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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2023
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024,
et portant diverses autres dispositions
par M. Guillaume VUILLETET
Député
——
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION
par Mme Béatrice BELLAMY, M. Stéphane MAZARS, M. Bertrand SORRE
Députés
——
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
par Mme Christine LE NABOUR
Députée
——
Voir les numéros :
Sénat : 220, 248, 249, 246, 247 et T.A. 44 (2022-2023)
Assemblée nationale : 809
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SOMMAIRE
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Pages
AVANT-PROPOS....................................................... 7
I. Synthèse des travaux de la commission des lois
A. Présentation synthétique du projet de loi
B. Les modifications apPortées par le Sénat
C. Les principaux apports de la commission des Lois de l’Assemblée nationale
II. synthèse des travaux de la commission des affaires sociales
A. présentation synthétique du projet de loi
B. les modifications apportées par le sénat
C. les principaux apports de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale
III. SYNTHèse des travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
A. Présentation synthétique du projet de loi
B. Les modifications APPORTées par le Sénat
Chapitre II Mesures visant à renforcer la lutte contre le dopage
Chapitre III Dispositions visant à mieux garantir la sécurité
Chapitre IV Dispositions diverses
Article 14 A Demande de rapport à la Cour des comptes
Chapitre V Dispositions relatives à l’outre-mer
AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION
Réunion du mercredi 1er mars 2023
Travaux de la commission des lois
Première réunion du mercredi 8 mars 2023 à 9 heures
Deuxième réunion du mercredi 8 mars 2023 à 21 heures
Travaux de la commission des affaires sociales
Première réunion du mardi 7 mars 2023 à 17 heures 15
Deuxième réunion du mercredi 8 mars 2023 à 17 heures 15
Travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
Première réunion du mardi 7 mars 2023 à 17 heures 30
Deuxième réunion du mardi 7 mars 2023 à 21 heures
Personnes entendues par le rapporteur de la commission des lois
personnes entendues par la rapporteure de la commission des affaires sociales
Personnes entendues par les rapporteurs de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
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L’accueil des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) à l’été 2024 représente un événement planétaire sans précédent dans notre histoire récente. La France, et plus particulièrement Paris, deviendront le centre du monde entre le 26 juillet et le 8 septembre 2024. Une première loi promulguée le 26 mars 2018 a permis de prendre des premières mesures indispensables à l’adaptation des règles relatives à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme, au logement et aux transports, au regard des contraintes liées à l’organisation des JOP.
Adopté par le Sénat le 31 janvier dernier, le présent projet de loi s’inscrit dans cette logique d’adaptation de notre droit aux enjeux spécifiques, et exceptionnels, auxquels notre pays sera confronté dans un an et demi. Si les Jeux rendent nécessaires ces évolutions législatives, certaines d’entre elles présentent un caractère expérimental, en ce qu’elles constituent, à ce jour, autant de dérogations au droit commun qu’il appartiendra au législateur de pérenniser ou non à l’issue des JOP.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi comptait 19 articles. À l’issue de son examen, 24 articles ont été transmis à l’Assemblée nationale. Si le texte a été renvoyé à la commission des Lois, celle-ci a délégué l’examen au fond de huit articles à deux commissions : trois à la commission des affaires sociales, relatifs à l’offre de soins et au travail dominical, et cinq à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, s’agissant essentiellement de la lutte antidopage et de la dérogation aux interdictions de publicité dans l’espace public pour le relais de la flamme olympique. La commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est également saisie de l’ensemble des articles examinés par la commission des Lois, c’est-à-dire les dispositions relatives à la sécurité, à la prolongation de la durée de maintien en fonction du délégué interministériel au JOP, aux moyens de la société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) et aux autorisations de stationnement délivrées aux personnes morales en vue du transport des personnes en fauteuil roulant.
L’examen de ce projet de loi a mobilisé cinq rapporteurs au sein de trois commissions, à l’issue d’une trentaine d’auditions conduites par le rapporteur de la commission des Lois et d’une dizaine d’auditions menées par les rapporteurs des commissions des affaires sociales et des affaires culturelles et de l’éducation depuis le début du mois de février. Dans une approche transpartisane, plusieurs dizaines d’amendements ont été adoptées afin d’enrichir les dispositions du texte sans porter préjudice à son équilibre initial. Ces divers apports poursuivent un objectif unanimement partagé : donner tous les atouts à la France pour que l’organisation des Jeux soit une véritable réussite.
I. Synthèse des travaux de la commission des lois
A. Présentation synthétique du projet de loi
Parmi les dispositions initiales du projet de loi, la commission des Lois est saisie des articles 3, 6 à 13, 15, 16, 18 et 19 du projet de loi.
L’article 3 étend le périmètre des acteurs autorisés à assurer les actions d’enseignement et de formation en matière de secourisme aux associations ayant la formation aux premiers secours dans leur objet, ainsi qu’à de nombreux services publics.
L’article 6 vise à mettre en conformité les dispositions du code de la sécurité intérieure encadrant la vidéoprotection avec les règles prévues par le règlement général de l’Union européenne sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016 et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés ».
L’article 7 autorise à titre expérimental jusqu’au 30 juin 2025 l’utilisation de traitements algorithmiques afin de détecter et de signaler en temps réel des événements prédéterminés susceptibles de menacer la sécurité des personnes, sur la base d’images captées par des caméras de vidéoprotection ou des aéronefs.
L’article 8 autorise les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP présents dans les salles de commandement de l’État à visionner des images filmées par des caméras de vidéoprotection installées sur la voie publique aux abords immédiats de leurs emprises et de leurs moyens de transport.
L’article 9 étend les compétences du préfet de police de Paris en matière d’ordre public et de sécurité aux départements des Yvelines, du Val d’Oise, de l’Essonne et de Seine et Marne, du 1er juillet au 15 septembre 2024.
L’article 10 étend le champ de la procédure d’enquête administrative pour accéder à un grand évènement, d’une part, aux grands rassemblements de personnes ayant pour objectif d’assister aux retransmissions d’évènements (ou « fan zones ») et, d’autre part, aux participants à ces grands évènements et rassemblements. Il modifie par ailleurs les critères d’exposition au risque de menace terroriste. Enfin, il renforce la portée de l’avis de l’autorité administrative, qui devient un avis conforme.
L’article 11 autorise la mise en place de scanners corporels à ondes millimétriques afin de contrôler les personnes souhaitant accéder à des enceintes dans lesquelles se déroulent des manifestations sportives, récréatives ou culturelles.
L’article 12 crée deux délits visant à réprimer, lorsqu’ils sont commis en récidive et en réunion, l’entrée par force ou par fraude dans une enceinte sportive et le fait de pénétrer ou de se maintenir sans motif légitime sur son aire de compétition.
L’article 13 rend obligatoire, sauf motivation spéciale du juge judiciaire, le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de stade applicable aux auteurs des infractions délictuelles portant les atteintes les plus graves à la sécurité des manifestations sportives.
L’article 15 prévoit de prolonger jusqu’au 31 décembre 2024 le maintien dans leur emploi, au-delà de la limite d’âge qui leur est applicable, des fonctionnaires occupant un emploi supérieur les conduisant à participer directement à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Cette disposition concerne essentiellement l’actuel délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (DIJOP).
L’article 16 permet à la SOLIDEO de recourir, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 321-41 du code de l’urbanisme, pour l’exercice de tout ou partie de ses compétences, aux moyens de l’un des établissements publics fonciers ou d’aménagement de l’État mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre III de ce code.
L’article 18 permet au préfet de police, dans sa zone de compétence et à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2024, de délivrer des autorisations de stationnement sur la voie publique, c’est-à-dire des licences de taxi, à des personnes exploitant des taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant.
Sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, l’article 19 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires à l’adaptation et à l’extension des dispositions de la présente loi dans les collectivités territoriales qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie.
B. Les modifications apPortées par le Sénat
À l’article 3, le Sénat a précisé le contenu du décret d’application, qui devra comprendre les modalités d’habilitation des différents organismes de formation aux premiers secours.
À l’article 6, le Sénat a précisé le contenu du décret en Conseil d’État déterminant les modalités d’information et d’exercice des droits des personnes susceptibles d’être filmées par un système de vidéoprotection.
Le Sénat a modifié l’article 7 afin, notamment, de renforcer l’information générale du public sur l’usage de ces dispositifs, d’ajouter l’exigence de déclarations des intérêts parmi les obligations auxquelles sont assujettis les fournisseurs externes des traitements algorithmiques, d’élargir les moyens de contrôle et d’information de la CNIL et de soumettre les images nécessaires à l’apprentissage des algorithmes aux règles protégeant les données personnelles.
Le Sénat a adopté l’article 7 bis qui ouvre la faculté, à titre expérimental, de diligenter une enquête administrative de sécurité préalablement à l’affectation de personnels intérimaires sur des missions en lien direct avec la sécurité des personnes ou des biens au sein d’entreprises de transport public, de marchandises dangereuses ou de gestion d’infrastructures.
À l’article 11, le Sénat a précisé le caractère exprès du consentement des personnes inspectées au moyen des scanners corporels. Le Sénat a également prévu que ces derniers peuvent être installés à la seule initiative du gestionnaire de l’enceinte et l’information préalable des spectateurs quant à l’existence d’un autre dispositif de contrôle auquel ils peuvent décider de se soumettre.
Contre l’avis de la commission des Lois, et suivant l’avis favorable du Gouvernement, le Sénat a adopté l’article 11 bis, qui prévoit que les personnels temporairement affectés à des missions de maintien ou de renforcement de la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 retrouvent leur affectation antérieure à la période de l’événement une fois celui-ci achevé, au plus tard le 31 décembre 2024.
À l’article 12, le Sénat a décidé, pour certaines manifestations sportives, de mettre en place des titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables et de rendre passibles d’une amende de 3 750 euros les primo-délinquants isolés étant entrés par force ou par fraude dans une enceinte sportive ainsi que ceux ayant pénétré sur son aire de compétition sans motif légitime.
Le Sénat a créé l’article 12 bis qui vise à punir les auteurs de violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises dans une enceinte dans laquelle se déroule ou est retransmise en public une manifestation sportive.
À l’article 13, le Sénat a élargi le champ du rapport sur les interdictions de stade prévu par l’article L. 332-16-3 aux violations des interdictions de stade et de déplacement de supporters aux interdictions de territoire prononcées à l’encontre des personnes de nationalité étrangère ayant leur domicile hors de France.
À l’article 15, la commission des Lois du Sénat a précisé que la prolongation de la durée de maintien en fonction au-delà de la limite d’âge prévue par l’article ne peut être décidée que dans l’intérêt du service et avec l’accord du fonctionnaire concerné.
S’agissant de l’article 16, le Sénat a apporté des précisions sur le régime de fin d’activité de la SOLIDEO, en prévoyant notamment un terme à compter duquel ses activités seront exercées par l’établissement public Grand Paris Aménagement, ainsi que la remise d’un bilan d’étape sur les missions à assurer.
À l’article 18, le Sénat a supprimé l’obligation pour les personnes morales de disposer de dix autorisations de stationnement au minimum pour bénéficier de l’expérimentation, et a étendu son bénéfice aux personnes physiques. Il a par ailleurs prévu l’application du dispositif aux taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite, et non plus aux seuls aux taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant.
Le Sénat a inscrit directement à l’article 19 les dispositions nécessaires à l’application et à l’adaptation du projet de loi en outre-mer et a, par cohérence, supprimé l’habilitation à légiférer par ordonnance.
C. Les principaux apports de la commission des Lois de l’Assemblée nationale
À l’article 7, la Commission a adopté deux amendements identiques de votre rapporteur et de M. Thomas Rudigoz visant à avancer au 31 décembre 2024 la date à laquelle l’expérimentation prendra fin. Elle a également adopté plusieurs amendements afin de renforcer les garanties entourant la mise en œuvre des traitements algorithmiques et préciser leurs modalités d’évaluation.
À l’article 7 bis, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteur afin d’avancer le début de l’expérimentation prévue par le présent article du 1er juillet 2024 au 1er mai 2024.
La Commission a complété l’article 8 pour repousser au 1er octobre 2024 l’échéance de l’expérimentation du port de caméras individuelles par les agents assermentés de la RATP.
À l’article 11, la Commission a, d’une part, clarifié les conditions dans lesquelles les spectateurs seront informés de l’existence d’un dispositif de contrôle autre que les scanners corporels, et d’autre part, précisé que l’image produite par ces scanners utilise une forme générique du corps humain.
Sur proposition de M. Stéphane Mazars, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et de Mme Élisa Martin, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a supprimé l’article 11 bis.
À l’article 12, la Commission a supprimé la délictualisation de l’infraction d’entrée par force ou par fraude dans une enceinte sportive lorsque ces faits n’ont pas été commis en réunion ou en récidive. De façon symétrique, elle a également supprimé la délictualisation de l’infraction relative à l’entrée ou au maintien sans motif légitime sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive lorsque ces faits n’ont pas été commis en réunion ou en récidive.
La Commission a supprimé l’article 12 bis.
À l’article 13, la Commission a encadré les modalités d’application de « l’obligation de pointage » à laquelle sont soumises les personnes condamnées à une interdiction de stade. Elle a également choisi de retirer du champ des infractions susceptibles de donner lieu au prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de stade la détention ou l’usage de fumigènes dans une enceinte sportive.
Introduit par la Commission, l’article 13 bis vise à mieux encadrer le régime des interdictions administratives de stade (IAS), s’agissant des motifs pour lesquels elles sont prononcées par l’autorité administrative, de leurs durées maximales, de leur cumul avec l’interdiction judiciaire de stade et de la mise en œuvre éventuelle d’une « obligation de pointage ».
À l’article 16, sur proposition de Mme Clara Chassaniol, la Commission a prévu explicitement la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement pour le personnel de la SOLIDEO qui ne bénéficierait pas d’un transfert vers Grand Paris Aménagement.
Concernant l’article 18, la Commission est revenue sur les modifications apportées par le Sénat. Elle a adopté deux amendements identiques de M. Stéphane Mazars, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et de votre rapporteur, afin de faire référence aux taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Sur proposition de votre rapporteur, elle a également recentré le dispositif sur les personnes morales détenant de plus de dix autorisations de stationnement sur la voie publique (ADS).
La Commission a par ailleurs introduit un article 18 bis, sur proposition de Mme Sandra Regol et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, qui donne la possibilité à l’autorité administrative compétente en matière de distribution d’ADS de fixer un signe distinctif permettant de reconnaître facilement les taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite.
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II. synthèse des travaux de la commission des affaires sociales
A. présentation synthétique du projet de loi
La commission des affaires sociales est saisie des articles 1er, 2 et 17 du projet de loi.
L’article 1er ouvre la possibilité de créer, au sein du village olympique et paralympique, un centre de santé au fonctionnement dérogatoire, géré par l’Assistance publique‑Hôpitaux de Paris (AP‑HP), à destination exclusive des athlètes et personnels accrédités par le Mouvement olympique.
L’article 2 prévoit des autorisations d’exercice dérogatoires, strictement encadrées, pour certains médecins et professionnels de santé étrangers pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, dans le but de couvrir les besoins des athlètes et des compétitions.
L’article 17 permet au préfet de département d’autoriser certains commerces situés dans un périmètre géographique circonscrit et pour une durée limitée dans le temps à déroger à la règle du repos dominical suivant une procédure ad hoc.
B. les modifications apportées par le sénat
À l’article 1er, le Sénat adopté plusieurs modifications visant à clarifier le fonctionnement dérogatoire du centre de santé, en reprenant la dénomination de « Polyclinique olympique », et à inscrire dans la loi le principe de la compensation par Paris 2024 de l’ensemble des charges engagées par l’AP-HP.
À l’article 17, le Sénat a substitué au dispositif d’extension à plusieurs établissements de l’autorisation préfectorale accordée à un établissement un dispositif octroyant au préfet de département la possibilité d’autoriser d’emblée un ou plusieurs établissements à déroger à la règle du repos dominical.
C. les principaux apports de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale
À l’article 1er, la Commission a adopté des amendements visant à garantir la prise en compte des besoins des personnes handicapées au sein de la Polyclinique olympique : les amendements identiques de M. Philippe Fait et de M. Sébastien Peytavie rappellent le principe d’une accessibilité et d’une adaptation des locaux, tandis qu’un amendement du groupe La France insoumise prévoit que les volontaires engagés dans le centre seront sensibilisés à l’accueil, à l’accompagnement et à la prise en charge des parathlètes.
À l’article 17, la Commission a adopté deux amendements identiques de la rapporteure et de Mme Annie Vidal et plusieurs de ses collègues proposant le rétablissement du dispositif initial, dans une rédaction plus simple et plus claire, au motif que la solution retenue par les sénateurs risquait de conduire, en dépit de l’objectif poursuivi, à une complexification de la procédure aux dépens des établissements susceptibles de formuler des demandes de dérogation à la règle du repos dominical et des services préfectoraux chargés d’instruire ces demandes.
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III. SYNTHèse des travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
A. Présentation synthétique du projet de loi
La commission des affaires culturelles et de l’éducation est saisie des articles 4, 4 bis, 5, 14 A et 14 du projet de loi.
L’article 4 autorise, en l’encadrant, le recours à l’examen des caractéristiques génétiques ou de la comparaison des empreintes génétiques dans le cadre des contrôles antidopage afin de mettre la législation française en conformité avec le code mondial antidopage.
L’article 5 du projet de loi rend applicables en Polynésie française les dispositions du code du sport relatives aux pouvoirs d’enquête des agents de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Il permet notamment aux enquêteurs de l’agence d’effectuer des visites domiciliaires, de détenir des produits interdits, d’échanger des renseignements, y compris nominatifs, avec les autorités judiciaire et administrative de l’État.
L’article 14 étend les dérogations aux règles de droit commun en matière d’affichage publicitaire, prévues par les articles 4 et 5 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, au relais de la flamme olympique et paralympique et à l’installation d’un compte à rebours à Paris. Ce nouveau cadre permet aux partenaires marketing du CIO et du Cojop d’installer des dispositifs publicitaires dans les villes traversées par la flamme olympique, et de sponsoriser le compte à rebours.
B. Les modifications APPORTées par le Sénat
À l’article 4, lors des débats en commission, le Sénat a étendu, à titre expérimental, la durée d’autorisation du recours à certaines des analyses, fixée, dans la version initiale du projet de loi à la seule période des Jeux. En séance publique, l’ensemble de ces analyses a été inscrit de manière pérenne dans le code du sport. Un amendement de rédaction globale de l’article a également introduit une distinction entre les tests nécessitant d’analyser de l’ADN non codant et ceux, plus intrusifs, nécessitant d’analyser de l’ADN codant.
Lors des débats en séance publique, le Sénat a introduit un article 4 bis à l’initiative de la rapporteure Agnès Canayer (LR), qui instaure une réciprocité de l’échange d’informations entre l’AFLD et la cellule de renseignement financier nationale (Tracfin). L’objectif poursuivi est d’améliorer les moyens de lutte contre les trafics de produits dopants en permettant à l’AFLD de recevoir des informations de la part des agents de Tracfin.
L’article 5 a été complété en commission par six alinéas visant à étendre à la Polynésie française les dispositions les plus contraignantes en matière d’enquêtes antidopage contenues dans le code du sport. Lors des débats en Séance, le Sénat a supprimé le premier alinéa de l’article relatif à l’homologation des peines de prison prévues par les lois du pays.
Un article 14 A a également été introduit lors des débats en commission. Il prévoit la remise au Parlement d’un rapport de la Cour des comptes, sur l’organisation, le coût, et l’héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, avant le 1er octobre 2025. Ce rapport précise le montant des dépenses engagées par l’État et les collectivités territoriales à l’occasion de la préparation et du déroulement des Jeux. En séance publique, le champ du rapport a été étendu. Il inclut désormais un bilan du recours aux bénévoles afin d’éclairer la représentation nationale sur les conditions de leur mobilisation.
C. Les principaux apports de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale
À l’article 4, ont été adoptés neuf amendements qui, sans revenir sur les garanties posées par le texte et notamment le caractère subsidiaire du recours à ces analyses, permettent de :
– tenir compte des évolutions scientifiques permettant la recherche sur un ou plusieurs gènes, sur de l’ADN non codant ou de l’ADN codant, sans distinguer parmi le type d’analyses (administration de sang homologue, substitution d’échantillon, mutation ou manipulation génétique) ;
– clarifier la rédaction de l’article par l’adoption d’amendements rédactionnels et d’un amendement de réécriture de l’article 226-25 du code pénal ;
– insister sur les garanties entourant le recours aux analyses génétiques notamment s’agissant de l’impossibilité de révéler l’identité du sportif et des conditions de traitement des données.
Enfin, sur proposition du groupe écologiste et suivant l’avis favorable du rapporteur, les commissaires ont adopté un amendement reportant au 1er juin 2025 la remise du rapport d’évaluation de ce dispositif afin de permettre aux services de l’État de conduire les investigations nécessaires et de parfaire l’information du Parlement.
À l’article 5, la Commission a adopté un amendement visant à réintroduire l’alinéa 1er relatif à l’homologation des peines des lois du pays.
À l’article 14 A, la Commission a adopté une série d’amendements identiques visant à étendre le champ du rapport à l’évaluation de la qualité de l’accueil des sportifs et des spectateurs en situation de handicap, notamment en termes d’accessibilité de l’évènement.
À l’article 14, la Commission a adopté plusieurs amendements rédactionnels afin de corriger des erreurs de référence ou de parfaire la rédaction du dispositif.
À l’initiative de la rapporteure, la Commission a introduit l’article 14 bis qui étend la dérogation aux interdictions de publicité à l’affichage des éléments de pavoisement officiel du comité d’organisation de la coupe du monde de rugby France 2023.
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Chapitre Ier
Adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours
Article 1er
Dispositions permettant l’ouverture d’un centre de santé au sein du village olympique et paralympique dans des conditions dérogatoires
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires sociales.
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article ouvre la possibilité de créer un centre de santé au sein du village olympique et paralympique et précise ses modalités d’installation, de fonctionnement, d’équipement ainsi que de financement. Ce centre assure la prise en charge médicale des membres des délégations olympiques et paralympiques et des personnes accréditées par le Comité international olympique (CIO) et le Comité international paralympique (CIP).
Modifications apportées par le Sénat
Afin de clarifier le statut dérogatoire de ce centre de santé, le Sénat a modifié sa dénomination, explicité la finalité de la convention conclue entre l’Assistance publique‑Hôpitaux de Paris (AP‑HP) et le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop), et spécifié la participation des volontaires olympiques et paralympiques aux activités de ce centre.
Modifications apportées par la Commission
La commission a adopté deux amendements visant à garantir la prise en compte des besoins spécifiques liés à l’accueil de personnes handicapées – en particulier de parathlètes – au sein de la Polyclinique olympique.
1. Le contenu du projet de loi initial
a. La nécessité d’un dispositif spécifique pour la prise en charge médicale des délégations lors des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024
L’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) du 26 juillet au 8 septembre 2024 en France provoquera un afflux exceptionnel d’athlètes, de délégations et de public, avec notamment :
– 10 500 athlètes olympiques et 4 350 athlètes paralympiques participant aux différentes épreuves, accompagnés de 45 000 volontaires ([1]) ;
– 12 millions de spectateurs et 25 000 journalistes ([2]).
Cet afflux engendrera d’importants besoins en matière de soins, notamment au sein du village olympique qui accueillera « plus de 15 000 personnes athlètes et membres des délégations » – village auquel le public ne pourra avoir accès. Actuellement en construction sur le territoire de trois communes de Seine-Saint-Denis – Saint‑Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L’Île-Saint-Denis –, ce site d’une superficie de 52 hectares devrait être mis à disposition de Paris 2024 à partir du 1er mars 2024.
Pour répondre aux besoins des athlètes et de leurs délégations, la médicalisation du village s’avère nécessaire, ne serait-ce que pour ne pas reporter une charge excessive sur le système de soins local qui souffre déjà de tensions liées aux difficultés à recruter des personnels, en particulier paramédicaux. Cette médicalisation permet également de préserver la « bulle sécuritaire » que constitue le village olympique, en limitant les flux de circulation avec l’extérieur.
En outre, la création d’une structure médicale autonome et interne au village olympique constitue l’un des engagements inclus dans les conditions opérationnelles du contrat ville hôte ([3]), auxquelles la ville de Paris et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) ont souscrit au titre des jeux. Au chapitre 22 de ce document, il est spécifié que le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) s’engage à « établir une polyclinique pluridisciplinaire dans le Village olympique/paralympique pour apporter un ensemble complet de soins aux athlètes et officiels ». Les services devant être fournis par cette polyclinique incluent l’ensemble des soins primaires et dentaires, l’imagerie médicale, la pharmacie, la médecine du sport, les thérapies physiques, l’optométrie et les services médicaux d’urgence ([4]).
Afin d’évaluer la capacité d’accueil attendue d’une telle structure, il est utile de se référer à l’expérience de jeux Olympiques et Paralympiques précédents. Sur la base des données relevées à Rio de Janeiro en 2016, il est estimé qu’une structure médicale située dans le village « peut recevoir jusqu’à 670 patients par jour : 250 consultations médicales (50 % médecine du sport, 30 % consultation dentaire, 10 % ophtalmologie), 100 actes d’imagerie et 320 actes de thérapie physique » ([5]).
b. Le choix de la formule d’un centre de santé au fonctionnement dérogatoire, adossé à l’Assistance publique‑Hôpitaux de Paris
● Le Gouvernement a fait le choix, en lien avec les acteurs concernés, d’un centre de santé spécialement conçu pour la période des jeux Olympiques et Paralympiques, centre dont le fonctionnement déroge en partie aux dispositions régissant les centres de santé figurant au chapitre III du titre I du livre III de la sixième partie du code de la santé publique. C’est l’objet de l’article 1er du présent projet de loi.
Ce choix s’explique par la relative souplesse de gestion qu’offre cette formule par rapport, notamment, à celle d’un établissement de santé, nettement plus lourde sur le plan administratif. En outre, le spectre d’intervention des centres de santé paraît convenir, dans l’ensemble, à ce qui est attendu de la polyclinique olympique. Selon l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, « les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre, sans hébergement [...] » et qui assurent « une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux ».
● Le I prévoit la création par l’Assistance publique‑Hôpitaux de Paris (AP‑HP), qui en assurera la gestion, d’un centre de santé « spécifique à la prise en charge des membres des délégations olympiques et paralympiques et des personnes accréditées par le comité international olympique et le comité international paralympique ». Par exception au principe établi à l’article L. 6323-1, ce centre de santé ne sera donc pas ouvert au public.
En raison de sa vocation spécifique, la procédure de création de ce centre déroge aux articles L. 6323-1-10 et L. 6323-1-11, lesquels prévoient notamment l’élaboration, par le gestionnaire, d’un projet de santé, d’un règlement de fonctionnement et d’un engagement de conformité remis au directeur général de l’agence régionale de santé préalablement à l’ouverture du centre.
Le III précise que ces documents seront élaborés dans des conditions adaptées aux spécificités de ce centre de santé, sous l’égide du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS).
● Le II prévoit que les soins dispensés au sein du centre de santé sont gratuits, par dérogation à l’article L. 6323-1 qui dispose que les centres prodiguent « à titre principal des prestations remboursables par l’assurance maladie ».
Si cette gratuité est, en apparence, à la charge de l’AP‑HP, les modalités de financement des activités de ce centre seront définies par convention entre l’AP‑HP et le Cojop de Paris 2024.
● Le IV autorise au sein de ce centre de santé l’installation et le fonctionnement de matériels d’imagerie médicale et de scanographes, par dérogation aux chapitres du code de la santé publique relatifs aux autorisations et aux conditions d’implantation des équipements matériels lourds. Ils seront utilisés dans les conditions techniques de droit commun. Leur emploi pourra cependant être interrompu sur décision du directeur général de l’agence régionale de santé, « en cas d’urgence tenant à la sécurité des patients ou du personnel ».
● Le V autorise la pharmacie à usage intérieur (PUI) de l’AP‑HP à disposer de locaux au sein du centre de santé, dans des conditions dérogatoires aux articles L. 5126-1 et L. 5126-4 relatifs aux missions des PUI et à leurs conditions de création, de transfert et de suppression. Cette pharmacie pourra délivrer au détail, au public du centre, les médicaments et produits de santé mentionnés à l’article L. 4211-1 relatif au monopole officinal, ainsi que certains dispositifs médicaux stériles figurant sur une liste arrêtée par le ministre de la santé.
L’étude d’impact indique que cette antenne sera gérée par la PUI de l’hôpital Bichat. Pour son bon fonctionnement, le VI prévoit une extension du champ des pharmaciens autorisés à y exercer. L’ensemble des pharmaciens inscrits aux tableaux des sections A (titulaires d’officine), D (adjoints et remplaçants, pharmaciens mutualistes), et E (pharmaciens d’outre-mer) pourront être sollicités, même s’ils ne sont pas inscrits à la section H dudit tableau – lequel comprend normalement les seuls pharmaciens habilités à exercer en PUI.
c. Les contours de ce centre de santé
L’étude d’impact et les auditions conduites par la rapporteure permettent de préciser quelque peu les contours de ce centre de santé dérogatoire qui verra le jour à l’été 2024.
i. Un centre éphémère au cœur du village olympique
Conformément à l’engagement figurant dans le contrat ville hôte, le centre de santé sera situé au cœur du village olympique. Les locaux de l’École Dahnier, un institut de formation en pédicure podologie à Saint-Ouen-sur-Seine, ont été identifiés pour accueillir la structure, même si la lettre d’engagement définitive n’a pas encore été signée entre le bailleur et Paris 2024. D’une superficie totale d’environ 600 m², ces locaux devront être partiellement réaménagés pour les besoins du centre de santé, ce qui suppose quelques travaux qui seront effectués par Paris 2024.
Le responsable des services médicaux du Cojop Paris 2024, M. Pierre Mauger, a souligné, lors de son audition, que ces locaux étaient récents et d’ores et déjà conformes aux normes régissant les bâtiments qui accueillent du public, notamment en termes d’accessibilité. Ce point est évidemment prioritaire dans la perspective de l’accueil des athlètes handicapés.
La vocation provisoire de ce centre de santé est clairement affirmée par l’ensemble des interlocuteurs auditionnés : au terme des jeux Olympiques et Paralympiques, les locaux retrouveront leur destination initiale. Il ne sera pas question de « recycler » les installations aménagées à des fins d’offre de soins. Les appareils médicaux qui auront été installés seront évacués au terme des jeux. Ce sera notamment le cas des équipements lourds d’imagerie médicale, dont l’installation dérogatoire est autorisée en vertu du IV de l’article 1er. L’AP‑HP a précisé, lors de son audition, envisager l’installation de deux appareils d’imagerie par résonance magnétique (IRM), nécessaires à une centaine d’examens quotidiens, ce qui correspond aux estimations fondées sur les précédentes olympiades. D’après les informations recueillies par la rapporteure, les appareils d’IRM devraient être loués par l’AP‑HP pour la période des jeux, et restitués à terme.
Bien que l’installation d’un scanographe soit également autorisée en vertu de l’article 1er, elle n’est pas envisagée à ce stade, les besoins apparaissant beaucoup plus réduits que pour les IRM. Ces examens pourraient, dès lors, être externalisés dans les hôpitaux référents de l’AP‑HP.
ii. Un fonctionnement chapeauté par l’AP‑HP mais largement assis sur la contribution des volontaires olympiques
La création et la gestion du centre de santé seront assurées par l’AP‑HP, qui détachera une équipe à cette fin. Cependant, le volume de personnels salariés à fournir devrait être limité, le fonctionnement du centre étant principalement assis sur la contribution de volontaires olympiques, conformément à une tradition perpétuée à chaque édition des JOP.
L’AP‑HP compte désigner un directeur administratif, un directeur médical, un cadre de santé ainsi qu’un référent par discipline exercée au sein du centre de santé – soit une quinzaine au total. L’AP‑HP souligne que les personnels constituant cette équipe seront probablement des professionnels qui ont des affinités avec le suivi des sportifs. Ils ne seront pas tous issus de l’AP‑HP, mais pourront avoir été recrutés spécifiquement pour la période des JOP.
Par ailleurs, Paris 2024 estime qu’environ 200 volontaires français et 30 volontaires internationaux seront nécessaires au fonctionnement quotidien du centre de santé. Un appel à candidatures doit être lancé afin de recruter ces volontaires. Ils seront sélectionnés en fonction de leur profil de compétences au regard des postes à pourvoir mais aussi, s’agissant des volontaires internationaux, de leur participation aux précédentes olympiades. Il s’agira de recruter pour l’ensemble des spécialités proposées au sein du centre de santé mais aussi pour les postes administratifs.
Si le processus n’a pas encore été lancé, la directrice adjointe de l’ARS Île‑de‑France, Mme Sophie Martinon, s’est dite relativement optimiste, lors de son audition, sur le succès de l’appel à candidatures. En effet, les JOP ont un caractère mobilisateur puissant et la plupart des postes sont à pourvoir sur des spécialités classiques qui relèvent du soin non programmé quotidien, comme le soin dentaire.
D’après l’étude d’impact, les volontaires olympiques exerceront au sein du centre de santé sous la responsabilité de l’AP‑HP « en qualité de préposé[s] au sens du 5ème alinéa de l’article 1242 du code civil ».
iii. La désignation d’hôpitaux référents pour tous les soins non pris en charge par le centre de santé
Le centre de santé prendra en charge les urgences et le premier recours. Cependant, en cas de besoin d’hospitalisation, de chirurgie ou d’accès à des soins plus spécialisés, les athlètes et leurs délégations relèveront directement des hôpitaux de l’AP‑HP. Ceux-ci ont déjà été désignés en fonction de leur proximité avec les sites olympiques et de l’offre de soins disponible en leur sein.
Comme le précise l’étude d’impact, l’hôpital Bichat a ainsi été identifié pour les athlètes, l’hôpital Avicenne pour les médias et l’hôpital Pompidou pour la famille olympique et paralympique. L’hôpital Bichat devrait également accueillir les examens de scanner demandés dans le cadre du centre de santé, et être l’hôpital référent pour la pharmacie à usage intérieur (PUI), dont une antenne sera ouverte au sein du centre de santé conformément au V de l’article 1er.
iv. Un financement compensé à l’euro près par Paris 2024
En vertu du II de l’article 1er, les modalités de financement du centre de santé doivent être précisées par convention entre l’AP‑HP et Paris 2024.
L’étude d’impact précise que « s’agissant de l’activité de la polyclinique, Paris 2024 s’engage à prendre en charge à l’euro près les dépenses directes et indirectes de l’AP‑HP identifiées dans une annexe budgétaire, suivie, et le cas échéant ajustée, par un comité de pilotage, au sein duquel sont représentés l’AP‑HP, le COJOP Paris 2024, l’ARS d’Île-de-France, la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques (DIJOP) et le ministère de la Santé ».
L’AP‑HP dit n’avoir aucune inquiétude sur ce principe de la compensation à l’euro près. Celle-ci est d’ores et déjà retenue dans la convention en cours de négociation avec Paris 2024, laquelle devrait être finalisée au cours des prochaines semaines. Le comité de pilotage veillera à la bonne application de ce principe.
Si l’annexe financière de la convention n’est pas encore achevée, les estimations prévoiraient à ce jour sur un coût global de 3,8 millions d’euros pour le centre de santé. Cette somme inclut la rémunération des personnels et le coût des fournitures, équipements, médicaments, etc., à l’exclusion des dépenses liées à l’acquisition et à l’aménagement des locaux assumées directement par Paris 2024.
Il convient de noter que la convention couvre uniquement les dépenses concernant le centre de santé et le transport des athlètes et délégations vers ce centre ou vers les hôpitaux référents. Elle ne traite pas de la compensation, pour l’AP‑HP, des coûts associés à la prise en charge des athlètes et délégations au sein des hôpitaux. L’étude d’impact révèle que ces coûts « seront couverts par une assurance privée, contractée par Paris 2024, à hauteur d’au moins 200 000 € (contractualisation en cours) par athlète, qui devrait donc couvrir l’essentiel des situations » ([6]) et que « l’État prendra en charge les dépenses excédant le montant de cette couverture, de façon subsidiaire » ([7]).
d. Des interrogations persistantes sur la charge induite pour les hôpitaux franciliens
i. Une charge supplémentaire dont l’ampleur n’est pas précisément connue
Le centre de santé prévu à l’article 1er absorbera une part importante des besoins médicaux engendrés par l’afflux d’athlètes et de personnels accrédités par le Mouvement olympique. Toutefois, comme mentionné précédemment, une partie des soins ne pourra être prise en charge en son sein, notamment les hospitalisations et les actes chirurgicaux.
Par ailleurs, il convient de prendre en compte la charge induite, sur le système de soins francilien, par la présence de nombreux supporters et visiteurs en lien avec les épreuves sportives. Il est d’autant plus indispensable d’anticiper que cet afflux surviendra en période estivale, alors que les tensions que les hôpitaux connaissent en matière de personnels – notamment paramédicaux – sont accrues par les départs en congés.
Cette anticipation est du ressort de l’AP‑HP et de l’ARS Île-de-France, que la rapporteure a auditionnées. Il en ressort des prévisions plutôt rassurantes au regard, notamment, de l’expérience des JOP de Londres en 2012. Cet événement a induit une charge supplémentaire sur le système de soins britannique qui était celle « d’un hiver doux », soit une tension modérée.
Cette hypothèse est à prendre avec prudence, les touristes étant généralement plus nombreux à Paris qu’à Londres. Mais la fourchette haute des estimations disponibles anticipe 15 millions de touristes pour les JOP de Paris, soit une fréquentation qui ne représente pas une évolution majeure par rapport à un été normal. Ce fait s’expliquerait par un effet de substitution important : les visiteurs et supporters des JOP remplaceraient les touristes « habituels », lesquels choisiraient de ne pas venir en France en raison de l’événement.
Par ailleurs, comme cela a été annoncé par le ministre de l’intérieur le 25 octobre dernier, tous les festivals qui se déroulent normalement au cours de la période où se tiendront les JOP seront soit annulés, soit reportés. Cette décision est de nature à limiter la charge pour le système de soins, en permettant de concentrer la ressource médicale sur les jeux.
ii. Des tensions et renforts à anticiper sans tarder
La rapporteure recommande de rester prudent sur ces estimations et d’anticiper des hypothèses moins favorables. Elle rappelle que le scénario d’un hiver doux supposerait déjà une tension importante sur les équipes dans les hôpitaux, du fait de la période de congés et des difficultés de recrutement qui tendent à s’accroître. Elle estime par ailleurs que le danger d’une conjonction entre les JOP et d’autres événements à impact sanitaire majeur – résurgence de covid‑19, canicule, attentat... – doit être sérieusement envisagé.
Votre rapporteure a par ailleurs été alertée sur les besoins importants en professionnels de santé et médecins pour la sécurisation des épreuves des JOP. Cela représenterait de l’ordre de 3000 volontaires par jour au pic des JOP, dont environ 150 médecins urgentistes en Île-de-France et environ 190 autres dans toute la France. L’ARS Île-de-France et la direction générale de l’offre de soins (DGOS) ont souligné, lors de leur audition, leur vigilance sur cette question, afin que l’appel à volontaires lancé par Paris 2024 n’entre pas en concurrence avec les ressources des hôpitaux. Un travail en commun aurait été engagé pour déterminer une solution coopérative répondant aux besoins des jeux sans obérer le fonctionnement des urgences franciliennes.
Au-delà, il convient d’anticiper les options de renfort disponibles selon les scénarios. L’ARS souligne que neuf hôpitaux sont identifiés comme potentiellement très impactés par les JOP. Si les tensions restaient localisées à quelques établissements, des renforts pourraient être envisagés entre établissements de la région, et l’on pourrait recourir aux heures supplémentaires et au décalage des congés d’été. Si la tension était plus générale dans les hôpitaux franciliens, il faudrait envisager des renforts hors région, le recours à des étudiants en fin de parcours et d’autres options encore.
Toutes les hypothèses doivent être sérieusement anticipées et planifiées afin de ne pas générer, à la dernière minute, une tension excessive sur les personnels des hôpitaux de la région. C’était notamment l’objet d’un rapport commandé à l’Inspection générale des affaires sociales, dont les conclusions ont été récemment présentées au ministre de la santé. Cependant, la rapporteure n’a pas pu, à ce jour, avoir connaissance de ces conclusions.
2. Les modifications apportées par le Sénat
Outre des modifications rédactionnelles, les amendements adoptés par le Sénat à l’article 1er du projet de loi poursuivent deux objectifs principaux.
a. Clarifier le régime dérogatoire du centre de santé
La commission des affaires sociales du Sénat a souhaité que soient apportées à l’article 1er des clarifications au régime dérogatoire du centre de santé du village olympique. Ces modifications ont été apportées à l’initiative de la rapporteure pour avis, Mme Florence Lassarade.
● La commission a précisé la dénomination du centre de santé en retenant l’appellation de « Polyclinique olympique et paralympique » utilisée dans le contrat ville hôte. L’objectif de cet ajout est d’assurer une cohérence mais aussi de souligner que la structure créée au sein du village olympique ne s’apparente que de très loin à un centre de santé au sens du code de la santé publique.
● La commission a prévu une dérogation explicite au troisième alinéa de l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, lequel dispose que les centres de santé effectuent, à titre principal, des prestations remboursables par l’assurance maladie. En effet, cette disposition entre directement en contradiction avec le II de l’article 1er, qui prévoit que le centre délivre exclusivement des prestations à titre gratuit.
● Enfin, la commission a inséré au sein du II un alinéa prévoyant explicitement la présence et la participation des volontaires olympiques aux missions du centre de santé. En effet, elle a jugé que les dispositions du code autorisant la participation de personnels bénévoles dans les centres de santé (article L. 6323-1-5) ne permettaient pas de régir avec certitude la situation dans laquelle ces bénévoles sont majoritaires, comme ce sera le cas en l’espèce.
b. Garantir explicitement la compensation des charges dans le cadre de la convention conclue entre l’AP‑HP et le Cojop
À l’initiative de la rapporteure pour avis, la commission des affaires sociales a adopté un amendement précisant que la convention entre l’AP‑HP et Paris 2024 comprend les modalités « de couverture des charges liées aux prestations délivrées ». L’objectif de cet amendement est d’inscrire dans la loi le principe de compensation à l’euro près affirmé par les différents acteurs afin de le sécuriser.
3. La position de la Commission
Prenant acte d’une préoccupation exprimée par l’ensemble des groupes, la Commission a adopté deux amendements visant à garantir la prise en compte des besoins spécifiques des personnes handicapées – en particulier des parathlètes – au sein de la Polyclinique olympique.
● En premier lieu, la commission a adopté les amendements identiques de M. Philippe Fait et de M. Sébastien Peytavie, visant à préciser explicitement que la Polyclinique olympique et ses équipements sont « entièrement accessibles et adaptés aux personnes en situation de handicap ».
D’après les renseignements pris par votre rapporteure, cette nécessité a évidemment été anticipée par Paris 2024. Le comité a confirmé, lors de son audition, que l’accueil des parathlètes était au cœur de l’organisation des JOP en général et du centre de santé en particulier, lequel proposerait d’ailleurs des spécialités répondant aux besoins particuliers de ces personnes. Les locaux de l’Institut Danhier, qui hébergera la Polyclinique, sont de facture récente et d’ores et déjà entièrement conformes aux normes d’accessibilité applicables aux établissements recevant du public (ERP).
Il apparaissait cependant opportun de rappeler ces exigences d’accessibilité et d’adaptation afin qu’elles soient dûment prises en compte dans l’aménagement ultérieur de ces locaux.
● En outre, la commission a adopté un amendement de Mme Élisa Martin et des membres du groupe La France insoumise, visant à imposer que les volontaires recrutés pour exercer au sein de la Polyclinique olympique soient « particulièrement sensibilisés aux questions d’accueil, d’accompagnement et de prise en charge » des parathlètes.
Autant il pouvait sembler excessif d’exiger que soit prévue une formation au handicap pour l’ensemble des volontaires internationaux – dans la mesure où les professionnels de santé sont, de par l’essence même de leurs fonctions, compétents pour prendre en charge le handicap, autant il apparaît utile que tous soient spécialement sensibilisés aux spécificités de la prise en charge des parathlètes.
Interrogé par votre rapporteure, Paris 2024 a précisé qu’un tutoriel serait probablement mis en ligne, à destination des volontaires internationaux, pour rappeler ces spécificités. Le comité a également souligné que les volontaires seraient encadrés, au sein du centre, par des personnels ayant une grande habitude de la prise en charge des personnes handicapées.
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Article 2
Dispositions autorisant certains professionnels de santé étrangers mobilisés dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques à exercer sur le territoire national pour une durée limitée
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires sociales.
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article autorise certains médecins et professionnels de santé mobilisés dans le cadre de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) à exercer en France. Ces dispositions concernent les médecins des fédérations internationales, accrédités par le Comité international olympique (CIO), le Comité international paralympique (CIP) ou le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (Cojop) exerçant sur les sites de compétition aux côtés des athlètes ; les professionnels de santé accompagnant les délégations des fédérations internationales, des organismes du Mouvement olympique ou des comités paralympiques ; et les professionnels de santé engagés en qualité de volontaires olympiques et paralympiques exerçant au sein du centre de santé. L’autorisation d’exercice de ces professionnels sera délivrée pour une durée limitée.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a apporté à cet article des modifications d’ordre rédactionnel.
Modifications apportées par la Commission
La commission a adopté cet article sans modification.
1. Le contenu du projet de loi initial
a. La nécessité d’assouplir les conditions d’exercice des médecins et professionnels de santé étrangers pour couvrir les besoins sanitaires liés aux JOP
Afin de répondre aux besoins de couverture sanitaire des jeux Olympiques et Paralympiques, la mobilisation de nombreux médecins et professionnels de santé français et étrangers s’avère nécessaire.
● Les médecins et professionnels de santé étrangers qui ne bénéficient pas d’une reconnaissance de leur diplôme en France devraient en principe, dans cette situation, se conformer à des procédures longues et exigeantes pour obtenir une autorisation d’exercice en France.
À titre d’exemple, pour ce qui concerne les professionnels médicaux, les praticiens à diplôme hors de l’Union européenne (PADHUE) doivent, pour exercer en France, prouver un niveau suffisant de maîtrise du français, passer et réussir une épreuve de vérification des connaissances (EVC) et déposer un dossier auprès d’une commission d’autorisation d’exercice (ACE), laquelle statuera sur la demande au terme d’un processus de plusieurs années.
● Ces procédures sont manifestement inadaptées à la situation particulière des médecins et professionnels de santé qui interviennent auprès des athlètes, délégations et organisations olympiques et paralympiques. Elles sont bien trop longues et complexes. En outre, elles imposent un niveau d’exigence qui ne se justifie pas au regard des modalités d’exercice de ces professionnels dans le cadre des jeux.
En effet, ces professionnels médicaux et de santé n’ont nullement vocation à exercer leur compétence auprès de la population générale, au sein des établissements de santé ou des cabinets médicaux. L’autorisation nécessaire vise simplement à leur permettre d’exercer leur profession pendant la durée et dans le cadre des JOP, dans le village olympique ou sur les sites de compétition, auprès des athlètes, de leurs délégations ou des organismes du Mouvement olympique.
Il convenait de déterminer la formule adaptée pour répondre à ces besoins. Comme le souligne l’étude d’impact, l’article L. 4051-1 du code de la santé publique prévoit la situation des professionnels de santé qui accompagnement une délégation sportive étrangère, lesquels « ne peuvent exécuter les actes de leur profession sur le territoire français qu’à l’égard des membres de ces délégations » et en aucun cas dans les établissements et services de santé. Cependant, cette disposition ne permettait de traiter que la situation d’une partie des professionnels médicaux et de santé appelés à intervenir dans le cadre des jeux.
b. L’article 2 crée une autorisation d’exercice dérogatoire pour certains médecins et professionnels de santé étrangers à l’occasion des JOP
L’article 2 apporte une réponse globale à la situation des professionnels médicaux et de santé devant intervenir dans le cadre des JOP, en prévoyant une autorisation d’exercice dérogatoire et encadrée.
i. Les médecins des fédérations internationales
Le I concerne les médecins des fédérations sportives internationales, accrédités par le Comité international olympique (CIO), le Comité international paralympique (CIP) ou le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) de Paris 2024 pour assurer le contrôle des compétitions des jeux. Même s’ils ne répondent pas aux conditions requises pour exercer en France, ils seront autorisés à exercer leur profession sur les sites de compétition en intervenant auprès des athlètes.
Toutefois, le cadre de leurs missions sera limité. Les actions de soins des médecins des fédérations internationales se limiteront « à des gestes de diagnostic et de premier soin » ([8]). Si ces premières actions ne suffisent pas, un médecin de l’équipe nationale pourra prodiguer des soins complémentaires. Si c’est encore insuffisant, l’athlète sera transféré vers les services médicaux de Paris 2024.
Le périmètre d’intervention de ces médecins sera également limité. Ils seront amenés à n’intervenir « que sur les sites de compétitions et dans un périmètre restreint au territoire de compétition et au poste médical des athlètes » ([9]).
ii. Les professionnels de santé accompagnant les délégations des fédérations internationales, des organismes du Mouvement olympique ou des comités paralympiques
Le II se rapporte aux professionnels de santé, accrédités par le CIO, le CIP ou le Cojop, qui accompagnent les délégations des fédérations internationales, des organismes du Mouvement olympique ou des comités paralympiques et ne justifient pas des conditions requises pour exercer en France. Ils seront également autorisés à exercer leur profession auprès des personnes qu’ils accompagnent. À ce titre, ils interviendront dans les sites dédiés aux épreuves sportives, les lieux d’hébergements ainsi que les centres des médias.
Toutefois, les groupes d’experts médicaux appartenant à la commission médicale et scientifique du CIO et du CIP pourront agir, de manière exceptionnelle, à l’égard des sportifs ou des membres d’une organisation. Ils disposent davantage d’un rôle de coordination, de supervision et de suivi que d’un rôle de soin.
iii. Les volontaires olympiques et paralympiques
Le III prévoit que les professionnels de santé engagés en qualité de volontaires olympiques et paralympiques, ne disposant pas des conditions requises pour exercer sur le territoire, seront autorisés à exercer. Plus précisément, ils évolueront au sein du centre de santé du village olympique et paralympique prévu à l’article 1er du présent projet de loi, sous la supervision de professionnels de l’Assistance publique‑Hôpitaux de Paris (AP‑HP). Ils seront recrutés sur des postes correspondant strictement à leur spécialité.
Afin d’intégrer le programme des volontaires de Paris 2024, ces professionnels bénévoles seront « soit proposés par le CIO, soit directement cooptés par Paris 2024, après vérification des diplômes via un processus à définir avec l’appui du Conseil national de l’ordre des médecins » ([10]).
Ce dispositif dispense les professionnels de se conformer au processus ordinaire de reconnaissance des diplômes, inapproprié compte tenu de leurs missions et de la durée de leur mobilisation. Néanmoins, la détermination d’un processus de vérification des diplômes demeure indispensable car ils auront une mission de soin auprès d’un public élargi par rapport aux professionnels mentionnés aux I et II – l’ensemble des athlètes et des personnels accrédités par le mouvement Olympique.
c. Des autorisations encadrées et délivrées pour une durée limitée
Les autorisations d’exercice prévues aux I, II et III pour les différentes catégories de professionnels médicaux et de santé sont limitées par la mention restrictive des destinataires des soins ou des activités de diagnostic ainsi que par la délimitation des lieux où exercer leur profession – souvent le village olympique et les lieux des compétitions.
Le IV prévoit que ces professionnels seront soumis aux conditions d’exercice applicables en France pour leur profession. Ils devront se conformer aux règles, notamment déontologiques, qui régissent chacune de ces professions de santé.
Par ailleurs, les autorisations seront délivrées pour une durée limitée correspondant à l’organisation et au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. L’alinéa 3 précise que l’autorisation d’exercice délivrée aux professionnels de santé accompagnant les délégations ne pourra aller au-delà du 31 décembre 2024. Cette période ne correspond pas strictement à celle des JOP, qui se déroulent du 26 juillet au 8 septembre 2024. Cette extension prend en considération le temps de démontage des installations ainsi que la survenue d’éventuels aléas.
2. Les modifications apportées par le Sénat
La commission des affaires sociales du Sénat a adopté, à l’initiative de la rapporteure, des modifications d’ordre rédactionnel.
3. La position de la Commission
La commission a adopté cet article dans sa rédaction issue du Sénat.
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Article 3
(art. L. 726-1 du code de la sécurité intérieure et art. L. 312-13-1 du code de l’éducation)
Élargissement du périmètre des acteurs autorisés
à délivrer des formations aux premiers secours
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 3 du projet de loi étend le périmètre des acteurs autorisés à assurer les actions d’enseignement et de formation en matière de secourisme aux associations ayant la formation aux premiers secours dans leur objet, ainsi qu’à de nombreux services publics.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent a créé l’article L. 726-1 du code de la sécurité intérieure, qui définit les organisations assurant les actions d’enseignement et de formation en matière de secourisme.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a précisé le contenu du décret d’application, qui devra comprendre les modalités d’habilitation des différents organismes de formation, et a procédé à une coordination dans le code de l’éducation.
Principaux apports de la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a apporté une modification rédactionnelle au dispositif.
1. L’état du droit
Jusqu’à la loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020, aucune disposition législative n’encadrait les actions d’enseignement et de formation en matière de secourisme, qui étaient jusque-là uniquement régies par des textes réglementaires ([11]).
Le décret du 30 août 1991 et l’arrêté du 8 juillet 1992 ([12]), toujours en vigueur, prévoient ainsi que ces actions peuvent être conduites par des organismes publics habilités (administrations centrales, services déconcentrés, collectivités territoriales, établissements publics, établissements privés participant à l’exécution du service public), ainsi que des associations agréées ayant pour objet la formation aux premiers secours, pour lesquelles un système d’agrément à double niveau, national et départemental, est prévu.
Créé par la loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent, l’article L. 726-1 du code de la sécurité intérieure prévoit désormais que les actions d’enseignement et de formation en matière de secourisme sont assurées par trois types d’acteurs :
– les organismes habilités parmi les services des établissements de santé, dont la liste est fixée par décret ;
– les services publics auxquels appartiennent les acteurs de la sécurité civile mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 721-2 du même code ;
– les associations de sécurité civile agréées.
Cette rédaction exclut deux types d’acteurs de la formation aux premiers secours, pourtant essentiels, et qui étaient jusque-là autorisées à réaliser ces formations.
En effet, en faisant uniquement référence aux « associations de sécurité civiles agréées » à l’article L. 726-1 du CSI, la loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 précitée a exclu du périmètre des formateurs les associations qui, sans être des associations de sécurité civile, ont la formation aux premiers secours dans leur objet.
Les associations nationales agréées au titre de la formation aux premiers secours, actuellement au nombre de treize, représentent pourtant 60 % du total des associations agréées de formation, et 50 % des formations grand public assurées en 2021. En font notamment partie la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, ou l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique ([13]).
Par ailleurs, la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi « Matras », a modifié l’article L. 721‑2 du CSI, qui définit les acteurs assurant les missions de sécurité civile, pour y inclure les bénévoles et les salariés des associations agréées de sécurité civile.
Ce faisant, et du fait de l’absence de coordination entre les rédactions des articles L. 721-2 et L. 726-1 du CSI, la loi « Matras » a involontairement exclu de nombreux acteurs du périmètre des services publics chargés d’assurer les formations aux premiers secours.
N’en font désormais plus partie les militaires des armées et de la gendarmerie nationale, les personnels de la police nationale et les agents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements et organismes publics ou privés appelés à exercer des missions se rapportant à la protection des populations ou au maintien de la continuité de la vie nationale, ainsi que les réservistes de la sécurité civile et des services d’incendie et de secours.
Ces acteurs représentent pourtant 95 % des organismes nationaux, et 40 % des organismes départementaux actuellement habilités à assurer les formations aux premiers secours. La direction générale de l’enseignement scolaire du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, qui forme 520 000 élèves par an, et la gendarmerie nationale, qui réalise chaque année 50 000 formations pour ses personnels, sont ainsi concernés ([14]).
Article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure,
issu de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021
La rédaction des trois premiers alinéas de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure, actuellement en vigueur, est la suivante :
« I. – Les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours ainsi que par les personnels des services de l’État et les militaires des unités qui en sont investis à titre permanent.
« Les bénévoles et les salariés des associations agréées de sécurité civile participent aussi à l’exercice de ces missions.
« II. – Concourent également à l’accomplissement des missions de la sécurité civile les militaires des armées et de la gendarmerie nationale, les personnels de la police nationale et les agents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements et organismes publics ou privés appelés à exercer des missions se rapportant à la protection des populations ou au maintien de la continuité de la vie nationale, ainsi que les réservistes de la sécurité civile et des services d’incendie et de secours. […] »
L’article L. 726-1 du CSI, créé par la loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 précitée, fait référence aux « services publics auxquels appartiennent les acteurs de la sécurité civile mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 721-2 ».
Les acteurs mentionnés troisième alinéa de cet article en sont donc exclus.
2. Le dispositif proposé
L’article 3 du projet de loi modifie l’article L. 726-1 du CSI.
D’une part, il élargit le périmètre des acteurs autorisés à assurer les actions d’enseignement et de formation en matière de secourisme :
– il substitue aux « associations de sécurité civile agréées », les « associations ayant la formation aux premiers secours dans leur objet » ;
– il étend le champ des « services publics auxquels appartiennent les acteurs de la sécurité civile », opérant ainsi la coordination rendue nécessaire par l’adoption de la loi « Matras » du 25 novembre 2021.
D’autre part, il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de définir les conditions d’applications de l’article.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Suivant la proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a précisé le contenu du décret d’application, qui devra comprendre les modalités d’habilitation des différents organismes chargés d’assurer les actions d’enseignement et de formation en matière de secourisme, et a procédé à une coordination dans le code de l’éducation ([15]).
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a apporté une modification rédactionnelle au dispositif ([16]).
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Chapitre II
Mesures visant à renforcer la lutte contre le dopage
Article 4
(16-10 et 16-11 du code civil, 226-25 du code pénal, L. 232-12-2 [nouveau] et L. 232-16 du code du sport)
Autorisation de l’examen des caractéristiques génétiques ou de la comparaison des empreintes génétiques pour les analyses antidopage
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Afin que la France soit en conformité avec les exigences du code mondial antidopage, cet article a pour objet d’autoriser le laboratoire accrédité par l’Agence mondiale antidopage en France à procéder à des analyses génétiques sur des échantillons d’urine ou de sang prélevés auprès des sportifs.
Dernières modifications législatives intervenues
La convention internationale contre le dopage dans le sport de l’Unesco du 19 octobre 2005, ratifiée par la France le 5 février 2007, dispose en son article 3 que les États signataires s’engagent à adopter des mesures appropriées aux niveaux national et international qui soient conformes aux principes du code mondial antidopage. Les violations des règles antidopage sont fixées par les articles 2.1 à 2.11 dudit code. Ces règles ont été, pour partie, intégrées dans les articles L. 232-9 et suivants du code du sport, puis récemment modifiées par l’ordonnance n° 2021‑88 du 21 avril 2021 relative aux mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage.
Les modifications apportées par le Sénat
Dans sa version initiale, le projet de loi prévoyait d’autoriser le recours à des analyses génétiques sur les échantillons prélevés sur les sportifs pour la seule durée des Jeux. Lors des débats en commission, le Sénat a étendu, à titre expérimental, la durée d’autorisation du recours à certaines de ces analyses. En séance publique, il a décidé de les inscrire de manière pérenne dans le code du sport, tout en encadrant davantage le recours à cette technique.
La position de la Commission
La Commission a clarifié la rédaction de l’article 4. Tout en renforçant les garanties entourant le recours aux tests génétiques, notamment dans le cadre du traitement des données issues de ces analyses, elle a assoupli la rédaction proposée par le Sénat afin de prendre en compte les évolutions de la science en matière de lutte contre le dopage et a reporté de cinq mois la date de remise du rapport d’évaluation du dispositif, la fixant au 1er juin 2025.
a. Le cadre légal de la lutte contre le dopage en France
La France a ratifié le 5 février 2007 ([17]), sous l’égide de l’Unesco, la convention internationale contre le dopage dans le sport ([18]). Pour assurer sa conformité avec cet engagement international et l’adapter à l’évolution des principes du code mondial antidopage, la législation nationale relative à la lutte contre le dopage est régulièrement modifiée. L’adoption de l’ordonnance n° 2021-488 du 21 avril 2021 relative aux mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage a permis d’intégrer dans notre législation une partie des dispositions des articles 2.1 à 2.11 du code mondial antidopage relatives à la violation des règles antidopage ([19]). À ce jour, plus de 700 organisations sportives se soumettent au code mondial antidopage. Parmi elles figurent notamment le comité international olympique (CIO), le comité international paralympique (CIP), les fédérations internationales (FI) (parmi lesquelles toutes les fédérations internationales reconnues par le CIO), les comités nationaux olympiques et paralympiques et les organisations nationales et régionales antidopage (ONAD et ORAD), ainsi que les organisations responsables de grandes manifestations sportives.
Les articles L. 232-9 et suivants du code du sport – qui dressent la liste complète des violations des règles antidopage – visent non seulement l’usage ou la tentative d’usage d’une substance ou d’une méthode interdite par un sportif, mais sanctionnent également les comportements en lien avec le recours à ces substances ou à ces méthodes. Ainsi en est-il de la détention d’une substance ou d’une méthode interdite ; du fait de se soustraire ou de refuser de se soumettre au prélèvement d’échantillon ; de ne pas respecter les obligations de localisation ; de la falsification de tout élément du contrôle du dopage de la part d’un sportif ou d’un tiers. Ces mêmes articles précisent par ailleurs le déroulement du contrôle antidopage. Ces règles poursuivent le double objectif de garantir l’éthique et la sincérité des compétitions sportives mais également de protéger la santé et l’intégrité physique des sportifs ([20]).
L’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), autorité publique indépendante créée par la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, est, en sa qualité d’organisation nationale antidopage, signataire du code mondial antidopage. À ce titre, elle définit et met un œuvre un programme annuel de contrôles, effectue des enquêtes pour établir les violations des règles relatives à la lutte contre le dopage, exerce son pouvoir disciplinaire à l’égard des personnes ayant commis de telles violations, délivre des autorisations d’usage à des fins thérapeutiques, définit et met en œuvre un programme d’éducation contre le dopage, et s’assure du respect par les fédérations sportives de leurs obligations en matière de lutte contre le dopage.
Les sportifs peuvent être soumis à des prélèvements urinaires et sanguins en compétition ou hors compétition à des fins de détection de la présence de substances ou méthodes interdites figurant sur une liste établie chaque année par l’Agence mondiale antidopage (AMA), agence internationale indépendante créée en 1999, à l’initiative du Comité international olympique (CIO), pour promouvoir et coordonner la lutte contre le dopage dans le sport au niveau international.
Cette liste, mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 232-9 du code du sport, constitue l’annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport. Elle est régulièrement mise à jour et intégrée chaque année en droit français par l’adoption d’un décret du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ([21]). L’article 4.3 de la convention stipule que les annexes « font partie intégrante de la convention ». Les prélèvements sont effectués essentiellement sur des sportifs de haut niveau national ou international, dans des conditions fixées par le code du sport, par des agents de contrôle du dopage agréés et assermentés ou des organismes habilités par l’AFLD. Lors de chaque mission de prélèvement, l’agent de contrôle du dopage procède à un ou plusieurs prélèvements biologiques qui sont ensuite analysés par l’un des laboratoires accrédités par l’AMA en France.
Pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024, le Comité international paralympique (CIP) et l’International Testing Agency (ITA) – agissant pour le compte du CIO – mettront en œuvre les programmes antidopage, et seront en charge des contrôles antidopage. Le CIO, par l’intermédiaire de l’organisateur direct de l’évènement en France, le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop), a signé une convention avec l’AFDL pour organiser ces contrôles, désignant le laboratoire antidopage français (LADF) comme structure compétente pour réaliser des analyses antidopage durant les Jeux, sous réserve de son accréditation par l’AMA.
b. La particularité du dopage génétique
Les organisations antidopage sont confrontées à des comportements toujours plus élaborés, qui rendent leur détection de plus en plus difficile. L’évolution permanente des techniques de dopage impose une évolution extemporanée des techniques de recherche. Le dopage génétique est considéré inscrit dans le code mondial antidopage comme une méthode interdite depuis le 1er janvier 2003. L’article 6.2 du même code permet le recours aux analyses génétiques et prévoit que les échantillons prélevés à l’occasion de contrôles antidopage sont analysés « à partir des paramètres pertinents dans l’urine, le sang ou autre matrice du sportif, y compris le profil ADN ou le profil génomique, ou à toute autre fin antidopage légitime ».
En ce sens, l’AMA a publié en 2021 des recommandations pour permettre de détecter ([22]) :
– les administrations ou la réintroduction d’une quantité de sang homologue désignée comme une méthode interdite. Il s’agit de la technique consistant à fournir au laboratoire un échantillon d’un sang de même groupe. Le phénotypage des globules rouges, technique classique de recherche antidopage ne permet pas d’établir que l’échantillon contient un ADN distinct de celui du sportif, seul le séquençage génétique permettant de le déterminer ;
– le dopage génétique référencé comme une méthode interdite. Cette technique consiste à introduire un matériel génétique exogène dans l’organisme du sportif afin d’augmenter sa performance. L’apport de matériel génétique (en général soit l’érythropoïétine – EPO –, soit l’hormone de croissance) n’est pas non plus détecté par les analyses antidopage classiques ;
– l’identification d’une mutation du gène responsable de la production érythropoïétine (EPO), référencée comme une substance interdite. La quantité d’EPO produite par le sportif en raison de la mutation naturelle d’un gène peut conduire les tests classiques à être positifs. Seul le séquençage ciblé de l’échantillon de sang fourni permet d’établir qu’il s’agit d’une mutation portée par le sportif qui produit naturellement, de ce fait, un excès d’EPO et peut conduire à obtenir des résultats positifs quand sont utilisées des méthodes classiques de détection ;
– la substitution d’échantillons entre plusieurs individus, référencée en tant que méthode interdite. Seule la comparaison de l’ADN des échantillons permet de déterminer si les prélèvements proviennent d’une ou plusieurs personnes (cas particulier des substitutions d’urine).
Par ailleurs, les analyses antidopage requérant l’examen de caractéristiques génétiques ou la comparaison d’empreintes génétiques sont d’ores et déjà pratiquées pour la plupart des compétitions internationales qui se déroulent en France. Ces analyses sont effectuées par des laboratoires accrédités par l’AMA situés à l’étranger, non soumis à la législation française ; il n’apparaît pas souhaitable de maintenir cette situation.
Enfin, durant les Jeux, le maintien de cette pratique hors de nos frontières n’est pas réaliste. Les délais exigés pour la restitution des résultats d’analyses, le nombre de ces analyses, les conditions de sécurité devant entourer le transport des échantillons, auraient pour effet non seulement d’accroître le risque de fraude, mais également de mettre en péril la bonne tenue des Jeux. Dans son étude d’impact, le Gouvernement souligne de surcroît que le maintien de cette pratique « fragiliserait juridiquement les procédures disciplinaires engagées sur le fondement des résultats des analyses ainsi réalisées à l’étranger » ([23]).
Le code du sport permet de rechercher des signes de dopage à partir des paramètres urinaires et sanguins. En revanche, la possibilité d’examiner les caractéristiques génétiques d’un sportif se heurte aux articles 16-10 et 16-11 du code civil, issus des lois bioéthiques de 1994, qui encadrent strictement l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles ([24]) et l’identification par empreintes génétiques. Ces articles reposent sur les principes constitutionnels de respect de la dignité de la personne et de respect de la vie privée.
L’article 16-10 du code civil pose l’interdiction de principe du recours à l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne en dehors du cas où celui-ci se révèle nécessaire pour la recherche scientifique ou à des fins médicales. Or, la recherche d’une mutation génétique dans un gène impliqué dans la performance sportive suppose d’examiner ce type de caractéristique génétique. De même, lutter contre le dopage génétique suppose de rechercher un matériel génétique exogène introduit dans l’organisme du sportif, n’excluant pas de révéler les caractéristiques génétiques constitutionnelles visées par l’article 16-10 du code civil. Enfin, cet article subordonne un tel examen au consentement exprès de la personne, qui ne peut, par principe, être requis dans le cadre des contrôles antidopage sur les sportifs.
L’article 16-11 du même code dispose quant à lui que l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire, à des fins médicales ou de recherche scientifique, afin d’établir l’identité d’une personne décédée ou dans les conditions prévues à l’article L. 2381-1 du code de la défense relatif aux recherches biométriques des forces armées mobilisées à l’extérieur du territoire français. La lutte antidopage n’entre dans aucune de ces finalités et peut conduire par nature à l’identification d’un sportif dans le cadre de la comparaison d’empreintes génétiques. Alors même que les échantillons sont anonymisés lors du contrôle par le laboratoire, la détection d’une administration de sang homologue ou d’une substitution d’échantillon d’urine ou de sang suppose de procéder à une comparaison d’empreintes génétiques et, in fine, peut permettre d’identifier un sportif, ne serait-ce que pour établir le non-rattachement de l’échantillon à sa personne.
Le Conseil constitutionnel fixe des conditions strictes pour encadrer l’obligation légale de se soumettre à un prélèvement biologique pouvant donner lieu à un examen des caractéristiques génétiques ou un rapprochement des empreintes génétiques. Le juge constitutionnel impose non seulement le respect des conditions légales relatives au prélèvement des éléments sur lesquels sont effectuées les analyses mais il exige également que celui-ci soit réalisé dans le respect des principes d’inviolabilité du corps humain et de la dignité de la personne humaine ([25]).
Ainsi, dès lors qu’il s’agit de déroger à une interdiction de principe fixée par la loi aux articles 16-10 et 16-11 du code civil, une disposition législative est nécessaire pour autoriser le recours aux tests génétiques en matière de lutte contre le dopage. Cela est d’autant plus indispensable que si l’AMA était amenée à prononcer une déclaration de non-conformité aux normes internationales à l’encontre de l’AFLD, cela aurait pour conséquence d’exposer l’agence à des sanctions et de remettre en cause l’accueil par la France de manifestations sportives internationales, y compris celui des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
a. La nécessité de se conformer au code mondial antidopage
i. Un dispositif nécessaire précisément défini
En application de l’article 55 de la Constitution, la France est tenue d’honorer ses engagements internationaux. Parce qu’elle a ratifié la convention internationale contre le dopage dans le sport du 19 octobre 2005, qui prévoit, en son article 3, que les États parties s’engagent à « adopter des mesures appropriées aux niveaux national et international qui soient conformes aux principes énoncés dans le code [mondial antidopage] », le Gouvernement propose de mettre en conformité le programme antidopage français avec le code mondial antidopage. L’article 6.2 dudit code prévoit que la réalisation d’analyses génétiques est nécessaire à la détection du dopage génétique et des transfusions homologues figurant sur la liste des interdictions arrêtée annuellement par l’AMA et fixée à l’annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport ([26]). De même, ces analyses sont nécessaires pour écarter les cas de mutation dans le cadre des analyses EPO et la substitution d’échantillons urinaires ou sanguins, en vertu des standards internationaux et des documents techniques de l’AMA s’appliquant aux organisations antidopage. Signataire du code mondial antidopage, l’AFLD est soumise au régime de conformité élaboré et mis en œuvre par l’AMA. Elle confie les analyses des prélèvements effectués sur les sportifs à un laboratoire accrédité ou approuvé par l’AMA : le Laboratoire français de lutte contre le dopage. Elle est tenue, en vertu des articles L. 232-18 et R. 232-43 du code du sport, d’appliquer des règles conformes au code mondial antidopage.
C’est pourquoi, le chapitre II du projet de loi a pour objet de renforcer le dispositif de lutte contre le dopage et, en son article 4, de permettre que soient réalisées des analyses génétiques sur les échantillons d’urine ou de sang prélevés sur des sportifs, par le laboratoire accrédité par l’AMA en France.
Par dérogation aux articles 16-10 et 16-11 du code civil, ces analyses, à l’exception de la détection de la mutation génétique, sont toutes prescrites pour rechercher des méthodes interdites que l’AFLD est tenue de détecter. S’agissant des mutations du gène de l’EPO, ces analyses constituent l’unique moyen scientifique d’établir la mutation, et sont essentielles pour préserver l’intégrité et les intérêts des sportifs.
L’examen des caractéristiques génétiques ou de la comparaison d’empreintes génétiques des sportifs n’est possible qu’aux seules fins de mettre en évidence la présence ou l’usage de substances ou de méthodes interdites et uniquement de manière subsidiaire. Ces analyses ne peuvent être réalisées que dans l’hypothèse où aucune autre technique ne permet d’aboutir au résultat recherché. Elles ne peuvent avoir d’autre objet que la lutte contre le dopage et pour autre finalité que la détection des quatre cas identifiés par l’AMA et précisément énumérés dans le projet de loi :
– une administration de sang homologue ;
– une substitution d’échantillons prélevés ;
– une mutation génétique dans un gène impliqué dans la performance induisant une production endogène d’une substance interdite en vertu de l’article L. 232-9 du code du sport ;
– une manipulation génétique pouvant modifier les caractéristiques somatiques aux fins d’augmentation de la performance (cas du dopage génétique).
Dans son avis, le Conseil d’État émet des réserves sur cette dernière finalité, considérant que « la nécessité de cette recherche n’est pas établie dès lors que l’étude d’impact ne démontre pas que cette hypothèse constitue à ce jour un risque avéré » ([27]). Malgré cet avis, le Gouvernement a maintenu cette finalité dans son dispositif car, d’une part, lors des dernières olympiades d’été à Tokyo et d’hiver à Pékin et à la demande de l’ITA, ces tests ont été effectués respectivement 25 et 31 fois et, d’autre part, l’AMA et les autorités scientifiques confirment que la menace du dopage génétique est réelle.
Depuis, la question précise des apports de la thérapie génétique aux éventuelles méthodes interdites en matière de dopage génétique a fait l’objet d’une communication du 18 janvier 2023 de l’Académie nationale de pharmacie consacrée à la lutte contre le dopage ([28]) et l’ITA vient de lancer un appel à projets scientifique pour améliorer les méthodes actuelles de détection de ce type de dopage ([29]).
L’introduction d’une dérogation aux articles 16-10 et 16-11 du code civil semble donc nécessaire ; elle est par ailleurs conforme au régime encadrant les analyses génétiques issu de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique qui reconnaît désormais dans le code de la santé publique la notion de caractéristiques génétiques somatiques et a placé leur recherche en dehors des dispositions restrictives du code civil ([30]). Initialement introduite pour permettre la détection des marqueurs génétiques de cellules tumorales, cette notion pourrait, comme le révèle l’étude d’impact, « s’appliquer à un matériel génétique étranger introduit volontairement dans l’organisme, comme dans le cas du dopage génétique et dans celui de la transfusion homologue » ([31]).
Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cassation autorise l’examen des caractéristiques génétiques apparentes d’un individu et non pas uniquement sa simple identification par ses empreintes génétiques (prévu par l’article 16-11 du code civil) dans le cadre d’une procédure judiciaire ([32]). Le Gouvernement a donc considéré que « cette solution jurisprudentielle justifierait, dans le cadre de la lutte antidopage, des analyses génétiques non seulement à des fins d’identification (pour détecter la manipulation d’échantillons), mais aussi d’examen des caractéristiques génétiques (pour identifier une mutation rare, au bénéfice du sportif concerné) ».
ii. Un dispositif entouré d’importantes garanties
Un certain nombre de garanties ont été introduites, notamment à la suite des observations formulées par le Conseil d’État et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Les analyses des caractéristiques génétiques n’ont qu’un champ limité. Elles ne peuvent être réalisées qu’aux seules fins de mettre en évidence la présence et l’usage d’une substance ou d’une méthode interdites. Aucun séquençage du génome entier n’est permis. Les analyses ne portent que sur les parties du génome pertinentes au regard de la recherche et ne peuvent conduire à donner d’autres informations que celles recherchées. Elles ne peuvent pas permettre d’avoir une connaissance d’ensemble du patrimoine génétique de la personne. En cas de découverte incidente d’une maladie génétique, le sportif sera informé selon les modalités prévues par la loi n° 2021‑1017 du 2 août 2021 précitée.
En application de l’article R. 232‑62 du code du sport, les tests sont effectués sur des échantillons anonymes. Seule l’ITA a la possibilité d’identifier l’athlète testé grâce au numéro attribué à l’échantillon. De plus, les données ne peuvent servir ni à l’identification ou au profilage des sportifs, ni à la sélection de sportifs à partir d’une caractéristique génétique donnée. Les données analysées sont détruites sans délai si elles ne relèvent la présence d’aucune substance ou l’utilisation d’aucune méthode interdite ou, après leur utilisation, dans le cadre d’une procédure disciplinaire.
Par nature, si la lutte antidopage ne permet pas le recueil du consentement de la personne contrôlée, l’article 4 prévoit néanmoins que celle-ci doit avoir été préalablement et expressément informée de la possibilité qu’il soit procédé sur les échantillons prélevés à des analyses génétiques, et des modalités d’utilisation des données recueillies. Cette information ad hoc, préalable au prélèvement, est une garantie souhaitée par la CNIL.
La question du consentement
Selon les termes de son avis, le Conseil d’État « estime, dans la conciliation qu’il opère entre les intérêts en présence, que l’atteinte à la vie privée induite par [les analyses génétiques] exige, sauf à ce que le projet encoure un grief d’inconstitutionnalité, que la personne contrôlée y ait préalablement et expressément consenti et qu’elle ait été informée de la finalité et de la nature de ces examens. Cette condition est nécessaire pour que ces analyses puissent être réalisées en France. Les conséquences à tirer de l’absence de ce consentement appartiendront aux instances internationales. » ([33])
Or une telle exigence priverait le dispositif d’effet. L’acceptation du règlement antidopage est une condition préalable à la participation des athlètes à une manifestation sportive. Elle figure dans les formulaires d’inscription que les participants doivent remplir et signer sous peine de ne pouvoir participer à l’évènement. De plus, le refus de se soumettre à un contrôle ou de fournir un échantillon peut, en application des articles L. 232-9-2 et L. 232-23-3-4 du code du sport, entraîner le prononcé d’une mesure de suspension de participation à une compétition, à un entraînement et à d’autres activités et fonctions sportives pour une durée de quatre ans. De même, l’article 2.3 du code mondial antidopage vise précisément le fait de « se soustraire au prélèvement d’un échantillon, refuser le prélèvement ou ne pas se soumettre au prélèvement d’un échantillon de la part d’un sportif ».
Par ailleurs, le consentement visé par l’article 16-10 n’est pas toujours exigé pour effectuer des tests génétiques. Ainsi en est-il des articles L. 1130-3 à L. 1130-5 du code de la santé publique qui visent les situations dans lesquelles la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté ou les cas dans lesquels cette recherche est dans l’intérêt des soins ou des membres de sa famille, ou lorsque la personne ne peut être retrouvée.
Les réglementations sportives reposent sur un équilibre entre différents intérêts en balance : éthique sportive, protection de l’ordre public, intérêt des sportifs, protection de la santé publique ; le Gouvernement considère qu’une simple information préalable des sportifs peut valablement se substituer au consentement de ceux-ci.
Cette recherche de la proportionnalité des intérêts a été confirmée par un arrêt du 18 janvier 2018 de la Cour européenne des droits de l’homme relatif à l’obligation de localisation des sportifs, prévue par le code mondial antidopage et la loi française. « La Cour ne sous-estime pas l’impact que les obligations de localisation ont sur la vie privée des requérants et de la requérante. Toutefois, les motifs d’intérêt général qui les rendent nécessaires sont d’une particulière importance et justifient […] les restrictions apportées aux droits que leur accorde l’article 8 de la Convention [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales]. Réduire ou supprimer les obligations dont [les requérants] se plaignent serait de nature à accroître les dangers du dopage pour leur santé et celle de toute la communauté sportive, et irait à l’encontre de la communauté de vue européenne et internationale sur la nécessité d’opérer des contrôles inopinés. La Cour juge donc que l’État défendeur a ménagé un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu, et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention. » ([34])
La solution choisie par le Gouvernement et retenue par le Sénat concilie les objectifs d’intérêt général de protection de la santé des sportifs, de garantie d’équité et d’éthique des compétitions sportives, de prévention des atteintes à l’ordre public et de respect de la vie privée et de la dignité de la personne humaine, qui sont autant d’éléments que le juge constitutionnel apprécierait en cas de recours. À ce jour, le Conseil constitutionnel n’a rendu aucune décision relative à la question de la lutte contre le dopage.
b. Une mise en conformité nécessaire mais circonscrite au seul temps des Jeux
L’obligation de mise en conformité de la législation française au regard du code mondial antidopage à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et des manifestations internationales organisées en France pendant leurs phases préparatoires figurait dans le dossier de candidature de la ville de Paris. Il y était indiqué que « la France répond à l’ensemble des exigences du code mondial antidopage ». À ce titre, le Cojop a conclu une convention avec le laboratoire antidopage français, le désignant comme laboratoire d’analyse pour les échantillons prélevés en période olympique et paralympique. Chargé des analyses, le LAFLD doit donc être en mesure de répondre à l’autorité de contrôle, dans l’éventualité où, parmi les analyses, l’ITA – donneur d’ordre – solliciterait l’examen de caractéristiques génétiques ou la comparaison d’empreintes génétiques. Pour répondre aux obligations contractuelles de la ville-hôte et permettre au laboratoire antidopage français de procéder à des analyses génétiques, il est nécessaire de légiférer.
Le dispositif proposé par le Gouvernement était circonscrit aux seuls temps des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et des manifestations sportives internationales précédant leur tenue. La mesure devait prendre fin le 31 décembre 2024, après une période permettant de réaliser les tests génétiques nécessaires dans le cadre des procédures de contestation ou de recours.
La dérogation aux articles 16-10 et 16-11 du code civil, parce qu’elle revêtait un caractère temporaire, était satisfaisante pour le Conseil d’État qui soulignait que la mesure ne saurait donc « rendre possible la prescription de tels tests par l’Agence française de lutte contre le dopage. C’est pourquoi ces dispositions ne sont inscrites ni dans le code civil, ni dans le code du sport. » ([35])
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a amendé l’article 4, en procédant à deux modifications substantielles s’agissant du recours aux tests génétiques en matière de lutte contre le dopage : l’inscription pérenne du dispositif dans le code du sport, et le renforcement des garanties entourant les tests.
La commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale du Sénat a considéré, sur proposition de la rapporteure, que la mesure devait par nature être pérenne puisqu’elle avait pour effet de mettre la législation française en conformité avec le code mondial antidopage.
Les sénateurs ont souligné que le caractère temporaire de la mesure était incohérent avec l’obligation, permanente, de détecter les méthodes et substances interdites figurant dans le code mondial antidopage. Au-delà du temps des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, l’obligation de respecter l’engagement international demeure. Par ailleurs, ils ont regretté que « cette problématique n’ait pas été traitée dans le cadre de la dernière loi sur la bioéthique qui a été votée en juin 2021 alors que la mise en conformité du droit interne avec le code mondial antidopage en matière de tests génétiques était semble-t-il déjà discutée avec l’Agence mondiale antidopage (AMA) et que l’échéance des Jeux était connue » ([36]).
Enfin, la rapporteure a souligné que l’absence d’une disposition pérenne aurait pour conséquence de soustraire ces analyses, réalisées à la demande de l’ITA ou des autres autorités internationales de lutte contre le dopage, à la législation française et aux garanties qu’elle comporte, dans la mesure où elles seraient réalisées par des laboratoires étrangers dans les compétitions internationales accueillies par la France.
Soucieuse de proposer une solution nuancée, la commission sénatoriale a, sur la proposition de la rapporteure, fait le choix d’opérer une distinction entre les différentes analyses. Elle a ainsi proposé d’intégrer dans le code du sport les tests les moins intrusifs et d’engager une expérimentation dans la perspective d’une pérennisation pour les autres ([37]). Les sénateurs ont ainsi distingué les analyses génétiques selon qu’elles nécessitent de comparer des empreintes génétiques, qui se limitent à la détection de marqueurs sur des segments d’ADN non codants, ou qu’elles supposent d’analyser une ou plusieurs caractéristiques génétiques.
Ainsi les analyses visant à comparer les empreintes génétiques des sportifs pour détecter des substitutions d’échantillons ou des transfusions de sang autologue, homologue ou hétérologue ([38]) , ont été intégrées dans le code du sport et figurent à l’article 16-11 du code civil, tout en maintenant l’information préalable du sportif et le caractère subsidiaire de ces techniques.
En revanche, les analyses nécessaires à la recherche des mutations génétiques et des manipulations génétiques, qui supposent l’utilisation de techniques plus intrusives telles que la thérapie génique ou l’utilisation d’ARN messager visant à modifier les caractéristiques génétiques de la performance, devaient faire l’objet d’une expérimentation jusqu’au 30 juin 2025 sous le contrôle du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) et de la CNIL. Un rapport au Parlement était prévu dans les six mois précédent le terme de l’expérimentation pour apprécier l’utilité de pérenniser la mesure ([39]). L’information préalable du sportif et le caractère subsidiaire de ces techniques étaient également maintenus. Pour garantir l’efficacité du dispositif, cette expérimentation a été étendue à toutes les compétitions sportives – nationales ou internationales – et, hors compétition, aux analyses qui doivent être pratiquées dans le cadre des programmes annuels de contrôle ([40]).
Pour l’ensemble de ces analyses, la commission sénatoriale a préféré substituer à la notion d’anonymat des échantillons la notion de pseudonymisation qui correspond au fait de traiter les données à caractère personnel de telle sorte qu’elles ne puissent plus être attribuées à une personne physique identifiée sans information supplémentaire. Il ne s’agit pas d’un anonymat au sens de la réglementation en matière de données à caractère personnel puisque, dans les faits, l’ITA sait à quels sportifs appartiennent les échantillons. Il s’agit uniquement de s’assurer que le laboratoire n’est pas en mesure d’identifier le sportif.
Enfin, par l’adoption d’un amendement de la rapporteure, la Commission a supprimé la référence au patrimoine génétique de la personne, jugé contraire à l’absence de patrimonialité du corps humain prévue par l’article 16-1 du code civil, au profit de la référence aux « caractéristiques génétiques » ([41]).
Lors de la discussion en séance publique, les sénateurs ont adopté un amendement de rédaction globale de l’article 4 ([42]). Ils ont finalement décidé d’inscrire le recours aux analyses génétiques en matière de lutte contre le dopage de manière pérenne dans le code du sport. La phase d’expérimentation pour les analyses les plus intrusives a donc été supprimée à la faveur de l’inscription des quatre cas dans lesquels des analyses génétiques peuvent se justifier en matière de lutte contre le dopage. Le rapport au Parlement prévu dans les six mois précédant le terme de l’expérimentation a été remplacé par un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre de ces dispositions, qui devra être transmis au CCNE et à la CNIL.
Cette modification a eu pour effet d’entraîner celle des articles 16-10 et 16-11 du code civil afin d’inscrire la lutte contre le dopage dans la liste des analyses justifiant la recherche des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne. Afin de tirer les conséquences légistiques de cette modification, la lutte contre le dopage a été introduite à l’article 226-25 du code pénal qui incrimine le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins autres que médicales ou de recherche scientifique, ou sans avoir recueilli préalablement son consentement dans les conditions prévues par l’article 16-10 du code civil.
De même, le Sénat est revenu sur la distinction des différents cas d’administration de sang. Seule l’administration de sang homologue est désormais visée par le texte. La Commission avait introduit les notions de sang autologue, hétérologue et homologue afin d’inscrire dans la loi de manière prospective les évolutions scientifiques attendues en matière d’analyse de sang. S’agissant du sang autologue (sang appartenant à une même personne, prélevé à un instant donné pour être transfusé plus tard), l’analyse génétique est inefficace car elle se borne à établir une correspondance d’ADN. S’agissant du sang hétérologue (transfusion du sang d’une autre espèce ou de substitut sanguin sur le sportif), en plus de sa dangerosité, la technique a été jugée encore trop expérimentale.
Les sénateurs ont également renforcé l’information du sportif, afin que celle-ci soit exhaustive. L’information communiquée au sportif porte désormais non seulement sur la possibilité que l’échantillon prélevé fasse l’objet d’analyses génétiques, mais également sur la découverte incidente d’une caractéristique pouvant être responsable d’une affection justifiant des mesures de prévention pour elle-même ou au bénéfice de membres de sa famille. Le formulaire d’inscription des athlètes aux jeux Olympiques fera mention expresse de la possibilité que des tests génétiques soient réalisés sur les échantillons prélevés ([43]).
4. La position de la Commission
Sur la proposition du rapporteur, la Commission a adopté une série d’amendements afin d’assouplir le cadre fixé par le Sénat notamment pour prendre en compte les avancées de la science et afin de renforcer les garanties entourant le recours aux analyses génétiques
Ainsi, l’adoption de l’amendement AC 208 permet-elle de préciser que les analyses génétiques peuvent être faites sur un ou plusieurs gènes ([44]).
La Commission a également adopté un amendement substituant à l’interdiction de l’identification du sportif l’interdiction de la révélation de son identité. En effet, dans le cas de la recherche d’une substitution d’échantillon, les données analysées peuvent conduire à l’identification du sportif pour établir l’absence de correspondance entre deux échantillons ([45]).
Pour tenir compte de l’évolution de la science et ne pas inscrire dans la loi les techniques et méthodes d’analyses au risque de les figer, la Commission a adopté un amendement n’excluant pas le recours à des analyses sur de l’ADN codant dans les cas de recherche de substitution d’échantillons prélevés ou de sang homologue. Le vote de cet amendement ne remet pas en cause les garanties entourant le recours à ces analyses ([46]).
La rédaction globale de l’alinéa 15 a, quant à elle, pour objet d’insister sur le traitement des données issues de ces analyses, dont les modalités seront précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL ([47]) .
La Commission a adopté un amendement de réécriture globale de l’article 226-25 du code pénal qui prend désormais en compte la distinction entre le consentement des personnes et l’information du sportif en matière d’analyse génétique([48]).
Enfin, sur la proposition de M. Raux (Écolo-NUPES), la remise au Parlement d’un rapport évaluant la mise en œuvre des dispositions de l’article 4, initialement fixée au 31 décembre 2024, a été reportée au 1er juin 2025 ([49]). La date proposée par le Gouvernement semblait en effet trop proche de la clôture des jeux Olympiques et Paralympiques, prévue le 8 septembre 2024 pour permettre à l’administration d’évaluer de la manière la plus approfondie et détaillée possible la mise en œuvre de ces mesures. Cette initiative a été saluée par le rapporteur qui considère qu’elle permettra une meilleure information du Parlement.
La Commission a adopté cet article ainsi modifié.
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Article 4 bis
(L. 232-20 du code du sport et L.561-31 du code monétaire et financier)
Réciprocité de l’échange d’informations entre l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et la cellule de renseignement financier nationale (Tracfin)
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux
Le présent article modifie les dispositions du code du sport et du code monétaire et financier afin de permettre à l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) de recevoir des informations de la part des agents de la cellule de renseignement financier nationale (Tracfin). L’objectif poursuivi est d’améliorer les moyens de lutte contre les trafics de produits dopants.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 35 de l’ordonnance n° 2021-488 du 21 avril 2021 relative aux mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage, modifie l’article L. 232-20 du code du sport. Il permet à certains agents de déroger à leurs obligations de secret professionnel dans le cadre de la lutte contre le dopage.
Position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit : le constat en carence
L’Agence française de lutte contre le dopage est une autorité publique indépendante, dont le statut est défini par la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ([50]). Son fonctionnement et ses compétences sont définis aux articles L. 232-5 à L. 232-8 du code du sport. Depuis 2021, il est précisé qu’elle « effectue des enquêtes et recueille des renseignements afin de procéder à des contrôles ciblés ou de rechercher ou constater les violations des règles relatives à la lutte contre le dopage » ([51]). Elle possède en outre des pouvoirs de sanction disciplinaire.
Il appartient ainsi à l’AFLD, en tant qu’autorité nationale antidopage, de mener des enquêtes sur des suspicions de violation des règles antidopage. Ces règles antidopage interdisent non seulement la prise de substances dopantes, mais également le trafic, la tentative de trafic d’une substance interdite ou d’une méthode interdite par un sportif ou une autre personne, de même que l’importation de ces produits. Si la prise de produits dopants est détectable par des prélèvements biologiques effectués sur les sportifs, ce n’est pas le cas de la deuxième catégorie d’infractions, dites violations non-analytiques, qui peuvent être commises par des sportifs ou par d’autres personnes. Les enquêtes relatives à ces violations non-analytiques ne peuvent reposer sur des contrôles antidopage classiques, et nécessitent la collecte et la transmission de renseignements afin d’orienter les investigations. Dans ce cadre, l’AFLD, dotée d’un pouvoir d’enquête, peut mobiliser un réseau d’acteurs pour obtenir des informations. Ces échanges, cruciaux pour la réussite des enquêtes, concernent les services mentionnés à l’article L. 232-20 du code du sport : « les agents des douanes, les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les agents relevant du ministre chargé des sports, les agents de l’Agence nationale du sport, les agents de l’administration des impôts, les agents de l’Agence française de lutte contre le dopage, les magistrats du parquet, les officiers et agents de police judiciaire, les agents de l’autorité nationale des jeux, les agents des agences régionales de santé et les agents des organismes de sécurité sociale ».
En prévision des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et d’un renforcement de son activité d’investigation, l’AFLD a identifié un vide juridique qui l’empêche de recevoir des informations de la part de la cellule de renseignement financier nationale Tracfin, qui a vocation à lutter contre les circuits financiers clandestins et le blanchiment d’argent. Si les deux établissements ont déjà eu l’occasion de mener une coopération fructueuse, les échanges d’informations ne sont légalement permis qu’en application de l’article L. 561-27 du code monétaire et financier qui dispose que Tracfin « reçoit, à l’initiative des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organismes mentionnés à l’article L. 134-1 du code des juridictions financières et de toute autre personne chargée d’une mission de service public, toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission ou les obtient en temps utile, de ceux-ci à sa demande ». Si l’AFLD, personne chargée d’une mission de service public, peut ainsi communiquer à Tracfin des informations, la réciproque n’est toutefois pas prévue ; l’article L. 230-20 du code du sport, précité, n’inclut pas la cellule de renseignement financier nationale, et l’AFLD ne fait pas partie des établissements habilités à recevoir des informations de Tracfin, définis à l’article L. 561-31 du code monétaire et financier.
Dans la mesure où les mouvements de fonds peuvent faire apparaître des réseaux et trafics de produits dopants, ce partage d’informations permettrait d’améliorer les moyens de lutte contre les trafics. À titre d’exemple, Tracfin pourrait cibler les contrôles aux frontières, identifier les arrivées de produits dans les aéroports ou permettre à l’AFLD de vérifier ses informations.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Le présent article, introduit en séance publique au Sénat ([52]), vise à compléter l’article L. 232-20 du code du sport en permettant aux agents de Tracfin de bénéficier de la dérogation à l’obligation de secret professionnel accordée à différents services et administration publics (douanes, administration des impôts, etc.). Cette dérogation autorise les établissements mentionnés à se communiquer des renseignements, y compris nominatifs, relatifs à des faits susceptibles de constituer des violations ou infractions pénales décrites dans le code.
Dans un souci de cohérence, l’article L. 561-31 du code monétaire et financier est également modifié, ajoutant l’AFLD à la liste des agences avec lesquelles Tracfin est autorisée à transmettre des informations.
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Article 5
(L. 424-2 [nouveau] du code du sport)
Application des règles relatives à la lutte contre le dopage en Polynésie française
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article insère un nouvel article L. 424-2 dans le code du sport. Il rend applicable en Polynésie française les dispositions dudit code, relatives aux pouvoirs d’enquête des agents de l’Agence française de lutte contre le dopage. Il permet notamment aux enquêteurs de l’agence d’effectuer des visites domiciliaires (article L. 232-18-7), de détenir des produits interdits (article L. 232-18-9), d’échanger des renseignements, y compris nominatifs, avec les autorités judiciaire et administrative de l’État (articles L. 232‑20 et L. 232-20-2).
Les modifications apportées par le Sénat
L’article 5 a été complété, en commission, par six alinéas visant à étendre à la Polynésie française les dispositions les plus contraignantes en matière d’enquêtes antidopage contenues dans le code du sport. Lors des débats en Séance, le premier alinéa de l’article, relatif à l’homologation des peines de prison prévues par les lois de pays, a été supprimé.
Les modifications apportées par la Commission
La commission des affaires culturelles et de l’éducation est revenue aux dispositions du texte initial en ce qui concerne l’homologation des peines pour les lois du pays.
La convention internationale contre le dopage dans le sport, ratifiée par la France, impose aux États signataires d’adopter des mesures appropriées aux niveaux national et international qui soient conformes aux principes énoncés dans le code mondial antidopage. Elle impose, en outre, aux autorités centrales qui ne seraient pas compétentes pour adopter les mesures législatives requises de s’assurer de leur prise en compte par les autorités compétentes localement ([53]).
Par ordonnance du 21 avril 2021 ([54]), le Gouvernement a habilité l’AFLD à procéder à des enquêtes pour établir des violations aux règles antidopage et a ainsi conféré à ses enquêteurs de larges prérogatives.
Compte tenu, d’une part, de ce cadre conventionnel et légal, et, d’autre part, de l’accueil sur le territoire de la collectivité des épreuves olympiques de surf, la question s’est posée d’étendre à la Polynésie française certaines des dispositions du projet de loi en matière de lutte contre le dopage.
La Polynésie française jouit d’un statut d’autonomie en application de l’article 74 de la Constitution. La loi organique n° 2044-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ([55]) fixe un principe de spécialité législative qui produit en matière d’édiction et d’application de la norme en Polynésie un triple effet :
– soit les textes de loi y sont applicables de plein de droit parce que relevant de la compétence exclusive de l’État en application de l’article 7 de la loi organique n° 2044-192 précitée ;
– soit, dans les domaines énumérés à l’article 14 de la loi organique, relevant de la compétence de l’État, leur application suppose qu’il soit fait expressément mention de leur application dans la loi nationale ;
– soit la collectivité dispose d’une compétence normative propre dans les domaines énumérés à l’article 13 de ladite loi organique.
Le Conseil d’État estime qu’en matière de sport et de lutte contre le dopage la Polynésie est compétente pour édicter les règles applicables aux compétitions qui se déroulent sur son territoire ([56]). Toutefois, l’État demeure compétent pour les matières relevant de l’article 13, notamment en matière de garanties des libertés publiques et de procédure pénale. Par ailleurs, l’article 31 de la loi organique précitée habilite les institutions polynésiennes à participer à l’exercice des compétences que l’État conserve dans le domaine législatif et réglementaire en application de l’article 14, notamment en matière de recherche et de constatation des infractions. Enfin, l’article 21 de la loi organique dispose que la Polynésie française peut prévoir des peines d’emprisonnement n’excédant pas la peine maximum prévue par les lois nationales pour les infractions de même nature, sous réserve d’une homologation préalable de sa délibération par la loi.
La Polynésie française dispose donc de la possibilité de créer des infractions pénales et de les assortir de sanctions. Cette procédure s’effectue sous le contrôle de l’État et suppose, en application de l’article 32 de la loi organique statutaire, l’intervention préalable d’un décret portant approbation par le Premier ministre du projet de loi de pays transmis par le président de la Polynésie française ainsi que la ratification de ce décret par la loi. Si la Polynésie française est pleinement compétente en matière d’amendes et de peines complémentaires, les lois statutaires soumettent toutefois les peines d’emprisonnement à une homologation du Parlement. La lutte contre le dopage présente la particularité d’être de la compétence de la Polynésie pour les dispositions relatives à la santé publique et de la compétence de l’État pour les mesures attentatoires aux libertés, notamment en matière d’enquêtes, qu’implique la lutte contre le dopage.
C’est dans ce cadre juridique complexe que l’assemblée de la Polynésie française, instance chargée de la mise en œuvre des compétences législatives de la collectivité, a adopté deux lois du pays relatives au dopage :
– la loi du pays n° 2015-12 du 26 novembre 2015 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. Cette loi du pays n’a pas fait l’objet d’une procédure d’homologation des sanctions pénales ;
– la loi du pays n° 2015-13 du 26 novembre 2015 relative à la recherche et à la constatation des infractions en matière de dopage. Cette dernière a fait l’objet, avant son adoption, dès 2013, d’un décret d’approbation ([57]), ratifié par la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. Néanmoins, si la loi du pays a été approuvée en application de la procédure prévue à l’article 32 de la loi organique statutaire de 2004, cette procédure ne vaut pas homologation au sens de l’article 21 de ce même statut, spécifique aux peines d’emprisonnement. Si dans les deux cas la Polynésie française participe à l’exercice de compétences de l’État, les procédures sont distinctes et celle plus générale de l’article 32 n’emporte pas automatiquement l’effet de l’homologation spécifique de l’article 21.
Le projet de loi initial déposé par le Gouvernement prévoyait une rédaction de l’article uniquement consacrée à l’homologation de peines de prison en matière de lutte contre le dopage en Polynésie française figurant dans les lois du pays n° 2015-12 et n° 2015-13 du 26 novembre 2015 précitées.
L’application de ces peines étant subordonnée à leur homologation par le Parlement, les infractions visées par la loi ne peuvent pas donner lieu au prononcé des peines d’emprisonnement, mais seulement à celui des peines d’amende et des peines complémentaires prévues par la réglementation locale. Ce mécanisme a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ([58]).
L’objectif de ces dispositions était de renforcer l’efficacité de la répression des faits de dopage en Polynésie français.
Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, le Gouvernement estime que « cette disposition [aura un impact] limité dans la mesure où elle permettra simplement à la Polynésie française d’exercer pleinement sa compétence et de rendre effective les peines privatives de libertés que la loi de pays n° 2015-12 du 16 novembre 2015 prévoit. » ([59])
3. Les modifications apportées par le Sénat
La commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale du Sénat a adopté des amendements de Mme Agnès Canayer (LR), rapporteure, et de M. Jean-Claude Lozach (SER), qui ont substantiellement modifié le dispositif proposé dans le projet de loi initial.
a. Les modifications issues des débats en commission
Ainsi que le relève le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi, ni le sport, ni la santé publique ne figurant au sein de la liste limitative des compétences attribuées à l’État en Polynésie française, ces domaines relèvent donc la collectivité. Le Conseil indique que la compétence de celle-ci en matière de lutte contre le dopage « inclut la définition des règles, des infractions et des sanctions en matière de lutte contre le dopage, mais également l’organisation d’enquêtes et de contrôles visant à rechercher et constater les infractions, à recueillir toutes informations et à demander communication de tous documents, dès lors que les personnes qui en sont chargées ne disposent d’aucun pouvoir coercitif ». Restent donc de la compétence de l’État les prérogatives relatives aux enquêtes les plus coercitives dont l’exercice doit être combiné avec les garanties en matière de libertés publiques. Dans le cadre de la lutte contre le dopage, l’État reste compétent pour tout ce qui relève de la procédure pénale dans le cadre des enquêtes et de la poursuite des infractions ou des violations aux règles de la lutte contre le dopage.
Se fondant sur cette analyse et sur la base légale de l’article 14 de la loi statutaire, le Sénat a introduit dans le projet de loi la mention expresse de l’application en Polynésie française des articles du code du sport, relatifs :
– aux visites domiciliaires, placées sous le contrôle du juge judiciaire, en application de l’article L. 232-18-7 ;
– à l’absence de responsabilité pénale, prévue par l’article L. 232-19, permettant aux enquêteurs ayant obtenu l’autorisation du procureur de la République, d’acquérir, importer, transporter ou détenir des substances ou méthodes interdites ;
– aux relations et échanges d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration prévus par les articles L. 232-19 à L. 232-20-2.
Enfin, l’introduction de l’article 4 bis relatif à l’échange d’information entre l’AFLD et Tracfin, a conduit les sénateurs, suivant la même logique, à adapter ce dispositif aux spécificités d’organisation du territoire polynésien ([60]).
b. Les modifications issues des débats en séance publique
Le gouvernement polynésien et l’AFLD sont engagés dans un travail de rédaction d’un projet de loi du pays, dans le cadre d’une convention de partenariat tripartite n° 9306 PR liant l’État, la Polynésie française et l’AFLD, en date du 30 novembre 2021.
Alors même que l’homologation est juridiquement nécessaire pour les peines de prison prévues par les lois du pays, l’existence de cette convention et la perspective de l’adoption prochaine d’une nouvelle loi du pays justifient que les dispositions du premier alinéa de l’article 5 soient supprimées dans la mesure où les textes qu’il vise « ne sont plus appliqués et ne sont pas conformes au code mondial antidopage. Ils seront remplacés par le nouveau code des sports polynésien. Dès lors, une homologation serait mal perçue des autorités. » ([61])
À l’initiative de Mme Agnès Canayer (LR), rapporteure pour la commission des lois, un amendement a été adopté en séance publique pour supprimer l’alinéa relatif à l’homologation des peines de prison prévues par les lois du pays ([62]).
c. Les modifications apportées par la Commission
L’organisation des épreuves olympiques de surf en Polynésie française rend particulièrement indispensable l’harmonisation des dispositions issues des lois de pays en matière de lutte contre le dopage avec celles issues du code du sport.
La suppression par le Sénat des dispositions du premier alinéa de l’article 5 prévoyant l’homologation par l’État des peines prévues dans les lois de pays n° 2015-12 et n° 2015-13 créé un vide juridique incompatible avec les enjeux à venir. Certes une nouvelle loi de pays est en cours de rédaction par la collectivité de Polynésie mais elle est encore inachevée et la procédure d’adoption sera certainement reportée à l’issue des élections législatives du pays prévues au printemps. Par ailleurs, le Conseil d’État avait donné un avis favorable à l’introduction de ces dispositions qui correspondent, de surcroît, au souhait des autorités polynésiennes.
4. La position de la Commission
Sur la proposition du rapporteur, qui estime nécessaire l’homologation des peines de prison prévues par les deux lois du pays de 2015 relatives au dopage, la Commission a ainsi réintroduit le premier alinéa de l’article 5 ([63]).
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Chapitre III
Dispositions visant à mieux garantir la sécurité
Article 6
(art. L. 223-1, L. 223-3, L. 251-1, L. 251-2, L. 251-3, L. 251-7 [abrogé], L. 252-1, L. 252-2, L. 252-4, L. 253-2 [abrogé], L. 253-3, L. 253-4, L. 253-5, L. 254-1, L. 255-1, L. 272-2 du code de la sécurité intérieure et art. L 1632-2 du code des transports)
Mise en conformité du régime encadrant la vidéoprotection avec les règles relatives à la protection des données personnelles
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article vise à mettre en conformité les dispositions du code de la sécurité intérieure encadrant la vidéoprotection avec les règles prévues par le règlement général de l’Union européenne sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016 et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés ».
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 40 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés a modifié les articles L. 252-2, L. 252-3 et L. 255-1 du code de la sécurité intérieure afin d’autoriser les agents de police municipale à visionner certaines images des systèmes de vidéoprotection.
Les modifications apportées par le Sénat
À l’initiative de la rapporteure Mme Agnès Canayer (Les Républicains), la commission des lois du Sénat a adopté un amendement visant à préciser le contenu du décret en Conseil d’État prévu par le présent article, s’agissant des modalités d’information et d’exercice des droits des personnes susceptibles d’être filmées par un système de vidéoprotection.
Principaux apports de la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a apporté une modification rédactionnelle au dispositif.
1. L’état du droit
Les articles L. 251-1 à L. 255-1 du code la sécurité intérieure déterminent le cadre général de la vidéoprotection ([64]) issu de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.
L’article L. 251-1 établit un régime dual selon l’utilisation des images captées par les caméras de vidéoprotection. En effet, seules les images enregistrées dans des traitements automatisés permettant d’identifier des personnes physiques sont soumises aux règles de protection des données prévues par la loi « Informatique et Libertés » et le RGPD. Les autres images de vidéoprotection ne sont pas assimilées, en l’état du droit, à des données à caractère personnel : elles ne sont donc pas assujetties aux règles de la loi « Informatique et Libertés » ni à celles du RGPD, mais relèvent du régime ad hoc fixé par les articles L. 251-2 à L. 251-5 du code de la sécurité intérieure.
La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des données personnelles avait explicitement exclu de son champ d’application des traitements de données à caractère personnel relevant de la sécurité publique, de la sûreté de l’État et du droit pénal des États membres.
Pour autant, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré dans un arrêt rendu le 11 décembre 2014 ([65]) que les systèmes de caméras de vidéoprotection constituent des traitements de données à caractère personnel ayant vocation à être assujettis aux règles encadrant la protection des données personnelles telles qu’elles découlent aujourd’hui du RGPD ([66]) et de la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016 dite « police-justice » dont la transposition a été opérée par la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 modifiant la loi « Informatique et Libertés ».
Par conséquent, la dualité du régime juridique précité, sur le fondement de l’article L. 251-1, s’avère aujourd’hui obsolète. Les systèmes de vidéoprotection mis en œuvre suivant l’ensemble des finalités mentionnées à l’article L. 251-2, à l’exception des finalités relatives à la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ([67]) et à la prévention d’actes de terrorisme ([68]), doivent être appréhendés comme des traitements de données à caractère personnel assujettis au RGPD et à la loi « Informatique et Libertés ».
Dès 1995, la jurisprudence constitutionnelle s’est montrée soucieuse de garantir un équilibre entre l’objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et le droit au respect de la vie privée ([69]). Le Conseil constitutionnel a notamment exigé que la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données personnelles doivent être justifiés par l’intérêt général et mis en œuvre de façon adéquate et proportionnée à l’objectif poursuivi ([70]).
Néanmoins, les règles spécifiques prévues par les articles L. 251-1 à L. 255-1 du code de la sécurité intérieure présentent un caractère moins protecteur des données personnelles captées par des caméras de vidéoprotection que celles figurant dans la loi « Informatique et Libertés ».
Cette situation fait aujourd’hui l’objet de critiques récurrentes formulées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ([71]), le Conseil d’État ([72]) et la Cour des comptes ([73]), qui se prononcent unanimement en faveur d’une « refonte » des règles applicables à la vidéoprotection prenant la forme d’un régime unifié soumis au respect des dispositions de la loi « Informatique et Libertés ».
2. Le dispositif proposé
Le présent article vise à mettre en conformité les règles encadrant les traitements de données que constituent les systèmes de vidéoprotection avec la loi « Informatique et Libertés ». Cette évolution est circonscrite aux seules images captées par des dispositifs de vidéoprotection mentionnés aux articles L. 251-1 à L. 255-1 du code de la sécurité intérieure : les autres vecteurs de captation d’images, à l’instar des caméras piétons, des caméras embarquées ou des caméras aéroportées, demeurent soumis à des dispositions particulières.
Les modifications récentes du cadre légal qui régit ces différents vecteurs ([74]), alors même que plusieurs textes réglementaires d’application sont toujours en cours d’élaboration, expliquent, selon le Gouvernement, la nécessité de reporter la création d’un régime juridique commun à l’ensemble des « images de sécurité ».
Si les dispositions relatives aux finalités poursuivies, au régime d’autorisation préfectorale, à la commission départementale de vidéoprotection, à la qualité des agents visionnant les images et aux modalités de transmission de celles-ci sont maintenues, le présent article rend désormais applicables aux images captées par des caméras de vidéoprotection les garanties protectrices qu’offre la loi « Informatique et Libertés », s’agissant aussi bien du contrôle opéré par la CNIL ([75]) que des obligations incombant aux responsables des traitements ou du droit d’information et d’accès aux images par les personnes concernées.
S’agissant de la seule finalité antiterroriste, les alinéas 2 à 5 du présent article substituent, d’une part, la notion de « systèmes de vidéoprotection » à celle de « transmission et d’enregistrement d’images prises sur la voie publique » ([76]), en excluant explicitement leur assujettissement à la loi « Informatique et Libertés ». ([77])
Suivant la préconisation de la CNIL, l’alinéa 7 caractérise l’ensemble des systèmes de vidéoprotection mentionnés à l’article L. 251-2 en tant que « traitements de données à caractère personnel » régis par le RGPD et la loi « Informatique et Libertés ».
Par cohérence avec le renvoi aux articles 12 à 14 du RGPD et aux articles 48 et 104 de la loi « Informatique et Libertés » détaillant le droit à l’information du public, l’alinéa 11 supprime le second alinéa de l’article L. 251-3 ([78]).
L’alinéa 12 abroge l’article L. 251-7 qui prévoit la remise d’un rapport annuel à la CNIL par le Gouvernement relatif à l’activité des commissions départementales de vidéoprotection, ce rapport n’ayant jamais été remis depuis 2013. Il abroge également l’article L. 253-2 relatif au contrôle opéré par la CNIL, déjà couvert par le renvoi aux dispositions du chapitre II du titre Ier de la loi « Informatique et Libertés », qui justifient également, par cohérence, les modifications apportées par les alinéas 19 et 20 aux articles L. 253-4 et L. 253-5.
Les alinéas 16 et 17 suppriment des dispositions transitoires obsolètes prévues par l’article L. 252-4.
Désormais régi de façon plus détaillée par l’article 15 du RGPD et par les articles 49 et 106 de la loi « Informatique et Libertés », le droit d’accès aux enregistrements encadré par l’article L. 253-5 est supprimé par les alinéas 22 à 24.
L’alinéa 26 maintient le délit d’entrave de l’action de la commission départementale de vidéoprotection prévue par l’article L. 254-1 du code de la sécurité intérieure en alignant le quantum de la peine encourue sur celui prévu par l’article 226-22-2 du code pénal, qui punit l’entrave à l’action de la CNIL d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. ([79])
L’alinéa 28 modifie l’article L. 255-1 qui renvoie à un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL la détermination de l’ensemble des modalités d’utilisation des données captées des systèmes de vidéoprotection.
Les alinéas 30 et 31 suppriment le régime dual prévu par l’article L. 272-2 du code de la sécurité intérieure et l’article L. 1632-2 du code des transports s’agissant de la vidéoprotection des parties communes des immeubles collectifs à usage d’habitation et des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Concrétisant la préconisation formulée par la CNIL dans son avis sur le présent article, la commission des lois du Sénat a adopté un amendement de la rapporteure Mme Agnès Canayer visant à préciser le contenu du décret en Conseil d’État auquel renvoie l’article L. 255-1, s’agissant des modalités d’information et d’exercice des droits des personnes susceptibles d’être filmées par un système de vidéoprotection.
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a apporté une modification rédactionnelle au dispositif ([80]).
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Article 7
Expérimentation de l’usage de traitements algorithmiques couplés à des dispositifs de vidéoprotection et de captations d’images par voie aéroportée
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article autorise à titre expérimental jusqu’au 30 juin 2025 l’utilisation de traitements algorithmiques afin de détecter et de signaler en temps réel des événements prédéterminés susceptibles de menacer la sécurité des personnes, sur la base d’images captées par des caméras de vidéoprotection ou des aéronefs.
Dernières modifications législatives intervenues
Aucune.
Les modifications apportées par le Sénat
La commission des lois du Sénat a adopté plusieurs amendements de la rapporteure Mme Agnès Canayer (Les Républicains), de M. Jérôme Durain (Socialiste, Écologiste et Républicain) et M. Guy Benaroche (Écologiste – Solidarité et Territoires) afin, notamment, de renforcer l’information générale du public sur l’usage de ces dispositifs, d’élargir les moyens de contrôle et d’information de la CNIL et de soumettre les images nécessaires à l’apprentissage des algorithmes aux règles protégeant les données personnelles.
Lors de l’examen en séance publique, outre plusieurs amendements rédactionnels et de précision, le Sénat a adopté un amendement de M. Jérôme Durain, avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, tendant à ajouter l’exigence de déclarations des intérêts parmi les obligations auxquelles sont assujettis les fournisseurs externes des traitements algorithmiques.
Principaux apports de la commission des Lois
Outre une vingtaine d’amendements rédactionnels de votre rapporteur, la Commission a adopté deux amendements identiques de votre rapporteur et de M. Thomas Rudigoz (Renaissance) visant à avancer au 31 décembre 2024. la date à laquelle l’expérimentation prendra fin Elle a également adopté plusieurs amendements afin de renforcer les garanties entourant la mise en œuvre des traitements algorithmiques et préciser leurs modalités d’évaluation.
1. L’état du droit
Les articles L. 251-1 à L. 255-1 du code de la sécurité intérieure relatifs au fonctionnement des dispositifs de vidéoprotection ne prévoient aucune disposition encadrant l’usage de caméras dites « intelligentes » ou « augmentées », qui désignent l’ensemble des « traitements algorithmiques d’analyse automatisée des images » ([81]) couplés à des dispositifs de captation vidéo.
Dans sa position publiée en juillet 2022 sur les caméras « augmentées » dans les espaces publics, la CNIL déplore l’absence d’un cadre juridique régissant spécifiquement l’utilisation de ces traitements algorithmiques. Si elle estime que le code de la sécurité intérieure n’interdit pas expressément aux pouvoirs publics de développer ces outils, la CNIL relève symétriquement que ces derniers ne sauraient être considérés comme étant de facto « autorisés ». Par conséquent, « l’analyse de la licéité des traitements algorithmiques sur lesquels repose la vidéo “ augmentée ” doit donc s’effectuer au cas par cas ». ([82])
Sous la supervision de la CNIL, la SNCF a conduit une vingtaine d’expérimentations depuis 2017 permettant de tester le fonctionnement de systèmes d’intelligence artificielle traitant des flux vidéos captés par des caméras de vidéoprotection, selon plusieurs finalités relatives à la sécurité des personnes ([83]).
La CNIL identifie une multiplicité de cas d’usage qui ont donné lieu au lancement de nombreuses expérimentations au cours de ces dernières années, s’agissant notamment des missions de police administrative et judiciaire. ([84])
En dépit de ce vide juridique ([85]), les données faisant l’objet d’un traitement algorithmique couplé à un dispositif de captation d’images relèvent de la catégorie des données à caractère personnel dont le traitement automatisé rend applicables les règles prévues par le RGPD ([86]) et la loi « Informatique et Libertés ». À ce titre, l’article 47 de la loi « Informatique et Libertés » rappelle qu’aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d’une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de sa personnalité.
Bien que les caméras « augmentées » ne se fondent pas sur des données biométriques nécessaires à la mise en place de systèmes de reconnaissance faciale, la CNIL considère que le déploiement de ces traitements algorithmiques requiert la démonstration préalable de leur proportionnalité et de leur nécessité, dans le cadre de la réalisation d’une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD). La licéité du dispositif implique d’entourer sa mise en œuvre de garanties quant à la protection de la vie privée des personnes susceptibles d’être filmées et de leur droit à l’information.
Rejoignant la position exprimée par le Conseil d’État en mars 2022 ([87]), la CNIL suggère l’adoption d’un cadre légal afin d’appréhender la spécificité des enjeux que soulève l’utilisation des caméras « augmentées » dans l’espace public, eu égard aux risques d’atteintes à la vie privée des personnes et à la protection des données personnelles relevant du champ de l’article 34 de la Constitution. Ce cadre devra par ailleurs s’articuler avec la proposition de règlement sur l’intelligence artificielle publiée par la Commission européenne le 21 avril 2021 et dont l’adoption devrait intervenir d’ici la fin de l’année 2024. ([88])
2. Le dispositif proposé
Le présent article autorise l’expérimentation des caméras « augmentées » dans l’espace public jusqu’au 30 juin 2025 ([89]) à la seule fin d’assurer la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles susceptibles d’être exposées, en raison de leur ampleur et de leurs circonstances, à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes. La durée de l’expérimentation, soit environ deux ans à compter de la date escomptée de promulgation de la loi, est censée offrir un temps suffisant afin de mettre en œuvre les premiers traitements dès la fin de l’année de 2023. Ce calendrier permettra le cas échéant d’ajuster, de corriger et d’améliorer les dispositifs ayant vocation à être déployés lors du déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques à l’été 2024. ([90])
Ces traitements algorithmiques s’appliqueront aux images captées par des systèmes de vidéoprotection ([91]) et par des caméras aéroportées. Autorisée par les articles L. 242-1 à L. 242-8 du code de la sécurité intérieure à la suite de la loi du 24 janvier 2022, l’utilisation de ces caméras fixées sur des drones reste à ce jour soumise à l’entrée en vigueur d’un décret en cours d’élaboration.
Le I de l’article détermine l’objet de ces systèmes d’intelligence artificielle : conçus comme une aide à la prise de décisions, ils ont pour unique objet de détecter et de signaler en temps réel des événements prédéterminés susceptibles de présenter des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes. Concrètement, il s’agit d’attirer l’attention d’un gendarme ou d’un agent des services de la police nationale ou municipale, des services d’incendie et de secours et des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP sur une scène dont les images captées par les caméras situées dans les lieux accueillant ces événements et à leurs abords font apparaître l’existence des risques précités.
Les II et III encadrent l’utilisation de ces traitements qui, d’une part, ne peuvent pas s’appuyer sur des données biométriques ni procéder à une reconnaissance faciale, et d’autre part, sont soumis au respect des dispositions du RGPD et de la loi « Informatique et Libertés ».
L’article distingue quatre phases successives de l’expérimentation au cours desquelles la CNIL exerce un rôle de contrôle et d’accompagnement de l’ensemble des services concernés : le recours à ces traitements, leur développement, leur mise en œuvre et leur évaluation.
a. Le recours au traitement
Le IV de l’article renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les cas d’usage qui constituent les finalités pour lesquelles le traitement algorithmique a vocation à être développé puis déployé. Un décret pris après avis de la CNIL fixe les caractéristiques essentielles de ce traitement, en indiquant notamment les événements prédéterminés qu’il a pour objet de signaler, les spécificités des situations justifiant son emploi, les services susceptibles de le mettre en œuvre, les éventuelles conditions de leur participation financière à son utilisation, et les conditions d’habilitation des agents pouvant accéder à ses résultats.
Parallèlement, une AIPD est réalisée afin d’établir le rapport « bénéfices – risques » qui justifie le recours à ce traitement.
b. Le développement du traitement
Le V de l’article détermine les conditions dans lesquelles le traitement est développé, qu’il soit élaboré par les services de l’État ou acheté à un tiers, celui-ci étant tenu de présenter des garanties de compétences et de continuité ainsi que de fournir une documentation détaillée. Plusieurs exigences cumulatives doivent être satisfaites :
– s’agissant des traitements nécessitant un apprentissage ([92]), le choix des données d’apprentissage, de validation et de test doit présenter un caractère pertinent, adéquat, représentatif, loyal, objectif et de nature à identifier et prévenir l’occurrence de biais et d’erreurs ([93]) ;
– le traitement comporte un enregistrement automatique des évènements afin de garantir la traçabilité de son fonctionnement ;
– le traitement peut être arrêté à tout moment ;
– le traitement est testé dans des conditions analogues à celles de son emploi et fait l’objet d’un rapport de validation ;
– le traitement validé fait l’objet d’une attestation de conformité établie par l’autorité administrative désignée par le décret précité pris après avis de la CNIL.
Le VIII précise que les images dont la durée de conservation n’est pas expirée ([94]) peuvent être utilisées en tant que données d’apprentissage au cours du fonctionnement du traitement ([95]).
c. L’emploi du traitement
Les VI et VII de l’article déterminent les conditions dans lesquelles le traitement peut être effectivement mis en œuvre. Inspirée des dispositions prévues par l’article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure régissant l’emploi des caméras aéroportées, l’utilisation du traitement est assujettie à une autorisation préfectorale motivée. ([96])
La décision d’autorisation, qui peut être suspendue par le préfet à tout moment, mentionne ainsi :
– le responsable du traitement et les services associés à sa mise en œuvre ;
– la manifestation pour laquelle le traitement a vocation à être utilisé ainsi que son périmètre géographique ;
– les modalités d’information du public et les droits dont il bénéficie ;
– la durée d’autorisation, qui ne peut excéder un mois renouvelable dès lors que les conditions de l’autorisation demeurent réunies ;
Le service responsable du traitement tient un registre des suites apportées aux signalements effectués par le traitement. Le préfet et la CNIL sont régulièrement informés des conditions dans lesquelles le traitement est mis en œuvre.
d. L’évaluation de l’expérimentation
Le IX prévoit les modalités de l’évaluation de l’expérimentation. Le Gouvernement remettra ainsi un rapport au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2024, dont le contenu est précisé par un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL.
Le décret précise notamment les modalités de pilotage et d’évaluation pluridisciplinaire et objective de l’expérimentation ainsi que les indicateurs utilisés par celle-ci. Il énonce également les modalités par lesquelles le public et les agents concernés sont informés de l’expérimentation et associés à l’évaluation.
3. Les modifications apportées par le Sénat
La commission des lois du Sénat a adopté plusieurs amendements apportant plusieurs précisions quant au champ et aux garanties applicables aux cas de recours, à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation de cette expérimentation.
Elle a ainsi adopté plusieurs amendements de la rapporteure Mme Agnès Canayer visant à :
– substituer à la notion « d’intelligence artificielle » les termes de « traitements algorithmiques » figurant déjà dans plusieurs codes ;
– clarifier le fait que ces dispositifs pourraient être déployés uniquement dans les véhicules et les emprises de transport public ([97]) ;
– prévoir l’organisation par le ministère de l’intérieur d’une information générale du public sur l’emploi de traitements algorithmiques, le public étant informé par tout moyen approprié sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ([98]) ;
– prévoir la formation systématique des personnes habilitées à accéder aux signalements et aux résultats du traitement ([99]) ;
– préciser que le recours à ces traitements n’est autorisé que s’il est proportionné au regard de la finalité poursuivie ([100]) ;
– préciser que le préfet est informé chaque semaine de l’utilisation des traitements dont il a autorisé l’utilisation ([101]) ;
– attribuer à la CNIL un rôle d’accompagnement des personnes chargées du développement du traitement ([102]) ;
– préciser que le traitement est soumis à un contrôle humain et à un contrôle de gestion des risques relatifs aux biais ou à la mauvaise utilisation dont ils peuvent faire l’objet ([103]) ;
– préciser que les images servant de données d’apprentissage ne peuvent être utilisées à cette fin que dans la limite de leur durée de conservation ([104]) ;
– renforcer le rôle de la CNIL dans le cadre de l’évaluation de l’expérimentation en prévoyant son contrôle sur l’application de l’ensemble des dispositions du présent article et son information trimestrielle des conditions de mise en œuvre de l’expérimentation ([105]) ;
– associer deux sénateurs et deux députés à l’évaluation de l’expérimentation ([106]).
La commission des lois du Sénat a adopté un amendement de M. Jérôme Durain afin de préciser que les images servant de données d’apprentissage sont soumises, à l’instar des traitements algorithmiques eux-mêmes, au respect des dispositions du RGPD et de la loi « Informatique et Libertés » ([107]). Elle a également adopté un amendement de M. Guy Benaroche afin de préciser le caractère « régulier » de l’information dont bénéficie la CNIL. ([108])
Lors de l’examen en séance publique, outre trois amendements rédactionnels et de clarification, le Sénat a adopté un amendement de M. Jérôme Durain, avec l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, tendant à contraindre les fournisseurs externes des traitements algorithmiques à présenter une déclaration de leurs intérêts à la date du développement de ces traitements et au cours des cinq années précédentes, dans le but de renforcer la prévention d’éventuels conflits d’intérêts.
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur ([109]) et de M. Thomas Rudigoz ([110]), la Commission a choisi d’avancer de six mois le terme de l’expérimentation, en fixant au 31 décembre 2024 la date à laquelle celle-ci prendra fin. Le rapport d’évaluation devra également être remis le 31 décembre 2024 au plus tard.
Cette nouvelle échéance vise à mieux délimiter la période d’expérimentation au cours de laquelle le recours aux traitements algorithmiques couplés à des dispositifs de captation d’images sera autorisé. Fixée trois mois après la fin des jeux Olympiques et Paralympiques, cette date s’avère à la fois raisonnable et suffisante afin de tirer un bilan précis de la mise en œuvre de ces systèmes d’intelligence artificielle.
En conséquence, la remise du rapport d’évaluation prévue par le dernier alinéa de l’article 7 est simultanément fixée au 31 décembre 2024 au plus tard. Cette concomitance de dates permettra de ne pas anticiper une éventuelle pérennisation des traitements algorithmiques ainsi expérimentés, en créant les conditions d’une réflexion collective approfondie sur l’opportunité de pérenniser ou non ces dispositifs dans le code de la sécurité intérieure.
Outre une vingtaine d’amendements rédactionnels, la Commission a adopté quatre amendements de votre rapporteur.
Le premier ([111]) modifie l’alinéa 2 afin d’indiquer que les traitements algorithmiques sont soumis au RGPD et à la loi « Informatique et Libertés » dès leur phase de conception.
Le deuxième ([112]) reformule l’exigence d’objectivité que doit respecter le traitement mentionné au 1° du V. La notion de « traitement objectif » étant imprécise, il est préférable de la remplacer par celle de « traitement reposant sur des critères objectifs ». Cet amendement a fait l’objet d’un sous-amendement de M. Jean-Félix Acquaviva (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) adopté avec l’avis favorable de votre rapporteur ([113]) afin de préciser le caractère « éthique » du traitement des données d’apprentissage.
Le troisième ([114]) a pour but de renforcer le contrôle exercé par la puissance publique dans le cadre de la phase de développement des traitements. Il apparaît indispensable de préserver la parfaite intégrité des systèmes d’information concernés par l’utilisation des traitements algorithmiques, notamment dans l’hypothèse où l’État choisit de confier leur développement à des tiers. À cette fin, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) représente l’organe institutionnel idoine pour vérifier la compatibilité des traitements développés avec les règles de sécurité applicables aux systèmes d’information dont disposent les services susceptibles de recourir à ces traitements dans le cadre de la vidéoprotection. Cet amendement associe donc l’ANSSI au rôle d’accompagnant exercé par la CNIL, dans le but de s’assurer que les traitements précités satisfont les exigences relatives à la cybersécurité.
Le quatrième amendement ([115]) vise à mieux encadrer l’utilisation des données captées par les systèmes de vidéoprotection et les caméras installées sur des aéronefs (les drones) comme données d’apprentissage des traitements algorithmiques. L’amendement explicite la constitution d’échantillons d’images collectées en conditions réelles correspondant aux configurations de mise en œuvre des traitements ([116]). Ces images sont sélectionnées sous la responsabilité de l’État et répondent aux exigences de pertinence, d’adéquation et de représentativité. Elles peuvent être utilisées uniquement afin d’améliorer la qualité des signalements, pour une durée strictement nécessaire à l’amélioration recherchée, le cas échéant jusqu’à la fin de l’expérimentation. L’extension de la durée de conservation de ces données à des fins d’apprentissage améliorera considérablement la performance de ces traitements, en facilitant leur entraînement selon les cas d’usage qui seront déterminés par voie réglementaire.
Suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté deux amendements de M. Jean-Félix Acquaviva (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Le premier ([117]) précise que les risques sécuritaires auxquels sont confrontées les manifestations sportives, récréatives ou culturelles mentionnées au premier alinéa seront appréciés au regard de l’ampleur de leur fréquentation. Le second ([118]) prévoit le caractère préalable de l’information du public quant à l’usage de ces traitements.
La Commission a adopté un amendement de M. Roger Vicot (Socialistes et apparentés - NUPES) ([119]) ayant recueilli un avis favorable de votre rapporteur afin de prévoir l’information hebdomadaire des maires des communes sur le territoire duquel sont mis en œuvre les traitements algorithmiques.
Enfin, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté deux amendements relatifs à l’évaluation de l’expérimentation. D’une part, à l’initiative de M. Stéphane Lenormand (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) ([120]), parmi les deux députés et deux sénateurs associés à l’expérimentation, les présidents de chaque assemblée devront respectivement désigner un député et un sénateur membres d’un groupe d’opposition.
D’autre part, la Commission a adopté un amendement de Mme Lise Belluco (Ecologiste-NUPES) ([121]) qui prévoit que le rapport d’évaluation de l’expérimentation sera rendu public sur Internet.
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Article 7 bis
Enquête administrative de sécurité visant les personnels intérimaires des entreprises de transport public, de marchandises dangereuses ou de gestion d’infrastructures.
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article a été introduit en séance publique au Sénat par un amendement de M. Philippe Tabarot (Les Républicains) ayant recueilli un avis favorable de la rapporteure Mme Agnès Canayer (Les Républicains) et du Gouvernement. À titre expérimental, il ouvre la faculté de diligenter une enquête administrative de sécurité préalablement à l’affectation de personnels intérimaires sur des missions en lien direct avec la sécurité des personnes ou des biens au sein d’entreprises de transport public, de marchandises dangereuses ou de gestion d’infrastructures.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 60 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés a complété l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure afin de prévoir que les entreprises gestionnaires d’infrastructure peuvent demander la réalisation d’une enquête administrative de sécurité en amont du recrutement ou de l’affectation de personnes occupant un emploi en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens.
Principaux apports de la commission des Lois
Outre deux amendements rédactionnels, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteur afin d’avancer le début de l’expérimentation prévue par le présent article du 1er juillet 2024 au 1er mai 2024.
1. L’état du droit
L’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure prévoit que les décisions administratives de recrutement, d’affectation, de titularisation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation concernant certains emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité et de la défense peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées ([122]).
Cette faculté de diligenter une enquête administrative a été étendue par la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 aux décisions de recrutement et d’affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de voyageurs ou d’une entreprise de transport de marchandises dangereuses soumise à l’obligation d’adopter un plan de sûreté ([123]). La loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 a élargi le périmètre des employeurs concernés aux gestionnaires d’infrastructures dans le secteur des transports.
L’article R. 114-7 du code de la sécurité intérieure établit la liste des fonctions pour lesquelles une enquête administrative préalable peut être réalisée, s’agissant par exemple des conducteurs de véhicule, des concepteurs et essayeurs des systèmes de contrôle, des aiguilleurs, des administrateurs des systèmes d’information ou des agents chargés de la maintenance des réseaux et de la sécurité interne.
En cas d’incompatibilité décelée après la décision de recrutement, la personne ayant fait l’objet de l’enquête se voit proposer une autre affection ou, s’il est impossible de procéder à un tel reclassement, est licenciée ([124]).
Depuis 2017, ce criblage est effectué par le service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS), service à compétence nationale sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. L’article 2 du décret n° 2017-668 du 27 avril 2017 précise ses missions :
Article 2 du décret n° 2017-668 du 27 avril 2017
Le service réalise, sous réserve des compétences du commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire, des enquêtes administratives destinées à vérifier, au regard de l’objectif de prévention du terrorisme et des atteintes à la sécurité et à l’ordre public et à la sûreté de l’État, que le comportement de personnes physiques ou morales n’est pas incompatible avec l’autorisation d’accès à des sites sensibles ou l’exercice de missions ou fonctions sensibles dont elles sont titulaires ou auxquelles elles prétendent, ou avec l’utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux ou avec la délivrance, le renouvellement ou le maintien d’un titre ou d’une autorisation de séjour, ou avec l’acquisition de la nationalité française ou avec la délivrance ou le maintien de la protection internationale.
Dans ce cadre, le service :
- consulte de manière directe ou indirecte des traitements de données à caractère personnel relatifs à la prévention du terrorisme ou des atteintes à la sécurité et à l’ordre publics et évalue, exploite et analyse les informations ainsi recueillies afin d’émettre un avis, le cas échéant par délégation du ministre de l’intérieur, ou de produire un document de synthèse des éléments pertinents de l’enquête ;
- élabore une doctrine en matière d’enquêtes administratives pour homogénéiser les pratiques dans les domaines qui lui sont confiés ;
- assure le traitement des recours administratifs diligentés à l’encontre de ses avis.
Le rapport de la mission d’information de la commission des lois sur les services publics face à la radicalisation présenté par MM. Éric Diard et Éric Poulliat en juin 2019 faisaient état de 8 473 enquêtes réalisées sur l’année 2018 visant des personnes travaillant ou susceptibles de travailler au sein d’entreprises de transport public. 116 avis défavorables avaient été prononcés par le SNEAS, soit un taux d’incompatibilité s’élevant à près de 1,4 %. ([125])
Le nombre d’enquêtes administratives que mènera le SNEAS au cours des prochains mois est amené à fortement augmenter, compte tenu des perspectives de recrutements inédites dans le secteur des transports dans l’optique de l’organisation de la coupe du monde de rugby de 2023 et des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. ([126])
2. Le dispositif proposé par le Sénat
Introduit en séance publique au Sénat par un amendement de M. Philippe Tabarot (Les Républicains) ayant recueilli un avis favorable de la rapporteure Mme Agnès Canayer (Les Républicains) et du Gouvernement, le présent article permet aux entreprises de transport public, de marchandises dangereuses ou de gestion d’infrastructures de demander au ministère de l’Intérieur de réaliser une enquête administrative de sécurité avant l’affectation de personnels intérimaires sur des missions en lien direct avec la sécurité des personnes ou des biens.
Cette extension du champ des personnes pouvant faire l’objet d’une enquête administrative préalable est circonscrite à la période des jeux Olympiques et Paralympiques ([127]), dans le seul but de garantir la sécurité de ces événements et conformément aux règles prévues par l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure.
Cette évolution vise à appréhender la situation particulière des agents exerçant des missions d’intérim et occupant temporairement des fonctions potentiellement « sensibles » au sein des entreprises de transport ou gestionnaires d’infrastructures. En l’état du droit, l’article L. 114-2 ne permet pas à ces entreprises de solliciter une enquête administrative concernant des personnels dont elles ne sont pas l’employeur. Symétriquement, les agences d’intérim qui les salarient ne font pas partie des employeurs mentionnés à l’article L. 114-2 susceptibles de demander la réalisation d’une telle enquête.
Lors de son audition par votre rapporteur, le directeur du SNEAS a indiqué que l’effectif cible du SNEAS s’élève à 91 agents ([128]) d’ici la fin de l’année 2023 compte tenu de la hausse prévisionnelle de son activité.
3. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur ([129]), la Commission a choisi d’avancer de deux mois le début de l’expérimentation prévue par le présent article du 1er juillet 2024 au 1er mai 2024, afin de laisser un temps suffisant au SNEAS pour réaliser les enquêtes préalables à l’affectation des intérimaires à des fonctions sensibles dans les entreprises mentionnées à l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure.
La Commission a également adopté deux amendements rédactionnels de votre rapporteur ([130]).
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Article 8
(art. L. 2251-4-2 du code des transports)
Visionnage de certaines images issues de systèmes de vidéoprotection filmant la voie publique par des agents de la SNCF et de la RATP
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article autorise les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP présents dans les salles de commandement de l’État à visionner des images filmées par des caméras de vidéoprotection installées sur la voie publique aux abords immédiats de leurs emprises et de leurs moyens de transport.
Dernières modifications législatives intervenues
Créé par la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, l’article L. 2251-4-2 du code des transports autorise les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel dans les salles de commandement de l’État depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs relevant respectivement de leur compétence.
Les modifications apportées par le Sénat
Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.
Principaux apports de la commission des Lois
La Commission a adopté quatre amendements identiques de votre rapporteur, de M. Sacha Houlié (Renaissance), de M. Guillaume Gouffier-Valente (Renaissance) et de M. Philippe Latombe (Démocrate) afin de repousser au 1er octobre 2024 l’échéance de l’expérimentation du port de caméras individuelles par les agents assermentés de la RATP.
1. L’état du droit
L’article L. 2251-4-2 du code des transports autorise les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, qui bénéficient d’un statut particulier et de prérogatives spécifiques prévues par le code des transports, à visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel dans les salles de commandement de l’État depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs relevant respectivement de leur compétence. Ces agents sont individuellement désignés et dûment habilités par le préfet.
Situé dans les locaux de la préfecture de police de Paris, le centre de coordination opérationnelle de sécurité dans les transports collectifs (CCOS) a été inauguré le 12 juillet 2022. Il abrite les salles de commandement mentionnées à l’article L. 2251-4-2.
L’objectif de sécurisation des réseaux de transport suppose une coordination accrue des interventions des forces de sécurité en vue d’améliorer la rapidité et l’efficacité des réponses apportées aux troubles croissants auxquels les transports publics de voyageurs sont quotidiennement confrontés ([131]). L’intérêt de cette mesure vise ainsi à faciliter les échanges d’informations entre les services de l’État et les services internes de sécurité de la RATP et de la SNCF ([132]). Ces derniers peuvent adapter plus rapidement leur réponse opérationnelle à une menace se dirigeant vers les installations dont ils ont la charge.
Plusieurs garanties entourent la mise en œuvre du dispositif prévu par l’article L. 2251-4-2, ce qui assure, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel ([133]), une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et le droit au respect de la vie privée. ([134])
Premièrement, les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP ne peuvent visionner ces images qu’au sein des salles de commandement placées sous la responsabilité de l’État. Deuxièmement, la consultation des images a lieu uniquement sous l’autorité et en présence d’agents des forces de police ou de gendarmerie nationales. Troisièmement, cette consultation a pour finalité exclusive la coordination des interventions avec lesdites forces.
Le décret n° 2022-777 du 3 mai 2022 détermine les règles relatives à la formation des personnels habilités ([135]), aux exigences de sécurité entourant la conservation des enregistrements et à l’obligation de pouvoir retracer l’historique des consultations effectuées par les agents autorisés à les consulter ([136]).
2. Le dispositif proposé
Le présent article modifie l’article L. 2251-4-2 afin d’étendre le champ des images de vidéoprotection susceptibles d’être visionnées par les agents de la RATP et de la SNCF à celles filmées depuis des caméras installées « aux abords immédiats » de leurs véhicules et emprises immobilières. Cette évolution vise à renforcer la communication entre les forces de sécurité et leur coordination opérationnelle en cas de troubles à l’ordre public.
La rédaction retenue par le Gouvernement intègre les recommandations formulées dans les avis rendus par le Conseil d’État et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur le présent article. Initialement, la modification apportée à l’article L. 2251-4-2 élargissait le champ des images visionnées par les agents de la RATP et de la SNCF à l’ensemble des images filmées par des caméras de vidéoprotection retransmises dans les salles de commandement. La rédaction du présent article circonscrit cette extension aux seules images des abords immédiats des véhicules et emprises de la RATP et de la SNCF, conformément à la jurisprudence constitutionnelle qui admet la réalisation de missions de surveillance itinérante par des agents privés de sécurité aux abords immédiats des biens dont ils ont la garde. ([137])
3. Les modifications apportées par le Sénat
Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification.
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur ([138]), de M. Sacha Houlié (Renaissance) ([139]), de M. Guillaume Gouffier-Valente (Renaissance) ([140]) et de M. Philippe Latombe (Démocrate) ([141]), la Commission a choisi de repousser au 1er octobre 2024 le terme de l’expérimentation par laquelle les agents assermentés de la RATP sont autorisés à porter une caméra individuelle dans l’exercice de leurs fonctions.
Sur le fondement de l’article 113 de la loi n° 2019-1428 d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019, les agents assermentés de la RATP expérimentent l’usage des caméras piétons depuis le printemps 2021. L’expérimentation doit prendre fin le 30 juin 2024.
À ce stade, l’expérimentation présente un bilan positif, ce qui justifie d’étendre sa durée au 1er octobre 2024 afin de couvrir la période des jeux Olympiques et Paralympiques, laquelle donnera nécessairement lieu à une forte croissance du nombre de voyageurs sur l’ensemble des réseaux de transports franciliens.
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Article 9
Élargissement des compétences du préfet de police de Paris à l’ensemble de l’Île-de-France, pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 9 du projet de loi étend les compétences du préfet de police de Paris, en matière d’ordre public et de sécurité, aux départements des Yvelines, du Val d’Oise, de l’Essonne et de Seine‑et‑Marne, du 1er juillet au 15 septembre 2024.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a étendu les compétences du préfet de police aux parties de l’emprise de l’aérodrome de Paris-Charles de Gaulle situées dans les départements du Val-d’Oise et de Seine-et-Marne, à celles de l’aérodrome du Bourget situées dans le département du Val-d’Oise ainsi qu’à celles de l’aérodrome de Paris-Orly situées dans le département de l’Essonne.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a pas modifié cet article.
Principaux apports de la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a apporté des précisions rédactionnelles au dispositif.
1. L’état du droit
En l’état du droit, le préfet de département à la charge des intérêts nationaux, du respect des lois, de l’ordre public et, dans les conditions fixées par la loi, assure le contrôle administratif du département, des communes et de leurs établissements publics qui ont leur siège dans le département. Il dirige les services de l’État dans le département, sous réserve des exceptions prévues par décret ([142]).
Par ailleurs, aux termes de l’article L. 122-1 du code de la sécurité intérieure, le préfet de département anime et coordonne l’ensemble du dispositif de sécurité intérieure. À cet effet, il coordonne l’action des différents services et forces dont dispose l’État en matière de sécurité intérieure. Il dirige l’action des services de la police nationale et des unités de la gendarmerie nationale en matière d’ordre public et de police administrative.
À Paris, dans la petite couronne, et sur les emprises des aéroports d’Orly, de Roissy et du Bourget, c’est le préfet de police qui a la charge de l’ordre public, et qui y coordonne l’ensemble du dispositif de sécurité intérieure ([143]).
En sa qualité de préfet de la zone de défense et de sécurité (ZDS) de Paris (qui coïncide avec les limites de la région Île-de-France), le préfet de police exerce par ailleurs certaines de ses compétences sur l’ensemble du territoire francilien :
– il exerce les attributions de droit commun du préfet de ZDS, qui lui permettent notamment : premièrement, de coordonner l’action des préfets des départements de la zone pour prévenir les événements troublant l’ordre public ou y faire face, lorsque ces évènements intéressent au moins deux départements ; deuxièmement, d’assurer la répartition des moyens des services chargés de la sécurité intérieure et de la sécurité civile et des moyens des armées mis à disposition par voie de réquisition ou de concours ; et troisièmement, afin de maintenir ou rétablir l’ordre public, de mettre à la disposition d’un préfet de département des effectifs et des moyens de police ou de gendarmerie relevant d’un autre département de la ZDS ([144]) ;
– il dirige les actions et l’emploi des moyens de la police et de la gendarmerie nationales, pour leurs interventions concourant à la régulation et la sécurité de la circulation sur certaines routes ([145]), et pour leurs missions concourant à la sécurité des personnes et des biens dans les transports en commun de voyageurs par voie ferrée ([146]).
Toutefois, ces dispositions ne permettent pas la mise en place d’une structure de commandement unique en matière de sécurité publique dans toute l’Île-de-France, les préfets de département restant compétents en matière d’ordre public et de direction fonctionnelle des forces de sécurité intérieure dans les quatre départements de la grande couronne.
Cette demande, formulée par le comité international olympique (CIO) ([147]), a fait l’objet d’un engagement du Président de la République ([148]).
2. Le dispositif proposé
L’article 9 du projet de loi étend les compétences du préfet de police en matière d’ordre public et de sécurité aux départements des Yvelines, du Val d’Oise, de l’Essonne et de Seine‑et‑Marne, du 1er juillet au 15 septembre 2024.
Il confie ainsi au préfet de police, en grande couronne et pendant la période des Jeux, les mêmes pouvoirs que ceux qu’il exerce déjà à Paris, dans la petite couronne, et sur les emprises des aéroports d’Orly, de Roissy et du Bourget, afin de créer un régime unifié sur l’ensemble de la région Île-de-France.
Comme le rappelle l’étude d’impact, les préfets des départements de la grande couronne, qui seront placés sous l’autorité du préfet de police, l’assisteront dans l’exercice de ses compétences. À ce titre, ils pourront recevoir délégation de sa signature, à l’instar des préfets des départements de la petite couronne, par arrêté du ministre de l’intérieur pris sur le fondement de ses pouvoirs d’organisation du service.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat n’a pas apporté de modifications à cet article.
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a apporté des précisions rédactionnelles au dispositif ([149]).
Elle a en particulier supprimé la précision selon laquelle l’extension temporaire des compétences du préfet de police a pour objectif de garantir la sécurité des événements liés aux jeux Olympiques et Paralympiques, qui n’apparaissait pas nécessaire.
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Article 10
(art. L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure)
Élargissement de la procédure de « criblage » aux fan zones et aux participants aux grands évènements
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 10 du projet de loi étend le champ de la procédure d’enquête administrative pour accéder à un grand évènement, d’une part, aux grands rassemblements de personnes ayant pour objectif d’assister aux retransmissions d’évènements (ou « fan zones ») et, d’autre part, aux participants à ces grands évènements et rassemblements. Il modifie par ailleurs les critères d’exposition au risque de menace terroriste. Enfin, il renforce la portée de l’avis de l’autorité administrative, qui devient un avis conforme.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 53 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale a imposé aux organisateurs de grands évènements, lorsque ces événements sont exposés à un risque exceptionnel de menace terroriste, de solliciter l’avis de l’autorité administrative avant d’autoriser l’accès des personnes autres que les spectateurs ou participants.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a apporté des modifications rédactionnelles à cet article.
Principaux apports de la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a apporté des précisions rédactionnelles au dispositif.
1. L’état du droit
L’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure a été créé par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Il prévoit que l’accès de toute personne, à un autre titre que celui de spectateur ou de participant, à tout ou partie des établissements et installations accueillant un grand événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste, est soumis à autorisation de l’organisateur pendant la durée de cet événement et de sa préparation.
Ces grands évènements, ainsi que les établissements et les installations qui les accueillent, doivent systématiquement être désignés par décret.
Pour autoriser l’accès à l’évènement, l’organisateur recueille au préalable l’avis de l’autorité administrative compétente, rendu à la suite d’une enquête administrative. Cette enquête peut donner lieu à la consultation de certains traitements automatisés de données à caractère personnel.
Un avis défavorable ne peut être émis par l’autorité administrative que s’il ressort de l’enquête administrative que le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État.
La procédure de l’enquête administrative a été présentée dans le commentaire de l’article 7 bis. Ces enquêtes sont réalisées par le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) du ministère de l’Intérieur.
Les dispositions de l’article L. 211-11-1 du CSI ont été précisées par voie réglementaire, aux articles R. 211-32 à R. 211-34 du même code.
L’article R. 211-32 du CSI prévoit ainsi que l’autorité administrative compétente est désignée par décret, pour chaque grand évènement. Il s’agit, soit du ministre de l’intérieur, soit du préfet de département (ou, le cas échéant, du préfet de police ou du préfet de police des Bouches-du-Rhône).
Ce même article précise la liste des traitements automatisés de données pouvant être consultés à l’occasion de l’enquête administrative.
Les traitements automatisés de données pouvant être consultés,
mentionnés à l’article R. 211-32 du CSI
L’enquête administrative peut donner lieu, selon les règles propres à chacun d’eux et dans la seule mesure où elles le permettent, à la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel suivants :
– le traitement d’antécédents judiciaires mentionné (art. R. 40-23 et suivants du code de procédure pénale) ;
– le fichier « Enquêtes administratives liées à la sécurité publique » (art. R. 236-1 et suivants du CSI) ;
– le fichier « Prévention des atteintes à la sécurité publique » (art. R. 236-11 et suivants du CSI) ;
– le fichier « Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique » (art. R. 236-21 et suivants du CSI) ;
– fichier des personnes recherchées (décret n° 2010-569 du 28 mai 2010) ;
– le fichier CRISTINA (1 de l’article 1 du décret du 15 mai 2007) ;
– le fichier FSPRT (12 de l’article 1 du décret du 15 mai 2007) ;
– le fichier GESTEREXT (15 de l’article 1er du décret du 15 mai 2007) ;
– le fichier des objets et véhicules volés ou signalés ;
– le système informatique national N-SIS II (R. 231-5 et suivants du CSI).
Le décret du 3 août 2017 ([150]) a, par ailleurs, autorisé le ministre de l’Intérieur à mettre en œuvre un même traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité de faciliter la réalisation de ces enquêtes administratives. Ce traitement, dénommé ACCReD, permet, d’une part, de procéder à la consultation automatique et, le cas échéant, simultanée des dix fichiers figurant dans la liste, aux seules fins de vérifier si l’identité de la personne concernée y est enregistrée, et, d’autre part, de consigner certaines informations relatives à l’enquête ou recueillies pendant celle-ci, ainsi que le sens de l’avis.
L’article R. 211-33 du CSI précise par ailleurs que l’enquête s’applique à toute personne accédant, à un autre titre que celui de spectateur ou de participant, à tout ou partie des établissements et installations mentionnées dans le décret.
Elle précise ainsi la notion de « personne accédant à un autre titre que celui de spectateur ou de participant » : la procédure s’applique « notamment aux personnes contribuant au soutien technique ou logistique et à l’approvisionnement de l’évènement, assurant le fonctionnement, l’entretien, la maintenance ou la surveillance des installations et espaces concernés ou exerçant une activité quelconque, occasionnelle ou permanente, professionnelle ou bénévole, même sans rapport avec le grand évènement, notamment commerciale, au sein des établissements et installations concernés ».
Ce même article précise que la qualité de résident dans la zone concernée « ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la procédure ».
Ce dispositif est respectueux des droits et libertés. Dans une décision du 21 février 2018, le Conseil d’État a relevé qu’il résultait des « garanties dont le législateur a entouré la création du régime d’autorisation d’accès aux établissements et installations accueillant certains grands événements qu’eu égard à la nécessité de sauvegarder l’ordre public, les dispositions de l’article L. 211‑11‑1 du code de la sécurité intérieure ne soulèvent aucune question sérieuse de constitutionnalité au regard de la liberté d’aller et venir, du droit au respect de la vie privée et du droit au recours effectif » ([151]) .
À l’occasion de cette décision, il a précisé la notion d’« établissements » et d’« installations » dont l’accès peut être interdit, qui s’entendent de ceux qui accueillent un grand événement « à l’exclusion de tout autre local et des voies publiques permettant d’y accéder ».
S’agissant, plus particulièrement, de la mise en œuvre du traitement ACCReD, le Conseil d’État a jugé que le décret du 3 août 2017 « ne porte pas une atteinte disproportionnée, au regard de la finalité du traitement qu’il crée, à la liberté, au droit au respect de la vie privée et familiale ni à la liberté de pensée, de conscience et de religion » ([152]).
L’article L. 211-11-1 du CSI a été mis en œuvre de nombreuses fois. Dernièrement, ont été publiés les décrets désignant comme grands évènements la Coupe du monde de rugby 2023, organisée par le groupement d’intérêt public France 2023 ([153]), la 89e édition de la fête du citron à Menton, organisée par l’office du tourisme de la ville ([154]), ainsi que la 138e édition du carnaval de Nice, organisée par cette commune ([155]).
Toutefois, le droit en vigueur ne paraît pas adapté aux exigences spécifiques de garantie de la sécurité dans le contexte de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, dans la mesure où ce dispositif n’est actuellement pas applicable aux « fan zones », et où il ne permet pas la réalisation d’enquêtes concernant les participants à ces évènements.
2. Le dispositif proposé
L’article 10 du projet de loi étend le champ et la portée de la procédure d’enquête administrative prévue à l’article L. 211-11-1 du CSI.
Il élargit ainsi le dispositif aux grands rassemblements de personnes ayant pour objectif d’assister aux retransmissions d’évènements (ou « fan zones »).
Ces « fan zones » correspondent à des espaces, situés en plein air ou dans une salle couverte, accueillant des spectateurs afin d’assister à la retransmission, sur un ou plusieurs écrans géants, d’une manifestation sportive.
Elles rassemblent de nombreuses personnes dans un espace restreint, et peuvent ainsi présenter un risque important pour leur sécurité. En l’état du droit, les « fan zones » ne peuvent toutefois pas être assimilées à des « grands évènements » ([156]).
Auditionné par votre rapporteur, le Commissaire divisionnaire Julien Dufour, chef du SNEAS, a relevé que le nombre d’enquêtes administratives supplémentaires qui seront réalisées du fait de l’extension du dispositif aux « fan zones » reste difficile à évaluer. Il dépendra essentiellement du nombre de ces zones, qui seront le plus souvent mises en place par les collectivités.
L’article étend par ailleurs la procédure d’enquête administrative aux participants à ces évènements.
L’étude d’impact du projet de loi précise que, dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques, les participants sont les personnes qui, sans exercer directement des activités de main-d’œuvre, sont indispensables à l’organisation et au fonctionnement des Jeux, qui ne pourraient pas se dérouler sans eux et pour lesquels le Gouvernement a pris des engagements de facilité d’entrée et de gratuité d’entrée sur le territoire pour ceux qui sont soumis à visas.
D’après l’étude d’impact, ce champ représenterait un total d’environ 60 000 personnes, réparties comme suit.
« participants » aux jeux olympiques et paralympiques de paris 2024,
au sens de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure
Catégorie |
Nombre de personnes concernées |
Athlètes et leurs équipes (médecins, préparateurs physiques, agents de sécurité, entraîneurs…) |
20 000 |
Diffuseurs domestiques et internationaux ayant l’exclusivité des droits (en France, France TV, mais au niveau international, le groupe Discovery, la chaîne NBC…) |
20 000 |
Partenaires marketing domestiques qui financent les Jeux |
6 500 |
Partenaires marketing (sponsors) du comité international olympique et du comité international paralympique qui financent les Jeux |
6 400 |
Membres des 206 Comités nationaux olympiques (CNO) et 182 Comités nationaux paralympiques (CNP) fournissant les délégations nationales |
5 000 |
Bureaux exécutifs, membres des fédérations internationales et officielles, personnels techniques : juges, chronométreurs… |
4 800 |
Observateurs des pays destinés à accueillir les Jeux dans le futur |
500 |
Total |
63 200 |
Lors de son audition par votre rapporteur, le chef du SNEAS indiquait que le nombre très élevé de personnes dans la catégorie « diffuseurs domestiques et internationaux » s’expliquait par le fait que les entreprises de médias, ne sachant pas précisément quelles équipes ces entreprises seraient en mesure d’envoyer sur place pendant la période des Jeux, demandaient systématiquement un nombre d’accréditations bien supérieur au nombre de personnes qui couvriront effectivement l’évènement.
Source : étude d’impact.
L’étude d’impact relevait, par ailleurs, que l’ensemble des États accueillant les jeux Olympiques et Paralympiques avaient mis en place une enquête administrative visant l’ensemble des participants, se conformant en cela aux recommandations du Comité international olympique.
L’article modifie par ailleurs les critères d’exposition au risque de menace terroriste. Suivant une recommandation formulée par le Conseil d’État dans son avis, et aux fins d’aligner la rédaction du dispositif sur celle de l’article L. 226-1 du CSI, l’article prévoit que les évènements concernés ne sont plus ceux qui sont « exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste » (comme cela est le cas dans la rédaction en vigueur), mais ceux qui sont « exposés à un risque d’actes de terrorisme à raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation » (dans le dispositif proposé).
Enfin, l’article renforce la portée de l’avis de l’autorité administrative rendu à la suite de l’enquête administrative, en précisant qu’il s’agit d’un avis conforme, qui doit donc impérativement être suivi par l’organisateur.
Cette modification fait suite à une recommandation du Conseil d’État dans son avis. En effet, en laissant l’organisateur libre d’autoriser l’accès aux installations et équipements concernés à des personnes qui auraient fait l’objet d’un avis défavorable de l’autorité administrative, l’article confère à l’organisateur, qui peut être une personne privée, un pouvoir discrétionnaire.
Cela reviendrait à déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique, et méconnaîtrait par suite l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Si l’extension du champ des enquêtes administratives paraît nécessaire, il n’en demeure pas moins qu’elle conduira à un fort accroissement du nombre d’enquêtes conduites par le SNEAS. L’avis du Conseil d’État évoque ainsi, sur la base des informations transmises par le Gouvernement, « près de 750 000 décisions relatives à l’accès des personnes autres que les spectateurs aux installations et équipements dans lesquels se dérouleront ou seront retransmis ces évènements ».
Interrogé sur ce sujet par votre rapporteur, le commissaire divisionnaire Julien Dufour, chef du SNEAS, a indiqué que le dimensionnement cible de l’équipe dédiée à la réalisation des enquêtes administratives dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques, initialement évalué à 57 agents, avait récemment bénéficié d’un arbitrage favorable, et devrait être porté à 91 agents d’ici la période des Jeux. Le recrutement de ces nouveaux agents a d’ores et déjà commencé.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Suivant la proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté des précisions rédactionnelles au dispositif ([157]).
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a apporté des précisions rédactionnelles au dispositif ([158]).
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Article 11
(art. L. 613-3 du code de la sécurité intérieure)
Utilisation des scanners corporels à ondes millimétriques afin d’accéder aux enceintes dans lesquelles se déroulent des manifestations sportives, récréatives ou culturelles
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article autorise la mise en place de scanners corporels à ondes millimétriques afin de contrôler les personnes souhaitant accéder à des enceintes dans lesquelles se déroulent des manifestations sportives, récréatives ou culturelles.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure a été modifié par l’article 2 de l’ordonnance n° 2022-448 du 30 mars 2022 relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) afin de prévoir que les membres du service d’ordre de l’organisateur de la manifestation sportive font l’objet d’un agrément délivré par le directeur du CNAPS.
Les modifications apportées par le Sénat
À l’initiative de MM. Jérôme Durain (Socialiste, Écologiste et Républicain) et Dominique Téophile (Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants), la commission des lois du Sénat a précisé le caractère exprès du consentement des personnes inspectées au moyen de ces scanners corporels. Elle a également adopté deux amendements de la rapporteure Mme Agnès Canayer (Les Républicains) et de Mme Maryse Carrère (Rassemblement Démocratique et Social Européen) visant respectivement à prévoir que ces scanners corporels sont installés à l’initiative du gestionnaire de l’enceinte et à préciser que les spectateurs sont préalablement informés de l’existence d’un autre dispositif de contrôle auquel ils peuvent décider de se soumettre.
Principaux apports de la commission des Lois
Outre trois amendements rédactionnels de votre rapporteur, la Commission a adopté deux amendements identiques de votre rapporteur et de M. Jean-Félix Acquaviva (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) qui clarifient les conditions dans lesquelles les spectateurs seront informés de l’existence d’un dispositif de contrôle autre que les scanners corporels. La Commission a également adopté un amendement de M. Thomas Rudigoz (Renaissance) avec l’avis favorable de votre rapporteur précisant que l’image produite par ces scanners utilise une forme générique du corps humain.
1. L’état du droit
a. Le contrôle d’accès aux enceintes encadré par l’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure
L’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure détermine les règles applicables aux contrôles opérés par les agents privés de sécurité dans le cadre des manifestations sportives, récréatives ou culturelles rassemblant plus de 300 spectateurs.
Article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure
Pour l’accès aux enceintes dans lesquelles est organisée une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs, les personnes physiques exerçant l’activité mentionnée au 1° de l’article L. 611-1 ainsi que celles, membres du service d’ordre affecté par l’organisateur à la sécurité de la manifestation sportive, récréative ou culturelle en application des dispositions de l’article L. 211-11, titulaires d’une qualification reconnue par l’État et agréées par le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, peuvent procéder, sous le contrôle d’un officier de police judiciaire et avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation doit être effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet. Elles peuvent procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille.
Trois mesures peuvent ainsi être diligentées par ces personnels de sécurité agréés par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) : l’inspection visuelle des bagages des spectateurs, la fouille de ces bagages – après avoir recueilli le consentement des spectateurs concernés – et les palpations de sécurité. Réalisées par un agent du même sexe que la personne contrôlée, ces palpations requièrent le consentement de celle-ci et s’effectuent sous le contrôle d’un officier de police judiciaire.
b. Les cas d’utilisation des scanners corporels à ondes millimétriques
Autorisée à titre expérimental par l’article 25 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la mise en place de dispositifs d’imagerie utilisant des ondes millimétriques dans les zones aéroportuaires a été pérennisée par l’article 3 de l’ordonnance n° 2012-289 du 1er mars 2012. Ces scanners ont pour but de détecter toute forme non solidaire à la surface du corps, ce qui est susceptible de révéler la présence d’objets dangereux. Le cas échéant, les zones corporelles suspectes s’affichent sur l’écran de contrôle ([159]), justifiant une levée de doutes par le biais de palpations.
Dans une réponse ministérielle à la question écrite posée par notre ancienne collègue Chantal Berthelot, le Gouvernement souligne l’utilité de ces dispositifs d’inspection : « cet outil vise à prévenir la commission d’actes qui pourraient compromettre la sûreté de l’aviation civile. Fonctionnant à l’aide d’ondes millimétriques qui s’arrêtent au niveau de la peau, il permet de détecter des objets dissimulés sous des vêtements, que les ondes traversent. » ([160])
À ce jour, ces « scanners de sûreté » sont installés dans six aéroports ([161]) métropolitains et ultramarin : Lyon-Saint Exupéry, Nice Côte d’Azur, Roissy-Charles de Gaulle, Paris-Orly, Toulouse-Blagnac et Cayenne-Félix Éboué.
Le III de l’article L. 6342-4 du code des transports détermine le cadre d’utilisation de ces scanners corporels. Les images visualisées par les agents de sûreté aéroportuaire ([162]) correspondant à des données à caractère personnel régies par le règlement général de l’Union européenne sur la protection des données du 27 avril 2016 ([163]), plusieurs garanties propres à préserver le consentement des passagers soumis à ce dispositif d’inspection-filtrage ainsi que le droit au respect de leur vie privée ont été apportées.
III de l’article L. 6342-4 du code des transports
L’inspection-filtrage d’une personne peut être réalisée, avec son consentement, au moyen d’un dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques dans les conditions prévues au II. En cas de refus, la personne est soumise à un autre dispositif de contrôle.
L’analyse des images visualisées est effectuée par des opérateurs ne connaissant pas l’identité de la personne et ne pouvant visualiser simultanément celle-ci et son image produite par le dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques. L’image produite par le dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques doit comporter un système brouillant la visualisation du visage. Aucun stockage ou enregistrement des images n’est autorisé.
Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’aviation civile et du ministre de l’intérieur détermine les aéroports dans lesquels le recours au contrôle par dispositif d’imagerie utilisant les ondes millimétriques est autorisé.
Dans une récente réponse ministérielle à la question écrite posée par la sénatrice Mme Catherine Dumas, le Gouvernement tire un bilan positif de l’utilisation des scanners corporels, qui suscitent autant l’adhésion des agents de sûreté aéroportuaire que celle des passagers des compagnies aériennes ([164]). Si ces portiques ont également été déployés dans une dizaine d’établissements pénitentiaires au cours de la dernière décennie, le ministère de la justice se montre toutefois plus circonspect quant à l’efficacité de ces dispositifs : « compte tenu du coût de ces équipements, de leur relative fragilité, des contraintes liées à leur utilisation qui rendent, par exemple, difficile leur emploi en maison d’arrêt, il n’est pas envisagé d’en déployer davantage. » ([165])
Dans son avis rendu sur le projet de loi, le Conseil d’État regrette que ces scanners corporels aient pu être déployés en l’absence de base légale, invitant le Gouvernement à mettre un terme à cette pratique.
2. Le dispositif proposé
Le présent article complète l’article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure afin d’autoriser l’utilisation de dispositifs d’imagerie à ondes millimétriques dans le but de faciliter et de sécuriser l’accès aux enceintes dans lesquelles est organisée une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs. La finalité de cet outil consiste à vérifier que les personnes contrôlées ne dissimulent pas sur elles des objets interdits dans le lieu auquel elles souhaitent accéder.
Cette évolution présente un double intérêt. D’une part, ces scanners corporels sont considérés comme un moyen de mieux gérer les flux de spectateurs à l’entrée des enceintes sportives confrontées à de fortes affluences susceptibles de provoquer des goulots d’étranglement aux abords des stades. Il s’agit ainsi d’accélérer le rythme des contrôles d’accès ([166]), comme l’a rappelé le ministre de l’Intérieur lors de l’examen du projet de loi au Sénat : « Les scanners à ondes millimétriques permettront de gagner, si je puis dire, du temps de palpation. » ([167])
D’autre part, ces outils constituent des solutions technologiques sophistiquées permettant de détecter des objets dangereux qui n’auraient pas nécessairement été découverts par une simple palpation.
Néanmoins, le caractère intrusif de ces dispositifs doit être compensé par des garanties particulières, conformément à la jurisprudence constitutionnelle ([168]) qui concilie l’objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et le respect de la vie privée consacré par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
Ainsi, à l’instar des règles prévues par l’article L. 6342-4 du code des transports régissant l’usage des portiques à ondes millimétriques dans les zones aéroportuaires, le présent article encadre strictement leur utilisation afin d’accéder aux enceintes dans lesquelles est organisée une manifestation sportive, récréative ou culturelle :
– le consentement des personnes susceptibles d’être inspectées est requis ;
– en cas de refus, ces personnes sont soumises à un autre dispositif de contrôle ([169]) ;
– les agents visualisant les images ne connaissent pas l’identité de la personne contrôlée et ne peuvent visualiser simultanément celle-ci et son image produite par le scanner corporel ;
– l’image produite par le scanner corporel comporte un système brouillant la visualisation du visage ;
– aucun stockage ou enregistrement des images n’est autorisé.
Dans son avis rendu sur le projet de loi, la CNIL observe que « la mise en place de ces garanties est de nature à réduire l’atteinte portée à la vie privée et à l’intimité des personnes concernées ». ([170])
3. Les modifications apportées par le Sénat
À l’initiative de MM. Jérôme Durain (Socialiste, Écologiste et Républicain) et Dominique Téophile (Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants), la commission des lois du Sénat a précisé le caractère exprès du consentement des personnes inspectées au moyen de ces scanners corporels.
En outre, la commission a également adopté deux amendements de la rapporteure Mme Agnès Canayer (Les Républicains) et de Mme Maryse Carrère (Rassemblement Démocratique et Social Européen) visant respectivement à prévoir que ces scanners corporels sont installés à l’initiative du gestionnaire de l’enceinte et à préciser que les spectateurs sont préalablement informés de l’existence d’un autre dispositif de contrôle auquel ils peuvent décider de se soumettre.
Selon la CNIL, l’information préalable est une condition permettant à la personne concernée d’effectuer un « choix éclairé » entre les palpations de sécurité et l’examen par un dispositif d’imagerie à ondes millimétriques.
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur ([171]) et de M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT) ([172]), la Commission a clarifié les conditions dans lesquelles les spectateurs seront informés de l’existence d’un dispositif de contrôle autre que les scanners corporels. Ainsi, un affichage en ce sens sera mis à disposition à l’entrée de la manifestation, conformément à la position de la CNIL s’agissant des modalités d’inspection des spectateurs auxquelles ces derniers décideront de se soumettre.
Avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement de M. Thomas Rudigoz (Renaissance) ([173]) qui précise que l’image produite par les scanners corporels utilise une forme générique du corps humain.
La Commission a également adopté trois amendements rédactionnels de votre rapporteur.
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Article 11 bis (supprimé)
Réaffectation des personnels temporairement affectés à des missions de maintien ou de renforcement de la sécurité pendant les Jeux à leur affectation antérieure une fois l’évènement achevé
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 11 bis, introduit par le Sénat en séance publique suivant l’avis favorable du Gouvernement et contre l’avis de la commission des Lois, prévoit que les personnels temporairement affectés à des missions de maintien ou de renforcement de la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 retrouvent leur affectation antérieure à la période de l’événement une fois celui-ci achevé, au plus tard le 31 décembre 2024.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a modifié les règles applicables aux mutations des fonctionnaires, en supprimant notamment l’avis préalable des commissions administratives paritaires.
Principaux apports de la commission des Lois
Sur proposition de M. Stéphane Mazars, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et de Mme Élisa Martin (LFI-NUPES), la Commission a supprimé cet article.
1. L’état du droit
L’affectation d’un agent se définit comme la détermination de l’emploi qui lui est assigné. Réalisée par voie de nomination, elle se distingue de la promotion, conformément à la distinction de l’emploi et du grade ([174]).
La mutation se définit, quant à elle, comme un changement d’affectation de l’agent.
S’agissant des fonctionnaires d’État, les règles encadrant les mutations sont prévues par le code général de la fonction publique, ainsi que par les statuts particuliers ([175]).
L’article L. 512-18 du code général de la fonction publique (CGFP) prévoit que l’autorité compétente procède aux mutations des fonctionnaires de l’État en tenant compte des besoins du service.
Le fonctionnaire a statutairement le droit de recevoir une affectation correspondant à son grade dans un délai raisonnable : il s’agit d’une garantie fondamentale du droit de la fonction publique ([176]).
L’affectation n’est ni définitive, ni prononcée en principe pour une durée déterminée : le fonctionnaire peut donc faire l’objet d’une mutation, à sa demande ou dans l’intérêt du service.
L’article L. 512-19 du CGFP précise que les affectations des fonctionnaires de l’État tiennent compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille, dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et sous réserve de certaines priorités, telles que la réorganisation d’un service de l’État ou de l’un de ses établissements.
Cet article prévoit que les demandes de mutation sont examinées en donnant priorité aux fonctionnaires de l’État relevant de certaines situations précisément énumérées ([177]).
S’agissant des fonctionnaires territoriaux, l’article L. 512-23 du CGFP prévoit que l’autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires territoriaux au sein de la collectivité ou de l’établissement public administratif.
L’article L. 512-26 du même code précise que sont examinées en priorité les demandes de mutation concernant les fonctionnaires territoriaux séparés pour des raisons professionnelles de leur conjoint ou du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité (Pacs), les fonctionnaires territoriaux handicapés, ainsi que les fonctionnaires territoriaux ayant la qualité de proche aidant.
S’agissant enfin des militaires, les règles sont plus contraignantes. L’article L. 4121-5 du code de la défense prévoit que les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu.
Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires, notamment lorsque, pour des raisons professionnelles, ils sont séparés de leur conjoint, ou du partenaire avec lequel ils sont liés par un Pacs.
Leur liberté de résidence peut être limitée dans l’intérêt du service, ainsi que, lorsque les circonstances l’exigent, leur liberté de circulation.
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Introduit en séance publique sur proposition de Mmes Françoise Dumont et Nathalie Delattre ([178]), suivant l’avis favorable du Gouvernement et l’avis défavorable de la commission des Lois, l’article 11 bis prévoit que les personnels temporairement affectés à des missions de maintien ou de renforcement de la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024 retrouvent leur affectation antérieure à la période de l’événement une fois celui‑ci achevé, au plus tard le 31 décembre 2024.
Comme l’indiquent les exposés sommaires des amendements adoptés et les interventions de leurs signataires au cours de la séance publique ([179]), cette initiative vise plus spécifiquement à répondre à la situation des communes littorales qui bénéficient habituellement du déploiement des compagnies républicaines de sécurité-maîtres-nageurs sauveteurs (CRS-MNS).
Pendant la période des Jeux, à l’été 2024, les CRS-MNS seront mobilisées pour sécuriser les sites olympiques, et ne pourront assurer la surveillance des plages dans les communes balnéaires. Les amendements proposés ont pour objectif de garantir le rétablissement de ces unités à l’issue de la période des Jeux.
Tout en indiquant espérer que le ministre « [rassure] les élus locaux », la rapporteure de la commission des Lois du Sénat, Mme Agnès Canayer, a donné un avis défavorable sur ces amendements « non opérationnels ».
Le ministre de l’Intérieur, M. Gérald Darmanin, a par la suite annoncé que les compagnies de CRS-MNS, qui sont mises à la disposition des communes sans contrepartie, seront « évidemment de retour en 2025 ».
3. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de M. Stéphane Mazars, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et de Mme Élisa Martin (LFI-NUPES), et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a supprimé cet article ([180]).
En effet, l’article 11 bis fait écho à des problématiques locales très spécifiques qui ont donné lieu à un engagement clair du ministre de l’Intérieur.
La rédaction proposée est de plus susceptible de compliquer fortement les mouvements de personnel dans les mois qui suivront les Jeux. Inscrire une obligation générale de retour à l’affectation précédente dans la loi est trop rigide, et risquerait de gripper l’ensemble des mouvements de personnel.
Le dispositif prévoit par ailleurs un retour systématique de ces personnels à leur affectation antérieure, sans prise en compte, ni de l’intérêt du service, ni des besoins du terrain.
Enfin, le champ des personnels concernés est imprécis.
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Article 12
(art. L. 332-1-2, L. 332-5-1, L. 332-10-1 [nouveaux] du code du sport)
Création de deux délits réprimant l’entrée illicite dans une enceinte sportive et le fait de pénétrer ou se maintenir sur son aire de compétition sans motif légitime
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article crée deux délits visant à réprimer, lorsqu’ils sont commis en récidive et en réunion, l’entrée par force ou par fraude dans une enceinte sportive et le fait de pénétrer ou de se maintenir sans motif légitime sur son aire de compétition.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 25 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a complété l’article L. 332-10 du code du sport en créant une amende forfaitaire délictuelle afin de sanctionner le fait de troubler le déroulement d’une compétition ou de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens en pénétrant sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive.
Les modifications apportées par le Sénat
À l’initiative du rapporteur pour avis M. Claude Kern (Union centriste), la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat ([181]) a adopté deux amendements visant, d’une part, à prévoir, pour certaines manifestations sportives, la mise en place de titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables et, d’autre part, à rendre passibles d’une amende de 3 750 euros les primo-délinquants isolés étant entrés par force ou par fraude dans une enceinte sportive ainsi que ceux ayant pénétré sur son aire de compétition sans motif légitime.
Principaux apports de la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur et de M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, la Commission a supprimé la délictualisation de l’infraction d’entrée par force ou par fraude dans une enceinte sportive lorsque ces faits n’ont pas été commis en réunion ou en récidive. De façon symétrique, la Commission a adopté deux amendements de votre rapporteur et de Mme Élisa Martin (La France insoumise – NUPES) supprimant la délictualisation de l’infraction relative à l’entrée ou au maintien sans motif légitime sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive lorsque ces faits n’ont pas été commis en réunion ou en récidive.
1. L’état du droit
Le chapitre II du titre III du livre III du code du sport prévoit une dizaine d’incriminations visant à réprimer une pluralité de comportements de nature à porter atteinte à l’ordre public au sein des enceintes sportives. Premièrement, les articles L. 332-4 et L. 332-5 sanctionnent l’entrée en état d’ivresse. Deuxièmement, l’article L. 332-10 réprime le fait de troubler le déroulement d’une compétition ou de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens en pénétrant sur l’aire de jeu.
a. L’entrée en état d’ivresse dans une enceinte sportive
En l’état du droit, l’entrée en état d’ivresse dans une enceinte sportive fait l’objet d’une triple incrimination.
Article L. 332-4 du code du sport
Le fait d’accéder en état d’ivresse à une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive est puni de 7 500 euros.
Le fait, pour l’auteur de cette infraction, de se rendre coupable de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Selon l’étude d’impact ([182]), l’infraction mentionnée au premier alinéa de l’article L. 332-4 a donné lieu à neuf condamnations en 2019, six en 2020 et deux en 2021. Par ailleurs, un seul individu a été condamné en 2020 ([183]) pour avoir commis des violences ayant entraîné une incapacité de totale de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours.
La troisième incrimination prévue par le code du sport consiste à entrer en état d’ivresse, par force ou par fraude, dans une enceinte sportive.
Article L. 332-5 du code du sport
Le fait d’avoir, en état d’ivresse, pénétré ou tenté de pénétrer par force ou par fraude dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Seul un individu a été condamné sur ce fondement au cours de l’année 2021. ([184])
b. Le fait de troubler le déroulement d’une compétition ou de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens en pénétrant sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive
L’article L. 332-10 précise que le fait de troubler le déroulement d’une compétition ou de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, en pénétrant sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Une condamnation pénale a été prononcée en 2021 sur ce fondement, s’agissant de l’atteinte portée à la sécurité des personnes ou des biens ([185]). L’entrée sur l’aire de jeu ayant eu pour effet de troubler le déroulement de la compétition a donné lieu à deux condamnations en 2021 ([186]).
L’article 25 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur a complété l’article L. 332-10 du code du sport en ouvrant la possibilité d’infliger une amende forfaitaire délictuelle afin de réprimer ce délit ([187]). Lors de l’examen en séance publique, notre collègue Florent Boudié, rapporteur de la commission des lois, avait ainsi considéré que le dispositif de l’amende forfaitaire délictuelle était adapté à la répression de cette infraction, au regard de son caractère « simple et objectivable » ([188]).
2. Le dispositif proposé
Le présent article crée deux nouvelles infractions délictuelles. La première, prévue par un nouvel article L. 332-5-1, réprime le fait de pénétrer ou de tenter de pénétrer par force ou par fraude dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive. Dès lors que cette infraction est commise en récidive ou en réunion, la peine encourue s’élève à 7 500 euros d’amende et six mois d’emprisonnement.
Cette nouvelle incrimination renforce l’arsenal législatif afin de sanctionner des comportements qui, en l’état du droit, ne présentent un caractère répréhensible que du fait de l’état d’ivresse de leurs auteurs ([189]).
Si aucune des deux conditions de récidive ou de réunion n’est satisfaite, la sanction applicable correspond à une contravention de la cinquième classe ([190]) régie par un décret en Conseil d’État.
Insérée par un nouvel article L. 332-10-1, la seconde infraction délictuelle créée par le présent article consiste à pénétrer ou se maintenir, sans motif légitime, sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive. Si cette infraction est commise en réunion ou en récidive, elle est punie de 7 500 euros d’amende ([191]).
De façon analogue à l’incrimination prévue par le nouvel article L. 332-5-1, l’absence de récidive ou de commission des faits en réunion implique une sanction contraventionnelle de la cinquième classe relevant d’un décret en Conseil d’État.
Cette nouvelle incrimination présente un champ plus large que celle prévue par l’article L. 332-10 qui réprime déjà l’entrée sur l’aire de jeu d’une enceinte sportive dès lors que ce comportement trouble le déroulement de la compétition ou porte atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Comme le souligne l’étude d’impact ([192]), le présent article vise donc à appréhender des situations dans lesquelles des « personnes […] entreraient sur la pelouse à l’issue d’une manifestation sportive et […] refuseraient de quitter l’enceinte sportive sans pour autant porter directement atteinte à la sécurité des personnes ou des biens ». ([193])
Lors de l’examen du projet de loi en séance publique au Sénat, la ministre des sports a précisé que le champ d’application de cette nouvelle infraction ne s’étendait pas à certains mouvements festifs habituellement constatés à l’issue de compétitions sportives : « Les situations concernées ne comprennent évidemment pas l’hypothèse d’une famille qui serait simplement joyeuse de retrouver une personne victorieuse sur un terrain. Ces dispositions, dont l’application reste sous le contrôle du juge, ne visent pas ce type de comportement » ([194]). Dans le cadre des auditions conduites par votre rapporteur, il a ainsi été fait état de situations d’envahissement individuel ou collectif de l’aire de jeu, qui, sans troubler directement le déroulement de la compétition, pourraient cependant perturber leur retransmission télévisée.
3. Les modifications apportées par le Sénat
À l’initiative du rapporteur pour avis M. Claude Kern (Union centriste), la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a adopté un amendement imposant, à compter du 1er juillet 2024, la présentation d’un titre d’accès à tout spectateur d’une manifestation sportive, même si celui-ci bénéficie d’une invitation. En outre, ces titres d’accès doivent présenter un caractère nominatif, dématérialisé et infalsifiable dès lors que ces manifestations sont exposées par leur nature ou leurs circonstances particulières à un risque de fraude, au-delà d’un seuil de spectateurs défini par décret en Conseil d’État.
Cette évolution concrétise la première recommandation du rapport d’information de la commission des lois et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat présenté le 13 juillet 2022 faisant suite aux incidents ayant émaillé la finale de la Ligue des champions de football survenus le 28 mai 2022.
Dans son avis sur le projet de loi, M. Claude Kern estime « que l’ensemble des matchs de la Ligue 1 de football devrait être soumis à l’obligation de recourir à des billets infalsifiables de même que les matchs des équipes de France de football et de rugby ainsi que les matchs du tournoi de Roland-Garros ». ([195])
Cependant, lors de son audition par votre rapporteur, la direction interministérielle des jeux Olympiques et Paralympiques (DIJOP) ne s’est pas prononcée sur le nombre minimal de spectateurs susceptible d’être retenu par le pouvoir réglementaire, renvoyant la détermination de cette jauge aux futures concertations qui devront être conduites avec l’ensemble des parties prenantes.
Lors de l’examen en commission, les sénateurs ont également adopté un amendement du rapporteur pour avis tendant à délictualiser les deux nouvelles incriminations créées par le présent article s’agissant des primo-délinquants isolés. Ainsi, quand bien même l’entrée par force ou par fraude dans une enceinte sportive et le fait de pénétrer ou se maintenir sur son aire de jeu sans motif légitime ne seraient pas commis en récidive ou en réunion, les auteurs de ces infractions seraient passibles d’une amende de 3 750 euros ([196]).
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur ([197]) et de M. Stéphane Mazars ([198]), rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, la Commission a supprimé la délictualisation de l’infraction d’entrée par force ou par fraude dans une enceinte sportive lorsque ces faits n’ont pas été commis en réunion ou en récidive.
La Commission a également adopté deux amendements de votre rapporteur ([199]) et de Mme Élisa Martin ([200]) (La France insoumise – NUPES) supprimant la délictualisation de l’infraction relative à l’entrée ou au maintien sans motif légitime sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive lorsque ces faits n’ont pas été commis en réunion ou en récidive.
Cette double délictualisation apparaît disproportionnée, notamment au regard des autres infractions délictuelles visées par les articles L. 332-3 à L. 332-10 du code du sport, qui présentent un niveau de gravité supérieur à l’entrée par force ou par fraude dans une enceinte sportive et à l’entrée ou au maintien sans motif légitime sur son aire de jeu.
Ces amendements ont donc pour objet de revenir sur l’évolution opérée par le Sénat s’agissant des primo-délinquants isolés, en prévoyant une sanction correspondant à l’amende contraventionnelle de la cinquième classe, soit 1 500 euros.
Outre deux amendements rédactionnels, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteur ([201]) tendant à clarifier le champ d’application de l’infraction d’entrée par force ou par fraude. Il s’agit en effet de préciser que l’incrimination concerne aussi bien l’entrée par force ou par fraude dans une enceinte dans laquelle se déroule une manifestation sportive que dans un lieu dans lequel cette manifestation peut être retransmise, à l’image d’un théâtre ou d’un cinéma, lesquels ne présentent pas nécessairement un caractère « sportif ».
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Article 12 bis (supprimé)
(art. 222-13 du code pénal)
Aggravation des sanctions pénales applicables aux auteurs de violences commises dans une enceinte lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive
Supprimé par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article a été introduit en séance publique au Sénat par un amendement de M. Michel Savin (Les Républicains) ayant recueilli un avis de sagesse du rapporteur M. Claude Kern et un avis défavorable du Gouvernement. Complétant l’article 222-13 du code pénal, il punit les auteurs de violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises dans une enceinte dans laquelle se déroule ou est retransmise en public une manifestation sportive.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 222-13 du code pénal a été modifié par l’article 10 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure afin d’assurer une coordination avec l’article 4 de la loi précitée visant à réprimer plus sévèrement les violences commises contre les membres des forces de l’ordre, leurs proches et les agents qui concourent à leurs missions.
Principaux apports de la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, de M. Sacha Houlié (Renaissance), de M. Thomas Rudigoz (Renaissance), de M. Jean-Claude Raux (Écologiste – NUPES), de M. Roger Vicot (Socialistes – NUPES), de M. Philippe Pradal (Horizons), de M. Jean-Pierre Cubertafon (Démocrate) et de Mme Élisa Martin (La France Insoumise – NUPES), la Commission a supprimé cet article.
1. L’état du droit
a. La répression des violences commises dans les enceintes sportives
L’article R. 625-1 du code pénal détermine le régime des sanctions pénales applicables aux auteurs de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours.
Cette infraction est punie d’une amende contraventionnelle de la cinquième classe, soit 1 500 euros. Sur le fondement de l’article 132-11, le plafond de la peine d’amende encourue s’élève à 3 000 euros en cas de récidive.
Les auteurs de violences commises au sein des stades sont donc passibles de ces sanctions contraventionnelles, sans préjudice des dispositions prévues par l’article 222-13 qui énonce les circonstances aggravantes pour lesquelles ces infractions sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
De façon spécifique, le second alinéa de l’article L. 332-4 du code du sport prévoit que la personne qui, après être entrée en état d’ivresse dans une enceinte sportive, se rend coupable de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
b. Les circonstances aggravantes prévues par l’article 222-13 du code pénal
L’article 222-13 du code pénal détermine les circonstances dans lesquelles les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours relèvent du champ délictuel. L’ensemble de ces circonstances aggravantes dépendent de la qualité de la victime ainsi que des conditions, des motivations et des lieux dans lesquels ces violences ont été commises.
Si l’une des circonstances énumérées par l’article L. 222-13 est satisfaite, la peine encourue s’élève à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Les peines sont également portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque cette infraction est commise dans deux des circonstances précitées. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsqu’elle est commise dans trois de ces circonstances.
Les circonstances aggravantes prévues par l’article 222-13 du code pénal correspondent aux violences commises :
1° Sur un mineur de quinze ans ;
2° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les père ou mère adoptifs ;
4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un membre ou un agent de la Cour pénale internationale, une personne dépositaire de l’autorité publique autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5, un gardien assermenté d’immeubles ou de groupes d’immeubles ou un agent exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation en application de l’article L. 271-1 du code de la sécurité intérieure, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
4° bis A Sur une personne exerçant une activité privée de sécurité mentionnée aux articles L. 611-1 ou L. 621-1 du code de la sécurité intérieure dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
4° bis Sur un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, sur un agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute personne chargée d’une mission de service public, ainsi que sur un professionnel de santé, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
4° ter Sur le conjoint, les ascendants ou les descendants en ligne directe ou sur toute autre personne vivant habituellement au domicile des personnes mentionnées aux 4°, 4° bis A et 4° bis, en raison des fonctions exercées par ces dernières ;
5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l’empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation ou de sa plainte, soit à cause de sa déposition devant une juridiction nationale ou devant la Cour pénale internationale ;
5° bis A raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ;
5° ter A raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre vraie ou supposée de la victime ;
5° quater Sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, si les faits sont commis dans l’exercice de cette activité ;
6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
6° bis Contre une personne, en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union ou afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union ;
7° Par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
7° bis Par une personne exerçant une activité privée de sécurité mentionnée aux articles L. 611-1 ou L. 621-1 du code de la sécurité intérieure dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
9° Avec préméditation ou avec guet-apens ;
10° Avec usage ou menace d’une arme ;
11° Dans les établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ;
12° Par un majeur agissant avec l’aide ou l’assistance d’un mineur ;
13° Dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
14° Par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants ;
15° Par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée.
2. Le dispositif proposé par le Sénat
Introduit en séance publique par un amendement de M. Michel Savin (Les Républicains), le présent article complète la liste des circonstances aggravantes prévues par l’article 222-13.
Ainsi, il prévoit que les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours commises dans une enceinte dans laquelle se déroule ou est retransmise en public une manifestation sportive font l’objet d’une peine délictuelle de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
L’amendement introduisant le présent article a recueilli un avis de sagesse du rapporteur M. Claude Kern et un avis défavorable du Gouvernement, celui-ci estimant que le renforcement des sanctions pénales à l’encontre des auteurs de violences légères commises dans une enceinte sportive présentait un caractère « disproportionné ». ([202])
En outre, la modification apportée à l’article 222-13 a également pour effet de permettre au juge judiciaire de prononcer une peine complémentaire d’interdiction de stade ([203]) susceptible d’être infligée aux auteurs de ces violences.
3. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur ([204]), de M. Sacha Houlié ([205]), de M. Thomas Rudigoz ([206]), de M. Jean-Claude Raux ([207]), de M. Roger Vicot ([208]), de M. Philippe Pradal ([209]), de M. Jean-Pierre Cubertafon ([210]) et de Mme Élisa Martin ([211]), la Commission a supprimé cet article.
La création d’une telle circonstance aggravante présente un caractère manifestement disproportionné au regard du quantum de peine applicable, les violences légères étant à ce jour passibles d’une amende contraventionnelle de la cinquième classe, soit 1 500 euros.
Cette évolution présenterait également des effets de bord tenant à sanctionner différemment ces violences selon le type de manifestations au cours desquelles elles auraient été commises, ce qui nuit à la cohérence de l’arsenal répressif en la matière.
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Article 13
(art. L. 332-11, L. 332-14 et L. 332-16-3 du code du sport)
Caractère obligatoire de la peine complémentaire d’interdiction de stade
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article rend obligatoire, sauf motivation spéciale du juge judiciaire, le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de stade applicable aux auteurs des infractions délictuelles portant les atteintes les plus graves à la sécurité des manifestations sportives.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 55 de la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a créé l’article L. 332-16-3 du code du sport qui prévoit la remise d’un rapport public annuel du ministère de l’Intérieur sur les interdictions de stade et de déplacements de supporters.
Les modifications apportées par le Sénat
À l’initiative du rapporteur pour avis M. Claude Kern, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat ([212]) a adopté un amendement afin d’élargir le champ du rapport prévu par l’article L. 332-16-3 aux violations des interdictions de stade et aux interdictions de territoire prononcées à l’encontre des personnes de nationalité étrangère ayant leur domicile hors de France.
Principaux apports de la commission des Lois
La Commission a adopté un amendement de votre rapporteur afin d’encadrer les modalités d’application de « l’obligation de pointage » à laquelle sont soumises les personnes condamnées à une interdiction de stade. Elle a également adopté un amendement de M. Sacha Houlié (Renaissance) afin de retirer du champ des infractions susceptibles de donner lieu au prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de stade la détention ou l’usage de fumigènes dans une enceinte sportive.
1. L’état du droit
a. La peine complémentaire d’interdiction de stade
Introduite par la loi n° 93-1282 du 6 décembre 1993 relative à la sécurité des manifestations sportives, l’interdiction judiciaire de stade (IJS) prend la forme d’une peine complémentaire susceptible d’être prononcée par le juge à l’encontre des auteurs des infractions prévues par les articles L. 332-3 à L. 332-10 et L. 332-19 du code du sport. Ces dispositions incriminent une pluralité de comportements troublant l’ordre public et le déroulement des compétitions sportives, qu’il s’agisse de l’introduction d’alcool ou de l’accès au stade en état d’ivresse, de l’incitation à la haine et à la violence, de l’usage de fusées ou d’artifices, de jets de projectiles dangereux ou d’entrée illicite sur l’aire de jeu.
Régie par l’article L. 332-11 du code du sport, l’IJS est également encourue par les auteurs de violences ([213]), de destructions et de dégradations de biens ([214]) ou encore de rébellions ([215]) commises dans une enceinte sportive ou en relation directe avec une manifestation sportive.
Les IJS peuvent se conjuguer avec les interdictions administratives de stade (IAS) ([216]), mesures de police administrative décidées par l’autorité préfectorale, sur le fondement de l’article L. 332-16 du code du sport ([217]). Afin de garantir une bonne articulation entre les IJS et les IAS, l’article L. 332-15 prévoit que le préfet est destinataire des informations relatives aux IJS prononcées par le juge judiciaire. ([218])
Selon l’étude d’impact, 24 IJS ont été prononcées en 2021, soit un nombre presque quatre fois inférieur à celui constaté chaque année entre 2010 et 2019 ([219]), celui-ci étant par ailleurs nettement inférieur au nombre d’IAS prononcées sur la même période.
D’une durée maximale de cinq ans ([220]), l’IJS est assortie de l’obligation de répondre à des convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée que la juridiction désigne dans sa décision au moment des manifestations sportives. Concrètement, cette exigence prend la forme d’une « obligation de pointage » à la gendarmerie ou au commissariat. Cette mesure, potentiellement très contraignante selon les modalités de convocation retenues par la juridiction, vise à renforcer l’effectivité de l’IJS, empêchant de facto la personne qui en fait l’objet de se rendre simultanément au stade le jour du match.
Pour autant, il apparaît que l’obligation de pointage n’est pas systématiquement prévue par la juridiction ayant prononcé une IJS, alors même que la rédaction de l’article L. 332-11 du code du sport prévoit son automaticité dès lors qu’une IJS est prononcée. Selon les chiffres publiés par le rapport de la mission d’information commune sur les interdictions de stade et le supportérisme présenté en mai 2020 par Mme Marie-George Buffet et M. Sacha Houlié, seules 47 % des IJS en vigueur lors de la saison sportive 2019-2020 étaient assorties d’une obligation de pointage. À l’inverse, alors même qu’elle revêt un caractère facultatif ([221]), l’obligation de pointage se conjugue presque systématiquement aux IAS prononcées par l’autorité administrative.
Lors de son audition par votre rapporteur, la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice a considéré que l’absence d’obligation de pointage relève le cas échéant d’un « oubli » des juridictions ayant prononcé une IJS.
L’article L. 332-13 du code du sport précise que toute personne qui pénètre ou se rend, en violation de la peine complémentaire d’IJS dont elle fait l’objet, dans ou aux abords d’une enceinte où se déroule une manifestation sportive ou qui, sans motif légitime, se soustrait à l’obligation de pointage est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
b. Les peines complémentaires obligatoires
En l’état du droit, le code pénal prévoit que le prononcé d’une peine complémentaire puisse être obligatoire, à moins que la juridiction ne choisisse, par une décision spécialement motivée, de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. C’est par exemple le cas de la peine complémentaire d’inéligibilité prononcée à l’encontre des auteurs de délits ou de crimes mentionnés à l’article 131-26-2 du code pénal ([222]), de la condamnation à un suivi socio-judiciaire applicables aux auteurs d’infractions à caractère terroriste ([223]) ou de l’interdiction de détention d’armes visant des personnes condamnées pour trafic d’armes. ([224])
La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure a également introduit le principe d’une peine complémentaire obligatoire d’interdiction de stade, sauf décision contraire spécialement motivée, à l’encontre des personnes condamnées pour avoir méconnu un arrêté préfectoral d’interdiction de déplacement ou de présence de supporters sur les lieux d’une manifestation sportive. ([225])
Cette exigence de motivation spéciale prévient tout risque d’automaticité de la peine. Elle préserve le respect des principes d’individualisation des peines et de séparation des pouvoirs, respectivement garantis par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, et ce conformément à la jurisprudence constitutionnelle. ([226])
2. Le dispositif proposé
Le présent article rend obligatoire, sauf motivation spéciale du juge judiciaire, le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de stade à l’encontre des personnes reconnues coupables de certaines infractions prévues par le chapitre II du livre III du titre III du code du sport.
Le Gouvernement considère que le prononcé d’une peine complémentaire obligatoire d’interdiction de stade présente une dimension dissuasive, renforçant ainsi la prévention et la répression des actes délictuels les plus graves susceptibles d’être commis dans une enceinte sportive.
Infraction |
Base légale dans le code du sport |
Caractère de la peine complémentaire d’interdiction de stade |
Introduction d’alcool par force ou par fraude dans une enceinte sportive |
Article L. 332-3 |
Facultatif |
Accès en état d’ivresse à une enceinte sportive |
Article L. 332-4, 1er alinéa |
Facultatif |
Violences commises en état d’ivresse ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à huit jours |
Article L. 332-4, 2è alinéa |
Obligatoire |
Accès en état d’ivresse, par force ou par fraude, à une enceinte sportive |
Article L. 332-5 |
Obligatoire |
Accès par force ou par fraude à une enceinte sportive |
Article L. 332-5-1 ([227]) |
Facultatif |
Provocation à la haine ou à la violence dans une enceinte sportive |
Article L. 332-6 |
Obligatoire |
Introduction, port, ou exhibition d’insignes, signes ou symboles incitant à la haine ou à la discrimination dans une enceinte sportive |
Article L. 332-7 |
Obligatoire |
Introduction, détention ou usage de fusées ou artifices sans motif légitime dans une enceinte sportive |
Article L. 332-8 |
Obligatoire |
Jet de projectile présentant un danger pour la sécurité des personnes dans une enceinte sportive |
Article L. 332-9 |
Obligatoire |
Accès à l’aire de compétition d’une enceinte sportive troublant le déroulement de la compétition ou portant atteinte à la sécurité des personnes ou des biens |
Article L. 332-10 |
Obligatoire |
Accès ou maintien sans motif légitime sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive |
Article L. 332-10-1 ([228]) |
Facultatif |
Maintien ou reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous |
Article L. 332-19 |
Facultatif |
Le choix du Sénat de délictualiser les deux nouvelles infractions créées par l’article 12 du projet de loi, en supprimant les conditions de récidive ou de réunion ([229]) initialement prévues pour constituer ces délits, aboutit incidemment à élargir le champ de la peine complémentaire « facultative » d’interdiction de stade. Celle-ci pourra dans ce cas être prononcée à l’encontre des personnes reconnues coupables des incriminations prévues aux nouveaux articles L. 332-5-1 et L. 332-10-1 du code du sport.
3. Les modifications apportées par le Sénat
À l’initiative du rapporteur pour avis M. Claude Kern, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a adopté un amendement afin d’élargir le champ du rapport public annuel remis par le ministère de l’Intérieur sur les interdictions de stade et de déplacements de supporters aux violations de ces interdictions et aux interdictions de territoire prononcées à l’encontre des personnes de nationalité étrangère ayant leur domicile hors de France.
Prévu par l’article L. 332-16-3 du code du sport créé par la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, ce rapport annuel n’a pas encore été publié à ce jour.
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur ([230]), la Commission a adopté un amendement afin d’encadrer plus précisément « l’obligation de pointage ».
S’il convient de maintenir le principe d’une « obligation de pointage » systématiquement associée à l’interdiction judiciaire de stade, il apparaît que cette automaticité n’existe pas en pratique. En effet, la plupart des interdictions judiciaires de stade prononcées au cours de ces dernières années ne sont pas assorties d’une telle obligation, les juridictions oubliant fréquemment de désigner les autorités ayant pour mission de convoquer les personnes condamnées au moment des manifestations sportives. Cette situation s’explique principalement par l’imprécision qui caractérise la rédaction de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 332-11.
Ainsi, cet amendement confie à la juridiction le soin de préciser elle-même les manifestations sportives pour lesquelles la personne condamnée est astreinte à répondre aux convocations de la police ou de la gendarmerie, tout en précisant que cette décision doit tenir compte des obligations professionnelles, sociales ou familiales de la personne condamnée. Les auditions conduites par votre rapporteur ont souligné les risques de dérives inhérentes à cette obligation, dont la mise en œuvre pratique présente parfois un caractère excessivement contraignant pour les personnes qui y sont assujetties.
Cette évolution permet utilement de consolider « l’obligation de pointage » tout en aménageant sa mise en œuvre, conformément aux préconisations émises par le rapport d’information de la mission sur le supportérisme conduite par Marie-George Buffet et Sacha Houlié en 2020.
Contre l’avis de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement de M. Sacha Houlié ([231]) afin de retirer du champ des infractions susceptibles de donner lieu au prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de stade, que celle-ci présente un caractère facultatif ou obligatoire, la détention ou l’usage de fumigènes dans une enceinte sportive, réprimée par l’article L. 332-8 du code du sport.
Outre deux amendements de nature rédactionnelle et de coordination, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteur ([232]) qui explicite les motifs que la juridiction sera tenue d’invoquer afin de ne pas prononcer la peine complémentaire d’interdiction de stade.
Suivant la rédaction des dispositions prévues par l’article 131-26-2 du code pénal déterminant les modalités d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité, il s’agit ici de préciser que la juridiction peut décider de ne pas prononcer la peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
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Article 13 bis (nouveau)
(art. L. 332-16 du code du sport)
Encadrement du régime des interdictions administratives de stade
Introduit par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
Introduit par la Commission, l’article 13 bis résulte de l’adoption de trois amendements de M. Sacha Houlié (Renaissance) et d’un amendement de Mme Élisa Martin (La France Insoumise – NUPES) qui modifient l’article L. 332-16 du code du sport afin, d’une part, de mieux encadrer le régime des interdictions administratives de stade (IAS) s’agissant des motifs pour lesquels elles sont prononcées par l’autorité administrative, réduire leur durée maximale et limiter leur cumul avec l’interdiction judiciaire de stade, et d’autre part, de préciser la mise en œuvre éventuelle d’une « obligation de pointage ».
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 59 de la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a modifié l’article L. 332-16 du code du sport afin de prévoir la communication par l’autorité préfectorale de la photographie des personnes faisant l’objet d’une IAS aux associations et sociétés sportives, ainsi qu’aux fédérations sportives agréées.
1. L’état du droit
L’article L. 332-16 du code du sport détermine le régime applicable aux IAS. Considérées comme des mesures de police administrative, les IAS peuvent être infligées par l’autorité préfectorale à toute personne qui constitue une menace pour l’ordre public, en raison de son comportement d’ensemble à l’occasion de manifestations sportives ou de la commission d’un acte grave à l’occasion de l’une de ces manifestations ([233]). L’IAS interdit de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où de telles manifestations se déroulent ou sont retransmises en public. Selon les chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur à votre rapporteur, 52 IAS étaient appliquées au cours de la saison 2021-2022
L’arrêté préfectoral, valable sur le territoire national, énonce le type de manifestations sportives concernées. Il ne peut excéder une durée de vingt-quatre mois. Cette durée peut être portée à trente-six mois si, dans les trois années précédentes, cette personne a fait l’objet d’une mesure d’interdiction. Selon le rapport de la mission d’information commune sur les interdictions de stade et le supportérisme présenté en mai 2020 par Mme Marie-George Buffet et M. Sacha Houlié, la durée moyenne des IAS prononcées entre 2015 et 2020 s’élevait entre cinq et douze mois
En outre, à l’image de « l’obligation de pointage » assortie à l’IJS, une obligation similaire peut également être prononcée par le préfet à l’encontre de la personne faisant l’objet d’une IAS. Contrairement aux règles applicables à l’IJS, cette obligation de pointage est facultative. Cependant, elle présente en réalité un caractère systématique, près de 90 % des IAS étant assorties de cette contrainte entre 2015 et 2020.
2. Le dispositif proposé par la commission des Lois
Suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté trois amendements de M. Sacha Houlié (Renaissance) et un amendement de Mme Élisa Martin (LFI-NUPES) dans le but de mieux encadrer la mise en œuvre des IAS. L’ensemble de ces amendements concrétisent les préconisations émises par le rapport Buffet – Houlié en mai 2020.
Le premier amendement ([234]) remplace la notion de « comportement d’ensemble » qui correspond à la base sur laquelle s’appuie le préfet pour prononcer une IAS et que le rapport Buffet – Houlié considère comme « éminemment floue et subjective », par celle, plus précise, « d’agissements répétés portant atteinte à la sécurité des personnes ou des biens ». Par ailleurs, il exige l’existence d’une menace « grave » pour l’ordre public, afin de mieux caractériser la dimension dangereuse des agissements de la personne. Il s’agit ici de cerner avec davantage d’acuité les motifs pour lesquels une IAS peut être prononcée, alors que, selon les chiffres mentionnés dans le rapport Buffet – Houlié, près de 75 % des IAS contestées devant la juridiction administrative font l’objet d’une annulation.
Le deuxième amendement ([235]) prévoit de réduire la durée maximale des IAS, compte tenu de son usage en tant que mesure de police administrative et de l’absence de garanties procédurales similaires à celles relevant du régime des IJS. La durée maximale des IAS est ainsi ramenée de vingt-quatre à douze mois et de trente-six à vingt-quatre mois en cas de « récidive », c’est-à-dire si, dans les trois années précédentes, la personne a déjà fait l’objet d’une mesure d’interdiction.
Le troisième amendement ([236]) a pour but de mieux encadrer l’articulation entre IJS et IAS. Il complète le troisième alinéa de l’article L. 332-16 et précise que, dès lors qu’une personne à l’encontre de laquelle une IAS a été prononcée a déjà été condamnée à la peine complémentaire prévue à l’article L. 332‑11 à raison des mêmes faits, il lui appartient d’en informer l’autorité administrative, qui met alors immédiatement fin à l’IAS. Il en va de même lorsque la personne a bénéficié d’une décision de relaxe à raison de ces mêmes faits par une décision pénale devenue définitive au motif que les faits ne sont pas établis ou ne lui sont pas imputables. Cette évolution vise à prévenir le cumul dans le temps de sanctions administratives et judiciaires portant sur des faits et présentant un objet identique.
À l’initiative de Mme Élisa Martin, le dernier amendement ([237]) circonscrit l’obligation de pointage aux seuls cas où il apparaît manifestement que son destinataire entend se soustraire à la mesure d’interdiction de stade.
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Chapitre IV
Dispositions diverses
Article 14 A
Demande de rapport à la Cour des comptes
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article prévoit la remise au Parlement d’un rapport de la Cour des comptes, sur l’organisation, le coût, et l’héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, avant le 1er octobre 2025. Ce rapport précise le montant des dépenses engagées par l’État et les collectivités territorialesà l’occasion de la préparation et du déroulement des Jeux. Un bilan du recours aux bénévoles doit également être établi, afin d’éclairer les conditions de leur mobilisation.
Les modifications apportées par la Commission
La commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté cet article en ajoutant l’évaluation de la qualité de l’accueil des sportifs et des spectateurs en situation de handicap au champ du rapport demandé à la Cour des comptes.
L’article 29 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 a chargé la Cour des comptes d’une mission de contrôle des comptes et de la gestion des personnes morales de droit public et, par dérogation à l’article L. 111-3 du code des juridictions financières, des personnes morales de droit privé ayant leur siège en France qui concourent à l’organisation des olympiades et bénéficient à ce titre d’un financement public. Ce même article prévoit la remise au Parlement d’un premier rapport sur l’organisation des Jeux, en 2022 ([238]).
En application de ces dispositions, la Cour a démarré ses travaux dès 2019, et a publié un rapport d’étape en janvier 2023 sur l’organisation des Jeux ([239]). Un rapport complémentaire doit être établi au premier semestre 2023, portant sur le budget pluriannuel du Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) qui a été modifié le 12 décembre 2022 au cours de la réunion de son conseil d’administration. Cette date, proche de la conclusion du rapport d’étape de la Cour, ne lui permet pas d’apprécier l’équilibre et la soutenabilité des nouveaux arbitrages budgétaires du Cojop et justifie la remise d’un rapport complémentaire.
La Cour est, par ailleurs, habilitée à contrôler in itinere la préparation, l’organisation et le déroulement des Jeux. Elle prévoit donc d’actualiser ses recommandations tout au long de leur préparation. Au-delà de leur coût global, qui ne pourra être évalué qu’au terme des olympiades, la question de l’héritage sera appréciée car cet aspect a constitué un engagement fort dès la candidature de la ville de Paris. Le Cojop poursuit une stratégie dite « Héritage et durabilité » pour livrer des Jeux plus verts, soucieux du développement durable, affichant un objectif de neutralité carbone, permettant des retombées économiques et sociales concrètes (création d’emplois locaux et durables, association des très petites et moyennes entreprises et du secteur de l’économie sociale et solidaire). De son côté, l’État, dès 2019, a adopté un « Programme Héritage » comportant 170 mesures dont le suivi incombe à la direction interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop). À l’aune de ces engagements, la Cour des comptes a prévu de rendre un rapport sur l’héritage des Jeux au printemps 2024 ([240]).
Enfin, comme elle le fait pour chacun des grands évènements sportifs internationaux accueillis par la France (Jeux d’hiver de Grenoble en 1968 et d’Albertville en 1992) elle rendra un rapport ex post, à l’issue d’un audit complet sur le déroulement, l’organisation et le bilan financier des Jeux, qui, « compte tenu du temps nécessaire pour rassembler l’ensemble des éléments financiers et des délais inhérents à une procédure contradictoire, ne devrait pas être disponible avant 2026 » ([241]).
2. Le dispositif introduit par le Sénat
Sur proposition du rapporteur, les sénateurs ont estimé que pour parfaire l’information du Parlement et garantir l’acceptabilité de cet évènement au caractère exceptionnel – supposant exemplarité et transparence –, il pourrait être utile qu’un rapport d’étape soit remis aux assemblées avant que la Cour ne rende ses conclusions définitives en 2026. Ainsi, par voie d’amendement ([242]), dès le stade de l’examen du texte par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication – à laquelle l’examen de l’article 14 avait été délégué – a été prévue la remise d’un rapport au Parlement avant le 1er juin 2025 visant à évaluer l’organisation des Jeux, leur coût global et l’héritage à travers la réutilisation des équipements et des infrastructures mis en place. Ce rapport doit également établir le montant de dépenses engagées par l’État et les collectivités territoriales à l’occasion de la préparation et du déroulement des Jeux afin de pouvoir identifier en particulier le coût des dépenses de sécurité et de transport.
À l’issue d’un dialogue avec la Cour, la date de remise de ce rapport a été reportée au 1er octobre 2025 ([243]) lors des débats en séance publique, afin de tenir compte des délais nécessaires à l’obtention des données financières et au respect des délais imposés par la procédure contradictoire.
Enfin, il est estimé qu’environ 45 000 bénévoles seront nécessaires pour la préparation et le bon déroulement des manifestations. Ceux-ci prendront part à des missions variées, telles que l’assistance aux spectateurs, aux athlètes, au personnel médical, à la presse, aux contrôles antidopage, au transport… Prévue à l’article 8 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018, la charte du volontariat Olympique et Paralympique du Cojop publiée en janvier 2022 autorise des durées maximales pour les missions de 48 heures hebdomadaires et de 10 heures quotidiennes ([244]). Les mineurs de plus de seize ans peuvent s’engager pour des missions spécifiques déterminées en lien avec les services de l’État, dans des conditions restreintes décrites en annexe 3 de la charte. Les frais de repas et de transports en commun sont pris en charge par le Cojop, contrairement aux frais d’hébergement. Dans ce contexte, afin de mesurer les conditions de la mobilisation des bénévoles, les sénateurs ont étendu à l’engagement bénévole le champ du rapport de la Cour des comptes ([245]).
3. La position de la Commission
Au-delà de modifications formelles, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté une série d’amendements identiques ([246])de Mme Emmanuelle Anthoine (LR), M. Philippe Fait (RE) et Mme Géraldine Bannier (Dem), élargissant le champ du rapport demandé à la Cour à l’évaluation de la qualité de l’accueil des sportifs et des spectateurs en situation de handicap, notamment en termes d’accessibilité de l’évènement.
L’accessibilité des infrastructures, des transports et de l’espace public pour les sportifs et les personnes en situation de handicap est un sujet majeur dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques. Les acteurs des Jeux se sont engagés à offrir des jeux accessibles à tous. Le sujet revêt néanmoins une importance telle que la mention spécifique de l’accessibilité des sportifs et spectateurs en situation de handicap à l’article 14A est pertinente. Cet élargissement du champ du rapport demandé à la Cour des comptes permettra d’améliorer l’information du Parlement.
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Article 14
(Articles 4 et 5 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024)
Extension de la dérogation légale temporaire aux interdictions de publicité dans l’espace public pour le relais des flammes olympique et paralympique, et pour l’installation d’un compte à rebours à Paris
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article modifie les articles 4 et 5 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 en étendant les dérogations aux règles de droit commun en matière d’affichage publicitaire au relais de la flamme olympique et paralympique et à l’installation d’un compte à rebours à Paris. Ce nouveau cadre permet aux partenaires marketing du CIO et du Cojop d’installer des dispositifs publicitaires dans les villes traversées par la flamme olympique, et de sponsoriser le compte à rebours.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a adopté l’article sans modification.
Position de la Commission
La commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté cet article après l’adoption d’un amendement rédactionnel.
Les dérogations accordées pendant le temps des Jeux aux interdictions d’affichage prévues par le droit national et les règlements locaux sont mentionnées aux articles 4 et 5 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Cette loi a permis l’adaptation du droit français aux obligations du contrat de ville-hôte relatives aux dispositifs de publicité. Ses dispositions s’appliquent dans des conditions différenciées selon le but poursuivi.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 4 de la loi n° 2018-202 précitée permet de déroger à certaines règles encadrant les affichages publicitaires dans le cadre des actions de promotion et d’organisation des Jeux. Cette dérogation est limitée dans le temps et court « jusqu’au quinzième jour suivant la date de la cérémonie de clôture des jeux Paralympiques de 2024 ». Par conséquent, les dispositifs de publicité des éléments olympiques et paralympiques protégés par les 1° à 3 et 6° du I des articles L. 141-5 et L. 141-7 du code du sport (emblèmes, drapeau, devises, symboles, slogans, mascottes…), installés sur un site lié aux Jeux, échappent aux restrictions ou interdictions de publicité prévues dans le code l’environnement :
– aux I et II de l’article L. 581-4, relatifs aux immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, monuments naturels, sites classés, cœurs des parcs nationaux, réserves naturelles, arbres, immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque ;
– à l’article L. 581-7 relatif aux aéroports, aux gares ferroviaires et routières, aux équipements sportifs, établissements de centres commerciaux ;
– au I de l’article L. 581-8, relatif à l’intérieur des agglomérations ;
– à l’article L. 581-15 relatif à la publicité sur les véhicules terrestres, sur l’eau ou dans les airs.
Ainsi, aux termes de la loi, ces affichages peuvent être installés sur des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, sur des monuments naturels et dans des sites classés, dans les cœurs des parcs nationaux et les réserves naturelles, sur les arbres, et en dehors des agglomérations. À l’intérieur des agglomérations, la publicité peut également être installée aux abords des monuments historiques et des sites patrimoniaux remarquables, dans les parcs naturels régionaux et dans l’aire d’adhésion des parcs nationaux, dans les sites inscrits, à moins de 100 mètres et dans le champ de visibilité des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque, et, enfin, dans les zones spéciales de conservation et dans les zones de protection spéciales. Les véhicules terrestres, aériens et aquatiques peuvent également afficher de la publicité sans se conformer à la règlementation habituelle, issue d’un décret en Conseil d’État.
De même, les prescriptions du décret n° 2012-118 du 30 janvier 2012 relatif à la publicité extérieure, aux enseignes et aux préenseignes concernant la densité, la surface et la hauteur des dispositifs publicitaires ne s’appliquent pas ([247]).
L’installation, le remplacement et la modification de ces dispositifs restent toutefois soumis à déclaration préalable auprès du maire et du préfet selon les termes des articles L. 581-6 et L. 581-14-2 du code de l’environnement. L’autorité compétente peut alors s’opposer à cette installation, ou imposer des conditions destinées à « optimiser l’insertion architecturale et paysagère des dispositifs, à réduire leur impact sur le cadre de vie environnant, à garantir la sécurité des personnes et l’intégrité des sites et bâtiments ou à prévenir d’éventuelles incidences sur la sécurité routière », dans un délai fixé par décret. Pour le cas des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque, le maire ou le préfet, après avis de la commission départementale compétente, peut y interdire toute publicité par arrêté.
L’article 5 de ladite loi n° 2018-202 permet, entre le trentième jour précédant la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques et le quinzième jour suivant la cérémonie de clôture des jeux Paralympiques, que la publicité faite au profit des partenaires marketing olympiques soit autorisée dans un périmètre de 500 mètres autour des sites des Jeux. Les affichages peuvent ainsi être réalisés sur des monuments historiques s’ils accueillent des compétitions. Ils peuvent aussi concerner les monuments naturels et les sites classés, les immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque et leurs alentours, et, à l’intérieur des agglomérations, les abords des monuments historiques, les sites inscrits, et les sites patrimoniaux remarquables. Ces affichages peuvent aussi déroger aux règlements locaux de publicité. Dans les mêmes conditions que celles applicables au titre de l’article 4 pour les emblèmes olympiques et paralympiques, les partenaires marketing olympique qui bénéficient d’autorisations d’affichage veillent au respect du cadre de vie et aux intérêts de protection du patrimoine.
Ces autorisations exceptionnelles de publicité sont ainsi circonscrites à la préparation et au déroulement des Jeux, et n’avaient pas été prévues pour le relais de la flamme olympique et de la flamme paralympique. Or, l’accompagnement publicitaire du relais de la flamme fait partie de l’évènement et, à ce titre, des engagements liant la ville-hôte au Cojop ; il est également un pilier de la réussite économique des Jeux, car il participe au financement du Cojop et lui permet de respecter ses engagements budgétaires. Les dispositions du présent article visent donc à inclure le relais de la flamme ainsi que l’installation d’un compte à rebours dans la liste des dérogations des articles 4 et 5 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 précitée.
En application du I de l’article 14, le matériel publicitaire affichant les éléments protégés des Jeux (slogans, emblèmes, etc.) associés aux logos des partenaires marketing du CIO et du Cojop, installé dans les territoires des communes qui accueillent ou qui sont traversés par les étapes des relais des flammes olympique et paralympique, peut bénéficier des dérogations aux interdictions de publicité décrites à l’article 4 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018. Cette autorisation couvre une période allant de quinze jours avant le passage de la flamme, à sept jours après celui-ci.
Afin de tenir compte des changements introduits par cette première disposition, le dernier alinéa de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 est modifié. En plus de la publicité liée à la préparation et au déroulement des Jeux eux-mêmes, la publicité du relais de la flamme doit également faire l’objet de déclarations préalables. Jusqu’au 31 décembre 2023, cette déclaration est faite selon les modalités de l’article L. 581-14-2 du code de l’environnement, qui dispose que les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet, sauf s’il existe un règlement local de publicité, auquel cas ces compétences sont exercées par le maire. À partir du 1er janvier 2024, en application de l’article L. 581-3-1 du même code « les compétences en matière de police de la publicité [seront] exercées par le maire au nom de la commune » ([248]). Ces compétences peuvent être transférées au président de l’établissement public de coopération intercommunale. La conférence des maires peut être réunie afin « d’assurer la cohérence de l’exercice du pouvoir de police de la publicité. » ([249])
Le décret du Conseil d’État prévu à l’article 4 doit également préciser « le contenu et les modalités de cette déclaration, qui peuvent varier selon l’opération ou l’évènement en cause ». En effet, dans la rédaction actuelle de l’article, ce décret ne détermine que le délai durant lequel le maire peut s’opposer, ou conditionner, l’installation publicitaire.
Le II de l’article 14 prévoit que les dérogations aux interdictions de publicité au profit des partenaires marketing olympique issues de l’article 5 de la loi n° 2018-202 peuvent être étendues au parcours du relais des flammes olympique et paralympique. Ces mesures s’appliquent entre les sept jours précédant et suivant le passage de la flamme. Les dérogations sont possibles uniquement dans une bande de cent mètres de part et d’autres du tracé du parcours, et dans un périmètre de deux cents mètres autour des sites de départ et d’arrivée des étapes. Le Cojop doit informer les maires et les représentants de l’État dans les communes et départements concernés de la nature, de la localisation et de la durée d’implantation des dispositifs publicitaires. Ces paramètres sont déterminés par les contrats liant le Cojop à ses partenaires marketing. Ils doivent garantir le respect des conditions figurant à l’article 5 précité : optimiser l’insertion architecturale et paysagère, réduire l’impact sur le cadre de vie environnant, garantir la sécurité des personnes et l’intégrité des sites et bâtiments et, enfin, prévenir d’éventuelles incidences sur la sécurité routière.
La publicité du relais de la flamme pourra être faite sur des véhicules terrestres, dans les airs ou sur l’eau, par dérogation à la règlementation issue du décret en Conseil d’État prévu par l’article L. 581-15 du code de l’environnement.
Il est également prévu qu’un arrêté municipal puisse autoriser l’installation, à Paris, d’un compte à rebours portant le logo d’un partenaire de marketing olympique, à partir de l’entrée en vigueur de la loi et jusqu’à quinze jours après la date de clôture des Jeux Paralympiques prévue le 8 septembre 2024. Ce dispositif doit lui aussi répondre à l’exigence de sobriété énergétique, et pourra être installé aux abords de monuments historiques. Le décret autorisant notamment les dispositifs de dimensions exceptionnelles liés à des manifestations temporaires, ne pourra pas être opposé à cette autorisation ([250]).
Dans son avis rendu le 22 décembre 2022, le Conseil d’État estime que ce dispositif de compte à rebours est justifié par « l’intérêt qu’il présente pour la promotion des jeux et la circonstance qu’il soit unique et s’inscrive désormais dans la tradition des jeux » ([251]).
La procédure de déclaration initialement prévue à l’article 4 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 est maintenue. Les collectivités territoriales conservent leur pouvoir de police générale et ont la possibilité de s’opposer aux affichages des logos olympiques et de ceux des partenaires marketing. En pratique, il est également probable que les délais maximum prévus par la loi ne seront pas utilisés pleinement, car la majorité des dispositifs de publicité sont légers et conçus pour être installés et démontés rapidement afin de suivre le parcours, sur le modèle de la caravane du Tour de France.
Le Conseil d’État estime par ailleurs que les dérogations circonscrites dans le temps et dans l’espace permettent une application strictement encadrée des dispositions du texte, tant au niveau des bénéficiaires potentiels que dans le choix des lieux, des formes et de la durée d’installation de cette publicité. En effet, les bénéficiaires de cette publicité sont uniquement les partenaires de marketing de premier plan du Cojop, ou ceux issus du programme mondial de parrainage du CIO, tels que mentionnés par la condition opérationnelle OTR03 des conditions opérationnelles du contrat de ville-hôte ([252]). Cette condition garantit également que le nombre, la nature et les actions des partenaires soient conformes aux valeurs du relais de la flamme olympique, ce relais étant, selon le même document, un puissant symbole pour les idéaux de paix, d’unité et d’amitié, et l’opportunité de nouer un dialogue avec le pays-hôte et de le présenter à une audience internationale. Le Conseil d’État souligne également que les matériels et dispositifs à fort impact environnemental sont exclus du champ des dérogations. Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, a confirmé l’exclusion des publicités numériques lors des débats en séance publique au Sénat ([253]).
Le relais de la flamme se déroulera entre le mois d’avril 2024 et l’ouverture des Jeux le 26 juillet pour la flamme olympique, et débutera après la clôture des jeux Olympiques pour la flamme paralympique.
L’ensemble des communes concernées par le parcours de la flamme n’est pas encore connu mais près de 70 départements seront traversés. Parmi les communes, certaines seront des « villes iconiques » représentant le patrimoine local ; elles ne seront pas forcément toutes des « villes étapes ».
Le rapport du Sénat insiste sur le fait que les dépenses liées à la publicité installée tout au long du parcours du relais seront entièrement prises en charge par le Cojop. Les représentants de la Dijop, auditionnés par la rapporteure, ont confirmé cette information. Les communes faisant partie du relais sont volontaires, et les seuls coûts qu’elles supporteront ont trait aux dispositifs qu’elles souhaiteront installer à cette occasion (nourriture, activités sportives, évènements festifs…). Les dépenses publiques liées à cette manifestation seront également assumées par les départements volontaires qui participeront à hauteur de 180 000 euros chacun ([254]).
Le budget pluriannuel du Cojop est de 4,38 milliards d’euros, financé à hauteur de 97 % par de l’argent privé ; il ne bénéficie de financements publics que de manière résiduelle. L’équilibre budgétaire du Cojop repose donc sur les apports de ses partenaires de marketing. Légiférer pour que le CIO et le Cojop affichent leurs sponsors le long du parcours de la flamme permet donc de s’assurer que les partenaires resteront engagés jusqu’au bout. Dans le cas contraire, il est probable que les partenaires retireraient leurs parrainages, au détriment de la viabilité économique de Paris 2024. L’État étant garant du budget du Cojop, la dérogation légale aux interdictions de publicité dans l’espace public contribuera à réduire le risque d’un appel en garantie. Le Conseil d’État considère d’ailleurs que « l’objectif d’équilibre économique et financier des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 » constitue un « motif d’intérêt général ».
Le Sénat a adopté cet article sans modification.
3. La position de la Commission
Sur proposition de la rapporteure, la commission des affaires culturelles et de l’éducation n’a apporté que des corrections matérielles à la rédaction de cet article.
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Article 14 bis (nouveau)
Extension de la dérogation légale temporaire aux interdictions de publicité dans l’espace public pour le Coupe du monde de rugby
Cet article additionnel, ayant un lien avec un article délégué par la commission des lois, a été créé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Introduit par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 14 bis, introduit par la Commission sur proposition de la rapporteure permet de déroger aux interdictions publicitaires prévues aux I et II de l’article L. 581-4, au I de l’article L. 581-8 et à l’article L. 581-9 du code de l’environnement pour permettre le pavoisement officiel du comité d’organisation de la Coupe du monde de rugby France 2023.
1. L’état du droit
L’installation, le remplacement ou la modification des dispositifs ou matériels qui supportent de la publicité sont soumis à des conditions strictes posées par le code de l’environnement. Son article L. 581-6 soumet l’installation de tels dispositifs à une obligation de déclaration préalable auprès du maire et du préfet dans des conditions fixées par les articles R. 581-6 à R. 581-21 dudit code.
De même, les publicités sont interdites sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, sur les monuments naturels ou dans les sites classés, dans les cœurs des parcs nationaux et les réserves naturelles, sur les arbres, en application de l’article L. 581-4. Dans les agglomérations, les publicités sont également interdites dans les secteurs sauvegardés (article L. 581‑8) et leurs emplacements, densité, surface, hauteur, entretien ainsi que leurs caractéristiques lumineuses sont encadrées par l’article L. 581-9.
La loi permet aux collectivités d’adapter leur réglementation aux enjeux locaux et à la réalité des territoires : ainsi les règlements locaux de publicité (RLP) peuvent déroger à ces dispositions dans un sens plus restrictif.
Dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques, des dérogations provisoires à ces interdictions sont prévues aux articles 4 et 5 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Ils autorisent le pavoisement des emblèmes olympiques dans les semaines précédant et suivant les Jeux afin de respecter les engagements pris dans le cadre du contrat de ville-hôte avec les partenaires de marketing du CIO. L’article 14 du présent projet de loi, étend ces dérogations au parcours du relais de la flamme.
2. Le dispositif proposé
Sur la proposition de la rapporteure, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté un amendement portant article additionnel ([255]) afin de permettre à l’organisateur de la Coupe du monde de rugby France 2023, de bénéficier des mêmes dérogations afin d’autoriser le pavoisement.
La Coupe du monde de rugby à XV France 2023 aura lieu moins d’un an avant le début des jeux Olympiques et Paralympiques, du 8 septembre au 28 octobre 2023. L’évènement se déroulera dans dix villes-hôtes réparties sur le territoire national. Dans le respect de l’environnement et du cadre de vie, avec un habillage homogène des aménagements urbains aux couleurs de la Coupe du monde de rugby, cette publicité doit pouvoir favoriser l’adhésion du public et fédérer les spectateurs autour de l’évènement. Elle permettra aussi de donner à l’évènement une visibilité au sein de chacune des collectivités hôtes concernées.
À l’instar des dispositions prévues pour les Jeux olympiques et paralympiques, ces dispositions sont circonscrites dans le temps. Elles ne sont applicables que dans les quinze jours précédant le début de l’événement et les deux suivant son terme. Elles sont également circonscrites dans l’espace aux seules villes hôtes : Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Paris, Saint-Denis, Saint-Etienne et Toulouse.
Néanmoins, cette dérogation diffère de celle prévue dans le cadre des Jeux car elle ne concerne que l’affichage promotionnel lié à l’événement et pas la promotion des partenaires commerciaux de la Coupe du monde de rugby. Il s’agit uniquement de pouvoir communiquer sur l’évènement lui-même et non pas d’offrir des espaces commerciaux aux sponsors de l’évènement.
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Article 15
Prolongation de la durée de maintien dans ses fonctions du délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques (DIJOP)
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 15 prévoit de prolonger jusqu’au 31 décembre 2024 le maintien dans leur emploi, au-delà de la limite d’âge qui leur est applicable, des fonctionnaires occupant un emploi supérieur les conduisant à participer directement à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Cette disposition concerne essentiellement l’actuel délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (DIJOP).
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 89 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a prévu une possibilité supplémentaire de maintien dans leur emploi des fonctionnaires occupant l’un des emplois supérieurs participant directement à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation et ayant atteint la limite d’âge qui leur est applicable.
Les modifications apportées par le Sénat
La commission des Lois du Sénat a précisé que la prolongation de la durée de maintien en fonction ne peut être décidée que dans l’intérêt du service et avec l’accord du fonctionnaire concerné.
Principaux apports de la commission des Lois
La Commission n’a pas apporté de modifications à cet article.
1. L’état du droit
Aux termes de l’article L. 550-1 du code général de la fonction publique (CGFP), la cessation définitive de fonctions, qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire, résulte de plusieurs situations, aux nombres desquelles figure l’admission à la retraite.
L’article L. 556-1 du même code prévoit ainsi qu’un fonctionnaire ne peut être maintenu en fonction au-delà de l’âge limite de l’activité dans l’emploi qu’il occupe. Pour un emploi ne relevant pas de la catégorie active, et sous réserve des exceptions prévues par la loi, cette limite d’âge est fixée à soixante-sept ans.
Le juge administratif interprète strictement ces dispositions. Le Conseil d’État considère ainsi que « la survenance de la limite d’âge des agents publics […] entraîne de plein droit la rupture du lien de ces agents avec le service » ([256]). Un fonctionnaire ayant atteint la limite d’âge ne peut être légalement maintenu en fonction jusqu’à la nomination de son successeur « que si ce maintien est rendu nécessaire par des circonstances particulières liées aux responsabilités qui lui sont confiées ou à l’impossibilité de désigner immédiatement une autre personne susceptible d’exercer celles-ci de manière effective » ([257]).
Le code général de la fonction publique prévoit des dérogations applicables aux emplois supérieurs pour lesquelles les nominations sont laissées à la décision du Gouvernement.
La liste de ces emplois, mentionnés à l’article L. 341-1 du CGFP, est précisée par décret ([258]). En font notamment partie les délégués interministériels.
Liste des emplois supérieurs à la décision du Gouvernement,
prévus par le décret du n° 85-779 du 24 juillet 1985
– Commissaires généraux, hauts-commissaires, commissaires, secrétaires généraux, délégués généraux et délégués, lorsqu’ils sont placés directement sous l’autorité du ministre ;
– Directeurs généraux et directeurs d’administration centrale ;
– Secrétaire général du Gouvernement (SGG) ;
– Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) ;
– Délégués interministériels et délégués ;
– Chef de mission diplomatique ayant rang d’ambassadeur ;
– Certains chefs de poste consulaire ayant rang de consul général ;
– Préfets ;
– Directeur des services actifs de police en fonction à l’administration centrale et chef du service de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) ;
– Recteurs.
L’article L. 341-4 du CGFP prévoit ainsi, dans son premier alinéa, que les fonctionnaires occupant un emploi supérieur à la décision du Gouvernement peuvent, lorsqu’ils atteignent la limite d’âge qui leur est applicable, à titre exceptionnel, dans l’intérêt du service et avec leur accord, être maintenus dans cet emploi pour une durée maximale de deux ans, par une décision prise dans les mêmes formes que leur nomination. Cette décision fixe la durée du maintien dans les fonctions, auquel il peut être mis fin à tout moment.
Ces dispositions s’appliquent notamment au délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (DIJOP) ([259]), qui exerce également les fonctions de délégué interministériel aux grands événements sportifs (DIGES) ([260]).
L’actuel DIJOP, M. Michel Cadot, a été maintenu dans ses fonctions jusqu’au 22 décembre par un décret du 24 novembre 2021, pris en application des dispositions de l’article L. 341-4 du CGFP précitées ([261]).
Le cadre légal actuellement en vigueur ne permet pas de nouvelle prolongation du mandat du DIJOP.
2. Le dispositif proposé
L’article 15 prévoit de permettre de prolonger jusqu’au 31 décembre 2024 le maintien dans leur emploi, au-delà de la limite d’âge qui leur est applicable, des fonctionnaires occupant un emploi supérieur les conduisant à participer directement à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Si la rédaction de l’alinéa unique ne fait pas explicitement référence au délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024, aucun autre fonctionnaire occupant un emploi à la décision du Gouvernement n’a été identifié comme étant potentiellement concerné par cette mesure.
Le maintien en fonctions du DIJOP paraît nécessaire pour l’organisation des Jeux. Comme le relève l’étude d’impact du projet de loi, « il ne fait aucun doute que l’actuel délégué interministériel […] a tissé au fil du temps avec l’ensemble des acteurs impliqués, notamment les élus locaux et le mouvement olympique, un lien de confiance et des relations de travail particulièrement précieux pour mener à bien sa mission. La désignation d’un nouveau délégué interministériel en décembre 2023 ne permettrait vraisemblablement pas de renouer, dans un délai aussi restreint, des relations aussi fluides et confiantes ».
Lors de l’examen du texte en séance publique au Sénat, en première lecture, la ministre des Sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, Mme Amélie Oudéa-Castéra, relevait de son côté que « la personnalité de Michel Cadot [revêtait] une importance particulière dans le pilotage de la préparation des Jeux » ([262]).
La date d’échéance maximale de la prolongation proposée est d’une durée raisonnable, et n’excède pas la durée nécessaire au bon accomplissement des missions concernées. Elle conduira, en pratique, à prolonger d’un an le maintien en fonctions du DIJOP.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Suivant la proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a précisé que la prolongation de la durée de maintien en fonction d’un fonctionnaire nommé à un tel emploi ne peut être décidée que « dans l’intérêt du service et avec l’accord du fonctionnaire concerné », reprenant ainsi les conditions prévues par l’article L. 341-4 du CGFP ([263]) .
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
La Commission n’a pas apporté de modifications à cet article.
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Article 16
(art. 53 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris
et à l’aménagement métropolitain)
Mutualisation des moyens de la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) et de l’un des établissements publics fonciers et d’aménagement de l’État
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 16 du projet de loi permet à la SOLIDEO de recourir, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 321-41 du code de l’urbanisme, pour l’exercice de tout ou partie de ses compétences, aux moyens de l’un des établissements publics fonciers ou d’aménagement de l’État mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre III de ce code.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 201 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale a ouvert la possibilité, pour les établissements publics exerçant les mêmes missions sur des périmètres géographiques différents, de mutualiser leurs moyens.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a apporté des précisions sur le régime de fin d’activité de la SOLIDEO, en prévoyant notamment un terme à compter duquel ses activités seront exercées par l’établissement public Grand Paris Aménagement, ainsi que la remise d’un bilan d’étape sur les missions à assurer.
Principaux apports de la commission des Lois
Sur proposition de Mme Clara Chassaniol, la Commission a prévu explicitement la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement pour le personnel de la SOLIDEO qui ne bénéficierait pas d’un transfert vers Grand Paris Aménagement. Elle a par ailleurs adopté des améliorations rédactionnelles.
1. L’état du droit
L’article 53 de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a créé l’établissement public national à caractère industriel et commercial Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) ([264]).
Cet établissement a pour mission de « veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation de l’ensemble des opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques à Paris en 2024, dans les délais fixés par le Comité international olympique », ainsi qu’à la « destination de ces ouvrages et de ces opérations à l’issue des jeux Paralympiques de 2024 ».
À ce titre, à l’issue des jeux Paralympiques de 2024, l’établissement sera chargé « d’aménager les sites olympiques et paralympiques dans le cadre d’un projet urbain durable en lien avec les projets des collectivités territoriales », c’est-à-dire d’en assurer la reconversion une fois les Jeux terminés.
Cette seconde phase, dite « héritage », qui débutera en 2025, se traduira par une diminution de l’activité de l’établissement, préalable à sa dissolution, prévue en 2028.
Elle s’accompagnera d’une modification de l’organisation de l’établissement, caractérisée notamment par une baisse des effectifs en place.
Une mutualisation des moyens de la SOLIDEO avec un autre établissement public poursuivant des missions similaires permettrait d’assurer la continuité de ses missions, tout en optimisant les moyens.
Deux dispositions législatives permettent la mutualisation de moyens entre établissements publics, mais ne peuvent être mises en œuvre en l’espèce.
L’article L. 321-41 du code de l’urbanisme prévoit ainsi que les statuts d’un établissement public foncier (EPF) ou d’aménagement (EPA) de l’État peuvent prévoir qu’il recourt, pour l’exercice de tout ou partie de ses compétences, aux moyens d’un autre EPF ou EPA.
Une convention, approuvée par les conseils d’administration respectifs des établissements concernés, détermine les modalités et les conditions financières du recours à ces moyens, que l’établissement fournisseur doit facturer pour des montants correspondant aux coûts complets.
Bien que la SOLIDEO dispose des compétences reconnues aux EPA et aux EPF lorsqu’elle assure la maîtrise d’ouvrage de certaines opérations, elle ne peut être qualifiée comme tel au sens du code de l’urbanisme, et ne peut donc pas bénéficier de l’application des dispositions de l’article L. 321-41 précité.
L’article 201 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS » ([265]), prévoit par ailleurs qu’en l’absence de dispositions qui leur sont applicables ayant le même objet, les établissements publics de l’État qui exercent les mêmes missions sur des périmètres géographiques différents peuvent mutualiser la gestion des fonctions et des moyens nécessaires à la réalisation de ces missions.
La mise en œuvre de cet article est néanmoins limitée par le respect du principe de spécialité, qui n’autorise que le rapprochement d’établissements exerçant les mêmes missions, puisque la SOLIDEO n’exerce pas strictement les mêmes missions que les EPA et les EPF. Par ailleurs, si l’article prévoit la mutualisation de la gestion des fonctions et des moyens, il n’évoque pas la possibilité des transferts de personnel.
2. Le dispositif proposé
L’article 16 du projet de loi ouvre la possibilité, pour la SOLIDEO, de recourir, pour l’exercice de tout ou partie de ses compétences, aux moyens d’un établissement public foncier (EPF) ou d’aménagement (EPA) de l’État, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 321‑41 du code de l’urbanisme.
Il complète pour cela le II de l’article 53 de la loi du 28 février 2017 précitée.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Sur proposition de M. Laurent Lafon, suivant l’avis favorable de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté des précisions sur le régime de fin d’activité de la SOLIDEO ([266]). Il a pour cela intégralement réécrit l’article du projet de loi initial.
Le I de l’article prévoit désormais que la SOLIDEO recourt, pour l’exercice de ses missions, aux moyens de Grand Paris Aménagement ([267]). Cette mutualisation est organisée dans les conditions prévues par l’article L. 321‑41 du code de l’urbanisme précité.
Le II prévoit que la mise en œuvre de ces dispositions n’implique pas de transfert préalable obligatoire de tout ou partie du personnel de la SOLIDEO.
Le III précise qu’à compter de la mutualisation, le directeur général de la SOLIDEO est nommé conformément aux conditions prévues par un décret en Conseil d’État.
Le IV prévoit enfin que la SOLIDEO est dissoute au plus tard le 31 décembre 2028, et renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de prévoir les conditions de cette dissolution et de la mise en liquidation.
En séance publique, sur proposition de M. Thomas Dossus, suivant l’avis favorable de la commission des Lois, et suite à un avis de sagesse du Gouvernement, le Sénat a complété cet article par un V, qui prévoit la réalisation par la SOLIDEO d’un bilan d’étape des mesures dites « d’héritage », remis au plus tard le 31 décembre 2025.
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
La Commission a adopté cinq amendements rédactionnels de votre rapporteur, qui transfèrent notamment les dispositions à l’article 53 de la loi du 28 février 2017 précitée, relatif aux missions de la SOLIDEO ([268]).
Sur proposition de Mme Clara Chassaniol, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a prévu explicitement la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement pour le personnel de la SOLIDEO qui ne bénéficierait pas d’un transfert vers Grand Paris Aménagement ([269]).
Elle a enfin adopté un amendement de votre rapporteur qui précise que le bilan d’étape porte sur la manière dont Grand Paris Aménagement assure les missions d’héritage une fois la mutualisation opérée, et non une fois la SOLIDEO dissoute ([270]). En effet, la SOLIDEO ne sera dissoute qu’une fois sa mission achevée, a priori fin 2028. Il semble donc difficile d’établir dès 2025 comment GPA assurera ces missions une fois la SOLIDEO dissoute, en 2028.
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Article 17
Création d’une dérogation ad hoc à la règle du repos dominical pour les commerces sis dans les communes d’implantation des sites de compétition, limitrophes ou situées à proximité de ces sites
La commission des lois a délégué l’examen au fond de cet article
à la commission des affaires sociales.
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article ouvre au préfet de département la possibilité d’autoriser certains commerces situés dans un périmètre géographique circonscrit et pour une durée limitée dans le temps à déroger à la règle du repos dominical suivant une procédure ad hoc.
Modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a substitué au dispositif initial d’extension à plusieurs établissements de l’autorisation préfectorale accordée à un établissement un dispositif octroyant au préfet de département la possibilité d’autoriser d’emblée un ou plusieurs établissements à déroger à la règle du repos dominical.
Modifications apportées par la Commission
La commission a proposé le rétablissement du dispositif initial moyennant quelques ajustements d’ordre rédactionnel.
1. L’état du droit
a. La législation nationale aménage plusieurs régimes dérogatoires à la règle du repos dominical
● L’article L. 3132-1 du code du travail interdit à l’employeur « de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine ». L’article L. 3132-2 précise que le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt‑quatre heures consécutives ([271]). Et l’article L. 3132‑3 ajoute que, dans « l’intérêt des salariés », ce repos, qui est l’une des garanties du droit au repos que reconnaît à ces derniers le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ([272]), est donné le dimanche, legs d’une loi de 1906 ([273]).
Cette dernière disposition ne porte pas atteinte à la liberté d’entreprendre, ainsi que l’a fait valoir le Conseil constitutionnel. « [E]n prévoyant que le droit au repos hebdomadaire des salariés s’exerce en principe le dimanche, le législateur […] a entendu opérer une conciliation, qui lui incombe, entre [cette liberté], qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et le dixième alinéa du Préambule de 1946 qui dispose que : " La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ". » ([274])
Elle ne méconnaît pas non plus la liberté du travail ou le principe de laïcité, le repos dominical constituant, selon la Cour de cassation, « une mesure nécessaire à la protection des droits et des libertés des salariés qui découlent des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, [mesure qui] participe d’un objectif de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs mais également de protection des liens familiaux » ([275]).
● La disposition ne s’applique cependant pas invariablement. En effet, le code du travail compte un certain nombre de dispositifs autorisant qu’il y soit dérogé, lesquels se répartissent en deux catégories. D’une part, ceux relevant de la première aboutissent à reporter le repos dominical sur un autre jour de la semaine et peuvent, selon l’activité de l’entreprise ou sa localisation, être automatiques et présenter un caractère permanent ou être limités dans le temps et subordonnés à une autorisation administrative. D’autre part, ceux relevant de la seconde tendent, dans certaines circonstances exceptionnelles, à reporter ou à réduire le repos lui-même ([276]).
– Les dérogations permanentes de droit
Certains établissements, « dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public », peuvent, sur le fondement de l’article L. 3132-12, donner le repos hebdomadaire par roulement plutôt que le dimanche uniformément. Sont concernés les établissements et les travaux ou activités énumérés dans le tableau de l’article R. 3132-5 : établissements de santé et établissements sociaux et médico‑sociaux, pharmacies, hôtels, cafés et restaurants, musées, entreprises de spectacles, établissements à caractère religieux (pour les activités directement liées à l’exercice du culte), etc.
Dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures, le régime prévu à l’article L. 3132‑13 n’ayant pas été jugé contraire aux principes de liberté religieuse ou d’égalité devant la loi, pas plus qu’à la liberté d’entreprendre ([277]).
Dans ce cas de figure, la loi garantit aux salariés des contreparties. Ceux qui sont âgés de moins de vingt et un ans et qui sont logés chez leurs employeurs bénéficient d’un repos compensateur, par roulement et par semaine, d’un autre après‑midi. Les autres bénéficient d’un repos compensateur, par roulement et par quinzaine, d’une journée entière. Au surplus, dans les commerces de ce type dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés ([278]), les salariés privés du repos dominical bénéficient d’une rémunération majorée d’au moins 30 % par rapport à la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
– Les dérogations conventionnelles
Dans les industries ou les entreprises industrielles, en vertu de l’article L. 3132-14, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité d’organiser le travail de façon continue pour des raisons économiques et d’attribuer le repos hebdomadaire par roulement. À défaut de convention ou d’accord, l’inspecteur du travail peut, après consultation des délégués syndicaux et avis du comité social et économique (CSE), s’il existe, accorder une dérogation à la règle du repos dominical.
Du reste, dans ces industries ou entreprises, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de travail étendu peut prévoir la mise en place d’une équipe de suppléance dont les membres bénéficient du repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche, conformément à l’article L. 3132-16 ([279]), et, à titre compensatoire, d’une rémunération majorée d’au moins 50 % par rapport à celle qui serait due pour une durée équivalente effectuée suivant l’horaire normal de l’entreprise, conformément à l’article L. 3132-19 ([280]).
– Les dérogations accordées par le préfet
L’article L. 3132-20 ouvre au préfet de département le droit d’octroyer des dérogations à la règle du repos dominical, pour toute l’année ou pour certaines époques de l’année seulement, « [l]orsqu’il est établi que le repos simultané [...] de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de [l’]établissement ». Le repos peut dès lors être autorisé :
– un autre jour que le dimanche pour tous les salariés de l’établissement ;
– du dimanche midi au lundi midi ;
– le dimanche après-midi avec un repos compensateur d’une journée par roulement et par quinzaine ;
– par roulement pour tout ou partie des salariés.
Une brève définition des notions de préjudice au public
et de fonctionnement normal de l’établissement compromis
Une circulaire du 24 mai 1994 (1), reprenant la position adoptée par le Conseil d’État (CE, 18 mars 1983, no 17.250), prévoit que la dérogation préfectorale de l’actuel article L. 3132-20 du code du travail peut être accordée lorsque la prise du repos simultanée le dimanche par l’ensemble du personnel de l’établissement, soit serait préjudiciable au public, soit compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement. Il s’agit de conditions alternatives et non cumulatives.
● La notion de préjudice au public doit s’entendre, aux termes de la circulaire, comme « l’impossibilité de bénéficier le dimanche de services qui soit répondent à une nécessité immédiate, insusceptible d’être différée, soit correspondent à des activités familiales ou de loisirs qui, pour la majorité de la population, ne peuvent sans inconvénient sérieux prendre place un autre jour de la semaine ».
Pour établir la réalité du préjudice, il convient d’apprécier la nature de l’activité exercée ou des produits vendus, selon leur caractère plus ou moins grand d’utilité, et la nature de la clientèle elle-même (CE, 8 juillet 1994, no 151.499 ; CE, 16 octobre 1995, nos 156.062 et 156.064 ; CE, 17 janvier 1997, no 163523).
La réalité du préjudice au public ne peut reposer sur de simples motifs de commodité ou de gêne pour la clientèle fréquentant l’établissement en cause, mais uniquement sur l’existence d’un préjudice réel subi par le public considéré (CE, 29 février 1980, no 15.024).
● En vertu de la même circulaire, le principal critère d’appréciation du fonctionnement normal compromis réside dans la comparaison du chiffre d’affaires réalisé le dimanche avec celui réalisé les autres jours de la semaine. Toutefois, ce critère n’est pas à lui seul suffisant pour justifier l’octroi d’une dérogation. Il doit être également tenu compte de « l’impossibilité d’un report suffisant de clientèle sur les autres jours de la semaine » et de « l’implantation géographique ou commerciale du magasin ». Dans tous les cas, « il doit être établi que l’atteinte portée au fonctionnement normal de l’établissement est liée à la spécificité de l’activité exercée, et que son importance est telle qu’elle met en cause la survie même de l’entreprise » (CE, 17 janvier 1997, no 168027).
(1) Circulaire DRT n° 94/5 du 24 mai 1994 relative à l’application des articles L. 221-6 à L. 221-8-1 du code du travail, relatifs aux dérogations individuelles au repos dominical des salariés du commerce et des services, accordées par les préfets.
L’autorisation est accordée pour une durée qui ne peut excéder trois ans, après avis du conseil municipal et, le cas échéant, de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont la commune est membre, de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre de métiers et de l’artisanat, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées de la commune ([281]) (article L. 3132-21).
Elle est subordonnée à la conclusion d’un accord collectif (négocié en principe dans l’entreprise) ou, à défaut, à une décision unilatérale de l’employeur prise après avis du CSE, s’il existe, approuvée par référendum organisé auprès des salariés concernés par la mesure. L’un comme l’autre arrêtent les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical et les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Lorsque l’autorisation est rendue possible par l’existence d’une décision unilatérale, chaque salarié doit bénéficier d’un repos compensateur et percevoir une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente (I de l’article L. 3132‑25-3).
L’accord collectif ou la décision unilatérale fixe, en outre, les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés (III de l’article L. 3132‑25-3).
L’autorisation accordée à un établissement peut être étendue à plusieurs ou à la totalité des établissements de la même localité exerçant la même activité et s’adressant à la même clientèle (article L. 3132-23). L’autorisation d’extension est, elle aussi, subordonnée à la conclusion d’un accord collectif applicable à l’établissement concerné par ladite extension ou, à défaut, à une décision unilatérale de l’employeur (article R. 3132‑17). Elle est soumise au respect des mêmes formalités que celles qui prévalent pour l’autorisation individuelle (article R. 3132‑16).
La décision du préfet peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative. Celui-ci est désormais dépourvu d’effet suspensif, contrairement à ce que prévoyait l’ancien article L. 3132-24.
Point fondamental, énoncé à l’article L. 3132-25-4, « seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche » ([282]).
Aux termes du même article, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour leur permettre « d’exercer personnellement leur droit de vote au titre des scrutins nationaux et locaux lorsque ceux-ci ont lieu le dimanche ».
– Les dérogations reposant sur un fondement géographique
Sont autorisés à donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés :
– dans les zones touristiques internationales, en application du I de l’article L. 3132-24 ([283]) ;
La délimitation des zones touristiques internationales
(II de l’article L. 3132-24 du code du travail)
Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et, le cas échéant, du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu de leur rayonnement international, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats.
– dans les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes, en application de l’article L. 3132‑25 ([284]) ;
– dans les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d’une zone frontalière, en application de l’article L. 3132-25-1 ([285]) ;
La délimitation des zones touristiques et des zones commerciales
(article L. 3132-25-2 du code du travail)
La demande de délimitation ou de modification des zones touristiques et des zones commerciales est faite par le maire ou, après consultation des maires concernés, par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque celui-ci existe et que le périmètre de la zone concernée excède le territoire d’une seule commune.
Elle est transmise au préfet de région. Elle est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment l’opportunité de la création ou de la modification de la zone.
Les zones sont délimitées ou modifiées par le préfet de région après avis :
– du conseil municipal des communes dont le territoire est concerné ;
– des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées ;
– de l’organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont sont membres les communes dont le territoire est concerné ;
– du comité départemental du tourisme, pour les zones touristiques mentionnées à l’article L. 3132-25 ;
– de la chambre de commerce et d’industrie et de la chambre de métiers et de l’artisanat, pour les zones commerciales mentionnées à l’article L. 3132-25-1.
Le préfet de région statue dans un délai de six mois sur la demande de délimitation dont il est saisi. Il statue dans un délai de trois mois sur une demande de modification d’une zone.
– dans l’emprise d’une gare qui n’est pas incluse dans une zone touristique internationale, compte tenu de l’affluence exceptionnelle de passagers dans ladite gare, en application de l’article L. 3132-25-6 ([286]).
La détermination de la liste des gares incluses dans le périmètre du dispositif
(article L. 3132-25-6 du code du travail)
Cette liste relève d’un arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du travail et du commerce pris après avis du maire, le cas échéant du président de l’établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre, et des représentants des employeurs et des salariés des établissements concernés.
Pour être autorisés à donner le repos hebdomadaire par roulement, les établissements situés dans l’une des zones énumérées ci-dessus doivent être couverts, soit par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord collectif de branche, soit par un accord conclu à un niveau territorial (II de l’article L. 3132-25-3).
L’accord fixe les contreparties, en particulier salariales, accordées aux salariés privés du repos dominical, celles mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Il prévoit aussi les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés (II de l’article L. 3132-25-3). Il définit les conditions dans lesquelles l’employeur tient compte de l’évolution de la situation personnelle desdits salariés (III de l’article L. 3132-25-3).
Là encore, le travail dominical ne peut reposer que sur le volontariat. L’accord doit d’ailleurs déterminer les modalités de prise en compte d’un éventuel changement d’avis des salariés soumis au régime dérogatoire (article L. 3132‑25‑4).
Enfin, l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires aux fins de leur permettre « d’exercer personnellement leur droit de vote au titre des scrutins nationaux et locaux lorsque ceux-ci ont lieu le dimanche » (article L. 3132‑25-4).
– Les dérogations accordées par le maire
L’article L. 3132-26 autorise le maire à décider, après avis du conseil municipal, que, « dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail » ([287]). Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq par année civile, la décision du maire est prise après avis conforme de l’organe délibérant de l’EPCI à fiscalité propre dont la commune est membre. Ce nombre ne peut, en tout état de cause, dépasser douze par année civile.
Dans ce cas de figure également, « seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche » (article L. 3132-27-1).
Ils doivent percevoir une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps, à charge pour l’arrêté municipal de déterminer « les conditions dans lesquelles le repos est accordé, soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit [sa] suppression » (article L. 3132‑27).
Enfin, lorsque le repos est supprimé le jour d’un scrutin national ou local, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires afin que les salariés soient en mesure d’exercer personnellement leur droit de vote (article L. 3132-26-1).
b. ... dans le respect du droit international
La législation nationale est conforme en tout point aux engagements internationaux de la France.
● Elle respecte, en premier lieu, les stipulations de la convention n° 106 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le repos hebdomadaire de 1957, ratifiée en 1971, qui constitue un cadre normatif contraignant.
L’article 6 de ce texte consacre le droit à une période de repos hebdomadaire comprenant au minimum vingt-quatre heures consécutives au cours de chaque période de sept jours et précise que ce repos doit, autant que possible, être accordé « en même temps à toutes les personnes intéressées d’un même établissement » et coïncider « avec le jour de la semaine reconnu comme jour de repos par la tradition ou les usages du pays ou de la région ».
L’article 7 admet cependant qu’il soit dérogé à ces dispositions, moyennant consultation des partenaires sociaux, « [l]orsque la nature du travail, la nature des services fournis par l’établissement, l’importance de la population à desservir ou le nombre des personnes employées » le justifient, « compte tenu de toute considération sociale et économique pertinente », sous réserve que ne soit pas mis en cause le droit à une période de repos hebdomadaire, pour chaque période de sept jours, d’une durée égale à la durée susmentionnée.
● Elle respecte, en second lieu, les exigences minimales définies par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, qui impose aux États membres de l’Union européenne de faire en sorte que « tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s’ajoutent les onze heures de repos journalier » (article 5, § 1).
2. Le dispositif proposé
a. Une dérogation spécifique justifiée par l’inadaptation à la situation des dérogations existantes
Le déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024 engendrera un afflux exceptionnel d’athlètes, de touristes et de travailleurs sur le territoire national, générateur d’opportunités de développement et de gains pour l’économie française ([288]). Pour répondre aux attentes du public, l’ouverture, le dimanche, de certains établissements, commerces alimentaires, enseignes de matériels informatiques, magasins de vêtements, prestataires de services de type coiffeurs, entre autres, pourra s’avérer nécessaire.
Toutefois, aucune des dérogations au repos dominical proposées par la législation actuelle ne paraît susceptible de répondre entièrement aux besoins que fera naître l’événement, ni les dérogations permanentes et de droit, sans contreparties légales pour les salariés, ni celles fondées sur un critère géographique, la couverture de l’intégralité des sites de compétition et de leurs alentours ne pouvant être assurée par ce moyen, ni non plus celles accordées par les préfets ou les maires.
Il résulte de cela que s’impose comme la solution idoine la création d’un dispositif dérogatoire ad hoc reposant sur l’intervention du préfet, « qui répondrait aux besoins générés par l’organisation des JOP, compte tenu des lieux de compétition et d’hébergement du public, tout en apportant aux salariés les garanties minimales (contreparties, volontariat) prévues par le code du travail » ([289]).
b. Un dispositif inspiré du droit en vigueur et strictement encadré
Spécialement conçu pour la période des JOP, le dispositif figurant à l’article 17 du projet de loi n’en est pas moins fortement inspiré du droit en vigueur. Mobilisable uniquement en l’absence de tout autre dispositif dérogatoire applicable, il est, de manière opportune, strictement encadré.
● Aux termes du premier alinéa de cet article, le préfet de département aura la possibilité, « compte tenu des besoins du public résultant de l’affluence exceptionnelle attendue de touristes et de travailleurs », d’autoriser un établissement de vente au détail qui met à disposition des biens ou des services, soit l’ensemble des commerces physiques, à l’exception des commerces de gros ([290]), à attribuer le repos hebdomadaire par roulement.
La dérogation ne pourra être accordée que dans un périmètre géographique circonscrit aux communes d’implantation des sites de compétition et aux communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites et pour une période comprise entre le 1er juin et le 30 septembre 2024. S’il est exact que cette période ne correspond pas tout à fait à celle de la tenue des JOP (du 26 juillet au 11 août pour les jeux Olympiques et du 28 août au 8 septembre pour les jeux Paralympiques), cela s’explique par le fait que la hausse de la fréquentation des lieux accueillant les épreuves sportives débutera quelques semaines avant l’ouverture de la XXXIIIe Olympiade et prendra fin quelques jours après la clôture de la XVIIe Paralympiade.
Le préfet pourra, sur le fondement du dernier alinéa, décider l’extension de la dérogation au repos dominical accordée à un établissement à tout ou partie des établissements de la même commune exerçant la même activité, afin qu’il ne leur soit pas nécessaire de déposer des demandes individuelles.
● Aux termes du deuxième alinéa, le préfet sera tenu, avant de prendre un arrêté, de consulter plusieurs autorités, appelées à se prononcer dans un délai d’un mois à compter de la date de leur saisine :
– le conseil municipal ;
– l’organe délibérant de l’EPCI à fiscalité propre dont la commune est membre ;
– la chambre de commerce et d’industrie ;
– la chambre des métiers et de l’artisanat ;
– les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés intéressées.
● Le troisième alinéa prévoit que les arrêtés préfectoraux pris sur le fondement de l’article L. 3132-29 du code du travail pourront, le cas échéant, être suspendus pendant les périodes de mise en œuvre de la dérogation. Ces arrêtés peuvent imposer un jour de fermeture hebdomadaire à l’ensemble des établissements exerçant une même profession et situés dans une zone géographique déterminée, dès lors qu’a été conclu entre les partenaires sociaux un accord sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés.
● Le quatrième alinéa apporte un certain nombre de garanties aux salariés privés du repos dominical en application du dispositif ad hoc, garanties analogues à celles que connaît déjà le droit du travail.
Ce dispositif ne pourra ainsi être mis en œuvre qu’à la condition que ces derniers soient volontaires et qu’ils aient donné leur accord par écrit à leur employeur. Ils pourront, du reste, revenir à tout moment sur leur décision sous réserve d’en informer celui-ci par écrit en respectant un délai de dix jours francs.
Qui plus est, ils bénéficieront, en guise de contreparties, d’une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et d’un repos compensateur équivalent en temps, à l’instar des salariés travaillant le dimanche sur décision du maire.
Le texte prévoit aussi qu’ils devront être en mesure d’exercer personnellement leur droit de vote à l’occasion des scrutins nationaux et locaux qui pourraient se tenir durant la période considérée.
Une double illustration du caractère supplétif du dispositif ad hoc
créé par l’article 17 du projet de loi
Le dispositif n’a pas vocation à se substituer aux dispositifs dérogatoires prévus par le code du travail. Il ne s’appliquera qu’en l’absence de toute autre dérogation mobilisable, ainsi que l’illustrent les exemples qui suivent.
● Un commerce de détail alimentaire autorisé à déroger à la règle du repos dominical jusqu’à 13 heures sur le fondement de l’article L. 3132-13 pourra faire usage du dispositif ad hoc afin d’être autorisé à ouvrir à compter de cet horaire et pour le reste de la journée. Avant 13 heures, les salariés bénéficieront des contreparties prévues au même article ; après 13 heures, ils bénéficieront des contreparties prévues à l’article 17 du projet de loi.
● Un établissement autorisé à déroger de façon permanente et pour toute la journée à la règle du repos dominical sur le fondement de l’article L. 3132-12 ne pourra pas solliciter du préfet l’autorisation d’y déroger en vertu du dispositif ad hoc. La même règle s’appliquera, entre autres, pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services, mentionnés à l’article L. 3132-24, situés dans une zone touristique internationale.
● Le dispositif institué à l’article 17 apparaît conforme aux normes juridiques qui revêtent une autorité supérieure à celle des lois, ainsi que cela ressort de l’analyse du Conseil d’État.
Il est compatible avec les stipulations de la convention n° 106 de l’OIT « dès lors notamment que le projet de loi a été soumis à l’avis de la commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle, qu’il prévoit que les arrêtés préfectoraux autorisant localement les dérogations seront soumis à l’avis préalable des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées et qu’il satisfait ainsi à l’obligation de consultation prévue par le paragraphe 4 de l’article 7 de cette convention » ([291]).
Parce qu’il n’affecte pas la durée du repos hebdomadaire prévue à l’article L. 3132‑2 du code du travail (le repos étant donné un autre jour que le dimanche), il est, par ailleurs, compatible avec le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui reconnaît aux salariés le droit au repos, de même qu’avec l’article 5 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 qui leur garantit une période minimale de repos hebdomadaire.
Il ne prive pas davantage de garanties légales l’exigence constitutionnelle résultant du dixième alinéa du même Préambule, qui charge la Nation d’assurer à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.
Enfin, il ne porte pas atteinte au principe d’égalité, en particulier entre salariés, entreprises ou collectivités territoriales.
3. Les modifications apportées par le Sénat
La commission des affaires sociales du Sénat a proposé que soient apportés à l’article 17 quelques ajustements rédactionnels ainsi qu’une modification de fond consistant dans la possibilité pour le préfet d’autoriser ab initio un ou plusieurs établissements à déroger à la règle du repos dominical. Selon la rapporteure pour avis, Mme Florence Lassarade, le nouveau mécanisme, préféré à la solution initiale, la faculté pour le préfet de décider l’extension à plusieurs établissements d’une autorisation de dérogation à cette règle accordée à un établissement, devrait permettre de mieux répondre aux « nombreuses demandes attendues de la part des commerçants concernés par la mesure » ([292]).
4. La position de la Commission
Sur proposition de la rapporteure et de Mme Annie Vidal, la commission des affaires sociales a rétabli le dispositif initial dans une rédaction plus simple et plus claire.
Elle a estimé que la solution retenue par les sénateurs soulevait une difficulté non négligeable en ce qu’elle aurait eu pour effet de contraindre chaque établissement souhaitant bénéficier du dispositif ad hoc à formuler une demande auprès du préfet et d’imposer aux services préfectoraux l’instruction de chaque demande avant délivrance de l’autorisation d’ouvrir le dimanche.
Présentée comme simplification de la procédure – objectif louable –, cette solution ne présentait en réalité de valeur ajoutée ni pour lesdits services, dont la charge de travail se serait trouvée alourdie, ni pour les établissements.
La commission a également adopté un amendement de la rapporteure améliorant la rédaction de la première phrase de l’alinéa 4 de l’article 17 pour prévoir explicitement que l’intégralité du premier alinéa de l’article L. 3132‑25‑4 du code du travail s’appliquera dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif ad hoc. Ainsi sera-t-il clairement établi non seulement que les salariés susceptibles de travailler le dimanche devront être volontaires mais aussi qu’ils ne pourront faire l’objet d’aucune mesure discriminatoire, à l’embauche ou ultérieurement, dans le cas où ils ne souhaiteraient pas travailler ce jour-là.
En outre, elle a adopté deux amendements rédactionnels de la rapporteure.
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Article 18
Expérimentation de l’attribution d’autorisations de stationnement à des personnes morales en vue de développer les transports de personnes à mobilité réduite dans l’agglomération parisienne
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 18 du projet de loi permet au préfet de police, dans sa zone de compétence et à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2024, de délivrer des autorisations de stationnement à des personnes exploitant des taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur a réformé le système d’attribution des autorisations de stationnement et le statut des locataires de taxi.
Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a supprimé l’obligation pour les personnes morales de disposer de dix autorisations de stationnement au minimum pour bénéficier de l’expérimentation, qu’il a étendue aux personnes physiques. Il a par ailleurs ouvert le bénéfice du dispositif aux taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite, et non plus aux seuls taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant.
Principaux apports de la commission des Lois
La Commission est revenue sur les modifications de fond apportées par le Sénat. Elle a adopté deux amendements identiques de M. Stéphane Mazars, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et de votre rapporteur, afin de conditionner le bénéfice des ADS distribuées à l’exploitation de taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Sur proposition de votre rapporteur, elle a également recentré le dispositif sur les personnes morales détenant plus de dix autorisations de stationnement.
1. L’état du droit
Aux termes de l’article L. 3121-1 du code des transports, les taxis sont des « véhicules automobiles […] dont le propriétaire ou l’exploitant est titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie publique, en attente de la clientèle, afin d’effectuer, à la demande de celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs bagages ».
L’article L. 2213-33 du code général des collectivités territoriales prévoit que le maire, ou le préfet de police de Paris dans sa zone de compétence, peut délivrer des autorisations de stationnement sur la voie publique aux exploitants de taxi.
Par un arrêté du ministre de l’intérieur en date du 10 novembre 1972 ([293]), le préfet de police est compétent pour la zone constituée de Paris ainsi que du territoire de 27 communes du département des Hauts-de-Seine, de 24 communes du département de Seine-Saint-Denis, de 29 communes du département du Val-de-Marne, et des parties des départements de Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d’Oise situées sur les emprises des aéroports de Paris Charles-de-Gaulle, d’Orly et de Paris-Le Bourget, ainsi que du parc des expositions de Villepinte.
Les taxis munis des autorisations de stationnement délivrées par le préfet de police sont appelés « taxis parisiens ».
Les modalités d’attribution de ces autorisations de stationnement (ADS), qui sont encadrées par le code des transports, ont fait l’objet d’une réforme importante en 2014, avec la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, dite loi « Thévenoud » ([294]).
Deux types d’ADS coexistent actuellement et se voient appliquer un régime différent, selon qu’elles aient été délivrées avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 1er octobre 2014 :
– les ADS antérieures à cette date restent cessibles à titre onéreux. Elles peuvent être exploitées par leur titulaire ou par un salarié, ou mises en location gérance ;
– les ADS postérieures à cette date sont incessibles, ont une durée de validité de cinq ans, et sont renouvelables sous certaines conditions. Elles sont délivrées à titre gratuit à des personnes inscrites sur la liste d’attente tenue par l’autorité compétente (dans la zone parisienne, par le préfet de police). Les candidats doivent être titulaires d’une carte professionnelle en cours de validité, délivrée par le Préfet de police de Paris, et ne pas être déjà titulaires d’une autorisation de stationnement ([295]).
La procédure actuelle repose sur une liste d’attente rendue publique : les nouvelles ADS sont attribuées aux personnes physiques selon l’ordre d’inscription sur la liste d’attente. Elles sont toutefois délivrées en priorité aux personnes qui peuvent justifier de l’exercice de l’activité de conducteur de taxi pendant au moins deux ans au cours des cinq dernières années (ces conducteurs sont ainsi prioritaires par rapport aux personnes qui seraient mieux placées sur la liste d’attente, mais ne rempliraient pas cette condition d’exercice).
Actuellement, plus de 19 000 ADS sont en vigueur sur le territoire de compétence du préfet de police de Paris.
NOMBRE D’ADS de taxis parisiens depuis 2019 (AU 1er janvier)
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2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
ADS en circulation |
18 524 |
18 524 |
18 524 |
18 824 |
19 124 |
Nombre d’ADS délivrées au cours de l’année |
600 |
0 |
0 |
300 |
300 (p) |
Source : cabinet de la ministre des Sports et des jeux Olympiques et Paralympiques en réponse au questionnaire du rapporteur.
La répartition du nombre d’ADS de taxis parisiens actuellement détenues, par catégorie de personnes, est présentée dans le tableau suivant.
RÉpartition du nombre d’ADS par catÉgorie de personne
|
Nombre d’ADS au 1er janvier 2023 |
Personnes physiques |
12 508 |
dont ADS pre-2014 |
11 303 |
dont ADS post-2014 |
1 205 |
Personnes morales |
6 637 |
Total |
19 124 |
Les données transmises font apparaît un écart d’une unité entre la somme de chaque ligne et le total indiqué.
Source : cabinet de la ministre des Sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, en réponse au questionnaire du rapporteur.
Les règles encadrant la délivrance de nouvelles ADS paraissent actuellement trop strictes pour assurer le développement d’une flotte de taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant, qui est pourtant une nécessité, non seulement dans le cadre de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, mais plus généralement, pour favoriser l’inclusion de ces personnes.
Selon les données issues de l’étude d’impact, il y aurait actuellement au moins 62 000 personnes en fauteuil roulant résidant en Île-de-France. S’y ajoutent les personnes qui s’y déplacent pour des raisons professionnelles ou personnelles, notamment touristiques ([296]).
Malgré cet important besoin, la flotte de taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant en Île-de-France reste faible. Actuellement, seules 220 ADS de taxis parisiens doivent obligatoirement être exploitées avec un véhicule accessible aux usagers en fauteuil roulant.
Les véhicules accessibles aux personnes en fauteuil roulant, d’une dimension plus importante que les véhicules classiques et faisant l’objet d’aménagements spécifiques, sont en effet plus coûteux. Selon les informations obtenues par votre rapporteur, le coût de l’aménagement d’un véhicule est estimé à environ 10 000 euros hors taxes, tandis que le coût d’acquisition d’un véhicule essence directement équipé est de l’ordre de 35 000 euros ([297]). Pour des vans de plus grande taille disposant d’une motorisation électrique, les tarifs sont d’environ 55 000 à 65 000 euros, équipement d’accessibilité compris.
Le Gouvernement a annoncé sa volonté de développer la flotte de taxis parisiens accessibles aux personnes se déplaçant en fauteuil roulant à hauteur de 1 000 taxis accessibles d’ici 2024, dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques, mais également pour renforcer à plus long terme les moyens disponibles.
Deux dispositifs réglementaires doivent permettre de contribuer à l’atteinte de cet objectif, en y associant les personnes physiques exploitants des taxis.
Premièrement, le décret du 14 mai 2022 a mis en place une aide financière à l’acquisition ou à la location longue durée de taxis peu polluants accessibles aux fauteuils roulants, qui permet de couvrir jusqu’à 40 % du coût d’acquisition du véhicule ([298]).
Cette aide, si elle est bienvenue, s’adresse toutefois aux personnes physiques qui sont déjà titulaires d’une ADS.
Deuxièmement, le code des transports permet de conditionner la délivrance ou le renouvellement d’ADS à l’utilisation d’équipements permettant l’accès du taxi aux personnes à mobilité réduite (PMR) ([299]). Cette disposition devrait être prochainement mise en œuvre par le préfet de police de Paris.
Le Gouvernement relève toutefois dans l’étude d’impact que ces possibilités ne seront « pas [suffisantes] pour atteindre l’objectif fixé à 1 000 véhicules exploités comme taxis » accessibles aux personnes en fauteuil roulant, compte tenu notamment des « délais de livraison actuellement constatés qui impliquent d’être à même de mobiliser une capacité à engager des investissements que les taxis indépendants ne semblent pas en capacité de réaliser en nombre suffisant, dans le calendrier des Jeux ».
Les sociétés de taxis de taille suffisante seraient plus à même de réaliser de tels investissements. Or, comme cela a été rappelé précédemment, le code des transports ne permet pas, en l’état du droit, de délivrer à des personnes morales de nouvelles ADS dont l’exploitation serait assurée par des salariés ou par un locataire gérant.
2. Le dispositif proposé
L’article 18 du projet de loi permet au préfet de police de Paris, dans sa zone de compétence et à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2024, de délivrer des autorisations de stationnement à des personnes exploitant des taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant.
Le I de l’article prévoit ainsi qu’aux fins de contribuer, notamment pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, à l’accessibilité des transports publics particuliers aux personnes en fauteuil roulant, le préfet de police de Paris peut, dans sa zone de compétence et jusqu’au 31 décembre 2024, délivrer à titre expérimental, par dérogation aux dispositions du code des transports, des autorisations de stationnement à des personnes morales exploitant des taxis.
Ces autorisations ne peuvent être délivrées qu’à des personnes morales titulaires d’au moins dix autorisations de stationnement exploitées dans la zone de compétence du préfet de police, et ne peuvent être exploitées qu’avec des taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Comme les ADS délivrées depuis le 1er octobre 2014, elles sont incessibles, et sont valables pour une durée de cinq ans à compter de la date de leur délivrance. En revanche, s’agissant d’un dispositif expérimental, elles ne sont pas renouvelables.
Ce seuil de dix autorisations s’explique par la volonté de cibler les acteurs présentant une capacité financière suffisante pour réaliser les investissements attendus. L’étude d’impact relève « qu’un enjeu essentiel pour l’atteinte de l’objectif est la capacité à investir pour commander rapidement un volume suffisant de véhicules accessibles, à livrer pour 2024 […]. Dans un contexte de délais de livraison longs pour les véhicules, viser les personnes morales disposant déjà d’au moins dix autorisations de stationnement, donc bien insérées dans le secteur, permet de s’assurer de la capacité des entreprises bénéficiaires de telles ADS à acheter des véhicules accessibles, à inciter des chauffeurs à investir dans ce dispositif et à consolider une offre de qualité pour la réservation de taxis accessibles ».
Selon les données obtenues par votre rapporteur, sur le territoire de compétence du préfet de police de Paris, il existe actuellement 55 sociétés disposant de 10 ADS ou plus, pour un total de 2 743 ADS.
Ventilation du nombre de personnes morales en fonction
du nombre d’ads détenues
Nombre d’ADS |
Nombre de sociétés |
10 ADS |
6 sociétés |
De 11 à 20 ADS |
32 sociétés |
De 21 à 50 ADS |
10 sociétés |
De 51 à 100 ADS |
0 société |
Plus de 100 ADS |
7 sociétés |
Total : 2 743 ADS |
Total : 55 sociétés |
Source : cabinet de la ministre des Sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, en réponse au questionnaire du rapporteur.
Enfin, le dernier alinéa du I renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des conditions et modalités d’attribution de ces autorisations, qui seront délivrées hors liste d’attente.
La procédure de droit commun actuellement prévue par le code des transports, reposant sur une liste d’attente rendue publique, ne serait pas applicable. Les ADS seraient ainsi attribuées selon des critères restant à définir.
S’agissant du nombre d’ADS qui seront délivrées sur le fondement du présent article, le cabinet de la ministre des Sports et des jeux Olympiques et Paralympiques a confirmé à votre rapporteur que l’objectif était bien d’allouer des ADS supplémentaires, conduisant à une augmentation, limitée et temporaire, du nombre d’ADS en circulation en zone parisienne. S’inscrivant dans un contexte d’offre insuffisante pour répondre à la demande, cette augmentation n’est pas de nature à modifier les grands équilibres économiques du secteur, et répond à la nécessité de proposer des moyens de transport adaptés aux personnes en fauteuil roulant.
Le nombre d’ADS qui seraient délivrées sur le fondement du présent article est en cours d’estimation par les services du ministère de l’Intérieur. Il devrait, en tout état de cause, être significativement inférieur à 1 000, dans la mesure où cet article ne sera pas le seul instrument mobilisé pour atteindre l’objectif d’une offre de transport adaptée aux personnes en fauteuil roulant. Comme cela a été évoqué précédemment, deux autres leviers devraient, en effet, être utilisés : d’une part, les personnes déjà titulaires d’une ADS peuvent, lors du renouvellement de leur véhicule, opter pour un véhicule adapté et, à ce titre, bénéficier de l’aide financière proposée ; d’autre part, le préfet de police de Paris peut décider d’attribuer aux personnes physiques inscrites sur la liste d’attente de nouvelles ADS conditionnées à l’utilisation de véhicules adaptés.
L’étude d’impact précise enfin que le nombre d’autorisations délivrées dans le cadre de ces dispositions fera l’objet d’une consultation au sein de la Commission locale du transport public particulier de personnes (T3P), présidée par le préfet de police de Paris ou son représentant.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État relevait que « ces dérogations sont justifiées par la très grande faiblesse de l’offre de taxis aménagés pour le transport de passagers en fauteuil roulant […], l’urgence d’en augmenter le nombre, tout particulièrement à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques, et le coût très élevé des aménagements en cause pour l’exploitant ».
Le II précise que, par dérogation aux dispositions du code des transports, l’exploitation des ADS ainsi délivrées pourra être assurée par des salariés, ou par un locataire gérant auquel la location d’une autorisation et d’un taxi a été concédée. Le montant du loyer sera fixé en cohérence avec les coûts ou les charges supportés par chacune des parties.
L’étude d’impact relève que cette mesure apportera un avantage économique aux personnes morales qui en bénéficieront, lequel sera répercuté sur les contrats de location-gérance établis. Ainsi, « les professionnels taxis susceptibles d’exploiter ces ADS sont aujourd’hui des salariés du secteur, titulaires d’un titre professionnel de conducteur qui auront ainsi l’opportunité de se positionner comme locataires-gérants et donc de travailler en tant qu’indépendants ».
Le III prévoit, enfin, que le Gouvernement remette au Parlement, au plus tard le 30 juin 2025, un rapport d’évaluation de l’expérimentation, afin de déterminer notamment l’opportunité de sa pérennisation et de son extension en dehors de la zone de compétence du préfet de police de Paris.
3. Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a apporté deux modifications à cet article.
Suivant la proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a supprimé la limitation du bénéfice du dispositif aux seules personnes morales titulaires d’au moins dix ADS exploitées dans la zone de compétence du préfet de police de Paris, relevant que « cette limitation pose question au regard du principe d’égalité, sans que le seuil de 10 autorisations de stationnement et l’exclusion des personnes physiques ne puissent s’expliquer par des critères objectifs » ([300]).
Elle a ainsi prévu que le dispositif puisse bénéficier :
– aux personnes physiques titulaires d’une carte professionnelle en cours de validité, délivrée par le préfet de police de Paris ;
– ainsi qu’aux personnes morales titulaires d’au moins une autorisation de stationnement exploitée dans la zone de compétence du préfet de police de Paris.
En séance publique, toujours sur proposition de Mme Canayer, et malgré une demande de retrait du Gouvernement, le Sénat a étendu le bénéfice de la mesure à l’ensemble des personnes exploitant des taxis accessibles aux « personnes à mobilité réduite » – et non plus seuls taxis accessibles aux « personnes en fauteuil roulant » ([301]).
Présentée comme une mesure de cohérence rédactionnelle, cette substitution emporte néanmoins des conséquences de fond et abaisse le niveau d’exigences concernant les véhicules concernés.
En effet, les véhicules dits « accessibles aux personnes en fauteuils roulants » sont les véhicules dans lesquels la personne peut embarquer en toute sécurité, sans avoir à descendre de son fauteuil, ce qui implique la réalisation d’aménagements conséquents et coûteux, comme cela a été précédemment évoqué. Le champ des personnes à mobilité réduite est en revanche bien plus large.
Personnes à mobilité réduite et personnes en fauteuil roulant
L’article 2 de l’arrêté du 23 août 2013 relatif aux conditions d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite des véhicules terrestres à moteur de la catégorie M1 définit le terme « personnes à mobilité réduite » comme « toutes personnes ayant des difficultés pour utiliser les transports publics, telles que, par exemple, les personnes handicapées (y compris les personnes souffrant de handicaps sensoriels et intellectuels et les personnes en fauteuil roulant), les personnes handicapées des membres, les personnes de petite taille, les personnes transportant des bagages lourds, les personnes âgées, les femmes enceintes, les personnes ayant un chariot roulant et les personnes avec enfants (y compris enfants en poussette) ».
L’annexe 1 de ce même arrêté définit les prescriptions applicables aux véhicules, et distingue le « véhicule aménagé pour être accessible aux personnes à mobilité réduite autres que les utilisateurs de fauteuil roulant » du « véhicule aménagé pour être accessible aux utilisateurs de fauteuil roulant ».
Par ailleurs, les normes spécifiquement applicables aux véhicules accessibles en fauteuil roulant sont précisées par l’arrêté du 9 août 2022 relatif aux caractéristiques techniques particulières d’accessibilité pour l’attribution de l’aide à l’acquisition ou à la location de taxis peu polluants transportant des personnes à mobilité réduite et utilisateurs de fauteuils roulants.
4. Les modifications apportées par la commission des Lois
La Commission est revenue sur les deux modifications de fond apportées par le Sénat.
Elle a adopté deux amendements identiques de M. Stéphane Mazars, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, et de votre rapporteur, afin de rétablir la référence aux taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant, et non aux taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite ([302]).
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a également recentré le dispositif sur les personnes morales détenant de plus de dix autorisations de stationnement ([303]).
Premièrement, il ne paraît pas pertinent d’étendre ce dispositif aux personnes physiques. Le code des transports permet déjà de conditionner la délivrance ou le renouvellement d’ADS à l’utilisation d’équipements assurant l’accessibilité du taxi dans les conditions de droit commun. Les ADS délivrées en application des dispositions actuelles du code des transports sont renouvelables, ce qui est plus favorable pour les personnes physiques bénéficiaires (au contraire des ADS délivrées dans le cadre de l’expérimentation).
Deuxièmement, le dispositif doit être ouvert aux personnes morales de taille suffisante : les délais de livraison des véhicules sont longs, et la capacité à investir est un enjeu essentiel pour commander rapidement un volume suffisant de véhicules accessibles à livrer pour 2024. À cet égard, le seuil de 10 ADS qui était proposé dans le projet de loi initial paraît pertinent.
Troisièmement, la mise en place de l’expérimentation implique un suivi spécifique afin de pouvoir disposer de retours d’informations fiables sur l’activité des véhicules exploités grâce à ces nouvelles ADS. Cela implique une structuration et une insertion économique suffisante des bénéficiaires du dispositif.
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Article 18 bis (nouveau)
(art. L. 3121-1-1 du code des transports)
Ouvrir la possibilité, pour l’autorité administrative compétente, de fixer un signe distinctif permettant de reconnaître facilement les taxis accessibles
aux personnes à mobilité réduite
Introduit par la Commission
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 18 bis, introduit par la Commission sur proposition de Mme Sandra Regol (Écologiste NUPES), suivant l’avis favorable de votre rapporteur, a ouvert la possibilité, pour l’autorité administrative compétente, de fixer un signe distinctif permettant de reconnaître facilement les taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur a prévu la possibilité de fixer des signes distinctifs communs à l’ensemble des taxis.
Le commentaire de l’article 18 présente le cadre juridique applicable à la délivrance des autorisations de stationnement sur la voie publique (ADS) aux exploitants de taxis. Ces ADS constituent le nom officiel des « licences de taxi ».
Aux termes de l’article L. 2213-33 du code général des collectivités territoriales, l’autorité administrative compétente pour délivrer les ADS est le maire, ou le préfet de police de Paris dans sa zone de compétence.
L’article L. 3121-1-1 précise que l’autorité administrative compétente pour délivrer les ADS peut fixer des signes distinctifs communs à l’ensemble des taxis, notamment une couleur unique de ces véhicules automobiles.
Afin d’améliorer au maximum la lisibilité des solutions disponibles, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement de Mme Sandra Regol qui ouvre la possibilité pour l’autorité administrative compétente de fixer un signe distinctif permettant de reconnaître facilement les taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite ([304]).
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Chapitre V
Dispositions relatives à l’outre-mer
Article 19
(art. L. 283-2, L. 284-2, L. 285-2, L. 286-2, L. 287-2, L. 288-1, L. 288-2, L. 645‑1, L. 646‑1, L. 647‑1, L. 765‑1, L. 766‑1 et L. 767‑1 du code de la sécurité intérieure, art. 711-1 du code pénal)
Application des dispositions du projet de loi dans les outre-mer
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, l’article 19 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires à l’adaptation et à l’extension des dispositions de la présente loi dans les collectivités territoriales qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie.
Les modifications apportées par le Sénat
Suivant la proposition de sa rapporteure ([305]), le Sénat a inscrit directement au présent article les dispositions nécessaires à l’application et à l’adaptation du projet de loi dans ces territoires et a, par cohérence, supprimé l’habilitation à légiférer par ordonnance.
Principaux apports de la commission des Lois
Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a adopté trois amendements rédactionnels, et a tiré les conséquences de la nouvelle rédaction de l’article 4 du projet de loi, issue du Sénat, afin de permettre l’adaptation de l’article 226-25 du code pénal à Mayotte ([306]).
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AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION
Première partie : un projet de loi transversal examiné par plusieurs commissions permanentes
I. Le projet de loi : Une ultime loi olympique avant la tenue des Jeux en France
Le projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions est le deuxième projet de loi olympique présenté au Parlement, après la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 ([307]). Cette première loi avait pour objet de tirer les conséquences, dans la législation française, des stipulations du contrat de ville-hôte ([308]), de prendre certaines dispositions dérogatoires aux règles relatives à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme, à l’environnement, au logement et aux transports, et visait à garantir un haut niveau d’éthique et d’intégrité dans la préparation et l’organisation de l’événement.
À dix-huit mois de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques d’été en France, pour la première fois depuis un siècle, le Gouvernement a jugé nécessaire, à l’issue d’un travail de recensement des besoins en matière législative mené par la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop), « d’adopter quelques mesures complémentaires nécessaires à l’organisation de cette manifestation sans équivalent » ([309]).
À l’issue des travaux du Sénat, première assemblée saisie du texte en première lecture, le présent projet de loi comporte vingt-quatre articles répartis en quatre chapitres.
Le Conseil d’État et la Haute Assemblée ont constaté que le Gouvernement avait fait le choix de proposer de nombreuses mesures à caractère permanent : sur les dix-neuf articles initiaux, seuls huit apparaissent comme spécifiques aux Jeux : les articles 1er, 2, 4, 9, 14, 15, 16 et 17. Huit articles sont présentés comme des mesures de mise en conformité ou de nouveaux dispositifs conçus comme pérennes (articles 3, 5, 6, 8, 10, 11, 12 et 13). Enfin, deux articles prévoient des dispositifs expérimentaux qui ont vocation à perdurer s’ils sont évalués positivement (articles 7 et 18).
Le Sénat, suivant la recommandation du Conseil d’État ([310]), a par conséquent décidé de modifier l’intitulé du projet de loi, le complétant par les mots : « et portant diverses autres dispositions ».
Le chapitre Ier (trois articles) propose des adaptations, pour la durée des Jeux, en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours : installation au sein du visage olympique et paralympique d’un centre de santé spécifique (polyclinique olympique et paralympique), autorisation accordée à certains médecins et professionnels de santé étrangers d’exécuter des actes médicaux sur les sites des compétitions, adaptation des dispositions applicables aux organismes habilités à dispenser des actions de formation en matière de secourisme. Comme au Sénat, l’examen des articles 1er et 2 a été délégué au fond à la commission des affaires sociales.
Le chapitre II (trois articles) renforce le dispositif de lutte contre le dopage. Alors qu’il autorisait initialement, pour la seule durée des Jeux et aux seules fins de mettre en évidence la présence et l’usage de substances ou de méthodes interdites, la réalisation d’analyses consistant en l’examen de caractéristiques génétiques, en dernier recours, c’est-à-dire lorsque les autres techniques disponibles ne permettent pas d’aboutir au même résultat, le Sénat a décidé de pérenniser l’ensemble des tests génétiques (comparaison d’empreintes génétiques et examen des caractéristiques génétiques), sans passer par une phase d’expérimentation pendant la durée des Jeux, justifiant ce choix par la nécessité de mettre en conformité le droit français avec le code mondial antidopage. Les deux articles initiaux de ce chapitre ont été examinés par la commission des lois du Sénat, la commission de la culture se saisissant pour avis de l’article 4. La commission des lois de l’Assemblée nationale, saisie au fond, a pour sa part décidé de déléguer l’examen au fond de ces trois articles à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Les dispositions du chapitre III (onze articles) visent à mieux garantir la sécurité. Deux de ces articles modifiant le code du sport (articles 12 et 13), la commission des lois de la Haute Assemblée a fait le choix d’en confier l’examen au fond à la commission de la culture.
Le chapitre IV (six articles) rassemble des dispositions diverses nécessaires à la bonne organisation des Jeux et le chapitre V comprend un article unique dont la rédaction initiale habilitait le Gouvernement à étendre et à adapter par ordonnance les dispositions du projet de loi dans les outre-mer. Le Sénat a décidé de prévoir expressément l’application du projet de loi dans les territoires ultramarins, sans renvoyer à une ordonnance.
En application de l’article 87, alinéa 2, du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission des lois a délégué l’examen des articles 4, 4 bis, 5, 14 A et 14 à la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Alors qu’au Sénat la commission saisie au fond avait confié l’examen des articles 12 et 13 à la commission de la culture, la commission des lois a fait le choix d’examiner elle‑même ces deux articles, ainsi que l’article 12 bis introduit par les sénateurs.
À l’initiative de sa présidente et compte tenu des travaux actuellement menés au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur les Jeux ([311]), cette dernière a décidé de se saisir pour avis de l’ensemble des articles du projet de loi examinés au fond par la commission des lois.
Deuxième partie : un événement d’ampleur inédite, nécessitant de nouvelles adaptations législatives
Du 26 juillet au 8 septembre 2024, la France accueillera les jeux Olympiques et Paralympiques. Si la France a l’habitude d’organiser de grands événements sportifs internationaux et a acquis une expertise incontestable en la matière, l’organisation des Jeux constitue à tous points de vue un immense défi, mobilisant de nombreux acteurs : État, collectivités territoriales, mouvement sportif, entreprises françaises, partenaires sociaux, opérateurs de transports, société civile, forces de sécurité intérieure… Ces derniers devront faire preuve d’une très grande capacité de coordination, qui déterminera pour une grande part la réussite de l’événement. Le rapporteur pour avis, membre du groupe de travail de la commission des affaires culturelles et de l’éducation chargé de suivre la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et co-rapporteur, aux côtés de son collègue Stéphane Peu, de la mission d’information sur les retombées des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sur le tissu économique et associatif local, a pu rencontrer l’ensemble de ces acteurs dans le cadre de ses travaux et souhaite saluer leur engagement et leur sérieux.
En second lieu et plus spécifiquement, la tenue des Jeux en France et les cérémonies associées constituent un défi de taille pour les forces de sécurité intérieure, qui devront à la fois faire face à une probable délinquance d’opportunité et maintenir un niveau de protection élevé de la population en dehors des sites olympiques et paralympiques, dans un contexte de fortes tensions capacitaires.
Quelques chiffres suffisent à prendre la mesure du caractère inédit de l’événement. Près de 15 000 athlètes olympiques et paralympiques et 20 000 journalistes accrédités sont attendus en vue des 329 épreuves olympiques et des 549 épreuves paralympiques. Les épreuves auront lieu dans 72 collectivités hôtes et devraient mobiliser plus de 40 000 bénévoles. Le nombre de téléspectateurs est estimé à 4 milliards, pour 350 000 heures de diffusion.
La première condition de la réussite des Jeux est naturellement la livraison des équipements olympiques et paralympiques dans les délais prévus. La France a fait le choix d’une gouvernance originale, en confiant à la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), un établissement public industriel et commercial, la maîtrise d’ouvrage directe de certains ouvrages et la supervision de l’ensemble des maîtrises d’ouvrages olympiques et paralympiques.
La Solideo
Le statut de la Solideo est défini à l’article 53 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Établissement public national à caractère commercial et industriel, la Solideo a pour mission de veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation de l’ensemble des opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, dans les délais fixés par le Comité international olympique. À cet effet, la Solideo a passé avec le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP), une convention fixant la liste, la programmation et le descriptif des ouvrages.
La loi lui attribue un pouvoir de coordination des maîtres d’ouvrage responsables des ouvrages et des opérations d’aménagement, avec lesquels elle conclut des conventions d’objectifs, dont elle contrôle la réalisation et le respect des délais. Outre cette fonction de supervision, la Solideo assure elle-même la maîtrise d’ouvrage du village olympique et paralympique et du village des médias. L’ensemble des ouvrages olympiques et paralympiques doivent être livrés en décembre 2023.
La Solideo coordonne 32 maîtres d’ouvrage publics et privés, représentant 64 ouvrages olympiques. La maquette budgétaire de l’établissement public, révisée en décembre 2022, distingue les financements spécifiques à l’organisation des Jeux et les financements complémentaires réalisés à l’occasion des Jeux. Au sein de cette première part, l’État investit 946 millions d’euros constants (valeur 2016), et les collectivités territoriales 457,1 millions d’euros, soit un total de financements publics de 1 403 millions d’euros. À cette somme s’ajoutent les financements complémentaires publics hors État réalisés à l’occasion des Jeux, qui s’élèvent à 473,6 millions d’euros, portant le total des investissements publics à 1,87 milliard d’euros, sur un budget total de 4 milliards d’euros.
Cette gouvernance a fait ses preuves. Le calendrier de livraison des ouvrages est respecté et les procédures internes et de gestion de la Solideo sont rigoureuses. La Cour des comptes, dans son rapport au Parlement sur l’organisation des Jeux ([312]), a ainsi jugé le reporting des projets et des risques « de grande qualité et précis » et l’état d’avancement des ouvrages « globalement conforme au programme ». Un audit global du comité d’audit de l’établissement public, dont les résultats ont été présentés au conseil d’administration du 13 juillet 2022, a souligné « la solidité, la fiabilité et l’efficacité des dispositifs de pilotage, de suivi et de gestion des risques de l’établissement ».
Le rapporteur pour avis rejoint la Cour des comptes dans son appréciation et renouvelle sa confiance au directeur général de la Solideo, M. Nicolas Ferrand, ainsi qu’à ses équipes, pour la conduite jusqu’à leur terme des chantiers olympiques et paralympiques, confiance qu’il leur a déjà témoignée dans le point d’étape de la mission d’information de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur les retombées des Jeux sur le tissu économique et associatif local ([313]).
La réussite des jeux Olympiques et Paralympiques suppose en deuxième lieu un fort engouement populaire, ce que le rapporteur pour avis a souligné dans son point d’étape, appelant l’État et le COJOP à déployer une stratégie de communication plus volontariste, afin de renforcer l’adhésion du public et du monde sportif (proposition n° 21).
L’ampleur de cet engouement conditionnera pour partie la mobilisation des 45 000 bénévoles olympiques attendus par le COJOP. Une charte du volontariat olympique et paralympique a été publiée, en application de l’article 8 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Les co-rapporteurs de la mission d’information ont appelé l’État et le COJOP à définir de concert un système de reconnaissance des missions réalisées par les bénévoles, par exemple dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience, afin de reconnaître et valoriser leur engagement (proposition n° 20).
En outre, le Gouvernement a souhaité mettre en place une billetterie populaire, via l’achat et la distribution par l’État de 400 000 billets à des publics prioritaires. Au vu des tarifs élevés affichés par la billetterie du COJOP (