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N° 1673

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 septembre 2023.

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, pour le plein emploi,

 

 

 

 

Par M. Paul CHRISTOPHE et Mme Christine LE NABOUR,

Députés.

 

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat :  710, 801, 802 et T.A. 158 (2022-2023)

Assemblée nationale :  1528.

 

 


 


  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

TITRE Ier UN ACCOMPAGNEMENT PLUS PERSONNALISÉ  DES DEMANDEURS D’EMPLOI DANS LE CADRE  D’UN CONTRAT D’ENGAGEMENT rÉciproque UNIFIÉ  ET D’UN RÉGIME DE DROITS ET DEVOIRS RÉNOVÉ

Article 1er A (nouveau) Réaffirmer les principes fondamentaux du service public de l’emploi et le droit à l’information des demandeurs d’emploi

Article 1er Mieux orienter et accompagner les demandeurs d’emploi

Article 2 Redéfinir les droits et devoirs des demandeurs d’emploi

Article 2 bis (nouveau) Obliger les offres d’emploi à inclure des éléments décrivant l’environnement de travail

Article 3 Renforcer les droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active

TITRE II UN RENFORCEMENT DES MISSIONS DES ACTEURS  AU SERVICE DU PLEIN EMPLOI GRÂCE  À UNE ORGANISATION RÉNOVÉE  ET UNE COORDINATION PLUS EFFICIENTE

Article 4 Créer le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi

Article 4 bis (nouveau) Permettre à un demandeur d’emploi de faire état de son handicap et à un employeur de préciser l’environnement de travail du poste proposé dans les systèmes d’information de l’opérateur France Travail

Article 5 Transformer Pôle emploi en opérateur France Travail

Article 6 Instituer les organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi

Article 7 Clarifier les compétences respectives de l’État et de la région en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi

TITRE III FAVORISER L’ACCÈS À l’emploi  des personnes EN SITUATION DE HANDICAP

Article 8 Favoriser l’insertion dans l’emploi des personnes en situation de handicap

Article 8 bis A Créer un service numérique pour recenser les aménagements ayant bénéficié à une personne en situation de handicap tout au long de sa vie

Article 8 bis B Autoriser une convention conclue entre deux entreprises à organiser, à l’occasion d’une mobilité professionnelle, la portabilité des équipements contribuant à l’adaptation du poste de travail d’une personne en situation de handicap

Article 8 bis Pérenniser le dispositif expérimental autorisant la mise à disposition d’une entreprise utilisatrice d’un salarié temporaire bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

Article 9 Conférer de nouveaux droits aux personnes handicapées accueillies dans un établissement ou un service d’aide par le travail

TITRE III bis Évaluation du dispositif France Travail (Division nouvelle)

Article 9 bis (nouveau) Prévoir la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement pour évaluer les mesures portées par les articles des titres Ier à III de la loi

TITRE IV Gouvernance en matiÈre d’accueil du jeune enfant

Article 10 Améliorer la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant

Article 10 bis (nouveau) Rénover les modalités d’inspection et de contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant

TITRE V Dispositions applicables  dans les territoires d’outremer

Article 11 Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l’adaptation des dispositions du projet de loi aux outre-mer

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. COMPTE RENDU DE L’AUDITION de m. oLIVIER DUSSOPT, MINISTRE du travail, du plein emploi et de l’insertion, ET DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 16 heures

II. Examen des articles

1. Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 16 heures (avant l’article 1er à article 1er)

2. Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 21 heures (article 1er [suite])

3. Réunion du mardi 19 septembre 2023 à 15 heures (article 1er [suite] à article 2)

4. Réunion du mardi 19 septembre 2023 à 21 heures 30 (article 2 [suite])

5. Réunion du mercredi 20 septembre 2023 à 9 heures 30 (article 2 [suite])

6. Réunion du mercredi 20 septembre 2023 à 15 heures (article 3 à article 4)

7. Réunion du mercredi 20 septembre 2023 à 21 heures 30 (article 4 [suite] à article 11)

ANNEXES

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

Annexe  2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen dU Projet de loi

 

 


  1  —

Avant-propos

 Depuis 2017, l’objectif du plein emploi mobilise le Gouvernement au travers d’un certain nombre de réformes qui ont, malgré la crise économique, porté leurs fruits.

Avec un taux de chômage de 7,2 % au deuxième trimestre 2023, nous pouvons nous féliciter d’avoir inversé une tendance qui a trop longtemps exclu des millions de nos concitoyens du marché du travail en les maintenant dans une situation économique précaire.

Si les bons résultats que nous constatons aujourd’hui sont le produit des réformes que le Gouvernement a conduites, notamment en matière sociale, fiscale et industrielle, l’action de la majorité présidentielle doit résolument se poursuivre afin de proposer à tous les demandeurs d’emploi une solution d’accompagnement globale et individualisée.

● L’urgence est d’autant plus grande que nous constatons, depuis plusieurs mois, de fortes tensions sur le marché du travail avec des difficultés de recrutement dans un grand nombre de secteurs. Dans le même temps, un nombre trop important de nos concitoyens continuent de faire face à l’exclusion et à la grande pauvreté, ce qui n’est pas acceptable.

Le Gouvernement a engagé des réformes pour tenter de mettre fin à cette situation, au nombre desquelles figurent celles portées par la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ou le projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise.

● Le présent projet de loi, pour sa part, rénove l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Avec la création du réseau France Travail, l’ambition est de réunir, dans le respect des compétences et des prérogatives de chacun, l’ensemble des acteurs de l’accompagnement social et professionnel des demandeurs d’emploi. Il s’agira, en particulier, de mieux prendre en charge les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), souvent les plus éloignés de l’emploi, en les aidant à lever les freins périphériques au retour sur le marché du travail et à identifier leurs besoins de formation pour garantir leur insertion professionnelle.

L’accompagnement global des demandeurs d’emploi, dans le cadre d’un contrat d’engagement, suppose une transformation majeure du service public de l’emploi, dont Pôle emploi, devenu l’opérateur France Travail, sera un acteur essentiel aux côtés des deux opérateurs spécialisés, les missions locales et les Cap emploi. Au-delà de leurs prérogatives en matière d’accompagnement social et de formation, les collectivités territoriales auront la charge de piloter, dans les territoires, ce nouveau service public qui fédérera tous les acteurs de l’insertion, organismes publics, associations ou entreprises, présents sur leurs territoires.

Le projet de loi porte, par ailleurs, un ensemble de mesures en faveur de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, qui s’inscrivent dans le prolongement de celles qui ont vu le jour sous la précédente législature, grâce à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel en particulier, et qui, pour beaucoup, traduisent des engagements formulés par la conférence nationale du handicap du 26 avril 2023.

Enfin, le projet de loi contribue à l’édification d’un véritable service public de la petite enfance, étape nécessaire dans le processus de construction de la société du plein emploi.

*

*     *

Le texte adopté par la commission des affaires sociales comporte dix‑neuf articles répartis en six titres.

● Le titre Ier définit un nouveau cadre pour l’orientation et l’accompagnement des personnes sans emploi.

L’article 1er A, introduit par la commission, réaffirme les grands principes d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement des personnes en recherche d’emploi par le service public de l’emploi.

L’article 1er pose les nouveaux principes de l’accompagnement des personnes sans emploi en généralisant l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi aux demandeurs aujourd’hui inscrits auprès de Pôle emploi, aux bénéficiaires du RSA ainsi qu’à leur conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité (pacs), aux jeunes inscrits auprès des missions locales et aux personnes en situation de handicap accompagnées par Cap emploi. Afin d’assurer un suivi adapté aux besoins et harmonisé, il définit un nouveau cadre pour l’orientation réalisée selon des critères communs, arrêtés collégialement par les acteurs du nouveau réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi.

L’article 2 introduit un nouveau contrat d’engagement réciproque commun à tous les demandeurs d’emploi inscrits auprès de l’opérateur France Travail, qui unifiera les droits et devoirs de chacun autour d’un socle commun d’engagements et un plan d’action renforcé.

L’article 2 bis, introduit par la commission des affaires sociales, enrichit le contenu des offres d’emploi afin d’y inclure des éléments précisant l’environnement de travail de l’entreprise et les possibilités d’organisation du poste visé par l’offre.

L’article 3 tire les conclusions, dans le code de l’action sociale et des familles, des nouvelles mesures relatives à l’accompagnement des bénéficiaires du RSA et rénove le régime des droits et des devoirs de ces bénéficiaires en introduisant une nouvelle sanction, plus graduelle dite de « suspension-remobilisation ».

● Le titre II réforme le service public de l’emploi afin de mieux coordonner l’action de l’ensemble des acteurs de l’emploi, de la formation et de l’insertion.

L’article 4 crée le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, qui constituera un cadre d’échange et de coordination pour l’ensemble des acteurs qui interviennent dans le parcours des demandeurs d’emploi. Si les opérateurs historiques du service public de l’emploi et les collectivités territoriales feront partie des membres de droit de ce réseau, l’ensemble des acteurs, publics et privés, qui interviennent dans ce domaine pourront également y être associés.

Un patrimoine commun au réseau permettra une meilleure communication entre les acteurs afin de faciliter le parcours des demandeurs d’emploi, en particulier dans les procédures d’accompagnement et le partage de données dans les systèmes d’information.

La gouvernance du réseau, déclinée du niveau national jusqu’au niveau local, permettra d’associer toutes les collectivités publiques concernées pour accompagner les demandeurs d’emploi en fonction de la réalité de leur bassin d’emploi et des politiques mises en œuvre par l’État et les collectivités territoriales.

L’article 4 bis, introduit par la commission, ouvre la faculté pour les employeurs de préciser l’environnement de travail d’un poste proposé dans le système d’information des opérateurs du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi afin de permettre aux demandeurs d’emploi en situation de handicap de répondre aux offres compatibles avec leur handicap, dont ils pourront également faire état dans leur profil.

L’article 5 transforme Pôle emploi, opérateur central du service public de l’emploi, en opérateur France Travail, qui se voit attribuer un certain nombre de missions au service du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi et dans la mise en place de son patrimoine commun.

L’article 6 crée une nouvelle catégorie d’organismes spécialisés dans le repérage et l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi afin de donner un cadre juridique à l’action de ces structures de nature diverse et de les intégrer au réseau susmentionné.

L’article 7 améliore la coordination entre les politiques régionales de formation professionnelle et les interventions ponctuelles et subsidiaires de l’État en matière de formations émergentes ou dans le cadre de plans nationaux de formation. Il ouvre également la possibilité de développer, avec l’accord des régions, une offre nationale de formation à distance et aménage, pour la rendre plus accessible, la préparation opérationnelle à l’emploi.

● Le titre III rassemble un certain nombre de dispositions qui tendent à favoriser l’accès à l’emploi et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap.

L’article 8 enrichit la législation sur plusieurs points.

Il étend à tous les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (BOETH) l’application des dispositifs ouverts aux seuls travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Il supprime le principe de l’orientation de ces travailleurs en milieu ordinaire de sorte qu’elle devienne l’orientation de droit commun. Il pérennise les dispositifs expérimentaux relatifs aux contrats à durée déterminée (CDD) « tremplin » et aux entreprises adaptées de travail temporaire (EATT).

L’article 8 bis A autorise le recensement dans un système d’information national géré par la Caisse des dépôts et consignations des aménagements ayant bénéficié à chaque personne en situation de handicap dans le cadre de sa scolarité, d’une formation ou d’un emploi.

L’article 8 bis B inscrit dans la loi la règle selon laquelle la portabilité des équipements contribuant à l’adaptation du poste de travail des travailleurs handicapés pourra être prévue par convention entre deux entreprises à l’occasion d’un changement d’employeur.

L’article 8 bis confère un caractère pérenne au dispositif permettant la mise à disposition d’une entreprise utilisatrice d’un salarié temporaire au motif qu’il bénéficie de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

L’article 9 accorde de nouveaux droits aux personnes handicapées accueillies dans un établissement ou un service d’aide par le travail (Esat).

● Unique article du titre III bis, l’article 9 bis, introduit par la commission, charge le Gouvernement de remettre au Parlement un rapport faisant l’évaluation des mesures portées par les trois premiers titres de la loi.

● L’article 10, premier des deux articles du titre IV, modifie l’architecture de la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant dans une double perspective : la clarification des rôles et des missions des acteurs aux échelons national et local, d’une part ; l’instauration de nouveaux leviers d’action et la rénovation des leviers existants au profit de ces acteurs, d’autre part.

L’article 10 bis, introduit par la commission, rénove le régime d’inspection et de contrôle des modes d’accueil du jeune enfant.

● L’article 11, unique article du titre V, habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures nécessaires à son adaptation dans les outre-mer.


   Commentaire des articles

TITRE Ier
UN ACCOMPAGNEMENT PLUS PERSONNALISÉ
DES DEMANDEURS D’EMPLOI DANS LE CADRE
D’UN CONTRAT D’ENGAGEMENT rÉciproque UNIFIÉ
ET D’UN RÉGIME DE DROITS ET DEVOIRS RÉNOVÉ

Article 1er A (nouveau)
Réaffirmer les principes fondamentaux du service public de l’emploi et le droit à l’information des demandeurs d’emploi

Introduit par la commission

L’article 1er A réaffirme d’une part, les principes fondamentaux du service de l’emploi et d’autre part, le droit à l’information des demandeurs d’emploi.

Cet article résulte de l’adoption, par la commission des affaires sociales – avec avis défavorable du rapporteur – de deux amendements de M. Hadrien Clouet et ses collègues du groupe La France insoumise - NUPES ([1]).

Il propose d’insérer deux articles L. 5411-1-1 et L. 5411-1-2 dans le code du travail.

 Le nouvel article L. 5411-1-1 prévoit en son I que « la personne en recherche d’un emploi, d’une formation ou d’un conseil professionnel a le droit d’être accueillie, informée, orientée et accompagnée par le service public de l’emploi ».

Aux termes du II, l’accompagnement en matière d’emploi recouvre les prestations utiles pour développer les qualifications professionnelles, pour améliorer l’accès à l’emploi, pour favoriser les éventuelles reconversions et promotions professionnelles et, le cas échéant, pour faciliter la mobilité géographique et professionnelle.

Enfin, le III dispose que les prestations d’accompagnement en matière d’emploi sont individualisées. Elles comprennent notamment la désignation d’un conseiller référent au sein du service public de l’emploi, des entretiens de suivi, une élaboration et une actualisation conjointes du programme de recherche d’emploi ainsi que la proposition d’offres d’emploi, d’aides et de prestations cohérentes avec la réalisation de ce programme.

 L’article L. 5411-1-2 inscrit expressément l’obligation de notification et de motivation des décisions concernant les demandeurs d’emploi.

Il prévoit que les personnes en relation avec le service public de l’emploi sont informées sans délai des décisions individuelles favorables ou défavorables qui les concernent. Les décisions individuelles prises par les organismes participant au service public de l’emploi sont notifiées et motivées. Les motivations exigées sont écrites et comportent l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

*

*     *

Article 1er
Mieux orienter et accompagner les demandeurs d’emploi

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er vise d’une part, à inscrire en qualité de demandeurs d’emploi auprès du nouvel opérateur France Travail toute personne en recherche d’emploi ou accompagnées par les missions locales et Cap emploi ainsi que les bénéficiaires du RSA. Il définit, d’autre part, un nouveau cadre de l’orientation et de l’accompagnement des demandeurs d’emploi plus adapté à leurs besoins.

  1.   Le droit en vigueur

a.   L’inscription comme demandeur d’emploi relève aujourd’hui d’une démarche volontaire

● Aux termes de l’article L. 5411-1 du code du travail, « a la qualité de demandeur d’emploi toute personne qui recherche un emploi et demande son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle emploi ». Deux conditions doivent donc être réunies pour être demandeur d’emploi :

– d’une part, rechercher un emploi. Concrètement, le demandeur d’emploi immédiatement disponible pour occuper un emploi est orienté et accompagné dans sa recherche par Pôle emploi. Il est tenu de participer à la définition et à l’actualisation du projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), d’accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi et d’accepter les offres raisonnables d’emploi (article L. 5411-6 du code du travail).

– d’autre part, demander son inscription auprès de Pôle emploi. L’inscription auprès de Pôle emploi est une condition sine qua non pour percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi. En effet, la personne privée d’emploi doit s’inscrire dans un délai de douze mois suivant la fin de son contrat de travail pour percevoir cette allocation ([2]).

L’article L. 5411-2 impose aux demandeurs d’emploi de renouveler périodiquement leur inscription selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l’emploi et la catégorie dans laquelle ils ont été inscrits. Ils doivent également porter à la connaissance de Pôle emploi les changements affectant leur situation susceptibles d’avoir une incidence sur leur inscription comme demandeurs d’emploi.

Les catégories de demandeurs d’emploi

Les demandeurs d’emploi sont inscrits à Pôle emploi selon cinq catégories A, B, C, D et E.

– la catégorie A concerne les personnes sans emploi devant accomplir des actes positifs de recherche d’emploi, à la recherche d’un emploi quel que soit le type de contrat (CDI, CDD, à temps plein, à temps partiel, temporaire ou saisonnier) ;

– la catégorie B concerne les personnes ayant exercé une activité réduite de 78 heures maximum par mois, tenues d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi ;

– la catégorie C concerne les personnes ayant exercé une activité réduite de plus de 78 heures par mois, tenues d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi ;

– la catégorie D concerne les personnes sans emploi, qui ne sont pas immédiatement disponibles, et qui ne sont pas tenues d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi ;

– la catégorie E concerne les personnes pourvues d’un emploi et qui ne sont pas tenues d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi.

D’après les données fournies par la Dares, en juillet 2023, les catégories A, B et C, regroupant les demandeurs effectuant des actes positifs de recherche d’emploi, comptaient 5 350 000 inscrits tandis que les catégories D et E en dénombraient 761 000 ([3]).

● Les personnes en recherche d’emploi s’inscrivent auprès de différents opérateurs en fonction de leur situation :

– Pôle emploi est le principal acteur du service public de l’emploi. Aux termes de l’article L. 5311-1 du code du travail, il a pour mission l’accueil, l’orientation, la formation et l’insertion des demandeurs d’emploi ainsi que le placement, le versement d’un revenu de remplacement, l’accompagnement des demandeurs d’emploi et l’aide à la sécurisation des parcours professionnels de tous les salariés.

Il n’en a toutefois pas le monopole puisque d’autres organismes publics ou privés visés à l’article L. 5311-4 du même code peuvent également participer au service public de l’emploi. Ainsi, l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), qui intervient dans le cadre d’un mandat de service public pluriannuel, a-t-elle accompagné plus de 156 000 cadres et jeunes diplômés en 2022 ([4]).

– Le réseau des missions locales intervient, lui, pour aider les jeunes de 16 à 25 ans révolus à « résoudre l’ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement à l’accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi » (article L. 5314-2 du code du travail). Ce sont près de 1 100 000 jeunes qui sont suivis chaque année par les missions locales ([5]).

– Les Cap emploi sont, selon les termes de l’article L. 5214-3-1, des organismes de placement spécialisés qui participent à l’insertion professionnelle et à l’accompagnement spécifique des travailleurs en situation de handicap. Ils assurent, en complémentarité avec Pôle emploi une prise en charge adaptée de ces demandeurs d’emploi. 220 000 personnes en situation de handicap sont accueillies et suivies par les Cap emploi ([6]).

– Enfin, les bénéficiaires du RSA empruntent encore une autre voie d’accès via les centres d’action sociale gérés par les départements, les caisses d’allocations familiales et la Mutualité sociale agricole pour les personnes relevant du régime agricole. Leur parcours, de l’inscription à l’accompagnement, est détaillé infra. Fin 2021, environ 1 900 000 personnes étaient bénéficiaires du RSA ([7]).

b.   Les modalités d’orientation et d’accompagnement diffèrent selon les besoins professionnels et sociaux des personnes sans emploi

● Pour les demandeurs d’emploi inscrits volontairement, Pôle emploi propose quatre modalités de suivi ayant vocation à répondre aux besoins divers des demandeurs d’emploi :

– le « suivi et appui à la recherche d’emploi », qui s’adresse aux demandeurs les plus autonomes et proches du marché du travail. Dans ce cadre, les contacts entre le demandeur et son conseiller sont essentiellement dématérialisés ;

– l’accompagnement « guidé » pour les demandeurs nécessitant un appui régulier dans leur recherche par des échanges téléphoniques ou physiques ;

– l’accompagnement « renforcé » à destination des personnes les plus éloignées de l’emploi ayant besoin d’entretiens physiques réguliers avec leur conseiller ;

– l’accompagnement « global » en partenariat avec les conseils départementaux pour assurer un suivi conjoint des professionnels de l’action sociale et du conseiller Pôle emploi.

Dans leur rapport comparant des services publics de l’emploi de différents pays européens, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) notent que la France est le seul pays étudié à proposer des « modes d’accompagnement aussi complexes par leur nombre et par leur dénomination » préconisant, par conséquent, de simplifier ces différents modes d’accompagnement afin qu’ils soient plus compréhensibles pour le public ([8]).

● Pour les jeunes en particulier les plus exclus qui ne sont ni en formation, ni en emploi, ni en études ([9]) âgés de 16 à 25 ans révolus – 29 ans pour les jeunes reconnus travailleurs handicapés –, le contrat d’engagement jeune, qui a pris la suite de la garantie jeunes depuis le 1er mars 2022, propose un accompagnement individuel et intensif avec un objectif d’entrée rapide et durable dans l’emploi.

Ce contrat repose sur :

– un diagnostic initial approfondi permettant de comprendre la situation économique et sociale du jeune, ses motivations et compétences, les éventuels freins périphériques qu’il rencontre ;

– un parcours intensif et personnalisé pouvant durer jusqu’à douze mois avec possibilité de prolonger de six mois pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, avec un minimum de 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires tout au long du parcours ;

– la possibilité de bénéficier de l’ensemble de l’offre de services de Pôle emploi et des missions locales ainsi que d’autres structures comme les écoles de la deuxième chance ou les établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide) ;

– un suivi par un conseiller référent dédié organisant des points réguliers avec le jeune ;

– le versement d’une allocation pouvant s’élever jusqu’à 528 euros par mois en fonction de l’âge du bénéficiaire, de ses ressources ou celles de son foyer et à la condition du respect des engagements de son contrat ;

– la mise à disposition d’une application numérique pour faciliter la relation entre le jeune et son conseiller.

● L’orientation et l’accompagnement des bénéficiaires du RSA relèvent, en revanche, d’une logique assez distincte :

– Les allocataires du RSA sollicitent d’abord, par définition, une demande de revenu, « des moyens convenables d’existence » (article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles) qui valent entrée dans le parcours d’insertion. Cette demande est assortie de « droits et devoirs du bénéficiaire » en vertu des articles L. 262-27 à L. 262-39 du même code.

– Par ailleurs, l’orientation prioritaire des bénéficiaires est assurée par le président du conseil départemental vers un accompagnement professionnel ou socio-professionnel (article L. 262-29 du code de l’action sociale et des familles). Concrètement, à la suite d’un premier rendez-vous permettant d’établir un diagnostic global, l’allocataire est orienté vers des institutions et organismes compétents en matière d’accompagnement selon sa situation propre. Certains départements proposent des plateformes d’orientations en lien avec d’autres partenaires de l’action sociale comme la caisse d’allocations familiales.

Une expérimentation à succès : « l’entretien giratoire » de la CAF de l’Hérault

La caisse d’allocations familiales (CAF) du département de l’Hérault s’est vue déléguer, à titre expérimental l’orientation vers l’insertion des bénéficiaires du RSA dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté de septembre 2018.

Les principaux objectifs de cette expérimentation étaient de :

– réduire les délais et étapes pour mettre en place un accompagnement personnalisé au plus tôt et améliorer la lisibilité du processus ;

– améliorer la qualité des orientations en remplaçant le calcul du parcours du bénéficiaire par algorithme par un entretien d’orientation socio-professionnel, centré sur la personne ;

– mobiliser la personne accompagnée dès l’ouverture de droit.

L’évaluation de cette expérimentation révèle que les entretiens giratoires entraînent une baisse conséquente des délais de prise en charge puisque la date d’ouverture des droits coïncide avec la date d’orientation du bénéficiaire (1). Alors que dans le dispositif de droit commun, une centaine de jours s’écoule entre la demande de RSA et l’entrée en accompagnement, les entretiens giratoires permettent de réduire ce délai à une soixantaine de jours.

D’un point de vue qualitatif, il apparaît que les orientations proposées diffèrent nettement de celles du parcours classique. L’orientation vers Pôle emploi est ainsi deux fois moins fréquente, témoignant d’une prise en charge plus en adéquation avec les besoins de l’allocataire.

(1)    Alban George, Nadia Kesteman, Évaluation de l’expérimentation d’une plateforme d’orientation des bénéficiaires du RSA dans le Biterrois, dossier d’étude 226, collection des documents de travail de la Cnaf, 2021.

– Enfin, le RSA a pour particularité d’être un minimum social familialisé, défini de façon forfaitaire sur la base des ressources perçues par l’ensemble des personnes membres du foyer du demandeur de l’aide contrairement à l’allocation d’aide au retour à l’emploi. L’un des objectifs du RSA étant de favoriser l’insertion sociale et professionnelle des personnes qui le perçoivent, le droit à l’accompagnement et, le cas échéant, les devoirs associés s’appliquent à l’allocataire mais aussi à son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité dont les revenus sont pris en compte dans le calcul de l’allocation pour le foyer.

En 2020, la quasi-totalité des bénéficiaires du RSA (98 %) étaient soumis aux « droits et devoirs » car sans emploi ou disposant d’un revenu d’activité professionnelle inférieur à 500 euros par mois ([10]).

c.   Un constat largement partagé : un accompagnement insuffisant et inadapté

● D’abord, l’entrée dans le parcours d’insertion professionnelle est loin d’être pleinement satisfaisante. En premier lieu elle pâtit de l’enchevêtrement d’informations à fournir par le demandeur d’emploi, loin de l’objectif « dites-le nous une fois » qui fluidifierait les parcours.

En deuxième lieu, l’étape pourtant fondamentale du diagnostic reste trop souvent une occasion manquée pour la personne en recherche d’emploi d’élaborer un vrai plan d’action, notamment parce que ce plan est rarement effectué directement avec le conseiller.

Enfin, le délai entre l’inscription et la première action d’accompagnement est de toute évidence excessif puisqu’il est en moyenne de trois semaines pour les personnes inscrites à Pôle emploi. Il peut même s’élever jusqu’à cinq mois en moyenne pour les bénéficiaires du RSA, en contradiction avec le délai d’orientation de moins de deux mois inscrit dans la loi (voir commentaire de l’article 3).

● Si la loi prévoit bien que l’entrée dans un parcours d’insertion professionnelle s’accompagne d’une orientation vers un organisme accompagnant le bénéficiaire ([11]), le système actuel est lacunaire pour plusieurs raisons :

– un accompagnement insuffisamment personnalisé et intensif. En effet, 80 % des demandeurs d’emploi accompagnés par Pôle emploi le sont selon les modalités « suivi » et « guidé » qui sont, par définition, peu intensives. Plus préoccupant encore, 70 % des bénéficiaires du RSA orientés vers Pôle emploi sont accompagnés selon ces modalités moins engageantes ([12]) ;

– le manque de moyens des agents, qui peuvent suivre jusqu’à 100 personnes pour les conseillers en missions locales et près de 450 personnes en moyenne chez Pôle emploi. À titre de comparaison, les conseillers des services publics de l’emploi en Allemagne, au Danemark ou en Flandre n’assurent le suivi que de 100 à 150 demandeurs d’emploi ([13]) ;

– des parcours d’insertion trop peu orientés vers l’emploi ;

– l’absence de visibilité sur l’ensemble des personnes sans emploi en raison de la multiplicité des statuts et des organismes référents.

● Or, l’expérience de la garantie jeunes – et plus encore celle du contrat d’engagement jeune qui l’a remplacée – a démontré une amélioration du taux d’accès à l’emploi de plus de 21 points pour les jeunes bénéficiant de cet accompagnement resserré en comparaison avec les jeunes suivis en mission locale sans être en garantie jeunes ([14]), plaidant ainsi pour une généralisation de cette démarche d’accompagnement renforcé.

2.   Le dispositif proposé par le projet de loi initial

Le présent article porte plusieurs mesures visant à réviser en profondeur les modalités accompagnement des personnes sans emploi.

a.   L’inscription généralisée de toute personne en recherche d’emploi auprès du nouvel opérateur France Travail

Tout d’abord, l’article 1er refonde la liste d’inscription des demandeurs d’emploi pour y inscrire non plus les seuls demandeurs d’emploi inscrits volontairement mais l’ensemble des personnes sans emploi. Il s’inspire en cela de la proposition de la mission de préfiguration de France Travail préconisant de « permettre une inscription systématique, facilitée et accélérée à France Travail » ([15]).

● Ainsi, le a du du I de l’article 1er réécrit l’article L. 5411-1 du code du travail pour que soient inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi auprès du nouvel opérateur France Travail :

1° La personne en recherche d’emploi qui demande son inscription ;

2° La personne qui demande le revenu de solidarité active ainsi que son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité à l’exception des assurés du régime d’assurance vieillesse qui ont atteint l’âge légal de départ à la retraite ou remplissent les conditions de durée d’assurance requise ;

3° La personne âgée de 16 à 25 ans révolus qui sollicite un accompagnement par une mission locale ;

4° La personne qui sollicite un accompagnement par un organisme de placement spécialisé dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Cap emploi).

Aussi, les demandeurs d’emploi doivent encore faire une demande explicite pour être inscrits sur la liste par l’opérateur France Travail, contrairement aux autres publics qui y seront automatiquement inscrits.

Le rapporteur partage l’analyse du Conseil d’État qui, dans son avis sur le projet de loi, estime que cet article « transforme ainsi la nature de la liste des demandeurs d’emploi, qui devient un outil de suivi de l’accompagnement de l’ensemble des personnes sans emploi, et non plus seulement de celles qui recherchent un emploi » ([16]). C’est précisément l’ambition de cette mesure que de permettre à la fois le recensement le plus exhaustif possible des personnes sans emploi et de simplifier les démarches par une inscription automatique, notamment pour les bénéficiaires du RSA qui le seront dès le dépôt de la demande de revenu de solidarité active.

● Pour tenir compte de l’inscription d’un nouveau public plus large que les seuls demandeurs d’emploi, le b du modifie le premier alinéa de l’article L. 5411‑2, pour viser expressément « les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi » et non plus les « demandeurs d’emploi ». D’autre part, il prévoit que les modalités de renouvellement périodique de l’inscription seront fixées par arrêté non seulement du ministre chargé de l’emploi, déjà compétent pour prendre cet arrêté, mais également du ministre chargé des solidarités, afin de gérer les modalités d’actualisation spécifiques pour les bénéficiaires du RSA.

Enfin, le c du abroge l’article L. 5411-5 du code du travail, qui prévoit l’impossibilité pour les personnes invalides, bénéficiaires à ce titre d’un avantage social lié à une incapacité totale de travail d’être inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi. En effet, ces personnes pouvant cumuler cette pension d’invalidité avec le RSA pourront désormais être inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi.

b.   Une orientation et un accompagnement plus adéquats des demandeurs d’emploi grâce à des critères harmonisés et définis collégialement

L’inscription généralisée implique de redéfinir les modalités d’orientation et d’accompagnement de toutes les personnes désormais inscrites comme demandeurs d’emploi.

Le du I introduit ainsi une nouvelle section 1 bis au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la cinquième partie du code du travail, intitulée « Orientation et accompagnement des demandeurs d’emploi » et comportant un article L. 5411-5 et un article L. 5411-5-1.

● L’article L. 5411-5 définit les modalités d’orientation des demandeurs d’emploi vers les organismes chargés de leur accompagnement.

Le I prévoit que la personne inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi « bénéficie d’un accompagnement vers l’accès ou le retour à l’emploi, le cas échéant par la reprise ou la création d’entreprise, qui peut notamment comporter des aides à la formation, à la mobilité et le cas échéant à visée d’insertion sociale ». Conformément aux préconisations de la mission de préfiguration, l’accent est donc mis sur la visée « emploi » des parcours d’accompagnement ([17]).

Toutefois, pour les personnes rencontrant des difficultés sociales telles que l’absence de logement, les conditions de logement ou l’état de santé faisant obstacle temporairement à leur engagement dans une démarche de recherche d’emploi, l’accompagnement social pourra être prescrit.

Le II dresse la liste des organismes qui décident de l’orientation des personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi :

– l’opérateur France Travail, pour toute personne qui n’est pas bénéficiaire du RSA ;

– le président du conseil départemental pour tous les bénéficiaires du RSA. La compétence exclusive d’orientation des bénéficiaires du RSA par le conseil départemental est ainsi explicitement mentionnée suivant la recommandation de du Conseil d’État ([18]). Toutefois, cette compétence peut être déléguée par convention à l’opérateur France Travail ;

– les missions locales pour les personnes qui les sollicitent et ne sont pas bénéficiaires du RSA.

Ainsi, le Gouvernement a écarté l’option de confier l’orientation des demandeurs d’emploi à un seul opérateur. En effet, cette option, qui avait le mérite de la simplicité, présentait néanmoins de nombreux inconvénients rappelés par l’étude d’impact ([19]). Elle aurait tout d’abord réduit le champ des possibilités d’inscription pour les personnes ayant déjà l’habitude de solliciter directement les acteurs spécialisés. Elle n’aurait, par ailleurs, pas permis de valoriser l’expertise des missions locales. Enfin, elle supposait une réorganisation institutionnelle complexe et coûteuse.

Le III précise le cadre dans lequel s’inscrit l’orientation des demandeurs d’emploi fondée sur des critères fixés par arrêté des ministres chargés de l’emploi et des solidarités. Ces critères doivent tenir compte de leur niveau de qualification, de leur situation au regard de l’emploi, de leurs aspirations et, le cas échéant, les difficultés particulières qu’ils rencontrent, notamment en matière de santé, de logement et de garde d’enfant. En effet, les freins périphériques que peuvent rencontrer les demandeurs d’emploi dans leur démarche d’insertion professionnelle ne doivent pas être occultés.

Pour l’orientation des allocataires du RSA, ces critères pourront être précisés dans un département si les circonstances locales le justifient, par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil départemental, pris après avis du comité départemental France Travail. Comme l’indique l’avis du Conseil d’État, il s’agit bien de précisions apportées à ces critères et non « d’adaptation » à d’éventuelles circonstances locales, une telle disposition risquant de se heurter à la jurisprudence constitutionnelle ([20]).

L’opérateur France Travail, le président du conseil départemental et les missions locales transmettent au comité France Travail national et au comité France Travail départemental les informations relatives aux orientations qu’ils ont prononcées et à la mise en œuvre des critères élaborés. Les modalités de cette transmission sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’emploi et du ministre chargé des solidarités.

Le IV établit la liste des organismes vers lesquels les demandeurs d’emploi peuvent être orientés en vue de leur accompagnement :

– l’opérateur France Travail ;

– les conseils départementaux ;

 les organismes délégataires d’un conseil départemental, dans des conditions fixées par convention, après avis du comité départemental France Travail ;

– les missions locales ;

– les Cap emploi.

Un décret, pris après avis du comité France Travail, fixe les conditions dans lesquelles les demandeurs d’emploi peuvent également être orientés vers d’autres organismes référents, publics ou privés, fournissant des services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation, à l’accompagnement et au maintien dans l’emploi des personnes en recherche d’emploi ainsi que les conditions à remplir par les organismes en question. Cette mesure permet de reconnaître l’expertise des organismes déjà compétents aujourd’hui.

● L’article L. 5411-5-1 prévoit, en son I, que l’organisme référent chargé d’accompagner le demandeur d’emploi réalise conjointement avec lui un diagnostic global de sa situation, suivant un référentiel défini par le comité national France Travail. Ce diagnostic global s’inscrit dans la continuité de l’inscription et de l’orientation désormais facilitées et aux délais raccourcis. Il vise à identifier avec la personne ses besoins et les contraintes personnelles éventuelles qu’elle rencontre freinant son insertion dans l’emploi.

Il précise, au II, que si la situation de la personne fait apparaître qu’un autre organisme référent serait mieux à même de conduire les actions d’accompagnement nécessaires, l’organisme référent, à la demande de la personne ou de sa propre initiative, saisit, en vue d’une nouvelle décision d’orientation :

 l’opérateur France Travail lorsque la personne n’est pas bénéficiaire du RSA ;

– le président du conseil départemental du lieu de résidence de la personne lorsque cette dernière est bénéficiaire du RSA.

Enfin, un décret précise les modalités d’application de cet article (III).

c.   Les modalités d’entrée en vigueur

Le II de l’article 1er prévoit que la date d’entrée en vigueur est fixée par décret et, au plus tard, au 1er janvier 2025.

À cette date, l’opérateur France Travail inscrira sur la liste des demandeurs d’emploi les personnes qui ont conclu un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea), un contrat d’engagement jeune (CEJ) ou sont bénéficiaires du RSA.

Cette inscription ne sera pas effectuée pour les assurés du régime d’assurance vieillesse qui ont atteint l’âge légal de départ à la retraite ou qui remplissent les conditions de durée d’assurance requise.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des affaires sociales du Sénat a fait évoluer le texte sur plusieurs points.

En premier lieu, elle a adopté cinq amendements de la rapporteure visant à maintenir la dénomination de « Pôle emploi » en lieu et place de l’opérateur « France Travail » tel qu’introduit à l’article 4 du projet de loi ainsi que quatre amendements rédactionnels et de coordination.

En deuxième lieu, elle a adopté un amendement de M. Philippe Mouiller (groupe Les Républicains) proposant d’inclure parmi les difficultés que peut rencontrer la personne sans emploi dans sa démarche de recherche d’emploi sa situation de proche aidant.

Ensuite, elle a tenu à préciser que les critères d’orientation du demandeur d’emploi vers l’organisme référent chargé d’assurer son accompagnement sont définis par les collectivités territoriales, l’État et les partenaires sociaux dans le cadre du comité national France Travail, puis approuvés par le ministre, plutôt qu’ils soient fixés par arrêté ministériel après un simple avis du comité national.

Suivant la même logique, elle a proposé que la liste des informations devant être transmises et la périodicité de leur transmission soient fixées par les collectivités territoriales, l’État et les partenaires sociaux dans le cadre du comité national France Travail, puis approuvées par le ministre, plutôt qu’elles soient fixées unilatéralement par arrêté ministériel.

Sur proposition de la rapporteure, elle a précisé que les décisions de réorientation du demandeur, prises lorsque sa situation nécessite un changement d’organisme référent, sont prises par les mêmes acteurs que ceux chargés de l’orientation afin que les missions locales puissent assurer cette réorientation dont elles étaient exclues par le dispositif initial de l’article 1er.

4.   Les modifications apportées par la commission

● La commission a tout d’abord précisé que seuls les jeunes accompagnés par les missions locales « en recherche d’emploi » seront inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’opérateur France Travail par l’adoption de plusieurs amendements identiques du rapporteur, de M. Ian Boucard et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de MM. Benjamin Saint-Huile et Pierre‑André Colombani (groupe Libertés, Indépendants, Outre‑mer et Territoires, de Mme Sophie Taillé-Polian et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES, de M. Stéphane Viry (groupe Les Républicains), de Mme Christine Decodts et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés ainsi que de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés ([21]). En effet, les compétences exercées par les missions locales ne se restreignant pas au seul accompagnement vers l’emploi, il est apparu contreproductif d’inscrire sur la liste des demandeurs d’emploi des jeunes qui souhaiteraient simplement être informés ou auraient vocation à retourner en études ou en formation.

● Elle a, par ailleurs, supprimé l’abrogation de l’article L. 5411-5 du code du travail, sur proposition de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés ([22]), au motif que les personnes en situation d’invalidité visées par cet article étant reconnues en incapacité de travailler, elles ne devraient pas être inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi. En cohérence, elle a également supprimé l’abrogation de l’article L. 5524-1, qui prévoit que l’article L. 5411-5 n’est pas applicable à Mayotte.

● Sur proposition du rapporteur ([23]), elle a, en partie, réécrit le second alinéa du I de l’article L. 5411-5-1 afin d’harmoniser sa rédaction avec celle du premier alinéa du III, ces deux alinéas faisant référence aux difficultés particulières potentiellement rencontrées par le demandeur d’emploi. Elle a ainsi introduit la « garde d’enfant » comme une difficulté pouvant faire temporairement obstacle à la recherche d’emploi ainsi que la « mobilité » par l’adoption d’un sous-amendement de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés ([24]) avec avis favorable du rapporteur. En cohérence, elle a ainsi ajouté parmi les difficultés devant être prises en compte au moment de la décision d’orientation « la situation de proche aidant », sur proposition du rapporteur ([25]), et la « mobilité », sur propositions identiques de Mme Justine Gruet et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains ainsi que de MM. Pierre Dharréville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine - NUPES) ([26]).

● Enfin, s’agissant des critères au fondement de la décision d’orientation, la commission a précisé, malgré un avis défavorable du rapporteur, qu’ils pourraient être définis par des associations représentatives des personnes handicapées et des aidants, sur proposition de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains) ([27]).

● Au demeurant, la commission a adopté onze amendements rédactionnels du rapporteur ainsi que trois amendements identiques ([28]) du rapporteur, de Mme Michèle Peyron et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ainsi que de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés relatifs à la nouvelle dénomination de l’opérateur France Travail et du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, dont le contenu est détaillé au commentaire de l’article 5.

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*     *

Article 2
Redéfinir les droits et devoirs des demandeurs d’emploi

Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 introduit un nouveau contrat d’engagement qui harmonise les droits et devoirs des demandeurs d’emploi et propose un cadre d’accompagnement renforcé.

1.   Le droit en vigueur

a.   Les engagements contractés par les personnes en recherche d’emploi diffèrent selon leur situation

i.   Le projet personnalisé d’accès à l’emploi pour les demandeurs d’emploi.

● Les obligations du demandeur d’emploi en matière de recherche d’emploi sont formalisées dans un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) défini à l’article L. 5411-6-1 du code du travail. Les règles relatives au PPAE sont elles‑mêmes définies dans le code du travail depuis la loi du 1er août 2008 relative aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi ([29]). Elles ne sont donc pas régies par les partenaires sociaux dans le cadre de la convention d’assurance chômage.

La possibilité d’élaborer un PPAE est ouverte à tout demandeur d’emploi. Pôle emploi ou l’organisme participant au service public de l’emploi doit donc inviter chaque demandeur d’emploi à construire un PPAE ([30]). Néanmoins, en application de l’article L. 5411-6 du code du travail, seuls les demandeurs d’emploi « immédiatement disponibles pour occuper un emploi » sont tenus de participer à la définition et à l’actualisation du PPAE et sont concernés par d’éventuelles sanctions en cas de manquements aux obligations résultant du PPAE.

Dans le détail, le PPAE précise, en tenant compte de la formation du demandeur d’emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local, la nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu. Il intègre, le cas échéant, le projet de reconversion professionnelle des travailleurs démissionnaires (article L. 5411-6-1).

La nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu sont constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi que le demandeur d’emploi est tenu d’accepter.

Le PPAE dresse également les actions que Pôle emploi ou l’organisme vers lequel le demandeur d’emploi a été orienté, s’engage à mettre en œuvre pour faciliter son retour à l’emploi, notamment en matière d’accompagnement personnalisé et, le cas échéant, de formation et d’aide à la mobilité. Il doit s’agir d’un plan individualisé.

● Parmi les actions envisagées, peuvent notamment figurer au PPAE :

– des aides à la mobilité (aides aux déplacements, à la double résidence ou au déménagement) ;

– des aides à la formation (actions de formation, aides à la validation des acquis de l’expérience, etc.)

– diverses prestations en nature (ateliers organisés par Pôle emploi, bilans de compétence).

Le PPAE est actualisé périodiquement. À cette occasion, les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi (ORE) sont révisés, notamment pour accroître les perspectives de retour à l’emploi en application de l’article L. 5411‑6‑3 du code du travail.

Enfin, la notification du PPAE au demandeur d’emploi précise ses droits concernant l’acceptation ou le refus des ORE qui lui sont soumises et, notamment, les voies et délais de recours en cas de sanction par Pôle emploi.

ii.   Pacea et CEJ pour les jeunes en difficulté âgés de 16 à 25 ans révolus

● Créé par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ([31]), le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) est le cadre contractuel de l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans révolus. Il mentionne :

– les phases du parcours, leurs objectifs et leur durée définis par le bénéficiaire et le conseiller en mission locale ;

– les engagements de chaque partie au contrat pour chaque phase. Le bénéficiaire s’engage à participer activement aux différentes actions prévues au sein des phases d’accompagnement et garantit le caractère sincère et exact des informations qu’il communique pour se voir attribuer l’allocation ponctuelle prévue à l’article L. 5131-5 du code du travail ;

– le cas échéant, l’attribution d’une allocation ponctuelle et son montant ne pouvant excéder le montant mensuel du RSA hors forfait logement.

● Le contrat d’engagement jeune décrit supra ([32]) repose sur la même logique que le Pacea mais définit plus précisément le plan d’action de l’accompagnement intensif.

Un premier bilan d’étape encourageant pour le contrat d’engagement jeune

Missionnée par le ministre du travail en septembre 2022, l’Inspection générale des affaires sociales a réalisé une évaluation d’étape du déploiement du CEJ dont les principales conclusions sont assez prometteuses.

Parmi les éléments positifs, la mission relève :

– une dynamique incontestable du dispositif avec plus de 300 000 jeunes bénéficiaires, l’estimation du Gouvernement ayant été interprétée comme une cible à atteindre ;

– un dispositif qui a rencontré son public s’adressant avant tout aux jeunes non diplômés, des zones prioritaires de la politique de la ville et de revitalisation rurale ainsi qu’aux demandeurs d’emploi en situation de handicap mieux intégrés que dans l’ancien dispositif de garantie jeunes ;

– un retour positif tant des bénéficiaires que des conseillers sur ce dispositif innovant.

S’agissant des points de vigilance, le rapport pointe :

– une difficulté à aller vers l’intégralité des 900 000 « NEET » puisque 70 % des bénéficiaires du CEJ étaient déjà connus du service public de l’emploi ;

– s’agissant de l’objectif hebdomadaire de 15 à 20 heures d’activité accompagnée, il apparaît qu’en dépit d’une moyenne d’activité supérieure à 15 heures, 40 % des bénéficiaires n’atteignent pas ce seuil et 20 % sont en dessous de 5 heures ;

– l’entretien hebdomadaire serait réalisé dans moins d’un cas sur deux même s’il faut toutefois nuancer la signification de cette donnée au niveau national puisque l’accompagnement peut se traduire par des modalités différentes localement ;

– une différence de traitement entre le portefeuille des conseillers Pôle emploi, limité nationalement à 30 bénéficiaires du CEJ pour des contrats de six mois par conseiller, tandis que le portefeuille des conseillers en missions locales peut comprendre 50 jeunes en CEJ voire une centaine d’autres dans le cadre du Pacea ;

– un mécanisme de sanctions qui serait aujourd’hui trop complexe et trop lent.

La création du réseau France Travail et d’un contrat d’engagement unique pour toutes les personnes sans emploi est de nature à améliorer ce dispositif encore extrêmement récent.

Source : Igas, Évaluation d’étape de l’accompagnement des jeunes dans le cadre du contrat engagement jeune, mars 2023.

iii.   Le CER pour les bénéficiaires du RSA qui ne sont pas inscrits auprès de Pôle emploi

En application des articles L. 262-35 et L. 262-36 du code de l’action sociale et des familles, les bénéficiaires du RSA concluent avec le département un contrat d’engagement réciproque, librement débattu, énumérant les engagements tant de l’allocataire que du département en matière d’insertion professionnelle ou socio-professionnelle selon la situation du bénéficiaire.

Ce dispositif est décrit au commentaire de l’article 3.

b.   Un régime de sanctions distinct

i.   Pour les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi

 Pour les demandeurs d’emploi, les motifs de sanction sont de différente nature :

– absence à une action de formation ou à un rendez-vous ;

 refus à deux reprises, sans motif légitime, d’une offre raisonnable d’emploi ;

– impossibilité de justifier de l’accomplissement d’actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi ;

– refus, sans motif légitime, d’élaborer ou d’actualiser le PPAE ;

– refus de se soumettre à une visite médicale d’aptitude ;

– fraude ou fausse déclaration.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État rappelle que les engagements souscrits par le demandeur d’emploi dans son PPAE circonscrivent les motifs pour lesquels une sanction peut lui être infligée ([33]).

● La sanction se traduit par la radiation par Pôle emploi.

En 2022, 640 000 radiations ont été prononcées, en hausse d’environ 17 % par rapport aux années 2021, 2019 et 2018 – l’année 2020 n’étant pas significative puisque les radiations ont été suspendues du fait de la crise sanitaire.

RÉPARTITION DES RADIATIONS PAR MOTIF DE SANCTION

Source : données fournies par Pôle emploi aux rapporteurs.

La part des radiations à la suite du refus de deux offres raisonnables d’emploi est extrêmement résiduelle puisque 139 radiations seulement ont été prononcées pour ce motif en 2022 ([34]).

La radiation entraîne l’impossibilité d’obtenir une nouvelle inscription pendant la durée de la sanction. La durée de la radiation et la suspension ou suppression du revenu de remplacement sont définies par le décret n° 2018-1335 du 28 décembre 2018, en fonction du manquement du demandeur d’emploi et de sa répétition dans le temps.

La procédure de contestation d’une décision par le demandeur d’emploi

Le processus de contestation d’une décision se décline en trois étapes successives :

– une réclamation en agence ;

– une demande de médiation auprès du médiateur régional ;

– un éventuel recours contentieux devant le tribunal administratif.

Depuis le 1er juillet 2022, la demande de médiation préalable est obligatoire (MPO) avant de pouvoir saisir le juge administratif (1). Cette demande doit s’exercer dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision contestée.

Dans son rapport de 2022 (2), le médiateur national de Pôle emploi fait état de la répartition suivante des motifs de saisine :

– 56 % des demandes de médiation sont relatives à une radiation à la suite d’une absence à une convocation ou à un rendez-vous ;

– 22 % sont liées à une radiation pour refus de prestations ou insuffisance de recherche d’emploi ;

– 17 % concernent les radiations pour déclaration inexacte ou mensongère ;

– 5 % concernent le contrôle de la recherche d’emploi.

(1)    Décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux.

(2)    Rapport annuel 2022 du médiateur national de Pôle emploi, 29 mars 2023.

ii.   Pour les jeunes bénéficiant du CEJ ou du Pacea

● Le bénéfice du contrat d’engagement jeune est conditionné au respect d’exigences d’engagement, d’assiduité et de motivation en vertu de l’article L. 5131-6 du code du travail. Un décret du 18 février 2022 prévoit un régime de sanctions graduées applicables en cas de manquement du jeune à ses obligations contractuelles ([35]) :

– pour les jeunes engagés en CEJ et inscrits comme demandeurs d’emploi, les modalités de sanction spécifiques au contrat d’engagement priment sur celles applicables aux demandeurs d’emploi, sauf en cas de fraudes, si le jeune perçoit également l’allocation d’aide au retour à l’emploi ;

– pour les jeunes suivis par une mission locale, une sanction mettant fin au CEJ n’a pas pour corollaire automatique une exclusion de la mission locale puisqu’en cas de rupture du contrat, le jeune est réorienté vers une autre modalité d’accompagnement qui peut être proposée par le même opérateur.

Dans son rapport précité, l’Igas met en garde contre des dispositifs de sanction « aujourd’hui très incohérents entre eux : comment justifier qu’un bénéficiaire du CEJ qui touche l’ARE n’encoure pas les mêmes sanctions à comportement égal qu’un autre qui touche l’allocation CEJ ? » ([36]).

● Pour les jeunes en Pacea, le contrat d’engagement prend fin en cas de manquement du bénéficiaire à ses obligations contractuelles en vertu de l’article R. 5131-13 du code du travail.

● Le régime de sanctions s’appliquant aux bénéficiaires du RSA est détaillé dans le commentaire de l’article 3.

2.   Les dispositions proposées par le dispositif initial

Le présent article redéfinit les droits et devoirs des personnes sans emploi dans le cadre d’un nouveau contrat unique.

a.   La création du contrat d’engagement

Dans une optique de convergence des pratiques de l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi, la refonte des différents contrats engageant les demandeurs d’emploi et leurs accompagnants est apparue comme une nécessité.

La création d’un contrat unique intitulé « contrat d’engagement » concrétise, en effet, l’ambition portée par la mission de préfiguration d’instaurer « un contrat d’engagements réciproques France Travail où les engagements de tous seront vraiment suivis » ([37]).

L’intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié pour mentionner le contrat d’engagement (a du du I). Aux termes du b du du I, les articles L. 5411-6 à L. 5411-6-3 du code du travail sont réécrits.

● Le nouvel article L. 5411-6 définit le contenu du contrat d’engagement.

Le I dispose que toute personne inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi en application de l’article L. 5411-5-2 tel que réécrit par l’article 1er élabore et signe avec l’organisme référent vers lequel elle a été orientée un contrat d’engagement dans un délai fixé par décret. Ce contrat d’engagement est périodiquement actualisé dans les mêmes formes.

Aux termes du II, le contrat d’engagement doit définir :

– les engagements de l’organisme référent, notamment les actions mises en œuvre en matière d’accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi et, le cas échéant, de formation et de levée des freins périphériques à l’emploi. Ces engagements comportent la désignation d’un référent unique en son sein, chargé de l’accompagnement du demandeur d’emploi pendant la durée du contrat ;

– les engagements du demandeur d’emploi, parmi lesquels son assiduité et sa participation active aux actions d’insertion sociale ou professionnelle ;

– un plan d’action, précisant les objectifs d’insertion sociale ou professionnelle et, le cas échéant, le niveau d’intensité de l’accompagnement requis. Ce plan doit comporter des actions de formation, d’accompagnement et d’appui.

Dans son avis sur le projet de loi ([38]), le Conseil d’État rappelle que les éventuelles carences de l’opérateur du service public de l’emploi dans l’exercice de ses missions d’accompagnement personnalisé sont susceptibles de constituer des fautes de nature à engager sa responsabilité ([39]). Le rapporteur souscrit à ce rappel et réaffirme son attachement aux obligations d’accompagnement qui incombent aussi aux opérateurs.

Sur le modèle du PPAE, le contrat d’engagement, élaboré en fonction des besoins du demandeur d’emploi, tient compte notamment de sa formation, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles et extra-professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation locale du marché du travail. La référence explicite aux « expériences extra-professionnelles » est une innovation par rapport au droit existant.

Le contrat d’engagement précise les droits du demandeur d’emploi, ainsi que les voies et les délais de recours contre les sanctions susceptibles d’être prononcées en cas d’inobservation de sa part.

● Le I de l’article L. 5411-6-1 reprend les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi tels qu’aujourd’hui définis à savoir « la nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu » et précise toutefois les nouvelles conditions dans lesquelles le contrat d’engagement définit ces éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi en distinguant deux cas de figure :

– si le projet professionnel du demandeur d’emploi comporte la recherche d’une activité salariée et si ce projet est « suffisamment établi », le contrat d’engagement définit dès lors les éléments constitutifs de l’ORE que le demandeur est tenu d’accepter ;

– si le projet n’est pas suffisamment établi et que seuls des objectifs d’insertion professionnelle sont fixés à la signature du contrat, la définition des éléments constitutifs de l’ORE fait l’objet d’une actualisation du contrat d’engagement dès que le projet professionnel est suffisamment établi.

Les éléments constitutifs de l’ORE peuvent être révisés, comme c’est le cas dans le droit en vigueur, dans le cadre d’une actualisation du contrat d’engagement, notamment afin d’accroître les perspectives de retour à l’emploi du demandeur d’emploi. Conjointement à la définition de ces éléments, le contrat d’engagement précise également les actes positifs et répétés de recherche d’emploi que le demandeur est tenu de réaliser.

Si le projet professionnel du demandeur d’emploi comporte la reprise ou la création d’entreprise, le contrat d’engagement en définit les éléments essentiels et comporte là aussi les actes que l’intéressé est tenu de réaliser. En cas de « démission-reconversion » telle que visée par l’article L. 5422-1 du code du travail, le contrat d’engagement intègre le projet de reconversion du demandeur d’emploi.

● Pour tenir compte de l’impossibilité pour les personnes en parcours social de rechercher un emploi à court terme, le II précise que ces dispositions relatives à l’ORE ne s’appliqueront pas à leurs situations.

● Le c du , le et le du I opèrent les coordinations nécessaires au sein du code du travail, la référence au « contrat d’engagement » se substituant désormais à celle du « projet personnalisé d’accès à l’emploi ».

b.   Le contrôle des engagements des demandeurs d’emploi

Le a du du I renomme la section 1 du chapitre VI du titre II du livre IV de la cinquième partie « Contrôle des engagements des demandeurs d’emploi » tandis que le b réécrit intégralement l’article L. 5426-1 du code du travail relatif au contrôle de la recherche d’emploi.

● Aux termes du I de l’article L. 5426-1, le contrôle des engagements des demandeurs d’emploi est en principe exercé par l’opérateur France Travail, qui sera compétent pour prendre, s’il y a lieu, la mesure de radiation de la liste des demandeurs d’emploi.

Lors des auditions, la question des modalités de contrôle a pu être soulevée, certains acteurs plaidant pour une consolidation de l’approche globale du « contrôle de la recherche d’emploi », moins automatique et plus en phase avec la situation propre des demandeurs d’emploi, développée par des équipes spécialisées de Pôle depuis quelques années. Cette ambition rejoint l’une des propositions de la mission de préfiguration préconisant de « déployer des équipes territoriales pluridisciplinaires dédiées au contrôle des engagements afin de rendre le régime de sanctions plus adapté aux situations et plus effectif » ([40]). En l’état actuel des débats, il n’est, néanmoins, pas apparu opportun de reprendre cette proposition dans le cadre du projet de loi ayant vocation à poser un cadre plus général du régime des droits et devoirs.

Il est à préciser que les typologies de sanctions actuellement prévues dans le code du travail sont maintenues. Seules les mesures relatives aux bénéficiaires du RSA font l’objet d’une révision à l’article 3 du projet de loi.

Toutefois, le contrôle de certaines catégories de demandeurs d’emploi reviendrait à d’autres organismes :

– le président du conseil départemental serait compétent pour assurer le contrôle et prendre, le cas échéant, les mesures de suspension (cf. article 3 du projet de loi) ou de suppression du versement du RSA ainsi que la mesure de radiation de la liste des bénéficiaires du RSA. Lorsqu’il prend cette dernière mesure, il en informe l’opérateur France Travail, qui procède en conséquence à la radiation de la liste des demandeurs d’emploi.

Par dérogation, lorsque l’opérateur France Travail serait l’organisme référent d’un bénéficiaire du RSA, c’est lui qui exercerait le contrôle de ses engagements et pourrait, le cas échéant, proposer au président du conseil département de prononcer les sanctions de suspension ou de suppression du RSA.

Lors de son audition, le haut-commissaire Thibaut Guilluy a mis en garde contre la mesure de radiation de la liste des demandeurs d’emploi, qui pourrait avoir pour effet pervers de priver le bénéficiaire du RSA radié de moyens pour trouver un emploi alors qu’il en est déjà durablement éloigné. Le rapporteur partage cette inquiétude ;

– les missions locales assureraient le contrôle des engagements des jeunes qu’elles accompagnement et seraient compétentes pour prononcer les mesures de suspension ou de suppression des allocations versées au titre du Pacea ou de l’allocation CEJ dont elles informeraient France Travail. Elles proposeraient, s’il y a lieu, à ce dernier la mesure de radiation de la liste des demandeurs d’emploi.

● Le II de l’article L. 5426-1 dispose que l’opérateur France Travail, le président du conseil départemental et les missions locales informent le comité départemental France Travail, créé par l’article 4 du projet de loi, chacun pour ce qui les concerne, de la mise en œuvre et des résultats du contrôle des engagements des demandeurs d’emploi.

● Le III précise que l’opérateur France Travail, le président du conseil départemental et les missions locales peuvent, par convention, organiser des modalités conjointes de contrôle.

c.   L’articulation avec les dispositifs dédiés aux jeunes

● Le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea)

Le et le du II modifient les articles L. 5131-4 et L. 5131-5 du code du travail pour mettre en adéquation les dispositions relatives au PACEA avec la création du nouveau contrat d’engagement :

– d’une part, le diagnostic visé à l’article L. 5131-4 destiné à identifier les besoins du jeune lors de l’élaboration du Pacea est intégré au diagnostic global introduit par l’article 1er du projet de loi ;

– d’autre part, le contrat signé préalablement à l’entrée en Pacea sera désormais, dans une logique d’unification, le contrat d’engagement.

Enfin, la précision selon laquelle le Pacea est conclu avec l’État est supprimée puisqu’en pratique, il est déjà conclu avec la mission locale.

● Le contrat d’engagement jeune (CEJ)

Le du II fait du contrat d’engagement jeune une modalité du contrat d’engagement. Pour rappel, le contrat d’engagement introduit par l’article 2 s’inspire pour une large part du contrat d’engagement jeune, notamment s’agissant de l’intensité de l’accompagnement des bénéficiaires.

Les sanctions applicables aux bénéficiaires du CEJ aujourd’hui de niveau réglementaire seront désormais précisées à l’article L. 5131-6 du code du travail. En cas d’inobservation par son bénéficiaire des engagements du contrat, l’allocation mensuelle pourrait être suspendue ou supprimée.

d.   Les modalités d’entrée en vigueur

Le III dispose que l’article 2 entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2025.

Pour chaque demandeur d’emploi dont il assure, à cette date, l’accompagnement, chaque organisme référent devra conclure, dans un délai fixé par décret, un contrat d’engagement qui se substituera, selon la situation, au PPAE, au contrat d’engagements réciproques, au Pacea ou au CEJ.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

● Outre des amendements rédactionnels et de coordination, la commission des affaires sociales a, comme sur l’ensemble des articles du projet de loi, modifié la dénomination de l’opérateur France Travail pour maintenir la dénomination actuelle de Pôle emploi.

● Elle a, de surcroît, fait évoluer le texte sur plusieurs points en commission.

En premier lieu, elle a adopté un amendement de la rapporteure visant à préciser dans la loi que la durée hebdomadaire d’activité qu’il sera demandé au demandeur d’emploi d’accomplir est « d’au moins quinze heures » au motif que cet objectif fixé par le Gouvernement devait trouver une traduction législative.

En deuxième lieu, elle a adopté un autre amendement de la rapporteure prévoyant que, l’inscription des bénéficiaires du RSA sur la liste des demandeurs d’emploi devenant automatique, la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA devrait entraîner la radiation de la liste des demandeurs d’emploi. Pour les bénéficiaires du RSA dont Pôle emploi est l’organisme référent, l’opérateur pourrait proposer, s’il y a lieu, la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA au président du conseil départemental.

Enfin, elle a adopté un amendement de M. Philippe Mouiller (groupe Les Républicains) ouvrant la possibilité à tous les prescripteurs habilités de l’insertion par l’activité économique (IAE), en particulier les nouveaux prescripteurs habilités par la loi du 14 décembre 2020, de prescrire des périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP), partant du constat que les personnes engagées dans un parcours d’IAE pouvaient être freinées dans leur projet d’immersion faute de prescripteurs.

● En séance publique, les sénateurs ont apporté au texte des modifications complémentaires ayant toutes reçu un avis favorable de la commission.

Ils ont tout d’abord adopté un amendement de Mme Nathalie Delattre (groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen) visant à préciser que l’organisme référent s’engage dans le contrat d’engagement à mettre en œuvre des actions visant à la « levée des freins périphériques » à l’emploi que peut rencontrer le demandeur.

Ils ont ensuite précisé, par l’adoption de deux amendements identiques de Mme Laurence Muller-Bronn (groupe Les Républicains) et Mme Raymonde Poncet Monge (Écologiste - Solidarité et Territoires) ; que le contrat d’engagement doit tenir compte en sus des expériences professionnelles du demandeur, de ses expériences « extra-professionnelles ».

Enfin, ils ont adopté – avec un avis défavorable du Gouvernement – un amendement de Mme Brigitte Nicoleau (groupe Les Républicains) proposant d’une part, d’élargir l’information sur le contrôle des engagements des demandeurs d’emploi à tous les comités France Travail et non seulement aux comités départementaux et d’autre part, d’étendre l’objet de cet échange d’information aux résultats de contrôle en plus de la mise en œuvre de ce contrôle.

4.   Les modifications apportées par la commission

● La commission a, tout d’abord, modifié l’intitulé du contrat d’engagement pour le nommer « contrat d’engagement réciproque » sur proposition de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés ([41]) et avec avis favorable du rapporteur, au motif que cette précision traduit bien les engagements du demandeur d’emploi, d’une part, et ceux de l’organisme référent, d’autre part.

● Elle a tenu à préciser que la durée hebdomadaire d’activité du demandeur d’emploi qu’il réalisera dans le cadre de son plan d’action est d’au moins 15 heures « si cela s’avère adapté à la situation particulière du demandeur d’emploi et aux difficultés qu’il rencontre ». Cette proposition conjointe du rapporteur, de Mme Michèle Peyron et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ainsi que de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés ([42]) vise à tenir compte de la réalité des besoins et de la situation des personnes pour l’ensemble desquelles un tel accompagnement ne sera pas nécessairement adapté et ainsi ne pas mettre en difficulté des personnes qui ont besoin d’un accompagnement plus progressif.

● Sur proposition à nouveau conjointe du rapporteur, de Mme Michèle Peyron et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ainsi que de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés, la commission est revenue sur l’articulation systématique entre la liste des demandeurs d’emploi et la liste des bénéficiaires du RSA introduite par le Sénat. Cette disposition prévoyait que lorsqu’une mesure de radiation de la liste des bénéficiaires du RSA était prise à l’encontre de celui-ci, le président du conseil départemental en informait l’opérateur France Travail qui, en conséquence, devait procéder à la radiation à la liste des demandeurs d’emploi. Symétriquement, l’opérateur France Travail, lorsque celui‑ci est l’organisme référent d’un bénéficiaire du RSA, pouvait proposer au président du conseil départemental, outre les mesures de suspension et de suppression déjà prévues dans le projet de loi, la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA. Cette disposition n’apparaissait pas opportune pour faciliter le retour à l’emploi du bénéficiaire du RSA.

● En outre, la commission a complété l’article L. 5426-1 du code du travail, sur proposition du rapporteur ([43]), pour préciser que « le contrôle des engagements des demandeurs d’emploi effectué par l’opérateur France Travail, le président du conseil départemental et les organismes mentionnés à l’article L. 5314‑1 comprend une part minimale de contrôle aléatoire ».

● Enfin, toujours sur proposition du rapporteur ([44]), elle a supprimé le 6° de l’article L. 5135-2 du code du travail, introduit par le Sénat, au motif que cette disposition visant à permettre aux prescripteurs habilités de l’insertion par l’activité économique de prescrire les périodes de mise en situation en milieu professionnel définies à l’article L. 5135‑2 du code du travail est déjà possible dans le cadre d’une convention conclue avec les acteurs du service public de l’insertion et de l’emploi.

● Au demeurant, la commission a adopté sept amendements rédactionnels du rapporteur ainsi que trois amendements identiques ([45]) du rapporteur, de Mme Michèle Peyron et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ainsi que de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés relatifs à la nouvelle dénomination de l’opérateur France Travail et du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi (voir commentaire de l’article 5).

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Article 2 bis (nouveau)
Obliger les offres d’emploi à inclure des éléments décrivant l’environnement de travail

Introduit par la commission

L’article 2 bis vise à enrichir le contenu des offres d’emploi d’éléments précisant l’environnement de travail de l’entreprise et les possibilités d’organisation du poste visé par l’offre.

Cet article résulte de l’adoption par la commission des affaires sociales – avec avis défavorable du rapporteur – d’un amendement de Mme Anne Bergantz et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) ([46]).

Il insère un nouvel article L. 5331-5-1 au sein du code du travail qui dispose que « les offres d’emploi incluent des éléments décrivant l’environnement de travail de l’entreprise et du poste ainsi que les possibilités d’organisation du poste » Il est prévu qu’un décret en Conseil d’État détermine les critères et conditions d’application de cet article.

Le rapporteur estimait que l’ajout de nouveaux critères légaux pourrait avoir un effet décourageant pour certaines entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, de faire connaître leurs besoins par la publication d’offres d’emploi.

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Article 3
Renforcer les droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active

Adopté par la commission avec modifications

L’article 3 tire les conséquences dans le code de l’action sociale et des familles de l’intégration des bénéficiaires du RSA dans le régime commun des demandeurs d’emploi se traduisant notamment par la signature du contrat d’engagement. Il révise, en outre, les sanctions pouvant s’appliquer aux bénéficiaires en cas de manquement aux devoirs afin de les rendre plus graduelles.

1.   Le droit en vigueur

a.   Le régime actuel des droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active

i.   Principes et public ciblé par le RSA

Créé par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion ([47]) en remplacement du revenu minimum d’insertion (RMI) ([48]) et de l’allocation de parent isolé (API), le revenu de solidarité active (RSA) repose sur trois objectifs :

– assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence afin de lutter contre la pauvreté ;

– encourager l’exercice ou le retour à une activité professionnelle ;

– aider à l’insertion sociale des bénéficiaires.

La réforme du RSA s’inscrit dans une démarche dite « d’activation » des dépenses sociales qui vise à octroyer un minimum de ressources aux personnes en difficulté tout en incitant à l’activité professionnelle, reposant sur l’idée sous‑jacente que le travail doit toujours mieux payer que l’allocation. À la différence du RMI, le RSA prévoit ainsi qu’en cas d’activité professionnelle, le bénéficiaire voit son allocation diminuer non plus du total de ses revenus du travail, mais seulement d’une fraction.

Le RSA est une allocation différentielle, familialisée, qui complète les ressources initiales du foyer afin qu’elles atteignent le seuil d’un montant forfaitaire dont le barème varie selon la composition du foyer. Un RSA majoré peut être accordé temporairement à un parent isolé assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ou à une femme enceinte isolée ([49]).


Montants FORFAITAIRES AU 1er AVRIL 2023

(en euros)

Nombre d’enfants ou de personnes à charge

Personne seule

Couple

0

607,75

911,63

1

911,63

1 093,96

2

1 093,96

1 276,29

Par enfant ou personne supplémentaire

243,10

Source : CNAF

Qui bénéficie du RSA ?

Le RSA a été conçu comme un dispositif de droit commun, s’adressant à l’ensemble de la population en âge de travailler. Aussi les conditions pour le percevoir sont-elles peu restrictives :

– être âgé de plus de 25 ans ou sans condition d’âge pour les personnes assumant la charge d’au moins un enfant né ou à naître ou ayant travaillé au moins deux années au cours des trois dernières années ;

– résider en France au moins neuf mois dans l’année ;

– être Français ou citoyen de l’Espace économique européen ou Suisse ou avoir un titre de séjour en cours de validité depuis cinq ans minimum ;

– avoir des ressources mensuelles qui ne dépassent pas les plafonds en vigueur ;

– faire d’abord valoir ses droits à l’ensemble des autres prestations sociales (allocation de retour à l’emploi, AAH, retraite...)

 

Dans les faits, les bénéficiaires du RSA sont autant des femmes que des hommes (1). Ce sont pour plus de la moitié des personnes isolées et pour un tiers des parents isolés dont l’écrasante majorité sont des femmes (96 %). Il serait faux de penser que les bénéficiaires du RSA ne travaillent pas puisque fin 2018, 15 % des bénéficiaires avaient un emploi à cette date et 39 % avaient travaillé au cours de l’année suivante. Néanmoins, les emplois qu’ils occupent sont plus précaires que la moyenne puisque seuls 26 % des bénéficiaires salariés occupent un CDI contre 56 % pour l’ensemble des salariés (2).

(1) Drees, Minima sociaux et prestations sociales, édition 2022.

(2) Drees, Études et résultats, « RSA : parmi les bénéficiaires fin 2018, deux sur cinq ont travaillé en 2019 », n° 1253, janvier 2023.

Au total, avec une dépense d’allocation s’élevant à 11,7 milliards d’euros en 2019 financée par les départements sauf cas exceptionnels ([50]), le RSA est le premier minimum social devant l’allocation aux adultes handicapés (10,4 milliards), l’aide sociale à l’enfance (8,3 milliards) et l’aide sociale aux personnes handicapées et en perte d’autonomie (8,1 milliards) ([51]).

ii.   Engagements et orientation des bénéficiaires

La section 3 du chapitre II du titre VI du livre II du code de l’action sociale et des familles est consacrée aux « droits et devoirs du bénéficiaire du revenu de solidarité active ».

● L’article L. 262-27 définit d’abord les droits de l’allocataire à bénéficier d’un « accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent unique ». En contrepartie, l’article L. 262-28 dispose qu’il est « tenu, lorsqu’il est sans emploi ou ne tire de l’exercice d’une activité professionnelle que des revenus inférieurs à une limite fixée par décret, de rechercher un emploi, d’entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d’entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle ».

Deux critères alternatifs déterminent donc les personnes soumises aux droits et devoirs : être sans emploi ou avoir des revenus d’activité inférieurs à 500 euros mensuels au cours des trois derniers mois ([52]). Par conséquent, ces critères ne s’imposent pas aux personnes les plus proches de l’emploi même si dans les faits, ils concernent la quasi-intégralité des bénéficiaires (98 %) ([53]).

Le RSA étant une allocation familialisée, les mêmes droits et devoirs s’appliquent au bénéficiaire et à son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité. Toutefois, chacun signe son propre projet personnalisé d’accès à l’emploi en cas d’orientation vers Pôle emploi ou son propre contrat d’engagement réciproque ([54]).

● Une fois terminée la phase d’instruction de la demande de RSA et obtenue l’ouverture de droits notifiée au département, s’enclenche le processus d’orientation dont le président du conseil départemental est responsable aux termes de l’article L. 262-29 du code de l’action sociale et des familles.

L’objectif de l’orientation est triple :

– permettre d’engager l’accompagnement le plus rapidement possible pour l’ensemble des personnes concernées ;

– proposer la modalité d’accompagnement la plus adaptée à la situation de la personne ;

– viser prioritairement le retour à l’emploi.

Le président du conseil départemental tient compte de la situation du bénéficiaire dans le choix de l’orientation :

 lorsque le bénéficiaire est disponible pour occuper un emploi ou pour créer sa propre activité, il est orienté prioritairement vers Pôle emploi, vers l’un des organismes publics ou privés du service public de l’emploi ou vers un réseau d’appui à la création et au développement des entreprises. Cet accompagnement avant tout professionnel peut, le cas échéant, être également un accompagnement social ;

– lorsqu’il apparaît que des difficultés tenant notamment aux conditions de logement, à l’absence de logement ou à l’état de santé font temporairement obstacle à l’engagement du bénéficiaire dans une démarche de recherche d’emploi, il est orienté vers les autorités ou organismes compétents en matière d’insertion sociale ;

 lorsque le bénéficiaire est âgé de moins de 25 ans et que sa situation le justifie, vers les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes.

ORIENTATION DES BÉNÉFICIAIRES SELON LES ORGANISMES

Source : Drees, Enquête OARSA, 2021.

● L’organisme vers lequel le bénéficiaire du RSA a été orienté désigne le référent unique chargé de le suivre. La contractualisation des droits et devoirs est formalisée :

– si l’organisme est Pôle emploi, par un projet personnalisé d’accès à l’emploi ([55]) ;

– s’il s’agit d’un autre organisme participant au service public de l’emploi, par un contrat d’engagement réciproque conclu avec le département dans un délai d’un mois, énumérant les engagements réciproques en matière d’insertion professionnelle (article L. 262-35 du code de l’action sociale et des familles) ;

– s’il a été orienté vers un organisme compétent en matière d’insertion sociale, par un contrat d’engagement énumérant les engagements en matière d’insertion sociale ou professionnelle, conclu avec le département dans un délai de deux mois (article L. 262-36 du code de l’action sociale et des familles).

iii.   Le régime de sanctions attaché aux droits et devoirs

Le régime de sanctions relève de la compétence du président du conseil départemental qui peut, après avis d’une équipe pluridisciplinaire prévue à l’article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles, décider de suspendre tout ou partie du versement du RSA dans le respect du barème fixé par voie réglementaire ([56]). La sanction se traduit d’abord par une suspension qui peut devenir radiation.

MONTANT ET DURÉE DES SANCTIONS SELON LA SITUATION

Situation

Composition du foyer

Montant maximal

de la réduction

Durée de la suspension

Première suspension

Personne seule

80 % du montant dû

1 à 3 mois

2 personnes ou plus

50 % du montant dû

Après une première suspension

Personne seule

100 % du montant dû

1 à 4 mois

2 personnes ou plus

50 % du montant dû

Source : commission des affaires sociales.

● En application de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles, la suspension s’applique dans les situations suivantes :

– lorsque, du fait du bénéficiaire et sans motif légitime, le projet personnalisé d’accès à l’emploi ou le contrat d’engagement n’est pas établi dans les délais prévus ou n’est pas renouvelé ;

– lorsque, sans motif légitime, les dispositions du projet personnalisé d’accès à l’emploi ou les stipulations du contrat d’engagement ne sont pas respectées par le bénéficiaire ;

– lorsque le bénéficiaire accompagné par Pôle emploi a été radié de la liste des demandeurs d’emploi ;

 lorsque le bénéficiaire refuse de se soumettre aux contrôles prévus par la loi.

La sanction ne peut intervenir sans que le bénéficiaire, assisté à sa demande par une personne de son choix, ait été mis en mesure de faire connaître ses observations aux équipes pluridisciplinaires du conseil départemental dans un délai ne pouvant excéder un mois.

Lorsque, à la suite d’une suspension du RSA, la CAF ou la caisse de MSA procède à une reprise du versement et, le cas échéant, à des régularisations relatives à la période de suspension, elle en informe le président du conseil départemental.

À l’issue de la suspension, le versement du RSA est repris, sur décision du président du conseil départemental, à compter de la date de conclusion d’un PPAE ou d’un CER.

● Au terme de la durée de la suspension, si le bénéficiaire a déjà fait l’objet d’une décision de suspension antérieure, le président du conseil départemental procède à la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA, mettant fin au droit à l’allocation ([57]).

Après une radiation faisant suite à une décision de suspension, le bénéfice du RSA est subordonné, dans l’année qui suit la sanction, à la signature préalable d’un PPAE ou d’un CER.

b.   Un cadre jugé insatisfaisant qui a déjà fait l’objet d’évolutions et d’expérimentations

i.   Les bénéficiaires du RSA sont insuffisamment et inégalement orientés et accompagnés

Le rapport d’évaluation sur le RSA publié par la Cour des comptes en janvier 2022 ([58]) souligne de graves lacunes dans l’orientation et l’accompagnement des bénéficiaires du RSA.

● D’une part, l’étape de l’orientation des bénéficiaires est jugée « problématique » car aucun des trois des objectifs identifiés de l’orientation n’est rempli :

– s’agissant tout d’abord du nombre de personnes orientées. Par construction, la cible de personnes orientées parmi celles soumises aux droits et devoirs est de 100 %. Or, d’après les données de la Drees en 2019, le taux est de 82 % au niveau national et chute à 48 % pour les personnes allocataires depuis moins de six mois, témoignant de la lenteur de la prise en charge.

Il subsiste, de surcroît, une grande hétérogénéité selon les départements puisque parmi ceux évalués par la Cour des comptes, quatre affichaient un pourcentage d’orientés inférieur ou égal à 51 % ([59]) ;

– les délais d’orientation restent, par ailleurs, trop longs et non conformes aux délais fixés par le législateur. Ainsi que le présente le schéma ci-dessous, le délai moyen entre l’ouverture des droits et l’orientation par le département était en moyenne de 95 jours au niveau national en 2019. Les données pour l’année 2021 fournies par la Drees aux rapporteurs indiquent toutefois une légère amélioration avec un délai ramené à 84 jours.

 

DÉlais d’ORIENTATION DES BÉNÉFICIAIRES DU RSA en 2019

Source : commission des affaires sociales.

À nouveau, de fortes disparités apparaissent entre les départements puisque d’après les données Drees pour 2021, le délai d’orientation s’élevait à 16 jours dans les Alpes-Maritimes contre 181 en Essonne. Il est intéressant de noter que la Cour des comptes constate que les meilleurs résultats sont obtenus par les départements qui mettent en œuvre une procédure automatisée par algorithme ;

– enfin, la qualité de l’orientation n’est pas en adéquation avec les besoins des bénéficiaires. Près de la moitié des bénéficiaires sont orientés vers Pôle emploi ou l’un des organismes du service public de l’emploi – un choix d’orientation qui varie, là encore, nettement selon la politique mise en œuvre par le département ([60]). Or, l’orientation systématique vers Pôle emploi sans un accompagnement social apparaît peu pertinente pour nombre de bénéficiaires du RSA qui rencontrent d’importants freins périphériques au retour à l’emploi et devraient a minima bénéficier d’un accompagnement mixte, à la fois social et professionnel.

Par ailleurs, le nombre de réorientations qui permettraient de corriger une mauvaise trajectoire pour permettre un accompagnement plus cohérent du bénéficiaire est extrêmement résiduel puisque selon la Drees, seules 6 % des personnes ont connu un changement de type d’accompagnement en 2021 ([61]).

● D’autre part, l’accompagnement social et professionnel des bénéficiaires est largement défaillant tant quantitativement que qualitativement.

En effet, seuls 48 % des bénéficiaires orientés disposent effectivement d’un contrat d’engagement réciproque en 2021. Il ne faut pas exclure que les travailleurs sociaux peuvent toutefois réaliser des actions d’accompagnement hors de ce cadre. Quand un tel contrat existe son contenu est très peu engageant – voire « vide de substance » selon les termes de la Cour des comptes – à la fois sur le plan professionnel et social. Selon la Drees, en 2021 :

– 90 % des CER ne contiennent aucune action visant à trouver des activités, des stages ou de formations à visée professionnelle ;

– 78 % ne contiennent aucune action visant à inscrire les personnes dans un parcours de recherche d’emploi ;

– 87 % ne contiennent aucune action visant à faciliter le lien social (développement de l’autonomie sociale, activités collectives, etc.).

Au total, la faiblesse du contrat d’engagement réciproque fragilise la portée des droits et des devoirs puisque le non-respect des clauses peut difficilement être retenu comme un motif de sanction comme cela est pourtant prévu par le législateur.

● Enfin, le RSA n’est aujourd’hui pas un tremplin vers l’emploi puisque le taux de retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA est de 3,9 % par mois en 2019. Ce taux est nettement inférieur à la moyenne des demandeurs d’emploi (8,2 %) mais aussi à la totalité des publics « sensibles » (6,5 % pour les chômeurs de longue durée, 5,4 % pour les résidents en quartiers prioritaires de la politique de la ville). Seuls les travailleurs handicapés ont un taux plus faible mais voisin de 3,3 %.

ii.   Le RSA a déjà l’objet de plusieurs expérimentations visant à corriger ses défaillances structurelles

● La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2018‑2022 qui s’est déroulée dans le cadre d’une contractualisation entre l’État et les départements a posé un premier jalon dans l’accélération de l’orientation et de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA.

L’une des mesures phares ([62]) pour renforcer l’accompagnement des bénéficiaires du RSA se traduit par deux objectifs quantitatifs :

– d’une part, l’orientation de tous les bénéficiaires du RSA en un mois à compter de la notification de l’entrée dans le RSA au conseil départemental – objectif plus ambitieux que les deux mois prévus par le législateur ;

– d’autre part, la signature d’un contrat d’engagement pour 100 % des allocataires le mois suivant l’orientation.

D’après le troisième rapport annuel du comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ([63]), cette mesure a produit en 2021 les résultats suivants :

– 56 % des nouveaux entrants sont orientés en moins d’un mois contre 45 % en 2019 ;

– 59 % des nouveaux entrants dans le RSA ont obtenu un premier rendez‑vous d’accompagnement moins de deux semaines après l’orientation contre 19 % en 2019 ;

– 64 % des nouveaux entrants au RSA ont signé leur CER en moins de deux mois contre 22 % en 2019.

Cette mesure relativement couronnée de succès s’inscrit, par ailleurs, dans une démarche plus large de création d’un service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) expérimenté depuis le 5 mars 2020. Quatorze territoires expérimentateurs ont été sélectionnés pour mettre en œuvre des actions novatrices permettant de renforcer l’offre de service aux bénéficiaires et de proposer de nouvelles formes de coopération intégrée entre acteurs. Les premières évaluations de cette expérimentation relèvent que « les nouvelles modalités d’entrée en parcours déployées dans les territoires expérimentateurs se traduisent par un changement de posture des bénéficiaires, qui sont davantage impliqués dans le démarrage de leur parcours ([64]) ».

● La mission de préfiguration France Travail en cours a défini dix‑huit territoires pilotes et volontaires pour expérimenter un nouvel accompagnement des bénéficiaires du RSA. Cette mission a vocation à tester les modalités opérationnelles des principes du présent projet de loi sur l’accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA.

Les DIX-HUIT territoires pilotes de l’EXPÉRIMENTATION

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La mise en œuvre de cette expérimentation déployée depuis le printemps 2023 prend la forme de conventions signées entre l’État au niveau déconcentré et les conseils départementaux. Ces conventions précisent les engagements de chacune des parties et permettent de financer de l’ingénierie, des investissements numériques et une partie des moyens nécessaires à l’intensification des parcours.

Cette expérimentation vise plusieurs objectifs spécifiques :

 modéliser des parcours plus efficaces en matière d’insertion dans l’emploi ;

– concrétiser un droit réel à l’accompagnement socio-professionnel intensif, assuré par des tailles de portefeuilles réduites ;

– mettre en œuvre la réciprocité des engagements des pouvoirs publics et des bénéficiaires du RSA ;

– associer les employeurs à chaque étape pour répondre à leurs besoins en s’appuyant sur les compétences des personnes sans emploi.

Concrètement, les actions prévues par les départements volontaires se manifestent, à droit constant, par :

– un ciblage exhaustif de l’ensemble des bénéficiaires du RSA sur un bassin de vie donné ;

– une orientation accélérée et facilitée sur la base d’un référentiel d’orientation partagé ;

– un diagnostic socio-professionnel global et approfondi ;

– un accompagnement individualisé et intensif avec un objectif de 15 à 20 heures d’activité par semaine ;

– une coordination opérationnelle de la relation avec les employeurs conduite par Pôle emploi ;

– une gouvernance stratégique pour l’expérimentation, sous le pilotage du préfet et du président du conseil départemental, assortie d’un comité de suivi.

UN EXEMPLE : LE PARCOURS DES BÉNÉFICIAIRES DU RSA À TOURCOING

Source : note d’éclairage de l’expérimentation RSA de Tourcoing fournie par Pôle emploi.

2.   Le droit proposé par le projet de loi initial

L’article 3 du projet propose un nouveau cadre aux droits et devoirs des bénéficiaires du RSA.

Le Gouvernement a fait le choix aux articles 1er et 2 de créer un contrat d’engagement commun à toutes les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi dans le code du travail. L’article 3 vise à retranscrire au sein du code de l’action sociale et des familles l’ensemble des droits et des devoirs qui s’appliquent aux bénéficiaires du RSA, désormais automatiquement inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi. Ainsi que le note le Conseil d’État, ce choix « a le mérite de faciliter la lisibilité des dispositions applicables aux bénéficiaires du RSA » ([65]).

a.   L’inscription des engagements des bénéficiaires du RSA dans le droit commun des demandeurs d’emploi

● Tirant les conséquences de la suppression du projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) et du contrat d’engagement réciproque (CER) à l’article 2, le a du du I substitue à l’article L. 262-27 du code de l’action sociale et des familles la référence à ces contrats celle au nouveau contrat d’engagement.

● En conséquence, la même coordination est assurée aux articles L. 262-38 (b du 10 ° du I) et L. 262-44 (13 ° du I).

● Le b du du I prévoit l’inscription automatique du bénéficiaire du RSA et de son conjoint, concubin ou partenaire de pacs sur la liste des demandeurs d’emploi lors de la demande d’allocation, en cohérence avec les dispositions prévues à l’article 1er du projet de loi.

● Le c du du I précise que lorsque le bénéficiaire n’est pas soumis aux droits et devoirs, il peut solliciter chaque année un rendez-vous auprès de l’organisme référent vers lequel il a été orienté pour évoquer les conditions permettant l’amélioration de sa situation professionnelle.

Les dispositions relatives aux conjoints, concubins ou partenaires de pacs n’évoluent donc pas sur le fond puisque comme aujourd’hui, chacun des membres du couple signera son propre contrat d’engagement et le seuil, fixé par décret au‑delà duquel le partenaire n’est pas soumis aux droits et devoirs est inchangé ([66]).

b.   Le contenu du contrat d’engagement ajusté au profil des allocataires du RSA

L’article L. 262-34 relatif au contenu du contrat d’engagement est réécrit pour préciser que le bénéficiaire du RSA élabore avec le référent unique qui a été désigné pour l’accompagner le contrat d’engagement dont « le contenu est adapté à sa situation » dans les conditions prévues aux articles L. 5411-6 et L. 5411-6-1 du code du travail ( du I) tels que réécrits par l’article 2 ([67]).

c.   Un régime de sanctions plus adapté et plus progressif

Suivant les préconisations de la mission de préfiguration qui fait le constat d’un régime de sanctions « peu applicable et inégalement appliqué » ([68]), l’article 3 introduit d’une part une sanction intermédiaire dite de « suspension remobilisation » et révise d’autre part les modalités de suppression de l’allocation ( du I).

i.   La « suspension-remobilisation »

Aux termes de l’article L. 262-37 réécrit, le président du conseil départemental peut décider la suspension, en tout ou partie et pour une durée qu’il fixe, du versement du revenu de solidarité active lorsque, sauf motif légitime, le bénéficiaire :

– refuse d’élaborer ou d’actualiser le contrat d’engagement ;

– ne respecte pas tout ou partie des obligations énoncées dans ce contrat.

La suspension du versement du RSA ne fera évidemment pas obstacle à la poursuite de l’accompagnement proposé au bénéficiaire.

Si, avant le terme de la décision de suspension, le bénéficiaire se conforme à ses obligations, le président du conseil départemental met fin à sa décision.

Une fois que le bénéficiaire se sera conformé aux obligations dont la méconnaissance a fondé la sanction, les sommes retenues pendant la durée de la sanction lui seront versées au terme de la période de suspension. Ce versement rétroactif est une vraie innovation dans l’arsenal de sanctions et a vocation à susciter une réaction rapide du bénéficiaire suspendu de ses droits.

ii.   La suppression

Le président du conseil départemental peut toujours décider la suppression en tout ou partie du versement du RSA si le bénéficiaire :

– persiste dans le manquement qui a donné lieu à une suspension ;

– réitère, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, un manquement pour lequel il a fait l’objet d’une mesure de suspension ;

– refuse de se soumettre au contrôle du respect de ses engagements.

Afin de clarifier l’articulation entre les deux sanctions, le terme actuel de « suspension » visé aux articles L. 262-19, L. 262-25, L. 262-38 du code de l’action sociale et des familles de l’allocation est remplacé par celui de « suppression » puisque le bénéficiaire ne peut pas récupérer les sommes non perçues lorsqu’il se conforme à ses obligations. Il s’agit donc davantage d’une suppression que d’une suspension. Les et ainsi que le a du 10° du I opèrent cette coordination.

iii.   La procédure applicable aux sanctions

Le III de l’article L. 262-37 dispose que la durée et le montant des décisions de suspension et de suppression sont fixés au regard de la situation particulière du bénéficiaire, dont notamment la composition de son foyer, et en fonction de la nature et de la fréquence des manquements constatés. Interpelé sur ce point lors des travaux préparatoires, le rapporteur insiste sur la reconduction des garanties actuelles existantes pour le bénéficiaire.

Un décret en Conseil d’État précisera d’une part, la durée maximale de la sanction ainsi que la part maximale du RSA pouvant être suspendue et d’autre part, les éléments pris en compte pour fixer le montant et la durée de la sanction.

Pour la suspension comme la suppression, le bénéficiaire est informé des faits qui lui sont reprochés et de la sanction encourue. Il est préalablement mis en mesure de faire connaître ses observations, avec l’assistance, à sa demande, d’une personne de son choix.

En revanche, pour la suppression uniquement, la sanction ne peut intervenir qu’après avis de l’équipe pluridisciplinaire constituée par le président du conseil départemental à laquelle le bénéficiaire est mis en mesure de présenter ses observations. Cet avis préalable ne vaut donc pas pour la suspension. Néanmoins, les équipes pluridisciplinaires peuvent proposer au président du conseil départemental le prononcé d’une mesure de suspension ou de suppression ainsi que la réorientation du bénéficiaire vers un organisme différent (11° du I).

iv.   L’articulation des compétences entre l’opérateur France Travail et le président du conseil départemental

Pour les bénéficiaires du RSA dont il est l’organisme référent, l’opérateur France Travail peut proposer au président du conseil départemental des sanctions de suspension ou de suppression de l’allocation. La proposition de sanction sera transmise, après que le bénéficiaire, informé par France Travail des faits reprochés et de la sanction encourue, aura été mis en mesure de faire connaître ses observations avec l’assistance, à sa demande, d’une personne de son choix. Il est informé par l’opérateur France Travail de la proposition transmise et des motifs.

● Deux cas de figure se présentent ensuite selon la nature de la sanction et le rôle qu’entend jouer le président du conseil départemental :

– dans le cas d’une suspension, si le président du conseil départemental entend statuer lui-même sur les faits reprochés, il le fait savoir à l’opérateur France Travail dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. À défaut, l’opérateur prononcera lui-même la sanction qu’il a proposée et en informera le président du conseil départemental.

Si le président du conseil départemental statue lui-même, il ne pourra prendre une mesure plus sévère que celle proposée par l’opérateur France Travail sans que le bénéficiaire ait été préalablement mis en mesure de faire connaître ses observations ;

– dans le cas d’une suppression, le président du conseil départemental ne peut prendre une mesure plus sévère que celle proposée par l’opérateur sans que le bénéficiaire ait été préalablement mis en demeure de faire connaître ses observations et que l’avis de l’équipe pluridisciplinaire ait été recueilli.

Dans tous les cas où le président du conseil départemental prononcera une sanction à l’égard d’un bénéficiaire du RSA dont l’opérateur France Travail est l’organisme référent, il devra informer ce dernier de la nature, de la durée et du montant de la sanction qu’il a prononcée.

● Le président du conseil départemental peut déléguer à l’opérateur France Travail, pour une durée déterminée et pour l’ensemble des bénéficiaires du RSA résidant dans le département dont l’opérateur est l’organisme référent, le prononcé des mesures de suspension du versement du RSA. L’opérateur France Travail doit alors informer le président du conseil départemental des sanctions qu’il prononce dans ce cadre.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État signale que le pouvoir réglementaire devra veiller à ce qu’un délai suffisant soit laissé au conseil départemental pour se prononcer ([69]).

d.   Le maintien de la compétence du département dans l’orientation des bénéficiaires du RSA

● L’article L. 262-29 relatif au rôle du président du conseil départemental dans l’orientation des bénéficiaires du RSA est entièrement réécrit par le du I afin d’encadrer l’exercice de cette compétence aux conditions prévues à l’article L. 5411-5 du code du travail. Réécrit par l’article 1er, l’article L. 5411-5 du code du travail définit les modalités d’orientation des demandeurs d’emploi vers les organismes chargés de leur accompagnement dans le cadre du nouveau réseau France Travail.

L’option de confier la compétence d’orientation pour tous les demandeurs d’emploi à France Travail a ainsi été écartée pour les bénéficiaires du RSA car elle aurait remis en cause la compétence d’orientation reconnue aux présidents des conseils départementaux et ne permettait pas de prendre en compte les améliorations entreprises ces dernières années dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

Si le président du conseil départemental garde une compétence de principe dans l’orientation des bénéficiaires du RSA, l’opérateur France Travail pourra toutefois procéder à cette orientation, par dérogation :

– soit lorsque le président du conseil départemental lui aura délégué cette compétence ;

– soit lorsque la décision d’orientation ne sera pas intervenue dans un délai prévu par décret.

Cette disposition vise à s’assurer d’une orientation accélérée des bénéficiaires du RSA en comparaison avec les délais trop longs et trop hétérogènes selon les départements constatés aujourd’hui.

● Le du I précise, à l’article L. 262-30, que le bénéficiaire du RSA réalise avec son référent unique un diagnostic global de sa situation, sur le fondement du référentiel élaboré par le comité national France Travail. Il abroge, de surcroît, au dernier alinéa de cet article la possibilité pour le président du conseil départemental de désigner un correspondant chargé de suivre les évolutions de la situation des bénéficiaires et d’appuyer les actions des référents.

● L’article L. 262-31 fait l’objet d’une nouvelle rédaction au du I afin de préciser le parcours du bénéficiaire bénéficiant de l’accompagnement à vocation d’insertion sociale. Si, à l’issue d’un délai de six mois à compter de la signature ou de la révision du contrat d’engagement, pouvant aller jusqu’à douze mois dans des cas fixés par décret, le bénéficiaire n’est pas en mesure de s’engager dans une démarche de recherche d’emploi, sa situation fait l’objet d’un diagnostic réalisé conjointement par l’opérateur France Travail et le référent unique.

Au vu de ce diagnostic :

– soit le président du conseil départemental prend une nouvelle décision d’orientation ;

– soit l’organisme avec lequel le contrat d’engagement procède, avec le bénéficiaire, à la révision du contrat.

● Par cohérence avec ces nouvelles dispositions, le du I abroge les articles suivants du code de l’action sociale et des familles :

– l’article L. 262-32 sur la possibilité de conclure une convention portant sur l’orientation et l’accompagnement des bénéficiaires du RSA ;

– l’article L. 262-33 sur la convention fixant les objectifs en matière d’accès à l’emploi des bénéficiaires du RSA et les moyens d’y parvenir ;

– les articles L. 262-35 et L. 262-36 relatifs au contrat d’engagement réciproque.

e.   Le partage de données entre acteurs du nouveau réseau France Travail

L’article L. 262-42 du code de l’action sociale et des familles est complété afin de prévoir que dans le cadre de la participation du département au réseau France Travail, le président du département partage avec les autres membres du réseau les données à caractère personnel nécessaires à l’identification des bénéficiaires du RSA, en particulier celles relatives à l’orientation et à l’accompagnement (12° du I).

En outre, l’article L. 263-4-1 du même code, introduit par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration du 21 février 2022 ([70]), qui prévoit une action coordonnée des acteurs de l’insertion pour fournir un accompagnement personnalisé aux personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles ainsi que des échanges de données à caractère personnel entre ces acteurs afin de favoriser la complémentarité des actions engagées est ainsi modifié (14° du I) :

– la liste des personnes et organismes concernés ne viserait plus les seuls organismes débiteurs de prestations familiales mais l’ensemble des organismes de sécurité sociale (a) ;

– la mention selon laquelle les services numériques créés sont « mis en œuvre par le ministre chargé de l’insertion et, le cas échéant, les ministres chargés de l’emploi ou des affaires sociales » est supprimée (b).

f.   L’application du dispositif dans le cadre du RSA recentralisé

Depuis le 1er janvier 2022, une expérimentation du transfert à l’État de l’instruction administrative, de l’attribution, du contrôle administratif et du financement du RSA est en cours (cf. supra), introduite par l’article 43 de la loi de finances pour 2022 ([71]) et la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration du 21 février 2022 ([72]).

Le du II prend les dispositions nécessaires pour adapter dans ces collectivités les dispositions relatives aux sanctions. Dans le cadre de l’expérimentation, la décision d’infliger une mesure de suspension ou de suppression du RSA relève du directeur de la caisse d’allocations familiales (CAF) ou de la caisse de mutualité sociale agricole (MSA), sur proposition du président du conseil départemental. Ainsi, il ne sera pas possible au président du conseil départemental de déléguer le prononcé des sanctions à l’opérateur France Travail.

Le du II procède à une coordination au même article 43 de la loi de finances pour 2022.

g.   Entrée en vigueur

Le III fixe la date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 3 au 1er janvier 2025.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

● Outre des amendements rédactionnels et de coordination, la commission des affaires sociales a, comme sur l’ensemble des articles du projet de loi, modifié la dénomination de l’opérateur France Travail pour maintenir la dénomination actuelle de Pôle emploi.

● En commission, elle a fait évoluer le texte sur plusieurs aspects.

Elle a d’abord adopté un amendement de la rapporteure supprimant le mécanisme qui permettait à Pôle emploi (France Travail) de prononcer lui-même la sanction de suspension du RSA concernant un bénéficiaire dont il est l’organisme référent, si le président du conseil départemental ne s’est pas prononcé dans un délai déterminé.

La commission a, en outre, précisé que la possibilité donnée au président du conseil départemental de déléguer le prononcé des sanctions, pour une durée déterminée, à Pôle emploi (France Travail) devrait être subordonnée à l’accord de l’assemblée délibérante du département, sur proposition de la rapporteure.

En adéquation avec les modifications apportées par la commission à l’article 2, elle a adopté un amendement de la rapporteure visant à mettre en cohérence les procédures de radiation de la liste des demandeurs d’emploi et de radiation de la liste des bénéficiaires du RSA et de définir les compétences respectives de Pôle emploi et du président du conseil départemental. Pour les bénéficiaires du RSA, il reviendrait au président du conseil départemental de décider la radiation du bénéficiaire de la liste des bénéficiaires et, en conséquence, de la liste des demandeurs d’emploi.

Toujours à l’initiative de la rapporteure, elle a limité à trois mois les sommes pouvant être versées rétroactivement aux bénéficiaires du RSA dans le cadre de la nouvelle procédure de « suspension-remobilisation » au motif notamment que l’absence de limite temporelle pourrait nuire à l’efficacité du dispositif.

Enfin, elle a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant que le décret en Conseil d’État qui doit fixer la durée maximale des sanctions devra également déterminer leur durée minimale car les caisses d’allocations familiales pourraient avoir des difficultés à mettre en œuvre cette nouvelle sanction si la durée de la mesure, fixée par le président du conseil départemental, était trop courte.

● En séance publique, les sénateurs ont adopté un amendement du Gouvernement – avec avis favorable de la commission – rétablissant le principe selon lequel le silence du président du conseil départemental dans un délai donné vaudra accord de la sanction de suspension du RSA.

4.   Les modifications apportées par la commission

● La commission a tout d’abord précisé, en cohérence avec les dispositions adoptées à l’article 2, la nature « réciproque » du contrat d’engagement par l’adoption d’un amendement de Mme Marie-Charlotte Garin et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES ([73]), avec avis favorable du rapporteur.

● Elle a, en outre, complété le III de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles afin de préciser « qu’une attention particulière est portée aux bénéficiaires assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants » sur proposition de Mme Aude Luquet et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) ([74]), avec avis favorable du rapporteur, dans le cadre des sanctions de suspension et de suppression du RSA.

● Sur proposition du rapporteur ([75]), elle a complété le VII de l’article L. 262‑37 afin de préciser que la notification du président du conseil départemental à destination du bénéficiaire du RSA à l’égard duquel est prononcée une sanction contient, en sus de la nature, de la durée et du montant de la sanction, « les voies et délais de recours contre la sanction prononcée ».

● Toujours sur proposition du rapporteur ainsi que de M. François Gernigon et des membres du groupe Horizons et apparentés ([76]), la commission a supprimé la radiation automatique de la liste des bénéficiaires du RSA dès lors que ceux-ci sont radiés de la liste des demandeurs d’emploi introduite par le Sénat. Pour les raisons évoquées à l’article 2, cette radiation n’apparaît pas opportune au regard de la différence de nature entre les deux listes concernées et des revenus qui y s’attachent.

● Au demeurant, la commission a adopté vingt amendements rédactionnels dont dix-huit du rapporteur et deux de Mme Emmanuelle Anthoine ainsi que trois amendements identiques ([77]) du rapporteur, de Mme Michèle Peyron et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ainsi que de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés relatifs à la nouvelle dénomination de l’opérateur France Travail et du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi (voir commentaire de l’article 5).

*

*     *

TITRE II
UN RENFORCEMENT DES MISSIONS DES ACTEURS
AU SERVICE DU PLEIN EMPLOI GRÂCE
À UNE ORGANISATION RÉNOVÉE
ET UNE COORDINATION PLUS EFFICIENTE

Article 4
Créer le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi

Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 crée le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi (dénommé réseau France Travail dans le projet de loi initial). Il comprend les opérateurs du service public de l’emploi, les collectivités territoriales, dans le respect de leurs compétences propres, ainsi que différents acteurs publics et privés qui souhaitent s’y associer.

Sous l’impulsion d’un comité national, le réseau a pour objectif d’offrir à l’ensemble des demandeurs d’emploi une solution globale et individualisée d’accompagnement au plus près de leur bassin d’emploi.

  1.   Le droit en vigueur

Aux termes de l’article L. 5311-1 du code du travail, le service public de l’emploi a pour mission « l’accueil, l’orientation, la formation et l’insertion ». Son action « comprend le placement, le versement d’un revenu de remplacement, l’accompagnement des demandeurs d’emploi et l’aide à la sécurisation des parcours professionnels de tous les salariés ».

a.   Les différents acteurs du service public de l’emploi dont la coordination peut être renforcée

Le service public de l’emploi est assuré à la fois par un opérateur de l’État, Pôle emploi, mais aussi par des structures auxquelles a été délégué le suivi d’une partie des demandeurs d’emploi, en particulier les Cap emploi et les missions locales. Il fait, en outre, intervenir l’ensemble des collectivités territoriales, chacune dans leur domaine de compétences.

i.   L’architecture du service public de l’emploi

● Le service public de l’emploi est assuré par :

– les services de l’État chargés de l’emploi et de l’égalité professionnelle ;

– Pôle emploi ([78]) ;

 l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ([79]) ;

– l’Unedic ([80]).

● D’autres organismes peuvent également participer au service public de l’emploi ([81]) :

– les organismes publics ou privés dont l’objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi ;

– les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées, dits « Cap emploi » ;

– les organismes liés à l’État par une convention relative à l’insertion par l’activité économique de personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ([82]) ;

– les entreprises de travail temporaire ;

– les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes ([83]).

ii.   Les principaux opérateurs du service public de l’emploi

● Institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière ([84]), Pôle emploi constitue l’acteur principal du service public de l’emploi.

Elle est dirigée par un directeur général nommé par décret, après avis de son conseil d’administration ([85]). Outre une direction générale, son organisation se déploie sur le territoire au travers de directions régionales et d’éventuelles instances paritaires territoriales ([86]). Son réseau comporte 900 agences ([87]).

● Aux côtés de Pôle emploi, les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes ([88]) sont un maillon essentiel du service public de l’emploi.

Figurant parmi les recommandations du rapport de Bertrand Schwartz au Premier ministre Pierre Mauroy ([89]), la création des missions locales procède de l’ordonnance du 26 mars 1982 ([90]), dans un premier temps à titre expérimental, afin d’« apporter aux jeunes une aide plus étendue, dépassant l’orientation professionnelle, leur permettant d’élaborer un projet d’insertion sociale et professionnelle, et de le mettre en œuvre dans tous ses aspects de vie quotidienne » ([91]).

C’est la loi du 19 décembre 1989 ([92]) qui pérennise l’existence des missions locales dont le rôle est « d’aider les jeunes de seize à vingt-cinq ans à résoudre l’ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement ». La loi du 18 janvier 2005 ([93]) achève ce processus en codifiant les dispositions de la loi du 19 décembre 1989 et en affirmant la mission de service public pour l’emploi des missions locales.

Constituées entre l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales et des associations ([94]), les 437 missions locales ([95]) prennent la forme d’une association ou d’un groupement d’intérêt public ([96]). Elles disposent de 6 800 lieux d’accueil répartis sur tout le territoire ([97]).

Elles accueillent tous les jeunes de 16 à 25 ans et concentrent plus particulièrement leur action sur les jeunes dits « NEET » ([98]), ni en études, ni en emploi, ni en formation. Ainsi, en 2022, les missions locales ont accompagné 1 100 000 jeunes ([99]) dont 387 000 pour la première fois. Parmi ces nouveaux entrants, 83,4 % étaient des jeunes NEET.

Les missions locales sont plus particulièrement chargées :

– de contrôler le respect de l’obligation de formation pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans ([100]) ;

– d’accompagner vers l’emploi et l’autonomie les jeunes de 16 à 25 ans révolus en difficulté et confronté à un risque d’exclusion professionnelle ([101]). Il s’agit alors de la mise en œuvre du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) ([102]) ou du contrat d’engagement jeune (CEJ) ([103]).

● Les Cap emploi sont des organismes de placement spécialisés (OPS) dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées, exerçant une mission de service public ([104]). Au nombre de 97 ([105]), ils sont chargés de « la préparation, de l’accompagnement, du suivi durable et du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap » ([106]).

Inscrits dans le code du travail par la loi du 11 février 2005 ([107]), les organismes de placement spécialisés font l’objet, depuis la loi du 28 juillet 2011 ([108]), d’une section à part entière dans le code du travail qui définit leurs missions et prévoit leur participation au service public de l’emploi, aux côtés de Pôle emploi.

Les Cap emploi accueillent et accompagnent plus de 220 000 personnes en situation de handicap et plus de 150 000 employeurs chaque année ([109]).

Leur action s’adresse, d’une part, aux demandeurs d’emploi en situation de handicap selon deux axes :

– l’accompagnement vers l’emploi, qui consiste en un accompagnement spécifique en fonction des difficultés liées au handicap ;

– l’accompagnement dans l’emploi, destiné à résoudre une inadéquation entre le travail et l’état de santé de la personne ou au regard de son handicap.

D’autre part, l’expertise des Cap emploi s’adresse également à l’ensemble des employeurs afin, notamment, de les informer des obligations d’emploi des personnes en situation de handicap, de leur apporter une aide au recensement des postes et la mise en place des conditions d’accueil adaptées ainsi que pour le recrutement et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées.

iii.   La multiplicité des compétences en matière de politiques de l’emploi et de l’insertion

La répartition des compétences en matière d’emploi et de formation entre les différentes collectivités publiques est le fruit d’une construction historique longue qui peut susciter de la complexité pour les demandeurs d’emploi, les entreprises et l’ensemble des acteurs du champ de l’emploi et de l’insertion.

L’État exerce ses missions principalement au travers de Pôle emploi en assurant l’accompagnement et l’indemnisation des demandeurs d’emploi. Il peut également, dans certains domaines ou à titre subsidiaire, contribuer à la formation des demandeurs d’emploi ([110]).

Les régions disposent d’une compétence de droit commun en matière de formation professionnelle ([111]), à l’exception de la formation initiale qui relève de l’État. Au travers de leur compétence en matière de développement économique ([112]), les régions sont des acteurs centraux de la construction des politiques de la formation et de l’insertion professionnelle.

Les départements sont en charge des politiques d’insertion sociale et professionnelle et en particulier des personnes en difficulté dans le cadre de la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA) ([113]).

Enfin, les communes et intercommunalités peuvent agir dans le domaine de l’accompagnement et de l’insertion des demandeurs d’emploi, notamment au travers des centres communaux d’action sociale (CCAS) et les centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) ([114]).

b.   Le renforcement de la coordination entre les différents acteurs du service public de l’emploi

La conduite du service public de l’emploi a été marquée par différentes initiatives de rapprochement entre les acteurs du service public de l’emploi qui ont permis un meilleur accompagnement des publics les plus en difficulté.

i.   Les lieux uniques d’accompagnement (LUA), rapprochement entre Pôle emploi et les Cap emploi

Le rapprochement de Pôle emploi et des Cap emploi a été engagé par la volonté affichée dès le comité interministériel du handicap du 25 octobre 2018 ([115]) et formalisé par la signature, le 4 septembre 2020, d’une convention entre l’État, Pôle emploi, les gestionnaires des deux fonds en faveur des personnes en situation de handicap et le Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés (Cheops) ([116]), dont l’objectif était la mise en œuvre des lieux unique d’accompagnement (LUA) au sein des agences Pôle emploi.

Les LUA permettent d’accueillir au mieux les personnes en situation de handicap, soit par des agents de Pôle emploi formés spécifiquement, soit par des accueillants des Cap emploi, en fonction des besoins des demandeurs d’emploi. Ce rapprochement a supposé un accès unifié aux systèmes d’information, préalable nécessaire au suivi efficace des demandeurs d’emploi.

Auditionnés par le rapporteur, les représentants du réseau Cheops ont souligné le travail conséquent requis par cette mise en compatibilité des systèmes d’information.

ii.   L’association entre Pôle emploi et les missions locales

Depuis 2001, le rapprochement de Pôle emploi et des missions locales leur permet d’œuvrer conjointement pour l’insertion des jeunes au travers de la signature de conventions et d’accords successifs, dont le dernier a été conclu en 2015 et qui est reconduit par avenant depuis 2018 ([117]), prévoyant notamment la délégation par Pôle emploi à la mission locale du projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) ([118]).

Le déploiement, depuis mars 2022, du CEJ a renforcé la coopération entre Pôle emploi et les missions locales. L’accompagnement dont bénéficient les jeunes qui entrent dans ce dispositif est mis en œuvre par les deux opérateurs. Ainsi, en 2022, 277 236 jeunes ont bénéficié de ce dispositif dont 171 142 suivis par une mission locale et 106 094 suivis par Pôle emploi ([119]).

iii.   Le renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA

Compétence départementale ([120]), l’accompagnement des bénéficiaires du RSA fait l’objet d’une collaboration avec l’État, principalement dans le cadre de deux programmes :

– d’une part, dès 2019, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (SNPLP), des conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi 2019-2022 ont été conclues entre les départements et l’État, garantissant un financement supplémentaire de ce dernier en contrepartie de la fixation d’objectifs communs et d’engagements sur les résultats en matière d’accompagnement. Ces conventions visent à améliorer l’insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA grâce à une accélération de l’orientation et l’intégration d’une double approche d’accompagnement sociale et professionnelle ;

– d’autre part, le service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) propose un accompagnement global des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles dans leur accès au marché du travail en regroupant les différents niveaux de collectivités en lien avec Pôle emploi. Le service leur propose une approche visant à lever les freins périphériques, tels que la garde d’enfant ou les problèmes de logement ou de mobilité, afin d’engager un parcours vers l’emploi. En 2023, 79 territoires sont engagés dans cette démarche soit 80 % du territoire national ([121]).

c.   La mission de préfiguration de France Travail

● La mission de préfiguration de France Travail, confiée par le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion au haut‑commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises (HC3E) s’inscrit dans le constat d’une baisse importante du chômage, qui s’établit à 7,2 % au deuxième trimestre 2023 ([122]), et de la persistance de tensions sur le marché du travail entre, d’une part, des employeurs qui peinent à recruter dans certains secteurs ([123]) et, d’autre part, un certain nombre de personnes qui demeurent durablement éloignées de l’emploi.

Selon le rapport de la mission ([124]), « le choix de France Travail est donc celui d’une meilleure coopération, accompagnée des clarifications et simplifications qui sont appelées de leurs vœux par une très grande majorité des parties prenantes, et de la mise en place de communs physiques, numériques et méthodologiques qui permettent d’organiser l’action collective au seul service de la lisibilité et de l’efficacité des services pour les personnes et pour les entreprises. Et in fine, partager les responsabilités pour redonner le pouvoir d’agir et de décider au plus près des réalités du terrain, au niveau de nos bassins d’emploi, de nos bassins de vie. »

 À compter du printemps 2023, dixhuit départements ([125]) ont été sélectionnés mettre en place un accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA dans le cadre d’une expérimentation de la méthode qui sera mise en œuvre grâce à France Travail. L’objectif repose sur trois séries d’actions :

– le recensement de l’ensemble des allocataires du RSA sur leur territoire, de façon proactive ;

– le diagnostic partagé des besoins sociaux et professionnels de chaque personne en vue de favoriser son retour à l’emploi ;

– la mise en place d’un accompagnement partagé social et professionnel contribuant à la détermination d’un projet professionnel et les moyens pour y parvenir, notamment par un accompagnement renforcé hebdomadaire.

L’expérimentation France Travail pour le suivi des bénéficiaires du RSA dans le département du Nord

Dans le cadre de la préparation de l’examen du projet de loi, le rapporteur s’est rendu sur le plateau de l’expérimentation du suivi des bénéficiaires du RSA à Tourcoing, dans le département du Nord, afin d’avoir un premier retour d’expérience des équipes qui la mettent en œuvre.

Caractérisée par un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale, qui s’élève à 11,4 % au lieu de 7,2 % au niveau national au deuxième trimestre 2022 (1), la ville de Tourcoing s’est fixée pour objectif d’accompagner 100 % des nouveaux bénéficiaires du RSA ainsi que ceux relevant de deux quartiers prioritaires de la ville, selon la démarche fixée par l’expérimentation comprenant notamment 15 à 20 heures d’actions obligatoires par semaine.

Le suivi des allocataires du RSA est assuré par différents professionnels de l’emploi, du social et du médico-social dont l’objectif est de déterminer les freins périphériques à la reprise d’une activité professionnelle ainsi que les éventuels besoins de formation ou d’accompagnement.

La mise en œuvre des 15 à 20 heures d’actions hebdomadaires obligatoires par semaine emporte une large satisfaction tant de la part des accompagnants que des personnes suivies. Elle ne soulève pas de difficulté dès lors que ces heures recouvrent des actions variées telles que des rendez-vous médicaux, des entretiens d’embauche, des contrats d’insertion ou encore des formations.

Le rapprochement des équipes, en particulier celles du département et de la région avec celles de Pôle emploi, permet une approche « à 360 ° » des bénéficiaires du RSA afin de s’assurer de la prise en compte de l’ensemble de leurs difficultés.

Le taux de retour à l’emploi constaté dans le cadre de l’expérimentation s’établit à 65 %.

(1) Source : direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) des HautsdeFrance.

● La mission de préfiguration a identifié un certain nombre de complexités dans l’accès au service public de l’emploi au regard du cadre législatif et réglementaire actuel ainsi que les pratiques des différents acteurs ([126]) :

– un manque de connaissance des offres de services respectives et une collaboration parfois fragile des porteurs de solution qui entraînent des ruptures dans l’accompagnement ;

– un « effet de concurrence » ressenti par les opérateurs de l’emploi et de l’insertion ;

 de trop nombreuses instances existantes impliquant des coûts d’organisation importants dans le partage de données malgré des résultats trop limités ;

– une logique de financement et d’offre descendante qui ne correspond pas aux besoins des bassins de vie ;

– un manque de partage de données et un manque d’interconnexion des systèmes d’information pour prendre les bonnes décisions ;

– un manque de prise en compte de l’avis des usagers.

Ce constat a conduit la mission de préfiguration à proposer une nouvelle organisation du service public de l’emploi dans laquelle la place de l’État et des collectivités territoriales y est redéfinie et déclinée à l’échelon territorial.

Dans cette nouvelle architecture, les opérateurs historiques du service public de l’emploi sont consolidés avec, d’une part, Pôle emploi, qui deviendrait l’opérateur France Travail, chargé de coordonner le réseau et de lui fournir les outils nécessaires à son action, et, d’autre part, les deux opérateurs spécialisés que sont les missions locales et les Cap emploi. Le réseau France Travail associerait également l’ensemble des acteurs, publics comme privés, qui apportent des réponses aux besoins des demandeurs d’emploi et, en particulier, ceux qui en sont le plus éloignés.

Source : rapport de la mission de préfiguration de France Travail.

2.   Le dispositif proposé par le projet de loi

Le présent article institue le réseau France Travail en définissant les missions, la composition et le patrimoine commun du réseau, sa gouvernance ainsi que les mesures d’application et de coordination nécessaires.

a.   La création du réseau France Travail

Le  du I insère, au sein du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail, consacré au service public de l’emploi, après le chapitre Ier, un chapitre Ier bis intitulé « Réseau France Travail ».

La section 1 « Missions, composition et patrimoine commun du réseau France Travail » constitue le cœur du projet de création de la nouvelle architecture du service public de l’emploi et comprend les articles L. 5311-7 et L. 5311-8.

i.   Les missions du réseau

Reprenant les missions assignées au service public de l’emploi par l’article L. 5311-1 du code du travail, le I du nouvel article L. 5311-7 du même code dispose que le réseau France Travail met en œuvre « les missions d’accueil, d’orientation, d’accompagnement, de formation, d’insertion, de placement des personnes à la recherche d’un emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles et, s’il y a lieu, de versement de revenus de remplacement, d’allocations ou d’aides aux demandeurs d’emploi ».

ii.   La composition du réseau

Composition du rÉseau France Travail dans le projet de loi initial (Article L. 5311-7 du code du travail)

Les membres du réseau France Travail (II)

Les personnes morales, autorités et organismes pouvant participer au réseau de France Travail (III)

1° Les collectivités publiques :

– L’État ;

– Les régions ;

– Les départements ;

– Les communes ;

– Les groupements de communes disposant d’une compétence au titre de l’une des missions du réseau France Travail.

2° L’opérateur France Travail (anciennement Pôle emploi) ;

3° Les opérateurs spécialisés :

– Les missions locales (1) ;

– Les Cap emploi (2).

1° Les organismes publics ou privés dont l’objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi (3) ;

2° Les organismes liés à l’État par une convention relative à l’insertion par l’activité économique de personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières (3) ;

3° Les entreprises de travail temporaire (3) ;

4° Les organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi (4) ;

5° Les autorités et organismes compétents en matière d’insertion sociale (5) ;

6° Les organismes débiteurs des prestations familiales chargés du service du RSA (6).

(1) Article L. 5314-1 du code du travail.

(2) Article L. 5214-3-1 du code du travail.

(3) Article L. 5311-4 du code du travail.

(4) Article L. 5316-1 du code du travail introduit par l’article 6 du projet de loi.

(5) Aux termes du 2° de l’article L. 262-29 du code de l’action sociale et des familles, il s’agit des autorités et organismes vers lesquelles sont orientées les bénéficiaires du RSA lorsque leurs conditions de logement, leur absence de logement ou leur état de santé font temporairement obstacle à l’engagement dans une recherche d’emploi.

(6) Aux termes de l’article L. 262-16 du code de l’action sociale et des familles, il s’agit des caisses d’allocations familiales ou, le cas échéant, des caisses de mutualité sociale agricole.

iii.   Les missions des acteurs du réseau

Le nouvel article L. 5311-8 du code du travail prévoit que les acteurs du réseau France Travail « coordonnent l’exercice de leurs compétences et favorisent la complémentarité de leurs actions, afin d’assurer le suivi et la continuité des parcours d’insertion ainsi que la réalisation des actions d’accompagnement socioprofessionnel des bénéficiaires ».

Les missions des membres du réseau France Travail

(I de l’article L. 5311-8 du code du travail)

1° Mettre en œuvre des procédures et des critères communs d’orientation des personnes en recherche d’emploi ou rencontrant des difficultés sociales et professionnelles ;

2° Mettre en œuvre un socle commun de services au bénéfice des personnes et des employeurs, ainsi que les méthodologies et référentiels établis par le comité national France Travail ([127]) ;

3° Participer à l’élaboration d’indicateurs communs de suivi, de conduite et d’évaluation de leurs actions ;

4° Partager les informations et les données à caractère personnel nécessaires au recensement des bénéficiaires de leurs services, notamment le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, à l’évaluation de leur situation, au suivi de leur parcours d’insertion, à la réalisation des actions d’accompagnement des bénéficiaires, ainsi qu’à l’établissement de statistiques ;

5° Assurer l’interopérabilité de leurs systèmes d’information avec les outils et services numériques communs développés par l’opérateur France Travail, dans la mesure où celle‑ci est nécessaire à la mise en œuvre des objectifs qui leurs sont assignés.

À ce titre, le Conseil d’État précise la portée des actions attendues de membres du réseau. Il indique ainsi « que ces actions communes ne sont exigées des personnes morales constituant le réseau que dans la mesure de leurs attributions respectives et que, s’agissant de l’obligation d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information, elle ne saurait contraindre les collectivités concernées, en particulier les plus petites d’entre elles, que dans la mesure où cette interopérabilité s’avère nécessaire à l’atteinte des objectifs assignés au réseau » ([128]).

iv.   Institution d’une charte d’engagements

Le comité national France Travail élabore une charte qui définit les engagements portant sur le cadre de coopération. La charte est signée par le ministre chargé de l’emploi et les représentants nationaux des membres du réseau présents au sein du comité national France Travail. Toute personne morale participant au réseau France Travail pourra également y apporter sa signature.

Les engagements prévus par la charte d’engagements

(II de l’article L. 5311-8 du code du travail)

1° Des modalités renforcées de mise en œuvre des missions assignées aux membres du réseau France Travail ;

2° La reprise de tout ou partie des obligations auxquelles sont soumis les membres du réseau, dans le cadre de conventions ou actes de mandatement régissant leurs rapports avec des organismes publics ou privés concourant aux missions assignées au réseau France Travail ;

3° Les conditions dans lesquelles les signataires rendent compte de la mise en œuvre des actions au titre de la charte.

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités selon lesquelles les signataires de la charte d’engagements rendent compte de la mise en œuvre de leurs actions ([129]).

La charte d’engagements ne relève pas de la même nature que d’autres actes élaborés dans le cadre du réseau France Travail puisque, selon le Conseil d’État ([130]), elle :

– n’a pas vocation à être directement opposable aux personnes morales non-signataires, ou qui ne peuvent être regardées comme engagées par la signature de l’organisme qui les regroupe au niveau national ;

– a pour objectif de renforcer la coordination et la complémentarité des actions de ses signataires et contiendra, par conséquent, des engagements allant au‑delà de la simple mise en œuvre du socle d’obligations prévu par la loi ou résultants d’actes du comité national France Travail.

b.   La gouvernance du réseau France Travail

Le chapitre Ier bis inséré par le du I du présent article comprend également une section 2 « Gouvernance du réseau France Travail » dont les articles L. 5311-9 et L. 5311-10 précisent les caractéristiques.

i.   Le comité national France Travail

Missions et attributions du comité national France Travail

(I de l’article L. 5311-9 du code du travail)

1° Assurer la concertation entre les membres du réseau sur tout sujet d’intérêt commun ;

2° Élaborer la charte d’engagements du réseau ;

3° Arrêter les orientations stratégiques, au niveau national, des actions assignées aux membres du réseau France Travail ;

4° Définir un socle commun de services au bénéfice des personnes et des employeurs, et d’établir des méthodologies et référentiels comportant, le cas échéant, des objectifs de qualité de service ;

5° Émettre les avis dans le cadre des consultations prévues pour la fixation, par arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé des solidarités, des critères d’orientation des demandeurs d’emploi ([131]) et pour l’établissement d’une convention pluriannuelle entre l’État, l’Unedic et l’opérateur France Travail qui définit les objectifs de ce dernier au regard de la situation de l’emploi et au vu des moyens prévisionnels qui lui sont alloués ([132]).

6° Établir les indicateurs nécessaires à la conduite, au suivi et à l’évaluation de ces actions, et assurer la concertation sur les évaluations réalisées ainsi que sur les résultats observés.

● Le comité a des prérogatives de contrôle sur les opérateurs de France Travail et les organismes qui mettent en œuvre ses missions. Afin de s’assurer du respect de la charte d’engagements et de la qualité de l’offre de service, il peut ainsi faire procéder à des audits :

– des opérateurs du réseau France Travail, c’est‑à‑dire l’opérateur France Travail et les opérateurs spécialisés ;

– des organismes délégataires des collectivités territoriales mettant en œuvre les missions du réseau France Travail, sous réserve de l’accord de la collectivité concernée sur le principe et les modalités de l’audit.

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de réalisation des audits ([133]).

● La présidence du comité est assurée par le ministre chargé de l’emploi ou son représentant.

Composition du comité national France Travail

(II de l’article L. 5311-9 du code du travail)

Outre le ministre chargé de l’emploi ou son représentant, qui le préside, le comité comprend :

– des représentants de l’État (1), des représentants nationaux de collectivités territoriales (1) (régions, départements, communes et groupements de communes concernés) et des représentants nationaux des opérateurs du réseau (2) (l’opérateur France Travail, les Cap emploi et les missions locales) ;

– les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel (1) ;

– les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel (1) ;

– l’Unedic (2) ;

– les représentants nationaux des membres facultatifs du réseau France Travail (2).

(1) Avec voix délibérative.

(2) Avec voix consultative à l’exception des délibérations visant à assurer la concertation entre les membres du réseau sur tout sujet d’intérêt commun.

Le Conseil d’État a bien relevé que certains des actes élaborés par le comité national France Travail auront pour conséquence de soumettre les collectivités territoriales, en particulier les régions et les départements, à un certain nombre d’obligations dans l’exercice de leurs compétences respectives en matière de formation professionnelle et d’insertion.

Au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi par le texte et compte tenu de la finalité précise assignée aux actes de comité qui auront, par conséquent, une portée limitée, il a cependant considéré que le présent article ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ([134]).

En revanche, il a proposé au Gouvernement, qui a suivi son avis, de préciser dans la loi les catégories de membres composant le comité national France Travail, dès lors que sa composition met en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales ([135]).

À l’inverse, la composition des comités territoriaux, qui ne sont pas amenés à prendre des actes de même nature, ne relève pas du domaine de la loi.

Afin de garantir leur sécurité juridique, les actes relatifs aux orientations stratégiques, au socle commun de services au bénéfice des personnes et des employeurs et à la détermination des indicateurs nécessaires à la conduite, au suivi et à l’évaluation de ces actions font l’objet, en cohérence avec la suggestion du Conseil d’État sur ce point ([136]), d’une approbation par le ministre chargé du travail ([137]).

Un décret en Conseil d’État détermine la composition et les modalités d’organisation et de fonctionnement du comité national France Travail ([138]). Il peut prévoir l’institution en son sein de commissions ainsi que, le cas échéant, celles des attributions du comité susceptibles d’être exercées par ces dernières.

ii.   Les comités territoriaux France Travail

● Des comités territoriaux sont institués afin de mettre en œuvre les orientations arrêtées par le comité national et d’exercer les missions du réseau France Travail dans les territoires.

Missions et attributions des comités territoriaux France Travail

(II de l’article L. 5311-10 du code du travail)

1° Piloter et coordonner la mise en œuvre des orientations stratégiques arrêtées par le comité national ;

2° Veiller à la mise en œuvre des actions assignées aux membres du réseau France Travail et de la charte d’engagements. À ce titre, les signataires de la charte rendent compte de leur activité au titre de la mise en œuvre de leurs engagements devant le comité territorial compétent dans des conditions déterminées par un décret en Conseil d’État (1).

Le comité départemental peut faire réaliser des audits au sein des opérateurs du réseau France Travail, c’est‑à‑dire l’opérateur France Travail et les opérateurs spécialisés, afin notamment de s’assurer du respect de la charte d’engagements et de la qualité de l’offre de service. Il peut également faire procéder à de tels audits au sein des organismes délégataires des collectivités territoriales mettant en œuvre les missions du réseau France Travail dans son ressort, sous réserve de l’accord de la collectivité concernée sur le principe et les modalités de l’audit.

Au niveau local, lorsqu’un comité constate des manquements, il peut saisir le comité départemental en vue de la réalisation d’un audit.

Un décret en Conseil d’État détermine (2) les conditions de réalisation des audits ;

3° Participer au suivi de l’exécution des conventions conclues entre l’État et les régions afin de répondre à des besoins additionnels identifiés de qualification des personnes en recherche d’emploi (2) ou de toute convention conclue entre l’État et les départements dans le champ des missions du réseau France Travail. Les comités compétents peuvent être associés par les parties, selon des modalités définies par ces dernières, à la préparation de ces conventions ;

4° Réunir des conférences de financeurs pour l’insertion sociale et professionnelle afin d’identifier les ressources mobilisables, les conditions de mobilisation et d’adaptation de ces ressources en fonction des résultats constatés et des priorités établies en matière de retour à l’emploi, dans le respect des compétences de chaque financeur.

() Article L. 5311-11 du code du travail introduit par l’article 4 du projet de loi.

(2) Article L. 6122-1 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 7 du projet de loi.

Un décret en Conseil d’État détermine la composition et les modalités d’organisation et de fonctionnement des comités territoriaux ([139]).

● Au niveau régional, le comité territorial est institué au sein du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Crefop) ([140]).

Par dérogation, le comité régional France Travail peut, sous réserve de l’accord du représentant de l’État dans la région et du président du conseil régional, se substituer au Crefop. Il exerce alors l’intégralité des missions de ce dernier ([141]) ainsi que les missions et attributions communes à tous les comités territoriaux ([142]) et spécifiques aux comités régionaux.

Le comité régional France Travail est chargé de la concertation relative aux politiques de l’emploi sur le territoire, de la coordination des acteurs du réseau France Travail, s’agissant notamment des interventions de la région, de l’État et de l’opérateur France Travail en matière de formation professionnelle, ainsi que des autres missions et attributions communes à tous les comités territoriaux.

Il est présidé conjointement par le représentant de l’État dans la région et, sous réserve que la région concernée ait signé la charte d’engagements du réseau France Travail, le président du conseil régional.

● Au niveau départemental, le comité est présidé par le représentant de l’État dans le département et, sous réserve que le département concerné ait signé la charte d’engagements du réseau France Travail, le président du conseil départemental.

● Au niveau local, les comités sont institués dans les limites géographiques arrêtées par le représentant de l’État dans la région en fonction des caractéristiques de chaque territoire, après concertation avec le président du conseil régional et les présidents des conseils départementaux concernés.

Le comité est présidé conjointement par le représentant de l’État dans le département et, sous réserve que les collectivités concernées aient signé la charte d’engagements du réseau France Travail, par un ou plusieurs représentants de collectivités territoriales ou de groupements de collectivités territoriales, désignés par le représentant de l’État dans la région, après avis des représentants des collectivités membres du comité local.

c.   Les dispositions d’application et de coordination

i.   Dispositions d’application

Le chapitre Ier bis inséré par le du I du présent article comprend une section 3 « Dispositions d’application » dont l’unique article L. 5311-11 prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du chapitre, notamment :

1° les modalités de traitement des données à caractère personnel nécessaires à l’exercice des compétences du réseau France Travail ;

2° la composition et les modalités d’organisation et de fonctionnement du comité national France Travail et des commissions pouvant être instituées en son sein, ainsi que, le cas échéant, celles des attributions du comité susceptibles d’être exercées par ces dernières ;

3° La composition et les modalités d’organisation et de fonctionnement des comités territoriaux France Travail ;

4° Les modalités selon lesquelles les signataires de la charte d’engagements rendent compte de la mise en œuvre de leurs actions ;

5° Les conditions de réalisation des audits que peuvent réaliser le comité national et les comités départementaux France Travail.

ii.   Les mesures de coordination

Diverses mesures de coordination sont nécessaires afin de supprimer les dispositions rendues obsolètes par la création du réseau France Travail et de préciser la nature de certains organismes qui ont vocation à l’intégrer ou y contribuer.

● Le a du  du I complète la définition des organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapés en précisant, après le premier alinéa de l’article L. 5311-7 du code du travail, que « ces organismes sont des opérateurs spécialisés du réseau France Travail [...] et contribuent à la mise en œuvre des missions de ce réseau au bénéfice des demandeurs d’emploi en situation de handicap, et participent à ses instances de gouvernance ».

Le b ajuste, en conséquence, la rédaction de l’alinéa suivant.

● Le  complète la définition des missions locales en précisant, au premier alinéa de l’article L. 5314-2 du code du travail :

– leur rôle d’orientation et d’accompagnement vers la formation professionnelle initiale ou continue ou vers un emploi selon les nouvelles modalités prévues par l’article L. 5411-5 dans sa rédaction résultant de l’article 1er du projet de loi ;

– leur appartenance, en tant qu’opérateur spécialisé, au réseau France Travail.

● Le modifie l’organisation des Crefop pour tirer les conséquences de l’institution des comités régionaux France Travail :

– le a ajoute aux membres du Crefop des représentants des départements de la région concernée ;

– le b prévoit, conformément à l’article L. 5311-10 du code du travail, introduit par le présent article, que le comité régional France Travail est institué au sein du Crefop, sauf dans les cas où il s’y substitue. Il définit également les missions de ce comité, « chargé de la concertation relative aux politiques de l’emploi sur le territoire, de la coordination des acteurs du réseau France Travail défini à l’article L. 5311-7, s’agissant notamment des interventions de la région, de l’État et de l’opérateur France Travail en matière de formation professionnelle, ainsi que des autres missions prévues au II de l’article article 5311-10 » ;

– le c renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer la composition, les missions et attributions et le fonctionnement des commissions pouvant être instituées au sein du Crefop.

● En cohérence avec les nouvelles dispositions insérées dans le code du travail, sont abrogés :

– l’article L. 5311-3-1 du code du travail, qui prévoyait la faculté pour l’État de déléguer à la région « la mission de veiller à la complémentarité et de coordonner l’action des différents intervenants, notamment les missions locales, les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, Cap emploi et les maisons de l’emploi, ainsi que de mettre en œuvre la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences » ;

– l’article L. 6123-4 du code du travail, qui permet la signature de conventions régionales pluriannuelles de coordination de l’emploi, de l’orientation et de la formation ;

– l’article 12 de la loi du 21 février 2022 ([143]), qui permettait la création d’une instance régionale de coordination avec l’action de Pôle emploi.

iii.   L’entrée en vigueur

Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2024, à l’exception des articles suivants dont la rédaction résultant du présent article entre en vigueur à une date prévue par décret, et au plus tard le 1er janvier 2025 :

– l’article L. 5214-3-1, qui définit les Cap emploi comme l’un des opérateurs spécialisés du réseau France Travail ;

– le II de l’article L. 5311-8, qui prévoit la charte d’engagements ;

– l’article L. 5311-10, relatif aux comités territoriaux ;

– l’article L. 5314-2, qui définit les missions locales comme l’un des opérateurs spécialisés du réseau France Travail ;

– l’article L. 6123-3 du code du travail, relatif au Crefop.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Au Sénat, le présent article a fait l’objet de dix‑sept amendements en commission des affaires sociales et de quatorze amendements en séance publique.

a.   Les modifications apportées en commission

● La commission des affaires sociales du Sénat a fait évoluer le texte sur plusieurs points.

Outre des amendements rédactionnels et de coordination, la commission a, comme sur l’ensemble des articles du projet de loi, modifié la dénomination de l’opérateur France Travail pour maintenir la dénomination actuelle de Pôle emploi.

Elle a modifié sur plusieurs points les missions, la composition et le fonctionnement du réseau France Travail.

 S’agissant des missions du réseau, la commission a précisé, par l’adoption d’un amendement de sa rapporteure, que le réseau France Travail devra apporter une réponse aux besoins des employeurs, en lien, le cas échéant, avec les acteurs du service public de l’éducation. Cette modification s’inscrit dans la même logique que celle issue de l’amendement de M. Philippe Mouiller (groupe Les Républicains) précisant que les Cap emploi sont compétents pour appuyer les entreprises dans leur recherche.

Le comité national France Travail devra, pour sa part, compte tenu de l’adoption d’un amendement de la rapporteure, identifier les besoins pluriannuels de financement pour que les acteurs du réseau puissent réaliser leurs missions.

Par ailleurs, en cohérence avec les modifications apportées à l’article 1er, la commission a adopté un amendement de sa rapporteure afin de confier au comité national France Travail la définition des critères d’orientation et des modalités de transmission d’informations sur l’orientation des demandeurs d’emploi, se substituant au renvoi prévu au pouvoir réglementaire.

Afin d’assurer la pleine interopérabilité des systèmes d’information au sein du réseau France Travail, un amendement de la rapporteure confie au comité national France Travail l’élaboration d’un cahier des charges identifiant les besoins des membres du réseau en la matière.

● L’organisation du réseau France Travail a également été modifiée par la commission, principalement par l’adoption un amendement de sa rapporteure qui a ajouté, parmi les personnes morales pouvant intégrer le réseau, les organismes chargés de la mise en œuvre des plans locaux pour l’insertion et l’emploi ([144]) ainsi que les maisons de l’emploi ([145]).

Un amendement de Mme Corinne Féret et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain prévoit, par ailleurs, la participation des bénéficiaires des services fournis par les membres du réseau France Travail à la définition et à l’évaluation de leurs actions.

L’organisation des comités locaux France Travail a également été modifiée lors de l’examen en commission. Un amendement de Mme Françoise Gatel (groupe Union Centriste) confie ainsi au préfet du département, et non plus celui de la région, le soin de délimiter les limites géographiques dans lesquels sont institués les comités locaux France Travail. Il prévoit, en outre, que les associations départementales de maires désignent les représentants des collectivités territoriales dans ces comités, au lieu du préfet de région, après avis des collectivités membres. L’institution des comités sera, enfin, décidée sur proposition du comité régional ou du comité départemental, jugé, par la commission, mieux à même d’identifier la nécessité de leur mise en place.

● Le fonctionnement du réseau France Travail a été modifié par la suppression, à l’initiative de la rapporteure, de la charte d’engagements au motif qu’elle apparaissait, d’une part, superflue dès lors que les acteurs du réseau France Travail doivent déjà coordonner et assurer la complémentarité de leurs actions et, d’autre part, peu respectueuse des compétences des collectivités territoriales dont la coprésidence des comités territoriaux France Travail était subordonnée à la signature de la charte.

b.   Les modifications apportées en séance publique

En séance publique, les sénateurs ont modifié le texte sur plusieurs points.

Outre un amendement rédactionnel du Gouvernement et de coordination de la commission, plusieurs amendements ont complété et précisé la composition du réseau France Travail :

– un amendement de Mme Corinne Féret et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a ajouté, avec un avis favorable du Gouvernement et de la commission, les entreprises adaptées ([146]) à la liste des membres du réseau France Travail ;

 des amendements identiques, présentés par M. PierreAntoine Levi (groupe Union Centriste), Mme Véronique Guillotin (groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen) ainsi que Mme Corinne Féret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, adoptés avec un avis favorable du Gouvernement et favorable, à titre personnel, de la rapporteure, précisent bien que l’ensemble des groupements de collectivités peuvent être membre du réseau France Travail.

Compte tenu des modifications apportées par le Sénat en commission et en séance, le réseau France Travail est composé des membres ci-dessous.

Un amendement de Mme Agnès Canayer (groupe Les Républicains) a ajouté, avec l’avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement, que les missions locales assurent, auprès des instances de gouvernance du réseau France Travail, « une fonction d’appui ».

Les sénateurs, au travers de plusieurs amendements identiques de M. Étienne Blanc (groupe Les Républicains), Mmes Véronique Guillotin (groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen), Mme Françoise Gatel (groupe Union Centriste), Mme Corinne Féret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et Mme Raymonde Poncet Monge (groupe Écologiste - Solidarité et Territoires), et contre l’avis de la commission et du Gouvernement, ont supprimé le renvoi à un décret en Conseil d’État pour fixer la composition, les missions et attributions et le fonctionnement des commissions pouvant être instituées au sein du Crefop.

Enfin, a été adopté, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement, l’amendement n° 610 de Mme Frédérique Puissat (groupe Les Républicains) visant à assurer la prise en compte par le comité national France Travail, avant le 31 décembre 2024, du résultat des expérimentations dans dixhuit départements dans lesquels a eu lieu la préfiguration du réseau France Travail.

4.   Les modifications apportées par la commission

● La commission a adopté cinquante amendements, dont vingt‑cinq rédactionnels, tous avec un avis favorable du rapporteur.

Outre des amendements identiques du rapporteur, de Mme Michèle Peyron et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ainsi que de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés, visant à modifier la dénomination de Pôle emploi en opérateur France Travail et instituer le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi ([147]), la commission a modifié la composition et le fonctionnement du réseau et de ses instances sur plusieurs points.

 Dans la continuité de l’ajout par le Sénat des entreprises adaptées parmi les membres du réseau, la commission y a également ajouté les établissements et services d’aide par le travail (Esat) ([148]) en adoptant les amendements identiques de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, de Mme Annie Vidal et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, de M. Olivier Falorni et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) ainsi que de M. Didier Le Gac (groupe Renaissance).

La commission a, par ailleurs, précisé que les Cap emploi faisaient partie des membres de droit du réseau en adoptant un amendement du rapporteur qui les exclut de la liste des membres facultatifs.

Enfin, le comité national comprendra, après l’adoption d’amendements identiques de MM. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, de M. Matthieu Marchio et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National ainsi que de Mme Marie‑Charlotte Garin, des associations représentatives des usagers, notamment des personnes handicapées.

Composition du rÉseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi À l’issue des travaux de la commission (Article L. 5311-7 du code du travail)

Les membres du réseau (II)

Les personnes morales, autorités et organismes pouvant participer au réseau (III)

1° Les collectivités publiques :

– L’État ;

– Les régions ;

– Les départements ;

– Les communes ;

– Les groupements de communes disposant d’une compétence au titre de l’une des missions du réseau.

2° L’opérateur France Travail (anciennement Pôle emploi) ;

3° Les opérateurs spécialisés :

– Les missions locales (1) ;

– Les Cap emploi (2).

1° Les organismes publics ou privés dont l’objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi (3) ;

2° Les organismes liés à l’État par une convention relative à l’insertion par l’activité économique de personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières (3) ;

3° Les entreprises de travail temporaire (3) ;

4° Les organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi (4) ;

5° Les entreprises adaptées (5) ;

6° Les établissements et services d’aide par le travail (Esat) (6) ;

7° Les organismes chargés de la mise en œuvre des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi (PLIE) (7) ;

8° Les maisons de l’emploi (8) ;

9° Les autorités et organismes compétents en matière d’insertion sociale (9) ;

10° Les organismes débiteurs des prestations familiales chargés du service du RSA (10).

(1) Article L. 5314-1 du code du travail.

(2) Article L. 5214-3-1 du code du travail.

(3) Article L. 5311-4 du code du travail.

(4) Article L. 5316-1 du code du travail introduit par l’article 6 du projet de loi.

(5) Article L. 5213-13 du code du travail.

(6) Article L. 344‑2 du code de l’action sociale et des familles.

(7) Article L. 51312 du code du travail.

(8) Article L. 5313-1 du code du travail.

(9) Aux termes du 2° de l’article L. 262-29 du code de l’action sociale et des familles, il s’agit des autorités et organismes vers lesquelles sont orientées les bénéficiaires du RSA lorsque leurs conditions de logement, leur absence de logement ou leur état de santé font temporairement obstacle à l’engagement dans une recherche d’emploi.

(10) Aux termes de l’article L. 262-16 du code de l’action sociale et des familles, il s’agit des caisses d’allocations familiales ou, le cas échéant, des caisses de mutualité sociale agricole.

● La procédure d’installation des comités locaux du réseau ainsi que la place des communes au sein des instances territoriales a également été précisée.

D’une part, un amendement du rapporteur est revenu sur le mécanisme introduit au sénat consistant à confier au préfet de département plutôt qu’à celui de la région la création du comité local et aux comités régionaux ou départementaux concernés l’initiative de cette création, instituant une hiérarchie entre les différents niveaux de gouvernance. Il reviendra bien au préfet de région d’installer le comité mais celui-ci pourra tenir compte des propositions formulées par les comités régionaux et départementaux.

D’autre part, s’agissant de la désignation du co-président du comité local, un amendement du rapporteur a rétabli le pouvoir du préfet de région qui devra, cependant, prendre en compte l’avis des représentants des collectivités membres du comité local. Dès lors qu’elles n’assureront pas nécessairement la présidence d’un comité territorial, l’amendement garantit la présence de représentants des communes et des groupements de collectivités territoriales, désignés par l’association départementale représentant les communes et intercommunalités, à tous les niveaux de la gouvernance du réseau.

● Une série d’amendements modifient les missions et le fonctionnement du réseau :

– un amendement de Mme Anne Bergantz et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) impose à ses membres de rendre accessibles leurs données collectées dans le cadre des missions du réseau à l’Unedic, afin de faciliter le pilotage du régime d’assurance chômage et l’analyse de l’évolution des trajectoires professionnelles de ses allocataires ;

– trois amendements identiques du rapporteur, de Mme Michèle Peyron et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ainsi que de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés rétablissent la charte de coopération entre les membres dont la signature par une collectivité ne constitue pas, contrairement à la charte d’engagements qui figurait initialement dans le projet de loi, une condition nécessaire pour présider un comité territorial ;

– un amendement du rapporteur supprime la mention d’identification des besoins pluriannuels de financement parmi les attributions du comité national afin de respecter l’autonomie financière des différents membres du réseau, en particulier des collectivités territoriales ;

– un amendement du rapporteur prévoit la possibilité pour le pouvoir réglementaire, en l’absence de décision du comité national ou en cas de refus du ministre chargé de l’emploi de l’approuver, de fixer les critères d’orientation et les informations nécessaires à l’orientation des personnes.

● La commission a également adopté une série d’amendements identiques du rapporteur, de MM. Pierre Dharréville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine - NUPES), de Mme Christine Decodts et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés ainsi que de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés, tendant à clarifier les rôles respectifs des missions locales et de l’opérateur France Travail auprès duquel l’inscription des jeunes ne sera obligatoire que dans le cadre d’un parcours contractualisé.

Enfin, un amendement de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES prévoit la remise d’un rapport, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur du présent article, évaluant la réforme et en particulier ses effets sur les personnes durablement éloignées de l’emploi, notamment en situation de handicap.

*

*     *

Article 4 bis (nouveau)
Permettre à un demandeur d’emploi de faire état de son handicap et à un employeur de préciser l’environnement de travail du poste proposé dans les systèmes d’information de l’opérateur France Travail

Introduit par la commission

L’article 4 bis ouvre la faculté pour les employeurs de préciser l’environnement de travail d’un poste proposé dans le système d’information des opérateurs du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi afin de permettre aux demandeurs d’emploi en situation de handicap de répondre aux offres compatibles avec leur handicap, dont ils pourront également faire état dans leur profil.

● Introduit par l’adoption d’amendements identiques de M. Arthur Delaporte et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, de Mme Danielle Simonnet et ses collègues du groupe La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale et de M. Victor Catteau et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National, le présent article tire parti de la mise en œuvre d’un système d’information unifié dans le cadre du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi par l’opérateur France Travail afin de faciliter l’insertion sur le marché du travail des personnes en situation de handicap.

● Le présent article complète le chapitre III du titre III du livre Ier de la première du code du travail, portant sur les différences de traitement autorisées, par un nouvel article L. 1133-7.

Celui‑ci dispose que, sans préjudice des dispositions générales concernant l’interdiction des discriminations au travail ([149]), les systèmes d’information développés par l’opérateur France Travail et les organismes de placement membres du service public de l’emploi ([150]), en particulier les Cap emploi ([151]), permettent une prise en compte du handicap dans la rédaction des offres d’emploi et du profil des demandeurs d’emploi.

D’une part, les demandeurs d’emploi en situation de handicap doivent pouvoir faire état, à leur initiative ou avec leur consentement exprès, de leur handicap dans leur profil utilisateur.

D’autre part, les employeurs doivent pouvoir préciser l’environnement de travail du poste qu’ils proposent afin que les demandeurs d’emploi puissent répondre à des offres compatibles avec leur handicap.

Les conditions d’application du présent article seront précisées par décret.

*

*     *

Article 5
Transformer Pôle emploi en opérateur France Travail

Adopté par la commission avec modifications

L’article 5 transforme l’opérateur historique du service public de l’emploi, Pôle emploi, en opérateur France Travail, chargé de produire des outils communs, en particulier numériques et méthodologiques, à destination de l’ensemble du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi.

Il complète par ailleurs les missions de Pôle emploi en matière d’accompagnement de l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

  1.   Le droit en vigueur

● Pôle emploi est né de la fusion, opérée par la loi du 13 février 2008 ([152]) de :

– l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), établissement public créé par l’ordonnance du 13 juillet 1967 ([153]) dans le cadre de la refonte de la politique de l’emploi, qui exerce notamment la mission d’accompagnement des demandeurs d’emploi ;

– et des structures relevant de l’association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Assedic), association créée à la suite de la mise en place de l’assurance chômage par la convention entre partenaires sociaux le 31 décembre 1958, dont elle était chargée de la mise en œuvre.

● Institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière ([154]), pôle emploi constitue le principal opérateur du service public de l’emploi qui « a pour mission l’accueil, l’orientation, la formation et l’insertion ; il comprend le placement, le versement d’un revenu de remplacement, l’accompagnement des demandeurs d’emploi et l’aide à la sécurisation des parcours professionnels de tous les salariés » ([155]).

Les missions de Pôle emploi

(Article L. 5312-1 du code du travail)

1° Prospecter le marché du travail, développer une expertise sur l’évolution des emplois et des qualifications, procéder à la collecte des offres d’emploi, aider et conseiller les entreprises dans leur recrutement, assurer la mise en relation entre les offres et les demandes d’emploi et participer activement à la lutte contre les discriminations à l’embauche et pour l’égalité professionnelle ;

2° Accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu’elles disposent ou non d’un emploi, à la recherche d’un emploi, d’une formation ou d’un conseil professionnel, prescrire toutes actions utiles pour développer leurs compétences professionnelles et améliorer leur employabilité, favoriser leur reclassement et leur promotion professionnelle, participer à leur information sur les dispositifs de transition entre l’emploi et la retraite, la retraite progressive, faciliter leur mobilité géographique et professionnelle et participer aux parcours d’insertion sociale et professionnelle. À ce titre, Pôle emploi concourt à la mise en œuvre de l’obligation de formation pour tout jeune jusqu’à sa majorité ;

3° Procéder aux inscriptions sur la liste des demandeurs d’emploi, tenir celle-ci à jour et assurer le contrôle de la recherche d’emploi ;

4° Assurer, pour le compte de l’Unedic, le service de l’allocation d’assurance et de l’allocation des travailleurs indépendants et, pour le compte de l’État, le service des allocations et aides de solidarité prévues par la loi ou par convention ;

4° bis Décider de la suppression du revenu de remplacement et du prononcé de la pénalité administrative, et de recouvrer cette pénalité ;

5° Recueillir, traiter, diffuser et mettre à la disposition des services de l’État et de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage les données relatives au marché du travail et à l’indemnisation des demandeurs d’emploi ;

6° Mettre en œuvre toutes autres actions qui lui sont confiées par l’État, les collectivités territoriales et l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage en relation avec sa mission ;

7° Mettre en œuvre le contrat d’engagement jeune et assurer, pour le compte de l’État, l’attribution, la modulation, le versement, la suspension et la suppression des allocations attribuées pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes.

● Depuis 2019, les moyens humains et financiers de Pôle emploi ont été significativement renforcés afin d’accompagner le retour au plein emploi dans le contexte de la mise en œuvre de nouveaux dispositifs d’accompagnement des publics les plus fragiles.

Ressources de Pôle emploi entre 2019 et 2023

(en millions d’euros)

 

2019

Exécution budgétaire

2020

Exécution

budgétaire

2021

Exécution

budgétaire

2022

Exécution

budgétaire

2023

Budget

Contribution de l’Unedic

3 521,3

4 075,5

4 254,9

3 924,1

4 333,8

Subvention de l’État (après mise en réserve)

1 361,7

1 214,8

1 129,2

1 093,3

1 222,4

Subvention au titre du plan de relance de l’État

-

-

250,0

-

-

PIC et Plan métiers en tension

634,6

731,4

921,4

1 206,5

521,7

Programmation Fonds social européen

89,3

68,6

163,2

278,7

267,6

Total

5 606,9

6 090,2

6 718,7

6 502,6

6 345,5

Source : Pôle emploi.

Le budget de fonctionnement de Pôle emploi est principalement financé par une subvention pour charge de service publique, inscrite dans la loi de finances initiale pour un montant de 1,22 milliard d’euros en 2023, et d’une contribution de l’Unedic fixée par la convention tripartite entre l’État, l’Unedic et Pôle emploi pour les années 2019 à 2022 à 11 % de ses ressources, soit 4,33 milliards, représentant plus de 68 % des recettes de l’opérateur.

Ces recettes ont permis d’accroître les effectifs de Pôle emploi depuis 2019, notamment dans le cadre du déploiement du CEJ et afin de répondre aux difficultés de recrutement dans les entreprises.

Évolution des effectifs de Pôle emploi entre 2019 et 2023

(en ETPT)

 

2019

2020

2021

2022

2023

ETPT sous plafond (prévus en loi de finances)

46 045

47 945

48 778

48 878

48 847

dont ETPT pour répondre aux difficultés de recrutement des entreprises

 

950

1 000

1 000

1 000

dont ETPT Renforts/pack de remobilisation DETLD

 

 

1 500

700

700

dont ETPT CEJ

 

 

 

900

900

ETPT hors plafond (exécutés)

2 208

2 183

3 691

4 050

3 990

dont CDD

1 883

1 803

2 920

3 146

3 086

dont ETPT accompagnement avec cofinancement FSE/React UE

1 304

1 415

2 480

2 825

2 776

dont parcours emploi compétence (PEC)

176

217

565

635

635

dont contrats d’apprentissage

149

163

205

269

269

Total

48 253

50 128

52 469

52 928

52 837

Source : Pôle emploi.

Dans la perspective de la mise en place de France Travail, le rapport de préfiguration de la mission ([156]) indique que le besoin de financement est d’environ 2,3 à 2,7 milliards d’euros sur la période 2024-2026.

Lors de son audition par la commission des affaires sociales, le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, M. Olivier Dussopt, a indiqué que l’augmentation du budget du service public de l’emploi serait progressive avec l’entrée en vigueur de l’essentiel des mesures à compter de 2025.

Le budget de Pôle emploi, demain l’opérateur France Travail, sera sensiblement renforcé avec une augmentation de 300 millions d’euros en 2024, 500 millions d’euros en 2025, 750 millions d’euros en 2026 et 1 milliard d’euros en 2027, soit une augmentation de 2,55 milliards d’euros, conforme aux recommandations de la mission de préfiguration.

Le financement de ces moyens nouveaux résultera notamment d’un accroissement de la contribution de l’Unedic qui devrait dégager des excédents suffisants dans les années à venir, sous l’effet de la réforme de l’assurance chômage et de la baisse de ce dernier, tout en permettant son désendettement.

La réforme de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA sera plus spécifiquement financée par un nouveau cadre de contractualisation avec les départements qui devait bénéficier de 170 millions d’euros dès 2024 à destination des dix‑huit départements qui l’expérimentent. Ce cadre de contractualisation, défini avec l’Association des départements de France, et son financement évolueront à mesure de l’entrée en vigueur de la réforme.

2.   Le dispositif proposé par le projet de loi

Le présent article transforme Pôle emploi, qui devient l’opérateur France Travail en modifiant sa dénomination et en adaptant ses missions au sein du réseau France Travail.

a.   Le changement de dénomination de Pôle emploi

Le I du présent article remplace dans l’ensemble des dispositions législatives la dénomination « Pôle emploi » par celle de « l’opérateur France Travail ».

En outre, le  du II procède à ce changement de nom à l’article L. 5312-2 du code du travail, qui précise que l’institution est administrée par un conseil d’administration et dirigée par un directeur général.

Le a du du II procède enfin à ce changement à l’article L. 5312-8 du code du travail, qui soumet l’institution aux règles de gestion financière et comptable applicables aux entreprises industrielles.

Si le changement de dénomination de Pôle emploi peut être perçu comme essentiellement symbolique, le rapporteur considère, au contraire, que l’institution de l’opérateur France Travail constitue l’une des conditions de réussite de la réforme, et ce à plusieurs titres.

En effet, le changement complet d’approche que suppose France Travail doit être perceptible de la part des usagers, demandeurs d’emploi comme entreprises, mais aussi de l’ensemble de nos concitoyens par une modification du marqueur que constitue Pôle emploi. Ce changement de dénomination permettra d’accompagner la nouvelle dynamique qui sous‑tend la création du réseau France Travail et participera de la transformation interne de l’opérateur en acteur central du réseau. Enfin, l’appropriation des communs par l’ensemble des membres du réseau sera d’autant plus simple qu’ils seront fournis par l’opérateur central du réseau France Travail et non par l’institution historique du service public de l’emploi, Pôle emploi.

b.   L’extension des missions de l’opérateur pour le compte du réseau France Travail

Le II modifie le chapitre II du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail, relatif au placement et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Le  du II modifie en particulier l’article L. 5312-1 du code du travail, qui définit les missions de Pôle emploi.

i.   Adaptation des missions de Pôle emploi

Le b étend la mission d’expertise sur l’évolution des emplois, prévue au 1° de même article, à celle sur les parcours professionnels et les compétences, ce qui englobe la notion actuelle de qualifications. Il assigne également à Pôle emploi la mission d’évaluer « les résultats des actions d’accompagnement, en particulier la durée des emplois retrouvés ».

La mission d’orientation des personnes inscrites à Pôle emploi figurera désormais, aux termes du e, au 3° dudit article L. 5312-1, dans les conditions fixées à l’article L. 5411-5, dans sa rédaction résultant de l’article 1er du projet de loi, afin de veiller à la continuité des parcours des personnes inscrites. L’opérateur France Travail sera également chargé du contrôle des engagements des demandeurs d’emploi. En conséquence, le e supprime la mission d’orientation qui figurait au 2° dudit article L. 5312-1.

Le f prévoit que l’opérateur France Travail sera chargé non plus seulement de verser différences aides et allocations (notamment l’allocation d’aide au retour à l’emploi ou l’allocation spécifique de solidarité) mais aussi de lutter contre le non‑recours à ces droits.

Enfin, le g procède à une modification rédactionnelle relative au prononcé et au recouvrement de la pénalité administrative en cas de décision de suppression du revenu de remplacement.

ii.   L’insertion des personnes handicapées

Le d confie à Pôle emploi deux nouvelles missions, exercées en lien avec les Cap emploi, en matière d’accompagnement vers l’emploi des personnes handicapées.

D’une part, l’opérateur France Travail sera chargé de proposer aux personnes ayant fait l’objet d’une décision de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé délivrée par les MDPH ([157]), déjà inscrites ou souhaitant être inscrites en tant que demandeurs d’emploi, un accompagnement adapté à leurs besoins ;

D’autre part, l’opérateur devra formuler à la CDAPH ([158]) des propositions en matière d’orientation vers le milieu protégé et les établissements et services de réadaptation professionnelle, dans des conditions fixées par la convention ([159]) conclue avec la MDPH.

iii.   De nouvelles missions pour la mise en œuvre des actions du réseau France Travail

Le h complète ledit article L. 5312-1 par un II qui confie à l’opérateur France Travail les missions suivantes visant à mettre en œuvre les actions du réseau France Travail :

Les missions de l’opérateur France Travail pour la mise en œuvre des actions du réseau

(II de l’article L. 5312-1 du code du travail)

1° Contribuer à l’élaboration des critères d’orientation des demandeurs d’emploi ;

2° Proposer au comité national France Travail les principes d’un socle commun de services au bénéfice des personnes et des employeurs et, en tant que de besoin, les méthodologies et les référentiels que le comité doit élaborer ;

 Concevoir et mettre à disposition des outils et services numériques communs, notamment aux fins du partage des informations et données entre les membres du réseau France Travail et en facilitant la mise en œuvre de l’interopérabilité avec leurs systèmes d’information ;

4° Produire les indicateurs communs de suivi, de conduite et d’évaluation des actions mises en œuvre dans le cadre du réseau France Travail ;

5° Mettre des actions de développement des compétences à disposition des personnels des personnes morales mentionnées au II et au III de l’article L. 5311-7 et de leurs éventuels délégataires, visant à favoriser la coordination et la complémentarité des actions dans le cadre du réseau France Travail ;

6° Assurer la fonction de centrale d’achat ([160]) pour acquérir, à destination de tout ou partie des personnes morales du réseau France Travail des fournitures et services nécessaires à la coordination et à la complémentarité des actions dans le cadre de celui-ci ;

7° Assurer une fonction d’appui au comité national France Travail et aux comités territoriaux France Travail.

À l’exception de la fonction d’appui aux comités national et territoriaux, les missions sont mises en œuvre par l’opérateur France Travail en associant les autres personnes morales constituant le réseau France Travail ou leurs représentants.

c.   Coordinations, suppressions de références obsolètes et entrée en vigueur

Diverses coordinations et suppressions de références sont rendues nécessaires par la transformation de Pôle emploi. Le présent article corrige également un certain nombre de références devenues obsolètes.

Le du II modifie ainsi l’article L. 5312-3 du code du travail, relatif à la convention tripartite conclue entre l’État, l’Unedic et Pôle emploi, sur deux points :

– en premier lieu, la concertation au sein du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop), devenue sans objet avec la suppression de cet organisme par la loi du 5 septembre 2018 ([161]), est remplacée par une consultation du comité national France Travail (a) ;

– en second lieu, le comité de suivi de l’application de la convention et d’évaluation de sa mise en œuvre sera désormais également chargé de s’assurer que les conditions de mises en œuvre de la convention s’inscrivent en cohérence avec les orientations du comité national France Travail (b).

En cohérence avec ces modifications, la consultation de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) sur la convention tripartite, prévue par l’article L. 2271-1 du code du travail, est supprimée par le III dès lors que les partenaires sociaux siègent au comité national France Travail.

Compte tenu de la disparition du Cnefop, le  du II supprime, à l’article L. 5312-12-1, la transmission à celui‑ci du rapport annuel du médiateur national de Pôle emploi.

Le  du II supprime, à l’article L. 5312-7 du même code, relatif au budget de Pôle emploi, la condition de présentation à l’équilibre de chaque section qui compose le budget de l’opérateur, cette règle s’appliquant déjà aux sections pour lesquelles elle est pertinente.

Le b du  du II supprime, à l’article L. 5312-8, l’obligation pour Pôle emploi de se conformer à l’ordonnance du 6 juin 2005 ([162]), cette ordonnance ayant été abrogée ([163]).

Enfin, le IV prévoit une entrée en vigueur du présent article au 1er janvier 2024, à l’exception à l’exception des dispositions relatives à la nouvelle mission d’appui de l’opérateur France Travail aux comités territoriaux France Travail, qui entreront en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2025.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

● Poursuivant la même démarche que sur l’article 4, la commission des affaires sociales du Sénat a maintenu la dénomination de Pôle emploi en adoptant une série d’amendements en ce sens à l’initiative de sa rapporteure. Elle a également procédé à différents ajustements rédactionnels.

La commission a apporté deux modifications de fond au présent article :

– d’une part, elle a ajouté, à l’initiative de M. Philippe Mouiller (groupe Les Républicains), à la nouvelle mission de l’opérateur France Travail en matière d’accompagnement adapté des personnes faisant l’objet d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé celle de répondre également aux besoins de recrutement des entreprises ;

– d’autre part, à l’initiative de sa rapporteure et en cohérence avec l’amendement adopté à l’article 4 prévoyant qu’un cahier des charges identifie les besoins des membres du réseau pour assurer l’interopérabilité de leurs systèmes d’information, la commission a précisé que la nouvelle mission de l’opérateur France Travail en matière de conception et de mise à disposition d’outils et services numériques communs devrait respecter ledit cahier des charges.

● En séance publique, les sénateurs ont adopté, avec un avis favorable de la commission, un amendement du Gouvernement associant les personnes morales du réseau France Travail à l’ensemble des missions qu’il met en œuvre au soutien des actions de ce réseau, y compris les fonctions d’appui au comité national et aux comités territoriaux France Travail.

4.   Les modifications apportées par la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté douze amendements de portée essentiellement rédactionnelle.

Elle a également adopté deux amendements identiques du rapporteur ainsi que de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés et apparentés rétablissant le changement de dénomination de Pôle emploi en opérateur France Travail.

Contrairement à la position des sénateurs, la commission a considéré que le changement de dénomination accompagnerait la réforme du service public de l’emploi en identifiant le nouveau positionnement de son opérateur principal vis‑à‑vis de l’ensemble du réseau ainsi que l’accompagnement global qui sera désormais proposé aux demandeurs d’emploi. L’amendement procède ainsi à ce changement de dénomination à l’article 5 ainsi que dans l’ensemble des dispositions législatives en vigueur qui mentionnent la dénomination Pôle emploi.

Afin de répondre à la critique formulée par le Sénat quant au risque de confusion qui résulterait d’une réforme visant à dénommer France Travail à la fois le réseau et l’opérateur, l’amendement ne conserve pas cette dénomination pour ce qui devient le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, chargé de la gouvernance du service public de l’emploi dans sa globalité et à tous les échelons territoriaux.

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Article 6
Instituer les organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi

Adopté par la commission avec modifications

L’article 6 crée, au sein du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, une nouvelle catégorie d’organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi.

● Le repérage, la remobilisation et l’accompagnement renforcés des personnes les plus éloignées de l’emploi relèvent d’organismes divers qui agissent en dehors d’un cadre législatif ou réglementaire unifié. Ils constituent pourtant des piliers essentiels de la stratégie d’« aller vers » au cœur de la logique du réseau France Travail.

Dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC), des expérimentations ont été financées pour repérer et accompagner des demandeurs d’emploi de longue durée.

D’une part, plus d’une centaine de projets ([164]) ont été mis en œuvre dans le cadre des dispositifs :

 « 100 % inclusion », avec un objectif de 72 000 personnes accompagnées ;

– « Intégration professionnelle des réfugiés », qui a bénéficié à plus de 27 000 personnes.

D’autre part, 185 projets ont été déployés ([165]) dans le cadre du contrat d’engagement jeune (CEJ) pour les jeunes très éloignés de l’emploi.

● Le présent article institue une nouvelle catégorie d’organismes, au sein du réseau France Travail, chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi

Le I complète le titre Ier du livre III de la cinquième partie du code du travail par un chapitre VI intitulé « Les organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi », comprenant les articles L. 5316-1 à L. 5316-3.

Le nouvel article L. 5316-1 dispose que des organismes publics ou privés peuvent être chargés du repérage, de la remobilisation et de l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi ou qui ne sont pas en contact avec les acteurs institutionnels de l’insertion sociale et professionnelle.

S’inspirant des programmes déjà expérimentés, notamment le plan d’investissement dans les compétences, ces organismes déclineront leur action en trois temps :

– le repérage, qui consiste à identifier les bénéficiaires qui ne sont pas connus des institutions publiques dans une démarche « d’aller vers » ;

– la remobilisation, qui vise à mettre en action les bénéficiaires afin de les motiver à débuter un parcours vers l’emploi ;

– l’accompagnement, qui implique la coconstruction d’un parcours et la définition d’objectifs fixés conjointement par le bénéficiaire et le référent ayant pour but une insertion durable dans l’emploi.

Il est précisé que ces organismes contribuent au dispositif d’insertion professionnelle et d’accompagnement des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières mis en œuvre par l’État. À ce titre, ils feront partie du réseau France Travail et mettront en œuvre leurs actions en lien avec les autres membres du réseau.

L’article L. 5316-2 précise les conditions dans lesquelles ces organismes sont chargés de l’exercice de leurs missions. Un cahier des charges est ainsi établi par arrêté conjoint des ministres chargés de l’emploi et du budget et une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens doit être signée avec l’État pour préciser, notamment, les conditions d’évaluation des actions menées.

La procédure de conventionnement ainsi que le contenu, les conditions d’exécution, de suivi, de renouvellement et de contrôle des conventions sont fixés par décret.

Le II prévoit que le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2024.

● À l’exception d’une correction d’erreur de référence, le Sénat a adopté le présent article sans y apporter d’autre modification.

● À l’initiative du rapporteur, la commission des affaires sociales a adopté quatre amendements de portée rédactionnelle ou visant à rétablir le changement de dénomination de Pôle emploi en opérateur France Travail et rebaptisant le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi.

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Article 7
Clarifier les compétences respectives de l’État et de la région en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi

Adopté par la commission avec modifications

L’article 7 améliore la coordination des politiques régionales et nationales de formation professionnelle en assurant la concertation avec les régions en matière de formations peu développées ou émergentes, en permettant, en concertation avec les régions, le développement d’une offre nationale de formation ouverte à distance, en permettant la mise en œuvre simplifiée d’un programme national destiné à répondre à un besoin additionnel de qualification au regard des besoins des entreprises et élargissant l’accès à la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle.

  1.   Le droit en vigueur

a.   Les compétences subsidiaires et limitées de l’État en matière de formation professionnelle

● Depuis l’acte I de la décentralisation, l’échelon régional a été progressivement conforté dans sa compétence en matière de formation professionnelle des jeunes et des adultes pour laquelle l’État n’intervient plus, juridiquement, que de manière subsidiaire.

La loi du 7 janvier 1983 ([166]) a confié aux régions la compétence de la mise en œuvre des actions d’apprentissage et de formation professionnelle continue. Toutefois, l’État conserve de larges prérogatives puisqu’il peut, après consultation des régions concernées sur le choix et la localisation des actions, « financer et organiser les actions de portée générale intéressant l’apprentissage et la formation professionnelle continue, et relatives soit à des stages assurés par un même organisme dans plusieurs régions, soit à des formations destinées à des apprentis ou à des stagiaires sans considération d’origine régionale, soit encore à des stages créés en application de programmes établis au titre des orientations prioritaires ». Il conserve, en réalité, l’essentiel des crédits alloués à la formation.

La compétence régionale s’est peu à peu affirmée, laissant juridiquement à l’État une place plus modeste dans ce champ.

La loi du 20 décembre 1993 ([167]) a répondu à un certain nombre de revendications des régions en faveur d’un élargissement de leurs compétences, en particulier au regard de la formation et l’insertion des jeunes de 16 à 25 ans en difficulté, qui se traduit par la mise en place d’un plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes.

La loi de décentralisation du 13 août 2004 ([168]) a clarifié la compétence de droit commun de la région en matière de formation en inscrivant à l’article L. 214‑12 du code de l’éducation le principe selon lequel « la région définit et met en œuvre la politique régionale d’apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle » ([169]).

Enfin, la loi du 5 mars 2014 ([170]) a défini, au profit des régions, un véritable bloc de compétences en matière de formation professionnelle pour l’ensemble des publics, y compris les personnes sous main de justice ou les Français établis hors de France ([171]).

Au demeurant, afin d’assurer l’effectivité du service public régional de la formation, des conventions conclues entre les régions concernées ou, à défaut, un décret fixent les conditions de la prise en charge par la région de résidence du coût de la formation et, le cas échéant, des frais d’hébergement et de restauration, d’une personne accueillie dans une autre région ([172]).

● Les compétences résiduelles de l’État se limitent à :

– la formation professionnelle initiale des jeunes sous statut scolaire et universitaire et en matière de service militaire adapté ([173]) ;

– de manière subsidiaire, l’organisation et le financement de formation faiblement développées ou émergentes ([174]) ;

– dans le cadre d’un conventionnement avec la région ou, à défaut, de manière subsidiaire, avec Pôle emploi ou les autres opérateurs du service public de l’emploi, à la mise en œuvre d’un programme national destiné à répondre à un besoin additionnel de qualification au profit de jeunes sortis du système scolaire sans qualification et des personnes à la recherche d’emploi disposant d’un niveau de qualification inférieur ou égal au baccalauréat ;

– le financement des stages visant à faciliter l’accès aux fonctions de chef d’entreprise et d’assurer le perfectionnement et la qualification professionnelle des chefs d’entreprise et de leurs salariés ([175]) ;

– la formation des responsables syndicaux ou patronaux ([176]).

Pôle emploi dispose de prérogatives en matière de formation. Il attribue ainsi les aides individuelles à la formation et peut procéder à l’achat de formations collectives dans le cadre d’une convention avec la région qui en précise l’objet et les modalités. Il peut aussi procéder ou contribuer à l’achat de formations dans le cadre des compétences subsidiaires de l’État en matière de formation ou dans le cadre d’un programme national de formation à destination des demandeurs d’emploi peu qualifiés ([177]).

Ces compétences de l’État en matière de formation et de coordination de son action avec les régions ont particulièrement été mises en œuvre dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, qui a mobilisé plus de 15 milliards d’euros de dépenses en faveur de la formation sur la période 2018-2022. L’une des trois modalités de mise en œuvre du plan a consisté en des pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC) signés avec la majorité des régions et permettant de financer, dans le cadre d’une convention relevant du II de l’article L. 6122-1 du code du travail, des formations répondant à un besoin additionnel de qualification pour des demandeurs d’emploi peu diplômés. À défaut de conventionnement, Pôle emploi a été chargé de mettre en œuvre ce plan au niveau régional.

b.   La préparation opérationnelle à l’emploi individuelle

● Issue de la loi du 24 novembre 2009 ([178]), transposant l’accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 ([179]), la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI) permet à un demandeur d’emploi ou une personne en insertion professionnelle de bénéficier d’une formation nécessaire à l’acquisition des compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise auprès de Pôle emploi.

Dans le cadre de la POEI, la formation est financée par Pôle emploi. L’opérateur de compétences dont relève l’entreprise concernée peut contribuer au financement du coût pédagogique et des frais annexes de la formation ([180]).

Initialement circonscrite aux seuls demandeurs d’emploi, le bénéfice de la POEI a été étendu, par la loi du 5 mars 2014 ([181]), à différents publics relevant de dispositifs d’insertion. Elle est ainsi ouverte :

– aux demandeurs d’emploi ;

– aux salariés bénéficiaires d’un contrat à durée déterminée (CDD) ou d’un contrat à durée indéterminée (CDI) dans le cadre d’un contrat unique d’insertion (CUI) ([182]) ;

– et aux salariés employés en CDD par une structure d’insertion par l’activité économique pouvant conclure des conventions avec l’État, soit les entreprises d’insertion, les entreprises de travail temporaires d’insertion, les associations intermédiaires et les ateliers et chantiers d’insertion ([183]).

Lorsque la POEI s’adresse à un salarié relevant d’un dispositif d’insertion, sa rémunération est maintenue par l’employeur pendant la durée de sa formation mais peut être prise en charge par l’opérateur de compétences compétent, l’État ou Pôle emploi ([184]).

À l’issue de la formation dans le cadre de la POEI, le type de contrat de travail qui peut être conclu par l’employeur est encadré par la loi. Il peut s’agir :

– d’un contrat à durée indéterminée (CDI) ;

 d’un contrat de professionnalisation d’une durée minimale de douze mois ([185]) ;

– d’un contrat d’apprentissage ([186]) ;

– ou d’un contrat à durée déterminée d’une durée minimale de douze mois.

● La POEI est un dispositif essentiel dans une période de baisse du taux de chômage qui fait naître des tensions de recrutement dans certains secteurs. Ce dispositif permet en effet de répondre aux besoins de recrutement des employeurs et d’améliorer les qualifications des demandeurs d’emploi au regard des secteurs en besoin de main d’œuvre.

Pôle emploi a également mis en œuvre une action de formation préalable au recrutement (AFPR) qui répond à la même logique en s’adressant à des entreprises pouvant proposer des contrats de travail plus courts, en particulier des CDD de six à douze mois.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, ces formations démontrent une forte efficacité en termes de taux de retour à l’emploi qui est de 85 % pour l’AFPR et de 80 % pour une POEI. Elles permettent de répondre efficacement aux tensions de recrutement dans certains secteurs puisqu’environ 40 % des formations sont mises en œuvre dans les secteurs du commerce et de la réparation automobiles, de l’hébergement et la restauration, des activités administratives et des transports ([187]).

c.   Le développement de la formation ouverte à distance

● Distincte du MOOC ([188]) et du e-learning, qui renvoient à un apprentissage sans formateur et qui repose sur un travail virtuel et solitaire, la formation ouverte à distance (FOAD) est caractérisée par l’usage d’outils numériques au service d’une formation interactive et participative, certifiante ou professionnalisante.

Le plan d’investissement dans les compétences s’est fixé comme objectif le développement de ce type de formations avec 250 000 entrants supplémentaires ([189]). La crise sanitaire a renforcé le recours aux FOAD puisque Pôle emploi a mis en place une offre en ce sens, à compter du 25 mars 2020, avec pour résultat 15 000 entrées en 2020 et 25 000 entrées à compter de 2021. Au total, Pôle emploi a investi plus de 325 millions d’euros sur la période 2020‑2022 dans ce programme qui a permis de former plus de 62 000 demandeurs d’emploi ([190]).

● Selon les données transmises par Pôle emploi au rapporteur, la FOAD bénéficie à des publics qui peuvent souffrir de freins importants dans l’accès à des formations classiques. Ainsi, 78 % des stagiaires sont des femmes, contre 51 % pour l’ensemble des formations, les allocataires du RSA représentent près de 23 % des stagiaires en FOAD, soit 4 points de plus que sur l’ensemble, et 72 % du public a moins de 40 ans.

En outre, les formations réalisées permettent de cibler des secteurs qui connaissent des tensions de recrutement et le taux de certification moyen s’établit à 72 %.

● Le déploiement de ce type de formation, en complément de l’offre classique, ne pose pas de difficulté au regard des compétences propres de l’État et des collectivités dans ce domaine.

Une offre de FOAD suppose, en effet, un achat d’un nombre critique de formations afin de disposer d’un catalogue complet à destination de l’ensemble des demandeurs d’emploi sur le territoire national.

Les régions développent par ailleurs des offres de FOAD dans le cadre de leurs compétences. Il ne s’agit pas d’opérer une concurrence entre les deux niveaux, puisque les régions n’ont pas nécessairement l’ambition de développer une offre de même nature et s’adressant à un public aussi large que celle de Pôle emploi. À ce jour, les FOAD financées par les régions demeurent d’une ampleur plus limitée et peuvent coexister avec l’offre nationale.

Dans la perspective d’une évolution des compétences de l’État en matière de formation à distance ouverte, il conviendra de prévenir les redondances et de s’assurer de l’absence d’offre régionale concurrente.

2.   Le dispositif proposé par le projet de loi

a.   Une meilleure coordination avec les régions dans l’offre de formation par l’État et la faculté de développer une offre nationale de formations ouvertes à distance

Le a du du I apporte deux modifications au I de l’article L. 6122-1 du code du travail qui prévoit que l’État peut organiser des formations à destination des demandeurs d’emploi dès lors que leur faible développement ou le caractère émergent de celles-ci le justifie.

Cette offre de formation par l’État sera désormais, aux termes du i, conditionnée à une concertation avec les régions et pourra être mise en œuvre, le cas échéant, avec l’opérateur France Travail.

En outre, le ii ouvre la possibilité pour l’État d’organiser et financer de telles formations réalisées exclusivement à distance. Cette modification permettra d’atteindre une masse critique d’achat de FOAD afin de développer un catalogue national stable et complet en la matière. La concertation avec les régions garantira la prise en compte d’éventuelles formations déjà existantes.

b.   Une ouverture à de nouveaux bénéficiaires des programmes nationaux de formation et la prise en compte des besoins des entreprises

Le b du modifie le premier alinéa du II du même article L. 6122-1 en prévoyant que, dans le cadre d’un conventionnement avec une région, la mise en œuvre d’un programme national défini par l’État destiné à répondre à des besoins additionnels identifiés de qualification des personnes en recherche d’emploi tient compte des besoins des entreprises, notamment de celles qui rencontrent des difficultés particulières de recrutement.

Il supprime, par ailleurs, la limitation de ces programmes au seul profit des jeunes sortis du système scolaire sans qualification et des personnes à la recherche d’emploi disposant d’un niveau de qualification inférieur ou égal au baccalauréat, en particulier les personnes en situation d’illettrisme. Les programmes pourront, dès lors, s’adresser à l’ensemble des demandeurs d’emploi.

c.   L’extension du public éligible aux préparations opérationnelles à l’emploi individuelles et de leur prescripteur

Le modifie l’article L. 6326-1 du code du travail afin d’aménager les conditions d’accès à la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle et son exécution.

Le a ouvre le bénéfice de la POEI aux travailleurs handicapés employés dans une entreprise adaptée ([191]).

Outre une coordination au b relative à la transformation du projet personnalisé d’accès à l’emploi en contrat d’engagement, le 2° simplifie la mise en œuvre de la POEI en renvoyant à un décret la définition de la nature et de la durée du contrat de travail pouvant être conclu à l’issue de la formation (c) et en supprimant, par conséquent, les critères prévus à présent par la loi (d).

Cette modification permettra d’inclure dans la POEI les formations de demandeurs d’emploi qui relèvent, dans le droit actuel, de l’AFPR afin de simplifier le paysage de ces aides. Elle permettra également de répondre aux besoins de formation des demandeurs d’emploi recrutés sous contrats saisonniers ([192]).

Au demeurant, le Conseil d’État relève que la définition de la nature et de la durée du contrat de travail conclu à l’issue de la formation ne relevait pas du domaine législatif ([193]).

Le  élargit, enfin, le champ des organismes intervenant dans la prescription de la POEI. Initialement circonscrite à Pôle emploi, cette compétence a été ouverte de manière expérimentale aux opérateurs de compétences. Le présent article pérennise cette nouvelle compétence et l’ouvre également à tout autre organisme désigné par l’opérateur France Travail au sein du réseau France Travail.

d.   Entrée en vigueur

Le II prévoit une entrée en vigueur du présent article au 1er janvier 2024.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

● Outre un amendement visant à maintenir la dénomination actuelle de Pôle emploi, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté quatre amendements.

D’une part, à l’initiative de sa rapporteure, la commission a précisé que l’État devait prendre en compte les besoins identifiés par les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Crefop) avant de financer et d’organiser des formations faiblement développées, émergentes ou à distance à destination des demandeurs d’emploi. Cette prise en compte des besoins s’ajoute à la concertation avec les régions, déjà prévue par le texte.

D’autre part, la commission a adopté trois amendements identiques, à l’initiative de sa rapporteure, de M. Étienne Blanc (groupe Les Républicains) ainsi que de Mme Corinne Féret et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, supprimant la possibilité pour l’État de déployer une offre nationale de formation ouverte ou à distance (FOAD).

● En séance publique, outre un amendement visant à maintenir la dénomination actuelle de Pôle emploi, le Sénat a adopté un amendement de M. Serge Babary (groupe Les Républicains) conférant au conseil d’administration de France compétences la faculté de définir le montant maximal des fonds issus des contributions des entreprises pouvant être affectés à l’État en vue de la formation des demandeurs d’emploi. Cet ajout vise, notamment, à limiter la contribution de France compétence au financement d’un éventuel nouveau plan d’investissement dans les compétences (PIC).

4.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté quatre amendements à l’initiative du rapporteur, dont trois ont une portée rédactionnelle ou visent à rétablir le changement de dénomination de Pôle emploi en opérateur France Travail et rebaptisent le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi.

Le dernier amendement réintroduit la faculté pour l’État d’organiser et de financer, avec l’opérateur France Travail, des formations réalisées exclusivement à distance au bénéfice des personnes en recherche d’emploi. Afin de tenir compte des craintes soulevées quant au respect de la compétence des régions en matière de formation, il est précisé que la mise à disposition de ces formations ne pourra intervenir qu’après accord de la région concernée.

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TITRE III
FAVORISER L’ACCÈS À l’emploi
des personnes EN SITUATION DE HANDICAP

Article 8
Favoriser l’insertion dans l’emploi des personnes en situation de handicap

Adopté par la commission avec modifications

L’article 8 contient plusieurs mesures destinées à favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, dans le prolongement des actions engagées au cours de la précédente législature, de sorte que soit atteint l’objectif du plein emploi, conformément au cap fixé par la dernière conférence nationale du handicap.

  1.   Le droit en vigueur

Depuis le début de la précédente législature, la majorité présidentielle a fait de l’insertion professionnelle et sociale des personnes en situation de handicap l’un des objectifs prioritaires de son action. En un peu plus de six ans, beaucoup de mesures ont vu le jour et beaucoup de progrès ont été réalisés.

a.   Les mesures de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

C’est à la loi du 5 septembre 2018 ([194]) que l’on doit, en premier lieu, la refonte – entrée en vigueur le 1er janvier 2020 – du régime de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) dans le secteur privé ([195]), obligation instituée par la loi du 10 juillet 1987 ([196]), et en particulier :

– la nécessité pour tous les employeurs de déclarer le nombre de bénéficiaires de l’OETH employés, de sorte que soit mieux connue la réalité de l’emploi des personnes handicapées en France ([197]) ;

– la modification des règles relatives au seuil d’assujettissement à cette obligation, fixé à vingt salariés, qui ne s’apprécie plus au niveau de l’établissement, lorsque l’entreprise en compte plusieurs, mais de l’entreprise elle‑même, ce qui a eu pour effet de faire croître significativement le nombre de structures entrant dans le champ d’application du dispositif ;

L’évolution du nombre d’entreprises assujetties à l’obligation d’emploi
des travailleurs handicapés (OETH) depuis la réforme

D’après les données de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, 107 900 entreprises privées et publiques à caractère industriel et commercial (Epic) sont, en 2021, assujetties à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Au total, sont concernés 400 000 établissements contre 102 500 en 2019, avant la réforme. Les entreprises assujetties emploient 12 084 100 salariés.

Source : Dares, L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en 2020 et 2021, Résultats, n° 54, novembre 2022, p. 1.

– l’aménagement des modalités d’acquittement de l’OETH afin de favoriser l’embauche directe de travailleurs handicapés, quelles que soient la durée et la nature du contrat de travail (contrat à durée indéterminée ou CDI, contrat à durée déterminée ou CDD, contrat d’intérim, stage, mise en situation en milieu professionnel, etc.). Ainsi, la loi a ôté à l’employeur la faculté de s’acquitter partiellement de son obligation en passant des contrats de fourniture, de sous‑traitance ou de prestations de services avec des entreprises adaptées (EA), des centres de distribution de travail à domicile (CDTD), des établissements ou services d’aide par le travail (Esat) ou des travailleurs indépendants handicapés (TIH) ;

– la limitation à trois ans de la durée de validité des accords agréés par l’autorité administrative prévoyant la mise en œuvre d’un programme pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés et permettant à l’employeur de s’acquitter de son obligation d’emploi ([198]) ;

– la révision des modalités de la modulation du montant de la contribution, versée au fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés ([199]), permettant à l’employeur, là encore, de s’acquitter de son obligation d’emploi. Sont désormais déductibles de ce montant les dépenses supportées directement par l’entreprise afférentes à des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de services conclus avec des entreprises adaptées, des Esat ou des travailleurs indépendants handicapés.

Les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH)

Aux termes de l’article L. 5212-13 du code du travail, bénéficient de l’obligation d’emploi instituée à l’article L. 5212-2 du même code :

– les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ;

– les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d’une rente ;

– les titulaires d’une pension d’invalidité, à condition que l’invalidité des intéressés réduise au moins de deux tiers leur capacité de travail ou de gain ;

– les anciens militaires et assimilés, titulaires d’une pension militaire d’invalidité ;

– sous certaines conditions, les veuves et orphelins de guerre, mères veuves non remariées ou mères célibataires d’enfants décédés par fait de guerre, épouses d’invalides internés pour aliénation mentale imputable à un service de guerre ;

– les sapeurs-pompiers volontaires titulaires d’une allocation ou d’une rente d’invalidité attribuée en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service ;

– les titulaires d’une carte d’invalidité ;

– les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

C’est à la même loi que l’on doit, en deuxième lieu, l’assouplissement des dispositions régissant le recours au télétravail pour les bénéficiaires de l’OETH ([200]) mais aussi la généralisation de la présence d’un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap – le « référent handicap » – dans toute entreprise comptant au moins 250 salariés ([201]).

C’est encore à cette loi que l’on doit, en troisième et dernier lieu, la modernisation du cadre d’intervention des entreprises adaptées et le lancement des expérimentations relatives à la création du CDD « tremplin » d’une part et des entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) d’autre part ([202]).

b.   Les avancées issues des « nouvelles stratégies de développement » mises en œuvre à l’initiative du pouvoir exécutif

L’amélioration de la situation des personnes handicapées est aussi le fruit de « nouvelles stratégies de développement » ([203]) décidées par le pouvoir exécutif, parmi lesquelles :

– le programme « Cap vers l’entreprise inclusive 2018‑2022 », conçu pour donner au secteur des entreprises adaptées une dimension plus importante et lui permettre de jouer un rôle majeur dans la réduction du taux de chômage de ces personnes ;

– le rapprochement des réseaux de Pôle emploi et de Cap emploi, amorcé au début de l’année 2020 et matérialisé par la mise en place du lieu unique d’accompagnement (LUA) au profit des demandeurs d’emploi en situation de handicap ;

– le plan de transformation des Esat, présenté en juillet 2021, pour « favoriser les trajectoires vers le milieu ordinaire et renforcer le droit des travailleurs » ([204]).

c.   Des résultats encourageants, des efforts à prolonger

● Les mesures déployées tout au long du quinquennat précédent ont produit des résultats encourageants.

Le nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap a connu une baisse continue depuis 2018. 518 490 bénéficiaires de l’OETH étaient inscrits à Pôle emploi en catégories A, B et C en janvier 2019 ([205]). Ils n’étaient plus que 472 240 inscrits en janvier 2022 et 457 370 inscrits en janvier 2023 ([206]). Le nombre de demandeurs d’emploi de longue durée en situation de handicap a, lui aussi, diminué au cours de la période récente : on en recensait 198 916 à la fin de l’année 2022 contre 233 637 un an plus tôt ([207]).

Le taux de chômage des personnes handicapées est passé de 19 % à 13 % entre 2017 et 2022 ([208]). Entre 2021 et 2022, il a décru proportionnellement plus que le taux de chômage de la population générale, pour la première fois depuis longtemps.

Autre motif de satisfaction, le taux d’emploi direct des bénéficiaires de l’OETH évolue dans le bon sens. En 2021, il s’élevait à 3,5 %, en progression de 0,1 point en équivalent temps plein (ETP) par rapport à 2020. Et le taux d’emploi direct « majoré », qui intègre la survalorisation des bénéficiaires de l’OETH âgés de 50 ans et plus ([209]), s’élevait à 4,5 %, en progression de 0,2 point en ETP ([210]).

En 2021, le taux d’atteinte directe de l’OETH ([211]) était de 80 %, ce qui signifie que le nombre de bénéficiaires attendu par la loi était atteint à hauteur de 80 % par l’emploi direct. 29 % des entreprises présentaient un taux supérieur ou égal à 100 % et employaient donc au moins autant de bénéficiaires de l’OETH (en ETP majorés) que ce qu’imposait la législation. À l’inverse, 31 % des entreprises n’accueillaient aucun bénéficiaire de l’obligation d’emploi ([212]).

Entre 2020 et 2021, la part des entreprises qui remplissaient leur obligation par l’intermédiaire de l’emploi direct augmentait de trois points quand la part de celles qui n’accueillaient aucun bénéficiaire de l’obligation d’emploi baissait de trois points ([213]).

En définitive, ce sont 628 800 bénéficiaires de l’OETH qui exerçaient une activité dans les 107 900 entreprises assujetties en 2021 ([214]).

Les entreprises assujetties et l’obligation d’emploi
des travailleurs handicapés (oeth)

 

2020p

2021p

Nombre d’entreprises

107 800

107 900

Effectifs assujettis en équivalent temps plein

12 179 100

12 084 100

Nombre de travailleurs handicapés attendu pour satisfaire l’obligation

677 700

672 100

Part de l’obligation attendue dans les effectifs assujettis (en %)

5,6

5,6

p : données provisoires.

Lecture : en 2021, les 107 900 entreprises assujetties comptent 12 084 100 salariés. Pour répondre à leur obligation, elles doivent employer 672 100 bénéficiaires au sens légal de leur décompte.

Champ : entreprises du secteur privé et entreprises publiques à caractère industriel et commercial, de 20 salariés ou plus, France (hors Mayotte).

Source : Dares, L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en 2020 et 2021, Résultats, n° 54, novembre 2022, p. 2.

Décompte du nombre de travailleurs handicapés dans les effectifs
des entreprises assujetties à l’obligation d’emploi
des travailleurs handicapés

 

2020p

2021p

En nombre de personnes physiques

621 500

628 800

En nombre d’équivalents temps plein

 

Taux d’emploi direct en équivalent temps plein (en %)

411 500

 

3,4

421 900

 

3,5

En nombre d’équivalents temps plein après majoration

 

Taux d’emploi direct en équivalent temps plein majoré (en %)

524 800

 

4,3

540 100

 

4,5

p : données provisoires.

Lecture : en 2021, le nombre de bénéficiaires de l’OETH employés directement par les entreprises assujetties est de 540 100 équivalents temps plein après prise en compte de la survalorisation des bénéficiaires âgés de 50 ans ou plus, soit un taux d’emploi direct majoré de 4,5 %.

Champ : entreprises du secteur privé et entreprises publiques à caractère industriel et commercial, de 20 salariés ou plus, France (hors Mayotte).

Source : Dares, L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en 2020 et 2021, Résultats, n° 54, novembre 2022, p. 2.

● Ces résultats traduisent l’effort consenti ces dernières années en faveur de l’accès à l’emploi de ce public. Ils ont beau être positifs, ils sont insuffisants tant les marges de progrès demeurent importantes.

Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est certes moins élevé que par le passé mais il reste supérieur à celui de la population générale, proche de 7 % ([215]).

Les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ([216]), qui représentent 6,5 % de la population âgée de 15 à 64 ans, sont plus souvent inactifs que les autres travailleurs (58 % contre 29 %) tandis que les actifs sont plus souvent au chômage (36 % sont en emploi contre 65 % de la population en âge de travailler). Par ailleurs, les demandeurs d’emploi reconnus handicapés, plus âgés et moins diplômés que les autres demandeurs d’emploi, accèdent moins souvent que ces derniers à l’emploi au cours de l’année qui suit leur inscription à Pôle emploi ([217]).

Au demeurant, les personnes handicapées doivent composer avec la lourdeur et la complexité des procédures administratives imposées par les normes en vigueur – les démarches auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), par exemple –, qui constituent autant de sources de frustration et d’incompréhension pour les femmes et les hommes concernés.

Ces constats justifient que le Parlement légifère, dans le respect des orientations dégagées par la mission de préfiguration de France Travail et par la conférence nationale du handicap qui s’est tenue le 26 avril 2023, à savoir : reconnaître la pleine responsabilité du service public de l’emploi dans l’accompagnement de tous les demandeurs d’emploi ; améliorer l’orientation professionnelle et renforcer l’autonomisation des personnes dans la construction de leur projet ; lever les freins à l’accès à l’emploi et inciter à la reprise d’activité en milieu ordinaire ; garantir l’accessibilité des formations de droit commun et faciliter les parcours ; promouvoir l’égalité des droits individuels et collectifs entre les travailleurs en Esat et les salariés ([218]).

2.   Le dispositif proposé par le projet de loi initial

L’article 8 comprend plusieurs mesures favorisant l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, dans le prolongement des réformes récentes.

a.   Étendre à l’ensemble des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) l’application des dispositifs ouverts aux seuls travailleurs reconnus handicapés

 L’article L. 5213-1 du code du travail énonce la règle selon laquelle « [e]st considérée comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique ».

L’article L. 5213-2 du même code précise que la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) relève de la CDAPH ([219]), installée au sein de la MDPH, et que cette reconnaissance s’accompagne d’une orientation vers un Esat, vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle (CRP). Il précise aussi que l’orientation vers un Esat, le marché du travail ou un CRP vaut reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

Le même article apporte deux précisions complémentaires issues de réformes récentes conduites dans une logique de simplification du cadre juridique.

D’abord, depuis la loi du 5 septembre 2018, la qualité de travailleur handicapé est attribuée de façon définitive lorsque le handicap est irréversible.

Ensuite, depuis la loi du 21 février 2022 ([220]), l’attribution de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ([221]) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) ([222]), de même que le bénéfice d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS), valent, pour le mineur âgé d’au moins seize ans, reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

● Le droit en vigueur réserve aux seuls titulaires d’une RQTH le bénéfice de certains dispositifs, parmi lesquels :

– le dispositif d’emploi accompagné ([223]) ;

– la possibilité d’être recrutés par une entreprise adaptée ([224]) ;

– le déplafonnement de l’âge pour être engagé en qualité d’apprenti ([225]) ;

– la majoration de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ([226]) ;

– l’accès aux établissements et aux services de réadaptation professionnelle (ESRP) ([227]).

Pour y être éligibles, les autres bénéficiaires de l’OETH mentionnés à l’article L. 5212-13 du code du travail doivent faire une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, ce qui génère de l’incompréhension chez les personnes intéressées et, parfois, chez les employeurs.

● Le du I de l’article 8, qui insère dans le code du travail un article L. 5212-13-1, met un terme à la différence de traitement entre ces catégories de personnes et étend à l’ensemble des bénéficiaires évoqués ci-dessus l’application des dispositifs qui ne sont aujourd’hui ouverts qu’aux titulaires d’une RQTH ([228]). Mesure de justice sociale, gage de simplification du droit, facteur d’allègement de la charge de travail des MDPH, ce changement répond à une demande formulée depuis longtemps par le secteur associatif.

b.   Faciliter l’accès des travailleurs reconnus handicapés au marché du travail

● En vertu de l’article L. 5213-2 du code du travail et ainsi qu’il est indiqué plus haut, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé « s’accompagne d’une orientation vers un établissement ou service d’aide par le travail, vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle ».

Selon l’analyse du Gouvernement, cette disposition a deux conséquences. D’une part, elle conditionne l’insertion sur le marché du travail à une orientation en bonne et due forme. D’autre part, elle favorise la multiplication des démarches, en lien avec les modifications d’orientation, auprès des MDPH. Cela génère un surcroît d’activité pour ces dernières et, conséquence de ce phénomène, des délais d’attente potentiellement préjudiciables à l’accès à l’emploi des personnes handicapées.

● Pour remédier à ces difficultés, le du I de l’article 8, qui réécrit intégralement l’article L. 5213-2, supprime le principe de l’orientation en milieu ordinaire de sorte qu’elle devienne l’orientation de droit commun « ouverte à tous sans validation préalable » ([229]). Il s’agit là, pour reprendre les termes de l’étude d’impact, d’une mesure de « simplification de l’accès au droit » ([230]), qui devrait se traduire par une moindre sollicitation des MDPH, mais aussi, et cela mérite d’être souligné, d’une mesure « d’inclusivité sociale et professionnelle hautement symbolique » ([231]).

Du reste, l’article L. 5213-2 ne précisera plus que la sortie d’un Esat vers le milieu ordinaire s’effectue dans le cadre d’un parcours renforcé en emploi, cette disposition ayant vocation à figurer dans le code de l’action sociale et des familles ([232]).

c.   Transférer à l’État la gestion du dispositif d’emploi accompagné

● L’article L. 5213-2-1 du code du travail, issu de la loi du 8 août 2016 ([233]), ouvre aux travailleurs reconnus handicapés par la CDAPH la possibilité de bénéficier d’un dispositif d’emploi accompagné, mobilisé en complément des services, aides et prestations existants, qui consiste dans un accompagnement médico-social et un soutien à l’insertion professionnelle conçu pour leur permettre d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail. L’une des particularités du dispositif, qui peut être sollicité tout au long du parcours professionnel, réside dans le fait que l’accompagnement profite à la fois au travailleur et à l’employeur.

Il est mis en œuvre, sur décision de la CDAPH ou, depuis la loi du 30 juillet 2020 ([234]), sur prescription d’un opérateur du service public de l’emploi (SPE) ([235]), par une personne morale gestionnaire tenue de respecter les conditions d’un cahier des charges prévu par décret et désignée à la suite d’un appel à candidature porté par l’agence régionale de santé (ARS).

La personne morale susmentionnée conclut une convention de gestion avec l’un des opérateurs du SPE et, lorsqu’il ne s’agit ni d’un Esat, ni d’un établissement ou service de préorientation ou de réadaptation professionnelle (ESPO ou ESRP), ni d’un autre établissement ou service accueillant des personnes handicapées, avec au moins une personne morale gestionnaire d’un de ces établissements ou services.

Elle conclut aussi avec le travailleur handicapé ou son représentant légal et son employeur une convention individuelle d’accompagnement qui précise notamment les modalités d’accompagnement et de soutien du travailleur et de l’employeur.

Depuis l’année 2022, et suivant les prescriptions de la circulaire du 31 décembre 2021 ([236]), les structures d’emploi accompagné fonctionnent sous la forme de plateformes départementales de services intégrés mutualisant sur un même territoire les moyens et savoir‑faire des acteurs du médico-social et de l’emploi.

● Le dispositif, qui s’adresse principalement aux individus atteints d’un handicap invisible (troubles psychiques, troubles du spectre de l’autisme, troubles cognitifs, etc.), connaît un fort dynamisme. 7 666 personnes étaient accompagnées au 31 décembre 2022, soit 45 % de plus qu’un an plus tôt ([237]) et 220 % de plus que deux ans plus tôt ([238]). Il ressort, par ailleurs, des données fournies par le Gouvernement que la proportion de personnes sans emploi diminue en moyenne de 7,3 points par année d’ancienneté dans le dispositif ([239]).

● Le du I de l’article 8 modifie le régime juridique du dispositif pour favoriser sa montée en puissance, moyennant la simplification de sa gestion, et faciliter l’établissement de synergies avec les autres solutions déployées pour encourager l’insertion et le maintien en emploi de ce public.

En premier lieu, il en confie le pilotage à l’État (a) et la mise en œuvre à des organismes qui devront respecter les conditions d’un cahier des charges prévu par arrêté ministériel et conclure une convention avec l’État d’une part, un organisme de placement spécialisé dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Cap emploi), l’opérateur France Travail (successeur de Pôle emploi) ou une mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes d’autre part. L’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapée (Agefiph) et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (Fiphfp) pourront être associés à la convention (a et c).

En deuxième lieu, il prévoit que, lorsque la mise en œuvre du dispositif résultera d’une décision de la CDAPH, elle ne sera plus prise en complément d’une décision d’orientation et que, lorsqu’elle résultera d’une prescription d’un opérateur du SPE, la CDAPH en sera informée. Il reviendra à l’autorité décisionnaire de désigner l’organisme chargé de le mettre en œuvre, lequel sera dorénavant signataire de la convention individuelle d’accompagnement évoquée plus haut, en lieu et place de la personne morale gestionnaire (b).

En troisième et dernier lieu, et par cohérence avec ce qui précède, il supprime de l’article L. 5213-2-1 la précision selon laquelle les conditions d’application du dispositif, dans sa rédaction actuelle, sont déterminées par décret (d).

Ces modifications entreront en vigueur le 1er janvier 2025, conformément au II de l’article 8. Néanmoins, les conventions de gestion et les conventions individuelles d’accompagnement conclues sur le fondement de l’actuel article L. 5213-2-1 du code du travail continueront de s’appliquer jusqu’à leur terme, ou jusqu’au 31 décembre 2025 dans le cas où celui-ci serait postérieur à cette date, ainsi que le prévoit le III du même article.

d.   Pérenniser les dispositifs expérimentaux relatifs au contrat à durée déterminée (CDD) « tremplin » et aux entreprises adaptées de travail temporaire (EATT)

Les articles 78 et 79 de la loi du 5 septembre 2018 ont autorisé deux expérimentations aux fins de développer les opportunités d’emploi pour les travailleurs reconnus handicapés. Initialement déployées jusqu’au 31 décembre 2022, elles courent désormais jusqu’au 31 décembre 2023 depuis que la loi du 30 décembre 2022 ([240]) en a prorogé l’application pour une année supplémentaire.

L’entreprise adaptée
(articles L. 5213-13 à L. 5213-19-1 du code du travail)

Une entreprise adaptée est une entreprise du milieu ordinaire, soumise aux dispositions du code du travail, qui a la particularité d’employer au moins 55 % de travailleurs reconnus handicapés parmi ses effectifs de production. Elle les recrute parmi les personnes sans emploi les plus éloignées du marché du travail, soit sur proposition du service public de l’emploi, soit directement, en application de critères déterminés par arrêté du ministre chargé de l’emploi.

Elle permet à ses salariés d’exercer une activité professionnelle dans un environnement adapté à leurs possibilités, afin qu’ils obtiennent ou conservent un emploi. À cette fin, elle met en œuvre à leur profit un accompagnement spécifique destiné à favoriser la réalisation de leur projet professionnel, la valorisation de leurs compétences et leur mobilité au sein de l’entreprise elle-même ou vers d’autres entreprises.

Pour mener à bien cet accompagnement, elle bénéficie d’aides financières de l’État visant à compenser les conséquences du handicap et des actions engagées liées à l’emploi des travailleurs handicapés.

L’entreprise adaptée peut être créée par une collectivité territoriale ainsi que par un organisme public ou privé. Elle est agréée par l’État moyennant la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM).

En 2022, on recensait 800 entreprises adaptées ainsi réparties : 771 entreprises adaptées « classiques », 22 entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) et 7 entreprises adaptées implantées en établissement pénitentiaire.

Elles employaient 56 740 salariés, parmi lesquels 40 510 salariés éligibles aux aides *.

* Source : délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

i.   Présentation des dispositifs

● L’article 78 autorise une entreprise adaptée, pourvu qu’elle respecte un certain nombre de critères fixés par un cahier des charges national, à conclure un CDD avec un travailleur sans emploi ou qui court le risque de le perdre en raison de son handicap, dans le but de favoriser sa mobilité professionnelle vers les autres entreprises.

Ce contrat obéit à un régime juridique particulier.

Il ne peut avoir une durée inférieure à quatre mois et il peut être renouvelé dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre mois. À titre dérogatoire, il peut être renouvelé au-delà de la durée maximale pour que son titulaire achève une action de formation professionnelle en cours ([241]). Il peut, à titre exceptionnel et dans certaines conditions, être prolongé au-delà de la même durée lorsque le salarié âgé de cinquante ans et plus est exposé à des difficultés particulières susceptibles de faire obstacle à son insertion durable dans l’emploi.

Si la durée hebdomadaire de travail ne peut en principe être inférieure à vingt heures, le contrat peut prévoir ce cas de figure pour que soient déployées des modalités d’accompagnement du projet professionnel adaptées aux possibilités du salarié. La durée peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat sans dépasser la durée légale hebdomadaire.

Le contrat peut être suspendu à la demande du salarié afin de lui permettre :

– en accord avec l’employeur, d’effectuer une période de mise en situation en milieu professionnel ([242]) ou une action concourant à son insertion professionnelle ;

– d’accomplir une période d’essai afférente à une offre d’emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois.

En cas d’embauche à l’issue d’une suspension du contrat pour l’un de ces motifs, celui-ci est rompu sans préavis.

Il peut aussi être rompu avant son terme, à l’initiative du salarié là encore, pour lui permettre de suivre une formation conduisant à une qualification au sens de l’article L. 6314-1 du code du travail.

332 entreprises adaptées sont habilitées à conclure des « CDD tremplin » et 3 451 contrats sont en cours d’exécution en 2022 (+ 28 % par rapport à 2021) ([243]). Le dispositif bénéficie à un public plus féminin – 41,6 % des personnes sont des femmes contre 35 % tous contrats confondus ([244]) – et plus jeune que le public traditionnellement employé par ces entreprises – 20 % des personnes sont âgées de moins de 30 ans contre 10 % tous contrats confondus ([245]). Ce constat était déjà, il y a près de deux ans, celui de la mission d’évaluation de la loi du 5 septembre 2018 ([246]).Le taux de sortie en emploi durable égal à 11 %, contre 4 % pour les autres contrats conclus par les entreprises adaptées, est un résultat encourageant ([247]).

Nombre d’entreprises adaptÉes habilitÉes
À conclure des « CDD tremplin »

 

Nombre d’entreprises adaptées habilitées

Évolution (en %)

2018

53

2019

191

260 %

2020

235

23 %

2021

282

20 %

2022

332

18 %

Source : délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

● L’article 79 autorise une entreprise adaptée, pourvu qu’elle respecte un certain nombre de critères fixés par un cahier des charges national, à créer une entreprise de travail temporaire (EATT) pour favoriser les transitions professionnelles des travailleurs reconnus handicapés vers les autres entreprises.

L’activité exclusive de l’EATT consiste à faciliter l’accès à l’emploi durable de ces travailleurs, dès lors qu’ils sont sans emploi ou qu’ils courent le risque de le perdre en raison de leur handicap, et à conclure avec eux des contrats de missions.

Cette activité est soumise aux dispositions du code du travail relatives au travail temporaire ([248]). Mais, par dérogation au droit commun, la durée des contrats de mission peut être portée à vingt-quatre mois, renouvellement compris.

La durée de travail hebdomadaire peut être inférieure à la durée minimale mentionnée à l’article L. 3123-27 du même code lorsque la situation de handicap du bénéficiaire le justifie.

À ce jour, il existe 25 EATT ; elles étaient 22 au 31 décembre 2022. Elles associent pour la quasi-totalité une entreprise adaptée et une entreprise de travail temporaire. En 2022, ces structures employaient 1 326 intérimaires ; ce chiffre n’était que de 181 deux ans plus tôt. On comptait 38 % de femmes et 13 % de salariés âgés de moins de 30 ans. La même année, le taux de sortie en emploi durable s’élevait à 5 % et le taux de sortie en emploi de transition à plus de 28 % ([249]).

Nombre d’entreprises adaptÉes
de travail temporaire (EATT)

 

Nombre d’entreprises adaptées de travail temporaire (EATT)

Évolution (en %)

2018

2019

0

0 %

2020

10

100 %

2021

15

50 %

2022

22

47 %

Source : délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

ii.   L’option retenue par le projet de loi

Le du I de l’article 8 insère dans le code du travail deux articles afin de conférer aux dispositifs présentés ci-dessus, complémentaires de ceux qui forment l’offre « socle » ou « historique » et générateurs de bons résultats aux yeux du secteur associatif, un caractère pérenne.

L’article L. 5213-13-2 servira à l’avenir de support à la conclusion d’un CDD entre une entreprise adaptée ([250]) et un travailleur reconnu handicapé – qui se trouverait sans emploi ou qui courrait le risque de le perdre en raison de son handicap – dans le but de faciliter sa transition professionnelle vers d’autres entreprises. Le contrat devra prévoir un « accompagnement renforcé destiné à favoriser la réalisation d’un projet professionnel et la valorisation des compétences acquises durant la formation ». Un décret en Conseil d’État fixera les conditions dans lesquelles le contrat pourra déroger, dans la limite de vingt‑quatre mois, aux prescriptions du code du travail relatives à la durée des CDD ainsi que, dans la limite d’une durée de soixante mois, à celles relatives aux conditions du renouvellement de ces contrats. Le même décret pourra, au surplus, arrêter des modalités spécifiques de suspension ou de rupture du contrat à l’initiative du salarié, de même que des dérogations à la durée hebdomadaire minimale du travail.

L’article L. 5213-13-3 permettra la conclusion d’un contrat de mission entre une entreprise adaptée de travail temporaire et un travailleur reconnu handicapé – qui se trouverait sans emploi ou qui courrait le risque de le perdre en raison de son handicap – dans le but de faciliter son accès à l’emploi durable. La durée de ce contrat pourra être portée à vingt-quatre mois, renouvellement compris, par dérogation aux articles L. 1251-12 et L. 1251-12-1 du code du travail. En outre, la durée hebdomadaire de travail pourra être inférieure à la durée minimale fixée à l’article L. 3123-27 du même code, lorsque la situation du salarié le justifiera.

L’article L. 5213-13-3 permettra également la conclusion, entre les mêmes parties, d’un CDI intérimaire au sens de l’article L. 1251-58-1 dudit code ([251]).

En vertu de la loi nouvelle, il reviendra à l’EATT de mettre en œuvre « pour [ses] salariés un accompagnement renforcé destiné à favoriser la réalisation de leur projet professionnel, la valorisation de leurs compétences acquises durant leur formation et leur transition professionnelles vers d’autres entreprises ».

Les , et du I de l’article 8 tirent les conséquences de la consécration dans le code du travail de l’existence des EATT, dans lesquelles ils rendent applicable le droit qui régit les entreprises adaptées ([252]).

Dans un registre identique, le du I modifie l’article L. 5213-19-1 du même code pour qu’il renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des modalités de l’accompagnement dont bénéficieront les travailleurs handicapés dans le cadre des deux dispositifs.

Enfin, le II de l’article 8 diffère au 1er janvier 2024 l’entrée en vigueur des dispositions organisant la pérennisation des expérimentations relatives aux « CDD tremplin » et aux EATT – soit les 4° à du I.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

● La commission des affaires sociales du Sénat a fait évoluer le texte sur plusieurs points.

En premier lieu, elle a adopté deux amendements de M. Philippe Mouiller (groupe Les Républicains).

Le premier réintroduisait à l’article L. 5212-9 du code du travail la règle, supprimée par la loi du 5 septembre 2018, selon laquelle le montant de la contribution versée par l’employeur pour s’acquitter de l’OETH tient compte de l’effort consenti par l’entreprise en matière de maintien dans l’emploi ou de recrutement direct des bénéficiaires de l’obligation d’emploi, notamment ceux pour lesquels la lourdeur du handicap est reconnue par l’Agefiph.

Le second ajoutait à la liste des bénéficiaires de l’OETH, établie à l’article L. 5212-13 du même code, les étudiants et les personnes âgées de dix‑huit à vingt-cinq ans qui ne bénéficieraient pas d’une RQTH mais qui disposeraient de la notification d’une décision favorable de la CDAPH.

En second lieu, elle a adopté quatre amendements de la rapporteure modifiant l’article 8 tant sur la forme – pour deux d’entre eux – que sur le fond – pour les deux autres.

D’abord, elle a jugé opportun que le dispositif d’emploi accompagné, bien que piloté par l’État, reste organisé sous la forme de plateformes départementales de services intégrés, compte tenu du caractère très récent du déploiement de cette nouvelle organisation.

Ensuite, elle a préféré différer au 1er janvier 2024 l’entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l’article L. 5213-2 dudit code dans la mesure où c’est à cette date qu’entrera en vigueur la nouvelle rédaction de l’article L. 344-2-5 du code de l’action sociale et des familles ([253]), dans lequel est transférée la précision, aujourd’hui faite à l’article L. 5213-2, selon laquelle la sortie d’un Esat vers le milieu ordinaire s’effectue dans le cadre d’un parcours renforcé en emploi.

● En séance publique, les sénateurs ont apporté au texte des modifications complémentaires ayant toutes reçu un avis favorable de la commission.

Ils ont adopté un amendement du Gouvernement pour revenir sur la création d’une nouvelle catégorie de bénéficiaires de l’OETH, au motif que cela dégraderait la lisibilité du cadre juridique sans améliorer la situation du public intéressé, et pour prévoir l’application, pour les personnes âgées de seize à vingt ans, et plus seulement les mineurs âgés d’au moins seize ans, du principe de l’équivalence entre attribution de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou encore bénéfice d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS) d’une part et reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) d’autre part.

Par ailleurs, ils ont adopté, avec le soutien du Gouvernement, trois amendements identiques présentés par Mmes Annie Le Houerou (Socialiste, Écologiste et Républicain), Cathy Apourceau-Poly (Communiste Républicain Citoyen et Écologiste) et Raymonde Poncet Monge (Écologiste – Solidarité et Territoires) destinés à étendre aux bénéficiaires de l’OETH exerçant dans la fonction publique ([254]) l’application des dispositifs ouverts à ce jour aux seuls titulaires d’une RQTH.

Ils ont, du reste, adopté un amendement de Mme Raymonde Poncet Monge, avec le soutien du Gouvernement, supprimant de l’article L. 5213-2 réécrit par le présent projet de loi la référence au centre de rééducation professionnelle (CRP), la notion étant devenue obsolète ([255]).

Ils ont, enfin, adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure.

4.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté quatorze amendements de la rapporteure afin d’améliorer la qualité rédactionnelle du texte. Elle a souhaité, en particulier, qu’il soit précisé au futur article L. 5213‑13‑2 du code du travail que le recours au CDD « tremplin » reposerait sur l’article L. 1242‑3 du même code, aux termes duquel un CDD peut être conclu « au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi ».

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Article 8 bis A
Créer un service numérique pour recenser les aménagements ayant bénéficié à une personne en situation de handicap tout au long de sa vie

Adopté par la commission avec modifications

L’article 8 bis A autorise le recensement dans un système d’information national géré par la Caisse des dépôts et consignations de l’ensemble des aménagements dont chaque personne en situation de handicap a bénéficié dans le cadre de sa scolarité, d’une formation ou d’un emploi.

1.   Le dispositif adopté au Sénat

Le présent article, issu d’un amendement porté par le Gouvernement en séance publique au Sénat, insère dans le code du travail un article L. 5213-2-2 aux fins d’autoriser le recensement dans un système d’information national ([256]) de l’ensemble des aménagements dont une personne en situation de handicap a bénéficié tout au long de sa vie, à l’occasion de sa scolarité, d’une formation ou d’un emploi.

Géré par la Caisse des dépôts et consignations, le système, dont les modalités de mise en œuvre relèveront du règlement, sera alimenté par différentes entités :

– l’État ;

– les collectivités territoriales ;

– l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) ;

– l’employeur ;

– toute personne morale ayant mis en place un aménagement ou intervenant dans le champ du handicap, dont la liste sera fixée par décret.

Chaque titulaire d’un compte personnel de formation (CPF) – dispositif également géré par la Caisse des dépôts – aura la possibilité, sur un espace personnel sécurisé, de déclarer des informations se rapportant à sa situation personnelle, de les consulter et d’en disposer. Ces informations ne pourront être consultées par une tierce personne que sur autorisation du titulaire.

● Traduction législative d’une annonce faite lors de la conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, ce nouveau service, baptisé « sac à dos numérique », permettra une mise en œuvre d’aménagements plus fluide et plus rapide au moment de l’entrée de la personne en formation ou en emploi, compte tenu des aménagements déployés par le passé, afin de favoriser son insertion ou son évolution professionnelle. Le service sera alimenté, à titre d’illustration, par le « livret de parcours inclusif », qui propose des réponses pédagogiques aux besoins éducatifs particuliers des élèves, de sorte que soit déterminé le bon niveau de compensation à l’issue de la scolarité de la personne.

2.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté quatre amendements rédactionnels de la rapporteure.

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Article 8 bis B
Autoriser une convention conclue entre deux entreprises à organiser,
à l’occasion d’une mobilité professionnelle, la portabilité
des équipements contribuant à l’adaptation du poste
de travail d’une personne en situation de handicap

Adopté par la commission avec modifications

L’article 8 bis B prévoit que la portabilité des équipements contribuant à l’adaptation du poste de travail d’une personne handicapée pourra être prévue par convention entre deux entreprises à l’occasion d’une mobilité professionnelle.

1.   Le droit en vigueur

Les articles L. 5213-6 à L. 5213-9 du code du travail accordent un certain nombre de droits et de garanties aux travailleurs handicapés.

L’article L. 5213-6, par exemple, charge l’employeur de prendre les mesures appropriées pour permettre aux bénéficiaires de l’obligation d’emploi mentionnés à l’article L. 5212-13, à l’exception de ceux relevant du 5° de cet article, d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser, ou encore de pouvoir compter sur une formation adaptée à leurs besoins ([257]).

Du reste, il lui confie le soin de s’assurer que sont accessibles tant les logiciels installés sur le poste de travail des personnes en question que le poste lui‑même pour les besoins du télétravail.

Le même article précise que ces mesures sont prises sous réserve que leur mise en œuvre ne soit pas porteuse de charges disproportionnées pour l’employeur, compte tenu de l’aide qu’il peut percevoir sur le fondement de l’article L. 5213-10 du même code ([258]).

Les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH)

Aux termes de l’article L. 5212-13 du code du travail, bénéficient de l’obligation d’emploi instituée à l’article L. 5212-2 du même code :

– les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ;

– les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d’une rente ;

– les titulaires d’une pension d’invalidité, à condition que l’invalidité des intéressés réduise au moins de deux tiers leur capacité de travail ou de gain ;

– les anciens militaires et assimilés, titulaires d’une pension militaire d’invalidité ;

– sous certaines conditions, les veuves et orphelins de guerre, mères veuves non remariées ou mères célibataires d’enfants décédés par fait de guerre, épouses d’invalides internés pour aliénation mentale imputable à un service de guerre ;

– les sapeurs-pompiers volontaires titulaires d’une allocation ou d’une rente d’invalidité attribuée en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service ;

– les titulaires d’une carte d’invalidité ;

– les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

2.   Le dispositif adopté au Sénat

Le présent article, issu d’un amendement porté par le Gouvernement en séance publique au Sénat, complète l’article L. 5213-6 afin que la portabilité des équipements contribuant à l’adaptation du poste de travail des travailleurs handicapés puisse être prévue par convention entre deux entreprises à l’occasion d’un changement d’employeur et que soit ainsi prévenu le risque d’une rupture dans les parcours professionnels.

Le dispositif, inspiré de celui qui existe dans la fonction publique, traduit dans le droit l’annonce faite à l’occasion de la conférence nationale du handicap du 26 avril 2023.

3.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure.

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Article 8 bis
Pérenniser le dispositif expérimental autorisant la mise à disposition
d’une entreprise utilisatrice d’un salarié temporaire bénéficiaire
de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

Adopté par la commission sans modification

L’article 8 bis autorise la mise à disposition d’une entreprise utilisatrice d’un salarié temporaire au seul motif qu’il bénéficie de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) au titre de l’article L. 5212-13 du code du travail.

Ce faisant, il pérennise l’application du dispositif expérimental créé par l’article 67 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

1.   Le droit en vigueur

Le VI de l’article 67 de la loi du 5 septembre 2018 ([259]) a autorisé, à titre expérimental et pour une durée initiale de trois ans, le principe de la mise à disposition auprès d’une entreprise utilisatrice d’un salarié temporaire bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) ([260]) en dehors des cas prévus aux articles L. 1251-6 et L. 1251-7 du code du travail. Avec cette mesure, introduite dans le texte à l’initiative du Gouvernement, il s’agissait de faire progresser la part de ces travailleurs dans l’emploi intérimaire. Elle s’inscrivait dans un ensemble cohérent de mesures destinées à favoriser l’accès de ce public à l’emploi plus généralement.

L’article 142 de la loi du 21 février 2022 ([261]) a prorogé l’expérimentation pour une durée de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2023, afin de tenir compte des difficultés que son déploiement avait connues jusqu’alors, en raison notamment de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de covid-19.

Les cas de recours à un salarié temporaire

● En application de l’article L. 1251-6 du code du travail, « il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée " mission " et seulement dans les cas suivants :

« 1° Remplacement d’un salarié, en cas :

« a) D’absence ;

« b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

« c) De suspension de son contrat de travail ;

« d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s’il existe ;

« e) D’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

« 2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

«  Emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

« 4° Remplacement d’un chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d’une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l’activité de l’entreprise à titre professionnel et habituel ou d’un associé non salarié d’une société civile professionnelle, d’une société civile de moyens d’une société d’exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale ;

« 5° Remplacement du chef d’une exploitation agricole ou d’une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d’un aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur conjoint, mentionné à l’article L. 722-10 du même code dès lors qu’il participe effectivement à l’activité de l’exploitation agricole ou de l’entreprise. »

● En application de l’article L. 1251-7 du code du travail, « la mise à disposition d’un salarié temporaire auprès d’une entreprise utilisatrice peut [aussi] intervenir :

« 1° Lorsque la mission de travail temporaire vise, en application de dispositions légales ou d’un accord de branche étendu, à favoriser le recrutement de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ;

« 2° Lorsque l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice s’engagent, pour une durée et dans des conditions fixées par décret ou par accord de branche étendu, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié ;

« 3° Lorsque l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice s’engagent à assurer une formation professionnelle au salarié par la voie de l’apprentissage, en vue de l’obtention d’une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles. Cette formation est dispensée pour partie dans l’entreprise utilisatrice et pour partie en centre de formation d’apprentis ou section d’apprentissage en application de l’article L. 6221-1. »

2.   Le dispositif adopté par le Sénat

D’après les acteurs intervenant dans le champ du handicap, le dispositif, auquel les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) ont largement recours, produit des résultats positifs. Pour les entreprises utilisatrices, il présente un intérêt évident puisqu’il permet, par dérogation aux règles de droit commun, que soient mis à leur disposition des salariés au seul motif qu’ils sont en situation de handicap.

Le présent article, issu d’un amendement présenté par le sénateur Daniel Chasseing (groupe Les Indépendants – République et Territoires) devant la commission des affaires sociales, prévoit, à travers la modification de l’article L. 1251‑7 du code du travail, la pérennisation de l’application du dispositif. Il précise néanmoins qu’en seront exclus les bénéficiaires « indirects » des emplois réservés mentionnés aux articles L. 241-3 et L. 241-4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ([262]).

Cette évolution de la législation paraît justifiée, les EATT, elles-aussi créées à titre expérimental, ayant vocation à poursuivre leur activité ([263]). Et l’intérim constitue encore aujourd’hui, comme le faisait valoir le Gouvernement hier, « un véritable gisement de mise à l’emploi pour les travailleurs handicapés » ([264]).

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Article 9
Conférer de nouveaux droits aux personnes handicapées accueillies
dans un établissement ou un service d’aide par le travail

Adopté par la commission avec modifications

L’article 9 donne une traduction législative à plusieurs engagements formulés par la conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 :

– confier au service public de l’emploi le soin d’accompagner tous les demandeurs d’emploi, y compris ceux qui sont en situation de handicap ;

– faire converger les droits individuels et collectifs des travailleurs accueillis dans un établissement ou un service d’aide par le travail (Esat) vers ceux que le code du travail garantit aux salariés ;

– sécuriser les parcours professionnels de ces travailleurs.

1.   Le droit en vigueur

a.   Les établissements et services d’aide par le travail (Esat), des structures qui proposent un accompagnement renforcé aux travailleurs handicapés

● Aux termes de l’article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles, les établissements et services d’aide par le travail (Esat), qui appartiennent à la catégorie des établissements médico-sociaux et qui relèvent du milieu protégé de travail, accueillent des personnes handicapées âgées, sauf exception, d’au moins vingt ans ([265]) pour lesquelles la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) a constaté une capacité de travail réduite et la nécessité d’un accompagnement médical, social et médico‑social.

La décision d’orientation en Esat est prise sur le fondement d’une évaluation, effectuée par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH, des souhaits exprimés par la personne concernée dans son projet de vie ([266]) et du plan personnalisé de compensation proposé par la même équipe, en vertu de l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles. Cette orientation vaut reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ([267]).

Les Esat sont chargés d’offrir aux personnes accueillies des possibilités d’activités diverses à caractère professionnel, ainsi qu’un soutien médico-social et éducatif, en vue de favoriser leur épanouissement personnel et social ([268]).

Ces personnes peuvent être mises à disposition d’une entreprise, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public, d’une association ou de toute autre personne morale de droit public ou de droit privé, de même qu’auprès d’une personne physique, lorsque l’exercice d’une activité en milieu ordinaire de travail est susceptible de développer leur capacité d’emploi. Elles continuent cependant à bénéficier de l’accompagnement médico-social et professionnel assuré par l’établissement ou le service auquel elles demeurent rattachées ([269]).

Lorsque ces mêmes personnes concluent un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) ([270]) ou déterminée (CDD) ([271]), un contrat de travail temporaire ([272]), un contrat unique d’insertion-contrat d’accompagnement dans l’emploi (CUI‑CAE) ([273]), un contrat unique d’insertion-contrat initiative‑emploi (CUI‑CIE) ([274]), un contrat d’apprentissage ([275]) ou un contrat de professionnalisation ([276]), elles peuvent bénéficier d’une convention passée entre l’Esat, l’employeur et, éventuellement, le service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS). La convention arrête les modalités de l’aide apportée aux travailleurs handicapés et à leurs employeurs par l’Esat et, le cas échéant, le SAVS. En cas de rupture du contrat de travail ou d’absence de recrutement définitif, les personnes sont réintégrées de plein droit dans l’Esat d’origine ou, à défaut, dans un autre Esat avec lequel un accord a été conclu à cet effet ([277]).

● Les personnes admises dans un Esat ne sont pas salariées mais usagères de la structure d’accueil. Elles ne lui sont pas liées par un contrat de travail mais par un contrat de soutien et d’aide par le travail au sens de l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles ([278]), dont le contenu répond à des exigences réglementaires ([279]). Elles ne sont pas placées sous l’autorité du directeur de l’établissement ou du service et ne peuvent donc faire l’objet d’un licenciement.

En cohérence avec ce qui précède, elles ne sont pas rémunérées sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Elles n’en ont pas moins droit à une rémunération garantie, qui se compose d’une part prise en charge par l’établissement ou le service et d’une aide au poste financée par l’État ([280]), dont le montant est compris entre 55,7 % et 110,7 % du SMIC ([281]). La rémunération tient compte de la quotité de l’activité exercée.

Si elles ne bénéficient pas des droits ouverts aux salariés par le code du travail, les personnes concernées peuvent néanmoins se prévaloir d’un certain nombre de garanties établies par le code de l’action sociale et des familles. En application de l’article L. 344‑2‑1, elles doivent avoir accès à des actions d’entretien des connaissances, de maintien des acquis scolaires et de formation professionnelle ainsi qu’à des actions éducatives d’accès à l’autonomie et d’implication dans la vie sociale. Elles bénéficient de la validation des acquis de l’expérience (VAE) ([282]) et elles disposent d’un droit à congés ([283]) dans des conditions prévues, dans un cas comme dans l’autre, par voie réglementaire.

● 120 000 personnes handicapées sont aujourd’hui accompagnées par près de 1 400 Esat ([284]).

b.   Un secteur en cours de transformation

Le secteur des Esat évolue actuellement sous l’effet d’un plan de transformation déployé à l’initiative du Gouvernement depuis le début de l’année 2022. Lancé au terme d’un processus réussi de concertation avec les parties prenantes, fort de trente et une mesures, ce plan doit insuffler une nouvelle dynamique à travers la diversification et la sécurisation des parcours professionnels des personnes handicapées, l’extension des droits des travailleurs et le soutien aux structures qui les accueillent.

i.   La diversification et la sécurisation des parcours professionnels des personnes handicapées

La loi du 21 février 2022 ([285]) a porté deux mesures importantes à des fins de fluidification et, plus généralement, d’amélioration de la qualité des parcours susmentionnés :

– la première, inscrite à l’article L. 5213-2 du code du travail, vise à faire en sorte que la sortie d’un Esat vers le milieu ordinaire s’effectue dans le cadre d’un parcours renforcé en emploi ;

– la seconde, inscrite à l’article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles, autorise les personnes accueillies en Esat à travailler, simultanément et à temps partiel, dans une entreprise ordinaire ou dans une entreprise adaptée ou à exercer, dans les mêmes conditions, une activité professionnelle indépendante, dans la limite de la durée légale de travail.

Un décret du 13 décembre 2022 ([286]) précise les modalités d’application de ces mesures.

Il énonce la règle selon laquelle le travailleur handicapé qui quitte un Esat pour rejoindre le milieu ordinaire de travail bénéficie obligatoirement, sans nouvelle décision de la CDAPH, du parcours renforcé en emploi. À ce titre, le travailleur peut compter sur l’accompagnement de son établissement ou service d’origine, organisé par le biais de la convention d’appui conclue entre l’établissement ou le service, l’employeur et, éventuellement, un SAVS. L’Esat assure le suivi, est‑il indiqué, en lien avec la plateforme départementale chargée du dispositif d’emploi accompagné mentionné à l’article L. 5213-2-1 du code du travail ([287]). Si le contrat de travail est rompu ou si le travailleur n’est pas définitivement recruté, il est réintégré de plein droit dans l’Esat d’origine ou, à défaut, dans un autre Esat avec lequel un accord a été conclu à cet effet ([288]).

Le décret détermine, par ailleurs, les conditions de mise en œuvre d’une double activité en milieux ordinaire et protégé de travail ([289]). L’activité en milieu ordinaire peut être exercée dans une entreprise, adaptée ou non, une collectivité territoriale, un établissement public, une association ou toute autre personne morale de droit public ou privé, ainsi qu’auprès d’une personne physique. Elle peut être accomplie dans le cadre de plusieurs types de contrat de travail : CDI, CDD, contrat de travail temporaire, contrat d’apprentissage ou de professionnalisation... En tout état de cause, le cumul d’une activité en Esat et d’une activité à temps partiel en milieu ordinaire ne peut conduire à dépasser ni la durée maximale quotidienne de travail, ni la durée légale hebdomadaire.

Un autre décret ([290]) arrête les modalités du calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) pour les bénéficiaires qui travaillent simultanément et à temps partiel en milieux ordinaire et protégé. L’objectif, peut-on lire dans l’étude d’impact du projet de loi, est d’inciter les personnes éligibles au dispositif à « s’engager dans le temps partagé » ([291]).

Au demeurant, le décret du 13 décembre 2022 aménage les conditions dans lesquelles les travailleurs handicapés peuvent être orientés en Esat. Il y rend possible l’accueil de ceux dont la capacité de travail est supérieure ou égale au tiers de la capacité normale, lorsque leur besoin d’un ou de plusieurs soutiens médicaux, éducatifs, sociaux et psychologiques le justifie ([292]).

ii.   La reconnaissance de nouveaux droits pour les travailleurs handicapés accueillis en Esat

Le décret précité du 13 décembre 2022 ([293]) étend la liste des droits individuels et collectifs reconnus à ces travailleurs.

Il actualise et enrichit la liste des congés dont ils bénéficient ([294]) et pose les règles relatives au repos ([295]).

Dans un registre différent, il leur ouvre la faculté d’élire, pour une durée de trois ans renouvelable, un délégué chargé de les représenter auprès de la direction de l’établissement ou du service, sur des situations d’ordre individuel ([296]).

Enfin, il prévoit l’institution dans les Esat d’une instance composée en nombre égal de représentants des usagers et de représentants des salariés de la structure et chargée d’émettre des avis et de formuler des propositions sur la qualité de vie au travail, l’hygiène et la sécurité, ainsi que l’évaluation et la prévention des risques professionnels ([297]).

iii.   Le soutien aux Esat

En 2022, 15 millions d’euros ont été mobilisés par l’État pour permettre aux établissements de moderniser leurs équipements, parfois vétustes, et de recourir à une expertise de conseil dans la perspective d’une diversification de leur activité.

Du reste, le cadre de leur gestion a été assoupli dans le but de favoriser la fluidité des parcours professionnels des travailleurs et de garantir, en particulier, le « droit au retour » en Esat. À cette fin, l’aide au poste versée par l’Agence de services et de paiement (ASP) aux établissements est désormais calculée sur une base annualisée.

2.   Le dispositif proposé par le projet de loi initial

L’article 9 transcrit dans la loi plusieurs objectifs fixés lors de la conférence nationale du handicap du 26 avril 2023 : confier au service public de l’emploi le soin d’accompagner tous les demandeurs d’emploi, y compris ceux qui sont en situation de handicap ; conférer aux travailleurs en Esat des droits identiques à ceux des salariés, dans le prolongement des avancées portées par le plan de transformation précédemment évoqué ; sécuriser les parcours professionnels des personnes qui sortent de ces établissements.

a.   Confier au réseau France Travail le soin de proposer l’orientation d’un travailleur handicapé vers le milieu protégé de travail à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)

Le du I complète l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles de sorte que la CDAPH se prononce à l’avenir en matière d’orientation vers un Esat ou un établissement ou un service de réadaptation professionnelle (ESRP) sur la base des propositions formulées par l’opérateur France Travail (successeur de Pôle emploi) ou par un organisme de placement spécialisé dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Cap emploi). Cette modalité déroge au régime actuel de l’orientation vers le milieu protégé, l’évaluation effectuée par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH.

La procédure sera encadrée par une convention, dont le modèle et le contenu seront définis par décret, conclue au plus tard le 1er janvier 2027, conformément au III de l’article 9, entre la MDPH et les deux acteurs du service public de l’emploi mentionnés ci-dessus.

Cette évolution doit permettre à l’opérateur France Travail d’exercer la mission dont le charge le nouveau 2° ter de l’article L. 5312‑1 du code du travail, en partie réécrit par l’article 5 du projet de loi.

b.   Conférer de nouveaux droits aux personnes handicapées accueillies dans un établissement ou un service d’aide par le travail (Esat)

● Le du I insère cinq articles dans le code de l’action sociale et des familles (numérotés L. 344-2-6 à L. 344-2-10) aux fins de conférer aux personnes handicapées accueillies en Esat de nouveaux droits individuels et collectifs tout en leur conservant leur statut particulier d’usagers d’un établissement social et médico-social (ESMS).

i.   L’application directe d’un certain nombre de droits garantis aux salariés par le code du travail

L’article L. 344-2-6 rend directement applicables à ces personnes un ensemble de dispositions bénéficiant aujourd’hui aux salariés en vertu du code du travail :

– le droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation du travail (articles L. 2281-1 à L. 2281-4) ;

– les droits d’alerte et de retrait en cas de danger grave et imminent pour la vie ou la santé des travailleurs (articles L. 4131-1 à L. 4132-5) ;

– le droit d’adhérer à un syndicat professionnel et de s’en retirer (articles L. 2141-1 à L. 2141-3), l’interdiction faite à l’employeur de prélever les cotisations syndicales sur les salaires de son personnel (article L. 2141-6) et l’obligation faite au même employeur d’informer les salariés de la disponibilité des adresses des organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise sur le site du ministère du travail (article L. 2141-7-1) ;

– la prise en charge par l’employeur des frais de transport pour les déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail (articles L. 3261-2 à L. 3261-4) et le bénéfice des titres-restaurant (articles L. 3262‑1 à L. 3262-7) et des chèques-vacances (article L. 3263-1).

Pour l’application de ces dispositions, l’Esat s’acquitte des obligations que les textes mettent à la charge de l’employeur.

ii.   La reconnaissance de nouveaux droits adaptés aux spécificités du public accueilli en Esat

L’article L. 344-2-7 reconnaît aux personnes handicapées accueillies en Esat le droit de grève dans le cadre de leurs activités à caractère professionnel et leur garantit l’application de la législation du travail relative à l’exercice de ce droit et aux procédures de règlement des conflits collectifs.

L’article L. 344-2-8 consacre dans la loi l’existence de l’instance créée dans les Esat sur le fondement de l’actuel article R. 344-7-1 du code de l’action sociale et des familles ([298]), composée en nombre égal de représentants des personnes handicapées et de représentants des salariés de l’établissement ou du service. Il confirme sa mission consistant dans l’association des usagers de la structure aux questions relatives à la qualité de vie au travail, à l’hygiène et la sécurité, ainsi qu’à l’évaluation et à la prévention des risques professionnels.

L’article ajoute que ses attributions comme les modalités de son fonctionnement et de la désignation de ses membres seront fixées par voie réglementaire.

L’article L. 344-2-9 autorise des représentants de l’instance susmentionnée, désignés selon des règles prévues par décret, à assister, avec voix consultative, aux réunions du comité social et économique (CSE) de l’établissement ou du service.

Deux cas de figure doivent être distingués :

– dans les établissements comptant onze à quarante‑neuf salariés, ils assisteront aux réunions des membres de la délégation du personnel du CSE portant sur la santé, la sécurité et les conditions de travail ([299]) ;

– dans les établissements comptant au moins cinquante salariés, ils assisteront aux réunions du CSE portant sur la santé, la sécurité et les conditions de travail et, dès lors qu’elle aura été installée, aux réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) ([300]).

Enfin, l’article L. 344-2-10 ouvre aux personnes handicapées accueillies en Esat le bénéfice d’une couverture à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais de santé obéissant à un régime au moins aussi favorable que celui qui profite aux salariés ([301]). Un décret arrêtera les catégories de personnes susceptibles d’être dispensées, à leur initiative, de cette obligation de couverture. Il procédera aux adaptations nécessaires pour les départements du Haut‑Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

● Deux précisions complémentaires méritent d’être apportées.

D’abord, l’extension des droits des personnes handicapées accueillies en Esat supposera, dans certains domaines, l’intervention du seul pouvoir réglementaire –renforcement de la couverture conventionnelle des travailleurs ou réduction de la durée des périodes d’essai, par exemple.

Ensuite, font actuellement l’objet d’une réflexion les questions de l’augmentation du montant de la rémunération garantie – et de la répartition de sa prise en charge par l’établissement et l’État – et de l’octroi à ces personnes du bénéfice de l’assurance chômage.

L’action des pouvoirs publics en faveur de l’amélioration de la situation des travailleurs accueillis en Esat ne se résume donc pas aux mesures proposées dans le présent projet de loi. Et, au-delà de son utilité sociale évidente, cette action aura également pour vertu de renforcer la conformité de notre législation aux exigences internationales (Convention de l’Organisation des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006) et européennes (Charte des droits fondamentaux du 18 décembre 2000).

Extraits de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

Article 27
Droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise

Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile, dans les cas et conditions prévus par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales.

Article 28
Droit de négociation et d’actions collectives

Les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève.

Article 29
Droit d’accès aux services de placement

Toute personne a le droit d’accéder à un service gratuit de placement.

Article 30
Protection en cas de licenciement injustifié

Tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement injustifié, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales.

Article 31
Conditions de travail justes et équitables

1. Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité.

2. Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés.

Il conviendra toutefois de veiller à ce que les Esat soient dotés de moyens adaptés à leurs obligations, notamment financières ([302]), et à ce que leurs usagers puissent compter sur un accompagnement de nature à leur permettre d’exercer pleinement leurs nouveaux droits.

c.   Sécuriser les parcours professionnels des personnes handicapées qui sortent d’un établissement ou d’un service d’aide par le travail (Esat)

Le du I modifie l’article L. 344-2-5 du code de l’action sociale et des familles pour rendre obligatoire, dans le cas où un travailleur handicapé quitterait un Esat pour exercer une activité en milieu ordinaire moyennant la signature d’un contrat de travail de droit commun ([303]), la conclusion, aujourd’hui facultative, d’une convention d’appui entre l’Esat, l’employeur et, éventuellement, le SAVS, sauf opposition dudit travailleur ou de son représentant légal (a). Par ailleurs, il complète le même article pour y inscrire la règle – supprimée par cohérence de l’article L. 5213-2 du code du travail ([304]) – suivant laquelle la sortie d’un Esat s’effectue dans le cadre d’un parcours renforcé en emploi, dans des conditions déterminées par décret (b).

Les , , et du I procèdent à l’actualisation de références au code du travail ou à des ajustements rédactionnels dans plusieurs articles du code de l’action sociale et des familles.

Conformément au II de l’article 9, la quasi-totalité de ses dispositions entrera en vigueur le 1er janvier 2024. Deux d’entre elles entreront néanmoins en vigueur le 1er juillet 2024 : celle qui prévoit la prise en charge des frais de transport pour les déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail des personnes admises dans un Esat ainsi que le bénéfice des titres-restaurant et des chèques‑vacances, d’une part ; celle qui prévoit la couverture obligatoire de ces mêmes personnes par un contrat de complémentaire santé, d’autre part.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de la rapporteure et par cohérence avec la solution retenue dans l’ensemble du projet de loi, la commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à conserver à Pôle emploi sa dénomination actuelle.

Sur proposition de Mme Raymonde Poncet Monge (groupe Écologiste  Solidarité et Territoires), le Sénat a adopté, à l’occasion de la discussion du projet de loi en séance publique, un amendement de précision rédactionnelle auquel la commission et le Gouvernement avaient donné un avis favorable.

4.   Les modifications apportées par la commission

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté huit amendements rédactionnels.

De plus, elle a adopté un amendement des rapporteurs visant à rebaptiser Pôle emploi, appelé à devenir l’opérateur France Travail, par cohérence avec les modifications faites aux articles précédents.

*

*     *

TITRE III bis
Évaluation du dispositif France Travail
(Division nouvelle)

Article 9 bis (nouveau)
Prévoir la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement pour évaluer les mesures portées par les articles des titres Ier à III de la loi

Introduit par la commission

L’article 9 bis propose que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, un rapport d’évaluation des mesures portées par les articles des titres Ier à III du texte.

Issu d’un amendement de M. Nicolas Turquois et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), adopté avec avis favorable de la rapporteure, l’article 9 bis propose que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, un rapport visant à évaluer, « à l’aune de l’objectif de plein emploi » :

– les effets de l’inscription automatique sur la liste des demandeurs d’emploi des personnes qui en sont dépourvues ;

– les effets du contrat d’engagement ;

– les modifications apportées au régime juridique du revenu de solidarité active (RSA) ;

– la création du réseau France Travail, rebaptisé réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi durant les débats ;

– les mesures en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap.

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*     *

TITRE IV
Gouvernance en matiÈre d’accueil du jeune enfant

Article 10
Améliorer la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant

Adopté par la commission avec modifications

L’article 10 modifie l’architecture de la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant selon une double logique : la clarification des rôles et des missions des acteurs aux plans national et local d’une part, et l’instauration de nouveaux leviers d’action et la rénovation de leviers existants au profit de ces acteurs d’autre part.

Les mesures qu’il porte s’inscrivent dans la perspective de la mise en place du service public de la petite enfance, qui suppose d’autres évolutions. Cette étape est nécessaire dans le processus de construction de la société du plein emploi.

1.   Le droit en vigueur

La politique d’accueil du jeune enfant se situe au carrefour d’enjeux de société majeurs : la lutte contre la reproduction des inégalités sociales dès le plus jeune âge, l’accès et le maintien dans l’emploi des parents, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’inclusion des enfants en situation de handicap, le développement et l’épanouissement des enfants, etc. ([305])

À ce jour, elle ne répond pas pleinement aux besoins des familles en raison principalement de l’insuffisance du nombre de places d’accueil et de leur inégale répartition sur le territoire, mais aussi des limites du système de gouvernance.

a.   L’offre d’accueil d’enfants de moins de trois ans est inadaptée aux besoins des familles

En France, la garde des enfants de moins de trois ans relève soit de modes informels, qui reposent sur la participation des parents ou des proches, soit de modes formels, qui impliquent l’intervention de professionnels de la petite enfance exerçant leur activité dans un cadre individuel (assistants maternels, salariés à domicile) ou collectif (établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) ou crèches).

● À la fin de l’année 2020, notre pays comptait 1 307 700 places d’accueil, ce qui correspondait à un taux de couverture de 58,8 places pour 100 enfants. Elles étaient proposées, pour plus de la moitié, par des assistants maternels (54,3 %) et, pour plus du tiers, par des crèches de tous types (36,6 %) ([306]) ([307]).

Cette même année, le taux de couverture reculait d’un point, en raison de l’incidence de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de covid-19 sur l’ouverture de places en crèche, après une progression continue pendant vingt ans, génératrice d’une hausse du taux d’emploi des mères d’enfants de moins de trois ans passé de 55 % en 2003 à 63 % en 2020 ([308]). Toutefois, la légère hausse constatée entre 2016 et 2019 provenait entièrement de la réduction de la taille des cohortes d’enfants de moins de trois ans puisque la capacité d’accueil théorique diminuait en réalité de 17 000 places au cours de la période, sous l’effet du recul de l’offre en accueil individuel (assistants maternels) et en école préélémentaire ([309]).

Évolution de la capacité théorique d’accueil formel depuis 2016

 

2016

2017

2018

2019

Capacité théorique

Capacité pour 100 enfants

Capacité théorique

Capacité pour 100 enfants

Capacité théorique

Capacité pour 100 enfants

Capacité théorique

Capacité pour 100 enfants

Assistant parental (maternel)

782 500

33,2 %

770 800

33,4 %

759 000

33,2 %

744 300

33,0 %

Accueil en crèche

437 200

18,5 %

448 800

19,5 %

460 200

20,1 %

471 000

20,9 %

École préélémentaire

96 300

4,0 %

92 600

4,0 %

88 800

3,9 %

82 700

3,7 %

Salarié à domicile

46 700

1,9 %

46 100

2,0 %

47 000

2,1 %

47 700

2,1 %

Ensemble

1 362 700

57,7 %

1 358 300

58,9 %

1 354 900

59,3 %

1 345 700

59,8 %

Note : la capacité théorique d’accueil correspond au nombre de places offertes pour l’accueil des enfants de moins de 3 ans par les modes de garde formels. Cette capacité théorique est ensuite rapportée au nombre d’enfants âgés de moins de 3 ans pour obtenir la capacité pour 100 enfants.

Champ : France entière, hors Mayotte.

Source : Direction générale du trésor, Les inégalités d’accès aux crèches et leurs enjeux économiques, n° 322, janvier 2023, p. 3.

● À l’heure actuelle, l’offre de modes de garde formels connaît un certain nombre de faiblesses, qui l’empêchent de répondre aux besoins de la population de manière satisfaisante.

Elle est inégalement répartie sur le territoire. En 2019, la capacité d’accueil se situait, selon le département, entre 10,7 (Guyane) et 87,6 places (Haute-Loire) pour 100 enfants de moins de trois ans. Six départements sur dix affichaient un taux de couverture supérieur ou égal au taux national (59,8 %). Seules les régions Bretagne et Pays de la Loire enregistraient des taux de couverture nettement supérieurs à ce taux quand, à l’autre extrémité du spectre, le pourtour méditerranéen, la collectivité de Corse et les départements d’outre-mer présentaient une couverture des plus faibles.

CAPACITÉ THÉORIQUE D’ACCUEIL PAR LES MODES D’ACCUEIL FORMEL POUR 100 ENFANTS DE MOINS DE 3 ANS AU 31 DÉCEMBRE 2019

Source : Observatoire national de la petite enfance, L’accueil du jeune enfant en 2020, décembre 2021, p. 29.

L’offre est significativement inférieure à la moyenne dans les communes ou les quartiers où le niveau de vie médian est le plus bas ([310]). Elle est, par ailleurs, inégalement accessible au plan financier suivant la zone géographique. Dans trente‑cinq départements, selon l’étude d’impact du projet de loi, elle est constituée à plus de 70 % par des assistants maternels, un mode d’accueil souvent plus onéreux que la crèche. En témoignent les différences de reste à charge pour les familles.

RESTE À CHARGE POUR UNE FAMILLE BIACTIVE SELON LE MODE D’ACCUEIL
POUR UN ENFANT ACCUEILLI

Source : Observatoire national de la petite enfance, L’accueil du jeune enfant en 2020, décembre 2021, p. 106.

Globalement, l’offre est insuffisante, à l’échelle nationale, tous modes d’accueil confondus. 30 000 places nettes de crèche ([311]) devaient être créées en application de la convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 conclue entre l’État et la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) mais la moitié d’entre elles seulement a vu le jour ([312]). Dans le même temps, le nombre de places proposées par les assistants maternels a diminué et, d’ici à 2030, ce sont 40 % des professionnels relevant de cette catégorie qui seront partis en retraite ([313]).

Les enjeux sont considérables. Selon le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), 155 000 à 175 000 places supplémentaires seraient nécessaires pour garantir l’accueil des enfants dont les parents se retirent du marché du travail faute d’une solution de garde ([314]), un phénomène qui toucherait plus de 6,6 % des mères ([315]).

L’offre présente, en outre, une qualité très hétérogène, ainsi qu’il ressort d’un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) ([316]), du fait, notamment, du manque de personnels. Près de la moitié des crèches collectives sont confrontées à cette difficulté ([317]) : non remplacements d’auxiliaires de puériculture ou d’éducateurs de jeunes enfants et postes durablement vacants y sont fréquents. Et, nul ne l’ignore plus désormais, la dégradation des conditions de travail dans ces structures est parfois source de maltraitance.

● La France affiche un taux élevé de recours aux modes de garde formels en comparaison de celui qui prévaut dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ([318]). Mais l’accès à ces modes de garde y est inégalitaire, plus que dans un grand nombre d’États européens ([319]). Intimement lié aux ressources du foyer, il est l’un des révélateurs des inégalités sociales. 71 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté ne sollicitent aucune solution d’accueil alors que 33 % de l’ensemble des familles avec enfants de moins de trois ans se trouvent dans cette situation ([320]). Aussi, seuls 5 % des enfants des familles les moins aisées financièrement fréquentent une crèche et 3 % un assistant maternel, contre respectivement 22 % et 37 % des enfants des familles les plus riches ([321]).

Or, les inégalités d’accès aux modes de garde formels créent des inégalités de destin. Les études scientifiques montrent en effet que ces modalités favorisent le développement cognitif (apprentissage du langage par exemple) et non-cognitif (apprentissage de la vie en collectivité par exemple) des enfants, à plus forte raison lorsque ces derniers bénéficient d’un système d’accueil collectif. Elles montrent aussi que les effets bénéfiques sont plus marqués chez les enfants issus d’un milieu modeste ([322]).

Encourager l’accès à un mode d’accueil est donc « un levier d’investissement social très fort » ([323]), pour reprendre les termes de l’étude d’impact, et l’un des prérequis pour l’avènement de la société du plein emploi. On le sait, l’inadaptation de l’offre d’accueil à la demande constitue un frein important à l’accès ou au retour à l’emploi (c’est l’un des freins dits « périphériques » bien identifiés), en particulier pour les femmes. 160 000 parents seraient concernés par ce problème ([324]).

b.   La gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant fait intervenir plusieurs acteurs insuffisamment coordonnés

La politique d’accueil du jeune enfant mobilise différents acteurs qui interviennent à l’échelon national ou local. Au premier rang figurent l’État, les caisses d’allocations familiales (CAF), les départements et les communes.

i.   À l’échelon national

● L’État fixe le cadre général de cette politique publique dont le déploiement s’appuie sur la convention d’objectifs et de gestion (COG) qu’il signe avec la Cnaf. Ce document définit, sur une base pluriannuelle, les objectifs relatifs au développement quantitatif et à l’amélioration qualitative de l’offre d’accueil ainsi que les moyens financiers afférents. La COG 2023-2027 ([325]) traduit la quadruple ambition de la branche Famille de la sécurité sociale dans le contexte de la mise en place annoncée du service public de la petite enfance ([326]) :

– garantir aux parents un égal accès à l’information et une offre d’orientation et d’accompagnement ;

– développer et diversifier les solutions d’accueil pour faire bénéficier les familles d’une offre disponible en tout point du territoire, accessible financièrement et adaptée aux besoins liés au handicap, aux horaires atypiques, à la reprise d’emploi, à la préparation de l’entrée à l’école maternelle, etc. ;

– financer les places d’accueil en maîtrisant le reste à charge des collectivités et des familles en fonction de leurs capacités de financement ;

– accompagner et contrôler la qualité de l’offre d’accueil afin de garantir à tous les enfants un accueil au moins conforme aux exigences de la Charte d’accueil du jeune enfant ([327]).

● La branche Famille de la sécurité sociale est le principal financeur des modes d’accueil du jeune enfant (10 milliards d’euros en 2020 ([328])), pour lesquels les administrations publiques ont dépensé un peu plus de 14 milliards d’euros en 2020 ([329]). Elle verse aux EAJE la prestation de service unique (PSU), qui finance leurs dépenses de fonctionnement, et prend en charge la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), qui soutient les modes d’accueil individuel. Entre 2023 et 2027, les CAF mobiliseront 1,5 milliard d’euros supplémentaires par an pour permettre à chaque enfant de moins de trois ans de bénéficier d’une solution d’accueil individuel ou collectif de qualité.

Dépenses publiques liées à la garde d’enfants de moins de 3 ans en 2020

Mesures

Dépense en 2020
(en millions d’euros)

Indemnisation du congé parental par la PreParE*

868

Accueil individuel des jeunes enfants, dont CMG**

4 631

Accueil collectif des jeunes enfants en crèches, dont PSU***

6 634

Accueil en école préélémentaire

485

Dépense fiscale liée à la garde des jeunes enfants

1 713

Total des prestations liées à la garde des jeunes enfants et à l’indemnisation du congé parental

14 331

*Prestation partagée d’éducation ; **Complément de libre choix de mode de garde ; ***Prestation de service unique de la Cnaf.

Source : direction générale du trésor, Les inégalités d’accès aux crèches et leurs enjeux économiques, n° 322, janvier 2023, p. 3.

ii.   À l’échelon départemental

Le département exerce une compétence obligatoire dans le domaine de l’accueil du jeune enfant. La loi confie au conseil départemental le soin d’autoriser, par l’intermédiaire de son service de protection maternelle et infantile (PMI), la création, l’extension et la transformation des EAJE ([330]) et de délivrer l’agrément nécessaire à l’exercice de la profession d’assistant maternel ([331]). À ce titre, les services du département sont compétents pour contrôler le respect des normes d’accueil et de prise en charge des enfants dans les premiers comme chez les seconds.

Par ailleurs, le comité départemental des services aux familles, créé par l’ordonnance du 19 mai 2021 ([332]), assure la coordination des acteurs qui interviennent dans ce domaine comme dans celui du soutien à la parentalité. Instance de réflexion, de conseil, de proposition et de suivi sur les questions propres à l’organisation, au fonctionnement, au maintien et au développement des services aux familles, il est présidé par le préfet de département ([333]), entouré du président du conseil départemental, d’un représentant des communes et intercommunalités du département et du président du conseil d’administration de la CAF.

Les missions du comité départemental des services aux familles
(extraits de l’article D. 214-1 du code de l’action sociale et des familles)

« II. – Le comité départemental des services aux familles organise la coordination des actions de ses membres en vue d’en améliorer l’efficacité en matière :

« 1° De développement et de maintien de services aux familles dans les conditions mentionnées au II de l’article L. 214-1-1 ;

« 2° D’information des candidats potentiels au métier d’assistant maternel, d’accompagnement et d’information des assistants maternels agréés dans les conditions mentionnées à l’article L. 214-6 ;

« 3° D’information et d’orientation des familles sur les modes d’accueil du jeune enfant et sur les services de soutien à la parentalité ;

« 4° De coopération entre professionnels aux fins de garantir l’organisation des transitions de l’enfant entre les différents services dans les conditions mentionnées au IV de l’article L. 214-1-1 ;

« 5° De formation des professionnels de l’accueil du jeune enfant et du soutien à la parentalité. Le comité recense les besoins prospectifs en matière de formation initiale et continue et examine les conditions de mise en œuvre des actions mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 113-1 et à l’article L. 542-1 du code de l’éducation ;

« 6° D’information des employeurs sur les politiques d’accueil du jeune enfant et de soutien à la parentalité. »

En vertu de l’article L. 214-5 du code de l’action sociale et des familles, le comité établit un schéma départemental des services aux familles pluriannuel qui a pour objet, entre autres, d’évaluer l’offre et les besoins territoriaux en matière de services aux familles et de définir des actions départementales. Ses modalités sont prévues par décret.

« [E]space de mise en œuvre partenarial et coordonné de la politique d’accueil du jeune enfant » ([334]), le comité est installé dans 60 % des départements environ.

Le contenu du schéma départemental des services aux familles pluriannuel
(extraits de l’article D. 214-2 du code de l’action sociale et des familles)

II. – Le schéma départemental comporte :

1° Un diagnostic territorialisé de l’offre et des besoins d’accueil du jeune enfant, de soutien à la parentalité et de formation professionnelle initiale et continue des professionnels de l’accueil du jeune enfant et du soutien à la parentalité. Ce diagnostic recense notamment les schémas communaux et intercommunaux prévus aux articles L. 214-2 et L. 214-3 ;

2° Un plan d’actions départemental organisant le maintien, le développement, la diversification, la complémentarité et la coordination de l’offre d’accueil du jeune enfant et de soutien à la parentalité ;

Ce plan établit, pour chaque action, des objectifs et un niveau de résultat attendu ;

Le comité s’assure de la cohérence de ces objectifs avec les actions conduites par ses membres, le cas échéant dans le cadre de conventions qu’ils concluent entre eux, notamment la caisse d’allocation familiale et les collectivités territoriales ;

3° Une synthèse d’indicateurs communs à tous les départements.

La liste de ces indicateurs et leurs modalités de renseignement sont fixées par arrêté du ministre chargé de la famille. Elle comprend notamment des informations relatives au taux de couverture global de l’accueil de jeunes enfants, au nombre de créations de places d’accueil, à l’accessibilité des modes d’accueil aux publics en situation de handicap ou parcours d’insertion sociale ou professionnelle et à l’offre de services de soutien à la parentalité.

iii.   À l’échelon communal

Les communes interviennent significativement dans le domaine de l’accueil du jeune enfant alors même qu’elles disposent d’une compétence facultative en la matière.

Elles participent au financement de la grande majorité des crèches, qu’elles gèrent directement (60 % du parc des EAJE) ou qu’elles aident, en appui des CAF, moyennant le versement de subventions de fonctionnement ou d’investissement aux gestionnaires privés ([335]). Elles sont d’ailleurs le deuxième financeur du secteur (2,95 milliards d’euros en 2020), derrière la Cnaf.

Elles peuvent établir un schéma pluriannuel de développement des services aux familles, auquel l’article L. 214-2 du code de l’action sociale et des familles assigne un triple objet :

– faire l’inventaire des équipements, services et modes d’accueil de toute nature existant pour l’accueil des enfants de moins de six ans, y compris les places d’école maternelle, ainsi que des services de soutien à la parentalité ;

– recenser l’état et la nature des besoins en ces domaines ;

– préciser les perspectives de développement ou de redéploiement des équipements et services pour la petite enfance et le soutien à la parentalité qui apparaissent nécessaires, ainsi que le calendrier de réalisation et le coût prévisionnel des opérations à l’échelon communal.

Si les données sur le nombre de communes ayant établi un tel schéma font défaut, il semble que celles qui comptent plus de 10 000 habitants conduisent déjà partiellement les actions évoquées ci-dessus.

En outre, les communes, interlocuteurs de proximité des personnes à la recherche d’un mode d’accueil, peuvent créer des relais petite enfance (RPE), « service[s] de référence de l’accueil du jeune enfant pour les parents et les professionnels », selon les termes de l’article L. 214-2-1 du code de l’action sociale et des familles. 80 % de ces relais, installés dans 85 % des communes de plus de 10 000 habitants ([336]), sont gérés par le bloc communal ([337]).

Le relais petite enfance
(article L. 214-2-1 du code de l’action sociale et des familles)

Il peut être créé, dans toutes les communes ou leurs groupements, un relais petite enfance, service de référence de l’accueil du jeune enfant pour les parents et les professionnels. Le relais petite enfance a notamment pour rôle d’informer les parents et les assistants maternels sur ce mode d’accueil en tenant compte des orientations définies, le cas échéant, par le comité départemental des services aux familles prévu à l’article L. 214-5, et d’offrir aux assistants maternels un cadre pour échanger sur leur pratique professionnelle ainsi que leurs possibilités d’évolution de carrière, sans préjudice des missions spécifiques confiées au service départemental de protection maternelle et infantile visé au chapitre II du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique.

Les missions des relais petite enfance sont précisées par décret. Ces relais peuvent accompagner des professionnels de la garde d’enfants à domicile.

Enfin, les communes et leurs groupements, comme d’autres catégories de collectivités au demeurant, peuvent conclure avec les CAF des conventions territoriales globales (CTG), qui sont le support d’« une démarche stratégique partenariale [ayant] pour objectif d’élaborer le projet de maintien et de développement des services aux familles du territoire » ([338]) et qui « s’appuie[nt] sur un diagnostic partagé avec les partenaires concernés pour définir les priorités et les moyens dans le cadre d’un plan d’actions adapté » ([339]). Les CTG favorisent le développement et l’adaptation des équipements et services aux familles, l’accès aux droits et l’optimisation des interventions des acteurs de la petite enfance et du soutien à la parentalité notamment.

Le déploiement de ces conventions, conclues pour moitié à l’échelon intercommunal, a fait preuve de dynamisme au cours de la période récente puisque 40 % de la population était couverte en 2020, 60 % en 2021 et 90 % en 2022 ([340]).

*

La pluralité des acteurs intervenant à un titre ou à un autre dans le champ de la politique d’accueil du jeune enfant, l’insuffisante coordination de leurs actions, nonobstant les avancées récentes, et l’absence d’un chef de file dans la conduite de cette politique sont régulièrement présentées comme autant de freins au déploiement d’un véritable service public de la petite enfance.

Il y a donc lieu de légiférer pour lever ces obstacles et créer les conditions d’une amélioration de l’offre d’accueil du point de vue quantitatif, dans la perspective de la création annoncée de 200 000 places de crèche supplémentaires, et qualitatif, conformément à l’engagement du Gouvernement.

2.   Le dispositif proposé par le projet de loi initial

Le présent article porte un ensemble de mesures qui modifient l’architecture de la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant. Elles s’orientent autour de deux axes :

– la clarification des rôles et des missions des acteurs aux plans national et local ;

– l’instauration de nouveaux leviers d’action et la rénovation de leviers existants au profit de ces acteurs.

a.   Définir une stratégie nationale de l’accueil du jeune enfant

● Le du I de l’article 10 complète l’article L. 214-1 du code de l’action sociale et des familles, qui donne le détail de ce que recouvrent les services aux familles, afin qu’il y soit désormais prévu, dans un II, que la politique d’accueil du jeune enfant est conduite dans le cadre d’une stratégie nationale, adoptée par arrêté du ministre chargé de la famille, qui détermine notamment des priorités et objectifs nationaux pluriannuels en matière :

 de développement quantitatif et qualitatif de l’offre d’accueil du jeune enfant ;

– d’emplois, de compétences et de qualifications dans ce secteur, ainsi que de besoins nationaux de formation professionnelle qui en découlent.

Au III du même article, il sera précisé que l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale participent à la politique d’accueil du jeune enfant en tenant compte des priorités et objectifs nationaux évoqués ci‑dessus.

La solution retenue dans le projet de loi, inspirée de celle qui existe dans le domaine de la santé, répond à la nécessité de doter le secteur de la petite enfance d’un « cap clair et fédérateur » ([341]), suivant la recommandation formulée par l’Igas dans son rapport sur la qualité de l’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches.

● Aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 214-5 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction résultant du du I de l’article 10, le schéma départemental des services aux familles devra tenir compte des objectifs nationaux pluriannuels de la stratégie nationale et des besoins territoriaux en matière de services aux familles.

● Par ailleurs, le IV de l’article 10, qui modifie le I de l’article L. 2111-1 du code de la santé publique, fait relever de la même stratégie nationale – et plus de la stratégie nationale de santé – la définition des priorités pluriannuelles d’actions en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile pour ce qui concerne la surveillance et le contrôle des EAJE ainsi que le contrôle, la surveillance et l’accompagnement des assistants maternels ([342]).

b.   Faire des communes les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant

i.   La compétence et les obligations des communes

Le du I de l’article 10 insère dans le code de l’action sociale et des familles un article L. 214-1-3 qui encadre l’exercice par les communes, reconnues en tant qu’autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant, de cette nouvelle compétence.

● Le I de cet article leur confie un certain nombre de missions :

– recenser les besoins des enfants de moins de trois ans et de leurs familles en matière de services aux familles ainsi que les modes d’accueil (assistants maternels et EAJE ([343])) disponibles sur leur territoire ;

– informer et accompagner les familles ayant un ou plusieurs enfants de moins de trois ans et les futurs parents ;

– planifier, au vu du recensement des besoins, le développement des modes d’accueil du jeune enfant ([344]) ;

– soutenir la qualité des mêmes modes d’accueil ([345]).

● Le II du futur article L. 214-1-3 ajuste le périmètre des obligations à la charge des communes en fonction du nombre de leurs habitants.

Toutes exerceront obligatoirement les missions touchant au recensement des besoins de la population, d’une part, des modes de garde, d’autre part, et à l’information et l’accompagnement des familles ([346]).

Les communes de plus de 3 500 habitants, qui comptent en moyenne cinquante-cinq naissances par an et cent quatorze enfants de moins de trois ans ([347]), exerceront, en outre, deux autres missions.

Pour effectuer la planification du développement des modes d’accueil, ces communes devront élaborer un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant (voir infra).

Pour mettre en œuvre l’information et l’accompagnement des familles, et pour soutenir la qualité des modes d’accueil, les communes de plus de 10 000 habitants devront mettre en place un relais petite enfance (RPE). Celui‑ci pourra, sur le fondement de l’article L. 214-2-1 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction résultant du du I de l’article 10, accomplir des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l’emploi d’assistants maternels pour le compte des particuliers ([348]). D’après les données de la Cnaf citées dans l’étude d’impact, 89 % de ces communes, qui comptent en moyenne 421 naissances par an et 1 190 enfants de moins de trois ans, sont d’ores et déjà dotées d’un RPE ([349]).

● Le III du même article L. 214-1-3 autorise les communes à transférer à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou à un syndicat mixte l’intégralité des compétences qu’elles détiendront en tant qu’autorités organisatrices. Le texte exclut donc qu’elles puissent transférer partiellement ces compétences au motif que celui nuirait à la cohérence et à la lisibilité de l’action publique sur un territoire donné.

Le III ajoute que ces compétences seront mises en œuvre par l’autorité délégataire dans le respect des seuils de population évoqués plus haut ([350]).

L’option retenue par le projet de loi garantit la stabilité des organisations actuelles dans la mesure où plus du tiers des EPCI (428), de même qu’une quarantaine de syndicats de communes ou mixtes, exercent la compétence relative à la petite enfance ([351]).

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er septembre 2025, conformément au VII de l’article 10.

ii.   L’élaboration d’un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant

Le du I de l’article 10 réécrit l’article L. 214-2 du code de l’action sociale et des familles pour définir le régime applicable au schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant que les communes de plus de 3 500 habitants seront tenues d’établir et d’actualiser périodiquement en concertation avec les organismes débiteurs de prestations familiales – CAF et caisses locales de la mutualité sociale agricole (MSA) – et, le cas échéant, les associations et les entreprises qui concourent à l’accueil du jeune enfant ([352]).

Le schéma aura plusieurs objets :

– faire l’inventaire des modes d’accueil de toute nature existant pour l’accueil des enfants de moins de trois ans, y compris les places d’école maternelle, ainsi que des services de soutien à la parentalité accessibles aux mêmes enfants ;

– recenser les besoins en matière d’accueil du jeune enfant, y compris ceux touchant à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;

– prévoir les modalités de développement quantitatif et qualitatif ou de redéploiement de l’offre d’accueil, le calendrier de réalisation et le coût prévisionnel des opérations projetées ;

– préciser les partenariats à développer, par exemple avec l’éducation nationale pour favoriser la transition vers l’école maternelle ou avec les acteurs de l’insertion sociale et professionnelle pour lever les freins au retour à l’emploi, pour permettre aux personnes physiques ou morales qui assurent l’accueil du jeune enfant de s’acquitter de leurs missions ([353]) ;

– détailler les modalités d’accompagnement des modes d’accueil implantés localement, notamment en matière de qualité d’accueil et d’amélioration continue des pratiques professionnelles.

Le contenu du schéma, est-il précisé, devra être compatible avec celui du schéma départemental des services aux familles ([354]) et la durée d’application du premier devra être fixée en cohérence avec celle du second. Le schéma communal et ses actualisations seront transmis au comité départemental des services aux familles ([355]) dans un délai d’un mois à compter de leur adoption. Sa mise en œuvre fera l’objet d’un bilan intermédiaire et d’un bilan final qui, eux aussi, seront transmis à ce comité.

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er septembre 2025, conformément au VII de l’article 10.

*

Aux termes du VI de l’article 10, l’accroissement des charges, pour les communes, résultant de l’exercice des compétences présentées plus haut sera compensé financièrement dans les conditions déterminées par le code général des collectivités territoriales, conformément à l’exigence posée à l’avant-dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution ([356]).

iii.   Le contrôle du respect de leurs obligations par les communes

Le du I de l’article 10 réécrit l’article L. 214-3 du code de l’action sociale et des familles ([357]) pour en faire le support du dispositif de contrôle du respect par les communes de leurs nouvelles obligations, gage d’un déploiement homogène sur le territoire du service public de la petite enfance.

Le I de cet article ouvre au comité départemental des services aux familles la faculté, dans un délai de trois ans à compter de l’adoption de la stratégie nationale susmentionnée, de saisir à tout moment une autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant dans trois cas de figure :

– s’il constate un manquement à l’obligation d’élaborer le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant ou de mettre en place un RPE ;

– s’il constate une incompatibilité de tout ou partie des dispositions du même schéma avec le schéma départemental des services aux familles ;

– s’il constate un retard dans l’atteinte des objectifs fixés dans le schéma communal quant au développement quantitatif et qualitatif ou au redéploiement de l’offre d’accueil ainsi qu’au calendrier de réalisation et au coût prévisionnel des opérations projetées.

Il appartiendra au comité d’inviter l’autorité organisatrice à expliquer les raisons de l’absence de respect ou de respect partiel de ses obligations ([358]).

Au vu des réponses formulées, sera-t-il précisé au II de l’article L. 214-3, le préfet pourra, après avis du comité, indiquer à l’autorité organisatrice les actions à mettre en œuvre, dans un délai fixé par celui-là, pour se conformer aux prescriptions de la loi.

À défaut de respect par ladite autorité de ses obligations dans le délai imparti, le préfet pourra, après avis du même comité, prendre les décisions suivantes :

– en cas de manquement à l’obligation d’élaboration du schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant ou d’incompatibilité entre ce schéma et le schéma départemental des services aux familles, mandater la CAF ou la caisse locale de la MSA aux fins qu’elle établisse un projet de schéma, soumis à l’autorité organisatrice dans un délai de trois mois et, dans un délai de deux mois à compter de sa réception par cette dernière, rendu opposable par le préfet, après avis dudit comité, moyennant d’éventuelles modifications ([359]) ;

 en cas de manquement à l’obligation d’installation d’un RPE, mandater la CAF ou la caisse locale de la MSA aux fins qu’elle établisse un projet de création de RPE, soumis à l’approbation de l’autorité organisatrice dans un délai de trois mois.

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er septembre 2025, conformément au VII de l’article 10.

c.   Améliorer la régulation de l’offre d’accueil du jeune enfant au plan local

Le du I de l’article 10 insère dans le code de l’action sociale et des familles un article L. 214-5-1 pour confier au préfet une mission consistant, sur le fondement du schéma départemental des services aux familles, dans la détermination :

– des zones caractérisées par une offre d’accueil du jeune enfant insuffisante ou par des difficultés dans l’accès à l’offre, pour lesquelles des dispositifs d’aide spécifiques pourront être mis en place, notamment par les organismes débiteurs de prestations familiales ;

– des zones caractérisées par un niveau d’offre d’accueil du jeune enfant particulièrement élevé, pour lesquelles les projets d’ouverture d’établissement ou service d’accueil du jeune enfant devront faire l’objet d’un avis favorable de l’autorité organisatrice avant que la demande d’autorisation ne soit formulée auprès du conseil départemental ([360]).

Ce dispositif doit permettre une meilleure régulation de l’offre d’accueil en fonction des besoins identifiés localement.

d.   Mieux prendre en compte les besoins du secteur de l’accueil du jeune enfant dans les politiques de formation pour lutter contre la pénurie de professionnels

● Le du I de l’article 10 modifie l’article L. 451-2 du code de l’action sociale et des familles pour faire en sorte que les comités départementaux des services aux familles soient, au même titre que les départements, associés par la région ([361]), dans le cadre de l’élaboration du schéma régional des formations sociales, au recensement des besoins de formation à prendre en compte pour la conduite de l’action sociale et médico-sociale.

● Le II de l’article 10 modifie le 2° du I de l’article L. 214-13 du code de l’éducation pour imposer à la région la prise en compte, à l’occasion de l’élaboration des orientations en matière de formation professionnelle initiale et continue dans les domaines sanitaires et sociaux, des besoins nationaux de formation professionnelle définis par la stratégie nationale de l’accueil du jeune enfant et des besoins prévisionnels en termes de professionnels identifiés au plan local par les comités départementaux des services aux familles.

e.   Faciliter l’implantation sur le territoire de structures d’accueil du jeune enfant

Parce que « la capacité à dégager du foncier pour l’installation d’une crèche ou d’une maison d’assistants maternels constitue un frein important pour les collectivités » ([362]), le III de l’article 10 aménage la rédaction de l’article L. 101‑2 du code de l’urbanisme pour ajouter le développement des services aux familles au nombre des objectifs de la planification urbaine.

f.   Garantir le concours de la Caisse nationale des allocations familiales pour la mise en œuvre de la politique d’accueil du jeune enfant

Le V de l’article 10 charge la Cnaf, dont le rôle est défini à l’article L. 2231 du code de la sécurité sociale, de concourir à la mise en œuvre de la stratégie nationale de l’accueil du jeune enfant d’une part, et de soutenir financièrement les autorités organisatrices de cet accueil ainsi que de leur apporter son expertise pour contribuer à la création et au fonctionnement de l’offre d’autre part.

*

L’édification d’un véritable service public de la petite enfance, qui devra notamment garantir la mise en adéquation de l’offre d’accueil aux besoins des parents, permettra la levée d’un frein « périphérique » majeur à l’arrivée sur le marché du travail ou au retour à l’emploi, facilitant par là même la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, essentiellement au profit des femmes, qui pâtissent plus souvent que les hommes des carences de l’organisation actuelle.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a fait évoluer le texte de manière substantielle, si bien que son économie générale s’en trouve profondément transformée.

● La commission des affaires sociales y a apporté plusieurs modifications proposées par la rapporteure.

En premier lieu, elle a supprimé les dispositions relatives à l’élaboration par le Gouvernement d’une stratégie nationale au motif qu’elle ne lui serait pas nécessaire pour fixer des orientations stratégiques en matière d’accueil du jeune enfant ou définir des objectifs de développement de l’offre d’accueil. Au surplus, elle a considéré qu’il était contradictoire « de vouloir confier aux communes davantage de prérogatives pour le développement de l’accueil du jeune enfant et d’encadrer l’action des collectivités territoriales par une stratégie prise par arrêté ministériel » ([363]).

En deuxième lieu, elle n’a pas souhaité conserver au préfet la faculté que lui reconnaissait l’article 10 dans sa rédaction initiale consistant à indiquer à une autorité organisatrice qui manquerait à ses obligations les mesures à prendre pour s’y conformer, ni celle consistant à mandater la CAF ou la caisse locale de la MSA aux fins qu’elle se substitue à une autorité organisatrice irrespectueuse de la législation en vue de l’établissement d’un projet de schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant ou de l’établissement d’un projet de création de RPE.

En troisième lieu, elle a jugé préférable de reporter au 1er septembre 2026 l’entrée en vigueur des mesures appelées à s’appliquer au 1er septembre 2025 de sorte qu’elles soient prises par les exécutifs locaux issus des prochaines élections municipales (qui se tiendront au premier semestre de l’année 2026). La commission y a vu le moyen « d’assurer la cohérence dans le temps et le respect des engagements pris, notamment dans le cadre des schémas pluriannuels de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant » ([364]).

En quatrième et dernier lieu, elle a adopté un amendement rédactionnel.

● Puis, en séance publique, les sénateurs ont apporté au texte des modifications complémentaires et rejeté les amendements du Gouvernement tendant à revenir sur les choix faits en commission.

Ils ont d’abord décidé, sur proposition de la commission des affaires sociales et à la faveur d’un avis de sagesse du Gouvernement, que seules les communes de plus de 10 000 habitants, plutôt que celles de plus de 3 500 habitants, seraient tenues d’élaborer le schéma pluriannuel évoqué ci‑dessus, « [a]fin de ne pas faire peser des contraintes excessives » ([365]) sur les plus petites d’entre elles.

Ils ont aussi, dans le prolongement des orientations retenues en commission, supprimé la possibilité laissée au comité départemental des services aux familles de saisir l’autorité organisatrice dans le cas où celle-ci ne remplirait pas ses missions (absence d’élaboration du schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant ou incompatibilité de ce schéma avec le schéma départemental des services aux familles, absence de mise en place d’un RPE, etc.).

Ils ont ensuite, sur proposition de M. Daniel Chasseing (groupe Les Indépendants – République et Territoires) et malgré l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement, autorisé le principe du transfert à un EPCI ou à un syndicat mixte de tout ou partie des compétences attachées à la qualité d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant, au motif que la rigidité du texte d’origine empêchait qu’il soit tenu compte de la diversité des modes d’organisation.

Ils ont, enfin, effectué une coordination proposée par la commission et contestée par le Gouvernement pour tirer les conséquences de la suppression des dispositions prévoyant l’élaboration d’une stratégie nationale consacrée à la politique d’accueil du jeune enfant.

4.   Les modifications apportées par la commission

À son tour, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a substantiellement modifié la rédaction de l’article 10.

a.   La définition d’objectifs nationaux de développement de l’offre d’accueil

La commission n’a pas souhaité rétablir en tant que telles les dispositions relatives à l’élaboration de la stratégie nationale. Toutefois, elle a décidé, sur proposition de la rapporteure, que le ministre chargé de la famille arrêterait des objectifs de développement quantitatif et qualitatif en matière d’accueil du jeune enfant, après consultation des représentants des collectivités territoriales, de la Cnaf, de la caisse centrale de la MSA, de l’Union nationale des associations familiales (Unaf), du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, mais aussi des professionnels et gestionnaires de structures et services concernés. Ces objectifs feront l’objet d’un suivi annuel et d’une évaluation pluriannuelle.

Elle a tiré les conséquences de ce choix, sur proposition de la rapporteure, à chaque fois, dans le reste de l’article 10.

C’est au regard de ces objectifs, entre autres, que le schéma départemental des services aux familles pluriannuel devra être établi par le comité départemental des services aux familles.

C’est en cohérence avec ces objectifs que seront fixées par le ministre les priorités d’actions des PMI relatives à la surveillance et au contrôle des EAJE et des assistants maternels.

C’est dans le cadre de ces objectifs encore que s’inscrira le soutien financier et en ingénierie que les CAF apporteront aux autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant.

Ce sont les besoins nationaux de formation professionnelle dans le secteur de l’accueil du jeune enfant, en plus des besoins prévisionnels de professionnels recensés à l’échelon départemental, que les régions devront prendre en compte dans l’établissement de leurs schémas des formations sanitaires et sociales.

b.   Les obligations et prérogatives des communes

En premier lieu, la commission a adopté un amendement de M. Didier Le Gac et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, sous-amendé par la rapporteure à des fins de précision, pour prévoir que les communes exerceront leurs prérogatives d’autorités organisatrices de la politique d’accueil du jeune enfant en lien avec les départements, compte tenu du rôle important qu’ils jouent dans ce domaine.

En deuxième lieu, elle a adopté trois amendements identiques de Mme Nicole Dubré-Chirat et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés ainsi que de M. Nicolas Turquois et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), tendant à rétablir l’obligation pour les communes de plus de 3 500 habitants de mettre en œuvre le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant, selon des modalités adaptées par voie réglementaire ([366]) pour celles de moins de 10 000 habitants, cependant.

En troisième lieu, elle a adopté un amendement de la rapporteure proposant, dans un souci de simplification du dispositif, que soient dispensées de cette obligation les communes qui auraient conclu une CTG avec une CAF dès lors que le contenu de la convention correspondrait à celui du schéma. Elle a décidé, du reste, qu’un décret définirait le contenu du schéma, une solution jugée plus souple que la solution initiale, mais néanmoins précisé qu’il prévoirait les modalités de développement quantitatif et qualitatif ou de redéploiement des équipements et services d’accueil du jeune enfant, le calendrier de réalisation et le coût prévisionnel des opérations projetées. Elle a aussi précisé, à l’initiative de Mme Fanta Berete (groupe Renaissance), auteure d’un sous-amendement, que le schéma intègrerait la question de l’accessibilité financière et géographique de l’offre d’accueil, notamment pour les familles confrontées à des difficultés liées à leurs conditions de vie ou de travail, leur état de santé, la faiblesse de leurs ressources, etc.

En quatrième lieu, elle a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant que le nombre d’habitants dont il sera tenu compte pour déterminer le périmètre des compétences obligatoires de l’EPCI ou du syndicat mixte à qui la qualité d’autorité organisatrice aura été confiée correspondra à celui des seules communes qui auront transféré tout ou partie de leurs compétences.

En cinquième lieu, elle a adopté un amendement du Gouvernement pour rétablir, en l’adaptant, le mécanisme de contrôle du respect par l’autorité organisatrice de ses obligations. La procédure proposée favorisera l’échange et la recherche de solutions partenariales avec l’ensemble des acteurs rassemblés dans le comité départemental des services aux familles dans le cas où l’autorité en question ne parviendrait pas, ou ne parviendrait que partiellement, à exercer les compétences que la loi lui confie.

Concrètement, le comité l’invitera à exposer, en lien avec la CAF, les causes des difficultés rencontrées. Une fois ces causes analysées, il lui proposera, ainsi qu’à la CAF, un plan d’actions pour y remédier. Il pourra notamment demander à cette dernière de préparer un plan de rattrapage pour qu’elle adapte son soutien à l’autorité organisatrice au regard desdites difficultés.

En sixième et dernier lieu, la commission a adopté quatre amendements identiques du Gouvernement, de Mme Nicole Dubré-Chirat et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, de MM. François Gernigon et ses collègues de groupe Horizons et apparentés ainsi que de M. Nicolas Turquois et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) afin de faire en sorte que les dispositions relatives aux obligations des communes s’appliquent dès le 1er janvier 2025.

c.   La nouvelle mission confiée au relais petite enfance (RPE)

La commission a adopté un amendement de la rapporteure visant à subordonner au consentement des assistants maternels la mise en œuvre du dispositif autorisant le RPE à accomplir des démarches administratives pour le compte des particuliers employeurs, déjà tenus de donner leur consentement.

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Au demeurant, la commission a adopté onze amendements rédactionnels de la rapporteure.

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*     *

Article 10 bis (nouveau)
Rénover les modalités d’inspection et de contrôle
des établissements d’accueil du jeune enfant

Introduit par la commission

L’article 10 bis rénove le dispositif d’inspection et de contrôle des modes d’accueil du jeune enfant.

L’article 10 bis, issu d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission avec avis favorable de la rapporteure, donne une traduction législative à plusieurs recommandations formulées par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pour répondre à l’insuffisance quantitative et qualitative de l’offre d’accueil du jeune enfant.

● Il rend opposables des référentiels nationaux, définis par arrêté du ministre chargé de la famille, déclinant la charte nationale d’accueil du jeune enfant.

● Il clarifie la procédure d’autorisation d’ouverture d’un établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) et les rôles respectifs de l’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant et du conseil départemental en la matière :

– la première devra émettre un avis favorable préalablement à la demande d’autorisation au regard des besoins d’accueil recensés sur le territoire ;

– le second délivrera l’autorisation d’ouverture à toutes les crèches, publiques et privées, compte tenu du fonctionnement de la structure (projet pédagogique, composition et qualification de l’équipe, conformité du bâtiment, etc.).

La durée de l’autorisation d’ouverture d’un EAJE sera limitée à quinze ans, en cohérence avec la durée applicable pour les établissements sociaux et médico‑sociaux (ESMS).

● L’article précise le rôle des acteurs chargés du contrôle des EAJE.

Ainsi, le président du conseil départemental deviendra la principale autorité chargée du contrôle de leur fonctionnement et de la qualité de leur activité. Il pourra s’appuyer, comme aujourd’hui, sur le service de la protection maternelle et infantile (PMI).

Il pourra prononcer des sanctions, adaptées à la gravité des faits constatés, à l’encontre des crèches publiques et privées : injonctions, astreintes, amendes distinctes de l’amende pénale prévue à l’article L. 2326‑4 du code de la santé publique, fermetures totales ou partielles, provisoires ou définitives, désignation d’un administrateur provisoire, etc.

Le préfet pourra mobiliser les corps d’inspection pour effectuer des contrôles dans les établissements. Il pourra prononcer les mêmes sanctions que le président du conseil départemental.

Il sera chargé, en lien avec le président du conseil départemental et le directeur de la CAF, d’établir un plan annuel de contrôle portant sur l’accueil collectif et individuel aux fins de renforcer la coordination de l’action des acteurs dans ce domaine. Ceux-ci effectueront des inspections conjointes et échangeront des informations entre eux ainsi qu’avec les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant.

● L’article conforte le rôle des organismes débiteurs de prestations familiales dans le contrôle financier des EAJE. Ce contrôle concernera les établissements financés directement par ces organismes mais aussi les micro‑crèches recevant des enfants de parents qui bénéficient de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). Pour améliorer la transparence dans l’utilisation des deniers publics, les CAF et les caisses locales de la MSA se verront remettre par les établissements des documents financiers et comptables.

*

*     *

TITRE V
Dispositions applicables
dans les territoires d’outre‑mer

Article 11
Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l’adaptation
des dispositions du projet de loi aux outre-mer

Adopté par la commission avec modifications

L’article 11 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour l’adaptation des dispositions du projet de loi dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

● Le présent projet de loi est, pour l’essentiel, applicable de plein droit aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi qu’à Saint-Barthélemy, à Saint‑Martin et à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, compte tenu du principe d’identité législative.

Cependant, plusieurs dispositions doivent être adaptées aux spécificités institutionnelles de certains territoires, en particulier des collectivités territoriales uniques instituées en Martinique, en Guyane et à Mayotte.

Par ailleurs, à la demande des collectivités, le financement et la gestion du revenu de solidarité active (RSA) ont été transférés à l’État en Guyane ([367]), à Mayotte ([368]) et à La Réunion ([369]), ce qui suppose d’adapter les dispositions du projet de loi, en particulier de son titre Ier.

Dans les autres territoires couverts par le champ de l’ordonnance, l’étude d’impact du projet de loi ne mentionne pas de spécificités particulières qui nécessiteraient des adaptations législatives dans l’état actuel du texte.

● Le premier alinéa du présent article habilite, en conséquence, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures d’adaptation des dispositions de la loi aux collectivités d’outre‑mer régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint‑Barthélemy, à Saint‑Martin et à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

Les ordonnances devront être promulguées dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

Le second alinéa dispose qu’un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication des ordonnances.

● Le Sénat n’a apporté aucune modification au présent article.

● La commission des affaires sociales a adopté deux amendements rédactionnels des rapporteurs.


  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   COMPTE RENDU DE L’AUDITION de m. oLIVIER DUSSOPT, MINISTRE du travail, du plein emploi et de l’insertion, ET DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 16 heures

Lors de sa première réunion du lundi 18 septembre 2023, la commission auditionne M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528) (M. Paul Christophe et Mme Christine Le Nabour, rapporteurs) ([370]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Mes chers collègues, la session extraordinaire débutera lundi prochain par l’examen du projet de loi pour le plein emploi. Ce texte est donc à l’ordre du jour de notre commission cette semaine.

Je remercie M. le ministre du travail de venir nous présenter ce texte à l’issue de son examen par le Sénat en juillet dernier. Comme de coutume, cette audition tiendra lieu de discussion générale.

Conformément aux décisions prises par le bureau de la commission en début de législature, s’agissant d’un texte important, le temps de parole des orateurs des groupes, après le propos du ministre et des rapporteurs, sera de cinq minutes. Les autres interventions demeureront limitées à deux minutes.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Je tiens d’abord à vous féliciter, madame Parmentier-Lecocq, pour votre élection à la présidence de la commission des affaires sociales, où vous succédez à Mme Fadila Khattabi, avec qui j’aurai le plaisir de travailler dans les nouvelles fonctions qui sont les siennes.

Je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi pour le plein emploi, qui s’inscrit dans la droite ligne des réformes que les gouvernements successifs ont menées depuis 2017 en faveur du plein emploi. Jalon essentiel de la politique de l’emploi, il a été adopté le 11 juillet par le Sénat, qui l’a fait évoluer.

L’objectif de ce texte est contenu dans son titre : il s’agit d’atteindre le plein emploi pour tous. C’est l’une des priorités du Gouvernement et celle du ministère dont j’ai la charge. Contre le chômage, nous n’avons manifestement pas tout essayé. Après des décennies de chômage de masse, le taux de chômage est certes au plus bas depuis 1982, et le taux d’emploi au plus haut depuis que l’Insee le mesure, c’est-à-dire 1975, y compris pour les jeunes et les seniors, mais nous devons poursuivre notre action, afin d’atteindre le plein emploi.

Depuis 2017, nous avons favorisé l’accès des jeunes à l’emploi, avec la réforme de l’apprentissage et du lycée professionnel et l’instauration du contrat d’engagement jeune (CEJ) et modernisé le régime de l’assurance chômage. Il nous reste l’important chantier de l’emploi des seniors : nous avons confié aux partenaires sociaux le soin d’en discuter, au titre de l’article L. 1 du code du travail.

Avec ce projet de loi, nous réformons le service public de l’emploi, notamment l’accompagnement qu’il propose aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Ce texte s’appuie sur un constat et une conviction.

Le constat, c’est que les entreprises peinent à recruter, alors que le chômage reste important : c’est le signe que le service public de l’emploi manque parfois d’efficacité pour faire se rencontrer l’offre et la demande de travail, malgré les efforts de son personnel et des acteurs de l’emploi et de l’insertion. Complexe, atomisé, parfois inintelligible et mal coordonné, le service public de l’emploi crée des parcours hachés qui nuisent à la situation des plus fragiles, sans répondre aux besoins des entreprises en matière de recrutement. Pour les travailleurs en situation de handicap, le parcours d’orientation est particulièrement complexe, souvent impersonnel, source de déception et d’incompréhension.

La conviction, c’est que personne n’est inemployable. Ce projet de loi entend donc garantir à tous l’accès au marché du travail, y inclure ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi et donner ou redonner un emploi aux plus fragiles, ceux-là mêmes qui, pendant des décennies, ont souvent été relégués au second rang par la fatalité du chômage de masse. Rénover le service public de l’emploi, mieux le coordonner et mieux accompagner les personnes en recherche d’emploi, comme les entreprises qui souhaitent recruter, tel est notre objectif.

Avant d’en venir aux dispositions du texte, je souhaite dire un mot de la méthode qui a été choisie pour l’élaborer.

En septembre 2022, j’ai confié une mission de concertation et de préfiguration à M. Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises. Il m’a rendu son rapport le 17 avril, au terme de huit mois de concertation avec l’ensemble des acteurs. Ce travail considérable a abouti à un ensemble de propositions, dont certaines trouveront une traduction législative ou réglementaire, tandis que d’autres, qui ne relèvent ni de la loi, ni du règlement, mais des bonnes pratiques, contribueront également à améliorer l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. Le projet de loi que je vous présente reprend l’essentiel des principes établis par la mission, rendus consensuels par la concertation.

Ce texte comporte un volet relatif à l’emploi des personnes en situation de handicap, qui a lui aussi fait l’objet d’une large concertation et qui reprend les annonces faites par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap (CNH), qui s’est réunie le 26 avril. Une vingtaine de mesures pour l’emploi des personnes en situation de handicap ont fait l’objet d’un consensus au sein de la CNH. Celles qui nécessitent une traduction législative figurent dans ce texte.

Enfin, l’examen du texte au Sénat a permis de l’enrichir : j’y reviendrai à la fin de mon exposé.

J’en viens aux dispositions du texte, qui comporte cinq volets.

Le premier concerne l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. Certains constats sonnent comme des alertes : 16 % des allocataires du RSA y sont encore inscrits plus de dix ans après leur première inscription ; une étude de 2022 menée par la Cour des comptes a par ailleurs montré que 42 % des allocataires du RSA y sont inscrits de manière permanente ou intermittente sept ans après leur première inscription ; enfin, 18 % des allocataires ne sont suivis par aucun organisme, ni social, ni socioprofessionnel et ne connaissent du RSA que l’allocation. Cette proportion dépasse même 30 % dans une quinzaine de départements.

Je suis convaincu que nous ne sommes pas quittes de notre devoir de solidarité par le versement de quelques centaines d’euros et qu’atténuer les symptômes de la précarité n’en fera jamais disparaître les causes. Il faut renforcer l’accompagnement et l’insertion par le travail, dont les plus fragiles ont besoin, et tenir enfin la promesse de solidarité du RSA par une série de mesures concrètes.

D’abord, l’ensemble des personnes en recherche d’emploi, notamment les allocataires du RSA et les jeunes en recherche d’emploi accompagnés par les missions locales, seront inscrites auprès de l’opérateur France Travail. C’est essentiel pour garantir un accompagnement à chacun et éviter les ruptures de parcours. Certains allocataires du RSA, parce qu’ils sont très isolés et fragiles, ne sont pas en mesure de retrouver un emploi immédiatement. Ce dont ils ont besoin, avant toute chose, c’est d’un accompagnement social ; ensuite viendra le temps de l’accompagnement professionnel, lorsqu’ils en auront retrouvé les capacités et la force. L’article 6 reconnaît et sécurise les acteurs, en très grande majorité associatifs, chargés de repérer et d’aller vers les personnes qui ne sont plus suivies par les acteurs traditionnels de l’insertion et de l’emploi. Il importe de reconnaître ces acteurs associatifs et de les intégrer au réseau des acteurs pour l’insertion et pour l’emploi.

Ensuite, le parcours d’accompagnement sera formalisé dans le cadre d’un contrat d’engagement rénové et unifié. Pour plus de lisibilité et d’efficacité, ce nouveau contrat sera proposé à tous les demandeurs d’emploi, quelle que soit leur situation. Il détaillera les engagements réciproques pris avec l’organisme référent, les ateliers et actions de formation, de mise en situation professionnelle ou de levée de freins à l’emploi proposés et les engagements d’assiduité et de participation de la personne accompagnée. Il ne s’agit évidemment pas de travail gratuit, ni de bénévolat obligatoire, mais bien d’activités d’insertion et de formation pour permettre le retour à l’emploi.

Ce contrat intégrera un plan d’action précisant les objectifs d’insertion sociale et professionnelle du demandeur d’emploi, qui tiendra compte de sa situation. Les expérimentations montrent qu’il est essentiel, pour avoir le diagnostic le plus complet, d’associer le point de vue des travailleurs sociaux du département ou de la caisse d’allocations familiales (CAF) et celui des conseillers en insertion professionnelle de Pôle emploi. Une fois le diagnostic posé, il importera de lever les freins rencontrés par le demandeur d’emploi en matière de logement, de garde d’enfant, de santé ou de mobilité. Il sera également tenu compte, et c’est un apport du Sénat que je veux saluer, de la situation spécifique des proches aidants et des familles monoparentales.

Dans le cadre de ce contrat d’engagement, qui n’est que la modernisation de celui prévu au moment de la création du revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988, nous souhaitons rénover le régime de contrôle et de sanctions des allocataires du RSA pour le rendre plus progressif, mais aussi plus effectif. À l’heure actuelle, il existe une procédure de radiation. Nous souhaitons créer un nouveau premier niveau de sanction, la suspension-remobilisation, qui permettra de suspendre temporairement et rapidement l’allocation sans interrompre l’accompagnement. Si la personne respecte ses engagements, elle bénéficiera d’un versement rétroactif de ses droits. Dans le cas contraire, elle risquera la radiation.

Ce nouveau contrat proposera un accompagnement intensif et personnalisé. Le Sénat a introduit un objectif de 15 à 20 heures d’accompagnement par semaine, mêlant ateliers, formations, solutions locales, etc. Je vous invite à la prudence : en inscrivant cette obligation dans la loi, il faut pouvoir garantir que les acteurs de l’emploi et de l’insertion seront en mesure d’assurer 15 à 20 heures de formation parfaitement adaptées aux personnes partout sur le territoire. Par ailleurs, si cet objectif paraît tout à fait adapté à des personnes proches de l’emploi, il l’est beaucoup moins pour des personnes qui en sont éloignées depuis longtemps. Pour elles, une montée en charge progressive paraît nécessaire.

Enfin, pour que cet accompagnement intègre une offre de formation adaptée, nous confortons le principe de contractualisation pluriannuelle entre l’État et les régions pour la formation, donc la poursuite du plan d’investissement dans les compétences (PIC). La priorité sera donnée à l’insertion des publics fragiles et à l’accompagnement des recrutements dans les métiers en tension et dans ceux de la transition écologique, qui seront des gisements d’emploi dans les dix années à venir. Afin de viser le public le plus large, nous proposons que les formations financées dans le cadre du PIC soient désormais accessibles à des demandeurs d’emploi jusqu’à bac + 2, et plus seulement à des demandeurs d’emploi ayant un niveau inférieur au baccalauréat. Chacun sait que de jeunes bacheliers ayant connu un problème d’orientation ou un échec en première année se trouvent sans solution et sont privés de l’accès aux formations financées dans le cadre du PIC.

Le deuxième volet de ce projet de loi concerne l’amélioration de la gouvernance du service public de l’emploi. C’est un autre chantier essentiel : les remontées du terrain témoignent toutes d’une difficulté d’adaptation aux problématiques locales et du sentiment que les acteurs ne se parlent pas assez. Le projet de loi définit un patrimoine commun aux membres du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi. Ce patrimoine rassemble des méthodes, des règles de coordination, des critères d’inscription et d’orientation, des référentiels métiers et formations, qui seront mis en commun et partagés, grâce à la mise en réseau des systèmes d’information. C’est la garantie d’un suivi sans rupture et d’un bon partage de l’information. Le système d’information de Pôle emploi deviendra ainsi la plateforme France Travail, qui facilitera le travail de chacun.

Ce seront aussi plus d’informations pour les collectivités et leurs élus : des données agrégées sur les parcours et les accompagnements, mais aussi sur la mise en œuvre des droits et des devoirs seront régulièrement transmises aux collectivités, qui seront associées à la gouvernance de France Travail.

Afin que la gouvernance soit la plus territorialisée possible, nous proposons qu’elle repose sur un copilotage entre l’État et les collectivités locales, à chaque échelon territorial pertinent. Nous voulons qu’une instance nationale associant l’État, les collectivités locales, mais aussi les partenaires sociaux détermine les orientations stratégiques et les modalités de pilotage du patrimoine commun. Au niveau local, il y aura un comité régional, coprésidé par le représentant de l’État dans la région et le représentant de la région, et un comité départemental, coprésidé par le préfet de département et le président du conseil départemental. Pour les comités locaux, nous considérons que la meilleure façon de procéder, pour tenir compte des spécificités des bassins d’emploi, c’est de permettre aux élus membres de ces comités de désigner parmi eux l’instance qui sera chargée d’assurer le copilotage auprès de l’État : dans certains territoires, ce seront les intercommunalités ; dans d’autres, ce pourra être un élu régional ou départemental, en fonction des caractéristiques du territoire. En la matière, la subsidiarité nous semble être la meilleure façon de fonctionner.

Je souligne que nous ne touchons pas aux compétences des collectivités locales. Pas un article, pas une disposition ne revient sur la répartition des compétences entre l’État et les collectivités. Pas un article ne revient sur la répartition des compétences entre les collectivités elles-mêmes : les régions gardent leurs prérogatives pleines et entières sur la formation, comme les départements sur l’insertion et les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sur l’action sociale de proximité, le logement et les transports. L’État et les collectivités auront conjointement la main pour définir et orienter l’action des opérateurs et des partenaires du réseau. Les collectivités n’auront pas moins de compétences, mais plus de visibilité, et elles seront associées, avec une voix délibérative, à la définition des orientations du service public de l’emploi, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, ni au niveau national, ni au niveau régional. Pour atteindre le plein emploi, il faut lever des freins et garantir l’accès à la formation et à l’insertion : cela doit nécessairement impliquer les collectivités.

Dans ce cadre, nous souhaitons que Pôle emploi, devenu France Travail, prenne en charge de nouvelles missions, au service des acteurs du réseau, notamment sur les systèmes d’information ou les référentiels. Le choix de donner le même nom, France Travail, à l’opérateur et au réseau a suscité des débats au Sénat. La rapporteure a considéré qu’il y avait là un risque de confusion : c’est un avis que je ne partage pas et j’espère que nous pourrons avancer sur ce point. Il faudra marquer l’importance que revêt le changement de nom de l’opérateur principal, tout en signifiant clairement que l’opérateur n’a pas de pouvoir de subordination sur l’ensemble des acteurs du réseau. Il travaille pour leur compte, en mettant en œuvre les orientations définies dans le cadre des comités de pilotage.

Dans le même esprit, les missions locales et Cap emploi pourront, mais seulement s’ils le souhaitent, se saisir de la marque France Travail dans leur nom. J’ajoute, parce que certaines d’entre elles ont exprimé des craintes à ce sujet, que les missions locales, comme les structures d’insertion par l’activité économique, dont le financement est assuré principalement par l’État, seront toujours conventionnées directement avec l’État. Si nous les faisions financer par l’opérateur, nous créerions un lien de subordination, et ce n’est pas notre souhait.

Le troisième chantier poursuit l’engagement que nous avons pris de favoriser l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap, qui rencontrent encore trop de difficultés. Nous voulons aller plus loin, autour de trois axes clairs. D’abord, nous améliorons l’orientation professionnelle des personnes en situation de handicap en la confiant au service public de l’emploi. Pour ce faire, nous supprimons l’orientation vers le marché du travail ordinaire par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). L’orientation en milieu ordinaire devient ainsi un droit universel ; chacun est présumé pouvoir y travailler. Le service public de l’emploi proposera un accompagnement à toute personne en situation de handicap et sans emploi qui en exprimera le souhait, comme pour tout demandeur d’emploi. Nous considérons qu’un demandeur d’emploi en situation de handicap est d’abord un demandeur d’emploi. Ce n’est que si l’insertion en milieu ordinaire n’est pas possible, malgré les aménagements et les adaptations, que France Travail pourra proposer une orientation en milieu adapté, qui sera alors mise en œuvre par les MDPH.

C’est un changement de paradigme, puisque l’orientation en milieu ordinaire devient un droit commun. Cela permettra la construction d’un projet professionnel défini sur la base d’immersions dans différents environnements : établissement et service d’aide par le travail (Esat), entreprise adaptée, entreprise ordinaire avec emploi accompagné, emploi ordinaire. Nous souhaitons mettre un terme aux orientations prononcées uniquement sur la base d’un dossier administratif, sans tenir compte de la capacité et de la volonté des personnes de travailler en milieu ordinaire. Par ailleurs, la trajectoire de développement de l’emploi accompagné, qui permet de soutenir les personnes en situation de handicap invisible, est confortée, et son pilotage sera confié, d’ici à 2027, au ministère du travail.

Nous améliorons également l’accès aux droits des personnes en situation de handicap. Les personnes reconnues handicapées au titre d’une pension d’invalidité ou d’une rente d’incapacité auront les mêmes droits prévus dans le code du travail que les personnes titulaires d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, sans passer par la MDPH. Elles pourront être recrutées par une entreprise adaptée sans faire de démarches administratives supplémentaires.

De la même manière, les conditions de travail des personnes en Esat évolueront et leurs droits sociaux convergeront avec les droits individuels et collectifs des salariés : prise en charge de la mutuelle, du transport domicile-travail, reconnaissance du droit de grève et syndical, etc. Cela nécessitera une période de convergence et un travail avec le secteur de l’emploi adapté, dont il faudra revoir progressivement le modèle de financement.

Enfin, nous favorisons l’engagement des employeurs privés et publics. Pour accompagner les employeurs dans le recrutement de personnes handicapées, le modèle des entreprises adaptées de travail temporaire et des contrats à durée déterminée « tremplin », jusqu’alors expérimentaux, rentreront de manière pérenne dans le code du travail.

Le quatrième volet du projet de loi concerne le service public de la petite enfance : c’est l’article 10. La ministre des solidarités et des familles le présentera et en débattra avec vous : je n’entre donc pas dans le détail de ses dispositions.

Le dernier volet prévoit la transposition, par voie réglementaire, des mesures du texte aux territoires d’outre-mer. Les spécificités du marché de l’emploi dans les territoires ultramarins nécessitent en effet des déclinaisons et une forme de différenciation.

Ce projet de loi devra évidemment mobiliser des moyens financiers sur toute la durée de son application pour être efficace. Pour atteindre le plein emploi, nous avons un objectif : la création de 700 000 emplois d’ici à la fin du quinquennat. Pour mémoire, 1 700 000 emplois ont déjà été créés lors du précédent quinquennat et un peu plus de 200 000 au cours des derniers mois. C’est un objectif atteignable, qui demandera un investissement social important, notamment dans l’insertion et la formation. Mais ce retour à l’emploi aura aussi des vertus pour les finances publiques, car accompagner les personnes les plus éloignées de l’emploi est moins coûteux que le chômage de longue durée. Il favorisera l’activité économique de notre pays et, en retour, accroîtra les moyens de l’État, c’est-à-dire notre capacité à produire et à garantir la cohésion sociale.

Des moyens supplémentaires seront donc inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024, avec une montée en charge des moyens accordés à Pôle emploi, qui augmenteront de 300 millions d’euros en 2024, de 500 millions en 2025, de 750 millions en 2026 et de 1 milliard en 2027. Ces moyens seront financés par la trajectoire de subvention versée par l’État à Pôle emploi, mais aussi par la trajectoire de la contribution de l’Unedic à Pôle emploi, rendue possible, notamment, par les économies permises par les différentes réformes de l’assurance chômage. Le financement de France Travail passera également par un nouveau cadre de contractualisation entre l’État et les départements : en 2024, l’État consacrera 170 millions à cette contractualisation, afin de financer la montée en charge de l’offre de service et de l’accompagnement rénové des allocataires du RSA, qui se déploient actuellement dans dix-huit bassins d’emploi faisant l’objet d’une expérimentation – qui a vocation à s’élargir. Je l’ai dit, nous allons aussi investir massivement dans la contractualisation avec les régions, au travers du plan d’investissement dans les compétences.

Enfin, nous confortons notre soutien aux acteurs de l’insertion par l’activité économique, en tenant le cap fixé par le Président de la République en 2018 avec le pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique et en reconnaissant le secteur associatif dans le cadre du dispositif prévu à l’article 6.

Les sénateurs ont introduit beaucoup de dispositions nouvelles et nous en gardons l’essentiel : la prise en compte des proches aidants et des représentants des usagers ; l’amélioration des réponses apportées aux besoins de recrutement des entreprises, notamment pour les personnes en situation de handicap ou en lien avec l’éducation nationale ; la pérennisation de l’organisation de l’emploi accompagné sous forme de plateformes départementales de services intégrés.

D’autres questions n’ont pas suscité la même unanimité. Je pense notamment à l’obligation introduite au Sénat, pour tous les allocataires, de faire 15 à 20 heures de formation par semaine ; j’ai expliqué qu’un système plus progressif me paraissait préférable, tenant compte de la situation de chacun et des capacités de l’action publique. Des désaccords sont également apparus au sujet de la gouvernance territoriale et je souhaite que des dispositions soient adoptées pour mieux garantir l’équilibre de représentation entre les différents niveaux de collectivités. Les sénateurs ont par ailleurs supprimé la charte d’engagements ; je pense que nous pouvons avancer sur cette question en substituant le mot « coopération » à celui d’engagement, afin de bien délimiter le champ de cette charte, notamment sur la question du partage des données. Il faut encore ajouter à cela quelques questions techniques et celle, plus symbolique, relative au changement de nom de l’opérateur. L’automaticité de certaines dispositions, enfin risque d’introduire une trop grande rigidité.

Je ne doute pas que nos débats nous permettront d’avancer sur tous ces points et de construire le texte le plus efficace et utile pour atteindre le plein emploi.

M. Paul Christophe, rapporteur pour les titres Ier et II. Le projet de loi dont nous entamons l’examen traduit la volonté politique du Gouvernement et de sa majorité d’atteindre le plein emploi grâce à la transformation du service public de l’emploi et à l’intensification de l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du RSA. Il trouve sa source dans les travaux de préfiguration conduits par le haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, M. Thibaut Guilluy, et les expérimentations en cours sur nos territoires. Il s’inscrit dans un contexte d’amélioration significative du marché du travail dont notre pays peut être fier. Non seulement notre taux de chômage est historiquement bas, à 7,2 %, mais la part de CDI est aussi très élevée parmi les emplois créés. Malgré ces résultats très encourageants, une partie de nos concitoyens reste durablement éloignée de l’emploi et, mécaniquement, enfermée dans une situation de très grande précarité. C’est un constat dont personne ne peut se satisfaire.

L’article 1er prévoit la transformation de la nature même de la liste des demandeurs d’emploi, qui devient un outil d’accompagnement de l’ensemble des personnes sans emploi pour leur insertion sociale et professionnelle. Il définit, en outre, un nouveau cadre d’orientation des demandeurs d’emploi, qui a été utilement précisé par les sénateurs.

En cohérence, l’article 2 modifie le régime des droits et devoirs des demandeurs d’emploi à travers un contrat d’engagement rénové. Les contrats signés par les allocataires du RSA ne contiennent souvent aucune action à visée d’emploi. Par conséquent, sept ans après l’entrée au RSA, seuls 11 % des bénéficiaires ont retrouvé́ un emploi durable, alors que 60 % d’entre eux sont encore allocataires cinq ans après leur première inscription. Pourtant, nombre d’entre eux sont capables de travailler et le revendiquent. C’est pourquoi nous voulons que l’allocataire puisse désormais fixer avec son référent des objectifs progressifs, afin de lui construire de nouvelles perspectives professionnelles, mais aussi de lever les freins périphériques qu’il connaît, que ce soit en matière de santé, de logement ou de garde d’enfant, par exemple.

Nous devrons débattre de la meilleure manière d’appliquer ce plan d’action. Aux dispositions figurant initialement dans le projet de loi, les sénateurs ont ajouté une obligation d’activité d’au moins 15 heures par semaine. Au-delà du fait qu’un tel dispositif sera matériellement impossible à mettre en place, il méconnaît les grandes difficultés sociales et professionnelles que rencontrent certains allocataires. Sans remettre en cause l’idée que ce contrat doit replacer au cœur du dispositif des exigences d’engagement, d’assiduité et de motivation, nous proposerons d’aménager la rédaction proposée par le Sénat, tout comme nous reviendrons sur la mesure liant la radiation de la liste des demandeurs d’emploi à celle de la liste des bénéficiaires du RSA, afin de ne jamais perdre de vue notre objectif de poursuivre l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Les portes du service public de l’emploi leur seront toujours ouvertes.

En cas d’échec de l’accompagnement, se traduisant par des manquements répétés du demandeur d’emploi à ses obligations, il existe déjà un régime de sanctions, qui se traduit par la suppression de l’allocation et la rupture de l’accompagnement. Nous souhaitons faire évoluer cette logique. L’article 3 construit ainsi un régime de sanctions plus progressif par la création d’une sanction dite de suspension-remobilisation. Par celle-ci, le bénéficiaire verra son allocation suspendue temporairement. S’il reprend son parcours et les devoirs qui lui sont liés, ses droits seront restaurés et ses allocations lui seront restituées.

J’en viens à présent au titre II, relatif à la réforme du service public de l’emploi.

Contrairement à ce que l’on peut lire dans l’exposé sommaire d’un grand nombre d’amendements, les acteurs auditionnés ont tous appelé de leurs vœux l’approche territoriale des politiques de l’emploi et de l’insertion adoptée dans ce texte.

L’article 4 crée un réseau national réunissant l’ensemble des acteurs de l’emploi, de la formation et de l’insertion, afin de définir un nouveau cadre pour l’exercice de leurs compétences, et ce dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales consacrée par l’article 72 de la Constitution. Parce que la notion de « charte d’engagements » a pu sembler coercitive, nous proposerons de lui substituer celle de « charte de coopération », dont la signature par les collectivités locales et leurs groupements ne conditionnera pas la coprésidence des comités territoriaux du réseau. Tous ces acteurs partageront un patrimoine commun, en particulier numérique et méthodologique, fourni par l’opérateur France Travail, dont nous vous proposerons de rétablir la nouvelle dénomination, en particulier à l’article 5, qui définit ses missions.

Si l’article 6 vise à mieux repérer les personnes les plus éloignées de l’emploi, grâce à de nouveaux organismes associées au réseau, l’article 7 vise, pour sa part, à développer, en lien avec les régions, une offre nationale complémentaire de formation à distance et à élargir l’accès à la préparation opérationnelle à l’emploi individuel. Nous aurons l’occasion de débattre, mesure par mesure, du bien-fondé de cette réforme ambitieuse, mais je suis convaincu qu’elle nous permettra d’atteindre notre objectif à tous, celui d’accompagner au mieux l’insertion sociale et professionnelle de nos concitoyens et, ainsi, de les aider à sortir de la pauvreté.

Mme Christine Le Nabour, rapporteure pour les titres III, IV et V. Il me revient à présent de vous présenter les articles des titres III à V.

Les articles du titre III rassemblent des dispositions qui tendent à favoriser l’accès à l’emploi et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap. Elles s’inscrivent dans le prolongement des réformes conduites sous la précédente législature, de la refonte du régime de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) au programme Cap vers l’entreprise inclusive 2018-2022, du rapprochement des réseaux de Pôle emploi et de Cap emploi au plan de transformation des Esat – entre autres. Ces réformes ont eu des effets positifs, puisque le taux de chômage des personnes en situation de handicap est passé de 19 à 13 % entre 2017 et 2022 et que le taux d’emploi direct des bénéficiaires de l’OETH évolue positivement depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Ces résultats sont encourageants, mais insuffisants, tant les marges de progrès demeurent importantes. Il y a donc lieu que le Parlement légifère pour améliorer la situation de ce public, dans le respect des orientations dégagées par la mission de préfiguration de France Travail et des engagements formulés par la Conférence nationale du handicap. Avec ce texte, la majorité présidentielle s’y emploie.

L’article 8 étend à l’ensemble des bénéficiaires de l’OETH l’application des dispositifs ouverts aux seuls travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées : ils pourront par exemple bénéficier du dispositif d’emploi accompagné, dont la gestion est transférée à l’État, ou être recrutés par une entreprise adaptée. Il supprime le principe de l’orientation de ces travailleurs en milieu ordinaire, de sorte qu’elle devienne l’orientation de droit commun, ouverte à tous, sans validation préalable, afin de faciliter leur accès au marché du travail. Il pérennise les dispositifs expérimentaux relatifs au CDD « tremplin » et aux entreprises adaptées de travail temporaire, qui obtiennent de bons résultats, ce dont les acteurs du secteur se sont unanimement félicités.

L’article 8 bis A prévoit le recensement dans un système d’information national des aménagements ayant bénéficié à chaque personne en situation de handicap dans le cadre de sa scolarité, d’une formation ou d’un emploi. Traduction législative d’une annonce faite lors de la Conférence nationale du handicap, ce nouveau service, baptisé « sac à dos numérique », devra permettre la mise en œuvre d’aménagements plus fluides et plus rapides à toutes les étapes de la carrière.

L’article 8 bis B inscrit dans la loi la règle selon laquelle la portabilité des équipements contribuant à l’adaptation du poste de travail des travailleurs handicapés pourra être prévue par convention entre deux entreprises à l’occasion d’un changement d’employeur. Le risque d’une rupture dans les parcours professionnels sera en conséquence mieux prévenu.

L’article 8 bis, introduit par la commission des affaires sociales du Sénat, permet la mise à disposition d’un salarié temporaire auprès d’une entreprise utilisatrice, au motif qu’il bénéficie de l’OETH. Ce faisant, il confère un caractère pérenne au dispositif expérimental créé par la loi du 5 septembre 2018.

L’article 9 traduit lui aussi plusieurs annonces faites lors de la Conférence nationale du handicap. Il confie au service public de l’emploi le soin d’accompagner tous les demandeurs d’emploi, y compris ceux en situation de handicap, de faire converger les droits individuels et collectifs des travailleurs accueillis en Esat vers ceux que le code du travail garantit aux salariés et, enfin, de sécuriser les parcours professionnels de ces travailleurs.

Le Sénat a apporté quelques modifications aux articles du titre III qui, pour l’essentiel, ne soulèvent pas de difficulté. Je présenterai toutefois un amendement pour supprimer le dispositif ouvrant la voie à une modulation à la baisse du montant de la contribution versée par l’employeur pour s’acquitter de l’OETH, qui résulterait de l’effort consenti en matière de maintien dans l’emploi ou de recrutement direct des bénéficiaires de l’OETH, notamment ceux qui sont lourdement handicapés.

L’article 10, unique article du titre IV, modifie l’architecture de la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant, selon une double approche. Premièrement, il clarifie le rôle et les missions des acteurs au plan national et local. Deuxièmement, il instaure de nouveaux leviers d’action et rénove les leviers existants au profit de ces acteurs. Les mesures qu’il contient s’inscrivent dans la perspective de la création du service public de la petite enfance, qui suppose d’autres évolutions, notamment l’augmentation du nombre de places en crèche. Chacun sait que le Gouvernement a fait des annonces dans ce domaine. Cet article a toute sa place dans le projet de loi : l’insuffisance quantitative de l’offre d’accueil d’enfants de moins de 3 ans et, plus généralement, l’inadaptation de cette offre aux besoins des familles à l’échelle du pays empêche de nombreux parents d’accéder au marché du travail ou de poursuivre leur activité – un phénomène qui pénalise très majoritairement les femmes. Il est donc impératif de lever ce frein connexe à l’emploi.

L’article fait des communes, qui interviennent déjà largement dans le champ de la petite enfance, les autorités organisatrices de la politique d’accueil du jeune enfant, tout en ajustant le périmètre de leurs obligations, en fonction du nombre de leurs habitants. Il crée un mécanisme de régulation de l’offre d’accueil au plan local. Il améliore la prise en compte des besoins du secteur dans les politiques de formation, afin de lutter contre la pénurie des professionnels. Il facilite l’implantation des structures d’accueil sur le territoire.

Vous le savez, l’article 10 a été substantiellement modifié par les sénateurs. Ces derniers ont en effet supprimé les dispositions relatives à l’établissement d’une stratégie nationale de l’accueil du jeune enfant, ainsi que les dispositions relatives au contrôle du respect par les communes de leurs nouvelles obligations. Ils ont aussi décidé que l’élaboration du schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant ne serait imposée qu’aux communes de plus de 10 000 habitants, ce qui réduit considérablement la portée du dispositif. Ils ont repoussé d’un an l’entrée en vigueur des dispositions touchant à la mise en œuvre des nouvelles compétences reconnues aux communes. Ils ont, enfin, autorisé le principe du transfert aux intercommunalités de tout ou partie des compétences attachées à la qualité d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant. Ils ont préféré cette solution à celle du transfert en bloc, initialement retenue.

Avec la majorité, je vous proposerai de revenir sur certaines de ces évolutions et d’apporter au texte quelques modifications complémentaires, pour en faire le support d’une réforme cohérente, utile et ambitieuse de la gouvernance de la politique du jeune enfant.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mmes Peyron et Dubré-Chirat se partageront le temps de parole du groupe Renaissance.

Mme Michèle Peyron (RE). Après la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, promulguée en 2022, nous poursuivons nos réformes afin d’atteindre un tel objectif : un emploi pour tous, un accompagnement socioprofessionnel renforcé pour les personnes qui en ont le plus besoin, une transformation du service public de l’insertion et de l’emploi.

Ce projet de loi pose le cadre qui permettra d’améliorer sensiblement l’offre de services proposée aux personnes en recherche d’emploi mais, également, aux entreprises grâce à une meilleure coopération des acteurs, rassemblés au sein du réseau France Travail. En contrepartie d’une telle amélioration, le bénéficiaire devra s’engager à suivre un parcours d’insertion, sinon, son allocation pourra être suspendue ou supprimée.

Avec ce texte, nous renforçons l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du RSA dans le cadre d’un unique contrat d’engagement et, pour tous, d’une inscription automatique comme demandeur d’emploi. Nous proposerons de préciser ou de rédiger autrement certaines modifications apportées par le Sénat en première lecture.

Concernant les titres Ier et II, les auditions ont mis en évidence la difficulté de réaliser les 15 à 20 heures d’activité. Par exemple, une femme isolée avec des enfants en bas âge ne pourra effectuer 15 heures de formation au début de son parcours avant que des solutions relatives à la garde de ses enfants soient identifiées. Ainsi, notre groupe présentera un amendement de précision afin que soient prises en compte la réalité des besoins et la situation particulière des personnes.

Nous proposerons de rétablir le changement de dénomination de Pôle emploi en le transformant en « Opérateur France Travail » et de supprimer l’articulation entre les listes de demandeurs d’emploi et de bénéficiaires du RSA. En effet, la radiation d’une liste entraînait automatiquement une radiation dans l’autre.

Pouvez-vous dresser le bilan du contrat d’engagement jeune dont s’inspire l’accompagnement renforcé prévu par ce texte ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). La Conférence nationale du handicap s’est tenue au printemps dernier et a été suivie par l’organisation de concertations avec les ministères concernés. Ces travaux ont débouché sur dix-sept mesures centrées notamment sur la reconnaissance du handicap, l’accès à la formation, l’accompagnement des personnes en situation de handicap en recherche d’emploi. Ce projet réaffirme l’orientation de toute personne dans un circuit simplifié, plus lisible et mieux adapté à ses besoins, notamment pour ces dernières.

En 2018 et 2020, un rapprochement de Pôle emploi et Cap emploi a été proposé afin de mieux appréhender les besoins et d’accompagner la personne handicapée mais, aussi, l’entreprise qui l’accueille. Ce dispositif ne fonctionne pas de la même façon selon les territoires. Quels sont les bénéfices de ce travail commun alors que ces organismes sont positionnés au sein du réseau France Travail et doivent travailler en complémentarité pour que ce soit le travail qui s’adapte à la personne et non la personne à l’emploi ?

M. Jocelyn Dessigny (RN). Quel dommage, quelle occasion manquée ! Le principe d’un guichet unique pour le retour à l’emploi était pertinent et, même, nécessaire selon tous les professionnels, sous réserve qu’il soit axé sur la véritable priorité : le principe de proximité. En effet, il doit être déployé jusqu’au cœur des territoires et au plus près des citoyens. Compte tenu du coût des carburants, il ne peut se trouver à plus de 20 kilomètres, en voiture, du domicile des demandeurs d’emploi.

Ce guichet unique doit être tenu par des personnes physiquement présentes, pas en visioconférence. A fortiori, il ne saurait reposer sur une gestion algorithmique. De la même manière, il ne saurait y avoir d’exclusion numérique : l’illectronisme est hélas une réalité et nul ne doit être obligé de posséder un ordinateur pour effectuer une recherche d’emploi ou contacter son opérateur de Pôle emploi.

Selon nous, la clef du succès d’une telle réforme repose sur l’amélioration de la formation. Nous souffrons d’un déficit de compétences et les Français ne sont pas formés selon les besoins du marché. La corrélation des compétences des personnes aux besoins des entreprises est à la peine. Nous devons nous ajuster au mieux aux nécessités immédiates des entreprises et aux projets industriels dont nous décidons : réindustrialisation, intelligence artificielle, numérique, science des données, lutte contre la cybercriminalité, nucléaire, automobile, construction ou économie du grand âge.

Autre point devant être renforcé : les contrôles du service national de la lutte contre la fraude, laquelle est insupportable pour nos concitoyens.

Enfin, ce texte présente trois difficultés principales.

Tout d’abord, la multitude et l’incompatibilité des acteurs de la gouvernance stratégique – le plus important, Pôle emploi, étant de surcroît absent –, qui nous condamnent à un immobilisme certain. Votre projet, dès lors, sera inefficace.

Ensuite, l’obligation d’activité hebdomadaire, qui ouvre la porte au dévoiement du dispositif de retour à l’emploi.

Enfin, le coût de cette réforme. Vous avez évoqué 2,7 milliards d’euros, alors que notre déficit public est abyssal. Comment comptez-vous financer votre projet ?

En fin de compte, vous instaurez un dispositif de gouvernance voué à l’immobilisme et défendez un projet de loi qui ne comporte aucune mesure courageuse. Le changement de nom de Pôle emploi, qui deviendra France Travail, est inutile et ne fera qu’accentuer la confusion. De surcroît, combien coûtera au contribuable le changement de toutes les enseignes et de tous les logos ? Est-ce donc là votre seule priorité pour les Français ?

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Ce texte s’inscrit directement dans la lignée de la réforme des retraites, imposée par le 49.3 contre l’avis de 93 % des actifs. En volant deux ans de vie au peuple, des dizaines de milliers de seniors seront privés d’emploi et se retrouveront au RSA. Parce que travailler en étant plus âgé augmente les risques, ils seront aussi plus nombreux à être en situation de handicap et dans l’incapacité de travailler.

En outre, tout cela coûtera « un pognon de dingue ». Votre solution ? Le travail gratuit ou sous-payé à 7 euros de l’heure et l’inscription de force des allocataires du RSA, des jeunes des missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale et des personnes en situation de handicap comme demandeurs d’emploi en les forçant à 15 heures d’activité par semaine. Vous imposez aux allocataires une alternative sordide : accepter n’importe quel boulot, même sous‑payé, au gré des exigences du moment du patronat, ou être radié. Ce sont les enfants qui en paieront le prix : le RSA insuffisant de leurs parents pourra être rogné, voire suspendu, et ils n’auront rien à manger. Ce sont également les mères isolées : en France, 96 % des allocataires du RSA majoré sont des femmes et plus d’une sur deux a plus d’un enfant à charge. À qui cette réforme profitera-t-elle ? Aux organismes privés de placement, que votre ami Marc Ferracci connaît très bien, en client indirect. Leur importance sera accrue puisque vous augmentez les missions du service public de l’emploi, déjà sous pression, sans augmenter...

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Pas d’attaques personnelles gratuites comme vous le faites, ce n’est pas digne de cette commission. Revenons au fond.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Ce n’est pas gratuit ! Au contraire, cela coûte cher au contribuable !

Notre logique, à l’inverse, vise à lutter réellement contre les destructions d’emploi et à créer des emplois grâce à la planification écologique et au développement des services publics. C’est la logique de la garantie d’emploi, avec l’État employeur en dernier ressort, des territoires zéro chômeur de longue durée – dont vous avez hélas décidé cet été de diminuer drastiquement les moyens –, d’un service public de l’emploi qui accompagne les gens au lieu de les fliquer, d’un droit inconditionnel à une garantie de dignité, supérieure au seuil de pauvreté.

Le Préambule de la Constitution fonde un droit à l’aide sociale pour les personnes sans ressource, mais d’elle, vous ne gardez que les rouages vous permettant de gouverner contre le peuple. À l’inverse, ce sont les principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité que nous devons faire vivre.

M. Philippe Juvin (LR). Vous avez raison, madame la présidente, il faut s’intéresser au fond.

Précisément, les chiffres du chômage ne sont pas bons : la France est en vingt‑troisième position sur vingt-sept. Il faut donc cesser de s’autocongratuler. De plus, nous comptons 4 ou 5 millions de chômeurs – la comptabilité est en effet un mystère administratif... – et pas une seule entreprise, une seule municipalité, une seule maison de retraite ou un seul hôpital qui ne cherchent quelqu’un !

Le plein emploi est un objectif capital, nous sommes d’accord avec le ministre. J’approuve donc le titre de votre projet. Toute personne en recherche d’emploi doit être inscrite à Pôle emploi : nous soutiendrons cette bonne mesure. Toutefois, force est de constater que certains aspects du texte sont encore inquiétants.

Tout d’abord, une recentralisation larvée. Le texte issu du Sénat a un peu amélioré les choses et j’espère qu’il ne sera pas détricoté. Mme la rapporteure se félicite qu’avec l’article 10, les communes seront désormais officiellement responsables de la gestion de la petite enfance et des crèches. Comme d’autres ici, j’ai été maire et nous savons que les communes le sont depuis longtemps. D’un côté, vous inscrivez dans la loi qu’elles exerceront officiellement cette prérogative et, de l’autre, vous créez un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’accueil des jeunes enfants, validé par une instance départementale et repris en main par l’État en cas de « manquements ». Il s’agit d’une décentralisation en « liberté surveillée ». Nous sommes inquiets d’un tel manque de confiance à l’endroit des collectivités territoriales alors que nous aurions tout intérêt à travailler avec elles. Outre qu’elles utilisent l’argent public d’une manière sans doute plus efficace que l’État, le service rendu est probablement moins coûteux.

Ensuite, l’obligation de 15 heures d’activité hebdomadaires pour l’ensemble des allocataires du RSA. Nous défendons une telle mesure depuis longtemps et nous soutenons son inscription dans la loi mais, parce que nous ne sommes pas tous égaux face à la reprise d’activité et, encore moins, face à l’emploi, certaines personnes sont plus éloignées que d’autres de l’emploi et nos débats devront permettre d’aménager le dispositif, en particulier pour les personnes en situation de handicap et les parents isolés qui ne disposent pas de modes de garde. Il n’en reste pas moins que, faute d’inscrire ce principe dans la loi, il sera détourné, comme il l’est aujourd’hui. En outre, comment se dérouleront les contrôles ? Nous serons particulièrement attentifs aux garanties apportées pour qu’ils soient réalisés en nombre suffisant.

Enfin, nous vous alertons sur le coût financier de cette réforme, estimé entre 2 et 3 milliards sur trois ans. L’étude d’impact est très intéressante sur un plan sociologique, administratif ou philosophique, mais elle ne fait état d’aucun chiffre ; or nous sommes bien obligés de nous demander qui paie et avec quoi. Le rapport du haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises apporte quelques précisions qui ne manquent pas d’intérêt, puisque c’est l’Unedic qui sera probablement ponctionnée, malgré ses 42 milliards d’euros de dette prévus en 2025. Une telle question ne saurait être évacuée.

J’ajoute que la question de la formation est fondamentale. Si les entreprises cherchent des personnels alors que les chômeurs sont en si grand nombre, c’est que notre système de formation est inadapté. Cette loi ne se saisit pas de ce problème, même si nous comprenons qu’elle ne puisse tout traiter.

Nous nous en remettons au débat et nous serons vigilants quant aux solutions qui seront proposées.

Mme Anne Bergantz (Dem). Parallèlement à cet objectif qu’est le plein emploi, auquel nous ne pouvons que souscrire, ce texte nous invite à un débat idéologique sur la question du travail et de sa place dans notre société. Notre groupe considère que le travail est une source d’émancipation, d’inclusion, d’insertion ou de réinsertion. Le travail, c’est aussi une réalité économique permettant d’œuvrer à la réduction de la pauvreté et d’accompagner la dynamique de notre pays.

Forte de telles certitudes, notre majorité a agi depuis 2017 et a obtenu d’indéniables résultats : 1 700 000 emplois ont été créés et nous n’avions pas connu un taux de chômage aussi bas depuis plus de quarante ans.

De nombreux défis doivent être néanmoins encore relevés : 3 millions de chômeurs de catégorie A, 1 400 000 jeunes inactifs – les fameux NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation) –, près de 2 millions de foyers au RSA, en hausse de 46 % depuis dix ans, dont plus de la majorité perçoit l’allocation depuis plus de deux ans et plus d’un tiers depuis plus de cinq ans.

Deux constats, ensuite. Le premier repose sur la dichotomie entre le nombre de chômeurs et de bénéficiaires du RSA qui peinent à revenir vers l’emploi, et des entreprises qui peinent à recruter : deux tiers des PME disent rencontrer des difficultés de recrutement et 60 % des entreprises industrielles déclarent avoir renoncé à augmenter leur activité faute de candidats. Le second repose sur le fait que notre système se fonde sur un grand nombre d’acteurs qui travaillent en silo et sans coordination ou sur une coordination insuffisante, ce qui induit des trous dans la raquette, des doublons et, trop souvent, des ruptures de parcours.

Pour répondre à de tels défis, le Gouvernement a présenté ce projet de loi après plusieurs mois de concertations et d’échanges avec les différents acteurs du monde de l’insertion et de l’emploi, échanges qui se sont poursuivis dans le cadre des auditions menées au Parlement. Je tiens à ce propos à souligner le travail et le sérieux de nos deux rapporteurs.

Ce projet est constitué autour de trois grands objectifs.

Tout d’abord, l’amélioration de la gouvernance du service public de l’emploi à partir de la création du réseau France Travail. Ce texte pose un cadre de coopération en faisant le pari du dialogue et de la coordination, avec une mise en œuvre progressive dans laquelle la confiance envers les territoires, les différents acteurs et les demandeurs d’emploi est primordiale.

Ensuite, l’amélioration de l’accompagnement des demandeurs d’emploi grâce à une meilleure organisation permettant de repérer, de mobiliser et d’accompagner les personnes les plus éloignées de l’emploi, en lien constant avec les entreprises et leurs besoins. Cet objectif se fonde sur un accompagnement plus rapide, plus adéquat, plus humain, plus intensif lorsque c’est possible ou, sinon, par étapes. L’accompagnement est au cœur de ce projet de loi. Cet investissement considérable produira des résultats. La formation constitue un autre enjeu fondamental pour la réussite de notre action, le défaut de compétences étant souvent un frein au retour à l’emploi.

Enfin, des mesures d’équité indispensables et attendues pour certains publics. Nous nous félicitons de la poursuite de l’engagement pour l’emploi en faveur des personnes en situation de handicap, dont le parcours d’orientation est trop souvent complexe.

Le texte évoque également la question de la garde des enfants, ce dont nous nous félicitons, car elle demeure trop souvent pour les femmes l’un des principaux blocages à l’accès à l’emploi. Près d’un tiers des baux réels solidaires d’activité concerne des familles monoparentales.

Ce sont là autant de mesures sensées, soutenues par une vision que nous partageons.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ce projet de loi « pour le plein emploi » est mal nommé. Selon le Larousse, l’adjectif plenus désigne ce qui est fait dans un matériau qui ne comporte pas de vide. Or l’ère du vide que nous traversons depuis six ans se caractérise par la tentative sans cesse renouvelée de déstabilisation de notre modèle social, auquel vous vous apprêtez encore une fois à mettre un coup de griffe en participant à la stigmatisation des plus pauvres, en voulant les rendre responsables de leur non ou de leur mal-insertion et en obérant le premier responsable : un État qui échoue à offrir un accompagnement.

Pourtant, telle était la promesse du RMI défendue par les socialistes et Michel Rocard, revenu de subsistance assorti d’un accompagnement à la hauteur avec, en guise de boussole, le refus de la stigmatisation et, au bout du chemin, la dignité retrouvée.

Contrairement à ce qu’a dit un ancien ministre de l’intérieur Renaissance, l’allocation, ce n’est pas la réponse des lâches. Votre projet de stigmatisation, de mise sous contrôle des allocataires, est d’abord vide d’humanité.

Le vide, c’est également celui dans lequel vous précipitez les Français, dans la continuité de vos travaux de sape du modèle social. Après avoir amputé l’assurance chômage tout en faisant basculer les chômeurs en fin de droit vers le RSA, après avoir volé deux ans de vie aux Français avec votre réforme des retraites, si injuste, qui maintiendra plus longtemps au RSA des centaines de milliers de seniors sans emploi, nous vous retrouvons aujourd’hui avec une réforme de ce dernier qui, en fin de compte, se traduira par une exclusion de l’allocation de ces chômeurs ou de ces seniors.

De plus, les organisations syndicales sont unanimement opposées à ce texte, comme les associations qui luttent contre la précarité, les personnes qui accompagnent les allocataires du RSA, les collectivités locales, les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, les agents du service public de l’emploi.

Le vide, c’est aussi celui des arguments : sur quels fondements scientifiques ou issus de l’expérience justifiez-vous votre approche ? Comment pérenniser dans la loi une expérimentation qui n’est pas terminée et même, dans la plupart des dix-huit départements préfigurateurs, pas commencée ? Nous avons demandé à disposer d’éléments sur le nombre de sanctions et leurs effets sociaux et vous ne nous avez jamais répondu. Comment peut-on légiférer ainsi ? Nous vous invitons à lire la documentation scientifique internationale, selon laquelle le renforcement des sanctions n’a aucun effet sur la réinsertion. Au contraire, il augmente le non-recours et le stress.

Comme la Défenseure des droits, nous nous étonnons surtout du vide de moyens financiers et humains. Vous prétendez mieux accompagner les allocataires mais où sont les recrutements à Pôle emploi ? Votre étude d’impact n’analyse rien du tout, et surtout pas un éventuel impact sur les femmes, qui constituent l’immense majorité des allocataires du RSA majoré. L’absence de plan de financement est également étonnante alors que vous vous dites si soucieux de la bonne gestion des finances publiques.

Vous allez intégrer des millions de personnes dans l’opérateur France Travail et vous leur demanderez des heures d’activité, peut-être 15 heures pour 1 900 000 foyers, ce qui coûtera environ 10 milliards d’euros. Dans les faits, il sera impossible d’accompagner convenablement les allocataires et les salariés de Pôle emploi, lesquels sont déjà en souffrance et en sous-effectif.

Le vide, c’est aussi celui que connaîtront les jeunes de moins de 25 ans qui, si l’on vous suit bien, contractualiseront avec Pôle emploi pour faire des heures sans pour autant avoir droit au RSA.

Doit-on être rassuré par les micro-mesures concernant le handicap ou la petite enfance ? Nous aurions aimé que des textes spécifiques soient consacrés à ces questions essentielles afin de faire preuve d’une véritable ambition et d’instaurer une véritable politique publique digne de ce nom.

Nous, socialistes, choisirons de défendre le droit opposable à l’accompagnement, l’inconditionnalité du RSA, l’automaticité d’un revenu minimum d’existence fixé à un niveau décent et ouvert aux moins de 25 ans.

Vous n’avez pas choisi le plein emploi mais le vide d’emploi ou le mal-emploi, en faisant fi des freins périphériques à l’emploi : transports, salaires, accessibilité, etc. C’est d’ailleurs le terme même d’« emploi » que vous voulez faire disparaître à travers la dénomination « France Travail ». Ce qui prime, à vos yeux, c’est le travail à n’importe quel prix, quitte à ce qu’il ne soit pas rémunéré. Votre « plein emploi » revient à fabriquer à la chaîne des Daniel Blake, comme dans le film de Ken Loach, où privatisations, mises sous contrôle et mises en concurrence des allocataires ne produit que désespoir et misère.

M. François Gernigon (HOR). Depuis 2017, notre ambition première a été la politique de l’emploi. Ce projet de loi audacieux s’inscrit dans une vision à long terme.

Le taux de chômage n’a jamais été aussi bas depuis quarante ans. Au deuxième trimestre, cette année, il s’élevait à 7,2 % de la population active et, depuis 2017, 1 700 000 emplois ont été créés. Cette dynamique est le fruit de nombreuses réformes et de textes ambitieux.

La tendance à la baisse est particulièrement notable pour nos jeunes, ce qui illustre combien cette vision d’un marché du travail dynamique ne se réduit pas à un idéal mais constitue une réalité en acte, avec un objectif de plein emploi en 2027.

Le rapport de préfiguration de France Travail brosse un tableau réaliste qui nous interpelle : des accompagnements peu intensifs, des suivis tardifs voire plus formels que réels, des actions peu tournées vers l’emploi ou l’entreprise. Il illustre également combien les parcours peuvent être éclatés et manquer cruellement de coordination. De tels constats poussent à l’action.

C’est pourquoi, au-delà des chiffres, ce projet vise à transformer en profondeur le système de l’emploi et ambitionne de renforcer l’accompagnement de tous, en particulier de ceux qui sont les plus éloignés du monde professionnel. Cet accompagnement se doit d’être plus efficace, plus tangible et plus personnalisé en facilitant les parcours.

Avec la création du réseau France Travail, l’inscription de toute personne sans emploi, dont les allocataires du RSA et bénéficiaires d’un accompagnement de Cap emploi et des missions locales, sera automatique. Au-delà de la simplicité, l’enjeu premier est de garantir un suivi adapté, continu et coordonné de chacun.

Le contrat d’engagement unique remplace la mosaïque en vigueur et clarifie les droits et les devoirs de tous. Nous soutiendrons l’introduction d’une clause pour les 15 heures d’activité des bénéficiaires du RSA, en nous assurant que celles-ci soient adaptées à leurs besoins et à leurs difficultés.

Le texte présente également un certain nombre de mesures pour les travailleurs en situation de handicap. S’établissant à 12 % en 2022, leur taux de chômage est au plus bas depuis huit ans. Il s’agit là d’une avancée notable, notamment en comparaison du taux de chômage global, qui est passé de 8 % à 7 % entre juin 2021 et juin 2022. Toutefois, nous devons et pouvons mieux faire.

Ce projet vise donc à renforcer notre dispositif. Le titre III tend spécifiquement à faciliter l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. En outre, en consolidant le rôle des missions locales au sein du réseau France Travail, nous reconnaissons et amplifions leur rôle, qui est fondamental. Elles sont en effet en première ligne pour accompagner nos jeunes qui ont besoin de soutiens socioprofessionnels. Il importera aussi de préciser que tous les jeunes suivis par les missions locales ne sont pas en attente d’un accompagnement professionnel et n’ont donc pas tous vocation à être inscrits à Pôle emploi. Nous soutiendrons un amendement en ce sens.

Chaque mesure est le reflet de notre engagement à poursuivre notre objectif de plein emploi. Avec ce texte et ceux qui suivront – je pense au travail en cours avec les partenaires sociaux sur l’emploi des seniors – nous parviendrons à réaliser les objectifs ambitieux que nous avons fixés.

Notre groupe soutiendra évidemment ce projet.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Après les réformes de l’assurance chômage et des retraites, ce texte constitue le troisième acte d’une politique visant à précariser les plus fragiles. Derrière l’argument de la centralisation de l’information et de la rationalisation, je crains que ne se cache une volonté de piloter le marché du travail pour faire coïncider, à marche forcée, l’offre et la demande : votre objectif, c’est le plein emploi à tout prix et à n’importe quel prix.

France Travail résulte d’un logiciel productiviste au sein duquel tout ce qui ne produit pas, ne cotise pas et ne consomme pas, n’a pas de valeur : les jeunes, les aînés, les chômeurs.

La pauvreté touche 9 millions de nos concitoyens, dont 3 millions d’enfants ; 2 000, parmi eux, sont à la rue et plus de 200 dans la seule métropole de Lyon ; bien au-dessous du seuil de pauvreté : les bénéficiaires du RSA, que vous visez dans ce projet de loi.

Pour une personne seule, il s’élève à 598,54 euros. Votre réforme est aussi abjecte qu’inefficace, comme vous l’expliqueront toutes les associations venant en aide aux plus démunis là où l’État fait défaut. ATD Quart Monde, Secours catholique, Fondation Abbé Pierre, les trente-quatre fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté, réunies au sein du collectif Alerte, toutes dressent le même constat.

Les personnes les plus pauvres ont tout d’abord besoin d’être libérées de la peur du lendemain. Être pauvre, c’est avant tout une charge mentale, des privations, c’est compter chaque dépense, c’est être en moins bonne santé physique et mentale.

Ensuite, nombre de bénéficiaires des minima sociaux travaillent déjà. Ils s’occupent d’un parent, d’un enfant en situation de handicap, ils bouchent les trous que vous n’avez pas réussi à combler faute d’une politique volontariste : pas assez de places en crèches, pas de places en structures spécifiques ou pas assez d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, des lieux de vie pour les personnes âgées bien trop chers, etc.

Enfin, la grande majorité des personnes les plus pauvres souhaite travailler, prendre toute leur place dans la société mais grâce à un travail reconnu socialement et rémunéré correctement. Or votre texte éclipse une nouvelle fois la question du travail, notamment celle du sens qu’on lui donne. S’il ouvrait un tel débat, nous nous poserions les questions suivantes : pourquoi certains secteurs ne trouvent-ils plus de candidats ? Faut-il orienter les travailleurs de force ? Le ferions-nous pour nos enfants ? Je soupçonne que non.

Vous refusez de regarder les choses en face. La responsabilité des emplois non pourvus incombe majoritairement aux employeurs et à la nature des emplois proposés, avec des conditions de travail dégradées. Ce texte ne comporte rien à ce sujet parce que vous ne tenez surtout pas à contraindre les employeurs.

Ce projet de loi fait porter toute la responsabilité de leur condition de vie aux personnes n’arrivant pas à trouver un emploi alors que les inégalités de patrimoine, de parcours et de capital social sont évidemment déterminantes dans la quête d’un emploi bien rémunéré et socialement valorisé. C’est la responsabilité de l’État de faire en sorte que les plus vulnérables puissent accéder à leurs droits.

Vous avez mentionné les 16 % de personnes inscrites au RSA qui le sont encore dix ans plus tard, mais cela relève de notre, de votre responsabilité. Augmenter les contraintes ne fait que renforcer la peur et la stigmatisation. Ces personnes ont d’abord besoin d’un accompagnement bienveillant et de proximité avec quelqu’un qui ait du temps à leur consacrer. Ce n’est pas avec des conseillers de Pôle emploi qui gèrent parfois plus de cent demandeurs d’emploi que nous y parviendrons.

Les femmes occupent huit emplois à temps partiel sur dix. Elles exercent bien souvent des métiers précaires, représentent 62 % des personnes payées au Smic et ont des carrières plus hachées. La quasi-totalité des bénéficiaires du RSA majoré sont des femmes. Une femme sur deux bénéficiaire du RSA a plus d’un enfant à charge. Je regrette encore une fois l’absence de mesures spécifiques.

Pourtant, les idées ne manquent pas et nous vous en faisons part régulièrement : aides aux familles monoparentales, revalorisation des emplois à prédominance féminine et prise en compte de leur pénibilité, refonte du congé paternité. Non seulement vous n’activez aucune de ces mesures pour endiguer les phénomènes que je viens de décrire mais celles que vous proposez risquent d’aggraver la situation.

J’aimerais que nous prenions un peu de hauteur et que nous réfléchissions à ce que deviendra le travail avec le réchauffement climatique. Le monde change et le travail avec lui. C’est le sens de la proposition que nous avons formulée au mois de juillet visant à inscrire dans le code du travail un droit de retrait des travailleurs au-delà d’une certaine température. Avec cette proposition, nous avons voulu montrer que la raréfaction des ressources, la multiplication des événements climatiques extrêmes et la hausse des températures modifieront profondément nos façons de vivre, donc, de produire et, inévitablement, de travailler. Il relève de notre responsabilité d’anticiper et de proposer en conséquence des adaptations de notre modèle social et de notre droit. Je regrette que rien de tout cela ne soit ne serait-ce qu’évoqué.

Donnons-nous davantage d’ambitions que ces simples petits arrangements techniques, qui seront peut-être utiles mais qui sont très loin d’être à la hauteur.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous sommes convaincus de la nécessité de continuer à lutter contre le chômage, qui demeure un immense fléau social, et que ce n’est pas en portant atteinte aux droits des personnes privées d’emploi et des salariés que nous y parviendrons.

Cette réforme s’inscrit dans la droite ligne des réformes de l’assurance chômage, qui réduisait les droits, et des retraites, qui accroîtra la crise du travail et de l’emploi. Vous parlez de plein emploi mais de quel emploi s’agit-il ? Il est possible de s’en faire une idée en lisant votre texte mais également le rapport de préfiguration de France Travail où, page 18, le « bon » emploi n’est qu’un détail entre parenthèses : « le plein (et bon) emploi ».

Si l’on se contente d’un objectif qui se résume à un taux de chômage de 5 %, que l’on ne dit rien sur la qualité de l’emploi visé – durée, droits, revenus – on court le risque d’occulter une très grande hétérogénéité des emplois et l’inégalité des chances face à l’emploi. Avec de nombreuses personnes condamnées au sous-emploi ou au mal-emploi, nous risquons de nous diriger vers une société du « plein mauvais emploi ». Avec un tel adéquationnisme, une logique de pions à mettre dans des cases, sommés d’aller au turbin coûte que coûte, vous ne manquerez pas d’augmenter la souffrance au travail alors que nous avons besoin d’accompagnement humain, d’insertion et de formation.

Si nous pouvons souscrire à une nécessaire clarification des circuits et à une meilleure accessibilité et performance du service public de l’emploi, comme le demandent les organisations syndicales des structures concernées, nous nous interrogeons : est-ce bien là votre objectif ?

La description de l’entité France Travail est assez difficile à appréhender, avec ses comités à tous les échelons territoriaux, son réseau associant tous les organismes d’accompagnement, le public et le privé, sans distinction. Précisément, nous assistons à la privatisation d’une part des prestations du service public de l’emploi.

Nous comprenons que le comité national présidant aux grandes orientations sera en définitive aux mains de votre ministère. Si cette concentration du pouvoir a le mérite de simplifier la « lecture » de ce que sera France Travail, elle nous laisse perplexes quant au projet politique, à la place des élus « très » locaux, au risque d’accroissement de la concurrence des territoires et à la marge de manœuvre des différents opérateurs, qui n’ont pas tous la même vocation. Les missions locales, notamment, s’inquiètent de l’amputation de leurs missions d’accompagnement des jeunes dans tous les aspects de la vie.

La simplification que vous invoquez passe par une uniformisation : chaque personne concernée doit s’inscrire d’office et, si j’ose dire, à contre-emploi, sur la liste des demandeurs d’emploi, mais doit être également soumise au même contrat d’engagement, contrat de non‑travail qui ne comporte aucune réciprocité : tout le monde est soumis à un même régime de droits et de devoirs et, surtout, à des sanctions plus importantes. Votre logique, c’est l’érosion du droit à choisir son emploi, l’infantilisation, l’« invisibilisation » des personnes privées d’emploi ou en difficulté sociale.

Au-delà d’une expérimentation dont nous ne connaissons pas le fin mot, vous organisez une confusion entre protection sociale et solidarité nationale, entre allocation chômage et RSA. Vous brouillez les pistes entre le revenu de remplacement assurantiel et le RSA, prestation sociale assise sur la solidarité et financée par l’impôt.

Devant le Sénat, vous avez indiqué que quand le plein emploi sera atteint, il conviendra de réfléchir à la nature des allocations pouvant être versées à ceux qui sont dans une situation où l’employabilité n’est pas possible. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Se pose enfin la question des moyens. Dans la lettre de cadrage adressée aux organisations syndicales et patronales pour la prochaine négociation de l’Unedic, on découvre que celle-ci devra débourser des milliards supplémentaires. La contribution de l’Unedic, en effet, « a vocation à monter en charge au fur et à mesure que le régime dégage des excédents, pour atteindre en 2026 entre 12 % et 13 % des recettes du régime ». Au-delà des sérieuses contestations de vos projections macroéconomiques et concernant l’Unedic, un tel choix de financement est problématique car il constitue une forme de détournement de plus en plus massif des cotisations Unedic et des droits à l’assurance chômage.

Nous souhaitons une vraie loi en faveur d’un véritable respect du travail et de l’homme au travail.

À propos de l’outre-mer, vous annoncez des mesures réglementaires mais quelle est la nature des distinctions que vous faites ? Je me fais ainsi le porte-parole de nos collègues ultramarins, qui souhaitent que soient débattues et votées les mesures concernant les outre-mer, ce que nous souhaitons également.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous croyons à l’émancipation par le travail et à la logique du mérite. Dès lors, nous nous étonnons du calendrier que vous avez retenu.

Vous traitez de la réforme du RSA alors que nous n’avons toujours pas évoqué la question des salaires, que nous souhaitons l’organisation d’une conférence sociale autour de celles du travail et de la capacité, pour ceux qui ont un emploi, de bénéficier de rémunérations à hauteur de leur engagement.

Nous regrettons qu’il n’ait pas été possible de travailler sur des cas spécifiques, lorsque des gens qui retrouvent une activité perdent une partie de leur revenu, ce qui conduit un certain nombre de nos compatriotes à considérer que l’inactivité peut être choisie. Il relève de notre responsabilité de faire en sorte que chaque activité soit rémunérée au-delà des revenus d’assistance.

Ce projet de loi s’inscrit dans un récit politique, cette fable du plein emploi selon quoi il convenait d’abord de réformer l’assurance chômage, puis les retraites, avant d’enfin fouetter le cul de ceux de ceux qui seraient encore dans le canapé parce qu’ils bénéficieraient d’un revenu d’assistance, tant nous nous approchons du plein emploi. L’exercice est compliqué car les droits et les devoirs existent déjà. Si défaillance il y a, elle se situe du côté de ceux-là et non de ceux-ci.

Nous souhaitons certes une meilleure synergie dans le système de l’emploi mais la mesure phare de ce projet est constituée par les 15 à 20 heures, cette fable absolue. Vous voilà funambule, entre la volonté de porter la voix du Président de la République, de ne pas contrister nos collègues LR tout en prenant en compte la réalité quotidienne. Les 15 à 20 heures, c’est impossible, tout le monde le sait, en particulier ceux qui travaillent auprès des allocataires.

Si vous vous adressez au segment électoral des travailleurs pauvres – qui ont le sentiment de faire des efforts que d’autres ne font pas et regardent avec méfiance les personnes sans activité –, le douloureux constat que vous faites peut éventuellement être partagé. C’est en réalité de la question des salaires qu’il faut leur parler, plutôt que de plonger encore un peu plus dans la précarité – et, il faut le dire, dans la pauvreté – des personnes bénéficiant d’un revenu prétendument d’assistance.

Nous sommes favorables à un engagement renforcé et réciproque – j’insiste sur ce dernier mot, qui ne figure plus dans le texte. Je le dis avec force, nous croyons à la libre adhésion : vous ne contraindrez personne, car la logique de la carotte et du bâton ne fonctionne pas. La condition de la réussite – qui nécessite de se donner du temps – réside dans la validation par l’allocataire d’un projet avec les professionnels qui le suivent.

Par ailleurs, nous partageons l’objectif d’un rapprochement avec les territoires en matière de gouvernance. Je fais partie des élus qui ont longtemps milité pour que les territoires soient en mesure de peser sur les objectifs fixés par le service public de l’emploi. Quant aux moyens, d’autres collègues l’ont évoqué, ils doivent impérativement être à la hauteur des objectifs que vous vous fixez. À cet égard, nous nous étonnons que vous choisissiez de passer par l’Unedic. Il est également curieux que nous entreprenions une réforme d’envergure sans disposer de retour d’expérimentation. Peut-être disposez-vous d’éléments que nous n’avons pas et qui vous permettent de voir clair.

Sur la question des outre-mer, je me ferai l’écho de Pierre Dharréville : vous faites le choix de la voie de l’ordonnance, donc du silence : il est inacceptable pour nos collègues d’outre-mer. Bien sûr, il y a un besoin de différenciation, mais nous ne connaissons pas vos intentions en la matière et nous souhaitons que le débat ait lieu dans l’hémicycle.

D’une manière générale, nous craignons qu’il s’agisse uniquement d’un texte d’affichage et de communication politique, destiné à parler à des segments électoraux, même s’il comporte des avancées, sur la question de la petite enfance ou sur celle des travailleurs handicapés : elles auraient justifié que nous prenions plus de temps pour en débattre.

M. le ministre. Je répondrai en regroupant vos questions par thèmes ; pardonnez-moi le manque d’exhaustivité susceptible d’en résulter.

S’agissant des mesures déjà mises en œuvre, j’évoquerai tout d’abord le bilan du dispositif du CEJ, en vigueur depuis un an et demi. Il fonctionne bien : 330 000 contrats ont été signés en 2022, le volume étant – comme prévu – d’environ 300 000 CEJ par an. Les premiers résultats sur les signataires étant allés au bout du parcours sont encourageants, même s’ils sont partiels, puisqu’il s’agit des premières cohortes démographiques, principalement de Corse, suivies par Pôle emploi. Un tiers des contrats sont en effet suivis par Pôle emploi, deux tiers l’étant par les missions locales. Le taux de retour à l’emploi est de 84 %, pour un maintien dans le dispositif autour de huit à neuf mois. Cela nous a permis de démontrer que nous savons mettre en œuvre des dispositifs efficaces, avec un accompagnement intensif, à hauteur de 15 à 20 heures par semaine. En termes de formation initiale, plus de la moitié des signataires ont le bac ou moins, tandis que 9 % d’entre eux sont mineurs, ce qui est assez logique puisque la cible est celle des jeunes de 16 à 25 ans.

Le second dispositif déjà en place est celui du rapprochement du réseau Pôle emploi avec le réseau Cap emploi, notamment l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Les inquiétudes du début se sont dissipées, puisque le réseau Cheops (Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés), qui coordonne l’ensemble des Cap emploi départementaux, se dit satisfait du fonctionnement actuel – montée en compétence des opérateurs et des agents de Cap emploi comme de ceux de Pôle emploi, constitution de portefeuilles dédiés, satisfaction des usagers mesurée à plus de 85 %, équipes travaillant de manière très polyvalente et rapprochée dans le cas des agences de Pôle emploi. Notre objectif est de démontrer que nous pouvons avoir un réseau de proximité, capable de diversifier les politiques menées en matière d’emploi.

J’en viens à la question de l’illectronisme, qui ne doit pas être un frein à la recherche d’emploi : il faut bien évidemment une présence suffisante sur le territoire, permettant d’accueillir le public concerné partout. Nous devons nous appuyer sur les agences de Pôle emploi, mais aussi, lorsque c’est possible, sur l’organisation d’accueils dans les maisons France Services lorsqu’elles existent. D’une manière générale, l’illectronisme ne doit pas être un frein. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons mettre la lutte contre l’illectronisme, l’illettrisme et l’analphabétisme au centre des priorités, dans le cadre de la nouvelle contractualisation avec les régions sur le plan d’investissement dans les compétences. Il s’agit en effet de savoirs de base qui figurent parmi les principaux freins pour l’accès à l’emploi.

Le PIC constitue le volet formation évoqué par MM. Juvin et Delaporte. Alors que nous devons continuer à former massivement, il nous a permis de multiplier par trois le nombre de demandeurs d’emploi qui, chaque année, ont accès à une formation qualifiante. Nous savons que cela marche, car un demandeur d’emploi qui suit une formation dans le cadre du PIC voit son taux de retour à l’emploi à six mois augmenter de 9 points – de 17 points lorsqu’il s’agit d’un demandeur d’emploi âgé de plus de 50 ans. Il faut donc continuer à investir, pour former rapidement et donner de l’employabilité – ce néologisme n’est pas agréable à entendre – à ceux qui en ont besoin – sur des métiers en tension, mais aussi en transition, pour répondre aux besoins à venir de l’économie, en matière d’écologie ou de numérique. C’est pourquoi le PIC, contracté en 2018, va être renouvelé ; dès cette semaine, les discussions seront ouvertes avec les régions pour la mise en œuvre de ces nouveaux contrats, en leur donnant davantage de souplesse que dans la première version, s’agissant notamment de l’adaptation aux territoires régionaux et de la sortie d’un modèle de répartition trop uniforme entre les différentes priorités.

Cet accès à la formation est nécessaire, si nous voulons continuer à faire baisser le chômage. J’en profite pour faire une parenthèse sur la question du chômage, évoquée par M. Juvin : si le taux de chômage nous place effectivement parmi les mauvais élèves en Europe, nous pouvons cependant tous nous réjouir qu’en quelques années, nous soyons passés d’un taux de 9,5 % à 7,1 %. Certes, c’est encore trop, ce d’autant que les entreprises connaissent, dans le même temps, des difficultés de recrutement : il y a encore beaucoup de travail, pour que l’économie, qui a créé 2 millions d’emplois en l’espace de six ans, continue à le faire, et que les mesures en matière de formation et d’accompagnement contribuent à diminuer davantage le taux de chômage. Le chômage français revêt une particularité : le niveau de tension de recrutement que nous connaissons actuellement correspond à celui qui prévaut en Allemagne ou au Danemark lorsque le taux de chômage ne dépasse pas 3 à 4 %, nous renvoyant peut-être à une composante structurelle du chômage français, s’agissant notamment du chômage de très longue durée.

Sur la question de la place des collectivités et de la gouvernance, j’ai indiqué, dans mon propos introductif, qu’aucune disposition ne remet en cause la moindre compétence des collectivités, ni ne modifie la répartition des compétences des collectivités entre elles. J’illustrerai mon propos à l’aide d’un exemple : les présidents de conseils départementaux sont compétents en matière de sanctions vis-à-vis de bénéficiaires du RSA en situation de manquement : la sanction actuellement en vigueur est celle de la radiation, à l’issue d’une commission pluridisciplinaire. Nous proposons de créer un dispositif de suspension – le rapporteur Paul Christophe l’a parfaitement décrit –, avec la possibilité d’un versement rétroactif et une grande réactivité dans la mise en œuvre.

Comment ce dispositif fonctionnera-t-il ? Lorsqu’un travailleur social du département fera une proposition de suspension – de la même manière qu’il fait aujourd’hui une proposition de radiation –, le président du conseil départemental sera compétent pour en décider. Lorsqu’un agent de Pôle emploi – devenu France Travail – fera une proposition de suspension, le président du conseil départemental restera compétent pour en décider. Il pourra, s’il le souhaite, avec l’accord de son conseil départemental, déléguer la décision à France Travail ; en l’absence de délégation, il restera compétent pour décider des suites données à la proposition de suspension.

Quant à la question du pilotage, je rappellerai qu’aujourd’hui les régions, les départements, l’ensemble des niveaux de collectivités ne participent pas à l’élaboration des orientations du service public de l’emploi, tant aux échelons national, régional, départemental et local. Nous souhaitons que cela soit possible demain, pour définir les orientations ; Pôle emploi – France Travail – sera ensuite chargé de la mise en œuvre des orientations décidées par le comité dans lequel siégeront l’État, les collectivités à tous les échelons, mais aussi les partenaires sociaux, aux échelons national et régional. Nous donnons donc aux collectivités une capacité à peser sur les orientations, sans revenir sur leurs compétences.

S’agissant de la question des systèmes d’information et de leur utilité, l’objectif est d’éviter les ruptures ou les redondances de parcours vers l’emploi ou la formation. Actuellement, lorsqu’un jeune, faisant uniquement l’objet d’un suivi par une mission locale – parfois pour des questions d’âge – rejoint Pôle emploi, le dossier doit être repris à zéro. Le fait d’avoir un système horizontal garantirait à chaque conseiller, à tout moment du parcours, un accès aux informations sur les formations réalisées, sur l’accompagnement dont a bénéficié la personne concernée : cela serait plus efficace et nous permettrait d’éviter les ruptures et les sorties de dispositif.

Dans le cadre de cet accompagnement, figure la question – importante – des 15 à 20 heures, évoquée par le Président de la République lors de sa campagne présidentielle. Elle s’articule autour de trois points. Premier point, le RSA est une aide inconditionnelle, dès lors que l’on remplit certains critères économiques et financiers, notamment de privation de ressources. Dès lors que la personne est éligible au RSA, il est, en l’état actuel du droit, nécessaire de signer un contrat d’engagement. Or, en pratique, seuls 47 % des allocataires le signent, non pas parce qu’ils le refusent, mais parce qu’il ne leur est pas proposé. Nous voulons que le contrat d’engagement puisse être proposé à tous, et qu’il inclue un parcours adapté, tenant compte des possibilités de chacun.

L’objectif fixé par le Sénat – de 15 à 20 heures – s’appliquerait à tous les bénéficiaires, quelle que soit leur situation. On a évoqué la nécessité de tenir compte des demandeurs d’emploi en situation de handicap et des familles monoparentales ; au-delà, un certain nombre de personnes allocataires du RSA vont être confrontées à d’énormes problèmes de mobilité, à des soucis de santé – ne relevant pas nécessairement d’un handicap reconnu comme tel, mais d’une maladie ou de difficultés –, à des soucis de garde d’enfant pour les familles monoparentales. Nous devons en tenir compte, alors que nous nous fixons un objectif très ambitieux – le niveau de 15 à 20 heures est celui qui permet la plus grande mobilisation –, en ayant conscience que nous devons parfois l’atteindre progressivement, au fil des interventions successives. Nos débats devraient nous permettre d’aboutir à un texte équilibré.

Nous disposerons de moyens nouveaux comprenant, je l’ai dit, 170 millions d’euros dans le cadre de la contractualisation des départements avec France Travail. Pôle emploi bénéficiera, dès 2024, de 300 millions d’euros supplémentaires ; au cours des cinq dernières années, cette structure a déjà profité de 4 000 créations de poste, dans une période où le nombre de demandeurs d’emploi inscrits avait tendance à baisser. Nous continuerons à déployer ces moyens. Le financement proviendra de la subvention de l’État à Pôle emploi, mais aussi d’un prélèvement sur les excédents de l’Unedic, lequel n’empêchera pas l’Unedic de voir sa dette divisée par deux d’ici à 2027. Nous participons au financement d’une politique active pour l’emploi : chaque accompagnement d’une personne vers l’emploi se traduit par moins d’allocations et par plus de cotisations ; c’est un modèle vertueux pour les comptes de l’Unedic et il ne remet pas en cause la perspective de son désendettement. Nous avons les moyens de réussir ce pari, avec une montée en puissance progressive – pas de généralisation avant le 1er janvier 2025 – de ce nouvel accompagnement.

Ce point est lié à la question des expérimentations. M. Saint-Huile s’est interrogé sur l’opportunité d’adopter une nouvelle loi, alors que les expérimentations sont en cours. Nous menons des expérimentations avec dix-huit conseils départementaux : chacun d’entre eux a retenu un bassin d’emploi, à l’exception d’un département – la Creuse –, pour lequel l’expérimentation se fait à l’échelle départementale, pour des questions démographiques. Si les expérimentations sont réalisées maintenant, c’est parce qu’elles portent sur des modalités d’accompagnement qui n’ont aucun caractère réglementaire ou législatif. Il s’agit de regarder comment améliorer les parcours, le suivi et les types d’activités proposées : à mes yeux, il est impensable que la future loi précise la nature des activités d’insertion et de formation qui seront mises en œuvre. Le texte indique que le travail n’est pas gratuit, qu’il ne s’agit pas de bénévolat obligatoire, mais il ne peut pas aller dans le détail des propositions. Ceux d’entre vous qui ont lu le rapport de Thibaut Guilluy auront noté qu’il comporte, en annexe, une liste de plus de cent cinquante exemples d’activités extrêmement variées, qui n’ont pas vocation à figurer dans la loi.

En revanche, nous avons beaucoup travaillé avec l’Assemblée des départements de France (ADF). Début 2024, nous dresserons un premier bilan des expérimentations ouvertes, pour la plupart d’entre elles, au 1er avril 2023. Le périmètre des expérimentations va être élargi. À cet égard j’ai proposé au président de l’ADF que les modalités de sélection et de définition des nouveaux territoires inclus soient réalisées en lien très étroit avec le bureau de cette institution. Elles dureront jusqu’à fin 2024, pour nous permettre de connaître les meilleures pratiques et d’avancer, sans qu’il soit nécessaire de passer par la loi, sauf bien sûr s’il s’avère, à l’issue de ces expérimentations, que telle ou telle disposition le nécessite. Cependant les programmes d’accompagnement ne revêtent par nature pas de caractère législatif ou réglementaire.

Sur la question des opérateurs privés de placement, donc du secteur de l’emploi, le texte n’apporte rien de nouveau. Ils continueront à accompagner le service public de l’emploi comme ils le font aujourd’hui, sans qu’il y ait la moindre modification. Il en va de même, dans un autre domaine, pour les missions locales, pour lesquelles les modalités de financement restent les mêmes : elles font l’objet d’un conventionnement avec l’État ; leurs compétences – M. Dharréville a évoqué le sujet – restent les mêmes, notamment en matière d’accueil et d’accompagnement intégral des jeunes. Nous avons veillé, y compris dans les derniers arbitrages sur le texte, à préciser qu’il s’agissait d’un exercice de compétences de plein droit, et non pas par délégation. Ni les compétences des missions locales, ni leur gouvernance ne seront donc affectées par le texte.

La seule – double – différence pour les missions locales réside dans l’accès à un système d’information horizontal, offrant des informations nouvelles, et dans la participation au comité France Travail à la quasi-totalité des niveaux, c’est-à-dire à la définition – de laquelle elles sont aujourd’hui absentes – des orientations qu’elles mettront ensuite en œuvre. Là encore, la réforme se traduit plutôt par un mieux que par un moins.

Quant aux autres points évoqués, s’agissant notamment des autres sujets à débattre, comme vous le savez, à l’issue de la rencontre avec les chefs de partis, le Président de la République a annoncé la tenue d’une conférence sociale : elle se tiendra lors de la semaine du 16 octobre. Nous travaillons actuellement avec les partenaires sociaux pour en déterminer l’ordre du jour : les négociations de branche, la classification permettant de garantir une progression salariale à l’échelle d’une carrière, le temps partiel subi, le sous-emploi, l’évolution des salaires et du Smic sur plusieurs années, les conséquences et les interférences entre cette évolution des salaires et du Smic en son sein, la montée en puissance de la prime d’activité, les sorties de tunnels d’exonérations, l’égalité professionnelle y figureront. Nous restons toutefois attachés au modèle français de détermination des salaires, celui d’une indexation du Smic arrêtée par la loi, suivie d’une négociation de branche pour déterminer le niveau des rémunérations.

M. Saint-Huile l’a évoqué, nous devons également travailler sur les conditions de reprise d’emploi. Aujourd’hui, un certain nombre de personnes qui survivent grâce à des minima sociaux ont le sentiment qu’il n’est pas efficace de reprendre un emploi : c’est parfois vrai, non pas de manière générale – des modèles montrent que la reprise d’emploi va plutôt dans le bon sens –, mais de manière temporaire, parce que les coûts et la perte de droits liés à la reprise d’emploi sont souvent plus rapides que la mise en place des nouveaux droits liés à la perception d’un salaire au niveau du Smic ou légèrement au-dessus du Smic. Il nous faut travailler sur ces tuilages, pour faire en sorte que la reprise d’emploi soit toujours plus intéressante immédiatement, et non pas trois, quatre ou cinq mois plus tard, comme c’est parfois le cas.

Je terminerai par trois points, sans avoir été exhaustif. Tout d’abord, il est évidemment hors de question de stigmatiser qui que ce soit. Au contraire, lorsque l’on investit dans l’accompagnement, dans la formation et dans l’insertion, on est au rendez-vous de la réelle solidarité, celle qui consiste à ne pas laisser les gens dans une trappe à précarité ou à pauvreté. Je ne connais pas de meilleure façon de sortir de la pauvreté que celle de l’emploi et de l’accès à un revenu salarié, en plus de l’émancipation et de l’autonomie qu’ils procurent.

Deuxièmement, concernant les dispositions relatives au handicap, je tiens à remercier l’ensemble des intervenants qui nous ont dit leur intérêt pour ces mesures et le fait qu’elles vont dans le bon sens – ce qui est une réalité, dont je suis heureux, fruit des travaux de la CNH.

Troisièmement, M. Dharréville s’est interrogé sur la question de la reprise d’emploi. La qualité de l’emploi s’est améliorée et nous pouvons nous en réjouir. Un chiffre permet de l’illustrer : pour la première fois en 2022, la part des CDI dans les signatures de contrats d’un mois ou plus – l’indice statistique qui a toujours été retenu – a passé, pour la première fois, le cap des 50 %, alors que nous étions entre 43 % et 46 % de manière régulière. Cela s’est accompagné, pour la première fois aussi, depuis plus de trente ans, par une part majoritaire de CDI dans le total de l’emploi privé : les créations d’emplois que nous avons connues au cours des six dernières années se sont donc accompagnées d’une amélioration de l’emploi, bien sûr, en raison des conditions économiques, mais aussi des politiques mises en place, notamment autour du bonus-malus.

Enfin, M. Dharréville m’a posé une question importante sur l’une de mes déclarations au Sénat, où j’ai indiqué que lorsque nous aurons atteint le plein emploi, il faudra nous interroger sur le fait que des hommes et des femmes restent durablement dans des dispositifs tels que le RSA, ainsi que sur la nature de l’activité. Mon propos était de dire que nous savons que, parmi les presque 2 millions d’allocataires du RSA, des hommes et des femmes sont extrêmement profondément et violemment abîmés par la vie. Certains d’entre eux sont également confrontés à des problématiques de santé mentale, souvent mal prises en compte. Lorsque nous aurons accompagné toutes les personnes qu’il est possible de soutenir, nous devrons nous demander s’il existe une difficulté trop importante pour être surmontée. N’est-il pas hypocrite de maintenir ces personnes sur des revenus de solidarité, qui renvoient à une activité et à une insertion professionnelle ? N’y a-t-il pas d’autres dispositifs plus adaptés, ou à créer, pour tenir compte de la réalité de leur situation ? Ce débat viendra après, mais il viendra nécessairement : ne soyons pas hypocrites et assumons le fait que, parmi les allocataires du RSA, certains ont malheureusement été trop exposés par la vie pour pouvoir remonter la pente au même rythme, ou même à l’échelle d’une vie.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Thibault Bazin (LR). Au-delà du titre prometteur du texte, je souhaite vous interroger sur trois axes qui, à mon sens, gagneraient à être renforcés, afin de vraiment atteindre le plein emploi, faute de quoi on risque de faire semblant, tout en amenuisant l’effectivité de l’objectif affiché, que nous partageons.

Le premier axe concerne la question d’une valorisation suffisante du travail. Il y a un an, vous aviez indiqué que certains citoyens pouvaient, en reprenant un travail, pour des raisons de seuils induisant la perte de certaines allocations, gagner moins à court terme, au moins temporairement. Vous venez à cet égard d’évoquer une durée de quatre à cinq mois. Sans une meilleure valorisation du travail, nous peinerons à atteindre le plein emploi et ce projet de loi s’avérera bien insuffisant. En parallèle de ce texte, prévoyez-vous une réforme structurelle, pour que les revenus du travail soient toujours bien supérieurs aux aides sociales ?

Le deuxième point concerne la coordination des nouvelles instances créées par le projet de loi avec les communes et les intercommunalités. Pourquoi ne pas inclure dans l’article 1er les intercommunalités et les communes, qui exercent bien souvent des compétences en matière de mobilité ou d’accueil du jeune enfant, qui constituent de vrais freins au retour à l’emploi ? Dans le même esprit, leur regard serait précieux pour soutenir les missions de repérage et d’accompagnement spécifique prévues à l’article 6. Êtes-vous également prêt à élargir, pour les communes, l’accès aux informations du nouveau système d’information, concernant les demandeurs d’emploi ?

Le troisième axe d’amélioration concerne, à l’article 10, les mesures pour les familles. Si l’on ne peut que soutenir votre volonté de renforcer les solutions d’accueil des enfants, je m’interroge sur la pertinence des paramètres retenus, ainsi que sur les compensations financières qui devront être garanties par l’État. Pourquoi retenir trois ans, et non pas six ans ou dix ans ? À ces âges, beaucoup de parents ont encore besoin de solutions de garde, notamment avant ou après le début de la classe, ou pendant les vacances scolaires. Qui laissera un enfant âgé de 4 ans seul ? Par ailleurs, vous envisagez de définir des zones caractérisées par un niveau d’offre d’accueil du jeune enfant particulièrement élevé, afin d’y limiter les projets. Une telle disposition ne risque-t-elle pas de s’avérer injuste ? Un tel niveau n’est bien souvent pas le fruit du hasard, mais s’obtient dans certains territoires vertueux, par l’engagement fort des familles et des collectivités territoriales : attention à ne pas les pénaliser en manquant votre cible.

M. Didier Le Gac (RE). Comme beaucoup d’entre vous j’ai mené, ces dernières semaines, des consultations pour préparer la discussion du projet de loi. J’ai rencontré des élus de la mission locale, de Pôle emploi, des associations intermédiaires de mon département : il existe une quasi-unanimité pour une meilleure coordination des différents acteurs, pour rendre plus efficaces les politiques d’insertion et de retour à l’emploi, notamment envers ceux qui sont le plus éloignés du marché du travail. Il n’est pas acceptable de laisser passer parfois plusieurs mois, entre le moment où un allocataire s’inscrit au RSA et son premier entretien, lors duquel il pourra enfin évoquer sa situation.

Au cours de ces échanges, un sujet est souvent revenu, vous l’avez évoqué dans votre propos liminaire : quel est l’échelon le plus pertinent pour être associé à la gouvernance locale de France Travail ? Il faut à mon avis privilégier les bassins de vie : les EPCI – déjà compétents en matière de développement économique, d’action sociale, de logement, de transports et de mobilités – constituent sans doute l’échelon le plus pertinent pour le pilotage local de ces politiques. La plupart sont déjà engagés dans des actions en faveur de l’emploi, et, pour 40 % d’entre eux, en matière de petite enfance. J’ai bien noté la souplesse dans le choix de l’échelon, ainsi que le fait que chaque collectivité conserverait ses compétences, en matière de formation, d’insertion ou d’action sociale de proximité. Pouvez-vous préciser à nouveau à quel moment sera défini cet échelon, et surtout qui arbitrera en cas de désaccord ?

M. Stéphane Viry (LR). Ce projet de loi est attendu. La France a effectivement besoin de faire mieux en matière de recherche et de mise en activité des uns et des autres. Je déplore que beaucoup de mes amendements aient été déclarés irrecevables : sur un sujet comme celui‑ci, il eût pourtant été utile de pouvoir être force de proposition et d’élargir le spectre du projet de loi, dont j’ai le sentiment qu’il repose encore sur un modèle économique un peu obsolète. Au-delà du plein emploi, il faut envisager l’activité professionnelle sous toutes ses formes. Je pense en particulier au travail indépendant des femmes et des hommes non salariés, qui proposent néanmoins des biens et des services et qui sont actuellement confrontés à une insécurité juridique, en raison d’un statut hybride : ils sont confrontés à des blocages et ce texte gagnerait à faire progresser notre droit en la matière.

Je pense également à l’emploi des seniors : il eût été opportun de marquer une volonté politique et des dispositions très concrètes sur ce sujet, qui nous préoccupe. Je l’ai dit lors de différentes auditions la semaine dernière : je m’étonne de l’absence des mots « insertion », « inclusion » ou « insertion professionnelle » dans un projet de loi qui porte sur le plein emploi. En effet, même si le marché du travail est optimisé et organisé dans le but de plus d’efficacité, le public concerné ne pourra pas s’en sortir s’il n’y a pas de parcours : le plein emploi ne sera pas atteint.

J’ai donc le sentiment que ce texte présente des lacunes, même s’il coche un certain nombre de cases. Il faut refonder le RSA, comme le préconisent la Cour des comptes et des opérateurs de terrain : il est insupportable et inadmissible de laisser des allocataires sans accompagnement, sauf à cautionner l’exclusion. J’attends des débats qu’ils éclairent mes interrogations.

Mme Annie Vidal (RE). Notre politique en faveur de l’emploi et de l’insertion porte ses fruits et ce texte y contribue, avec clarté. Aujourd’hui, nombre d’entreprises se sont engagées pour une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle : c’est fondamental – je pense notamment aux proches aidants. L’expérimentation du relayage à domicile ou baluchonnage – dispositif figurant dans la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance – va dans ce sens, en permettant des prestations de suppléance de l’aidant au domicile de la personne accompagnée, grâce à des dérogations au droit du travail.

Le relayage à domicile, avec un intervenant unique, est essentiel pour l’accompagnement des personnes aidées. C’est également une solution de répit de longue durée, utile pour les aidants, qui offre de nouvelles possibilités d’organisation de travail pour les professionnels volontaires. L’expérimentation se termine le 31 décembre et, à ce stade, rien n’est prévu pour pérenniser ce dispositif. J’ai bien compris, monsieur le ministre, que ce sujet ne pourra pas être débattu pendant l’examen du texte : dès lors, comment répondre à la demande des professionnels, des proches aidants et des aidés, pour pérenniser ce baluchonnage à la française, si apprécié ?

M. Joël Aviragnet (SOC). Nous reprenons nos travaux parlementaires par l’examen de ce projet de loi pour le plein emploi. Alors que les Français sont pris à la gorge, que l’inflation ne cesse leur pourrir la vie, que nos services publics sont sens dessus dessous, quelle est la priorité du Gouvernement pour cette rentrée ? Attaquer les plus pauvres de nos concitoyens, les stigmatiser et les infantiliser. Monsieur le ministre, vous qui avez un temps été socialiste, comment pouvez-vous porter un projet de loi qui sape à ce point l’héritage de François Mitterrand et de Michel Rocard ? Dois-je vous rappeler les propos de François Mitterrand lors de la création du RMI, en 1988 : « l’important est qu’un moyen de vivre ou plutôt de survivre soit garanti à ceux qui n’ont rien » ? Le RMI, puis le RSA, n’ont jamais été conçus comme un salaire, mais comme un revenu minimum vital pour survivre. Je dis bien « survivre », pas « vivre ».

Ce texte vise à transformer le RSA en un salaire inférieur au Smic : cela est dangereux. En effet, imposer une activité minimum de 15 à 20 heures par semaine, sans réel accompagnement, ce n’est pas redonner de la dignité aux bénéficiaires du RSA, ni leur permettre de retrouver un travail digne ; c’est créer des travailleurs rémunérés en dessous du Smic, sans l’assumer ouvertement. Vous allez faire exploser le nombre de personnes en grande précarité. Vous l’avez déjà largement augmenté avec vos différentes réformes, comme en témoigne l’afflux massif de nouveaux bénéficiaires des Restos du cœur, en métropole comme en outre-mer. Cela peut sembler bizarre, mais ce sont des constats que vous ne faites jamais. Punir les pauvres d’être pauvres est une aberration, aussi bien éthique qu’économique. Le prix Nobel Esther Duflo l’a démontré à travers l’exemple britannique : ne suivons pas le même chemin funeste.

Il est vraisemblable que l’austérité budgétaire nous attend, aussi ma question simple : à hauteur de quelle somme le Gouvernement compte-t-il financer le fait de conditionner le RSA, en embauchant massivement des conseillers à Pôle emploi et en finançant des formations et des stages pour les allocataires ?

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Vous venez de dire, monsieur le ministre, que certains des allocataires du RSA sont violemment abîmés par la vie et confrontés à des problématiques de santé mentale. Vous estimez nécessaire de s’interroger sur le maintien d’un dispositif qui renvoie à l’insertion professionnelle. Une expérimentation avait justement été mise en place, pour évaluer les conséquences – éventuellement néfastes – de vos propositions, pour ces personnes brisées par la vie et dont la question de la réadaptation se pose. Or, dans la mesure où ces expérimentations ne sont pas terminées et où la réforme va s’appliquer, n’êtes‑vous pas en train d’admettre, à demi-mot, qu’elle aura pour conséquence de supprimer le revenu de ces personnes brisées par la vie et ayant souvent des problèmes de santé mentale, qui termineront à la rue ? Telle est la raison pour laquelle nous critiquons le dispositif : vous venez d’admettre, à demi-mot, votre volonté de mener une expérimentation grandeur nature sur les publics les plus fragiles de notre pays, que vous priverez tout simplement de revenus, en voyant plus tard comment les réinsérer. Pouvez-vous préciser votre pensée d’apprenti sorcier sur la vie des gens, qui est pour le moins choquante en ce début de discussion ?

M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). En novembre dernier, dans une question au Gouvernement, je vous ai qualifié d’anti-Ambroise Croizat, alors que vous portiez déjà un projet de loi foncièrement antisocial – en l’occurrence, une attaque historique contre l’assurance chômage. Depuis, vous avez repoussé l’âge de la retraite à 64 ans, contre la volonté de l’immense majorité du pays. Aujourd’hui vous poursuivez votre œuvre de destruction de la solidarité et de la dignité, si chère à votre illustre prédécesseur. Dans notre pays, plus de 8 millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire, un chiffre en constante augmentation, au point que les associations caritatives n’arrivent plus à suivre – une baisse de 17 % de la consommation alimentaire dans le pays, inédite depuis plus de quarante ans, un tiers du pays ne mangeant plus à sa faim.

Oui, une part importante du pays est contrainte de se serrer la ceinture. Parallèlement la fortune cumulée des cinq cents personnes les plus riches équivaut à 45 % du PIB, soit presque la moitié de la richesse produite annuellement. Cette fortune cumulée a plus que doublé depuis l’accession à la présidence de la République d’Emmanuel Macron. Le Gouvernement pourrait envisager de régler ce grave problème de répartition des richesses, considérant qu’on ne peut pas accepter qu’un tiers du pays se serre la ceinture, et que les cinq cents plus riches se gavent. Nous sommes ici, en commission des affaires sociales, et nous pourrions y travailler, mais non : vous choisissez de vous attaquer une nouvelle fois aux plus précaires, aux plus vulnérables, à celles et à ceux – surtout celles – qui ont le moins. Vous stigmatisez, vous humiliez, vous entretenez l’idée crasse que celles et ceux qui bénéficient des minima sociaux sont des fainéants qui profitent du système, alors qu’elles et ils sont en mode survie.

Ma question est donc simple : n’avez-vous pas honte – singulièrement vous, monsieur le ministre, qui, en 2017, votiez contre les budgets d’Emmanuel Macron, pour, quelques jours plus tard, rejoindre le Gouvernement pour les mettre en œuvre ?

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il me semble que votre projet – France Travail – a été mis en œuvre dès le mois de juillet, lorsque toutes les salariées et les salariés du pays ont eu la surprise de voir apparaître sur leur bulletin de paye une nouvelle ligne, intitulée « montant net social » – j’invite d’ailleurs tout le monde à observer son propre bulletin de paye. Cette nouvelle ligne regroupe ce qu’il faut déclarer pour pouvoir bénéficier du RSA ou de la prime d’activité. Ainsi, le montant net social comprend le salaire net – que l’on connaît très bien, puisqu’il est écrit en gros sur la fiche de paye –, mais également les tickets-restaurants, la prévoyance, la participation patronale à la garde d’enfant, autant d’éléments qui n’étaient autrefois pas nécessaires pour solliciter le RSA ou la prime d’activité.

Ainsi, depuis le mois de juillet, pour un même salaire, le montant net fiscal est supérieur, si bien que le revenu découlant du RSA ou de la prime d’activité baisse. Les syndicats en ont donné beaucoup d’exemples ; j’en évoquerai un mentionné par la CFDT dans le dernier numéro du journal Libération. Une salariée – Martine –, dont le net à payer est de 1 599 euros par mois et le net social de 1 765 euros, en raison des avantages en nature dont elle bénéficie, a vu sa prime d’activité divisée par deux : elle perd 65 euros.

Ma question est donc simple : combien de personnes ont d’ores et déjà, depuis deux mois, perdu de l’argent s’agissant de leur RSA ou de leur prime d’activité ? Parmi elles, parmi eux, combien ont tout perdu, combien ne sont plus éligibles ni au RSA, ni à la prime d’activité ? Quelle est la perte en moyenne ? Bref, quand et comment comptez-vous leur rendre leur argent ?

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui est profondément antisocial. Dans la droite ligne de la réforme des retraites, ce texte comporte des objectifs irréalisables. Il s’attaque aux personnes privées d’emploi plutôt qu’à la rareté de l’emploi. Monsieur le ministre, après avoir radié les chômeurs, vous vous en prenez désormais aux allocataires du RSA.

Ma question porte sur la programmation budgétaire de ce projet de loi. Le rapport de concertation prévoit seulement la mobilisation de 2,3 à 2,7 milliards d’euros de financements cumulés sur la période 2024-2026. Pourtant, selon les acteurs de l’insertion, il faudrait 4 milliards d’euros par an pour tenir les objectifs d’accompagnement. Quant aux expérimentations, elles ont été financées à hauteur de 22 millions d’euros, soit 550 euros par allocataire, alors que le rapport de France Travail projette un investissement de 10 000 euros par an et par allocataire. La réalité, monsieur le ministre, c’est qu’à ce jour nous n’avons absolument aucune garantie sur le budget qui sera réellement alloué à la formation et au recrutement des agents. Nous pouvons d’ores et déjà présager que les allocataires du RSA risquent de subir des contrôles bien plus renforcés et que les sanctions seront plus dures dans le service public de l’emploi, qui n’aura de public que son nom, avec des objectifs irréalistes et surtout démagogiques, sans répondre aux besoins réels des citoyennes et des citoyens de ce pays. Y a-t-il une programmation budgétaire sérieuse et viable pour accompagner ce projet de loi ?

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). « Projet de loi pour le plein emploi » : quel beau titre ! Mais comment comptez-vous atteindre le plein emploi ? Allez-vous réduire à 32 heures le temps de travail hebdomadaire, comme le réclament les salariés et les syndicats ? Non. Allez‑vous ramener à 60 ans l’âge de départ à la retraite, en abandonnant la honteuse réforme que vous avez conduite ? Non. Allez-vous augmenter les salaires pour sauver le pouvoir d’achat ? Toujours non. Que proposez-vous donc ? Vous proposez de mener la guerre sociale, aux pauvres, aux plus précaires, aux allocataires du RSA, à ceux qui galèrent et souffrent déjà au quotidien. Vous instaurez le travail gratuit, au risque de déstabiliser les emplois et d’aggraver le dumping social, de tirer vers le bas le monde du travail – l’ensemble de la société. Vous allez contraindre les gens à travailler dans n’importe quelles conditions, pour un salaire de misère.

Selon vous, monsieur le ministre, le plein emploi est-il atteint quand tous les demandeurs sont radiés de Pôle emploi ou, comme le veut le bon sens, quand tout le monde a un emploi ?

M. Victor Catteau (RN). Voici un nouveau texte sur l’emploi, avec de nouvelles promesses, de nouveaux espoirs – de nouvelles désillusions. Il est vrai, monsieur le ministre, que nous commençons à avoir l’habitude de vos projets de loi incomplets, brouillons, déconnectés de la réalité des Français. Comment expliquerez-vous à ceux qui ont cotisé chaque mois pour l’assurance chômage que leurs droits dépendront désormais d’un contrat d’engagement de 15 heures d’activité hebdomadaire ? Comment expliquerez-vous aux mères qui élèvent seules leurs enfants, aux aidants qui s’occupent de leurs proches, qu’on pourra leur retirer leur seul revenu, le maigre soutien qui les maintient hors de la pauvreté, parce qu’ils n’auront pas le temps de satisfaire aux exigences du contrat ? Comment pouvez-vous infliger cette mesure à ceux que vous avez déjà floués avec votre réforme du système de retraite, à ceux qui subissent de plein fouet la constante diminution de leur pouvoir d’achat à cause de l’inflation, à ceux qui endurent en première ligne la montée de l’insécurité et l’ensauvagement de la société ? Comment défendrez-vous auprès des conseillers de Pôle emploi l’augmentation considérable de la charge de travail que représentera le suivi intensif de tous les demandeurs d’emploi ?

Pourquoi avez-vous choisi ce titre ? Certes, vous mentionnez, timidement, les travailleurs handicapés et les professionnels de la petite enfance, mais où sont passés les jeunes, les seniors ? Les avez-vous relégués aux oubliettes de la société ? Sont-ils à vos yeux des acteurs sans valeur sur le marché du travail ? Après la tempête que fut la réforme des retraites, on s’attendait à voir émerger des solutions pour permettre à ceux que vous poussez à travailler davantage d’y parvenir. Omettre de vous y employer relève soit de l’incompétence, soit d’une flagrante indifférence.

M. Matthieu Marchio (RN). Abaisser le taux de chômage sous la barre de 5 % avant la fin du quinquennat constitue évidemment un objectif louable, mais de nombreux économistes le jugent inatteignable. La transformation de Pôle emploi en France Travail, réseau promu institution phare de votre politique, est un des nombreux points de friction identifiés. Il proposerait à toutes les personnes en recherche d’emploi une procédure commune, à quelque porte qu’elles aient frappée – Pôle emploi, Cap emploi, mission locale. Croyez-vous ainsi améliorer les chiffres ? Ces révolutions lexicales ont une portée dérisoire, mais elles sont sources de confusion pour une population déjà fragile. La réalité de nombreux territoires, c’est un chômage endémique, conséquence d’une désindustrialisation et de délocalisations désastreuses imposées par votre idéologie mondialiste. Mon département compte 9,2 % de chômeurs ! Quelles actions concrètes prévoyez-vous pour enfin changer la situation de cette France qui souffre ?

M. Yannick Neuder (LR). L’emploi, facteur d’insertion et d’inclusion, constitue la première des protections sociales. Ne nous y trompons pas : les Français préfèrent vivre du fruit de leur travail plutôt que d’allocations, quelles qu’elles soient. Il faut maintenir une différence entre les revenus des allocations sociales et ceux du travail, afin de récompenser le mérite de ceux qui se lèvent tôt. Il est étonnant de constater que 40 % des allocataires du RSA ne sont pas inscrits à Pôle emploi, donc ne sont pas en recherche d’emploi. Ainsi, le contrat d’engagement doit rappeller les droits et les devoirs des allocataires, en prévoyant 15 heures d’activité, qu’ils peuvent accomplir en suivant une formation, ou en œuvrant au sein d’une association ou d’une collectivité locale : c’est un aspect essentiel du texte. Beaucoup de départements ont déjà adopté semblables mesures de réciprocité ; c’est le cas de l’Isère depuis 2016, à la satisfaction de tous, représentants syndicaux comme acteurs du secteur social.

Attention toutefois, monsieur le ministre, de ne pas recentraliser tous les dispositifs. En tant qu’élu régional, j’ai connaissance des revendications de Régions de France en la matière. Les régions demeurent des autorités organisatrices en matière de formation et d’orientation ; or elles sont toujours sans nouvelles précises des PIC, qui arrivent à échéance en décembre 2023. Cette tendance n’est pas cohérente avec la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS ».

Il faut également faire attention au coût de la réforme : supérieur à 3 milliards d’euros, il sera en partie financé au moyen des cotisations des travailleurs et des entreprises, c’est-à-dire en faisant les poches de l’Unedic. Conserver le nom « Pôle emploi », qui est bien identifié, permettrait d’économiser 500 millions d’euros.

Vous l’avez compris, le groupe Les Républicains reste à l’écoute. Nous avons deux lignes rouges : le maintien des 15 heures d’activité et l’absence de recentralisation.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Merci, monsieur le ministre, pour la précision de vos réponses.

Les personnes les plus éloignées de l’emploi connaissent de nombreux obstacles à leur insertion sur le marché du travail : manque d’expérience professionnelle, compétences obsolètes, problèmes de santé, difficultés de garde d’enfant ou de mobilité. Or habiter loin d’une activité économique complique l’accès à la formation comme l’accès au travail. Le texte prévoit d’améliorer l’accompagnement personnalisé. Comment envisagez-vous de faire évoluer la formation, en particulier à distance ?

Mme Josiane Corneloup (LR). Monsieur le ministre, à propos des mères isolées et des personnes porteuses de handicap, particulièrement éloignées de l’emploi, vous avez évoqué de possibles adaptations, voire des dérogations. Les freins au retour à l’emploi, comme les problèmes de garde d’enfant ou de mobilité, sont connus. À l’heure de construire une société toujours plus inclusive, il est essentiel de ne pas stigmatiser ces catégories de personnes, de ne pas les écarter du dispositif, mais de les y intégrer pleinement en leur proposant un accompagnement plus intensif, à même de lever les freins. Il faut accentuer la coopération entre les acteurs afin d’atteindre le premier objectif : leur permettre d’acquérir une expérience dans le monde du travail ou dans une association.

Cette réforme doit constituer une véritable chance pour ceux qui sont très éloignés de l’emploi, comme pour les entreprises. L’obligation d’employer au moins 6 % de travailleurs handicapés ne s’applique qu’aux entreprises qui emploient vingt personnes ou davantage ; de plus, nous connaissons les réticences de certains employeurs.

Le texte n’évoque pas les limites du cumul du RSA et d’autres prestations sociales : potentiellement désincitatif, il peut freiner le plein emploi. Pourquoi ne pas le plafonner à 75 % du Smic ?

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous contestons votre conception de la valeur du travail ; d’ailleurs vous parlez d’« emploi », nous parlons de « travail ». Pour vous, le travail n’est plus une source d’épanouissement et un facteur d’émancipation, mais un besoin économique à satisfaire. Jamais vous ne vous interrogez sur la nature des emplois. Vous avez expliqué que l’augmentation du nombre de CDI montrait que la situation s’était améliorée en matière d’emploi. Dois-je vous rappeler qu’il existe des CDI à temps partiel contraint ?

Une étude vient de révéler que 44 % des salariés sont en état de détresse psychologique. Pourtant, selon vous, les privés d’emploi sont des fainéants qu’il faudrait contraindre à exercer une activité – dans le texte, la contrainte s’exerce sous la forme d’une sanction. Avez-vous déjà accompagné des gens privés d’emploi ? L’accompagnement ne peut passer par la coercition. Je regrette que l’expérimentation des 15 heures d’activité dans les départements n’ait fait l’objet d’aucune évaluation. Vous définissez des objectifs en matière de chiffres, pas d’accompagnement. Vous ignorez d’ailleurs les aspirations apparues depuis le covid, notamment celles des jeunes, qui ont une autre conception du travail.

Vous avancez que certains employeurs ne parviennent pas à recruter. Nous en recevons dans nos permanences, mais nous recevons aussi des demandeurs d’emploi : on compte 367 000 emplois disponibles, contre 3 millions de chômeurs. Comment pouvez-vous imaginer enrayer le chômage sans mener une véritable politique de création d’emplois ?

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Forcer les allocataires du RSA à travailler constituerait un recul social impressionnant. Nous vous connaissons, monsieur le ministre, et nous connaissons le gouvernement auquel vous appartenez : vous avez montré ce dont vous étiez capables avec la réforme du système de retraite.

Votre postulat est erroné : selon vous, le chômage n’est pas un manque d’emplois satisfaisants, il est la faute des fainéants qui ne veulent pas travailler. Telle est en effet la logique qui sous-tend ce projet de loi. En réalité, il y a six fois moins d’emplois disponibles que de chômeurs. Il ne s’agit donc pas de forcer les chômeurs à travailler mais de créer des emplois de qualité et de partager le temps de travail. Personne ne nie que certains chefs d’entreprise ont du mal à recruter. La première cause est l’insuffisance de la rémunération au regard de la pénibilité. Ensuite, de plus en plus de personnes s’interrogent sur le sens du travail. Enfin, certaines personnes deviennent vulnérables ; elles connaissent des difficultés sociales en chaîne ; les répercussions psychologiques rendent l’insertion très difficile : elles se retrouvent fracassées par des conditions sociales brutales et par le fait de ne pas exercer d’emploi dans la durée. Une société républicaine ne peut que consentir l’effort de solidarité nécessaire pour leur donner un minimum pour vivre. Une personne seule perçoit 607 euros de RSA ; or le seuil de pauvreté s’élève à 1 102 euros : les personnes concernées vivent en dessous du seuil de pauvreté. La Constitution prévoit que le travail est un droit, non un devoir.

Le salaire minimum est de 11,52 euros par heure ; la durée minimale du travail à temps partiel est de 24 heures par semaine. Conditionner le versement du RSA à 15 heures d’activité revient à payer les allocataires 7 euros de l’heure : c’est contraire aux normes en vigueur.

M. le ministre. Monsieur Bazin, monsieur Neuder, vous avez évoqué le retour à l’emploi ; je partage pleinement l’importance de le valoriser. Il ne l’est pas toujours suffisamment parce que le versement des aides aux salariés modestes intervient moins vite que la perte des minima sociaux. Pour travailler sur cette transition, nous disposons du logiciel Estime. Il montre que la reprise d’activité est de type gagnant-gagnant, mais parfois après un délai : nous devons compenser ce décalage.

Les communes et les EPCI participeront au comité et disposeront d’une voix délibérative, au niveau local mais aussi départemental, régional et national, ce qui n’est pas le cas actuellement. Nous souhaitons que les élus puissent accéder aux informations de la plateforme dite horizontale, en respectant le règlement général sur la protection des données et les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés – d’où les renvois aux décrets.

S’agissant de l’article 10, Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, viendra en débattre avec vous.

Il est plus pertinent que la coprésidence du comité revienne à la région au niveau régional et au département au niveau départemental. Néanmoins, il appartient aux élus de désigner le meilleur coprésident. Ainsi, la logique territoriale peut amener à choisir un représentant de l’intercommunalité lorsque celle-ci correspond au bassin d’emploi. Ne préemptons pas les débats. En revanche, je souhaite que nous discutions des modalités de désignation. Dans chaque département, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité pourrait organiser la désignation des maires et des présidents d’EPCI qui siégeront dans les comités départementaux et infradépartementaux, comme elles le font déjà, par exemple pour la commission d’élus de la dotation d’équipement des territoires ruraux.

Monsieur Viry, je ne me prononcerai évidemment pas sur les irrecevabilités. Les débats que nous aurons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale répondront sans doute aux questions concernant le travail indépendant. Nous avons choisi de confier aux partenaires sociaux la discussion d’un accord national interprofessionnel relatif à l’emploi des seniors. Nous n’avons donc pas inscrit dans le texte de dispositions en la matière, mais nous nous sommes engagés à transposer fidèlement un éventuel accord, comme nous l’avons fait pour le partage de la valeur.

Je n’ai pas vos craintes : le mot « insertion » apparaît à de nombreuses reprises. J’ajoute que, contrairement à aujourd’hui, les structures d’insertion par l’activité économique seront membres des comités et pourront donc participer à l’élaboration des feuilles de route.

Madame Vidal, vous m’avez interrogé sur le baluchonnage. L’examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France sera l’occasion de débattre des dispositions concernées, avec Mmes Aurore Bergé et Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées.

MM. Aviragnet, Boyard, Fernandes et Clouet m’ont interrogé sur la philosophie du dispositif. Le RMI a été créé en 1988. Il comportait un contrat d’engagement réciproque et une possibilité de sanction. Il s’agissait d’assurer un minimum de subsistance, selon le terme retenu, mais aussi de prévoir la sortie du dispositif. La loi prescrivait de consacrer à l’insertion 20 % des crédits affectés au RMI. En 1999, le gouvernement de Lionel Jospin a ramené cette part à 17 %. Lorsque la gestion du RSA a été décentralisée et confiée aux départements, les objectifs chiffrés ont disparu. Aujourd’hui, seuls 8 à 9 % des crédits sont consacrés à l’insertion. Nous voulons investir pour offrir aux allocataires un accompagnement à même de leur faire retrouver une activité : nous consacrerons l’an prochain 170 millions d’euros à la contractualisation et renforcerons de 300 millions les crédits de Pôle emploi.

Monsieur Boyard, aucune des dix-huit expérimentations n’a prononcé de sanction ou de suspension. En effet, la loi ne prévoit pas de sanctions ; or les expérimentations se déroulent à droit constant. Il est hors de question – au contraire – de priver de l’allocation les plus fragiles, qui peut-être devraient percevoir une aide différente, qui ne relèverait pas du retour à l’emploi. Le texte prévoit que ces personnes puissent être accompagnées socialement, sans perspective immédiate d’insertion professionnelle ; avec l’article 6, nous reconnaissons le rôle des associations, qui vont chercher les plus fragiles, ceux qu’on appelle parfois les « invisibles ». En écho à M. Dharréville, je vous propose une réflexion à beaucoup plus long terme : un jour, je l’espère, nous atteindrons le plein emploi et nous devrons regarder la réalité en face, trouver comment accompagner différemment les hommes et les femmes qui ne sont pas capables de retourner sur le marché de l’emploi, contrairement à ce que nous prétendons hypocritement faire avec le RSA. Je souhaite évidemment qu’ils soient le moins nombreux possible.

Monsieur Catteau, nous prenons en considération les cas des aidants et des familles monoparentales. Grâce à l’examen du texte au Sénat, ils bénéficieront d’un suivi particulier adapté – nous nous félicitons de cette avancée.

Je le répète, monsieur Neuder, nous ne prévoyons absolument pas de recentraliser. Les collectivités siègeront au comité d’orientation et disposeront d’une voix délibérative : elles participeront désormais à décider des orientations du service public de l’emploi. Vous avez souligné les inquiétudes de Régions de France. Elles concernent d’abord la création de France Travail. Sept des treize régions de la métropole ont déjà signé un protocole de préfiguration avec le Gouvernement et Pôle emploi : la situation avance bien avec les présidents de régions, quelle que soit leur orientation politique.

Je dois rencontrer cette semaine François Bonneau, afin d’étudier la trajectoire budgétaire du PIC. Nous donnerons aux régions de la souplesse, notamment en révisant, pour certaines, le principe du socle, très rigide, et en permettant à chaque région d’adapter la répartition des actions entre l’axe 1, consacré aux formations qualifiantes, et l’axe 2, réservé à la préparation à l’emploi.

Madame Rist, Pôle emploi a déployé une offre de formations qualifiantes entièrement dispensées à distance, à l’intention de demandeurs d’emploi qui connaissent d’importants problèmes de mobilité. Cela relève plutôt de la compétence des régions, mais très peu le font. Deux dispositions du texte du Gouvernement tendaient à sécuriser la possibilité pour Pôle emploi d’appliquer ce programme de formation ouverte à distance. Le Sénat les a supprimées ; je vous proposerai de les rétablir, dans le cadre d’une convention de réciprocité permettant aux régions qui souhaitent mener de telles actions de le faire, en complément de Pôle emploi. En effet, les modules proposés sont efficaces ; ils offrent une solution à des demandeurs d’emploi qui sont parents isolés ou qui connaissent des problèmes de mobilité.

Comme je le disais, madame Corneloup, le Sénat a complété le texte pour prendre en considération la situation réelle des familles monoparentales. Vous dites que certaines connaissent de telles difficultés qu’il faut intensifier encore leur accompagnement. Selon moi, il faut à la fois dispenser les personnes qui ne peuvent effectuer les 15 ou 20 heures d’activité à cause de difficultés insurmontables de garde d’enfant ou de mobilité, et accorder plus de moyens encore à l’insertion professionnelle des personnes susceptibles de sortir de la précarité. La personnalisation des parcours satisfait parfaitement à cette exigence. Je partage vos remarques relatives au handicap ; l’unique disposition sur laquelle nous vous proposerons de revenir minore la participation des entreprises car cette mesure crée un effet d’aubaine inattendu pour les moins vertueuses, qui pourraient bénéficier une fois de l’aide et une fois de la minoration.

Monsieur Monnet, vous avez évoqué la capacité de l’économie à produire de l’emploi. Le chiffre de 2 millions d’emplois créés est assez éloquent. Le temps partiel subi fait l’objet d’un débat, il sera abordé dans le cadre de la conférence sociale que j’ai évoquée.

Vous avez raison, madame Autain, le RSA alloué à une personne seule s’élève à 607 euros : verser cette somme ne nous tient pas quitte de notre devoir de solidarité. Il s’agit d’un minimum de subsistance et il faut tout mettre en œuvre pour que les allocataires aient un emploi mieux rémunéré, de la meilleure qualité possible.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Merci, monsieur le ministre, d’avoir consacré du temps aux échanges avec les députés, particulièrement mobilisés sur ce texte.

La réunion, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.

 

 

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II.   Examen des articles

1.   Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 16 heures (avant l’article 1er à article 1er)

Lors de sa première réunion du lundi 18 septembre 2023, la commission des affaires sociales commence la discussion des articles du projet de loi ([371]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons à la discussion des articles. Sur ce texte, 1 502 amendements ont été déposés : 89 ont été retirés, 11 ont été déposés en double et 9 présentaient des irrecevabilités de forme. Le président de la commission des finances a estimé que 93 amendements étaient contraires aux dispositions de l’article 40 de la Constitution, de la loi organique relative aux lois de finances ou de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Mme Josiane Corneloup a considéré que 177 amendements étaient dépourvus de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi et étaient donc contraires aux dispositions de l’article 45 de la Constitution ; je partage pleinement son appréciation et je la remercie d’avoir assumé les fonctions de présidente pour assurer le contrôle de recevabilité.

Il s’agit par exemple d’amendements relatifs aux territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), aux structures d’insertion par l’activité économique, à l’apprentissage, au portage salarial, aux travailleurs indépendants, au revenu universel d’existence, prévoyant une loi de programmation pluriannuelle pour déterminer la trajectoire des finances publiques relatives à la politique de l’emploi, fixant comme objectif la création d’un congé menstruel pour les agents publics, instaurant un principe selon lequel les effets sonores causés par les enfants ne sont pas nocifs pour l’environnement, autorisant l’administration de médicaments antipyrétiques en cas de fièvre chez les enfants accueillis en établissement, obligeant le règlement intérieur de l’entreprise à mentionner l’égalité entre les sexes, ceux prévoyant la représentation de l’AMF et des présidents d’intercommunalité au conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales ou plafonnant le cumul du RSA avec d’autres prestations sociales.

Nous avons donc 1 123 amendements à examiner.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le texte est relatif au plein emploi : nous nous étonnons de ne pas pouvoir débattre des TZCLD, qui visent précisément à accompagner vers l’emploi les personnes qui en sont les plus éloignées : personne n’est inemployable, et il est très grave que le ministre affirme l’inverse. Ainsi, nous aurions aimé aborder certains sujets, par exemple les revenus nets, ou l’évaluation de précédentes réformes, comme celle de l’assurance chômage, qui ont des effets sur le plein emploi. J’espère que vous nous apporterez un éclairage plus circonstancié sur ces irrecevabilités.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Les fourches des articles 40 et 45 sont souvent douloureuses, malheureusement il en va ainsi.

La commission procède ensuite à l’examen du projet de loi.

Avant l’article 1er

Amendement AS161 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Ici, la décision n’est pas seulement douloureuse, elle est incompréhensible.

L’amendement vise à conforter le caractère réciproque de l’engagement. Le mot n’apparaît pas dans le titre alors que la réciprocité est au fondement du RSA. Le revenu minimum serait ainsi garanti par un contrat qui n’engagerait qu’une partie, alors que ce contrat a été pensé pour que l’État soit le principal responsable de son exécution. Dans sa note sur le projet de loi, Nicolas Duvoux, président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale explique que « l’obligation d’insertion était d’abord pensée non comme un contrat au sens juridique [...] mais comme un engagement des collectivités vis-à-vis d’elles-mêmes. La réciprocité des droits et devoirs est inscrite dans la loi de 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion » – et non dans la loi sur le RMI. Nous sommes loin d’offrir à tous un accompagnement effectif. Pour y remédier, reconnaissons la réciprocité, donc l’engagement de l’État.

J’ajoute qu’un contrat doit être librement consenti. C’est pourquoi la Défenseure des droits demande que le contrat soit « conjointement élaboré » ou « librement débattu » par l’usager et son référent.

M. Paul Christophe, rapporteur. Le contrat ne peut être que librement consenti par les deux parties ; dans l’esprit du texte, il engage les uns et les autres. Aussi entendons-nous consacrer les moyens nécessaires à l’accompagnement. Tel est notre ambition.

Pour ces raisons, et pour encourager les débats à se dérouler dans un bon esprit, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er A (nouveau) : Réaffirmer les principes fondamentaux du service public de l’emploi et le droit à l’information des demandeurs d’emploi

Amendements AS974 et AS1002 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). L’amendement AS974 vise à réaffirmer les principes fondamentaux du service public de l’emploi. L’Organisation internationale du travail a rendu obligatoire sa création en 1919, grâce aux luttes sociales, qui en avaient imposé l’idée. Dans le contexte que nous connaissons – pénurie d’embauches, croissance exponentielle de la productivité –, il faut le renforcer, en particulier s’agissant de développer les qualifications grâce à la formation et à l’aide à la reconversion. Le service public de l’emploi doit garantir un revenu de remplacement en cas d’accident de la vie et proposer, tout au long de la vie professionnelle, un accompagnement individualisé qui ne soit pas confié à des algorithmes.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement AS1002 est inspiré des services publics de l’emploi de pays voisins qui n’imposent pas de conditions aussi sévères que le nôtre. Il ne s’agit pas d’indemniser mais uniquement de garantir un accompagnement vers l’emploi – raison pour laquelle l’examen de la recevabilité au titre de l’article 40 a épargné cet amendement.

L’adoption du projet de loi conduirait à obliger les allocataires à s’inscrire en recherche d’emploi, donc à augmenter le nombre d’inscrits. Nous proposons de préciser que le service public de l’emploi doit prendre en charge toute personne en recherche d’emploi qui en fait la demande. En Allemagne par exemple, on peut s’inscrire alors qu’on exerce encore un emploi, notamment lorsqu’on sait qu’une rupture conventionnelle ou un licenciement va intervenir. L’objectif est de sécuriser le parcours des personnes en universalisant l’accompagnement.

M. le rapporteur. Votre amendement, madame Simonnet, vise à préciser que toute personne « en recherche d’un emploi [...] a le droit d’être accueillie, informée, orientée et accompagnée par le service public de l’emploi ». C’est précisément notre ambition : comme vous, nous voulons renforcer l’accompagnement individualisé et intensif de toutes les personnes en recherche d’emploi. Toutefois, le Préambule de la Constitution de 1946 garantit déjà les principes essentiels, puisqu’il prévoit que chacun a « le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».

J’émets donc un avis défavorable.

Vous soutenez, monsieur Clouet, que votre amendement s’inscrit dans une logique rigoureusement opposée à celle qui sous-tend le texte. Ma lecture diffère : son dispositif est en parfaite adéquation avec l’article 1er, qui prévoit que les demandeurs d’emploi, inscrits sur une liste unique, pourront bénéficier des services généraux de France Travail et des services plus spécifiques des missions locales ou de Cap emploi, selon leur situation. Il est donc superflu d’affirmer l’existence d’un droit opposable, dans un article sans réelle portée normative.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le texte énumère des situations qui emportent l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi ; je propose d’inverser la logique et de créer un droit pour les personnes qui ne sont pas couvertes. Si vous savez que dans quelques semaines, vous n’aurez plus d’emploi, vous ne pouvez pas vous inscrire sur la liste.

Vous citez la Constitution de 1946 mais l’Agence nationale pour l’emploi n’a été créée qu’en 1967 : vous ne pouvez faire dériver du Préambule des droits qui n’existaient pas à l’époque de sa proclamation, faute d’institution adéquate.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens ces deux amendements. Le second, en particulier, propose un droit opposable à l’accompagnement, tel que la Défenseure des droits l’a appelé de ses vœux dans son avis sur le projet de loi.

M. Thibault Bazin (LR). Ces deux amendements nous semblent intéressants. Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu’il s’agit de proclamations de principe. Mais l’actuelle majorité a, au cours des dernières années, plusieurs fois choisi d’inscrire dans ses textes de loi des articles qui en définissent les objectifs et l’esprit.

L’article 1er traite bien d’orientation et d’accompagnement, mais pas d’accueil ni d’information. Inscrire ces principes dès le début du texte me semble pertinent.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je soutiens la création d’un droit opposable à l’accueil, à l’information, à l’orientation et à l’accompagnement par le service public de l’emploi. Cela permettrait d’aider celles et ceux qui sont privés d’emploi et qui souhaitent être accompagnés. Les missions locales comme les services de Pôle emploi ou les différents Cap emploi font, j’en suis convaincu, de leur mieux, mais il me semble justifié d’affirmer ces principes.

M. le rapporteur. Le contrat d’engagement sera obligatoire, ce qui implique un accueil préalable, une information et une discussion. Ces amendements me paraissent donc satisfaits.

La commission adopte l’amendement AS974.

En conséquence, l’amendement AS1002 tombe.

Amendement AS994 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet amendement vise à faciliter la vie administrative des personnes en imposant au service public de l’emploi de notifier ses décisions en temps et en heure, ce qui est en général le cas, et surtout de les motiver par écrit, afin qu’elles soient claires. Les personnes concernées doivent savoir sur quelle base juridique sont prises les décisions, et à qui s’adresser pour exercer un éventuel recours.

Cet amendement n’est pas seulement de principe ; il revêt une portée très pratique pour ceux qui reçoivent beaucoup de papiers administratifs compliqués.

M. le rapporteur. Nous nous rejoignons pour souhaiter cette information, mais cela relève du règlement. Je vous renvoie plus précisément à l’article 4 de l’annexe I de la convention Unedic, qui précise que « Pôle emploi s’engage à notifier toutes les décisions résultant de l’instruction et du suivi d’un dossier à l’intéressé, dans un délai de deux jours ouvrés, sauf cas particuliers ».

L’amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cette explication est claire, mais les conventions bougent plus vite que la loi : cette disposition gagnerait à être pérennisée grâce à cet amendement.

M. Arthur Delaporte (SOC). Vous parlez de Pôle emploi, monsieur le rapporteur, mais il est question ici du « service public de l’emploi », notion bien plus large. Cet amendement crée un droit à l’information. Comme les amendements précédents, il fixe les grands principes du service public de l’emploi.

En pratique, ce que demande cet amendement est souvent fait, mais ce n’est pas systématique. Les décisions ne sont pas toujours motivées, et de nombreux demandeurs d’emploi se trouvent sanctionnés sans même comprendre pourquoi.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les conventions sont en train d’être renégociées ; le ministre nous a par exemple annoncé tout à l’heure que des décisions seraient prises par le président ou la présidente du conseil départemental. Cette précision me semble de bon aloi ; chacun doit être bien informé de sa situation administrative.

M. Philippe Juvin (LR). Les personnes sont parfois perdues dans le dédale des décisions administratives, nous le savons tous, et le silence de l’administration est parfois difficile à interpréter. Cet amendement apporte de la clarté. Nous y sommes favorables – le rapporteur lui-même, d’ailleurs, ne s’y est pas vraiment opposé.

M. le rapporteur. L’amendement prévoit que les personnes sont informées « sans délai ». Du point de vue légistique, cette formulation pose problème.

Nous pourrons en rediscuter en séance.

La commission adopte l’amendement.

Avant l’article 1er

Amendement AS995 de M. Hadrien Clouet

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Il s’agit de créer un cadre légal de réparation des préjudices causés par les organismes participant au service public de l’emploi.

Les institutions peuvent se tromper, et cela arrive d’autant plus souvent que les conditions de travail se dégradent et que les agents, qui font de leur mieux, ne sont pas assez nombreux. On voit des versements insuffisants, des pertes de documents, des retards, des exigences irrationnelles. De nombreuses raisons sont alors invoquées : pannes, erreurs humaines, dispositifs défaillants... Mais ces situations font des victimes.

Nous proposons que celles-ci soient non seulement réintroduites dans leurs droits, comme c’est le cas aujourd’hui, mais aussi indemnisées.

Nous connaissons votre obsession de la dépense publique, donc cet amendement ne vous plaira sans doute pas. Mais si l’on part des besoins, il devrait trouver votre assentiment.

M. le rapporteur. Rassurez-vous, je ne suis pas obsédé par la dépense publique ! Mais votre amendement est satisfait : la responsabilité de Pôle emploi peut déjà être engagée, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, et les plaignants peuvent, bien entendu, percevoir des dommages et intérêts.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit à nouveau non seulement de Pôle emploi mais plus généralement du service public de l’emploi. Les demandeurs d’emploi comme les allocataires du RSA doivent pouvoir obtenir réparation d’une faute de l’État, et il me paraît intéressant de le reconnaître dans la loi, au-delà de la jurisprudence.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Dans la quasi-totalité des cas, lorsqu’un préjudice est constaté, la personne est rétablie dans ses droits – si on lui reprochait à tort d’avoir perçu 600 euros de trop, on lui rend les 600 euros. Ici, il s’agit de reconnaître qu’il y a eu une privation : pendant plusieurs mois, cette personne n’a pas pu emmener ses gosses au cinéma, ou, plus grave, payer son loyer. Ces difficultés sont nées d’une erreur, que personne n’a souhaitée évidemment, et elles doivent être compensées.

L’amendement précise en outre un montant forfaitaire, assez faible, mais qui garantit qu’il y a une règle pour tout le monde. Il faut éviter que le rapport annuel du médiateur de Pôle emploi ou des médiations de la CAF ne nous disent qu’il y a autant de situations différentes qu’il y a d’accidents administratifs.

M. Philippe Juvin (LR). Nous ne soutiendrons pas cet amendement. Le juge, administratif ou judiciaire, est souverain pour fixer le montant de la réparation d’un préjudice ; l’idée d’un montant forfaitaire nous paraît incongrue.

M. le rapporteur. En effet. Nous serions, en outre, dans le champ réglementaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS980 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet amendement est celui qui me semble susceptible de recueillir le plus large assentiment au sein de la commission. Il s’agit de reconnaître une coutume, celle de venir accompagné à son rendez-vous par un proche ou par quelqu’un qui donne un coup de main pour comprendre les documents. Nous proposons donc de formaliser une coutume acceptée dans les trois quarts des lieux d’accueil.

M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait : un demandeur d’emploi ou un allocataire du RSA peut être accompagné. Cet ajout me paraît inutile.

Avis défavorable.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Ce n’est pas toujours le cas ! Or ces demandes sont parfois complexes. Au cours de la législature précédente, nous avons voté des amendements en faveur de l’utilisation de la méthode Falc (« facile à lire et à comprendre ») dans les documents administratifs. Pôle emploi ne propose toujours rien de tel.

Cet amendement est de bon sens : pour avoir accès à ses droits, une aide physique est parfois nécessaire.

M. Nicolas Turquois (Dem). De prime abord, cet amendement m’a semblé de bon aloi. J’ai posé la question aux assistantes des travailleurs sociaux de mon département, qui m’ont confirmé que c’est la pratique courante, mais qu’il arrive que l’accompagnateur ait un comportement toxique, voire agressif. Les administrations doivent alors pouvoir le refuser. Or l’amendement prévoit un accompagnement du demandeur par « la personne de [son] choix ».

On peut donc recommander cette pratique, mais imposer cette règle serait contreproductif.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er : Mieux orienter et accompagner les demandeurs d’emploi

Amendements de suppression AS54 de M. Arthur Delaporte, AS464 de Mme MarieCharlotte Garin, AS546 de M. Jean-Hugues Ratenon, AS809 de M. Pierre Dharréville, AS992 de M. Benjamin Saint-Huile et AS1117 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Arthur Delaporte (SOC). L’inscription automatique des demandeurs du RSA et des jeunes accompagnés par une mission locale sur la liste des demandeurs d’emploi prévue par cet article est absurde. Cela revient à nier la diversité des situations. Je ne prendrai qu’un seul exemple : les jeunes de 18 à 25 ans qui poussent la porte d’une mission locale rencontrent des difficultés, mais ne cherchent pas forcément un emploi.

L’article prévoit également l’inscription automatique des conjoints des bénéficiaires du RSA. Ceux-ci n’ont pas à subir une telle obligation.

On peut se demander si Pôle emploi sera à même d’accompagner toutes ces personnes.

On peut enfin s’étonner des effets de cette disposition sur les chiffres du chômage. On va mélanger des publics très différents, et ainsi perdre un baromètre précieux.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous refusons également le principe d’inscription obligatoire. Il n’est pas toujours pertinent d’être inscrit à Pôle emploi. Lors des auditions que nous avons réalisées, on nous a souvent expliqué que le choix était une garantie de la dignité des personnes. Les acteurs de terrain préféreraient une automaticité de la formation des accompagnants !

Cette disposition ne résoudra pas l’inadéquation de l’offre et de la demande. C’est une question à laquelle le ministre n’a pas répondu.

Nous demandons donc la suppression de cet article qui nous semble rétrograde et un peu à côté de la plaque.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Cet article contrevient aux principes fondamentaux de notre modèle de protection sociale. Il vise à ajouter à la liste des demandeurs d’emploi des personnes qui relèvent non pas de l’assurance chômage mais de la branche famille de la sécurité sociale ainsi que leurs conjoints, les personnes atteintes d’invalidité ou en situation de handicap, et tout jeune suivi par une mission locale. Cette extension de la catégorie des demandeurs d’emploi tend à renforcer le contrôle social de l’ensemble des privés d’emploi.

Au contraire, le statut de demandeur d’emploi suppose une démarche volontaire, des conditions précises de disponibilité, et la capacité à occuper un emploi. Avec cet article, le Gouvernement réduit l’insertion au seul enjeu du placement dans l’emploi. Nous rappelons que le bloc de constitutionnalité consacre l’emploi comme un droit et non un devoir.

Les moyens actuels et missions du service public de l’emploi ont tellement été dégradés qu’ils ne permettront pas une gestion efficace de l’afflux de 2 millions d’allocataires du RSA et de leurs conjoints.

Au lieu de s’attaquer aux causes structurelles de la grande pauvreté et du chômage, ce Gouvernement s’attaque encore une fois directement aux bénéficiaires de l’assurance chômage ou des minima sociaux. Il sème ainsi la pauvreté dans notre pays.

Cet article a reçu un avis défavorable des syndicats CGT, CFDT et FO, du conseil d’administration de Pôle emploi, des régions et du Conseil national d’évaluation des normes.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Selon Pôle emploi, 5 390 000 personnes sont au chômage ; c’est un chiffre considérable. Selon le Bureau international du travail, c’est seulement 2 200 000 ; la différence est notable. D’autre part, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), il y avait au deuxième trimestre 2023 367 500 emplois vacants. Ces chiffres montrent combien cette proposition est inadaptée pour affronter les enjeux de l’emploi et du travail.

Vous voulez un contrat d’engagement. Mais le premier acte d’engagement devrait précisément être de s’inscrire, de se déclarer demandeur d’emploi. Le Conseil d’État relève que « le projet de loi transforme [...] la nature de la liste des demandeurs d’emploi, qui devient un outil de suivi de l’accompagnement de l’ensemble des personnes sans emploi, et non plus seulement de celles qui recherchent un emploi ». C’est une évolution importante, qui efface les droits attachés à la qualité de demandeur d’emploi. L’inscription comme demandeur d’emploi devient une démarche obligée, tacite, quels que soient les parcours professionnels et de vie des uns et des autres. Nous nous opposons à cette logique.

Il n’est pas non plus nécessaire d’inscrire d’office, de cette façon, les bénéficiaires du RSA. Leur situation de précarité n’en fait pas, même privées d’emploi, des personnes immédiatement disposées à demander un emploi. Mme Garin a raison d’indiquer que le choix est une question de dignité.

Cet article crée enfin une confusion entre l’allocation chômage et le RSA, c’est-à-dire entre ce qui relève de la protection sociale et ce qui relève de la solidarité nationale. Nous croyons au contraire qu’il faut conserver cette distinction.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Pourquoi rendre automatique l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi ? Si nous pouvions obtenir des réponses simples à nos questions simples, ce serait bien. S’agit-il de traiter la question du non-recours ? Ce n’est pas le bon outil. S’agit-il de faire croire aux gens qu’ils seront accompagnés un jour ? On sait bien que ce n’est pas la réalité.

Nous nous retrouverons, je crois, sur la question des jeunes qui poussent la porte d’une mission locale, où ils viennent chercher un suivi global mais qui ne cherchent pas d’emploi.

Alors qu’est-ce que c’est que ce Big Data qui ne sert pas à grand-chose ?

Vous laissez penser que vous suivez les gens dans leur évolution de vie ! Si je change de concubin, dois-je changer de déclaration ? En quoi cette disposition aide-t-elle au retour à l’emploi ?

Le code du travail le dit, le demandeur d’emploi fait la démarche, volontaire, de rechercher un emploi. Vous changez les règles du jeu. Et il ne s’agit pas d’un débat entre droite et gauche ! Vous cherchez à établir un fichier pour faire un suivi social. Ce n’est pas sérieux, et ce n’est même pas le cœur du texte. Je ne comprends pas en quoi cette disposition pourrait améliorer la situation.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). Pour quoi faire, en effet ? Pourquoi ce gigantesque fichier de demandeurs d’emploi qui, pour bon nombre d’entre eux, ne recherchent pas d’emploi ? Un jeune qui entre dans une mission locale avec un problème de santé ou de logement, ou parce qu’il a abandonné une formation, n’est pas un demandeur d’emploi. Ce que vous créez, c’est un outil de gestion du flux de la force de travail de ce pays, pour essayer de mettre au pas les gens et de les pousser à accepter le premier travail venu.

Le projet de loi de finances pour 2024 ne prévoit aucune augmentation du plafond d’emplois de Pôle emploi. On ne suivra donc pas mieux les demandeurs d’emploi grâce à des conseillers formés. On établit un fichier pour pallier le manque de travailleurs dans les métiers en tension. Mais la solution à ce problème, c’est l’amélioration des conditions de travail et l’augmentation des salaires, pas la mise sous pression des gens !

M. le rapporteur. Avis défavorable.

L’inscription obligatoire permettra aux opérateurs de mieux orienter les personnes et d’assurer un meilleur suivi tout au long de leur parcours, qu’elles cherchent un emploi ou qu’elles rencontrent des difficultés sociales et professionnelles d’insertion.

Cela ne signifie pas que ceux qui seront inscrits auront pour seul choix de travailler ou d’être radiés ! C’est là un procès d’intention qui m’inquiète. Les situations seront examinées au cas par cas afin de déterminer s’il faut mettre en place un accompagnement professionnel ou social.

Cette liste donnera une meilleure visibilité aux acteurs du service public de l’emploi et permettra une prise en charge plus exhaustive qu’aujourd’hui.

S’agissant des jeunes suivis par les missions locales, un amendement viendra restreindre l’inscription obligatoire aux jeunes en recherche d’emploi qui auront signé un contrat avec les missions locales.

En ce qui concerne les conjoints, je vous invite à vérifier la situation actuelle. Le RSA est une allocation familialisée.

Je vous invite enfin à vous rendre sur les sites d’expérimentation. Nous étions la semaine dernière à Tourcoing, et les allocataires du RSA concernés par le suivi renforcé n’ont eu qu’un seul mot : l’écoute. Il s’agit d’accueillir, d’écouter, pour apprécier la capacité à retrouver un emploi ou proposer un accompagnement et un soutien vis-à-vis des difficultés sociales du quotidien.

Dans vos propos, j’entends un procès d’intention fait aux travailleurs sociaux. Cela me gêne, car ils sont très mobilisés. Il ne s’agit pas seulement d’orienter les demandeurs d’emploi vers les métiers en tension ! Je vous invite à regarder les applications qui permettent de déterminer les métiers auxquels les demandeurs d’emploi pourraient accéder si on leur propose la formation nécessaire.

M. Stéphane Viry (LR). Aujourd’hui, 40 % des bénéficiaires du RSA ne font l’objet d’aucun suivi. Cette allocation leur évite de sombrer dans la grande précarité, mais hormis cela, notre système admet de les laisser pour compte. Il faut au contraire leur parler, les connaître, les considérer. Il faut un moyen de les remettre dans le « pot commun » ; sinon, nous admettons une société d’exclusion.

Le système proposé est peut-être discutable, mais il envoie surtout un message : 100 % d’accompagnement individualisé pour les bénéficiaires du RSA. Il faut essayer de les remettre sur le chemin qui mène à l’emploi. Il y a peut-être là une différence entre la gauche et la droite.

Il faut faire confiance à Pôle emploi pour intervenir. Il ne s’agit pas de proposer immédiatement des emplois à tous, mais d’orienter les gens vers ce qui sera utile et bon pour eux – et parfois ce seront des démarches humaines, sociales, médicales même.

Ces amendements me paraissent révélateurs d’une philosophie qui pourrait renforcer l’exclusion institutionnelle dans notre pays.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Tous les bénéficiaires du RSA ne sont pas accompagnés comme ils en auraient le droit. C’est une réalité à laquelle il faut s’attaquer. C’est le métier des travailleurs sociaux ; et ce n’est pas un fichier qui leur serait utile, car ils connaissent ces femmes et ces hommes, ils frappent à leur porte. Les départements disposent d’un fichier des allocataires du RSA, évidemment. Ici, il s’agit d’un fichier de demandeurs d’emploi. Ce n’est pas la même chose et rien ne nous garantit qu’il y aura un accompagnement. Ce que disait Mme Taillé-Polian doit nous faire réfléchir.

Monsieur le rapporteur, merci de nous parler de l’expérimentation : nous n’en savons rien d’autre que ce que vous venez de dire.

Je ne doute pas de la volonté d’écoute des agents du service public de l’emploi. C’est ce qui donne du sens à leur métier. Mais le texte parle d’un pilotage par les résultats, et je peux vous dire que les personnels concernés s’en inquiètent : quelles cases va-t-on leur demander de remplir ? Ils ont peur d’une protocolisation à outrance de l’accompagnement, peur d’être jugés sur le nombre d’heures de travail distribuées à des bénéficiaires du RSA.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous sommes opposés, pour des raisons philosophiques, à l’inscription automatique ; elle devrait relever du libre choix. Vous reconnaissiez, monsieur le rapporteur, être sensible à l’idée de liberté du contrat.

En pratique, pour un suivi de chacun, il faut des moyens. Où sont-ils ? Tout ceci est bien flou.

Dans un rapport de 2022 consacré au RSA, la Cour des comptes écrivait que « Pôle emploi constate qu’une part significative des personnes orientées vers ses agences n’est en réalité pas préparée à l’emploi et justifierait plutôt d’un accompagnement social ». C’est Pôle emploi qui le dit ! Comment pouvez-vous dire qu’orienter tous les allocataires du RSA vers Pôle emploi sans augmenter les moyens de l’opérateur est une bonne idée ?

M. Thibault Bazin (LR). Évitons les caricatures. Cet article 1er peut, à mon sens, contribuer pour partie au plein emploi. Il est incontestable que certains allocataires du RSA sont très éloignés de l’emploi, mais ils ne le sont pas tous. Il faut aider ceux qui le peuvent à s’en sortir.

Vous réfutez parfois l’idée même de devoirs, et vous parlez beaucoup de droits. Mais dans notre système de protection sociale, les deux vont de pair. Selon vous, certains bénéficiaires du RSA pourraient choisir de ne pas être accompagnés ; je ne suis pas sûr que cela leur rendrait service. L’inscription obligatoire n’est pas là pour stigmatiser, mais pour suivre ceux qui ont besoin de l’être. Certains ne pourront peut-être jamais accéder à un emploi, c’est vrai, il faut en être conscient.

Je ne soutiens pas ces amendements de suppression.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). L’article 1er a un côté un peu absurde, kafkaïen : le Gouvernement veut tellement le plein emploi qu’il propose d’inscrire dans le fichier des demandeurs d’emploi des gens qui n’en sont pas.

J’entends dire que l’inscription automatique dans un fichier garantira un suivi. C’est un leurre. Ce qui garantit l’accompagnement, c’est la présence de travailleurs sociaux ou de conseillers à l’emploi : ainsi, toutes les personnes figurant dans les fichiers des missions locales sont accompagnées. L’inscription dans ces fichiers de personnes qui ne s’y trouvent pas encore ne leur garantira pas un meilleur accompagnement si les moyens ne suivent pas. Dès lors, pourquoi introduire dans une seule base de données – celle de France Travail – un si grand nombre d’informations ? Cette question, qui intéresse beaucoup nos concitoyens, reste à ce jour sans réponse.

M. Nicolas Turquois (Dem). Selon M. Saint-Huile, la logique de Pôle emploi serait d’accompagner les individus poursuivant une démarche volontaire de recherche de l’emploi. Or on ne peut pas dire que les allocataires du RSA suivent une démarche volontaire de non‑recherche de l’emploi ; on constate plutôt un non-accompagnement caractérisé ! Quelque 40 % des allocataires du RSA ne bénéficient pas ou très peu d’un suivi. Il faut donc les accompagner plutôt que de qualifier de volontaire ou d’involontaire leur démarche en matière de recherche d’emploi.

Cet été, je suis allé à la rencontre des acteurs de l’emploi de mon département. L’un des faits majeurs que j’en ai retenus est l’appréhension et le stress vécus par les plus fragiles de nos concitoyens, notamment par les bénéficiaires du RSA qui, à chaque fois qu’ils rencontrent des travailleurs sociaux, doivent décliner leur identité, déclarer leurs ressources et présenter un certain nombre d’éléments pas toujours très clairs. Ces données devraient être partagées par l’ensemble des acteurs de l’emploi – non seulement Pôle emploi, les missions locales et Cap emploi, mais également, en fonction des endroits, les écoles de la deuxième chance ou les associations Emmaüs –, ce qui permettrait à l’opérateur pertinent de se concentrer sur l’accompagnement, qui est sa valeur ajoutée, plutôt que sur les divers éléments d’identification administrative. Les personnes fragiles peuvent pousser en même temps la porte d’une mission locale et celle d’un acteur social du département. Il me paraît donc tout à fait pertinent de croiser les informations recueillies et de coordonner les réponses apportées par les différents acteurs de l’emploi, au sens très large, à l’échelle d’un territoire : cela permettra de gagner du temps et d’optimiser les actions.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Monsieur Turquois, je ne faisais que citer l’article L. 5411-1 du code du travail : « A la qualité de demandeur d’emploi toute personne qui recherche un emploi et demande son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle emploi. » Il y a donc bien une démarche volontaire d’inscription.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit que l’inscription d’une personne sur la liste des demandeurs d’emploi lui garantirait d’être accueillie. Je ne suis pas sûr que Pôle emploi aura cette capacité. En outre, être inscrit ne garantit en rien d’être accompagné.

Monsieur Viry, vous avez évoqué l’objectif de 100 % d’accompagnement à travers le contrat d’engagement. Nous en serons malheureusement très loin puisque plus de la moitié des bénéficiaires actuels du RSA n’ont pas conclu de contrat. Nous pourrons demander au ministre quel objectif il s’est fixé – M. le rapporteur nous dira sans doute qu’il est de 50 % des allocataires. Ne perdons pas de vue le fait que figurer sur cette liste n’apportera aucune garantie aux allocataires du RSA ni aux demandeurs d’emploi au sens où vous l’entendez.

M. Didier Le Gac (RE). S’inscrire à Pôle emploi ne sert pas simplement à figurer dans un fichier, mais surtout à bénéficier d’un entretien et d’un suivi. Il y aura même demain un double entretien mené par un conseiller de Pôle emploi et par un travailleur social, ce qui permettra une double lecture de la situation.

J’invite ceux qui pensent que tout va bien à relire le rapport publié par la Cour des comptes en 2022, qui est vraiment le socle sur lequel nous devons nous appuyer. Il témoigne d’un échec collectif depuis vingt à quarante ans. Ainsi, 42 % des bénéficiaires du RSA le sont toujours au bout de sept ans. C’est dramatique ! De même, seuls 40 % des allocataires du RSA sont inscrits à Pôle emploi, et 20 % ne connaissent que l’allocation, ne bénéficiant d’aucun accompagnement ou suivi personnel et social. Il faut changer les choses !

Nous n’avons pas dû assister à la même audition tout à l’heure. Le ministre a été très clair : des moyens nouveaux seront alloués à Pôle emploi pour la mise en œuvre de France Travail. D’un montant de 300 millions d’euros en 2024, 500 millions en 2025, 750 millions en 2026 puis 1 milliard en 2027, ces crédits proviendront pour partie de la subvention versée par l’État, pour partie d’une contribution financée par l’excédent de l’Unedic. Par ailleurs, 300 équivalents temps plein supplémentaires seront alloués à l’opérateur dès 2024.

Mme Monique Iborra (RE). Les propos que nous entendons ne nous surprennent pas outre mesure. Malheureusement, les orateurs de certains groupes considèrent le travail comme une punition, une exploitation, quelque chose dont il faut protéger les gens.

Chacun peut constater que les allocataires du RSA sont mal suivis. Ces personnes restent au chômage alors qu’elles pourraient sans doute trouver un emploi si elles étaient accompagnées comme il faut. Lorsque le RMI est devenu RSA, nous sommes passés de l’insertion à l’assistance, à l’accompagnement social. Cet accompagnement est nécessaire mais pas suffisant pour arriver à l’emploi. Comment voulez-vous aider et accompagner des personnes si vous ne les connaissez pas ?

Il y a quelques années, dans le cadre d’un rapport d’information sur Pôle emploi, j’ai demandé à tous les niveaux de l’opérateur combien de temps était nécessaire à un chômeur pour trouver un emploi. Tous mes interlocuteurs m’ont répondu qu’il fallait au moins un an. Nous n’en sommes plus là aujourd’hui. Donnons à Pôle emploi la possibilité de suivre des personnes que les conseils départementaux n’arrivent pas à accompagner dans le cadre du RSA.

M. Philippe Juvin (LR). Je veux poser une question de fond, philosophique. Lors de la création du RSA, Martin Hirsch avait expliqué que l’expérience d’Emmaüs – la sienne – montrait que même des personnes au parcours social très chaotique pouvaient s’en sortir par le travail à condition que l’environnement s’y prête. Le principe d’Emmaüs était précisément d’accorder une aide en contrepartie d’un travail, qu’il soit petit, moyen ou grand. Pour notre part, nous considérons le travail comme un socle de revenus, une perspective de réinsertion et le fondement philosophique de l’organisation de notre société.

S’il est très difficile de trouver un emploi quand on est à Pôle emploi, il est encore plus difficile d’en trouver un quand on n’y est pas ! Évidemment, l’inscription sur une liste ne garantit rien, mais elle stimule la démarche de réinsertion de la personne concernée, l’emploi étant la condition d’une meilleure intégration dans la société. Voilà pourquoi l’inscription automatique des allocataires du RSA sur les listes de Pôle emploi nous semble absolument indispensable à la réussite de ce projet de loi.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cette question peut être abordée de deux manières.

On peut d’abord se demander s’il est souhaitable d’inscrire sur la liste des demandeurs d’emploi toutes les personnes mentionnées à l’article 1er. Lorsque les exploitants agricoles, éligibles au RSA, subiront une mauvaise récolte, devront-ils être automatiquement inscrits à Pôle emploi ? Cela n’aurait pas beaucoup de sens. De même, faudra-t-il procéder à l’inscription automatique d’un parent isolé qui traverserait un trou d’air pendant un mois et demi ? Ce serait une perte de temps.

D’un autre côté, M. Le Gac nous explique que 300 équivalents temps plein (ETP) seront dégagés pour inclure 2 millions d’usagers dans le service public de l’emploi. Cela fait à peu près 7 000 usagers par ETP nouveau. J’entends bien que la productivité peut toujours être augmentée, mais si un agent reçoit deux demandeurs d’emploi par heure, il ne pourra rencontrer chaque usager qu’une fois tous les vingt-cinq mois. Ce niveau d’accompagnement ne me paraît pas terrible.

D’une part, votre prétention d’inclure tout le monde dans la liste des demandeurs d’emploi me semble contreproductive ; d’autre part, les moyens disponibles si vous arrivez à vos fins seront insuffisants. Voilà deux bonnes raisons de raccourcir le débat et de gagner du temps en supprimant dès à présent l’article 1er.

M. le rapporteur. L’idée est bien d’orienter les demandeurs d’emploi et de les accompagner le mieux possible afin de faciliter leur insertion professionnelle ou de lever les difficultés sociales qu’ils rencontrent. Comme nous l’avons précisé tout à l’heure en adoptant un amendement de M. Delaporte, nous parlons d’engagements réciproques. Aussi ces engagements obligent-ils celui qui aura pour mission d’accompagner – vous avez même voulu prévoir un certain nombre de peines encourues en cas de non-respect de ces obligations.

On a parfois l’impression que le RSA s’adresse aux personnes réfractaires à l’emploi. Je m’inscris en faux contre cette idée : une grande partie des allocataires du RSA souhaitent accéder à l’emploi et demandent donc des moyens supplémentaires. C’est bien ce que nous voulons faire avec ce texte – M. le ministre a détaillé tout à l’heure les moyens qui y seront consacrés.

Pierre Dharréville m’a demandé tout à l’heure quelles actions pourraient être mises en œuvre avec des moyens supplémentaires. J’ai déjà évoqué une expérimentation en cours à Tourcoing, où l’on trouve sur le même plateau un travailleur social, un coach pour l’emploi, un conseiller Pôle emploi, des partenaires de l’accompagnement, une psychologue, une assistante maternelle du service petite enfance de la ville, une puéricultrice, un chargé de relations avec les entreprises et des partenaires économiques venus aider les allocataires du RSA à rédiger un CV, les entraîner à passer des entretiens et parfois même leur proposer des offres en direct.

L’objectif est donc d’identifier, d’orienter et d’accompagner les demandeurs d’emploi. Il s’agit de lever un maximum de freins afin de permettre le retour à l’emploi des uns et des autres. Cela nécessite des moyens, et cela tombe bien car c’est aussi l’ambition de ce projet de loi.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS547 de Mme Farida Amrani et AS810 de M. Yannick Monnet

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Je m’associe aux revendications des organisations syndicales – la CGT, la CFDT et FO –, du conseil d’administration de Pôle emploi et des régions, qui se sont tous prononcés contre cet article 1er.

L’inscription automatique des bénéficiaires du RSA contrevient aux principes de notre système de protection sociale et de la solidarité nationale. Elle va à l’encontre de l’efficacité des politiques d’insertion, qui dépend de l’adhésion volontaire des individus. En instaurant un véritable chantage à l’emploi, vous allez faire exploser le non-recours et la précarité. De plus, cette inscription automatique va engendrer un afflux supplémentaire d’usagers dans des agences qui manquent déjà de moyens humains et financiers. Sans moyens supplémentaires et sans véritable accompagnement, nous ne disposons d’aucune garantie. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’inscription automatique des personnes privées d’emploi sur la liste des demandeurs d’emploi.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Monsieur le rapporteur, cela fait deux fois que vous parlez d’expérimentations menées dans différents territoires. J’y suis moi-même favorable, mais donnez-nous les moyens de les évaluer ! Si elles ne donnent lieu à aucun retour, elles relèvent de l’anecdote. Il serait plus prudent de formaliser ces expérimentations avant d’inscrire les dispositifs dans la loi.

Par ailleurs, j’ai été un peu chagriné d’entendre des élus reprocher aux départements de mal accompagner les bénéficiaires du RSA. Dois-je vous rappeler comment les conseils départementaux voient leurs budgets malmenés et quels moyens leur sont accordés ? (Protestations.) Pour les départements de droite comme de gauche, c’est très compliqué – mais puisque vous n’en gérez pas, vous ne comprenez pas !

Nos amendements visant à supprimer cette liste ne traduisent pas une position dogmatique. Quand on accompagne des personnes en difficulté, on doit suivre deux règles : pour bien accompagner, il faut bien identifier ; le meilleur accompagnement est celui qui est consenti. En inscrivant tout le monde sur une seule et même liste, quelle que soit la situation des personnes, vous allez complexifier leur identification. Si votre projet est d’instaurer un guichet unique, géré par France Travail, dites-le clairement et donnez-lui les moyens nécessaires ! Vous pourrez alors décharger un certain nombre d’organismes de leur tâche de recensement des personnes privées d’emploi. Ne vous y trompez pas : ces personnes sont connues. Elles ne demandent pas une liste unique, mais des moyens.

M. le rapporteur. Nous venons d’avoir le débat. Je suis un peu gêné par l’expression « chantage à l’emploi », qui est vraiment très éloignée des dispositions de ce texte.

Le réseau France Travail, qui réunira tous les opérateurs, mettra lui-même en place de nombreux dispositifs d’évaluation. L’idée est bien d’avoir une porte d’entrée permettant l’orientation des demandeurs d’emploi la plus efficace qui soit.

Étant moi-même conseiller départemental, je serais mal placé pour faire un procès aux départements ! Je rappelle en outre que ce texte prévoit des moyens que M. le ministre a précisés tout à l’heure afin d’accompagner la montée en charge de France Travail.

J’ai rencontré lundi dernier un allocataire du RSA qui sortait de prison. Il était reclus chez lui, parce qu’il ne se sentait pas apte à se reconnecter à la société. Ayant bénéficié d’un accompagnement grâce à l’inscription automatique, il a commencé un travail mardi, et je pense qu’il nous en remercie.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Pourquoi ne pas avoir présenté un projet de loi-cadre, qui aurait prévu les moyens nécessaires aux agents du service public que vous voulez créer ? La mise en place de ce service public, qui est pour l’instant une usine à gaz, suppose en effet un changement assez substantiel du travail des agents de Pôle emploi, qui sont déjà à bout ! Mais vous ne tenez pas compte de leurs difficultés et ne prenez pas en charge leur souffrance.

S’agissant des départements, je suis complètement ahurie. Élue de Seine-Saint-Denis, je porte peut-être un regard un peu particulier sur cette question, mais j’ai vu les conseils départementaux subir l’explosion des dépenses liées au RSA alors que l’État n’a pas tenu sa promesse de compenser le transfert de compétence en tenant compte de cette montée en puissance au lieu de le faire en fonction des dépenses constatées précédemment. La parole de l’État a été complètement malmenée. C’est un scandale dont vous êtes en partie responsables.

J’entends ce que vous dites à propos des expérimentations, mais les départements ont un savoir-faire dans ce domaine. Ils connaissent les problèmes. Il aurait fallu s’appuyer sur eux pour imaginer un nouveau dispositif.

Au-delà de Pôle emploi, vous méprisez tous les fonctionnaires, tous les agents des services publics de notre pays. La valeur du point d’indice est gelée depuis 2010 et le petit dégel récent ne compense même pas l’inflation. Entre 2009 et 2019, les salaires ont augmenté de 13,1 % dans le secteur privé alors qu’ils ont stagné dans le public. Je déplore votre mépris et votre absence de reconnaissance envers ces agents. Je m’exprime peut-être un peu vivement, mais la Macronie comme les droites ont lancé une véritable offensive contre les services publics – et je ne parle même pas de votre souhait de faire travailler les allocataires. Nous ne vous faisons aucunement confiance et refusons de vous signer un chèque en blanc pour créer ce nouveau service public, qui aurait dû faire l’objet d’une loi-cadre.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). M. Le Gac a sous-entendu que certains d’entre nous pensaient que tout allait bien. En réalité, je pense que cela va très mal et que la majorité porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Nous ne sommes pas d’accord avec vos propositions, qui ne répondent pas aux enjeux et posent un certain nombre de problèmes. Il faudrait s’y prendre autrement. Du reste, certaines mesures prises par le Gouvernement et la majorité ont fabriqué de nouveaux bénéficiaires du RSA – je pense aux deux réformes de l’assurance chômage adoptées ces derniers mois.

Concrètement, monsieur le rapporteur, quelle sera la portée des décisions annoncées visant à augmenter les moyens humains dédiés à l’accompagnement ? Le ministre a cité certains chiffres, mais Sophie Taillé-Polian a relevé que le projet de loi de finances ne prévoyait aucune augmentation du plafond d’emplois de Pôle emploi. Il faudrait donc clarifier les choses.

Enfin, les organisations syndicales redoutent que le surcroît d’activité soit en partie absorbé par un recours à des services privés. Qu’en sera-t-il précisément ?

M. Erwan Balanant (Dem). Pendant dix ans, j’ai présidé une association d’insertion. Avec les bénévoles et les travailleurs sociaux, nous avons accompagné un certain nombre de personnes vers le retour à l’emploi. Nous avons connu des échecs et des succès, mais une chose est sûre : jamais les personnes très éloignées de l’emploi ne retrouvent un travail sans accompagnement. Cela rejoint la philosophie d’Emmaüs, qu’a évoquée M. Juvin, et de l’abbé Pierre : « tu participes, on va t’aider ». Certes, tout le monde n’est pas capable de travailler tout de suite. Je connais même des personnes incapables d’aller voir une assistante sociale qui les aiderait à trouver un logement. Il faut donc aller chercher ces personnes très éloignées du système et les accompagner. Leur inscription automatique sur la liste des demandeurs d’emploi faciliterait les choses. Je ne comprends pas que votre philosophie humaniste de gauche ne vous incite pas à aller chercher tout le monde. Telle est pourtant notre volonté.

Vous avez dit au rapporteur que vous aimeriez voir le résultat des expérimentations menées. Au-delà des expérimentations récentes conduites avec les départements, je salue les associations, les membres du réseau Coorace et toutes les structures qui, depuis des années, font de l’accompagnement. Nous savons que cela fonctionne.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je me réjouis de vous entendre reconnaître le travail réalisé par l’ensemble des associations qui œuvrent en faveur de l’insertion, mais vous feriez bien aussi de les écouter. Puisque nous menons des auditions depuis trois semaines, je peux vous dire qu’elles s’inquiètent beaucoup du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.

Vous vous félicitez des moyens annoncés par le ministre il y a seulement une demi‑heure. Vous nous dites que 1 milliard d’euros supplémentaires seront affectés à France Travail à l’horizon 2027. Très bien ! Mais ce n’est que le dixième de ce qui serait nécessaire dès l’année prochaine pour assurer un accompagnement de qualité. Par ailleurs, ces moyens ne sont mentionnés ni dans les documents budgétaires ni dans les débats au Sénat. Comment voulez-vous discuter sérieusement ?

Certains allocataires du RSA me disent qu’ils sont totalement perdus, qu’ils ont été radiés ici ou là et qu’ils ne comprennent rien. Vous voulez les inscrire automatiquement à Pôle emploi. Réfléchissons aux conséquences : en tant que demandeurs d’emploi, ils devront se conformer à des obligations, sous peine d’être radiés et de se voir couper le RSA. Allez voir ce qui se passe dans les commissions pluridisciplinaires : quand Pôle emploi notifie au département qu’une personne n’a pas respecté son contrat d’engagement réciproque, l’allocataire perd le bénéfice du RSA. Aussi l’inscription automatique générera-t-elle également de la radiation quasi automatique.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Apparemment, pour se faire entendre, il faut utiliser des arguments d’autorité. Pour ma part, je n’ai pas présidé pendant dix ans une association d’insertion, mais j’ai été éducateur de rue. J’ai donc accompagné de nombreuses personnes dans toutes les structures dont nous parlons. À aucun moment Pôle emploi ou les services du département n’ont préconisé l’inscription de ces personnes sur une seule et même liste. Ils expliquent au contraire qu’il est difficile d’accompagner les personnes lorsqu’elles ne sont pas correctement identifiées – ce qui advient lorsqu’elles sont toutes rassemblées sur une seule liste.

Ce que demandent les salariés de Pôle emploi que nous recevons dans nos permanences et que nous accompagnons parfois, ce sont des moyens supplémentaires. Combien de fois n’avez-vous pas écrit à Pôle emploi pour demander une meilleure prise en compte de la situation des demandeurs d’emploi ? Les moyens annoncés ne sont pas tout à fait à la hauteur. Un rapport de préfiguration a estimé les besoins entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros pour la période 2024-2026. Le ministre n’a peut-être pas donné tous les chiffres mais, a priori, le compte n’y est pas !

Mme Christine Le Nabour (RE). Toutes les mesures contenues dans ce projet de loi visent à répondre à des attentes. Nous ne pouvons nous satisfaire d’une situation où les gens sont mal accompagnés ou ne le sont que huit mois après le versement de la première prestation – ils ont alors le temps d’être complètement désocialisés et de tomber dans l’oubli ! Plus ils attendent, plus ils auront du mal à retrouver le chemin de l’emploi. Je ne critique pas les agents chargés d’assurer cet accompagnement, je dresse simplement un constat sur lequel nous pouvons tous nous retrouver.

Nous n’avons pas tout essayé. Les dispositions proposées dans ce texte n’ont pas été sorties du chapeau. Des expérimentations ont été menées dans le cadre du service public de l’insertion et de l’emploi ; elles ont fait l’objet d’une évaluation que je vous invite à lire. Je vous renvoie aussi au rapport de préfiguration rédigé à l’issue d’une concertation de plusieurs mois avec tous les acteurs du secteur.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Être de gauche, ce n’est pas simplement aller chercher tout le monde : c’est aussi promouvoir la liberté de choix et la dignité.

Vous présentez l’inscription automatique comme une baguette magique ou une incantation qui va tout résoudre. Ce n’est pas le cas ! Ce dont nous avons besoin, nous le savons, c’est de plus de moyens. Vous annoncez des moyens financiers, ce qui est très bien, mais vous n’attirerez personne sans une vraie revalorisation de la profession des travailleurs sociaux. Les bénéficiaires du RSA ont besoin de trouver face à eux des êtres humains ; ils veulent un accompagnement humain et bienveillant. Sans cela, toutes vos annonces retomberont comme un soufflé. Vous avez de bonnes intentions, mais pas les moyens ni la méthode pour les mettre en œuvre. Les expérimentations sont parfois concluantes – je le souligne volontiers –, mais nombre d’entre elles s’achèveront fin 2023 : nous ne disposerons donc pas d’une réelle évaluation avant 2024. Les territoires eux-mêmes, comme la métropole de Lyon, sont consternés de voir que vous mettez la charrue avant les bœufs, que vous avancez sans suivre une bonne méthode ni disposer des résultats des expérimentations. Comme pour les réformes de l’assurance chômage et des retraites, vous avez un problème de méthode dans votre rapport au travail. C’est aussi cela que nous voulons dénoncer.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Nous convenons tous qu’il est nécessaire que chacun soit accompagné. Cependant, vous proposez d’accompagner en tant que demandeurs d’emploi des personnes qui ne le sont pas forcément.

Pôle emploi n’est même pas en mesure d’accueillir le volume actuel de ses usagers. La Dares estime ainsi qu’entre 300 000 et 400 000 emplois sont aujourd’hui vacants ; or les demandeurs d’emploi sont bien plus nombreux. Lorsque j’ai visité une agence Pôle emploi, tous les salariés m’ont accueilli avec un petit pin’s et m’ont donné des chiffres censés prouver que tout allait bien ; ce n’est qu’en échangeant avec les syndicats que nous avons appris que chaque conseiller gérait un portefeuille de 300, 700 ou 1 000 personnes. Il y a un décalage entre vous et nous : alors que nous avons parlé aux salariés, vous vous êtes contentés d’écouter la communication de Pôle emploi.

Si vous voulez vraiment que les personnes soient accompagnées correctement, il faut y consacrer les moyens nécessaires. Or le plafond de dépenses prévu pour la mission Travail et emploi dans le projet de loi de finances pour 2024 est en baisse : il correspond à la situation actuelle. Comprenez donc notre inquiétude ! Le dispositif que vous souhaitez mettre en place va davantage radier des bénéficiaires du RSA que les accompagner véritablement, du fait d’un manque de personnel et parce que vous donnerez la qualité de demandeur d’emploi à des individus qui n’en sont pas réellement.

M. le rapporteur. L’article L. 262-28 du code de l’action sociale et des familles dispose déjà que le bénéficiaire du RSA est tenu de rechercher un emploi. Nous n’inventons rien, nous n’ajoutons rien !

Le fait d’avoir une seule liste permettra évidemment une meilleure identification des demandeurs d’emploi. L’objectif est aussi de travailler en réseau : nous pourrons mettre autour de la table tous les acteurs potentiels des champs de l’insertion, de l’accompagnement vers l’emploi et de la formation.

S’agissant enfin du budget, un rapport de préfiguration a effectivement évalué les besoins entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros à l’horizon 2027. Vous pourrez relire les propos tenus par le ministre au Sénat à ce sujet. Je reprendrai pour ma part les chiffres qu’il a cités tout à l’heure : si l’on ajoute 300 millions en 2024, 500 millions en 2025, 750 millions en 2026 et 1 milliard en 2027, on obtient bien un montant compris entre 2,3 et 2,7 milliards.

La commission rejette les amendements.

 

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2.   Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 21 heures (article 1er [suite])

Au cours de sa seconde réunion du lundi 18 septembre 2023, la commission poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528) ([372]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Cet après-midi, nous avons examiné 14 amendements en une heure et demie et il nous en reste 1 108. Je vous propose donc que l’on s’en tienne désormais à une seule prise de parole par groupe sur chaque amendement et je vous invite tous à être le plus concis possible.

Article 1er (suite) : Mieux orienter et accompagner les demandeurs d’emploi

Amendements AS812 de M. Yannick Monnet et AS1392 de M. Paul Christophe (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il importe que l’expression « en qualité de demandeur d’emploi » soit maintenue dans le code du travail.

Nous avons déjà eu ce débat tout à l’heure mais nous n’avons pas encore évoqué la position des employeurs. Or ce qu’ils nous disent, c’est que Pôle emploi leur envoie souvent des gens qui ne correspondent pas au poste proposé, dont ce n’est pas le métier ou qui ne recherchent pas vraiment un emploi. Le problème de votre liste, c’est qu’elle va diluer encore davantage les demandes et complexifier le travail d’accompagnement. La notion de demandeur d’emploi doit être maintenue, car c’est une démarche qui doit rester volontaire pour être efficace.

M. Paul Christophe, rapporteur pour les titres Ier et II. L’un des objectifs de ce projet de loi est précisément de rapprocher Pôle emploi, demain France Travail, des entreprises, en particulier de celles de moins de cinquante, voire de moins de dix salariés, qui sont les plus nombreuses. Il s’agit notamment de les aider à rédiger leurs offres d’emploi, afin de les rendre plus explicites.

Vous souhaitez préciser que les personnes inscrites sur la liste ont la qualité de demandeur d’emploi. La portée de cette précision me semble assez limitée. La référence à la liste des demandeurs d’emploi existe déjà à l’article L. 5411-1 du code du travail et nous légiférons à droit constant sur ce point.

J’émettrai donc sur votre amendement un avis défavorable. Quant au mien, il est rédactionnel.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Cet après-midi, on nous a expliqué que tout le monde devait être inscrit sur cette liste et que s’appliqueraient, par la suite, des principes d’exclusion. Si je comprends bien, il y aura donc une liste unique des demandeurs d’emploi et une sous-liste de ceux qui, parmi eux, recherchent vraiment un emploi. On pourrait peut-être réserver la qualification de demandeur d’emploi à ces derniers.

Successivement, la commission rejette l’amendement AS812 et adopte l’amendement AS1392.

Amendements identiques AS1456 de M. Paul Christophe, AS1248 de Mme Michèle Peyron et AS1263 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. Il s’agit de revenir à l’intention initiale du Gouvernement d’opérer une véritable transformation du service public de l’emploi en changeant la dénomination de son opérateur principal, Pôle emploi, qui deviendrait France Travail. Des amendements similaires seront présentés tout au long du texte, mais il me semble important d’avoir un débat serein à ce sujet dès l’article 1er.

Loin de constituer un simple marqueur symbolique, le changement de dénomination que nous vous proposons accompagnera la réforme en profondeur du service public de l’emploi portée par ce projet de loi, à l’attention de ses usagers et de l’ensemble de nos concitoyens. La marque France Travail permettra de mieux identifier la nouvelle approche du réseau dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi et d’acter le positionnement de son principal opérateur, chargé de la production d’un patrimoine commun à la disposition de tous les membres.

Nous avons toutefois entendu les critiques de ceux qui craignent que le fait de donner le même nom au réseau et à l’opérateur soit une source de confusion. Si nous restons convaincus que le fonctionnement en réseau, avec un opérateur en charge du patrimoine commun, est essentiel au succès de la réforme, nous avons souhaité trouver un terrain d’entente avec les sénateurs. Aussi, des amendements viendront, par la suite, supprimer la dénomination de France Travail pour ce qui deviendra le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, en charge de la gouvernance du service public de l’emploi dans sa globalité et à tous les échelons territoriaux.

Pôle emploi, en revanche, deviendra bien France Travail, et constituera l’acteur central d’un service public de l’emploi rénové. Je suis évidemment favorable aux amendements identiques au mien.

Mme Michèle Peyron (RE). Notre amendement vise à rétablir le changement de dénomination de Pôle emploi en opérateur France Travail.

Ce changement de dénomination est un marqueur fort de la transformation attendue de l’opérateur, dans son offre d’accompagnement en direction des demandeurs d’emploi et des entreprises, et dans son positionnement au sein des acteurs de l’insertion et de l’emploi. Conformément aux préconisations du rapport Guilluy, il se verra confier de nouvelles missions, « pour le compte de tous et en lien avec tous », et en appui de la nouvelle gouvernance. Pour éviter toute confusion, il est proposé parallèlement que le réseau mis en place par le projet de loi soit le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, et les comités nationaux, régionaux, départementaux et locaux, les comités de l’insertion et de l’emploi.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le nouveau réseau sera donc le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, le Rail – et pourquoi pas France Rail pour la SNCF ?

Vous admettez qu’il pourrait y avoir une confusion si l’opérateur et le réseau portent le même nom et vous cherchez une solution, mais vous continuez de vouloir changer le nom de Pôle emploi en France Travail. Je passe sur le coût d’une telle mesure – 2 ou 3 millions d’euros – car je veux surtout m’attacher aux mots. L’une des promesses de campagne du Président de la République était de remettre les allocataires du RSA au travail et c’est ce que vous essayez de faire avec ce texte. Nous, nous voulons leur donner un emploi, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, et cela justifie que l’on conserve le nom de Pôle emploi : il n’est peut‑être pas idéal, mais il est bien identifié et il importe de maintenir une certaine stabilité. Si vous estimez que Pôle emploi ne fait pas bien son travail, ce n’est pas en changeant son nom que vous changerez les choses. Nous, nous considérons que ses agents font du mieux qu’ils peuvent, avec les faibles moyens qui sont les leurs.

Enfin, l’inscription des allocataires du RSA à France Travail marque le passage de la logique du wellfare à celle workfare, comme cela s’est passé au Royaume‑Uni, quand on s’est mis à conditionner le versement de l’allocation à l’exercice d’un travail. Inscrire les allocataires à France Travail, cela revient, de fait, à conditionner les allocations à l’emploi. On perd totalement la dimension de l’insertion sociale, qui était au fondement de la logique du RMI, puis du RSA. Le groupe socialiste est fondamentalement hostile à France Travail et c’est pourquoi nous voterons contre ces amendements.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La première version du texte avait été très critiquée au Sénat et vous dites avoir trouvé une forme d’arrangement avec la majorité sénatoriale, mais ce que vous proposez à présent est assez incompréhensible. Au moins, dans la version initiale, vous cherchiez à identifier un ensemble et à donner de la force à une nouvelle entité, ce qui n’est plus le cas ici. En voulant démêler des nœuds, vous en avez fait d’autres.

Il n’est absolument pas nécessaire de changer le nom de Pôle emploi pour y faire des transformations de fond. Tout ce que vous faites, c’est une opération de communication, qui va coûter beaucoup d’argent. Et après, vous allez nous demander de faire des économies : vous devriez mettre cet argent ailleurs. Enfin, et je l’avais dit à Thibaut Guilluy à l’époque, je ne suis pas certain que le nom de France Travail soit très bien trouvé, car c’est bien d’emploi qu’il s’agit – le travail étant une notion beaucoup plus large.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je confirme que donner le même nom au tout et à la partie, à l’opérateur et au réseau, ne peut que créer des confusions. Les gens vont recevoir des courriers émanant de France Travail : comment sauront-ils qui les leur adresse ? J’imagine aussi les réunions qui auront lieu entre différents acteurs de France Travail : dans les comptes rendus, on lira que France Travail a fait telle proposition, mais que France Travail a exprimé son désaccord... Tout cela n’a aucun sens !

Par ailleurs, je trouve étrange que vous utilisiez le terme « marque » à propos de France Travail : on parle de marques lorsqu’il y a un marché et de la concurrence, ce qui n’est pas le cas ici. Et s’il n’y a pas de concurrence, pas d’alternative, alors on est en situation de monopole.

Bref, je ne crois pas tellement à ce changement de nom, qui va coûter très cher pour rien. Vous dites, dans votre exposé sommaire, qu’il s’agit de « mobiliser les équipes de l’opérateur autour d’un nouveau projet ». Je sais que changer de nom pour créer un nouveau projet, c’est la stratégie de feu En Marche, mais je ne suis pas sûr que les conseillères et les conseillers du service public de l’emploi aient besoin d’une telle dynamique. Il y aurait bien d’autres projets beaucoup plus intéressants à leur proposer.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Vous mettez beaucoup d’énergie à défendre ce changement de nom, alors qu’il ne sera d’aucun bénéfice pour les personnes concernées. Ce n’est pas un nom, aussi bien choisi soit-il, qui fait la qualité d’un service. On peut rebaptiser Pôle emploi comme on voudra, France emploi, Mission carrière ou Boulot loto, cela reviendra au même. Le vrai sujet, c’est le taux d’encadrement, le nombre de conseillers mis à disposition pour accompagner véritablement ceux qui sont à la recherche d’un emploi. Il faut qu’ils soient en nombre suffisant pour offrir un suivi qualitatif et régulier. Les demandeurs d’emploi ne sont pas des numéros, mais des citoyens avec des parcours spécifiques et des besoins individuels. Il y a aussi la question du budget : la part consacrée à l’insertion est passée en vingt ans de 20 % à 7 % au sein du budget dédié au RSA.

Les personnes qui sont éloignées de l’emploi le sont souvent aussi de nos services publics. Elles n’ont pas besoin que l’on change leur nom ; elles ont besoin de les identifier clairement et d’en recevoir un accompagnement qualitatif. Si vous travaillez à fond sur la qualité des services et l’accompagnement, je peux vous faire une campagne de sensibilisation dont le slogan serait « Tout change, sauf le nom ! » Vous verrez que les gens seront fiers de leur service public de l’emploi et que cela fonctionnera.

Vous ne parlez que du nom, mais qu’en est-il de votre vision stratégique ? Envisagez‑vous une réorientation claire, qui aille au-delà du court terme, qui anticipe les mutations du marché du travail et qui prépare nos concitoyens aux métiers de demain ?

M. Marc Ferracci (RE). Lorsque nous l’avons auditionné, le directeur général de Pôle emploi, M. Jean Bassères, nous a dit que ce changement de nom est attendu par le personnel. Il accompagnera des changements assez profonds, touchant par exemple à la gestion des processus internes ou à celle des ressources humaines. Celles et ceux qui ont eu à gérer des organisations savent qu’un changement de nom a de l’importance : il ne s’agit en aucun cas d’une opération de communication.

Monsieur Delaporte, vous avez évoqué le passage au workfare, qui a effectivement eu lieu au Royaume-Uni, et qui consiste à conditionner le bénéfice des allocations au fait de travailler. Vous avez raison de dire que le workfare ne marche pas – des évaluations l’ont montré –, mais vous avez tort d’assimiler notre projet à cette démarche, car les heures d’activité qui vont être demandées aux bénéficiaires du RSA ne sont ni des heures de travail gratuit, ni des heures de bénévolat. Il faut arrêter avec cette petite musique qui consiste à dire que l’on va faire travailler les gens gratuitement : ce n’est pas la philosophie de ce projet de loi.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Ce n’est pas le nom qui fait une marque, mais les hommes qui travaillent pour elle. Pôle emploi est beaucoup critiqué, mais son personnel fait tout ce qu’il peut avec les moyens qui sont les siens.

On estime qu’il faut cinq ans pour que les gens intègrent un changement de nom et, aujourd’hui encore, certains continuent de parler de l’ANPE, qui a pourtant disparu il y a plus de quinze ans. Ce changement de nom ne servira à rien. Ce qui aurait été utile, c’est de regrouper tout le monde sous une seule enseigne et de créer un maillage territorial garantissant davantage de proximité, mais ce n’est pas ce que vous faites avec France Travail, qui ne fera que réunir les acteurs existants au sein d’une nébuleuse. Les gens qui vivent dans des villes de moins de 10 000 habitants devraient avoir un interlocuteur sur place et ne pas avoir à se déplacer en train ou en voiture, voire à se faire conduire à leur rendez-vous par un ami. Voilà de vrais problèmes de terrain, des problèmes que rencontrent les gens dans les zones rurales. Or votre projet de loi ne les prend absolument pas en compte.

M. Philippe Juvin (LR). Que l’on choisisse un nouveau nom pour décrire ce que l’on fait, pour incarner une action politique, cela peut sembler logique. Que ce nom fasse expressément référence au travail, cela paraît logique aussi. En revanche, je ne vois pas en quoi ce changement de nom serait, à lui seul, un « marqueur fort », pour reprendre les mots de Michèle Peyron. Un changement de nom ne saurait être l’alpha et l’oméga d’une politique. Pour l’heure, nous sommes un peu dubitatifs et nous nous abstiendrons donc sur ces amendements.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis tout à fait favorable à ce que Pôle emploi devienne France Travail. En revanche, je ne comprends pas bien ce qui justifie que le réseau perde cette dénomination, qui lui aurait donné de la cohérence. Pour les travailleurs handicapés, par exemple, on aurait eu France Travail du handicap, une dénomination plus claire que l’actuel Cap emploi, que les personnes concernées – après une maladie, un accident, ou du fait de l’usure au travail – ne connaissent pas toujours. Parler du « réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi », c’est donner une description plus fine de la réalité, mais je trouve qu’on perd en cohérence.

M. François Gernigon (HOR). Être tous rassemblés sous le même toit n’est pas le souhait des acteurs de l’emploi. J’ai rencontré la direction de Pôle emploi dans ma circonscription, et les missions locales, et j’ai constaté que chacun a une mission spécifique et un degré de proximité différent avec les demandeurs d’emploi. Les missions locales sont beaucoup plus proches des personnes éloignées de l’emploi et beaucoup plus aptes que Pôle emploi à les ramener vers l’emploi, grâce à un suivi social. Il importe donc de bien distinguer ces acteurs, de conserver la spécificité de chacun et de ne pas tous les mettre sous le même toit.

M. le rapporteur. Je rejoins M. Gernigon : chaque acteur tient à garder sa spécificité. Notre idée, du reste, n’était pas de tous les écraser sous l’étiquette France Travail.

Je maintiens que changer le nom de l’opérateur, c’est lui donner plus de visibilité. C’est une nouvelle promesse faite à la fois aux citoyens et aux entreprises. Nous voulons rapprocher France Travail des entreprises : aujourd’hui, seul un quart d’entre elles sollicite Pôle emploi pour qu’il diffuse ses annonces d’offres d’emploi.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS883 de Mme Mathilde Hignet

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Il s’agit d’un amendement de repli, car nous nous opposons à ce que les bénéficiaires du RSA soient automatiquement inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi. Vous ne parlez que de France Travail mais vous ne dites rien de la situation du travail en France. Or, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), il n’y aurait que 355 000 emplois vacants en France, pour 5 millions de chômeurs – c’est le chiffre du rapport Guilluy. Alors que les salariés des maisons locales et les employés de Pôle emploi ont déjà du mal à gérer leur portefeuille, vous allez leur envoyer encore plus de personnes, qui ne sont pas forcément des demandeurs d’emploi.

Si encore vous nous disiez que vous allez créer des emplois et relancer l’activité économique... Mais il faut voir ce qu’est la réalité du pays : un Français sur cinq finit le mois à découvert ; 16 % des Français se privent régulièrement de médicaments ; 11 % ont des difficultés à payer leur loyer et 15 % à payer leurs factures d’énergie... Nous ne sommes pas dans un grand moment de prospérité économique. Par conséquent, j’ai du mal à comprendre comment vous comptez mettre toute la France au travail, alors que l’on compte déjà 2 millions de travailleurs précaires et qu’il y a seulement 355 000 emplois vacants pour 5 millions de chômeurs. On a compris que vous comptiez sur le changement de nom pour insuffler une nouvelle dynamique, mais la vérité, c’est que les salariés de Pôle emploi manquent de moyens.

M. le rapporteur. Tel qu’il est rédigé, votre amendement exclut de la liste des demandeurs d’emploi les personnes en recherche d’emploi inscrites volontairement, les bénéficiaires du RSA et les personnes suivies par Cap emploi, pour ne garder que les jeunes en recherche d’emploi. Je crois que ce n’est pas exactement ce que vous souhaitez et je vous donne rendez-vous à l’alinéa 7, relatif aux jeunes suivis par les missions locales, où je pense que nous pourrons trouver un point de convergence.

Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à ma question.

M. le rapporteur. Nous sommes là pour examiner les amendements déposés sur le texte : j’ai donné mon avis sur le vôtre, que vous n’avez même pas défendu. La Dares, que vous citez, estime que, compte tenu de l’évolution démographique de la France, qui est plutôt négative, nous aurons 100 000 emplois de plus à pourvoir chaque année. Vous pouvez intégrer cette donnée à votre expertise.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS63 de M. Arthur Delaporte, AS465 de Mme MarieCharlotte Garin, AS535 de M. Hadrien Clouet, AS811 de M. Pierre Dharréville et AS993 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous demandons la suppression de l’alinéa 6, qui prévoit l’inscription automatique à France Travail des personnes faisant une demande de RSA, ainsi que de leur conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacs. Cette disposition est pour le moins problématique. À titre personnel, je serais favorable à une déconjugalisation et à une défamilialisation du RSA mais, quoi qu’il en soit, la conjugalisation de la ressource n’implique pas une conjugalisation des droits et des devoirs, en particulier de l’obligation d’insertion, qui pèsera forcément sur les personnes inscrites comme demandeurs d’emploi. Il y a là une vraie incohérence : on va imposer à des individus qui n’ont rien demandé les obligations qui pèsent sur la personne qui aura fait la demande.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous demandons la suppression de l’inscription automatique à France Travail des personnes faisant une demande de RSA, ainsi que de leur conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacs. Cette mesure revient à considérer que les bénéficiaires du RSA et leur partenaire sont de facto des chômeurs, ce qui n’est pas nécessairement le cas. Elle risque de renforcer la stigmatisation des bénéficiaires du RSA en les présentant implicitement comme des personnes oisives, en marge de la société. Elle pourrait aussi mettre sous pression des personnes qui ne sont pas en mesure de travailler pour des raisons diverses – santé, responsabilité familiale, formation, etc.

Prenons garde à l’automatisation des décisions qu’implique l’utilisation d’algorithmes. Il faut garder de l’humain pour éviter les situations absurdes qui conduisent trop souvent à de la maltraitance institutionnelle. De nombreuses associations nous ont alertés sur ce point, notamment le Secours catholique. Le principe même de l’inscription automatique d’individus à un service public sans leur consentement préalable est problématique et remet à nouveau sur le tapis la question du choix et de la dignité. Nous craignons que France Travail ne devienne France Trafic et que l’État ne dirige des vies sans le feu vert des citoyens.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Par l’amendement AS535, nous demandons la suppression de l’alinéa 6, car les personnes que vous inscrirez à France Travail ne bénéficieront d’aucun droit, ni d’aucun accompagnement supplémentaire. En revanche, elles subiront davantage de contrôles.

Le Gouvernement nous dit que seuls 40 % des allocataires du RSA sont inscrits à Pôle emploi, sous-entendant que les 60 % restants ne voudraient pas travailler et ne seraient soumis à aucune obligation, ni aucun suivi, ce qui n’est pas vrai : 83 % des allocataires bénéficient d’une orientation et 98 % sont soumis aux droits et devoirs, soit environ 2 300 000 personnes. Si des allocataires ne sont pas inscrits à Pôle emploi, ce n’est pas par manque de motivation, mais parce qu’une décision d’orientation a estimé qu’ils ne sont pas capables d’entamer une recherche active d’emploi.

Entendez le collectif Alerte et les trente-quatre fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion qui vous demandent de renoncer à cette inscription automatique à Pôle emploi des allocataires du RSA et, a fortiori, de leurs conjoints. Arthur Delaporte a raison, il faut mener bataille pour la déconjugalisation. Par ailleurs, cette mesure laisse sous-entendre que les allocataires du RSA ne font rien de leur journée, alors qu’ils travaillent : ils s’occupent de leurs enfants, de leurs petits-enfants ou d’autres personnes, ils sont bénévoles.

Le taux de chômage est tel que vous ne leur permettrez pas d’accéder à un emploi, mais vous allez les soumettre à un flicage généralisé. L’urgence, face à la pauvreté, c’est d’augmenter les minimas sociaux et le RSA, parce qu’on ne peut pas vivre avec 607,75 euros par mois. Or la Première ministre a annoncé ce soir qu’il n’y aurait pas un centime de plus !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il importe d’améliorer l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, mais ce n’est pas leur inscription automatique à France Travail qui le permettra. En le mettant sur le même plan que l’assurance chômage, vous détournez le sens même du RSA, qui est un revenu solidaire et minimal garanti aux personnes les plus précaires. Vous faites primer ce que certains appellent l’employabilité sur la situation sociale et les besoins de chacun. Le projet de loi prévoit en outre que le conjoint, le concubin ou le partenaire lié au bénéficiaire du RSA par un pacs soit également inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi, ce qui est très intrusif et va astreindre ces personnes aux mêmes obligations d’insertion socioprofessionnelle que le bénéficiaire lui-même, en raison de leurs liens avec lui ou elle.

La Défenseure des droits a noté que l’on peut s’interroger sur la pertinence d’une insertion contrainte, qui « risque d’être contreproductive et de constituer une ingérence nonadaptée au droit au respect de la vie privée des bénéficiaires du RSA et de leurs proches ».

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). J’entends la conjugalisation du RSA s’agissant des revenus, mais je ne comprends pas la nécessité de faire apparaître le conjoint en tant que demandeur d’emploi. Une enseignante qui vit avec un allocataire du RSA serait donc inscrite comme demandeuse d’emploi ? J’ai besoin de précisions.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Le code de l’action sociale et des familles dispose que le bénéficiaire du RSA est tenu de rechercher un emploi. Aux termes de ses articles L. 262-28 et L. 262-27, « les mêmes droits et devoirs s’appliquent au bénéficiaire et à son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité, qui signent chacun le projet ». Ce n’est pas nouveau.

L’obligation ne s’applique pas à partir du moment où le conjoint peut justifier d’un revenu supérieur à 500 euros. L’enseignante, même à mi-temps, sera exonérée de cette obligation. Il ne faut pas tomber dans la caricature. L’intérêt de cette inscription est de mieux identifier et mieux orienter les personnes. Elle ne dispense pas non plus de l’accompagnement social, comme on a pu l’entendre. Il ne s’agit pas d’ajouter une nouveauté ; il s’agit de transposer le droit existant.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS537 de M. Hadrien Clouet et AS67 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Depuis plusieurs heures, nous nous triturons les méninges pour savoir comment forcer les plus précaires et les plus pauvres à être inscrits sur des listes de demandeuses et demandeurs d’emploi, avec les obligations afférentes. Nous pourrions revenir à la raison et considérer que les parents isolés ou les agriculteurs, par exemple, méritent une exemption, ce qui offrirait une vision plus fine des besoins des personnes. Mais si, vous prenant au sérieux, nous décidions de faire de toutes les personnes inoccupées des demandeuses et demandeurs d’emploi, il manquerait une partie de la population, que certains ici connaissent bien : les rentiers.

Soyons cohérents, même si des personnes « se gavent » sans avoir d’activité professionnelle, elles peuvent se rendre utiles au pays et à la société en étant inscrites comme demandeurs et demandeuses d’emploi. Nous vous proposons donc que toute personne sans activité professionnelle, dont les revenus et rentes de toute nature atteignent 10 000 euros bruts mensuels, découvre le travail et se rende utile à la société.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de respecter un droit constitutionnel que constitue le libre choix d’un parcours social. Lorsque l’on s’inscrit pour bénéficier du RSA, on sait qu’il y aura un accompagnement, mais on ne cherche pas nécessairement à être inscrit à Pôle emploi. Nous souhaitons que la personne soit consentante et demande elle-même son inscription, en répondant à une question dans le formulaire d’inscription au RSA. On peut supposer que les personnes qui veulent retrouver un emploi cocheront la case.

Ainsi, on respecterait une préconisation essentielle de la Défenseure des droits, qui estime dans son avis que « l’efficacité d’une politique d’insertion à destination des publics les plus vulnérables est en grande partie dépendante de l’adhésion volontaire des individus aux parcours proposés par les pouvoirs publics. Une insertion contrainte – ce qui est le cas en l’état du texte – risque d’être contreproductive et de constituer une ingérence non-adaptée au droit au respect de la vie privée des bénéficiaires du RSA et de leurs proches. »

M. le rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements.

La provocation du premier me permet de rappeler qu’à partir d’un revenu de 500 euros, les conjoints de bénéficiaires du RSA ne seront pas concernés par l’inscription.

Pour ce qui concerne le second, l’ambition du projet de loi est de proposer un accompagnement adéquat à l’ensemble des bénéficiaires du RSA. Il serait donc dommage de restreindre l’inscription.

M. Thibault Bazin (LR). D’un côté comme de l’autre, on tombe parfois dans la caricature. Ce qui est visé, c’est l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA. Une personne qui gagne plus de 10 000 euros par mois n’a pas droit au RSA, me semble-t-il. Il serait plus sérieux de trouver les voies et moyens d’améliorer l’insertion. On sait que l’absence de conjoint pose des difficultés, notamment en matière de garde d’enfant. Mais les aidants aussi, par exemple, sont souvent obligés d’arrêter une activité. La notion de couple peut donc être intéressante pour l’accompagnement.

M. Arthur Delaporte (SOC). Monsieur le rapporteur, ne vous arrêtez pas à l’avis favorable que vous avez donné au premier amendement !

On touche là le cœur du problème, et je comprends que vous vous arc-boutiez sur ce principe, puisqu’il faut mettre tout le monde au travail. Or le ministre a dit tout à l’heure que celles et ceux qui bénéficieront d’un accompagnement, et d’une inscription automatique à France Travail, ne seront pas tous employables directement. Ils auront pourtant été inscrits directement. Il y a une incohérence fondamentale entre le discours ministériel reconnaissant – et vous-même l’avez dit – les freins périphériques qui empêchent le retour direct à l’emploi, auxquels il ne faut pas renoncer à remédier, et l’inscription automatique. Pourquoi ne pas demander leur consentement aux acteurs ? Je vois là le symbole de votre politique, qui engendre l’infantilisation et finalement le mépris des allocataires du RSA, auxquels vous niez la capacité de choisir de manière libre et éclairée leur parcours d’orientation.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Monsieur Bazin, l’amendement de M. Clouet a bien révélé des caricatures : les vôtres. S’agissant des classes populaires – des personnes pauvres, disons-le –, il faut tout de suite parler d’autonomisation, d’émancipation ; il est insupportable que ces gens ne fassent rien. Par contre, pour les personnes riches, ne rien faire semble naturel, et pourquoi les contraindre à travailler ?

Vous ne vous en rendez pas compte, mais vous faites cela sur de nombreux sujets : vous êtes toujours beaucoup plus dur avec la délinquance des pauvres qu’avec celle des riches, et plus sévère avec les ghettos des classes populaires qu’avec ceux des riches. Cela révèle bien vos caricatures.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Vous vous éloignez de l’amendement !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS64 de M. Arthur Delaporte, AS531 de Mme MarieCharlotte Garin, AS536 de M. Jean-Hugues Ratenon, AS719 de Mme Katiana Levavasseur, AS813 de M. Yannick Monnet et AS996 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous n’avons pas réussi à empêcher l’ensemble des allocataires du RSA d’être inscrits à France Travail. Il s’agit maintenant de s’intéresser à la situation des conjoints, concubins, partenaires liés par un pacs, qui n’ont pas de raison d’être inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi. Avec la Défenseure des droits, il convient de s’interroger « sur l’utilité de l’inscription forcée de certains usagers dans un dispositif de recherche d’emploi ». Je n’ai toujours pas compris pour quelles raisons vous souhaitiez cette inscription pour le moins stupéfiante.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Au travers de l’amendement AS531, j’aimerais comprendre la justification de cette mesure qui oblige un conjoint, un concubin, un partenaire lié par un pacs à être inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi. Il y a là une philosophie particulière, qui consiste à infantiliser des personnes qui ont des droits – le RSA est un droit –, et dorénavant des obligations, et à élargir celles-ci à une partie de leur famille. Comment justifier cela dans une démocratie qui tend vers l’individualisation des droits ? Nous nous sommes battus pour individualiser l’allocation aux adultes handicapés (AAH), considérant que la situation d’une personne n’est pas dépendante de celle de son conjoint. Pour le coup, je ne comprends pas ce tournant paternaliste. Un bénéficiaire de l’AAH qui vit en concubinage avec une personne touchant le RSA devrait-il également être inscrit ? Pourquoi ?

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). Votre projet de loi est un projet de contrainte à tous les niveaux. Ce n’est pas le plein emploi qui vous intéresse, c’est la pression, la punition. Vous voulez plus de pression sur les demandeurs d’emploi, les précaires et celles et ceux dans le besoin. Comme cela ne vous suffit pas, vous étendez cette logique à leur conjoint, leur concubin ou leur partenaire de pacs, en raison du lien familial. En quoi cette mesure est-elle nécessaire à la réinsertion d’une personne au RSA ? En rien ! Vous faites de l’ingérence dans la vie privée des bénéficiaires du RSA et de leurs proches : c’est une violence qui ne dit pas son nom. C’est pourquoi nous vous demandons par l’amendement AS536 de supprimer l’alinéa 6.

M. Jocelyn Dessigny (RN). La recherche d’emploi est individuelle. Elle ne concerne pas forcément le conjoint, et inscrire celui-ci comme demandeur d’emploi n’a aucun sens : c’est une ingérence dans la vie privée. On parle de personnes dont les revenus sont très modestes. Avec l’amendement AS719, je ne vois donc pas l’intérêt de cette inscription automatique, d’autant que ce conjoint ou concubin travaille peut-être déjà et qu’il n’a pas besoin d’être inscrit à Pôle emploi.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Ces interrogations sont légitimes. Il faut préciser la destination de cette liste, car on peut interpréter la mesure d’inscription automatique de nombreuses manières. Toutes les hypothèses sont possibles, y compris que l’on envisage de se servir du conjoint pour faire pression. C’est le cœur de cette réforme, et de notre désaccord. Votre obsession est l’employabilité, et vous ne tenez pas compte de la situation sociale. Vous voulez faire rentrer coûte que coûte les personnes dans l’outil de production, quels que soient leur état psychique ou leur capacité à produire.

J’attends donc des réponses aux interrogations sur cette liste. Vous ne pouvez pas vous soustraire en prétextant, comme tout à l’heure, que nous avons déjà eu le débat. Nous ne l’avons jamais eu : expliquez-nous l’intérêt d’inscrire les conjoints !

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je reprends mon exemple de tout à l’heure. L’enseignante qui vit avec un allocataire du RSA et dont les revenus dépassent le plafond qu’a évoqué le rapporteur ne sera pas obligée de s’inscrire comme demandeuse d’emploi. En revanche, une agricultrice qui perçoit des revenus plus modestes à certains moments de l’année entrera dans le dispositif. N’y a-t-il pas une espèce de dinguerie dans votre affaire ?

M. le rapporteur. Je ne pense pas. Vous semblez découvrir l’affaire du siècle, mais M. le ministre Dussopt a rappelé que ces dispositions existent depuis le RMI. J’ai indiqué qu’elles figurent dans le code de l’action sociale et des familles, au titre de la recherche d’emploi – je vous invite à vérifier les articles que j’ai cités. J’ai aussi dit que ces dispositions ne s’appliquent pas si le conjoint peut justifier de revenus supérieurs à 500 euros. Nous n’avons pas ajouté une couche à ces dispositions.

Vous ne voyez qu’une obstination à remettre à l’emploi, mais vous ne prenez pas en compte l’accompagnement social. Il permet de faire un diagnostic à 360 degrés et d’identifier une difficulté dans une famille, par exemple un conjoint sous contrainte, de façon à mieux accompagner, notamment en matière d’insertion sociale.

Quant à la notion de risque qu’évoque la Défenseure des droits, elle n’est pas factuelle.

M. Yannick Neuder (LR). Alors que la déconjugalisation de l’AAH est un moyen d’émancipation financière du bénéficiaire par rapport à son conjoint, la mesure proposée pour le RSA est une forme de lutte contre la fraude, il faut le dire. Nous avons tous reçu dans nos permanences des gens qui ont touché des prestations auxquelles ils n’avaient pas droit. Parfois c’est par omission, par phobie administrative ou par négligence, parfois, c’est par intérêt. Si l’on ne veut pas s’attaquer à ce problème de fraude sociale et l’anticiper, on ne le résoudra pas.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il ne s’agit pas de vérifier le versement du RSA, il s’agit d’inscrire des personnes à France Travail. Au-delà de nos oppositions partisanes, il y a vraiment une question de fond : on ne peut pas obliger un conjoint ou un concubin à s’inscrire automatiquement à France Travail parce que son partenaire a droit au RSA. On franchit là une ligne rouge, et je ne comprends pas que cela ne vous choque pas. C’est très intrusif et infantilisant, et il n’y a pas de justification. Autant je comprends une mesure de cet ordre, même si je ne suis pas d’accord, pour le versement du RSA ; autant, pour l’obligation de s’inscrire à France Travail, c’est inadmissible !

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Vos réponses n’ont pas levé nos doutes. Pour le moment, pour l’accueil, l’instruction, l’indemnisation et l’accompagnement, Pôle emploi ne reconnaît que des personnes, pas des couples. Par ailleurs, le risque est un élément factuel : c’est la probabilité qu’un événement survienne. Si une personne est inscrite comme demandeuse d’emploi parce que son conjoint touche le RSA et si elle ne se rend pas aux rendez‑vous fixés par France Travail, pour différentes raisons, il y a un risque qu’elle entraîne la radiation de son partenaire. Comment imaginez-vous d’éviter cela ?

En outre, les conseillers et conseillères de Pôle emploi ne sont pas formés à réaliser des diagnostics familiaux. Ce n’est pas leur mission. Vous dites que vous ferez de la prévention familiale, que recevoir des inscrits à France Travail permettra de détecter des problèmes. Je peux l’entendre, mais pour d’autres métiers. Or vous allez faire des conseillers de Pôle emploi des interlocuteurs automatiques.

Sans compter qu’en cas d’ambiance délétère au sein des couples, il est dangereux de lier l’indemnisation de l’un à l’activité de l’autre.

M. Arthur Delaporte (SOC). La philosophie originelle de la loi, avez-vous dit, imposerait au bénéficiaire du RSA et à son conjoint les mêmes droits et devoirs. Or cela ne figure pas dans la loi avant 2009. L’article 3 de la loi de 1988 relative au revenu minimum d’insertion dispose bien que ce revenu varie « selon la composition du foyer », mais, selon l’article 11, c’est « l’intéressé [qui] doit souscrire l’engagement de participer aux activités ou actions d’insertion ». La philosophie initiale, chère à Michel Rocard, dissociait bien le revenu, qui bénéficie à un foyer, des devoirs, qui incombaient à la seule personne devant s’insérer. Cette philosophie a évolué en 2009, avec les réformes conduites par Nicolas Sarkozy. À l’époque, la gauche était déjà hostile à cette solidarisation des risques, mais aussi des obligations.

Vous pouvez considérer que, en parlant de risque, la Défenseure des droits n’évoque qu’une hypothèse, mais vous n’avez pas d’évaluation alternative à nous opposer. Sans base solide, sans aucune expérimentation ni étude, nous en sommes réduits à des conjectures et pouvons donc être légitimement inquiets. Et comme on légifère la main tremblante, on évite d’impliquer ces personnes.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Qu’on puisse lier l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi à une situation conjugale est incompréhensible, indéfendable et, au bout du compte, improductif. Les personnes concernées comprendront encore moins que les autres pourquoi elles vont se retrouver sur cette liste.

La Défenseure des droits ne pointerait qu’un risque et ce ne serait pas grave, balayez‑vous. Au contraire, il faut prendre au sérieux cette alerte – d’ailleurs, vous le faites dans bien des domaines. C’est notre travail, à nous qui écrivons la loi, d’anticiper les risques. Sinon, la loi est mal appliquée et cela crée des effets de bord, des problèmes.

Le risque lié au caractère intrusif existe. Au départ, on est intrusif pour de bonnes raisons, mais cela peut devenir problématique par la suite. Je prends donc très au sérieux les alertes qui ont été lancées. Elles pourraient d’ailleurs se décliner dans d’autres domaines, par exemple sur les comptes bancaires.

Enfin, vous avez dit que les conjoints étaient concernés s’ils touchaient moins de 500 euros. On pourrait discuter de la nature de ces revenus. Par exemple, la personne pourrait occuper un emploi à temps partiel subi. Les situations peuvent être très différentes, et vous ne les prenez pas en compte. C’est là le problème.

Mme Anne Bergantz (Dem). Le montant du RSA est bien en lien avec la composition du foyer – 600 euros pour une personne, plus de 900 euros pour deux personnes. Dès lors, il n’est pas scandaleux d’inscrire le conjoint sur la liste des demandeurs d’emploi. S’il travaille, on examinera ses ressources. Si la composition du foyer n’était pas prise en compte, les deux membres du couple auraient dû s’inscrire au RSA pour toucher une allocation. Pour un couple, il me paraît logique que les obligations soient identiques pour chacun des conjoints.

M. le rapporteur. Nous n’avons pas réussi à vous convaincre en 2008, nous n’y parviendrons pas non plus aujourd’hui. Je rappelle avec force que ces dispositions existent déjà dans le code de l’action sociale, que le seuil des 500 euros s’apprécie déjà et qu’on ne l’introduit pas dans le texte, et que chacun signe son contrat d’engagement en lien avec le bénéfice de l’allocation sociale.

J’entends la nécessité de répondre au risque. Mais il est pondéré par la qualité des travailleurs sociaux qui seront associés à France Travail, sans compter les moyens en progression et les formations prévues dans le dispositif.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1133 de M. Victor Catteau

M. Victor Catteau (RN). Cet article a fait naître de nombreuses craintes, tant parmi les bénéficiaires du RSA qu’auprès des organismes sociaux. Nous ne remettons nullement en cause que le fait que le RSA soit une allocation familiale et que les conjoints doivent être soumis aux mêmes devoirs que les bénéficiaires. Pour éviter toute ambiguïté, il convient de reprendre dans le projet de loi la disposition du code de l’action sociale et des familles selon laquelle un conjoint peut être exempté de ses devoirs s’il gagne plus de 500 euros par mois.

M. le rapporteur. Cette disposition est de niveau réglementaire et n’a donc pas vocation à être intégrée au texte. Même si l’amendement permet de répéter qu’elle existe, j’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS68 de M. Arthur Delaporte, AS466 de Mme MarieCharlotte Garin, AS814 de M. Pierre Dharréville et AS1004 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de supprimer l’alinéa 7, c’est-à-dire de sortir les jeunes de 16 à 25 ans accompagnés par les missions locales du champ d’application de l’article 1er. Les missions locales proposent un accompagnement individualisé, dont la qualité est reconnue par tous. Un jeune peut frapper à sa porte parce qu’il est à la recherche d’une formation ou qu’il a besoin de conseils. Or vous proposez de les inscrire tous à Pôle emploi.

Exclure les moins de 25 ans de l’inscription automatique revient à réparer une grande injustice, celle de devoir s’engager dans un parcours de recherche d’emploi tout en n’étant pas éligible au RSA.

On pourra aussi revenir sur cette forme d’expérimentation que vous avez proposée aux jeunes avec le contrat d’engagement jeune (CEJ), assorti d’un accompagnement de 15 à 20 heures. Si l’on dépasse les propos d’autosatisfaction du ministre et qu’on lit sérieusement le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), paru en mars dernier, on verra qu’elle est bien imparfaite.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous voulons aussi supprimer l’inscription automatique à France Travail des jeunes sollicitant un accompagnement des missions locales. Il s’agit de réaffirmer non seulement que tous les jeunes accompagnés ne recherchent pas nécessairement un emploi, mais aussi la force et les missions spécifiques de ces structures, dont les méthodes ne reposent pas sur la coercition et ne souffrent pas d’un sentiment de défiance de la part de la jeunesse. L’accompagnement spécifique et pointu qu’elles proposent a fait ses preuves – bien sûr, elles pourraient avoir plus de moyens.

La métropole de Lyon expérimente depuis deux ans un revenu de solidarité jeune, pour les jeunes de 18 à 25 ans. Le dispositif, qui a pour particularité de ne pas introduire de contraintes, se révèle efficace en matière de recours et de sortie des situations de précarité et de vulnérabilité. On doit s’appuyer sur cet enseignement, qui rappelle l’urgence de déployer un revenu de solidarité pour les jeunes dans ce pays.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La liste de celles et ceux qui sont inscrits en tant que demandeurs et demandeuses d’emploi a été établie largement, avec un peu de frénésie. Je rappelle que la Dares a recensé 367 500 emplois vacants au deuxième trimestre 2023. Inscrire les gens sur une liste ne suffira pas.

Il s’agit de contester l’inscription automatique des jeunes suivis par les missions locales sur les listes des demandeurs d’emploi. Si cette obligation n’existe pas, c’est parce que les besoins des jeunes suivis par les missions locales ne relèvent pas nécessairement de la recherche d’emploi, s’agissant par exemple de l’accès aux soins, à la formation et au logement. Ils viennent y chercher des conseils et une écoute, ou pour rencontrer d’autres jeunes. Comme les personnels des missions locales, je tiens à ce qu’elles puissent exercer cette mission.

J’ai l’impression que procéder de la sorte amène à resserrer la focale. Ce choix est dépourvu de cohérence, d’autant que la protection sociale et les droits sociaux des jeunes méritent d’être sérieusement examinés. Il y a une question sociale dans la jeunesse, qui est prégnante. Les associations humanitaires de notre pays s’en font l’écho très régulièrement.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). D’autres freins à l’emploi, périphériques, et d’autres problèmes que la recherche d’emploi peuvent amener les jeunes à pousser la porte d’une mission locale. L’amendement AS1470 de M. le rapporteur en tient compte. Nous prenons note de cette perspective de convergence.

M. le rapporteur. Nous partageons le même objectif et saluons tous le travail remarquable des missions locales. Tous les jeunes qui s’y rendent ne sont pas en recherche d’emploi. Certains sont même accompagnés vers un retour à la scolarité, en fonction des besoins.

Toutefois, plutôt que supprimer complètement leur inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, nous proposerons de circonscrire celle-ci à ceux qui sont en recherche d’emploi, par le biais d’un amendement travaillé avec l’Union nationale des missions locales (UNML) à l’issue de l’audition de leurs représentants.

Je suggère le retrait des amendements au profit de l’amendement AS1470 et émets, à défaut, un avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Lors de la précédente législature, on constatait déjà, notamment après la crise du covid qui a particulièrement frappé la jeunesse, que le taux de pauvreté de celle-ci est largement supérieur au taux de pauvreté du reste de la population française. La majorité politique est à 18 ans – on peut voter. La majorité pénale est à 18 ans – on peut aller en prison. Pourquoi la majorité sociale n’est-elle pas à 18 ans ? Pourquoi ne peut‑on percevoir le RSA à partir de cet âge ?

La question se pose d’autant plus que le texte leur impose, comme aux adultes, de s’inscrire à Pôle emploi. Raison supplémentaire pour qu’ils bénéficient dès 18 ans d’un revenu d’autonomie ! Il faut aligner la majorité sociale avec la majorité politique et la majorité pénale. Elle doit être à 18 ans pour tout le monde.

Une telle mesure serait un moyen de sortir de la fatalité. La fatalité, dans l’après‑guerre, était que les personnes âgées des classes populaires, quand elles avaient la chance de vieillir, vivaient aux crochets de leurs enfants ou de la charité. De nos jours, la situation s’est inversée. La fatalité nouvelle est que la jeunesse des classes populaires doit vivre soit aux crochets de ses parents, soit de la charité. Il faut en sortir en construisant, à côté de la solidarité familiale, qu’il ne faut pas supprimer, une solidarité sociale et une solidarité nationale, comme on l’a fait pour les personnes âgées. Normalement, une telle mesure devrait être liée au mouvement que vous proposez.

M. Thibault Bazin (LR). Je crains que nos débats ne souffrent d’une approche statique, comme si rien n’allait changer. Il faut prendre les choses de manière dynamique, en intégrant le fait que Pôle emploi cédera la place à France Travail, qui inclura les missions locales.

L’un des enjeux est de faire en sorte que tous les acteurs travaillent ensemble, selon une approche décloisonnée. Au demeurant, certains jeunes ne sont suivis ni par les missions locales, ni par Pôle emploi. Pour atteindre ces 40 % qui sont en déshérence, il faut être en mesure de les accompagner.

Quant à ceux qui sont dans l’emploi ou en formation, il faut jouer un rôle de prévention, par exemple en accompagnant ceux qui doivent passer leur permis de conduire, d’autant que lever les freins à l’emploi ne garantit pas que l’on ne soit pas un jour en recherche d’emploi.

Il faut élargir l’approche de la solidarité. Il faut passer d’une approche par foyers, incluant les problèmes de logement et de santé, à un périmètre englobant les politiques publiques afférentes et les acteurs chargés de leur mise en œuvre. À défaut, nous ne parviendrons pas à lever les freins à l’emploi pour certains publics, notamment parmi les jeunes.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je souscris aux propos de notre collègue Bazin.

Premièrement, j’aimerais rappeler l’intérêt de l’approche des missions locales, qui abordent le jeune en difficulté dans toutes les composantes de sa vie, sous l’angle certes du travail, mais aussi de la formation, du logement, de la parentalité parfois, et du transport. Cette approche doit être généralisée à toutes les personnes éloignées de l’emploi.

Deuxièmement, quiconque a été élu local ou s’est investi dans une association sait que les personnes fragiles le sont durablement. Renouer avec l’emploi ne fait pas subitement disparaître les fragilités. Un accompagnement s’impose donc.

Des jeunes suivis par des missions locales peuvent, après plusieurs années, être ramenés aux difficultés par un accident de la vie. Il est pertinent que Pôle emploi, devenu France Travail, ait accès à cet historique pour enrichir son analyse. Pour ce faire, il faut disposer d’un outil informatique partagé entre les acteurs responsables, permettant une action dans la durée.

Les amendements dont nous débattons méritent mieux que des caricatures.

M. Didier Le Gac (RE). Nous sommes tous d’accord, me semble-t-il, sur le fait que tous les jeunes inscrits à une mission locale ne vont pas directement vers l’emploi. Il faut souvent résoudre plusieurs problèmes périphériques, relatifs à la mobilité, au logement, à la santé ou relevant de problèmes familiaux s’agissant des jeunes en rupture. Par ailleurs, certains jeunes ne vont pas vers l’emploi mais retournent à l’école.

Nous ne sommes pas restés sans rien faire. Après le plan « 1 jeune, 1 solution », nous mettons en œuvre, depuis un an et demi, le CEJ, qui a d’ores et déjà bénéficié à plus de 200 000 jeunes et préfigure ce que nous voulons faire en créant France Travail. En échange d’une allocation mensuelle d’un peu moins de 600 euros, soit un niveau proche du RSA, le jeune s’engage dans des actions.

Le CEJ est mis en œuvre par les missions locales ou par Pôle emploi, selon qu’il vise des actions périphériques à l’emploi ou le retour à l’emploi. Ce dispositif préfigure ce que nous voulons faire pour les bénéficiaires du RSA.

M. Arthur Delaporte (SOC). Puisque ce débat offre l’occasion d’évoquer le CEJ, j’aimerais citer le rapport publié en 2023 par l’Igas à son sujet. On lit à la page 7 : « Au final, le bilan du CEJ, un an après son lancement, est loin d’être négatif mais il est contrasté ».

L’Igas lance plusieurs alertes, notamment sur les mécanismes de sanction, qui semblent inadaptés et inefficaces, sur la croissance insuffisante du nombre de solutions accompagnant le déploiement du CEJ et sur l’évaluation précise du taux de retour à l’emploi, notamment à un emploi stable, qu’a évoqué le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion lors de son audition cet après-midi. Ainsi, on lit à la page 31 : « Il est quasiment impossible de tirer des conclusions robustes d’un tableau dont 50 % des effectifs sont dans la catégorie "autres" ».

Vous pouvez vous satisfaire du CEJ, qui comporte certes des mesures positives et bénéficie de bons retours d’expérience, il n’en reste pas moins que ceux de la garantie jeunes, qui ne prévoyait aucun mécanisme de sanction, étaient bons aussi, voire meilleurs d’après l’Igas.

S’agissant du partage de données évoqué par notre collègue Turquois, je doute qu’un jeune discutant avec son conseiller au sein de la mission locale de ses problèmes et de ses motivations pour tel ou tel parcours ait envie que, trois ans plus tard, un conseiller Pôle emploi ait accès à ces informations. Les risques induits par le suivi des fichiers, par l’identification des personnes et par la communication de données à caractère personnel suscitent des inquiétudes, dans cette commission et au-delà.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS1470 de M. Paul Christophe, AS842 de M. Ian Boucard, AS997 de M. Benjamin Saint-Huile, AS1119 de Mme Sophie Taillé-Polian, AS1238 de M. Stéphane Viry, AS1253 de Mme Christine Decodts, AS1268 de M. François Gernigon et AS1295 de M. Arthur Delaporte

M. le rapporteur. Cet amendement a été élaboré en concertation avec l’UNML. Il vise à restreindre l’application de l’alinéa 7 aux jeunes qui sont en recherche d’emploi. Par ailleurs, j’indique à M. Delaporte que le bilan du CEJ, en 2022, s’élève à 330 000 signatures.

Mme Josiane Corneloup. L’amendement AS842 est défendu.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Il s’agit d’extraire des fichiers de France Travail les jeunes suivis par les missions locales qui ne sont pas en recherche d’emploi. Monsieur le rapporteur, j’ai le sentiment que nous allons nous mettre d’accord sur cette affaire.

Je m’en réjouis, mais je trouve cela bizarre. Si nous extrayons des gens d’une liste globale, c’est bien que celle-ci ne s’imposait pas. En extraire les jeunes en recherche d’emploi laisse penser que beaucoup de personnes qui ne sont pas en recherche d’emploi y resteront.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Les missions locales dispensent aux jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation un accompagnement plus large que la seule insertion dans l’emploi. L’entrée directe dans l’emploi n’est pas toujours possible pour un jeune ayant besoin de formation, ainsi que d’accès au logement et à la mobilité. Il importe que les missions locales conservent ce rôle singulier, qui permet d’apporter un suivi complet aux jeunes en appréhendant globalement chaque situation individuelle.

Par l’amendement AS1119, le groupe Ecologiste - NUPES propose que seuls les jeunes en recherche active d’emploi soient inscrits sur la liste nationale des demandeurs d’emploi, afin que les missions locales continuent d’accueillir tous les jeunes et les aident à accéder à l’autonomie et à l’émancipation. L’idée est de renforcer les missions locales et de ne pas transférer toutes leurs attributions à France Travail.

M. Stéphane Viry (LR). Ces amendements démontrent que l’examen en commission offre des marges de manœuvre pour faire évoluer utilement un texte par la discussion. J’espère que nous en trouverons d’autres d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Nous soutenons ces amendements, qui tiennent compte de la spécificité des missions locales, dont chacun ici a conscience.

Mme Christine Decodts (RE). Les jeunes filles et les jeunes hommes de 16 à 25 ans – et non de 18 à 25 ans – qui franchissent les portes des missions locales ou, on l’oublie souvent, lors des rencontres de repérage sur le terrain, que l’État a financées massivement, ne sont pas toutes et tous à la recherche d’un emploi. N’oublions pas les demandes concernant notamment l’accès au logement, la recherche d’un logement étudiant, la mobilité, la santé, l’accès à la culture, la reprise d’études, l’admission en école de la deuxième chance ou en école de production, un job étudiant pour financer les études, la recherche d’un stage dès la troisième et l’aide à l’orientation !

Les missions locales ne se réduisent pas à leur mission d’insertion professionnelle, ce qui fonde leur originalité, reconnue à l’échelon européen. L’amendement à l’alinéa 7 vise à insérer, après le mot « personne », les mots « en recherche d’emploi ».

M. François Gernigon (HOR). La singularité des missions locales est de prendre les jeunes dans leur entièreté, en tenant compte de tous les problèmes qu’ils peuvent rencontrer. Il importe qu’elles les inscrivent en qualité de demandeurs d’emploi s’ils sont en recherche d’emploi, et non si elles les accompagnent sur le plan social, par exemple en matière de logement, de santé et de parentalité.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je me réjouis qu’il y ait une forme d’unanimité sur ce point. Que chacun admette que les jeunes sont un public spécifique, qui doit être pris en considération de manière spécifique et accompagné en fonction de ses besoins spécifiques, et que tous les jeunes ne sont pas forcément en recherche d’emploi, doit nous inciter à transposer plus largement cette logique à l’ensemble du texte.

Tous les bénéficiaires du RSA ne sont pas en recherche d’emploi ; le texte prévoit pourtant de les inscrire comme tels à France Travail. N’y voyez-vous pas, cher rapporteur, sous l’effet de votre conversion due notamment à l’insistance des missions locales, qui font un travail de plaidoyer de grande qualité en plus de leur travail d’accompagnement, une invitation à généraliser cette logique à l’ensemble du texte, comme nous vous y appelons depuis le début de son examen ?

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Je ne parviens pas à comprendre l’objectif visé par l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi. Pourquoi rendre impérative l’inscription de jeunes de 16, 17 ou 18 ans, suivis par les missions locales ? Pourquoi les ficher tous ? S’agit-il de constituer un grand dossier sur ces jeunes ?

Nous ne voyons pas en quoi cette démarche améliorera leur capacité à trouver un emploi, convaincus que nous sommes que cela suppose de le vouloir, donc de s’inscrire dans une démarche volontaire et non systématique, et d’accéder à des emplois disponibles et correspondant à ce qu’ils veulent faire. L’essentiel est de créer la rencontre entre la volonté d’occuper un emploi et la disponibilité d’emplois de qualité.

Au lieu de vous en préoccuper, vous vous inscrivez dans une logique de fichage des gens, qui ne sert qu’à faire du contrôle social à échelle de masse et ne répond absolument pas à l’enjeu d’insertion et d’accompagnement, ni à celui de garantie du droit constitutionnel à une allocation permettant de subvenir au minimum de ses besoins, dont je rappelle qu’elle ne permet même pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté. Même pour ce revenu très faible, de subsistance, il vous faut traquer les gens, ce qui aura un coût élevé en raison du travail d’inscription et de suivi qui en résultera pour les personnels concernés !

Quel est l’objectif de ce fichage généralisé ?

M. Didier Le Gac (RE). Il ne s’agit pas d’une inscription généralisée, dès lors que les amendements prévoient d’exclure les jeunes qui ne vont pas directement vers l’emploi.

M. Delaporte nous reproche de ne pas faire pour les bénéficiaires du RSA ce que nous faisons pour les jeunes, mais tel n’est pas le cas. L’inscription à France Travail ne signifie pas que les intéressés iront vers l’emploi. Certains bénéficiaires du RSA sont enfermés dans la précarité en raison de leur inactivité, qui les exclut et les isole. Ils n’ont pas eu d’entretien avec un conseiller depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Comme l’a rappelé le ministre du travail cet après-midi, certains relèvent du RSA depuis sept ou huit ans et n’ont jamais eu le moindre entretien.

Les inscrire à l’opérateur France Travail nous semble être le meilleur moyen de garantir un accompagnement à chacun et d’éviter des ruptures de parcours. Ils n’auront pas un emploi immédiatement ; lors du premier entretien, un travailleur social du département et un salarié de Pôle emploi dresseront un diagnostic et proposeront des voies d’évolution. Sans doute faudra-t-il, avant d’aller vers l’emploi, régler des problèmes périphériques relevant par exemple de l’enfance – qui fait l’objet de l’article 10 – ou du logement. Leur inscription à Pôle emploi offre la garantie qu’ils seront suivis et feront l’objet d’un accompagnement personnalisé.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Si j’ai bien compris – j’essaie de comprendre votre logique mais elle est un peu difficile à suivre –, vous voulez inscrire à France Travail les jeunes qui ne voient pas de conseiller et les gens inscrits à Pôle emploi qui n’en ont pas encore vu, comme j’en ai rencontré dans ma circonscription. Vous dites qu’en les inscrivant à Pôle emploi, ou demain à France Travail, ils auront la garantie d’en voir un dans les plus brefs délais ? En combien de temps ? S’agira-t-il du même interlocuteur au fil du temps, condition pour faire un bon suivi ? Rien dans le texte ne le garantit. Dans les départements où cette expérimentation a été menée, combien d’inscrits à Pôle emploi ont rencontré un conseiller ?

La commission adopte les amendements.

La réunion est suspendue de vingt-deux heures trente-cinq à vingt-deux heures quarante.

Amendement AS400 de Mme Isabelle Valentin

Mme Isabelle Valentin (LR). Les missions locales ont un rôle très spécifique dans l’accompagnement social et l’insertion professionnelle. Chacun est conscient qu’elles font, dans nos territoires, un travail remarquable.

Les jeunes qu’elles accompagnent ne sont pas tous en recherche d’emploi. Le présent amendement vise à leur permettre de continuer d’assurer l’accompagnement global des jeunes en difficulté, en excluant l’obligation d’inscrire à France Travail tous les jeunes suivis par les missions locales, et en la réservant à ceux accompagnés pour l’accès à l’emploi.

M. le rapporteur. Je suis fondamentalement favorable au principe, qui faisait l’objet de la discussion précédente, mais préfère la rédaction que nous avons adoptée, élaborée avec l’UNML et plus sûre.

Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1087 de Mme Mathilde Hignet

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Nous avons du mal à comprendre pourquoi le raisonnement selon lequel un jeune suivi par une mission locale n’est pas inscrit comme demandeur d’emploi s’il n’est pas en recherche d’emploi ne tient pas pour un allocataire du RSA, qui n’est pas non plus nécessairement demandeur d’emploi. On nous a indiqué qu’un travailleur social assistera au premier entretien – nous en doutons. On nous a expliqué qu’il s’assurera ensuite que les choses se passent bien dans la famille du jeune – ce n’est pas son travail. Nous aimerions comprendre : pourquoi ce qui est applicable aux jeunes ne l’est pas aux allocataires du RSA ?

Faute de réponse, nous commençons à douter. Nous nous demandons s’il ne s’agit pas de proposer aux bénéficiaires du RSA des rendez-vous qu’ils manqueront en raison des difficultés qu’ils vivent, pour constater qu’ils n’ont pas tenu leur contrat d’engagement et les radier. S’agit-il de procéder à une radiation de masse ? Faute de garanties, vos promesses ne tiennent pas !

M. le rapporteur. Je me demande pourquoi vous exagérez. Au « contrôle social », vous ne m’en voudrez pas d’opposer l’accompagnement social. Par ailleurs, vous m’accorderez que les jeunes ne sont pas allocataires du RSA, et ne peuvent donc être appréhendés à l’identique.

Sur le fond, nous souscrivons à l’idée dont procède votre amendement. Les jeunes qui ne sont pas signataires d’un CEJ sont exclus de l’inscription à France Travail. Je rappelle que le CEJ est rédigé conjointement. Nous avons prévu, à l’initiative de notre collègue Delaporte, la réciprocité d’engagement des deux parties.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Monsieur le rapporteur, votre réponse n’est pas honnête. Des dispositions du texte que nous examinerons ultérieurement prévoient, en cas de manquement constaté au contrat d’engagement, la suspension de tout ou partie de l’allocation afférente. Tel est donc l’objectif : si un allocataire du RSA est inscrit d’office à Pôle emploi et qu’un manquement est constaté, par exemple s’il manque un rendez-vous en visioconférence, parce qu’il a des problèmes de connexion wifi ou des problèmes d’addiction et de souffrance psychique, son allocation sera suspendue en tout ou partie.

Cela, c’est monstrueux, d’autant que les allocataires du RSA sont souvent des femmes, et souvent avec enfants ! Voilà la réponse que vous apportez à la très grande pauvreté de ce pays ! C’est inacceptable ! Vous n’avez pas à inscrire d’office à Pôle emploi des femmes et des hommes qui sont dans une situation les empêchant d’entrer dans l’emploi. Nous ne sommes pas les seuls à le dire. Les associations et les travailleurs sociaux, qui ont une conscience de la situation, vous le rappellent.

Mme Christine Le Nabour (RE). Qu’il s’agisse d’un jeune titulaire d’un CEJ ou d’un bénéficiaire du RSA, la finalité est l’emploi. Les jeunes qui se rendent dans une mission locale ne viennent pas nécessairement y chercher un emploi, ce qui les différencie des bénéficiaires du RSA, dont nul n’imagine qu’ils n’aspirent pas à retrouver un emploi.

Il n’est écrit nulle part dans le projet de loi que les conseillers ne mettront pas en œuvre un diagnostic partagé et un plan d’action coconstruit avec la personne concernée. L’idée est d’identifier les freins à l’emploi. Aucune femme dépourvue de mode de garde de ses enfants ne sera contrainte de chercher un emploi tant qu’elle n’en aura pas trouvé un. Il ne s’agira pas d’un manquement et il n’en résultera aucune suspension de son allocation.

Il faut faire confiance aux travailleurs sociaux et aux conseillers en insertion des missions locale et de Pôle emploi, dont la tâche est de bien diagnostiquer les situations, de bien orienter les personnes et de bien identifier les freins.

M. François Gernigon (HOR). Il ne faut pas confondre les jeunes pris en charge dans leur entièreté par les missions locales, qui ne seront pas inscrits à Pôle emploi, et les personnes inscrites à Pôle emploi ayant signé un contrat d’engagement, dans le cadre duquel on tient compte des problèmes qu’elles rencontrent en chemin vers l’emploi, et pour lesquels elles ne seront pas sanctionnées. Il ne faut pas faire un amalgame entre les deux publics.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je comprends que l’on s’inscrive dans une opposition politique, mais les arguments avancés par M. Boyard et Mme Simonnet frisent le ridicule, voire le scandaleux. Notre collègue Boyard a indiqué que chaque conseiller de Pôle emploi suivait 1 000 personnes ; j’invite chacun à multiplier ce chiffre par le nombre de conseillers. Quant à affirmer qu’un agent du service public de l’emploi radierait une personne en raison d’un dysfonctionnement du wifi, c’est scandaleux.

Le vrai scandale, c’est de laisser des allocataires du RSA sans accompagnement. La suspension de l’allocation est une sanction intermédiaire, moindre que la radiation. L’allocation peut être suspendue en cas de doute et rétablie si une explication est fournie. Au lieu d’adopter des positions dogmatiques, penchez-vous sur la réalité des difficultés que vivent les gens dépourvus d’accompagnement ! Tel est l’enjeu du présent texte de loi.

M. Yannick Neuder (LR). S’agissant de ces questions de suspension du RSA, il faut prendre en compte les droits et les devoirs. Il n’est pas tout à fait honnête de comparer une suspension liée à un problème d’accès à internet à une suspension en raison de conduites addictives. Je me demande dans quelle mesure cette dernière ne serait pas même salutaire. Le RSA ne doit pas être utilisé pour financer l’achat d’alcool ou de drogue. C’est du bon sens. Je ne suis pas sûr que nous souhaiterions, en tant que parents, que le RSA serve à payer les conduites addictives de nos enfants.

M. Arthur Delaporte (SOC). On s’égare totalement ! Nous ne sommes pas ici pour décider de ce qu’on a le droit de faire ou ne pas faire avec son RSA. C’est totalement indigne. Vous rendez-vous compte de ce que veut dire survivre avec 607 euros par mois ? Réfléchissons plutôt à la question du reste à vivre.

Si vous voulez sanctionner les allocataires du RSA, ils n’auront plus rien du tout. Comme toutes les études le montrent, plus on retire de ressources, plus grand est le risque de tomber dans la spirale de l’addiction. Je suis scandalisé par vos propos, mon cher collègue.

J’en viens à la question plus large des radiations – même si ce n’est pas exactement l’objet de l’amendement. Dans son rapport de 2022, le médiateur national de Pôle emploi s’inquiète du fait que certaines radiations abusives ont eu lieu parce que les problèmes liés à l’illettrisme numérique n’ont pas été suffisamment pris en compte par les conseillers. Il ne s’agit pas de leur part d’une volonté de punir, mais on ne peut pas apprécier les situations de manière individualisée lorsque l’on doit accompagner jusqu’à 1 000 personnes. Cette extrémité a été constatée dans un rapport de notre collègue Stéphane Viry, même s’il est vrai qu’en moyenne chaque conseiller s’occupe plutôt de 300 à 400 personnes. Seulement 20 % des inscrits à Pôle emploi bénéficient d’un contrat d’engagement. Cela entraîne des problèmes d’accompagnement, qui peuvent conduire à des radiations.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je suis également très choquée : quand on souffre d’une addiction on n’a pas besoin de sanctions, mais au contraire de soins et d’un accompagnement renforcé de la part des services publics.

Avec le RSA, on survit. Il faut en finir avec l’idée que l’on va décider de la manière dont cette allocation est utilisée par les gens. Le RSA est un droit, ce n’est pas l’aumône. Il faut toujours s’en souvenir lorsque l’on élabore les politiques publiques.

Si l’on sanctionne à tire-larigot, on risque de voir augmenter les impayés. Avec la fameuse « loi Kasbarian », de plus en plus de personnes vont se retrouver en situation d’extrême précarité, alors que les associations ne sont pas en mesure de les abriter dans des logements classiques ni même d’urgence – car l’État n’est pas non plus à la hauteur dans ce domaine.

Il faut arrêter de donner des leçons aux plus vulnérables.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS66 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Le texte prévoit que lorsque des personnes en situation de handicap sollicitent un accompagnement par Cap emploi, elles sont inscrites automatiquement à Pôle emploi. Mais solliciter un tel accompagnement ne veut pas dire qu’on l’obtient forcément.

Cet amendement de repli propose donc de préciser la rédaction de l’article, en prévoyant que seules les personnes qui bénéficient effectivement d’un accompagnement sont inscrites automatiquement à Pôle emploi.

M. le rapporteur. Je ne partage pas votre lecture du texte, dont l’écriture me paraît satisfaisante. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1399 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). J’avais souhaité intervenir sur l’amendement précédent, auquel le rapporteur n’a pas répondu.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il n’est pas neutre de dire « personnes handicapées » ou « personnes en situation de handicap ». Cette dernière formulation correspond à une demande récurrente des associations, car les personnes en situation de handicap estiment que ce n’est pas leur corps qui est handicapé mais bien la société qui ne s’adapte pas.

Sous des aspects rédactionnels, cet amendement est profondément politique et je m’y oppose, afin de conserver les termes « en situation de handicap ».

M. le rapporteur. Il s’agit simplement de cohérence juridique, puisque l’article L. 5214-3-1 du code du travail auquel il est fait référence dans l’alinéa 8 retient la formule « personnes handicapées ». C’est une affaire de légistique, pas une question politique.

M. Thibault Bazin (LR). J’entends la réponse du rapporteur, mais je me dis que c’est peut-être l’occasion de corriger les dispositions en vigueur. Nous voterons contre cet amendement, en espérant que vous pourrez faire ce travail de mise en cohérence d’ici à la séance publique.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je propose au rapporteur de retirer son amendement et de déposer en séance publique des amendements qui substituent la notion de « personnes en situation de handicap » à toutes les mentions « personnes handicapées » qui figurent dans le code du travail et dans celui de l’action sociale et des familles.

Cela correspond à une demande sociale globale et évite de stigmatiser.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous allons voter contre cet amendement très politique – même si son intention est rédactionnelle – pour deux raisons essentielles.

La revendication sémantique des associations a une portée intéressante, car elle met l’accent sur la nécessité de mener des politiques qui améliorent l’environnement dans lequel évoluent les personnes en situation de handicap.

En outre, c’est l’occasion de mettre le droit français en conformité avec le vocabulaire juridique international – notamment onusien – qui emploie de plus en plus la notion de personnes en situation de handicap.

Nous pouvons nous retrouver autour d’une adaptation des codes qui serait conforme à la conception que nous partageons tous au sein de cette commission.

M. le rapporteur. Je répète que cet amendement n’avait pas de portée politique et ceux qui me connaissent savent que je soutiens la notion de situation de handicap. Mais il me revenait de procéder à une correction rédactionnelle pour garantir la cohérence de l’alinéa dont nous discutons avec l’article auquel il se réfère.

Je retire mon amendement afin d’étudier la possibilité de corriger cet article en séance – sous réserve que cela ne soit pas considéré comme un cavalier législatif.

L’amendement est retiré.

Amendement AS538 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Vous proposez d’inscrire d’office à France Travail des personnes qui ne sont pas volontaires. Nous souhaitons, pour notre part, que les personnes titulaires d’une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » puissent s’inscrire à Pôle emploi, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Il est important d’adopter cet amendement, car les personnes qui sont ainsi régularisées ne peuvent actuellement s’inscrire à Pôle emploi que si leur contrat de travail a été rompu avant son terme. Bien que ces personnes cotisent, elles ne bénéficient pas de l’assurance chômage. Même sol, mêmes droits, tel est mon slogan pour notre République.

M. le rapporteur. La liste des titres de séjour dont le travailleur étranger doit être titulaire pour pouvoir s’inscrire à Pôle emploi relève du pouvoir réglementaire. Elle figure à l’article R. 5221-45 du code du travail.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS649 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Avec cet amendement de repli, nous proposons que l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA et de leurs conjoints à Pôle emploi ne s’applique pas dans les pays français dits d’outre-mer.

Il faut prendre en compte les caractéristiques socio-économiques des collectivités ultramarines, davantage touchées par la précarité et le chômage. L’instauration de mesures aussi strictes, liées à la recherche d’emploi, pourrait affecter de manière disproportionnée nos territoires compte tenu de la pénurie d’emplois, au risque d’aggraver les inégalités sociales et la pauvreté.

Le projet de loi a pour seule ambition de pousser encore plus de gens dans la grande pauvreté. La Macronie veut faire des économies sur le dos des pauvres en les radiant massivement de France Travail. Imaginez quels en seront les effets dans les outre-mer ! À La Réunion, un habitant sur quatre vit du RSA. Vous parlez d’atteindre le plein emploi dans un territoire où règne la pénurie d’emplois ; ce n’est pas sérieux et c’est, à mon sens, totalement irresponsable. Les agents de Pôle emploi sont déjà débordés. Alors imaginez avec l’inscription automatique... J’en appelle à votre sagesse.

M. le rapporteur. L’article 11 prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter le texte aux multiples particularités des collectivités d’outre-mer. Je pense que nous pourrons obtenir du ministre qu’il s’engage en séance à associer étroitement les élus de ces territoires à l’écriture de ces ordonnances.

Je milite également en faveur d’une rédaction du texte qui renforce l’action du réseau France Travail dans les outre-mer, notamment en prévoyant une commission ad hoc au sein du comité national France Travail.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement a le grand mérite de souligner l’une des lacunes de la réforme. On s’appuie sur le faible taux de chômage pour dire que les allocataires du RSA qui ne trouvent pas de travail ne font pas assez d’efforts pour s’insérer socialement ou économiquement et qu’il faut donc les inscrire à France Travail pour surveiller cela de plus près.

La situation actuelle dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) est diamétralement opposée, puisque 21,7 % de la population sont allocataires d’un minimum social – soit trois fois plus qu’en France métropolitaine, où ce taux est de 8 %. Dans les Drom, les bénéficiaires du RSA représentent 15,6 % de la population, contre 5,8 % en métropole. Bref, on voit bien que la situation est particulière.

Je ne vois pas comment on va pouvoir inscrire automatiquement 15 % de la population à France Travail et assurer un accompagnement de qualité. On risque de renforcer les difficultés des habitants des Drom si on ne les exonère pas de l’application de cet article.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). L’article 11 permet d’appliquer le texte de manière différenciée outre-mer, en fonction de situations de l’emploi extrêmement différentes. Il s’agit d’inscrire les bénéficiaires du RSA à France Travail, afin de les accompagner le mieux possible, en fonction de leurs capacités et des possibilités d’emploi locales.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Les collègues ultramarins qui siègent sur différents bancs de notre Assemblée regrettent le recours aux ordonnances. Mais ils sont d’accord avec la logique de différenciation et ils souhaitent que l’on évoque les problèmes que mettent en évidence les indicateurs socio-économiques des Drom.

Le groupe LIOT soutient cet amendement. Certaines choses peuvent être réalisées par le biais d’ordonnances mais, comme je l’ai dit précédemment, l’ordonnance c’est le silence. Or nous ne voulons pas passer sous silence les spécificités des territoires ultramarins, où le taux de chômage et le nombre de bénéficiaires du RSA sont sans commune mesure avec ce que l’on connaît dans l’Hexagone.

Il me semble nécessaire d’envoyer un signal à ces territoires en mentionnant dans ce texte un certain nombre d’éléments qui leur sont spécifiques, tout en s’en remettant à l’ordonnance pour déterminer les aspects plus pratiques.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement souligne bien la manière assez inacceptable de traiter les outre-mer dans ce texte. Ils sont en quelque sorte considérés comme des blancs à remplir par d’autres que nous. Je considère, pour ma part, qu’il faut légiférer en tenant compte des spécificités de ces territoires. Quels seront les points qui justifieront un traitement différent ? Discutons du diagnostic et de ce qu’il faudrait faire de manière adaptée.

Il est exact que la situation sociale est beaucoup plus grave dans de nombreux Drom que dans l’Hexagone, mais les arguments employés sont valables partout, à des degrés variables. Je regrette que l’on propose une réforme conjoncturelle. Je préférerais que l’on définisse des droits et un système. Il faut faire beaucoup plus d’efforts d’accompagnement dans les outre-mer. Mais on se trompe si l’on ne s’attache pas à y créer des emplois. Ce n’est pas par manque de volonté que l’on ne trouve pas de travail outre-mer.

M. Nicolas Turquois (Dem). Même si je confesse une nouvelle fois ma méconnaissance de l’outre-mer, je constate que le taux de chômage y est notoirement supérieur à celui de la métropole. Si nous adoptions cet amendement, cela reviendrait à dire que l’on ne souhaite pas que les outre-mer bénéficient de l’accompagnement supplémentaire prévu grâce à la mise en place de France Travail. En outre, l’objectif de France Travail est de faire œuvrer ensemble tous les acteurs locaux, qui sont les plus compétents.

Adopter cet amendement constituerait donc un très mauvais signal.

M. Philippe Juvin (LR). J’avoue que je ne comprends plus ce débat. À partir du moment où tout le monde considère qu’il y a un problème plus grave dans les territoires d’outremer, ce qui est proposé par le texte afin d’agir est intéressant. Cet amendement n’a pas lieu d’être.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Sur l’île de La Réunion, le taux de chômage s’élève à 18 % tandis que celui des bénéficiaires du RSA atteint 26 %. Des syndicalistes de Pôle emploi m’ont indiqué que les conseillers y suivent jusqu’à 1 214 demandeurs. Imaginez la situation et la réalité du suivi... Que peuvent faire les conseillers ? Tous les problèmes s’accumulent – chômage, RSA, pauvreté –, avec de surcroît un service public qui se dégrade.

Et l’on va en plus demander à tous les allocataires du RSA de s’inscrire à Pôle emploi, alors que c’est un mensonge de dire qu’ils seront vraiment accompagnés ? Cela n’est pas le cas actuellement ; comment cela serait-il possible avec encore plus de demandeurs inscrits ? Je ne crois pas que vous prévoirez les moyens humains pour garantir cet accompagnement.

On sait qu’en fin de compte, l’objectif est de constater des manquements aux contrats d’engagements, afin de faire des économies sur le dos de ceux qui sont dans la misère.

M. le rapporteur. Je rappelle que nous avons adopté un amendement qui introduit la notion de réciprocité dans le contrat d’engagement. Je ne peux pas souscrire à votre propos, qui revient à dire que l’on ne respecterait pas cet engagement dans un territoire en particulier. Cela n’aurait pas de sens.

Exclure du dispositif l’outre-mer – qui m’est cher – revient à les priver de l’accompagnement renforcé que nous voulons mettre en place. Je trouve que ce serait dommage. Cela aboutirait à un effet contraire à celui recherché pour ces territoires plus fragiles, auxquels on doit consacrer davantage de moyens. C’est la raison pour laquelle les Drom feront l’objet d’un traitement spécifique, comme nous le verrons lorsque nous examinerons l’article 11.

Encore une fois, je souhaite que d’ici à la séance nous puissions souligner la volonté d’accompagnement spécifique de ces territoires, avec des engagements précis qui seront déterminés dans le cadre du comité national France Travail.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS817 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La rédaction des alinéas 10 et 11 laisse présager la définition de nouvelles catégories de demandeurs d’emploi. On peut s’interroger sur les finalités d’une telle opération. D’autant que le texte prévoit pour cela un arrêté conjoint des ministres chargés de l’emploi et des solidarités.

Nous proposons donc de supprimer ces alinéas, car c’est à la loi qu’il revient de préciser les choses en matière de renouvellement périodique d’inscription des demandeurs d’emploi.

M. le rapporteur. Je ne partage pas tout à fait votre analyse.

Il s’agit de tenir compte de la nouvelle définition élargie des demandeurs d’emploi, à la suite de la mise en place de France Travail. Un nouvel arrêté en déterminera les différentes catégories, conformément à l’alinéa 11. Il est nécessaire d’actualiser les données pour assurer un suivi actif, aux côtés de la personne concernée.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1400 de M. Paul Christophe.

Amendement AS650 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Cet amendement précise que le renouvellement de l’inscription des demandeurs d’emploi ne peut être réalisé de manière dématérialisée qu’à la demande des personnes concernées.

Compte tenu du taux de pauvreté, de l’illettrisme et de l’illectronisme, beaucoup de personnes ne disposent pas d’équipement informatique et d’abonnement internet. Ces demandeurs d’emploi réservent leur revenu aux besoins de première nécessité. C’est pourquoi nous demandons que l’organisme en charge du renouvellement puisse accompagner les demandeurs d’emploi dans cette démarche, afin d’éviter la double peine.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS70 de M. Arthur Delaporte, amendements identiques AS539 de M. Hadrien Clouet et AS815 de M. Pierre Dharréville (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement vise à supprimer l’alinéa 12, qui prévoit d’inscrire sur la liste des demandeurs d’emploi les personnes allocataires d’une pension d’invalidité qui, selon le code de la sécurité sociale, sont « absolument incapables d’exercer une profession quelconque » voire qui sont « dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie ».

On ne comprend pas pourquoi il faut inscrire à Pôle emploi des personnes dont l’incapacité à travailler a été reconnue.

M. le rapporteur. La mesure proposée vise à garantir l’égalité de traitement entre bénéficiaires du RSA. C’est la raison pour laquelle l’article L. 5411-5 du code du travail est abrogé.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). On peut discuter des critères administratifs qui conditionnent l’inscription d’une personne sur la liste des demandeurs d’emploi. Mais là, c’est quand même le pompon !

On nous explique qu’une personne reconnue invalide – qui par définition ne peut pas vivre de son travail – serait tout de même obligée de s’inscrire sur la liste des demandeurs d’emploi. C’est une contradiction dans les termes.

Pourquoi faire cela ? Quel est l’enjeu politique de cette inscription, si ce n’est mettre fin à une protection fondamentale accordée par le droit du travail à ceux qui souffrent, de manière définitive ou temporaire, des conséquences d’un accident de la vie, du travail ou d’une maladie professionnelle ? Ce ne peut être que pour les mettre au travail au bout du compte.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Quel est le sens de cette mesure en réalité ? On ne comprend pas pourquoi il faudrait inscrire automatiquement sur la liste des demandeurs d’emploi des gens qui sont invalides. On pourrait d’ailleurs discuter de la protection insuffisante que constitue ce statut, notamment s’agissant des revenus des personnes concernées.

Vous n’avez pas écrit ce texte, monsieur le rapporteur, mais il est tout à fait incompréhensible et la réponse que vous avez apportée à notre collègue Delaporte nous semble insuffisante.

M. le rapporteur. L’article L. 5411-5 du code du travail prévoit que les personnes reconnues invalides – qui bénéficient d’une pension liée à une incapacité totale de travail – ne peuvent être inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi. Or ces personnes peuvent cumuler leur pension avec le RSA. Il s’agit donc d’être cohérent avec la mesure que nous avons précédemment adoptée, qui prévoit que l’ensemble des bénéficiaires du RSA doivent être inscrits sur cette liste.

Bien évidemment il s’agit de leur permettre de bénéficier d’un accompagnement social puisque, par définition, il n’est pas question de retour à l’emploi.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Votre explication n’est pas complètement satisfaisante. Si les personnes invalides sont dispensées de recherche d’emploi, à quoi bon les inscrire à France Travail ?

Vous préparez la maltraitance administrative des personnes invalides, à l’image de ce que décrit le film Moi, Daniel Blake de Ken Loach. Elles vont devoir s’inscrire à France Travail et même devoir inscrire leur conjoint ! Au nom de quoi faites-vous cela ? Ces personnes ont été reconnues invalides par la médecine. Quelle est la logique de votre proposition, à part humilier les bénéficiaires du RSA ?

M. Philippe Juvin (LR). La question posée est évidemment pertinente. Mais il y a plusieurs catégories de personnes invalides, qu’il convient de traiter différemment.

Il faut bien entendu dispenser celles qui sont absolument incapables de travailler de l’obligation d’inscription à France Travail, car cela n’a pas de sens. En revanche, il est logique que cette mesure concerne les titulaires d’une pension d’invalidité qui peuvent continuer à exercer une activité professionnelle.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale prévoit trois catégories d’invalides. Tout d’abord, ceux qui sont capables d’exercer une activité rémunérée ; ensuite, les invalides absolument incapables d’exercer une profession quelconque ; et, enfin, ceux qui, étant absolument incapables d’exercer une profession, sont, en outre, dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.

Or l’article L. 5411-5 du code du travail ne vise que la deuxième et la troisième de ces catégories. Nos amendements proposent donc de refuser que l’on supprime la dispense d’inscription à Pôle emploi dont ces personnes bénéficient actuellement.

Il faut mesurer ce que prévoit le texte. Les personnes totalement invalides et celles qui ont en plus besoin de l’assistance d’un tiers devront s’inscrire sur la liste des demandeurs d’emploi. On va les convoquer à Pôle emploi pour faire un petit bilan...

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). C’est honteux !

M. Arthur Delaporte (SOC). Sandrine Rousseau a raison d’évoquer Moi, Daniel Blake, comme je l’ai fait en conclusion de ma question au ministre. Il est totalement kafkaïen d’inscrire des personnes qui ne peuvent absolument pas travailler sur la liste des demandeurs d’emploi – et qui figureront a priori en catégorie A. Cela dépasse les bornes du raisonnable et de ce que l’on peut entendre.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Monsieur le rapporteur, vous avez avancé un argument de cohérence pour justifier cette mesure, mais le texte se révèle très incohérent : nous avons déjà relevé un problème touchant les conjoints et les conjointes et en voici un autre, qui concerne les personnes dont l’invalidité les empêche totalement de travailler. Philippe Juvin a raison de préciser qu’il y a plusieurs degrés d’invalidité, mais l’alinéa 12 cible bien les personnes qui ne peuvent pas travailler. Vous voulez inscrire d’office ces personnes sur la liste des demandeurs d’emploi ! Comment l’accepter ?

Il y a là une forme de violence symbolique : vous allez enfoncer des personnes qui rencontrent déjà de nombreuses difficultés. Il faut supprimer cette mesure.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). La discussion nous choque : que les rédacteurs du texte, membres du Gouvernement et hauts fonctionnaires, puissent adopter une approche aussi technocratique pose la question de l’objectif poursuivi. Pourquoi imposer à des personnes dont l’invalidité les empêche de travailler de s’inscrire à France Travail ? Le dogmatisme de votre proposition politique – rejeter la faute du chômage sur quiconque ne travaille pas, y compris les personnes les plus vulnérables – atteint ici un sommet. Nous proposerez-vous, demain, d’inscrire les morts à France Travail ?

Mme Fanta Berete (RE). Je vous remercie, monsieur Delaporte, car je n’avais pas vu ce problème dans la masse d’amendements que nous devons examiner. Monsieur le rapporteur, nous devons distinguer la première catégorie, couvrant des gens qui peuvent souhaiter travailler, des deux autres, qui regroupent des personnes ne pouvant pas occuper d’emploi.

M. le rapporteur. Sans tomber dans la caricature, il est vrai que la rédaction pèche par maladresse. Je m’en remets à la sagesse de la commission sur les amendements visant à supprimer l’alinéa 12. Nous retravaillerons le texte d’ici à la séance publique et nous verrons s’il est utile d’introduire une spécification.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il y a trois amendements en discussion commune : le premier vise à supprimer l’alinéa 12 et, par cohérence, l’alinéa 39, quand les deux suivants n’ont pour objet que la seule suppression de l’alinéa 12. Sur quel amendement l’avis de sagesse du rapporteur porte-t-il ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Sur le vôtre, AS70.

La commission adopte l’amendement AS70.

En conséquence, les amendements AS539 et AS815 tombent.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1401 et AS1406 de M. Paul Christophe.

Amendements identiques AS318 de M. Arthur Delaporte et AS1175 de Mme MarieCharlotte Garin

M. Arthur Delaporte (SOC). Le texte prévoit que la personne est accompagnée vers l’accès ou le retour à l’emploi, et nous souhaitons préciser que cet emploi est de qualité. À côté de l’injonction à retrouver un emploi, la question de la qualité de celui-ci est importante ; nous avons d’ailleurs évoqué ce sujet cet après-midi avec le ministre. Un emploi, oui, mais pas n’importe lequel, ni à n’importe quel prix.

Le risque de cette réforme est de déboucher sur la situation allemande engendrée par les lois Hartz, à savoir le développement des bullshit jobs.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Le Secours catholique nous a proposé cet amendement, qui repose sur l’idée selon laquelle les personnes les plus éloignées de l’emploi méritent, elles aussi, un emploi de qualité. En Europe, les Français sont parmi les plus attachés au travail : près de 70 % d’entre eux affirment que le travail est très important ; ils formulent trois attentes principales : bien gagner leur vie, exercer un travail intéressant, avoir des relations sociales et évoluer dans une bonne ambiance de travail. Nous ne pouvons pas nous résoudre à abandonner l’objectif d’offrir des emplois de qualité, même aux personnes les plus éloignées de l’emploi.

M. le rapporteur. Le premier alinéa du nouvel article L. 5411-5-1 du code du travail dispose que les aspirations du demandeur d’emploi seront prises en compte dans l’élaboration du contrat d’engagement et de la décision d’orientation. À ce titre, chacun pourra faire part de son souhait d’accéder à un emploi de qualité.

En outre, le projet de loi vise à ce que les personnes concernées sortent durablement du chômage ou du RSA : notre responsabilité est donc de les accompagner vers un emploi qui leur permettra de prospérer durablement dans une entreprise. Je considère l’amendement comme satisfait et émets un avis défavorable à son adoption.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, car vous ne mettez jamais les entreprises face à leur responsabilité d’offrir des emplois de qualité. Or cette notion, qui prend de plus en plus d’importance, engage toutes les parties prenantes.

M. Jocelyn Dessigny (RN). C’est bien joli de parler d’emploi de qualité, mais encore faut-il en avoir une définition concrète. Je ne vois pas quels critères pourraient s’appliquer pour juger de la qualité ou non d’un emploi. Il faut prendre en considération les besoins du territoire et ceux des entreprises qui recrutent. Nous nous abstiendrons sur cet amendement.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le Bureau international du travail (BIT) a avancé plusieurs critères pour caractériser la qualité d’un emploi : santé et sécurité au travail, conditions de travail, niveau de rémunération, temps de travail, conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, sécurité de l’emploi, protection sociale, dialogue social, représentation effective des salariés et formation tout au long de la vie. Nous pourrions inscrire ces critères cumulatifs dans le droit ; certains pays ont d’ailleurs adopté des indicateurs de qualité de l’emploi, que l’Insee produit également.

Je vous invite à lire une étude de Pôle emploi d’avril 2016, qui mettait en avant l’absence de qualité de l’emploi comme obstacle au recrutement : en effet, 42,8 % des personnes avaient maintenu leurs exigences en termes d’expérience, de compétences, de niveau de formation et de motivation, mais seuls 13,8 % des employeurs avaient envisagé d’augmenter la rémunération des emplois proposés. L’indicateur de qualité de l’emploi constitue l’un des moyens de reconnaître que l’on ne peut pas accepter n’importe quel emploi à n’importe quel prix ; si nous le retenions, nous éviterions à votre réforme de pâtir d’effets de bord.

M. Thibault Bazin (LR). Je remercie le collègue Delaporte de poser la question très intéressante de la qualité de l’emploi, laquelle désigne l’ensemble des caractéristiques de l’emploi qui favorisent le bien-être actuel et futur au travail. Le Robert définit la qualité comme la « manière d’être non mesurable, qui donne une valeur plus ou moins grande ». La qualité de l’emploi est difficilement mesurable : la perception de la qualité des horaires peut, par exemple, varier d’une personne à l’autre.

De mon point de vue, l’emploi de qualité est celui qui respecte les règles communes de notre pays, notamment sociales et environnementales.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). M. Delaporte nous a donné la définition du BIT, laquelle constitue une base pour nos débats.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit que les aspirations du demandeur d’emploi seraient prises en compte dans le contrat d’engagement, mais pourra-t-il obtenir un CDI de 35 heures payé 3 000 euros par mois ? Si une telle offre n’est pas disponible, le chômeur devra se diriger vers l’intérim. Comment saurons-nous si les aspirations des personnes ont été prises en compte ? Le texte fait une place plus grande à la subjectivité que l’amendement de Mme Garin.

Il y a actuellement 2 200 000 travailleurs précaires ; la moitié des jeunes de moins de 25 ans qui travaillent occupent un emploi précaire : rappeler que l’on travaille pour vivre et que l’on ne vit pas pour travailler serait un signal positif ; voilà pourquoi, nous voterons ces amendements identiques.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Comme l’a dit Arthur Delaporte en reprenant la définition du BIT, il est possible d’évaluer la qualité de l’emploi grâce à des critères objectifs et chiffrés. M. Delaporte m’a ainsi transmis un tableau de 2021 qui présente l’écart à la moyenne des indicateurs de qualité de l’emploi et du travail dans différents pays européens – France, Allemagne, Italie, Pologne, Suède et Royaume-Uni. Des statistiques précises sur les conditions, la stabilité et la sécurité de l’emploi, mais aussi sur les risques physiques et biochimiques ainsi que ceux liés à l’intensité du travail, apparaissent dans ce tableau.

En outre, il convient de respecter le droit de chacun et de chacune à choisir d’accepter ou non tel ou tel emploi. Nous nous opposons à la philosophie du projet de loi, qui vise à réduire cette liberté.

La question de la qualité des offres d’emploi se pose : l’Assemblée nationale a demandé au Gouvernement de rédiger un rapport sur ce sujet, que l’on ne peut pas laisser de côté.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1471 de M. Paul Christophe et sous-amendement AS1502 de M. Arthur Delaporte

M. le rapporteur. L’amendement vise à harmoniser la liste des freins périphériques que peuvent rencontrer les demandeurs d’emploi, en reprenant la rédaction de l’alinéa 22 s’agissant des difficultés liées à la santé et au logement et en y intégrant la garde d’enfant, unanimement identifiée comme un frein majeur au retour à l’emploi et à laquelle est consacré un article entier du projet de loi.

J’espère que notre proposition, qui englobe certains amendements déposés sur le sujet, recueillera un très large assentiment. Je précise que nous assurerons la cohérence du texte, à l’alinéa 22 pour la garde d’enfant et, plus loin, pour la notion de proche aidant.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement du rapporteur réécrit l’alinéa dressant la liste des difficultés que peut éprouver un demandeur d’emploi et précise que le texte vise celles rencontrées « notamment en matière de santé, de logement, de garde d’enfant et tenant à sa situation de proche aidant ». Mon sous-amendement vise à ajouter la mobilité à cette liste, car elle fait partie des freins à l’accès à l’emploi. Il convient d’être exhaustif.

M. le rapporteur. Nous ne parviendrons jamais à l’être, cher collègue, car d’autres obstacles se dresseront peut-être dans le futur. Notre idée est de partir de l’écriture du Sénat puis d’harmoniser le texte sur la garde d’enfant et la situation de proche aidant. Notre énumération est loin d’être exhaustive, et il serait dangereux de prétendre qu’elle l’est.

Avis défavorable sur le sous-amendement.

M. Thibault Bazin (LR). La réécriture de l’alinéa par le rapporteur fait tomber une série d’amendements appelant l’attention sur des sujets que le texte n’aborde pas. Il est regrettable que nous ne puissions pas débattre de certains freins à l’emploi. Mon collègue Arthur Delaporte évoque la mobilité, qu’il me paraît opportun d’ajouter dans le texte : des agents de Pôle emploi m’ont encore dit la semaine dernière que la garde des enfants et la mobilité constituaient les problèmes les plus fréquemment mis en avant par les demandeurs d’emploi. Le texte doit intégrer ces préoccupations.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Comme vient de le dire notre collègue Bazin, l’adoption de l’amendement nous privera de la discussion sur certains freins périphériques à l’accès à l’emploi, discussion qu’il aurait été intéressant d’avoir avant l’examen du texte en séance publique.

Sur le fond, vous supprimez les termes « absence » et « conditions » de logement pour les remplacer par « en matière » de logement : la privation de logement est-elle bien incluse dans cette nouvelle formulation ? Je n’en suis pas si sûr.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il est dommage que l’adoption de votre amendement en fasse tomber plusieurs autres – j’ignore si vous l’avez déposé à dessein, monsieur le rapporteur –, qui évoquaient d’autres freins d’accès à l’emploi. Avez-vous agi avec malice ? Souhaitez-vous réserver certains sujets à la discussion en séance publique ?

M. Jocelyn Dessigny (RN). Monsieur le rapporteur, vous nous privez effectivement d’une discussion importante ; nous voterons donc contre l’amendement. La garde d’un enfant en situation de handicap ou atteint d’une maladie incurable constitue un besoin pour les parents et un frein à leur accès à l’emploi : il faut prendre en considération la dimension humaine d’une telle situation.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous avions déposé un amendement visant à intégrer la mobilité et la situation familiale. Alors que vous n’avez que partiellement repris nos propositions – peut-être avez-vous de bonnes raisons pour cela –, nous ne pourrons pas discuter de tous les sujets freinant l’accès à l’emploi. Si vous dressez une liste, il faut tâcher de la rendre la plus exhaustive possible ; à ce titre, il est incompréhensible que la mobilité n’y figure pas.

M. le rapporteur. C’est mal me connaître que de me prêter une quelconque malignité dans le dépôt de cet amendement. Celui-ci est mû par la volonté d’adopter, à partir des travaux du Sénat, une rédaction identique dans les alinéas 17 et 22.

La rédaction de l’amendement débute par l’adverbe « notamment », qui exclut tout dessein d’exhaustivité. En outre, il est préférable d’évoquer le logement plutôt que « l’absence de logement » car la formulation est plus large – de même, la « garde d’enfant » englobe tous les types de garde d’enfant.

Je suis prêt à accepter le sous-amendement, à condition que vous sous-amendiez également mon autre amendement portant sur l’alinéa 22, afin d’assurer la symétrie entre les deux listes.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

En conséquence, les amendements AS540 de Mme Danielle Simonnet, AS818 de M. Yannick Monnet, AS355 de M. Thibault Bazin, AS71 de M. Arthur Delaporte, AS1239 de Mme Servane Hugues, AS467 de Mme Marie-Charlotte Garin, AS1095 de M. Jocelyn Dessigny, AS803 de M. Matthieu Marchio, AS1169 de Mme Mireille Clapot, AS273 de Mme Stella Dupont et AS1097 de M. Jocelyn Dessigny tombent.

Amendement AS727 de M. Dominique Da Silva

M. Dominique Da Silva (RE). L’amendement vise à maintenir un accompagnement socioprofessionnel des demandeurs d’emploi. Ceux qui éprouvent des difficultés doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement social en parallèle de la recherche d’un travail, afin de ne pas retarder le retour à l’emploi. Ainsi, une formation visant à aider à la rédaction de curriculum vitae peut être suivie en même temps qu’un parcours à vocation d’insertion sociale.

M. le rapporteur. Je comprends votre volonté d’axer le plus tôt possible les parcours vers l’emploi ; néanmoins, un principe de réalité nous oblige à reconnaître que certains allocataires en sont très éloignés et ont besoin d’un accompagnement social renforcé avant de rechercher effectivement un emploi. Pour cette raison, je vous propose de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS720 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à ce que la vocation de l’accompagnement du demandeur d’emploi ne soit pas simplement l’insertion sociale, mais psychosociale. En effet, la précarité, l’absence de travail et l’isolement sont des facteurs qui peuvent entamer la santé psychique des personnes. Être en bonne santé psychique aide à retrouver un travail ; à l’inverse, les maladies psychiques, qui sont les moins bien soignées et les moins bien prises en charge par notre système de sécurité sociale, constituent un obstacle sur le chemin du retour à l’emploi.

M. le rapporteur. L’avis est défavorable pour les mêmes raisons que celles exprimées tout à l’heure : je préfère que nous conservions la rédaction des alinéas 17 et 22 issue des travaux du Sénat et des modifications que nous venons d’apporter.

Nous ne pourrons pas dresser de liste exhaustive, d’où l’utilisation du terme « notamment », car il serait dommageable d’oublier une dimension importante de la question si nous nous lancions dans une longue énumération.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS707 de Mme Karine Lebon

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement vise à prendre en compte certaines difficultés structurelles rencontrées par les territoires d’outre-mer, qui connaissent les taux les plus élevés de pauvreté, de chômage et de bénéficiaires des minimas sociaux. L’insularité et l’éloignement rendent d’autant plus complexe le déploiement des dispositions du présent article, lesquelles ne sont nullement adaptées aux réalités de chacun de ces territoires.

L’impossibilité pour certains demandeurs d’emploi, et plus encore pour une grande partie des bénéficiaires du RSA, de s’inscrire de manière active dans un processus de recherche d’emploi s’explique par de nombreux facteurs, parmi lesquels figurent des situations familiales complexes et des possibilités de déplacement limitées, deux difficultés importantes outre-mer que le projet de loi ne prend pas en compte.

Si la situation de proche aidant semble être intégrée, ce n’est pas le cas des personnes n’ayant aucune solution de garde d’enfant. De nombreux foyers bénéficiant du RSA sont constitués de familles monoparentales, dont la cheffe de famille est le plus souvent la mère, qui ne peut concilier une activité hebdomadaire de 15 heures et l’éducation des enfants. Sans soutien familial, il est en général impossible pour ces mères célibataires de se déplacer sans leurs jeunes enfants qui ne sont pas encore scolarisés. Le nombre de places dans les crèches municipales étant très limité, les places dans les crèches privées très chères et la prestation d’une assistante maternelle au-dessus de leurs moyens, ces personnes doivent s’occuper elles-mêmes de la garde de leurs enfants.

L’objectif de cet amendement est de prendre en compte ces différentes situations que l’on rencontre dans les territoires ultramarins.

M. le rapporteur. L’examen de cet amendement me donne l’occasion de saluer le travail de notre collègue Lebon sur l’emploi dans les territoires ultramarins. J’émets un avis défavorable sur l’amendement, car nous ne voulons pas établir de liste exhaustive des freins à l’accès à l’emploi. En outre, l’article 11 comporte des dispositions particulières pour l’outre‑mer.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS212 de M. Arthur Delaporte et AS221 de M. Thibault Bazin

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous avons travaillé cet amendement avec l’association Régions de France. Il vise à compléter l’alinéa 18 par les mots « en coordination avec le service public régional de l’orientation ». L’objectif est de conforter le rôle de chef de file des régions en matière d’orientation professionnelle et d’information sur les métiers. En application de l’article L. 6111-3 du code du travail, l’État et les régions assurent en effet le service public de l’orientation tout au long de la vie. Il importe de reconnaître le travail essentiel qu’accomplissent les régions.

M. Thibault Bazin (LR). Il est nécessaire de montrer que la réforme ne se déploiera pas en opposition aux différents échelons locaux. L’amendement vise simplement à mentionner le service public régional de l’orientation, il est presque de nature rédactionnelle.

M. le rapporteur. Vous avez été plusieurs à déposer cet amendement, qui opère manifestement une confusion dans la notion d’orientation entre celle du service public de l’emploi et celle du service public régional de l’orientation. Or ce dernier porte sur l’orientation scolaire, non sur l’orientation vers l’emploi. Celle-ci, qui touche à la formation professionnelle et au reclassement, n’est pas un accompagnement vers l’emploi au sens de l’article 1er du projet de loi.

L’avis est donc défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Au risque de choquer l’extrême gauche, l’orientation scolaire doit préparer à l’emploi dès le plus jeune âge. Avec le développement de la filière professionnelle, on voit que le service public régional de l’orientation joue un rôle pour l’emploi.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS72 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à garantir le caractère collégial de la décision d’orientation vers l’organisme référent, qu’elle soit prise par Pôle emploi, les départements ou les missions locales. Le risque existe d’une automatisation des décisions d’orientation, qui conduirait à supprimer tout filet de sécurité, d’où la nécessité de maintenir et de conforter la collégialité.

M. le rapporteur. La rénovation du service public de l’emploi par la création du nouveau réseau France Travail, ou réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, a précisément pour but d’élargir la collégialité que vous appelez de vos vœux, grâce à des synergies et à des échanges entre tous les acteurs.

Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je soutiens cet amendement. Le texte pose des conditions objectives pour nourrir la coopération, et l’amendement vise à établir des conditions subjectives, en faisant de la collégialité un but de la loi et non une simple conséquence souhaitable. Il s’inscrit donc votre démarche, monsieur le rapporteur, donc j’espère que la commission l’adoptera largement.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je ne retire pas l’amendement : puisque vous l’estimez conforme à l’esprit du texte, adoptons-le pour faire de la collégialité un principe reconnu par la loi.

La commission rejette l’amendement.

 

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3.   Réunion du mardi 19 septembre 2023 à 15 heures (article 1er [suite] à article 2)

 

Lors de sa première réunion du mardi 19 septembre 2023, la commission poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528) (M. Paul Christophe et Mme Christine Le Nabour, rapporteurs) ([373]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous poursuivons l’examen du projet de loi pour le plein emploi. Hier nous avons examiné 92 amendements : il en reste 1 032 en discussion. Je vous invite donc à la concision afin que nous puissions tous les examiner d’ici à mercredi soir.

Article 1er (suite) : Mieux orienter et accompagner les demandeurs d’emploi

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1409 et AS1410 de M. Paul Christophe.

Amendements identiques AS73 de M. Arthur Delaporte et AS998 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement vise à supprimer la capacité offerte aux départements de déléguer leur compétence en matière d’insertion sociale et professionnelle des allocataires du RSA, prévue à l’alinéa 20. Le département est l’organisme de référence : toute délégation créerait des inégalités entre les départements.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). La seconde phrase de l’alinéa 20 prévoit que le président du conseil départemental peut déléguer la compétence en matière d’insertion des allocataires du RSA à Pôle emploi, ce qui enverrait un mauvais signal. Cette disposition, qui amène à négliger le rôle du conseil départemental, ne garantit pas suffisamment la place des élus et renforce beaucoup l’opérateur. Dans ces conditions, nous souhaitons la supprimer.

M. Paul Christophe, rapporteur pour les titres Ier et II. Avis défavorable.

Le texte respecte les prérogatives des collectivités territoriales. M. Saint-Huile l’a rappelé, la délégation reste une faculté optionnelle et conditionnelle. On ne déshabille pas le département au profit de l’opérateur. Au contraire, cette fonction support reste à la main du président du conseil départemental.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS74 de M. Arthur Delaporte

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement vise à garantir qu’aucun traitement algorithmique ne prendra les décisions d’orientation des demandeurs d’emploi sans qu’un contrôle ne soit effectué par un agent de Pôle emploi, du département ou des missions locales. Confrontés à des situations difficiles, les demandeurs ont besoin d’un interlocuteur humain, qui les mette en confiance, ce qu’un système d’information ne peut pas faire.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

L’expérimentation très positive menée en Seine-Saint-Denis montre qu’un dispositif algorithmique adapté permet d’obtenir les meilleurs taux d’orientation des bénéficiaires du RSA. Il serait dommage de s’en priver, d’autant qu’il existe un garde-fou : l’orientation n’est pas définitive et peut être corrigée si une erreur est constatée. Le traitement automatisé n’est certainement pas optimal, ce n’est une solution globale ; c’est pourquoi une réorientation reste possible.

M. Joël Aviragnet (SOC). J’entends qu’une expérimentation est menée, mais cela ne me renseigne ni sur son contenu, ni sur ses tenants et aboutissants, ni sur ses conclusions. Nous avons aussi de très mauvais retours d’expérience, notamment de la Seine-Saint-Denis. Ayant été travailleur social, je sais que la communication avec les demandeurs d’emploi ne peut pas être déléguée, notamment lors des premiers entretiens.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’objection de M. le rapporteur n’est pas fondée. D’abord, l’amendement n’exclut pas que l’algorithme puisse soutenir la décision d’orientation. Il oblige seulement à valider la décision par un agent. Il n’élimine donc pas les outils dont vous défendez la pertinence : il les encadre. Ensuite, il s’agit d’encadrer non l’orientation par l’algorithme c’est-à-dire un ensemble de choix proposés, mais la décision d’orientation, donc le choix définitif qui serait pris dans un éventail de possibles. Pour ces deux raisons, l’amendement est un garde-fou très utile, voire minimal.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS79 de M. Arthur Delaporte et AS231 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement, travaillé avec Collectif Handicaps, prévoit d’élaborer des critères d’orientation du demandeur d’emploi après avis de Pôle emploi et des associations représentatives des personnes handicapées. Il est primordial de préciser les conditions dans lesquelles Pôle emploi évaluera les besoins et réalisera l’accompagnement renforcé du demandeur d’emploi en situation de handicap. Il s’agit notamment de disposer de cahiers des charges et de référentiels précis pour les opérateurs chargés de ces missions. Les associations représentatives des personnes en situation de handicap doivent prendre part à la coconstruction de ces documents, afin d’éviter des disparités territoriales liées à l’interprétation de référentiels imprécis.

M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement vise à associer les associations représentatives des personnes handicapées et des aidants – ces derniers n’étant pas mentionnés dans l’amendement de M. Delaporte – à la coconstruction des référentiels servant à l’orientation des demandeurs d’emploi vers un organisme référent, qu’il s’agisse de Pôle emploi, de Cap emploi ou des missions locales. Les aidants – 20 % des salariés ! – sont particulièrement concernés par les freins à l’emploi en matière de mobilité, de logement et de garde d’enfant, que nous avons évoqués hier. Ces obstacles constituent une raison de rupture dans le parcours d’emploi.

M. le rapporteur. Ces deux amendements visent à rétablir le texte initial, en revenant sur les modifications apportées par le Sénat, et à ajouter l’avis des associations représentatives des personnes handicapées et des aidants.

Pour être acceptés et adaptés aux personnes et aux acteurs chargés de les appliquer, il semble préférable que les critères d’orientation des demandeurs d’emploi soient définis de manière concertée. Il est plus opportun que cette définition se fasse dans le cadre du comité national France Travail, où les associations sont représentées et peuvent peser sur le débat. Je suis d’ailleurs surpris que l’amendement AS79 renvoie à un arrêté, à la main du Gouvernement.

En conséquence, j’émets un avis défavorable sur les deux amendements.

M. Thibault Bazin (LR). Les associations de personnes handicapées participent au comité national, mais les associations d’aidants y seront-elles intégrées ?

La commission rejette l’amendement AS79 puis adopte l’amendement AS231.

Amendements identiques AS275 de Mme Stella Dupont et AS1293 de M. Cyrille IsaacSibille

Mme Fanta Berete (RE). L’amendement AS275 est défendu.

M. Nicolas Turquois (Dem). À l’initiative de Stella Dupont, il s’agit de tenir compte de l’engagement associatif dans les critères de décision d’orientation. Cet engagement peut en effet être important pour certains demandeurs d’emploi.

M. le rapporteur. Je comprends votre volonté de mettre en valeur l’engagement associatif, auquel nous sommes tous très attachés. Toutefois je ne suis pas certain que cet ajout ait sa place à cet endroit du texte. Le Sénat y a fait référence à l’article 2 relatif au contrat d’engagement, en ajoutant les expériences associatives aux expériences extraprofessionnelles. Je vous suggère donc de retirer vos amendements au profit de ces dispositions.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je soutiens ces amendements très pertinents. Tenir compte de l’engagement associatif éclaire l’usage que les allocataires font de leur temps et valorise les moments contrôlés de leur activité, en dehors des rendez-vous. Il donne un sens à des actions qui ne sont pas reconnues, voire reprochées au demandeur car elles sont considérées comme concurrentes à la recherche d’emploi.

De plus, cela renforce la disponibilité du demandeur : on réorganise les obligations des allocataires ou des usagers par rapport à des tâches reconnues comme légitimes.

Enfin, on montre par-là que l’on peut intégrer l’engagement associatif dans la recherche d’emploi, c’est-à-dire s’appuyer sur l’expérience associative des personnes pour en tirer des compétences, qui peuvent être réinjectées dans le marché du travail.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’engagement associatif est intéressant dans un parcours, notamment pour les personnes éloignées de l’emploi, qui ont perdu l’habitude d’avoir des obligations : non seulement le monde associatif en a besoin, mais cela leur met le pied à l’étrier. Êtes-vous certain que les dispositions de l’article 2 permettront de le prendre en compte ?

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1176 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à ce que les personnes qui entrent dans un parcours d’insertion puissent choisir l’organisme chargé de leur accompagnement. Plusieurs organisations de défense des droits humains l’ont recommandé, afin que les publics précaires puissent reprendre en main leur accompagnement.

M. le rapporteur. L’amendement paraît satisfait. En effet, le demandeur pourra exprimer ses souhaits en matière d’orientation vers un organisme d’accompagnement. Son diagnostic global sera réalisé conjointement, par une discussion avec l’organisme.

À ce stade, nous préférons que ces modalités soient fixées de manière concertée par le comité national France Travail plutôt que figées dans la loi, car on pourrait ainsi entraver une organisation différente.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Faire figurer cette disposition dans la loi, c’est inscrire le droit des demandeurs à choisir leur organisme d’accompagnement : ce n’est pas l’issue d’un échange qui, peut-être, se tiendra. J’appelle donc à voter pour l’amendement.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Selon le rapporteur, le libre choix de l’organisme est garanti par le texte mais sera pourtant, simultanément, défini par un comité national. Il y a là une contradiction. À moins que le comité national ne soit composé uniquement de chômeurs et de chômeuses, il n’y a pas de choix individuel. Vous dites que le choix sera négocié, concerté, mais ce sera à un plus haut niveau. L’objet de l’amendement n’est pas que le comité détermine dans quel cas types entrent les demandeurs, mais que l’individu, dès son inscription, puisse exprimer son vœu quant à l’organisme référent, et qu’il devienne effectif.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS77 de M. Arthur Delaporte et AS692 de M. Francis Dubois

M. Arthur Delaporte (SOC). Dans la même veine que les amendements précédents, il s’agit de prendre en compte le critère d’âge. De même que les jeunes de 16 à 25 ans dont nous avons parlé hier à propos de l’inscription automatique sur la liste des demandeurs, certains travailleurs seniors inscrits au RSA pourraient préférer effectuer des démarches en direction de la retraite plutôt que chercher un emploi.

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement AS692 est défendu.

M. le rapporteur. Dans la suite de la discussion d’hier soir, nous souhaitons une rédaction symétrique dans les alinéas 17 et 22. Il s’agit non de reprendre une liste exhaustive des critères, mais d’en retenir certains, précédés de la mention « notamment ». Je vous propose donc de rependre les dispositions de l’alinéa 17, sans oublier la question de la mobilité qu’a ajoutée le sous-amendement AS1502 de M. Delaporte. En conséquence, je serai défavorable aux autres amendements sur cette question.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS735 de Mme Katiana Levavasseur et AS820 de M. Yannick Monnet

Mme Katiana Levavasseur (RN). Il s’agit de supprimer les mots « le cas échéant » à la seconde phrase de l’alinéa 22 car ils induisent une éventualité et minimisent l’importance des difficultés personnelles du demandeur d’emploi. Or sa situation personnelle ou sa santé ne sont pas des éléments secondaires : au-delà des circonstances ou des compétences, ce sont ces critères qui feront de la recherche d’emploi un succès.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Pour assurer à une personne un accompagnement durable et de qualité, il faut prendre en compte sa situation globale. L’expression « le cas échéant » sous-entend qu’il n’y a pas véritablement de difficulté ou qu’il faut que la personne les ait identifiées, verbalisées. Or il est compliqué pour une personne privée d’emploi d’exprimer tout cela lors du premier rendez-vous, en vue d’une orientation. Il faut admettre dès le départ que la personne connaît des difficultés, qui restent à identifier.

M. le rapporteur. Je comprends votre interpellation mais suis défavorable à ces amendements. L’idée de l’accompagnement renforcé est d’aider à mieux identifier et verbaliser des difficultés, si elles existent. L’objectif est de mieux accompagner, de mieux orienter et de mieux former, pour permettre le retour à l’emploi auquel la personne aspire. À cet égard, je ne vois pas l’intérêt de supprimer les mots « le cas échéant ». Sans eux, on stigmatise les personnes puisque l’on sous-entend qu’elles rencontrent nécessairement des difficultés particulières.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS78 et AS76 de M. Arthur Delaporte et amendements identiques AS530 de Mme Justine Gruet et AS821 de M. Pierre Dharréville (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Le premier amendement tend à intégrer la mobilité, l’illectronisme et l’illettrisme dans les critères à prendre en compte lors de l’orientation des demandeurs d’emploi vers les différents organismes. L’avis du Défenseur des droits sur la dématérialisation des services publics fait état de défaillances dans l’accès aux maisons France Services, censées pourtant pallier le repli des services publics. 13 millions de personnes ont des difficultés d’accès au numérique en France. Cela nous amène à nous interroger sur le virage du tout numérique. Les efforts de Pôle emploi pour favoriser l’accueil existent mais ne sont pas suffisants : 7 % de la population adulte, de 18 à 65 ans, est en situation d’illettrisme, soit 2 500 000 personnes en métropole. Cette dimension doit être prise en compte dans l’orientation et le choix du parcours des bénéficiaires du RSA.

Mon second amendement vise plus précisément les transports.

Mme Justine Gruet (LR). Mon amendement a pour objet de tenir davantage compte de la mobilité des personnes, notamment dans les territoires ruraux.

Je souhaiterais aussi que l’on s’interroge sur des outils novateurs qui faciliteraient le retour à l’emploi, par exemple une application qui mettrait en relation les entreprises et les demandeurs d’emploi, selon leurs compétences et leur localisation.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement vise à inscrire les difficultés liées à la mobilité, inégales selon les territoires, dans les critères qui doivent être pris en compte dans l’orientation d’un demandeur d’emploi. On a sans doute en tête les propositions scandaleuses qui ont été faites, en lieu et place des « offres raisonnables d’emploi » promises. Pour certaines, l’emploi était très loin du demandeur, qui se trouvait dans l’impossibilité formelle de répondre à l’offre.

M. le rapporteur. En cohérence avec la discussion et les votes d’hier, je donne un avis défavorable aux amendements AS78 et AS76, et un avis favorable aux autres amendements, qui introduisent la notion de mobilité, comme nous l’avons fait à l’alinéa 17.

La commission rejette successivement les amendements AS78 et AS76.

Puis elle adopte les amendements identiques AS530 et AS821.

Amendement AS822 de M. Yannick Monnet, amendements identiques AS80 de M. Arthur Delaporte, AS398 de Mme Isabelle Valentin, AS437 de Mme Josiane Corneloup et AS1136 de M. Victor Catteau, amendement AS1472 de M. Paul Christophe et sousamendement AS1503 de M. Arthur Delaporte, amendements AS274 de Mme Stella Dupont et AS1276 de Mme Aude Luquet (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Mon amendement vise à préciser les critères motivant les décisions d’orientation d’un demandeur d’emploi.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de préciser dans les critères que le demandeur joue un rôle d’aidant d’une personne handicapée, âgée ou malade, ce qui peut constituer un frein à la recherche d’emploi. L’amendement a été travaillé avec le Collectif interassociatif des aidants familiaux et APF France handicap.

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement AS437 a pour objectif de prendre en compte la situation spécifique des proches aidants souhaitant être inscrits comme demandeurs d’emploi. Ceux qui se rendent disponibles chaque jour pour assister un proche que l’âge, la maladie ou le handicap conduisent à une perte d’autonomie subissent de plein fouet les conséquences de cette double vie et ont des difficultés à concilier leurs vies professionnelle et personnelle. Il s’agit de leur permettre de bénéficier d’un diagnostic approfondi de leurs besoins sociaux et professionnels.

M. le rapporteur. Je propose une rédaction un peu plus large, telle que celle que nous avons votée à l’alinéa 17. En conséquence, je suggère de retirer les autres amendements faisant référence aux aidants.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le sous-amendement vise à intégrer les problématiques de mobilité dans les critères qui fonderont la décision d’orientation, comme nous l’avons fait à l’alinéa 17.

Mme Fanta Berete (RE). Par l’amendement AS274, nous souhaitons que la situation de proche aidant soit ajoutée à la liste des critères. Les demandeurs d’emploi qui prennent en charge des enfants ou des adultes en situation de handicap ou de perte d’autonomie doivent pouvoir bénéficier d’un aménagement, de façon à ne pas être contraints de se rendre à des activités auxquelles il ne pourrait pas se présenter.

Mme Anne Bergantz (Dem). L’amendement AS1276 a pour objet d’ajouter la situation de proche aidant aux critères d’orientation du demandeur d’emploi.

M. le rapporteur. Nous nous rejoignons sur le besoin de donner toute sa place au rôle de proche aidant dans le texte. Je vous propose donc d’adopter l’amendement AS1472, par symétrie avec l’alinéa 17, et de retirer les autres amendements à son profit. Je suggère également à M. Delaporte de retirer son sous-amendement car il est satisfait par notre vote de l’amendement précédent sur la mobilité. À défaut, avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je ne comprends pas votre demande de retrait car nos amendements apportent des précisions. Votre rédaction, au contraire, est très laconique.

La commission rejette successivement l’amendement AS822 et les amendements identiques AS80, AS437 et AS1136.

Puis elle rejette le sous-amendement AS1503 et adopte l’amendement AS1472.

En conséquence, les amendements AS274 et AS1276 tombent.

Amendement AS81 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à améliorer le droit au recours. En effet, si la décision d’orientation est susceptible d’un recours gracieux puis d’un recours contentieux devant le juge administratif, dont les modalités sont précisées par un décret en Conseil d’État, certaines irrégularités ont été pointées, notamment par la Défenseure des droits. Les différentes décisions doivent pouvoir faire l’objet d’un contradictoire et être contestées car elles peuvent avoir une incidence importante sur la vie des demandeurs.

M. le rapporteur. Vous amalgamez la procédure d’orientation et de sanction. La personne en recherche d’emploi sera pleinement associée à la procédure d’accompagnement. Si des difficultés apparaissent dans son accompagnement, et si elle juge la proposition inadaptée, elle a déjà la possibilité de solliciter une réorientation.

Je partage toutefois votre volonté de préciser les voies de recours, ce que ciblait la Défenseure des droits. Sur ces questions, je vous donne rendez-vous à l’article 3, dont les dispositions auront une portée plus importante. Avis défavorable à ce stade.

M. Arthur Delaporte (SOC). Merci d’envisager de préciser le texte à l’article 3. La question du recours gracieux s’apparente à la demande de revoir l’orientation. L’insérer dans le texte aurait le mérite de clarifier les choses, en cas de conflit par exemple. Avoir recours à un tiers est important car le demandeur d’emploi ou l’allocataire du RSA se retrouve parfois face à un seul conseiller.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS399 de Mme Isabelle Valentin, AS439 de Mme Josiane Corneloup et AS860 de M. Matthieu Marchio

Mme Isabelle Valentin (LR). Mon amendement vise à accroître le pouvoir d’adaptation locale des critères d’orientation, en vue d’ajuster les besoins et profils au bassin d’emploi et d’asseoir une gouvernance partenariale du système d’information. Pour réussir cette adaptation aux réalités locales, il apparaît opportun d’élargir la faculté donnée au président du conseil départemental de préciser les critères pour l’orientation des bénéficiaires du RSA.

Mme Justine Gruet (LR). Je défends l’amendement AS439 car l’échelon communal et intercommunal est une bonne manière de connaître le territoire, de faciliter les liens et de satisfaire les besoins des demandeurs d’emploi comme des entreprises.

M. Victor Catteau (RN). L’amendement AS860 est défendu.

M. le rapporteur. Le projet de loi tend à garantir l’application de critères communs d’orientation dans un objectif d’équité territoriale. Il prévoit que ces critères soient établis à l’échelon national, par le comité national France Travail. Ils n’ont donc pas vocation à être écartés ou modifiés selon les territoires, afin de tenir compte de circonstances locales particulières. Dans son avis, le Conseil d’État a insisté sur la nécessité de limiter l’intervention conjointe du préfet et du président du conseil départemental à de seules « précisions » apportées à ces critères, lorsque des circonstances locales le justifient. Nous préférons nous en tenir à ces précisions.

Avis défavorable sur les trois amendements.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS679 de Mme Isabelle Valentin, AS680 de Mme Josiane Corneloup et AS1335 de M. Matthieu Marchio

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement AS680 est défendu.

M. Victor Catteau (RN). L’amendement AS1335 est défendu.

M. le rapporteur. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). J’irai – ce que je n’ai pas toujours l’occasion de faire – dans le même sens que M. le rapporteur. Nous voyons quelque chose de très contreproductif et même d’assez dangereux dans ces amendements : si l’orientation dépend exclusivement des besoins immédiats du système productif ou du bassin d’emploi, on renonce à des formations de qualification sur le long terme au profit d’embauches immédiates. Dans l’industrie lourde, l’aéronautique par exemple, où des projets courent sur huit à dix ans, il faut avoir des personnes déjà formées au moment où l’on embauche et, inversement, il faut former des personnes même s’il n’y a pas de besoins immédiats.

On ne peut pas se contenter d’orienter des personnes vers des formations lorsqu’il y a tout de suite des débouchés. Sinon, des personnes déjà formées dans le secteur de l’aéronautique seront envoyées en boulangerie lorsqu’il le faudra, et dès qu’elles seront en poste, on recrutera de nouveau des personnes dans l’aéronautique. Tout cela est contreproductif, contre-intuitif, absurde et économiquement néfaste.

Mme Isabelle Valentin (LR). Quand il est question d’un besoin local, cela concerne un territoire donné. Dans certains endroits, des entreprises sont plus axées sur la pharmacie ou l’aéronautique, mais on ne fera pas d’un boulanger un soudeur de l’aéronautique ! Votre argumentation est un peu légère.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1411 de M. Paul Christophe.

Amendement AS824 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement vise à encadrer l’utilisation des données collectées. Une très longue liste, prévoyant des situations très différentes, est prévue. Nous souhaitons sécuriser la situation en spécifiant que les informations ne pourront être utilisées à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été communiquées.

M. le rapporteur. La transmission des données personnelles est particulièrement encadrée, notamment par l’article 5 du règlement général sur la protection des données (RGPD) et par l’article 4 de la loi « informatique et libertés ». Ainsi, il est déjà prévu que les données à caractère personnel échangées doivent être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ». Il est certainement important de le rappeler, mais votre demande de précision est déjà satisfaite.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS823 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Dans certains cas, cela va mieux en le disant et même et en l’écrivant. Il n’est pas inutile, alors que nous sommes en train de créer un gigantesque fichier et un gigantesque système d’information, de repréciser certains éléments importants. Le passage que vous venez de citer, monsieur le rapporteur, dit les choses dans l’autre sens, c’est-à-dire que les données doivent être collectées d’une manière proportionnée à l’usage qui en est fait. Nous disons, pour notre part, qu’il ne pourra pas y avoir d’autre usage, ce qui est complémentaire.

Par ailleurs, mon amendement tend à préciser dans la loi que « ces informations sont conformes au droit au respect de la vie privée ». C’est déjà prévu, mais compte tenu de ce que nous sommes en train de faire, c’est un point important qui mérite d’être réaffirmé.

M. le rapporteur. Mon avis reste défavorable. Le RGPD et la loi « informatique et libertés » existent, et le présent texte ne saurait se soustraire aux obligations qui s’imposent déjà.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit d’un amendement de repli assez modeste, mais qui aurait le mérite d’affirmer la volonté du législateur de protéger les données individuelles des allocataires. Il y a une véritable préoccupation chez tous les acteurs en ce qui concerne la sécurisation des données personnelles, le caractère partagé de certaines informations, qui pourraient avoir vocation à rester au sein d’une des agences appartenant au réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi – que j’appellerai réseau Rail – ainsi que leur privatisation potentielle et leur monétisation. Il faut l’entendre, monsieur le rapporteur.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Compte tenu des informations qui peuvent être récoltées, notamment au sujet des conjoints et du taux d’invalidité des personnes, il est nécessaire que les données ne puissent jamais être utilisées pour une autre finalité que celle pour laquelle elles ont été collectées. Ce texte vise à aller chercher dans l’intimité des personnes les ressorts permettant leur insertion, selon vous, ou leur contrôle, selon nous. Il est important que les données personnelles, par exemple en matière de santé, ne puissent pas se retrouver dans d’autres fichiers croisés ou d’autres organismes. On pourrait le garantir – ce serait le minimum – en ajoutant cette phrase qui ne coûte pas grand-chose.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1425 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. À la suite de la discussion que nous avons eue hier au sujet des notions de personnes handicapées, en situation de handicap ou vivant en situation de handicap, je retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS829 de M. Yannick Monnet

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit de compléter la liste des organismes référents vers lesquels peuvent être orientés les demandeurs d’emploi, afin d’intégrer explicitement des acteurs territoriaux qui œuvrent en matière d’orientation et d’accompagnement et ainsi de veiller à la complémentarité des outils du service public de l’emploi au niveau national et au niveau local. Nous visons en l’occurrence les acteurs mobilisés dans le cadre des plans locaux pour l’insertion et l’emploi (Plie) et les maisons de l’emploi, qui sont mentionnés dans un autre article du texte.

M. le rapporteur. Vous avez raison d’attirer l’attention sur les Plie, mais cet amendement est satisfait, notamment par l’article 4, à la suite des ajouts faits par le Sénat s’agissant de la liste des organismes concernés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS309 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement, sur lequel nous avons travaillé avec la Fédération des acteurs de la solidarité, vise à garantir l’inscription des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) dans la liste des organismes référents vers lesquels peuvent être orientées les personnes en recherche d’emploi, les bénéficiaires du RSA et ceux qui sollicitent un accompagnement. Les SIAE jouent un rôle essentiel : elles accompagnent les personnes et agissent auprès des entreprises de leur territoire, ce qui permet, en fin de compte, une médiation entre demandeurs d’emploi et employeurs de droit commun. L’inscription de ces structures dans le réseau Rail doit permettre d’assurer une approche et un accompagnement adaptés aux personnes en situation d’exclusion, en situation de précarité ou éloignées de l’emploi, qui cumulent des difficultés sociales souvent imbriquées – problèmes de santé physique ou psychique, etc.

M. le rapporteur. Cet amendement est également satisfait : le Sénat a intégré, à l’article 4, l’ensemble des organismes d’insertion par l’activité économique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS357 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Les difficultés en matière de garde d’enfant peuvent être un vrai frein pour le retour à l’emploi. C’est pourquoi je propose de compléter la liste des organismes référents vers lesquels peuvent être orientés les demandeurs d’emploi en y ajoutant les communes et les intercommunalités dans le cas où elles ont décidé d’exercer leur compétence facultative dans ce domaine.

M. le rapporteur. Je partage cette ambition, comme le Sénat, puisque les communes et les groupements de communes sont explicitement mentionnés à l’article 4.

M. Thibault Bazin (LR). Il me semble qu’il faut associer à tous les échelons le « bloc communal », qu’il s’agisse des communes ou des intercommunalités. Cela a été fait à l’article 4, mais ne faudrait-il pas que ce soit également le cas à l’article 1er ? Ses premiers alinéas ne mentionnent, s’agissant de la gouvernance, que les représentants des communes.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). J’aimerais que vous précisiez dans quel état d’esprit les demandeurs d’emploi seront orientés vers ce qui ressemblerait à des crèches. On sait qu’il existe un manque de personnel : s’agit-il d’assurer, de manière structurelle, un remplacement ? Quelles seront les garanties en matière de compétences ? Des formations pour accéder au métier d’auxiliaire de puériculture seront-elles prévues ? Par ailleurs, on ne doit pas se contenter de 10 ou 15 heures par semaine : il faut aller vers des temps pleins et des salaires pleins – au lieu de seulement 607 euros ! Personne, parmi nous, ne vivrait avec une telle somme. Temps plein, salaire plein, c’est un principe de base qui doit être posé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS356 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Les problèmes de mobilité peuvent également constituer des freins à l’emploi. Il serait donc intéressant d’intégrer dans la liste des organismes référents vers lesquels on peut orienter les demandeurs d’emploi les personnes morales exerçant la compétence d’organisation de la mobilité, si un besoin est identifié dans ce domaine. La rédaction que je vous propose tient compte du fait qu’il peut s’agir, selon les territoires, d’une communauté de communes, de la région, d’un pôle d’équilibre territorial et rural, d’un pays, d’un syndicat mixte, voire de tous ces acteurs à la fois. Si on veut vraiment décloisonner, pour suivre une approche globale de l’accompagnement vers l’emploi, il faut intégrer dans les organismes référents tous les acteurs qui s’occupent de la mobilité.

M. le rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, je considère que l’amendement est satisfait et vous demande donc de le retirer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1003 de M. Hadrien Clouet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous proposons de supprimer l’alinéa 32, qui va renforcer la privatisation du service public de l’emploi. En effet, énormément de personnes seront inscrites à Pôle emploi automatiquement, de manière forcée : il y aura donc une explosion de leur nombre, mais comme vous ne prévoyez pas davantage de moyens humains en matière d’accompagnement, l’externalisation auprès des opérateurs privés de placement en sera renforcée.

Ce n’est d’ailleurs pas un phénomène nouveau et, bien que le texte n’ait fait l’objet d’aucune étude d’impact préalable, nous pouvons consulter des études antérieures menées sur ce sujet. On a ainsi évalué en 2009 qu’un accompagnement de trois mois par Pôle emploi était plus efficace qu’un accompagnement de six mois par un opérateur privé. Une étude réalisée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) en 2012 a également confirmé que le recours aux opérateurs privés de placement était bien moins efficace que le recours au service public. Huit mois après leur entrée dans le dispositif, 38 % des demandeurs d’emploi accompagnés par les opérateurs privés en novembre 2009 et mars 2010 occupaient un emploi, contre 43 % de ceux accompagnés par Pôle emploi. Par ailleurs, ces derniers avaient plus fréquemment accès à un emploi durable – c’était le cas pour 28 % d’entre eux, contre 23 % de ceux accompagnés par un opérateur privé de placement.

De deux choses l’une : ou bien vous vous obstinez, par aveuglement libéral – il faudrait absolument avoir recours au privé, position avec laquelle nous sommes totalement en désaccord –, ou bien d’autres intérêts sont en jeu. Je sais que mon intervention d’hier n’a pas été appréciée par une personne qui m’a invitée à la retrouver, peut-être, devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris, mais j’aimerais savoir combien de personnes dans cette salle sont concernées par la holding familiale Icare Finance et le groupe Alpha.

M. le rapporteur. Le texte ne prévoit pas qu’il faudra absolument avoir recours au secteur privé, mais il laisse la possibilité de le faire. Avis défavorable.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). On ne comprend pas bien votre argumentation. Il s’agit de savoir si vous assumez ce qui est un parti pris purement idéologique. Nous avons du recul sur la privatisation, Danielle Simonnet vient de le montrer, chiffres à l’appui, dans ce domaine comme dans l’ensemble des services publics. À chaque fois que des privatisations ont eu lieu, pour des missions ayant trait à l’humain ou aux soins, qui ne doivent pas être guidées par une logique de rentabilité, c’est le moins-disant qui l’a emporté. Le scandale des Ehpad devrait avoir fait réfléchir, de même que le livre Le Prix du berceau, qui porte sur la petite enfance, mais vous vous enferrez dans une logique dogmatique de casse des services publics alors que la demande est toujours plus grande. En réalité, le service public est d’une extrême modernité pour relever les défis contemporains.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il est question d’un alinéa essentiel qui permet de confier à des opérateurs privés la gestion de l’activité et les compétences du service public de l’emploi. Outre les chiffres cités par Mme Simonnet, la Cour des comptes a également relevé, dans un rapport de juillet 2014, « des faiblesses et des dysfonctionnements importants » dans le dispositif, « insuffisamment piloté », de la gestion des sous-traitants privés.

Lorsque nous avons visité des agences de Pôle emploi, on nous a dit que la privatisation n’était utilisée que pour des fonctions annexes qu’on ne savait pas remplir. Or c’est d’une fonction centrale qu’il est question. La gestion des allocataires du RSA ne sera pas confiée à Pôle emploi lui-même, mais sera privatisée. C’est cela qui est inquiétant. Une étude d’impact aurait montré que Pôle emploi est dans l’incapacité de s’en occuper.

M. Didier Le Gac (RE). On nous dit que nous n’allons pas soutenir Pôle emploi et renforcer ses moyens, mais ce n’est pas vrai. Nous en avons déjà débattu hier et le ministre a été clair : la trajectoire prévue permettra d’augmenter les moyens de Pôle emploi de 300 millions d’euros dès l’année prochaine, de 500 millions en 2025, de 750 millions en 2026 et de 1 milliard en 2027. Dès l’année prochaine, l’opérateur Pôle emploi bénéficiera ainsi de 300 équivalents temps plein supplémentaires.

Vous avez dit hier que ce n’était pas suffisant, mais je rappelle que Pôle emploi comptait 52 928 équivalents temps plein en 2022, soit 3 000 postes de plus qu’en 2017 : un renforcement considérable a donc eu lieu. Le nombre de postes a encore augmenté de 460 en 2022, et nous en rajouterons 300 l’année prochaine. Voilà la réalité. Si nous ne voulions pas soutenir Pôle emploi, nous n’aurions pas renforcé ses moyens et ses effectifs de cette manière.

M. Thibault Bazin (LR). Les collègues d’en face voudraient supprimer l’alinéa 32, qui permettra une orientation vers des organismes référents, publics ou privés, fournissant des services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation, à l’accompagnement et au maintien dans l’emploi des personnes en recherche d’emploi. La possibilité de faire appel à ces organismes serait, pour ces collègues, une erreur manifeste. Or des organismes référents publics et privés travaillent déjà ensemble ! Je pense, par exemple, aux entreprises adaptées et aux associations ayant le statut d’ateliers et de chantiers d’insertion. Dans ma circonscription, l’association Entraide chômeurs permet d’assurer, de manière remarquable, un accompagnement social et de lever des freins. Au-delà de la question du statut, public ou privé, c’est la qualité du service rendu qui compte. Il existe des acteurs privés, vers lesquels les collectivités locales se tournent, qui font un excellent travail, et je tiens à leur rendre hommage.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). M. Le Gac nous dit que nous avons déjà débattu de ce sujet et que le ministre a été clair. Je ne trouve pas : il n’a notamment pas répondu à ma question sur la part que prendra cette forme de privatisation de ce qui devrait relever du service public de l’emploi. Je la reposerai donc.

L’évolution qui aura lieu signifie qu’il ne s’agira pas vraiment, ou pas complètement, d’un service public. Vous allez accélérer une privatisation qui a déjà commencé, alors que les organisations syndicales ont été assez unanimes à son encontre lors de l’audition que vous avez organisée, monsieur le rapporteur : elles ont manifesté non seulement leur crainte mais aussi leur rejet de la perspective que vous dessinez.

M. Philippe Juvin (LR). Peu importe la qualité de la personne qui fournit le service public, qu’elle soit un agent du service public ou un agent de droit privé. Je pense en particulier au secteur associatif, qui apporte tant au monde de l’insertion : je ne vois pas pourquoi on nierait son efficacité. La question qui se pose est celle de la vision de ce que doit être le service public. Il me semble, à cet égard, qu’il vaudrait mieux parler de service au public. On ne doit pas être disqualifié au motif qu’on n’est pas un agent de la fonction publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS542 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Nous allons dans le même sens, puisque nous demandons la suppression de l’orientation des demandeurs d’emploi vers les organismes référents privés fournissant des services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation, à l’accompagnement et au maintien dans l’emploi des personnes en recherche d’emploi. Il est vraiment temps de stopper la politique du sabotage du service public de l’emploi, qui se traduit par une baisse constante de ses moyens et du nombre d’agents qui y travaillent. Cette tendance a conduit à l’abandon par Pôle emploi des personnes les plus éloignées de l’emploi, par souci de rentabilité. Par ailleurs, le développement du marché du placement des demandeurs d’emploi conduit certains acteurs à faire de la détresse sociale et de la pénurie d’emplois une opportunité d’engranger des profits. Nous souhaitons que l’orientation et l’accompagnement des personnes ne soient pas délégués au secteur privé.

M. le rapporteur. J’émets, toujours pour les mêmes raisons, un avis défavorable.

Je rejoins ce qu’a dit Thibault Bazin, en particulier lorsqu’il a parlé du monde associatif, lequel est classé dans la sphère privée. Je pense en particulier à l’Association pour l’emploi des cadres, qui apporte son concours en matière d’orientation et d’accompagnement.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Un débat très profond traverse cette commission. Il ne s’agit pas de savoir si les agents font mieux leur métier selon qu’ils relèvent du secteur public ou du secteur privé, mais de savoir si le cadre dans lequel ils exercent a un impact sur ce qu’ils font. Je pense que c’est le cas : lorsqu’on est un opérateur privé de placement, on est lié par une convention à caractère lucratif à l’organisme public Pôle emploi. Soit on est payé avant de recevoir les gens et de les accompagner : dans ce cas, pour être plus rentable que son voisin, on a intérêt à s’en débarrasser au plus vite et on les met en CDD, de deux semaines ou trois mois, pour les renouveler fréquemment ; il faut faire tourner les chômeurs pour que le business marche. Soit on est payé à la sortie, lorsque le chômeur retrouve du travail, et dans ce cas on a intérêt à écrémer, à se concentrer sur les chômeurs qui peuvent retrouver un emploi – c’est-à-dire les plus qualifiés, ceux qui ont le plus de compétences reconnues – et à laisser tomber les autres.

M. Arthur Delaporte (SOC). C’est effectivement une question centrale. Il ne s’agit pas de remettre en cause le travail de celles et ceux qui se sont engagés au sein d’organismes privés, mais de regarder la réalité en face. Une étude de la Dares de 2007, intitulée « Sous‑traiter l’accompagnement des chômeurs », a analysé les résultats de la privatisation du service public de l’emploi dans d’autres pays. La transformation potentielle des allocataires du RSA en des sortes de Daniel Blake à la française a été évoquée hier. Mais si on veut sortir de l’exemple britannique qui a déplu à notre collègue Ferracci, on peut regarder ce qui s’est passé en Australie, où la privatisation a abouti à des effets de parking : comme l’a souligné la Productivity Commission australienne en 2002, les plus employables ont accès à de nombreux services, alors que les plus vulnérables restent longtemps en assistance intensive, sans obtenir les services de formation et d’accompagnement correspondants. Voilà ce qu’est la privatisation.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). C’est en effet le cœur du débat. Premier étage de la fusée, vous supprimez le statut de demandeur d’emploi en créant une liste dans laquelle on met un peu tout. Deuxième étage, vous privatisez l’accompagnement. Or le service public n’est pas la même chose que le service au public. Quand on est un service au public, on a des critères de performance : nous risquons donc de nous retrouver face à un accompagnement à deux vitesses, dans lequel les fameuses sorties positives, autrement dit les gens les plus performants, seront gérées par des organismes privés, tandis que ce qui restera du service public de l’accompagnement s’occupera des personnes les plus en difficulté. Nous sommes contre, car cela ne serait pas le meilleur moyen d’accompagner les personnes privées d’emploi. Il n’y aurait pas, dans ces conditions, de prise en compte globale de leur situation. Les critères de performance vont à l’encontre de ce dont on a besoin : accompagner des gens prend du temps !

M. Fabien Di Filippo (LR). Le budget de l’État est ce qu’il est, et les capacités d’accompagnement sont ce qu’elles sont. Avant de se demander s’il faudrait un accompagnement privé ou public, il faut réfléchir au fait qu’il n’y a même pas toujours un accompagnement. J’ai reçu hier dans ma permanence une personne qui est en recherche active d’emploi. Je lui ai demandé si elle était inscrite à Pôle emploi et quel était son suivi : c’est entre un et deux rendez-vous dans l’année ! Qu’il y ait des placements rapides, y compris grâce à des structures privées, permettra de consacrer plus de temps à des personnes qu’on laisse actuellement de côté.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS82 de M. Arthur Delaporte et AS825 de M. Pierre Dharréville

M. Arthur Delaporte (SOC). Le recours au secteur privé ne nous pose pas de problème à condition que l’objectif ne soit pas de gagner de l’argent sur le dos des chômeurs. C’est pourquoi nous voulons préciser que les opérateurs privés concernés seront à but non lucratif.

J’en profite pour répondre à notre collègue Le Gac. La question des moyens est centrale. Sans eux, le service public de l’emploi ne pourra pas accompagner convenablement les allocataires du RSA. Si deux millions de personnes, au minimum, sont automatiquement inscrites à Pôle emploi et que l’on recrute 300 conseillers, cela représente un conseiller pour 6 300 allocataires ! Il faudra dès lors recourir au secteur privé, ce qui se traduira par une dégradation du service public de l’emploi, c’est une évidence.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous proposons de limiter les organismes extérieurs auxquels on peut recourir aux acteurs à but non lucratif, afin d’éviter qu’il s’agisse d’entreprises ne cherchant qu’à gagner des appels d’offres et des parts de marché pour faire du profit sur le dos des chômeurs et des chômeuses. Ce que nous proposons de faire est tout à fait légitime pour conforter le service public.

Par ailleurs, je rappelle que le taux de CDD à Pôle emploi est monté à 11 %. Il faudrait aussi traiter cette question si on veut renforcer correctement, c’est-à-dire sans précarité, les effectifs de Pôle emploi.

M. le rapporteur. Outre les agents de Pôle emploi, vous savez que ceux des conseils départementaux et des travailleurs sociaux sont associés au diagnostic et à l’orientation.

Je souligne également que le type d’orientation dont nous parlons sera optionnel, après un premier rendez-vous, et qu’un conseil national sera en particulier chargé d’une évaluation. Les chiffres évoqués tout à l’heure méritent d’être revisités, puisqu’ils datent des années 2010.

Par conséquent, avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Vous dites que cela sera facultatif, mais êtes-vous d’accord avec nous quand nous affirmons que cela n’est pas souhaitable ? Selon l’étude de François Fontaine et Franck Malherbet, les résultats ne laissent paraître aucune ambiguïté : les programmes accélèrent le retour à l’emploi de façon plus rapide quand ils sont pilotés par Pôle emploi et le taux de sortie du chômage augmente alors de 9 points de pourcentage, tandis que l’augmentation n’est que de 1,6 point pour le programme piloté par les opérateurs privés. Reconnaissez au moins que, toutes choses égales par ailleurs, le public est supérieur au privé pour la qualité de l’accompagnement.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je ne sais pas ce qu’un conseil national changera à tout cela, mais nous discuterons de sa composition le moment venu.

Je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez à tout prix avoir recours aux opérateurs privés à but lucratif – car c’est à cela que vous ouvrez la porte. Les résultats seront différents selon les départements. La faiblesse des moyens actuels de Pôle emploi conduira à une externalisation massive, et pour l’instant aucun engagement n’a été pris à ce sujet.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il y a tout de même ici certains fantasmes.

M. Delaporte dit que les 300 personnes nouvellement recrutées auront à s’occuper individuellement de plus de 6 000 personnes. Or la philosophie de France Travail est de s’appuyer sur les opérateurs existants, Pôle emploi, les missions locales, mais aussi les conseils départementaux, qui ont des travailleurs sociaux, pour affecter au mieux des personnes qui sont déjà là, notamment des bénéficiaires du RSA. Tout le monde ne va pas débarquer subitement à Pôle emploi ! Cet acteur, qui s’appellera désormais France Travail, contribuera à orienter et à vérifier que chacun a, dans le temps, un accompagnement.

L’alinéa 32 évoque effectivement les organismes privés faisant du placement, de l’insertion ou encore de la formation, qui sont nombreux dans les territoires. La qualité globale de l’accompagnement réalisé par le service public est reconnue, mais il existe aussi des partenaires privés qui peuvent être pertinents.

M. Thibault Bazin (LR). Qu’un acteur soit privé ou public, c’est l’accompagnement du demandeur d’emploi qui compte. J’ai l’impression qu’on est en train de diaboliser le privé, alors que Pôle emploi fait parfois appel à d’autres opérateurs pour assurer un accompagnement personnalisé, afin de lever tel frein ou de développer telle compétence. Il ne faut pas opposer ces acteurs, car leur action se conjugue.

Par ailleurs, le fait qu’un opérateur privé soit à but lucratif n’exclut pas un contrôle et une évaluation de la qualité. Sans but lucratif, ces acteurs n’existeraient pas : il faut bien sûr éviter les excès, mais une entreprise qui ne réalise pas de bénéfices ne peut pas survivre.

Beaucoup d’acteurs privés, notamment des associations, sont déjà très investis dans un accompagnement social et humain de proximité, individuel ou collectif. Il faut s’adapter au parcours des demandeurs d’emploi. L’approche globale qui sera celle de France Travail doit faire appel tant aux opérateurs publics qu’aux opérateurs privés quand ces derniers sont jugés compétents et efficients.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1336 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous demandons, par cet amendement, d’intégrer les personnes morales dans la liste des organismes concernés.

Sur le fond, nous entendons un peu le même discours à chaque fois : vous nous expliquez, alors que vous affaiblissez le secteur public, que pour le conforter il faut se tourner vers le secteur privé, vous nous parlez de fantasme, vous dites que c’est le bon accompagnement qui compte...

Je rappelle que Pôle emploi, même s’il fait appel à des opérateurs privés, reste aujourd’hui le garant du parcours et de l’accompagnement global. Et puis, vous n’apprenez jamais ! On a vu ce qui se passait quand on confiait certains services à des organismes à but lucratif, par exemple dans le domaine du grand âge ! Même si les conséquences ne seront peut‑être pas les mêmes, on va se retrouver dans la même situation : des personnes seront laissées sur le bord de la route. Ce n’est pas acceptable. La force publique est ce qui garantit à tous un égal accès au droit à être accompagné en matière de retour à l’emploi.

M. le rapporteur. L’article 4 fait déjà mention de personnes morales. Je considère donc que votre amendement est satisfait et vous demande son retrait. À défaut, avis défavorable.

Par ailleurs, je redis que le recours à des organismes privés aura un caractère optionnel et que France Travail restera le garant des parcours. J’espère que cela peut répondre à votre inquiétude.

Enfin, l’article 1er fait aussi référence à des organismes fournissant des services d’insertion, de formation ou d’accompagnement : il n’est pas seulement question de placement.

M. Philippe Juvin (LR). Un service public, c’est une mission qui peut être réalisée par une personne publique ou privée. Ce qui doit primer, c’est la prestation de service et sa qualité. Le privé peut très bien répondre aux besoins collectifs. Le fait qu’il puisse y avoir des acteurs privés, notamment associatifs, et publics, c’est la garantie, sinon d’une plus grande efficacité, du moins d’un choix. La bonne solution n’est pas d’interdire des acteurs, mais de faire en sorte que ceux retenus soient les meilleurs. La vision très dogmatique selon laquelle un service public doit être uniquement « presté », pour utiliser un anglicisme très laid, par un organisme de droit public est une profonde erreur.

M. Didier Le Gac (RE). Ce qui compte, c’est d’augmenter, dans le financement du RSA, la part des crédits consacrés à l’insertion – elle est passée de 20 % en 1988, lors de la création du revenu minimum d’insertion (RMI), à environ 9 %. L’ambition de France Travail est d’investir à nouveau dans l’accompagnement, notamment pour les bénéficiaires les plus éloignés de l’emploi.

On ne s’improvise pas acteur de l’insertion. Parmi les bénéficiaires du RSA, certains auront besoin d’un accompagnement de trois mois, d’autres de beaucoup plus, jusqu’à douze ou dix-huit mois. L’article 6 du projet de loi prévoit le financement pluriannuel des associations et des acteurs chargés du repérage – les associations, Plie, etc. – dont nous allons augmenter les crédits.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les organisations syndicales de Pôle emploi redoutent une croissance exponentielle du recours à des opérateurs privés. Certes, cela ne figure pas dans le texte, mais cela sera possible.

Deuxième remarque : qui va payer la marge, le profit de l’opérateur privé à but lucratif qui se verra confier un appel d’offres rémunéré par de l’argent public ? Le demandeur qui sera accompagné ? Le salarié chargé de l’accompagnement, qui risque de travailler dans des conditions moins bonnes que celles d’un agent du service public ? Cette marge, il faudra bien la prendre quelque part. Nous contestons votre volonté d’agrandir ce marché. Nous voulons que cet argent soit utilisé au bénéfice des personnes qui en ont besoin.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Non seulement votre texte obligera des personnes déjà fragilisées par l’inflation, qui ne mangent pas à tous les repas, à travailler plus et à être davantage contrôlées, mais il pourrait en outre enrichir des entreprises privées grâce aux marchés que vous allez leur refiler en douce ! Comment peut-on à ce point pressurer les pauvres pour engraisser quelques cabinets privés ?

M. Arthur Delaporte (SOC). Vous n’êtes pas en mesure de nous donner la moindre donnée financière, ni la moindre trajectoire en matière d’effectifs. Depuis 2017, chaque conseiller a en portefeuille un nombre croissant de demandeurs d’emploi. Et vous prétendez que cela ira mieux demain, alors que l’on va intégrer 2 millions de personnes supplémentaires ? M. Turquois pense qu’on s’en sortira avec des tours de passe-passe... Permettez-moi plutôt de vous renvoyer à l’excellent rapport Viry, qui publie des données inquiétantes.

M. Nicolas Turquois (Dem). Vous nous reprochez de vouloir faire travailler davantage les personnes concernées alors que pour l’instant, la plupart d’entre elles sont abandonnées sans suivi, ce qui est un scandale ! Plutôt que de dénoncer d’éventuels inconvénients, chacun doit se bouger pour trouver une solution pour ces personnes laissées sans accompagnement depuis des années.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). On peut comparer les opérateurs de placement privés et publics sur trois points. Premièrement, concernant la prise en charge des personnes, on sait, car cela fait vingt-cinq ans que des travaux sont publiés sur ce sujet, que les opérateurs privés font de l’écrémage pour améliorer leurs résultats. Ils sont donc inférieurs au public.

Deuxièmement, on sait que l’emploi vers lequel ils dirigent les usagers est inférieur en qualité à celui proposé par les agents de Pôle emploi.

Troisièmement, concernant les méthodes d’accompagnement et les outils de prise en charge des personnes, les innovations les plus intéressantes de ces quinze dernières années ont été élaborées dans le service public de l’emploi, que ce soit en France ou dans d’autres pays. C’est le public qui innove et qui est ensuite copié par le privé. À ces trois titres, le public fait mieux : alors gardons-le.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1426 de M. Paul Christophe.

Amendement AS999 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). La création du réseau entraînera la mise en commun des systèmes d’information, soulevant la question de la protection des données personnelles. Celle-ci n’est pas neutre, comme le démontre le vol de données dont Pôle emploi, par le biais d’un prestataire privé, a été récemment victime. Nous souhaitons donc inscrire ce sujet essentiel dans l’alinéa 32.

Par ailleurs, si l’augmentation du nombre de personnes inscrites au regard des règles nouvelles sous-entend un accompagnement supplémentaire, il y a fort à parier que les opérateurs privés seront davantage sollicités. La question de la protection des données se pose donc avec encore plus de force, parce que les données ne seront pas enfermées dans la sphère publique. Cet amendement nous semble donc essentiel.

M. le rapporteur. Le présent article ne saurait se soustraire aux dispositions de l’article 5 du RGPD et de l’article 4 de la loi « informatique et libertés ». Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le cadre légal que vous venez de rappeler pourra être opposé a posteriori au décret d’application. Il convient, dès le début de la réflexion, d’intégrer la question de la sécurisation des données les plus importantes, à savoir les nom, prénom, numéro de sécurité sociale et coordonnées bancaires du bénéficiaire et même, avec votre réforme, de son conjoint ou partenaire de vie. C’est la moindre des choses que d’adopter cet amendement pour la sécurité des usagères et des usagers.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS83 de M. Arthur Delaporte et AS468 de Mme MarieCharlotte Garin, amendement AS544 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous vous proposons d’encadrer le recours aux organismes tiers – à défaut d’avoir su vous en empêcher, alors pourtant que leur moindre efficacité est manifeste – en leur imposant un cahier des charges et des conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens qui permettent de s’assurer que la qualité sera un peu plus au rendez-vous. Le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de Pôle emploi montre que les organismes tiers ne font pas l’objet d’un contrôle opérant.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je défends l’amendement AS468. La question de l’adéquation entre les objectifs fixés par le texte et les moyens financiers et humains est une source d’inquiétude pour les différents acteurs – institutionnels, associations, syndicats. Il n’existe, à ce jour, aucune garantie financière d’un accompagnement digne et de qualité. Si l’Allemagne compte un agent pour trente-huit demandeurs d’emploi, en France, ce ratio serait de un pour cent. Les personnes les plus éloignées de l’emploi – allocataires du RSA, demandeurs d’emploi de longue durée – ont des besoins spécifiques d’accompagnement de proximité et de temps pour pouvoir coconstruire un projet ou un parcours d’insertion.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). L’amendement AS544 est défendu.

M. le rapporteur. Le contrôle des organismes référents est déjà inscrit à l’article 4, qui prévoit que le comité national France Travail aura la possibilité de faire réaliser des audits au sein des différents opérateurs du réseau France Travail afin de s’assurer du respect des missions qui leur sont confiées et de la qualité de l’offre de service dispensée.

De plus, l’alinéa 32 dispose qu’un décret, pris après avis du comité national France Travail, fixe les conditions dans lesquelles les personnes peuvent être orientées vers d’autres organismes référents publics ou privés, ainsi que les conditions que ces derniers ont à remplir.

Enfin, les conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens avec l’État ne sauraient être des outils de suivi adaptés au regard de la diversité des statuts juridiques des organismes qui seraient visés par ces conventions.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Ces amendements me semblent déjà satisfaits. Sur le terrain, les ateliers de réinsertion, les entreprises adaptées, les associations d’entraide qui accompagnent les chômeurs doivent déjà respecter des conventions d’objectifs et de moyens. Cela permet de contrôler et d’évaluer leurs missions dans une perspective pluriannuelle. Il en va de même pour le pilotage des politiques publiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées. Ce contrôle et ce suivi existent déjà, et c’est heureux.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS826 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement vise à obtenir un rapport évaluant le nombre maximum de personnes qu’un encadrant peut accompagner, en distinguant parmi elles les bénéficiaires du RSA et les personnes souffrant d’un handicap. Cela permettrait d’éclairer nos débats et, dans l’hypothèse où des appels d’offres seraient lancés, d’assurer une certaine qualité de la prestation.

M. le rapporteur. Il me semble que c’est plutôt à nous d’apprécier les solutions proposées par France Travail et de contrôler leur bonne application. L’ambition de ce texte est d’accompagner au mieux les différents bénéficiaires – personnes en recherche d’emploi ou allocataires du RSA. L’objectif des moyens que nous y consacrons est de diminuer le nombre de personnes par portefeuille. L’expérimentation menée à Tourcoing, avec quarante-sept allocataires du RSA par conseiller, porte d’ailleurs ses fruits. J’encourage donc le suivi des dispositions qui seront prévues par le comité France Travail.

M. Didier Le Gac (RE). Fixer un nombre maximal de bénéficiaires suivis n’a pas de sens. Les agents de Pôle emploi me disent que, selon le degré d’éloignement de l’emploi, cela peut aller de cinquante à deux cents ! Un conseiller pourra suivre davantage de bénéficiaires si ceux-ci viennent d’entrer dans le dispositif et ne sont pas très éloignés de l’emploi.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Les conseillers que je rencontre ne me disent absolument pas cela, mais au contraire qu’ils suivent beaucoup trop de monde ! En toute rigueur budgétaire, pour savoir combien de personnes il faudrait embaucher et déterminer le financement en conséquence, il faudrait fixer le nombre de personnes qu’un référent peut suivre. Or nous en sommes incapables. Ce rapport vise à nous éclairer sur cette question. Il peut définir un ratio maximum, ou bien une fourchette. Mais il faut être plus précis. Dans le projet de loi, les financements sont estimés au doigt mouillé !

Mme Caroline Janvier (RE). Vous souhaitez graver dans le marbre de la loi des éléments beaucoup trop précis. J’ai échangé récemment avec des conseillers de Pôle emploi : dans certains cas, ils ne suivent pas plus de trente demandeurs d’emploi – lorsque ceux-ci sont dans des situations particulières, par exemple en situation de handicap. Dans d’autres, ils peuvent constater, au premier entretien, que le demandeur d’emploi est autonome, a des réseaux et un projet professionnel. Adopter une telle disposition priverait encore les opérateurs de l’autonomie dont ils ont bien besoin.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Un tel rapport permettrait d’être précis dans la définition des moyens humains. Si l’on ne fixe pas un ratio d’encadrement, alors on n’est pas capable d’évaluer nos besoins dans ce domaine. Tel est peut-être votre souhait, afin de ne pas vous enferrer dans une obligation de recrutement à terme, mais ce serait utile.

M. Arthur Delaporte (SOC). J’entends plusieurs choses qui me hérissent le poil. Tout d’abord, une demande de rapport n’a rien de contraignant : il s’agit de réaliser une évaluation, qui n’aura pas d’effet sur les opérateurs. Ensuite, ceux qui sont en pleine autosatisfaction, affirmant qu’ils ont bien assez d’agents, ont-ils lu l’excellent rapport rédigé par Stéphane Viry dans le cadre de la mission « flash » sur Pôle emploi, qui a été adopté par notre commission ? Celui-ci souligne que chaque conseiller suit en moyenne 349 demandeurs d’emploi en modalité « suivi » – soit une augmentation de 9 % depuis 2016 –, 216 en modalité « guidé » – plus 14 % –, 100 en modalité « renforcé » – plus 23 % – et 49 en modalité « global » – plus 9 %. Les personnes qui s’engagent dans le service public de l’emploi sont submergées et ne parviennent pas à assurer un accompagnement à la hauteur.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1427 de M. Paul Christophe.

Amendement AS843 de M. Ian Boucard

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement a pour objet d’inscrire dans la loi un délai raisonnable pour enclencher la prise en charge d’un bénéficiaire. Le diagnostic initial devrait avoir lieu dans un délai bref, de deux semaines. Les expérimentations en cours démontrent que c’est jouable. Nous devons faire preuve d’exigence : on ne peut pas laisser aux opérateurs la liberté de faire comme bon leur semble. Le législateur doit imposer un cadre.

S’agissant de mon rapport sur Pôle emploi, j’avais conclu que celui-ci était un opérateur public très agile, très réactif et qui ne méritait pas les mauvais procès que certains lui font. J’avais toutefois relevé deux bémols concernant l’insuffisance de ses ressources humaines et un pilotage qui pourrait sans doute être plus directif. Je ne vise pas là la direction générale mais ce que l’État veut concernant sa politique de l’emploi. Il faudrait probablement établir une connexion plus importante entre les règles de l’assurance chômage et les dispositifs de Pôle emploi.

M. le rapporteur. Le rapport soulignait également tout l’intérêt de renforcer la coopération entre Pôle emploi, les missions locales et les départements.

Je partage votre ambition de raccourcir les délais pour inscrire les personnes le plus tôt possible dans un parcours de retour à l’emploi. Toutefois celui que vous proposez me paraît trop ambitieux : pour les bénéficiaires du RSA, le délai d’orientation vers le service public de l’emploi hors Pôle emploi est d’un mois, et de deux mois pour une orientation vers un organisme chargé de l’insertion sociale. La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté s’est fixé un objectif plus ambitieux en ramenant également ce délai à un mois. Compte tenu de ces éléments, le délai de deux semaines me paraît difficilement tenable.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS75 de M. Arthur Delaporte

M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement vise à garantir qu’aucun traitement algorithmique, qu’aucun système d’information ne réalisera le diagnostic global de la situation des demandeurs d’emploi. En l’état de la rédaction du texte, ce diagnostic est à la charge de l’organisme référent après orientation du demandeur d’emploi. Nous proposons de poser un garde-fou et de garantir que ce diagnostic sera entièrement réalisé par un humain.

M. le rapporteur. Vous faites preuve d’une belle constance sur ce sujet ! Pour compléter ce que j’ai déjà dit, je rappelle que la Cour des comptes, dans son rapport sur l’expérimentation menée par la Seine-Saint-Denis en matière d’orientation, a établi une corrélation très nette entre les délais raccourcis de prise en charge et la présence d’algorithmes.

Je maintiens donc mon avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je soutiens cet amendement, d’autant plus important que le nombre de scandales liés aux politiques de profilage, c’est-à-dire à la création de catégories automatisées de demandeurs d’emploi pour leur proposer des prestations ou une orientation, ne cesse de croître. Certains pays, comme les Pays-Bas et la Pologne, mettent en place des profilages par algorithme qui s’avèrent genrés et racistes. L’explication en est simple : les algorithmes reproduisent les discriminations existantes, considérées comme les trajectoires normales. L’intervention humaine constitue donc un garde-fou.

M. Arthur Delaporte (SOC). Les fantasmes que l’on pourrait nous prêter sur la question des algorithmes ne sont pas spécifiques aux députés de gauche et écologistes. Ainsi, selon Nicolas Duvoux, président du comité scientifique du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, « ces algorithmes ont un effet de déréalisation des situations, complexes et mouvantes. Cette instabilité contribue au désajustement avec la réglementation sociale qui exige, au contraire, stabilité et prévisibilité. » Il rejoint ainsi la Défenseure des droits, qui avait elle aussi alerté sur les risques liés à l’utilisation des algorithmes.

S’agissant de la Seine-Saint-Denis, nous avons échangé avec le président et les équipes du conseil départemental, qui nous ont fait part de leurs inquiétudes. Le bilan n’est donc pas si radieux que cela.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je soutiens cet amendement car on a besoin d’être entendu, d’échanger, de dialoguer pour faire son diagnostic en ayant le sentiment que l’on est pris en compte en tant qu’être humain singulier. Ce n’est pas ce qui se passe quand on est face à une machine. Nous avons déjà vu les effets de la dématérialisation de l’accueil et de la difficulté d’obtenir des réponses dans les services publics d’une manière générale. Il faut véritablement miser sur le facteur humain parce que c’est là que se trouve la solution : la machine doit rester un auxiliaire.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Même dans les pôles d’accès aux droits, on a besoin de médiateurs pour effectuer les démarches en ligne. Quand on est très éloigné des services publics, on a besoin d’un contact humain. Une machine, c’est décourageant ; on rebrousse chemin et on se retrouve dans un isolement et une précarité que les services publics ont précisément pour rôle de pallier, avec des agents formés et bienveillants.

M. Philippe Juvin (LR). Il ne faut pas être caricatural. L’intelligence artificielle peut évidemment poser des problèmes – biais de recrutement, risque d’une approche déshumanisée. Mais quand elle est utilisée avec discernement, elle permet de dégager du temps pour accompagner. Les tâches répétitives peuvent ainsi être effectuées par les logiciels que vous prétendez interdire au bénéfice d’une approche centrée sur l’humain. Cet amendement me semble donc risqué car il comporte lui-même beaucoup d’inconvénients.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS545 de Mme Danielle Simonnet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Vous écrivez à l’article 1er que le passage d’un organisme à un autre peut avoir lieu soit à la demande de la personne, soit à l’initiative de l’organisme référent. C’est ce dernier point qui nous pose problème car un organisme pourra se défausser sur un autre sans l’accord de la personne concernée. Or l’usager doit pouvoir opter pour l’organisme qui lui paraît le plus adapté à ses besoins.

De plus, cela crée le risque d’une pression politique en vue de se débarrasser d’une partie du public, par exemple en fixant à l’organisme un nombre maximal de demandeurs d’emploi. Obtenir l’accord de la personne prise en charge est donc une manière de protéger tant les salariés que les usagers.

M. le rapporteur. Je ne pars pas du principe que les conseillers de France Travail ou les travailleurs sociaux chercheront à « se débarrasser » des demandeurs d’emploi en les réorientant vers un organisme qu’ils ne souhaitent pas rejoindre.

Par ailleurs, il s’agit de saisir un autre organisme en vue d’une nouvelle décision d’orientation. Nous imaginons mal comment, dans un tel circuit de prises de décision, le demandeur d’emploi ne pourrait pas faire valoir son point de vue ; nous l’avons d’ailleurs inscrit au début du texte. L’enjeu est surtout de renforcer la possibilité d’une réorientation pour accompagner les demandeurs au plus près de leurs besoins, alors qu’ils sont aujourd’hui trop nombreux dans des parcours inadaptés. Pour rappel, seuls 5 % des bénéficiaires du RSA ont connu un changement de type d’accompagnement au cours de l’année.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Vous dites que cet amendement serait dirigé contre les conseillers. Rappelons que la décision d’inscription et de désinscription est prise par leur direction, et non par les conseillers eux-mêmes. Cela ne concerne donc pas ces derniers dans leur travail quotidien mais les personnes qui leur donnent des consignes.

Vous dites également que la volonté des usagers est réaffirmée au début du texte. Cela tombe bien : nous voulons mettre l’article 1er en conformité avec les principes initiaux du projet de loi. Vous ne pouvez donc que voter notre amendement.

M. Thibault Bazin (LR). La rédaction de l’alinéa est claire : il ne s’agit pas de mettre à la porte un demandeur d’emploi mais de le transférer dans un autre organisme si celui-ci est plus compétent. L’usager n’est d’ailleurs pas nécessairement un expert des parcours d’accompagnement. On peut donc laisser à un organisme l’initiative d’une réorientation. Les associations que je connais ne cherchent pas à faire du chiffre ; elles s’inscrivent dans une logique humaine. Je ne comprends donc pas pourquoi vous voulez supprimer cette possibilité.

La commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de seize heures cinquante-cinq à dix-sept heures.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1431 et AS1432 de M. Paul Christophe.

Amendement AS358 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Quand j’étais maire, nous avions connaissance, chaque mois, des demandeurs d’emploi résidant dans la commune. Cela permettait de mieux les accompagner, par exemple en faisant appel à eux en priorité lors des recensements. Le maire étant président de droit du centre communal d’action sociale, il a un regard particulier sur leur situation, en lien avec les associations caritatives. Je vous propose donc d’ajouter le maire du lieu de résidence du demandeur d’emploi à la liste des autorités pouvant être saisies pour obtenir une nouvelle décision d’orientation.

M. le rapporteur. Je vous rejoins sur l’utilité du maire, mais l’article 4 prévoit déjà expressément cela. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). L’article 1er et l’article 4 n’ont pas exactement le même objet. Je pense que le maire doit être présent dans cette liste afin que la commune soit l’échelon de proximité généraliste, qui peut contribuer à lever les freins à l’emploi, voire proposer des emplois.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS827 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Monsieur le rapporteur, je sais que vous n’êtes pas du genre à sombrer dans la facilité, mais comprenez notre désarroi depuis le début de l’examen de ce texte. Nous n’avons aucun retour sur les expérimentations qui sont actuellement conduites, alors que nous savons, à la lecture de plusieurs rapports, que l’accompagnement des demandeurs d’emploi ne fonctionne pas bien. Le ministre nous donne des chiffres, mais nous ignorons totalement à quoi ils correspondent : sur quelles évaluations les montants qu’il a annoncés reposent-ils ?

L’amendement vise à ce que le Gouvernement remette au comité national France Travail, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, un rapport évaluant les moyens humains et financiers nécessaires à la mise en œuvre des dispositions de l’article 1er. Nous avons besoin de disposer d’une évaluation sérieuse en la matière, libre ensuite à l’exécutif de suivre ou non les préconisations du rapport. Si vous avez le souci d’accorder les moyens nécessaires au déploiement d’accompagnements durables et sérieux, et je ne doute pas que cela soit votre cas, il est indispensable de connaître les besoins financiers. Peut-être l’enveloppe de 300 millions d’euros sera-t-elle trop élevée, après tout ! Mais peut-être aussi sera-t-elle trop faible et des choix politiques seront indispensables. Il est en tout cas impossible de légiférer à l’aveugle sur un sujet aussi important, pour lequel vous affichez de fortes ambitions.

M. le rapporteur. Le texte pose un cadre, qui prévoit une montée en charge progressive du dispositif. Nous soutenons totalement la démarche d’évaluer, à laquelle j’ajoute celle de contrôler. Le comité national France Travail conduira l’évaluation, en vérifiant l’efficacité des outils employés et en proposant des audits au sein des opérateurs concernés.

Quant au contrôle, il entre dans les prérogatives du Parlement : madame la présidente, notre commission devrait se saisir de l’évaluation et du contrôle du déploiement des dispositions du texte. Ce n’est pas au Gouvernement de produire un rapport ; j’émets donc un avis défavorable à l’adoption de l’amendement.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous demandons simplement au Gouvernement d’accomplir sa part du travail et de nous fournir les éléments qu’il ne nous a pas transmis avant le dépôt du projet de loi. Rassurez-vous, monsieur le rapporteur, nous serons au rendez-vous du contrôle et nous ferons notre travail, mais les deux tâches sont distinctes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1000 de M. Benjamin Saint-Huile, AS889 de M. Matthias Tavel, AS708 de Mme Karine Lebon, AS828 de M. Pierre Dharréville, AS85 de M. Arthur Delaporte et AS930 de M. Matthias Tavel (discussion commune)

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Le président Chassaigne cite souvent les Lettres persanes de Montesquieu pour dire qu’il faut toujours légiférer d’une main tremblante. Nous sommes en train de légiférer sur un dispositif qui vient d’être créé sur la base d’une expérimentation de deux ans. Dans le Nord, on aurait dit « V’là-t’y pas qu’on met la charrue avant les bœufs ». Faute de retour sur cette expérimentation – si ce n’est le témoignage ô combien intéressant du rapporteur, puisqu’il parle du Nord et que nous serons d’accord sur cet aspect d’intérêt particulier –, nous n’avons pas grand-chose pour nous éclairer.

Mon amendement vise à fixer l’entrée en vigueur de l’article 1er au moment de la remise au Parlement des évaluations des expérimentations relatives à l’accompagnement rénové des allocataires du RSA et au plus tard le 1er janvier 2026, soit un an plus tard que la rédaction actuelle. Il s’agit d’un amendement de bon sens, motivé par l’absence d’éléments sérieux et objectivés éclairant la décision du Parlement. Le calendrier prévu par le texte est quelque peu hors de la réalité, si ce n’est celle de la vie politique.

Il faut respecter le Parlement, qui ne peut pas légiférer sans connaître le résultat de l’expérimentation conduite dans plusieurs départements, laquelle fera apparaître des éléments positifs mais également des pistes d’amélioration.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les auteurs de tous ces amendements, dont l’amendement AS889 que je défends, appartiennent à des bancs différents et défendent des politiques de l’emploi divergentes, mais ils partagent un diagnostic identique : vous avez engagé une expérimentation, mais vous comptez légiférer sans en connaître les résultats. Votre conception de l’expérimentation m’échappe : si son résultat ne compte pas, alors c’est juste une excuse ! Une expérimentation a pour but d’améliorer le dispositif étudié. Ses résultats, même parcellaires, nourrissent la réflexion et aident à concevoir un texte intéressant. Déjà, alors qu’il devait y avoir à l’origine deux expérimentations, une sur le service public de l’emploi et une sur le RSA, elles ont été fusionnées en une seule.

Ces amendements ne concernent pas le fond du projet de loi, ils demandent au Gouvernement de prendre le temps d’élaborer une loi correcte, une fois les résultats de l’expérimentation connus.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement AS708 vise à modifier la date d’entrée en vigueur de l’article 1er afin que des études approfondies sur son impact néfaste sur les plus pauvres puissent être menées. Ce délai permettra au Gouvernement de se rendre compte avec certitude que les règles qu’il compte déployer ne sont ni plébiscitées ni efficaces et qu’un retour en arrière est nécessaire.

Mon amendement AS828 vise en outre à permettre au futur comité national France Travail, qui verra le jour le 1er janvier 2024, de jouer pleinement son rôle et de déterminer les meilleures conditions de la mise en œuvre de ces dispositions législatives. Le Gouvernement a jusqu’à présent agi en solitaire, mais puisque la création d’un comité national est prévue, autant lui demander son avis et ne pas le ravaler au rôle de simple exécutant.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous voulons nous donner le temps de la réflexion. Nous sommes en train de légiférer à l’aveugle : nous ne disposons ni de données budgétaires, ni de programmation de recrutement et c’est seulement hier que le ministre nous a donné quelques chiffres – vous ne me contredirez pas sur ce point, monsieur le rapporteur. Des expérimentations ont été lancées, mais seulement en septembre et dans dix-huit départements. Je mets au défi quiconque de nous informer des résultats de cette expérimentation. Voilà pourquoi nous souhaitons repousser à l’année 2026 l’entrée en vigueur de cet article.

J’ai entendu une énormité tout à l’heure sur les effectifs. En Loire-Atlantique, une dizaine d’équivalents temps plein ont été recrutés pour accompagner 1 500 allocataires du RSA : oui, des recrutements supplémentaires sont nécessaires, et évoquer un mécanisme de vases communicants est une pure supercherie ! Avant de nous précipiter et de faire semblant de constater que des recrutements ne sont pas nécessaires, attendons de connaître les besoins financiers et humains grâce aux résultats des expérimentations.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je défends l’amendement AS930.

L’Assemblée nationale est le seul laboratoire dans lequel on généralise des expériences sans attendre de connaître leurs résultats. Le bon sens exige de les mener à leur terme, sinon pourquoi les avoir lancées ?

La présence d’infirmiers supplémentaires aide-t-elle au retour à l’emploi grâce à la hausse du recours aux soins ? L’augmentation des navettes des transports en commun favorise‑t‑elle la mobilité, donc le retour à l’emploi ? Le b.a.-ba des politiques publiques est d’évaluer les expérimentations avant de concevoir des dispositifs. Votre précipitation est incompréhensible.

M. le rapporteur. C’est l’occasion de rappeler tout l’intérêt de ces expérimentations et de lever la confusion entre le volet législatif et le volet opérationnel. Les expérimentations actuellement conduites concernent en effet les modalités pratiques de l’accompagnement des allocataires du RSA – type d’activités, orientations, diagnostics – et non des domaines relevant de la loi ou du règlement.

L’une des vocations de l’expérimentation est de partager les bonnes pratiques et d’adapter la montée en puissance du nouvel accompagnement qu’a présenté le ministre hier. La loi peut prévoir le principe de ce dispositif d’accompagnement intensif sans que les expérimentations soient achevées, d’autant que la généralisation n’est pas prévue avant 2025.

Avis défavorable sur ces amendements.

M. Arthur Delaporte (SOC). Merci, monsieur le rapporteur, de chercher à nous convaincre qu’il n’est pas nécessaire d’expérimenter pour appliquer la loi car l’objet des expérimentations ne relèverait pas du domaine législatif. Nous sommes néanmoins en train d’examiner un texte dont la mise en œuvre suppose des moyens. Certains de vos collègues nous disent qu’il ne sera pas nécessaire de débloquer des moyens grâce à des vases communicants magiques. Il conviendrait pourtant de disposer des résultats des expérimentations pour connaître l’effet de l’accompagnement renforcé ; cette méthode nous éviterait de devoir réécrire un nouveau texte de loi dans un an ou un an et demi pour corriger les défauts de celui-ci. À quoi bon lancer des expériences si on ne peut pas en tirer des enseignements ?

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). La métropole de Lyon a joué le jeu de l’expérimentation, notamment dans le domaine du RSA. Les résultats de ces expériences sont essentiels. À Givors et à Grigny, 700 000 euros sont injectés de juin à décembre de cette année pour 300 allocataires : cela donne bien une idée des moyens nécessaires ! À Décines‑Charpieu, un dispositif d’accompagnement progressif a été déployé, grâce auquel des personnes sans-abri commencent à travailler deux ou trois heures par semaine. Les résultats de ces expérimentations fournissent des indicateurs qui servent à élaborer les politiques publiques ; poser un cadre législatif sans les connaître constitue une erreur fondamentale.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). J’apprécie les efforts de M. le rapporteur pour tenter de compenser la précipitation du Gouvernement, mais ils ne me convainquent pas  peut-être que d’autres y sont plus sensibles. Vous nous expliquez qu’il n’est pas nécessaire de connaître les résultats des expérimentations au motif qu’elles n’auraient qu’une dimension pratique et que, dans ce contexte, la définition d’un cadre législatif ne pose pas de problème. Vous vous trompez car ces expérimentations, lancées pour, nous a-t-on dit, préfigurer France Travail, nous renseigneront sur les moyens nécessaires mais également sur la pertinence du dispositif. Leurs résultats nous intéressent directement, ne serait-ce que pour déterminer s’il convient d’adopter ce texte de loi. Il faut les connaître avant de légiférer.

M. Nicolas Turquois (Dem). Entre l’examen du texte au Sénat et son arrivée à l’Assemblée, il y a eu une période estivale qui aurait dû être l’occasion pour chacun d’échanger avec les acteurs de l’emploi – Pôle emploi et missions locales, notamment. Certains l’ont fait et ont pu se rendre compte que tous les acteurs insistent sur la nécessité d’agir rapidement et intensément. C’est comme cela que l’on obtient l’adhésion des allocataires du RSA, puis des résultats ; en revanche, il est beaucoup plus difficile de réussir avec des allocataires qui n’ont pas été accompagnés pendant plusieurs années.

Quant à l’expérimentation, elle est utile pour caler les interactions les plus pertinentes entre les différents opérateurs sur le terrain.

Enfin, madame Garin, 700 000 euros pour 300 allocataires, il me semble y avoir là une erreur de calcul.

Mme Christine Le Nabour (RE). On déplore souvent le caractère trop restrictif du cadre législatif : ici, pour la première fois, le législateur souhaite faire confiance et, plutôt que d’imposer, accorder de la souplesse aux territoires.

Le principe de la différenciation exige de ne pas retenir la même approche pour un territoire connaissant le plein emploi depuis longtemps et un autre où sévit un taux de chômage élevé ; les acteurs sont également différents. Ces expérimentations de préfiguration nous aideront à y voir plus clair sur les actions pertinentes et sur celles qui ne le sont pas, mais la dimension opérationnelle différera d’un territoire à l’autre. Je ne comprends pas que vous vous opposiez à cette souplesse que les territoires réclament depuis très longtemps.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Après avoir écouté les diverses interventions, je ne comprends toujours pas le refus de dresser le bilan des expérimentations avant de généraliser le dispositif dans la loi. J’entends l’argument selon lequel les expérimentations ne servent qu’aux mesures opérationnelles : certes, mais ce sont elles qui nous intéressent ! Nous avons besoin de connaître les résultats obtenus avec les moyens engagés, afin de nous prononcer sur l’opportunité de généraliser le dispositif.

Dans la Creuse, l’expérimentation a consisté à assurer le suivi de 83 nouveaux bénéficiaires du RSA. Un seul d’entre eux a répondu à l’injonction d’effectuer 15 heures d’activité, et pour travailler où ? À la banque alimentaire. Est-ce cela, un bon accompagnement vers l’insertion ? Dans le Nord, l’expérimentation a conduit à une explosion des sanctions des allocataires du RSA. Est-ce cela votre objectif ? On se pose la question !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1342 de M. Pierre Dharréville

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Monsieur Turquois, les personnes que vous avez rencontrées n’ont pas pu vous dire qu’il fallait agir vite, ou pas seulement. Les demandeurs d’emploi se trouvent dans différentes situations : pour ceux qui viennent de perdre leur emploi et vont en trouver un rapidement, il convient en effet de faire preuve de célérité dans l’orientation, mais de très nombreux autres se situent loin de l’emploi. Pour ces derniers, il faut du temps pour tisser une relation utile. Les personnes qui accompagnent les demandeurs d’emploi nous demandent de disposer de ce temps, ce qui n’est actuellement pas le cas. Plutôt que d’agir vite, il faut agir correctement. D’ailleurs, des collègues ont dit tout à l’heure que l’important était d’avoir un accompagnement, mais non : l’important est d’avoir un bon accompagnement. Sans les résultats des expérimentations, nous ne pourrons pas concevoir de bon accompagnement.

On demande aux missions locales d’élaborer des critères, parfois contraignants, pour sortir des jeunes du parcours de suivi qu’elles assurent, mais encore faut-il que le marché de l’emploi ou les dispositifs de formation puissent les accueillir. Elles ont parfois du mal à atteindre les taux de sortie positive requis, cela pouvant menacer les financements. Il faudra donc examiner de plus près la question des contrôles et des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, car toutes les populations n’ont pas les mêmes besoins.

M. le rapporteur. Vos propos sont intéressants, mais cet amendement renvoie à la mission du comité national France Travail, qui devra poser des garde-fous.

Sur la forme, la loi ne peut pas fixer de condition à sa propre entrée en vigueur, ce qui suffit à justifier mon avis défavorable. Et sur le fond, le comité national France Travail, qui entrera en fonction le 1er janvier 2024, prendra toute sa part dans le déploiement des dispositifs de l’article 1er sans que la loi ait à prévoir de délibération.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS469 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Pour répondre à M. Turquois, il s’agissait effectivement de 1 300 allocataires.

L’amendement vise à subordonner l’entrée en vigueur de l’article 1er au recueil de l’avis des organisations syndicales de salariés, des organisations professionnelles d’employeurs et des associations représentatives de demandeurs d’emploi et de salariés enchaînant les contrats courts.

Votre politique du travail nous inquiète en matière de concertation, de consultation et de négociation. Votre réforme de l’assurance chômage a marqué la fin du paritarisme, puisque la concertation a remplacé la négociation ; de même, le message envoyé à l’occasion de la réforme des retraites n’était pas très positif. Notre amendement vise au moins à ce que vous écoutiez les organisations concernées par votre réforme.

M. le rapporteur. Les partenaires sociaux sont bien partie prenante du comité national France Travail, qui sera chargé de la mise en œuvre des nouveaux dispositifs et du suivi de leur bonne application, et qui verra le jour le 1er janvier prochain.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens cet amendement qui montre, de manière plus détaillée que le précédent, que la concertation est insuffisante. Vous présentez un projet de loi auquel l’ensemble des acteurs – élus, organisations syndicales, etc. – s’opposent.

Permettez-moi une petite digression : aujourd’hui a lieu une journée de mobilisation des greffiers ; il y a un mois et demi, nous avons examiné le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 ; le ministre de la justice nous a dit qu’il n’y avait aucun problème puis, à la fin de nos débats, il s’est rendu compte qu’il y en avait un ; des discussions sont en cours ; et la grève continue. Vous n’écoutez rien ni personne et, à la fin, vous allez dans le mur.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il s’agit d’un amendement de bon sens, qui consacre une série d’exigences démocratiques fondamentales. Vous refusez que les individus gèrent leur trajectoire eux-mêmes. Vous lancez une expérimentation, mais vous ne voulez pas que ses résultats servent à l’élaboration du projet de loi. Un rapport de la Cour des comptes de juillet dernier indique que l’identité des consultants ayant contribué à la rédaction du texte reste inconnue. Dans ce contexte, Mme Garin propose de solliciter l’avis d’organisations syndicales et professionnelles représentant les différentes composantes du monde du travail, mais même cela, vous le refusez. Comment qualifier un tel processus démocratique ?

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’opposition assez massive des organisations syndicales à ce texte me fait penser que celui-ci constitue un nouveau mauvais coup porté après la réforme des retraites, qui a suscité l’opposition des organisations syndicales, du monde du travail et d’une grande majorité du pays. Vous persévérez dans cette voie, ce qui est très inquiétant. Vous devriez vous poser des questions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS86 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à supprimer l’inscription automatique sur la liste des demandeurs d’emploi des jeunes en parcours contractualisé d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) et en contrat d’engagement jeune (CEJ). Nous avons déjà pointé les limites de ces dispositifs – montant de l’allocation insuffisant, durée trop courte et sorties trop précoces –, qui prévoient déjà des devoirs pour les jeunes signataires. Notre idée est de ne pas leur rajouter de contraintes supplémentaires – mais peut-être l’adoption des amendements AS1470 et identiques les a-t-elle déjà sortis du dispositif.

M. le rapporteur. Oui, depuis l’adoption de ces amendements, les jeunes suivis par les missions locales sans être à la recherche d’un emploi sont sortis du dispositif d’inscription sur les listes des demandeurs d’emploi. Je suis défavorable à votre amendement compte tenu de notre discussion d’hier, d’autant que l’article 2 prévoit la fusion du CEJ et du contrat d’engagement.

M. Arthur Delaporte (SOC). En fait, l’adoption des amendements identiques a fait sortir sortis du dispositif les jeunes suivis par les missions locales, mais il faudrait adopter mon amendement pour que soit le cas des jeunes en CEJ et en Pacea. Sinon, nous risquerions de créer une forme de discrimination.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS215 de M. Arthur Delaporte, AS232 de M. Thibault Bazin, AS939 de Mme Anne Bergantz et AS1001 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement de repli vise à prévoir une évaluation de France Travail d’ici à 2027. Sans évaluation, il ne peut y avoir de bonne politique publique ; nous vous reprochons d’ailleurs d’avoir élaboré ce projet de loi sans avoir dressé d’état des lieux de la situation actuelle. Quand des travaux existent, comme le petit rapport de la Cour des comptes sobrement intitulé « Le revenu de solidarité active », vous ne tenez pas compte de leurs conclusions ni ne cherchez à répondre aux questions qu’ils posent. Il est essentiel de tirer les conséquences des évaluations.

M. Thibault Bazin (LR). Je ne me situe pas dans la même démarche que notre collègue Delaporte, mais je partage avec lui l’idée de la nécessité d’évaluer les dispositions du présent article. Lors de l’audition du ministre, nous avons évoqué des mesures qui ne se trouvent pas dans le texte alors qu’elles nous paraissent indispensables pour atteindre le plein emploi, notamment la garantie d’un écart élevé entre les revenus du travail et ceux des allocations sociales – des problèmes de seuil existent, puisque certaines personnes voient leur revenu diminuer pendant les quatre à cinq mois suivant leur reprise d’activité. L’évaluation permettrait de vérifier que les dispositifs déployés contribuent à atteindre l’objectif.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je crois beaucoup en ce projet de loi et je soutiens la création de l’opérateur France Travail, la nouvelle organisation du service public de l’emploi et l’ambitieuse approche en matière d’accompagnement.

Il me paraît néanmoins important d’évaluer la mise en place de France Travail ainsi que ses effets sur l’accès, le retour et le maintien dans l’emploi. Voilà pourquoi mon amendement vise à procéder à une évaluation de France Travail d’ici à 2027.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Les retours d’expérimentation faisant défaut, un tel rapport évaluant France Travail serait à même d’éclairer la suite du chemin.

M. le rapporteur. Nous avons déjà débattu des demandes de rapport. Je suis extrêmement favorable à l’idée d’évaluer les dispositifs de politique publique. Le comité national France Travail aura pour mission, outre la fixation de critères, d’objectifs et d’indicateurs nécessaires au pilotage, d’établir un rapport d’évaluation. Notre commission peut proposer des évaluations complémentaires – nous avons évoqué tout à l’heure le travail de Stéphane Viry. Je suis défavorable à ces amendements de demandes de rapport, ce qui ne nous exonère pas de conduire nos propres travaux parlementaires.

M. Arthur Delaporte (SOC). Vous avez raison, il y aura des évaluations : on peut espérer qu’un rapport d’évaluation de l’application de la loi sera rédigé et que France Travail pratiquera une forme d’autoévaluation, mais rien n’empêche le Gouvernement d’examiner son dispositif. Je crois en l’indépendance des pouvoirs et au droit de regard d’une institution sur sa propre activité.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS648 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Cet amendement de repli vise à ce que l’article 1er ne s’applique pas dans les collectivités d’outre-mer. Il n’est en effet pas adapté à la réalité socio-économique de ces territoires, où les taux de chômage sont largement supérieurs à la moyenne nationale – 19 % à La Réunion, 30 % à Mayotte, 12 % en Martinique et 14 % en Guyane contre 7,2 % dans l’Hexagone. On parle de chômage de masse durable outre-mer.

En outre, la précarité est plus répandue dans les territoires ultramarins et les bénéficiaires du RSA y sont plus nombreux. La Réunion, la population d’allocataires s’élève à 230 000 personnes en comptant les ayants droit, soit 27 % de la population totale, un taux cinq fois supérieur à la moyenne hexagonale ; parmi eux, les personnes très éloignées de l’emploi sont nombreuses. Le conseil départemental craint que l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA à Pôle Emploi ne débouche sur de multiples sanctions et exclusions du dispositif.

M. le rapporteur. Je vous remercie de nous rappeler l’attention particulière que nous devons porter aux outre-mer, mais je trouverais dommage de les exclure du dispositif alors que nous voulons leur apporter des réponses adaptées. L’article 11 traduit cette démarche, et nous veillerons à ce que France Travail leur consacre une commission ad hoc. Je serais surpris que le président du conseil départemental, qui aura la responsabilité de radier les personnes au RSA, choisisse cette option.

Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement AS262 de M. Frédéric Maillot

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement a pour but de prendre en considération les situations particulières de chaque territoire d’outre-mer ; le projet de loi ne nous paraissant pas adapté à ces territoires, l’amendement vise à exclure les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution du périmètre géographique de l’application de ce texte de loi.

M. le rapporteur. L’amendement fait écho à celui que vient de défendre M. Ratenon : pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS134 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant l’impact de la loi sur la pauvreté, notamment celle des familles monoparentales. Nous en avons parlé hier, 96 % des bénéficiaires du RSA majoré sont des femmes : il y aura donc un impact spécifique de la réforme sur les femmes et les familles monoparentales ; or ces dimensions sont totalement absentes de l’étude d’impact. Nous ne pouvons pas nous exonérer de notre responsabilité d’évaluer l’impact néfaste de cette réforme.

M. le rapporteur. Encore une fois, je rappelle que l’évaluation est du ressort du comité national France Travail et du Parlement. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Pouvez-vous au moins reconnaître que l’étude d’impact est lacunaire sur ce point ? Elle devrait comporter une estimation, si ce n’est une évaluation, des conséquences potentielles de la réforme, en particulier pour les femmes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS135 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous demandons un rapport au Gouvernement pour évaluer les conséquences de la loi sur la pauvreté des jeunes. À l’occasion de ce texte, vous auriez pu travailler sur la question de l’ouverture du RSA aux jeunes, que vous obligez à s’inscrire à France Travail. Ceux-ci auront donc des obligations, ils deviendront des demandeurs d’emploi si, par exemple, ils se sont inscrits au CEJ, mais ils ne bénéficieront d’aucun droit ni d’aucun accompagnement à moyen terme hors une allocation qui, en l’occurrence, peut courir jusqu’à six mois. Je rappelle que le taux de sortie du CEJ est de l’ordre de 40 %.

M. le rapporteur. Le CEJ se fondra dans le contrat d’engagement mais le sujet que vous soulevez méritera toute l’attention que lui portera le comité national France Travail dans le cadre de ses travaux d’évaluation.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ces demandes de rapport permettent de rappeler une exigence que nous devons tous faire nôtre à l’endroit du Gouvernement, lequel se doit de nous transmettre suffisamment d’études d’impact pour que nous puissions appréhender les conséquences des réformes.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Le Parlement est dans son rôle lorsqu’il mène des évaluations. Les demandes de rapport formulées par M. Delaporte sont donc légitimes mais c’est nous aussi qui sommes au premier chef concernés. Les travaux demandés peuvent fort bien être engagés dans un an. Il suffit d’en faire la demande au bureau de notre commission.

M. Fabien Di Filippo (LR). Le principal facteur permettant à la jeunesse de sortir de la pauvreté, c’est l’insertion professionnelle, donc l’accès à une activité et à un salaire, non l’augmentation des aides.

La pyramide des âges est très favorable aux jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Alors que nous avons choisi de donner le bac à un nombre de plus en plus élevé de lycéens, l’évaluation de certaines filières de formation, notamment dans l’enseignement supérieur, serait peut-être de bonne politique.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’évaluation est en effet nécessaire mais, madame Panosyan-Bouvet, vous reconnaîtrez que le Parlement éprouve souvent des difficultés à jouer son rôle. M. le rapporteur, je suppose, a dû demander à avoir des données concernant les sanctions ; or, son rapport n’en fait aucunement état, pas plus que des incidences de cette loi sur la pauvreté. Des économistes, pourtant, savent fournir des estimations.

C’est le Gouvernement qui dispose de la force statistique et de la puissance administrative des inspections générales. Si, demain, chaque député peut bénéficier de l’aide de dix collaborateurs, peut-être en sera-t-il autrement mais, en attendant, adoptons de tels amendements !

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). M. Delaporte a raison de demander que nous puissions bénéficier de ce type d’informations en amont et non dans un ou deux ans. Nous devons être certains que les modes d’organisation et d’accompagnement, les méthodes et les protocoles correspondent aux enjeux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS138 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous demandons un rapport évaluant les conséquences de la loi sur le taux d’activité et le taux d’emploi des travailleurs en situation de handicap seniors.

M. le rapporteur. Chacun des thèmes soulevés est intéressant et il nous appartiendra de procéder à ces évaluations dans le cadre de France Travail. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS136 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous demandons la remise d’un rapport sur les inégalités salariales, les inégalités de parcours de carrière, les discriminations et l’accès à une solution de garde pour les enfants. J’espère que nous pourrons aussi parler de ces questions avec le ministre lors du débat en séance publique car, jusqu’ici, nous restons sur notre faim.

M. le rapporteur. Une telle évaluation rentre pleinement dans le champ de compétences du comité national France Travail. Celle-ci sera de surcroît annuelle et portera sur l’ensemble des dispositifs et des publics ciblés. Le cas échéant, nous serons peut-être amenés à privilégier un axe spécifique, même si tous ceux que vous mettez en avant sont légitimes.

Enfin, il ne me paraît pas très heureux de proposer la remise d’un rapport douze mois après la promulgation de la loi, c’est-à-dire avant l’application effective du dispositif, à partir du 1er janvier 2025. Les éléments que vous soulevez sont en revanche très importants pour notre travail législatif, notamment celui que nous continuerons à mener.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). En effet, il n’est pas possible d’évaluer en moins de douze mois un dispositif qui vient d’être lancé, comme l’expérimentation France Travail qui a commencé il y a moins de trois semaines...

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS759 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Je propose que, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport d’évaluation des dispositions de l’article 1er. Compte tenu des changements que cette loi apportera dans la vie professionnelle des Français, il est impératif d’effectuer un suivi rigoureux des mesures qui seront appliquées.

M. le rapporteur. De telles évaluations relèveront de la responsabilité de France Travail et de la nôtre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS470 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je propose que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’instauration, par conseiller de l’organisme référent, d’un ratio de demandeurs d’emploi de chacune des catégories ainsi que d’un ratio d’allocataires du revenu de solidarité active.

Le ratio idéal serait de quarante personnes par conseiller. Or, dans certains territoires, dont le « 93 », il est de 144, ce qui soulève des problèmes de qualité d’accompagnement pour les allocataires mais, aussi, de qualité de vie au travail pour les travailleurs sociaux, secteur qui peine à recruter et qu’il convient de revaloriser.

M. le rapporteur. Il faut réfléchir à l’accompagnement le mieux adapté en fonction des besoins mais, aussi, des territoires. Ce sera le cas dans le cadre du comité France Travail.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS133 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous demandons un rapport évaluant la capacité à affecter 15 heures d’activité par semaine par demandeur d’emploi et de prendre des mesures de suspension et de suppression adaptées et circonstanciées à la situation sociale et personnelle de l’allocataire du RSA.

Votre argumentation repose sur l’adaptation et l’individualisation mais, « en même temps », sur l’algorithme, la gestion de masse et ce que l’on pourrait appeler une espèce de boucherie à la Daniel Blake. Les meilleures intentions, faute de moyens, peuvent déboucher sur un système inhumain.

J’ai reçu sur Twitter un message d’une conseillère de Pôle emploi qui me faisait part de son exaspération et de ses inquiétudes à propos de France Travail : « Pour ma part, j’ai signé ma rupture conventionnelle, que nous sommes nombreux à avoir demandée, mais il existe beaucoup de refus. » Le mal-être des agents de Pôle emploi doit être pris en compte : ils ont l’impression de travailler à la chaîne.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Votre réforme aura des conséquences sur les missions des agents de Pôle emploi, qui ne sont pas des travailleurs sociaux. Comment s’organiseront-elles ? Le rapport demandé par notre collègue pointe cette question-là qui, jusqu’à présent, n’a guère été traitée. À terme, on demandera aux agents de Pôle emploi d’exercer des missions qui ne relèvent pas de leur cœur de métier. Nous devrions y réfléchir.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cette demande de rapport est particulière en ce qu’elle requiert un bilan. Souvenons-nous de la fusion, en 2008, de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et de l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Assedic), visant à instaurer un seul métier de conseiller associant le conseil en placement et la gestion des droits. Dès lors que ce fut un échec, comment peut-on refuser un rapport tendant à éviter un même désastre social et humain ?

Les expérimentations ont bien montré que personne n’est capable de mettre en place les 15 heures hebdomadaires et l’on constate, de surcroît, une augmentation des taux de sanction. Le service public de l’emploi doit être remis sur les rails.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS697 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Je propose que le Gouvernement remette au comité national d’évaluation France Travail un rapport sur les moyens humains nécessaires pour mettre en place des heures d’accompagnement en montée progressive dans les territoires. Une fois l’ensemble du territoire couvert, le rapport mentionnera les modalités d’emploi et de formation des professionnels assurant ces heures. Combien d’agents ? Que feront-ils ? Comment leur charge de travail sera-t-elle répartie ?

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS887 de Mme Danièle Obono

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Officiellement, votre projet de loi vise à améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, des allocataires du RSA et des personnes en situation de handicap. Pour qu’il en soit ainsi, les agents de Pôle emploi auront donc besoin de formations supplémentaires ; or un tel besoin n’a jamais été évalué et quantifié. Hors les déclarations de M. le ministre sur les 300 et quelques équivalents temps plein (ETP), nous ne savons pas où nous allons.

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport relatif à la réponse aux besoins de formation des agents de Pôle emploi, préalable nécessaire à un accompagnement de qualité.

Par ailleurs, les acteurs de l’insertion estiment à 4 milliards d’euros par an l’enveloppe budgétaire nécessaire pour tenir les objectifs d’accompagnement quand le Gouvernement prévoit un financement de 2,3 à 2,7 milliards.

M. le rapporteur. Bien plus qu’un rapport, c’est l’évaluation du comité national France Travail qui m’importe. Je vous invite à retirer votre amendement ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Redéfinir les droits et devoirs des demandeurs d’emploi

Amendements de suppression AS55 de M. Arthur Delaporte, AS472 de Mme MarieCharlotte Garin, AS571 de M. Jean-Hugues Ratenon, AS830 de M. Pierre Dharréville et AS1009 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet article vise à assujettir l’ensemble des personnes inscrites à Pôle emploi à la signature d’un nouveau « contrat d’engagement », comportant un minimum de 15 heures d’activité hebdomadaire. Nous nous opposons à cette disposition qui fragilise le droit au RSA et qui risque d’accroître le non-recours.

Il prévoit également un renforcement des sanctions, dont nous savons qu’elles sont inefficaces, qu’elles ne favorisent pas une meilleure inclusion sociale et qu’elles génèrent du stress : je vous renvoie en particulier aux travaux d’Esther Duflo.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous nous opposons à ce contrat unique d’engagement concernant l’ensemble des personnes inscrites à France Travail.

Le RSA s’inscrit déjà dans une logique de droits et de devoirs et le RMI comprenait un contrat d’insertion et d’engagement, donc des contreparties. Il ne s’agit pas d’un revenu universel.

Si contrat unique d’engagement il y a, il doit être réciproque. Or l’article 2 fragilise un tel équilibre en visant uniquement les allocataires, ce à quoi nous nous opposons.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Il convient de supprimer cet article prévoyant un travail forcé de 15 à 20 heures pour les signataires du contrat d’engagement, disposition irréalisable et contreproductive. Cet article vise seulement à obliger les demandeurs d’emploi à accepter n’importe quel emploi. Alors que le report de l’âge de la retraite que vous avez imposé entraînera le passage de 100 000 personnes supplémentaires au RSA et la multiplication du nombre de travailleurs en invalidité et en situation de handicap, le Gouvernement souhaite à tout prix éviter les dépenses supplémentaires. Pour ce faire, votre plan est limpide : le travail forcé, mal payé, précaire et/ou pénible.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet article substitue au projet personnalisé d’accès à l’emploi et au contrat d’engagement réciproque des allocataires du RSA un contrat d’engagement unique qui sera obligatoire pour tout inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi. Or ce contrat visant à l’uniformisation des droits et des devoirs pour des personnes aux parcours de vie et professionnels différents ne repose plus sur une réciprocité d’engagements.

Aussi, loin de répondre aux besoins des demandeurs d’emploi, il apparaît davantage comme une réponse stéréotypée qui, de surcroît, entretient la confusion entre le revenu de remplacement assurantiel qu’est l’allocation chômage et la prestation sociale de solidarité qu’est le RSA. Les conséquences sur la définition du « plan d’action » et de l’« offre raisonnable d’emploi » sont non négligeables et, telles que formulées, sont désavantageuses pour les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi. Un déséquilibre dans le rapport entre les deux parties d’un éventuel contrat de travail est même possible, notamment du côté salarial.

Enfin, nous passons d’un droit d’accompagnement à une obligation d’activité, laquelle n’est pas définie. Nous savons que ces logiques visant à occuper les gens sont assez sclérosantes.

Nous nous opposons à cet article, dont les dispositions interfèrent un peu avec les prérogatives de l’Unedic.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous regrettons votre logique d’uniformisation et de conditionnalité, qui témoigne d’une méconnaissance de ce que sont les allocataires. Une allocation d’assistance n’est pas un revenu lié à un travail, contrairement à ce que vous essayez d’instiller dans votre récit politique qui, ici, trouve d’une certaine manière son acmé.

M. le rapporteur. Cet article vise à créer un nouveau « contrat d’engagement » plus clair et plus harmonisé, qui se substitue notamment aux cadres actuels du projet personnalisé d’accès à l’emploi, pour les demandeurs d’emploi, et du contrat d’engagement réciproque, pour les allocataires du RSA.

Après son inscription à France Travail, son orientation vers l’organisme le mieux à même de l’accompagner sur la base d’un diagnostic approfondi de ses besoins, la personne conclut ce contrat avec l’organisme qui l’accompagne. Cet article prévoit ainsi la contractualisation des engagements réciproques et la mise en place d’un plan d’action de la personne en vue de son insertion sociale et professionnelle.

J’insiste sur le fait que ce contrat définit aussi les engagements de l’organisme référent.

Le projet de loi ne modifie en rien la sanction relative à l’offre raisonnable d’emploi. Elle s’appliquera uniquement aux demandeurs d’emploi dont le projet professionnel vise une activité salariée et elle est suffisamment établie afin de prendre en compte ceux pour qui le projet nécessite plus de temps pour être défini. Elle ne s’appliquera donc pas aux bénéficiaires du RSA.

Enfin, pour que le demandeur d’emploi puisse être l’acteur des différentes étapes de recherche, de définition et d’aboutissement de son projet professionnel, il doit être impliqué, notamment grâce à l’aide de son conseiller référent qui peut lui donner tous les éléments nécessaires. Cela se traduit par une mobilisation du demandeur d’emploi avec, notamment, des engagements concrets qui peuvent être observés à travers son assiduité et sa participation active, en fonction de sa situation.

Avis défavorable à ces amendements.

M. Didier Le Gac (RE). Nous revenons simplement à l’esprit du RMI et de la loi de 1988, qui rendait obligatoire la signature d’un contrat d’engagement réciproque. Celle-ci a d’ailleurs été dévoyée dès lors que l’insertion était évaluée à 20 % et qu’elle s’élève à 8 %. Nous maintenons le contrat tel qu’il existait et nous renforçons l’accompagnement. Il n’est pas question de 15 heures de travail obligatoire mais de 15 heures d’activité – non plus que d’uniformisation d’ailleurs puisque ces 15 heures seront fonction du diagnostic établi avec le bénéficiaire. Enfin, la loi de 1988 prévoyait également des sanctions.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Se référer à cette loi revient à faire croire qu’elle aurait contribué à réduire le chômage ; or tel n’est pas le cas.

Cet article dévoie la notion de contrat. Le lien contractuel n’est pas uniquement fondé sur des engagements réciproques mais sur la capacité à discuter de ce que l’on accepte ou non. En l’occurrence, le contrat sera établi à partir du diagnostic et s’imposera aux demandeurs. Ce sont les pires conditions d’accompagnement de retour à l’emploi. Elles relèvent bien plus de la contrainte.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS60 et AS62 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Il convient de reconnaître un droit opposable à l’accompagnement pour les bénéficiaires du RSA et de transformer celui-ci en un revenu minimum repensé autour des principes d’inconditionnalité, d’automaticité, d’ouverture aux jeunes dès 18 ans, et d’un montant permettant de vivre dignement. Telle est la philosophie alternative que nous proposons.

Par ailleurs, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’efficacité des sanctions prises à l’encontre des allocataires du RSA, notamment au regard de leur insertion professionnelle et sociale durable, des coûts pour les organismes publics de la réalisation et du pilotage de ces contrôles, et de la stigmatisation sociale générée.

Il a été question de l’augmentation des effectifs de Pôle emploi avec 300 ETP mais l’essentiel des recrutements vise en l’état à renforcer les contrôles et les sanctions, auquel plus de 1 000 personnes se consacrent.

M. le rapporteur. Votre premier amendement est plutôt incantatoire en ce qu’il exprime en effet votre philosophie, qui n’est pas la nôtre.

Le second vise à évaluer l’efficacité des sanctions prises à l’encontre des allocataires du RSA mais l’article excède cette question. De plus, les sanctions ne s’apprécient pas selon leur « efficacité » mais plutôt à travers un bilan de leur application, comme le fait Pôle emploi avec le nombre de radiations.

Enfin, le schéma des droits et devoirs ayant vocation à s’appliquer à tous les demandeurs d’emploi, il n’est pas pertinent de faire uniquement le bilan pour les bénéficiaires du RSA.

Avis défavorable.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). M. Delaporte est professeur et sans doute connaît-il mieux que d’autres le profil des bénéficiaires du RSA. Nous savons que 16 % d’entre eux le perçoivent depuis dix ans et 42 %, ponctuellement ou durablement, depuis sept ans. Nous savons aussi combien les familles monoparentales sont concernées.

La manière de présenter ces amendements revient d’une certaine façon à s’acheter une bonne conscience à bon compte. Les bénéficiaires du RSA sont aujourd’hui mal accompagnés et c’est ce que nous voulons changer. Un même contrat d’engagement bénéficiera à un assuré social et à un allocataire. Chacun sera accompagné.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je regrette que M. le rapporteur ne veuille pas débattre de notre vision alternative mais il ne pourra pas nous reprocher de ne pas en avoir une.

Selon la Cour des comptes, « 65 % des bénéficiaires du RSA vivent sous le seuil de pauvreté monétaire, une part 4,4 fois plus élevée que la population générale, où cette part est comprise entre14 % et 15 %. [...] Le RSA est ainsi le dispositif qui, au sein de l’ensemble du système socio-fiscal, contribue le plus à la diminution de l’intensité de la pauvreté monétaire à 40 % et 50 % du seuil, en assurant à lui seul entre 35 % et 40 % de cette baisse, soit davantage que les autres prestations [...] ». Le constat est sans appel : le RSA est le dispositif le plus efficace pour lutter contre la pauvreté monétaire. Certes, l’activité est nécessaire mais je rappelle que la loi de 1988 n’en fait pas l’alpha et l’oméga et qu’elle n’y est pas obligatoire. Son article 42-4 disposait de l’existence d’un « contrat d’insertion ».

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS572 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Le remplacement du projet personnel d’accompagnement vers l’emploi formulé à Pôle emploi et du contrat de droits et devoirs réciproques que signe tout bénéficiaire du RSA par un contrat d’engagement illustre l’abandon d’une logique « droits et devoirs » réciproques au profit d’une logique unilatérale et construite sur la contrainte.

Si le texte précise que ce contrat mentionne les objectifs de résultat de l’organisme référent, rien ne garantit les moyens nécessaires. Les termes de contrat et d’engagement pourraient laisser penser à une réciprocité dans le contrat ; or, il n’en est rien, puisque seules les inexécutions des bénéficiaires sont sanctionnées.

Nous savons déjà que le Gouvernement ne mettra pas les moyens nécessaires pour garantir un réel accompagnement. En revanche, les allocataires du RSA subiront un renforcement du contrôle et des sanctions sans précédent, réalisé par un service public de l’emploi sous tension, pour des objectifs démagogiques, à rebours du bon sens et irréalistes. Nous souhaitons donc supprimer le contrat d’engagement unifié.

M. le rapporteur. Le contrat d’engagement constitue le socle de France Travail. Avec cette réforme, tous les demandeurs d’emploi auront la même base commune dans le cadre du nouveau contrat d’engagement – réciproque, j’insiste – qui remplacera les contrats actuels.

Le nouveau contrat d’engagement garde la même logique et s’appuie avant tout sur les besoins et les souhaits de la personne. L’accompagnement et les services proposés répondent ainsi aux souhaits du demandeur d’emploi en s’adaptant au mieux à ses aspirations et aux éventuels freins.

La suppression de cette seule partie du dispositif ferait perdre sa cohérence à l’ensemble de l’article 2.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS651 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Il s’agit de remplacer l’expression « contrat d’engagement » par celle plus adaptée de « parcours d’accompagnement et de recherche d’emploi ».

En outre-mer, le terme « engagement » renvoie à l’engagisme, système que des historiens comparent à une nouvelle forme d’esclavage auquel il a succédé car, sous couvert de la signature d’un contrat d’engagement, ce n’était que de l’exploitation. Nombreux sont ceux qui réclament réparation aujourd’hui.

L’engagisme, qui a été instauré pour satisfaire les besoins de main-d’œuvre de l’économie de plantation ou pour bâtir les infrastructures coloniales, s’est apparenté à une véritable traite. Les travailleurs étaient recrutés directement par l’administration coloniale ou les agents d’immigration et ils étaient liés à leur employeur par un contrat. Plusieurs dizaines de milliers de travailleurs indiens, africains et malgaches, pour ne citer qu’eux, ont ainsi émigré vers les colonies françaises de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe ou encore de la Guyane. Des milliers de femmes et d’hommes ont été arrachés à leur pays pour venir travailler sur les terres des riches, les anciens esclavagistes couramment appelés les « gros Blancs » ou les « békés ». On leur vendait une vie meilleure mais la réalité était tout autre : de très longues journées de travail, dans des conditions très difficiles voire inhumaines. Ils n’avaient aucun espoir de revoir leur pays ni leur famille. Nombre d’entre eux ont fait le choix du suicide, notamment à La Réunion.

M. le rapporteur. Sans nier les épisodes malheureux que vous venez de rappeler, je suis défavorable à l’amendement.

La notion d’engagement est déjà inscrite dans notre droit. En outre, le parcours d’accompagnement et de recherche d’emploi que vous souhaitez est prévu dans le contrat d’engagement. Enfin, il ne s’agit pas d’imposer au bénéficiaire mais d’assurer la réciprocité entre lui et l’organisme référent. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’ajout du mot « réciproque ».

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS126 de M. Arthur Delaporte, AS1010 de M. Benjamin Saint-Huile et AS831 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). J’ai bon espoir que l’amendement soit adopté puisqu’il décline celui qui a été approuvé précédemment ajoutant au titre le mot « réciproque ».

La réciprocité est essentielle. Comme le souligne Nicolas Duvoux, chercheur, président du comité scientifique du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, la responsabilité première incombe à l’État. La contractualisation suppose un consentement libre et éclairé, ce que vous nous avez assuré, monsieur le rapporteur.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je regrette que mon amendement risque de tomber alors que vous ne pouvez pas le refuser.

M. le rapporteur. En effet, l’espoir fait vivre, monsieur Delaporte. J’ai démontré ma cohérence et ma constance précédemment : donc, sans hésiter, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement AS126.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendements identiques AS832 de M. Yannick Monnet et AS1101 de M. Jocelyn Dessigny

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement illustre notre inquiétude quant à l’uniformisation des contrats. Une personne en situation de handicap et un jeune seront liés par le même contrat, établi sur la base d’un diagnostic qui limite fortement la marge de négociation. Ils seront de surcroît soumis au même régime de sanctions. Comment l’accompagnement peut-il être personnalisé si l’uniformité des contrats interdit de prendre en considération les spécificités de la personne ?

M. Serge Muller (RN). L’amendement AS1101 est défendu.

M. le rapporteur. Je fais une distinction entre la base sur laquelle s’appuie le contrat et son contenu. Votre amendement a pour effet de supprimer l’étape d’élaboration du contrat, pourtant primordiale dans l’accompagnement et le diagnostic des besoins et aspirations du demandeur. Cela ne me semble pas opportun.

Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS91 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement a été rédigé en collaboration avec l’Union nationale des missions locales (UNML).

L’alinéa 5 porte sur l’élaboration et la signature du contrat auquel nous étions plus ou moins favorables. L’amendement vise à supprimer la référence au diagnostic global initial. En effet, la personne signataire ne peut pas être systématiquement renvoyée au diagnostic initial alors que sa vie peut avoir connu des évolutions. Nos interlocuteurs dans les missions locales considèrent que le diagnostic doit être constamment actualisé. Il n’est pas l’alpha et l’oméga de l’engagement.

M. le rapporteur. Nous sommes d’accord, le contrat d’engagement n’est pas figé. Après le diagnostic global, il « est ensuite périodiquement actualisé dans les mêmes formes », aux termes de l’alinéa 5.

L’amendement risque au contraire d’empêcher l’actualisation du contrat en fonction de l’évolution des besoins de la personne, de sa disponibilité, ou de la levée éventuelle de ses freins.

M. Arthur Delaporte (SOC). Les termes « au vu du diagnostic global » semblent indiquer qu’il faudra, à chaque actualisation, s’y référer ; c’est ce que craignent les missions locales. On a le droit de ne plus être le même que lors du diagnostic initial.

M. Nicolas Turquois (Dem). Nous examinons une série d’amendements destinés à ralentir l’examen du texte, qui témoignent aussi d’un manque de confiance à l’égard des acteurs de l’accompagnement vers l’emploi. Ces derniers prendront évidemment en considération l’évolution de la situation des personnes. Arrêtons ces discussions dilatoires.

Mme Christine Le Nabour (RE). Monsieur Delaporte, je doute que vous ayez travaillé avec l’UNML ; peut-être l’avez-vous fait avec quelques missions locales.

Les conseillers en insertion sont parfaitement à même de faire évoluer le contrat en fonction du parcours de la personne. Vous ne leur faites pas confiance.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Monsieur Turquois, ce n’est pas parce que vous ne les comprenez pas que nos discussions sont inutiles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS100 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). N’en déplaise à M. Turquois, les débats depuis hier sont intéressants et argumentés. Nous avons évité l’invective et les noms d’oiseaux.

Il s’agit d’un amendement de repli visant à soustraire les personnes ayant demandé le RSA à l’obligation de signer un contrat d’engagement réciproque.

M. le rapporteur. Vous comprendrez que je rejette votre amendement qui remet en cause le socle de notre réforme.

Historiquement, l’idée de contractualisation a toujours été présente, tant dans le RMI que dans le RSA. Nous conservons la même logique en insistant sur la nature réciproque de l’engagement et en portant une attention particulière à la situation du demandeur.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je ne comprends pas votre refus d’exiger des engagements de la part des bénéficiaires du RSA. Lorsqu’on est allocataire, le but n’est pas de le rester. Contrairement à ce qu’a dit votre collègue de la NUPES, le RSA n’est pas un droit. Il s’agit d’une aide transitoire qui permet de subsister et non de vivre, avant de reprendre le plus vite possible une activité. C’est son seul objectif.

Puisque vous prétendez défendre les classes populaires et les plus pauvres, vous devez souhaiter que les allocataires du RSA retrouvent une activité le plus vite possible. Pour y parvenir, les incitations sont nécessaires mais les obligations ont aussi parfois des bienfaits.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). La différence entre vivre et subsister est essentielle à me yeux ; elle tient à la dignité humaine. Vivre, ce n’est pas uniquement se nourrir, se chauffer et espérer tenir jusqu’au lendemain. Vivre, c’est aussi s’émanciper, apprendre, se divertir, se cultiver. 600 euros n’y suffisent pas. Avec une telle somme, non seulement personne ne vit correctement mais personne n’est sûr de pouvoir subsister, notamment parce que vous refusez de bloquer les prix.

Nous sommes en désaccord avec vous lorsque vous défendez la contractualisation entre l’État et les personnes auxquelles il prête assistance. C’est un débat vieux comme la Révolution française, qui avait consacré un droit inconditionnel à la subsistance et au secours.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je suis très choquée par les propos de M. Di Filippo. Il est question de la dignité des gens, gardons cela en tête dans nos débats.

Sous prétexte de les sortir rapidement de la précarité, on ne peut pas donner aux gens le strict minimum pour survivre. On doit proposer un accompagnement de qualité et faire mieux que leur laisser des miettes pour s’estimer quitte de notre rôle. C’est inadmissible d’entendre ça !

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Les propos de M. Di Filippo ne me choquent pas puisqu’ils s’inscrivent dans la continuité de la ligne que la droite a toujours défendue.

Nous ne portons pas le même regard sur les personnes allocataires du RSA. Vous pensez – j’essaie de ne pas caricaturer – que certains peuvent parfois trouver un profit à être au RSA ; pour les en sortir, il faut donc les contraindre. De notre côté, nous pensons que l’inactivité est dévastatrice ; elle demande donc un accompagnement renforcé, qui ne s’accommode pas de la contrainte. Voilà pourquoi nos propositions divergent. C’est un débat droite-gauche somme toute assez classique.

M. Didier Le Gac (RE). Ce n’est pas un débat droite-gauche.

Le RSA est bien une allocation universelle. La signature du contrat d’engagement n’en conditionne pas l’accès mais le maintien – c’est très différent.

Je reviens toujours à l’esprit de 1988 et de la création du RMI. Bernard Derosier, député socialiste du Nord, déclarait le 12 octobre 1988 : « Le revenu minimum est considéré comme un droit mais toujours assorti d’un engagement à une insertion. » Les propos de l’époque ne manquent pas pour illustrer l’idée que chaque droit s’accompagner d’un devoir. La question a déjà été tranchée en 1988.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je suis heureux que l’amendement permette d’ouvrir ce débat essentiel et de constater la radicalisation de la droite.

Lors les débats sur le RSA, le discours n’était pas le même ; il était encore teinté d’un vernis social qui faisait du RSA un socle empêchant de tomber dans l’extrême pauvreté.

Dans la loi de 1988, l’obligation d’insertion était conçue comme un second droit venant compléter le droit à une prestation monétaire, et non comme une contrepartie, selon Nicolas Duvoux.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’exposé des motifs de l’amendement AS55 cite François Mitterrand au sujet du RMI : « l’important est qu’un moyen de vivre ou plutôt de survivre soit garanti à ceux qui n’ont rien ».

Le RSA permet aujourd’hui de survivre, pas de vivre. Pour aider les allocataires du RSA à vivre – tel est notre objectif –, il faut leur offrir un accompagnement, jusque dans l’emploi pour ceux qui le pourront. L’engagement est ainsi pris de les sortir d’une situation dans laquelle ils ne font que survivre.

M. François Gernigon (HOR). Il est proposé de prendre par la main les bénéficiaires du RSA pour les tirer vers le haut. Le contrat d’engagement n’est pas une manière de les stigmatiser ou de les rabaisser mais de les élever. Le travail est une source d’émancipation et fait grandir.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS1348 de M. Benjamin Saint-Huile est retiré.

Amendements AS89 de M. Arthur Delaporte, AS834 de M. Pierre Dharréville et AS92 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Afin d’éviter de répéter sans cesse les mêmes contrevérités, je cite le rapport du député Jean-Michel Belorgey relatif au revenu minimum d’insertion : « Le projet de loi met donc l’accent tout à la fois sur la nécessité de donner à ceux qui sont dans le dénuement des ressources suffisantes pour pallier la précarité de leur situation ; sur celle de ne pas s’en tenir au versement d’une prestation, mais de poursuivre simultanément un vigoureux effort d’insertion envers le plus grand nombre possible de bénéficiaires de la prestation financière. »

Cela signifie que le RMI n’a pas vocation à être brutalement supprimé lorsque le bénéficiaire n’a pas fait l’effort d’insertion. Il est destiné à venir en aide aux personnes en difficulté pour leur éviter de n’avoir plus les moyens de vivre.

Le principe de la conditionnalité des prestations sociales, qui s’impose au début des années 2000, dévoie la philosophie initiale du RMI. Le renforcement des sanctions qu’accompagne la création de RSA annonce la loi que vous présentez aujourd’hui. Celle-ci s’inscrit parfaitement dans la continuité mais on peut refuser de suivre la pente glissante au bout de laquelle l’allocation devient une contrepartie – et non un droit – que l’on peut vous retirer si vous n’êtes pas gentil. C’est une question philosophique : tout le monde a-t-il droit au RSA ou pas ?

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Chacun doit assumer ses positions. Le texte marque une volonté de durcissement en renforçant le contrôle des demandeurs d’emploi. La logique adéquationniste est revendiquée face au décalage entre les offres d’emploi non pourvues et le nombre de demandeurs d’emploi.

Vous ne pouvez pas nier la philosophie de coercition, voire de punition parfois, à l’encontre des demandeurs d’emploi que nous ne partageons pas.

Mon amendement vise à rétablir un équilibre en replaçant la personne au centre du contrat, dont les principes sont quelque peu dévoyés, M. Monnet l’a dit. Nous essayons de réparer les choses autant que faire se peut.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement AS92 vise à consacrer le consentement de la personne à la signature du contrat d’engagement. Vous prétendez que le droit en vigueur garantit que le contrat est librement débattu mais nous préférons inscrire l’exigence de consentement dans la loi.

M. le rapporteur. L’introduction de l’adjectif « réciproque » est de nature à lever les doutes et les craintes que vous pourriez nourrir quant à la place qu’occupera le demandeur d’emploi dans la définition de ses engagements.

Attention à ne pas tomber dans la caricature. Votre procès d’intention sur les contrats me met mal à l’aise vis-à-vis des travailleurs sociaux dont je rappelle qu’ils sont associés à leur élaboration. Ce sont de grands professionnels – il suffit d’en rencontrer pour s’en persuader.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les travailleurs sociaux nous le disent, ils ne veulent pas faire ce travail ; ils ont déjà manifesté pour le faire savoir. Ils ne sont pas en cause ; ce sont les dispositifs que vous proposez qui les emmènent sur un chemin dangereux.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Vous avez exclu les travailleurs sociaux des comités pluridisciplinaires de sanction ; ils sont donc cantonnés à un rôle en amont.

L’ensemble du projet de loi accroît le contrôle social sur les bénéficiaires du RSA, dont je rappelle qu’il est un droit. Par ailleurs l’un des effets collatéraux du texte est de tirer vers le bas les bas salaires en s’exonérant du droit du travail en vigueur. Tout cela s’appelle de la violence sociale. Dans une période d’inflation et de crise du logement historique, dans un moment où tout le monde souffre, vous mettez un pistolet sur la tempe des allocataires du RSA en leur disant « tu vas y aller, sinon tu n’auras plus ton RSA ».

M. Fabien Di Filippo (LR). On semble parfois oublier que le RSA est financé sur des deniers publics, donc, aujourd’hui, largement à crédit.

En quoi le fait de dispenser une formation à un allocataire du RSA ou de lui demander d’exercer une activité constitue une violence sociale ? Vous avez raison, il y a un vrai clivage entre nous. Pour notre part, nous considérons que la dignité passe par le travail – il n’y a aucune dignité dans les aides. À titre personnel, j’estime que n’importe quel travail vaut mieux que le RSA, même s’il ne correspond pas au projet d’une vie. Cela permet une meilleure contribution à la société, une meilleure insertion professionnelle et sociale. De votre côté, vous souhaitez assigner les gens aux aides. À mes yeux, c’est une violence sociale, madame Rousseau. Combien faut-il, selon vous, pour que les gens puissent bien vivre – j’avais employé à dessein le mot de survivre – sans travailler : un RSA à 1 000, 2 000 euros ? C’est une chimère en même temps qu’une foutaise.

M. Paul Molac (LIOT). Les termes « librement débattu » figurent dans le code de l’action sociale et des familles. Il n’y aurait rien de révolutionnaire à les inscrire dans la loi.

Comment les choses se passeront-elles finalement ? Vous avez l’habitude, comme moi, des administrations et vous savez qu’il faudra faire simple et efficace. On dira à la personne concernée : « vous avez intérêt à faire l’une des activités qu’on vous propose sinon on vous sucre le RSA ».

De nombreuses personnes au RSA que je rencontre dans ma permanence ont besoin d’un accompagnement non seulement dans la réinsertion mais aussi psychologique. Certains d’entre eux ne sont pas capables de travailler. C’est ce qui m’inquiète dans votre dispositif.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). La dignité est brandie sans cesse mais je ne suis pas sûre qu’elle soit garantie par le fait de rester bénéficiaire du RSA pendant une longue période. Les devoirs qui sont assortis au RSA peuvent faire l’objet d’un accompagnement par des professionnels. Dans les entretiens auxquels j’ai assisté, les personnels de Pôle emploi ne semblent pas avoir pour seule obsession de punir et de radier. La visée de réinsertion est réelle.

Je ne lis pas dans ce texte qu’une volonté de punition et de résiliation des droits. Soyez un peu honnêtes sur ce qu’il contient.

M. Arthur Delaporte (SOC). Vous ne lisez pas que cela, chère collègue, mais la dimension punitive est bien présente – un article y est consacré, vous ne pouvez pas le nier.

Pour M. Di Filippo, il n’y a aucune dignité dans les aides. C’est sans doute ce qui distingue l’État républicain de la charité. La seconde est la reconnaissance d’une forme d’indignité qui justifie de donner aux pauvres un peu d’argent. Le premier a mis en place un système d’aides pour redonner de la dignité aux individus et permettre leur émancipation. Si le cerveau est occupé à chercher comment survivre, il n’a pas de temps disponible pour la réinsertion. L’objectif doit évidemment être le travail lorsqu’on peut en trouver un. Il est très caricatural d’assimiler ceux qui s’opposent à la sanction à ceux qui refusent l’idée de travailler. Il est important de reconnaître la liberté contractuelle.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS114 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Les exemples qui confirment les craintes de M. Molac ne manquent pas – On vous dit : « Tiens, voilà ton contrat, signe » –, il suffit de lire les témoignages recueillis par la Défenseure des droits.

M. Didier Le Gac (RE). Caricature !

M. Arthur Delaporte (SOC). Je n’en fais pas une généralité. Je ne dis pas que les agents font mal leur travail ; ils veulent le faire au mieux mais la loi doit offrir des garanties.

L’absence de libre consentement, sur lequel portait l’amendement précédent, peut être opposée juridiquement. Mon amendement vise à assurer que le contrat est adapté aux projets, aux besoins, et aux souhaits de l’individu. Cela ne coûte rien mais cela donne des garanties à des personnes qui sont déjà dans une situation de grandes vulnérabilité et précarité.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait. Je vous renvoie à l’alinéa 10 aux termes duquel « le contrat d’engagement, élaboré en fonction des besoins du demandeur d’emploi, tient compte notamment de sa formation, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles et extra‑professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation locale du marché du travail ».

Demande de retrait, à défaut, avis défavorable.

Mme Monique Iborra (RE). Je tiens à répondre aux incessantes accusations dont nous sommes victimes, qui relèvent plus du délire que des réalités sociales.

C’est vous qui êtes coupables de violence sociale lorsque vous pensez qu’une personne choisit de rester au RSA pendant sept ans. Vous les assignez au désespoir. N’est-il pas normal d’essayer de les sortir de cette situation ? Vous préférez les y maintenir parce que c’est votre clientèle.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je ne comprends pas pourquoi vous vous énervez. Si votre seul souci était l’accompagnement, un projet de loi n’était pas nécessaire ; il suffisait de renforcer les dispositifs existants en augmentant le personnel à Pôle emploi ainsi que les moyens des départements et des missions locales.

L’assignation au RSA est terrible. J’aimerais une société dans laquelle le RSA aurait disparu, mais on ne ramène pas les gens vers l’emploi par la contrainte car l’inactivité engendre une certaine désocialisation. Pour vous, les inactifs voudront le rester s’ils ne sont pas contraints à reprendre une activité. C’est là notre désaccord.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Reprenez votre calme, chers collègues. Personne ne pense ici que les bénéficiaires du RSA choisissent de rester au RSA pendant sept ans et de se la couler douce.

C’est au contraire vous qui, en voulant imposer des sanctions aux allocataires, laissez entendre que ces derniers ne voudraient pas s’en sortir. C’est insupportable. C’est une insulte à leur égard et c’est faire preuve d’un mépris social terrible.

Les personnes au RSA, avec 607 euros par mois, n’ont pas de quoi survivre. Lorsque vous les rencontrez, comme moi, j’espère, dans vos permanences, vous ne pouvez pas ignorer leur terrible souffrance sociale. Pour qu’elles s’en sortent, la première mesure à prendre de manière urgente est la revalorisation des minima sociaux afin de leur garantir de vivre au-delà du seuil de pauvreté. Ensuite, il faut mettre le paquet sur le financement des structures qui les accompagnent.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). La sortie du RSA ne peut pas se faire par la contrainte. Ce n’est pas en obligeant les bénéficiaires et leur conjoint à s’inscrire à Pôle emploi que vous y parviendrez. Il faut un accompagnement social et psychologique dès le début. Cela suppose des moyens et non de la contrainte.

Je me demande qui délire. Qui délire lorsque vous imposez une obligation de travail ? Qui délire lorsque vous refusez d’indexer le RSA sur l’inflation ? Qui délire lorsque vous refusez la revalorisation de toutes les allocations ?

M. Jocelyn Dessigny (RN). Le RSA n’est pas un revenu, nous en convenons tous, c’est un minimum pour survivre.

Loin de moi l’idée que nous avons tous le droit à la paresse, mais force est de constater que, dans les milieux ruraux en particulier, la désindustrialisation a laissé des territoires entiers sans offres d’emploi, sans possibilité de trouver du travail, à moins de se délocaliser.

Nous pensons que pour lutter efficacement contre le chômage et remettre les personnes au travail, il faut avant tout réindustrialiser le pays, ce que la politique de M. Le Maire ne permet malheureusement pas d’espérer.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il faut essayer de garder son calme. Madame Iborra, je regrette que nous ne vous ayons pas entendu dénoncer le recours à la sous-traitance alors que vous aviez écrit en 2013 dans un rapport d’information sur Pôle emploi et le service public de l’emploi que « ces sous-traitances en cascade ont pour inconvénient de différer le retour à l’emploi ». J’aurais préféré votre expertise à votre accusation de clientélisme.

Les personnes au RSA ne sont pas une clientèle électorale pour la bonne et simple raison qu’elles ne votent pas. Leur préoccupation est de savoir, non pas pour qui elles vont voter, mais comment manger ce soir et demain, ou si le recalcul de leur allocation trimestrielle va les jeter ou pas de nouveau dans la précarité. Ce sont des gens que l’on doit aider. Ce n’est pas une clientèle électorale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS550 de M. Hadrien Clouet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous proposons que toute modification du contrat lors de son actualisation soit réalisée à la demande du bénéficiaire.

L’alinéa 5 permet à d’autres organismes que Pôle emploi – y compris des organismes privés de placement – de définir un contrat d’engagement. Il faut donc absolument que la modification de ce contrat ne puisse pas être effectuée à l’insu de l’intéressé.

Il n’a par exemple pas à être contraint d’accepter que son parcours soit dégradé parce qu’un organisme privé, guidé par une logique lucrative, peut avoir intérêt à le placer vite dans un emploi qui ne lui correspond pas. C’est une question essentielle de liberté et de dignité.

Conseillère d’orientation et psychologue de profession, je sais qu’orienter de force ne fonctionne jamais. S’orienter, c’est forcément exercer sa liberté – certes en fonction de contraintes. On ne résoudra pas les problèmes d’emploi au détriment du libre engagement des personnes concernées.

M. le rapporteur. Je ne suis pas d’accord avec la rédaction que vous proposez. Je rappelle qu’il s’agit d’un contrat d’engagement réciproque et qu’il n’est pas imposé.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je ne vais pas de nouveau détailler ce qui nous distingue sur la manière d’accompagner les gens vers l’emploi. Mais notre opposition à ce contrat est d’autant plus forte qu’on va utiliser le même outil qu’il s’agisse des personnes qui bénéficient du RSA, de celles en situation de handicap ou des jeunes. Cette uniformisation du contrat va poser des problèmes en raison des caractéristiques différentes des publics concernés.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le rapporteur souligne que le contrat d’engagement réciproque sera négocié entre les deux interlocuteurs. Notre amendement est donc le bienvenu puisqu’il prévoit que ce contrat constituera ne pouvant être revue à la baisse lors des négociations sur son actualisation.

Monique Iborra a dit que les bénéficiaires de l’assurance chômage ou du RSA formaient une clientèle électorale. J’espère que les 3 640 personnes que cela représente à Colomiers et les 2 350 qui vivent à Tournefeuille, à 10 kilomètres de ma circonscription, ne sont une clientèle ni pour elle, ni pour moi. En tout cas, je leur adresse un mot de sympathie en leur disant qu’il y a aussi des députés qui pensent à eux un peu différemment et sont pour leur part disposés à les aider à accéder à leurs droits en cas de pépin.

M. le rapporteur. Le format du contrat sera en effet identique, monsieur Monnet, mais il sera défini de manière collégiale au sein de France Travail. Format identique ne signifie pas contenu identique, et tel est bien l’objet de l’article dont nous discutons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1086 de M. Jocelyn Dessigny

M. Jocelyn Dessigny (RN). Il est important de pouvoir évaluer l’efficacité du contrat d’engagement. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement dans un délai d’un an. Ce document comprendra des données précises sur le taux de retour à l’emploi et sur la durée d’emploi des signataires.

M. le rapporteur. Nous sommes d’accord sur le fond, mais pas sur la forme. Cette évaluation est déjà prévue au sein du réseau France Travail, puisque l’article 4 dispose qu’il revient à ce réseau « d’établir les indicateurs nécessaires au pilotage, au suivi et à l’évaluation de ces actions, et d’assurer la concertation sur les évaluations réalisées ainsi que sur les résultats observés ».

Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1098 de M. Jocelyn Dessigny

M. Jocelyn Dessigny (RN). Afin d’atteindre le plein emploi, l’objectif principal du contrat d’engagement doit être l’insertion professionnelle du demandeur d’emploi. Or le manque de précision de la rédaction proposée ne rend pas compte de cet objectif. L’amendement vise donc à le faire figurer de manière claire.

M. le rapporteur. Le contrat d’engagement peut ne pas se traduire par un objectif d’insertion professionnelle, en fonction du projet du demandeur d’emploi, de sa situation par rapport au retour à l’emploi, de son parcours et des éventuels freins qu’il rencontre. C’est la raison pour laquelle l’alinéa 9 prévoit que le plan d’action précise « les objectifs d’insertion sociale ou professionnelle ».

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS841 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet amendement vise à préciser que les mesures d’accompagnement du demandeur d’emploi s’inscriront dans le cadre du service public de l’emploi, comme le précise la définition actuelle du projet personnalisé d’accès à l’emploi. Nous voulons ainsi éviter qu’un certain nombre de modifications conduisent, au passage, à une dégradation de la qualité du service.

M. le rapporteur. Cela semble évident pour les demandeurs qui seront suivis par le service public de l’emploi et moins pertinent pour ceux qui seront orientés vers les organismes à vocation d’insertion sociale.

Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je mets en garde au sujet des conséquences de cet amendement. Les dispositifs peuvent évoluer et l’on pourrait orienter davantage de personnes vers les missions locales – qui sont des structures associatives – ou vers de structures privées – qui peuvent tout à fait dispenser des bonnes formations, et sont parfois les seules à pouvoir le faire dans certains territoires. Dans ce cas, les mesures d’accompagnement du demandeur d’emploi ne pourraient pas être prises en compte au titre du contrat d’engagement.

Cet amendement est donc relativement risqué et pourrait avoir des effets contraires à ceux recherchés.

Mme Christine Le Nabour (RE). Les missions locales ont certes un statut associatif, mais elles sont l’un des acteurs du service public de l’emploi.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je remercie Mme Le Nabour pour cette précision, qu’il m’est ainsi épargné de faire.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je viens de recevoir un message de responsables de la CGT de Pôle emploi à La Réunion destiné au rapporteur. Ils font savoir qu’ils ne se sentent pas du tout blessés par les amendements que nous avons proposés au sujet des agents du service public de l’emploi. Ne vous inquiétez pas : ils sont plutôt d’accord avec nous.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1433 de M. Paul Christophe.

Amendement AS846 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement vise à préciser que les actions de formation et de levée des freins périphériques à l’emploi ne peuvent être envisagées « le cas échéant ». Elles doivent faire systématiquement partie des engagements pris par l’organisme référent.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS96 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Par cet amendement je propose de faire figurer l’aide à la mobilité parmi les engagements que pourra prendre l’organisme référent.

M. le rapporteur. Je préfère la rédaction du Sénat, qui vise l’ensemble des freins périphériques – ce qui permet de n’en oublier aucun. Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous sommes passés un peu vite sur l’amendement AS1433 du rapporteur, qui n’est pas rédactionnel puisqu’il supprime la notion de demandeur d’emploi. On met tout le monde dans un grand ensemble que l’on ne nomme pas. C’est dangereux, car cela aura des conséquences.

M. Didier Le Gac (RE). Les conseillers professionnels de Pôle emploi, des missions locales ou de Cap emploi n’ont pas besoin qu’on inscrive dans la loi l’aide à la mobilité pour y penser. Cela fait partie des premiers points qu’ils prennent en compte lorsqu’ils font un diagnostic avec les demandeurs d’emploi.

Vous avez indiqué que vous ne vouliez pas que les contrats d’engagement soient uniformes, mais vos nombreux amendements tendent à leur ajouter telle ou telle caractéristique obligatoire. Ce n’est pas très cohérent – d’autant plus que vous ne voulez pas de ce contrat.

M. Arthur Delaporte (SOC). M. Le Gac cherche à faire de la provocation, car il a bien entendu compris qu’il s’agit d’un amendement de repli.

S’agissant de l’amendement du rapporteur qui supprime la notion de demandeur d’emploi...

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Cet amendement a été adopté et j’ai déjà laissé M. Monnet s’exprimer après le vote.

M. Arthur Delaporte (SOC). M. Monnet pointe un vrai sujet. On vient de faire disparaître la qualité de demandeur d’emploi pour des gens que l’on inscrit à Pôle emploi. Je n’y comprends plus rien. Je souhaiterais que le rapporteur nous éclaire sur ce point.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS319 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement prévoit de désigner un référent unique et de lui fixer une durée hebdomadaire de disponibilité, afin de garantir l’accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi pendant la durée du contrat.

Nous ne pouvons que souscrire à l’objectif du Gouvernement de garantir à chacun un accompagnement personnalisé. Pour cela, il faut s’assurer que les professionnels auront du temps à consacrer aux personnes qu’elles doivent aider.

Les allocataires du RSA expliquent qu’ils se battent pour s’en sortir, mais qu’ils ne sont pas toujours suffisamment accompagnés par les professionnels. Je renvoie une nouvelle fois au rapport de la Cour des comptes sur le RSA, qui est assez éloquent.

M. le rapporteur. L’amendement AS1433 tire les conséquences rédactionnelles des modifications apportées à l’article L. 5411-1 du code du travail lors de l’examen de l’article 1er. Vous n’avez pas voté en faveur de cet article, mais il a bien été adopté.

L’amendement AS319 prévoit quant à lui que le contrat d’engagement aide à résoudre les difficultés identifiées. Nous sommes tous d’accord. Notre volonté est bien de permettre aux allocataires du RSA de sortir de la précarité. Pour cela il faut renforcer leur accompagnement afin qu’il soit le plus efficace possible.

La rédaction actuelle recouvre déjà l’ensemble des aides pouvant être mobilisées par l’organisme référent afin de résoudre les difficultés de retour ou d’accès à l’emploi – que ce soit par le biais de l’accompagnement personnalisé, le cas échéant avec l’accès à la formation ou encore en levant l’ensemble des freins périphériques que nous avons évoqués.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS474 de Mme Marie-Charlotte Garin

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Dans ce texte, le contrat d’engagement renforce les devoirs du travailleur sans pour autant garantir les obligations de l’organisme référent – qui ne peuvent pas être floues, et encore moins optionnelles.

On connaît les freins en matière d’accès durable à l’emploi. Il faut garantir une aide à la mobilité, notamment en milieu rural. Il faut garantir un logement – et l’on sait quelles sont les difficultés pour trouver un logement digne. On a aussi évoqué la garde d’enfant et l’accès aux soins, notamment psychologiques. Pour avoir travaillé comme psychologue avec les missions locales, je sais que ces freins sont considérables.

Lors de son audition, le ministre Dussopt a indiqué qu’il faudra pousser vers l’emploi les allocataires du RSA qui ne peuvent pas trouver du travail et que l’on verra après pour les solutions. Ce n’est pas sérieux et c’est même indigne. Il vaut mieux s’attaquer d’abord aux freins à l’emploi.

M. le rapporteur. La notion de freins périphériques comprend toutes les situations que l’on peut imaginer. Je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il faut prendre en considération l’ensemble des éléments de la situation du demandeur, mais je préfère l’écriture efficace adoptée par le Sénat.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1011 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous proposons de remplacer « référent unique » par « référent principal ».

Nous partageons l’objectif de stabilité et d’efficacité du parcours proposé aux personnes sans emploi, mais ce parcours peut prendre des formes différentes et nécessiter d’avoir recours à des compétences multiples. En outre, il est difficile d’anticiper sa durée – même si nous sommes tous d’accord pour estimer qu’il faut essayer de la réduire. Nous proposons une solution qui s’inscrit dans la logique de la constitution du réseau France Travail.

M. le rapporteur. Nous préférons la notion de référent unique.

Tout d’abord, ce dernier signe le contrat d’engagement réciproque, qu’il serait difficile d’élaborer avec plusieurs référents.

Ensuite, disposer d’un référent unique évite au demandeur d’avoir à expliquer à chaque fois son histoire et sa situation. C’est aussi un moyen d’instaurer la confiance.

Enfin, nous sommes attachés au principe du « Dites-le-nous une fois ».

Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Imposer un interlocuteur unique peut aussi être une manière de mettre en tension les acteurs chargés de l’emploi. Il est nécessaire d’avoir un interlocuteur de confiance dans le cadre d’une relation qui s’inscrit dans la durée. Le principe de l’interlocuteur unique est plus exigeant pour les structures d’accompagnement. Il convient donc de le maintenir.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement est de bon sens et il vous permettra même d’éviter quelques écueils.

Vous ne connaissez pas encore toutes les structures qui vont accompagner les personnes et qui peuvent avoir des modes de fonctionnements différents – par exemple avec des référents tournants. Vous risquez de remettre en question des pratiques qui fonctionnent bien.

La question du référent unique fait l’objet d’un vrai débat dans le secteur social. Si une relation entre deux personnes ne se passe pas bien, il n’y a pas d’accompagnement. La notion de référent unique paraît séduisante en théorie, mais dans la pratique il est parfois bon de changer d’interlocuteur.

Il est plus prudent de prévoir un référent principal, comme y tend l’amendement.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Le rapporteur souhaite que l’on conserve la notion de référent unique parce qu’il faudrait un lien de confiance, une forme de stabilité et que cet interlocuteur soit celui qui a signé le contrat. En quoi cela ne serait-il pas possible si l’on a recours à un référent principal ?

Si l’on prévoit un référent unique, ce dernier devient la seule porte d’entrée pour l’allocataire, ce qui peut conduire à des difficultés en pratique.

Le terme de référent principal répond aussi à la volonté de mettre en place une dynamique de réseau, où de multiples partenaires accompagnent l’allocataire du RSA. Cela me semble correspondre parfaitement à l’esprit de la réforme que vous proposez.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). J’espère que nous adopterons cet amendement de manière unanime. Cela permettrait en effet d’obliger les structures d’accompagnement à recruter leurs conseillers de manière plus stable. Ces organismes ont actuellement beaucoup recours aux CDD, ce qui a pour effet un fort turnover.

M. Didier Le Gac (RE). C’est une discussion intéressante. M. Monnet nous disait précédemment qu’il était contre le contrat d’engagement réciproque car il serait uniforme. Cet amendement démontre le contraire, puisque l’on évoque à cette occasion la diversité des intervenants qui participent au réseau. Cela montre tout l’intérêt de ce contrat.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS322 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement prévoit la désignation d’un référent unique auquel serait fixée une durée hebdomadaire de disponibilité, afin de garantir l’accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi pendant la durée du contrat.

M. le rapporteur. Ce n’est pas à la loi de détailler les modalités d’accompagnement. Il appartiendra aux organismes chargés du suivi de les déterminer.

Certains publics ont besoin qu’on leur consacre beaucoup moins de temps que d’autres. Prévoir la même chose pour tous n’est pas d’une grande utilité. Il vaut mieux s’adapter de la manière la plus opérationnelle possible aux besoins identifiés dans le cadre du diagnostic.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). À vous entendre, votre objectif est de mieux accompagner. Il n’est pas facile de s’en convaincre puisque ce texte ne fournit aucun élément sérieux sur les moyens consacrés à cet accompagnement. Vous avez décidé de ne pas présenter une loi-cadre et vous avez donc bien choisi de ne pas prévoir les moyens nécessaires.

Le problème avec le contrat d’engagement réciproque est qu’on ne sait pas où se trouve la réciprocité. Il n’existe pas de droit opposable à l’accompagnement. Les besoins sont certes différents, mais il faudrait prévoir au moins un nombre minimum d’heures d’accompagnement.

Cet amendement est extrêmement raisonnable et il montre qu’il est de la responsabilité de la collectivité de garantir le droit à l’accompagnement personnalisé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1315 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Cet amendement découle de l’inquiétude très sérieuse sur la capacité des équipes de France Travail à pouvoir accompagner décemment et dignement la vague des personnes en situation de handicap qui va rejoindre la liste de demandeurs d’emploi.

Ce projet de loi ne fournit en effet aucune garantie, que ce soit en matière financière, technique ou de ressources humaines, pour permettre à ces équipes de proposer un accompagnement de qualité, adapté au parcours de chacun des demandeurs d’emploi.

Les personnes en situation de handicap ont des besoins spécifiques qui doivent être pris en compte lors de l’étude de leur dossier. En outre, elles pâtissent encore de nombreux stéréotypes discriminants dans le monde du travail. C’est particulièrement le cas des personnes en situation de handicap psychique, dont seulement 19 % ont un emploi.

En l’absence de formation adaptée pour les équipes de France Travail, les personnes en situation de handicap risquent de faire face à un certain nombre de préjugés supplémentaires sur leurs besoins et leurs capacités. Mettre fin à l’exclusion du marché du travail des personnes en situation de handicap et aller vers le droit commun est nécessaire, mais cela ne doit pas se faire au détriment d’un accompagnement adapté des demandeurs d’emploi en situation de handicap, sous peine de tomber dans l’arbitraire et la sanction systématique.

M. le rapporteur. Le rapprochement opéré depuis plusieurs années entre Cap emploi et Pôle emploi témoigne de notre volonté d’intégrer pleinement la question de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, en tenant compte de leurs besoins. La présence de conseillers de Cap emploi dans les agences de Pôle emploi assure déjà une meilleure prise en charge de ces personnes, tout en leur permettant de bénéficier de l’intégralité des services de Pôle emploi.

C’est précisément cette ambition qui est consolidée par le projet de loi, puisque chaque demandeur d’emploi en situation de handicap sera inscrit sur une liste unique de demandeurs d’emploi. Mais il continuera d’être accompagné par des conseillers formés spécifiquement aux enjeux liés au handicap.

Bien entendu, nous ne renonçons pas à l’objectif de former un maximum de conseillers à ces enjeux.

Avis défavorable.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’un n’empêche pas l’autre. On peut très bien prévoir des conseillers spécialisés tout en formant l’ensemble des personnels.

Prenons l’exemple d’une fonction cruciale : l’accueil. Lorsque l’on reçoit une personne, on ne voit pas forcément qu’elle est en situation de handicap. Pourtant, il faut adapter l’accompagnement à tous les types de handicap. Cela passe par la formation. Nous pourrions nous-même tous suivre une formation aux questions de handicap et d’inclusion. La société n’est pas adaptée car elle n’est pas inclusive.

Je ne comprends pas pourquoi on s’oppose à cet amendement, qui permettrait d’améliorer considérablement l’accueil et l’accompagnement des allocataires en situation de handicap.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Comme vous rendez obligatoire l’inscription à Pôle emploi de toutes les personnes en situation de handicap, tous ses agents vont entrer en contact avec ces personnes à de très nombreuses reprises. Le travail d’un agent de Pôle emploi comprend un tiers d’accueil téléphonique, un tiers d’accueil physique et un tiers consacré au suivi des personnes. Même si vous considérez que ce suivi sera surtout assuré par Cap emploi, les agents de Pôle emploi consacreront beaucoup de temps aux personnes en situation de handicap, ce qui justifie qu’ils soient bien formés.

Mme Christine Le Nabour (RE). Quelle méconnaissance !

Grâce au rapprochement de Cap emploi et de Pôle emploi, cela fait un petit moment qu’une organisation spécifique a été mise en place pour accueillir et orienter les personnes en situation de handicap. C’est le travail des personnels de Cap emploi qui ont intégré Pôle emploi et des équipes spécialisées de Pôle emploi.

Il est en outre possible de s’appuyer sur des acteurs du secteur médico-social.

Je ne vois pas ce qui vous gêne dans tout cela. Encore une fois, faisons confiance aux différents acteurs de terrain.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS552 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Vous ne savez peut-être pas que le chômage tue 14 000 personnes par an, en raison du stress, de la dépression et du manque de sommeil. Il est important de remettre le demandeur d’emploi au cœur du contrat d’engagement réciproque.

Nous souhaitons que les opérateurs des politiques de l’emploi soient tenus de mettre en œuvre tous les moyens humains, matériels et financiers nécessaires et adaptés aux besoins des allocataires, afin de garantir un accompagnement dont les modalités sont élaborées de manière conjointe.

N’oublions pas que nous parlons de la vie quotidienne des gens qui sont privés d’emploi et d’insertion sociale. Les chômeurs ne sont pas responsables du chômage. Ils en sont seulement les victimes.

C’est la raison pour laquelle je propose que les contrats d’engagement soient élaborés conjointement avec l’allocataire, et que ce dernier soit libre d’en débattre avec son référent unique.

M. le rapporteur. Vous avez raison de souligner l’intérêt d’accompagner les demandeurs vers l’emploi, ce qui est bien évidemment l’ambition de ce texte.

J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de souligner que la rédaction que nous proposons met en valeur l’implication du demandeur d’emploi dans l’élaboration du contrat d’engagement réciproque.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS551 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). D’une part, nous tenons à réaffirmer que l’accompagnement et la formation sont des droits et non des devoirs ; d’autre part, ce gouvernement tente de contraindre par tous les moyens les personnes privées d’emploi sous prétexte de mieux les accompagner – mais sans aucun financement ni garantie sur l’accroissement des moyens humains nécessaires.

La formation et le droit à un revenu minimum garanti par la collectivité sont des droits constitutionnels qui figurent dans le Préambule de la Constitution de 1946.

Le sujet de la formation fait partie des angles morts de ce projet de loi régressif. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’instaurer un droit opposable à l’accompagnement pour les demandeurs d’emploi.

M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait par la modification précédemment apportée à la notion de contrat d’engagement réciproque. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1123 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cet engagement vise à obliger France Travail à être à la hauteur des engagements qui figurent dans la loi.

S’il n’y a pas d’accès à la formation, on ne doit pas pouvoir retirer leurs droits aux demandeurs d’emploi et aux bénéficiaires du RSA. On sait aussi que l’absence d’accès aux soins fait partie des éléments qui empêchent parfois le retour à l’emploi. Je pense par exemple aux soins dentaires ou psychologiques.

Nous proposons donc que France Travail élabore un contrat complet tenant compte de l’ensemble de ces éléments et qu’il ne soit pas possible de revenir sur les droits des personnes si cet organisme n’a lui-même pas rempli ses obligations.

M. le rapporteur. Vous avez raison. Tout cela est pris en compte dans la définition des freins périphériques. Il s’agira d’être vigilant sur l’application du dispositif. L’amendement est satisfait.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS475 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS553 de M. Hadrien Clouet

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Cet amendement vise à supprimer l’inscription des engagements du demandeur d’emploi dans le contrat d’engagement. Il s’agit d’appeler l’attention sur la dérive qui consiste à lier les droits à des devoirs pour les bénéficiaires du RSA. Nous pensons qu’il est nécessaire de rappeler que le RSA est avant tout un droit.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Il s’agit en effet par l’amendement AS553 de supprimer purement et simplement l’obligation d’assiduité et de participation aux activités prévues par le contrat d’engagement.

Ce contrat déshonore notre République sociale. L’assistance sociale et l’assurance chômage ne sauraient être contractualisées. La formation et le droit à un revenu minimal garanti par la collectivité sont des droits constitutionnels qui figurent dans le Préambule de la Constitution de 1946.

Instaurer un tel contrat d’engagement, c’est s’attaquer aux personnes privées d’emploi et faire une chasse aux pauvres totalement contreproductive. Si l’on suit une telle logique, on peut être certain que le taux de non-recours au RSA explosera – il est déjà de 34 %.

Plus largement, le montant des aides sociales qui ne sont pas réclamées est estimé à près de 10 milliards d’euros chaque année. En effet, les démarches sont souvent complexes. De plus, comme le savent tous les chercheurs qui ont étudié la question, les contrôles des bénéficiaires du RSA ne sont pas efficaces. Ce revenu de solidarité est et doit rester un dispositif qui protège ses bénéficiaires de la très grande pauvreté.

M. le rapporteur. L’article 2 prévoit qu’un plan d’action élaboré conjointement sur la base du diagnostic global réalisé par le demandeur d’emploi et son conseiller figure dans le contrat. Ce plan tient compte de l’ensemble des besoins de la personne, qu’ils soient professionnels ou sociaux, pour garantir son accompagnement efficace vers l’emploi.

Le champ des activités qui peuvent être prévues dans le plan d’action est très large afin de s’adapter à la situation de la personne – comme son éloignement de l’emploi, ses éventuelles difficultés sociales ou son degré d’autonomie. C’est ce que l’on appelle les freins périphériques.

Le demandeur d’emploi doit s’impliquer pour être l’acteur des différentes étapes de recherche, de définition et d’aboutissement de son projet professionnel, notamment grâce à l’aide de son conseiller référent. Cela se traduit par une mobilisation du demandeur d’emploi qui passe par des engagements concrets, dont le respect peut être observé notamment à travers son assiduité et sa participation active, en fonction de sa situation – il n’y a là rien de choquant.

Cette participation constitue un facteur positif pour la réussite du parcours professionnel. Nous le constatons notamment dans le cadre du contrat d’engagement jeune, parcours d’accompagnement adapté à destination des jeunes déployé par Pôle emploi et les missions locales.

L’esprit du projet est avant tout de renforcer le cadre de l’accompagnement, pour garantir la réalisation des étapes du projet et sa réussite – et non de durcir mécaniquement les devoirs des demandeurs d’emploi.

Avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). En incluant une obligation d’assiduité et de participation active dans les engagements prévus par le contrat, vous sous-entendez que le bénéficiaire du RSA pourrait abuser de son allocation comme un mauvais élève qui sèche les cours, ne fait pas ses devoirs ou n’honore pas ses rendez-vous. Ce faisant vous portez sur le demandeur d’emploi un regard infantilisant et méprisant.

Par ailleurs, vous vous bercez d’illusions au sujet de l’accompagnement. Les professionnels vous le diront : si le référent a pour rôle de contrôler ce que fait l’allocataire, il ne tissera pas avec lui un véritable rapport de confiance. Si le bénéficiaire du RSA a le sentiment d’être « fliqué », s’il est dans l’angoisse permanente, s’il craint de se voir infliger une retenue de tout ou partie de son allocation – c’est la sanction que vous avez prévue en cas de non-respect de l’obligation de participation et d’assiduité –, alors l’accompagnement ne fonctionnera pas et on assistera à une explosion des non-recours. Le taux de non-recours au RSA est actuellement de 35 %. Voulez-vous le doubler ?

M. Philippe Juvin (LR). Vous êtes dans la contradiction et l’inconséquence la plus totale. Au début de la discussion, vous plaidiez pour un contrat d’engagement « réciproque » – vous avez voulu ajouter cet adjectif. Or vous expliquez maintenant qu’il est possible de ne pas respecter certains termes du contrat. Vous niez ainsi la notion même de réciprocité, la notion même de contrat – un contrat unilatéral n’est pas un contrat.

M. Nicolas Turquois (Dem). Nous débattons ici du cœur du sujet. Chacun conviendra que le fait de percevoir le RSA dans la durée est un drame social. Pour empêcher ce drame, il faut d’abord faire en sorte que les différents acteurs de l’emploi travaillent mieux ensemble : c’était l’objet de l’article 1er. L’article 2 développe ensuite la notion d’engagement. Certaines personnes sont tellement éloignées de l’emploi, durablement, qu’il peut y avoir du mou dans la corde : nous devons alors la tenir fermement en définissant un cadre, qui contient une partie volontaire et une partie d’engagement réciproque. Le fait de prévoir des sanctions peut sembler contradictoire, mais il faut maintenir cette tension pour développer un accompagnement, construire progressivement une relation de confiance et inciter les bénéficiaires à s’engager sur un chemin vers l’emploi.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je le répète, monsieur Juvin, l’engagement premier est celui de la collectivité vis-à-vis de l’allocataire. Concrètement, la collectivité va chercher une personne précaire et prend un engagement envers elle : elle recherche les moyens, le parcours permettant de favoriser son insertion. C’est ce qu’on appelle de l’accompagnement social. Il y a une réciprocité dans la mesure où l’allocataire prend aussi des engagements, mais lui n’a pas d’obligation de résultat. Quant à vous, vous concevez la réciprocité à l’envers : vous la percevez comme un moyen de taper l’allocataire.

M. Didier Le Gac (RE). Il n’est pas question ici de réciprocité. Ces amendements sont très éloquents : ils visent à assigner les allocataires à la pauvreté, à la précarité. Dans votre vision des choses, on verse une indemnité à un individu et la société doit alors le laisser tranquille, dans cette situation confortable qui plaît à tout le monde. C’est ainsi que surviennent des drames : seuls 40 % des allocataires du RSA sont inscrits à Pôle emploi, et 42 % demeurent dans le dispositif sept ou huit ans après y être entrés – certains y sont même depuis dix ou quinze ans. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point. À notre sens, il est dramatique de rester dans le dispositif pendant plusieurs années : l’accompagnement doit consister à aider les bénéficiaires à en sortir.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous n’avons jamais dit que nous étions contre le contrat d’engagement. Pour ma part, je suis favorable au vrai contrat, dans lequel chacune des parties est réellement en mesure de contractualiser. Le problème, c’est que le contrat actuel n’en est pas un puisque le demandeur d’emploi n’a pas la possibilité de faire des choix. Il faut être libre pour contractualiser ! Or vous contraignez les gens à signer un contrat : c’est un vrai paradoxe.

Ces contrats ne datent pas d’aujourd’hui : ils ont toujours existé mais n’ont jamais vraiment fonctionné. Le risque est que des gens sortent du dispositif sans que leur situation ne soit aucunement réglée.

La commission rejette les amendements.

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4.   Réunion du mardi 19 septembre 2023 à 21 heures 30 (article 2 [suite])

 

Lors de sa seconde réunion du mardi 19 septembre 2023, la commission poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528) (M. Paul Christophe et Mme Christine Le Nabour, rapporteurs) ([374]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous reprenons l’examen du projet de loi pour le plein emploi. Nous avons examiné hier et cet après-midi 230 amendements. Il nous en reste donc 894.

Article 2 (suite) : Redéfinir les droits et devoirs des demandeurs d’emploi

Amendement AS1327 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cet amendement vise à renforcer les droits des bénéficiaires du dispositif, notamment ceux qui sont au RSA, en créant une symétrie des obligations et des contrôles entre eux et l’État. Il sera possible de contester une décision avant toute diminution de l’aide versée et ensuite, le cas échéant, de demander réparation. Donner un peu plus de pouvoir aux bénéficiaires du dispositif serait vraiment d’utilité publique.

M. Paul Christophe, rapporteur pour les titres Ier et II. Vous voulez engager la responsabilité de l’État, mais il ne sera pas partie aux contrats : ce sont les organismes référents, en particulier l’opérateur France Travail, qui en seront les signataires. L’amendement a donc une portée juridique contestable : l’État ne sera pas responsable.

Par ailleurs, le demandeur d’emploi aura déjà la faculté de déposer un recours contre une sanction. Ses besoins propres seront pris en compte dans le contrat d’engagement, et il pourra les faire valoir en cas de contestation.

Enfin, le niveau de sanction doit faire l’objet de précisions dans la loi et non pas simplement dans un décret, comme votre amendement le prévoit.

Pour ces trois raisons, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement rédactionnel AS1434 de M. Paul Christophe.

M. le rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Non, il ne s’agit pas d’un amendement rédactionnel, même si je comprends votre logique quand vous l’affirmez.

Nous sommes là au cœur de ce que nous contestons dans ce projet de loi. Vous voulez supprimer la qualité et le statut de demandeur d’emploi : c’est la philosophie du texte. Or le statut de demandeur d’emploi permet d’avoir des droits : en le supprimant, vous enlèverez ces droits. Vous allez constituer une sorte de liste pour la réserve de main-d’œuvre des entreprises, au sein de laquelle vous pourrez créer à votre guise de nouvelles catégories, de façon très opaque, alors qu’il en résultera forcément une incidence sur le calcul du chômage. Par ailleurs, nous dit le ministre, lorsque le plein emploi sera atteint – en tout cas sur le plan des chiffres –, il faudra débattre de la nature des allocations, ce qui est une porte ouverte pour la fusion de certaines prestations. Ce qui se passe est grave.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens notre collègue Monnet : cet amendement dit rédactionnel a en réalité une incidence, d’ordre philosophique. On peut comprendre l’inscription à Pôle emploi, ou à France Travail, des allocataires du RSA, mais dans quel cadre aura-t-elle lieu ? Ce sera dans la liste des demandeurs d’emploi. Or, selon l’article L. 5411-1 du code du travail, « a la qualité de demandeur d’emploi toute personne qui recherche un emploi et demande son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle emploi »  précision importante, le demandeur d’emploi en fait la demande. L’inscription des allocataires du RSA qui ne demanderaient rien de tel aura une incidence sur le plan juridique.

M. le rapporteur. Cet amendement est rédactionnel parce qu’il renvoie à une modification adoptée lors du vote de l’article 1er. Il faut, d’un point de vue légistique, être cohérent.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS90 de M. Arthur Delaporte et AS853 de M. Pierre Dharréville

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous proposons de retirer les mentions relatives à l’assiduité et à la participation active des demandeurs d’emploi, car ce sont des termes extrêmement infantilisants pour les signataires des futurs contrats d’engagement et peu clairs. Quelle est, en effet, la différence entre l’assiduité et la participation active ? Cette rédaction n’est pas seulement bavarde : elle risque aussi d’être opposée aux allocataires du RSA.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ces termes, qui sont extrêmement infantilisants pour les personnes concernées et difficiles à apprécier, doivent être supprimés. Dans la rédaction actuelle, il est question des « engagements du demandeur d’emploi, parmi lesquels son assiduité et sa participation active ». Il y aurait donc d’autres engagements, qu’on ne connaît pas : vous établissez la moitié d’une liste, alors que vous avez expliqué qu’il fallait faire une liste complète ou s’abstenir. Je suis pour qu’on fasse confiance, comme vous l’avez souvent dit lors de nos discussions, à celles et ceux qui devront appliquer la réforme. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter ces mentions infantilisantes.

M. le rapporteur. Sans surprise, nous n’avons pas la même lecture. La rédaction actuelle fait référence au contrat, qui stipulera les engagements pris de manière concertée, et je ne vois pas ce qu’il y a d’infantilisant quand on écrit que ce contrat prévoit l’assiduité et la participation du demandeur d’emploi. On ne trompe ainsi personne.

Par conséquent, avis défavorable.

M. Didier Le Gac (RE). L’assiduité et la participation active ne sont pas des gros mots, et surtout il n’y a rien de nouveau en la matière. Au bout d’un certain temps, si vous ne respectez pas vos engagements, les départements peuvent convoquer – et la plupart d’entre eux le font – une commission pluridisciplinaire qui peut prononcer votre radiation pure et simple de la liste des demandeurs d’emploi. C’est l’esprit qui prévalait déjà en 1988 : ce type de sanctions existait. Si vous ne respectez pas vos engagements, si vous ne venez pas aux rendez-vous fixés par votre conseiller, vous pouvez déjà être radié.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cela ne concerne pas du tout l’assiduité ou la participation active, mais la présence à un rendez-vous, ce qui est un critère objectif. J’ai demandé au rapporteur de nous expliquer la différence entre l’assiduité et la participation active : s’il n’y a pas de tautologie, quelle est la définition de ces termes ? La clarté de la loi est en jeu. Nous avons besoin que le rapporteur, ou à défaut le ministre, s’exprime afin que nous puissions comprendre ce qu’il y a derrière ces notions.

J’ajoute que ces amendements ont fait l’objet d’un travail avec le collectif Alerte, que ces termes inquiètent beaucoup, parce qu’ils créent une insécurité juridique et du stress pour les allocataires, dont l’état de mal-être ne peut ainsi qu’être renforcé.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). M. Le Gac a une lecture bien singulière des textes de 1988. Si leur esprit était respecté, vous ne mélangeriez pas l’assurance chômage, le RSA et le revenu minimum d’insertion. Vous êtes en train de durcir les dispositifs, et les précisions inutiles que vous voulez apporter en sont le témoignage. M. le rapporteur a fait référence au contrat d’engagement, mais celui-ci est défini avec la personne concernée – c’est un contrat. Il n’est donc pas nécessaire d’en rajouter ici.

Mme Anne Bergantz (Dem). Vous nous accusez souvent, depuis le début des débats, de stigmatiser les demandeurs d’emploi, mais je trouve que c’est précisément ce que vous faites à l’égard des professionnels qui travaillent auprès d’eux et des bénéficiaires du RSA, parce que vous n’avez pas confiance en leur aptitude à faire un diagnostic, à évaluer les situations, à établir un échange avec les personnes et à construire un contrat d’engagements réciproques. Le projet de loi définit un cadre visant à promouvoir un accompagnement intensif, quand c’est possible, et rapide, parce qu’on sait que plus on intervient rapidement, mieux c’est. Il faut faire confiance aux demandeurs d’emploi et aux bénéficiaires du RSA, mais aussi aux professionnels qui les accompagnent.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Faire confiance aux professionnels qui accompagnent, c’est une chose ; faire confiance à l’institution et aux directives données par les ministères, c’en est une autre. Pour qu’il y ait une confiance entre la représentation nationale, ou plus globalement le peuple, et les institutions, encore faudrait-il que les injonctions ministérielles et des institutions soient publiques. Or quel est le bilan de ce qui a suivi la réforme de l’assurance chômage ? Il y a eu une chasse aux chômeurs et des radiations prononcées à tour de bras. Comment voulez-vous qu’on ait confiance et qu’on pense que l’injonction à l’assiduité vise autre chose que radier, radier et encore radier– radier des listes les demandeurs d’emploi et les allocataires du RSA. Je sais, par ailleurs, toute la souffrance au travail à laquelle peuvent conduire, pour ceux qui se sont engagés au sein de Pôle emploi, parce qu’ils sont mus par la défense d’un service public, par l’altruisme, par la volonté d’être solidaire et d’aider les autres, ces injonctions totalement contradictoires qui tuent un métier. Non, la confiance n’est pas là.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). J’aimerais savoir ce que veut dire une « participation active ». Si une personne assiste à une formation, par exemple, et qu’elle ne parle pas, est-on dans le cadre d’une participation active ou non ? Je vois que le rapporteur fait signe que non. Et si on prend des notes, qu’en sera-t-il ? Vous voyez bien la dimension kafkaïenne et ridicule de ce que vous voulez instaurer. Qu’appellera-t-on être assidu ? Quelqu’un qui arrivera avec un quart d’heure de retard sera-t-il considéré comme assidu ? Certaines personnes qui sont au RSA sont très éloignées de l’emploi, et elles ont du mal à se lever à une heure donnée. Par ailleurs, si elles ne parlent pas, leur participation sera-t-elle « active » ?

La commission rejette les amendements.

Amendement AS709 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Ce projet de loi, excusez-moi, relève un peu du café du commerce : on a le sentiment que vous y avez mis tous vos préjugés. Si vous vous donnez la peine de proposer un alinéa relatif à l’assiduité et à la participation active, c’est que vous estimez qu’il y a un problème en matière d’accompagnement, mais sur quoi vous reposez‑vous ? Quand je lis cette disposition, je comprends que vous considérez que le manque d’assiduité et de participation active est une des raisons pour lesquelles la réintégration professionnelle souhaitée ne se produit pas. C’était, d’ailleurs, un peu ce que voulait dire le Président de la République lorsqu’il a déclaré, avec beaucoup de mépris, qu’il n’y avait qu’à traverser la rue pour trouver du boulot. Concrètement, sur quoi vous fondez-vous pour penser que c’est le manque d’assiduité et de participation active qui constitue un frein ? Donnez-nous, pour que nous puissions travailler sérieusement, des éléments factuels en ce sens. Sinon, nous allons en rester à une discussion de café du commerce, où l’on explique que les chômeurs sont des feignants et que s’ils n’ont pas de travail, c’est bien leur faute.

M. le rapporteur. Je vous laisse la responsabilité de l’idée selon laquelle les chômeurs seraient des feignants : ce ne sont pas du tout les termes que nous employons.

Je réaffirme, en revanche, notre volonté d’accompagner les personnes dignement vers l’emploi, plutôt que de les conforter dans des minima sociaux qui ne permettent que d’assurer leur survie, comme vous l’avez dit.

S’agissant de l’amendement en discussion, je redis qu’une réciprocité est prévue dans le cadre du contrat d’engagement. Il est inutile de préciser que les engagements sont déterminés conjointement avec l’organisme référent.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je rappelle, pour être factuel, que les notions dont nous parlons ne figurent pas, jusqu’à présent, dans le code du travail. Il s’agit donc d’une nouveauté, et vous devez la défendre, en nous expliquant à quoi elle sert au sein de ce dispositif. Ce dont il est fait mention actuellement, c’est d’une obligation d’accomplir « des actes positifs et répétés » de recherche d’emploi. Vous changez la formulation, et il doit y avoir une raison. Il faut nous l’expliquer et nous convaincre. Vous n’avez pas réussi à le faire pour l’instant.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il est parfois difficile d’emporter la conviction, mais ce n’est même pas la question : nous demandons simplement des définitions, pour préciser le sens du texte. Des parlementaires souhaitent être éclairés, et plus largement qu’on éclaire les citoyens. Quelle est, d’une part, la différence entre l’assiduité et la participation active et, d’autre part, entre ce que notre collègue Dharréville vient d’évoquer, c’est-à-dire l’obligation d’une participation répétée, et celle d’une participation active ? Cette expression désigne-t-elle une qualité plutôt qu’une quantité ? On peut mesurer l’assiduité – en ce sens, M. le rapporteur fait preuve d’une bonne participation à nos travaux –, mais cela correspond-il à ce qu’on attend des demandeurs d’emploi ?

Mme Christine Le Nabour (RE). Je vais vous dire quelle est la différence avec l’assiduité. Je suis depuis une douzaine d’années des conseillers en insertion des missions locales : un jeune peut très bien venir parce qu’on le lui impose, mais en n’étant absolument pas impliqué et en n’ayant pas, en fait, la volonté de suivre les activités.

Vous oubliez de citer une partie de l’alinéa 8, qui fait référence à une « participation active aux actions prévues par le plan ». Celui-ci est défini avec la personne concernée à la suite d’un diagnostic.

Si cet alinéa figure dans le texte, c’est parce que les conseillers des missions locales sont confrontés, même si ce n’est peut-être pas représentatif de la majorité des cas, à l’inactivité de jeunes qu’ils reçoivent.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). L’assiduité, selon moi, désigne le fait d’être présent mais, si je comprends bien l’exemple qui vient d’être donné, il y aurait aussi, pour vous, une dimension qualitative. Un jeune qui n’est pas intéressé par l’emploi qui lui est proposé, parce qu’il ne lui convient pas ou que ce n’est pas du tout ce qu’il cherche, ne respecterait donc pas votre critère.

Mme Christine Le Nabour (RE). Non, c’est une question d’activité.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Mais de quoi s’agit-il, sinon de faire un CV ? Avez-vous des exemples concrets à nous donner ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Il faudrait arrêter d’être à côté de la plaque. Quand on parle de l’action des travailleurs sociaux, il est quand même aussi question d’efficacité. Quand vous dites à vos collaborateurs que vous aimeriez que votre relation de travail se caractérise par de l’assiduité et une participation active, tout le monde voit ce que vous voulez dire. On comprend qu’il peut y avoir un écart en ce qui concerne les horaires, dans certaines situations, que l’investissement peut ne pas être le même tous les jours, mais le sens de l’assiduité et d’une participation active est très clair pour tous nos concitoyens – sauf, à mon avis, pour les députés de la NUPES.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1312 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je reviens sur la discussion que nous avons eue au sujet du handicap, et plus particulièrement de la formation de tous les agents. Quand l’ambition qui est fixée est d’avoir une société inclusive, on ne peut pas se contenter d’une situation dans laquelle seuls des agents de Cap emploi peuvent accueillir les personnes en situation de handicap. Il est essentiel, pour combler notre retard, de former tous les agents.

S’agissant de l’assiduité et de la participation active qui seront exigées des demandeurs d’emploi, quel sens cette obligation aura-t-elle pour ceux en situation de handicap, notamment de handicap invisible, compte tenu de tous les préjugés qui existent ? Je rappelle que 37 % des personnes en situation de handicap ont connu une discrimination à l’embauche.

M. le rapporteur. J’ai rappelé tout à l’heure que notre ambition était de tendre vers une formation complète de l’ensemble des agents aux questions de handicap, et j’ai expliqué que l’amendement que vous proposiez à ce sujet aurait pour effet d’exclure ceux qui n’étaient pas encore formés. Le dispositif montera progressivement en charge, et nous accompagnerons dans ce cadre la formation des uns et des autres. J’ai donc appelé à mener un travail de concert pour essayer de trouver d’ici à la séance une rédaction satisfaisante.

S’agissant plus précisément du présent amendement, un accompagnement spécifique des demandeurs en situation de handicap sera réalisé par les organismes spécialisés, qui ont l’expertise pour le faire, même si l’objectif est que l’ensemble des personnels puisse réaliser convenablement un tel accompagnement. Par ailleurs, les devoirs de ces demandeurs tiendront nécessairement compte de leurs éventuelles contraintes.

À ce stade, j’émets donc un avis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1313 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Par cet amendement de repli, mon groupe souhaite que les engagements imposés aux demandeurs d’emploi tiennent au moins compte de leur état de santé et de leur niveau de validité, en particulier pour ce qui est des demandeurs d’emploi en situation de handicap. En 2022, je le rappelle, 37 % des personnes handicapées déclaraient avoir subi une discrimination au cours d’une recherche d’emploi, contre 16 % dans l’ensemble de la population, selon l’association Ladapt. Aller davantage vers le droit commun pour les demandeurs d’emploi en situation de handicap ne doit pas se faire au prix de sanctions supplémentaires et d’obligations qui laisseraient une marge d’interprétation beaucoup trop importante et dommageable pour ce public.

M. le rapporteur. De telles difficultés sont déjà prises en compte dans le contrat d’engagement tel qu’il est prévu à l’alinéa 7, en lien avec les objectifs assignés en matière d’insertion sociale ou professionnelle.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS878 de M. Louis Boyard

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous proposons d’exonérer de l’obligation d’assiduité les parents de familles monoparentales. Je vous demande de prendre en compte cet amendement de repli.

Les familles monoparentales représentent une famille sur quatre en France. On sait également que 96 % des allocataires du RSA majoré sont des femmes et que ces dernières comptent pour 54 % des bénéficiaires du RSA. De plus, 48,7 % de ces femmes sont des mères isolées ayant un ou plusieurs enfants à charge.

Alors que la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle est déjà d’une extrême difficulté, les 15 à 20 heures d’activité par semaine que vous allez imposer, sans qu’on sache d’ailleurs pour quoi faire, seront pour beaucoup « mission impossible ». Vous imaginez la pression : l’enfant est malade, il faut aller le chercher à l’école parce qu’on a un rendez-vous chez le médecin, mais il y a l’autre rendez-vous ! Et celui-ci est hyperimportant : si je le rate, je peux perdre le RSA. Comment remplirai-je alors le frigo ? Et je suis toute seule, il n’y a personne pour m’aider !

Vous rendez-vous compte de l’angoisse dans laquelle on va plonger les parents de familles monoparentales qui sont allocataires du RSA ? Je vous demande vraiment de les exonérer de l’obligation d’assiduité dans le cadre du contrat d’engagement. Ayez l’humanité de prendre en considération les difficultés de ces mères.

M. le rapporteur. Il sera tout à fait possible, en application de l’alinéa 10, d’adapter les engagements du demandeur d’emploi, dont son assiduité, en fonction de sa situation personnelle et familiale. Dans l’exemple que vous avez donné, une exonération serait tout à fait justifiée. Vous faites signe que non, mais cela voudrait dire que le travailleur social ne serait pas capable d’apprécier la situation : un peu de sérieux, quand même, vous grossissez le trait à l’excès. Cela fait partie des cas, le ministre l’a rappelé lors de son audition, dans lesquels le fait d’avoir manqué un rendez-vous pourra se justifier. Votre raccourci hâtif vous sert peut-être à draguer un électorat, mais il vous conduit très loin du texte.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis outré. Les femmes isolées avec des enfants sont un enjeu majeur : elles souffrent d’une véritable assignation à résidence. J’en ai connu, dans ma propre commune, qui demandaient qu’on les aide à sortir, à surmonter leurs problèmes de garde d’enfant. Il faut les accompagner, et on doit évidemment tenir compte de leur situation. Si on parvient à mieux accompagner ces femmes, ce sera un progrès dans notre société.

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). Vous ne pouvez pas assigner à résidence les femmes qui élèvent seules leurs enfants et qui sont en proie à de graves difficultés – elles sont souvent en recherche d’emploi ou occupent un emploi modeste.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Madame Simonnet, vous sous-entendez que le travailleur social qui accueille une femme élevant seule ses enfants n’est pas en mesure d’apprécier la situation et, le cas échéant, d’exempter l’intéressée de l’obligation d’assiduité ou d’adapter le plan d’accompagnement. Pour ma part, je fais confiance à la capacité de discernement des professionnels.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’économiste Hélène Périvier a montré que le système social français contribue à l’émancipation des femmes en libérant leur temps grâce aux possibilités de garde qui leur sont offertes. Or les mesures que vous proposez vont entraîner un retour en arrière. Alors que vous vantez le caractère miraculeux des dispositifs contractuels pour extraire les gens de la pauvreté, vous allez mettre les femmes à la tête de familles monoparentales dans une situation d’exception.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Je propose que, dans le prochain projet de loi de finances, nous votions à l’unanimité un amendement accordant les moyens aux collectivités de mettre en œuvre un véritable service public de la petite enfance opposable. Cela offrirait une solution à toutes les mères isolées qui demandent une place en crèche. Dans le budget de l’an dernier, vous avez asphyxié les collectivités, qui ont vu leurs dotations diminuer. Avec le projet de loi de programmation budgétaire que nous allons examiner, vous allez encore les saigner.

M. Arthur Delaporte (SOC). « Entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit », affirmait Lacordaire. Il y a ici un enjeu d’émancipation. Lorsqu’on maintient un cadre flou, on fait assumer à l’agent l’appréciation de la situation. Notre rôle est de protéger les familles monoparentales. Pourquoi ne pas prévoir que le parent qui assume seul la garde des enfants n’a pas à remplir un certain nombre d’engagements ? Allons au bout de la logique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS854 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement vise à ce que le contrat d’engagement tienne compte de certaines sujétions auxquelles le demandeur d’emploi est astreint, qu’il s’agisse, par exemple, d’un parent isolé ayant un enfant en situation de handicap ou ayant la qualité d’aidant, ou d’une femme enceinte isolée. L’amendement est issu de propositions du collectif Alerte, qui regroupe des associations très diverses, comme ATD Quart Monde, APF France handicap, Action contre la faim, le Secours catholique, le Comité chrétien de solidarité avec les chômeurs et les précaires, Emmaüs... Si elles nous soumettent ces préconisations, c’est qu’elles ont identifié des mesures dangereuses. On ne peut pas rester aveugle face à cela.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’alinéa 10, qui prévoit que le contrat d’engagement « tient compte notamment [...] de la situation personnelle et familiale » du demandeur d’emploi.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS476 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS554 de M. JeanHugues Ratenon

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement AS476 vise à supprimer l’alinéa 9, qui impose au demandeur d’emploi signataire d’un contrat d’engagement 15 heures d’activité hebdomadaires. Qu’entend-on par activité ? Si cela s’apparente à du travail, il s’agira de 15 heures de travail non rémunérées, qui pèseront sur les salaires des personnes non qualifiées. Pourquoi prévoit-on 15 heures, alors qu’on ne sait pas dans quel état se trouve la personne et dans quelle mesure elle sera capable de remplir ses obligations ?

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je défends l’amendement AS554.

Vous voulez imposer 15 heures d’activité obligatoires aux allocataires du RSA quelle que soit leur situation : mère isolée, agriculteur ayant subi une mauvaise récolte, chômeur... Cet ajout vient du Sénat. Mme Gruny, sénatrice de l’Aisne, avait expliqué que ces activités seraient constituées par toute action concourant à l’insertion, par exemple du bénévolat – on est ainsi en train d’inventer le bénévolat forcé – ou de la formation, y compris des mises en situation de travail ou du recrutement par simulation. Les expérimentations en cours dans les départements comprennent des stages, qui constituent bel et bien, quoi que vous en pensiez, une forme de travail. Le ministre a affirmé qu’on pourrait aussi passer le permis de conduire ou prendre soin de soi, ce qui est peut-être pire. En effet, pour aider les gens à prendre soin d’eux, vous les menacez de leur retirer tout revenu. J’appelle cela de la torture et de l’indignité.

M. le rapporteur. Le plan d’action visé à l’alinéa 9 est l’élément structurant du contrat. Il est élaboré et signé par le demandeur d’emploi avec son organisme référent. Ces activités permettront à l’intéressé de retourner vers l’emploi et vers la dignité, au lieu d’être cantonné aux minima sociaux et de se trouver assigné à résidence. Je suis évidemment défavorable la suppression de ce plan. En revanche, il vous sera proposé une série d’amendements qui visent à assouplir la durée de 15 heures.

M. Stéphane Viry (LR). Nous considérons que l’obligation de donner 15 heures par semaine dans le cadre du contrat d’engagement réciproque est un moyen de lutter contre l’isolement, le renoncement et l’exclusion. Cela n’implique pas nécessairement d’aller dans une entreprise, de s’inscrire dans une logique économique ; il s’agit simplement d’être présent. Pour certains, cela peut être le premier pas vers un retour à l’emploi, par des formations, des actions d’insertion professionnelle... Pour d’autres, cela peut consister à prendre soin de soi, à passer le permis de conduire, à se rendre dans une association. C’est toute la différence entre la dignité voulue et le choix de laisser les gens au bord de la route.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je ne suis pas opposé, par principe, à ce que ces personnes exercent une activité, mais il faut définir les notions. L’activité peut être au service de l’intégration ou de la réinsertion. C’est ce qui se fait dans les chantiers éducatifs, mais dans un cadre bien défini. En revanche, considérer l’activité comme une contrepartie à la prestation me pose un problème. Si on ne définit pas le périmètre de l’activité, on y fera entrer n’importe quoi, et certainement pas des outils au service du retour à l’emploi.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Il faut définir l’activité et son objet. S’il s’agit de favoriser la réinsertion professionnelle, comme cela a été fait dans mon département de l’Aisne, cela a du sens. Les personnes les plus éloignées de l’emploi, qui sont désocialisées, ne peuvent pas être employées immédiatement. Avant de retourner sur le marché du travail, elles doivent franchir une série d’étapes, se resocialiser, prendre soin de soi, être actives dans des associations.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Monsieur le rapporteur, le bénévolat forcé, la formation par la mise en situation de travail, le recrutement par simulation ou les stages ne semblent pas vous choquer ni vous paraître hors de propos. Si toutes ces actions peuvent être demandées aux allocataires, cela signifie que le travail gratuit est autorisé. J’espère qu’il s’agit d’une erreur. Nous sommes tous d’accord pour lutter contre l’isolement en invitant les personnes à effectuer des activités, mais vous n’aiderez jamais qui que ce soit en supprimant son revenu mensuel de 608 euros. Ce sera pourtant l’une des conséquences de votre texte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Monsieur le rapporteur, si une personne inscrite à Pôle emploi, qui ne perçoit pas l’allocation d’aide au retour à l’emploi, suit une formation agréée, pourquoi se contenterait-elle de toucher le RSA et ne demanderait-elle pas à bénéficier de la rémunération des formations de Pôle emploi (RFPE) ? Ces prestations sont-elles, ou non, complémentaires ?

M. Didier Le Gac (RE). Il faut trouver la bonne rédaction concernant ces heures d’activité, que je préfère appeler, pour ma part, des heures d’accompagnement. Il ne me paraît pas souhaitable de fixer une durée opposable de 15 heures, car, d’une part, elle est trop rigide et, d’autre part, elle n’a pas de sens, puisque les contrats d’engagement réciproque sont personnalisés, en fonction de l’âge, de la formation, de la situation familiale, des freins à l’emploi, etc. Certaines personnes, trop éloignées de l’emploi ou trop isolées, n’auront pas la capacité d’effectuer directement 15 heures d’accompagnement.

M. François Gernigon (HOR). Les personnes en question ne vont pas donner des heures mais en bénéficier : c’est totalement différent. Les personnes isolées seront accompagnées pour accroître leur estime de soi et recréer du lien social.

Mme Anne Bergantz (Dem). Le groupe Démocrate considère que, s’il est souhaitable de prévoir un engagement d’effectuer un certain nombre d’heures d’activité, il faut être flexible, en tenant compte de la situation de la personne. Pour certains, un apprentissage intensif de la langue française durant 15 heures hebdomadaires sera très positif, tandis que d’autres ne pourront exercer une activité que durant quelques heures. La durée généralisée de 15 heures est inapplicable. Le rapport de synthèse de la mission de préfiguration France Travail, élaboré par Thibaut Guilluy dresse, pages 265 et 266, la liste des activités possibles.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS557 de M. Hadrien Clouet et AS1200 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet amendement vise, non pas à faire de la formation un objet de contrainte, conditionnant le versement d’une allocation nécessaire à la survie de la personne, mais à accorder aux bénéficiaires du RSA un droit à la formation.

M. Philippe Juvin (LR). Selon le modèle d’Emmaüs, une aide est toujours apportée en contrepartie d’une activité. La solidarité active ne se limite pas à la redistribution ; elle a aussi pour objet de favoriser le retour à l’emploi. Nous souhaitons que toute personne qui en est capable travaille. C’est pourquoi nous souhaitons préciser que le droit au bénéfice du RSA appelle un devoir, qui est de participer à 15 heures d’activité ou de formation. J’aurai toujours une préférence pour celui qui travaille ou qui cherche du travail par rapport à l’assisté professionnel.

M. le rapporteur. S’agissant du premier amendement, je rappelle que l’allocataire du RSA bénéficie, grâce à son statut de demandeur d’emploi, du financement de sa formation. Il n’est donc pas nécessaire d’abonder le compte personnel de formation.

Concernant le second amendement, je préfère la rédaction proposée par l’amendement AS1483, que nous examinerons bientôt, laquelle me paraît mieux prendre en compte la situation du demandeur d’emploi et les difficultés qu’il rencontre. Nous conservons la cible en proposant un assouplissement.

Avis défavorable sur les deux amendements.

M. Arthur Delaporte (SOC). Monsieur Juvin, vous préférez ceux qui travaillent à ceux qui sont au RSA, c’est votre droit.

M. Philippe Juvin (LR). Je n’ai pas dit cela !

M. Arthur Delaporte (SOC). Plus exactement, pour reprendre vos termes, vous préférez ceux qui recherchent un emploi aux assistés professionnels. Ainsi, les allocataires du RSA qui ne sont pas en recherche d’emploi sont pour vous des assistés professionnels.

M. Philippe Juvin (LR). Pas du tout.

M. Arthur Delaporte (SOC). Certains allocataires du RSA ne peuvent pas chercher de travail, par exemple lorsqu’ils ont une incapacité liée à une situation d’invalidité – votre groupe a d’ailleurs voté un amendement en ce sens hier. La stigmatisation des allocataires est insupportable. Avez-vous demandé aux représentants d’Emmaüs ce qu’ils pensent de l’obligation des 15 à 20 heures d’activité ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS93 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement vise à ce que l’on ne mentionne pas dans le contrat d’engagement des objectifs d’insertion sociale ou professionnelle mais des souhaits. Les objectifs relèvent du lexique managérial. On doit se mettre à l’échelle de l’individu et lui demander ce qu’il veut faire.

M. le rapporteur. Les souhaits du demandeur d’emploi sont déjà intégrés dans le contrat d’engagements réciproques par le biais des besoins personnalisés. Ils se concrétisent par des objectifs d’insertion sociale ou professionnelle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS694 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de supprimer la fin de la première phrase de l’alinéa 9, qui serait rédigé ainsi : « 3° Un plan d’action, précisant les objectifs d’insertion sociale ou professionnelle. » On conserverait ainsi les dispositions initiales du texte tout en retirant la référence à la durée hebdomadaire d’activité d’au moins 15 heures, qui est inapplicable. Dans une note de la Fondation Jean-Jaurès que nous avons publiée avec quelques collègues, nous avons montré que les 15 à 20 heures représentent un budget pharaonique, qui n’est pas soutenable. Le milliard d’euros annoncé par le ministre à l’horizon 2027 ne suffira déjà pas à gérer l’inscription automatique des allocataires du RSA. À titre de comparaison, le contrat d’engagement jeune (CEJ), dont bénéficie à 300 000 personnes pendant une durée de six mois, représente un coût d’environ 600 millions. Chers collègues de la majorité, soyez raisonnables et réalistes.

M. le rapporteur. Je partage votre objectif d’assouplissement. Nous en discuterons à l’occasion de l’examen des amendements AS1483 et identiques. En attendant, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je m’interroge également sur la durée de 15 heures. Celle-ci peut constituer un objectif pour un certain nombre d’allocataires ou de personnes accompagnées, mais elle est inadaptée pour d’autres personnes, qui sont restées sans accompagnement pendant trois, quatre ou cinq ans. Pour ces dernières, il faut renouer les fils dans le cadre d’un travail progressif, dans la durée. On peut tendre vers un objectif de 15 heures, au bout d’un certain temps, défini dans le contrat d’engagement. La question de l’intensité a du sens, mais il ne faut pas inscrire d’emblée une durée de 15 heures.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement, travaillé avec l’Union nationale des syndicats autonomes, permet de revenir à un texte réaliste. Son adoption nous permettrait d’aller ensuite beaucoup plus vite.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1017 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je serai sans doute assez seul en soutenant cet amendement, mais j’assumerai cette solitude, au nom de l’équilibre du texte, car les différentes positions exprimées me semblent trop tranchées. Le groupe LIOT souscrit à l’idée d’un contrat prévoyant une réciprocité et dont la réussite est conditionnée par l’adhésion de la personne en recherche d’activité, mais nous divergeons fortement à propos de l’incitation. En effet, plutôt qu’une sanction, que vous brandissez en envisageant une éventuelle suspension du versement de la prestation, nous souhaitons une bonification pour les bons élèves.

Tout le monde a déjà souligné qu’avec 607 euros, on ne fait que survivre. Le groupe LIOT ne remettra cependant pas en cause ce montant, qui est un socle acquis, un revenu d’assistance. Nous croyons à la capacité d’un engagement réciproque, qui est du reste la philosophie du CEJ. Cela revient à dire que l’engagement volontaire dans un contrat d’engagement réciproque pourrait ouvrir droit à un accompagnement renforcé et – chose qui ne figure pas dans l’amendement pour en préserver la recevabilité – à une bonification de l’allocation. Vous choisiriez ainsi de recourir à la carotte plutôt qu’au bâton et permettriez à ceux qui veulent s’engager dans une reprise d’activité de le faire avec force, sans fragiliser pour autant ceux qui perçoivent 607 euros, et ce serait là une forme d’équilibre.

Cette proposition, que je serai sans doute seul à défendre, permettrait d’assurer la solidarité nationale, qui est un droit pour les personnes en grande difficulté, tout en donnant à certains l’envie de reprendre une activité et de s’engager dans le cadre d’une certaine réciprocité.

M. le rapporteur. Je comprends l’intention de votre amendement, qui n’aurait pas franchi la barrière de l’article 40. Je ne puis cependant qu’exprimer un avis défavorable car, je le répète, le contrat d’engagement relève de la réciprocité et engage donc les deux signataires.

M. Arthur Delaporte (SOC). M. Saint-Huile n’est pas seul, car nous sommes prêts à soutenir son amendement. En effet, monsieur le rapporteur, la dimension de réciprocité est assurée : le demandeur s’engage dans un parcours et, dans une démarche réciproque, l’État l’accompagne dans son objectif d’insertion.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). M. Saint-Huile est, en effet, de moins en moins seul. La comparaison avec le contrat d’engagement jeune est instructive et utile, car ce contrat comporte lui aussi une obligation d’activité de 15 à 20 heures. On constate cependant un énorme taux d’échec, plus d’un tiers des bénéficiaires du contrat d’engagement jeune n’atteignant pas le minimum de 15 heures. L’incapacité à imposer l’activité obligatoire dans le cadre d’un contrat qui bénéficie de l’expérience que lui confère son antériorité est déjà un échec pour une politique censée rejoindre celle que vous proposez. L’échec est d’autant plus prévisible ici que le CEJ mobilise un conseiller pour trente usagers : comment la formule fonctionnerait-elle mieux avec un conseiller pour deux cents usagers ou plus ? Avant même d’entrer dans le débat philosophique opposant les pour et les contre, le système n’est pas opérationnel.

Mme Christine Le Nabour (RE). Je souscris pleinement à l’exposé des motifs de l’amendement, car le CEJ a été évalué par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Il est vrai que 40 % seulement des bénéficiaires atteignent le seuil de 15 heures, car certaines situations ne permettent pas d’atteindre cet objectif, ou du moins sans une certaine progressivité. Vous oubliez cependant de dire que 89 % des jeunes plébiscitent la mise en activités, et que les conseillers ont la même opinion. En outre, les activités sont diverses et peuvent être aussi de nature culturelle et sportive, ou comprendre par exemple des ateliers de reprise confiance en soi. Il faut toutefois tenir compte de la situation particulière de certaines personnes. Le rapporteur nous en dira sans doute plus tout à l’heure en soutenant son amendement.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). M. Saint-Huile n’est plus du tout seul et une synthèse s’opère entre ses propos et ceux qu’a tenus tout à l’heure M. Le Gac. Cet amendement, qui serait pour nous un amendement de repli, définit l’activité et le besoin d’accompagnement, dans une démarche volontaire – comme vous venez de le dire tous les deux. Cette disposition éviterait de figer les choses autour d’une activité très mal définie, et donc susceptible de soulever des problèmes d’interprétation : vous vous enlèveriez ainsi une belle épine du pied, car il n’est pas facile de mettre en œuvre 15 heures d’activité pour tout le monde quand on ne sait pas de quoi il s’agit ! Non seulement donc l’amendement nous ferait gagner du temps, mais il clarifierait également la notion d’activité.

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). Je ne vois pas en quoi l’amendement de M. Saint-Huile, qui va dans le sens du volontarisme et de la volonté d’inscrire le dispositif dans un schéma collectif, contrarierait la volonté du Gouvernement de travailler dans un contrat d’objectif. Il va, au contraire, dans le bon sens en responsabilisant et autonomisant les chômeurs et en leur permettant de s’inscrire dans un schéma d’objectifs Nous le soutenons donc.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Monsieur le rapporteur, vous dites qu’il n’y a pas de réciprocité, mais c’est pourtant ce que nous recherchons depuis le début. Selon nous, la réciprocité consiste à ce que l’institution s’engage à un accompagnement renforcé et à ce que, de l’autre côté, l’allocataire, s’il est présent et remplit son engagement, bénéficie d’une bonification de son RSA. Je n’ai pas cité de chiffres afin de préserver la recevabilité de l’amendement, mais ce supplément pourrait être de 150 euros par mois, ce qui aurait un effet immédiat de mobilisation et permettrait de distinguer, puisque c’est ce que vous voulez, ceux qui sont effectivement en recherche d’emploi.

Je suis heureux que nos collègues de la NUPES aient réagi et j’aurais voulu qu’au-delà même du Rassemblement national, la droite fasse de même. Puisque vous ne cessez de nous parler du mérite et du travail, vous avez là une synthèse de ce que nous pouvons faire ensemble pour remettre au travail et en activité des allocataires qui se sont parfois reposés tout en créant les conditions d’un engagement réciproque.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS205 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement de repli vise à préciser que les 15 heures d’activité ne s’appliqueront pas aux allocataires du RSA qui vivent des difficultés personnelles, sociales et professionnelles.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à ma question : comment les 15 à 20 heures d’activité des allocataires du RSA sont-elles compatibles avec la RFPE ? En effet, lorsqu’on suit une formation, on ne touche plus le RSA.

M. le rapporteur. Je souscris à votre objectif d’assouplissement et je vous renvoie donc à l’amendement AS1483 que je présenterai tout à l’heure. Pour le reste, nous n’écrasons pas le droit existant.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS477 de Mme Marie-Charlotte Garin et amendements identiques AS597 de M. Arthur Delaporte, AS772 de Mme Astrid Panosyan-Bouvet, AS855 de M. Pierre Dharréville, AS1012 de M. Benjamin Saint-Huile, AS1099 de M. Jocelyn Dessigny, AS1139 de M. Victor Catteau, AS1172 de Mme Danielle Simonnet et AS1192 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Avec l’amendement AS477, les députés écologistes souhaitent supprimer dans le contrat d’engagement du demandeur d’emploi la mention d’un plan d’action et l’obligation d’une durée hebdomadaire de 15 heures d’activité. D’une part, en effet, conditionner l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du RSA à des heures d’activité détruit la logique du RSA et offre aux entreprises une main-d’œuvre à bas prix. D’autre part, les écologistes ne peuvent continuer à soutenir des réformes dont le seul objet politique et économique est de faire du vivant un outil au service de la croissance et du PIB. Il devient, au contraire, urgent d’interroger notre modèle économique et social fondé sur le travail, en réinterrogeant la place qu’il occupe dans l’existence.

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement de repli vise à supprimer l’obligation introduite dans le contrat d’engagement imposant aux demandeurs d’emploi de réaliser au moins 15 heures d’activité par semaine. Les différentes critiques de ce dispositif ont déjà été évoquées.

Je reviendrai cependant, sans rien lâcher, sur la question à laquelle je n’ai pas encore obtenu de réponse : monsieur le rapporteur, un bénéficiaire du RSA qui suivra une formation sera-t-il ou non rémunéré ? La réponse est non – ou alors il sort du régime du RSA et entre dans le régime de la rémunération des formations de Pôle emploi. L’activité peut s’entendre pour les jeunes qui perçoivent l’équivalent d’une allocation, parce qu’ils n’ont pas droit au RSA, mais lorsqu’on entre dans une formation, on est rémunéré à ce titre dans un régime distinct et, lorsqu’on a plus de 25 ans, on touche 512,40 euros par mois.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Je retire mon amendement. En effet, je reprochais au dispositif une application uniforme quels que soient la situation du demandeur d’emploi et les obstacles qu’il rencontrait ; or, l’amendement que proposeront prochainement le rapporteur et Mme Peyron répond à cette nécessité d’adaptation.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Depuis l’origine de ce projet de loi, où il s’agissait d’imposer une contrepartie aux bénéficiaires du RSA et à certaines personnes privées d’emploi, une évolution est intervenue, substituant à cette logique une logique d’activité. Il faudrait aller au bout de cette démarche et vous convertir définitivement et complètement à la logique de l’accompagnement.

Nous contestons l’obligation de 15 à 20 heures d’activité introduite par le Sénat – qui n’a, du reste, rien inventé et s’est contenté de l’inscrire dans la loi. Cette durée a-t-elle été choisie parce qu’elle représente la moitié d’un temps plein et qu’elle se traduirait alors par la moitié d’un Smic ? C’était sans doute la démarche de départ, mais vous avez vu que ça ne marcherait pas et vous ne l’avez pas assumé, et cela d’autant moins que les entreprises ne sont pas toujours prêtes à accueillir des gens et qu’elles souhaitent avoir un personnel formé – mieux vaut, d’ailleurs, quand on occupe un emploi, y être formé.

Au lieu de cette obligation de 15 heures telle qu’elle figure dans le texte, un véritable accompagnement est nécessaire, ce qui demandera beaucoup d’efforts et une variété de propositions de formation de la part de nombreux professionnels, qu’il faudra eux aussi former. Nous en sommes actuellement très loin et cela doit être organisé dans le cadre du service public de l’emploi et avec l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous souhaitons, nous aussi, le retrait de cette logique des 15 ou 20 heures d’activité, qui est irréaliste et irréalisable, comme vous le diront les gens qui assurent le suivi des allocataires et ceux qui ont suivi les jeunes dans le cadre du CEJ et qui ont rencontré de nombreuses difficultés pour leur proposer des heures d’activité. Ce carcan intellectuel, idéologique et dogmatique des 15 ou 20 heures ne repose sur aucune réalité sérieuse du monde du travail. Il peut y avoir contrat, réciprocité et logique d’activité, mais il ne faut en aucun cas corseter cela dans une logique de volume horaire qui ne correspond à aucune réalité.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Comme je l’ai déjà dit, les demandeurs d’emploi ou allocataires du RSA ont besoin d’être accompagnés en amont et, même s’il ne s’agit pas nécessairement d’une formation professionnelle, tout un schéma est nécessaire pour les resociabiliser afin qu’ils puissent être employables. Or, pour une personne très éloignée de l’emploi, le chiffre de 15 heures peut paraître énorme, mais peut-être aussi cette durée se révélera-t-elle insuffisante par rapport aux besoins. Il faut donc cadrer au cas par cas les besoins de formation et d’accompagnement, et pas seulement avec un chiffre dont on ne sait ni d’où il sort ni s’il se répartira, par exemple, sur deux jours par semaine ou trois heures par jour.

M. Victor Catteau (RN). Mon amendement vise à supprimer la conditionnalité du RSA à une durée minimale d’activité, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, vous allez, avec ce projet de loi, demander à des personnes qui ont parfois travaillé des années de faire des « activités » – dont la définition reste en outre assez floue – pour obtenir précisément ce pourquoi ils ont cotisé. Vous allez également augmenter de façon exponentielle le portefeuille des conseillers Pôle emploi – qui changeront d’ailleurs de nom. Nous voulons donc supprimer la fin de cet alinéa, qui n’a aucune raison de figurer dans ce texte de loi.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). En imposant ces 15 heures d’activité, le Sénat est allé très loin. En droit, la convention n° 29 de l’Organisation internationale du travail définit le travail forcé comme « tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré ». Vous conviendrez qu’on ne peut pas imposer 15 heures de travail !

Pour ce qui est des activités, en Creuse, par exemple, lors des expérimentations, on n’a trouvé 15 heures d’activité que pour un seul allocataire du RSA sur quatre-vingt-trois, et encore ces heures se déroulaient-elles à la banque alimentaire, ce qui ne contribue peut-être guère à son insertion.

Par ailleurs, vous avez refusé notre amendement visant à imposer une obligation de résultat de la part de l’État et des objectifs minimaux de temps de formation assuré par France Travail, au motif que tous les allocataires et demandeurs d’emploi ont des besoins différents et qu’on ne peut pas inscrire dans le marbre autant d’heures de formation. Et pourquoi dons, alors, faudrait-il y inscrire ces 15 heures pour tous les allocataires du RSA et les demandeurs d’emploi ?

Enfin, et c’est l’argument le plus important, l’allocation du RSA – dont le montant devrait du reste être revalorisé pour ne pas se situer sous le seuil de pauvreté – est un droit, qui ne doit faire l’objet d’aucune contrepartie. La formation est un droit. Elle ne doit pas être conditionnée.

M. le rapporteur. Madame Simonnet, je me suis peut-être mal exprimé tout à l’heure, mais si nous avons refusé votre amendement qui engageait la responsabilité de l’État, c’est parce que l’État n’est pas cosignataire du contrat d’engagement et ne peut donc, à ce titre, être responsable de son exécution ou de sa non-exécution.

Je propose donc de repousser ces amendements au profit du suivant qui, comme l’a rappelé Mme Panosyan-Bouvet, apporte des précisions indispensables à la formulation initiale.

M. Stéphane Viry (LR). N’oublions pas, dans le RSA, la lettre A ! À force de nier l’obligation de réciprocité, on remet en cause la nature même du RSA. Soit on le supprime pour passer à autre chose, soit, si on veut le maintenir en le refondant, il faut demander une certaine réciprocité.

En second lieu, chers collègues de la majorité, la refonte du RSA figurait dans le programme de campagne du président Macron, et prévoyait, sauf erreur, 15 à 20 heures d’activité pour le bénéficiaire. Il ne faut pas être pusillanimes et savoir où vous voulez aller.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Certes, quelques évolutions ont eu lieu, et elles ne sont pas forcément négatives, même si elles ne vont pas assez loin. Nous proposons, pour notre part, de supprimer complètement la référence aux 15 à 20 heures. En effet, monsieur le rapporteur, vous ne dites pas que l’amendement que vous allez défendre prévoit l’application de ce dispositif « si cela s’avère adapté à la situation particulière du demandeur d’emploi et aux difficultés qu’il rencontre ». Vous maintenez donc la durée de 15 à 20 heures, moyennant une petite condition. Peut-être s’agit-il d’un petit arrangement entre amis auquel nous n’avons pas été conviés – et j’ignore alors si cela satisfera les députés du groupe Les Républicains. Toujours est-il que cela ne supprime pas la référence aux 15 heures inscrite dans le texte par le Sénat. Or, cette référence est inadaptée, notamment parce que les agents auront en face d’eux des personnes singulières, auxquelles il faut faire des propositions singulières.

M. Arthur Delaporte (SOC). M. Viry a le mérite de mettre en lumière une forme d’incohérence dans le discours présidentiel et dans la réalité. Je comprends que l’amendement annoncé cherche à ménager la chèvre et le chou en maintenant virtuellement l’idée des 15 à 20 heures, afin de ne heurter personne. Or ce n’est pas possible, non seulement pour des raisons pratiques, mais aussi parce que le seul dispositif qui expérimente cette mesure est le CEJ, dont le rapport de l’Igas cité par M. Clouet fait apparaître que plus d’un tiers des bénéficiaires ne satisfont pas à l’obligation hebdomadaire d’activité et que, sur une semaine, 20 % accomplissent moins de 5 heures d’activités d’accompagnement. Voilà la réalité de ce que vous avez rendu obligatoire.

Outre qu’il est impossible, ce dispositif n’est pas souhaitable. Pour vous, monsieur Viry, il faut une contrepartie, mais celle-ci existe déjà, car on peut déjà être radié du RSA si l’on ne respecte pas certains engagements, si l’on manque un rendez-vous ou si l’on n’a pas fait preuve de bonne volonté. Vous voulez donc ajouter une contrepartie supplémentaire, et non pas en créer une au titre de cette réciprocité déjà déséquilibrée et contre laquelle nous nous battons par ailleurs.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’intervention de M. Viry est en effet très intéressante, car elle remet un peu d’ordre dans le débat. Pour lui, en effet, c’est parce qu’il y a de l’activité dans le revenu de solidarité active qu’il y a de la solidarité. Pour nous, à l’inverse, c’est parce qu’il y a de la solidarité qu’il peut y avoir de l’activité. C’est ce qui permet un débat intéressant pour savoir lequel des deux termes est tributaire de l’autre. Pour nous, c’est parce qu’il y a un apport de solidarité qu’on peut acheter un ticket de bus pour se rendre à un rendez‑vous et aller chercher un emploi. C’est parce qu’on reçoit 600 euros qu’on peut aller faire une activité avec son gamin, qu’on est actif. Quant au fait qu’il s’agissait d’un élément du programme électoral de M. Macron, cet argument me parle assez peu – il est vrai que je ne suis pas macroniste.

Mme Christine Le Nabour (RE). Monsieur Viry, il s’agissait en effet d’une promesse présidentielle, mais un principe de réalité s’est imposé depuis lors, au vu des difficultés mises en lumière par l’expérimentation du CEJ. Vous avez par ailleurs souligné l’importance de l’activité et, de fait, comme je l’ai déjà dit, 89 % des jeunes plébiscitent cette mise en activité et 132 000 sur les 330 000 en contrat d’engagement jeune, soit 40 %, parviennent à accomplir leurs 15 heures d’activité, ce qui montre que ce n’est pas complètement impossible.

Il nous faut lever les freins à cette mise en activité, ce qui suppose d’embarquer tout l’écosystème des territoires, y compris les collectivités locales, pour être innovants. Je regrette qu’il n’y ait pas eu beaucoup d’innovation dans la Creuse, et il y a certainement des raisons à cela, mais de nombreux territoires innovent aujourd’hui en matière de mobilité, d’accompagnement et de repérage. Ce n’est donc pas impossible, mais il faut faire attention.

M. Nicolas Turquois (Dem). Pour parodier mon président de groupe, je dirais que nous souhaiterions que le RSA soit plutôt une « recherche de sérénité active », où le A serait aussi celui d’« accompagnement ». Comme l’a dit très justement M. Dessigny, cette démarche ne peut être que progressive pour certaines personnes trop éloignées de l’emploi.

Sur cette série d’amendements défendus avec des argumentations très différentes, je ne voterai pas, car l’obligation des 15 heures m’interroge. De fait, pour tenir compte de la diversité des situations, elle devrait être enrichie d’une notion de progressivité.

L’amendement AS772 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements identiques AS1483 de M. Paul Christophe et sous-amendements AS1510 et AS1509 de M. Arthur Delaporte, amendements AS1225 de Mme Michèle Peyron et AS1264 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. Mon amendement permettra de rétablir l’équilibre et d’introduire une certaine progressivité dans le dispositif puisqu’il s’agit d’ajouter à la première phrase de l’alinéa 9, après le mot : « correspond » les mots : « , si cela s’avère adapté à la situation particulière du demandeur d’emploi et aux difficultés qu’il rencontre, ».

Mme Michèle Peyron (RE). Mon amendement vise à préciser les dispositions introduisant la durée minimale de 15 heures d’activité adoptées au Sénat, afin de permettre la prise en compte de la réalité des besoins et de la situation particulière des personnes, pour l’ensemble desquelles un tel accompagnement ne sera pas nécessairement adapté.

M. François Gernigon (HOR). Il importe en effet d’adapter l’accompagnement des personnes en fonction de leur situation et de permettre une progressivité.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement n’évoque en rien une telle progressivité et sa rédaction est un peu spécieuse. Si nous l’avions proposé, vous auriez ironisé en arguant que l’adaptation va de soi.

Le sous-amendement AS1510 vise, à l’alinéa 4, à insérer après les mots : « d’emploi » les mots : « , de son foyer » car ce n’est pas seulement un individu qui est en cause : jusqu’à preuve du contraire, le RSA est une allocation familiarisée, conjugalisée.

Le sous-amendement AS1509 complète l’alinéa 4 par les mots : « et si l’organisme référent du demandeur d’emploi est en capacité de l’assurer ».

M. le rapporteur. Le premier sous-amendement renvoie à la question des freins périphériques, qui sont identifiés dans le cadre du contrat d’engagement. Il me semble donc satisfait. Le second renvoie à la notion d’engagement réciproque, qui nous est chère et que vous avez introduite.

Avis défavorables.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous arrivons au terme d’un exercice de contorsionnisme. 15 heures d’activité sont obligatoires sans l’être tout en l’étant ! Comment voulez-vous que les gens comprennent la loi ? Vous avez passé un deal avec la droite et vous inscrivez les 15 heures parce qu’elle vous l’a demandé ! Assumez qu’il ne s’agit pas d’un dispositif d’accompagnement et qu’il faut que les allocataires du RSA, à qui l’on donne du fric, aient une activité ! C’est ridicule !

M. Philippe Juvin (LR). Nous sommes très attachés aux 15 heures d’activité mais nous comprenons que des adaptations sont nécessaires. Néanmoins, celles que vous proposez vide le texte de sa substance puisqu’il est envisageable qu’aucune heure d’activité soit demandée. Rien ne changera donc. L’allocation ne sera pas conditionnée à une activité.

Les expérimentations ne sont en effet pas terminées et c’est bien là le problème.

Enfin, je rappelle à M. le rapporteur qu’il a été élu sur ce programme des 15 heures d’activité.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). J’étais tenté de féliciter le rapporteur pour une rédaction qui relève d’un slalom géant mais M. Juvin laisse penser que vous avez accroché la dernière porte. Heureusement, nous aurons un peu de temps, jusqu’à la séance publique, pour continuer à faire vivre le rapport de force entre LR et la majorité jusqu’à ce qu’ils parviennent à se poser.

M. Juvin est bien plutôt attaché au caractère irréaliste du texte : en effet, il ne sera pas possible, dans bien des cas, d’imposer 15 heures d’activité. Il place ainsi la majorité, à qui je souhaite bien du plaisir, dans une position intenable.

M. Marc Ferracci (RE). Cet amendement correspond précisément à l’esprit du programme présidentiel. Nous avons eu l’occasion de dire pendant la campagne électorale que les 15-20 heures d’activité ne sont pas adaptées à des personnes en trop grande difficulté.

Le service public de l’emploi éprouve des difficultés à prendre en compte des situations, des parcours de vie, des aspirations, un dynamisme très différents. On ne saurait donc traiter les gens d’une manière uniforme.

M. Nicolas Turquois (Dem). Nous devrions tous convenir qu’un engagement s’impose et qu’il n’est pas possible que des bénéficiaires du RSA n’aient pas de contrepartie mais, tout autant, que celle-ci doit être adaptée. La régularité et la montée en charge de cet engagement sont essentiels. Si nous y réfléchissons avant la séance publique, je gage que nous parviendrons à une solution. Nous voterons votre amendement, mais sans doute mériterait-il d’être retravaillé.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je suis d’accord avec M. Turquois. Les conditions de la montée en charge de cet accompagnement progressif, par palier, sont réunies afin de pouvoir « activer » le RSA. Avec cet amendement de compromis, le rapporteur a trouvé un équilibre. Sans plaisanter cette fois : c’est le mérite d’avoir une majorité minoritaire.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Puis elle adopte les amendements.

Amendements AS844 de M. Pierre Dharréville, AS337 de Mme Fanta Berete, AS1280 de M. Nicolas Turquois, AS1147, AS1142, AS1140, AS1148, AS1149, AS1143, AS1144 de M. Victor Catteau, AS1016 de M. Hadrien Clouet, AS112 de M. Arthur Delaporte et AS1141 de M. Victor Catteau (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Afin de clarifier un texte encore moins lisible depuis le vote de l’amendement précédent, mon amendement vise à supprimer la possibilité de contraindre un demandeur d’emploi à exercer des heures d’activité dans le contrat d’engagement.

Vous nous mentez en faisant semblant d’aménager un peu les 15 heures sans les supprimer tout en les supprimant, et vous mentez aux Républicains en assurant que vous les maintenez. Vous ne pourrez pas gagner sur les deux tableaux.

Mme Fanta Berete (RE). Afin de tenir compte des points de vue exprimés sur les contraintes, il s’agit de compléter l’alinéa 9 par la phrase suivante : « La durée hebdomadaire d’activité est modulable en fonction de l’évolution du projet et des besoins du demandeur d’emploi ». Néanmoins, compte tenu de la discussion que nous venons d’avoir, je le retire.

M. Nicolas Turquois (Dem). Nous sommes attachés à la notion de progressivité, donc, de montée en puissance de l’accompagnement afin de tendre vers l’employabilité.

M. Victor Catteau (RN). Je défendrai l’ensemble de mes amendements.

Il s’agit de rendre obligatoires les 15 heures d’activités hebdomadaires exclusives aux bénéficiaires du RSA. Ceux qui ont travaillé durant de nombreuses années et qui ont cotisé au titre de l’assurance chômage ont droit à cette allocation.

Il convient de convertir le taux hebdomadaire d’activité obligatoire demandé aux demandeurs d’emplois à un taux mensuel et de diminuer le nombre d’heures d’activités prévues dans le contrat d’engagement en les portant à 10 heures et à 5 heures pour les parents isolés ou les proches aidants.

Il convient de faire des 15 heures d’activité hebdomadaire un objectif à atteindre pour les demandeurs d’emploi plutôt qu’une obligation.

Les autres amendements, à quelques détails près, reprennent ces dispositions.

M. Adrien Quatennens (LFI - NUPES). Je défends l’amendement AS 1016.

Les analyses électorales montrent que le vote en faveur de Macron est le plus bourgeois de l’histoire. N’en avez-vous pas marre d’emmerder les pauvres gens ? Jamais vous n’oseriez placer sous un tel niveau de contrainte vos amis les plus riches, les cinq cents qui accaparent la moitié de la richesse produite dans notre pays.

Nous comptons 11 millions de pauvres. Des Français renoncent à tout en raison d’une inflation largement due aux superprofits, contre lesquels vous ne faites rien. Vous avez lourdé des milliards d’argent public, avec de piètres résultats, sans demander aucune contrepartie aux entreprises. En revanche, 600 euros pour subvenir à peine à quelques besoins, c’est trop et des contreparties s’imposent !

Selon le Préambule de la Constitution de 1946, « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Je ne suis pas sûr que ce soit le cas avec 600 euros. S’agissant de la situation économique, je rappelle qu’un emploi est non pourvu pour dix-huit chômeurs disponibles.

Nous cherchons donc à contourner cette obligation des 15 heures d’activité car le RSA doit être inconditionnel.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous proposons d’instaurer un plafond à 20 heures d’activité.

M. le rapporteur. Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements. Je vous invite à retravailler ces questions pour la séance publique.

L’amendement AS337 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendement AS1146 de M. Victor Catteau

M. le rapporteur. La distinction que vous proposez opèrerait une inégalité de traitement entre demandeurs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS879 de M. Matthieu Marchio

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement précise que l’activité attendue du demandeur d’emploi dans le contrat d’engagement n’est pas prise en compte dans l’appréciation de la restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi.

M. le rapporteur. Il ne nous semble pas souhaitable d’exclure ces personnes qui pourront réaliser des activités à visée sociale pour une durée qui correspondra évidemment à leur situation personnelle. L’objectif de ce temps d’activité est aussi de lutter contre l’exclusion sociale des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS98 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement « garde-fou » permet de garantir que les 15-20 heures d’activité ne soient pas des heures de travail. Nous pouvons en effet nous interroger sur les listes figurant aux pages 265 à 267 du rapport Guilluy. Des éléments qui s’apparentent à la découverte professionnelle pourraient fort bien cacher une activité professionnelle.

Sous peine de constituer un délit de travail dissimulé, ces heures ne peuvent être mises à profit pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou un agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

Comme nous avons pu l’observer en visitant des agences de Pôle emploi, des entreprises peu scrupuleuses utilisent ce public en formation et en découverte professionnelle comme une véritable main-d’œuvre.

À vous de nous rassurer en faisant voter cet amendement et en répondant à la question que je ne cesse de poser sur la rémunération des formations de Pôle emploi.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Le plan d’action vise à proposer des activités d’accompagnement à la personne en fonction de ses besoins, de sa situation et de son projet professionnel ou social. Elles peuvent donc être de nature très diverse : ateliers, actions de remobilisation, etc. Il ne s’agit évidemment pas d’heures de travail obligatoire.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). M. le rapporteur nous a confirmé que des stages ou des activités de bénévolat pouvaient entrer dans le périmètre des 15 heures. L’adoption de cet amendement est la seule garantie dont nous disposions pour que ce texte n’autorise pas de dérives et que la manière dont lui-même conçoit les activités soit respectée.

M. Arthur Delaporte (SOC). M. le rapporteur ne m’a pas répondu à propos de la rémunération des formations de Pôle emploi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS653 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Dès lors que le Gouvernement entend donner des activités à l’ensemble des demandeurs d’emploi, des bénéficiaires du RSA, etc., nous souhaitons garantir que les 15 heures d’activité imposées aux demandeurs d’emploi ne seront pas du travail gratuit et qu’elles seront rémunérées sur la base du Smic, sans remettre en question le bénéfice du RSA.

Comme le souligne Guillaume Allègre, de l’Observatoire français des conjonctures économiques, « on ne peut demander une juste contribution à ceux qui sont empêchés de contribuer pour des questions de santé, de mobilité, de manque de formation ou manque d’emploi leur correspondant ». En conditionnant le versement d’une allocation sociale à la réalisation d’activités peu ou pas rémunérées, le Gouvernement attaque la justice sociale et le salariat dans une logique néolibérale.

Contrairement à ce texte, nous souhaitons améliorer la qualité de vie des demandeurs d’emplois afin qu’ils ne tombent pas davantage dans la précarité.

M. le rapporteur. Évitons les procès d’intention en soupçonnant une volonté d’instaurer un travail obligatoire ! Les activités qui seront réalisées le seront dans le respect du code du travail. Le meilleur « garde-fou », c’est la personne chargée de l’accompagnement, en particulier, le travailleur social.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous ne vous disons pas que vous souhaitez instaurer le travail gratuit mais que le cadre légal qui est posé le permet. Une obligation d’activité qui conditionne une allocation dans le cadre d’un rapport de subordination à un organisme dont les personnes dépendent pour vivre, cela ressemble tout de même beaucoup à un travail sans salaire.

M. Nicolas Turquois (Dem). Le dispositif proposé correspond à ce que font les missions locales. Une seule a-t-elle jamais envoyé un jeune vers un travail non rémunéré ? Il s’agit par exemple de stages de découvertes et non d’activités de production.

M. Arthur Delaporte (SOC). En effet, il n’est pas toujours question d’activité de production mais un stagiaire n’est pas non plus embauché pour produire et il est rémunéré. Le stage ou l’activité de formation donnent-ils lieu à une rémunération spécifique distincte du RSA ou considère-t-on que le RSA en constitue la rémunération ?

M. Didier Le Gac (RE). Les professionnels de l’insertion connaissent tous les périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP). Elles sont fondamentales car elles permettent aux personnes éloignées de l’emploi d’être confrontés à des situations réelles afin de découvrir un métier ou un secteur d’activité, voire de confirmer un projet professionnel. La loi les encadre déjà.

Oui, dans le cadre de son accompagnement, un bénéficiaire du RSA pourra faire une PMSMP dans une entreprise !

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). En l’occurrence, il s’agit d’une formation, mais le problème est de savoir ce qu’est une « activité ». Est-ce une formation ou un emploi, qui supposent une rémunération ? S’il s’agit d’un bénévolat, aucune obligation n’est possible. Avec cette « activité », vous inventez un nouveau dispositif.

M. Didier Le Gac (RE). Pas du tout !

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Le dispositif que vous décrivez s’inscrit dans le cadre d’une formation et de l’accompagnement par Pôle emploi. L’« activité » que vous défendez est spécifique puisqu’elle concerne les allocataires du RSA, et elle ouvre un véritable « trou noir » législatif.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je vous informe que dorénavant, je donnerai la parole à un orateur pour et un contre sur chaque amendement.

Amendement AS220 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de s’assurer, d’une part, que le consentement du signataire du contrat d’engagement est libre, éclairé et exprès et, d’autre part, que les actions prévues dans ledit contrat sont légitimes, adaptées et pertinentes.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait par le contrat d’engagement tel qu’il est défini par le texte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je reviens au débat précédent. Monsieur le rapporteur, vous m’expliquerez si la formation est rémunérée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS741 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Pour trouver un emploi, il faut en chercher un. La recherche est ainsi la principale activité d’un demandeur d’emploi. L’amendement vise donc à l’ajouter à la liste des activités prescrites par le plan d’action.

M. le rapporteur. La recherche d’emploi est par définition l’objet du suivi et des actions d’accompagnement et d’appui. L’amendement est satisfait, donc avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS110 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement a pour objet de limiter à six mois la période pendant laquelle l’activité doit être exercée, sur le modèle du CEJ. Le texte ne précise pas si celle-ci dure aussi longtemps que l’allocataire perçoit le RSA.

M. le rapporteur. Le CEJ peut être prolongé jusqu’à douze mois.

Les 15 heures d’activité par semaine concernent toute la durée du parcours d’accompagnement du demandeur d’emploi, lequel peut s’étendre sur plus de six mois selon l’éloignement de l’emploi.

Il serait contreproductif qu’un demandeur engagé dans une activité qui lui convient soit contraint de l’arrêter au terme des six mois.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le même argument aurait pu valoir pour le jeune qui cherche à s’insérer. Pourquoi avoir limité à six mois la durée dans le CEJ ? Les possibilités de renouvellement et de dérogation que vous mettez en avant sont très marginales. La durée est en moyenne inférieure à six mois, selon l’Igas, à cause des sorties d’emploi.

Sans limitation de la durée, l’allocataire du RSA pourra participer vingt-cinq fois à l’atelier de coaching personnel au fil des ans.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1145 de M. Victor Catteau

M. Victor Catteau (RN). Afin de dissiper le flou du texte actuel, il est demandé qu’un décret vienne préciser les actions auxquelles le contrat d’engagement donnera lieu.

M. le rapporteur. Les actions seront définies dans le contrat. Je ne vois pas l’intérêt de renvoyer à un décret.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS363 de M. Thibault Bazin

M. Philippe Juvin (LR). Dans un souci de pragmatisme, l’amendement vise à dispenser de l’obligation d’activité hebdomadaire les parents d’enfants de moins de 3 ans sans solution de garde, les personnes handicapées et celles engagées dans la création d’une entreprise.

M. le rapporteur. Il est satisfait puisque l’activité doit s’avérer « adaptée à la situation particulière du demandeur d’emploi et aux difficultés qu’il rencontre ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1203 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Puisque vous imposez 15 heures d’activité hebdomadaire à des personnes dont vous jugez l’intégration sociale défaillante, nous vous suggérons d’autres cibles potentielles – en l’espèce, les personnes dont le revenu mensuel brut dépasse 20 000 euros. En effet, ces dernières nous paraissent poser également des problèmes sociaux : elles paient moins d’impôts que les autres ; elles polluent dix à vingt fois plus ; les modalités de leur enrichissement sont peu reluisantes.

Si vraiment toute personne dont le mode de vie n’est pas dans la norme doit être reprise en main, nous vous invitons à regarder en haut de l’échelle sociale. Vous y trouverez des gens qui méritent de découvrir le monde du travail et de se rendre socialement utiles. Ce serait un bon début de considérer que le problème posé par les plus riches est plus urgent que celui posé par ceux qui se bagarrent avec 600 euros par mois.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements AS118 et AS108 de M. Arthur Delaporte.

Amendement AS556 de M. Hadrien Clouet

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). L’amendement a pour objet d’alerter sur le flou des activités imposées aux allocataires du RSA.

On peut tout imaginer : Martine, maman solo de deux enfants, obligée de se réveiller aux aurores pour aller trier des dons aux Restos du cœur qu’elle est contrainte de fréquenter le week-end. Cet exemple vous paraît ubuesque, c’est pourtant ce qui se passe dans la Creuse, dans l’un des dix-huit territoires choisis pour l’expérimentation de France Travail. Parmi plus de quatre-vingts bénéficiaires du RSA, une seule s’est vue proposer une activité – des actions de solidarité à la Banque alimentaire.

Pour limiter les dérives possibles, il est proposé d’exclure toute activité qui pourrait être accomplie à titre lucratif, telle que les stages en entreprise.

M. le rapporteur. Les activités que réaliseront les demandeurs d’emploi s’inscriront évidemment dans le respect du code du travail. Il serait contreproductif d’empêcher les demandeurs d’emploi d’effectuer des stages qui sont souvent un tremplin vers l’emploi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS106 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement important tend à préciser que le plan d’action « respecte le droit à jouir des congés mentionnés au titre IV du livre Ier de la troisième partie » du code du travail.

Les allocataires du RSA ont le droit au repos et celui de partir en vacances, comme tout le monde, n’en déplaise à ceux qui voient en eux de dangereux profiteurs. Or, à aucun moment, le sujet n’est évoqué.

M. le rapporteur. En effet, parce que les demandeurs d’emploi bénéficient déjà de congés en vertu de l’article R. 5411-10 du code du travail, qui prévoit également d’autres cas d’indisponibilités.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS109 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit d’ajouter un alinéa aux termes duquel la durée hebdomadaire d’activité n’est pas applicable à l’allocataire du RSA, au conjoint, au concubin ou au partenaire lié par un pacte civil de solidarité qui occupe un emploi dans les trois derniers mois.

Selon l’étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques de janvier 2023, « RSA : parmi les bénéficiaires fin 2018, deux sur cinq ont travaillé en 2019 », 40 % des allocataires occupent un emploi au cours des mois suivant la perception de la prestation.

Il est absurde de contraindre des personnes à la réalisation d’heures d’activité alors qu’elles sont déjà dans une démarche d’insertion professionnelle.

M. le rapporteur. Je le répète, la situation au regard de l’indemnisation ne saurait être un critère de distinction entre demandeurs d’emploi. Les modalités doivent s’appliquer à tous et trouver à s’adapter à la situation personnelle de chacun.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1198 et AS1199 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (LR). Le groupe Les Républicains est favorable à l’instauration d’une durée d’activité hebdomadaire de 15 heures pour les allocataires du RSA mais souhaite en exclure les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés ainsi que les parents isolés sans solution de garde d’enfant.

M. le rapporteur. C’est la raison pour laquelle il a été précisé que l’exigence d’activité est adaptée à la situation particulière du demandeur d’emploi et aux difficultés qu’il rencontre.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS261 de M. Arthur Delaporte.

Amendement AS859 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Pour rendre le contrat d’engagement plus opérationnel, l’amendement a pour objet de prendre en considération les souhaits – s’épanouir et choisir son métier – et les besoins – travailler pour gagner sa vie – du demandeur d’emploi. C’est important pour lui mais aussi pour les employeurs qui se plaignent souvent de devoir accueillir des personnes qui n’étaient pas intéressées. Cela aboutit parfois à des catastrophes.

M. le rapporteur. Ces précisions me semblent superfétatoires compte tenu de la définition que nous avons adoptée du contrat d’engagement. Demande de retrait, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS737 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement vise à tenir compte de la situation médicale. La santé est primordiale, en particulier dans la vie professionnelle. Il ne faut pas négliger le frein que peut représenter une santé défaillante dans la recherche ou la reprise d’un emploi.

Certes, les qualifications et les expériences comptent mais certains métiers pouvant être exercés à 25 ans ne le sont plus forcément à 50, ou plus difficilement. Certains travailleurs ne sont ainsi plus en état physique de reprendre une activité qui était pourtant le cœur de leur métier. La situation personnelle du demandeur est une notion trop large, il faut spécifier la santé.

M. le rapporteur. La santé fait évidemment partie des éléments relatifs à la situation personnelle du demandeur d’emploi. Par ailleurs, la santé sera déjà prise en compte en amont parmi les critères d’orientation pour justifier le meilleur accompagnement.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet amendement est étonnant. La situation médicale est appréciée sur la base de données, ce qui va à l’encontre du secret médical. Il serait dangereux que des données médicales soient communiquées à des professionnels dont la santé n’est pas le métier. Le droit à la protection de ces données a été conquis de haute lutte, ce serait un recul préjudiciable que d’accepter cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS107 de M. Arthur Delaporte et amendements identiques AS779 de Mme Astrid Panosyan-Bouvet et AS1211 de Mme Farida Amrani (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de tenir compte, dans le contrat d’engagement, des sujétions de parents d’enfants handicapés, des personnes isolées assurant la charge d’un enfant et des aidants. L’amendement a été rédigé en collaboration avec APF France handicap.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). J’espère que mon amendement sera adopté. Il vise à s’assurer que la situation d’aidant familial est bien prise en compte par le contrat d’engagement. Le fait de s’occuper d’une personne malade ou en situation de handicap prend du temps. L’aide apportée à un parent n’est pas forcément couverte par la notion de situation familiale. 11 millions de nos concitoyens sont des aidants et trois quarts d’entre eux sont des actifs.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Il s’agit de prendre en compte la situation de proche aidant.

Près de la moitié des proches aidants font part de leur fatigue et de leur impression de se sacrifier. Il est inhumain d’imposer 15 heures d’activité à des personnes sans emploi qui aident un proche. Notre pays compte 11 millions de proches aidants. Près d’un demi-million d’entre eux, en majorité des femmes, passe 34 heures ou plus par semaine à s’occuper d’un conjoint, d’un parent ou d’un enfant en raison de son état de santé, de son âge ou d’une situation de handicap.

M. le rapporteur. Nous partageons tous la volonté de porter une attention particulière aux proches aidants. C’est la raison pour laquelle nous avons hier ajouté la situation de proche aidant parmi les critères d’orientation et d’accompagnement social. Le contrat d’engagement doit évidemment prendre en considération ces critères.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Le contrat d’engagement prend en compte la situation personnelle et familiale mais pas celle d’aidant familial. Ce serait une vraie reconnaissance. En outre, le temps consacré au proche ampute le temps disponible pour la recherche d’emploi.

M. Yannick Neuder (LR). Je n’ai pas compris la réponse donnée à Mme Panosyan‑Bouvet.

M. le rapporteur. Les amendements sont satisfaits.

La commission rejette successivement les amendements.

L’amendement AS1294 de M. Cyrille Isaac-Sibille est retiré.

Amendement AS558 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement concerne la nature des informations communiquées aux organismes référents. Il vise à supprimer celles relatives à la situation personnelle et familiale et à ajouter les « besoins éventuels du demandeur en matière d’aménagement de l’ergonomie du poste de travail ou d’horaires », éléments qui sont plus utiles dans un parcours de retour vers l’emploi et qui le sont moins pour le contrôle social.

M. le rapporteur. Le contrat d’engagement tient compte des besoins du demandeur d’emploi afin d’y répondre au mieux. Ces besoins dépendent de la situation personnelle et familiale du demandeur d’emploi pour éviter que ce dernier soit contraint et donc insatisfait de son accompagnement. C’est uniquement dans cette optique que le contrat d’engagement recueille des informations relatives à la situation personnelle et familiale du demandeur.

S’agissant des besoins en matière d’aménagement de l’ergonomie du poste de travail ou d’horaires, ils ne me semblent pas trouver leur place dans le contrat d’engagement puisqu’ils seront discutés avec un éventuel employeur au moment de la signature d’un contrat de travail.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1233 de Mme Gisèle Lelouis

Mme Sandrine DogorSuch (RN). Le demandeur d’emploi doit se sentir écouté. Le contrat d’engagement ne doit donc pas prendre en compte les seuls paramètres techniques mais aussi les demandes, projets et ambitions du demandeur d’emploi, sinon celui-ci ne tiendra pas ses engagements, sera radié et ne réussira donc pas à revenir vers l’emploi.

M. le rapporteur. Ces éléments sont déjà pris en compte dans le contrat d’engagement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS478 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS316 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à défendre un service public accessible, adapté aux personnes, qui ne soit pas uniquement numérique. Il a été rédigé en collaboration avec le Secours catholique et le collectif Alerte qui luttent contre la fracture numérique.

M. le rapporteur. Votre proposition me semble trop prescriptive pour figurer dans la loi.

Nous souhaitons tous accélérer la prise en charge des demandeurs d’emploi mais le délai maximal d’un mois que vous prévoyez ne me semble pas aussi raisonnable que vous le présentez, notamment pour les départements accueillant les personnes les plus en difficulté.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Peut-être pouvons-nous revoir le délai pour parvenir à l’adoption de l’amendement en séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS710 de Mme Karine Lebon

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS1096 de Mme Farida Amrani et AS559 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Il est crucial de rétablir l’équilibre du contrat d’engagement au profit du demandeur d’emploi.

Par cet amendement, nous souhaitons que chaque demandeur d’emploi soit informé des modalités de recours contre l’État lorsque celui-ci échoue à remplir sa mission d’accompagnement. Selon la logique coercitive et comptable du texte, une personne privée d’emploi serait coupable de ne pas s’investir suffisamment pour trouver un emploi. La réalité est tout autre : alors que l’État échoue à créer des emplois de qualité et ne tient pas sa promesse d’un accompagnement adapté aux besoins, la responsabilité est sans cesse rejetée sur les demandeurs d’emploi. Ceux-ci doivent pouvoir faire valoir leurs droits et être informés des possibilités de recours. Le contrat d’engagement doit être pleinement réciproque.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Le demandeur d’emploi doit disposer d’un recours contre son organisme référent si ce dernier échoue manifestement à remplir sa mission d’accompagnement. L’amendement a été rédigé en collaboration avec la Fédération des acteurs de la solidarité.

Cela fait deux jours que vous nous parlez de réciprocité mais il faudrait enfin lui donner du contenu. Le contrat est pour l’instant totalement déséquilibré au détriment du demandeur d’emploi. L’amendement a pour objet d’imposer des devoirs aux organismes référents en contrepartie de ceux du demandeur d’emploi.

M. le rapporteur. L’engagement de la responsabilité de l’opérateur pour carence dans l’exercice de ses missions est tout à fait possible selon une jurisprudence constante et bien établie sans qu’il soit besoin de le préciser dans la loi.

Par ailleurs, vous visez l’État ou ses représentants dont la responsabilité ne peut être engagée puisqu’ils ne sont pas partie au contrat. Le cas échéant, c’est bien la responsabilité de l’opérateur qui serait engagée.

Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Depuis deux jours, vous déplorez le manque d’agents dans les organismes référents. Et soudain, vous proposez de leur mettre une pression morale incroyable en les menaçant d’engager leur responsabilité s’ils accompagnaient mal les demandeurs. Vous faites feu de tout bois pour soutenir une analyse qui n’a aucun sens.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cette analyse est celle du Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi. Il recommande d’inscrire dans la loi la jurisprudence évoquée par M. Christophe.

La commission rejette successivement les amendements.

 

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5.   Réunion du mercredi 20 septembre 2023 à 9 heures 30 (article 2 [suite])

 

Lors de sa première réunion du mercredi 20 septembre 2023, la commission poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528) (M. Paul Christophe et Mme Christine Le Nabour, rapporteurs) ([375]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Mes chers collègues, depuis lundi, nous avons examiné 319 amendements. Il en reste 807 en discussion.

Article 2 (suite) : Redéfinir les droits et devoirs des demandeurs d’emploi

Amendement AS111 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à garantir que les carences de l’organisme référent dans l’accompagnement du signataire du contrat d’engagement sont constitutives d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, notamment rappelée dans sa décision du 28 décembre 2018 et dans le point 8 de son avis sur le présent texte de loi, d’après lequel il faut « clarifier la rédaction des dispositions [...] en identifiant notamment le plan d’action comme une composante à part entière » du contrat d’engagement, et qui rappelle que « les carences de France Travail dans l’exercice de ses missions d’accompagnement personnalisé seront susceptibles de constituer des fautes ».

M. Paul Christophe, rapporteur pour les titres Ier et II. Je ne vois pas l’intérêt d’inscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil d’État. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS861 de M. Yannick Monnet et AS1177 de Mme MarieCharlotte Garin

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement AS861 est issu de propositions de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux. Il ouvre la possibilité de changer de conseiller ou de conseillère sur demande. Cette relation doit s’établir sur de bonnes bases, afin que le contrat corresponde aux besoins du demandeur d’emploi et qu’il se sente à l’aise.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Mon amendement est issu d’une proposition du collectif Alerte. Ouvrir aux demandeurs d’emploi la possibilité de changer de conseiller sur demande replace le choix et le pouvoir d’agir des allocataires au centre de leur accompagnement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS99 de M. Arthur Delaporte, AS480 de Mme MarieCharlotte Garin et AS560 de Mme Farida Amrani

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de supprimer les alinéas 12 à 17 afin de supprimer toute référence, dans le contrat d’engagement, au concept d’offre raisonnable d’emploi (ORE). Dans la continuité de l’opposition historique des parlementaires socialistes à la création de ce concept dans la loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi, nous rappelons que le demandeur d’emploi ne choisit pas sa situation de chômage et que la notion d’offre raisonnable d’emploi entretient le mythe du chômage volontaire.

Par ailleurs, l’accompagnement des allocataires du RSA ne vise pas nécessairement à les orienter vers l’emploi. Nous regrettons donc qu’ils soient inscrits en qualité de demandeurs d’emploi.

M. le rapporteur. L’ORE sera définie et élaborée par le demandeur d’emploi lui-même. Avis défavorable.

M. Marc Ferracci (RE). Ces amendements font peu de cas du rapport demandé par notre collègue Pierre Dharréville lors de l’examen, l’an dernier, de la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Ce rapport, relatif à l’ORE, nous permettra d’en savoir un peu plus sur son efficacité. Il serait de bon ton d’attendre qu’il soit remis pour porter un jugement sur le concept.

M. Arthur Delaporte (SOC). Merci de préciser qu’il faut évaluer ce concept : on peut effectivement s’interroger sur son efficacité. C’est pourquoi il n’est pas justifié de l’imposer aux allocataires du RSA. Attendons d’en connaître l’évaluation pour les demandeurs d’emploi à titre plein bénéficiaires de l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS95 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement de repli vise à empêcher d’imposer l’acceptation d’une offre raisonnable d’emploi. Même si l’ORE est élaborée conjointement avec l’allocataire, celui-ci doit conserver la liberté de l’accepter ou non. C’est son libre consentement qui nous guide depuis le début de l’examen du texte.

M. le rapporteur. Il n’est nullement remis en cause, dès lors que l’ORE est élaborée conjointement par l’allocataire et son référent. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’élaboration est certes conjointe, mais à la fin, ce n’est pas l’allocataire qui tranche. C’est là qu’est le problème. Le texte prévoit qu’il en élabore une, pas qu’il peut choisir de l’accepter ou non.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS864 de M. Yannick Monnet

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Notre opposition à la notion d’offre raisonnable d’emploi est constante, et le texte rend sa définition encore plus stricte. Les modifications rédactionnelles proposées ne seront pas sans conséquences.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Pour qui l’offre raisonnable d’emploi est‑elle raisonnable ? Monsieur le rapporteur, vous partez du principe qu’une discussion entre un salarié de France Travail et quelqu’un qui joue sa vie et son quotidien se déroule à égalité. Celui qui doit décider en dernier ressort est la personne demandeuse d’emploi.

Les mots employés dans le projet de loi révèlent une volonté d’imposer le travail aux gens, dans un contexte de salaires très bas et de pénibilité que rien ne contrarie, dans lequel les employeurs font la pluie et le beau temps. Il s’agit d’un cadeau aux grands groupes et aux employeurs en général, qui auront une arme contre les salariés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS116 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement, comme mon précédent amendement, a été rédigé en concertation avec l’association Départements Solidaires, dont les membres s’inquiètent des dispositions du présent projet de loi, notamment relatives à l’ORE.

Cet amendement de repli vise à garantir la possibilité de rejeter au moins une ORE pour des motifs dits légitimes, comme le permet le droit en vigueur. Tel qu’il est rédigé, l’article 2 emploie le concept d’offre raisonnable au singulier, ce qui suggère qu’un seul refus pour des motifs dits légitimes, et non deux, sera recevable. Il s’agit donc d’un durcissement du droit en vigueur pour les allocataires du RSA. Si le projet de loi ne modifie pas l’article L. 5412-1 du code du travail fixant à deux le nombre d’ORE qu’il est possible de refuser pour des motifs dits légitimes, il convient d’adopter la modification rédactionnelle que nous proposons pour lever tout doute dans son application aux allocataires du RSA.

M. le rapporteur. L’alinéa 12 ne modifie en rien l’article L. 5412-1 du code du travail. Les demandeurs d’emploi peuvent d’ores et déjà refuser une ORE, le manquement n’étant caractérisé qu’au second refus.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’alinéa 12 dispose : « le contrat d’engagement définit les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi que le demandeur d’emploi est tenu d’accepter ». Le contrat fixe donc les termes de l’offre d’emploi qu’il sera ensuite obligé d’accepter, même en cas de différences d’appréciation.

Nous considérons que cette façon de procéder ne va pas du tout, d’autant que, parmi les paramètres que vous avez modifiés, figure le niveau de rémunération. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le refus d’une offre d’emploi. Le texte place le demandeur ou la demandeuse d’emploi en position de subsidiarité, ce qui créera des situations intenables.

M. Didier Le Gac (RE). Cher collègue, je vous invite à lire l’alinéa 13, qui est très clair. Il dispose : « Les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi comprennent la nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu ». Ainsi définie, l’ORE n’impose rien.

Il dispose également : « Ces éléments peuvent être révisés, dans le cadre d’une actualisation du contrat d’engagement, notamment afin d’accroître les perspectives de retour à l’emploi du demandeur d’emploi ». Le contrat d’engagement réciproque est clairement discuté et négocié avec le bénéficiaire du RSA ou le demandeur d’emploi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS561 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous souhaitons que l’organisme référent ne puisse pas imposer aux demandeurs d’emploi dont le projet professionnel inclut une activité salariée la création d’entreprise sous statut d’autoentrepreneur ou d’indépendant.

Le rapport de la commission d’enquête relative aux révélations des Uber Files a démontré l’absence de contrôle efficace, par Pôle emploi, des offres d’emploi dans ce domaine. Plus d’une sur deux est frauduleuse, inexistante ou mensongère. Tel est notamment le cas des offres d’emploi sous statut d’autoentrepreneur publiées par les plateformes relevant de l’ubérisation. Certaines, StaffMe par exemple, se livrent à une concurrence déloyale et devraient être condamnées pour travail illégal. Elles tentent un grand remplacement du travail salarié, en commençant par le travail salarié intérimaire.

Il faut préserver le droit du demandeur d’emploi et de l’allocataire du RSA en recherche d’emploi à l’emploi salarié. Nul ne doit être soumis à une pression visant à lui faire accepter n’importe quel boulot pourri dans le cadre de l’autoentrepreuneuriat, sous contrat précaire, sans aucune protection, sous peine de radiation.

M. le rapporteur. L’alinéa 12 commence bien par : « Si le projet professionnel du demandeur d’emploi comporte la recherche d’une activité salariée ». L’ORE devra donc tenir compte de ce critère.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1435 de M. Paul Christophe.

Amendement AS862 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Monsieur Le Gac, je conteste également l’alinéa 13, qui repose aussi sur la notion d’ORE ! Qui appréciera la validité du contrat proposé à l’aune des critères fixés ? Ce devrait être le demandeur d’emploi, mais tel n’est pas le cas.

Pour contrecarrer les effets négatifs de l’alinéa 12, nous proposons de le compléter afin que le demandeur d’emploi soit étroitement associé à l’actualisation du contrat d’engagement.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait. Il s’agit d’un contrat d’engagement réciproque, lors de son élaboration comme de sa signature. Vous êtes libre de douter de son application, mais notre ambition est de faire en sorte que chaque partie, notamment la personne concernée, soit partie prenante.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet argument a été souvent avancé. Or il y a un déséquilibre entre les contractants – une grande institution d’un côté, un individu de l’autre – qu’on ne peut ignorer. Il faut donc protéger la partie la plus défavorisée dans l’équilibre des forces.

M. Nicolas Turquois (Dem). Pour aller chercher les personnes les plus éloignées de l’emploi, car tel est bien l’objectif du présent projet de loi, il faut, comme le font les missions locales, intégrer l’ensemble des dimensions du chercheur d’emploi ou de la personne en difficulté. La manifestation de sa volonté en fait évidemment partie. Interrogez les acteurs des missions locales : on ne peut rien faire sans s’appuyer sur la volonté du jeune, c’est condamné à l’échec.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS562 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement pose la question de la signification de l’ORE, sous l’angle des obligations imposées aux allocataires du RSA et aux usagers du service public de l’emploi dans leur parcours.

Ces obligations peuvent être vues de deux façons. La première, dont procède le texte, voit dans les critères opposables aux demandeuses et aux demandeurs d’emploi un moyen de boucher les trous du marché du travail. Plus longtemps la personne est inscrite à Pôle emploi, plus sa valeur est révisée à la baisse, sans tenir compte de son parcours et de ses besoins sociaux. Tous les six mois, en vertu d’une clause de revoyure, on dégrade la valeur de la personne sur le marché du travail.

La seconde, qui est la nôtre, accepte des échanges réguliers sur le contrat avec un conseiller ou une conseillère, pour faire le point sur les besoins et les envies de la personne, et éventuellement modifier son projet. Pour qu’une telle démarche soit opérationnelle et respecte la dignité humaine, il faut empêcher toute évolution à la baisse. On ne doit pouvoir discuter que d’un changement de secteur, de métier, de formation, d’appétence, plutôt qu’être réduit, par des logiques de dumping et d’usure physique et morale, à vendre sa force de travail pour rien.

M. le rapporteur. Je trouve votre proposition un peu dangereuse. Le demandeur d’emploi peut aspirer à trouver une autre activité, peut-être à la suite d’une formation ou d’un changement de situation géographique : vous l’en priveriez de prime abord !

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il y a une différence entre les termes du contrat et ce que les gens doivent faire. Qu’un contrat prévoie qu’il faut accepter un boulot payé 1 800 euros par mois n’interdit pas d’en accepter un à 1 700. C’est un choix qui s’offre à vous. Nul ne vérifie ni n’interdit d’opter pour un moins-disant. Mais l’engagement formel du contrat ne doit pas vous être opposé pour dégrader le prix de votre force de travail. La question est de savoir qui décide : une administration, qui peut réduire votre valeur, ou vous-même, qui pouvez, pour de multiples raisons, souhaiter entamer un autre parcours ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS870 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous souhaitons rétablir la notion de salaire attendu, qui est fondamentale pour le retour à l’emploi. Le salaire n’est pas uniquement un moyen de vivre dignement de son travail, il est aussi une reconnaissance d’une force de travail. S’il est trop faible, la force de travail n’est pas reconnue, d’où un effet de dévalorisation de la personne. Les personnes éloignées de l’emploi ont besoin d’être valorisées dans l’acte de production qu’elles fourniront. Nous sommes très attachés à la notion de salaire attendu.

M. le rapporteur. Nous aussi, à tel point que nous légiférons à droit constant sur ce point. Nous ne modifions en rien l’article L. 5411-6-1 du code du travail, qui fait bien référence au niveau de salaire attendu.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Monsieur le rapporteur, vous venez vous‑même d’introduire une nuance, passée un peu inaperçue. On passe du « salaire attendu » au « niveau de salaire attendu ». Cette nuance aura son importance dans la réalité concrète.

M. François Gernigon (HOR). Un salaire attendu est arrêté en fonction de la formation, de la qualification et des compétences d’une personne, mais aussi des grilles de salaires : il ne peut pas leur être 20 % ou 30 % supérieur !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS738 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement vise à préciser que les éléments considérés comme constitutifs d’une ORE proviennent bien des souhaits exprimés par le demandeur d’emploi et lui conviennent. L’organisme référent n’a pas à se substituer à la personne en recherche d’emploi et à lui imposer des éléments qui pourraient aller à l’encontre de ses attentes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS113 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Ce débat est singulier. Sous couvert de s’aligner sur le droit en vigueur, le texte durcit discrètement la définition de l’ORE en en modifiant légèrement les termes. Le nombre d’ORE que l’on peut refuser ne figurera plus dans la loi, et le « salaire » deviendra le « niveau de salaire », ce qui est plus subjectif.

Nous proposons de garantir le respect de la volonté du demandeur d’emploi dans la révision de la définition et des caractéristiques de l’ORE. Si cet amendement n’est pas adopté, étant donné que le contrat d’engagement n’est pas librement débattu et que le demandeur sera la partie en difficulté pour négocier ses stipulations – l’égalité entre les parties ne sera pas assurée : le droit du travail repose sur ce constat –, ces éléments pourront élargir considérablement le champ d’offres que le demandeur sera obligé d’accepter.

Il faut donc encadrer strictement la révision de l’ORE, pour ne pas mettre en difficulté le demandeur d’emploi et plus encore l’allocataire du RSA.

Cet amendement a été élaboré avec l’association Départements Solidaires.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Didier Le Gac (RE). Chers collègues de la NUPES, vos amendements démontrent surtout votre niveau de défiance à l’égard des agents du service public de Pôle emploi et des missions locales, dont vous vous faisiez pourtant les porte-parole hier.

Le contrat d’engagement réciproque est signé entre un demandeur d’emploi ou bénéficiaire du RSA et un conseiller. Croyez-vous que celui-ci lui imposera un emploi, une zone géographique, un secteur d’activité ? À l’évidence non ! Une discussion a lieu ; elle aboutit à un diagnostic et à une confrontation. Faites confiance aux agents du service public dont c’est le métier d’accompagner les bénéficiaires du RSA.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je suis un peu affligé par ces remarques répétées. Ce petit jeu est assez pénible.

En réalité, nous sommes en train de construire le cadre, les outils et les objectifs qui seront imposés aux agents par la hiérarchie. Dans ce cadre, les demandeurs d’emploi mais aussi les agentes et agents seront contraints de faire des choses qu’ils n’ont pas envie de faire. Tel est d’ores et déjà le cas depuis que l’ORE a été introduite dans la loi.

Cessez de nous raconter des histoires et de vous présenter comme les défenseurs des agents et des agentes de Pôle emploi. Nous savons très bien qu’il n’en est rien. Nous demandons qu’ils puissent exercer leur métier dans de bonnes conditions et que leur métier ait véritablement le sens qu’ils souhaitent lui donner.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS871 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous souhaitons que l’accord du demandeur d’emploi soit explicitement requis pour la révision des éléments constitutifs de l’ORE.

Le procès d’intention qui nous est fait sur les salariés de Pôle emploi est tout de même un peu fort de café, s’agissant d’un texte qui verrouille leur activité par le biais d’un contrat d’engagement très rigide. Si vous leur faites confiance, pourquoi soumettre le contrat d’engagement à de telles contraintes ? Faites-leur confiance jusqu’au bout ! Laissez-les gérer l’accompagnement avec plus de liberté, sans imposer un contrat d’engagement spécifique. Pour notre part, nous leur faisons confiance, ce qui dispense d’ailleurs de leur consacrer un texte de loi.

Quant à la notion de niveau de salaire, je maintiens qu’elle est distincte de celle de salaire. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un métier, mais seriez-vous prêt à être député pour « approximativement » 5 000 euros, à 2000 ou 3 000 euros près ? Sans doute pas, compte tenu du travail à fournir. Le niveau de salaire est une approximation qui ne place pas le salaire au cœur du travail.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

En l’état, l’article L. 5411-6-1 mentionne bien le « niveau de salaire attendu ». Vérifiez. Vous nous faites un faux procès, ce qui n’est pas très sympathique. Nous légiférons à droit constant et conservons cette formulation.

Mme Monique Iborra (RE). J’ai rédigé en 2013, ce qui remonte à loin, certes, un rapport d’information sur Pôle emploi et le service public de l’emploi, que je remercie M. Delaporte d’avoir mentionné hier, même s’il m’est parfois difficile de l’écouter jusqu’au bout.

Les agents de Pôle emploi sont assez militants. On ne leur fait pas faire ce qu’on veut. Ils sont très professionnels et très attentifs aux demandeurs d’emploi. On ne peut penser qu’ils seront aux ordres et qu’ils ne tiendront pas compte des situations particulières dès lors qu’on les a rencontrés et qu’on les a vus travailler, ce que j’encourage chacun à faire.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Mes chers collègues, je suis assez étonnée que vous parliez au nom des agents de Pôle emploi. Pourquoi n’avez-vous pas auditionné les organisations syndicales de Pôle emploi ? Toutes vous diraient que vous n’avez cessé de dégrader leurs conditions de travail, de mener une politique visant à mettre en faute en permanence les demandeurs et les privés d’emploi. Inscrire dans la loi l’accord du demandeur d’emploi est un minimum.

Vous avez évacué sans débat mon amendement sur les jobs de l’autoentrepreneuriat. Faut-il en conclure que, demain, un agent de Pôle emploi pourra être contraint par sa hiérarchie d’imposer aux demandeurs d’emploi n’importe quel boulot non salarié en statut d’autoentrepreneur ? Dans quelle logique vous inscrivez-vous ? Celle qui consiste à accepter n’importe quel emploi, donc à contribuer à la dégradation du niveau de qualification et de rémunération du salarié pour faire baisser les salaires ? Cette logique, nous n’en voulons pas. Nos amendements visent à protéger les droits des demandeurs et privés d’emploi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS563 de M. Hadrien Clouet

M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). Il s’agit de supprimer la possibilité de réviser à la baisse, donc en défaveur du demandeur d’emploi, les critères de l’ORE lors de l’actualisation périodique du contrat d’engagement.

Vous dites faire confiance aux agents de Pôle emploi pour ne pas chercher à maltraiter les demandeurs d’emploi, à leur imposer un travail exigeant, loin de chez eux, aux conditions dégradées. Nous souhaitons tous leur garantir un haut niveau d’emploi et de qualification.

Si, comme nous, vous ne doutez pas que les agents de Pôle emploi n’imposeront pas, par une sorte de sadisme, des conditions de travail dégradées, inscrivez dans la loi, en adoptant le présent amendement, l’impossibilité de renégocier le contrat d’engagement en défaveur du demandeur d’emploi. Il faut une garantie pour protéger le demandeur d’emploi et combler le déséquilibre entre les deux parties lors de l’établissement du contrat d’engagement.

M. le rapporteur. Nous faisons confiance aux travailleurs sociaux et aux salariés de Pôle emploi pour proposer des offres d’emploi toujours plus favorables.

Madame Simonnet, nous avons auditionné les syndicats de Pôle emploi. C’était même la première d’une longue séquence d’auditions très instructives.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). À propos de confiance, il en est qui ne font pas confiance à l’article 2. Tel est notamment le cas des organisations syndicales, qui ne font pas davantage confiance aux autres articles du projet de loi. Quant au conseil d’administration de Pôle emploi, il a émis un avis défavorable à cet article 2. Je veux bien entendre tous les arguments, mais il faut aussi regarder la réalité en face.

Monsieur le rapporteur, notre sympathie n’est pas en cause. La version de l’article L. 5411-6-2 du code du travail en vigueur depuis le 3 août 2008 dispose : « La nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu, tels que mentionnés dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi, sont constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi ». C’est la loi, et donc vous la modifiez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS564 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). La réforme de l’assurance chômage de 2019 fait peser une contrainte démesurée sur les sans-emploi, désormais sommés d’accepter la première offre d’emploi venue, au prix d’une dégradation de leurs conditions matérielles d’existence. Le présent amendement vise à la réintégration d’un droit au refus au motif que le salaire proposé est inférieur au salaire antérieur ou que le temps de transport pour rejoindre le lieu de travail est supérieur à une heure.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les dispositions proposées relèvent du champ réglementaire ou contractuel.

Cher Pierre Dharréville, l’alinéa dont nous parlons porte bien sur l’article L. 5411-6-1, pas sur le L. 5411-6-2.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). Tout ce que nous examinons là, ce sont les paramètres juridiques qui seront intégrés dans les logiciels de gestion de Pôle emploi, dont ils sont le principal outil de travail. La confiance que l’on porte aux travailleurs ou travailleuses sociaux ainsi qu’aux conseillers ou conseillères n’est pas en cause, pas davantage que leur responsabilité personnelle : il ne s’agit pas d’une question individuelle.

Depuis de nombreuses années, leur capacité d’autonomie dans leur travail et de gestion humaine des personnes qui sont dans leur portefeuille est complètement entravée et réglementée. Elle est régie par deux considérations : un nombre élevé de personnes à gérer, qui pèse sur leur capacité à calibrer humainement les réponses, et des obligations imposées dans le cadre d’une gestion par les chiffres de tout ce dont nous discutons. Dire qu’ils auront une marge de manœuvre humaine est faux, hélas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS115 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’alinéa 14, comme bien d’autres, introduit dans la loi ce qui n’y était pas et durcit les dispositions de nature réglementaire. Il dispose : « Conjointement à la définition des éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi, le contrat d’engagement précise les actes positifs et répétés de recherche d’emploi que le demandeur d’emploi est tenu de réaliser ». Cela va plus loin que le droit en vigueur qui, à l’article R. 5411-11 du code du travail, ne donne aucune précision sur les « actes positifs et répétés ». L’assumez-vous ?

M. le rapporteur. Cher Arthur Delaporte, nous respectons le droit en vigueur. La notion d’actes positifs et répétés figure à l’article L. 5411-6 du code du travail.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’article R. 5411-11 prévoit que le demandeur d’emploi « accomplit » de tels actes. Le texte dont nous discutons dispose que le contrat d’engagement les « précise ». Ce n’est pas la même chose. Vous ne pouvez pas faire comme si vous ne durcissiez pas la loi en vigueur, en introduisant dans le contrat d’engagement des dispositions qui n’y figurent pas actuellement. Nous nous opposons à une mise sous contrôle intégral de la vie de l’allocataire du RSA.

Mme Isabelle Valentin (LR). Depuis le début de l’examen du texte, des visions très différentes de la place du travail dans notre société s’opposent. À mes yeux, le travail est essentiel. Toutes nos entreprises cherchent à recruter, quels que soient les qualifications, métiers et salaires ; en face, nous avons 2 200 000 chômeurs. Il faut resserrer un peu les règles !

Ce dont nous parlons est bien une « assurance » chômage. Quand on a une assurance voiture, on ne rentre pas dans un arbre juste pour se faire rembourser. Or beaucoup de gens profitent de l’assurance chômage. Ils disent avoir un « droit ». On entend beaucoup parler de droits, très peu de devoirs. Je regrette, mais il existe en France, des devoirs, notamment dans l’éducation nationale, dans l’éducation tout court et dans le travail.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS875 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). J’imagine que la majorité acquiesce aux propos de Mme Valentin. Pas nous. C’est d’ailleurs un point de divergence entre nous : à gauche, nous demeurons avec une certaine constance opposés à la loi Sarkozy d’août 2008, alors qu’un certain nombre de membres de la majorité s’y sont apparemment ralliés. Chacun son parcours politique et sa cohérence. Nous, nous continuons à la combattre car nous pensons qu’elle est le pire outil pour amener les gens à l’emploi.

Mon amendement vise à préciser l’alinéa 14. Aux « actes positifs et répétés », nous préférons « les actions de recherche d’emploi que le demandeur d’emploi a pour objectif de réaliser ». Cette formulation est plus claire et plus saine. Elle distingue ce que doit faire le demandeur d’emploi et ce que doit produire la structure d’accompagnement à l’emploi.

M. le rapporteur. Cher collègue je ne remets pas en cause votre constance. Moi, je reste défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Qui est responsable d’une radiation ? L’article L. 5411-6 du code du travail ne le précise pas. Mais lorsqu’on signera un contrat d’engagement, on sera non seulement suivi par un conseiller référent – il n’y a quasiment aucune radiation dans ce cas – mais aussi par des équipes dites « CRE » (contrôle de la recherche d’emploi), qui sont des plateformes externes faisant du contrôle téléphonique ou par formulaire écrit. Il est donc faux d’affirmer que ce sont les conseillers placement qui opèrent le contrôle de l’offre raisonnable d’emploi : cela ne se joue pas pendant l’entretien, mais après.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1088 de M. Jocelyn Dessigny

M. Victor Catteau. L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Autre problème, le contrôle de l’ORE relève de la compétence du juge judiciaire pour les contentieux relatifs aux allocations chômage, et de celle du juge administratif pour les litiges avec l’État – inscription, désinscription, erreurs de calcul, trop-perçu, etc. Cette division explique que des radiations soient prononcées sans que des recours soient exercés, d’autant que vous avez imposé un filtre avec la saisine de la direction régionale de Pôle emploi. Bref vous avez multiplié les acteurs extérieurs à Pôle emploi. Nous contestons ces magistratures administratives qui ont pour mission quasi exclusive de contrôler les gens sans jamais les recevoir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS739 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement vise à imposer à l’organisme référent une obligation de juste suivi des demandeurs d’emploi, qui se sentent trop souvent abandonnés dans leurs démarches. Si les demandeurs doivent respecter des engagements, l’organisme, lui, doit avoir une responsabilité accrue et faire le maximum pour les aider.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1089 de M. Jocelyn Dessigny

M. Victor Catteau. L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS657 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement vise à supprimer l’obligation pour le demandeur d’emploi dont le projet comporte la reprise ou la création d’une entreprise d’en définir les éléments et actes qu’il est tenu de réaliser. C’est trop contraignant.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1090 de M. Jocelyn Dessigny

M. Victor Catteau. L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS117 de M. Arthur Delaporte et AS877 de M. Pierre Dharréville, amendements AS565 de Mme Danielle Simonnet et AS1138 de M. Victor Catteau (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement, élaboré avec le Collectif Handicaps, vise à étendre la dispense de contrat d’engagement aux aidants obligés d’interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper d’un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Ces aidants, qui jouent un rôle social important, sont parfois dans une grande précarité et contraints de ne vivre qu’avec le RSA. Il faut reconnaître leur situation, d’autant que le secteur de l’autonomie peine à recruter.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous insistons sur cette question. Je précise par ailleurs que la radiation d’une personne qui refuserait de signer ou d’actualiser le contrat qui lui est proposé débouchera sur une exclusion de droits : cela soulève des questions en cascade auxquelles nous devrons répondre.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous devons absolument exempter les personnes aidantes de l’obligation de signer un contrat d’engagement et d’effectuer 15 heures hebdomadaires. Je vous garantis qu’elles effectuent déjà bien plus ! Vous avez reconnu qu’il n’est pas possible de ne pas tenir compte de leur situation, alors adoptez ces amendements.

M. Victor Catteau (RN). Effectivement, il faut éviter de pénaliser les personnes aidantes qui ont suspendu leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs proches et les exempter de l’obligation de signer un contrat d’engagement.

M. le rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par l’alinéa 17 de l’article 1er, qui prévoit de dispenser de l’acceptation d’une ORE toutes les personnes en accompagnement social. Les situations de proche aidant et les difficultés pour la garde d’enfant sont intégrées dans les critères permettant l’orientation vers un accompagnement social.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1018 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). L’amendement vise à exempter des obligations inhérentes au contrat d’engagement les personnes qui sollicitent un accompagnement par un organisme de placement spécialisé dans l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Le handicap est le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination, et l’emploi le premier domaine dans lequel s’exercent ces discriminations. C’est à la collectivité de lutter contre les discriminations liées au handicap, cessons d’en faire porter la responsabilité aux personnes qui en sont victimes ! Nous devons augmenter les moyens consacrés à l’accessibilité universelle, notamment dans l’emploi. Pour ce faire, tout le monde devrait être formé, à Pôle emploi comme dans bien d’autres secteurs.

M. le rapporteur. Je partage votre ambition concernant la formation.

Avis défavorable à votre amendement car il reviendrait à exclure ces personnes de l’accompagnement social qui est proposé dans le contrat d’engagement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS872 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement vise à rétablir un meilleur encadrement de la définition de l’ORE.

M. le rapporteur. Une telle disposition relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS805 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (LR). L’amendement a pour objet de systématiser les radiations et les suppressions des allocations en cas de manquement, et d’allonger la durée des sanctions. Tous les pays qui sont très généreux en matière d’indemnisation du chômage ou d’aides sociales ont une grande exigence en termes de retour à l’emploi. Il n’y a qu’en France qu’on s’est permis de s’affranchir pendant trop longtemps de ces règles. Alors que tant de secteurs peinent à recruter, il me paraît nécessaire que chacun contribue à l’effort productif de la nation.

M. le rapporteur. Si les chiffres nous invitent à revoir la question des contrôles effectués par Pôle emploi et demain par France Travail, ils ne nous incitent pas à durcir les sanctions sous cette forme. En revanche, nous souhaitons instaurer un régime de sanctions plus progressif pour les bénéficiaires du RSA : c’est l’objet de l’article 3.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il n’est pas vrai que les régimes d’assurance chômage et de protection sociale français soient particulièrement généreux ou laxistes. Ainsi, en Allemagne, une insuffisante recherche d’emploi entraîne une réduction d’indemnisation de deux semaines, alors qu’elle entraîne une radiation en France. Le refus d’un contrat entraîne en France quinze jours de radiation la première fois, puis la durée augmente jusqu’à six mois ; en Allemagne, c’est trois semaines de réduction. On peut comparer avec tous les pays voisins : le régime français d’assurance chômage est plus dur – ce n’est pas forcément le cas pour le RSA. Il n’y a donc aucun lien entre le caractère rigoriste et disciplinaire d’un régime et ses effets en matière d’emploi.

M. Fabien Di Filippo (LR). Vous prenez toujours les exemples qui vous arrangent, en évitant de parler du niveau des indemnisations. Vous ne citez pas non plus les pays du nord de l’Europe et le Royaume‑Uni, où le nombre de refus toléré est bien moindre. On peut se draper dans la naïveté, mais il y a tout de même des personnes qui refusent de reprendre un emploi parce que leurs prestations sociales sont plus confortables. A-t-on encore le luxe de se permettre cela ? Cela est-il souhaitable en matière de rapport culturel au travail ? Cela n’aboutit qu’à la lente paupérisation du pays.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS881 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement vise à redéfinir les conditions dans lesquelles un demandeur d’emploi pourrait être sanctionné en cas de refus répété d’une offre d’emploi, en précisant quelles doivent être les principales caractéristiques de cette offre. Il s’agit d’écrire le droit de manière un peu plus protectrice.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1125 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). Le système d’engagement que vous proposez a déjà été expérimenté, avec le contrat d’engagement jeune (CEJ). Or le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le CEJ met en évidence les limites d’un « accompagnement » qui est en réalité un système de surveillance et de flicage. Les personnes en difficulté sont celles à qui l’on impose le plus d’obligations : c’est non seulement injuste mais également inefficace. Il faut trouver d’autres formes d’accompagnement, plus respectueuses et plus à l’écoute des besoins des personnes, notamment des jeunes.

M. le rapporteur. Les alinéas que vous souhaitez supprimer sont indispensables au mécanisme du contrat d’engagement. Avis défavorable.

Mme Anne Bergantz (Dem). Le contrat d’engagement tient évidemment compte de la situation et des compétences des personnes concernées. Vous avez une vision procédurière du contrat d’engagement, alors que nous souhaitons renforcer les bases de l’accompagnement. Lorsque je travaillais dans le milieu social, j’ai rencontré bon nombre de bénéficiaires du RSA qui n’avaient pas rencontré le moindre conseiller pendant un an. Ils se sentaient abandonnés. Nous voulons y remédier, et accompagner ces personnes.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Puisque M. Di Filippo m’a reproché de ne pas citer les pays du nord de l’Europe, examinons le cas de la Suède : au premier refus, vous encourez un avertissement ; au deuxième, un jour de suspension ; au troisième, trois jours de suspension ; au quatrième, dix jours de suspension. La Suède est donc bien moins sévère que la France. Je reste à votre disposition pour passer tous les pays en revue : vous constaterez que le système français est un des plus durs en Europe.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS101 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Toutes les études montrent que les sanctions n’ont pas d’effet positif sur l’insertion – celle de l’Igas est carrément écrite au vitriol. Lorsque nous demandons des données sur le sujet, personne ne nous les donne. Ce qui est clair, c’est que vous allez précariser les bénéficiaires en leur retirant une partie importante de leurs droits. La sanction est limitée à 25 % de l’indemnité pour le CEJ, mais elle pourra porter sur la totalité pour le RSA. C’est ce que nous voulons éviter avec cet amendement.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). L’augmentation permanente des contrôles et des sanctions à l’encontre des personnes privées d’emploi ne fonctionne pas, et provoque une paupérisation massive. Mais vous refusez de rompre avec ce système. Si vous voulez favoriser l’insertion, il faut changer de logiciel.

M. Stéphane Viry (LR). Il faut arrêter de dire que le système repose sur des sanctions à tout-va : en pratique, il y a très peu de sanctions. Par nature, un contrat comporte des obligations réciproques, une procédure de contrôle et de sanction. Si l’on est contre, il faut abandonner le principe du contrat.

Dans les faits, peu de sanctions sont prononcées, parce qu’il existe en amont un mécanisme de prévention : le bénéficiaire sait à quoi il s’expose. La relation contractuelle a le mérite d’être claire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS310 de M. Arthur Delaporte et AS566 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune).

M. Arthur Delaporte (SOC). Monsieur Viry, il n’y a pas de sanction dans un contrat moral, par exemple. Et si un contrat prévoit des sanctions, elles doivent concerner les deux parties ; or, la sanction pour non-respect de l’accompagnement n’existe pas. La Défenseure des droits insiste sur la proportionnalité des sanctions et sur l’existence d’un accompagnement adapté. Votre régime de sanctions est à sens unique et vise simplement à contrôler les bénéficiaires. L’amendement vise à rétablir l’équilibre en imposant également le contrôle des engagements de l’organisme référent.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). La politique fabrique des pauvres et dans les temps qui viennent, le nombre d’allocataires du RSA va exploser. Alors que le taux de non‑recours au RSA s’élève à 35 %, la priorité absolue devrait être d’octroyer celui-ci de façon automatique et de le revaloriser pour qu’il ne demeure pas sous le seuil de pauvreté. Or la vôtre est de trouver les moyens de sanctionner les bénéficiaires.

Vous dites que c’est un contrat d’engagement réciproque. Mais dès lors que l’État et les départements sont défaillants dans l’accompagnement, acceptez au moins que des sanctions puissent être appliquées à l’encontre de l’organisme référent en cas de manquement !

M. le rapporteur. La responsabilité de l’organisme pourra être engagée en cas de carence dans l’exercice des missions. Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Plutôt que de lire des notes, je préfère parler de mon expérience. Quand on est élu local, on accompagne des personnes en grande difficulté. On essaye d’aborder la personne dans sa globalité. Parfois, elle ne sait pas exactement vers quels métiers se tourner et on doit la guider. La sanction n’est pas formalisée : elle consiste à ne plus accompagner la personne si elle ne se mobilise pas. C’est cette démarche globale qu’appliquent déjà les missions locales et qu’il faut généraliser aux différents acteurs de l’emploi.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Ne faisons pas comme si le RSA fonctionnait : ce n’est pas le cas. Seules sept personnes sur dix ayant droit au RSA y ont recours – il faudrait rendre son attribution automatique, et c’était d’ailleurs une promesse du Président de la République – et seules quatre sur dix ayant droit à un accompagnement en bénéficient réellement. Ce ne sont pas les allocataires qui sont défaillants, c’est l’État et les départements et ce sont eux qui devraient se voir appliquer des sanctions.

M. Arthur Delaporte (SOC). M. Turquois se targue de connaître des vraies gens, mais nous connaissons tous des personnes au RSA en galère, qui peinent à faire valoir leurs droits ! J’ai croisé une dame, à Bordeaux, qui ne savait pas où elle allait passer la nuit. Ayant quitté son conjoint et déménagé, elle n’avait pas reçu la lettre lui demandant d’actualiser sa situation, et voilà : son RSA a été suspendu et elle s’est retrouvée à la rue. Voilà la réalité des sanctions.

M. Alexandre Vincendet (LR). Je veux rappeler à nos collègues de la NUPES qu’ils n’ont pas le monopole de la défense des personnes en grande précarité. Votre verbiage n’est rien d’autre que du racisme de classe. Vous partez du principe que quand on est pauvre ou en grande difficulté, on n’est pas capable de respecter les règles. J’ai été maire de Rillieux-la-Pape, ville qui compte plus de 55 % de logements sociaux, et des personnes en difficulté, j’en ai aidé plus que beaucoup d’entre vous. Je peux vous assurer que ces personnes respectent les règles et veulent vivre dans la dignité. Elles ne veulent pas qu’on rase gratis, mais qu’on les accompagne. Arrêtez de les prendre pour ce qu’elles ne sont pas.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS481 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à supprimer la mention relative au contrôle des engagements des demandeurs d’emploi, des bénéficiaires du RSA et des jeunes accompagnés par les missions locales. Alors que l’on manque de moyens, ne serait-il pas préférable de consacrer toute notre énergie à les accompagner plutôt qu’à les contrôler ? Parce que, oui, elles veulent retourner vers l’emploi, et c’est d’accompagnement qu’elles ont besoin !

M. le rapporteur. Les alinéas que vous souhaitez supprimer sont inhérents au nouveau contrat d’engagement. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Vous nous accusez de racisme de classe, monsieur Vincendet. Parce que nous sommes favorables à un droit universel à l’accompagnement ? Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? Ce que nous disons, c’est que la sanction produit de la précarité et freine l’accès aux droits. Vous avez dû vous en rendre compte, à Rillieux‑la‑Pape.

Nous sommes tous sensibles aux situations d’extrême précarité. C’est pourquoi l’anti-intellectualisme de M. Turquois, qui préfère parler des gens qu’il rencontre, est insupportable. Je vous garantis qu’il y a aussi des universitaires qui démontrent que les sanctions freinent l’accès aux droits.

M. Nicolas Turquois (Dem). Vous parliez de la personne que vous avez rencontrée à Bordeaux : l’un des enjeux de ce projet de loi est justement de faire travailler les différents opérateurs de l’emploi ensemble afin que l’information soit partagée et que les démarches administratives, qui sont particulièrement stressantes, ne soient réalisées qu’une seule fois. Et les chercheurs vous confirmeront que la déclaration de ressources est l’une des étapes les plus angoissantes pour les demandeurs du RSA. Un des objectifs du texte est de faciliter cela.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1080 de M. Hadrien Clouet

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). L’amendement vise à supprimer l’alinéa 27, qui réaffirme les missions de contrôle et de radiation des demandeurs d’emploi par le service public de l’emploi. Nous contestons le renforcement des tâches de contrôle, alors que les agents ne disposent pas des moyens pour faire face à l’explosion à venir des bénéficiaires du RSA. Le report de l’âge légal de départ à la retraite va entraîner des centaines de milliers de personnes supplémentaires, sans compter le contrôle des conjoints des allocataires. Or les agents sont déjà en grande souffrance.

Vous voulez contrôler des personnes qui devraient avoir simplement droit à ce minimum vital. Cela me choque que l’on ne comprenne pas qu’il s’agit souvent de personnes qui n’arrivent pas à travailler parce qu’il n’y a pas d’accueil pour la petite enfance, parce que leurs difficultés psychologiques ne sont pas diagnostiquées ou parce qu’ils sont brisés par le manque de logement décent.

M. le rapporteur. La suppression isolée de cet alinéa n’a pas de cohérence légistique puisque la loi doit bien prévoir l’organisme compétent pour effectuer des contrôles et prendre, le cas échéant, des mesures de sanction.

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). Les règles qui s’imposent à ces personnes sont parfois totalement absurdes. Une conseillère Pôle emploi m’a raconté qu’en Île‑de‑France, on cherche à recruter tous azimuts pour assurer la sécurité des jeux Olympiques. Des centaines de personnes ont donc été convoquées pour occuper un job dans la sécurité – sauf que nombre d’entre elles n’ont pas la capacité d’occuper ces emplois ! On leur demande de venir à ces réunions, et on les sanctionnera si elles ne viennent pas : c’est absurde. C’est une logique bureaucratique et non pas humaine.

M. Nicolas Turquois (Dem). Le fait qu’il y ait autant de personnes au RSA et en situation de grande dépendance est un scandale. Pour aller chercher ces personnes, pour les aider, le projet de loi entend faire davantage travailler ensemble les différents acteurs de l’emploi ; il aborde l’ensemble des problématiques, notamment celle de la petite enfance, traitée à l’article 10 ; il consacre davantage de moyens à l’accompagnement. Ce n’est peut-être pas suffisant, mais nous avons la volonté de soutenir leurs projets et cela n’avait pas été fait jusqu’à présent.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1457 de M. Paul Christophe, AS1250 de Mme Michèle Peyron et AS1266 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. Par cohérence avec les dispositions votées à l’article 1er, il s’agit de rétablir le changement de dénomination de l’opérateur Pôle emploi en France Travail.

Mme Michèle Peyron (RE). Ce changement de dénomination est un marqueur fort de la transformation attendue de l’offre d’accompagnement en direction des demandeurs d’emploi et des entreprises, et du positionnement de l’opérateur parmi les acteurs de l’insertion et de l’emploi. Il se verra confier de nouvelles missions, comme l’a proposé Thibaut Guilluy à la suite des travaux de la mission de concertation et de préfiguration.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Les sanctions vont exclure les personnes les plus en difficulté du dispositif, et donc nous faire rater notre cible. Ce sont en effet les moins à même de répondre aux exigences d’un contrat d’engagement. C’est pourquoi nous nous opposons aux contrôles et aux sanctions.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement a pour intérêt de mettre en cohérence la dénomination de l’opérateur et la philosophie de votre projet. En effet, le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi devient « Rail » : on a donc France Rail et France Travail. Le problème est que France Travail ne va pas gérer que des travailleurs, mais aussi des allocataires du RSA qui ne pourront pas travailler. Peut-être pourrait-on l’appeler « France Travail et Non‑Travail » ?

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1228 de Mme Gisèle Lelouis

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’objet de l’amendement est d’éviter les radiations abusives. En effet, les demandeurs d’emploi sont parfois radiés sans en comprendre la raison, car ils n’ont pas toujours connaissance de certains détails. Il faut donc prévenir la radiation afin qu’elle demeure une solution de dernier recours, après plusieurs rappels.

M. le rapporteur. Défavorable.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Nous sommes presque ravis d’entendre la voix d’un membre du Rassemblement national. Vous avez déposé très peu d’amendements. Vous prétendez être les représentants et les défenseurs du peuple, mais on ne vous entend pas sur un projet qui vise à contrôler davantage les plus pauvres et à rendre leur vie encore plus difficile. Vous êtes d’accord pour fustiger la politique dite de l’assistanat et de remise en cause des minima sociaux. Les masques tombent, clairement. Ce projet vous met mal à l’aise.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous sommes ici pour travailler. Les propos qui viennent d’être tenus sont hors sujet, madame la présidente.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1436 de M. Paul Christophe.

Amendement AS121 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement vise à prévoir l’information du demandeur d’emploi en amont de sa radiation de la liste des demandeurs d’emploi. La radiation ne pourrait intervenir qu’après un rappel des engagements réciproques pris dans le contrat, mis en parallèle avec les mesures réellement adoptées par l’organisme référent, les droits du demandeur et les voies et délais de recours à sa disposition.

Les études montrent que la sanction risque d’augmenter le taux de non-recours au dispositif. À l’heure actuelle, la motivation des sanctions est très laconique. On peut lire, par exemple : « Ne s’est pas présenté à un rendez-vous ». C’est insuffisant pour une radiation du RSA. Un effort de pédagogie mettrait l’intéressé en mesure d’intenter un recours s’il estime que la sanction n’est pas justifiée.

M. le rapporteur. Il existe une longue procédure, que j’expliciterai en détail en séance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1473 de M. Paul Christophe, AS1249 de Mme Michèle Peyron et AS1265 de M. François Gernigon, et amendement AS882 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. le rapporteur. Cet amendement revient sur l’articulation systématique, instaurée par le Sénat, entre la liste des demandeurs d’emploi et la liste des bénéficiaires du RSA. Le président du département doit garder le pouvoir de radier quelqu’un de la seconde liste. Inversement, il n’est pas opportun que cette radiation entraîne automatiquement celle de la liste des demandeurs d’emploi : l’ancien allocataire a intérêt à rester demandeur d’emploi pour continuer à être accompagné.

Mme Michèle Peyron (RE). Le Sénat a prévu que France Travail, lorsqu’il est l’organisme référent, propose, s’il y a lieu, au président du conseil départemental la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA pour les motifs prévus aux articles L. 5412-1 et L. 5412-2 du code du travail, lesquels définissent la gestion de la liste des demandeurs d’emploi. Or la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA intervient après une période où la personne ne perçoit plus l’allocation, le cas échéant pour des raisons extérieures. Pour bénéficier à nouveau de ce droit, il faut déposer une nouvelle demande et procéder à une nouvelle instruction.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement constitue la traduction de la recommandation numéro 10 de l’avis du Conseil d’État, qui consiste à prévoir l’information du président du conseil départemental pour toute radiation d’un bénéficiaire du RSA.

M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement AS882 au profit des trois amendements identiques.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ces amendements soulèvent une vraie question. Vous voulez éviter l’automaticité de la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA à la suite de la radiation de la liste des demandeurs d’emploi. Malheureusement, cela se produit déjà dans un certain nombre de départements. À la caisse d’allocations familiales du Calvados, on peut lire, parmi les motifs de radiation de la liste du RSA, que la personne a été radiée de la liste des demandeurs d’emploi par exemple, ou qu’elle ne s’est pas présentée à son rendez-vous à Pôle emploi. Une sanction peut avoir des conséquences terribles.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement AS882 tombe.

La réunion est suspendue de onze heures cinq à onze heures quinze.

Amendement AS567 de M. Hadrien Clouet

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). Par votre projet de loi, vous voulez continuer à écraser toujours davantage les plus pauvres et les plus faibles. Le RSA s’élève à 607,75 euros, soit un niveau nettement inférieur au seuil de pauvreté, qui, selon l’Insee, est de 1 102 euros. Avez-vous déjà vécu avec 600 euros pendant plusieurs mois, voire plusieurs années ? Non, parce que, si c’était le cas, vous ne seriez pas ici pour défendre votre projet de loi immonde. Le RSA est un revenu vital. Il faut supprimer l’alinéa 28 et abandonner les nouvelles conditions de versement du RSA.

M. le rapporteur. La logique des droits et des devoirs existe depuis bien longtemps. Nous poursuivrons cette discussion lors de l’examen de l’article 3. Défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). Madame Keke, dans un débat politique, on peut nourrir des désaccords, mais cela ne vous autorise pas à considérer que la position de vos adversaires politiques est immonde. Vous n’avez pas le droit de dire des choses pareilles. Nous ne sommes pas immondes et vous n’êtes pas vertueux. Personne n’a le monopole du cœur.

Par ailleurs, qui paye pour le RSA ? Tout le monde, y compris les salariés les plus modestes. Il faut donc instaurer une contrepartie. Or, par cet amendement, vous entendez supprimer toute contrepartie : vous considérez que le RSA est un acquis. Nous estimons que c’est un droit dont on peut bénéficier en contrepartie de devoirs.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Chacun parle en fonction de son histoire et de son expérience. Le collègue qui vient de dire qu’il y aurait du racisme de classe sur nos bancs, ce qui est une vue de l’esprit, joue avec un délit. S’il y a une politique de classe dans notre pays, c’est bien celle qui supprime l’impôt de solidarité sur la fortune et non celle qui entend secourir les gens au RSA. Nous jugeons votre texte moralement inacceptable, et nous le disons. Ce ne sont pas des personnes qui sont qualifiées d’immondes.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1437 de M. Paul Christophe.

Amendement AS711 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement vise à ce qu’au moins trois rappels soient effectués avant le prononcé d’une sanction. Le texte durcit les conditions, ce qui va entraîner un certain nombre de radiations, notamment pour les personnes les plus en difficulté. Il nous arrive, dans nos permanences, de demander la réintégration de personnes dans leurs droits. Si le projet de loi est adopté, de telles demandes paraîtront malvenues ! Faisons preuve d’un peu de cohérence.

M. le rapporteur. Défavorable.

La suspension du versement ne peut intervenir sans que le bénéficiaire, assisté à sa demande par une personne de son choix, ait été mis en mesure de faire connaître ses observations aux équipes pluridisciplinaires dans un délai d’un mois. Je rappelle que ces équipes sont composées de professionnels de l’insertion sociale et professionnelle, de représentants du département et des maisons de l’emploi ou, à défaut, des personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, ainsi que de représentants des bénéficiaires du RSA. Concrètement, le bénéficiaire est informé par un courrier lui indiquant les motifs pour lesquels la procédure est engagée et les conséquences qu’elle peut avoir. Il est informé de la possibilité d’être entendu par l’équipe pluridisciplinaire et, à l’occasion de cette audition, d’être assisté de la personne de son choix. Compte tenu de ces garanties procédurales, je suis défavorable à votre amendement.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). On ne peut pas dire que jusqu’à maintenant, ça ne fonctionnait pas et que désormais, ça marchera mieux alors qu’on ne change rien ! Les personnes concernées par les radiations sont celles qui sont le plus en difficulté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS104 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement de repli vise à ce qu’une mesure de suppression du RSA ne puisse intervenir qu’après une mesure de suspension, et non de manière alternative. Autrement dit, nous vous proposons une progressivité de la sanction.

M. le rapporteur. Vous visez les alinéas 28 et 29, qui concernent le contrôle des engagements et non la sanction. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Avec cet amendement, le président du conseil départemental prendrait, s’il y a lieu, les mesures de suspension « puis » de suppression du versement du RSA, et non « ou » de suppression. Cela transforme l’alternative en progression.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS884 de M. Yannick Monnet et AS102 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous souhaitons dissocier très nettement la radiation de la liste des bénéficiaires du RSA et la radiation de la liste des demandeurs d’emploi.

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement de repli vise à supprimer la possibilité pour le département de radier un allocataire du RSA. Le Gouvernement, dans le texte initial, prévoyait déjà la possibilité de suspendre et de supprimer le versement de l’allocation. La droite, au Sénat, a accordé en outre au département la faculté de radier une personne de la liste des allocataires du RSA. Cette mesure nous semble très excessive car, en cas de non-respect du contrat d’engagement, le département pourra prendre des mesures financières. En outre, la radiation peut avoir des conséquences graves pour l’allocataire, qui devra demander à nouveau le RSA et sera privé de ressources pendant l’instruction du dossier.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait par les amendements identiques que nous venons d’adopter. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit d’un ajout du Sénat au texte initial. Nous vous proposons simplement de revenir à la rédaction du Gouvernement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS880 de M. Louis Boyard

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). Par cet amendement, nous souhaitons rendre impossible la suppression du versement du RSA aux victimes de violences conjugales, qui sont un problème majeur de notre société. Cent dix-huit femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon en 2022. On ne peut pas ne pas en tenir compte dans les décisions politiques importantes. Les victimes de féminicides souffrent pour la plupart d’entre elles d’une grande précarité économique et d’isolement. Leur retirer le RSA les plonge dans l’horreur et risque d’entraîner un surcroît de violences. La société doit les protéger.

M. le rapporteur. Les sanctions éventuelles sont prises après avis d’une commission pluridisciplinaire, qui examine au cas par cas la situation des bénéficiaires. Par ailleurs, il ne semble pas opportun d’inscrire dans la loi des exceptions, car on risque d’en oublier certaines. Faisons confiance au discernement des équipes pluridisciplinaires.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS483 et AS482 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement AS483, que nous avons élaboré avec le centre d’information sur les droits des femmes et des familles, vise à protéger les victimes de violences conjugales en l’absence de solution de protection pérenne face au risque de précarité et de dépendance. Nous souhaitons préserver ces femmes du risque de suspension du RSA. La précarité est souvent la première étape du continuum de la violence.

L’amendement AS482 concerne les personnes en situation de monoparentalité, qui sont en grande majorité des femmes. Une femme sur trois se trouvant à la tête d’une famille monoparentale se situe sous le seuil de pauvreté. L’État a la responsabilité de les prémunir contre une précarité accrue et de les accompagner au mieux.

M. le rapporteur. Défavorable. La loi prévoit déjà que l’octroi du RSA est facilité pour les femmes victimes de violences conjugales.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS568 de M. Hadrien Clouet

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Nous proposons de supprimer la possibilité de contrôler et de sanctionner les bénéficiaires du RSA. Il s’agit en effet d’un minimum vital, qui devrait être inconditionnel. Vous dévoyez son sens en contraignant les intéressés à accepter des emplois, qui plus est inadaptés.

M. le rapporteur. Défavorable.

M. Didier Le Gac (RE). Vous persistez à ne réclamer que des droits et aucun devoir. L’esprit de la loi de 1988 qui a instauré le revenu minimum d’insertion (RMI) conciliait les deux. Ce qui est immonde, ce n’est pas d’instaurer un devoir, à savoir l’engagement dans des actions d’insertion, c’est que des personnes soient, depuis dix ans ou plus, allocataires du RSA sans bénéficier d’aucun suivi personnel. On leur donne une allocation universelle, on se donne bonne conscience, tant pis si elles sont assignées dans une trappe à précarité !

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Un certain nombre d’allocations sociales, à l’image des aides personnalisées au logement (APL) ou des allocations familiales, ne sont assorties d’aucune obligation. Par ailleurs, lorsque vous donnez des milliards aux grandes entreprises, hier par le biais du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, aujourd’hui par des niches fiscales, vous ne leur imposez aucune contrepartie, ne leur assignez aucun devoir ! Ce deux poids, deux mesures met au jour la réalité de votre projet. Les salauds de pauvres sont responsables de leur situation, les hyper-riches ont droit depuis six ans à toutes les largesses.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS103 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement vise à supprimer la possibilité que le Sénat a conférée à Pôle emploi, lorsqu’il est l’organisme référent, de radier un allocataire du RSA. Cette mesure est excessive et pourrait avoir des conséquences graves. Par ailleurs, l’exemple des APL nous montre que toutes les allocations ne sont pas assorties de sanctions. Or le taux de non-recours est de 5 % pour les APL, contre 30 % pour le RSA. Lorsqu’une allocation n’est pas assortie de sanction, les gens y recourent davantage : c’est scientifiquement prouvé.

M. le rapporteur. Nous avons réécrit les dispositions en question par les amendements AS1473 et identiques, dans le respect de l’avis du Conseil d’État. Avis défavorable.

Mme Fanta Berete (RE). Concernant les APL, le terme de sanction est inapproprié : lorsque le revenu de l’allocataire augmente, leur montant diminue. On ne peut pas comparer avec le RSA.

M. Arthur Delaporte (SOC). Les études montrent que plus on sanctionne, plus on accroît le taux de non-recours.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS569 de M. Hadrien Clouet

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). S’il y a quelqu’un à sanctionner, c’est l’État, pour manque d’accompagnement.

Nous voulons supprimer la possibilité de sanction accordée aux missions locales, d’une part car cela risque de détruire la relation de confiance nouée entre leurs agents et les jeunes, et d’autre part parce que le RSA est le seul filet de sécurité des jeunes : sans cela, ils passeront de la pauvreté à l’extrême pauvreté. Vous nous reprochez de ne pas vouloir de devoirs, mais depuis six ans, vous n’en avez jamais imposé aucun aux entreprises dont vous avez massivement baissé les impôts ! Là, il ne s’agit pas de 560 euros, mais de plusieurs millions ! L’aide pour vous est un coût lorsqu’elle s’adresse aux plus précaires, mais un investissement lorsqu’elle est en faveur des plus riches.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il est logique que les missions locales disposent des mêmes pouvoirs de contrôle que les autres organismes référents.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). Les missions locales ont une histoire particulière. On ne peut résumer leur action à la gestion des demandeurs et demandeuses d’emploi. À leur création, dans les années 1980, elles ont été chargées d’assurer un accompagnement global incluant le logement, la santé, etc. Elles entretiennent un lien étroit, de confiance, avec les jeunes. N’instituons pas des sanctions que l’Igas juge inefficaces dans son rapport sur le contrat d’engagement jeune.

Mme Monique Iborra (RE). Il est évident que vous préférez des chômeurs en nombre, bien indemnisés, à des personnes en emploi ou en insertion. C’est votre philosophie, et c’est ce qui explique que, pendant des années, on n’a pas réussi à juguler le chômage. Aujourd’hui, on y est arrivé, ce qui vous contrarie. Vous nous traitez d’une manière inadmissible, mais les masques sont bel et bien tombés. Les Français jugeront.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS119 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Les Français jugeront en effet ce texte à l’aune de ses effets ! Ils verront si les sanctions que vous instituez conduisent ou non à une augmentation du non-recours. Mais personne ne conteste l’étude de Sylvain Chareyron, Rémi Le Gall et Yannick L’Horty, qui montre que si les sanctions augmentent marginalement la participation aux actions d’insertion, elles accroissent aussi le non-recours au RSA. La réduction du RSA entraîne, selon eux, des sorties nettes de 12 %, et sa suspension des sorties de 28 %. Or, le texte va déboucher sur des suspensions.

L’amendement vise à ce que les missions locales aient le pouvoir exclusif de sanctionner les jeunes demandeurs d’emploi – lesquels n’ont pas droit au RSA. En effet, ce sont elles qui ont la vision la plus humaine des choses. Il a été proposé par l’association régionale des missions locales Auvergne-Rhône-Alpes.

M. le rapporteur. Défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les missions locales ne sont pas des usines destinées à boucher les trous en remettant très rapidement les jeunes dans l’emploi, mais des instances dédiées à la citoyenneté sociale, alors que vous continuez à refuser aux jeunes le droit au RSA. Plutôt que d’opérer un contrôle, voire de suspendre un revenu, elles doivent favoriser le droit à exister en faisant le point sur les problèmes de santé, de formation et de qualification des jeunes ainsi que sur leurs ambitions professionnelles, et les accompagner jusqu’au point où ils pourront s’émanciper par eux-mêmes. C’est précisément parce qu’elles n’ont pas d’aspect disciplinaire et ne procèdent pas à des radiations ou à des contrôles qu’elles permettent aux jeunes de se réaliser. En Haute-Garonne par exemple – situation que Mme Monique Iborra connaît bien –, la mission locale envoie un bus chercher les jeunes dans les petites communes du Comminges pour les aider !

Mme Christine Le Nabour (RE). Vous ne citez que partiellement le rapport de l’Igas, qui juge le régime de sanctions inefficace et inadapté, « même si son principe est bien accepté par les conseillers », car il est complexe et trop lent. Pour rencontrer presque chaque semaine les conseillers dans la mission locale de ma circonscription, je confirme que le problème tient d’abord à la lenteur des sanctions, au cumul et à la situation des mineurs. Ne mélangez donc pas tout, ne dites pas que les missions locales ne demandent pas de sanctions, qui pourraient être aussi un outil de remobilisation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS655 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement tend à supprimer la possibilité de retirer aux jeunes les allocations liées au CEJ en cas de manquement aux engagements des demandeurs d’emploi. En effet, votre texte durcit et accélère les sanctions, abandonnant la logique des droits et devoirs au profit d’une logique unilatérale fondée sur la seule contrainte.

Ces contrats bénéficient aux jeunes les plus précaires, les 16-25 ans et ceux de moins de 30 ans en situation de handicap, qui ne sont ni en études, ni en activité, ni en formation, et qui peinent à accéder à un emploi durable. Sans cette allocation, ces jeunes, souvent issus de familles très défavorisées, que ce soit dans certaines cités de l’Hexagone ou, surtout, en outre‑mer, qui ne perçoivent pas le RSA, comme l’a rappelé M. Delaporte, et qui sont souvent livrés à eux-mêmes, pourraient sombrer davantage dans la pauvreté. Tout cela est absurde.

M. le rapporteur. Le projet de loi ne fait pas évoluer le droit en vigueur sur ce point. Le code du travail dispose déjà que le versement de l’allocation « peut être supprimé, en tout ou partie, lorsque le jeune, sans motif légitime » – précision importante – « est absent à une action prévue dans le cadre de son contrat d’engagement jeune ou ne peut justifier l’accomplissement d’actes positifs définis dans ce même cadre ».

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Selon le rapport de l’Igas que vous avez cité, « l’UNML précise d’ailleurs que la qualification de la sortie du jeune en “sanction” ne peut en outre intervenir que lors de l’exclusion définitive du jeune soit à la troisième sanction et encore sans pouvoir connaître le motif de cette troisième sanction ». Le régime est donc très différent : le projet de loi généralisera l’exclusion à la première sanction, pas la troisième ! Le régime des sanctions va donc être encore durci par rapport à un système déjà décrit par les missions locales comme impossible à évaluer et lacunaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS712 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il s’agit encore de demander qu’une éventuelle sanction soit précédée de trois rappels.

Vous évoquez souvent le débat entre droits et devoirs, mais on voit bien, depuis le début de l’examen de ce texte, que de nombreuses personnes n’ont pas accès à leurs droits : elles ne sont pas accompagnées, ni conseillées. Et votre seule réponse consiste à contraindre et à augmenter leurs devoirs ! Je regrette que vous n’ayez pas eu le courage de discuter, depuis que vous êtes au pouvoir, de la façon de rendre leurs droits accessibles aux gens. C’est la seule question qui vaille.

M. le rapporteur. Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, avis défavorable. Je précise toutefois que le caractère réciproque du contrat d’engagement encourage toutes les parties à respecter leurs droits et leurs devoirs.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cette question est importante dans le contexte des CEJ.

Je poursuis la lecture du rapport de l’Igas : « lors de ces enquêtes dans les sept régions visitées, comme lors des analyses de dossiers individuels il a pu être constaté [...] que le motif de sortie pour abandon sans demande expresse du jeune concerné avait été utilisé par des conseillers confrontés à l’absence de réponse du jeune aux courriers recommandés et suite à des absences non justifiées à entretiens et sans aucune activité visible. Le dispositif de sanction, considéré comme chronophage [...] n’obtenant pas de réponse [...], c’est bien une refonte du dispositif des sanctions qui doit être rapidement envisagée, afin de permettre [au jeune], le cas échéant [...], d’expliquer les raisons qui ont pu l’amener à ne pas respecter ses engagements ». Cela signifie donc que cela lui est aujourd’hui impossible. « La mission propose ainsi que l’échelle des sanctions soit à la fois enrichie avec la possibilité d’une “suspension” mais aussi simplifiée [...]. Le conseiller pourrait ainsi adapter, après l’avertissement, le niveau de la sanction à l’importance du manquement » – ce qui signifie qu’elle n’est pas proportionnée aujourd’hui.

M. Philippe Juvin (LR). Cette discussion de fond est très intéressante. Certains continuent à prétendre que le RSA devrait être versé sans aucune contrepartie : que l’on cherche un travail ou non, que l’on se bouge toute la journée pour se sortir d’une situation chaotique ou que l’on reste toute la journée à manger des chips les fesses sur le canapé, cela ne fait aucune différence. Le contribuable, qui paie le RSA, aurait donc une obligation unilatérale, alors que celui qui reçoit le RSA n’en aurait aucune ? Nous croyons – et c’est une vraie différence entre nous – que le bénéficiaire du RSA, aussi modeste que soit le niveau de ce dernier, a lui aussi des obligations.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS349 de M. Arthur Delaporte et AS1014 de M. Benjamin Saint-Huile, et amendement AS1477 de M. Paul Christophe (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement vise à instaurer une part minimale de contrôle aléatoire des demandeurs d’emploi. En effet, on observe aujourd’hui un certain ciblage des contrôles, qui se traduit par une rupture d’égalité, alors qu’un contrôle aléatoire maintient une forme d’égalité statistique en évitant la stigmatisation de certaines personnes. De fait, il est possible de glisser dans le ciblage des critères discriminants, en préidentifiant de potentiels fraudeurs. Nous sommes évidemment tous opposés à la fraude sociale, mais les études montrent qu’elle est marginale – inférieure à 1 %, et même à 0,5 %. La part du contrôle aléatoire, sur laquelle nous avons travaillé avec différents interlocuteurs, dont la CFDT, pourrait être fixée à un minimum de 30 %.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Mon amendement, travaillé en lien avec la CFDT, vise à ce que les contrôles soient aléatoires afin de les rendre effectifs et d’éviter les difficultés liées au ciblage des personnes contrôlées.

M. le rapporteur. Je suis moi aussi favorable à l’instauration d’une part minimale de contrôle aléatoire des demandeurs d’emploi. Toutefois, il ne me semble pas opportun de renvoyer cette disposition à un décret, a fortiori en Conseil d’État. Je propose donc le retrait de ces amendements au profit du mien. À défaut, avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous aurions pu travailler en commun à cette rédaction. Je retire donc mon amendement, en signe de bonne volonté, mais je compte sur vous pour que ce seuil ne soit pas fixé trop bas. J’espère que nous aurons en séance des engagements de votre part.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Considérant que la proposition du rapporteur va dans le bon sens, je retire également mon amendement.

Les deux autres amendements étant retirés, la commission adopte l’amendement AS1477.

Amendement AS932 de M. Christophe Bentz

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). En quarante ans, les missions locales ont acquis, en matière d’insertion socioprofessionnelle des jeunes, une expérience et même une expertise, s’agissant d’un public aux besoins spécifiques. Malgré l’autosatisfaction du Gouvernement, le nombre de jeunes hors études, apprentissage et emploi reste très élevé – près d’un million en France. Or, tel qu’il nous est présenté, le projet France Travail mutualise moins qu’il ne met en concurrence sur le segment qui nous intéresse, France Travail et France Travail Jeunes. Un demandeur d’emploi de 16 à 25 ans pourrait ainsi se présenter à l’un ou l’autre de ces guichets, alors que la recherche d’emploi dans cette tranche d’âge s’inscrit bien souvent dans un contexte social qui doit être pris en compte globalement.

L’amendement tend donc à conserver à la branche Jeunes la spécificité de l’accueil et du suivi des jeunes demandeurs d’emploi de 16 à 25 ans.

M. le rapporteur. En l’état, il n’est pas prévu de renommer les missions locales en France Travail Jeunes. D’autre part, l’article L. 5131-3 du code du travail pose un principe d’accompagnement des jeunes en difficulté, mission générale qui doit rester sous le contrôle de l’État.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS203 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à supprimer les alinéas 36 à 41 et à vous alerter quant aux conséquences terribles de ce système de contrôle et de sanctions quasi automatiques des demandeurs d’emploi, au détriment de l’individualisation des sanctions.

Je reprends ma lecture du rapport de l’Igas : « Le conseiller pourrait ainsi adapter, après l’avertissement, le niveau de la sanction à l’importance du manquement constaté en se fondant sur les éléments d’appréciation à sa disposition et il pourrait dans certains cas, prononcer directement la suspension de l’allocation voire solliciter une exclusion directe en cas de comportement fautif grave. L’exclusion directe ne pourrait être prononcée que par le directeur de la structure. [...] Enfin, la mission a constaté que lorsque le jeune bénéficiaire du CEJ indemnisé ou non par l’ARE ne procédait pas à l’actualisation de sa situation au titre de sa qualité de demandeur d’emploi, sa radiation automatique de la liste des demandeurs d’emploi ne permettait plus au conseiller d’activer le parcours CEJ ce qui aboutit à interrompre le parcours du jeune et constitue manifestement une anomalie. » Les dysfonctionnements qui affectent ce modèle de sanction, qui demanderait à la fois de la souplesse et de l’adaptation, remettent donc en cause l’automaticité et le caractère quasi systématique que vous proposez de donner à vos sanctions-massues.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS886 de M. Pierre Dharréville

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement de repli vise à ce que les organismes privés accompagnant les jeunes bénéficiaires du CEJ soient à but non lucratif. En effet, dans certains secteurs du social, l’intervention d’organismes à but lucratif – je ne citerai pas de noms – a été une catastrophe. L’ouverture à la concurrence doit donc être limitée aux organismes à but non lucratif car, en faisant le choix du secteur concurrentiel, vous renoncerez à la qualité de l’accompagnement au profit des bénéfices que ces organismes peuvent en tirer.

M. le rapporteur. Je reste défavorable.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Le fait que des organismes à but lucratif puissent accompagner des jeunes dans le cadre d’un CEJ est très dangereux. La recherche de profit par ces organismes peut se faire au détriment des jeunes. La plateforme StaffMe, par exemple, spécialisée un temps dans l’accompagnement des jeunes par le biais de l’insertion dans l’autoentrepreneuriat, et qui était donc en concurrence avec les agences d’intérim, a touché – on ne sait pourquoi – de l’argent de la Banque publique d’investissement et fait actuellement l’objet de contrôles de l’Urssaf. En effet, forcer à prendre le statut d’autoentrepreneur pour se substituer, en concurrence déloyale, à des entreprises d’intérim relève manifestement du travail illégal.

Des plateformes vont ainsi faire du profit sur le dos de jeunes en situation de précarité, et qui plus est pour les orienter vers des emplois non salariés. Il ne faut donc pas recourir à des structures à but lucratif !

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS836 de M. Jean-Claude Raux et AS1126 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). L’introduction d’une sanction à l’encontre des bénéficiaires de l’allocation mensuelle du contrat d’engagement jeune est un exemple typique de la précarisation des plus fragiles – ici des jeunes entre 16 et 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en études, accompagnées en vue de favoriser leur insertion. La proposition du Gouvernement pour ces jeunes consiste à suspendre ou à supprimer leur allocation, comprise entre 211 et 528 euros par mois, bien au-dessous du seuil de pauvreté et bien en deçà du RSA – auquel, pour de mauvaises raisons, vous leur refusez toujours l’accès.

Cette mesure est disproportionnée et contradictoire. Disproportionnée, car il suffira que le contrat signé par le jeune soit considéré comme non respecté pour lui asséner cette sanction-massue qui l’empêchera de subvenir à ses besoins primaires. Contradictoire, car l’objectif affiché du CEJ est d’écouter et d’accompagner ces jeunes dans leurs difficultés multifactorielles et vers l’insertion. En quoi le fait de suspendre ou de supprimer une allocation qui est leur principale, sinon leur seule ressource financière permettra-t-il d’améliorer leur insertion ? Tout au contraire, s’engager dans la voie de la sanction conduira à insécuriser les parcours.

Le Gouvernement n’a toujours pas de politique d’envergure pour la jeunesse, mais seulement trois mots : contrôle, sanction et hypocrisie. L’amendement tend donc à supprimer la possibilité de sanctions pesant sur l’allocation.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). La jeunesse de notre pays est en grande souffrance, qu’il s’agisse de la jeunesse étudiante, de la jeunesse salariée, qui souffre énormément de la précarité, et, bien sûr, des jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (Neet).

Et que propose le Gouvernement à cette jeunesse ? La généralisation du service national universel. Aucun projet émancipateur, rien pour répondre ni à ses besoins primaires immédiats, ni à ses angoisses, ni d’ailleurs à ses formidables potentialités ! Tout serait de la faute des jeunes ou de leurs parents, qui les auraient mal élevés, et il faudrait donc les recadrer dans un bon service national universel et leur retirer ces quelques centaines d’euros par mois, qui ne suffisent même pas à les maintenir au-dessus du seuil de pauvreté. Vous n’avez aucune politique pour la jeunesse ; vous vous contentez d’appliquer, en regardant par le petit bout de la lorgnette, une politique répressive.

Cet amendement vise donc à corriger l’un des effets de votre loi sur le CEJ en supprimant les sanctions. Pour le reste, nous demandons à nouveau une vaste politique jeunesse, avec un droit aux minima sociaux et un droit social qui vienne compléter le droit citoyen qu’ils ont à partir de 18 ans. Il s’agirait donc, au moins, de l’extension du RSA, que nous aurions voulu voir figurer dans un texte de loi et que le Gouvernement précédent avait d’ailleurs évoquée.

M. le rapporteur. Je rappelle que nous avons exclu les jeunes qui ne seraient pas signataires d’un contrat d’engagement réciproque. Contrairement à ce que vous sous-entendez, nous ne modifions pas le droit en vigueur, puisque tout est déjà prévu dans le code du travail au titre des droits et devoirs.

Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). Ce que nous entendons est quelque peu caricatural. Il en faut beaucoup, aujourd’hui, pour arriver à une extrémité telle que la sanction ou la radiation ! Les jeunes concernés font l’objet d’un bilan personnel, qui porte aussi sur leur volonté et sur leurs besoins, ainsi que sur les difficultés qu’ils peuvent rencontrer, y compris en termes de mobilité.

Si donc une décision de sanction est prise, c’est parce qu’ils ont manqué à leurs obligations et à leurs déclarations, c’est-à-dire qu’ils refusent des formations correspondant parfaitement à ce qu’ils avaient déclaré : cela reste très gentil ! Il faut se départir des œillères de la naïveté et éviter de considérer la moindre contrainte qu’on pourrait imposer aux demandeurs d’emploi comme une violence sociale.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). Et lorsqu’on leur aura retiré cela, que leur proposera-t-on ? Une fois admis le constat d’échec, que se passera-t-il pour ces jeunes en grande difficulté et en grande rupture ? Vous ne leur proposez rien. Certains jeunes sont certes en situation d’échec, mais vous faites peser toute la responsabilité sur eux sans rien prévoir d’autre.

La directrice de la mission locale de mon territoire me dit que, s’agissant des 15 heures hebdomadaires, elle ne sait pas quoi proposer à ces jeunes si éloignés du travail. Elle n’arrive pas à trouver des intervenants, ni à construire des activités en lien avec leurs attentes. Ne niez pas la réalité et essayons plutôt de recréer des liens, au lieu de punir et de sanctionner.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS743 de Mme Katiana Levavasseur et AS1020 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

Mme Katiana Levavasseur (RN). Mon amendement vise à rappeler que la suspension ou la suppression du RSA peut ne se faire qu’en partie, et non pas obligatoirement en totalité, afin de conserver une certaine proportionnalité entre le manquement observé et la sanction. Il vise aussi à assurer la protection des demandeurs d’emploi contre d’éventuels manquements ou erreurs imputables à l’organisme référent. Il faut en effet être vigilants et ne pas sanctionner la personne en recherche d’activité pour une faute qui découlerait du manquement aux obligations de l’organisme, comme l’absence répétée d’un agent, un contrat d’engagement inapproprié ou une défaillance technique.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Dans une période de très forte inflation, où les jeunes ont de plus en plus de difficultés et où les étudiants prennent place dans d’immenses files d’attente devant les banques alimentaires pour obtenir un repas, vous nous proposez de pérenniser la possibilité de supprimer la toute dernière aide qu’ils peuvent recevoir. Ils n’ont en effet pas accès au RSA, ce qui est particulièrement injuste puisqu’à 18 ans ils ont atteint la majorité pénale, qui leur permet d’aller en prison, et la majorité électorale, qui leur permet de voter. Il n’y a pas de majorité sociale : ils peuvent payer des impôts, mais pas percevoir le RSA !

Comment pouvez-vous envisager de supprimer l’allocation de 500 euros qui va avec le CEJ, déjà destiné à ceux qui ont des difficultés ? Avec 500 euros, n’en déplaise à notre collègue, on n’a pas les moyens de manger des chips toute la journée, et encore moins avec l’inflation actuelle ! Si donc vous leur enlevez ces 500 euros, ces jeunes n’auront plus rien. Pensez-vous qu’ils s’en inséreront plus facilement ? Vous ne réalisez pas le danger d’une telle mesure. Aujourd’hui, un quart des jeunes sont pauvres : si vous leur enlevez ce seul petit filet de sécurité, puisqu’ils ne peuvent pas toucher le RSA, ce sera une catastrophe.

M. le rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements. Pour le premier, on ne change pas le droit constant, et pour le second, j’ai déjà rappelé les jurisprudences et les procédures qui s’appliquent.

M. Philippe Juvin (LR). Avec 5 millions de chômeurs et alors que toutes les entreprises nous disent qu’elles cherchent en vain à embaucher, la vraie question est de savoir comment sortir de cette situation absurde. En proposant que l’allocation mensuelle ne puisse « en aucun cas être suspendue ou supprimée », l’amendement AS1020 crée, sans le dire, le revenu universel. C’est un autre débat : parlons-en ! Mais lorsqu’une allocation mensuelle est soumise à des obligations, ces obligations doivent être remplies. Rendre impossible la suppression de l’allocation quelle que soit l’attitude de la personne qui la touche ne peut pas fonctionner.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Monsieur Juvin, il n’est pas toujours vrai que les entreprises ne parviennent pas à recruter. Dans ma circonscription, par exemple, l’industrie aéronautique, où les salariés sont très bien payés et ont de bons horaires de travail, recrute très bien. Il faut donc considérer les effets de secteur.

Mais même : en quoi le fait de retirer 500 euros aux gens aidera-t-il les entreprises à recruter – sauf à ce que votre objectif soit de n’embaucher que des gens à 500 euros ? Il y a un tel monde entre 500 euros et le Smic, plus qu’un doublement, que maintenir l’allocation n’incitera absolument personne à refuser d’aller travailler. Cela n’a aucun sens car, comme vous le disiez du reste vous-même hier, avec 500 euros, on peut survivre, pas vivre.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1438 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1481 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. Les alinéas 42 et 43, issus d’un amendement adopté par le Sénat, visent à permettre aux prescripteurs habilités de l’insertion par l’activité économique de prescrire les périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) définies à l’article L. 5135‑2 du code du travail.

Or cette possibilité existe déjà, sur le fondement du 5° de l’article L. 5135‑2, qui dispose que font partie de ces prescripteurs « les organismes employant ou accompagnant des bénéficiaires de périodes de mise en situation en milieu professionnel, lorsqu’ils sont liés à l’un des organismes mentionnés aux 1° à 3° et 4° bis du présent article par une convention leur ouvrant la possibilité de prescrire ces périodes dans des conditions définies par décret ».

Concrètement, l’ensemble des prescripteurs habilités de l’insertion par l’activité économique ont la possibilité de prescrire des PMSMP sur la base d’une convention conclue avec les acteurs du service public de l’insertion et de l’emploi. Les structures de l’insertion par l’activité économique peuvent également procéder de plein droit à ces prescriptions.

La disposition dont il est question permettrait aux prescripteurs de procéder à ces prescriptions sans cette convention conclue préalablement. Il est essentiel de maintenir ce système de conventionnement afin de garantir que les prescripteurs soient en capacité d’assumer les obligations légales et réglementaires liées à ce dispositif, qu’il s’agisse de s’assurer en amont de sa pertinence, d’assurer un lien avec la structure d’accueil, de procéder à une évaluation, ou d’assumer certaines responsabilités qui lui incombent en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles et de responsabilité civile.

M. Arthur Delaporte (SOC). Merci, monsieur le rapporteur, pour cet amendement et pour la clarté de votre explication. Je saisis cette occasion pour répéter ma question d’hier à propos de la rémunération des formations de Pôle emploi (RFPE). Sachant qu’une personne engagée dans une PMSMP conservera sa rémunération antérieure, par exemple la RFPE, pouvez-vous me confirmer qu’une personne percevant le RSA qui suivra une formation entrera dans le régime de RFPE ?

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS806 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (LR). On commence à prendre conscience qu’il ne peut y avoir de droit pérenne sans que des devoirs y soient associés. Cet amendement vise donc à ce que le bénéfice des aides sociales ou des indemnisations soit subordonné au fait que le bénéficiaire « justifie de quinze heures de formation hebdomadaire visant une insertion professionnelle rapide [...] ou de quinze heures d’activité hebdomadaire au service de la collectivité ». Je ne me satisfais pas que l’on puisse refuser de contribuer à la création de richesses et à la marche en avant de notre pays. En tout cas, on ne peut pas demander à d’autres concitoyens qui travaillent de l’assumer.

Nous avons observé une évolution en ce sens et certains départements ont travaillé sur cette question. L’inactivité est une prison destructrice : plus longtemps on y reste, moins on a de chances d’en sortir. Il est donc très important que les personnes en inactivité n’y restent pas et que, même dans la période où elles sont au RSA, elles participent à une action de formation ou d’intérêt général pour remercier la collectivité qui pourvoit à leurs besoins.

M. le rapporteur. L’alinéa 9 a été modifié pour tenir compte de la durée hebdomadaire d’activité à réaliser. Je propose donc le retrait de l’amendement.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Monsieur Di Filippo, vous avez vraiment l’air obsédé par l’idée de soumettre les bénéficiaires du RSA à des contraintes. Vous voulez des droits et des devoirs. Or, pour nombre de prestations sociales, ce n’est absolument pas le cas.

Permettez-moi un petit calcul : le salaire horaire minimum étant de 11,52 euros et la durée minimum du travail à temps partiel de vingt-quatre heures par semaine, conditionner le RSA à 15 heures de travail hebdomadaire revient à payer 7 euros de l’heure un travail à des personnes qui se trouvent déjà dans une très grande difficulté. Vous rendez-vous compte de ce que vous êtes en train de demander à ces gens ?

M. Fabien Di Filippo (LR). Avec de tels raisonnements, il ne nous restera plus dans quelques années que nos yeux pour pleurer sur le décrochement de notre pays. Nous parlons ici d’actions de formation et d’insertion professionnelle, avec lesquelles il n’y a pas lieu de lier le montant du RSA.

Certaines personnes disent qu’elles n’ont tout simplement pas envie de travailler. Elles veulent rester chez elles avec l’argent public qui leur est versé – 480 euros voilà quelques années, passés à 500, puis 570 et aujourd’hui 600 euros, auxquels s’ajoutent diverses autres aides, pour le logement par exemple. Je ne dis pas que l’on vit bien avec 600 euros, mais considérez-vous qu’il soit acceptable de les prendre sans vouloir travailler ? Dites-le clairement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1439 de M. Paul Christophe.

Amendements AS1015 de M. Benjamin Saint-Huile, AS894 de M. Matthias Tavel, AS713 de Mme Karine Lebon et AS105 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous regrettons beaucoup de pas connaître les résultats de l’expérimentation avant d’envisager une massification du dispositif, ce qui nous aurait paru logique. On nous a expliqué hier que la loi servait à fixer le cadre juridique et l’expérimentation à mettre au point les modalités. Nous ne souscrivons pas à cet argumentaire et regrettons vraiment d’en rester là.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement AS894, qui tend à reporter l’application de l’article à la fin des expérimentations en cours, nous semble nécessaire pour faire sortir cette discussion du café du commerce. Certains de nos collègues s’imaginent que les allocataires du RSA restent chez eux en mangeant des chips sur un sofa. Les expérimentations actuellement menées permettront de connaître les sanctions effectivement prises, le retour à l’emploi constaté, les qualifications acquises, l’état de santé des personnes concernées, l’évolution de leurs revenus et la situation de leur famille. Ces questions sont essentielles pour juger du bien-fondé de ce projet de loi.

Nous y avons, du reste, tous intérêt : vous parce que vous êtes convaincus que mettre la tête des allocataires du RSA sous l’eau va les aider, nous parce que nous sommes convaincus du contraire. L’expérimentation sera un juge de paix qui nous permettra de trancher. Le fait que vous ne le vouliez pas trahit chez vous une sorte d’incertitude et de fébrilité, parce que vous savez que ce résultat ne servirait pas votre cause. Vous voulez passer en force avant de disposer de ces résultats, car la vérité vous importe moins que vos préjugés.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Par l’amendement AS713, nous demandons en effet à disposer de quelques éléments de diagnostic à la suite des expérimentations qui ont été menées.

Monsieur Di Filippo, on ne peut pas légiférer par l’anecdote – à moins de considérer que tous les allocataires du RSA sont des gens qui ne veulent pas travailler, ce qui n’est pas le cas. Les études sociologiques montrent que les personnes éloignées de l’emploi et abîmées par l’inactivité tiennent un discours de l’honneur : il leur est plus facile de dire qu’elles ne veulent pas travailler que d’avouer qu’elles sont en difficulté face au travail. Légiférer par l’anecdote, tirer une phrase de son contexte pour l’ériger en règle, c’est du populisme. Ce n’est pas acceptable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement vise à repousser d’un an l’entrée en vigueur de cet article, en la portant au 1er janvier 2026. Une conseillère départementale de Mayenne a fait état de l’augmentation des radiations dans le cadre des expérimentations, suite à des non-présentations au premier rendez-vous. Nous partageons votre volonté d’accroître l’activité, mais en l’occurrence, c’est l’exclusion qui va augmenter.

M. le rapporteur. La loi fixe les principes généraux, là où les expérimentations s’attachent aux modalités opérationnelles des parcours d’accompagnement. Il appartiendra au comité national France Travail de tenir compte du résultat de ces expérimentations, dont je rappelle à M. Delaporte qu’elles se déroulent dans le cadre du droit actuel et non dans celui que nous sommes en train d’élaborer : évitons les procès d’intention.

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). La loi fixe en effet des principes généraux, et voilà que M. Di Filippo nous parle de telle ou telle personne qui refuserait de travailler ! Admettons même que des personnes aussi méchantes existent : légifèrerons-nous à partir de ces exceptions ? À moins que vous ne pensiez que la grande majorité des bénéficiaires du RSA ne sont pas gentils et ne voudraient pas travailler ? Sommes-nous d’accord pour affirmer que tel n’est pas le cas, qu’ils subissent la situation dans laquelle ils se trouvent ? Dès lors, ce système de sanction est démesuré. Il ne va que leur enfoncer la tête sous l’eau.

Mme Christine Le Nabour (RE). Dans le dispositif du CEJ lancé le 1er mars 2022, il n’y a plus que 3,5 % de radiations, contre 6 % dans celui de la garantie jeunes. L’accompagnement est donc meilleur, plus intensif et régulier.

Le CEJ Jeunes en rupture permet quant à lui aux plus fragiles d’être accompagnés à la fois par la mission locale et une association plus spécialisée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS931 de M. Matthias Tavel

M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). C’est un amendement de repli, qui demande le report de l’entrée en vigueur de la loi au moins dans les dix-huit départements expérimentateurs, par simple respect des agents et des usagers.

Nous savons qu’Emmanuel Macron et le Gouvernement adorent lancer des expérimentations, des concertations, des grands débats, des cahiers de doléances dont ils n’ont finalement que faire. Mais en l’occurrence, il est question de radier des personnes qui perçoivent une allocation 50 % inférieure au seuil de pauvreté !

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). Madame Taillé-Polian, tâchons d’être un peu plus subtils que ces histoires de méchants et de gentils. Ce que mon collègue a voulu dire, c’est que lorsqu’on est blessé par la vie et qu’on veut s’en sortir, on doit être aidé ; mais qu’il y a des assistés professionnels, si peu nombreux soient-ils, qui font un bras d’honneur à la société. Vous ne pouvez pas nier leur existence. L’argent des Français ne doit pas leur être versé.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Nous commençons à percevoir vos véritables intentions. Vous essayez de faire croire que votre projet est bienveillant et inclusif, mais dès hier, vous avez montré que ce que vous appelez l’« activité » était une sorte de travail gratuit. Maintenant, vous ouvrez une espèce de chasse aux fraudeurs. Mais les contrôles existent ! De surcroît, un tiers des personnes qui pourraient bénéficier du RSA ne le demandent pas : le principal problème, c’est celui du non-recours. Enfin, à ceux qui considèrent qu’on ne peut bénéficier de la solidarité nationale si on ne travaille pas, je rappelle que, si les allocataires du RSA ne sont pas dans la sphère marchande, beaucoup d’entre eux travaillent : ils font du bénévolat, ils travaillent dans les associations, ils ne passent pas leur temps à regarder la télévision dans leur canapé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS570 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Nous proposons la suppression de l’alinéa 45, prévoyant notamment la substitution du contrat d’engagement au projet personnel d’accès à l’emploi.

M. le rapporteur. Défavorable.

M. Didier Le Gac (RE). D’aucuns nous reprochent de présenter une loi introduisant le principe de la radiation. Je leur rappelle que cette sanction est en vigueur depuis 1988 et la loi sur le RMI. Les départements l’utilisent tous les jours.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). À propos des personnes qui sont supposées ne pas vouloir travailler, je rappelle que nous comptons huit à dix fois plus de demandeurs d’emploi qu’il n’y a d’emplois disponibles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS122 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit d’éviter l’intégration rétroactive dans le champ du contrat d’engagement, au 1er janvier 2025, des bénéficiaires du RSA. Ce sont les nouveaux allocataires qui doivent être soumis à ce contrat.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement vise d’une certaine manière à protéger 1 900 000 foyers allocataires, et plus de 3 millions de personnes en incluant les enfants.

Je parlais ce matin avec une amie qui habite la vallée de la Roya. Après les graves inondations qui ont eu lieu, nombre d’agriculteurs pauvres, qui sont au RSA, doivent travailler jour et nuit. Et vous leur demanderez de signer ce contrat d’engagement réciproque !

Mme Anne Bergantz (Dem). Comment peut-on imaginer que les conseillers d’insertion se lèvent le matin avec un objectif de radiations et de suspensions ? Nous l’avons dit et répété, ces dispositifs figurent déjà dans le code du travail. Cela ne me choque pas car ils participent à la responsabilisation des demandeurs d’emploi et des jeunes et, ainsi, à leur reconnaissance en tant que personnes capables, autonomes et responsables.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS652 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Cet amendement d’appel vise à ce que l’État prenne en charge la création de nouveaux postes afin de permettre aux organismes référents de mettre en place correctement le référent unique.

Le texte ne garantit en rien les moyens nécessaires permettant un réel droit à l’accompagnement. Ainsi, on ne sait toujours pas combien de personnes seront effectivement suivies par un conseiller. Le département de la Seine-Saint-Denis a quitté le dispositif d’expérimentation car il considère ne pas avoir les garanties suffisantes ni le budget adéquat pour préserver le droit à l’accompagnement des allocataires du RSA. À La Réunion, même des élus Macron-compatibles sont inquiets.

À Pôle emploi, le ratio du nombre d’équivalents temps plein (ETP) par demandeur d’emploi suivi n’est déjà pas soutenable. En 2019, France Info révélait que les agents de Pôle emploi suivent deux fois plus de chômeurs que les chiffres affichés par la direction. Le nombre maximum par agent est officiellement fixé à 350 personnes, mais il n’inclut que les demandeurs des catégories A et B.

Selon les acteurs de l’insertion, il faudrait 4 milliards d’euros par an pour que France Travail puisse remplir ses objectifs d’accompagnement, alors que le rapport de concertation prévoit seulement la mobilisation de 2,3 à 2,7 milliards en financements cumulés sur la période 2024 2026. Le compte n’y est pas.

M. le rapporteur. Une telle évaluation relève des missions dévolues au comité national France Travail mais aussi au Parlement, au titre des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale ou à partir des différents documents budgétaires. De plus, la loi se fonde sur une montée en charge progressive qu’il conviendra d’accompagner. Avis défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). Vouloir lutter contre la fraude, cela n’a rien d’infamant et ne signifie pas que l’on stigmatise une partie de la population.

Je ne voudrais pas que des propos qui ont été tenus hier soient déformés. Il s’agissait de l’exclusion des bénéficiaires du RSA qui ne se seraient pas rendus à un contrôle en raison d’une toxicomanie. Pour ma part, je trouve assez hypocrite de continuer à verser une allocation à des toxicomanes au lieu de leur proposer une prise en charge. Ne leur permettons pas d’acheter leur dépendance !

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Je crois qu’une formation s’impose sur les questions liées aux addictions. Il serait utile que certains membres de cette commission se regardent en face s’agissant de ces problématiques.

Ces propos sont honteux. On ne lutte pas contre une addiction en supprimant une allocation. En réalité, le manque de moyens consacrés à l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, des jeunes des missions locales ou des personnes en situation de handicap est patent. Au lieu d’y remédier, comme M. Le Maire annonce 16 milliards d’euros d’économies dans le projet de loi de finances pour 2024, vous commencez par couper dans les dépenses liées au RSA ! Vous faites payer les pauvres !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 2 bis (nouveau) : Obliger les offres d’emploi à inclure des éléments décrivant l’environnement de travail

Amendements AS1304 de M. Sébastien Peytavie, AS967 de M. Pierre Dharréville et AS1287 de Mme Anne Bergantz (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Issu d’une recommandation du Collectif Handicaps, mon amendement vise à ce que les offres d’emploi contiennent également une description de l’environnement de travail afin de mieux informer les demandeurs d’emploi en situation de handicap.

Le Gouvernement a annoncé le lancement d’une expérimentation tendant à ce que les demandeurs d’emploi handicapés puissent distinguer les offres d’emploi proposées par des employeurs engagés dans ce domaine. La simple mise en avant des employeurs qui respectent un peu plus que les autres leurs obligations en matière d’accessibilité ne suffit pas. Alors que la discrimination à l’emploi est la première à laquelle se heurtent les personnes en situation de handicap, nous devons franchir un cap et exhorter tous les employeurs à indiquer précisément dans les offres d’emploi les conditions d’accessibilité des emplois proposés.

Cette description, dont le contenu précis sera déterminé par décret en Conseil d’État, peut notamment traiter de l’environnement de travail – bruit, luminosité, accessibilité – ainsi que des modalités éventuelles d’organisation du poste, tel que le recommandait le rapport de préfiguration de France Travail.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement, issu de propositions formulées par le Collectif Handicaps, vise également à préciser que les offres d’emploi doivent être enrichies d’éléments décrivant l’environnement de travail de l’entreprise et du poste ainsi que des modalités éventuelles d’organisation du poste pour aider le demandeur d’emploi à se positionner sur les offres qui lui correspondent.

M. le rapporteur. Je partage l’objectif de renforcer l’engagement des employeurs et de mobiliser le service public de l’emploi pour atteindre le plein emploi des personnes en situation de handicap.

Afin de soutenir l’engagement des employeurs, et outre l’expérimentation à venir de mise en relation sur la plateforme pole-emploi.fr, un groupe de travail autour de Pôle emploi réfléchira à l’amélioration de la rédaction des offres d’emploi.

Je demande toutefois le retrait des amendements car ajouter des critères légaux dans le contenu d’une offre d’emploi pourrait avoir l’effet contraire à celui que vous recherchez et entraîner une diminution de la transparence du marché du travail en décourageant certaines entreprises, notamment les plus petites, de faire connaître leurs besoins. La plupart de nos entreprises comptent moins de cinquante salariés, voire moins de dix, et ne disposent pas de service de ressources humaines. Ce sera le rôle de France Travail de les accompagner dans la rédaction de leurs offres.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). D’abord, cessez de tout renvoyer à des expérimentations. Ensuite, vous parlez beaucoup de droits et de devoirs, mais vous rejetez toutes nos propositions visant à favoriser l’accès aux droits. Rendre les offres plus lisibles, c’est rendre accessible un droit fondamental, vote réponse ne devrait pas dépendre de la taille d’une entreprise !

La commission rejette successivement les amendements AS1304 et AS967.

Puis elle adopte l’amendement AS1287.

Après l’article 2

Amendement AS127 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). S’engager dans des activités de formation a un coût qu’on ne peut pas demander à un bénéficiaire du RSA d’assumer. La nation doit se fixer pour objectif la prise en charge intégrale et sans délai des frais occasionnés par la réalisation des heures d’activité tels que les frais de transport, de nourriture, de garde d’enfants à charge, d’accès à des services numériques, de liaison téléphonique et les frais d’habillement. C’est la contrepartie du contrat d’engagement.

Selon la Fondation Jean-Jaurès, le coût de ces « freins périphériques » à l’emploi représente 50 % de l’investissement nécessaire. Mais rien n’est prévu pour les financer. Les 250 millions d’euros annoncés par le ministre sont anecdotiques, alors que les obligations s’imposeront dès l’entrée en vigueur de la loi.

M. le rapporteur. Les entretiens avec les travailleurs sociaux ont justement vocation à identifier les difficultés rencontrées par les allocataires et à trouver des solutions pour les accompagner au mieux. Nous avons modifié l’obligation introduite par le Sénat pour ne pas les mettre plus encore en difficulté.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il ne s’agit pas des allocataires mais de l’État : a-t-il prévu les moyens financiers nécessaires pour les accompagner, pour payer les tickets de bus par exemple ? Personne n’a répondu à cette question.

L’expérimentation coûte 21,7 millions d’euros pour dix-huit départements, en ne profitant qu’à un nombre très restreint de personnes. En moyenne, cela représente 600 euros qui doivent couvrir à la fois les heures supplémentaires des agents pour le contrôle ou la saisie des informations et tickets de transport, frais de garde et autres !

La nation doit faire en sorte que ce projet de loi soit réaliste.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1102 de M. Jocelyn Dessigny

M. Serge Muller (RN). Les personnes les plus éloignées du marché du travail ne sont pas immédiatement disponibles pour être présentées à un employeur parce qu’elles ne sont plus insérées dans le tissu social. À l’écart de la vie active, elles doivent, préalablement à toute recherche d’emploi, se rendre employables et acquérir le savoir-être nécessaire dans le monde du travail : ponctualité, assiduité, respect du lien hiérarchique ou des consignes de sécurité...

Des formations et des stages leur seront donc proposés par leur organisme référent afin de donner à leur profil les meilleures chances de recrutement. Les stages et les formations qui sont déjà mis en place pour les allocataires du RSA seront réorientés selon ces critères d’employabilité lorsque le profil de l’allocataire le nécessite. Aucune charge supplémentaire n’est créée.

M. le rapporteur. Le cadre du contrat d’engagement réciproque tel que nous l’introduisons à l’article 2 est suffisant pour répondre à cet objectif puisqu’il prévoit un parcours progressif en fonction du profil du demandeur d’emploi. L’emploi reste toujours l’objectif à atteindre mais la résolution de difficultés sociales peut être un préalable nécessaire pour y parvenir.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1109 de M. Jocelyn Dessigny

M. Serge Muller (RN). Les branches et secteurs d’activités dits en tension représentent une banque d’offres d’emplois urgentes. Les bénéficiaires du RSA et chômeurs de longue durée doivent être orientés prioritairement vers les métiers concernés, en fonction du lieu de leur domicile.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait puisque l’alinéa 10 de l’article 2 prévoit que le contrat d’engagement réciproque tient compte « de la situation locale du marché du travail ».

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1005 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Plutôt que de contraindre à 15 heures d’activité les bénéficiaires du RSA sous peine de supprimer leur allocation, autrement dit de les affamer et de les appauvrir encore, nous ferions mieux de nous demander comment la collectivité et France Travail garantiront un accompagnement dans de bonnes conditions.

Tout le monde reconnaît que l’accompagnement est insuffisant mais vous avez choisi de ne pas recourir à une loi-cadre. Nous demandons un rapport qui permette d’évaluer les moyens matériels et humains des organismes référents et définisse, par conseiller, un ratio maximal de demandeurs d’emploi, par catégorie, et de bénéficiaires du RSA suivis.

On sait qu’il faut augmenter les effectifs, d’autant que 10 % des agents de Pôle emploi sont en service civique ou en CDD. La Seine-Saint-Denis, par exemple, a refusé de poursuivre l’expérimentation faute des ETP nécessaires. À budget constant, ce serait déjà une catastrophe, et Bruno Le Maire a annoncé des coupes de 16 milliards d’euros !

M. le rapporteur. J’ai déjà expliqué pourquoi je m’oppose aux demandes de rapport. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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*     *


6.   Réunion du mercredi 20 septembre 2023 à 15 heures (article 3 à article 4)

Lors de sa deuxième réunion du mercredi 20 septembre 2023, la commission poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528) (M. Paul Christophe et Mme Christine Le Nabour, rapporteurs) ([376]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous reprenons l’examen du projet de loi pour le plein emploi.

Depuis lundi, nous avons examiné 434 amendements et il nous en reste 706. Compte tenu du délai de dépôt des amendements pour la séance publique et pour achever l’examen du texte, nous devons impérativement accélérer notre rythme. Je vous invite à faire preuve d’une plus grande concision encore.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Une réunion sera-t-elle organisée demain matin ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Tout dépend à quel stade de l’examen du texte nous en serons ce soir mais, à ce stade, la probabilité est en effet très forte.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Est-on certain que nous irons au bout de cet examen ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. C’est en effet l’objectif.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Plus de concision reviendrait à plus de discussion du tout ! Actons d’ores et déjà l’ouverture de réunions demain et, peut-être conviendrait-il de décaler la date du délai de dépôt des amendements, donc, de l’examen en séance publique.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous sommes passés, en moyenne, de 30 à 33 amendements examinés par heure.

M. Arthur Delaporte (SOC). J’entends la nécessité de presser le pas mais notre débat est constructif et aucun amendement n’est redondant. Prenons le temps nécessaire, sans nous éterniser. Les services ont droit au repos !

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Le délai de dépôt des amendements, même s’il peut être un peu décalé, est incompressible afin que les députés et les services aient le temps de retravailler des amendements sur la base du texte issu de nos travaux. En tout état de cause, la Conférence des présidents a fixé à lundi l’examen du texte en séance publique.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le début des travaux en séance publique ne peut-il être décalé d’une journée ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Cette décision ne nous revient pas.

M. Arthur Delaporte (SOC). Peut-être pouvez-vous transmettre cette requête à la présidente de l’Assemblée nationale ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. En effet. Vous pouvez également la transmettre à vos présidents de groupe.

Article 3 : Renforcer les droits et devoirs des bénéficiaires du revenu de solidarité active

Amendements de suppression AS56 de M. Arthur Delaporte, AS587 de Mme Danielle Simonnet, AS892 de M. Yannick Monnet, AS907 de Mme MarieCharlotte Garin et AS1021 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Jérôme Guedj (SOC). L’adoption de l’amendement AS56 et des amendements identiques nous fera gagner beaucoup de temps en supprimant le noyau dur de votre philosophie : la stigmatisation des bénéficiaires du RSA et de toutes les personnes que vous voulez inscrire à Pôle emploi.

Nous sommes nombreux à avoir exercé des responsabilités de conseiller départemental. Pendant treize ans, j’ai été vice-président chargé de l’insertion et j’ai présidé pendant cinq ans un conseil départemental. Ceux qui connaissent les contrats d’insertion et l’accompagnement proposé aux bénéficiaires savent que la double logique de la sanction et de l’obligation est contreproductive.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Cet article doit être supprimé en raison des nouvelles exigences à l’endroit des bénéficiaires, notamment l’obligation d’actualisation du contrat d’engagement tous les six mois si l’allocataire n’a pas retrouvé un emploi, mais également du durcissement et de la facilitation des sanctions. Cet article constitue une véritable offensive contre les bénéficiaires du RSA.

Ce n’est pas de « France Travail » qu’il aurait fallu parler mais de « Chasse au RSA ». Vous remettez en cause ce principe essentiel qu’est la garantie de la dignité de tous. Vous êtes obsédés par l’idée de menacer les allocataires.

Une personne éloignée de l’emploi a besoin de temps. Ces nouvelles exigences culpabilisantes sont insupportables et contraires à tous les principes de l’accompagnement des allocataires du RSA.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet article est celui qui suscite toutes les crispations. En effet, il durcit considérablement le régime des sanctions sans donner de moyens supplémentaires à l’accompagnement, malgré les vagues chiffres donnés par le ministre, sans évaluation des besoins.

De plus, il entérine la confusion des règles et des sanctions relatives à des personnes relevant de dispositifs différents : celles bénéficiant d’un revenu de remplacement assurantiel au nom d’un risque couvert par l’Unedic et celles bénéficiant d’une allocation de revenu minimum de la solidarité nationale, qui relève de l’État. Cela nous fait craindre le pire.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Je défends l’amendement AS907.

Cet article n’est qu’une extension du domaine de Big Brother : surveillance, contrôle des personnes en grande vulnérabilité économique, inscription obligatoire à France Travail de celles qui font simplement une demande ainsi que de leur conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité (pacs). Tout ceci, sans que France Travail dispose de moyens supplémentaires. Nous nous opposons à un contrôle qui vise, non les riches ou les entreprises, mais les plus pauvres.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous croyons plutôt à l’engagement réciproque respecté. Vous avez choisi de renforcer le régime des sanctions – même si vous parlez plutôt de progressivité. Il est certes possible d’en discuter mais nous regrettons que la sanction soit exclusivement d’ordre financier puisque vous appauvrirez ainsi plus encore des gens qui vivent dans la plus grande précarité. Nous ne contestons pas la nécessité du retour à l’emploi ou de l’amélioration de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, mais nous contestons que vous preniez le risque de fragiliser davantage les allocataires avec la suspension-remobilisation, qui permet de suspendre l’allocation pendant plusieurs mois.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La philosophie que dénoncent certains collègues était pourtant la même lorsqu’ils siégeaient, en 2008, et que le régime des sanctions a été réformé. Que n’en ont-ils adopté une autre !

Aujourd’hui, le prononcé de la suspension interdit tout reversement rétroactif. Nous proposons, quant à nous, un reversement par rétroactivité de la somme visée.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Vous partez du principe que le droit actuel est trop laxiste ; nous pensons exactement l’inverse.

Le rapport annuel des médiateurs de Pôle emploi montre que les choix et les trajectoires des demandeurs d’emploi sont encadrés d’une manière autoritaire. Ainsi, une personne qui avait postulé à un poste d’agent d’entretien bâtiment s’est retrouvée croque-mort. Elle l’a très mal vécu, si j’ose dire, et elle a été radiée. Il en sera de même partout avec votre réforme.

M. Didier Le Gac (RE). Une telle philosophie est en vigueur depuis 1988. Les sanctions existent depuis cette époque : nous n’inventons ni ne renforçons rien. J’ai également été conseiller départemental en charge de l’insertion. Si l’allocataire ne respecte pas ses engagements, les conseils départementaux peuvent convoquer une commission pluridisciplinaire à même de prononcer une radiation pure et simple. Nous avons introduit plus de souplesse dans ces dispositifs avec la possibilité de suspension de l’indemnité – et le maintien de l’accompagnement.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS893 de M. Pierre Dharréville

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). France Travail illustre la concentration et l’uniformisation des politiques de l’insertion et de l’emploi à travers un guichet unique et une gouvernance très concentrée. Des comités France Travail sont créés à différentes échelles, nationale, régionale, départementale et locale, mais leurs objectifs et prérogatives demeurent très flous.

Le réseau associe indistinctement des opérateurs publics et privés à but lucratif appelés à définir des critères d’orientation des demandeurs d’emploi ou à participer à l’élaboration d’indicateurs et aux suivis, ce qui nous interpelle quant à la nature du service public de l’emploi qui en résultera.

Le projet de loi va jusqu’à prévoir des actions en lien avec les acteurs du service public de l’éducation, ce qui appelle des éclaircissements quant à ce rapprochement entre les opérateurs d’accompagnement vers l’emploi : les demandeurs d’emploi, les employeurs et les missions propres au service de l’éducation.

Bien évidemment, la question des moyens reste posée mais vous demeurez muets.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Nous défendons dans ce projet une partie de vos revendications et les rendons pleinement opérationnelles. Le droit à l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, déjà reconnu dans la loi, est renforcé et rendu pleinement effectif avec l’amélioration du suivi de parcours et de l’offre de services pour toutes les personnes éloignées ou en recherche d’emploi. Nous maintenons aussi la logique de contrat d’engagement réciproque entre le bénéficiaire et son organisme référent. Nous divergeons néanmoins s’agissant des droits et devoirs.

Ce minimum social est un progrès social, un filet de sécurité, il n’a jamais été question de le remettre en cause.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement est issu de propositions formulées dans le rapport Sans contreparties du Secours catholique, soutenu notamment par le Mouvement national des chômeurs et précaires et Emmaüs France. Il se fonde d’abord sur les besoins des allocataires. Lorsque ceux-ci sont volontaires pour exercer un emploi, ils sont renvoyés vers Pôle emploi ; lorsqu’ils rencontrent des problèmes de logement, ils sont dirigés vers les services d’insertion sociale.

Le rapport Guilluy et la mission d’information Iborra sur Pôle emploi et le service public de l’emploi ont dénoncé le caractère disparate des organisations et des actions. Cet amendement clarifie la situation et tout reste à la main du département.

M. Nicolas Turquois (Dem). Ce qui est révoltant, c’est que nous laissions des millions de gens sans accompagnement de qualité ou sans accompagnement tout court. Nous avons besoin de méthodes différentes permettant de mieux coordonner les différents acteurs de l’emploi et tenir compte de l’intégralité des problèmes rencontrés par ces personnes : logement, mobilité... La suspension-remobilisation est également plus souple.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS125 et AS140 de M. Arthur Delaporte, AS797, AS795, AS799 de M. Éric Ciotti et AS573 de Mme Farida Amrani (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon premier amendement s’attaque à ce que vous attaquez. Il vise à supprimer les alinéas 2 à 5 et, en conséquence, les alinéas 28 à 57, qui refondent le régime des sanctions.

Contrairement à ce que disait M. Le Gac, nous ne sommes pas à droit constant. Ces alinéas modifient l’article L. 262-19 du code de l’action sociale et des familles en remplaçant le mot « suspendu » par le mot « supprimé », ce qui est éloquent. Cet article dispose en effet simplement : « Les conditions dans lesquelles le revenu de solidarité active peut être réduit ou suspendu... ».

De plus, j’ai prouvé hier que la loi de 1988 ne comprenait pas cette logique de sanction. Le renforcement des sanctions et de la mise sous tension des allocataires est plus récent.

Le second amendement est plus complet et tend à supprimer les alinéas 2 à 5, 28 à 47, 49 à 52 et 56 et 57. Dans son avis sur ce projet, la Défenseure des droits souligne que « plusieurs mesures prévues pour renforcer la “mobilisation” des personnes les plus éloignées de l’emploi apparaissent de nature à porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux des intéressés. D’abord, le recours au vocabulaire de la “ remobilisation” constitue une stigmatisation injustifiée et contradictoire avec la logique même du projet de loi. Alors que se multiplient les discours sur “l’assistanat” et l’absence de volonté de bénéficiaires du RSA d’accéder au marché de l’emploi, le projet de loi met clairement en lumière l’obligation qui pèse sur les pouvoirs publics d’offrir aux bénéficiaires de minima sociaux un accompagnement vers l’emploi tout en améliorant sa mise en œuvre. » Nous ne pouvons que rejoindre son analyse.

N’existaient à ce jour que la radiation et la suspension. Vous créez la suppression et la suspension-remobilisation, ce dernier terme étant révélateur de votre conception d’une « activation » de gens considérés comme inertes, inactifs. Bref, vous stigmatisez et vous renforcez le déséquilibre du droit.

M. Stéphane Viry (LR). Je défends l’amendement AS797.

Il faut toujours savoir à quoi l’on s’expose, dans un contrat, si l’on ne respecte pas ses termes. En l’état, la rédaction du texte est confuse. Nous proposons donc une rédaction plus conforme selon nous à l’esprit et aux objectifs d’un contrat d’engagement réciproque.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je défends les amendements AS795 et AS799.

Il convient de maintenir le régime actuel de sanction unique, modulable, matérialisée par une suspension du RSA décidée par le président de département, et d’instaurer un délai de carence ne pouvant excéder trois mois après suspension du RSA.

Il faut cesser de se montrer faussement naïfs. Que faire avec des personnes qui affirment ne pas vouloir travailler tout en voulant bénéficier des aides de l’État ?

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Vous avez ouvert la porte à un durcissement sans précédent des sanctions contre les allocataires, alors qu’ils ont cotisé. En substituant la suppression à la suspension, vous empêchez un allocataire ayant régularisé sa situation de récupérer les sommes qu’il aurait dû percevoir. Un tel durcissement ne fera qu’accroître les non-recours et la stigmatisation des plus précaires.

De plus, la sanction de suppression existe déjà : si un contrôle révèle une fraude manifeste, l’allocation peut être supprimée.

M. le rapporteur. Si vous vous attaquez à ce que nous attaquons, nous sommes d’accord. Le texte introduit précisément une véritable suspension et non la fausse suspension actuelle, qui équivaut à une suppression et aboutit à la radiation si l’allocataire ne reprend pas le droit chemin du contrat d’engagement. Nous défendons une suspension, dans un délai contraint et avec la possibilité d’un reversement de l’allocation.

Il ne faut pas perdre de vue que l’engagement est réciproque. Dans les cas visés par les amendements de M. Ciotti, le département pourrait être rapidement mis en défaut.

Avis défavorables.

M. Philippe Juvin (LR). La signature et le respect d’un contrat en contrepartie du versement du RSA sont une exigence minimale. Nous ne pensons pas, comme vous, que le RSA doit être versé « pour rien ». L’argent du RSA vient de la poche des contribuables, auxquels nous devons des comptes.

Un délai de carence devrait être institué avant de reverser le RSA, à la discrétion des autorités départementales, dans des cas de manquements particulièrement graves.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous serions donc d’accord, selon le rapporteur, pour aider les bénéficiaires du RSA. Je suis certainement d’accord avec le Paul Christophe de 2020 qui déclarait : « Considérant que la crise sanitaire a vu l’émergence du besoin de mettre en place un filet de sécurité inconditionnel et universel, il faut finalement un socle de base ». Ce Paul Christophe, qui signait cette résolution adoptée par notre assemblée jugeait donc que la sanction était inutile. J’aimerais le retrouver.

Par ailleurs, la suspension-remobilisation est-elle partielle ou totale ?

M. le rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion en tête-à-tête et il n’est pas très honnête de la travestir. Vous savez très bien que j’ai cosigné cette résolution de groupe pour appeler au débat et que je n’ai en rien cautionné la conception du revenu universel d’activité.

Nous ne changeons pas les mesures en vigueur concernant les conditions de suspension ou de suppression du RSA. Les barèmes relèvent, de surcroît, du règlement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS146 de M. Arthur Delaporte et AS895 de M. Pierre Dharréville

M. Arthur Delaporte (SOC). Il convient de supprimer les alinéas 2 à 4, qui donnent la possibilité à l’organisme référent, en cas d’hospitalisation ou d’incarcération d’un des membres de la famille de l’allocataire du RSA, de supprimer le versement du RSA. En l’état du droit, seules une réduction ou une suspension sont possibles.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit de supprimer le durcissement des sanctions dans le cas où un membre du foyer du bénéficiaire du RSA est admis en établissement de santé ou pénitentiaire. Les alinéas 2 à 4 de l’article 3 prévoient en effet de substituer à la possibilité de suspendre l’allocation sa suppression pure et simple.

M. le rapporteur. Ces alinéas opèrent une simple mise en cohérence de l’article L. 262-19 avec le reste des dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives à la suspension du RSA.

Les règles relatives au maintien du RSA dans les cas où le bénéficiaire de l’aide disposant d’un droit familialisé se verrait admis dans un établissement de santé ou qui relève de l’administration pénitentiaire demeurent inchangées par rapport au droit positif.

Avis défavorable.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Le consentement à l’impôt, monsieur Juvin, est en effet un vrai sujet. La Macronie a fait en sorte de se priver d’une recette de 50 milliards d’euros. Qui a bénéficié d’une telle économie ? Les hyper-riches et les grands groupes. Avant de dépenser l’argent public, il faut en avoir ; or ceux qui devraient contribuer le plus contribuent de moins en moins et vous faites payer les plus pauvres. Cela emporte également des conséquences pour la qualité du service public de Pôle emploi, que cette loi veut détruire. Les Français n’en auront effectivement pas pour leur argent !

M. Philippe Juvin (LR). L’argent public n’existe pas : il n’y a que l’argent des impôts des Français. Comment le dépensons-nous ? Je me sens responsable de son utilisation.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1440 de M. Paul Christophe.

Amendement AS659 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Nous sommes résolument contre le nouveau contrat d’engagement et nous demandons la suppression de l’alinéa 8. Une véritable politique d’insertion sociale et d’emploi est nécessaire. Il est regrettable que la Macronie s’y refuse et s’enfonce dans une politique de rabotage social. Ce texte place l’humain en arrière-plan.

M. le rapporteur. L’alinéa 8 opère une coordination entre le code du travail et le code de l’action sociale et des familles. Il serait incohérent que l’article L. 262- 27 de ce dernier fasse référence à des contrats qui n’existent plus.

Avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous ne sommes pas favorables à un tel basculement, car les allocataires du RSA ont droit à ce revenu, que nous souhaiterions appeler un revenu minimum de garantie dignité et que nous voudrions au-dessus du seuil de pauvreté.

Que fait-on avec l’argent public ? Doit-on faire un cadeau de 50 milliards d’euros aux super-riches ? De l’enfer des pauvres est fait le paradis des riches. La politique publique du RSA est très peu coûteuse compte tenu de son impact social : 15 milliards pour 1 900 000 foyers, soit, 4 millions de personnes, dont de nombreux enfants. Je préfère que les enfants n’aient pas faim plutôt que les riches se gavent.

M. Nicolas Turquois (Dem). La dignité ne consiste pas à accorder le RSA, mais à l’accorder à court terme pour subvenir aux besoins essentiels et accompagner les allocataires pour leur permettre de s’en sortir et d’occuper une place décente dans la société. Elle consiste à aider ceux qui le peuvent à obtenir un travail et à accompagner socialement ceux qui ne le peuvent pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS147 de M. Arthur Delaporte, AS485 de Mme MarieCharlotte Garin, AS574 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS897 de M. Yannick Monnet

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à supprimer l’inscription automatique des demandeurs du RSA et de leur conjoint, concubin ou partenaire au sens du code de l’action sociale et des familles sur la liste des demandeurs d’emploi. Une telle automaticité nie les difficultés de vie des demandeurs du RSA et l’idéal de solidarité.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous refusons à nouveau l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA et de leur conjoint, concubin ou partenaire pacsé, qui semble vouloir leur imposer et leur rappeler la nécessité d’être au travail, qu’ils y soient prêts ou non.

Cette automaticité, qui pose à nouveau la question du travail et du contrôle à n’importe quel prix, est infantilisante et inacceptable, et nous n’avons toujours pas compris la justification que vous en donniez hier, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Défendant l’inconditionnalité du RSA et la déconjugalisation des aides sociales, nous demandons la suppression des alinéas 9 et 10, avec les mêmes arguments que ceux que viennent d’exposer nos collègues.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous avons déjà eu ce débat et nos questions sont restées sans réponse satisfaisante pour nous.

M. le rapporteur. Je rappelle que nous n’introduisons absolument rien de nouveau, car l’article L. 262-27 du code de l’action sociale précise que « les mêmes droits et devoirs s’appliquent au bénéficiaire et à son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité, qui signent chacun un projet ».

Avis à nouveau défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1441 de M. Paul Christophe.

Amendement AS347 de M. Arthur Delaporte, amendements identiques AS721 de Mme Katiana Levavasseur, AS898 de M. Pierre Dharréville et AS1022 de M. Benjamin SaintHuile (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de protéger les conjoints, car vous ne nous avez toujours pas convaincus que le dispositif proposé était à droit constant. J’ai cité ce matin l’exemple des conjoints agriculteurs exploitants, qui gagnent peu et qui, demain, seront soumis à l’obligation d’inscription à Pôle emploi alors qu’ils ne sont pas demandeurs d’emploi.

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement AS721 est lié à l’amendement AS719, qui vise à la suppression de l’inclusion automatique des conjoints sur la liste des demandeurs d’emploi, avec le même argumentaire. Cette inscription doit être personnelle.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet amendement de repli vise à supprimer l’inscription automatique sur les listes des demandeurs d’emploi des conjoints, concubins et partenaires liés par un pacs à un bénéficiaire du RSA. Nous avons, en effet, déjà eu ce débat, et nous sommes en désaccord sur ce point, mais peut-être parviendrons-nous à emporter la majorité de l’Assemblée.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je persiste dans mon incompréhension de bonne foi. L’inscription automatique du conjoint sur la liste des demandeurs d’emploi me semble être une nouveauté. Confirmez-vous que le dispositif est bien à droit constant ?

M. le rapporteur. Je vous invite à le vérifier par vous-même, puisque vous ne me croyez pas sur parole. L’article que j’ai cité montre bien que le dispositif sera à droit constant.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La question n’est pas tant de savoir si la mesure est à droit constant que si c’est une bonne mesure. C’est l’occasion d’avoir ce débat. Il est incompréhensible d’inscrire sur la liste des demandeurs d’emploi des gens qui ne demandent pas d’emploi. Si c’est pour les radier, est-il besoin de les y inscrire ? Nous ne comprenons pas la démarche poursuivie avec cette mesure, fût-elle à droit constant.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS575 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). À défaut de vous convaincre de ne pas inscrire les conjoints des bénéficiaires sur la liste des demandeurs d’emploi, peut-être accepterez-vous de subordonner cette inscription à leur consentement. En effet, la première raison de radiation est l’absence à un rendez-vous – c’est le cas pour 80 % à 90 % des désinscriptions. Or, en multipliant le nombre d’inscrits pour un même ménage indemnisé, vous multipliez aussi les occasions d’erreur d’adresse, d’oubli de rendez-vous ou de panne de wifi – assez fréquentes selon les caisses d’allocations familiales et Pôle emploi –, c’est-à-dire des occasions de désinscription forcée. Rétablir le consentement en la matière permettrait un meilleur respect des droits fondamentaux de la population.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). Pardonnez notre insistance, mais nous ne comprenons toujours pas pourquoi devraient être inscrits sur une liste de demandeurs d’emploi des gens qui ne demandent pas d’emploi. Autrefois, les conjoints étaient inscrits au RSA sur le même fichier que leur conjoint, mais cette loi devrait précisément être l’occasion de changer de fichier.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1458 de M. Paul Christophe, AS1251 de Mme Michèle Peyron et AS1275 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. En cohérence avec nos travaux sur les articles 1er et 2, il s’agit de rétablir le nom de France Travail pour l’opérateur Pôle emploi.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens cet amendement. Selon les missions locales, l’adjectif « locale » dans leur nom permet une bonne identification, car il exprime la proximité. Le nom de Pôle emploi était certes générique, mais celui de l’opérateur France Travail s’éloigne de cette impression de proximité en suggérant qu’il existe une structure surplombant l’ensemble. Renommer le réseau France Travail en « France Rail » clarifiera les choses, et Pôle emploi en France Travail ne les empirera pas forcément.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous restons opposés à cette modification, car une certaine constance dans les noms est nécessaire à l’identification du service public. Une opération de marketing et de communication est inutile et mieux vaudrait consacrer à la qualité de l’accompagnement tout l’argent et toute l’énergie ainsi gâchés. L’effet de revalorisation auprès des allocataires serait le même.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1151 de M. Victor Catteau

M. Serge Muller (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS792 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (LR). L’amendement vise à ce que toute radiation des listes de Pôle emploi entraîne une suppression du versement du revenu de solidarité active, alors que, dans le système actuel, cette décision relève du président du département. Le but est que les personnes ne recherchant pas effectivement un emploi ne puissent pas bénéficier sans limite de délai de la solidarité nationale.

M. le rapporteur. Par cohérence avec notre vote sur l’article 2, qui a supprimé cette réciprocité, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS921 de M. Pierre Dharréville et amendements identiques AS348 de M. Arthur Delaporte et AS1023 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement, qui procède d’une proposition de la CFDT, vise à exclure des sanctions prévues dans l’article les personnes orientées vers un accompagnement social. En cas de manquement constaté à leurs obligations, l’amendement prévoit également un rendez-vous au cours duquel seront réévalués les besoins de ces personnes et où, le cas échéant et avec leur accord, sera redéfini un contrat d’engagement réciproque.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement de repli vise à supprimer les sanctions, notamment la suspension-remobilisation, notion qui pose un problème éthique, car elle traduit une certaine vision de l’action sociale. Vous semblez dire qu’en suspendant les aides, on remobilise mieux, alors que c’est l’inverse. Cet amendement a été écrit notamment avec la CFDT, qui considère, comme les députés opposés à ce principe, que l’accompagnement ne passe pas par le retrait d’une prestation en argent, qui ne fait qu’exclure toujours plus.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Mon amendement vise à ce que la sanction soit positive. Pour remobiliser, en cas d’incident de parcours, les personnes qui font l’objet d’un accompagnement social et qui sont donc éloignées de l’emploi, mieux vaut recourir à un entretien plutôt qu’à une sanction pécuniaire. Malgré le sentiment qui semble se dégager ici, il peut donc exister, en cas de défaillance de l’allocataire, une forme de sanction, d’interpellation qui ne touche pas nécessairement à son portefeuille et permette de trouver un équilibre entre l’incitation – dont personne ne parle aujourd’hui – et une sanction qui ne serait pas pécuniaire, afin de ne pas l’enfoncer davantage dans la difficulté. Je suis surpris que de tels amendements ne recueillent pas un consensus plus large.

M. le rapporteur. Le contrat d’engagement réciproque inscrit à l’article 2 du projet de loi est élaboré en tenant compte notamment de la situation personnelle et familiale de la personne concernée. Il s’agit donc d’un continuum qui doit s’exprimer dans le suivi. La sanction ou la suspension est bien le constat de l’échec de cet accompagnement. Tout doit donc être mis en œuvre au préalable.

À vous entendre, on pourrait penser que la suppression est le but poursuivi, alors que c’est le contraire. Il faut certes la prévoir, mais la notion de suspension vise précisément à éviter une suppression – même si cette dernière ne dit pas son nom.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement AS348 présente un intérêt complémentaire : au-delà de la suspension, il prévoit un entretien spécifique permettant de clarifier avec les personnes orientées vers l’accompagnement social les engagements réciproques.

Vous nous dites que vous êtes presque gentils puisque vous allez améliorer le droit existant en réduisant l’impact de la sanction. Ne croyez-vous pas que la suspension-remobilisation que vous introduisez encouragera, au contraire, le recours à la sanction ? Dans de nombreux départements, les conseillers départementaux qui siègent dans les commissions pluridisciplinaires indiquent que le recours à la sanction est très limité en raison même de sa sévérité. Une sanction plus facile à appliquer pourrait être plus souvent utilisée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS486 de Mme MarieCharlotte Garin

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, deux tiers des allocataires du RSA déclarent être freinés dans leurs démarches de recherche d’emploi, et près d’un sur deux cite comme principal obstacle l’absence de moyen de transport ou le coût des déplacements. Parmi les allocataires du RSA sans emploi qui ne recherchent pas d’emploi mais qui souhaiteraient travailler et ne mangent donc pas de chips sur leur canapé, 40 % affirment que leurs problèmes de santé sont la raison principale pour laquelle ils ne tentent pas de trouver un travail.

L’article L. 262‑29 du code de l’action sociale et des familles dispose, entre autres, que le président du département tient compte des freins à l’emploi rencontrés par l’allocataire tenant notamment à ses conditions de logement, pour l’orienter vers les autorités ou organismes compétents. Or cette mention des freins disparaît dans la réécriture proposée pour ledit article. Nous sommes donc très inquiets quant à la prise en compte de ces freins et nous souhaiterions des explications de M. le rapporteur.

M. le rapporteur. Je ne partage pas cette lecture. La rédaction de l’article L. 262-29 permet pleinement de prendre en compte les difficultés sociales des personnes inscrites à France Travail, dont, bien évidemment, les bénéficiaires du RSA. Sur le fond des échanges que nous avons eus ces derniers jours sur ces questions, votre amendement fait un mauvais procès et j’y serai défavorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). Il ne faut pas faire comme si les engagements réciproques consistaient à imposer aux allocataires du RSA de prendre un travail sous peine de perdre leur allocation. Le but de ces contrats est précisément d’accompagner les difficultés de santé, de mobilité et de logement des personnes très éloignées de l’emploi, et il ne faut pas voir que le mauvais côté. Cette démarche peut donner lieu à des actions de formation. Ainsi, des personnes qui ne peuvent pas se déplacer peuvent recourir aux aides qui existent pour passer leur permis de conduire. Ne pas le faire, en revanche, exprimerait, une volonté manifeste de ne pas se rapprocher du marché de l’emploi. Tous les torts ne peuvent pas être toujours du seul côté des services de l’emploi et il faut tenir compte de la responsabilité individuelle, surtout avec les accompagnements financiers, humains et sociaux qui existent en France et qui pèsent tout de même du côté des bénéficiaires.

M. Arthur Delaporte (SOC). Monsieur le rapporteur, je vous ai posé tout à l’heure la question des moyens et je n’ai pas entendu votre réponse. Comment assurer la qualité de l’accompagnement et éviter que les freins à l’emploi donnent lieu à une suppression de l’allocation ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1092 de M. Jocelyn Dessigny

M. Serge Muller (RN). Le bénéficiaire du RSA empêché par des difficultés en matière de logement, de santé ou de garde d’enfant doit pouvoir être orienté en vue de son insertion sociale ou être pris en charge à raison de ces sujétions personnelles. Dans un second temps, une fois ces difficultés résolues un contrat d’engagement pourra lui être proposé.

M. le rapporteur. Je tiens à vous rassurer, ces dispositions sont prévues au titre du contrat d’engagement.

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). M. Di Filippo est très généreux : il est prêt à faire en sorte qu’une personne qui en a besoin bénéficie d’aides pour passer le permis de conduire. Sans doute faudrait-il aussi qu’elle accepte qu’on lui paie une voiture et qu’on en remplisse régulièrement le réservoir d’essence. Tout est si simple avec M. Di Filippo : si ça ne marche pas, c’est vraiment parce que les gens ne veulent pas.

Soyons sérieux ! Les freins sont lourds et souvent complexes. Il ne suffit pas d’avoir le permis, encore faut-il avoir un véhicule et pouvoir y mettre de l’essence. Ou, mieux encore, un transport en commun pour se rendre à son travail. Assez de caricatures !

Nous demandons des garanties pour que les difficultés liées à l’environnement ou aux situations personnelles des personnes qui recherchent un emploi soient réellement prises en compte et que tout ne soit pas toujours de leur faute.

M. Fabien Di Filippo (LR). La seule caricature que je vois est celle qui consiste à dire que ce n’est jamais la faute des gens. Divers dispositifs d’aide existent, notamment dans nos communautés de communes, pour proposer notamment des prêts de véhicule. Au risque de vous choquer, j’ajouterai que la meilleure façon de payer son loyer et son plein d’essence et d’assumer son train de vie est plutôt de travailler que de toucher le RSA.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS576 de M. Hadrien Clouet et AS902 de M. Yannick Monnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). À l’attention de M. Di Filippo, ce que M. Bernard Arnault a gagné en fortune supplémentaire pendant la crise sanitaire représente un quart seulement du montant du RSA pour l’ensemble des allocataires.

L’amendement AS576 vise à supprimer la possibilité pour le président du conseil départemental de déléguer la compétence d’orientation des bénéficiaires du RSA au futur opérateur France Travail. On assiste, depuis les années 1990, à une dégradation continue de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Le nombre de professionnels dans ce domaine a été divisé par trois sur cette période, avec aujourd’hui un professionnel pour cent personnes accompagnées. C’est donc plutôt ce problème qu’il faudrait résoudre, mais vous le contournez.

Les départements sont pris à la gorge par manque de moyens, mais vous vous apprêtez à ne pas leur en donner plus et leur dites qu’ils n’ont qu’à se dédouaner du problème en le déléguant à l’opérateur France Travail. Étant donné que cet organisme n’aura pas d’effectifs supplémentaires, que l’insertion sociale ne relève pas des mêmes métiers que l’insertion professionnelle et qu’aucun plan de formation ni de recrutement n’est prévu en la matière, vous déléguerez finalement ces actions à des opérateurs privés, prestataires de Pôle emploi. Or ça ne marche pas : tous les rapports montrent que l’opérateur public est bien plus compétent qu’un opérateur privé à but lucratif, qui vise d’autres objectifs – à moins de fixer pour objectif à ces opérateurs privés de fliquer et de coincer les allocataires en vue de supprimer leurs allocations, ce avec quoi nous exprimons notre désaccord.

Laissons les départements s’occuper des bénéficiaires du RSA et accompagnons-les pour garantir les droits de ces derniers.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Monsieur Di Filippo, le meilleur moyen de payer ses factures est en effet de travailler, et nous sommes donc très attentifs à l’accompagnement des personnes qui sont loin de l’emploi. L’enjeu est bien qu’elles retravaillent rapidement et c’est pourquoi nous nous opposons à une délégation de la mission du département en la matière. Les équipes des départements sont mieux équipées, notamment pour ce qui est des équipes pluridisciplinaires, car les situations d’éloignement de l’emploi tiennent à différents facteurs. Malgré le manque de moyens, les équipes des services sociaux des départements accomplissent un formidable travail d’accompagnement, qu’il conviendrait d’ailleurs d’amplifier avec davantage de moyens. Or votre projet de loi ne garantit pas de moyens supplémentaires à France Travail ou à Pôle emploi, ce qui laisse craindre une dégradation de ce travail.

L’éloignement de l’emploi tient à des causes parfois multifactorielles, ce qui suppose des équipes assez armées et pluridisciplinaires. Les départements possèdent de telles équipes ; il faut les renforcer.

M. le rapporteur. Je souscris pleinement à cette analyse. Notre objectif est que ces personnes trouvent du travail rapidement. Les profils de certains de ces allocataires du RSA sont très proches du travail et il suffit de peu de choses pour qu’ils y accèdent, pour autant qu’ils soient orientés vers la bonne personne. Nous avons presque pris rendez-vous pour aller ensemble à Tourcoing : vous verrez que, lorsqu’on travaille en synergie et en réseau, ce que propose précisément ce texte, les agents de Pôle emploi sont un peu plus efficaces pour accompagner vers l’emploi ces personnes repérées comme en étant très proches. Les départements, que je connais bien, n’ont pas forcément envie de déléguer aussi facilement une compétence à un opérateur, quel qu’il soit.

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Ecolo - NUPES). Vous avez cité, à propos des moyens alloués à Pôle emploi, des chiffres qui s’étalent dans le temps, mais le tiré à part publié sur le site du ministère des finances n’indique, pour 2024, aucune augmentation du plafond d’emplois de cet organisme.

Mme Anne Bergantz (Dem). Il ne faut pas opposer les accompagnements. J’ai ainsi pu voir dans mon département un territoire expérimentateur de ce dispositif, où Pôle emploi et le conseil départemental se sont rencontrés pour réfléchir à l’articulation et à l’organisation de leurs interventions, qui prévoient évaluation et orientation, suivant trois parcours principaux : l’un, professionnel, relève de Pôle emploi ; un autre, socioprofessionnel, de Pôle emploi et du conseil départemental ; le troisième est uniquement social. Les accompagnements ne s’opposent pas, mais se complètent.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1081 de M. Hadrien Clouet

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Ce projet de loi repose sur le principe que si les bénéficiaires du RSA n’ont pas d’emploi, c’est de leur faute. C’est méconnaître les situations qui conduisent les personnes à solliciter le RSA. C’est aussi mépriser et infantiliser les plus vulnérables. C’est également tenir un discours mensonger, car on compte six fois plus d’inscrits à Pôle emploi que d’emplois vacants – il ne suffit décidément pas de traverser la rue pour trouver un emploi ! C’est, enfin, changer la nature du RSA, car cette prestation est un minimum pour vivre et, à ce titre, devrait être inconditionnelle.

Par ailleurs, vous allez surcharger encore Pôle emploi, dont vous brisez les reins comme vous brisez méthodiquement tous les services publics. Pôle emploi est le service public le plus mal noté par les usagers et ses agents sont en souffrance, car ils sont surchargés de travail et de stress. Les nouvelles règles que vous allez imposer ajouteront de nouvelles missions sans aucun engagement financier gravé dans le marbre ni moyens à la hauteur de besoins qui vont exploser.

L’amendement vise à redonner aux bénéficiaires la décision quant à leur orientation professionnelle. C’est une mesure de responsabilisation, car il faut arrêter de les traiter comme des enfants sans considérer la réalité de leur situation.

M. le rapporteur. Le choix de déléguer une compétence doit assez naturellement revenir à la personne qui l’exerce – en l’occurrence, le président du conseil départemental.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1442 de M. Paul Christophe.

Amendement AS904 de M. Pierre Dharréville

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement tend à inscrire dans la loi un délai minimum. Le délai de trois mois est, selon les études, celui qui sépare l’entrée dans le dispositif du RSA du premier rendez-vous. Il s’agit donc de laisser aux départements le temps de s’organiser tout en sanctuarisant ce délai de trois mois.

M. le rapporteur. Ce délai est moins ambitieux que celui de deux mois que prévoit actuellement le code de l’action sociale et des familles, tandis que la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté préconisait même une orientation en un mois.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1443 de M. Paul Christophe.

Amendement AS154 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à rétablir la compétence départementale d’identification, d’évaluation et d’appui pour l’accompagnement des allocataires du RSA, au moyen de correspondants dédiés. Cet amendement a été travaillé avec les départements, dont la compétence est appréciée et estimée des acteurs locaux. Les travailleurs sociaux des départements accomplissent en effet un travail de grande qualité.

La mesure proposée permet de préserver le droit constant en maintenant la capacité du président à identifier et évaluer les référents chargés du suivi des allocataires du RSA, qu’ils soient issus des conseils départementaux ou de Pôle emploi

M. le rapporteur. Avis défavorable – ce qui est logique, puisque nous n’avons pas la même lecture du texte. La mesure proposée n’a plus de sens dans le nouvel écosystème créé par le réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous ne partageons pas, en effet, la même vision, et c’est bien là le problème. Vous allez participer à un processus de recentralisation autoritaire, selon les mots du président du conseil départemental de la Gironde, en vous opposant à ce qui était auparavant une forme de décentralisation solidaire, où la compétence départementale d’accompagnement et d’orientation des allocataires du RSA était fondamentale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS578 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Au nom du retour rapide à l’emploi, vous voulez instaurer des dispositifs qui exercent une pression sur les personnes en leur imposant une contrainte liée à la signature de contrats et à leur vérification régulière. Or, plus la pression qui s’exerce sur les personnes protégées est importante, que ce soit dans un régime d’assurance ou d’assistance, plus ces personnes sont enclines à accepter n’importe quel emploi, ce qui a plusieurs conséquences en cascade.

La première est pour leur vie : si vous forcez les gens à accepter n’importe quel emploi sous la pression, vous les placez dans une trajectoire de vie de plus en plus difficile, puisque leur emploi est moins bien que le précédent. La deuxième est que cela coûte cher à tout le monde car, lorsque les demandeurs d’emploi acceptent des emplois précaires, ils n’y restent que quelques mois et cotisent assez peu : mieux vaut parfois consacrer un mois de plus à la recherche d’un emploi que de voir ces personnes revenir s’inscrire à l’assurance chômage au bout de quelques semaines. La troisième touche à la protection générale du salariat : si l’on fait pression sur les demandeurs d’emploi pour qu’ils acceptent n’importe quel poste, les employeurs savent qu’ils peuvent embaucher pour moins cher et dans de moins bonnes conditions, ce qui entraîne partout un effet à la baisse. Des études réalisées dans toute l’Europe, notamment en Allemagne, en Autriche et en Slovénie, montrent que dès que l’on réduit la protection sociale des personnes hors emploi, on réduit aussi la qualité des emplois proposés, car une partie des employeurs est certaine de trouver une main-d’œuvre qui les acceptera, de gré ou de force.

M. le rapporteur. Vous souhaitez supprimer les dispositions relatives à la réorientation des bénéficiaires d’une allocation sociale ; or les délais indiqués sont inchangés par rapport au droit existant. En outre, l’alinéa 21 substitue à l’examen par l’équipe pluridisciplinaire un diagnostic réalisé conjointement par France Travail et le référent du bénéficiaire sur le fondement du référentiel mentionné par le code du travail. Je rappelle en outre que ce diagnostic tient compte, puisque nous l’avons ainsi voté, de toutes les difficultés rencontrées par le bénéficiaire et garantit donc un examen plus approfondi qu’aujourd’hui de sa situation.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1444 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1093 de M. Jocelyn Dessigny

M. Serge Muller (RN). La réinsertion et le retour à l’emploi des usagers qui en sont le plus éloignés étant une priorité nationale, il est de bonne politique que cette urgence se traduise dans les faits. Les délais d’encadrement de la recherche d’emploi doivent être restreints pour être plus efficaces. L’amendement propose donc de réduire le délai d’engagement des démarches de recherche d’emploi de six à trois mois avant que la situation fasse l’objet d’un diagnostic. Étant donné qu’il s’agit de l’argent du contribuable, les bénéficiaires et l’État doivent être plus réactifs.

M. le rapporteur. Nous légiférons à droit constant sur les délais de réexamen de la situation du demandeur, qui sont de six mois à compter de la signature du contrat d’engagement et peuvent être portés à douze mois par décret, mais rien n’empêche d’être plus rapide si les conditions sont réunies.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je suis opposé à cet amendement. Si j’ai bien compris, vous dites qu’il faut arrêter de gaspiller l’argent du contribuable avec le RSA.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Veuillez éviter ces interpellations, je vous prie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS487 de Mme MarieCharlotte Garin

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à garantir la réciprocité des engagements entre l’État et les demandeurs. L’idée dominante dans cette commission, c’est que le travail et la production sont au centre de la société, au centre des droits et des devoirs des citoyens. Alors qu’on doit dessiner une autre société, imposée par l’urgence climatique et la crise sociale, on n’arrive pas à se défaire de la question du PIB, de la croissance, des richesses matérielles, de la production, des salaires, des horaires et de la formation, alors même qu’une réforme du RSA élargissant son socle aurait permis de penser à un revenu sinon universel du moins de base. Les écologistes aspirent à créer une société du choix. Je regrette que les discussions soient enfermées dans un système de pensée de l’ancien monde et que nous n’arrivions pas à penser notre système social dans un contexte d’effondrement climatique.

M. le rapporteur. Votre amendement s’inscrit dans ce que nous avons voté au titre du contrat d’engagement réciproque. Avis favorable en cohérence.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1474 et AS1475 de M. Paul Christophe.

Amendement AS148 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement de repli vise à ne pas retirer la compétence confiée en l’état du droit à l’équipe pluridisciplinaire de réalisation d’un diagnostic global de l’allocataire du RSA qui, six mois après la signature de son contrat d’engagement, ne peut s’engager dans une démarche de recherche d’emploi. Alors que les équipes pluridisciplinaires fonctionnent et obtiennent des résultats, le projet de loi prévoit de confier à Pôle emploi et au référent unique le soin de réaliser ce diagnostic global. Cela va à l’encontre de la philosophie actuelle de l’insertion, fondée sur la mise en réseau des acteurs et la présence des conseils départementaux dans le processus d’accompagnement, comme vous le savez, monsieur le rapporteur, pour être conseiller départemental.

M. le rapporteur. Vous imaginez donc ma prudence sur cette question ! En l’espèce, il s’agit de mettre en commun toutes nos énergies pour accompagner l’allocataire vers le travail le plus rapidement possible.

Avis défavorable.

M. Didier Le Gac (RE). Madame Rousseau, après trois jours de débat, vous êtes finalement favorable au contrat d’engagement réciproque. Je m’en réjouis !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS577 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement vise à compléter la rédaction de l’alinéa 21 afin d’assurer que toute réorientation s’avère plus favorable à l’allocataire et s’inscrit dans une proposition de formation professionnelle si ce dernier en fait la demande.

Le nouveau diagnostic inhérent à l’incapacité du bénéficiaire du RSA de trouver un emploi six à douze mois après la signature ou la révision de son contrat d’engagement doit aboutir à une orientation plus favorable à l’allocataire. Le cas échéant, l’organisme référent doit proposer au bénéficiaire du RSA qui en fait la demande plusieurs offres de formation professionnelle.

M. le rapporteur. Satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1445 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1082 de M. Hadrien Clouet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). L’amendement vise à supprimer l’alinéa 23, relatif aux réorientations des allocataires du RSA. Vous fabriquez une machine pour les broyer. Si six à douze mois après la signature du contrat d’engagement, le bénéficiaire du RSA n’a pas trouvé d’emploi, il faut réviser son contrat et le réorienter vers un nouvel organisme. Tous les six mois, l’allocataire peut se retrouver à changer de suivi. Croyez-vous deux secondes que ça va marcher ? J’aimerais qu’on évalue pendant ce laps de temps combien d’emplois ont été créés grâce à la politique du Gouvernement. Au contraire, allez voir les expérimentations des territoires zéro chômeur de longue durée. C’est génial ! On signe des contrats à durée indéterminée, on mobilise l’ensemble des territoires pour voir les besoins à satisfaire, et ça fonctionne ! Pourtant, le Gouvernement a diminué leur financement. Vous sabordez une expérience qui marche et vous montez une usine à gaz de maltraitance sociale.

M. le rapporteur. Nous proposons une délégation pour aller vers un mieux‑disant. Réviser son dossier avec le concours du bénéficiaire permet aussi de mieux apprécier des situations qui évoluent.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1030 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement vise à supprimer l’alinéa 24, qui précise la possibilité de réviser le contrat d’engagement du bénéficiaire du RSA. La subsistance, la survie et le droit à l’existence ne doivent pas être tributaires de la manière dont on répond à des formulaires.

M. le rapporteur. Vous voulez supprimer la possibilité de réviser le contrat d’engagement du bénéficiaire du RSA, dans son intérêt, selon nous, d’autant que c’est parfois le moyen de maintenir un lien avec la personne concernée.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1031 de M. Hadrien Clouet

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Cet amendement de repli vise à préciser que toute révision du contrat d’engagement du bénéficiaire du RSA ne doit aboutir qu’à une amélioration des termes du contrat mentionné. Le bénéficiaire du RSA ne doit en aucun cas revoir ses critères d’offre raisonnable d’emploi à la baisse, sous la contrainte de voir son allocation baisser. La convention n° 29 de l’Organisation internationale du travail condamne le travail forcé, défini comme « tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré ».

M. le rapporteur. Nous ne partageons pas la même vision de l’accompagnant. C’est avec le bénéficiaire que l’organisme procède à la révision.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Renégocier un contrat, pourquoi pas. Néanmoins, la loi doit poser des limites. Demander un contrat plus avantageux oblige le nouvel opérateur à prendre en compte ce qui s’est fait avant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS149 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à ne pas abroger la convention conclue entre le département, Pôle emploi et d’autres personnes publiques – les centres communaux d’action sociale (CCAS), l’État ou les gestionnaires des plans locaux pour l’insertion et l’emploi – définissant les modalités concrètes de mise en œuvre du droit à l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Or l’article 3 vient supprimer cette convention, qui nous semble pertinente.

M. le rapporteur. L’un des objectifs de la loi est bien de renforcer la coordination et la mise en réseau. Nul besoin de maintenir une convention qui sera devenue obsolète.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS488 de Mme MarieCharlotte Garin

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à supprimer les alinéas 26 à 78. Les députés écologistes s’opposent à la place faite dans le projet de loi à la sanction de suppression de l’allocation du RSA qui, jusqu’à présent, était réservée aux cas de fraudes et non actionnée envers des allocataires pour des manquements aux engagements du contrat. Cette sanction, dont la durée peut être décidée par le président du département, même si elle est susceptible de présenter quelques résultats, n’en comporte pas moins beaucoup plus de risques pour la personne de s’enfoncer dans les difficultés, dans l’extrême pauvreté qui est la vraie trappe à l’emploi et in fine de tomber dans le non-recours.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS579 de M. Hadrien Clouet

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Nous souhaitons supprimer la possibilité offerte au conseil départemental de supprimer ou de suspendre le versement du RSA en cas de non-respect du contrat d’engagement. Ce n’est plus une logique d’égalité devant le droit mais de dépendance, en fonction de la sensibilité du président du conseil. M. Troussel, dans mon département par exemple, aura bien du mal à appliquer une loi avec laquelle il est en désaccord. Mais, ailleurs, on imagine bien que ça puisse aller bon train pour supprimer le RSA au moindre manquement – oui, monsieur Juvin, je pense à vos amis notamment.

M. le rapporteur. Je ne désespère pas de vous convaincre que la proposition de suspension-remobilisation est mieux‑disante que la situation actuelle, qui est une suppression déguisée.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). Madame Autain, vous n’êtes pas dans le camp des gentils et nous, Les Républicains, dans celui des méchants. Nous veillons seulement à ce que l’argent prélevé dans la poche des Français et qui est utile pour financer nos politiques sociales soit utilisé à bon escient, avec des engagements de part et d’autre.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Clémentine Autain a raison de pointer les possibles différences d’application de la loi. Monsieur le rapporteur, vous ajoutez une nouvelle sanction à l’arsenal des sanctions. Vous faites le pari que cette sanction intermédiaire allégera un certain nombre des sanctions actuelles, mais cela peut aussi avoir l’effet inverse. Quand on hésitait à imposer la sanction maximale, on utilisera la suspension. Et quels effets aura réellement cette suspension dite remobilisation ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS905 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet amendement, issu de propositions formulées par l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), vise à rappeler les engagements réciproques du contrat liant un demandeur d’emploi à son organisme référent.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait, puisque les carences de France Travail dans l’exercice de ses missions sont de nature à engager sa responsabilité devant le juge administratif, selon une jurisprudence constante.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Jusqu’ici la suspension était liée à des problèmes de fraude et était donc marginale. Votre proposition vise à étendre les sanctions. C’est toute la logique de France Travail. L’allocation étant désormais soumise au fait d’être actif dans la recherche d’emploi, il y aura forcément beaucoup plus de manquements et donc de sanctions. Vous substituez une logique de devoir à une logique de prestation.

M. le rapporteur. La suspension existe déjà en réalité. Si le RSA est suspendu, l’allocataire est privé d’une quotité de son RSA qui ne lui sera pas reversée. La suspension est privative à 100 %. La suspension-remobilisation, elle, permet que l’allocation soit reversée dès lors que l’allocataire rentre dans les dispositifs prévus par le contrat d’engagement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS906 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement vise à supprimer les alinéas 28 à 57.

Contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur, le régime des sanctions s’est fortement durci. Actuellement, la personne concernée par une suspension de son RSA a un mois pour faire valoir ses arguments. Or vous supprimez ce délai.

Nous relayons ce que souligne la Défenseure des droits, selon laquelle le projet de loi fait courir le risque que les obligations d’insertion sociale et professionnelle deviennent des conditions d’accès au RSA plutôt que des modalités d’exécution du droit à l’accompagnement.

M. le rapporteur. Il est bien mentionné à l’alinéa 38 que le bénéficiaire est « informé des faits reprochés » et qu’il est « mis en mesure de faire connaître ses observations ».

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il n’y a plus de délai !

M. le rapporteur. Précisément, c’est peut-être mieux‑disant !

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur, vous nous dites que les sanctions existent déjà. Pourriez-vous nous dire quel est leur nombre, leur montant, leur doctrine d’application et l’effet sur l’insertion des allocataires ? Vous changez un système décentralisé qui n’a jamais été évalué. Par ailleurs, là où actuellement une équipe pluridisciplinaire prend la décision de la sanction, vous la mettez dans les seules mains du conseiller de l’allocataire.

M. Nicolas Turquois (Dem). Au vu des résultats d’insertion du RSA, notamment dans certains départements, on peut juger que le système est totalement défaillant. Essayer une méthode différente, qui aura ses limites et qui aura sans doute besoin d’être réévaluée, se justifie pleinement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS580 de Mme Danielle Simonnet et AS1024 de M. Benjamin Saint-Huile

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Je défends l’amendement AS580.

Cette nouvelle sanction dite suspension-remobilisation, c’est croire au mythe du Père Fouettard : affamons le pauvre et il va s’insérer ! Quelle aberration ! Nous ne sommes pas favorables à la suspension de l’allocation, sauf dans les cas de grande fraude ou d’erreur. Vous accordez à la suspension-remobilisation une vertu pédagogique. En quoi dire à un allocataire du RSA, pour lequel l’accompagnement n’est visiblement pas performant, parce qu’il n’y a aucun emploi qui a été créé sur son territoire ou parce qu’il est tombé malade, « on va voir si tu arrives à vivre sans ton RSA, si tu arrives à nourrir tes gamins » va lui permettre de trouver plus facilement un emploi qui n’existe pas ? Arrêtez ce cynisme ! En plus, vous supprimez le contradictoire et l’équipe pluridisciplinaire ! Pôle emploi pourra suspendre directement l’allocation, sans qu’on sache vraiment si ce sera le fait d’un conseiller ou d’un algorithme, parce que le bénéficiaire aura raté un rendez‑vous parce que ce jour-là ses gosses étaient malades. Il n’y a pas de pédagogie qui tienne par la faim ! Ce n’est pas en affamant les pauvres qu’on les insérera mieux, c’est en créant des emplois utiles et en changeant de politique.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Le régime de sanctions actuel prévoit que, dès la première suspension, le RSA est réduit au maximum de 80 %, pour une durée d’un à trois mois. Vous dites que vous introduisez une nouvelle sanction moins douloureuse en quelque sorte. Sur le plan intellectuel, c’est assez juste, mais en réalité les règles que vous fixez vont permettre d’être sanctionné plus facilement. En supprimant l’équipe pluridisciplinaire, vous décomplexez la sanction. Elle sera mobilisable plus facilement et vous allez, de fait, plonger des bénéficiaires dans des situations très difficiles.

M. le rapporteur. Nous sommes d’accord sur ce point : nous voulons réduire la portée de la sanction actuelle. Mais nous distinguons la notion de suspension de celle de suppression. La suspension prive momentanément l’allocataire du RSA. Elle peut être remise à plat jusqu’à trois mois si l’allocataire revient vers son référent. Cette suspension momentanée a vocation à libérer rétroactivement la somme qui aura été suspendue. C’est faire un mauvais procès au travailleur social de croire qu’il sera prêt à accélérer les dispositions. Ce référent unique est également le gage d’une forme de souplesse, puisqu’il n’y aura pas à attendre la réunion d’une commission ad hoc.

Avis défavorable.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Il y a tout de même un biais, puisque la décision est dans les mains d’une seule personne. Le jugement qui sera porté pourra être sujet à une forme de contestation. Cette suspension, malgré son caractère rétroactif, a une incidence : celui qui ne reçoit pas de RSA pendant trois mois s’enfonce dans les difficultés. Vous allez appauvrir des pauvres !

Mme Anne Bergantz (Dem). Depuis le début, on nous fait un procès d’intention. Il faut arrêter de voir le pire dans chaque alinéa. Je ne crois pas une seconde que, pour un rendez‑vous manqué, il y aura une suspension. Il faudra des manquements répétés. C’est, encore une fois, mal connaître le travail des conseillers et ne pas leur faire confiance.

La commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de seize heures cinquante-cinq à dix-sept heures dix.

Amendement AS141 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de remplacer la sanction de suspension du versement du RSA par une réduction de son montant de l’ordre de 15 % maximum. Nous faisons l’effort d’entrer dans votre logique ; s’il vous plaît, faites preuve d’humanité. 90°euros, c’est une somme extrêmement importante pour celles et ceux qui survivent avec 607 euros par mois.

M. le rapporteur. Il ne s’agit pas de faire preuve d’humanité ; il s’agit de faire un travail de légistique. La fixation d’un ratio relève du réglementaire. Cela me permet de rappeler que nous ne revenons pas sur les barèmes existants, qui tiennent compte de la composition du foyer tels qu’ils sont fixés à l’article R. 262‑28 du code de l’action sociale et des familles.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ne pensez-vous pas qu’il faudrait engager une réflexion sur la nature des barèmes ? S’agissant du contrat d’engagement jeune, la réduction maximale est de 25 %, pour un montant approchant les 15 % du RSA. Les sanctions à 50 % ou 80 % du RSA sont insoutenables pour ces familles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS142 de M. Arthur Delaporte

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à ma question. M. Turquois l’a fait avec un argument un peu fallacieux consistant à dire que la sanction existait déjà. Je suis abasourdi que nous puissions légiférer sans connaître l’efficacité de ce qui est en vigueur aujourd’hui. « Ça ne marche pas », a dit M. Turquois. Mais il y a bien des politiques qui ne fonctionnent pas et qu’on ne remet pas totalement en question.

S’agissant de l’amendement AS142, j’entends qu’il s’agisse de l’ordre du décret. Mais ditesnous si vous accepteriez de plafonner le montant de la suspension.

M. le rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ne pensez-vous pas qu’il faille revoir le niveau des sanctions, qui va précariser des gens déjà dans une situation d’extrême précarité ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS144 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Il vise à garantir le respect du principe de proportionnalité des sanctions qui seront prises à l’encontre d’un bénéficiaire du RSA qui n’aurait pas respecté le contrat d’engagement, en prenant en compte sa situation matérielle, familiale et sociale. Ces sanctions à 50 %, 80 % ou 100 % ne prennent pas en compte les spécificités de la structure familiale ou le reste à vivre, considérant les seuls les manquements de l’allocataire.

Ne pensez-vous pas que ces seuils sont trop élevés par rapport au reste à vivre des allocataires ? Quel est le niveau moyen des sanctions ? Quelle est leur efficacité ? Combien de sanctions sont prises ? Nous devons légiférer de façon éclairée.

M. le rapporteur. Votre volonté est satisfaite. La décision de suspension ne sera prise que si les manquements ne sont pas fondés sur un motif légitime. La sanction est l’étape ultime de tout un parcours. Nous ne revenons pas sur le droit en vigueur qui module le montant de la sanction en fonction de la présence d’enfants dans le foyer, par exemple.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1446 de M. Paul Christophe.

Amendement AS849 de M. Ian Boucard

M. Ian Boucard (LR). Il n’y a pas de raison de ne pas exiger le respect complet de l’ensemble des obligations prévues dans le contrat d’engagement. La rédaction, qui suppose que les demandeurs d’emploi pourraient n’en respecter qu’une partie, me semble infantilisante.

M. le rapporteur. Nous préférons l’expression « tout ou partie », qui permet de mieux exprimer que le manquement peut être partiel ou général.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1447 de M. Paul Christophe.

Amendement AS850 de M. Ian Boucard.

M. Ian Boucard (LR). L’amendement vise à offrir la possibilité au président du conseil départemental de décider s’il y a lieu ou non de mettre fin à la suspension du versement du RSA si le bénéficiaire se conforme à ses obligations avant le terme de la décision de suspension. La suspension du versement du RSA étant une forme de sanction, il n’y a pas lieu d’imposer au président du conseil départemental d’y mettre fin si le bénéficiaire se conforme seulement par la suite à ses obligations. Il pourrait néanmoins le faire s’il l’estime opportun.

M. le rapporteur. Dans la même logique que celle dont procède l’alinéa 29, nous souhaitons préserver la faculté du président du conseil départemental d’apprécier au cas par cas la situation du bénéficiaire avant de se prononcer sur une éventuelle sanction. Par ailleurs, l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles prévoit les cas qui doivent guider sa prise de décision. Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans l’injonction à prendre une sanction.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS317 de M. Arthur Delaporte, AS1163 de M. Paul-André Colombani et AS1179 de Mme MarieCharlotte Garin

M. Jérôme Guedj (SOC). Avec l’amendement AS317, nous en venons à un autre changement introduit par le texte : au lieu de confier la décision de suspension-remobilisation du RSA à une équipe pluridisciplinaire, vous la confiez au seul conseiller de l’allocataire du RSA. S’il s’agit d’une intervention humaine, vous introduisez un biais dans la relation de coconstruction et de confiance qui doit exister entre le conseiller et le bénéficiaire. S’il s’agit, ce qui est plus probable, d’une décision automatisée, une telle évolution est préoccupante.

Quiconque a siégé dans une commission locale d’insertion le sait : le suivi de l’allocation est affaire de pâte humaine. Je ne méconnais pas que l’on puisse être amené à suspendre le versement de l’allocation. J’ai été président de conseil départemental ; il m’est arrivé de prononcer des suspensions dans des situations d’abus manifeste. Le présent texte inverse la charge de la preuve. Vous soupçonnez en permanence que les difficultés d’insertion des allocataires sont plus ou moins intentionnelles et motivent la suspension de l’allocation.

Vous avez la fâcheuse manie d’introduire de la décision individuelle là où il y a de la collégialité – peut-être aurons-nous l’occasion d’en reparler lors de l’examen du projet de loi sur l’immigration. La collégialité offre la garantie d’une forme de tempérance et de sagesse dont ces politiques ont besoin.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je défends l’amendement AS1163.

Reconnaissons que la suspension-remobilisation aura un impact immédiat : celui de décaler le versement du RSA aux allocataires. Cette décision n’est donc pas neutre.

Pour des raisons de rapidité, vous faites fi de l’équipe pluridisciplinaire, pour laisser cette décision à la main d’une seule personne. La confiance dans les professionnels de l’emploi n’est pas en cause ; simplement, évacuer le collectif au moment de prendre une décision affectant la vie des gens ne permet pas d’éclairer objectivement les choses. Au reste, cette évolution me semble de nature à faciliter le recours à la sanction. Que l’on introduise une sanction supplémentaire appliquée de façon progressive, soit, mais il n’en demeure pas moins que le texte amplifie objectivement le nombre de sanctions.

L’équipe pluridisciplinaire est peut-être plus longue à décider, mais elle offre la garantie d’une décision partagée et collégiale, qui a beaucoup plus de force aux yeux de l’allocataire sanctionné. Ne l’emprisonnez pas dans une relation duale ! Faisons en sorte que la pluridisciplinarité, qui a toujours été la règle sur ces questions, demeure la condition sine qua non pour que la sanction ait du sens !

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). La suspension du versement du RSA doit être décidée uniquement après le travail d’une équipe pluridisciplinaire. Quand bien même l’allocataire peut demander l’assistance d’une personne de son choix, on ne peut pas considérer que les deux sont substituables.

Une personne bénéficiaire du RSA est toujours accompagnée par plusieurs acteurs. Il est normal que la décision d’une sanction soit prise à plusieurs, afin de tenir compte des difficultés de l’allocataire sous tous leurs aspects. Un acteur seul n’a pas forcément de visibilité sur les difficultés de logement ou de handicap. Nous considérons, à l’unisson des associations que nous avons auditionnées, qu’il est fondamental de maintenir le caractère pluridisciplinaire des décisions.

M. le rapporteur. Nous voulons offrir la possibilité de revenir rapidement sur la décision de suspension. Or réunir une équipe pluridisciplinaire prend du temps, pour prononcer comme pour lever la sanction. En favorisant la souplesse et la réactivité, nous faisons en sorte que la sanction soit levée le plus rapidement possible et que les sommes suspendues soient versées au bénéficiaire.

Par ailleurs, aucun bénéficiaire du RSA ne sera privé de tout moyen de se défendre face à une sanction. C’est pourquoi l’alinéa 38 prévoit, pour la suspension comme pour la suppression, que le bénéficiaire est mis en mesure de faire ses observations avec l’assistance, à sa demande, d’une personne de son choix. Sur ce point, les amendements sont satisfaits.

Avis défavorable.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). S’agissant de décisions importantes, la règle des quatre yeux est toujours la plus pertinente. Si la distinction entre suspension et suppression est incontestablement une avancée, il y a des vertus, notamment pour la relation entre le bénéficiaire et l’institution, à maintenir cette décision si essentielle au sein d’une équipe pluridisciplinaire.

Nos débats ont montré que les obstacles que rencontre le bénéficiaire du RSA sont souvent multiples et nécessitent une approche multidisciplinaire. Je suis très sensible à ce sujet. À titre personnel, je soutiens les amendements.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS152 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à supprimer la possibilité, pour le département, de prendre à l’encontre de l’allocataire du RSA une mesure de suppression de son versement. Le droit en vigueur, à l’article L. 262 37 du code de l’action sociale et des familles, permet de prendre une mesure de suspension.

L’ajout de la suppression contredit l’affirmation de M. le rapporteur selon laquelle nous légiférons à droit constant. Il peut en résulter des conséquences graves : qui dit suppression dit nouvelle demande de RSA, nouveau délai d’instruction et allongement de la durée pendant laquelle la personne est privée de ressources.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Nous légiférons à droit constant sur les conditions de modulation du montant de la suspension.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS150 de M. Arthur Delaporte

M. Jérôme Guedj (SOC). Avec cet amendement de repli, nous proposons que la mesure de suppression ne puisse intervenir qu’après une mesure de suspension et non de manière alternative.

M. le rapporteur. C’est ce que prévoient les alinéas 34 et 35, qui incluent de surcroît les cas spécifiques de refus de contrôle par le bénéficiaire, qui ne permettent pas de prendre une sanction graduée.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS851 de M. Ian Boucard.

M. Ian Boucard (LR). L’alinéa 34 prévoit la suppression du RSA par le président du conseil départemental si le bénéficiaire persiste dans le manquement qui a donné lieu à une première sanction. À l’issue d’une première sanction, on peut s’attendre à ce que toutes les obligations énoncées dans le contrat d’engagement doivent être respectées. Or l’alinéa 34 ne prévoit rien de tel.

La rédaction que je propose est plus claire. L’accompagnement est justifié après une première sanction ; après, il faut être ferme.

M. le rapporteur. Votre amendement est moins-disant que le texte. Vous incluez l’ensemble des obligations, le texte se contente d’une seule.

Avis défavorable.

M. Ian Boucard (LR). Dans un contrat, toutes les clauses doivent être respectées, pas seulement certaines. S’agissant d’un contrat d’engagement, il y aurait lieu de se référer au droit des contrats.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1448 et AS1449 de M. Paul Christophe.

Amendement AS762 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement vise à créer une grille d’obligations remise dès la signature du contrat d’engagement au demandeur d’emploi. Celle‑ci clarifierait les responsabilités qui lui échoient et, en cas de manquement, les sanctions, appliquées proportionnellement et de façon progressive, en fonction de la nature et de la récurrence de celui-ci. Ainsi le demandeur d’emploi aurait-il la possibilité de s’adapter à ses obligations et de corriger son comportement le cas échéant. Des initiatives similaires ont été prises dans d’autres pays européens.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait par la gradation entre suspension et suppression. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1450 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1091 de M. Jocelyn Dessigny

M. Serge Muller (RN). Si le bénéficiaire du RSA ne respecte pas les règles d’un dispositif entièrement déployé pour lui, il est normal qu’il en perde le bénéfice. La composition du foyer du bénéficiaire, qu’il ait ou non une famille à sa charge, ne peut pas constituer une circonstance atténuante ou une excuse pour le maintenir dans un dispositif d’aide qu’il ne respecte pas.

M. le rapporteur. Vous souhaitez empêcher la prise en compte de la composition du foyer parmi les circonstances atténuantes des manquements au contrat d’engagement. Le RSA est une aide familialisée, qui constitue parfois la seule source de revenus pour des familles avec enfants. Nous préférons raisonner à droit constant.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Au Rassemblement national, vous faites semblant de vouloir protéger les allocataires du RSA des sanctions, mais on décèle dans vos amendements la réalité de ce que vous pensez.

« La composition du foyer du bénéficiaire ne peut constituer une circonstance atténuante ou une excuse pour le maintenir dans un dispositif d’aide qu’il ne respecte pas » : vous dépassez la droite ! C’est le nec plus ultra de la stigmatisation, l’absence totale de pondération et de proportionnalité, qui constituent les principes fondamentaux du droit de la sanction. S’ils sont parfois remis en cause, au moins restent-ils affichés dans le discours de la majorité. Nous condamnons fermement de tels amendements.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1094 de M. Jocelyn Dessigny

M. Serge Muller (RN). Le bénéficiaire qui s’expose à une décision de suppression du versement du RSA doit être assuré de cette suppression sans que sa situation familiale puisse moduler la nature ou l’étendue de la décision. Le bénéficiaire de la solidarité nationale doit se montrer irréprochable vis-à-vis de celle-ci, quelle que soit la composition de son foyer.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1277 de Mme Aude Luquet

Mme Anne Bergantz (Dem). Si l’on peut convenir qu’un contrat d’engagement crée des droits et des devoirs, donc prévoit des sanctions, il est primordial de tenir compte de la présence d’un ou de plusieurs enfants à charge. Un tiers des allocataires du RSA sont des familles monoparentales, pour l’immense majorité des femmes. Ainsi, la durée et le montant des décisions de suspension et de suppression seront fixés en tenant compte de la composition du foyer du bénéficiaire, en prêtant une attention particulière aux personnes assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants.

M. le rapporteur. Compte tenu des échanges que nous avons eus à plusieurs reprises au cours des derniers jours, j’émets un avis favorable. Il faut réaffirmer ce principe.

M. Arthur Delaporte (SOC). Monsieur le rapporteur, nous avons défendu cet amendement, sous une forme ou sous une autre, à au moins vingt-cinq reprises. Ce débat aurait été plus bref si vous aviez émis un avis favorable plus tôt.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS909 de M. Pierre Dharréville

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il est impensable qu’un allocataire du RSA ne puisse pas se défendre, à tout le moins exposer les motifs du manquement en raison duquel son allocation est suspendue ou supprimée. Le texte supprime le délai d’un mois prévu jusqu’à présent pour ce faire, en arguant qu’il pourrait être allongé. Que la personne concernée puisse faire valoir ses arguments nous semble un minimum. Au demeurant, quiconque rompt ou dénonce une relation contractuelle doit respecter le droit de l’autre partie de s’expliquer. Nous souhaitons le rétablissement du délai d’un mois.

M. le rapporteur. Je vous invite à déposer l’amendement en vue de l’examen du texte en séance publique. Il serait intéressant d’expertiser la capacité à apporter une réponse plus appropriée, en un mois ou un peu moins, et d’y travailler de notre côté pour en apprécier la faisabilité.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS143 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Je tiens à remercier M. le rapporteur d’avoir émis un avis favorable à l’amendement AS1277. Je veillerai à ce que ce premier pas soit généralisé à tout amendement procédant de la même philosophie lors de l’examen du texte en séance publique.

L’amendement AS143 est un amendement de repli. Il vise à garantir que les décisions de suspension et de suppression de l’allocation ne puissent laisser aux membres du foyer du bénéficiaire un reste à vivre inférieur à des seuils prédéfinis. Les associations, la Défenseure des droits et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont rappelé qu’une sanction ne peut priver un individu de tout moyen de satisfaire ses besoins élémentaires en le privant de tout reste à vivre.

En Allemagne, les lois Hartz ont été revues car elles ne laissaient aucun reste à vivre en cas de suppression des allocations et de radiation. Des individus ont été privés de ressources sans que l’on puisse calculer ce qu’il leur restait pour vivre. Les seuils que nous proposons visent à faire en sorte que tout foyer puisse survivre.

M. le rapporteur. Nous ne modifions pas les seuils et légiférons à droit constant sur ce point. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il ne s’agit pas de laisser le droit en l’état. Nous sommes en train de réformer un droit social élaboré dans les années 1990 et 2000. Certains avis de la Défenseure des droits datent de 2023, certaines décisions de la CEDH de 2009 et de 2019, soit après la réforme du RSA.

Le droit est une matière évolutive. Nous ne pouvons pas raisonner à droit constant, s’agissant notamment du reste à vivre, qui a bénéficié d’une reconnaissance jurisprudentielle postérieure à la dernière évolution du cadre législatif. Parmi les ambitions que nous devrions nourrir pour ce texte figure celle de penser le RSA comme un moyen de garantir la dignité des personnes et leur capacité de survie, ce qui suppose de ne pas s’en tenir à la suppression pure et de s’interroger sur ce qu’il reste à l’individu et à sa famille pour survivre à la fin du mois.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS145 de M. Arthur Delaporte

M. Jérôme Guedj (SOC). Tout en demeurant opposés à la mesure de sanction inscrite dans le texte, nous souhaitons nous assurer avec cet amendement – l’avis de M. le rapporteur et celui que donnera le ministre dans l’hémicycle auront leur importance – que ni la suspension ni la suppression de l’allocation n’auront d’effets de bord entraînant la suppression d’autres prestations sociales, notamment celles versée par les caisses d’allocations familiales telles que les aides personnalisées au logement, les complémentaires santé et les aides locales extra-légales décidées par les départements ou les CCAS, toutes corrélées au bénéfice et au montant du RSA. Nous souhaitons introduire dans le texte au moins un garde-fou garantissant que le bénéfice de ces aides ne sera pas amputé par la décision de suspension ou de suppression du RSA.

M. le rapporteur. Dans la mesure où l’article 3 ne modifie pas l’accès aux droits et aux aides sociales que vous citez, mais instaure simplement un régime de sanctions plus progressif, il n’y a pas lieu d’introduire une telle disposition.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS151 de M. Arthur Delaporte

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement de repli vise à garantir l’information de l’allocataire sur les voies et les délais de recours gracieux et administratif.

Il faut aussi – tel n’est pas l’objet du présent amendement – assurer la possibilité de recourir aux personnes qui accompagnent l’allocataire pour contester la décision de suspension ou de suppression. Il s’agit souvent d’associations de lutte contre l’exclusion et la précarité. Dans un secteur où le non-recours est élevé en raison de la méconnaissance des dispositifs, il y a un risque de non-recours à la faculté de contester si nous ne soutenons ni ne missionnons ces associations pour accompagner les bénéficiaires. Certains conseils départementaux soutiennent expressément des associations pour ce faire.

M. le rapporteur. Je ne suis pas certain que cet aspect des choses soit celui que l’on considère lorsque l’on signe un contrat d’allocataire du RSA. Toutefois, je partage l’objectif de rappeler explicitement les voies et les délais de recours au bénéficiaire à l’encontre duquel une sanction peut être prise. Il convient à mes yeux de le rappeler à l’alinéa 44, sur lequel je défendrai l’amendement AS1478, sous-amendé par M. Delaporte.

Je suggère le retrait de l’amendement au profit du mien et émets à défaut un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1451 de M. Paul Christophe.

Amendements AS156 de M. Arthur Delaporte et AS581 de Mme Farida Amrani (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS156 est un amendement de repli. Il vise à faire en sorte que l’équipe pluridisciplinaire puisse formuler un avis préalable au prononcé de la décision de suppression mais également de suspension.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Pour rétablir l’équilibre en faveur de l’allocataire et mieux protéger ses droits, nous proposons que toute réduction ou suspension du RSA ne puisse avoir lieu sans l’avis préalable d’une équipe pluridisciplinaire tenant compte de la fragilité de la situation de l’allocataire. Nous estimons qu’il y a lieu, pour qu’ils puissent faire face à leurs devoirs, de mieux protéger leurs droits préalablement aux procédures administratives.

Au demeurant, la Défenseure des droits estime que le projet de loi ne respecte pas le principe du contradictoire. Nous tenons à faire en sorte que toute décision de suspension du RSA prononcée par le département fasse obligatoirement l’objet d’un passage en commission pluridisciplinaire, ce qui n’est pas garanti par l’article 3.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

S’agissant du débat contradictoire, les conditions de recours sont reprécisées à l’alinéa 44 et répondent à la préoccupation exprimée par la Défenseure des droits.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS796 de M. Éric Ciotti

M. Philippe Juvin (LR). Pour bénéficier des allocations du RSA, il faut signer un contrat d’engagement. Pour nous, l’un ne va pas sans l’autre. Nous souhaitons que l’absence de signature volontaire, délibérée et revendiquée du contrat d’engagement entraîne la suppression automatique de l’allocation, sans prendre l’avis de l’équipe pluridisciplinaire.

M. le rapporteur. D’autres cas peuvent motiver une suppression. Priver de garanties procédurales le bénéficiaire à l’encontre duquel une sanction de suppression risque d’être prise entraînerait une rupture d’égalité de traitement difficilement justifiable.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS582 de M. Hadrien Clouet et AS1160 de M. Paul-André Colombani

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les alinéas 39 à 42 opèrent un transfert de pouvoir de contrôle sur les sanctions. À l’heure actuelle, les allocataires visés font l’objet d’un contrôle par le conseil départemental. Le texte autorise le conseil départemental à transférer cette mission à Pôle emploi. Ainsi, un opérateur du service public de l’emploi se chargerait de l’accompagnement et des conclusions en matière de statut administratif des personnes.

Cela nous semble dangereux, pour plusieurs raisons. D’abord, les conseillères et les conseillers de Pôle emploi ne font pas de l’insertion sociale. Leur métier, c’est la gestion des droits et le placement. Dès lors, ils seraient placés en porte-à-faux entre leurs compétences telles qu’elles sont reconnues dans la convention collective et ce que le texte leur demande de faire.

Ensuite, il en résulte une forme de rupture d’égalité entre les départements. Selon les moyens dont ils sont dotés, certains assureront le contrôle des allocataires, d’autres se défausseront sur Pôle emploi. Il s’agit d’une double peine : les départements les plus pauvres non seulement devront faire des économies à l’échelon du conseil départemental mais surchargeront l’antenne locale de Pôle emploi.

Par ailleurs, nous sommes attachés au caractère universel et inconditionnel du versement d’une allocation de subsistance et de survie, laquelle n’est pas conditionnelle et ne doit donc pas être conditionnée.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je défends l’amendement AS1160.

Il ne me semble pas légitime que le département puisse décider de ne plus s’occuper de savoir si la sanction doit être exécutée ou non. Le texte laisse l’opérateur France travail décider si le département « fait le mort ».

J’estime au contraire que le département doit assumer sa responsabilité. Cela permettra de porter un regard croisé et d’éviter que les allocataires du RSA qui dépendent de lui ne soient sanctionnés par l’opérateur. Je souhaite que les départements participent à la discussion et soient en responsabilité sur ces sujets. Sinon, certains d’entre eux seront tentés de déléguer la décision à l’opérateur, de se défausser sur lui et de ne pas participer à la discussion.

M. le rapporteur. Vous souhaitez supprimer le mécanisme de délégation du prononcé de sanctions du conseil départemental à l’opérateur France Travail. Cette mesure a évolué de manière opportune au Sénat, de sorte que toutes les garanties procédurales sont prévues par le texte.

Dans la version initiale du projet de loi, en matière de suppression et de suspension de l’allocation prononcée sur l’initiative de France Travail ou sur sa proposition, le Gouvernement avait prévu que le conseiller chargé du suivi professionnel de l’allocataire pourrait proposer au président du conseil départemental de mettre en œuvre une mesure de suspension, puisque ce dernier est compétent en ce qui concerne le RSA et les sanctions afférentes. Les départements qui le souhaitaient pouvaient également déléguer la possibilité de mettre en œuvre la suspension à l’opérateur de leur choix, en l’occurrence France Travail.

Le Sénat a souhaité que cette délégation soit nécessairement autorisée par une délibération du conseil départemental. Cette précision apporte une garantie bienvenue. Les présidents de conseil départemental qui le souhaitent pourront, bien évidemment, intervenir directement et indiquer à Pôle emploi qu’ils entendent instruire le dossier pour décider eux‑mêmes d’appliquer ou non la suspension.

En revanche, si un conseiller de Pôle emploi – demain de France Travail – propose la suspension de l’allocation et si le président du département ne se manifeste absolument pas dans un délai qui devra être fixé par décret, après concertation avec l’Assemblée des départements de France, ce silence vaudrait en quelque sorte accord. La suspension serait mise en œuvre dès lors que le président du conseil départemental n’aurait pas manifesté son intention de reprendre la compétence ou de bloquer la suspension.

Il semble logique d’aller au bout du processus lorsqu’un département ne manifeste ni accord ni désaccord, si nous voulons que le nouvel accompagnement et la suspension-remobilisation soient effectifs.

D’un point de vue opérationnel, le ministre a eu l’occasion de préciser au Sénat que les systèmes d’information qui seront mis en place d’ici au 1er janvier 2025, date d’application de cette mesure particulière, permettront aux départements de connaître toutes les propositions de suspension en temps réel, ou presque.

J’émets donc un avis défavorable à tout amendement visant à revenir sur ce mécanisme.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Que faire si un département délibère en défaveur des sanctions, comme l’a fait La Réunion le 17 mai 2023 ? Dès lors, la disposition proposée n’outrepasse-t-elle pas le droit des collectivités à décider de leurs politiques au nom de leurs compétences ?

Vous dites, monsieur le rapporteur, que les conseillers en placement opèrent, selon une logique de transfert, un contrôle d’allocataires et d’usagers. Or il y a une différence entre le conseiller en placement de Pôle emploi, qui juge la personne qu’il reçoit en fonction de ses efforts de recherche active d’emploi, parce qu’il se positionne face à quelqu’un qui est au régime d’assurance chômage et dont les freins périphériques sont censés être traités par ailleurs, et un acteur chargé de l’accompagnement global d’une personne. Celui dont l’unique compétence est d’organiser le retour à l’emploi n’a pas de formation spécifique pour gérer les obstacles sociaux et de santé.

Comment résorber ces deux décalages, entre les compétences réelles et les compétences reconnues des collectivités, et entre les compétences réelles et les compétences reconnues des conseillères et des conseillers de Pôle emploi ?

La commission rejette les amendements.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Il reste 614 amendements à examiner. Au rythme où avance la discussion, la réunion de ce soir risque d’être très longue.

Je vous invite donc à défendre vos amendements en une minute. J’appelle également le rapporteur à la concision.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Siégerons-nous demain, madame la présidente ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je ne sais pas. Peut-être envisagerons-nous de travailler jusqu’à treize heures demain. Tout va dépendre du rythme de la discussion.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La réduction toujours plus importante du temps de parole des parlementaires n’est pas acceptable, car nous exerçons nos droits au nom du peuple français. Manifestement, le temps nécessaire n’a pas été prévu pour l’examen de ce texte, ce dont, il est vrai, vous n’êtes pas responsable.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Que chacun soit attentif à son temps de parole pour être le plus efficace possible. Je vous propose de refaire le point à vingt heures.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Vous nous suggérez donc de réduire volontairement le temps de présentation des amendements à une minute ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Oui.

Amendement AS749 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Cet amendement vise à préciser que la suspension ou la suppression du RSA peut se faire seulement pour une part. Il est important d’appliquer des sanctions proportionnées et progressives.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait par les alinéas 29 et 33.

Défavorable.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Monsieur le rapporteur, quelle procédure suivra-t-on lorsque les conseils départementaux délibèrent contre la sanction ?

L’amendement est retiré.

Amendements AS155 de M. Arthur Delaporte, AS910 de M. Pierre Dharréville et AS489 de Mme MarieCharlotte Garin (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS155 est défendu.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon amendement, élaboré avec l’Uniopss, vise à rappeler la compétence exclusive du conseil départemental en matière de suspension ou de suppression du versement du RSA.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Mon amendement a pour objet d’introduire un délai d’un mois entre la proposition de Pôle emploi et son acceptation par le président du conseil départemental.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS863 de M. Emmanuel Fernandes

M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). Deux visions s’affrontent. La NUPES et quelques autres ont pris acte du fait que l’on dénombre 300 000 emplois vacants pour 6 millions de personnes inscrites à Pôle emploi. Tous les autres refusent d’intégrer ce constat et pensent que les allocataires du RSA se vautrent dans l’oisiveté. Ce texte vise à fournir une main-d’œuvre docile et peu chère, qui sera contrainte d’accepter toute offre d’emploi précaire. Et vous allez causer de graves dommages sur toute la chaîne de l’emploi. On nous a dit dans un premier temps que les 15 heures d’activité prévues porteraient sur l’insertion, avant que le rapporteur n’indique, hier, qu’il s’agissait de stages, de bénévolat – vous avez, ce faisant, inventé le bénévolat forcé. Aussi, par honnêteté et sincérité, l’amendement vise-t-il à renommer France Travail en France Travail gratuit.

M. le rapporteur. Vous pourrez lire le compte rendu, ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit. Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Alors que nous nous efforçons, avec modestie, de créer un dispositif nouveau, global, en faveur de personnes éloignées de l’emploi, vous, vous en faites un objet politique. Vous vous moquez éperdument de ces personnes – vous avez même du mépris pour elles.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement, un peu provocateur, a le mérite de soulever la question de la rémunération des activités de formation et de stage. Un demandeur d’emploi qui suit un stage est rémunéré par Pôle emploi à un niveau supérieur au RSA. Les allocataires qui effectueront ces 15 à 20 heures d’activité percevront seulement le RSA, au mépris du droit, à moins que vous ne considériez que cela s’inscrira dans le cadre de la formation de Pôle emploi ? En ce cas, il ne percevrait qu’une partie du RSA puisque les allocations ne sont pas cumulables.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS583 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement vise à supprimer le délai imparti au président du conseil départemental et, plus globalement, le mécanisme de délégation du prononcé de sanctions entre le conseil départemental et l’opérateur France Travail. En effet, le texte n’indique pas l’identité des personnes qui, au sein de France Travail, fixeraient la durée et les montants de la suspension. Par ailleurs, la sanction serait prise sans l’avis d’une équipe pluridisciplinaire. Enfin, ce mécanisme affaiblirait les moyens de défense des allocataires, qui ne pourraient pas exposer une argumentation contradictoire de la même façon qu’aujourd’hui.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS157 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous proposons de recueillir l’avis de l’équipe pluridisciplinaire non seulement préalablement au prononcé de la sanction mais aussi lorsque Pôle emploi s’apprête à prendre une décision de suspension.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS153 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à supprimer l’alinéa autorisant le département à transférer par convention son pouvoir de sanction des allocataires du RSA à Pôle emploi. En effet, la nature du RSA et son contrôle en seraient bouleversés car ils seraient confiés à un opérateur de l’État, qui plus est non payeur de l’allocation. Autrement dit, Pôle emploi sanctionnerait à partir d’éléments qu’il ne maîtrise pas. On ne peut pas transférer le métier de l’accompagnement social à un opérateur dont ce n’est pas la fonction.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS793 de M. Éric Ciotti

M. Philippe Juvin (LR). L’amendement vise à supprimer l’alinéa prévoyant la restitution au bénéficiaire du RSA des sommes retenues à la suite d’une suspension pour refus grave de sa part de se conformer aux obligations qui lui incombent. À notre sens, cela ferait perdre à la sanction tout effet dissuasif.

M. le rapporteur. Nous préférons conserver la version du Sénat. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1452 de M. Paul Christophe.

Amendements identiques AS158 de M. Arthur Delaporte, AS490 de Mme MarieCharlotte Garin, AS584 de M. Hadrien Clouet, AS661 de M. Jean-Hugues Ratenon, AS911 de M. Pierre Dharréville et AS1027 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Arthur Delaporte (SOC). Notre amendement vise à revenir sur une disposition adoptée par le Sénat, qui limite à trois mois la rétroactivité du versement des sommes retenues en application d’une décision de suspension du RSA. C’est une ligne rouge pour l’ensemble des forces qui se réclament de la République. Nous entendons éviter que la suspension-remobilisation ne devienne une suppression.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Le Sénat a adopté par voie d’amendement une disposition qui limite les sommes pouvant être versées rétroactivement, lorsque l’allocataire s’est conformé à ses obligations, à un montant correspondant à trois mois de RSA. Nous vous proposons de revenir sur cette mesure.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). J’en appelle à la conscience de chacun. On parle ici de familles vivant dans la grande pauvreté. Par l’amendement AS584, il faut supprimer la limite des trois mois, d’autant plus que la suspension ou la suppression du RSA n’ont aucune vertu pédagogique.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Notre amendement vise à revenir sur la limitation à trois mois du remboursement des sommes non perçues au titre du RSA.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Certains veulent revenir sur le délai de trois mois voté par la droite sénatoriale. M. Juvin vient de dire qu’il était contre le principe de rétrocession. Ce n’est pas gagné, monsieur le rapporteur !

M. le rapporteur. L’objectif recherché est que la suspension dure moins de trois mois. Le droit actuel prévoit qu’au-delà de ce délai, la suspension se transforme automatiquement en suppression, sans retour en arrière et sans reversement des sommes possibles. C’est pourquoi nous introduisons cette mesure.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS2 de M. Jérôme Nury

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS798 de M. Éric Ciotti

M. Philippe Juvin (LR). Le RSA, à nos yeux, ne peut pas être inconditionnel. Par cet amendement, nous souhaitons que le président du conseil départemental puisse instituer un délai de carence en cas de manquements répétés du bénéficiaire.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS675 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous proposons d’instaurer dans la loi le principe du contrôle aléatoire des demandeurs d’emploi pour garantir leur égalité statistique.

M. le rapporteur. Nous l’avons déjà instauré à l’article 2. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS681 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Un certain nombre d’organisations syndicales, à l’instar de la Défenseure des droits, sont préoccupées par l’algorithme sur lequel repose le contrôle. Nous proposons, par cet amendement, que l’algorithme soit en accès libre.

M. le rapporteur. Comme vous l’écrivez dans votre exposé sommaire, il s’agit d’un amendement d’appel. Je ne vois donc pas l’intérêt d’inscrire cette disposition dans la loi. Je vous invite à renouveler votre appel en séance auprès de M. le ministre.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je le retire et le redéposerai en séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1478 de M. Paul Christophe et sous-amendement AS1507 de M. Arthur Delaporte

M. le rapporteur. L’amendement vise à compléter l’alinéa 44 par les mots : « ainsi que des voies et délais de recours contre la sanction prononcée. » J’anticipe la présentation du sous-amendement pour préciser que ces termes sont génériques et englobent le recours gracieux.

M. Arthur Delaporte (SOC). J’entends bien, monsieur le rapporteur, mais il ne faudrait pas qu’un recours exclue l’autre, comme cela s’est produit en matière d’assurance chômage. C’est pourquoi il nous paraît préférable de préciser qu’il existe des voies de recours gracieux et contentieux.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

Amendement AS159 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Pour éviter toute redondance, je retire cet amendement, qui visait à garantir que les sanctions pourraient faire l’objet d’un recours gracieux puis contentieux devant le juge administratif.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS585 de M. Hadrien Clouet et AS794 de M. Éric Ciotti

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). L’amendement AS585 est défendu.

M. Philippe Juvin (LR). L’amendement AS794 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1453 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1032 de M. Hadrien Clouet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Cet amendement vise à préciser que toute suspension ou suppression d’une part du RSA ne doit pas excéder 1’euro symbolique. En effet, nous considérons que le RSA est un moyen de survie. Pour plus de 4 millions de Françaises et de Français, il constitue le seul rempart face à l’extrême pauvreté. Le suspendre ou le supprimer en tout ou en partie revient donc à plonger les personnes concernées dans l’extrême précarité.

M. le rapporteur. Défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). Imaginons que quelqu’un perçoive le RSA sans en avoir le droit. Si les services s’en aperçoivent, ils ne pourraient pas, selon vous, réduire l’allocation de plus de 1 euro ?

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement ne concerne que les sanctions prises par le conseil départemental, qui sont liées aux efforts et au comportement de l’allocataire. Il ne porte pas sur une seconde nature de sanctions, qui répriment les indus frauduleux.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1454 de M. Paul Christophe.

Amendements identiques AS1479 de M. Paul Christophe et AS1274 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. L’article 3 crée un premier niveau de sanction – la suspension-remobilisation – et clarifie les liens entre le président du conseil départemental et l’opérateur France Travail pour les allocataires suivis par ce dernier. Il définit en particulier la procédure de signalement des manquements, l’opérateur France Travail pouvant formuler des propositions de sanction au président du conseil départemental. En vertu des dispositions votées par le Sénat, l’opérateur France Travail peut proposer au président du conseil départemental la radiation du bénéficiaire de la liste des bénéficiaires du RSA dès lors que celui-ci est radié de la liste des demandeurs d’emploi. Cette modification n’apparaît pas opportune compte tenu de la différence de nature entre les deux listes et des revenus qui s’y attachent. En cohérence avec les dispositions que nous avons adoptées aux articles précédents sur la radiation croisée, je vous propose la suppression de cette mesure.

M. Arthur Delaporte (SOC). Une fois n’est pas coutume, nous partageons l’avis du rapporteur.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS49 de Mme Emmanuelle Anthoine

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Cet amendement vise à insérer les mots « d’engagement » après le mot « contrat », à l’alinéa 53.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1455 de M. Paul Christophe.

Amendement AS586 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous souhaitons supprimer le partage, par le conseil départemental, des données personnelles des bénéficiaires du RSA avec l’ensemble des membres du réseau France Travail. Ce transfert de données est imposé aux demandeurs d’emploi – ou, du moins, leur consentement est-il recueilli de manière totalement tronquée –, ce qui porte atteinte au respect de leur sphère privée. La Défenseure des droits alerte sur les risques de ce transfert, en soulignant que les données risquent d’être réutilisées pour d’autres usages que les fins statistiques prévues par le texte, notamment pour détecter des fraudes. Par ailleurs, la présence, au sein du réseau France Travail, d’organismes privés à but lucratif comme les opérateurs privés de placement (OPP) et les agences d’intérim laisse craindre une utilisation marchande de ces données. Enfin, il faut éviter de multiplier les risques d’usurpation de l’identité des usagers.

M. le rapporteur. Nous sommes favorables au partage de données, dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la loi « informatique et libertés ».

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS912 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Seules les données strictement nécessaires à l’orientation et à l’accompagnement des bénéficiaires du RSA doivent pouvoir être partagées. Parfois, le partage de données relatives à l’histoire de la personne peut être préjudiciable à son accompagnement car il contribue à son assignation sociale. Il peut être plus pertinent de s’en passer.

M. le rapporteur. L’article 3 encadre de façon pertinente la transmission d’informations. Seules peuvent être communiquées les informations permettant l’identification des bénéficiaires, l’évaluation de leur situation et le suivi de leur parcours d’insertion. Par ailleurs, cette transmission doit se conformer au RGPD et à la loi « informatique et libertés ».

Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS491 de Mme MarieCharlotte Garin

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Cet amendement vise à préciser que les données transmises par le président du conseil départemental aux organismes du réseau France Travail doivent présenter un caractère adéquat, pertinent et se limiter à ce qui est strictement nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS446 de Mme Josiane Corneloup, AS1019 de M. Philippe Juvin et AS1064 de M. Didier Le Gac

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). L’amendement AS446 propose d’étendre aux caisses d’allocations familiales (CAF) le partage des données relatives aux bénéficiaires du RSA car l’échange d’informations doit se faire de façon réciproque entre les différents acteurs.

M. Philippe Juvin (LR). Il existe une fraude fiscale, mais aussi une fraude sociale, laquelle concernait, en 2022, dans 60 % des cas, le RSA. Soit on se donne les moyens de lutter contre la fraude et on croise les fichiers, soit on laisse faire. En 2022, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a identifié 351 millions de versements frauduleux.

M. Didier Le Gac (RE). Il doit y avoir une réciprocité des échanges de données entre le département et les CAF. Le département notifie le RSA mais les CAF le versent.

M. le rapporteur. Vos demandes sont légitimes et satisfaites puisque l’alinéa 59 prévoit que le président du conseil départemental partage les données avec les autres personnes morales constituant le réseau France Travail, parmi lesquelles figurent les CAF.

Demande de retrait ou défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Une note de la direction des statistiques, des études et de la recherche de la Cnaf de 2022 évalue les indus frauduleux – catégorie qui inclut en réalité les erreurs de déclaration – à 1,2 milliard d’euros en 2020. Le conseil départemental de la Seine‑Saint‑Denis nous a indiqué que les indus frauduleux concernaient 0,23 % des allocataires. La fraude au RSA est donc très faible. L’ensemble de la fraude aux prestations sociales versées par les CAF représente 1 à 2,3 milliards d’euros en 2019.

M. Philippe Juvin (LR). Je vous ai communiqué les chiffres relatifs à 2022. À l’occasion des 32 millions de contrôles qu’elle a effectués l’année dernière, la Cnaf a détecté 48 000 cas de fraude individuelle. Elle a versé 99 milliards d’euros d’aides et a récupéré 351 millions au titre des indus frauduleux – il ne s’agit pas d’erreurs.

L’amendement AS1064 est retiré.

La commission rejette les autres amendements.

Amendement AS1034 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cet amendement vise à limiter le partage d’informations concernant les allocataires ou les usagers avec les OPP, qui ont un but lucratif. Ces opérateurs sont en effet moins efficaces que les organismes publics. Par ailleurs, les contrôles réalisés sur l’activité des OPP sont très faibles, et l’activité d’une partie d’entre eux nous paraît quelque peu décalée. Il faut remettre de l’ordre en leur sein.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement AS50 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Amendements identiques AS492 de Mme MarieCharlotte Garin et AS913 de M. Yannick Monnet

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Mon amendement vise à rétablir le partage des données des bénéficiaires du RSA avec les seuls organismes débiteurs de prestations sociales, et non avec l’ensemble des membres du réseau France Travail.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). La transmission des données personnelles doit être réservée à la CAF et à la Mutualité sociale agricole.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendements AS896 de M. Matthias Tavel, AS714 de Mme Karine Lebon et AS160 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Par l’amendement AS896, nous souhaitons le report de l’entrée en vigueur de l’article 3 à la fin des expérimentations relatives à la préfiguration du réseau France Travail. Il est absurde de vouloir généraliser le dispositif alors que ces expérimentations n’ont pas encore été évaluées et révèlent même déjà des dysfonctionnements.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Avec l’amendement AS714, le report de l’entrée en vigueur de ces dispositions permettra de mener des études approfondies sur leurs conséquences néfastes sur les plus pauvres.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ce dispositif n’étant pas prêt – nous ne disposons d’aucune évaluation ni d’aucun chiffre concernant les sanctions –, il convient de reporter son entrée en vigueur.

M. le rapporteur. Défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Le conseil départemental de la Vienne a conclu une convention avec la CAF pour garantir que tout nouveau bénéficiaire du RSA sera contacté dans les trois jours ; à défaut, des travailleurs sociaux du département prennent le relais. Une approche très rapide de tous les acteurs permet d’obtenir des résultats. On ne peut plus se permettre de faire attendre les bénéficiaires du RSA : il faut agir.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Vous ne nous donnez aucun élément factuel pour étayer vos propos. Nous voulons connaître les résultats des expérimentations.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS938 de M. Matthias Tavel

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous souhaitons que les expérimentations soient menées jusqu’à leur terme avant d’appliquer le texte.

M. le rapporteur. J’ai déjà expliqué la différence entre le champ d’application et le cadre que nous définissons.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS715, AS716 et AS717 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ces amendements ont pour objet de préciser que ces dispositions ne s’appliqueront pas dans les outre-mer, où la situation sociale est très difficile.

M. le rapporteur. Nous répondrons à cette question dans le cadre des ordonnances prévues à l’article 11, ainsi que dans celui du réseau France Travail, où une commission spécifique sera sans doute nécessaire.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Si l’on est obligé de prévoir des dérogations dans les outre-mer, c’est parce que ces mesures vont durcir les règles. Or il en ira de même dans l’Hexagone : cela pose problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 : Créer le réseau France Travail

Amendements de suppression AS57 de M. Arthur Delaporte, AS494 de Mme MarieCharlotte Garin, AS603 de Mme Farida Amrani et AS922 de M. Pierre Dharréville

M. Arthur Delaporte (SOC). Les raisons de supprimer l’article 4 sont nombreuses : obsolescence – le réseau France Travail ne s’appelle déjà plus ainsi – , recentralisation autour du ministre au détriment des instances régionales et des organisations syndicales et patronales, complexité due à la multiplicité des acteurs et à une comitologie excessive, absence de régulation de l’accès aux données personnelles, date d’entrée en vigueur prématurée.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Le réseau France Travail centralise le pilotage du marché du travail en mettant sur le même plan l’opérateur public et les opérateurs privés. L’amélioration de la coopération à tous les échelons est nécessaire mais doit être mise au service de l’adaptation du travail au réchauffement climatique.

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). L’article 4 revient à privatiser le service public de l’emploi. Sans attendre le résultat des expérimentations, le Gouvernement prépare une mise sous tutelle des missions locales et l’affaiblissement du rôle des collectivités. La déréglementation du marché du travail franchit une nouvelle étape avec le partage sans restriction ni protection des données des demandeurs d’emploi avec les opérateurs privés.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cet article illustre le reformatage libéral que vous appliquez aux organismes sociaux. Vous tentez d’imposer un carcan aux différents opérateurs, alors que la coopération entre eux existe déjà et donne de bons résultats.

Par ailleurs, vous mélangez tout : protection sociale et solidarité nationale ; assurance chômage et RSA. La clarté est nécessaire car les différents droits ne relèvent pas des mêmes mécanismes.

Enfin, c’est un nouveau choc pour Pôle emploi, déjà éprouvé par les réformes précédentes. La logique adéquationniste qui sous-tend ce texte ne peut pas fonctionner compte tenu des réalités économiques et sociales.

M. le rapporteur. Notre objectif n’est pas la recentralisation, au contraire : l’essence même du futur réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi est de donner toute leur place aux collectivités et de permettre un accompagnement plus riche des demandeurs d’emploi. Les comités locaux auront pour mission d’assurer la gouvernance partagée entre l’État et les collectivités territoriales à tous les niveaux. Notre travail est de rassembler pour plus d’efficacité.

Avis défavorable.

M. Didier Le Gac (RE). Le texte ne prévoit pas de fusion et ne modifie pas les compétences des collectivités locales. En intégrant le comité France Travail, celles-ci pourront même définir les priorités. Les collectivités sont donc au centre du projet de loi.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS1459 de M. Paul Christophe, AS1226 de Mme Michèle Peyron et AS1273 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. Il s’agit de mettre le nom du réseau en cohérence avec les dispositions que nous avons déjà adoptées.

M. Arthur Delaporte (SOC). Subrepticement, par le biais d’un amendement de coordination, le rapporteur donne tout son sens à la logique du nouveau France Travail, qui vise à placer sous contrôle les différents opérateurs.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1105 de M. Jocelyn Dessigny

M. Serge Muller (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1381 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. Rédactionnel.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le rapporteur utilise des amendements rédactionnels pour modifier des termes importants, par exemple pour changer le nom de Pôle emploi, alors que le Président de la République s’était contenté d’annoncer la création de France Travail. Le rapporteur a-t-il prévu de nouveaux amendements rédactionnels pour modifier le nom des autres opérateurs ?

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1380 et AS1379 de M. Paul Christophe.

Amendement AS595 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les OPP ne sauraient participer directement, sans justification ni contrôle, au service public de l’emploi, ni recevoir de manière automatisée les données des demandeurs d’emploi. Leur efficacité est en effet moindre que celle de l’opérateur public : taux de retour à l’emploi inférieur, qualité de l’emploi moins bonne, méthodes d’accompagnement moins innovantes, personnel moins expérimenté.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le nouveau réseau amalgame des opérateurs de différentes natures, y compris des opérateurs privés à but lucratif : ce n’est pas ce que nous appelons un service public de l’emploi. De même, l’accès aux données personnelles pose problème et ce n’est pas un fantasme : elles circulent déjà au-delà du service public.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1378 et AS1377 de M. Paul Christophe.

Amendement AS923 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement vise à supprimer la mention « en tant que de besoin » à l’alinéa 14.

M. le rapporteur. Le service public de l’éducation est chargé de la formation professionnelle des jeunes. Il apparaît essentiel qu’un dialogue existe avec le service public de l’emploi pour connaître la dynamique des formations et jouer un rôle de conseil auprès des entreprises afin de répondre à leurs besoins.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1376 de M. Paul Christophe.

Amendements identiques AS311 de M. Arthur Delaporte et AS1035 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement a pour objet d’intégrer dans France Travail les communes et leurs groupements afin d’éviter tout conflit ultérieur dans l’interprétation du texte.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). La territorialisation des politiques de l’insertion et de l’emploi est une des conditions de la réussite. Les outils territoriaux n’ont de sens que s’ils peuvent s’appuyer sur une stratégie articulée avec l’échelon national, raison pour laquelle nous souhaitons que le bloc communal soit représenté.

M. le rapporteur. Ces amendements sont satisfaits. Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). Nous sommes favorables à une intégration formelle du bloc communal dans France Travail afin d’amoindrir la volonté de l’État de recentraliser et de tout contrôler.

M. Nicolas Turquois (Dem). Ces amendements sont satisfaits car la gouvernance sera partagée entre les opérateurs, et les représentants des collectivités et des acteurs du territoire.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS162 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Il vise à rendre de droit, et non facultative, la participation des organismes chargés de la formation, du placement des demandeurs d’emploi, du repérage des personnes éloignées de l’emploi, ainsi que des entreprises adaptées, des structures chargées des PLIE, des maisons de l’emploi et des CAF.

M. le rapporteur. Tous les acteurs de l’insertion et de l’emploi ont déjà leur place dans le réseau dès lors qu’ils le souhaitent. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS174 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Il a pour objet de donner une voix délibérative, et non seulement consultative, aux organisations professionnelles patronales et syndicales au sein du réseau.

M. le rapporteur. Ces organisations font déjà partie, avec voix délibérative, du comité national France Travail.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1480 de M. Paul Christophe.

Amendement AS596 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement tend à supprimer la participation des entreprises de travail temporaire et des OPP dans le réseau France Travail.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1049 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). L’amendement vise à exclure les entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI) du réseau France Travail car celles-ci ne proposent pas d’emplois pérennes. Je vous renvoie aux plateformes StaffMe ou Lulu dans ma rue qui ne proposent que des bullshit jobs.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je ne comprends pas cet avis. Mme Simonnet a évoqué deux plateformes reconnues comme EITI, qui offrent des emplois peu qualifiés, à temps partiel, précaires, sans statut de salarié et faiblement rémunérés. Les intégrer dans la gouvernance de France Travail revient à orienter des allocataires du RSA vers ces bullshit jobs. C’est ce qui s’est passé en Allemagne avec les lois Hartz : la majorité des 2 500 000 emplois créés en dix ans correspondaient à des emplois à temps partiel. Ces emplois de faible qualité ont conduit à une hausse du taux de pauvreté.

M. le rapporteur. Vous laissez entendre qu’un demandeur d’emploi pourra être orienté vers une EITI, y compris contre son gré : ce n’est pas le projet du texte, qui pose au contraire des garde-fous. Dans le Nord, un peu plus de 6 000 allocataires du RSA sont autoentrepreneurs, par choix. Nous essayons de les accompagner pour qu’ils puissent exprimer leur compétence de manière plus rémunératrice et vivre de leur passion, de la façon qui leur convient.

Les EITI peuvent avoir une voix consultative mais en aucun cas une voix délibérative dans la gouvernance. Ne nous méprenons donc pas sur leur place, ni sur l’attention qu’on leur prête en y recourant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1260 de M. François Gernigon

M. François Gernigon (HOR). Les chambres d’agriculture accompagnent des personnes de tout âge, issues ou non du secteur agricole, même si elles n’ont qu’une vague idée de ses métiers, afin de les orienter et conseiller. De même, une personne éloignée du travail pourrait, en étant accompagnée, s’orienter vers un autre domaine – plomberie, électricité, etc.

Il paraît donc important que les trois chambres consulaires que sont les chambres d’agriculture, les chambres des métiers et de l’artisanat et les chambres de commerce et d’industrie intègrent le réseau France Travail.

M. le rapporteur. Nous vous rejoignons sur le fond, mais l’amendement doit être retravaillé sur le plan légistique. Nous vous proposons de le faire en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1036 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Cet amendement, travaillé avec le Collectif Handicaps, vise à intégrer les établissements et services d’aide par le travail (Esat) et les établissements de réadaptation professionnelle à la gouvernance de France Travail. Le projet de loi conforte ce qui a été enclenché avec le rapprochement de Cap emploi et Pôle emploi. Il semble légitime que des acteurs comme les Esat participent à la gouvernance.

M. le rapporteur. Nous partageons là aussi votre intention. Sur la forme, nous préférons l’amendement AS216 qui sera présenté ultérieurement. Nous vous suggérons de retirer votre amendement à son profit.

L’amendement est retiré.

Amendement AS701 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Même amendement que celui de M. Saint-Huile. Nous le retirons, au profit de l’amendement AS216.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS216 de M. Arthur Delaporte, AS917 de Mme Annie Vidal, AS1281 de M. Olivier Falorni et AS1297 de M. Didier Le Gac

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement, également travaillé avec le Collectif Handicaps, vise à intégrer les Esat, auparavant absents de la gouvernance, dans le nouveau réseau. Cela permettrait de les responsabiliser et de les intégrer au pilotage et à la définition des objectifs.

M. Éric Alauzet (RE). L’amendement AS917 est défendu.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je défends l’amendement AS1281.

Sur le fond comme sur la forme, il est très important d’intégrer les Esat à la réflexion. Parce qu’ils réussissent à intégrer les personnes issues de leurs établissements dans le monde ordinaire, ils montrent que, par une approche singulière, on parvient à intégrer des publics différents. Cela a du sens par rapport à ce que nous essayons de faire.

M. Didier Le Gac (RE). Notons que ces amendements identiques viennent de tous les bancs. Il faut en effet associer les Esat à la gouvernance nationale. La volonté du Gouvernement de donner aux personnes de ces établissements les mêmes droits que les travailleurs ordinaires est louable. De nombreuses questions restent toutefois en suspens, et suscitent de l’inquiétude, voire de l’anxiété de la part des salariés. Quant aux Esat, ils se demandent comment financer les changements introduits par la loi.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous devons rester vigilants. La situation actuelle ne permet pas de garantir les droits des travailleurs en situation de handicap : de ce côté, nous avons un chantier à ouvrir. Il faut se demander si les Esat sont les entités les plus représentatives pour intégrer les personnes en situation de handicap à la gouvernance. Nous en sommes au début, et il faut creuser la question.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Ces amendements prévoient-ils d’intégrer les établissements de réadaptation professionnelle, comme l’amendement que j’ai retiré ?

M. le rapporteur. Nous le vérifierons d’ici à la séance.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1278 de M. Nicolas Turquois

M. le rapporteur. Je partage votre ambition, d’autant que, lors de l’expérimentation de Tourcoing, nous nous sommes entretenus avec une personne qui sortait du service pénitentiaire. Le besoin d’accueil renforcé se justifie pleinement.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1460 et AS1383 de M. le rapporteur. 

Amendements AS495 de Mme MarieCharlotte Garin, AS597 de M. Hadrien Clouet et AS1037 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune)

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous proposons d’instaurer des indicateurs dans l’objectif d’améliorer l’accompagnement et la satisfaction des usagers, comme les conditions de travail des conseillers.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Notre amendement AS597 vise à préciser la nécessaire publication annuelle et actualisée des indicateurs de pilotage établis par le réseau France Travail – taux de satisfaction des usagers sur les services rendus par les organismes référents, évolution du nombre de demandeurs d’emploi et de la taille des portefeuilles par conseiller au sein de Pôle emploi, conditions de travail des salariés des organismes référents, nombre de salariés des organismes référents et de travailleurs sociaux dédiés à l’accompagnement social des personnes éloignées de l’emploi au sein de chaque département, pourcentage de personnes inscrites ayant fait l’objet de sanctions.

L’article 4 tend à élaborer des indicateurs mais n’en précise aucun. Il ne prévoit pas non plus de procéder à l’analyse et au bilan de la précédente fusion de l’Agence nationale pour l’emploi et des Assedic, tant sur les conditions de travail des conseillers Pôle emploi, dont les portefeuilles ont explosé, que sur la dégradation de l’accompagnement des usagers. Avec la prise en charge de centaines d’allocataires du RSA, conformément à la loi, il apparaît impossible que l’opérateur France Travail ne subisse une dégradation supplémentaire de ses conditions de travail. De plus, le sous‑effectif est patent, tant pour les conseillers – 54 000 en France contre 101 000 pour le service public de l’emploi allemand – que pour les travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement des personnes éloignées de l’emploi ou des allocataires du RSA.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Les parcours renforcés et l’inscription automatique conduiront à accroître sensiblement la pression sur les professionnels chargés de l’accompagnement. Dans ces conditions, la diminution de la taille des portefeuilles paraît être une des conditions pour atteindre les objectifs que nous nous fixons. L’amendement vise donc à introduire à l’alinéa 25 une référence au nombre de personnes suivies, afin de pouvoir en tenir compte.

M. le rapporteur. Je partage l’ambition que vous exprimez sur le fond. Sur la forme, nous préférons que le comité national et les différents acteurs, dont les organisations syndicales, soient chargés de déterminer l’ensemble de ces indicateurs. À ce titre, j’émets un avis défavorable sur les amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1128 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à préciser la nature des indicateurs d’évaluation et de pilotage qui seront définis au niveau national par le réseau France Travail. Ces indicateurs doivent prendre en compte la complexité et la multiplicité des paramètres qui entrent en jeu dans l’insertion socioprofessionnelle des demandeurs d’emploi, notamment des publics les plus éloignés de l’emploi que sont les personnes handicapées, les jeunes accompagnés par les missions locales et les bénéficiaires du RSA.

M. le rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1130 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Il s’agit de supprimer les alinéas 26 et 27, qui montrent la véritable ambition du Gouvernement : la surveillance généralisée des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du RSA. Nous nous opposons à cette mutualisation.

M. le rapporteur. La mise en réseau vise plutôt à l’efficacité qu’à la surveillance.

Défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). La mutualisation évite d’avoir à fournir à chaque fois les différents éléments d’identification. Elle favorise aussi le suivi.

L’évaluation de nos politiques d’emploi pose un réel problème. Aujourd’hui, les missions locales sont incapables de savoir si les jeunes qu’elles ont suivis il y a cinq ans sont en emploi, et dans quelle proportion. Les initiatives sont nombreuses, et relèvent toutes d’une bonne intention, mais certaines – écoles de la deuxième chance, territoires zéro chômeur de longue durée, missions locales – sont peut-être plus pertinentes que d’autres.

Disposer d’un outil d’analyse des dispositifs les plus performants et adaptés selon les publics a du sens, d’où cette mise en relation et ce suivi dans la durée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS598 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Nous proposons de supprimer l’alinéa 26 car il faut empêcher le partage de données personnelles des usagers entre l’ensemble des membres du réseau France Travail. Le transfert de données personnelles de bénéficiaires du RSA pose de sérieux problèmes en matière d’atteinte à la sphère privée et de mise en place d’une société de surveillance, de coercition et de contrôle des demandeurs d’emploi.

Surtout, la présence d’opérateurs privés parmi les membres qui disposeront de ces données rend certaine l’utilisation de celles-ci à des fins de profit. Si, par ce texte, le Gouvernement souhaite faire émerger un marché des données personnelles ou y trouver des débouchés, qu’il le dise plutôt que de cacher son intention.

Cette utilisation nous inquiète fortement. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’alinéa 26.

M. le rapporteur. Je respecte votre vision. Pourtant, je ne la partage pas. Si un demandeur d’emploi souhaite être suivi par un assistant social, une structure de formation, un agent de Pôle emploi et une structure d’insertion, il devra, à chaque fois, prendre un rendez‑vous pour constituer le même dossier. Nous souhaitons un dispositif plus efficace. Tout cela reste suivi et encadré par le RGPD et la loi « informatique et libertés ».

M. Arthur Delaporte (SOC). Ces questions ne sont pas neutres. Le RGPD n’est pas suffisant : on peut partager des données avec des opérateurs privés. L’amendement suivant est moins-disant, mais il nous permettrait d’adopter des garde-fous supplémentaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS163 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement de repli vise à encadrer strictement l’accès aux données personnelles par les prestataires privés de Pôle emploi. En l’état, le texte ne contient pas de garde-fous. Nous proposons de limiter l’accès aux opérateurs publics, dont la vocation non lucrative est évidente.

La donnée liée au marché de l’emploi a une valeur, et il faut pouvoir garder le contrôle. Dans son avis, la Défenseure des droits invite à s’assurer, lors de l’adoption de mesures d’application, que les données ne seront pas réutilisées à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été communiquées. Elle alerte en particulier sur les risques de détournement de la finalité initiale. C’est pourquoi nous proposons d’interdire aux prestataires privés de valoriser ces données publiques à des fins privées, par des actions de démarchage commercial, de fichage ou par l’élaboration d’algorithmes pour mieux comprendre le marché du travail.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS164 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Dans la même logique, cet amendement de repli tend à limiter l’accès par le réseau aux données strictement nécessaires : si une donnée n’est pas strictement nécessaire, il n’y a pas de raison de la partager.

M. Turquois souhaitait connaître la situation des demandeurs d’emploi, trois ans après : cette requête est impossible car la Commission nationale de l’informatique et des libertés empêche la conservation des données à caractère personnel. Au-delà de ces garde-fous, il faut s’assurer que la transmission des données est minimale au sein du réseau des acteurs, qu’a évoqué le ministre Olivier Dussopt. En effet, les opérateurs partagent déjà leurs données. On a accès à de nombreuses informations, et je ne suis pas sûr qu’il soit pertinent de les partager toutes.

M. le rapporteur. Au-delà du RGPD et de la loi « informatique et libertés », l’alinéa 66 prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine les modalités du traitement des données à caractère personnel. Votre ajout n’est donc pas utile à ce stade.

Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1083 de Mme Farida Amrani

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement vise à disposer d’une force de rappel dans la mobilisation des données. Le système d’information concernant les demandeurs d’emploi et les salariés, dont dispose Pôle emploi, touche un large ensemble de publics, dont les données personnelles sont enregistrées – demandeurs d’emploi, bénéficiaires du RSA, Européens en mobilité, personnes débitrices de Pôle emploi, salariés ou personnes en situation de handicap qui ressortent de l’institution sans être demandeurs. Vous comptez créer un réseau reliant différents organismes d’accompagnement autour de Pôle emploi. Cette masse importante de données doit transiter entre différents organismes, car vous encouragez la mobilité. Dans ce cadre, il ne semble pas excessif de rappeler que le RGPD s’impose dès l’adoption de la loi. On sait ce n’est pas le cas aujourd’hui. Sinon, on n’aurait pas connu la fuite de données qui s’est produite, il y a quelques jours.

Pour toutes ces raisons, il est rassurant de prévoir une telle force de rappel, qui évitera des amendements folkloriques en séance, notamment lorsque le texte ne respecte pas ces obligations minimales.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait : le RGPD s’impose.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1084 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Selon la Défenseure des droits, l’harmonisation s’accompagnera d’une intensification de la collecte et du partage des données personnelles. Les données des allocataires risquent d’être réutilisées pour d’autres usages que les fins statistiques prévues par le texte, notamment pour détecter des fraudes, ce qui constitue une atteinte aux droits des bénéficiaires du RSA.

Nous souhaitons garantir le traitement et le stockage des données personnelles rassemblées par les CAF sur des serveurs français, soumis au droit français et localisés en France.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1382 de M. Paul Christophe

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le mot « celle-ci » se rapportant à l’institution, l’alinéa vise à n’autoriser le partage d’informations et de données qu’avec l’institution qui relève de France Travail. Nous proposons de ne pas modifier cette rédaction, car elle élimine les OPP et ouvre une voie de recours contre le privé.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1283 de Mme Anne Bergantz

Mme Anne Bergantz (Dem). La création de France Travail nécessitera de concevoir des outils et des services numériques communs, notamment pour le partage de données en vue de produire des indicateurs communs pour le pilotage et l’évaluation des actions.

L’Unedic, membre du comité national France Travail, financeur principal de l’opérateur Pôle emploi et contributeur majeur de la réforme, doit pouvoir accéder aux données granulaires nominatives relevant de son champ. Celles-ci lui permettront d’analyser de bout en bout les parcours professionnels, afin d’assurer une indemnisation juste, d’accompagner les transitions professionnelles, de prévenir la perte d’emploi et d’adapter la réglementation aux évolutions du marché de l’emploi, tout en respectant les règles établies en matière de protection des données et de respect de la confidentialité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS1038 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Cet amendement, issu des discussions avec le collectif Alerte, a pour vocation de garantir l’existence de lieux d’accueil physique, au plus près des habitants. Vous le savez, si elle présente certains avantages, la dématérialisation met en difficulté nombre de nos compatriotes. La présence physique est une des conditions de la réussite du dispositif.

M. le rapporteur. L’alinéa traite du réseau, non de la déclinaison opérationnelle dans les territoires, mais l’objectif est bien d’utiliser tous les moyens disponibles. Le déploiement du service public de l’emploi s’appuiera ainsi sur le réseau France Services ou, dans certains départements, sur les guichets mobiles, au moyen de bus. À ce stade, je vous propose de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1461 de M. Paul Christophe, AS1252 de Mme Michèle Peyron et AS1272 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. Cet amendement prévoit la signature d’une charte de coopération renforcée entre les membres du réseau France Travail qui le souhaitent. Contrairement aux dispositions relatives à la charte d’engagement qui figuraient initialement dans le texte, cette signature ne sera pas une condition nécessaire pour assurer la coprésidence d’un comité territorial France Travail. L’ambition de ce document est de favoriser une plus grande collaboration entre une partie des membres du réseau France Travail, afin d’offrir aux demandeurs d’emploi un parcours global et sans interruption.

M. Arthur Delaporte (SOC). En utilisant l’expression « réseau France Travail » au lieu de « Rail », M. Christophe fait une confusion entre opérateur et réseau. Elle doit être clarifiée.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1051 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Si le nouvel équilibre dans le service public de l’emploi ne suscite pas notre enthousiasme, le comité national concentre une partie des défauts de l’architecture proposée.

D’abord, par son caractère imprécis. C’est une mode en Macronie : on vote des textes, qui créent des architectures vides, dont on ne sait pas comment elles seront politiquement peuplées. Le comité national créé ici est censé se charger des missions, stratégies, méthodes, référentiels et outils de France Travail. Quand on crée un organisme sans mission, sans stratégies, sans méthodes, sans référentiels et sans outils, c’est qu’il manque quelques éléments : il aurait été utile d’avoir une expérimentation qui aille jusqu’au bout.

Ensuite, si nous sommes hostiles à ce comité national, c’est parce qu’il est un ensemble partial, qui accorde une portion congrue au monde du travail, doté de prérogatives consultatives pour les organisations syndicales et le monde patronal, qui paraissent en décalage avec la proximité que vous revendiquez.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1106 de M. Jocelyn Dessigny

M. Serge Muller (RN). L’amendement est défendu.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1385 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1462 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’ajout, par le Sénat, de l’identification des besoins pluriannuels de financement pour réaliser les actions du réseau, dans les missions du comité national. Il ne lui appartient pas d’identifier les besoins de financement, qui relèvent par nature des actions propres à chaque membre. On peut partager l’ambition de mise en adéquation des missions de France Travail et des moyens de ses membres, mais une telle identification des besoins semble peu respectueuse du principe de libre administration des collectivités territoriales.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS496 de Mme MarieCharlotte Garin et AS281 de Mme Stella Dupont tombent.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1390 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1317 de M. Sébastien Peytavie

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement, issu d’une demande du Collectif Handicaps, a pour objet d’associer les acteurs syndicaux, de la solidarité et du handicap à la construction des référentiels pour l’orientation des demandeurs d’emploi. Il répond à la nécessité de préciser les conditions dans lesquelles France Travail évaluera les besoins et réalisera l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi, en particulier ceux éloignés du marché de l’emploi et en situation de handicap.

Il existe actuellement des disparités territoriales liées à l’interprétation de référentiels imprécis, qui entraînent de fortes inégalités, en particulier pour les personnes en situation de handicap. Nous avons besoin de leur expertise dans l’accompagnement des personnes exclues dans l’emploi. L’harmonisation des référentiels ne pourra pas se faire sans coconstruction avec les acteurs de la solidarité et du handicap.

M. le rapporteur. Votre demande est satisfaite puisque le comité national associera toutes les parties prenantes. Les Cap emploi, les entreprises adaptées, les Esat – nous les avons ajoutés tout à l’heure –, les usagers de ces services publics seront automatiquement associés à la détermination des critères d’orientation.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je défends l’amendement de Mme Garin, qui ne concerne pas un périmètre identique à celui qu’évoque M. le rapporteur. Les associations qui représentent les personnes en situation de handicap ne sont pas les mêmes que les associations d’usagers des services publics. L’enjeu est important car les sortants de l’institution peuvent être représentés dans la discussion sur les référentiels.

Ce serait une mise en conformité avec l’amendement que nous avons tous voté, qui traite de l’enrichissement de l’offre d’emploi par des informations sur l’ergonomie des postes. Cela aurait un intérêt dans une logique adéquationniste, qui pourrait nous rassembler ici.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1181 de Mme MarieCharlotte Garin

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’élaborer une charte d’engagement à destination des entreprises : cette charte d’employeurabilité serait soumise à l’approbation des syndicats représentants des employeurs et des salariés. Le texte n’aborde pas la question de la responsabilité des entreprises envers les personnes les plus éloignées de l’emploi. On ne peut pas attendre que les allocataires fassent toute la démarche ; les entreprises doivent s’impliquer en matière d’insertion, pour accueillir les publics les plus vulnérables. Retourner vers l’emploi quand on en a été éloigné très longtemps demande de l’accompagnement et une entreprise qui adapte ses dispositifs. Tel est l’objet de l’amendement.

M. le rapporteur. J’en soutiens l’idée, mais la charte n’a pas vocation à être validée par le comité national. En revanche, elle peut être déclinée dans les comités territoriaux. Je vous inviterai à les sensibiliser, une fois que vous aurez voté la loi.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’idée de l’amendement me convient. Il faut travailler sur l’accueil des publics éloignés de l’emploi du fait du handicap ou d’autres problématiques. Certaines entreprises savent le faire, sans que l’on puisse le quantifier. C’est un vrai enjeu, une ambition que l’on doit porter pour les entreprises et contribuer à diffuser.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1389 et AS1388 de M. Paul Christophe.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous avons examiné 228 amendements cet après-midi, soit près de 50 amendements par heure en moyenne : 485 amendements restent en discussion, ce qui nous conduit à envisager de prolonger la séance ce soir au-delà de minuit.

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7.   Réunion du mercredi 20 septembre 2023 à 21 heures 30 (article 4 [suite] à article 11)

Lors de sa troisième réunion du mercredi 20 septembre 2023, la commission poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528) (M. Paul Christophe et Mme Christine Le Nabour, rapporteurs) ([377]).

Article 4 (suite) : Créer le réseau France Travail

Amendements AS599 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS169 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’article 4 prévoit la création d’indicateurs de pilotage pour le réseau France Travail, sans en préciser aucun, ni tirer le bilan de la précédente fusion de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et des Assedic tant sur les conditions de travail des conseillers Pôle Emploi que sur la qualité de l’accompagnement des usagers.

Dans ce contexte, il convient de préciser les indicateurs de performance qui seront utilisés pour évaluer le réseau. Ils doivent inclure le taux de satisfaction des usagers, l’évolution de la charge de travail des conseillers, les conditions de travail des salariés des organismes partenaires, le nombre de salariés et de travailleurs sociaux affectés à l’accompagnement social par département, ou encore le pourcentage de personnes inscrites ayant fait l’objet d’une sanction. C’est un amendement essentiel pour assurer le bon fonctionnement du réseau France Travail.

M. Paul Christophe, rapporteur sur les titres Ier et II. C’est au comité national France Travail de définir ces dispositions, avec, notamment, les organisations syndicales. Il lui reviendra de définir les critères de l’évaluation annuelle.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ces amendements soulèvent la question essentielle des ratios. On ne peut plus accepter qu’un conseiller soit chargé de suivre 400 allocataires du RSA.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1387 et AS1386 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1129 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Cet amendement vise à ce que le comité national France Travail soit copiloté par le ministre du travail et le ministre chargé de la jeunesse afin de lutter contre le chômage des jeunes et de favoriser leur insertion socioprofessionnelle.

M. le rapporteur. C’est évidemment un des sujets auxquels nous sommes particulièrement attentifs, au même titre que le handicap, mais je vous propose que nous nous en tenions à la rédaction actuelle car cette question relève principalement des attributions du ministre du travail.

Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1227 de Mme Gisèle Lelouis

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS351 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement, travaillé avec la CFDT, vise à octroyer une voix délibérative à chaque membre du comité national France Travail, sans qu’aucun ne puisse obtenir à lui seul la majorité absolue. Cela conforterait le système quadripartite constitué par l’État, les collectivités territoriales, les organisations syndicales et les organisations patronales.

M. le rapporteur. Vous souhaitez réserver au moins la moitié des voix aux partenaires sociaux, sur le modèle du conseil d’administration de Pôle emploi. Or le comité national n’est pas un conseil d’administration qui gère un service : il a pour objet de définir les grandes orientations du réseau et de déterminer les meilleurs moyens de faire collaborer les différents acteurs de l’emploi, de la formation et de l’insertion. Il me semble que l’équilibre au sein de ce comité doit plutôt résider entre l’État, les collectivités – ce sont les deux principaux financeurs et opérateurs du service public de l’emploi – et les partenaires sociaux, dans un cadre tripartite. Une concertation devra naturellement avoir lieu préalablement à la définition, par voie réglementaire, de la composition du comité national.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Votre position me paraît à l’image de la conception qu’a le Gouvernement du dialogue social : recours au 49.3, faible place de la concertation et mépris du tripartisme, notamment au sein de l’assurance chômage.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS662 de M. Jean-Hugues Ratenon

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Nous plaidons fermement pour que le comité national France Travail intègre systématiquement des représentants des collectivités d’outre-mer, qui présentent des spécificités marquées. Le taux de chômage élevé et le niveau de pauvreté y exacerbent les inégalités et la précarité. La présence de représentants de ces collectivités garantirait la prise en compte de leurs préoccupations et la défense de leurs intérêts.

M. le rapporteur. L’ambition de France Travail est précisément que chaque territoire soit représenté avec ses spécificités. C’est pourquoi les missions décidées par le comité national seront déclinées à chaque échelon territorial, et en particulier dans les outre-mer. L’article 11 du projet de loi permettra d’adapter la nouvelle structure du service public de l’emploi aux territoires ultramarins, qui piloteront, de manière décentralisée, l’accompagnement des demandeurs d’emploi en fonction des réalités locales. Il me semble important de laisser aux collectivités le choix d’être représentées selon leurs règles propres afin d’assurer leur autonomie. Cela étant, je militerai pour la création d’une commission spéciale au sein du comité national afin que l’on porte une attention particulière aux territoires d’outre-mer.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS166 de M. Arthur Delaporte, AS802 de M. Matthieu Marchio et AS1194 de Mme Marie-Charlotte Garin, amendements AS777 de Mme Astrid Panosyan-Bouvet et AS1188 de M. Hadrien Clouet, amendements identiques AS167 de M. Arthur Delaporte et AS497 de Mme Marie-Charlotte Garin, amendement AS1132 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Le groupe socialiste est prêt à travailler à la rédaction d’un amendement de compromis en vue de la séance pour assurer la représentation des territoires ultramarins et la prise en compte de leurs spécificités.

L’amendement AS166, qui a été élaboré avec APF France handicap, vise à intégrer au sein du comité national des représentants des usagers, notamment les associations représentatives des travailleurs en situation de handicap, afin d’assurer la pleine participation des bénéficiaires aux dispositifs les concernant.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Par l’amendement AS802, nous souhaitons introduire, au sein du comité national, une représentation des usagers de France Travail et de leurs associations, en particulier les associations représentatives des travailleurs en situation de handicap, afin d’assurer la pleine participation des bénéficiaires aux dispositifs qui les concernent.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’inclure au sein du comité national les associations représentatives des usagers, notamment les associations représentatives des personnes handicapées. Cet amendement AS1194 a été proposé par APF France handicap.

M. JeanFrançois Rousset (RE). L’amendement AS777 est défendu.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Le réseau France Travail multiplie les échelons de gouvernance, sans qu’on sache trop qui doit travailler ensemble. Le projet de loi ne précise pas les missions de chacun.

Il faut commencer par impliquer les personnes concernées au sein du comité national. Par l’amendement AS1188, nous soutenons la revendication d’APF France handicap, qui invite à y faire entrer les représentants des usagers, notamment des personnes en situation de handicap. La représentation des usagers de Pôle emploi, des missions locales, de Cap emploi ou des bénéficiaires du RSA est indispensable pour assurer la prise en considération de la réalité vécue par ces personnes.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement AS167, élaboré en concertation avec le Mouvement national des chômeurs et précaires, vise à compléter la composition du comité national en faisant une place aux demandeurs d’emploi. Cela rejoint une recommandation du Conseil d’État, qui suggère, dans son avis, de définir de manière exhaustive les catégories de membres du comité national. La représentation démocratique des usagers renforcerait le lien qu’ils entretiennent avec le service public de l’emploi.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement AS497 suit les recommandations du Conseil d’État, qui suggère de définir de manière exhaustive les catégories de membres du comité national, en y incluant les acteurs les plus pertinents au vu des missions dévolues à cet organisme. Les personnes atteintes de handicap, en demande d’emploi, allocataires du RSA ou prises en charge par une ou plusieurs structures d’insertion doivent disposer d’une voix au sein du comité national.

L’amendement AS1132 est défendu.

M. le rapporteur. Avis favorable aux amendements AS166, AS802 et AS1194, et défavorable aux autres. En vue de la séance, je vous invite à mentionner également dans votre rédaction, comme l’avait proposé M. Bazin, les représentants des familles ou des aidants.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il y a dix jours, j’ai été invité au Conseil économique, social et environnemental pour une table ronde. C’était dans un bâtiment inaccessible, il y avait une scène avec une dizaine de marches et aucun invité n’était handicapé. Les personnes en fauteuil étaient placées derrière et voyaient les intervenants de dos.

Il est plus qu’indispensable d’avoir des représentants des personnes handicapées, car il reste de grands progrès accomplir en ce domaine.

La commission adopte les amendements identiques AS166, AS802 et AS1194.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement AS964 de Mme Fanta Berete

Mme Fanta Berete (RE). Cet amendement vise à assurer l’intégration de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire au sein des instances de France Travail.

M. le rapporteur. La question se pose aussi pour des organisations telles que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma. Nous sommes en rapport avec le Gouvernement sur ce sujet. Je vous invite à retirer l’amendement afin de le retravailler en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS326 de M. Stéphane Viry, AS702 de M. Arthur Delaporte et AS1183 de Mme Marie-Charlotte Garin, et amendements AS498 de Mme MarieCharlotte Garin et AS1165 de M. Jean-Hugues Ratenon (discussion commune)

Mme Josiane Corneloup (LR). L’amendement AS326 a pour objet de garantir la présence des représentants nationaux des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) au sein de l’instance nationale de gouvernance du réseau France Travail. Ce sont en effet des acteurs incontournables du plein emploi solidaire.

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement, issu de la Fédération des acteurs de la solidarité, vise à assurer la représentation des organismes de l’insertion par l’activité économique spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi. Il s’agit, autrement dit, de garantir la présence des SIAE, qui sont des actrices incontournables du plein emploi solidaire, au sein des instances de gouvernance départementales, locales et régionales du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, le réseau « Rail ».

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Mes amendements ont pour objet d’assurer la représentation des organismes de l’insertion par l’activité économique spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Mon amendement a pour objet de garantir la présence des représentants nationaux des SIAE au sein du comité national.

M. le rapporteur. Les SIAE sont déjà membres du comité puisqu’elles sont mentionnées au II de l’article L. 5311-7 du code du travail, auquel fait référence l’alinéa 44. Ces structures d’insertion sont donc membres de la gouvernance du réseau, comme vous le souhaitez, mais figurent également parmi les acteurs qui le composent.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS933 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je m’interroge sur le pouvoir réel dont disposera cet organisme, qui sera piloté directement par le ministère.

L’amendement vise à donner à l’Unedic une voix délibérative au sein du comité national France Travail s’agissant des attributions prévues aux 3, 3° bis et 6° du I de l’article 4, à savoir : arrêter les orientations stratégiques au niveau national, identifier les besoins pluriannuels de financement et établir les indicateurs nécessaires au pilotage. L’Unedic, qui finance Pôle emploi à hauteur de 80 %, est appelée à devenir un contributeur majeur de France Travail, ce qui est discutable. Dans ce contexte, elle doit pouvoir prendre part aux délibérations et pas seulement être vaguement consultée.

M. le rapporteur. Nous nous sommes également interrogés sur ce point. L’Unedic est représentée au sein du comité national, où elle dispose d’un avis consultatif. C’est une structure paritaire et les organisations syndicales disposent déjà de sièges au comité national. Il nous semble important de privilégier une répartition équilibrée des voix entre les huit organisations interprofessionnelles. Donner une voix délibérative à l’Unedic conférerait un poids particulier aux partenaires sociaux siégeant en son sein et romprait l’équilibre entre les huit organisations. Nous avons engagé une discussion mais je vous invite, pour l’heure, à retirer votre amendement.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Renforcer la représentation syndicale ne me dérange pas. Mais la voix qui serait portée, en l’occurrence, serait celle de l’Unedic et non celle des organisations syndicales. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS928 de M. Pierre Dharréville et AS1282 de Mme Anne Bergantz

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit de donner à l’Unedic une voix délibérative au sein du comité national France Travail.

Mme Anne Bergantz (Dem). Premier financeur de Pôle emploi, l’Unedic se verra confier de nouvelles missions dans le cadre de l’institution de France Travail. Il nous paraît donc indispensable qu’elle dispose d’une voix délibérative, au même titre que les autres membres du comité national.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il ne me semble pas normal que l’Unedic participe de manière aussi importante au fonctionnement de France Travail, dans la mesure où ses excédents sont liés à la politique de l’emploi du Gouvernement. Par ailleurs, elle a, entre autres, pour mission d’accompagner le retour à l’emploi. Il paraît pertinent qu’elle dispose d’une voix délibérative compte tenu de son rôle en matière de financement. Certains équilibres sont peut‑être à revoir.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Nous nous opposerons à ces amendements, bien que l’on puisse comprendre la volonté de faire entendre la voix des organisations syndicales. Pour ce qui est de la gouvernance stratégique, politique et financière du réseau, je me demande comment on parviendra à faire travailler ensemble l’État, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux compte tenu de la divergence de leurs intérêts dans cette instance éminemment politique.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS934 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Monsieur Turquois, si l’Unedic est en excédent, c’est avant tout en raison des politiques de restriction d’accès aux droits des demandeurs d’emploi menées par le Gouvernement. Créer un excédent pour venir le ponctionner est une logique qui ne me convient pas.

Le fait que les principales décisions du comité national France Travail doivent être approuvées, après leur délibération au sein du comité et avant leur publication, par les ministres chargés de l’emploi et des solidarités conduit à s’interroger sur l’équilibre du pouvoir au sein du comité national. Ces dispositions s’apparentent à un droit de veto des ministres rendant caduque toute délibération du comité national. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer les alinéas 46 et 47.

M. le rapporteur. Ce mécanisme d’approbation a été ajouté dans le texte à la suite de l’avis du Conseil d’État : il s’agit de garantir la légalité des actes créateurs de droit et donc susceptibles de recours. Ce n’est pas un droit de veto mais une garantie du respect, par le comité national, de notre cadre juridique et des conventions internationales signées par la France.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Marc Ferracci (RE). J’ajouterai un argument politique. L’État, in fine, assume la responsabilité des actions que souhaite mener France Travail dans les domaines de l’emploi, du travail et du chômage. Il n’est donc pas incohérent que l’État ait une voix un peu différente des autres face aux délibérations du comité national.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je pense en effet que l’argument juridique dissimule une volonté politique. Ce comité, dans lequel on peut mettre beaucoup de monde, ne sera donc pas décisionnaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS165 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). On peut admettre que le ministre du travail fixe des orientations, mais on ne saurait accepter qu’il dispose d’un droit de veto – qui s’apparente à une extension du 49.3, à moins qu’on ne remonte jusqu’au veto royal – sur les travaux du comité national. Que le Parlement ait l’audace d’un geste d’émancipation en assumant de refuser ce droit de veto !

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1463 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. Le Sénat a précisé, et je tiens à le saluer, qu’il appartient au comité national France Travail de fixer les critères d’orientation des demandeurs d’emploi et la liste des informations susceptibles d’être transmises dans ce cadre. Cependant, rien n’est prévu dans le cas où le comité national ne parviendrait pas à une décision ou dans l’hypothèse où celle-ci ne serait pas approuvée par le ministre, notamment en raison de son caractère illégal. Cet amendement prévoit donc qu’en cas de carence, les critères et la liste soient fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’emploi et des solidarités.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1231 de M. Yannick Monnet

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement résulte de propositions formulées par l’Union nationale des missions locales (UNML) et vise à mieux prendre en compte les spécificités ultramarines dans la conception de l’action publique nationale. Il arrive en effet trop souvent – et l’examen de ce texte en apporte une nouvelle illustration – que des programmes nationaux ne soient pas accessibles aux jeunes ultramarins, ce qui entraîne une rupture d’égalité dans l’accès aux services publics.

Aussi est-il proposé de créer une commission ultramarine, sous l’égide du comité national France Travail, chargée de s’assurer de la prise en compte des particularités ultramarines, d’anticiper et de prévenir les freins et obstacles à la déclinaison des politiques publiques dans ces territoires, et d’avancer des recommandations pour mieux répondre à leurs besoins.

M. le rapporteur. L’avis est défavorable : il appartiendra au comité national d’instaurer ses propres commissions. En outre, l’article 11 du projet de loi porte sur les spécificités des territoires ultramarins.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS173 de M. Arthur Delaporte, AS499 de Mme MarieCharlotte Garin, AS935 de M. Pierre Dharréville, AS1116 de M. Hadrien Clouet et AS1196 de M. Philippe Juvin

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement de repli vise à supprimer toute possibilité de réorganisation de la gouvernance régionale, en supprimant la possibilité pour le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Crefop) de prendre le nom de comité régional de France Travail et d’exercer à la fois les missions du Crefop et celles des comités territoriaux de France Travail.

Le réseau « Rail » a certes remplacé France Travail depuis deux heures ; néanmoins l’objet de l’amendement est toujours valable, à savoir consolider le quadripartisme régional et les Crefop. Monsieur le rapporteur, vous avez refusé l’instauration d’un quadripartisme à l’échelle nationale, mais, contrairement à ce que vous avez dit, celui-ci existe déjà dans les régions : l’action des Crefop, qui fonctionnent bien et de manière équilibrée, est saluée de toutes parts. La démocratie régionale, en apportant la preuve de son efficacité, montre que la gouvernance que vous défendez n’est pas la seule voie possible.

En écrasant les Crefop, vous menacez certaines de leurs compétences, notamment l’accompagnement vers l’emploi, et risquez ainsi de favoriser la confusion entre les missions des différentes institutions dans les territoires. Un tel mouvement ne serait en aucun cas un gage de simplification.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous proposons de supprimer une disposition dérogatoire qui contrevient à la compétence exclusive des régions en matière de formation professionnelle. Elle vise à donner l’appellation de comités régionaux France Travail aux Crefop, modification inutile aux dires des régions, et qui n’apportera rien aux compétences des Crefop, que la loi établit clairement.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Comme France Travail n’est plus France Travail, je ne comprends pas bien le sens de nommer les Crefop « comités France Travail », alors que France Travail, c’est Pôle emploi. Au nom de quoi les Crefop pourraient-ils se réclamer de Pôle emploi ? Il y a quelque chose qui ne va pas.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Cet amendement AS1116 a été travaillé avec la CFDT. Tout le monde reconnaît l’importance des Crefop : il me semble nécessaire de revenir sur la réorganisation de la gouvernance régionale du service public de l’emploi à laquelle procède le projet de loi.

L’amendement vise à consolider le quadripartisme régional et les Crefop, en intégrant les comités territoriaux France Travail au sein des Crefop. Les prérogatives de ces derniers excédant l’accompagnement vers l’emploi, une confusion des missions des institutions selon les territoires ne représenterait en aucun cas une simplification, d’autant que les équilibres de gouvernance seraient susceptibles d’être modifiés.

M. Philippe Juvin (LR). Nous avons exprimé à plusieurs reprises notre inquiétude devant la recentralisation à laquelle procède le texte que ses défenseurs présentent comme une réforme de décentralisation : tel est le thème de l’amendement.

M. le rapporteur. Je ne partage pas votre lecture du texte, puisque celui-ci prévoit que le remplacement du Crefop par le comité régional est facultatif et ne peut se faire sans l’accord du préfet de région et du président du conseil régional. De nombreuses régions ont déjà expérimenté ce type de rapprochement, les acteurs ayant souhaité fusionner le Crefop et le comité territorial pour gagner en efficacité.

Soit la substitution du Crefop par le comité régional permet de mieux organiser les politiques d’emploi et de formation dans un territoire, soit le président du conseil régional s’oppose à cette évolution, si le maintien du Crefop apparaît essentiel.

L’avis est défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le Crefop est régional, quand France Travail est une instance nationale : vous créez des comités régionaux d’une instance régionale dans un cadre national ! Cela paraît encore moins simple si le nom de France Travail est conservé. L’empilement de logos et de sigles – comités territoriaux, comité national, Pôle emploi devenu France Travail, réseau qui ne s’appelle plus France Travail, etc. – est incompréhensible, même pour nos collègues macronistes. Faites plaisir à votre majorité, soutenez ces amendements qui simplifient le texte !

Mme Christine Le Nabour (RE). Vous qui défendez les missions locales, cette évolution présente l’intérêt d’intégrer les associations régionales des missions locales dans les instances de décision : actuellement, les associations siègent dans les commissions mais pas dans les instances de décision.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS168 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Il est dommage que nous n’ayons pas réussi à simplifier ce micmac administratif. Personne n’y comprendra rien : deux organismes existeront à certains endroits mais disparaîtront à d’autres, ce qui créera une confusion à tous les niveaux. À côté du comité régional du « Rail », il pourra y avoir le Crefop. Cette juxtaposition est injustifiée puisqu’il existe déjà un acteur capable d’organiser le partenariat.

L’amendement vise à simplifier la gouvernance très lourde du réseau « Rail ». Plutôt que de créer trois échelons territoriaux – régional, départemental et local –, nous proposons de supprimer le niveau départemental au profit de la région, collectivité qui détient la compétence de l’emploi et de la formation professionnelle. Cependant, pour garantir la coordination, les départements seraient membres de droit du comité régional.

M. le rapporteur. Si je ne vous connaissais pas, je vous penserais à la main des lobbyistes des régions de France : pourquoi vous acharnez-vous sur les départements ? Les régions possèdent certes la compétence de l’emploi, mais les départements exercent celle du RSA. Je suis défavorable à l’amendement, car il serait dommage de supprimer l’échelon départemental.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Votre gouvernance stratégique n’est qu’un gloubi-boulga : un coup, vous donnez la main aux départements, un coup, aux régions, sans vous soucier du bloc communal, pourtant au plus près des enjeux.

Dans une région comme la mienne, les Hauts-de-France, le président du conseil régional a contourné Pôle emploi en créant Proch’emploi, qui brille par son inefficacité. Comment votre gouvernance stratégique se déploiera-t-elle alors qu’elle intégrera la région, laquelle évolue dans une autre organisation et utilise un autre Pôle emploi, en l’occurrence Proch’emploi ? Il serait intéressant de connaître la réponse à cette question avant de voter le texte. En attendant, nous voterons contre l’amendement.

M. Arthur Delaporte (SOC). Tous les présidents de région ne créent pas de comités Théodule parallèles à Pôle emploi. Le seul objet de l’amendement est la simplification. L’échelon régional peut être pertinent pour assurer la coordination, ce qui n’exclut pas la présence de comités départementaux. Les agences régionales de santé, par exemple, conduisent bien leur réflexion à l’échelle régionale tout en ayant des représentants départementaux !

Comme vous souhaitez fragmenter la réflexion à toutes les échelles, il n’y aura pas de hiérarchie ni de véritable coordination, mais un grand bazar. Comme le dit Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde, vous choisissez une « recentralisation autoritaire à la place de la décentralisation solidaire ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS500 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Le projet de loi prévoit une gouvernance déclinée territorialement au travers de quatre comités – national, régional, départemental et local. La métropole de Lyon est pleinement concernée par toutes les dispositions législatives qui concernent les départements. Néanmoins, il faut s’assurer que le niveau départemental mentionné par le texte vise le département en tant que collectivité et non en tant que circonscription administrative, sous peine d’exclure cette métropole de Lyon pourtant partie prenante très active de la politique de l’emploi.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait car rien n’empêchera la métropole de Lyon de créer un comité ad hoc à côté du comité départemental.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS170 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à garantir la présence de la région, détentrice de la compétence de l’emploi et de la formation au sein des comités départementaux France Travail. Si l’on veut construire des passerelles, il faut s’assurer de la présence de la région à l’échelle départementale. Vous ne souhaitez pas que les départements soient représentés au niveau régional, mais prévoyons au moins l’inverse, d’autant que vous avez salué le bilan des Crefop et de l’organisation régionale.

M. le rapporteur. L’avis du Conseil d’État est très clair : seules les catégories de membres du comité national relèvent, compte tenu de ses prérogatives, du domaine de la loi. La gouvernance territoriale est placée entre les mains des collectivités et du représentant de l’État, et la composition des comités doit rester souple afin de s’adapter à l’ensemble des réalités locales : le projet de loi est bien un texte territorial et non de recentralisation.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). Je crains que M. Delaporte n’ait raison. Pierre Dac disait que tout est dans tout et réciproquement ; en l’occurrence, il faut un représentant de la région dans le département et un représentant du département dans la région. Cela complexifie les choses, l’usine à gaz est en train de se monter, mais sinon elle risque de ne pas fonctionner.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS501 de Mme Marie-Charlotte Garin, amendements identiques AS781 de Mme Astrid Panosyan-Bouvet et AS1191 de Mme Marie-Charlotte Garin, et amendement AS502 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je défends l’amendement AS501.

Alors que le projet de loi dresse la liste de la composition des comités nationaux, celle des comités territoriaux France Travail ainsi que leurs modalités d’organisation et de fonctionnement sont renvoyées à un décret, sans que la participation des partenaires sociaux, des usagers de Pôle emploi et des structures d’insertion soit acquise, alors que leur travail constitue un aspect essentiel de l’activité du réseau France Travail.

Il semble impossible, pour l’efficacité du dispositif, de constituer des comités territoriaux privés de l’expertise des partenaires sociaux et des structures d’insertion concernant les entreprises du bassin, les modalités d’insertion et les capacités du territoire à lever ou non les freins à l’emploi des publics accompagnés. Les usagers et les associations sont à même de connaître les besoins des personnes éloignées de l’emploi et d’orienter les politiques des comités locaux et départementaux.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Comme le projet de loi ne définit pas la composition des comités départementaux France Travail, l’amendement AS1191, inspiré par l’Union nationale des syndicats autonomes, propose de le faire en reprenant le modèle du Crefop. L’objectif est d’associer l’ensemble des parties prenantes du service public de l’emploi à l’échelle départementale.

L’amendement AS502 est défendu.

M. le rapporteur. Nous sommes d’accord sur le fond, mais ce sujet relève du pouvoir réglementaire, comme l’a rappelé le Conseil d’État.

Avis défavorable sur l’ensemble.

M. Philippe Juvin (LR). Il y a une autre justification à demander la présence des représentants des salariés et des organisations professionnelles dans le « machin » : le financement proviendra d’une ponction des ressources de l’Unedic, que gèrent des représentants d’organisations de salariés et d’employeurs. Il est opportun que le payeur soit représenté au plan local !

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1391 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1465 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. Il revient en partie sur une modification apportée par le Sénat consistant à confier aux comités régionaux ou départementaux France Travail l’initiative de la création d’un comité local, qui relèverait en outre du préfet de département au lieu du préfet de région.

Ce mécanisme revient à instaurer une forme de hiérarchie entre les différents comités territoriaux France Travail, ce qui ne correspond pas à l’intention du projet de loi et pourrait conduire à des situations de blocage.

L’amendement vise à favoriser les liens et la cohérence entre les différents niveaux de comités territoriaux, en précisant que les comités régionaux et départementaux pourront formuler des propositions au préfet de région afin d’instituer des comités locaux.

Au demeurant, l’installation progressive des comités territoriaux à l’horizon 2025 permettra de définir au mieux les articulations entre ces différentes entités.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je ne comprends pas l’intérêt de revenir sur une simplification. Vous juxtaposez les comités Théodule sans assurer la moindre coordination ni hiérarchie entre eux. Il convient de mettre un peu d’ordre – je suis désolé que ce soit un homme de gauche qui prononce cette phrase ! – pour compenser votre don à fabriquer des usines à gaz, relevé tout à l’heure par le collègue Juvin.

Les comités régionaux et les Crefop fonctionnent bien, mais vous créez à côté le réseau « Rail » à l’échelle régionale et vous brouillez l’organisation départementale. Comble de la recentralisation autoritaire, vous donnez le pouvoir au préfet, ce qui est un vrai problème.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Mon collègue Delaporte est trop modeste : il est cofondateur de toutes ces usines à gaz que droite et gauche construisent depuis trente ans.

Monsieur le rapporteur, vous créez une strate supplémentaire : qui donnera son avis et qui aura le dernier mot dans cette organisation plus que nébuleuse ?

M. le rapporteur. L’amendement vise à favoriser l’approche territoriale jusqu’au bassin d’emploi, comme l’ont demandé l’ensemble des acteurs auditionnés.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS302 et AS301 de M. Thibault Bazin, et AS312 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

M. Philippe Juvin (LR). Par les amendements AS302 et AS301, il s’agit de faire une place aux maires dans le dispositif, car les communes jouent un rôle important dans la politique d’insertion.

M. Arthur Delaporte (SOC). Mon amendement vise à garantir une concertation avec les acteurs du bloc communal lors de la définition des périmètres des comités locaux. Le projet de loi introduit un niveau infradépartemental dont le découpage est à l’appréciation du préfet de région, après consultation des présidents de département et de région. En cohérence avec le principe de libre administration des collectivités territoriales, qui interdit notamment toute tutelle d’une collectivité sur une autre, et pour tenir compte des compétences exercées, la liste des acteurs qui feront partie de la concertation sur le découpage territorial est élargie au bloc communal. Cet amendement de l’organisation France urbaine a été rédigé en concertation avec l’Assemblée des communautés de France (ADCF).

M. le rapporteur. L’avis est défavorable sur ces amendements, qui commettent une confusion : ce n’est pas le préfet qui imposera le périmètre des comités locaux, c’est le territoire qui sollicitera le préfet. La démarche sera volontaire et adaptée aux besoins des bassins de vie. Elle partira du bas vers le haut et non l’inverse.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS313 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement vise à permettre aux métropoles de coprésider les comités locaux de leur ressort géographique et d’ouvrir un dialogue avec les territoires voisins, dans une logique de bassin de vie, sur la gouvernance.

Le projet de loi prévoit la mise en place d’instances de gouvernance dans chaque échelon territorial. Il introduit en particulier un niveau infradépartemental, dont le découpage sera à l’appréciation du préfet de région après consultation des présidents de département et de région.

En cohérence avec les dispositions de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (« Maptam ») et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (« Notre »), et compte tenu des compétences spécifiques des métropoles – politique de la ville, fonds d’aide aux jeunes, prévention spécialisée... –, de leurs contractualisations et des financements qu’elles pilotent, l’amendement propose que le président de la métropole soit systématiquement associé à la définition du périmètre des instances de gouvernance de niveau infradépartemental.

Il s’agit ainsi d’ouvrir une concertation locale entre la métropole et les intercommunalités situées dans son aire d’influence et dont une part significative de la population active travaille dans son périmètre. Cet ensemble doit correspondre à l’échelon de gouvernance car il constitue le bassin de vie et l’échelle des mobilités pendulaires, c’est-à-dire le territoire « vécu » en matière d’emploi.

Dans la même perspective, l’amendement propose aux métropoles une coprésidence des comités locaux de leur ressort géographique, tout en introduisant une faculté de dérogation à ce principe si les nécessités locales le justifient.

Cet amendement de l’organisation France urbaine a été rédigé avec l’ADCF. Je comprendrais que vous disiez que le choix de cette configuration ne relève pas du domaine de la loi, mais nous portons dans la commission la voix des territoires de France, qui se battent pour préserver les allocataires du RSA de cette réforme.

M. le rapporteur. Et c’est vous qui m’accusez de complexifier les choses ! Avis défavorable.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Pour une fois, je vais rejoindre la position de M. le rapporteur : vous venez d’apporter, monsieur Delaporte, la parfaite démonstration de la capacité de la gauche à créer des usines à gaz, encore plus complexes que celles que le projet de loi bâtit. Nous voterons évidemment contre l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1394 et AS1395 de M. Paul Christophe.

Amendement AS305 de M. Thibault Bazin

M. Philippe Juvin (LR). Le comité national élabore une stratégie, qui se déploie de manière descendante ; l’alinéa 54 charge ainsi les échelons territoriaux de piloter et de coordonner la stratégie nationale. C’est insuffisant, car ce qui importe, c’est de l’adapter à la situation de chaque niveau territorial – régional, départemental et local. Il ne s’agit pas simplement de transposer localement les instructions nationales, il faut les adapter. Cette démarche épouse l’esprit de votre texte, encore faut-il que celui-ci l’exprime clairement : tel est l’objet de cet amendement, qui vise à préciser la rédaction pour éviter que la déconcentration prévale sur la décentralisation.

M. le rapporteur. Dans mon esprit, les comités locaux ont justement vocation à coordonner et à adapter les stratégies au territoire de leur ressort géographique.

Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1396 de M. Paul Christophe.

Amendement AS503 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Les audits des opérateurs décidés par le comité départemental pour vérifier notamment le respect de la charte d’engagements induisent de manière injustifiée une logique de tutelle de ce comité sur les missions locales. L’amendement, travaillé avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, vise à supprimer le principe de ces audits.

M. le rapporteur. Avis défavorable, car ces audits contribuent à l’évaluation de la réforme.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1397 de M. Paul Christophe.

Amendements identiques AS504 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS600 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Nous vous le répétons depuis le départ : ce projet de loi s’inscrit dans une logique budgétaire qui conduit à la destruction des services publics. En proposant d’adapter le financement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi en fonction des résultats obtenus, l’article 4 vise à aggraver le pilotage par les objectifs qui s’est imposé dans toute la fonction publique. Or l’application des méthodes de gestion du secteur privé aux services publics a produit des résultats catastrophiques, notamment à l’hôpital, à l’école, dans la police et dans les structures d’accueil de la petite enfance et des aînés.

Dans le service public de l’emploi, cette logique se révèle néfaste pour les usagers comme pour les agents. En effet, la focalisation de l’attention de ces derniers sur les indicateurs de performance s’effectue au détriment de la qualité du service rendu aux usagers, parce que la pression accrue par le traçage de leur activité favorise les erreurs et la précipitation.

La dégradation des conditions de travail entraîne une perte de sens pour les agents de leur mission de service public, une accélération des cadences de travail et une injonction permanente à rendre compte, un cocktail qui accroît les risques psychosociaux.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer l’alinéa 58 de l’article 4.

M. le rapporteur. L’objectif est davantage d’identifier les solutions qui sont financées pour en assurer la complémentarité et éviter les doublons.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). Je ne comprends pas cet amendement. Il va falloir dégager des moyens et de l’efficacité. Or l’alinéa 58 vise à identifier les ressources mobilisables et les conditions de leur utilisation en fonction des résultats : où est le problème ? Il ne s’agit que de chercher à rendre l’action publique efficace, on en rêve ! La question ne tient pas au niveau de la dépense publique mais à son efficacité. Pour une fois, on pose le sujet dans les bons termes.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Pourquoi installer des comités territoriaux pour piloter l’action locale et organiser une conférence des financeurs pour lui apporter des moyens ? Cette division entre la partie opérationnelle et la dimension financière n’a pas beaucoup de sens : soit la première est tributaire de la seconde et les décisions se prendront à la conférence des financeurs, soit cette dernière sera une coquille vide car son rôle sera circonscrit à la levée de fonds que distribuera le comité territorial.

Vous créez à nouveau des comités Théodule, dont les compétences sont tellement distinctes et étanches que personne ne prend de décision. Peut-être est-ce le seul moyen de faire encore une place au ministère du travail, mais ce système nous étonne.

Enfin, subsiste la menace de voir les financeurs piloter l’action publique au titre de leur rôle de pourvoyeur d’argent : il y aurait là une rupture fondamentale avec le modèle de service public à la française, démocratiquement organisé et piloté par l’appareil d’État.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS377 de Mme Isabelle Valentin

Mme Josiane Corneloup (LR). C’est un amendement de repli, dans l’hypothèse où la conférence de financeurs ne serait pas supprimée. Il vise à préciser qu’elle se réunit « le cas échéant ».

M. le rapporteur. Il est satisfait puisque la conférence des financeurs est organisée par le comité local lorsqu’il la juge utile et nécessaire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS936 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nos débats sont assez lunaires. On pense pouvoir régler le problème du chômage avec des comités de comités... La vraie question, c’est celle de la création d’emplois. C’est à cela que nous devrions consacrer notre énergie. J’ai le sentiment que l’opacité de cet article, qui est un truc techno incompréhensible, vise à égarer tout le monde.

Nous proposons de supprimer la mention des « résultats constatés ». Que s’agit-il de mesurer, le niveau du chômage ? La qualité de l’accompagnement ? Restons-en aux priorités de l’emploi !

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). J’entends ce coup de gueule. Nos amendements visent à mettre un peu de démocratie dans l’obscur réseau que vous créez. Le constat initial, c’est qu’il y avait un maquis d’acteurs, qui se parlent ou non. Or vous ne simplifiez rien. Vous apercevant qu’il est impossible de tout fusionner, vous maintenez les différents opérateurs, ce qui est très bien, mais en conservant une structure Théodule qui rend le tout incompréhensible.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il faudrait s’occuper de l’emploi ? Regardons les chiffres : selon l’Unedic, l’emploi salarié a augmenté de 1 300 000 entre 2019, avant la crise, et 2023. Cela résulte d’une politique cohérente. Les résultats sont là, même s’il faut faire preuve d’humilité quant à ceux que nous attendons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1127 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le service public de l’emploi pâtit déjà d’une forme de financement par les résultats, qui s’intéresse uniquement au taux d’entrée dans l’emploi et laisse de côté la qualité des missions de suivi et d’accompagnement pour un retour à l’emploi digne et durable.

Depuis des années, les syndicats de Pôle emploi dénoncent les méthodes de management par les résultats, les indicateurs et la logique de performance qui s’installent dans le secteur public, ce qui met les agents sous pression, tandis que l’apparition progressive d’outils de pilotage ne répond pas à leurs besoins.

Il est d’autant plus important d’être vigilant sur la situation des missions locales, qui créent du lien social et sur lesquelles ce projet aura des conséquences. La gestion des personnes en situation de précarité, notamment des jeunes, ne peut se faire à travers le prisme d’une gestion de flux et de stocks.

Cet amendement propose donc de mettre un terme à ces méthodes autoritaires de management.

M. le rapporteur. Cet amendement est satisfait. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1393 de M. Paul Christophe.

Amendement AS213 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à prévoir une représentation de la région au sein de chaque comité départemental France Travail.

M. le rapporteur. Cela relève du pouvoir réglementaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS378 de Mme Isabelle Valentin

Mme Josiane Corneloup (LR). Le Sénat a souhaité que la coprésidence des comités locaux de France Travail soit assurée conjointement par le représentant de l’État et un ou plusieurs représentants de collectivités territoriales ou de groupements de collectivités désignés par l’association départementale représentant les communes et intercommunalités du département.

L’articulation entre le niveau local et l’échelon régional est en effet essentielle pour gagner la bataille du plein emploi. C’est ce que démontrent au quotidien les instances constituées par les régions, telles que les comités locaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles en Pays de la Loire, les comités pour le développement de l’emploi en Centre-Val de Loire ou les comités d’animation territoriale emploi-formation en Normandie.

M. le rapporteur. Je vous propose de retirer cet amendement au profit de l’AS1464 que je vais défendre juste après et qui est plus favorable à l’égard des représentants des collectivités membres du comité local.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1464 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. L’amendement vise donc à assurer une juste représentation des collectivités. Dès lors que les comités locaux ne sont pas nécessairement présidés par une commune ou un groupement de communes, il est nécessaire de préciser que celles-ci sont présentes à tous les échelons territoriaux.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS1161 de M. Thibault Bazin tombe.

Amendement AS303 de M. Thibault Bazin

M. Philippe Juvin (LR). Sur le plan opérationnel, les communes sont un échelon fondamental en matière d’insertion. Le maire, les conseillers municipaux connaissent parfaitement le terrain, les situations personnelles et les solutions locales. Les communes et les intercommunalités doivent être représentées de droit au sein des comités régionaux et départementaux.

M. le rapporteur. Suite à l’adoption de l’amendement précédent, celui-ci est satisfait. Je vous invite à le retirer, sinon, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS314 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à garantir une cohérence avec les dispositions de la loi Notre et de la loi Maptam, s’inspirant des modèles les plus intégrés en positionnant les métropoles au sein des instances de gouvernance départementale et régionale, dans le strict respect des compétences de chaque échelon. Cet amendement a été travaillé avec France urbaine, rédigé en concertation avec Intercommunalités de France, et co‑soutenu par Alliance Villes Emploi.

J’ajoute que l’amendement AS1464 qui vient d’être adopté soulève tout de même un problème démocratique, s’agissant de la coprésidence de l’instance locale sur décision du préfet.

M. le rapporteur. Cela relève du pouvoir réglementaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS217 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à garantir la représentation des usagers, notamment en situation de handicap, dans les instances locales de France Travail. Si tel est déjà le cas dans le comité national, je suis prêt à le retirer.

M. le rapporteur. C’est en effet prévu sur le plan national et cette déclinaison territoriale relève du plan réglementaire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1398 de M. Paul Christophe.

Amendement AS602 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Les comités territoriaux France Travail doivent intégrer les représentants des usagers des opérateurs participant au réseau. La gouvernance prévue par le texte laisse présager une organisation particulièrement floue et lacunaire.

La présence de représentants d’usagers de Pôle emploi, des missions locales, de Cap emploi ou encore des bénéficiaires du RSA, accompagnés par le département ou ses organismes délégataires, est indispensable à la prise en compte de la réalité vécue par ces derniers. Leur participation doit être sanctuarisée.

M. le rapporteur. Tel est déjà le cas au sein du comité national. La déclinaison territoriale relève du plan réglementaire.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Que proposerez-vous concrètement dans les mois à venir pour assurer cette implication ?

M. le rapporteur. Que la loi soit votée puis promulguée, et que la déclinaison soit effective par voie réglementaire à tous les échelons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS601 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Cet amendement de bon sens vise à ce que les comités territoriaux intègrent les représentants du personnel. Ils jouent en effet un rôle essentiel pour relayer la réalité du terrain vécue par les travailleurs du service public et de l’emploi auprès des personnes qu’ils accompagnent.

Leur présence est également indispensable pour défendre les droits des salariés des organisations du réseau France Travail, car la souffrance est bien souvent au rendez-vous des deux côtés du guichet. Leur exclusion serait antidémocratique et illustrerait une politique du chiffre.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Il est question des organisations syndicales interprofessionnelles et pas seulement de celles de France Travail.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS329 de M. Stéphane Viry et AS704 de M. Arthur Delaporte, amendement AS328 de M. Stéphane Viry (discussion commune)

Mme Josiane Corneloup (LR). Les amendements AS329 et AS328 visent à garantir la présence des structures de l’insertion par l’activité économique, fondamentales pour le plein emploi solidaire, au sein des instances de gouvernance sur le plan local. La rédaction actuelle ne précise pas leur place dans le schéma de la gouvernance de France Travail.

Par ailleurs, les SIAE sont déjà réunies dans des instances locales et départementales comme les comités techniques d’animation ou les conseils départementaux de l’insertion par l’activité économique, et nous connaissons leur rôle important en matière d’accompagnement vers l’emploi durable, de formation ou de pilotage des financements publics.

M. le rapporteur. Les SIAE font partie des structures membres du comité national et la déclinaison se fera par voie réglementaire.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). Nous devons nous donner toutes les armes pour lutter contre l’exclusion. Comme j’ai plaidé pour l’intégration d’organismes de droit privé, y compris à but lucratif, je plaide pour celle des SIAE, qui ont une connaissance intime de ces mécanismes. Nous souhaiterions une garantie législative car nous ignorons ce qu’il en sera du décret.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS1466 de M. Paul Christophe, AS1232 de M. Pierre Dharréville, AS1254 de Mme Christine Decodts, AS1255 de M. Arthur Delaporte et AS1267 de M. François Gernigon

M. le rapporteur. Nous tenons à rassurer les missions locales : seuls les jeunes étant accompagnés dans un cadre contractualisé vers la formation professionnelle ou l’emploi seront inscrits auprès de l’opérateur France Travail.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Cette proposition est issue des discussions avec l’UNML et permettra de préciser leur rôle.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). L’amendement AS1254 est défendu.

M. Arthur Delaporte (SOC). C’est un bel amendement. Le texte prévoyait l’inscription des jeunes auprès de l’opérateur France Travail en qualité de demandeur d’emploi mais nous avons réussi à faire en sorte que ce ne soit pas le cas lorsqu’ils sont accompagnés par les missions locales – sinon, ils devraient s’acquitter des obligations déclaratives.

La commission adopte les amendements.

Amendements AS171 de M. Arthur Delaporte et AS442 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune)

M. Arthur Delaporte (SOC). Travaillé avec l’UNML, cet amendement vise à garantir que celles-ci assureront une fonction d’appui aux travaux du réseau France Travail portant sur les jeunes. Le rapport France Travail prévoit en effet que les missions locales co‑élaborent les orientations stratégiques et co‑animent les travaux de France Travail concernant les jeunes. Fortes de leurs quarante années d’expérience, il est temps de leur reconnaître un tel droit. Le Gouvernement a d’ailleurs considérablement conforté leurs moyens ces dernières années.

Mme Josiane Corneloup (LR). Les missions locales n’ont plus à démontrer leur expertise exceptionnelle dans l’application des politiques publiques nationales et territoriales. Depuis leur création, elles ont adopté une méthode originale, celle de l’approche globale de l’accompagnement des jeunes, que France Travail promeut et entend étendre à d’autres publics.

M. le rapporteur. Ces amendements sont satisfaits. France Travail ambitionne de travailler en réseau, d’assumer ses compétences et de profiter de toute l’expertise des missions locales.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS756 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Rédigé en partenariat avec France urbaine, l’amendement vise à permettre la présence des métropoles dans les comités régionaux de la formation et de l’orientation professionnelle. En effet, les métropoles constituent un acteur clef dans le déploiement du service aux entreprises. Elles déploient des stratégies de partenariat avec les universités et les acteurs de la formation et représentent des volumes financiers importants.

M. le rapporteur. Il me semble nécessaire de légiférer à droit constant en matière de compétences et d’organisation des collectivités.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS315 de Mme Stella Dupont, AS327 de M. Stéphane Viry et AS957 de Mme Anne Bergantz, et amendement AS1167 de M. Jean-Hugues Ratenon (discussion commune)

Mme Fanta Berete (RE). Il convient de garantir la présence des SIAE au sein des instances de gouvernance régionales déployées dans le cadre de France Travail. Elles sont déjà réunies dans des instances locales et départementales qui, en lien étroit avec les services de l’État et les collectivités territoriales, permettent de définir collectivement la stratégie en matière d’insertion par l’activité économique (IAE), tant au plan de l’accompagnement vers l’emploi durable que de la formation, ainsi qu’en matière de pilotage des financements publics provenant de l’État et des collectivités.

Toutefois, les représentants de l’IAE ne sont actuellement pas membres du Crefop, alors qu’ils offrent dans les domaines de compétences de l’instance une expertise en matière d’emploi, de formation et de réponse aux besoins de recrutement des entreprises.

Cet amendement AS315 est soutenu par Coorace, Emmaüs France, l’Union nationale des associations intermédiaires, Chantier école, Le Mouvement des Régies, et Réseau Cocagne. Il a été travaillé avec près de six cents entreprises d’utilité sociale et territoriale évoluant dans le secteur de l’IAE.

Mme Josiane Corneloup (LR). Je défends l’amendement AS327. Les SIAE, déjà présentes dans les instances locales et départementales, doivent l’être au niveau régional.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je ne suis pas une adepte de la multiplication des acteurs autour des tables de discussion mais il faut que les bons acteurs y soient pour mener une politique efficace, et d’autant plus lorsqu’il importe de la décliner sur le terrain.

Les acteurs de l’insertion agissent au plus près des personnes les plus éloignées de l’emploi en matière de repérage, d’accompagnement, de formation. Cet amendement vise à inscrire dès à présent la représentation des SIAE au sein des Crefop.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Il convient en effet de garantir la présence des SIAE au sein des instances de gouvernance au niveau régional déployées dans le cadre de France Travail.

M. le rapporteur. Le texte ne modifie pas le Crefop mais il importe que les SIAE soient représentées dans les comités régionaux. C’est ce que nous avons fait en les intégrant au comité national, la déclinaison se faisant ensuite par voie réglementaire. Votre noble ambition est satisfaite.

Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement AS957 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1405, AS1403 et AS1402 de M. Paul Christophe.

Amendement AS899 de M. Matthias Tavel

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Par cet amendement de repli, nous demandons le report de l’entrée en vigueur de la loi à la fin des expérimentations relatives à la préfiguration du réseau France Travail. En effet, celles-ci n’ont fait l’objet d’aucun bilan. Tout ce que l’on sait des retours du terrain, c’est que les objectifs d’accompagnement sont irréalisables : Pôle emploi est incapable de fournir 15 heures d’activité par semaine à tous les bénéficiaires du RSA.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Mme Catherine Couturier (LFI - NUPES). Le département de la Creuse est le seul à mener l’expérience dans sa totalité, depuis le mois de février. Or, nous n’avons aucun retour concret, ni de Pôle emploi ni du département. Les seuls éléments dont nous disposons nous sont transmis par des bénéficiaires du RSA, qui ont subi des menaces...

Mme la présidente Parmentier-Lecocq. Votre temps de parole est écoulé, je vous remercie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS172 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Je trouve dommage que notre collègue ait été interrompue après une minute.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Plus d’une minute.

M. Arthur Delaporte (SOC). Pour la première fois, nous disposions d’un témoignage concret sur cette expérimentation et nous ne pouvons pas l’entendre.

C’est bien parce que nous ne disposons pas des résultats de l’expérimentation que nous voulons repousser d’un an l’entrée en vigueur de cet article 4. C’est de la simple raison, et ce genre de logique qui part du terrain a d’ailleurs présidé à la création de La République en Marche. Tout mon temps de parole n’est pas de trop pour défendre cet amendement.

M. le rapporteur. Mon avis est défavorable sur tous les amendements créant des rapports.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je comprends que Mme Couturier, qui vient d’arriver parmi nous, aurait souhaité s’exprimer plus longuement mais M. Delaporte, lui, s’est considérablement répété.

J’ai eu l’occasion de témoigner de mon expérience de terrain sur les conditions scandaleuses dans lesquelles sont accompagnés les bénéficiaires du RSA. Il importe de regrouper les acteurs afin de favoriser une meilleure coordination et d’aborder les problématiques liées à l’emploi dans leur ensemble, comme le font les missions locales pour les jeunes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS942 de M. Matthias Tavel

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). C’est pourtant simple à comprendre : lorsqu’une expérimentation est lancée, il convient d’analyser ses résultats avant de décider de la généraliser dans la loi.

Cet amendement de repli vise à reporter l’entrée en vigueur de la loi au moins dans les départements où une expérimentation a lieu. C’est du bon sens. Elles ont commencé au printemps dernier, et aucune n’a été évaluée ! Nous ignorons tout de leurs effets sur le marché de l’emploi et sur la situation matérielle des demandeurs d’emploi.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Votre position évolue au gré de vos intérêts ! Nous, nous trouvons que si l’on n’est pas à deux ans près pour partir à la retraite, alors on n’est pas à deux mois près pour commencer la liquidation du RSA.

M. Jocelyn Dessigny (RN). L’Aisne est un des départements concernés. L’expérimentation y a commencé avec retard et aucun bilan n’a été établi. De deux choses l’une : soit l’expérimentation n’a pas d’intérêt et il ne fallait pas la faire, soit si, et il faut la laisser aller à son terme.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1301 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’un amendement d’appel.

Le projet de loi prévoit l’inscription automatique à Pôle emploi des personnes en situation de handicap. Si l’inscription dans le droit commun est une nécessité, la mise au travail forcé des personnes handicapées, sans aucune garantie de formation des personnels de France Travail au handicap, est dangereuse.

Le Gouvernement semble oublier que le handicap est le premier motif de discrimination en France et le validisme dans le monde du travail, le premier motif de saisine du Défenseur des droits. Le travail, loin d’émanciper uniformément, est aussi un lieu d’exclusion et de production de l’invalidité.

Le Gouvernement peut-il garantir que tous les agents de France Travail seront formés pour accompagner les personnes handicapées ? Où sont les mesures sur les obligations des employeurs, l’accessibilité des logements et des transports ?

21 % des bénéficiaires du RSA sont reconnus en situation de handicap. Que se passera-t-il s’ils n’entrent pas dans les petites cases du contrat d’engagement ? Le risque, c’est l’invisibilisation des besoins des demandeurs d’emploi handicapés, la sanction bête et méchante qui ajoute de l’exclusion à l’exclusion.

À la logique du travail à tout prix qui punit systématiquement les précaires, les femmes et les personnes en situation de handicap, nous opposons l’idée que le travail n’est pas une fin en soi. Nous appelons de nos vœux un service public de l’emploi suffisamment doté, qui s’assure d’abord que le travail rémunère dans des conditions décentes et que toutes et tous, en particulier les personnes les plus exclues et les personnes en situation de handicap, puissent s’épanouir et retrouver de la dignité.

M. le rapporteur. Vous connaissez mon goût pour les rapports, monsieur Peytavie. Néanmoins, sur le sujet essentiel de l’insertion des personnes handicapées, un rapport, qui pourra se fonder sur les travaux du comité national, nous éclairera utilement sur les effets de la loi.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il serait utile de faire un point sur la suite de nos travaux.

La réunion est suspendue de vingt-deux heures cinquante-cinq à vingt-trois heures cinq.

Article 4 bis (nouveau) : Permettre à un demandeur d’emploi de faire état de son handicap et à un employeur de préciser l’environnement de travail du poste proposé dans les systèmes d’information de l’opérateur France Travail

Amendements identiques AS186 de M. Arthur Delaporte, AS1067 de Mme Danielle Simonnet et AS1152 de M. Victor Catteau

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement, rédigé avec APF France handicap, vise à autoriser les employeurs à préciser dans leurs offres d’emploi l’environnement de travail – bruit, luminosité, stress, accessibilité des bâtiments, horaires – afin que le demandeur d’emploi en situation de handicap candidate en connaissance de cause. Nous reprenons ainsi une proposition du rapport du haut-commissaire à l’emploi Thibaut Guilluy sur la préfiguration de France Travail.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Il y a de quoi être très inquiet. Alors que vous imposez l’inscription automatique à Pôle emploi des personnes en situation de handicap, vous refusez de donner des garanties sur la formation des agents.

Afin d’éclairer les personnes en situation de handicap sur les postes à pourvoir, l’amendement a pour objet de rendre obligatoire dans les offres d’emploi la mention de l’environnement de travail et des conditions d’accessibilité. C’est un minimum. Il faut reprendre intégralement la proposition du haut-commissaire à l’emploi. Sans ces précisions, le texte contribuera à aggraver les discriminations liées au handicap.

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement AS1152 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

Après l’article 4

Amendement AS971 de M. Hadrien Clouet

Mme Catherine Couturier (LFI - NUPES). L’amendement tend à préciser les missions fondamentales du service public de l’emploi en adjoignant à l’accueil « l’accompagnement, l’information, le conseil ».

La Creuse compte près de 3 000 bénéficiaires du RSA, qui souffrent à la fois de l’éloignement des services de l’emploi et de la fracture numérique. Les missions que nous rappelons sont indispensables pour aider ces personnes mises à l’écart à retrouver un emploi digne avec un salaire digne. Votre texte les prive de la possibilité de vivre dignement.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS972 de M. Hadrien Clouet

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Le projet de loi stigmatise les personnes les plus éloignées de l’emploi et élude la question des emplois disponibles. L’actuelle pénurie d’emplois est totalement ignorée par le Gouvernement. Si le chômage est en baisse, il faut relativiser la dynamique de l’emploi tant vantée : toutes catégories confondues, il y a plus de 5 millions de chômeurs inscrits à Pôle emploi pour 367 000 emplois vacants au deuxième trimestre 2023, selon la direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques.

Non, il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver un emploi. Les chômeurs ne cherchent pas l’aumône sur le marché de l’emploi et doivent s’engager dans des emplois de proximité accessibles et surtout décents.

En ces temps d’inflation, que vais-je pouvoir dire aux citoyens de ma circonscription qui seront obligés d’accepter d’effectuer 15 heures d’activité à l’autre bout du département alors que le prix du litre d’essence dépasse les 2 euros ?

L’amendement vise à substituer, dans le code du travail, aux termes « demandeurs d’emploi » ceux de « personnes privées d’emploi ».

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS961 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il est question dans cet amendement de l’ouverture aux opérateurs privés de placement et aux différentes formes de marchandisation que le texte autorise. Vous introduisez ainsi au cœur même du service public d’emploi des acteurs lucratifs qui font commerce de la force de travail des chômeuses et des chômeurs.

Pour éviter toute évolution néfaste vers une mercantilisation de l’emploi, il est proposé de réaffirmer un principe important : la gratuité du service public de l’emploi.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS973 de M. Hadrien Clouet

Mme Mathilde Hignet (LFI - NUPES). Quand, pour des raisons obscures liées aux aléas du marché, des salariés sont licenciés après vingt ou trente ans dans l’entreprise, c’est parfois un véritable traumatisme. Ils perdent confiance en eux et tombent dans un cercle infernal dont ils ont du mal à sortir. Plutôt que d’être considérées comme des pions à remettre sur le marché du travail au plus vite, ces personnes mériteraient d’être accompagnées, soutenues et conseillées. C’est la raison pour laquelle l’amendement vise à ajouter aux missions du service public de l’emploi « l’information et le conseil des personnes sur la nature et l’étendue de leurs droits ».

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS978 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement s’inscrit dans la continuité de nos débats sur la démocratisation du service public de l’emploi. Après les discussions sur la place des usagers dans l’organigramme – des comités territoriaux au comité national France Travail – nous vous proposons d’associer les usagers à la gestion des missions locales, répondant ainsi à une revendication ancienne des syndicats et des usagers.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1284 de Mme Anne Bergantz

Mme Anne Bergantz (Dem). J’avais proposé deux amendements relatifs à l’accès de l’Unedic aux données granulaires ; le premier ayant été adopté, je retire celui-ci.

L’amendement est retiré.

Amendement AS968 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il s’agit de relayer la demande du Collectif Handicaps d’un rapport sur le rapprochement entre Cap emploi et Pôle emploi, qui suscite de nombreuses craintes. Ce serait aussi l’occasion d’évaluer les lieux uniques d’accompagnement qui ont été créés au début de l’année 2022.

M. le rapporteur. Demande de retrait, car le sujet sera abordé dans le rapport plus complet dont nous avons adopté le principe à l’initiative de Sébastien Peytavie, mais aussi dans le cadre de l’évaluation du comité national.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1103 de M. Frédéric Maillot

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit d’une demande de rapport sur les mesures prises par France Travail visant à améliorer le recrutement des personnes en situation de handicap.

M. le rapporteur. Demande de retrait car le rapport souhaité par M. Peytavie couvrira le sujet.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 : Transformer Pôle emploi en opérateur France Travail

Amendements de suppression AS506 de Mme Marie-Charlotte Garin, AS607 de M. Hadrien Clouet et AS940 de M. Pierre Dharréville

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous proposons la suppression de l’article 5, qui transforme les missions dévolues jusqu’à présent à Pôle emploi.

L’opérateur France Travail se voit confier l’animation du réseau, la production d’indicateurs, le suivi des actions d’accompagnement et l’évaluation, l’orientation vers les organismes membres du réseau, l’élaboration du socle commun du comité national France Travail, la conception d’outils numériques, la gestion de l’académie France Travail et l’appui aux comités territoriaux.

Les auditions menées par le groupe Écologiste - NUPES ont fait apparaître les inquiétudes que soulèvent chez les acteurs institutionnels, les syndicats et les associations l’adéquation entre les objectifs fixés et les moyens financiers et humains dédiés à l’opérateur. Aujourd’hui, aucune garantie financière n’est donnée. L’exercice des nouvelles missions amputera les moyens dont dispose l’opérateur pour remplir sa mission première, l’accompagnement des demandeurs d’emploi vers un emploi durable et la protection des conditions de travail de ses salariés. Pôle emploi et ses agents seront mis sous pression.

La France est très mal dotée par rapport à ses voisins européens : le service public de l’emploi représentait, en 2017, à peine 8,4 % des dépenses en matière de politique de l’emploi contre 13 % au Danemark et 27,9 % en Allemagne. Nous ne sommes pas à la hauteur.

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). Par l’amendement AS607, nous demandons la suppression de cet article pour deux raisons.

D’une part, nous refusons que de nouvelles missions soient assignées aux agents de Pôle emploi tant que des moyens supplémentaires n’y auront pas été affectés.

D’autre part, nous nous opposons à la mise sous tutelle des missions locales et de Cap emploi, qui est dénoncée par les acteurs eux-mêmes. Le texte a beau préciser que les missions « sont mises en œuvre par Pôle emploi en associant les autres personnes morales constituant le réseau France travail ou leurs représentants », France Travail sera en réalité seul à la manœuvre pour définir les outils communs, notamment numériques. Les missions locales s’inquiètent d’être contraintes d’utiliser ces outils pour partager des données, nonobstant les problèmes que cela pose en matière de protection des données personnelles. Vous faites resurgir là le spectre du conseiller unique, qui avait heureusement été abandonné lors de la fusion entre l’ANPE et les Assedic.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’évolution et la multiplication de ses missions transforment en profondeur le rôle de Pôle emploi. Pour la première fois, il aura à assumer l’animation du réseau, produire des indicateurs de suivi et d’évaluation, orienter les inscrits vers les organismes membres du réseau, mesurer les résultats des actions d’accompagnement, participer à l’élaboration du socle commun du comité national France Travail, concevoir les outils numériques, appuyer les comités territoriaux... Ces nouvelles missions ne s’accompagnent pas de moyens supplémentaires alors que ceux-ci manquent déjà. Le risque est donc bien réel de transformer Pôle emploi en un simple guichet unique d’enregistrement des inscrits et d’orientation de ces derniers vers d’autres opérateurs – Cap emploi ou les missions locales – mais aussi des prestataires privés, au prix d’une dégradation de l’accompagnement et d’une perte totale de sens du service public.

Les interrogations portent aussi sur le sens de ces nouvelles missions pour les agents de Pôle emploi qui risquent d’être absorbés par le triage, l’adressage et l’animation du réseau au détriment de l’accompagnement vers l’emploi. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de l’article.

M. le rapporteur. Avis défavorable, par construction, puisque l’article 5 est essentiel à la réalisation de notre ambition en matière d’emploi.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS1467 rectifié de M. Paul Christophe et AS1271 rectifié de M. François Gernigon

M. le rapporteur. Rédigés avec l’aide précieuse des services de l’Assemblée, ces amendements visent à remplacer les termes de « Pôle emploi » par « opérateur France Travail » à chaque occurrence dans le code du travail.

M. Frédéric Valletoux. L’amendement AS1271 rectifié est défendu.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1408 de M. Paul Christophe.

Amendement AS943 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement a pour objet de réintroduire la notion de qualifications, que le projet de loi supprime au bénéfice de celles de parcours professionnel et de compétences. Ces notions ne sont nullement équivalentes et le changement a des conséquences importantes. La qualification renvoie à des critères objectifs : elle est acquise par la formation ou l’expérience professionnelle, attestée par l’obtention d’un diplôme ou d’un examen ; elle permet un positionnement clair dans les grilles salariales, ce qui garantit la possibilité d’une évolution salariale ou, à tout le moins, de sa revendication. Nous sommes attachés à ce terme, alors que le Medef lui préfère celui de compétences.

M. le rapporteur. La rédaction actuelle est plus large et comprend bien la notion de qualification.

Avis défavorable.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Qualification et compétence sont deux termes bien différents. On peut acquérir des compétences au cours de sa carrière sans avoir les qualifications requises au départ. Le terme de qualification ne permet pas de prendre en considération l’expérience professionnelle.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1407 de M. Paul Christophe.

Amendement AS946 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous regrettons que le projet de loi ne s’attache à aucun moment à la nature des emplois proposés. Il est pourtant indispensable de s’assurer de leur qualité, plutôt que de leur durée. Il faut fixer des objectifs à l’opérateur en la matière.

M. le rapporteur. La qualité de l’emploi n’est pas une notion juridique. Je proposerai dans l’amendement AS1484 qui va suivre que France Travail s’intéresse, outre leur durée, à la nature des contrats de travail conclus.

Demande de retrait au profit de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1484 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. Je viens de le présenter.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS606 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI - NUPES). Nous souhaitons ici mettre fin à une situation inacceptable. Les demandeurs d’emploi sont parfois contraints de répondre à des offres qui s’avèrent complètement illégales. Certaines ne font pas mention du niveau de salaire, d’autres dépassent le temps de travail hebdomadaire autorisé ou proposent un salaire en dessous du Smic. C’est à la fois une perte de temps pour les demandeurs d’emploi et un gonflement artificiel du nombre d’emplois disponibles. C’est absurde et inacceptable, vous en conviendrez. Il est primordial de connaître précisément le nombre d’offres d’emploi disponibles et de s’assurer qu’elles respectent le droit du travail.

L’amendement vise donc à confier à Pôle emploi le contrôle des annonces publiées.

M. le rapporteur. Le code du travail prévoit déjà des dispositions claires et précises en ce qui concerne la légalité des offres d’emploi. Votre amendement me semble donc satisfait.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Le phénomène est sans doute marginal et je n’ai jamais rencontré cela dans ma carrière, mais une annonce qui propose une rémunération inférieure au Smic n’est pas acceptable. Un renforcement du contrôle serait bienvenu.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS941 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement vise à rétablir la mission d’orientation de Pôle emploi, que l’alinéa 6 fait disparaître à tort.

M. le rapporteur. La mission d’orientation de Pôle emploi ne disparaît pas avec France Travail, elle est simplement déplacée à l’alinéa suivant de l’article L. 5312-1 du code du travail compte tenu de l’introduction, par l’article 1er, de nouvelles modalités d’orientation des demandeurs d’emploi communes à l’ensemble du réseau.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1423 et AS1424 de M. Paul Christophe.

Amendement AS353 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement prévoit la publication en format open data des données relatives aux contrôles et aux sanctions prises par Pôle emploi.

Le projet de loi n’a fait l’objet d’aucune évaluation. Dans l’étude d’impact, il est écrit « néant » s’agissant de l’impact sur la société, parce que nous sommes incapables de l’évaluer ! Peut-être faut-il demander à Jérôme Guedj, coprésident de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, de faire un contrôle sur pièces et sur place pour obtenir les données ? La représentation nationale et les citoyens auraient peut‑être une chance de savoir si les sanctions supplémentaires ont un quelconque effet.

Au Royaume-Uni, l’aggravation des sanctions dans la réforme du Universal Credit a accru l’incertitude sur l’avenir. Les travaux d’Esther Duflo et d’Abhijit Banerjee ont démontré l’absence d’effet des sanctions. Nous pourrions en avoir le cœur net dans le cas de la France, mais encore faut-il avoir un thermomètre.

M. le rapporteur. Ce sera la mission d’évaluation du comité national France Travail. Je ne doute pas que le travail parlementaire contribuera aussi à apporter des réponses.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS947 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement vise à supprimer les alinéas 13 à 24, qui listent les nouvelles missions incombant à Pôle emploi pour le compte du réseau France Travail car ils sont insuffisamment précis sur les modalités d’association des missions locales et de Cap emploi.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS406 de Mme Isabelle Valentin et AS507 de Mme MarieCharlotte Garin

Mme Josiane Corneloup (LR). L’objet est de supprimer les alinéas 16 à 20. Les modalités concrètes d’association de l’ensemble des membres du réseau France Travail dans l’élaboration des communs méthodologiques et numériques doivent être éclaircies. Le réseau des missions locales propose pour ce faire de constituer un groupement d’intérêt public, qui permettrait une réelle gouvernance collective.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les modalités concrètes d’association de l’ensemble des parties prenantes sont encore floues et le groupe Écologiste craint que les missions locales et les Cap emploi soient considérés comme des opérateurs et non comme des partenaires. Par exemple, les missions locales vont à la rencontre des jeunes, notamment en milieu rural, ce que Pôle emploi ne fait pas. L’opérateur France Travail ne peut être seul à définir les communs s’appliquant au réseau et aux opérateurs.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1422, AS1421, AS1420, AS1419 et AS1418 de M. Paul Christophe.

Amendement AS604 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (LFI - NUPES). L’amendement vise à obliger Pôle emploi à contrôler la légalité des offres d’emploi qu’il publie et à supprimer toute offre illégale, en particulier celles des plateformes de l’ubérisation. Ce ne devrait pas être nécessaire, et pourtant ! Dans une étude de 2022 de la CGT, sur 1 900 offres contrôlées, 76 % étaient illégales ou mensongères, le chiffre étant bien supérieur pour le secteur du bâtiment ou des services à la personne. Près de 90 % des offres illégales provenaient de plateformes privées publiées sur le site Pôle emploi. La commission d’enquête sur les Uber Files a révélé que dès 2019, le ministère était conscient de l’existence de ces offres illégales, mais il n’a rien fait pour demande à Pôle emploi de les contrôler.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Pour illustrer ce problème, je viens de consulter les offres d’emploi en Haute-Garonne : il ne m’a fallu que quelques instants pour tomber sur une annonce proposant un salaire en dessous du Smic, pour un agent administratif. L’opérateur ne doit pas se contenter de repérer a posteriori les offres illégales : nous devons lui fixer une mission d’encodage a priori des offres d’emploi pour éviter ce type de situation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS948 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement vise à supprimer l’alinéa 24, répondant ainsi à l’inquiétude de l’UNML sur la prise en compte des spécificités de chacun dans la production des communs par France Travail.

M. le rapporteur. Cette prise en compte est bien inscrite dans le projet de loi puisque le comité national, qui comprend les missions locales et les Cap emploi, sera chargé d’arrêter les orientations stratégiques, le socle commun de services et de méthodes ainsi que le cahier des charges identifiant les besoins des membres du réseau afin d’assurer l’interopérabilité de leurs systèmes d’information.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS949 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’alinéa 27 supprime la concertation au sein du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop) qui doit précéder la définition de la convention tripartite État-Pôle emploi-Unedic, et lui substitue une simple consultation du comité national France Travail. Nous souhaitons maintenir la concertation au sein du Cnefop, qui est nécessaire si la convention tripartite doit définir les objectifs assignés à Pôle emploi au regard de la situation de l’emploi et des moyens prévisionnels qui lui sont alloués par l’Unedic et l’État.

M. le rapporteur. Le Cnefop a été supprimé par la loi en 2018 et remplacé par France compétences. L’alinéa 27 vise simplement à supprimer une référence au Cnefop qui n’a plus lieu d’être.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS175 de M. Arthur Delaporte et AS950 de M. Yannick Monnet

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement vise à préserver le rôle consultatif du Cnefop. Je le maintiens même s’il semble ne plus avoir d’objet.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Comme nous ne vous croirons que sur pièces, nous maintenons également le nôtre, à titre d’amendement de repli.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Notre collègue Clouet peut-il nous indiquer où est publiée l’offre d’emploi dont il a fait état ?

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La légalité des offres d’emploi est un enjeu important car nous avons beaucoup de remontées sur des offres ne correspondant pas à ce que l’on est en droit d’attendre de l’opérateur.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS176 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement vise à supprimer tout lien entre la convention d’assurance chômage et les orientations du comité national France Travail. L’alinéa 28, qui établit ce lien, non seulement contrevient au principe de la gestion paritaire de l’assurance chômage, mais encore subordonnerait les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi aux évolutions de la politique publique de l’emploi.

M. le rapporteur. Il s’agit bien, à l’alinéa 28, du pilotage de l’opérateur France Travail – et non de l’assurance chômage –, qui doit pouvoir répondre tant aux exigences de la convention tripartite qu’aux orientations décidées par le comité national.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous ne nous comprenons pas. Il y a, d’un côté, le comité national France Travail et, de l’autre, une convention nationale d’assurance chômage. Cette dernière règle l’indemnisation des demandeurs d’emploi. On ne peut pas prescrire quelque chose depuis le comité national France Travail : ce serait contradictoire avec le principe du paritarisme.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1417 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1416 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. Rédactionnel.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cette modification est plus politique que rédactionnelle. Remplacer « s’inscrivent en cohérence » par « sont cohérentes », c’est remplacer une tentative par un état de fait. L’expérience seule dira si c’est cohérent – en l’état, on peut en douter !

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS508 de Mme MarieCharlotte Garin et AS953 de M. Yannick Monnet

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’article 5 prévoit de supprimer l’envoi du rapport du médiateur de Pôle emploi au Cnefop. Or ce dernier a énormément de prérogatives, et le rapport du médiateur fournit des informations utiles. Nous craignons que le but soit de faire taire une voix qui peut se montrer critique de la politique nationale de l’emploi.

M. le rapporteur. Encore une fois, la suppression de la référence au Cnefop n’est qu’un toilettage car celui-ci n’existe plus depuis 2018.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS177 de M. Arthur Delaporte, AS509 de Mme MarieCharlotte Garin, AS605 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS954 de M. Pierre Dharréville

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de ne pas supprimer l’avis de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) sur la convention liant l’État, Pôle emploi et l’Unedic sur l’assurance chômage.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je défends l’amendement AS509.

La suppression de cet avis de la CNNCEFP retire aux travailleurs privés d’emploi un outil permettant d’orienter les conventions tripartites vers une meilleure prise en compte de leurs difficultés.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je défends l’amendement AS605.

On parle beaucoup de démocratie sociale mais lorsqu’il s’agit de la réaliser, vous empêchez les organismes compétents d’émettre un simple avis. La CNNCEFP accomplit un travail d’information d’intérêt public. Recevoir un avis n’a jamais nui à personne ! Je ne vois donc pas l’intérêt de le faire disparaître.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). J’aimerais simplement comprendre pourquoi vous voulez supprimer l’avis de la CNNCEFP sur la convention tripartite.

M. le rapporteur. Le comité national disposera d’une expertise plus large puisqu’il comprendra des représentants des opérateurs du service public de l’emploi et de toutes ses parties prenantes.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS900 de M. Matthias Tavel

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). L’amendement vise à préciser que l’article 5 entrera en vigueur à l’expiration des expérimentations qui est en cours dans dix-huit départements. À notre grand désarroi, nous ne savons toujours rien sur les résultats de l’accompagnement et des sanctions expérimentées sur la situation et la vie des personnes concernées. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur ce que vous proposez.

M. le rapporteur. J’ai déjà répondu plusieurs fois à cette question.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). Quand on ne veut pas prendre une décision, on lance une expérimentation sans jamais en tirer aucune leçon...

M. Jocelyn Dessigny (RN). Si l’expérimentation a un sens, alors il faut la prendre en considération, ne serait-ce que par respect pour toutes les personnes qui, dans ces dix-huit départements, y ont consacré du temps et des moyens. Nous voterons donc pour cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS945 de M. Matthias Tavel

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). L’amendement vise à reporter l’entrée en vigueur de la loi dans les départements qui sont concernés par l’expérimentation. Tout est beaucoup trop flou, il n’y a ni rapport, ni conclusions. En réalité, cette loi aggravera les conditions de vie de personnes qui sont déjà en grande souffrance et en grande précarité. Votre objectif n’est pas d’atteindre le plein emploi mais d’augmenter les contrôles et les sanctions. Soyons du bon côté, celui des vulnérables, que nous sommes tous censés protéger !

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il est minuit trois. Il y a deux cent trente et un ans jour pour jour, à 500 mètres d’ici, dans la salle du Manège du jardin des Tuileries, on abolissait la royauté. Commençait alors la période de la Convention girondine, avec cet esprit de décentralisation solidaire qui s’élevait contre le centralisme autoritaire. Cet amendement permet d’illustrer cet esprit : lancer une expérimentation dans les départements tout en refusant d’en examiner les résultats, c’est bien la preuve de votre centralisme autoritaire.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

La réunion est suspendue de zéro heure cinq à zéro heure dix le jeudi 21 septembre.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Certains députés ne souhaitent pas poursuivre l’examen du texte au-delà de minuit, d’autres souhaitent que l’on continue. Je propose que chaque groupe s’exprime sur ce point avant que nous procédions à un vote.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il n’est pas sain de débattre de sujets aussi sérieux que l’insertion des travailleurs handicapés ou le service public de la petite enfance à deux ou trois heures du matin, quand nous ne serons plus en pleine possession de nos capacités intellectuelles. Qu’allons-nous dire aux acteurs associatifs ou aux syndicats, alors que rien ne nous empêche de continuer sereinement demain matin ? Je vous demande vraiment de renoncer à poursuivre ce soir.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous travaillons depuis neuf heures du matin, les conditions du débat se dégradent au fil du temps et nos discussions ne sont pas à la hauteur. Malgré tous ses efforts, le rapporteur nous apporte de moins en moins de réponses. Nous ne pouvons pas démarrer la session parlementaire comme cela : ce serait envoyer un très mauvais signal. La majorité veut continuer mais ce n’est pas la règle, et une réunion est programmée demain matin.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Non, aucune réunion n’est ouverte demain et j’ai annoncé tout à l’heure que notre réunion de ce soir serait prolongée.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Alors si vous ne voulez pas travailler demain matin, il faut constater que nous n’avons pas pu achever l’examen du texte.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il n’est certes pas idéal de débattre aussi tardivement de sujets importants. Toutefois, il y a eu, ces jours derniers, une volonté manifeste de ralentir nos travaux. Ce sont des sujets auxquels je tiens et que je ne pourrai suivre demain, notamment pour assister aux réunions de la commission d’enquête sur les produits phytosanitaires.

M. Philippe Juvin (LR). Ce n’est pas raisonnable de continuer après minuit. Il y a des sujets que nous n’avons pas encore du tout abordés, comme la petite enfance, alors que la ministre n’a même pas été auditionnée.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. La ministre est prête à venir dans la soirée.

M. Philippe Juvin (LR). Mais il n’est pas raisonnable de découvrir des sujets à deux heures du matin. Chacun en est d’accord, même les députés de la majorité – une grande partie le reconnaît d’ailleurs en privé, mais ils sont coincés parce qu’ils ont reçu des instructions. Ce n’est pas comme cela que l’on fait de la bonne démocratie.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il reste un peu moins de 300 amendements : cela peut se faire demain matin. La possibilité d’ouvrir ce créneau avait d’ailleurs été évoquée. Ce soir, le nombre de collègues présents est trop faible pour assurer la qualité du travail parlementaire et les sujets de la petite enfance, du handicap et de l’outremer méritent mieux qu’un débat à trois heures du matin.

Mme MarieCharlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous sommes très attachés aux questions de la petite enfance et du handicap. Je n’ai vraiment pas envie qu’on les traite au milieu de la nuit, après des heures de travail. Nous devons étudier cette partie du texte de façon sérieuse et à tête reposée, demain matin.

M. le rapporteur. Nous sommes favorables à l’idée d’achever l’examen du texte. Ce n’est pas la première fois que l’on finit en prolongée : si l’on s’y met tous, cela peut aller relativement vite. Si nous reprenons demain, comment pouvez-vous nous assurer que nous aurons terminé à treize heures ? Nous avons passé beaucoup de temps sur des arguments largement répétés, maintenant il faut jouer le jeu.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Chaque groupe qui le souhaitait s’étant exprimé, nous allons voter.

Mise aux voix, la poursuite des travaux de la commission est adoptée.

Après l’article 5

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS1059 de M. Hadrien Clouet.

Amendement AS137 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Votre décision bafoue les droits du Parlement.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous avons voté.

M. Arthur Delaporte (SOC). En ce jour de commémoration du 21 septembre 1792, vous écrasez le Parlement. Ce que vous faites est contraire au principe républicain d’un débat libre et éclairé. Si nombre de mes collègues de la NUPES ont quitté la salle, c’est parce qu’ils sont choqués. Un Parlement qui fonctionne sans opposition n’est pas digne : c’est un monopole, une censure, un manque de respect.

Mon amendement d’appel vise à plafonner la contribution de l’Unedic à Pôle emploi à 10,5 % de ses ressources afin de vous empêcher de ponctionner l’Unedic pour payer la réforme du RSA. Les cotisations pour l’assurance chômage ne doivent pas servir à cela. Vous avez affaibli le système paritaire et vous continuez dans cette voie.

Un sujet de cette importance, nous devrions pouvoir en débattre dans des conditions dignes. Pour mes prochains amendements, je me servirai de mon temps de parole pour vous lire du Victor Hugo – un grand républicain.

M. le rapporteur. Un vote, c’est démocratique et le respecter, c’est s’honorer.

Sur votre amendement, mon avis est défavorable. Il ne s’agit pas de financer le RSA mais le retour à l’emploi, ce qui cohérent avec la mission de l’Unedic.

M. Arthur Delaporte (SOC). Vous ne pouvez pas dire que financer l’insertion des allocataires du RSA est comparable à financer l’indemnisation des chômeurs. L’Unedic a pour mission de procurer un revenu de remplacement et non de financer des aides sociales. Les allocataires du RSA ne sont pas des chômeurs.

Il me reste environ soixante-dix amendements. À raison de deux minutes pour les présenter et une minute pour répondre au rapporteur, vous pouvez calculer le temps que cela va prendre.

M. Nicolas Turquois (Dem). Notre collègue constate les effets pervers de l’attitude qu’il a eue pendant trois jours, où il s’est répété à l’infini. Nous ne pourrons pas traiter de ces sujets importants en examinant les arguments légitimes de l’opposition. Voilà le résultat, quand on ralentit la discussion par tous les moyens.

La commission rejette l’amendement.

Article 6 : Instituer les organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi

Amendement de suppression AS58 de M. Arthur Delaporte

M. Arthur Delaporte (SOC). Je suis le seul député de l’opposition dans cette salle à avoir travaillé le texte et il n’est pas simple de devoir travailler dans de telles conditions.

Nous souhaitons la suppression de l’article 6, qui s’en prend à l’essence même du service public de l’emploi en permettant l’externalisation des missions de l’opérateur principal. Les conséquences en seront toujours plus de pression sur les agents de Pôle emploi et toujours plus d’angoisse pour les allocataires du RSA perdus dans une machine inhumaine. Toutes les études montrent que l’externalisation a des effets négatifs sur l’accompagnement et sur la dépense publique.

M. le rapporteur. Il y a une grande confusion à propos de cet article, qui vise à donner un cadre à des structures de statut divers, notamment des associations, qui interviennent dans le repérage et l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. La création de cette nouvelle catégorie permettra de pérenniser et de sécuriser le financement de l’État aux acteurs de l’insertion qui, pour certains d’entre eux, exercent déjà ces missions. Ont été financés ainsi un programme d’insertion des jeunes par le sport, un projet de la fondation des Apprentis d’Auteuil, un projet en faveur des réfugiés ou une plateforme portée par la Croix-Rouge... Ces opérateurs, qui sont privés, méritent toute notre attention.

Avis défavorable.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Je ne peux pas laisser mon collègue Delaporte parler ainsi de l’opposition. En l’occurrence, il y a deux oppositions dans cette salle : l’une respecte les règles et veut débattre de façon constructive, par respect pour les électeurs, même si elle n’est pas d’accord avec le procédé ; l’autre se contente de faire de l’obstruction et de se mettre en scène.

M. Philippe Juvin (LR). Je n’ai pas eu l’impression de faire de l’obstruction depuis trois jours. Mais ce soir, les membres de la majorité vont rester entre eux pour voter ce qui ne sera plus qu’une petite loi. J’espère qu’il y aura plus de débats en séance et que vous accepterez davantage d’entendre les oppositions. Je vous laisse à votre petite loi.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1415, AS1414, AS1508 et AS1413 du M. Paul Christophe.

Amendement AS745 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Cet amendement vise à inclure le ministère des solidarités dans l’élaboration du cahier des charges. Il pourra ainsi s’assurer que tous les éléments relevant des politiques sociales, telle que la situation familiale du demandeur d’emploi, sont pris en compte et intégrés dans les politiques et les programmes des organismes.

M. le rapporteur. Le pilotage des politiques de l’emploi est placé sous la responsabilité du ministre qui en est chargé, même s’il fait intervenir plusieurs ministères. Votre proposition pourrait être pertinente mais ne serait pas exhaustive : quid du ministre de l’éducation, chargé de la formation professionnelle, ou du ministre de l’économie, chargé des politiques de réindustrialisation et d’attractivité ?

Avis défavorable.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Au groupe LIOT, nous étions plutôt favorables au fait de reprendre demain. J’ai pris acte du vote mais aussi du départ de la plupart des députés qui ont déposé des amendements, ce qui réduit le débat quasiment à néant. Il me semble difficile de mener à son terme l’examen du texte dans ces conditions. Soit vous continuez seuls, à peu de chose près, soit nous terminons demain. Je ne remets pas en cause le vote, mais notre réunion n’a plus guère de sens : je suis présent, mais je ne vois pas comment je pourrais continuer à participer à la construction du texte. Il en est de votre responsabilité. Cela va m’amener, à mon tour, à me retirer.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Le débat a eu lieu et nous avons voté. Certains députés ont décidé de quitter la commission, ce dont je suis vraiment désolée parce que les débats se déroulaient de façon constructive. C’est le choix des députés de ne pas soutenir leurs amendements. Il n’est pas exceptionnel qu’une commission décide de prolonger ses travaux jusqu’à deux ou trois heures du matin.

M. Arthur Delaporte (SOC). Après le départ de M. Juvin et de M. Saint-Huile et le mien, il ne vous restera plus qu’une opposition, celle que vous vous êtes choisie : l’extrême droite. Vous allez devoir continuer cette discussion pathétique entre vous. Cela m’attriste, car le débat était de qualité. Nous opposions nos visions philosophiques, nous avions préparé des amendements pour améliorer le texte et poser des garde-fous face à des dispositions qui nous paraissaient insupportables. Vous verrez que, sans opposition, c’est plus difficile.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Article 7 : Clarifier les compétences respectives de l’État et de la région en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi

Amendement AS1476 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. L’État intervient à titre subsidiaire dans le financement et l’organisation de formations dont le faible développement ou le caractère émergent justifient des actions définies à l’échelon national pour répondre aux besoins de compétences. L’amendement vise à offrir une possibilité supplémentaire à l’État, après accord de la région : acheter des formations non territorialisées exclusivement à distance. Les représentants des régions que nous avons auditionnés appellent cette mesure de leurs vœux.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1412 de M. Paul Christophe.

Amendement AS1468 de M. Paul Christophe

M. le rapporteur. C’est un des amendements qui transforment Pôle emploi en opérateur France Travail.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1285 de Mme Anne Bergantz

Mme Anne Bergantz (Dem). Il s’agit de rétablir une disposition relative aux formations ouvertes à distance qui a été supprimée par le Sénat. Ces formations nous semblent pertinentes et complémentaires de celles qui sont proposées notamment par la région.

M. le rapporteur. Votre demande est satisfaite par l’amendement AS1476 que nous venons d’adopter.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1428 de M. Paul Christophe.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 : Favoriser l’insertion dans l’emploi des personnes en situation de handicap

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1349, AS1350, AS1351, AS1352, AS1353, AS1354, AS1355, AS1356, AS1357 deuxième rectification, AS1358, AS1359, AS1360, AS1361 et AS1362 de Mme Christine Le Nabour.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

Après l’article 8

Amendement AS753 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Cet amendement vise à supprimer la liste des emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières. Lors des auditions, plusieurs associations de travailleurs handicapés ont fait valoir qu’elle ne reflétait plus les réalités du travail. De fait, depuis 1987, les métiers ont évolué, à l’instar des aides techniques qui permettent à certains travailleurs souffrant d’un handicap de travailler dans des domaines autrefois plus difficilement accessibles.

Mme Christine Le Nabour, rapporteure pour les titres III, IV et V. Je suis d’accord, cette liste est obsolète. Vous souhaitez mettre un terme au dispositif autorisant la modulation du montant de la contribution versée par l’employeur à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées en fonction des emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières. La loi du 5 septembre 2018 faisait déjà obligation aux branches professionnelles d’engager des négociations en vue de formuler des propositions pour réviser cette liste, élaborée par décret et jamais révisée depuis son instauration, en 1987, mais ce travail n’a pas abouti.

Le secteur associatif réclame sa suppression ou, à tout le moins, sa révision. La Conférence nationale du handicap s’est engagée, en avril dernier, à ce que la liste soit révisée dans les prochaines années, mais ce travail ne peut être conduit qu’avec les partenaires sociaux, pour lesquels le sujet revêt une sensibilité particulière, en raison notamment des conséquences financières qu’emporterait toute évolution en la matière. Le respect du dialogue social impose au Parlement de ne pas légiférer dans la précipitation et l’absence de concertation.

Je donne donc un avis défavorable, même si nous nous accordons tous sur le fait que cette liste doit être révisée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS984 de M. Didier Le Gac

M. Didier Le Gac (RE). Le modèle économique d’un certain nombre d’associations représentant les personnes en situation de handicap repose sur les cotisations d’adhésion des entreprises, lesquelles sont déductibles. Or, ce dispositif doit bientôt prendre fin, ce qui suscite l’inquiétude des associations. L’amendement demande donc qu’il soit procédé à une évaluation du régime des dépenses déductibles avant de le supprimer, car il semble avoir donné de bons résultats.

Mme la rapporteure. Le rapport que vous demandez prendra un certain temps. Je vous propose plutôt de retirer votre amendement et d’interroger le Gouvernement en séance, ce qui vous permettra d’obtenir une réponse plus rapide.

L’amendement est retiré.

Article 8 bis A : Créer un service numérique pour recenser les aménagements ayant bénéficié à une personne en situation de handicap tout au long de sa vie

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1364, AS1363, AS1365 et AS1366 de Mme Christine Le Nabour.

Amendement AS746 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Cet amendement vise à accorder la possibilité au titulaire d’un compte personnel de formation (CPF) de modifier les informations recueillies dans le système d’information qui sera créé. Cela paraît essentiel pour garantir l’exactitude et la conformité des données.

Mme la rapporteure. Les données qui seront transmises par les organismes à l’origine de la délivrance de l’aménagement ne pourront pas être directement modifiées par le titulaire bénéficiaire de l’aménagement depuis la plateforme de visualisation intégrée au système d’information du CPF. En effet, si c’était le cas, ces données ne pourraient plus être garanties par la Caisse des dépôts et consignations et perdraient leur caractère opposable.

En cas d’erreur, d’inexactitude ou de demande de complément, la personne en situation de handicap devra adresser une demande de modification à l’organisme qui a alimenté le système d’information. Une procédure simplifiée sera créée par la Caisse des dépôts, qui sera directement accessible depuis le service numérique recensant l’ensemble des aménagements.

De plus, conformément aux dispositions du règlement général sur la protection des données, les données déclarées par la personne elle-même pourront être modifiées directement depuis la plateforme de visualisation. Le cadre juridique du dispositif existe déjà. Votre intention est donc satisfaite.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 8 bis A modifié.

Article 8 bis B : Autoriser une convention conclue entre deux entreprises à organiser, à l’occasion d’une mobilité professionnelle, la portabilité des équipements contribuant à l’adaptation du poste de travail d’une personne en situation de handicap

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1367 de Mme Christine Le Nabour.

Puis elle adopte l’article 8 bis B modifié.

Article 8 bis : Pérenniser le dispositif expérimental autorisant la mise à disposition d’une entreprise utilisatrice d’un salarié temporaire bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

La commission adopte l’article 8 bis non modifié.

Article 9 : Conférer de nouveaux droits aux personnes handicapées accueillies dans un établissement ou un service d’aide par le travail

Amendement AS1469 de M. Paul Christophe

Mme la rapporteure. C’est un amendement qui, en toute cohérence, vise à transformer Pôle emploi en opérateur France Travail.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1368, AS1369, AS1370, AS1371, AS1372, AS1373, AS1374 et AS1375 de Mme Christine Le Nabour.

Amendements AS1153 de M. Victor Catteau et AS1062 de M. Didier Le Gac (discussion commune)

M. Jocelyn Dessigny (RN). L’amendement AS1153, inspiré des travaux d’APF France handicap, vise à demander au Gouvernement un rapport portant sur l’impact financier pour les établissements et services d’aide par le travail (Esat) des nouvelles obligations que leur impose le texte. Si celui-ci va dans le bon sens pour les travailleurs handicapés, sa mise en œuvre entraînera un coût qu’il serait judicieux d’évaluer.

M. Didier Le Gac (RE). Le Gouvernement n’aime pas beaucoup les demandes de rapport, mais un travail d’évaluation chiffrée des dispositions nouvelles touchant les Esat serait utile. L’article 9 est ambitieux, puisqu’il vise à faire converger les droits sociaux des travailleurs handicapés en milieu protégé avec ceux du milieu ordinaire. Il s’agit d’un objectif louable, mais les représentants des Esat sont inquiets car ils se demandent comment ils pourront financer ces nouveaux droits individuels pour les travailleurs – mutuelle santé, transport, chèques-vacances, titres-restaurant. Ils s’interrogent sur l’ampleur du coût de ces mesures, d’où notre souhait de disposer d’un rapport sur la question.

Mme la rapporteure. Je salue le Gouvernement pour l’ouverture de tous ces nouveaux droits en faveur des travailleurs en Esat. Il s’agit d’une belle avancée qu’il conviendra de valoriser en séance publique.

Un travail d’évaluation et de concertation, lancé lors de la Conférence nationale du handicap, a précédé l’élaboration du projet de loi. Cette réflexion s’est poursuivie à l’occasion de la préparation du plan de transformation des Esat, à laquelle ont participé une centaine de parties prenantes, professionnels du secteur et personnes en situation de handicap. Enfin, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des finances (IGF) ont publié un rapport sur ces établissements en 2019.

Le Gouvernement a entendu les inquiétudes puisqu’il a validé le principe d’une mission de l’Igas et l’IGF pour évaluer les effets, pour les personnes mais aussi pour les établissements, des mesures de transformation contenues dans le projet de loi. Les conclusions de cette mission seront rendues publiques.

Avis donc défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

Amendement AS908 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Nicolas Turquois (Dem). L’amendement est défendu.

Mme la rapporteure. Je souhaiterais que l’amendement soit retiré.

L’amendement est retiré.

Article 9 bis (nouveau) : Prévoir la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement pour évaluer les mesures portées par les articles des titres Ier à III de la loi

Amendement AS1288 de M. Nicolas Turquois

M. Nicolas Turquois (Dem). Je ne suis pas trop favorable aux demandes de rapport, mais de nombreuses associations ont regretté l’absence d’évaluations de long terme sur l’efficacité des politiques d’accompagnement vers le retour à l’emploi.

Je souhaiterais que l’on évalue différents dispositifs d’accompagnement de personnes éloignées de l’emploi dans un délai de moyen terme, soit cinq ans après la promulgation de cette loi.

Mme la rapporteure. Vous souhaitez que le Gouvernement remette au Parlement un rapport portant sur les titres Ier à III du projet de loi. Même si vous faites référence au « réseau France Travail », dénomination que nous avons abandonnée, je donne un avis favorable à l’adoption de votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

La réunion est suspendue d’une heure à une heure cinq le jeudi 21 septembre.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je souhaite la bienvenue à Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, qui nous a rejoints pour l’examen de l’article 10 du projet de loi.

Article 10 : Améliorer la gouvernance de la politique d’accueil du jeune enfant

Amendements AS952 de Mme Anne Bergantz et AS748 de Mme Katiana Levavasseur (discussion commune)

Mme Anne Bergantz (Dem). Afin de ne pas fragiliser l’existant qui fonctionne et de se projeter vers la création de nouvelles places d’accueil des jeunes enfants, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui assurent déjà cette compétence, doivent disposer automatiquement du statut d’autorité organisatrice de la petite enfance.

Mme Katiana Levavasseur (RN). Mon amendement vise à conférer le statut d’autorité organisatrice aux intercommunalités, qui exercent déjà la compétence en matière d’accueil de la petite enfance.

De nombreuses compétences ont en effet été déléguées par certaines communes aux intercommunalités, dont près d’un tiers exercent déjà la compétence d’accueil des jeunes enfants. Il serait illogique et dommageable pour certains territoires de ne pas accorder le statut d’autorité organisatrice à ces intercommunalités.

Mme la rapporteure. Le projet de loi autorise le transfert de la compétence d’autorité organisatrice de l’accueil des jeunes enfants à un EPCI ou à un syndicat mixte, dans des conditions que le Sénat a d’ailleurs assouplies. Ce choix vise à garantir la stabilité des organisations actuelles, dans la mesure où plus du tiers des EPCI – 428, exactement – et une quarantaine de syndicats de communes ou mixtes exercent la compétence relative à la petite enfance.

Les amendements étant satisfaits, j’émets un avis défavorable.

L’amendement AS952 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS748.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1485 de Mme Christine Le Nabour.

Amendement AS1060 de M. Didier Le Gac et sous-amendement AS1527 de Mme Christine Le Nabour

M. Didier Le Gac (RE). L’amendement vise à préciser que l’organisation de l’accueil des jeunes enfants par les communes ou les intercommunalités s’exercera en lien avec les départements. Les départements jouent un rôle essentiel dans la protection maternelle et infantile (PMI) et remplissent une fonction d’autorisation, d’agrément, d’accompagnement, de formation et de contrôle des structures d’accueil de la petite enfance – ce sont ainsi des personnels du département qui contrôlent les locaux et les équipements des crèches et des garderies périscolaires. Le département est le bon échelon pour recenser les besoins des citoyens et ajuster les politiques.

Mme la rapporteure. Le sous-amendement est rédactionnel. Sous réserve de son adoption, je suis favorable à l’amendement de M. Le Gac.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1486 de Mme Christine Le Nabour.

Amendement AS687 de Mme Fanta Berete

Mme Fanta Berete (RE). Je propose de reprendre une idée exposée dans plusieurs amendements présentés au Sénat, pour lesquels le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de la haute assemblée. Mon amendement vise à modifier le contenu du schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant, sachant que l’absence de solution d’accueil résulte de causes multiples : nombre de places en crèche insuffisant, priorité donnée à l’accueil d’enfants dont les parents ont déjà un emploi, offres inaccessibles d’un point de vue financier ou géographique.

Si un inventaire est indispensable, celui-ci doit évaluer la capacité à accueillir des familles identifiées comme vulnérables – familles confrontées à une situation de handicap, familles monoparentales, etc.

Le législateur doit intervenir pour que le schéma pluriannuel dresse un inventaire plus large et inclusif, qui se focalise sur les parents rencontrant le plus de difficultés pour trouver une place en crèche. Ces questions sont un axe à part entière de la justice sociale.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Cependant, je soutiendrai plus tard votre sous-amendement AS1516 à mon amendement AS1497.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1487 et AS1488 de Mme Christine Le Nabour.

Amendements identiques AS925 de Mme Nicole Dubré-Chirat, AS1258 de M. François Gernigon et AS1291 de M. Nicolas Turquois, et sous-amendement AS1506 de Mme Christine Le Nabour

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Au regard des besoins importants en mode d’accueil dans les zones rurales et périurbaines, il est important que les 2 236 communes qui comptent entre 3 500 et 10 000 habitants établissent leur stratégie en matière d’accueil des enfants de moins de 3 ans. C’est pourquoi cet amendement vise à rétablir le seuil de 3 500 habitants, prévu initialement et supprimé par le Sénat, à partir duquel les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant élaborent et déploient un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant.

Néanmoins, afin de faciliter la mise en œuvre de cette obligation, nous proposons que les modalités d’élaboration de ce schéma, qui seront fixées par voie réglementaire, soient adaptées pour les communes de moins de 10 000 habitants.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Je défends l’amendement AS1258.

Mme la rapporteure. Mon sous-amendement vise à prévoir l’intervention du pouvoir réglementaire pour préciser le dispositif. Sous réserve de son adoption, je serai favorable aux amendements.

Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles. Nous avons discuté de cette question avec l’Association des maires de France afin de parvenir à une rédaction du texte qui en revienne au seuil de 3 500 habitants, ce qui garantit la couverture la plus importante possible du territoire, mais avec des modalités adaptées aux communes de moins de 10 000 habitants. Ce compromis me semble pertinent.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il importait en effet d’abaisser le seuil, mais je m’interroge sur la façon de le décliner dans des territoires ruraux qui comptent plusieurs villages de 500 ou 600 habitants. Si nous voulons attirer de nouvelles familles, une stratégie d’accueil des jeunes enfants s’impose. Or, si certains maires se saisissent de cette question, d’autres ne voient pas encore la pertinence de cette démarche, alors que c’est une question de survie.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sous-amendés.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1489 de Mme Christine Le Nabour.

Amendement AS1496 de Mme Christine Le Nabour

Mme la rapporteure. L’amendement vise à modifier le nombre d’habitants dont il sera tenu compte pour déterminer le périmètre des compétences obligatoires de l’EPCI ou du syndicat mixte à qui la qualité d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant aura été transférée. Il semble préférable, en effet, de tenir compte uniquement du nombre d’habitants des communes ayant transféré leurs compétences.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1497 de Mme Christine Le Nabour et sous-amendement AS1516 de Mme Fanta Berete

Mme la rapporteure. Dans un souci de simplification, je propose de dispenser de l’obligation d’élaborer le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant les communes qui auraient conclu une convention territoriale globale avec une caisse d’allocations familiales (CAF) dès lors que le contenu de la convention correspondrait à celui du schéma.

Mme Fanta Berete (RE). Le sous-amendement précise que les objectifs de ces schémas pluriannuels visent notamment l’accessibilité financière et géographique de l’offre d’accueil, une attention plus importante étant accordée à ce titre à la situation des « enfants de familles rencontrant des difficultés du fait de leurs conditions de vie ou de travail, de leur état de santé, d’une situation de handicap ou en raison de la faiblesse de leurs ressources ». Ces précisions ont vocation à limiter le taux de non-recours par les familles les plus vulnérables et à endiguer les inégalités d’accès.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

Mme la ministre. Certains se sont interrogés sur la présence de cet article dans le texte mais c’est précisément pour cette raison-là. Environ 160 000 personnes renoncent à reprendre une activité faute d’un moyen de garde. Nous devons donc garantir leur existence sur l’ensemble du territoire et dans des conditions d’accessibilité financière optimales – d’où la réflexion que le Gouvernement a engagée sur le reste à charge des familles.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1490 de Mme Christine Le Nabour.

Amendement AS1498 de Mme Christine Le Nabour

Mme la rapporteure. L’amendement vise à subordonner l’application du dispositif autorisant le relais petite enfance à accomplir des démarches administratives pour le compte des particuliers employeurs au consentement des assistants maternels. Il apparaît souhaitable de recueillir non seulement le consentement des parents, ce que prévoit déjà le texte, mais aussi celui des assistants maternels qu’ils emploient.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS752 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Issu de la Fédération française des entreprises de crèches, cet amendement vise à optimiser le fonctionnement du service universel de la petite enfance en élargissant l’offre des services d’accueil pour les enfants.

Face au manque d’infrastructures, il n’est pas rare que des familles soient confrontées à des difficultés pour trouver une solution d’accueil. En organisant un système leur permettant de partager leurs besoins spécifiques avec toutes les structures disponibles localement, nous offrirons des solutions d’accueil supplémentaires.

Mme la rapporteure. Cette idée est intéressante mais la rédaction de votre amendement n’est pas aboutie, la notion d’« autorité territoriale chargée de la gestion du service universel de la petite enfance » n’existant pas. Je vous propose de le retirer et de le retravailler, avec le Gouvernement le cas échéant, dans la perspective de l’examen du texte en séance publique.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1526 du Gouvernement

Mme la ministre. Cet amendement vise à préciser les modalités applicables au service public de la petite enfance, notamment quant aux relations entre le comité départemental des services aux familles et les maires. Nous avons travaillé là encore avec l’Association des maires de France pour garantir la meilleure disponibilité possible des places d’accueil sans laisser penser que l’État centraliserait à nouveau des compétences.

Si le maire n’est pas parvenu à réaliser son schéma territorial, nous proposerons un temps d’échange entre l’autorité organisatrice – la commune – et la CAF, afin de comprendre les difficultés qui se posent à elle : tensions dans le recrutement, soutien financier, expertise en ingénierie... L’objectif n’est pas que le préfet se substitue aux maires mais que l’État soutienne les communes pour garantir le déploiement d’un plan de rattrapage.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS210 de M. Arthur Delaporte, AS1162 de Mme Danielle Simonnet et AS342 de Mme Emmanuelle Anthoine tombent.

Amendement AS1499 de Mme Christine Le Nabour

Mme la rapporteure. L’amendement vise à garantir la bonne articulation entre les orientations nationales en matière de politique d’accueil du jeune enfant et les schémas départementaux des services aux familles. Il importe, en effet, que les comités départementaux des services aux familles suivent un cap clairement établi à l’occasion de l’élaboration de leur schéma.

Par ailleurs, en l’état, seule la branche famille de la sécurité sociale se voit assigner des objectifs de développement de places d’accueil relevant de la prestation de service unique. Cela représente moins de la moitié du nombre de places d’accueil. Aussi, il est nécessaire que les objectifs en matière de développement quantitatif et qualitatif de l’offre d’accueil, tant individuel que collectif, soient arrêtés après consultation de l’ensemble des acteurs intéressés, notamment des représentants des collectivités territoriales.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS1500 de Mme Christine Le Nabour

Mme la rapporteure. Afin de disposer d’un nombre suffisant de professionnels de la petite enfance pour assurer le service public et satisfaire aux objectifs nationaux de création de 200 000 places d’accueil du jeune enfant, cet amendement propose que les régions prennent en compte dans l’élaboration de leur schéma des formations sanitaires et sociales les orientations nationales en matière de formation de nouveaux professionnels de la petite enfance, prises par arrêté du ministre chargé de la famille.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1491 et AS1494 de Mme Christine Le Nabour.

Amendement AS1501 de Mme Christine Le Nabour

Mme la rapporteure. Les priorités des services de la PMI sont fixées par le ministre chargé de la santé dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Afin d’améliorer la coordination de l’action des acteurs intervenant dans le champ de la politique d’accueil du jeune enfant, cet amendement propose que les priorités d’action des services de la PMI relatives à la surveillance et au contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant et des assistants maternels soient fixées par le ministre chargé de la famille, en cohérence avec les objectifs nationaux en matière de développement quantitatif et qualitatif de l’offre d’accueil.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1495 de Mme Christine Le Nabour

Mme la rapporteure. Il s’agit de préciser que le soutien financier et en ingénierie que les CAF apporteront aux autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant s’inscrit dans le cadre des objectifs nationaux en matière de développement quantitatif et qualitatif de l’offre d’accueil pris par arrêté du ministre chargé de la famille.

M. Didier Le Gac (RE). Il faut également prendre en considération les spécificités de chaque territoire, sinon cela s’apparente à de la recentralisation. Les objectifs nationaux doivent pouvoir être déclinés dans chaque région.

Mme la rapporteure. En effet, mais il est nécessaire de définir un cadre, à charge pour les territoires d’établir leurs schémas pluriannuels.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1493 et AS1492 de Mme Christine Le Nabour.

Amendements identiques AS1189 du Gouvernement, AS1208 de Mme Nicole Dubré-Chirat, AS1259 de M. François Gernigon et AS1290 de M. Nicolas Turquois

Mme la ministre. Il est proposé d’avancer la date d’entrée en vigueur mentionnée à l’article 10 au 1er janvier 2025, afin d’éviter que celle-ci coïncide avec les élections municipales. Le Gouvernement reste ouvert à la discussion.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). La politique d’accueil du jeune enfant est confrontée à de nombreux défis qui appellent une mobilisation rapide et coordonnée de tous les acteurs. Les CAF seront mobilisées dès le second semestre 2023 dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion, qui apportera aux communes ou leurs groupements des leviers financiers importants.

Le texte prévoit que les dispositions sur les compétences des autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant ne s’appliqueront pas immédiatement, mais au 1er septembre 2026, afin de laisser le temps aux communes de s’organiser et de préparer, le cas échéant, le transfert de leurs compétences. Néanmoins, compte tenu de l’urgence à agir, l’amendement vise à ramener la date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2025.

M. Paul Christophe (HOR). L’amendement AS1259 est cohérent avec la réforme du complément de mode de garde adoptée dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, qui entrera elle aussi en application au 1er janvier 2025.

M. Nicolas Turquois (Dem). Ce serait une avancée. La garde d’enfant est souvent un frein majeur au retour à l’emploi. J’invite le Gouvernement à aller vers les petites communes, notamment rurales, pour les informer et les inciter à imaginer des solutions : faire garder les enfants par mamie, ça n’existe plus, même à la campagne.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Je reconnais le problème que pose le chevauchement avec les élections municipales. Cependant, le choix du 1er janvier 2025 risque de mettre en difficulté certaines municipalités : les dossiers et les montages financiers prennent du temps, et le délai me paraît trop court. J’aurais plutôt opté pour un report en 2027, et au 1er septembre puisque cela correspond à la rentrée scolaire.

M. Didier Le Gac (RE). Il est important que les discussions puissent se poursuivre avec les associations d’élus. L’élaboration d’une politique de la petite enfance demande beaucoup d’énergie et de temps. La fin de mandat – celui-ci ayant été particulièrement compliqué pour les maires – n’est peut-être pas le moment approprié.

M. Nicolas Turquois (Dem). À force de repousser, les jeunes enfants à accueillir seront devenus des ados !

Mme la ministre. Rien ne se fera contre les maires, tout se fait avec eux. Telle est la philosophie de l’article qui leur assure les moyens d’agir et de procéder à un rattrapage dans les territoires insuffisamment dotés, au détriment du retour à l’emploi et du bien-être des enfants.

Nous pourrons donc évoluer en séance. La proposition de M. Dessigny me paraît excessive. Nous devons trouver une solution réaliste pour les maires et robuste pour les familles qui attendent souvent depuis trop longtemps.

Mme la rapporteure. Le fait d’avancer la date d’entrée en vigueur est un signal de notre volonté de voir les choses avancer plus vite. Il y a en effet urgence à agir, notamment pour les jeunes mères bénéficiaires du RSA, qui ne peuvent accéder ni à la formation ni à l’emploi faute de mode de garde. Comme Mme la ministre l’a dit, continuons à négocier avec les maires.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Les élus devront d’abord l’inscrire dans le budget municipal, ce qui nous amène déjà à janvier 2024. Ensuite, il faut obtenir les financements. Début 2025 me paraît présomptueux pour les communes qui ne disposent pas de l’ingénierie nécessaire.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Article 10 bis (nouveau) : Rénover les modalités d’inspection et de contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant

Amendement AS1113 du Gouvernement

Mme la ministre. À la suite du décès dramatique d’une petite fille dans une crèche en juin 2022 du fait d’actes de maltraitance, un rapport avait été demandé à l’Igas. Rendu public au printemps dernier, il pointe des faiblesses dans notre culture du contrôle, qui n’est pas ancrée dans notre pays.

Notre mission est de garantir aux parents qui déposent leur enfant à la crèche le matin la sécurité et la qualité de son accueil, ainsi que le bien-être au travail des salariés.

En complément du renforcement des contrôles dans les établissements, en lien avec les services départementaux de la PMI, le Gouvernement souhaite combler un vide juridique qui interdit les contrôles dans les grands groupes privés aujourd’hui gestionnaires de crèches. Il propose donc des contrôles de l’Igas ou de l’IGF ayant pour but de vérifier que la préoccupation première de ces groupes est la qualité et la sécurité de l’accueil des enfants.

J’espère que cet amendement permettra de dissiper le trouble qu’ont fait naître chez les familles le drame que j’ai évoqué et la publication récente de deux livres. J’ai convoqué les quatre grands groupes privés gestionnaires de crèches afin qu’ils prennent des engagements clairs, notamment sur les conditions de travail des professionnels. Le principal risque de maltraitance est en effet la pénurie de personnel, qui entraîne une perte de sens, l’épuisement professionnel et malheureusement parfois un risque pour nos enfants.

Nous devons agir main dans la main avec les communes et les départements pour apporter des solutions. Il ne s’agit pas, en renforçant les contrôles, d’instaurer une culture de la défiance ou du soupçon mais de garantir la sécurité et la qualité de l’accueil que nous devons à nos enfants.

Mme la rapporteure. Avis très favorable.

M. Didier Le Gac (RE). Nous devons nous féliciter du renforcement des contrôles. Les associations d’élus locaux nous ont fait part de leur souhait d’une meilleure information s’agissant des crèches privées. Il convient que les maires au moins soient informés, voire donnent leur accord lors de l’installation d’une crèche privée, qui peut déséquilibrer l’offre sur leur territoire – aujourd’hui, il arrive qu’ils ne soient même pas au courant. Un amendement sur le sujet serait bienvenu.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 10

Amendement AS751 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement demande un rapport sur les formations sanitaires et sociales, notamment sur leurs capacités d’accueil. Les dérives observées récemment dans les crèches ont de multiples causes mais on peut déjà pointer du doigt un manque criant de personnel, qui peut s’expliquer par le nombre insuffisant de places dans les formations.

Mme la rapporteure. L’amélioration de la qualité des formations ne passe pas par la remise d’un rapport au Parlement, mais par l’adaptation de leur contenu aux besoins du secteur de la petite enfance.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 11 : Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l’adaptation des dispositions du projet de loi aux outre-mer

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1429 et AS1430 de M. Paul Christophe.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

Enfin, la commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1673_texte-adopte-commission#

 

 

 

 

 

*

*     *

 


  1  —

   ANNEXES

Annexe N° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

(Dans l’ordre chronologique)

        Table ronde des organisations syndicales :

– Confédération française démocratique du travail (CFDT)  M. Olivier Guivarch, secrétaire national en charge de la politique de l’emploi et de la sécurisation des parcours, Mme Lydie Nicol, secrétaire nationale en charge de la politique d’insertion et de lutte contre la pauvreté, et Mme Chantal Richard, secrétaire confédérale chargée de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté

– Confédération générale du travail (CGT) – M. Guillaume Bourdic, responsable de la CGT Pôle emploi

– Force ouvrière (FO) – M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et des retraites, Mme Laure Doucin, assistante confédérale sur les sujets d’assurance chômage

– Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Jean-François Foucard, secrétaire national en charge des parcours professionnels, et M. Johaquim Assedo, conseiller technique en charge de l’emploi

– Fédération des entreprises d’insertion *  M. Luc de Gardelle, président, Mme Nadia Landry, cheffe d’entreprise d’insertion et membre du bureau fédéral, et Mme Emmanuelle Daviau, déléguée régionale de la fédération des entreprises d’insertion

            Collectif Handicap *  Mme Sophie Crabette, directrice générale de la FNATH, Mme Axelle Rousseau, chargée de plaidoyer, et M. Thibaut de Martimprey, animateur de la commission éducation, emploi et formation de la CFPSAA

            Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – M. Nicolas Grivel, directeur général

            Conseil national handicap & emploi des organismes de placement spécialisés (Cheops)  M. Jean-Pierre Benazet, président, M. Jean-Jacques Favre, administrateur, et Mme Marlène Cappelle, déléguée générale

            Intercommunalités de France – M. Laurent Trogrlic, secrétaire national, président de la commission développement économique et enseignement supérieur, M. Romain Briot, directeur général adjoint en charge du pôle cohésion, Mme Charlotte Sorrin-Descamps, directrice générale adjointe en charge du pôle développement économique, et Mme Marie Morvan, conseillère cohésion sociale

     Audition commune :

– Union nationale des entreprises adaptées (UNEA) *  Mme Pamela Bryant, présidente, Mme Hortense de Cacqueray, conseil politique, et M. Sébastien Citerne, délégué général

– Réseau GESAT (Groupement d’établissements et services d’aide par le travail et d’entreprises adaptées) – M. Daniel Hauger, président, M. Mehdi Nabti, vice-président, et M. Denis Charrier, directeur général

            Régions de France  Mme Valérie Debord, première viceprésidente de la région Grand Est, M. Jean-Patrick Gille, vice-président de la région Centre‑Val de Loire, M. Emmanuel Georges-Picot, conseiller formation, éducation et emploi, et M. Frédéric Eon, conseiller parlementaire

            Association des maires de France (AMF)  Mme Marie Etevenard, adjointe au maire de Besançon, membre du groupe de travail petite enfance, Mme Nelly Jacquemot, responsable du département action sociale, éducation, culture, sport et emploi, et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

            Pôle emploi – M. Jean Bassères, directeur général, et Mme Charline Nicolas, directrice générale adjointe en charge de la stratégie et des affaires institutionnelles

            Union nationale des associations familiales (UNAF)  Mme Marie-Andrée Blanc, présidente, Mme Guillemette Leneveu, directrice générale, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

            Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)  M. Pascal Cormery, président, M. Rodolphe Dumoulin, directeur du développement sanitaire et social, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

            Unédic  Mme Patricia Ferrand, présidente, M. Jean-Eudes Tesson, vice‑président, M. Christophe Valentie, directeur général, et Mme Clémence Taillan, directrice de cabinet

            Départements de France (DF) – M. Frédéric Bierry, vice-président et président de la commission solidarité, santé, travail, président de la collectivité européenne d’Alsace, et M. Éric Bellamy, directeur solidarité, santé, travail

            M. Thibaut Guilluy, Haut-commissaire à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises, M. Thibault Romatet, directeur de cabinet, et Mme Charlotte Bertin, cheffe de cabinet

            Collectif alerte  M. Noam Leandri, président, Mme Carole Saleres, conseillère nationale emploi, travail, formation et ressources à l’APF France handicap, M. Daniel Verger, responsable accès au travail et protection sociale au Secours catholique-Caritas France, M. Henri Simore, chargé des questions d’insertion, d’emploi, de logements à ATD Quart Monde, M. Tarek Daher, directeur général d’Emmaüs France, et Mme Charlotte Penot, conseillère technique lutte contre l’exclusion

            Fédération des acteurs de la solidarité *  M. Pascal Brice, président, et Mme Coline Derrey-Favre, chargée de mission emploi-insertion par l’activité économique

            Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion – Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – M. Bruno Lucas, délégué général

            Union nationale des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) *  M. Sébastien Darrigrand, directeur général, M. Patrick Julien, responsable des relations sociales, et Mme Sabina Lindstedt, directrice associée du cabinet Anthenor Public Affairs, conseil de l’Udes

            Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – M. Jean-Benoît Dujol, directeur général, et M. Benjamin Voisin, chef du service des politiques sociales et médico-sociales

     Table ronde des organisations patronales :

– Mouvement des entreprises de France (Medef) * – Mme France Henry-Labordère, responsable du pôle social, Mme Élizabeth Vital-Durand, responsable du pôle affaires publiques, M. Pierre-Matthieu Jourdan, directeur des relations sociales et de la politique de l’emploi, et M. Adrien Chouguiat, directeur de mission affaires publiques

– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) *  M. Jean-Michel Pottier, mandataire social emploi formation, Mme Karine Jan, responsable formation, M. Philippe Chognard, responsable du pôle conditions de travail, et M. Adrien Dufour, responsable affaires publiques

– Union des entreprises de proximité (U2P) * – M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Thérèse Note, relations parlementaires

            Union nationale des missions locales (UNML) – M. Stéphane Valli, président, M. Ahmed El-Khadiri, délégué général, et M. Jean-Marc Delahaye, responsable des relations institutionnelles

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


  1  —

Annexe N° 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen dU Projet de loi

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er A

Code du travail

L. 5411-1-1 et L. 5411-1-2 [nouveaux]

1er

Code du travail

L. 5411‑1, L. 5411‑2, L. 5411‑5‑1 et L. 5411‑5‑2 [nouveaux]

2

Code du travail

L. 5131‑4, L. 5131‑5, L. 5131‑6, L. 5411‑6, L. 5411‑6‑1, L. 5411‑6‑2 et L. 5411‑6‑3 [abrogés], L. 5411‑6‑4, L. 5412‑1, L. 5422‑1 et L. 5426‑1

2 bis

Code du travail

L. 5331‑5‑1

3

Code de l’action sociale et des familles

L. 262‑19, L. 262‑25, L. 262‑27, L. 262‑29, L. 262‑30, L. 262‑31, L. 262‑32 et L. 262‑33 [abrogés], L. 262‑34, L. 262‑35 et L. 262‑36 [abrogés], L. 262‑37, L. 262‑38, L. 262‑39, L. 262‑42, L. 262‑44 et L. 263‑4‑1

3

Loi n° 2021‑1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022

43

4

Code du travail

L. 5211‑5, L. 5214‑3‑1, L. 5311‑7 à L. 5311‑11 [nouveaux], L. 5311‑3‑1, L. 5314‑2, L. 6123‑3 et L. 6123‑4 [abrogés]

4

Loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

12

4 bis

Code du travail

L. 1133‑7 [nouveau]

5

Code du travail

L. 1235‑4, L. 1243‑11‑1, L. 1251‑33‑1, L. 2271‑1, L. 5131‑5, L. 5131‑6, L. 5312‑1, L. 5312‑2, L. 5312‑3, L. 5312‑7, L. 5312‑8, L. 5312‑10, L. 5312‑12‑1, L. 5312‑12‑2, L. 5312‑13‑1, L. 5312‑13‑2, L. 5411‑2, L. 5411‑4, L. 5411‑10, L. 5422‑1‑1, L. 5422‑4, L. 5422‑16, L. 5422‑20‑2, L. 5422‑24, L. 5424‑2, L. 5424‑21, L. 5424‑23, L. 5426‑1‑1, L. 5426‑1‑2, L. 5426‑2, L. 5426‑5, L. 5426‑6, L. 5426‑7, L. 5426‑8‑1, L. 5426‑8‑2, L. 5426‑8‑3, L. 5426‑9, L. 5427‑1, L. 5427‑2, L. 5427‑3, L. 5427‑4, L. 5428‑1, L. 5531‑1, L. 6111‑6, L. 6121‑4, L. 6121‑5, L. 6122‑1, L. 6123‑5, L. 6243‑1‑2, L. 6316‑1, L. 6323‑4, L. 6323‑22, L. 6326‑1, L. 6326‑2, L. 6326‑3, L. 6326‑4, L. 6333‑7, L. 6341‑6, L. 6361‑1, L. 6362‑1, L. 6362‑4, L. 6362‑11 et L. 6411‑2

5

Code de l’éducation

L. 214‑13

5

Code général des impôts

19 ter

5

Code des relations entre le public et l’administration

L. 211‑7

5

Code de la route

L. 221‑3‑1

5

Code de la sécurité sociale

L. 114‑12, L. 114‑12‑1, L. 114‑22 et L. 412‑8

5

Loi n° 2017‑86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté

215

5

Loi n° 2020‑1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »

11

5

Code rural

L. 741‑16

6

Code du travail

L. 5316‑1, L. 5316‑2 et L. 5316‑3 [nouveaux]

7

Code du travail

L. 6121‑4, L. 6122‑1, L. 6122‑2, L. 6123‑5, L. 6326‑1 et L. 6326‑2

8

Code du travail

L. 5212‑9, L. 5212‑13‑1 [nouveau], L. 5213‑2, L. 5213‑2‑1, L. 5213‑13, L. 5213‑13‑2 et L. 5213‑13‑3 [nouveaux], L. 5213‑14, L. 5213‑18, L. 5213‑15 et L. 5213‑19‑1

8 bis A

Code du travail

L. 5213‑2‑2 [nouveau]

8 bis B

Code du travail

L. 5213‑6

8 bis

Code du travail

L. 1251‑7

9

Code de l’action sociale et des familles

L. 146‑9, L. 241‑6, L. 344‑2‑3, L. 344‑2‑4, L. 344‑2‑5, L. 344‑2‑6 à L. 344‑2‑10 [nouveaux] et L. 521‑1

10

Code de l’action sociale et des familles

L. 214‑1‑3 [nouveau], L. 214‑2, L. 214‑2‑1, L. 214‑3, L. 214‑5, L. 214‑5‑1 et L. 214‑7‑1 [nouveaux] et L. 451‑2

10

Code de l’éducation

L. 214‑13

10

Code de l’urbanisme

L. 101‑2

10

Code de la santé publique

L. 2111‑1

10

Code de la sécurité sociale

L. 223‑1

10 bis

Code de l’action sociale

L. 214‑1‑1

10 bis

Code de la santé publique

L. 2111‑1, L. 2324‑1, L. 2324‑1‑1 [nouveau], L. 2324‑2, L. 2324‑2‑1 à L. 2324‑2‑3 [nouveaux] et L. 2324‑3

10 bis

Code de la sécurité sociale

L. 263‑2 [nouveau], L. 531‑6 et L. 553‑2‑1 [nouveau]

 


([1]) Amendements AS974 et AS994.

([2]) Article 7 du règlement d’assurance chômage du 26 juillet 2019.

([3]) Dares, « Les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi », 25 août 2023.

([4]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 20.

([5]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 20.

([6]) Ibid.

([7]) Drees, Minima sociaux et prestations sociales, 2022.

([8]) IGF-Igas, « Comparaison des services publics de l’emploi de différents pays européens », février 2022, p. 42.

([9]) Désignés couramment par le terme de « NEET ».

([10]) Drees, Minima sociaux et prestations sociales, 2022.

([11]) Le projet personnalisé d’accès à l’emploi défini à l’article L. 5411-6-1 du code du travail élaboré et actualisé conjointement par le demandeur d’emploi et Pôle emploi retrace ainsi « les actions que Pôle emploi s’engage à mettre en œuvre dans le cadre du service public de l’emploi, notamment en matière d’accompagnement personnalisé et, le cas échéant, de formation et d’aide à la mobilité ».

([12]) Cour des comptes, Rapport public thématique d’évaluation de politique publique, Le revenu de solidarité active, janvier 2022, p. 42.

([13]) Rapport Igas, Comparaison des services publics de l’emploi de différents pays européens, op.cit., p. 31.

([14]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 24.

([15]) Proposition n° 1 de la mission de préfiguration France Travail, synthèse de la concertation, avril 2023.

([16]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État sur le projet de loi pour le plein emploi, point 5, 1er juin 2023, p. 2.

([17]) Mission de préfiguration France Travail, synthèse de la concertation précitée, p. 35.

([18]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État précité, point 6, p. 3.

([19]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, pp. 32-33.

([20]) Dans son point 7, le Conseil d’État rappelle que l’article 21 de la Constitution permet de confier à une autorité de l’État autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi dès lors que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d’application que par leur contenu.

([21]) Amendements AS1470, AS842, AS997, AS1119, AS1238, AS1253, AS1268 et AS1295.

([22]) Amendement AS70.

([23]) Amendement AS1471.

([24]) Sous‑amendement AS1502.

([25]) Amendement AS1472.

([26]) Amendements AS530 et AS820.

([27]) Amendement AS231.

([28]) Amendements AS1456, AS1248 et AS1263.

([29]) Article 1er de la loi n° 2008-758 du 1er août 2008 relative aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi.

([30]) Circulaire DGEFP n° 2008-18 du 5 novembre 2008 relative à la mise en œuvre du projet personnalisé d’accès à l’emploi et à l’offre raisonnable d’emploi.

([31]) Article 46 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([32]) Voir commentaire de l’article 1er.

([33]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État précité, point 8, p. 4.

([34]) Données fournies par Pôle emploi aux rapporteurs.

([35]) Décret n° 2022-199 du 18 février 2022 relatif au contrat d’engagement jeune et portant diverses mesures d’application de l’article 208 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([36]) Igas, Évaluation d’étape de l’accompagnement des jeunes dans le cadre du contrat engagement jeune, mars 2023, p. 7.

([37]) Mission de préfiguration France Travail, synthèse de la concertation précitée, p. 20.

([38]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État précité, point 8, p. 3.

([39]) Conseil d’État, 28 décembre 2018, n° 411846.

([40]) Proposition n° 68 de la mission de préfiguration France Travail.

([41]) Amendement AS126.

([42]) Amendements AS1483, AS1225 et AS1264.

([43]) Amendement AS1477.

([44]) Amendement AS1481.

([45]) Amendements AS1456, AS1248 et AS1263.

([46]) Amendement AS1287.

([47]) Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([48]) Loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion.

([49]) Au 1er avril 2023, son montant s’élève à 1 040,56 euros pour une personne avec un enfant.

([50])  Le financement et la gestion du RSA ont été recentralisés de manière pérenne dans trois collectivités d’outre‑mer : la Guyane, Mayotte et La Réunion. Trois départements sont en phase d’expérimentation : la Seine-Saint-Denis et les Pyrénées-Orientales depuis le 1er janvier 2022 et l’Ariège depuis le 1er janvier 2023.

([51]) Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, rapport public thématique précité, pp. 47-48.

([52]) Article D. 262-65 du code de l’action sociale et des familles.

([53]) Drees, Minima sociaux et prestations sociales, édition 2022.

([54]) Article L. 262-27 du code de l’action sociale et des familles.

([55]) Voir le commentaire de l’article 2.

([56]) Article R. 262-28 du code de l’action sociale et des familles.

([57]) Article L. 262-38 du code de l’action sociale et des familles.

([58]) Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, rapport public thématique, janvier 2022.

([59]) Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, rapport public thématique précité, p. 119.

([60]) Par exemple, 81 % des bénéficiaires dans l’Allier sont orientés vers un accompagnement professionnel contre 25 % dans le Pas-de-Calais.

([61]) Drees, Minima sociaux et prestations sociales, édition 2022.

([62]) Mesure 3.8 : pour généraliser l’accompagnement vers l’emploi des allocataires, un État garant du service public de l’insertion : renforcement des droits et devoirs et obligation contractualisée avec les départements de réaliser sous un mois l’instruction de la demande et l’orientation de tout nouveau bénéficiaire.

([63]) Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, rapport 2022, juillet 2022.

([64]) Évaluation de l’expérimentation sur 14 territoires d’un service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE), mars 2022.

([65]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État précité, point 11, p. 5.

([66]) Article D. 262-25.

([67]) Voir le commentaire de l’article 2.

([68]) Mission de préfiguration France Travail, synthèse de la concertation précitée, p. 20.

([69]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État précité, point 13, p. 6.

([70]) Article 168 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([71]) Article 43 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([72]) Article 132 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([73]) Amendement AS487.

([74]) Amendement AS1277.

([75]) Amendement AS1478.

([76]) Amendements AS1479 et AS1274.

([77]) Amendements AS1456, AS1248 et AS1263.

([78]) Article L. 5312-1 du code du travail.

([79]) Article L. 5315-1 du code du travail.

([80]) Article L. 5427-1 du code du travail.

([81]) Article L. 5311-4 du code du travail.

([82]) Article L. 5132-2 du code du travail.

([83]) Missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, articles L. 5314-1 à L. 5314-4 du code du travail.

([84]) Article L. 5132-1 du code du travail.

([85]) Article L. 5312-6 du code du travail.

([86]) Article L. 5312-10 du code du travail.

([87]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 75.

([88]) Article L. 5314-1 du code du travail.

([89]) Bertrand Schwartz, L’insertion professionnelle et sociale des jeunes : rapport au Premier ministre, Paris, la Documentation française, 1981.

([90]) Article 4 de l’ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 relative aux mesures destinées à assurer aux jeunes de seize à dix‑huit ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale.

([91]) Rapport au Président de la République sur l’ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 précitée.

([92]) Article 7 de la loi n° 89-905 du 19 décembre 1989 favorisant le retour à l’emploi et la lutte contre l’exclusion professionnelle

([93]) Article 2 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

([94]) Article L. 5314-1 du code du travail.

([95]) https://www.unml.info/le-reseau/les-chiffres-cles/

([96]) Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 75, seules 5 % missions locales sont constituées sous forme de groupement d’intérêt public.

([97]) https://www.unml.info/le-reseau/les-chiffres-cles/

([98]Not in education, employment or training.

([99]) https://www.unml.info/le-reseau/les-chiffres-cles/

([100]) Article L. 114-1 du code de l’éducation.

([101]) Article L. 5131-3 du code du travail.

([102]) Article L. 5131-4 du code du travail.

([103]) Article L. 5131-6 du code du travail.

([104]) Article L. 5214-3-1 du code du travail.

([105]) https://www.cheops-ops.org/notre-reseau/

([106]) Article L. 5214-3-1 du code du travail.

([107]) Article 26 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

([108]) Articles 12 et 14 de la loi n° 2011-901 du 28 juillet 2011 tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap.

([109]) https://travail-emploi.gouv.fr/ministere/service-public-de-l-emploi/article/cap-emploi#:~:text=Ils%20sont%20en%20charge%20de,150%20000%20employeurs%20chaque%20ann%C3%A9e.

([110]) Pour une description de la répartition des compétences en matière de formation professionnelle, se référer au commentaire de l’article 7.

([111]) Article L. 6121-2 du code du travail.

([112]) Article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales.

([113]) Article L. 115-2 du code de l’action sociale et des familles.

([114]) Article L. 2573-32 du code général des collectivités territoriales.

([115]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 77.

([116]) Convention cadre entre l’État, l’Agefiph, le FIPHFP, Cheops et Pôle emploi, 4 septembre 2020.

([117]) Igas, Évaluation du partenariat renforcé entre Pôle emploi et les missions locales, rapport n° 2018-058R, décembre 2018.

([118]) Accord-cadre sur le partenariat renforcé entre l’État, Pôle emploi, le Conseil national des missions locales et l’Union nationale des missions locales, 2015‑2017.

([119]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 76.

([120]) Article L. 262-13 du code de l’action sociale et des familles.

([121]) https://travail-emploi.gouv.fr/emploi-et-insertion/service-public-insertion-emploi-spie/article/le-service-public-de-l-insertion-et-de-l-emploi-spie-c-est-quoi

([122]) Source : Insee.

([123]) Dares, La situation du marché du travail au 2e trimestre 2023, 28 août 2023.

([124]) Mission de préfiguration France Travail, France Travail, une transformation profonde de notre action collective pour atteindre le plein emploi et permettre ainsi l’accès de tous à l’autonomie et la dignité par le travail, avril 2023, p. 15.

([125]) https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/m-olivier-dussopt-ministre-du-travail-du-plein-emploi-et-de-l-insertion-annonce

([126]) Mission de préfiguration France Travail, ibid., p. 31.

([127]) Institué par l’article L. 5311-9 du code du travail introduit par l’article 4 du projet de loi.

([128]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État sur le projet de loi pour le plein emploi, point 16, 1er juin 2023, p. 8.

([129]) Article L. 5311-11 du code du travail introduit par l’article 4 du projet de loi.

([130]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État précité, point 16, p. 8.

([131]) Article L. 5411-5 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 1er du projet de loi.

([132]) Article L. 5312-3 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 5 du projet de loi.

([133]) Id.

([134]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État précité, point 17, p. 9.

([135]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État précité, point 20, p. 10.

([136]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État précité, point 20, p. 10.

([137]) Il s’agit des actes relatifs aux missions mentionnées aux 3°, 4° et 6° du I de l’article L. 5311-9 du code du travail introduit par l’article 4 du projet de loi.

([138]) Article L. 5311-11 du code du travail introduit par l’article 4 du projet de loi.

([139]) Id.

([140]) Article L. 6123-3 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 4 du projet de loi.

([141]) Aux termes de l’article L. 6123-3 du code du travail, le Crefop « a pour mission d’assurer la coordination entre les acteurs des politiques d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi et la cohérence des programmes de formation dans la région ».

([142]) Article L. 6123-3 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 4 du projet de loi.

([143]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([144]) Article L. 5131-2 du code du travail.

([145]) Article L. 5313-1 du code du travail.

([146]) Article L. 5213-13 du code du travail.

([147]) S’agissant de la dénomination du réseau et de l’opérateur principal du service public de l’emploi, se référer au commentaire de l’article 5.

([148]) Article L. 344‑2 du code de l’action sociale et des familles.

([149]) L’article L. 1132-1 du code du travail interdit toute discrimination à l’embauche, l’exécution et la rupture du contrat de travail liant un employeur et un salarié en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte.

([150]) Aux termes du 1° de l’article L. 5311-4 du code du travail il s’agit des organismes publics ou privés dont l’objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

([151]) 1° bis de l’article L. 5311-4 du code du travail.

([152]) Loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi.

([153]) Ordonnance n° 67-578 du 13 juillet 1967 portant création d’une agence nationale pour l’emploi.

([154]) Article L. 5312-1 du code du travail.

([155]) Article L. 5311-1 du code du travail.

([156]) Mission de préfiguration France Travail, France Travail, une transformation profonde de notre action collective pour atteindre le plein emploi et permettre ainsi l’accès de tous à l’autonomie et la dignité par le travail, avril 2023.

([157]) Maisons départementales des personnes handicapées (article L. 146-3 du code de l’action sociale et des familles).

([158]) Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles).

([159]) Article L. 146‑9 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction résultant de l’article 9 du projet de loi.

([160]) Au sens de l’article L. 2113-2 du code de la commande publique.

([161]) Article 36 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([162]) Ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.

([163]) Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

([164]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 132.

([165]) Id., p. 132.

([166]) Article 82 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, dite « loi Defferre ».

([167]) Loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.

([168]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

([169]) Article 8 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée.

([170]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([171]) 4° et 5° du II de l’article L. 6121-2 du code du travail.

([172]) I de l’article L. 6121-2 du code du travail.

([173]) Article L. 6121-1 du code du travail.

([174]) Article L. 6122-1 du code du travail.

([175]) Article L. 6122-3 du code du travail.

([176]) Article L. 6122-4 du code du travail.

([177]) Article L. 6121-4 du code du travail.

([178]) Article 18 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

([179]) Article 21 de l’accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels.

([180]) Article L. 6326-2 du code du travail.

([181]) Article 7 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([182]) Article L. 5134-19-1 du code du travail.

([183]) Article L. 5132-4 du code du travail.

([184]) Article L. 6326-4 du code du travail.

([185]) L’article renvoyait initialement aux contrats de professionnalisation à durée indéterminée mais il permet désormais la signature de tout contrat de professionnalisation d’une durée minimale de douze mois depuis la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels.

([186]) Article 22 de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels.

([187]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 144.

([188]) Massive Open Online Course.

([189]) https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/plan-d-investissement-2018-2022-former-2-millions-de-demandeurs-d-emploi

([190]) Source : Pôle emploi.

([191]) Article L. 5213-13 du code du travail.

([192]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 149.

([193]) Avis n° 407.112 du Conseil d’État sur le projet de loi pour le plein emploi, point 22, 1er juin 2023, p. 10.

([194]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([195]) Voir l’article 67 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

([196]) Loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés.

([197]) Toutefois, seul l’employeur de vingt salariés et plus est tenu d’employer des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (BOETH) mentionnés à l’article L. 5212-13 du code du travail dans la proportion minimale de 6 % de l’effectif total de ses salariés, en application des articles L. 5212-2 et L. 5212‑4 du même code.

([198]) La durée de trois ans peut être renouvelée une fois.

([199]) Le fonds est géré par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

([200]) Voir l’article 68 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

([201]) Voir l’article 69 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

([202]) Voir les articles 76 à 79 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

([203]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 155.

([204]) Ibid., p. 155.

([205]) On parle des demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (DEBOETH).

([206]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 155.

([207]) Rapport (n° 801, session ordinaire de 2022-2023) fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi pour le plein emploi par Mme Pascale Gruny, enregistré à la présidence du Sénat le 28 juin 2023, p. 92.

([208]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 156.

([209]) Article D. 5212-3 du code du travail.

([210]) Dares, L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en 2020 et 2021, Résultats, n° 54, novembre 2022, p. 2.

([211]) Ce taux est obtenu en rapportant le nombre de bénéficiaires en emploi direct dans les entreprises assujetties, en équivalent temps plein (ETP) et après majoration, à l’effectif attendu pour satisfaire l’obligation légale.

([212]) Dares, op. cit., p. 2.

([213]) Id.

([214]) Ibid., pp. 1-2.

([215]) Au quatrième trimestre de l’année 2022.

([216]) Soit les personnes qui se sont vues reconnaître la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

([217]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 156. Ces chiffres se rapportent à l’année 2020.

([218]) Ibid., p. 157.

([219]) Mentionnée à l’article L. 241-5 du code de l’action sociale et des familles.

([220]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dite loi 3DS).

([221]) Mentionnée à l’article L. 541-1 du code de la sécurité sociale.

([222]) Mentionnée à l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles.

([223]) Article L. 5213-2-1 du code du travail.

([224]) Article L. 5213-13-1 du code du travail.

([225]) Article L. 6222-2 du code du travail.

([226]) Article L. 6341-7 du code du travail.

([227]) Article D. 312-161-30 du code de l’action sociale et des familles.

([228]) Ne sont pas concernés par la modification les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (BOETH) mentionnés au 5° de l’article L. 5212-13 du code du travail, à savoir les bénéficiaires des emplois réservés mentionnés aux articles L. 241-3 et L. 241-4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

([229]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 163.

([230]) Id.

([231]) Id.

([232]) Voir le commentaire de l’article 9 du projet de loi.

([233]) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([234]) Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([235]) Un organisme de placement spécialisé dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Cap emploi – article L. 5214-3-1 du code du travail), Pôle emploi (article L. 5312-1 du code du travail) ou une mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes (article L. 5314-1 du code du travail).

([236]) Circulaire n° DGCS/SD3B/SD5A/DGEFP/METH/2021/237 du 31 décembre 2021 relative au fonctionnement et au déploiement des dispositifs emploi accompagné en mode plateforme.

([237]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 161.

([238]) Rapport (n° 801, session ordinaire de 2022-2023) précité, p. 94.

([239]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 162.

([240]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([241]) La durée du renouvellement ne peut excéder le terme de l’action de formation concernée.

([242]) Dans les conditions prévues aux articles L. 5135-1 et suivants du code du travail.

([243]) D’après les informations transmises par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

([244]) Id.

([245]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 174.

([246]) Rapport d’évaluation (n° 4922, XVe législature) de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel fait au nom de la commission des affaires sociales par Mme Catherine Fabre et M. Gérard Cherpion, M. Sylvain Maillard et M. Joël Aviragnet, Mme Carole Grandjean et Mme Michèle de Vaucouleurs, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2022, p. 205.

([247]) D’après les informations transmises à vos rapporteurs par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

([248]) Voir le chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie de ce code.

([249]) D’après les informations transmises par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

([250]) Le dispositif sera ouvert à l’ensemble des entreprises adaptées alors que l’expérimentation ne pouvait être mise en œuvre que par les entreprises adaptées agréées par le ministre chargé de l’emploi.

([251]) L’article L. 1251-58-1 du code du travail autorise une entreprise de travail temporaire (ETT) à conclure avec un salarié un contrat à durée indéterminée (CDI) pour l’exécution de missions successives.

([252]) Les 4°, 6° et 7° du I de l’article 8 modifient respectivement l’article L. 5213-13, les articles L. 5213-14 et L. 5213-18 et l’article L. 5213-15 du code du travail.

([253]) Voir le commentaire de l’article 9 du projet de loi.

([254]) Il s’agit des personnes mentionnées à l’article L. 351-5 du code général de la fonction publique.

([255]) Voir le décret n° 2020-1216 du 2 octobre 2020 relatif aux missions et aux conditions d’organisation et de fonctionnement des établissements et services de préorientation et de réadaptation professionnelle pour les personnes handicapées.

([256]) La liste des informations conservées sera définie par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle.

([257]) Le refus de prendre des mesures de cette nature peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L. 1133-3 du code du travail.

([258]) Aux termes de l’article L. 5213-10 du code du travail, « [l]’État peut attribuer une aide financière du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés à tout employeur soumis à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés afin de faciliter la mise ou la remise au travail en milieu ordinaire de production des personnes handicapées.

« Cette aide peut également être destinée à compenser les charges supplémentaires d’encadrement. »

([259]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([260]) La liste des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) est mentionnée à l’article L. 5212-13 du code du travail.

([261]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dite loi 3DS).

([262]) Par exemple, le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité (pacs) ou concubin, ou encore les enfants d’une personne invalide titulaire d’une pension militaire d’invalidité, d’une victime civile de guerre ou d’une victime d’un acte de terrorisme.

([263]) Voir le commentaire de l’article 8 du projet de loi.

([264]) Exposé sommaire de l’amendement n° 2030 présenté par le Gouvernement à l’occasion de la discussion à l’Assemblée nationale, en première lecture, du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([265]) Article R. 344-6 du code de l’action sociale et des familles.

([266]) Ou par son représentant légal s’il s’agit d’un mineur ou, s’il s’agit d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne qui n’est pas apte à exprimer sa volonté, par la personne chargée de cette mesure.

([267]) Article L. 5213-2 du code du travail.

([268]) Article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles.

([269]) Articles L. 344-2-4 et R. 344-16 du code de l’action sociale et des familles.

([270]) Article L. 1221-2 du code du travail.

([271]) Articles L. 1242-2 et L. 1242-3 du code du travail.

([272]) Article L. 1251-1 du code du travail.

([273]) Article L. 5134-20 du code du travail.

([274]) Article L. 5134-65 du code du travail.

([275]) Article L. 6221-1 du code du travail.

([276]) Article L. 6325-1 du code du travail.

([277]) Article L. 344-2-5 du code de l’action sociale et des familles.

([278]) Article L. 243-4 du code de l’action sociale et des familles.

([279]Annexe 3-9 du code de l’action sociale et des familles.

([280]) Article R. 243-6 du code de l’action sociale et des familles.

([281]) Articles L. 243-4 et R. 243-5 du code de l’action sociale et des familles.

([282]) Article L. 344-2-1 du code de l’action sociale et des familles.

([283]) Article L. 344-2-2 du code de l’action sociale et des familles.

([284]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 177.

([285]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dite loi 3DS).

([286]) Décret n° 2022-1561 du 13 décembre 2022 relatif au parcours professionnel et aux droits des travailleurs handicapés admis en établissements et services d’aide par le travail.

([287]) Voir le commentaire de l’article 8 du projet de loi.

([288]) Article R. 5213-1-2 du code du travail.

([289]) Article R. 243-3-1 du code de l’action sociale et des familles.

([290]) Décret n° 2022-1614 du 22 décembre 2022 relatif au calcul de l’allocation aux adultes handicapés en cas d’activité simultanée et à temps partiel en milieu ordinaire et dans un établissement et service d’aide par le travail.

([291]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 178.

([292]) Article R. 243-1 du code de l’action sociale et des familles.

([293]) Décret n° 2022-1561 du 13 décembre 2022.

([294]) Articles R. 243-12 et R. 243-13 du code de l’action sociale et des familles.

([295]) Article R. 243-11-1 du code de l’action sociale et des familles.

([296]) Article R. 243-13-1 du code de l’action sociale et des familles.

([297]) Article R. 344-7-1 du code de l’action sociale et des familles.

([298]) Cet article a été créé par le décret n° 2022-1561 du 13 décembre 2022.

([299]) Il s’agit des réunions prévues à l’article L. 2315-21 du code du travail.

([300]) Il s’agit de la commission prévue à l’article L. 2315-36 du code du travail.

([301]) En application des II et III de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale.

([302]) À titre d’illustration, le coût du financement d’une complémentaire santé par les établissements ou les services d’aide par le travail (ESAT) pour leurs travailleurs est évalué à 36 millions d’euros par le Gouvernement (étude d’impact accompagnement le projet de loi, p. 185).

([303]) Contrat de travail à durée indéterminée (CDI), contrat de travail à durée déterminée (CDD), contrat de travail temporaire, contrat unique d’insertion-contrat d’accompagnement dans l’emploi (CUI‑CAE), contrat unique d’insertion-contrat initiative‑emploi, contrat d’apprentissage ou contrat de professionnalisation.

([304]) Voir le commentaire de l’article 8 du projet de loi.

([305]) Convention d’objectifs et de gestion (COG) 2023-2027 entre l’État et la caisse nationale des allocations familiales, p. 13.

([306]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 190.

([307]) Les écoles préélémentaires et les salariés à domicile comptaient respectivement pour 5,5 % et 3,5 % des places d’accueil proposées (étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 190).

([308]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 191.

([309]) Direction générale du trésor, Les inégalités d’accès aux crèches et leurs enjeux économiques, n° 322, janvier 2023, p. 3.

([310]) Direction générale du trésor, op. cit., p. 7.

([311]) Il s’agit de crèches financées par la prestation de service unique (PSU).

([312]) Plusieurs phénomènes expliquent ce résultat : les difficultés liées au financement des projets éprouvées par les collectivités territoriales, l’insuffisance des terrains mobilisables pour la construction des structures, notamment dans les zones géographiques où la pression immobilière est forte, ou encore l’accentuation de la pénurie de professionnels de la petite enfance (étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 193).

([313]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 192.

([314]) Direction générale du trésor, op. cit., p. 9.

([315]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 191.

([316]) Igas, Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches, mars 2023.

([317]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 195.

([318]) En 2019, 60,4 % des enfants de 0 à 2 ans bénéficient d’un mode de garde formel contre 38,9 % en moyenne dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (direction générale du trésor, op. cit., p. 4).

([319]) Direction générale du trésor, op. cit., p. 5.

([320]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, pp. 191-192.

([321]) Direction générale du trésor, op. cit., p. 7.

([322]) Ibid., pp. 5-6.

([323]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 192.

([324]) Ibid., p. 213.

([325]https://www.caf.fr/sites/default/files/medias/cnaf/Nous_connaitre/qui%20sommes%20nous/Textes%20de%20r%C3%A9f%C3%A9rence/COG/COG%20Etat-Cnaf%202023-2027.pdf.

([326]) Convention d’objectifs et de gestion (COG) 2023-2027 entre l’État et la caisse nationale des allocations familiales, pp. 13-14.

([327]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044126586.

([328]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 193.

([329]) Direction générale du trésor, op. cit., p. 3.

([330]) Article L. 2324-1 du code de la santé publique.

([331]) Article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles.

([332]) Ordonnance n° 2021-611 du 19 mai 2021 relative aux services aux familles.

([333]) Dans les développements qui suivent, lorsqu’il est fait référence au préfet, il s’agit systématiquement du préfet de département.

([334]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 194.

([335]) Ibid., p. 193.

([336]) Rapport (n° 801, session ordinaire de 2022-2023) fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi pour le plein emploi par Mme Pascale Gruny, enregistré à la présidence du Sénat le 28 juin 2023, p. 114.

([337]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 193.

([338]) Circulaire 2020-01 du 16 janvier 2020 de la Caisse nationale des allocations familiales sur le déploiement des conventions territoriales globales (CTG) et des nouvelles modalités de financement en remplacement des contrats enfance jeunesse (CE), p. 4.

([339]) Id.

([340]) https://www.caf.fr/partenaires/convention-territoriale-globale

([341]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 202.

([342]) Il s’agit des matières relevant du 4° du II de l’article L. 2111-1 du code de la santé publique.

([343]) Il s’agit des modes d’accueil mentionnés aux 1° et 2° du I de l’article L. 214-1-1 du code de l’action sociale et des familles.

([344]) Il s’agit des modes d’accueil mentionnés au I de l’article L. 214-1-1 du code de l’action sociale et des familles.

([345]) Id.

([346]) Les communes de moins de 3 500 habitants comptent en moyenne moins de vingt enfants de moins de trois ans et six naissances par an.

([347]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 203.

([348]) Il s’agit des particuliers mentionnés au 4° de l’article L. 133-5-6 du code de la sécurité sociale.

([349]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 203.

([350]) Le nombre d’habitants dont il est tenu compte correspond à la population totale de l’ensemble des communes ayant transféré leur compétence d’autorité organisatrice.

([351]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 204 (données au 1er janvier 2023).

([352]) À l’heure actuelle, le schéma pluriannuel de développement des services aux familles peut être élaboré par l’ensemble des communes sur le fondement de l’article L. 214-2 du code de l’action sociale et des familles.

([353]) Prévues au II de l’article L. 214-1-1 du code de l’action sociale et des familles.

([354]) Défini à l’article L. 214-5 du code de l’action sociale et des familles.

([355]) Mentionné à l’article L. 214-5 du code de l’action sociale et des familles.

([356]) « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

([357]) L’article L. 214-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit actuellement que les communes membres d’établissements publics de coopération intercommunale peuvent déléguer à ceux-ci le soin d’établir le schéma pluriannuel de développement des services aux familles.

([358]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 206.

([359]) Ces modifications pourront être apportées par le préfet ou l’autorité organisatrice.

([360]) En application de l’article L. 2324-1 du code de la santé publique.

([361]) La région est chargée par l’article L. 451-2 du code de l’action sociale et des familles de la définition et de la mise en œuvre de la politique de formation des travailleurs sociaux.

([362]) Étude d’impact accompagnant le projet de loi, p. 200.

([363]) Exposé sommaire de l’amendement COM-236.

([364]) Exposé sommaire de l’amendement COM-239.

([365]) Exposé sommaire de l’amendement n° 636.

([366]) La précision selon laquelle l’adaptation se ferait par voie réglementaire est issue d’un sous-amendement de la rapporteure.

([367]) Article 81 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([368]) Article 81 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 précitée.

([369]) Article 77 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([370]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13840769_650856d4301db.commission-des-affaires-sociales--m-olivier-dussopt-ministre-du-travail-sur-le-projet-de-loi-pou-18-septembre-2023               

([371])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13840769_650856d4301db.commission-des-affaires-sociales--m-olivier-dussopt-ministre-du-travail-sur-le-projet-de-loi-pou-18-septembre-2023             

([372]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13843010_65089beeda504.commission-des-affaires-sociales--examen-du-projet-de-loi-pour-le-plein-emploi-suite-18-septembre-2023             

([373])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13845572_65099a31c2020.commission-des-affaires-sociales--examen-du-projet-de-loi-pour-le-plein-emploi-suite-19-septembre-2023

([374]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13849762_6509f42eb333e.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-pour-le-plein-emploi-suite-19-septembre-2023

([375])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13851567_650a9d4c5bb4d.commission-des-affaires-sociales--examen-du-projet-de-loi-pour-le-plein-emploi-suite-20-septembre-2023

([376])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13859055_650aea9eb31f5.commission-des-affaires-sociales--examen-du-projet-de-loi-pour-le-plein-emploi-suite-20-septembre-2023

([377])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13864476_650b3ec8a5f1c.commission-des-affaires-sociales--examen-du-projet-de-loi-pour-le-plein-emploi-suite-20-septembre-2023