les bénéfices.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Je m’engage à vous transmettre d’éventuelles réponses écrites sur ce point.

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – Sur la minimisation des effets indésirables et la communication que François Allal dénonce comme non transparente, je rappelle que, dès le début de la campagne de vaccination, le 27 décembre 2020, un dispositif renforcé de pharmacovigilance et de pharmacoépidémiologie a été mis en œuvre, grâce auquel on a pu non seulement analyser l’ensemble des cas, mais aussi opérer une communication en temps réel, toutes les semaines, puis tous les quinze jours, sur l’ensemble des effets indésirables signalés, analysés et traités par les CRPV, puis discutés au sein des comités de suivi. Il y a eu jusqu’à présent plus d’une quarantaine de communications dans le cadre d’un dispositif donnant accès tant aux professionnels de santé qu’au grand public.

Nous essayons d’être le plus actifs possible, y compris dans notre rôle de relais vers le site de l’ANSM sur les réseaux sociaux, et de développer une granularité de l’information selon le type de personnes qui consultent nos documents : des fiches de synthèse fournissent des éléments détaillés dans un format ramassé et des rapports complets détaillent l’ensemble des effets indésirables par vaccin. Dans le cadre de ce dispositif inédit de surveillance et de communication, nous avons également mobilisé les professionnels de santé et les associations de patients pour organiser des webinaires retransmis sur notre chaîne YouTube afin de diffuser ces éléments d’information. La communication est le nœud du sujet. Nous sommes encore sur le chemin de la pédagogie et de l’information, en ce qui concerne les connaissances.

Quant à la composition du vaccin Pfizer, depuis que l’AMM a été délivrée, elle est restée identique. Il existe, en revanche, plusieurs conditionnements possibles du vaccin. Initialement, il y a eu des préparations à diluer, puis des préparations prêtes à l’emploi et enfin des vaccins pour l’enfant. L’AMM mentionne les trois présentations, avec des durées de conservation différentes. Pour limiter le risque d’erreur médicamenteuse entre les différents flacons, nous utilisons des bouchons de couleurs différentes et l’ANSM a diffusé une communication claire sur ces flacons auprès des acteurs concernés.

Pour ce qui est du procédé de fabrication, j’ai répondu à l’avocat qui nous avait saisis et transmis l’ensemble des demandes à l’Agence européenne du médicament, compétente en la matière. La directrice de cette agence a, depuis, répondu à l’avocat.

Dr AnniePierre JonvilleBera. – En pharmacovigilance, la sous‑notification n’est pas un obstacle à la détection de signaux. J’en veux pour preuve que nous avons fait remonter plus de cent signaux, que la France fait partie des dix plus grands contributeurs de la base mondiale de pharmacovigilance et qu’elle se classe dans les trois premiers pour ce qui est de la qualité des dossiers présentés.

L’imputabilité n’a jamais été prise en compte pour remonter des signaux. Cette méthode n’a donc pas fait obstruction.

Les calculs « observé/attendu » prennent en compte la sous‑notification : il arrive de multiplier par vingt ou par trente le nombre de cas observés pour pouvoir le comparer au nombre attendu.

Dès le premier décès constaté – je l’ai moi‑même expertisé –, l’Agence a mis en place une réunion de crise, puis établi un dispositif pour que les centres documentent tous les décès selon la même méthode, en les catégorisant, de manière à pouvoir faire remonter le plus rapidement possible un éventuel signal. Tous les cas de mort subite que l’on pouvait attribuer à un trouble du rythme au décours, dans les vingt‑quatre heures suivant la vaccination, ont été comparés au nombre de décès par mort subite comptabilisés dans la population générale, hors crise. On a ainsi pu déterminer les décès attribuables aux complications des effets indésirables qui ont été rapportés pour la vaccination, dont font partie les thrombopénies thrombosantes.

Madame Saulnier, la pharmacovigilance est un métier. Nous savons que certaines myocardites ont été déclarées huit mois après la vaccination, ce qui élimine toute possibilité de lien avec le vaccin. Pour ne pas prêter le flanc à la critique, nous avons pris le parti de conserver ces événements, de sorte que figurent dans les bases de pharmacovigilance un grand nombre d’événements qu’on ne peut pas rattacher à la vaccination. On ne peut donc pas utiliser ces chiffres pour les comparer à d’autres pathologies. Il faudrait traiter les données au cas par cas et prendre en compte l’imputabilité.

En outre, nous avons d’emblée décidé de considérer comme graves ou médicalement significatives, les fièvres supérieures à 40 degrés et les arrêts de travail prolongés – que l’on a constatés en particulier après la vaccination par AstraZeneca. Nous avons donc élargi les critères de gravité et favorisé une surreprésentation d’effets graves, car notre objectif était de protéger les patients en détectant un maximum de signaux.

La comparaison avec la grippe est difficile, car le vaccin contre la grippe est l’un des mieux tolérés. On le pratique surtout sur des gens âgés qui ne développent pas d’effets indésirables, car ils n’ont plus de système lié à l’immunosénescence et réagissent donc très peu au vaccin. Si l’on veut comparer deux vaccins, il faut qu’ils aient les mêmes cibles de population. Les calculs qui nous ont été présentés sont donc complètement faux.

Pr. Joëlle Micallef. – Je souscris, bien entendu, à ce que vient de dire ma collègue. Il est très étonnant de faire de telles comparaisons, alors que la population visée n’est pas la même. Mieux vaut éviter de se montrer anxiogène. Le grand public n’a pas besoin d’une surexpression des risques, surtout quand ils sont faux et qu’ils ne reflètent pas du tout la réalité.

Dans le même ordre d’idée, la publication que vous citez en parlant d’« effets à long terme » porte sur cinq cas d’adolescents qui ont fait une myocardite, puis dont la situation est redevenue normale après trois jours, y compris pour ce qui est de leur cycle de troponine. Or, dans les cas habituels de myocardite, les stigmates sont encore visibles sur les IRM cardiaques, deux mois après. Il faut donc éviter de surinterpréter certaines publications scientifiques, surtout quand elles ne proviennent pas de revues spécialisées en cardiologie et en pharmacologie.

Les CRPV ont décrit les premiers cas de myocardite constatés, en montrant qu’ils étaient sans équivalent : les sujets étaient jeunes, la myocardite intervenait dans des délais très courts, sans insuffisance cardiaque ni trouble du rythme cardiaque associés. Ces critères ont justifié que nous utilisions le qualificatif de « myocardite bénigne » par opposition à celui de « myocardite grave », dans les cas où les patients doivent rester hospitalisés quinze jours. Les délais d’hospitalisation ont ensuite été confirmés pour la population entière grâce à l’étude Epi‑Phare qui a démontré qu’ils restaient très courts et servaient surtout à établir le diagnostic, ce qui prend entre quarante‑huit et soixante‑douze heures. Il ne s’agit donc pas d’une forme grave de myocardite au sens médical du terme. Puisque cette audition vise une totale transparence, telle est la vérité sur les myocardites, qui a été confirmée par de nombreuses publications françaises et internationales.

Pr. Sophie Gautier. – Pour en revenir aux deux niveaux du risque individuel et du risque collectif, l’exemple donné par M. Umlil est intéressant, à savoir un enfant qui a développé une cécité avec un bilan étiologique négatif. En effet, à titre individuel, on ne pourra pas exclure que le vaccin ait pu contribuer à provoquer cette cécité. Toutefois, cela ne signifie pas que le signal existe à l’échelon collectif. Nous avons analysé les cas de cécité pour le vaccin Moderna, car un cas marquant à titre individuel avait été détecté : le patient, qui présentait un bilan étiologique négatif, avait développé une cécité transitoire lors des deux vaccinations. Sur 78 cas recensés dans le cadre du vaccin Moderna, 45 portaient sur des troubles visuels apparaissant durant les vingt‑quatre à quarante‑huit heures suivant la vaccination, en association avec de la fièvre, des migraines et des céphalées, les autres cas correspondant à une altération de la vision, voire une perte de vue transitoire, en association avec des conditions qui favorisaient l’apparition de la cécité, de sorte que nous ne pouvions pas établir de manière certaine un lien avec le vaccin. Nous continuons de suivre ces cas.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – Sur ce sujet, une étude de pharmocoépidémiologie a‑t‑elle été diligentée par le GIS Epi‑Phare, comme pour les myocardites et les péricardites ?

Pr. Sophie Gautier. – La décision relève de l’ANSM.

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – La pharmacovigilance et la pharmacoépidémiologie sont complémentaires.

Le programme de pharmacoépidémiologie est évolutif. Ses enjeux sont l’efficacité et la sécurité, et il comporte un volet de suivi des maladies auto‑immunes qui peuvent se déclarer en lien avec les vaccins.

Le programme de surveillance du GIS Epi‑Phare, en particulier le suivi à long terme, s’adapte en fonction des données qui remontent de la pharmacovigilance – par exemple, sur les thromboses atypiques. Un suivi à long terme s’exerce sur les effets indésirables, mais plus on s’éloigne de la prise du médicament ou de la vaccination, plus la déclaration devient compliquée à mettre en œuvre. Le GIS Epi‑Phare examine un certain nombre de sujets à suivre, en intégrant les nouvelles données qui lui parviennent au fur et à mesure. Nous vous ferons parvenir la liste précise des études en cours et leurs adaptations possibles.

Dans le cas des myocardites, l’articulation entre la pharmacovigilance et la pharmacoépidémiologie a très bien fonctionné, puisque la détection a été très précoce grâce à l’une et le suivi rapidement mis en place par l’autre. La pharmacoépidémiologie permet de travailler sur l’intégralité des personnes vaccinées et avec un certain recul sur l’exposition à la vaccination. Un programme au long cours des effets indésirables existe bel et bien.

Mme Sonia de La Provôté, sénatrice, viceprésidente de l’Office, rapporteure. – Certains sujets ponctuels, sont suffisamment graves pour mériter une étude spécifique et un suivi pharmacoépidémiologique.

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – Il faut que le sujet apparaisse dans le système national des données de santé (SNDS). Les cas spécifiques comme la cécité peuvent faire l’objet d’un suivi dans le cadre du programme évolutif dont je vous ai parlé, en fonction des remontées dont nous bénéficions non seulement à l’échelon national, mais aussi au‑delà.

Dr Amine Umlil. – L’évaluation d’un médicament se fait tant à l’échelon collectif qu’à l’échelon individuel. Un médicament peut ne pas démontrer d’intérêt pour la population générale, mais en présenter un pour une petite partie de la population. L’exemple type est le Thalidomide, qui a commencé par être supprimé à cause des malformations qu’il avait entraînées, avant d’être réintroduit sous surveillance stricte.

L’inverse est également vrai. Les contre‑indications liées à la vaccination ont pour conséquence que le médecin ne peut plus évaluer son bien‑fondé en fonction de l’état du patient et de ses critères de risque propres, qui peuvent déclencher des effets indésirables. Il ne dispose plus que d’une liste établie par l’exécutif, générale et absolue. J’ai vu le cas d’un patient qui avait fait un AVC après la première injection du vaccin. Pour savoir s’il devait faire la deuxième dose, le centre de pharmacovigilance s’est contenté de suggérer que le patient discute avec son médecin. Mais de quoi discuter ?

Des critères juridiques existent en matière d’information. À l’article L. 1111‑2 du code de la santé publique, il est précisé qu’avant toute prescription d’un médicament ou d’un soin à visée curative, diagnostique ou préventive, on doit communiquer lors d’un entretien individuel les risques fréquents ou graves, normalement prévisibles. Or la prévisibilité pose question, dans la mesure où le vaccin a été mis sur le marché avec seulement un mois de recul, selon la HAS. Je rappelle qu’une directive européenne précise que, pour pouvoir parler de « l’usage médical bien établi » d’un composant de médicament, il faut un délai minimal de dix ans.

La jurisprudence administrative et judiciaire ajoute qu’il faut communiquer au patient les risques fréquents ou graves « même exceptionnels ». Par conséquent, un seul cas de paralysie faciale ou de myocardite suffit pour que l’on doive communiquer l’information avant de vacciner la personne.

Surtout, la loi précise que l’information est pérenne, c’est‑à‑dire que sa durée est illimitée. Si donc, des effets indésirables nouveaux sont constatés et reconnus chez une personne vaccinée, il faut en informer les autres pour anticiper la réalisation du risque. Telle est la loi qui aurait dû s’appliquer.

Enfin, sur l’imputabilité, un membre du comité scientifique de pharmacovigilance de l’ANSM a démissionné, en constatant que cette méthode laissait des cas de côté. En 2017, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé ce que le juge administratif et la Cour de cassation avaient retenu depuis 2007 et 2008. Alors que le juge administratif se contentait d’un critère temporel, soit un bref délai de quelques mois, la CJUE a défini des critères plus rigoureux : en cas d’indices graves, précis et concordants, comme la proximité temporelle, l’absence d’antécédents personnels et familiaux ou l’existence de cas publiés, il peut y avoir une présomption de causalité.

Mme Aure Saulnier. – Madame Jonville‑Bera, je partage votre point de vue quant au vaccin contre la grippe. Il s’agissait surtout d’établir des comparaisons entre vaccins. Nous avons choisi celui pour lequel le taux d’effets indésirables était le plus élevé.

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – Nous avons bien compris votre démarche et nous ne remettons pas en cause les données publiées, mais l’aspect rationnel de la méthode.

Mme Aure Saulnier. – Je tiens à insister sur l’intérêt des données que fournit le Vsafe, système qui permet de récolter énormément d’informations, à un stade post‑vaccinal, sur des événements qui entraînent des hospitalisations, des consultations ou des passages aux urgences.

Il est important de mieux documenter le risque pour éviter la perte de confiance. C’est là mon seul objectif. Quelle a été la recommandation concernant les vaccins à ARN messager pour les jeunes hommes en France ?

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Le rapporteur Gérard Leseul souhaiterait savoir si l’on pourrait faciliter les déclarations directes des patients à la pharmacovigilance.

D’autres questions en provenance des internautes : Pourquoi ne pas faire une recherche en pharmacovigilance active étant donné que les remontées passives sont très fortement sous‑estimées ? Comment se fait‑il que les médecins généralistes soient à peine au courant des rapports de pharmacovigilance portant sur le vaccin ? Enfin, dans quelle mesure peut‑on imaginer un rapport bénéfices‑risques ciblé par catégorie ?

Dr Christelle RatignierCarbonneil. – La déclaration de pharmacovigilance des patients est possible depuis 2011, soit depuis un peu plus de dix ans. La mise en place du portail unique de déclaration des signalements, en 2017, l’a facilitée. Nous avons donc désormais des déclarations qui viennent non seulement des professionnels de santé, mais aussi des usagers. Des affiches disposées dans les centres de vaccination informaient et incitaient à la déclaration des effets indésirables.

Dr AnniePierre JonvilleBera. – Depuis la loi de 2011, les patients ont la possibilité de faire une déclaration via le portail et aussi par téléphone, moyen qui a facilité pour nous une orientation directe et immédiate vers les médecins. Les déclarations de patients représentent 75 % de l’ensemble de celles que nous avons reçues.

Nous avons déjà fait remonter plus de cent signaux, ce qui signifie que nous sommes déjà très actifs. Pour être proactifs, il faudrait des moyens financiers importants, car cela coûte très cher de suivre des cohortes de patients. Les effets indésirables graves restent quand même d’une grande rareté et il faudrait suivre plusieurs centaines de milliers de patients pour espérer pouvoir en détecter. Les signaux potentiels que nous avons constatés, comme les maladies de Willebrand acquises, auraient été impossibles à détecter dans un suivi proactif. La puissance de notre système de pharmacovigilance tient au fait que, même pour deux cas ayant développé une pathologie très rare sur 20 millions de patients vaccinés, nous sommes capables de faire remonter un signal. Or il serait impossible de monter une cohorte pour suivre 20 millions de personnes vaccinées, à moins d’investir dans des proportions considérables. L’argent est le nerf de la guerre et les centres de pharmacovigilance ont du mal à fonctionner, malgré les subventions supplémentaires, pour prendre en charge le suivi du vaccin. Mieux vaut consolider ce qui existe et qui a fait la preuve de son efficacité plutôt que de développer des systèmes proactifs.

M. Bernard Celli. – Pour ce qui est du rapport bénéfices‑risques ciblé, nous l’avons mis en œuvre lorsque nous avons commencé la campagne de vaccination en la ciblant sur certaines catégories de la population, pour lesquelles nous considérions que le bénéfice serait supérieur. Il s’agissait des personnes en Ehpad, plus fragiles face à la maladie, puis des personnes âgées de plus de 75 ans que nous avons privilégiées dans un contexte de rareté du vaccin. Nous considérons bel et bien que l’équilibre des bénéfices‑risques de la vaccination varie en fonction des catégories d’âge et de l’exposition à la maladie.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Existe‑t‑il des estimations quantitatives de ces balances bénéfices‑risques en fonction des différentes catégories ?

M. Bernard Celli. – C’est ce sur quoi travaillent les autorités scientifiques. La HAS a rendu un avis, au mois de novembre 2020, qui précisait les catégories de population qu’il fallait vacciner en priorité. Cet avis a été repris par le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, de sorte que nous avons pu commencer la vaccination en donnant la priorité à ces catégories fragiles.

Il a été dit que notre communication était fondée sur la peur. Je tiens à rétablir les faits : cela n’a jamais été la stratégie du ministère que d’utiliser la peur dans la campagne de vaccination. Au contraire, tous les spots diffusés dans le cadre de cette campagne présentaient la vaccination comme un outil de libération face aux contraintes liées à la Covid. Ils étaient fondés sur l’humour.

Dr Amine Umlil. – C’est presque choquant.

Mme Aure Saulnier. – Le dispositif actif mis en place pour aller chercher l’information a permis de dégager un taux de signaux beaucoup plus élevé que dans un système passif. En outre, il introduit une notion de représentativité qui contribue à une remontée de données plus réaliste.

Dr AnniePierre JonvilleBera. – La représentativité existe déjà, grâce au réseau des 31 centres de pharmacovigilance qui couvre l’ensemble du territoire français, y compris l’outre‑mer. De plus, si un système proactif permet de traiter un plus gros volume, les signaux faibles lui échappent.

Pr. Joëlle Micallef. – Grâce au GIS Epi‑Phare, le risque peut être confirmé dans la population entière. Nous avons la chance de bénéficier du SNDS qui couvre l’ensemble de la population, indépendamment du statut médico‑économique. C’est une pépite. On a vu son efficacité dans le cas des myocardites.

Mme Aure Saulnier. – Comment expliquer la disparité des données selon qu’elles sont recueillies dans un système actif ou passif ?

Pr. Joëlle Micallef. – Il s’agit d’événements. C’est là toute la différence.

Mme Aure Saulnier. – Les bases de données ne sont pas satisfaisantes, actuellement.

Pr. Joëlle Micallef. – Certes, pour ce qui concerne l’hospitalier. Mais le SNDS intègre les données du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) d’hospitalisation qui sont exhaustives en France.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – On comprend en vous écoutant que, selon que la vigilance est active ou passive, les remontées varient. Chaque méthode a ses avantages et inconvénients. Nous avons également bien compris que la précision en matière de données coûtait cher. Quoi qu’il en soit, le dispositif de recueil des données sur les vaccins est le plus exigeant jamais mis en œuvre dans le cadre d’une épidémie.

Pr. Joëlle Micallef. – D’autant qu’il s’inscrit dans une dimension européenne et mondiale, de sorte que nous avons aussi connaissance de tous les effets indésirables constatés ailleurs qu’en France. Il serait étonnant que quelque chose nous ait échappé, alors que tous les pays ont mis en œuvre une surveillance précise du vaccin. Rappelons qu’il a été administré à des milliards de patients.

M. Cédric Villani, député, président de l’Office. – Je me dois de clore cette audition. Certaines précisions nous manquent sur plusieurs points qui ont été évoqués. Les rapporteurs les obtiendront par voie écrite.

Tous les éventuels liens d’intérêt qui pourraient exister seront vérifiés.

Nous avons pu constater que l’enjeu était souvent moins scientifique que politique en matière de communication et d’efficacité. Cela a d’ailleurs donné lieu à de vifs débats dans nos hémicycles, par exemple sur le passe vaccinal.

Nous avons toutefois obtenu des éclairages scientifiques et techniques sur plusieurs questions posées par les rapporteurs, notamment sur l’évolution des statistiques et sur l’équilibre bénéfices‑risques.

Le rôle de l’EMA reste à affiner en matière de pharmacovigilance sur les troubles menstruels. Nous avons bien compris que le signal avait été fermé, puis rouvert.

La question de l’imputabilité reste délicate et exige de la rigueur. Nous avons bien noté que la transparence a pu se faire dès l’apparition des signaux, dans quelques cas, avec l’abandon de certains vaccins de manière très spectaculaire.

Notre ambition était d’organiser le contradictoire de manière constructive – c’est une des marques de fabrique de l’Office – et nous y sommes parvenus. Les rapporteurs devraient rendre leur rapport d’étape au mois de juin, avant la publication d’un rapport final au‑delà des élections législatives.

 


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   Annexe 3 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES lors de l’audition publique du 24 mai 2022

 


[1] J. Devilleger, « Pétition demandant la création d’une commission d’enquête sénatoriale sur les effets secondaires des vaccins contre le covid-19 », 2022 (https://petitions.senat.fr/initiatives/i-917?locale=fr).

[2] Chapitre XVIII de l’Instruction générale du Bureau du Sénat (http://www.senat.fr/reglement/reglement_mono.html#toc209).

[3] Commission des affaires sociales du Sénat, « Effets secondaires des vaccins : répondre aux inquiétudes », 2022 (https://www.senat.fr/presse/cp20220209a.html).

[4] Les rapporteurs et co-rappoteurs désignés pour chaque vaccin peuvent être trouvés dans les « assessment report » publiés sur le site de l’EMA.

[5] EMA, « The evaluation of medicines, step-by-step Share » (https://www.ema.europa.eu/en/human-regulatory/marketing-authorisation/evaluation-medicines-step-step).

[6] ANSM, « COVID-19 - Évaluation des demandes de mise sur le marché des vaccins », 2021 (https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/covid-19-vaccins/covid-19-evaluation-des-demandes-de-mise-sur-le-marche-des-vaccins).

[7] Les données devant être communiquées sont énumérées dans les résumés des caractéristiques du produit, disponibles sur le site internet de l’EMA.

[8] EMA, « Conditional marketing autorisation. Report on ten years of experience at the European Medicines Agency. », 2017 (https://www.ema.europa.eu/en/documents/report/conditional-marketing-authorisation-report-ten-years-experience-european-medicines-agency_en.pdf).

[9] Y. Dauvilliers et al., Brain 2013, 136, 2486 (https://doi.org/10.1093/brain/awt187).

[10] J.-L. Faillie et al., Therapies 2016, 71, 20 (https://doi.org/10.1016/j.therap.2016.02.015).

[11] Les essais cliniques ont porté sur plus de 44 000 personnes pour Comirnaty (Pfizer-BioNTech), plus de 23 000 pour Vaxzevria (Oxford-AstraZeneca), plus de 30 000 pour Spikevax (Moderna), près de 40 000 pour Jcovden (Johnson & Johnson) et près de 50 000 pour Nuvaxovid (Novavax).

[12] C’est-à-dire la détermination des causes d’une affection.

[13] Article R.5121-161 du code de la santé publique.

[14] ANSM, « COVID-19 - Dispositif de surveillance renforcée des vaccins », 2021 (https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/covid-19-vaccins/covid-19-dispositif-de-surveillance-renforcee-des-vaccins).

[15] B. Bégaud et al., JAMA 2002, 288, 1588 (https://doi.org/10.1001/jama.288.13.1585).

[16] Une manifestation est dite « iatrogène » lorsqu’elle est due à un acte médical ou à un médicament.

[17] L. Hazell et al., Drug Safety 2006, 29, 385 (https://doi.org/10.2165/00002018-200629050-00003).

[18] S. Black et al., Lancet 2009, 374, 2115 (https://doi.org/10.1016/S0140-6736(09)61877-8).

[19] À l’exception des cas où les symptômes seraient apparus avant la prise du médicament, sauf si celle-ci a conduit à leur aggravation.

[20] C. Bousquet, Toxicol. Anal. et Clin. 2014, 26, 214 (https://doi.org/10.1016/j.toxac.2014.09.013).

[21] Classiquement, est considéré comme grave un événement qui conduit à une hospitalisation, la prolonge, entraine des séquelles ou un décès.

[22] Décret n° 2019-1306 du 6 décembre 2019 sur les vigilances relatives aux produits de santé et les événements indésirables associés aux soins, Journal officiel de la République française n°0285 du 8 décembre 2019 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039457239).

[23] J.-Y. Grall, « Réorganisation des vigilances sanitaires », 2013 (https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_JY_Grall_-_Reorganisation_des_vigilances_sanitaires.pdf).

[24] Arrêté du 5 février 2021 pris en application de l'article R. 1413-61-4 du code de la santé publique définissant les missions des centres et coordonnateurs régionaux sur les vigilances relatives aux produits de santé, Journal officiel de la République française n° 0033 du 7 février 2021               (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043100729).

[25] Décret n° 2021-1931 du 30 décembre 2021 relatif au numéro national d'identification des médicaments et à la date d'entrée en vigueur de dispositions sur les vigilances relatives aux produits de santé, Journal officiel de la République française n° 0304 du 31 décembre 2021               (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044792809).

[26] a) E. von Elm et al., BMJ 2007, 335, 806 (https://doi.org/10.1136/bmj.39335.541782.AD) ; b) M. L. Berger et al., Pharmacoepidemiol. Drug Saf. 2017, 26, 1033 (https://doi.org/10.1002/pds.4297) ; c) E. I. Benchimol et al., PLOS Med 2015, 12, e1001885 (https://doi.org/10.1371/journal.pmed.1001885).

[27] a) K. Benson et al., N. Engl. J. Med. 2000, 342, 1878 (https://doi.org/10.1056/NEJM200006223422506) ; b) A. Anglemyer et al., Cochrane Database Syst. Rev. 2014 (https://doi.org/10.1002/14651858.MR000034.pub2).

[28] L’ensemble des productions du GIS EPI-PHARE sont disponibles sur leur site internet (https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/).

[29] M.-J. Jabagi et al., « Estimation de l’impact de la vaccination sur le risque de formes graves de Covid-19 chez les personnes de 50 à 74 ans en France à partir des données du Système National des Données de Santé », 2021 (https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/impact-vaccination-covid-octobre-2021/).

[30] K. Bouilon et al., « Estimation de l’impact de la vaccination chez les personnes âgées de 75 ans et plus sur le risque de formes graves de Covid-19 en France à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS) – actualisation jusqu’au 20 juillet 2021 », 2021 (https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/impact-vaccination-covid-octobre-2021/).

[31] J. Botton et al., JAMA Netw. Open 2022, 5, e220868 (https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2022.0868).

[32] L. Semenzato et al., « Caractéristiques associées au risque résiduel de forme sévère de COVID-19 après un schéma vaccinal complet en France », 2022 (https://www.epi-phare.fr/app/uploads/2022/02/epi-phare_risques_hospitalisations_deces_covid19_202202.pdf).

[33] S. Le Vu et al., « Association entre les vaccins COVID-19 à ARN messager et la survenue de myocardite et péricardite chez les personnes de 12 à 50 ans en France », 2022 (https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/myocardite-pericardite-vaccination-covid19-12-50ans/).

[34] J. Botton et al., « Évaluation du risque d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral et d’embolie pulmonaire suite aux différents vaccins anti-COVID-19 chez les adultes de moins de 75 ans en France », 2021 (https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/vaccins-covid-evenements-cv-18-74ans/).

[35] La « positivité » de cette balance est un abus de langage, signifiant que l’ensemble des bénéfices sont supérieurs à l’ensemble des risques.

[36] Haute Autorité de santé, « Avis n° 2022.0016/AC/SESPEV du 17 mars 2022 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la place d'un deuxième rappel des vaccins contre la COVID-19 dans la stratégie vaccinale », 2022 (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3325043/fr/avis-n-2022-0016/ac/sespev-du-17-mars-2022-du-college-de-la-haute-autorite-de-sante-relatif-a-la-place-d-un-deuxieme-rappel-des-vaccins-contre-la-covid-19-dans-la-strategie-vaccinale).

[37] EMA, « Annex to Vaxzevria Art.5.3 - Visual risk contextualisation », 2021 (https://www.ema.europa.eu/en/documents/chmp-annex/annex-vaxzevria-art53-visual-risk-contextualisation_en.pdf).

[38] a) J. Hippisley-Cox et al., BMJ 2021, 374, n1931 (https://doi.org/10.1136/bmj.n1931); b) N. Barda et al., N. Engl. J. Med. 2021, 385, 1078 (https://doi.org/10.1056/NEJMoa2110475).

[39] Recommandation de la Haute Autorité de santé – Stratégie de vaccination contre la Covid-19 – Place du Covid-19 vaccine AstraZeneca, 2 février 2021 ; https://www.has-sante.fr/jcms/p_3235868/fr/strategie-de-vaccination-contre-la-covid-19-place-du-covid-19-vaccine-astrazeneca.

[40] Point de situation sur la surveillance des vaccins contre la Covid-19 du 11 février 2021, ANSM ; https://ansm.sante.fr/actualites/point-de-situation-sur-la-surveillance-des-vaccins-contre-la-covid-19-6.

[41] EMA, « COVID-19 Vaccine AstraZeneca: PRAC investigating cases of thromboembolic events - vaccine’s benefits currently still outweigh risks - Update Share », 2021 (https://www.ema.europa.eu/en/news/covid-19-vaccine-astrazeneca-prac-investigating-cases-thromboembolic-events-vaccines-benefits).

[42] EMA, « COVID-19 Vaccine AstraZeneca: PRAC preliminary view suggests no specific issue with batch used in Austria », 2021 (https://www.ema.europa.eu/en/news/covid-19-vaccine-astrazeneca-prac-preliminary-view-suggests-no-specific-issue-batch-used-austria); b) EMA, « EMA’s safety committee continues investigation of COVID-19 Vaccine AstraZeneca and thromboembolic events – further update », 2021 (https://www.ema.europa.eu/en/news/emas-safety-committee-continues-investigation-covid-19-vaccine-astrazeneca-thromboembolic-events).

[43] DGS, « Suspension temporaire du vaccin Covid-19 AstraZeneca », DGS-Urgent n° 2021-31 (https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgs-urgent_31_suspension_temporaire_du_vaccin_covid19­_az_.pdf).

[44] EMA, « COVID-19 Vaccine AstraZeneca: benefits still outweigh the risks despite possible link to rare blood clots with low blood platelets », 2021 (https://www.ema.europa.eu/en/news/covid-19-vaccine-astrazeneca-benefits-still-outweigh-risks-despite-possible-link-rare-blood-clots). 

[45] Haute Autorité de santé, « Avis n° 2021.0018/AC/SEESP du 19 mars 2021 du collège de la Haute Autorité de santé sur la place du vaccin AstraZeneca dans la stratégie vaccinale suite à l'avis de l’agence européenne des médicaments concernant des évènements indésirables survenus dans plusieurs pays européens chez des personnes vaccinées », 2021 (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-03/avis_n2021.0018_ac_seesp_du_19_mars_2021_du_college_de_la_has_sur_la_place_du_vaccin_astrazeneca_dans_la_strategie_vaccinale.pdf).

[46] EMA, « COVID-19 Vaccine Janssen: EMA finds possible link to very rare cases of unusual blood clots with low blood platelets Share », 2021 (https://www.ema.europa.eu/en/news/covid-19-vaccine-janssen-ema-finds-possible-link-very-rare-cases-unusual-blood-clots-low-blood).

[47] Haute Autorité de santé, « Avis n° 2021.0032/AC/SEESP du 12 mai 2021 du collège de la Haute Autorité de santé relatif aux vaccins à adénovirus suite aux nouvelles données disponibles sur la balance bénéfice/risque par tranche d’âge dans le contexte français », 2021 (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-05/ac_2021_0032_avis_population_cible_vaccins_adenovirus­_cd_2021_05_12_vd.pdf).

[48] F. A. Kloj et al., Lancet Haematol. 2021, 9, 73 (https://doi.org/10.1016/S2352-3026(21)00306-9).

[49] Il est également possible que des cas moins graves aient été identifiés, abaissant artificiellement la mortalité.

[50] a) A. Greinacher et al., N. Engl. J. Med. 2021, 384, 2092 (https://doi.org/10.1056/NEJMoa2104840) ; b) N. H. Schultz et al., N. Engl. J. Med. 2021, 384, 2124 (https://doi.org/10.1056/NEJMoa2104882).

[51] S. Pavord et al., N. Engl. J. Med. 2021, 385, 1680 (https://doi.org/10.1056/NEJMoa2109908).

[52] A. Greinacher et al., J. Thromb. Haemost. 2022, 20, 149 (https://doi.org/10.1111/jth.15572).

[53] Ministère de la Santé israëlien, « Surveillance of Myocarditis (Inflammation of the Heart Muscle) Cases Between December 2020 and May 2021 (Including) », 2021 (https://www.gov.il/en/departments/news/01062021-03).

[54] EMA, « COVID-19 vaccines: update on ongoing evaluation of myocarditis and pericarditis », 2021 (https://www.ema.europa.eu/en/news/covid-19-vaccines-update-ongoing-evaluation-myocarditis-pericarditis).

[55] S. Le Vu et al., « Association entre les vaccins COVID-19 à ARN messager et la survenue de myocardite et péricardite chez les personnes de 12 à 50 ans en France. Etude à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS) », 2021 (https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/myocardite-pericardite-vaccination-covid19/).

[56] S. Le Vu et al., « Association entre les vaccins COVID-19 à ARN messager et la survenue de myocardite et péricardite chez les personnes de 12 à 50 ans en France. Nouvelle étude basée sur les données actualisées au 31 octobre 2021 », 2022 (https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/myocardite-pericardite-vaccination-covid19-12-50ans/).

[57] Haute Autorité de santé, « Covid-19 : la HAS précise la place de Spikevax dans la stratégie vaccinale », 2021 (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3297260/fr/covid-19-la-has-precise-la-place-de-spikevax-dans-la-strategie-vaccinale).

[58] L. S. Nguyen et al., Nat. Comm. 2022, 13, 25 (https://doi.org/10.1038/s41467-021-276).

[59] M. Kerneis et al., Arch. Cardiovasc. Dis. 2021, 114, 515 (https://doi.org/10.1016/j.acvd.2021.06.001).

[60] M. Patone et al., Nat. Med.2022, 28, 410 (https://doi.org/10.1038/s41591-021-01630-0).

[61] https://ansm.sante.fr/uploads/2021/12/03/20210924-covid-19-vaccins-pfizer-rapport-18-periode-02-07-2021-26-08-2021.pdf.

[62] https://ansm.sante.fr/uploads/2021/12/21/20211221-covid-19-vaccins-rapport-pv-pfizer-19.pdf.

[63] https://www.ema.europa.eu/en/news/meeting-highlights-pharmacovigilance-risk-assessment-committee-prac-7-10-february-2022.

[64] « Formulaire de demande d’indemnisation auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) » (https://www.oniam.fr/medias/uploads/2022%20form%20MSU/20220111_FOR%20­indem%20MSU_ok.pdf).

[65] « Fiche pratique. Indemnisation des accidents vaccinaux dus aux mesures sanitaires d’urgence par la voie du règlement amiable » (https://www.oniam.fr/medias/uploads/MSU/Fiche%20pratique%20MSU.PDF).

[66] Actuellement le délai moyen actuel est de 93 jours entre la date de réception du dossier complet et la décision positive ou négative de l’ONIAM.

[67] Cela pouvant être réalisé directement par la victime, sans engager de procédure auprès de l’ONIAM.

[68] Rapport de la commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1). M. Jean-Pierre Door, député. 6 juillet 2010 ; https://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-enq/r2698.asp.

[69] Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

[70] Rapport sur l’hésitation vaccinale de MM. Jean-François Eliaou et Cédric Villani, députés, et Mme Florence Lassarade, sénatrice, 20 février 2020 ; https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ots/l15b2705_rapport-information.

[71] Larson, Heidi J. et al. EBioMedicine 2016, 12, 295 (https://doi.org/10.1016/j.ebiom.2016.08.042).

[72] Yaqub, Ohid et al. Social Science & Medicine 2014, 112, 1 (https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2014.04.018).

[73] P. Peretti-Watel et al. The Lancet Infectious Diseases, 2020, 20, 769 (https://doi.org/10.1016/S1473-3099(20)30426-6).

[74] Résultats de l’enquête CoviPrev : données de juillet 2020 à avril 2021 dans le point épidémiologique du 6 mai 2021 de Santé publique France (https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/342324/3020568) et données suivantes dans la page de Santé publique France consacrée à CoviPrev https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-covid-19#block-325952 

[75] Décision n° 2022-288 du 10 mai 2022 mettant en demeure la Société d’exploitation d’un service d’information (S.E.S.I.) « (…) l'invité de l'émission s'est exprimé de façon extrêmement péremptoire sur les conséquences de l'administration des vaccins à ARN messager sur le génome humain, sans que la thèse qu'il avance n'ait été discutée par les personnes présentes en plateau. Seule son opinion a été présentée, aboutissant à un déséquilibre marqué dans le traitement de ce sujet, alors que le caractère controversé de celui-ci nécessitait l'expression de différents points de vue. Cette situation caractérise un manquement de l'éditeur aux stipulations de l'article 2-3-7 de sa convention et aux dispositions de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018, auxquelles il renvoie. »

[76] C’est le cas de la mission de « conseil [auprès du] Gouvernement sur les aspects scientifiques, médicaux et sociétaux de la conception et de la mise en œuvre stratégique de la politique vaccinale, en lien avec les autorités sanitaires compétentes » du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale qui le conduit à émettre des recommandations vaccinales, mission déjà dévolue à la Commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé. https://solidarites-sante.gouv.fr/grands-dossiers/vaccin-covid-19/covid-19-conseil-d-orientation-de-la-strategie-vaccinale/.

[77] https://www.lecese.fr/content/saisine-vaccination-contours-et-calendrier-du-dispositif.

[78] https://www.lecese.fr/sites/default/files/Collectif%20citoyen%20vaccination%20-%20travaux%20obligation%20vaccinale%20et%20facilitation%20vaccination%2015%2007%202021.pdf.

[79] Notamment sur sa composition, celle-ci tenant compte de la position a priori des citoyens sur la question de la vaccination (réponse à la question "Avez-vous l’intention de vous faire vacciner dans l’année 2021 contre la Covid-19 ?") pour avoir une représentation variée des intentions, au risque que celle-ci ne soit pas tout à fait celle de la population générale. https://www.gouvernement.fr/actualite/debut-des-travaux-du-collectif-citoyen-sur-la-vaccination.

[80] Rapport sur la stratégie vaccinale de MM. Jean-François Eliaou et Gérard Leseul, députés, et Mmes Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, sénatrice ; décembre 2020 ; https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ots/l15b3695_rapport-information.

[81] Les intentions probables et certaines de vaccination se montaient à un peu plus de 50 % en novembre 2020 et janvier 2021, à 40 % en décembre 2020. Évolution de la vaccination et des intentions de se faire vacciner contre la COVID-19 de l’enquête CoviPrev, Santé publique France ; https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-covid-19.

[82] Données de couverture vaccinale de Santé publique France ; https://www.santepubliquefrance.fr/­dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde.

[83] Données OurWorldInData ; https://ourworldindata.org/covid-vaccinations.

[84] J. K. Ward, et al. Nature Medicine 2022, 28, 232 (https://doi.org/10.1038/s41591-021-01661-7).

[85] Avis du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale du 9 janvier 2022 sur l’opportunité de la mise en place d’une seconde dose de rappel vaccinal ; https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cosv_-_avis_du_19_janvier_2022_-_opportunite_de_la_mise_en_place_d_une_seconde_dose_de_rappel­_vaccinal.pdf.

[86] Note du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale du 3 février 2022 sur la stigmatisation des personnes non-vaccinées et des personnes sévèrement immunodéprimées dans le contexte de la vaccination contre la Covid-19 ; https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cosv-_note_du_3_fevrier_2022_-_stigmatisation_des_personnes_non-vaccinees_et_des_personnes_severement_immunodeprimees.pdf.

[87] Rapport sur la stratégie vaccinale de MM. Jean-François Eliaou et Gérard Leseul, députés, et Mmes Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, sénatrice ; décembre 2020 ; https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ots/l15b3695_rapport-information.

[88] https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/covid-19-vaccins/covid-19-dispositif-de-surveillance-renforcee-des-vaccins.

[89] Cf II.B.1.

[90] « Est-il vrai que des centres de pharmacovigilance ont appelé à limiter les signalements d’effets secondaires des vaccins ? » Libération. https://www.liberation.fr/checknews/est-il-vrai-que-des-centres-de-pharmacovigilance-ont-appele-a-limiter-les-signalements-deffets-secondaires-des-vaccins-20210428_MHS67XSBMRFJ7D4SLKBHYXIUDU/.

[91] Les « DGS-Urgent » sont des messages électroniques envoyés aux professionnels de santé abonnés qui permettent de les avertir de problèmes sanitaires urgents.

[92] Cf. II.B.1.

[93] Article R.4127-35 du code de la santé publique ;  https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006912897/2022-05-31/

[94] Un tweet du ministre de la santé Olivier Véran a été cité en audition publique : « Si vous avez des courbatures après le vaccin, pas d'inquiétude… c'est que vous avez trop pédalé ! » https://twitter.com/olivierveran/status/1413575830014513157?s=20&t=EJpnlDeRO598Rtu87Qrf1w.

[95] Ces bonnes pratiques imposent que l’information « est claire et adaptée aux destinataires afin de répondre à leurs attentes, est présentée de manière objective et non trompeuse, présente toujours le risque en perspective du bénéfice attendu, fait état des éventuelles incertitudes »               https://ansm.sante.fr/uploads/2020/10/26/20200914-bppv-fevrier-2018.pdf.

[96] Les métrorragies sont des pertes de sang survenant en dehors de la période des règles. Les ménorragies sont des règles anormalement abondantes.

[97] Avis n° 2021.0059/AC/SEESP du 4 août 2021 du collège de la Haute Autorité de santé relatif aux contre-indications à la vaccination contre la COVID-19 ;             
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-08/avis_n2021.0059_ac_seesp_du_4_aout­_2021_du_college_de_la_has_relatif_aux_contre-indications_a_la_vaccination_contre_la_covid.pdf.

[98] Recommandation de la Haute Autorité de santé – Stratégie de vaccination contre la Covid-19 – Anticipation des scénarios possibles à l’automne 2022 ; https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-05/strategie_de_vaccination_contre_la_covid-19_-_anticipation_des_scenarios_possibles_­a_lautomne_2022.pdf.